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Dédicace
COLLECTION U • PSYCHOLOGIE
Remerciements
Avant-propos
Bases neuro-anatomiques
Fondements historiques
Conclusion
L'examen neuropsychologique
Conclusion
CHAPITRE 3 - La mémoire
Introduction
Conclusion
Conclusion
Conclusion
Conclusion
Conclusion
Notions de neuroanatomie
Conclusion
Conclusion
CHAPITRE 10 - Contributions de la neuroimagerie fonctionnelle à la
neuropsychologie
Introduction
Conclusions
Conclusions générales
BIBLIOGRAPHIE
GLOSSAIRE
INDEX THÉMATIQUE
© Armand Colin, 2007 pour cette 2e édition
© Armand Colin, 2005
978-2-200-25681-4
Illustration de couverture : © Bettmann/CORBIS
Collection U
L. CHANQUOY, A. TRICOT et La charge cognitive, 2007.
J. SWELLER
A. CHALON-BLANC Inventer, compter et classer. De Piaget aux débats actuels, 2005.
J.-F. RICHARD Les activités mentales, 2004, 4e édition.
S. et P. ANGEL Les toxicomanes et leurs familles, 2003.
C. BONNET, F. LESTIENNE Percevoir et produire le mouvement, 2003.
Collection Cursus
V. ROUYER La construction de l'identité sexuée, 2007.
N. FIORI Les neurosciences cognitives, 2006.
J.-F. BRAUNSTEIN, É. Histoire de la psychologie, 2005, 2e édition.
PEWZNER
E. SPINELLI, L. FERRAND Psychologie du langage. L'écrit et le parlé, du signal à la
signification, 2005.
E. SIÉROFF La neuropsychologie. Approche cognitive des syndromes
cliniques, 2004.
S. NICOLAS Mémoire et conscience, 2003.
Collection Sociétales
Y. GINESTE, J. PELLISSIER Humanitude, 2007.
C. GORE L'adoption, 2007.
C. DURIF-BRUCKERT La nourriture et nous, 2007.
M. ANAUT Soigner la famille, 2005.
A. CHANNOUF Les influences inconscientes. De l'effet des émotions et des
croyances sur le jugement, 2004.
Un grand merci à Olivier Després et Anne Emmanuel qui ont pris le
temps de lire le manuscrit, pour leurs commentaires toujours intéressants.
La première édition de cet ouvrage a été écrite au cours d'un semestre
(2005) de l'année de CRCT (CNU 69e section, Neurosciences) accordée par
le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la
Recherche.
Avant-propos
« Il faut savoir que la source du plaisir, de la joie, du rire, du
divertissement tout comme celle du chagrin, de la douleur, de l'anxiété et
des larmes, n'est nulle part ailleurs que dans le cerveau. C'est cet organe
qui nous permet de penser, d'écouter, de faire la distinction entre la laideur
et la beauté, le mal et le bien, l'agréable et le désagréable... C'est le cerveau
également qui est le siège de la folie et du délire, des peurs et des frayeurs
qui nous assaillent, souvent la nuit, mais aussi le jour; c'est là où se
trouvent les causes de l'insomnie et du somnambulisme, des pensées qui
fuient, des devoirs oubliés et des excentricités. »
La « Collection Hippocratique » (environ 425 av. J.-C., in Marshall, 2003)
Fondements de la neuropsychologie
Introduction
Bases neuro-anatomiques
En raison de son fonctionnement dynamique, de sa connectivité et de ses
relations avec le corps et le monde extérieur, le cerveau humain est un
système unique qui se trouve parmi les objets les plus complexes de l'univers.
Une raison en est, certes, d'ordre quantitatif : plus de 100 milliards de cellules
nerveuses et de 50 classes différentes détectées à ce jour. Ce sont des données
impressionnantes, mais il existe une autre raison. Par-delà la surabondance de
cellules nerveuses et de types de ces cellules, il a été suggéré qu'il n'existe pas
deux neurones identiques. Cette spécialisation au niveau cellulaire, ainsi que
le degré inimaginable de complexité de leurs connexions et de leurs réseaux,
sont les éléments qui confèrent au cerveau sa singularité. On estime que dans
le cortex cérébral, qui possède à lui seul 30 milliards de neurones, ces
connexions s'élèvent à un million de milliards. À partir de ces données, le
nombre de circuits neuronaux possibles serait de 10 suivi d'un million de
zéros. Ce nombre hyperastronomique dépasse largement toute estimation du
nombre de particules dans l'univers connu (Edelman et Tononi, 2000). Ce
système unique et mystérieux, puisque encore largement inconnu, occupe un
petit volume avec un poids d'environ 1,2 kg qui correspond à la masse
encéphalique. Comme le cerveau n'a pas de squelette et que la masse
encéphalique subirait une pression si elle s'appuyait sur la base de la boîte
crânienne, la solution « trouvée » par l'Évolution est que le cerveau flotte dans
le liquide céphalo-rachidien, secrété par les ventricules (latéraux, troisième et
quatrième) et qui, grâce aux villosités arachnoïdiennes, se renouvelle
constamment.
Neuro-anatomie fonctionnelle
Il s'agit, dans 80 % des cas, des accidents par ischémie, due au manque
d'oxygène et de glucose par diminution pathologique du débit sanguin (voir la
figure D). Le reste des cas sont des accidents par hémorragie (rupture des
vaisseaux sanguins pouvant provoquer un hématome et, en conséquence, une
augmentation de la pression intra-crânienne). Dans les pays développés, les
AVC sont la troisième cause de mortalité, mais la première cause de handicap
acquis de l'adulte. Du point de vue des fonctions, une partie importante des
symptômes physiques et cognitifs a été décrite sur la base de la localisation
des AVC. Ainsi, l'artère cérébrale moyenne alimente les lobes temporaux et
pariétaux et certaines aires latérales des lobes occipitaux et frontaux. Dans le
cas d'une ischémie, on observe alors des hémiplégies et des hémianopsies. À
gauche, elle entraîne principalement des aphasies et des apraxies ; à droite,
l'héminégligence attentionnelle, l'anosognosie et l'asomatognosie (voir
glossaire). L'ischémie de l'artère cérébrale antérieure, qui alimente
prioritairement les parties médianes du lobe frontal, provoque des troubles
frontaux et des hémiplégies des membres inférieurs. Finalement, l'artère
cérébrale postérieure, ou plus en arrière, l'artère basilaire, irrigue le tronc
cérébral, le cervelet, les lobes occipitaux et la face interne des lobes
temporaux. Une ischémie peut alors entraîner une grande variété de
symptômes : depuis des paralysies oculomotrices et des hémianopsies
jusqu'aux déficits de l'imagerie mentale, et aussi des agnosies visuelles (voir
chapitre 5). Des tableaux amnésiques sont aussi fréquemment décrits (lobes
temporaux médians; voir chapitre 3).
Les épilepsies
Fondements historiques
Conclusion
Méthodes d'évaluation
Introduction
L'examen neuropsychologique
Les tests
L'attention
Conclusion
La mémoire
Introduction
Les processus mnésiques sont des opérations précises qui traitent l'information
à des étapes distinctes. Les trois processus, encodage, stockage et récupération,
interagissent selon certaines règles opératoires fondamentalement différentes en
fonction du système.
- L'encodage est l'identification et l'association de l'information perçue. Ce
processus est intact dans la plupart des cas d'amnésie.
- Le processus de consolidation ou stockage de l'information comprend la
formation d'un « engramme » ou trace mnésique. En termes
neurophysiologiques, il s'agit très vraisemblablement de la formation de
nouvelles configurations neuronales nécessitant la participation de
structures cérébrales variées et intactes. Le déficit de stockage est la cause
la plus fréquente d'amnésie.
- Le processus de récupération consiste en l'interaction d'indices externes
(par exemple un mot, une mélodie) avec l'information stockée. Cette
interaction ou « ecphorie » (mise en résonance), réactive les représentations
mentales telles qu'elles avaient été formées lors de l'encodage. La
récupération d'un souvenir serait ainsi la manifestation de l'ecphorie réussie.
En situation de test, le processus de récupération est évalué en proposant
des tâches de rappel libre (aucune aide externe n'est fournie), de rappel
indicé (en donnant, par exemple, les premières lettres ou la catégorie de
l'item à rappeler) et de mémoire de reconnaissance (les stimuli présentés
faisant partie de l'apprentissage sont présentés une deuxième fois parmi des
distracteurs). Le processus de récupération de l'information peut être
sélectivement endommagé en cas de lésion, suggérant alors plus un
phénomène d'inaccessibilité aux souvenirs que l'effacement des traces
mnésiques, l'effacement étant caractéristique du syndrome amnésique
(trouble antérograde et rétrograde).
La mémoire en fonction du temps, comporte un système d'enregistrement
sensoriel d'une durée de quelques millisecondes (mémoires iconique et
échoique), trop précoce dans le traitement de l'information pour être étudié dans
la clinique neuropsychologique. Il est « suivi » de systèmes de mémoire à court
terme (MCT) et de mémoire de travail (MT). Le système de mémoire à long
terme (MLT) est celui dont le dysfonctionnement est au centre des consultations
neuropsychologiques. Sa fonction normale se caractérise par une rétention d'une
quantité illimitée d'informations pouvant durer toute la vie.
L'étude des systèmes mnésiques d'après le contenu de l'information, prend en
considération uniquement la MLT.
Considérations neuro-anatomiques
Les régions corticales dont l'activité est associée avec la mémoire à court
terme sont les suivantes (Gathercole, 1999) :
- MCT phonologique. Le stockage active le lobe pariétal postérieur au
niveau de BA 40, dans l'hémisphère gauche. La réitération ou répétition
(rehearsal) est associée à l'aire de Broca et l'AMS (BA 44,6), également à
gauche.
- MCT spatiale. Cette fonction de la mémoire active le lobe préfrontal (BA
47), le stockage spatial associe le lobe occipital antérieur et la jonction
occipito-pariétale (BA 19,40) et la réitération, le lobe pariétal postérieur et
l'AMS (BA 40,6). Toutes ces régions activées lors de tâches de la MCT
spatiale sont localisées dans l'hémisphère droit.
- La mémoire de travail ou fonction frontale. Les aires impliquées sont le
cortex préfrontal dorsolatéral à gauche (BA 9,10,44) et dorsolatéral bilatéral
(BA 45,46).
La dimension explicite-implicite
C'est dans son travail de 1985 que Tulving introduit les composantes centrales
du concept de mémoire épisodique autobiographique : « Nous utilisons le terme
de conscience autonoétique (qui se connaît) pour le type de conscience qui
souligne la connaissance de sa propre existence et qui identifie les événements
en fonction d'un temps subjectif, qui court du passé personnel au présent et au
futur personnel » (Tulving, 1985, p. 10 ; italiques ajoutées). En 1983, la mémoire
épisodique est distinguée plus nettement des autres systèmes neurocognitifs
comme l'acte de se rappeler le contenu, le lieu et le moment d'un événement et
d'en être conscient. En 2001, entre autres, Tulving mettra au centre de sa
définition le temps subjectif : « la conscience autonoétique de nos expériences,
vécues dans une continuité temporelle et appréhendée selon notre propre
subjectivité, qui s'étend dans les deux directions, en arrière vers le passé sous
forme de souvenirs et en avant, vers le futur, sous forme de "penser à" ou
imaginer ou planifier l'avenir» (Tulving, 2001, p. 1506).
Voyons un exemple : le souvenir d'un voyage au désert (de cette nuit-là passée
à la belle étoile, du silence, de la lumière et des couleurs au lever du soleil, du
froid intense, de l'étendue à perte de vue du relief sablonneux...) nous ramène au
lieu, nous fait ressentir l'émotion du moment, nous permet de le re-vivre. Cette
capacité, soit d'aller vers le passé, soit de vivre d'avance (si au lieu d'un souvenir
il s'agit d'un projet), nécessite également que la conscience autonoétique et le
sens de soi permettent à l'individu de savoir que c'est lui l'acteur de l'évocation
présente et de l'événement évoqué, de savoir que le contenu du souvenir est réel,
et non un rêve, que le contenu de l'événement projeté est réalisable et non une
fiction.
La perte de la mémoire autobiographique, observée chez un patient
neurologique, est décrite dans le contexte de la neuropsychologie clinique.
Cependant la conceptualisation de la mémoire autobiographique, de par sa
nature, comporte à la base des notions qui n'appartiennent pas uniquement à la
neuropsychologie, mais qui peuvent avoir des connotations philosophiques.
Récemment, ces concepts ont été soumis à l'analyse de la neuroimagerie
fonctionnelle. Nous allons développer dans le présent paragraphe les idées qui
ont façonné la théorisation de la mémoire de soi, en donnant un aperçu des
substrats neuroanatomiques qui la sous-tendent. Ces substrats sont abordés avec
bien plus de détail, au moyen de résultats en neuroimagerie fonctionnelle, dans le
chapitre 10.
D'un point de vue clinique, la mémoire autobiographique a été caractérisée par
Tulving à partir de l'étude approfondie du patient KC (Tulving, 1985 ; Tulving et
al., 1988). À l'âge de 30 ans, ce patient est victime d'un accident de la voie
publique avec comme conséquence un traumatisme crânien grave, qui cause un
hématome sous dural (nécessitant une intervention chirurgicale) et entraîne trois
jours de coma. L'IRM montre une atrophie corticale diffuse, des contusions au
niveau de la matière blanche des régions fronto-pariétales à gauche et pariéto-
occipitales à droite. Par ailleurs, il a un infarctus dans le réseau de l'artère
cérébrale postérieure. Ces lésions bilatérales se traduisent au niveau
comportemental par un déficit massif et sélectif de la mémoire autobiographique.
Ses connaissances sémantiques sont préservées : il sait où il a fait ses études, où
il a travaillé, il sait qu'il avait une moto Honda® noire qui a provoqué son
accident, il sait que son frère est mort et comment il est mort, mais aucune
sensation, aucun détail, aucune émotion n'accompagnent l'évocation de ces faits
qu'il peut décrire mais non pas revivre. Un quart de siècle plus tard, Tulving
écrit : « KC possède un "self" noétique (qui sait, qui connaît), mais il a perdu le
"self" autonoétique (capable de se projeter vers l'avenir, de voyager dans le
temps ou de revivre ses souvenirs) » (Tulving, 2005 ; p. 29).
À partir des multiples observations de KC, des années durant, Tulving décrit
un premier concept définitoire, la chronesthésie (du latin chronos, temps et du
grec aisthésis, sensation) : le temps subjectivement appréhendé comme le temps
d'un événement évoqué, diffère du temps physique et biologique dans lequel la
mémoire épisodique opère. Ce concept inclut le voyage mental vers l'avenir ou «
chronesthésie proscopique » (du latin prospectus, vers l'avenir et du grec
skopein, regarder). Une partie très importante de notre vie mentale quotidienne
dépend de notre capacité de nous projeter dans des actions qui sont à venir, dans
les minutes, les jours, les semaines qui suivent. La clinique montre que les
patients qui ont perdu la capacité de se souvenir des événements personnels sont
également incapables de se projeter vers l'avenir. Les patients décrivent « le
même vide » quand ils cherchent des souvenirs ponctuels que quand ils essaient
de se voir dans l'avenir proche ou lointain. Le temps subjectif, dans les deux
directions temporelles, dit Tulving (2005), est au temps physique ce que l'énergie
contenue dans un stimulus physique est au vécu psychologique.
Un des antécédents de cette notion semble se trouver dans l'œuvre d'Henri
Bergson, qui distingue le temps mesurable de la durée vécue. La durée vécue est
conçue par Bergson comme la réalité de « notre propre personne dans son
écoulement à travers le temps (...) si nous considérons notre durée comme un
simple cheminement vers la vieillesse, elle nous apparaîtra comme le
déroulement d'un rouleau, mais puisque notre passé tout entier nous suit, la durée
peut être comparée à un enroulement continuel comme celui d'un fil sur une
pelote» (Bergson, 1963, p. 1396-1397). C'est cette notion d'accumulation des
expériences formant l'identité de chacun, qui est touchée chez les patients
amnésiques autobiographiques et qui dans certains cas peut provoquer chez le
clinicien, l'impression qu'au-delà de leur mémoire, c'est la continuité de l'identité
des patients qui a été endommagée par la lésion. Ainsi la patiente CH (Manning,
2002) disait « je sais que j'ai fait beaucoup de voyages avant mon accident, j'ai
dû rencontrer beaucoup de monde, faire beaucoup de choses puisque c'est bien
moi sur les photos ».
Un deuxième concept définitoire mentionné précédemment est le niveau de
conscience nécessaire pour revivre des événements passés. Ce niveau
autonoétique diffère fondamentalement du niveau de conscience noétique,
suffisant pour connaître ces événements. Cette différence est au cœur de la
distinction des deux systèmes mnésiques, épisodique - autobiographique et
sémantique. Un antécédent de la conscience autonoétique apparaît dans l'œuvre
de William James : « Revivre un souvenir implique un sentiment direct, son
contenu est immergé dans une chaleur et une intimité qu'aucun contenu
conceptuel ne pourrait atteindre » (James, 1890 ; p. 239, in Wheeler et al., 1997).
À partir d'un cadre théorique différent, les relations entre le soi et la mémoire
ont été étudiées par Conway (surtout dans son travail de 2005) au sein d'un
modèle théorique basé sur une vision dynamique de la cognition humaine, où la
mémoire de soi est considérée comme étant essentiellement une mémoire
motivée. Pour Conway, le soi est la condition du développement de la mémoire
autobiographique et les interactions entre le soi et la mémoire de soi établissent
une influence réciproque : les éléments autobiographiques ont interagi avec le soi
dans le passé; ces éléments façonnent le soi présent et ses possibilités de devenir.
De manière complémentaire, le soi, à son tour, module l'accès aux éléments
autobiographiques. Cette constante interaction donne lieu à deux situations selon
l'ancienneté ou la récence des souvenirs : la cohérence et la correspondance entre
le sens de soi et le vécu autobiographique. Les notions de cohérence et de
correspondance ont été abordées pour la première fois par Bertrand Rusell en
1912 (in Conway, 2005). S'inspirant de cette conceptualisation, Conway voit la
cohérence comme le facteur qui intervient au moment de l'encodage, et du ré-
encodage. L'accès aux souvenirs et aux contenus des souvenirs se réalise de
manière à maintenir la cohérence entre un contenu donné et le soi, l'image de soi,
les motivations en cours et le cadre de références dans lequel l'individu s'est
construit. Cette cohérence est possible, chez le sujet sain, grâce à la nature
dynamique de la mémoire qui construit une partie des événements vécus. Ces
déformations, objectivement étudiées dans des protocoles expérimentaux de
mémoire de reconnaissance ont pour but, selon Conway, le maintien de la
cohérence. Les contradictions franches entre le soi et les événements ont lieu
uniquement chez le patient cérébro-lésé ou le patient atteint d'un déficit
neurodéveloppemental tel que celui de la schizophrénie. Voyons quelques
exemples de cette rupture de cohérence. Le patient cérébro-lésé suivi par
Downes et Mayes (1994) se rappelait de manière répétitive d'une dispute
violente qu'il avait eue avec son père la veille, tout en se rappelant de
l'enterrement de son père trois années auparavant. Dans ce cas de figure, il
semble que la chronesthésie soit éclatée en raison de la perte d'interaction
provoquée par la lésion, entre le soi et les souvenirs de soi.
Toujours dans un cadre de cognition motivée, la notion de correspondance est
considérée par Conway et al. (2004) du point de vue de l'évolution. Pour
survivre, un organisme doit pouvoir stocker tant les processus mis en œuvre pour
l'obtention d'un but que les résultats de la démarche. Dans ce contexte, il existe
une correspondance entre la mémoire et l'expérience vécue. Cependant, si le
système gardait en mémoire le déroulement précis et détaillé de chaque instant
de l'expérience, il arriverait à une situation de saturation du stockage et de la
récupération. La solution consiste en la formation de représentations
conceptuelles des expériences vécues. Dans certaines conditions neurologiques,
cette solution n'est plus disponible. Il s'installe, chez le patient amnésique
antérograde, une répétition des phrases, des actions, des comportements concrets.
Ainsi, un patient suivi par Wilson et al. (1995) notait ses impressions dans
plusieurs cahiers. Il lui arrivait d'écrire à quelques minutes d'intervalle la même
phrase encore et encore, à savoir qu'il venait de se réveiller, qu'il revenait à la
vie, qu'il avait été mort. Cette fixation dans un seul élément de l'expérience
vécue, associée à l'oubli au fur et à mesure, fige sur un seul point dans le temps
et dans l'espace, la correspondance entre la mémoire de soi et le soi.
En résumé, chez le sujet sain, les souvenirs récents se construisent autour de la
correspondance; les souvenirs anciens se reconstruisent en privilégiant la
cohérence. Chez le patient cérébro-lésé, la correspondance est fortement affectée
dans l'amnésie antérograde et la correspondance dans l'amnésie rétrograde.
Une vue d'ensemble de ces concepts indique une complexité des processus
psychologiques et des manifestations de cette complexité dans la clinique. A
savoir, les troubles de la mémoire autobiographique sont les plus fréquents; cette
mémoire est plus vulnérable que tous les autres systèmes mnésiques. Ces
observations renvoient à l'apparition tardive de la mémoire épisodique. En effet,
du point de vue de l'ontogenèse, la mémoire de soi se construit en même temps
que le langage, la narrative et la capacité à résoudre des problèmes. L'ensemble
de ces fonctions se développe chez l'enfant pendant les premières années de la
vie, ce qui expliquerait l'amnésie infantile qui est vue par Tulving comme un
déficit spécifique de la mémoire autobiographique et non de la mémoire
sémantique. L'adulte ne peut pas accéder aux expériences personnelles qui ont eu
lieu dans ses premières années, très probablement parce qu'elles n'ont pas été
enregistrées comme telles.
Du point de vue de la phylogenèse, Tulving, dans un travail récent, assoit la
notion d'une mémoire épisodique autobiographique exclusivement humaine,
intégrant la capacité de projection dans l'avenir : « Anticiper, penser à et préparer
et planifier de manière explicite ou implicite son avenir personnel semble être
une activité humaine par excellence ("thoroughly quintessential human activity",
Tulving, 2005, p. 12, italiques ajoutés) ». L'émergence d'une conscience
autonoétique capable d'envisager l'avenir marque le point tournant le plus
important dans la phylogenèse. Tout d'abord, l'homo sapiens change sa relation
avec la nature. Il passe d'une occupation concrète (i.e., se nourrir, s'abriter, se
protéger des prédateurs) à une anticipation de ses problèmes, anticipation qui
engendre le besoin de prévoir l'avenir, de tenir compte de la durée et de
l'imprédictibilité des événements. Cette anticipation comporte la mise en place
de tentatives qui visent à mitiger l'appréhension de l'inconnu. Se laissant aller à
la spéculation, on peut dire que les fondements de la philosophie sont en
préparation, en définissant la philosophie comme le désir de passer de l'amour
(philos) de la sagesse (sophia) à la possession de la sagesse. Cet élan, à l'origine
des premières expressions philosophiques de la Grèce antique, pourrait être vu,
parmi bien d'autres manifestations humaines, comme une conséquence de ce
dernier acquis phylogénétique qu'est la mémoire autobiographique.
Corballis (2003), pour sa part, considère que le développement de la mémoire
épisodique autobiographique est contemporain à celui de la théorie de l'esprit
(voir chapitre 8) et du développement du langage syntaxique. Le concept qui lie
ces différents acquis est pour Corballis la « fonction récursive ». Issue
directement du modèle mathématique, cette fonction qualifie la génération des
termes dans une séquence, sachant que chaque nouveau terme inclut
impérativement des éléments des termes précédents (e.g de syntaxe : ce vélo a
été réparé par Jacques / Le vélo qui a été réparé par Jacques est dans le jardin /
Le vélo qui a été réparé par Jacques est dans le jardin qui est à gauche de la
maison / Le vélo qui a été réparé par Jacques est dans le jardin qui est à gauche
de la maison qui est près du lac... E.g. de la théorie de l'esprit : Je pense qu'il sait
/ Je pense qu'il sait que je sais / Je pense qu'il sait que je sais qu'il sait / Je pense
qu'il sait que je sais qu'il sait que je suis au courant... E.g. de mémoire
autobiographique : Je me rappelle le jour où je l'ai entendu / Je me rappelle le
jour où je l'ai entendu car il avait éveillé en moi le souvenir de quelqu'un / Je me
rappelle le jour où je l'ai entendu car il avait éveillé en moi le souvenir de
quelqu'un que je n'ai plus revu depuis...). La fonction récursive est ainsi
considérée comme la propriété qui a insufflé le développement des capacités de
base, développement qui a rendu possible la flexibilité mentale et la créativité
qui caractérise notre espèce. Ces processus récursifs appliqués plus directement à
la mémoire épisodique auraient permis de combiner et recombiner les éléments
mnésiques donnant lieu à la génération d'une multiplicité de représentations
potentielles permettant le voyage mental vers le passé et vers le futur.
Corballis (2003) situe l'émergence du voyage mental vers le passé et vers
l'avenir bien avant l'homo sapiens qui apparaît il y a 200 000 années. Selon cet
auteur, le développement du langage syntaxique, de la théorie de l'esprit et de la
mémoire épisodique aurait débuté, il y a environ deux millions d'années, lorsque
l'homo erectus migrait hors du continent africain.
Considérations neuro-anatomiques
La mémoire prospective2
Le comportement guidé par une intention implique l'existence d'un but qui
dirige l'intention (purposive goal-directed behaviour) ; l'intention requiert donc la
participation des processus mnésiques prévisionnels. Il s'agit, en effet, de
l'encodage et du maintien ou stockage des traces mnésiques concernant
l'anticipation sous la forme d'intention de réaliser une action. Cette mémoire
prospective nous permet d'accomplir d'innombrables actes et gestes nécessaires
au déroulement normal de notre vie quotidienne.
L'observation clinique des patients qui souffrent de lésions des lobes frontaux
met en évidence un effet délétère sur les activités de la vie quotidienne, alors
même que les fonctions cognitives sont majoritairement ou parfaitement
préservées. Il s'agit donc de troubles qui n'affectent ni le raisonnement général, ni
les systèmes mnésiques autres que la mémoire prospective mais qui sont
suffisamment graves pour l'emporter sur leurs fonctions normales.
Lorsqu'un patient est incapable de réaliser les actions qu'il conçoit et planifie
sans difficulté, deux cas de figure peuvent exister : soit le déficit à l'origine rend
impossible l'exécution de l'action elle-même ; ces cas cliniques ne font pas l'objet
du présent chapitre. Soit le déficit affecte la capacité de passer de l'intention à
l'action. C'est ce type de trouble qui sera abordé dans les paragraphes suivants.
Le cas de Phineas Gage, décrit par Harlow en 1868, constitue le premier
rapport détaillé d'un patient chez qui l'intention dirigée vers un objectif ne se
traduisait plus en action :
« Il conçoit beaucoup de projets pour des actions dans l'avenir qui, aussitôt
planifiées, sont abandonnées et remplacées par d'autres, apparemment plus
facilement réalisables » (in Miller, 1993). Un cas plus récent est le patient EVR
(Eslinger et Damasio, 1985), qui, après l'exérèse d'un méningiome bilatéral
orbitofrontal, présente un QI très supérieur (130). Sa performance s'est avérée
satisfaisante aux nombreux tests neuropsychologiques évaluant, entre autres, les
fonctions attribuées aux lobes frontaux. Cependant, depuis son opération, EVR
présente des troubles du comportement qui se soldent par plusieurs
licenciements, la perte du capital accumulé durant toute sa vie active avant sa
maladie, la perte de l'argent emprunté à sa famille et à ses amis. Il divorce, se
remarie et divorce à nouveau en moins de deux ans.
Plusieurs autres cas s'ajoutent à ces deux patients princeps. Ainsi à titre
d'exemple, Shallice et Burgess (1991) ont étudié 3 patients, AP, DN et FS. Le
patient AP est probablement le plus représentatif de cette série. Il avait souffert
d'un traumatisme crânien avec fracture de la fosse antérieure ; les résultats de la
tomodensitométrie montraient des lésions frontales bilatérales. AP était
incapable de réaliser les activités de la vie quotidienne sans une incitation
externe et il lui était impossible d'exprimer ce qu'il allait ou souhaitait faire dans
les jours ou dans les heures à venir. Von Cramon et von Cramon (1994) ont
étudié un cas similaire, le patient GL ; Duncan et al. (1995), le cas DS ; Manning
et Coin (1996), le patient PB (voir chapitre 8où il est décrit sous le nom de
Monsieur T), et Goel et Grafman (2000), le patient PF.
L'intérêt de considérer un ensemble de cas uniques, repose sur la possibilité de
détecter des fonctions intactes et des troubles qui sont présents dans la plupart
des cas. Pour commencer par les fonctions préservées, aucun de ces patients ne
montre de signes de difficulté aux tests de raisonnement verbal et non-verbal (et
il s'avère que tous ces patients présentent un QI supérieur). La performance aux
tests de mémoire antérograde est intacte, sauf pour les patients DN et FS chez
qui l'on observe un déficit léger. Le langage et les fonctions visuo-perceptives et
spatiales sont normaux et, fait plus important, les fonctions exécutives attribuées
aux lobes frontaux, telles que l'attention, le maintien on-line et la manipulation
de l'information, la génération des stratégies, la flexibilité mentale ou la prise en
compte du feedback, sont largement ou parfaitement préservées dans tous les
cas. A partir de ces constatations, on peut donc affirmer que les déficits
comportementaux ne sont pas le reflet de l'altération de fonctions exécutives.
Quant aux déficits présents chez ces patients, une synthèse basée sur des données
quantitatives se heurte à l'absence quasi totale de tests proposés en séance
d'évaluation tels que ceux utilisés pour les fonctions cognitives, précédemment
commentées. En effet, les déficits dont souffrent ces patients, à savoir une
incapacité d'adaptation à des contraintes temporelles et des troubles de
l'actualisation de la mémoire prospective, sont issus de situations réelles et
complexes. Les difficultés des patients émergent dans des situations qui
nécessitent une structuration d'objectifs, en l'absence de contraintes externes bien
définies. Ces difficultés sont, en conséquence, très rarement mises en évidence
dans les conditions d'examen de la clinique neuropsychologique. Le Six
Elements Test (SET ; Burgess et al., 1996 ; voir chapitre 8) et le Greenwich Test
(Burgess et al., 2000) sont, très probablement, les seules tâches qui visent la
quantification des situations de vie réelle en sollicitant de manière ciblée la
mémoire prospective. Le Greenwich Test a moins de sous-tests et plus de règles
à rappeler que le SET, mais les bases théoriques et pratiques sont similaires.
L'analyse des résultats à ces tests, ainsi que la comparaison avec les scores aux
autres épreuves sensibles aux troubles des lobes frontaux, montrent que ces
derniers sont insensibles aux troubles de la mémoire prospective. Sur cette base,
Burgess et al. (2001) suggèrent que les différentes étapes qui mènent à la
concrétisation de l'action anticipée dépendent d'un ensemble de processus
cognitifs différent de celui mis en œuvre lors des tests des fonctions frontales.
De ces deux fonctions altérées, la capacité d'adaptation à des contraintes
temporelles et la mémoire prospective, toutes deux liées à l'anticipation, seule la
mémoire prospective a fait l'objet d'une recherche sinon abondante, du moins
suffisamment articulée pour tenter une synthèse.
Les conséquences délétères des troubles de la mémoire prospective ont été
étudiées par Damasio et al. (1996), dans le cadre de son modèle des marqueurs
somatiques. Son point de départ est que les systèmes frontaux élaborent et
déclenchent une réponse comportementale en tenant compte des données de
l'environnement et des données cognitives et émotionnelles stockées dans la
mémoire. Notamment, il attire notre attention sur l'inscription végétative qui
accompagne la trace mnésique dans l'organisation neuronale du stockage des
situations vécues. La mémoire du lien entre une catégorie donnée de situations
vécues et un état somatique correspondant, serait, normalement, stockée de
manière permanente. En cas de lésion affectant les zones ventro-médianes des
lobes frontaux, c'est la mémoire de ce lien qui serait endommagée. Le patient se
rappelle les situations vécues sans difficulté et présente des réactions somatiques
(au niveau électrodermal) tout à fait normales, cependant, il lui est très difficile
d'anticiper soit une action, soit les conséquences de ses actions. Pour leur part,
Shallice et Burgess (1991) et Burgess (2000) proposent – dans le cadre du
modèle du système attentionnel de supervision (SAS de Norman et Shallice,
1986) – l'hypothèse des marqueurs intentionnels et des marqueurs temporaux.
Préalablement à la conception de leur hypothèse, les auteurs ont constaté que les
patients présentent un niveau normal de motivation pour la réalisation des tests et
qu'ils comprennent et se rappellent sans difficulté les objectifs proposés. Ils
suggèrent donc que la motivation étant préservée, ce serait le lien entre celle-ci et
le but à réaliser qui serait lésé. Cette suggestion est basée sur l'analyse des
processus d'anticipation chez le sujet sain. En aucun cas, constatent les auteurs,
le sujet intact ne réalise des plans et des projets complets. La planification des
comportements complexes est fortement opportuniste, le sujet s'adapte sur le
coup aux progrès et aux difficultés rencontrés. Cependant, pour réaliser
correctement les actions planifiées, les processus opportunistes d'adaptation
doivent être constamment guidés par l'intention initiale. C'est la présence de
l'intention qui rend possible le passage du plan schématique et potentiel à la
réalisation ultérieure. En cas de lésion, l'activation de l'intention en différé n'a
plus lieu et la mise en place de l'action intentionnelle n'est pas déclenchée, le
moment approprié à la réalisation de l'action nouvelle devient caduc, l'action
elle-même est remplacée par une action de routine, non-planifiée et, par
conséquent, inadéquate par rapport à un contexte donné. Ainsi, par exemple, le
patient qui a une longue habitude de prendre le bus pour ses déplacements,
apprend que les conducteurs de transports en commun sont en grève, se rappelle
sans difficulté cette information, cependant, en s'engageant dans la rue où se
trouve l'arrêt de bus, il s'y dirige et attend.
Le modèle de Shallice et Burgess est plus complet que celui de Damasio, et
donne lieu à une tentative d'explication bien plus ambitieuse. Fondée sur les
structures neuro-anatomiques impliquées en cas de déficit des différentes
composantes de tâches multiples (multitasking), elle a été réalisée par Burgess et
al. (2000). Ces auteurs ont mené une étude de groupe comportant 60 patients
présentant une pathologie soit tumorale, soit vasculaire, soit traumatique. Une
des conclusions de l'analyse neuro-anatomique (conduite chez les 46 patients qui
avaient bénéficié d'un examen en imagerie cérébrale) confirme l'implication des
zones frontales telle qu'elle a été mise en évidence dans les études précédentes.
En effet, les travaux de cas uniques qui rapportent des données en neuroimagerie
(concernant les patients EVR, AP, FS, DN), montrent des lésions dans une ou
plusieurs des zones cérébrales signalées par Burgess et coll. comme cruciales
pour mener à terme des tâches de mémoire prospective. Ces zones sont le cortex
cingulaire antérieur, les portions médianes des aires de Brodmann 10, 9 et 8 et le
cortex préfrontal dorsolatéral à droite. Par ailleurs et de manière plus générale,
ils signalent l'implication des parties médianes de l'hémisphère gauche et
l'interprètent en termes d'atteinte aux processus mnésiques rétrospectifs
nécessaires à l'apprentissage et au rappel des contingences des tâches, règles à
respecter pour la réalisation des tests, etc. ainsi qu'aux processus mnésiques
prospectifs, comme par exemple, le suivi d'un plan conçu.
L'étude de Brunfaut et al. (2000) sur des patients atteints de la démence de
Korsakoff a permis de détecter une double dissociation concernant la mémoire
prospective et les autres systèmes de mémoire. Les patients souffrant de la
démence de Korsakoff présentent des troubles sévères de la mémoire antérograde
dus, notamment, aux lésions diencéphaliques, plus des troubles aux tests
sensibles au dysfonctionnement du lobe frontal, dus aux déconnexions fronto-
limbiques. Dans ce contexte cognitif très altéré, les auteurs ont étudié la mémoire
prospective et ont trouvé une performance étonnement adéquate et, dans la
plupart des cas, non significativement différente des performances obtenues par
un groupe de sujets alcooliques non-amnésiques. Les auteurs expliquent ce
résultat par un processus attentionnel automatisé.
Quant aux soubassements neuro-anatomiques mis en évidence à travers la
recherche sur le cerveau intact, c'est l'étude d'Okuda et al., en 1998, qui a montré
pour la première fois les activations cérébrales lors d'une tâche de mémoire
prospective. Leur étude, réalisée en TEP, rapporte une augmentation significative
du DSCr dans les zones suivantes de l'hémisphère gauche : cortex cingulaire
antérieur, BA 10, gyrus parahippocampique, BA 8,9. Les activations de
l'hémisphère droit ont été détectées au niveau du CPF dorsolatéral et ventral. Les
résultats neuro-anatomiques des études cliniques sont cohérents avec ce premier
travail chez le sujet sain, notamment en ce qui concerne le cortex cingulaire
antérieur et les aires BA 8,10 (voir chapitre 3).
Burgess et al. (2001), lors d'une étude de sujets normaux, se sont penchés sur
la détection des soubassements neuro-anatomiques du maintien et de la
réalisation de l'intention. En accord avec Okuda et al., ils confirment l'activation
cérébrale significative de BA 10 bilatéralement mais plus importante à gauche, et
du CPF dorsolatéral à droite. Par ailleurs, la réponse ou la réalisation de l'action
montre une activation du thalamus.
En résumant ces deux études pionnières, il apparaît que la région ventrale
frontale proche du pôle frontal et qui s'étend 3 à 4 cm vers la zone supérieure,
c'est-à-dire pour une large partie BA 10, a un rôle fondamental dans la mémoire
prospective. Cependant, cette implication de BA 10 pourrait s'expliquer
également par un niveau plus élevé de difficulté, inhérent aux tâches présentées
et indépendant des processus de mémoire prospective.
Le travail de Burgess et al. (2003) tente de répondre à cette question. Les
auteurs ont conçu une étude qui leur a permis de comparer le niveau des
processus cognitifs en fonction de l'effort attentionnel et en fonction de
l'apprentissage. Ils ont examiné des sujets sains en TEP au moyen de tâches
comportant 3 conditions : une ligne de base, une tâche continue (ongoing)
d'attention simple et une tâche de mémoire prospective. Comme nous l'avons
commenté, l'augmentation du DSCr dans une population neuronale donnée,
constitue un indice des opérations de traitement de l'information dans ce groupe
de neurones. Ainsi, si l'activation observée lors de tests de mémoire prospective
était due seulement à l'effort attentionnel, l'ensemble des résultats mettrait en
évidence une gradation du niveau du DSCr, réduit pour la tâche la plus simple
(ligne de base), élevé pour la plus complexe (mémoire prospective) en passant
par un niveau intermédiaire pour la tâche continue. Cependant, les résultats
montrent que le contraste mémoire prospective/tâche continue révèle une
augmentation du DSCr dans le thalamus et une réduction du DSCr en BA 10.
L'implication du thalamus médian-dorsal a été interprétée comme sous-tendant
l'exécution d'une réponse, le fait même de répondre (Scott et al., 2000).
Cependant, les patients qui présentent des lésions dans le noyau dorsomédian du
thalamus échouent aux tests de mémoire prospective (Daum et Ackermann,
1994). L'implication du noyau dorso-médian du thalamus a, probablement, un
rôle non-spécifique mais nécessaire dans la réalisation de tâches de mémoire
prospective.
La réduction du DSCr est analysée suivant la méthode de régions d'intérêt
(ROI regions-of-interest, cette méthode consiste à présélectionner des régions
cérébrales en vue de l'analyse statistique et sur la base des hypothèses établies) :
les régions prises en compte sont les zones latérale et médiane de BA 10. Les
résultats de l'analyse confirment une réduction de DSCr pour la portion antéro-
médiane mais révèlent une augmentation de DSCr pour la portion antéro-latérale.
À la lecture de ces résultats, plus d'une interprétation est possible. Il peut s'agir
d'une conséquence du maintien de l'intention pendant la réalisation de la tâche
continue, ce qui oblige à retirer une partie de l'attention allouée aux stimuli
externes pour traiter les stimuli internes. Il est possible que la région antéro-
médiane ait un rôle dans le contrôle des stimuli externes et dans la suppression
de l'attention dirigée vers les stimuli internes. Par ailleurs, le maintien des stimuli
internes serait sous-tendu par la partie antéro-latérale, compte tenu de
l'augmentation du DSCr.
Une deuxième interprétation considère le transfert (switching) de l'attention
des stimuli internes aux stimuli externes, plutôt qu'un maintien des uns pendant
que les autres sont traités. Cette interprétation a pu être vérifiée puisque, d'un
point de vue comportemental, tout transfert d'attention provoque un
ralentissement en temps de réaction (TR) sur la tâche en cours. Le TR aux items
de la tâche continue a été mesuré dans deux conditions, illustrées par les deux
exemples suivants :
1) Présentation de paires de lettres avec la consigne suivante : « Si la lettre la
plus proche du début de l'alphabet est à droite, appuyez le bouton droit, si elle est
à gauche, appuyez le bouton gauche ».
2) On ajoute à 1) la consigne suivante : « Si la paire de lettres est composée de
deux voyelles appuyez sur les deux boutons ». Le TR aux réponses « droite ou
gauche » est significativement ralenti dans la deuxième condition. Le traitement
de stimuli identiques est donc fortement modulé par l'intention de rappeler une
éventualité annoncée.
Le travail de Burges et al. (2003) a le mérite d'avoir mis en évidence une
dissociation chez le sujet sain. En effet, ces auteurs ont montré que quand, sur un
processus attentionnel en forme de tâche continue, on ajoute une composante
comportant une intention différée, le DSCr du CPF antéro-médian diminue alors
que le DSCr du CPF antéro-latéral augmente. Il est néanmoins important de
signaler que ces résultats semblent être tributaires de la durée de l'intervalle de
rétention.
La mémoire procédurale
L'amorçage
Concernant l'amorçage perceptif, c'est à partir des années 1970 que les
neuropsychologues constatent, invariablement, la dissociation entre la
performance déficiente aux tests de rappel libre et de reconnaissance (dits « tests
directs ») d'une part, et la performance préservée aux tests d'amorçage perceptif
et d'amorçage sémantique (« tests indirects ») d'autre part. La différence
fondamentale entre les tests directs et indirects est que le patient est mis dans une
situation intentionnelle et consciente d'apprentissage et de récupération de
l'information dans le premier cas, alors que dans le deuxième, ces deux processus
sont non-conscients. En effet, lors des tests indirects, l'examinateur ne prévient
pas le sujet/patient que la série de mots qu'il lit sera utilisée plus tard pour
amorcer, par exemple, une tâche d'épellation. Ainsi, si dans la liste proposée
figure le mot « ballet », en phase d'apprentissage, et si plus tard, en phase de test,
l'on demande au sujet d'épeler ce mot qui est alors fourni oralement, le sujet
épelle significativement plus souvent « ballet », qui a été amorcé, que son
homophone « balai » qui a pourtant une probabilité plus grande d'être choisi
puisque sa fréquence d'apparition dans la langue est plus élevée. Cet amorçage se
produit de manière indépendante du souvenir conscient. Le clinicien constate
immanquablement, que le patient ne garde aucun souvenir d'avoir lu la liste ou
d'avoir vu ce mot. L'influence de l'amorçage dans la vie quotidienne chez le sujet
sain, chez le nouveau-né (DeCasper et Spence, 1986) et chez les patients
anesthésiés (Andrade, 1996), est également démontrée.
Certains résultats indiquent que l'effet d'amorçage est plus important quand
l'apprentissage et le test sont réalisés dans la même modalité sensorielle et – au
sein de la modalité visuelle – avec le même type de typographie (Kroll et al.,
2002). Cette constatation est à la base de l'hypothèse selon laquelle l'amorçage
dépend de systèmes cérébraux sous-tendant les processus perceptifs. Par ailleurs,
les résultats des expériences utilisant des tests non-verbaux mettent en évidence
que l'amorçage de figures en 3 dimensions est efficace chez les sujets sains et
qu'il est préservé chez les patients amnésiques. Mais aussi ce fait plus
intéressant : les figures impossibles qui transgressent les lois structurales des
objets en 3 dimensions n'ont aucun effet d'amorçage ni chez le sujet sain ni chez
le patient amnésique (pour une interprétation complémentaire, voir Williams et
Tarr, 1997).
L'ensemble de ces expériences conduit les chercheurs à postuler l'existence du
système PRS (défini plus haut) dont le rôle dans les situations « écologiques »,
par opposition aux situations de tests, est de rendre possible la reconnaissance
immédiate des objets du monde qui nous entoure et des mots écrits (la forme des
mots ; voir le chapitre 4) que nous rencontrons régulièrement. Le PRS est pré-
sémantique ; cependant, les deux systèmes, PRS et sémantique, traitent
l'information pratiquement sans solution de continuité dans le cerveau intact.
Nous savons qu'ils sont distincts uniquement par la clinique.
L'amorçage visuel (mots et objets) est sous-tendu par les lobes occipitaux. Les
patients Alzheimer qui sont amnésiques et qui souffrent, en plus, d'une atteinte
des zones cérébrales postérieures comme conséquence de la progression
neurodégénérative, peuvent présenter des déficits aux tâches d'amorçage visuel.
Il est naturellement nécessaire de distinguer le déficit d'amorçage visuel des
déficits de la vision et des agnosies visuelles (voir chapitre 5). Par ailleurs, des
études en tomographie par émission des positons, chez le sujet sain, montrent
une réduction du débit sanguin pour les stimuli amorcés, ce qui suggère que
l'identification de ces stimuli nécessite moins d'activité métabolique.
L'amorçage conceptuel est défini comme l'influence non-consciente des acquis
sémantiques sur le comportement. Il a été mis en évidence pour la première fois
par McAndrews et al. (1987). Ces auteurs ont inventé des phrases ambiguës (e.g.
« Les notes étaient fausses parce que les coutures étaient craquées ») et ils ont
constaté que ni les sujets sains, ni les patients amnésiques ne les comprenaient et
encore moins ne se les rappelaient. Il suffisait, néanmoins, pour réussir la tâche,
de connaître le mot-clé permettant de donner un sens à la phrase (« cornemuse »
dans l'exemple) et de se le rappeler et ce, dans les deux groupes, sujets sains et
patients amnésiques. Il s'agit, selon les auteurs, d'une modification qui a lieu
dans le système sémantique. Cette modification non-consciente permet, grâce à
la compréhension du sens de la phrase, d'utiliser l'expérience pour montrer un
bénéfice mnésique significatif lors de présentations ultérieures de ces mêmes
phrases ambiguës.
En résumé, l'amorçage et la mémoire procédurale apparaissent ainsi comme
des systèmes de mémoire non-conscients, relativement indépendants des autres
systèmes mnésiques, et sous-tendus par des structures cérébrales autres que
celles qui sous-tendent la mémoire explicite (à court et à long terme).
Matériel verbal
Matériel non-verbal
La mémoire autobiographique
La sémantique personnelle
Elle est testée avec la partie la plus longue de l'AMI qui couvre trois périodes
de vie, comme cela a été mentionné plus haut.
La mémoire implicite
Elle est rarement évaluée en examen de routine. Des exemples de tests ont été
décrits dans la sous partie intitulée « Les systèmes de mémoire implicite ».
Mémoire du passé. Nous allons illustrer une double dissociation entre les
systèmes de mémoire autobiographique et de mémoire des faits publics en
présentant deux patients atteints d'amnésie sélective.
La mémoire rétrograde
Figure 3
. Scores de la patiente CH et des sujets témoins au test de Crovitz modifié
Test 2. Mémoire autobiographique. Évaluation adaptée.
Trois volets, sélectionnés d'après les entretiens avec l'époux de la patiente,
sont testés :
- Le test de photographies. La patiente et son mari ont visité près de 40 pays et
pris des centaines de photos. Cette circonstance a été mise en œuvre pour
construire un test de mémoire rétrograde afin de la comparer avec la mémoire
post-accident. Ainsi, 72 photos correspondant à différentes périodes de vie ont
été sélectionnées grâce à la coopération de Monsieur H, sous deux conditions,
que les personnes et les lieux évoquent des souvenirs saillants et que la patiente
ne les ait pas regardées depuis l'accident cérébral.
Les résultats présentés dans la figure 6montrent une quasi absence de
souvenirs appartenant à la décennie 1980 jusqu'à après l'opération.
Figure 4
. Scores de la patiente CH et des sujets témoins au test des photos
- Souvenirs personnels dans 4 domaines. Toutes les questions portent sur deux
périodes : entre 1970 et 1983 et entre 1984 et 1996.
a) Les postes de travail et les dates sont relativement bien rappelés par la
patiente dans la première période et pour la deuxième, bien que ses
souvenirs soient présents, elle a des difficultés de repérage temporel.
b) Les souvenirs de vacances montrent un clivage beaucoup plus important,
elle se souvient pratiquement comme son époux des voyages de la première
période alors que quasiment rien n'est rappelé pour les voyages entre 1984
et 1996 ; elle commente : « j'ai dû voyager énormément, c'est bien moi sur
les photos ».
c) Hospitalisations. Ce volet est bien rappelé pour les années 1970 (elle a
subi des interventions chirurgicales très importantes pour soigner un cancer
de la face). Elle se rappelle également les séances en neuropsychologie
après son hypoxie. Cependant, aucun souvenir n'est présent pour
l'hospitalisation qu'a provoqué son accident.
d) Orientation et mémoire topographique. Au regard de sa plainte initiale,
ces aspects ont été testés en détail. La patiente a dû ré-apprendre des
parcours qu'elle connaissait bien dans le passé. L'orientation n'est pas
compromise, c'était la situation où elle se plaçait (pensant, naturellement,
qu'elle se rappelait le chemin) qui provoquait ses égarements en voiture,
pendant des heures.
Test 3. Mémoire rétrograde des événements publics.
- Ses scores à un test de visages célèbres, au test du mort/vivant et au test EVE
d'événements publics sont normaux, à l'exception du rappel des dates qui est en
général, et indépendamment de la période testée, déficient (voir cas suivant pour
la description des tests des événements publics).
Commentaires : Nous allons voir les 2 volets qui caractérisent le profil
mnésique de Madame H.
- La dissociation mémoire antérograde/mémoire rétrograde. On note que
l'hypoxie a provoqué un dysfonctionnement initial et transitoire massif de
l'hippocampe. Il est possible que cette altération des lobes temporaux médians,
couplée aux changements au niveau cortical (y compris l'activité épileptique) soit
à l'origine du dysfonctionnement de longue durée qui se traduit par un blocage
d'accès aux souvenirs passés. Notre interprétation du cas présent est en effet que
ces souvenirs ne sont pas effacés mais inaccessibles. Si les lésions cérébrales
avaient été suffisamment importantes pour détériorer la mémoire du passé, elles
auraient endommagé, en même temps, les mécanismes de la mémoire
antérograde. Madame H n'a pas de lésions anatomiques décelées à l'IRM, elle a,
en revanche, un hypométabolisme dans les zones cérébrales rapportées dans la
littérature comme sous-tendant, précisément, les souvenirs autobiographiques.
Nous interprétons la dissociation entre mémoire rétrograde et mémoire
antérograde dans le cadre théorique du modèle de Damasio (1989) : les souvenirs
autobiographiques sont sous-tendus par des réseaux neuronaux qui ont une
configuration donnée au moment de leur formation. Le fonctionnement normal
de l'hippocampe comporte un rôle de liage (binding) qui est comparable à un
code qui relie les différents fragments sensoriels qui composent le souvenir
(cortex visuel, auditif, somesthésique...) en un tout qui a un sens. Si les
caractéristiques des configurations neurales des souvenirs formés quelques
années avant l'accident ont été affectées (même très légèrement) par l'hypoxie, le
coma et l'activité épileptique, la fonction de liage (binding) de l'hippocampe ne
pourra plus activer de manière synchronique tous les composants du souvenir, un
blocage d'accès pour les souvenirs plus vulnérables (puisque multimodaux et
relativement récents) s'ensuit. Il s'agirait ainsi non pas de deux mécanismes
d'encodage et de maintien, l'un voué aux souvenirs du passé, l'autre à la
formation des souvenirs antérogrades, mais d'un seul mécanisme qui serait, d'une
part fonctionnel en antérograde parce que l'encodage et la récupération se font
dans les mêmes conditions, et d'autre part non fonctionnel pour une période du
passé en raison des changements neuraux des sous-systèmes responsables de
l'encodage originel de ces souvenirs.
- Pourquoi chez Madame H, comme chez d'autres patients rapportés dans la
littérature, les dissociations entre mémoire autobiographique d'une part, et deux
autres systèmes de mémoire du passé, sémantique et des faits publics d'autre
part, se font-elles au détriment de la mémoire autobiographique ?
Certaines caractéristiques de la mémoire autobiographique aident à en cerner
les raisons. Premièrement, l'encodage et la récupération des événements
autobiographiques sont réalisés de manière multimodale. Cette particularité rend
la mémoire autobiographique plus vulnérable aux lésions, même très légères, qui
endommageraient les sites -multimodaux - de stockage cérébral. Deuxièmement,
les événements autobiographiques sont les seuls dont le rappel nécessite trois
niveaux d'accès : de larges périodes de vie (« quand j'étais étudiante... ») ; des
événements généraux (« mon premier poste de travail... ») et des événements
spécifiques (« ce jour-là, en sortant de chez moi, j'avais... »). Ces trois niveaux,
entrelacés, permettent la construction et la récupération des souvenirs
autobiographiques (Conway et Pleydell-Pearce, 2000). Finalement, seule la
mémoire autobiographique, selon la TTM, réactive les circuits neuronaux de la
formation hippocampique en plus des néocortex temporal et frontal et ce,
indépendamment de l'ancienneté du souvenir. En revanche, la mémoire
sémantique et la mémoire des faits publics n'étant pas systématiquement
multimodales, et ne nécessitant pas ces trois niveaux de spécificité de
connaissances, seraient plus résistantes à la lésion cérébrale. Par ailleurs, les
traces mnésiques sémantiques ne nécessitent pas un contexte spatio-temporel
pour être évoquées ; une fois consolidées, elles sont indépendantes de la
formation hippocampique.
Troubles sélectifs de la mémoire des faits publics (Manning et al., 2005a ; 2006)
Nous avons décidé d'évaluer son taux d'oubli à deux tests de mémoire verbale,
le test de Mémoire de Reconnaissance des Mots (Warrington, 1984) et le sous-
test Mémoire Logique de l'Échelle Clinique pour la Mémoire de Wechsler
(Wechsler, 1987 ; 1991), ainsi qu'à une tâche non verbale, le test de Mémoire de
Reconnaissance des Visages (Warrington, 1984). Les tests comprennent 4
intervalles différents, immédiat, après 2 heures, après 30 heures et après 7 jours.
Six sujets témoins appariés en âge, sexe et niveau d'éducation ont passé ces
mêmes tests aux mêmes intervalles.
Résultats. On a constaté que le taux d'oubli du patient pour un matériel verbal
est modérément accéléré au test de Mémoire de Reconnaissance, mais l'est de
façon plus marquée pour le sous-test Mémoire Logique et pour le matériel non-
verbal.
Conclusion
Introduction
L'aphasie est définie comme un trouble acquis du langage dont l'origine est
la survenue d'une lésion cérébrale. Cette définition écarte les déficits
langagiers du développement et ceux d'origine psychiatrique. La pathologie
sous-jacente de l'aphasie affecte les représentations cérébrales des règles
linguistiques et des connaissances spécifiquement langagières.
Les troubles du langage sont, dans la plupart des cas, supra-modaux,
puisque les versants expressif et réceptif, ainsi que la modalité orale et écrite
sont perturbés. Cependant, puisqu'il existe des « voies » différenciées pour le
langage oral et écrit, et que les déficits observés peuvent montrer des troubles
plus importants sur l'un des deux versants, expressif ou réceptif, nous suivrons
des descriptions compartimentées, avec le risque d'une vision scolaire et
parfois artificielle, mais avec plus de garanties de clarté.
La prévalence de l'aphasie est de 2/1000 et la cause la plus fréquente
(approximativement 75 % des cas) sont des accidents vasculaires cérébraux
(AVC), notamment l'ischémie de l'artère cérébrale moyenne gauche (voir
chapitre 1 et la figure D).
L'étude des caractéristiques cliniques se base sur l'analyse linguistique et
les possibilités de communication en langage spontané (conversation) et sur la
comparaison de l'efficience linguistique à travers différentes modalités.
Langage spontané
L'aphasie de Wernicke
L'aphasie anomique
L'AVC de l'artère cérébrale moyenne est une fois de plus la cause la plus
fréquente de cette aphasie. L'âge joue un rôle important puisque à égalité de
gravité lésionnelle, les patients avant la quarantaine vont présenter une
aphasie de Broca, alors que le patient au-delà de la soixantaine aura un tableau
global. On observe également des lésions de la substance blanche
périventriculaire et des lésions des noyaux gris de la base. L'étendue de la
lésion est variable, cependant, dans pratiquement tous les cas, les aires de
Broca et de Wernicke sont lésées, soit massivement, soit à des endroits
stratégiques. Comme son nom l'indique, le déficit global affecte à différents
degrés tous les aspects du langage, depuis des fragments de langage ou des
mots isolés produits avec difficulté jusqu'à l'absence totale de discours. Dans
les cas sévères, le patient ne parle plus, ne comprend plus, répète à peine
quelques syllabes ou mots isolés ; le langage écrit étant également très atteint
en lecture et en écriture, il devient pratiquement impossible de communiquer
avec le malade. Il existe, cependant, un sous-groupe des patients qui préserve
des mots ou phrases fortement sur-appris, comme par exemple les jurons, les
jours de la semaine ou des chansons.
L'aphasie de conduction
Le manque du mot précis est l'un des symptômes les plus fréquemment
observés dans les troubles acquis du langage, comme le montrent les
descriptions des différents types d'aphasies (voir plus haut) ; le manque du
mot est donc indépendant de la dimension « fluence – non-fluence » du
langage parlé. Tester la dénomination du patient en début de séance facilite
l'organisation du reste de l'évaluation neuropsychologique du langage. La
première question à laquelle le clinicien répond, concerne la sélectivité du
déficit. S'il apparaît au sein d'un « syndrome », l'anomie est un trouble de
plus. S'il s'agit d'un symptôme relativement isolé, sa présence indique que le
traitement cognitif nécessaire à la sélection des mots cibles est altéré de
manière disproportionnée par rapport au reste des processus langagiers. Ce
sont ces derniers cas qui peuvent bénéficier de l'approche cognitive. En effet,
on remarque que la capacité de dénommer chez ces patients est parfois
influencée par deux facteurs :
- La catégorie à laquelle appartiennent les stimuli. Les déficits sélectifs
dans le traitement de certaines catégories de mots ont été rapportés à
plusieurs reprises. Ces études permettent de constater des dissociations,
dans le domaine sémantique, entre les catégories d'objets animés (ou
items vivants, comme les arbres, les fruits, les animaux, les fleurs, etc.)
et inanimés (les objets fabriqués) ; dans le domaine syntaxique, entre les
verbes, les mots grammaticaux et les substantifs.
- Le contexte dans lequel le stimulus est dénommé. Le mot sollicité peut
être placé au sein d'une phrase ou bien être émis isolément.
La dysarthrie
Il s'agit d'un déficit sensori-moteur qui affecte tous les sons du langage,
sans discrimination des caractéristiques propositionnelles. Le patient n'est plus
en mesure de contrôler le système musculaire phonatoire dont le
fonctionnement est ralenti, parétique, incoordonné et parfois, « parasité » par
des mouvements ajoutés. Cette altération est souvent le résultat de lésions
sous-corticales qui affectent les premier et deuxième motoneurones ou les
noyaux gris centraux. Ainsi, la dysarthrie peut n'être qu'un symptôme moteur
de plus dans une condition neurologique qui affecte le mouvement en général.
Dans ce cas de figure, les lésions qui sont à l'origine de la dysarthrie peuvent
aussi occasionner des troubles des mouvements fins comme l'écriture, ce qui
aggrave la condition du patient vis-à-vis de la communication, alors que les
représentation centrales du langage oral et écrit ne sont pas détériorées.
Cependant, tant la dysarthrie que l'apraxie verbale apparaissent dans la plupart
des cas associées à des aphasies non-fluentes et, notamment en phase aiguë.
Dans la dysarthrie, les systèmes phonatoire, articulatoire et respiratoire sont
compromis et le déficit est variable en terme d'intelligibilité du langage allant
d'une distorsion légère provoquée par une lésion circonscrite, jusqu'à
l'anarthrie, qui comporte une perte sévère du contrôle neuromusculaire.
L'évaluation est, naturellement, centrée sur la capacité de production des
mouvements langagiers, afin de déterminer l'intelligibilité du mot, de la
phrase et du discours spontané, mais on interroge également, la capacité
d'effectuer des mouvements non langagiers, comme par exemple, souffler une
bougie ou bouger la langue d'un côté à l'autre, pour le diagnostic différentiel.
Le pronostic, variable, dépend de l'étiologie du trouble : s'il est secondaire à
un AVC, il est meilleur que s'il s'agit d'un tableau de détérioration progressive.
Les effets de la dysarthrie dans la vie quotidienne du patient, peuvent être
invalidants, rendant la prise en charge rééducative, indispensable. Celle-ci
comprend la sphère psychologique (aider le patient à gérer les conséquences
présentes et le préparer, le cas échéant, à la détérioration progressive), et le
traitement proprement musculaire qui est modulé en fonction de l'étiologie.
Ainsi, s'il s'agit d'une conséquence d'AVC, par exemple, le patient suit des
programmes d'amélioration de certaines fonctions musculaires ; en revanche,
pour les patients souffrant de maladies progressives, maintenir la fonction (si
possible) ou bien la compenser, est au premier plan du programme de
rééducation.
Les dyslexies
Dyslexies périphériques
La dyslexie de négligence
« La jeune fille ouvre son parapluie dès que les premières gouttes de pluie
tombent sur sa belle robe ». Si on demande aux patients dyslexiques de
négligence de lire des phrases similaires (écrites en grands caractères et
occupant toute la largeur de la page, en position horizontale), on observe qu'ils
omettent souvent, la partie gauche du texte (en italiques), à plusieurs reprises
et sans que l'absence de sens de la phrase ainsi coupée, les gêne. Si on leur
demande ensuite de lire « La jeune fille » ils pourraient lire « fille » et si c'est
« parapluie » que le clinicien leur présente, c'est le mot « pluie » qui sera
probablement lu.
En plus de ces omissions de mots, on observe des erreurs à l'intérieur des
mots : des omissions de lettres (livre → « ivre ») des ajouts (bout → « debout
») et des substitutions (maçon → « façon »), avec souvent, des définitions
correspondant aux erreurs.
À propos de la dyslexie de négligence, de même qu'au sujet des deux autres
troubles commentés plus haut, on pose la question de l'origine du déficit :
s'agit-il d'une manifestation de plus dans un tableau d'héminégligence visuo-
spatiale ou d'un trouble spécifique du langage écrit ? Les observations
cliniques et les suivis des études des cas fournissent des résultats qui abondent
dans les deux sens. Ainsi, l'interprétation en termes de déficit plus large serait
confirmée par les patients qui présentent des troubles dyslexiques
conjointement à une héminégligence pour d'autres stimuli (images, lignes,
etc.) et par des patients dont les déficits de lecture sont présents pour les mots
et les non-mots. D'autres données montrent, au contraire, un patron d'erreurs
de lecture qui indique un déficit spécifique du langage. Ainsi, les patients font
significativement plus d'erreurs pour les non-mots que pour les mots, leurs
erreurs d'omission ou de substitution en début de mot, étant présentes
indépendamment de la position du mot, horizontale, verticale ou encore
présentation en miroir. Rappelant le site fonctionnel précoce qui est lésé
(système d'analyse visuelle) et son effet principal (trouble de l'identification
abstraite des lettres), nous allons suivre l'étude de Caramazza et Hillis (1990)
pour éclaircir des données, en apparence, contradictoires. Ces auteurs
postulent trois étapes différemment affectées par la lésion cérébrale et pouvant
provoquer une diversité des troubles, tels qu'ils sont observés chez ces
patients. Les trois niveaux décrits sont les suivants :
- Représentation rétino-centrée. Cette première étape de traitement de
l'information visuelle garantit le codage de la forme et de la localisation des
stimuli. Les patients qui présentent un syndrome de négligence visuo-spatiale
et/ou une dyslexie de négligence gauche, ont des lésions occipito-pariétales
droites. Compte tenu du fait que l'organisation est rétino-topique, si c'est le
traitement de l'information rétino-centrée qui est lésé, et que le test de lecture
se réalise en s'assurant que le patient fixe le centre de son champ visuel, le
déficit de lecture ne sera observé que lorsque les mots sont présentés dans
l'hémi-champ visuel gauche.
- Représentation des lettres. Elle est obtenue par le codage de la position de
chaque lettre par rapport aux autres lettres qui composent le mot. Ce n'est plus
la localisation spatiale absolue qui compte à ce niveau de traitement, mais la
localisation des stimuli à l'intérieur du mot. Le patient dont ce niveau de
représentation est atteint, commettra des erreurs en début du mot
indépendamment du fait que le mot lui soit présenté dans les champs visuels
gauche ou droit, mais sa lecture sera normale en présentation verticale.
- Représentation du mot. Ce dernier niveau est basé sur l'identité abstraite
des lettres, il est donc indépendant des caractéristiques physiques liées aux
lettres qui ont été traitées dans les niveaux précédents. Les patients dont la
représentation du mot est atteinte, commettent des erreurs au début du mot,
indépendamment du fait que le mot soit présenté à droite, à gauche ou en
position verticale.
Dyslexies centrales
Les types de dyslexies décrites dans cet alinéa sont le résultat de lésions qui
affectent le niveau proprement lexical.
- Dyslexie profonde
Depuis la publication du travail de Marshall et Newcombe en 1973, les
descriptions des caractéristiques de la lecture chez ce type de patients,
descriptions publiées par de nombreux auteurs, sont très similaires. Nous
allons énumérer et commenter les erreurs caractéristiques, en guise de
définition de la dyslexie profonde, et nous verrons quels sont les stimuli dont
la lecture est particulièrement difficile pour ces patients.
– Types d'erreurs
- Erreurs sémantiques dans la lecture des substantifs (bateau → « mer » ;
joie → « rire » ; tigre → « lion »). Les erreurs sémantiques ont une valeur
diagnostique.
- Erreurs visuelles (sain → « pain » ; maquette → « mallette ») dans
lesquelles le mot produit par le patient a une fréquence d'apparition dans la
langue plus élevée que le mot présenté.
- Erreurs sémantiques et visuelles (sympathie → « orchestre », rapportée
par Marshall et Newcombe, cette erreur est devenue célèbre. Le patient
introduit d'abord une erreur visuelle en lisant « symphonie » et l'erreur
sémantique s'ensuit).
- Difficulté selon la catégorie. Une plus grande difficulté est observée, de
manière constante, pour la lecture de certains items :
- Mots abstraits relativement aux mots concrets.
- Verbes par rapport aux adjectifs et de ceux-ci par rapport aux substantifs.
- Mots grammaticaux en comparaison avec toute autre catégorie de mots.
Ces difficultés sont probablement dues, au moins en partie, à l'impossibilité
d'évoquer l'image mentale basée sur l'expérience sensorielle (forme, couleur,
texture, etc.) des items abstraits (« confiance »), des verbes (« vivre ») et des
mots grammaticaux (« avec », « le », « alors »).
La cause la plus fréquente est l'AVC qui lèse une partie considérable de
l'hémisphère gauche s'étendant aux lobes frontal, pariétal et temporal. Face à
une pathologie gauche si importante et aux résultats de la neuroimagerie
fonctionnelle, qui indiquent un traitement orthographique et sémantique dans
l'hémisphère droit, il a été suggéré que la production résiduelle des patients
dyslexiques profonds est sous-tendue par l'hémisphère droit.
Du point de vue des modèles à deux voies, les patients ne seraient plus
capables d'utiliser la voie phonologique, c'est-à-dire, la conversion graphème-
phonème (voir plus haut), ce qui empêche la lecture des non-mots et des mots
inconnus (exemples d'erreurs : banula → « balustrade » ; troctel → « T. R., je
ne sais pas »). Par ailleurs, plusieurs auteurs, notamment Plaut et Shallice
(1993) ont suggéré que la voie sémantique est aussi inopérante à cause de la
détérioration des représentations dans la mémoire sémantique. Cependant,
cette explication n'est pas consensuelle au vu de l'absence de preuves directes
de déficit sémantique (le diagnostic de dyslexie profonde étant une preuve
indirecte de la détérioration sémantique). Une deuxième interprétation est que
les erreurs sémantiques sont la conséquence d'un déficit d'accès à la forme
lexicale du mot, à partir de sa signification, plutôt qu'un déficit du système
sémantique (Newton et Barry, 1997).
L'évaluation consiste en la présentation de listes de mots par catégories :
substantifs, adjectifs, verbes, mots grammaticaux et non-mots. La liste des
substantifs comprend deux ou trois sous-listes selon le degré d'imageabilité
des mots. La fréquence et la longueur des mots doivent être contrôlées pour
pouvoir comparer les différents types de vocables.
Dyslexie phonologique
La cause la plus fréquente est l'AVC, qui affecte, dans la plupart des cas,
soit la partie postérieure du gyrus frontal inférieur gauche, soit la jonction
temporo-fontale gauche.
Décrite pour la première fois par Beauvois et Dérouesné (1979), ce type de
dyslexie consiste en la lecture déficiente des non-mots et des mots inconnus
par une lésion fonctionnelle de la voie phonologique. La voie sémantique est
préservée et de ce fait, le déficit pourrait passer inaperçu chez certains
patients. Une analyse plus fine des difficultés des patients met en évidence des
troubles dans le traitement du nombre de phonèmes, une incapacité à donner
le phonème correspondant à un graphème et des troubles dans l'assemblage de
phonèmes. Au vu des déficits qui la caractérisent, la dyslexie phonologique
pose le problème de son appartenance clinique : s'agit-il des troubles qui
affectent le dictionnaire orthographique, ou bien la lecture déficitaire est-elle
un symptôme de plus d'une incapacité phonologique ? (Voir plus bas, la
présentation du deuxième cas).
La dyslexie de surface
Ce déficit est présent dans certaines maladies neurodégénératives (démence
sémantique, maladie d'Alzheimer) et chez des patients ayant subi un
traumatisme crânien ou des AVC. Dans ces derniers cas, les lésions affectent
les régions temporo-frontales de l'hémisphère gauche.
Décrite par Marshall et Newcombe (1973), le trait définitoire de cette
dyslexie est la difficulté de lecture des mots irréguliers. Le patient lit
correctement significativement plus de mots réguliers que de mots irréguliers.
Les erreurs du patient, en lecture des mots irréguliers, sont des régularisations.
Le déficit montre une altération fonctionnelle au niveau de la voie
sémantique, au moins pour la plupart des patients qui lisent en activant la voie
phonologique. Pour le patient dyslexique de surface, la langue est devenue, en
partie, transparente (prononciation de tous les graphèmes, comme en espagnol
ou en italien). Beaucoup de patients sont capables de lire un petit nombre de
mots irréguliers, ceux qui ont une fréquence plus élevée.
L'évaluation de la dyslexie de surface se réalise autour des mots irréguliers.
Il existe au moins deux ensembles de tests des mots réguliers et irréguliers en
français, proposés par Jean-Luc Nespoulous et Helgard Kremin, tests très
appréciés des cliniciens, qui sont ainsi en mesure d'affiner l'évaluation des
voies de lectures en consultation de routine (Centre du langage et de
neuropsychologie de la Salpêtrière).
Les agraphies
Agraphie apraxique
Les lésions affectent le sillon intra-pariétal, l'AMS et le cortex frontal
dorsolatéral de l'hémisphère controlatéral à la dominance manuelle.
Le diagnostic de l'agraphie apraxique implique l'absence des troubles
moteurs (ataxie, rigidité, tremblement, etc.). Le symptôme central est une
grande difficulté ou incapacité à tracer la forme des lettres. Les tentatives
montrent une profusion d'erreurs d'omissions, d'ajouts et des distorsions
spatiales, qui rendent l'écriture illisible. L'épellation orale est intacte dans
beaucoup de cas.
Agraphies centrales
L'agraphie phonologique
L'agraphie phonologique est considérée comme l'extrême « léger ou
modéré » d'un continuum qui va vers l'agraphie « profonde » où le déficit de
communication peut être très sévère. Les lésions qui provoquent ces troubles
sont situées dans les régions sylviennes de l'hémisphère gauche. Ces troubles
sont attribués à une lésion fonctionnelle au niveau de la voie phonologique
(non-lexicale). Dans tous les cas, la difficulté majeure est l'épellation des non-
mots. La différence entre les niveaux de sévérité est la production encore
possible des mots réguliers dans la forme modérée, phonologique, alors que le
déficit de l'agraphie appelée profonde (Beeson et Rapcsak, 2003), suggère que
la voie sémantique est, elle aussi, altérée.
Les mêmes variables, qui déterminent les difficultés rencontrées par les
patients dyslexiques, agissent dans les déficits de l'épellation et l'écriture
(mots abstraits, mots grammaticaux et mots de basse fréquence).
Agraphie de surface
Cette agraphie accompagne souvent les symptômes de la maladie
d'Alzheimer et de la démence sémantique. La lésion anatomique est
postérieure à la scissure de Sylvius, dans la jonction temporo-pariétale
gauche. La lésion fonctionnelle est située dans la voie sémantique et les
déficits du patient se traduisent par une détérioration de la connaissance
d'épellation d'un mot donné. Il est donc obligé, pour épeler et/ou écrire le mot
d'utiliser le transcodage phonème-graphème. Cela consiste en une épellation
servile du son (par exemple, le mot entendu choléra sera épelé ou écrit «
coléra » ; monsieur → « mesieur »). En conséquence, les mots réguliers et les
non-mots seront mieux écrits que les mots irréguliers.
Troubles du calcul
Conclusion
Introduction
L'étude des processus qui sous-tendent la reconnaissance des objets est abordée à
partir de trois approches complémentaires.
- La plus récente est issue de la neuroimagerie fonctionnelle et sa contribution
la plus remarquable consiste en l'éclaircissement de l'organisation et de la
distribution des réseaux neuronaux qui stockent les codes ou représentations
des différentes catégories d'objets.
- Une approche plus ancienne est née, comme toutes les branches de la
neuropsychologie, de la clinique neurologique. Cette approche
anatomoclinique intègre une grande variété de domaines étudiés : les déficits
de traitements dits primaires ou périphériques qui ont un retentissement sur la
perception, les troubles perceptifs proprement dits épargnant les fonctions
visuelles élémentaires, et les troubles centraux ou de la reconnaissance lorsque
la perception est relativement préservée.
- Enfin, l'approche de la psychologie cognitive qui a été essentielle pour la
compréhension des données cliniques et pour le passage de la description à la
théorisation de la neuropsychologie cognitive. Il existe de nombreux exemples
de l'interaction entre des psychologues cognitivistes et des neuropsychologues
cliniciens, l'un des plus utiles dans le domaine du traitement visuel étant
l'influence réciproque entre le modèle cognitif de David Marr et les études
cliniques d'Elizabeth Warrington : « Ma manière d'aborder ces problèmes (i.e.,
quel type d'information est délivré par la vision) a été très influencée par la
conférence d'Elizabeth Warrington (...) décrivant les capacités et limitations des
patients qui avaient des lésions pariétales à droite ou à gauche (...). Sa
conférence suggérait deux points. Premièrement, que la représentation de la
forme d'un objet est stockée dans un endroit différent et appartient donc à une
classe différente de la représentation de son utilisation et de sa fonction.
Deuxièmement, que la vision peut délivrer une description interne de la forme
d'un objet vu, même si l'objet n'est pas reconnu dans le sens consensuel de
comprendre son utilisation et sa fonction » (Marr, 1987, p. 122-123).
La contribution de Marr (1982) constitue un tournant dans la compréhension du
traitement de l'information visuelle menant à la reconnaissance des objets : l'auteur
propose d'analyser ce traitement chez le sujet sain et, dans un deuxième temps,
d'essayer d'expliquer, sur la base de ce modèle, les observations cliniques. Le
postulat initial de Marr pour expliquer la facilité extraordinaire avec laquelle nous
reconnaissons les objets – même visuellement dégradés – est qu'il existe une forme
codifiée, une sorte de description symbolique stockée ou « représentation ». Il
postule trois types de représentations qui constituent trois étapes menant à la
reconnaissance des stimuli visuels :
- la représentation initiale qui calcule les changements d'intensité de luminance
du champ visuel et aboutit à la caractérisation de la forme de l'image en deux
dimensions.
- L'étape 2½-D représente les localisations spatiales des surfaces visibles à
partir du point de vue de la personne (point de vue égocentrique), cette étape
est ainsi centrée sur l'observateur et le résultat est tributaire de l'angle à partir
duquel il observe l'objet.
- L'étape 3-D qui représente la configuration des composantes de l'objet
(surfaces, traits, formes) sur la base de leurs relations au sein de l'objet. Ce
niveau de représentation, indépendant du point de vue de l'observateur, permet
de reconnaître les objets quelle que soit leur position dans l'espace.
Les suivis de cas ainsi que la recherche en psychophysique chez le sujet intact et
chez l'animal, montrent que le traitement des niveaux précoces de la vision a un
mode d'opérations parallèles plutôt qu'un enchaînement sériel au moyen duquel se
construirait hiérarchiquement l'image perçue. Ces processus parallèles, sous-tendus
par des sous-systèmes spécialisés, peuvent ainsi être lésés de manière relativement
sélective.
- L'agnosie aperceptive (sens restreint), regroupe des patients chez qui le déficit
sévère de la perception est présent dans le contexte d'une relative épargne de
l'acuité, de la discrimination de luminance et des champs visuels ainsi que de la
perception de la profondeur, du mouvement et de la couleur. Il s'agit souvent de
patients qui sont en phase de récupération d'une cécité corticale et qui sont
incapables de réaliser des tâches de traçage, d'appariement perceptif ou de
discrimination des formes, en raison de la fragmentation des contours qui est à la
base de leur déficit.
Qualitativement, on observe que le patient réalise des tentatives de
reconnaissance sur la base des paramètres visuels qu'il est encore capable de
reconnaître, comme par exemple la couleur (un patient avait appris à reconnaître sa
brosse à dents par sa couleur rouge, ce qui s'était avéré peu efficace puisque sa
nouvelle brosse à dents verte n'était plus reconnue et que des confusions avec un
crayon rouge s'étaient ensuivies).
Si le patient présente un champ visuel relativement préservé et large, la
reconnaissance peut être un peu facilitée en bougeant doucement l'objet devant ses
yeux.
Le patient qui souffre d'agnosie associative se comporte, par exemple, devant une
pince à linge ou un peigne, comme une personne qui voit une pièce mécanique pour
la première fois de sa vie. Cette perte de capacité à reconnaître les objets qui sont
relativement bien perçus, est provoquée par des lésions temporo-occipitales
gauches, bien que des lésions bilatérales aient été aussi rapportées, et dans un cas au
moins, chez un patient ayant une lésion postérieure droite (Levine et al., 1978, in
Farah, 1990). La variabilité de la localisation lésionnelle est mieux comprise à la
lumière des études en neuroimagerie fonctionnelle et, à son tour, cette variabilité de
la localisation des lésions aide à comprendre la différence entre deux patients au
sein d'une nosologie plutôt artificielle mais dont la valeur heuristique reste actuelle.
L'agnosie associative est définie comme l'échec de la reconnaissance visuelle en
l'absence de déficits sensoriels élémentaires, de détérioration mentale, d'altération
des processus attentionnels, de troubles aphasiques de la dénomination et de
méconnaissance de l'objet présenté, mais en présence d'une reconnaissance intacte
dans d'autres modalités sensorielles et d'un traitement perceptif qui est compromis
mais pas détérioré.
Nous allons commenter d'abord les caractéristiques du déficit de la
reconnaissance des objets, afin de bien montrer la séparation entre l'agnosie visuelle
et les troubles du langage, avant de développer le volet de la reconnaissance dans
d'autres modalités sensorielles et celui du traitement perceptif chez le patient
agnosique associatif : maîtriser ces concepts évite des erreurs cliniques de
diagnostic.
Le déficit de reconnaissance est inféré, dans un premier temps, à partir de l'échec
en dénomination. Le fait que l'échec de la reconnaissance visuelle soit constaté dans
le domaine du langage, exige une séparation rigoureuse de ces deux fonctions afin
d'éviter des confusions. On dénombre 4 critères :
- La richesse des attributs visuels de l'objet à dénommer a une influence sur la
réponse du patient agnosique visuel, elle est absente des cas d'anomie (cet
aspect est développé plus bas).
- Les difficultés de reconnaissance visuelle du patient sont toujours présentes,
lorsqu'on lui demande de désigner l'objet nommé par l'examinateur. En
revanche, le patient aphasique obtient un score normal en tâche de désignation.
Si le score du patient agnosique montre une amélioration a minima en tâche de
désignation, ce léger avantage tient, probablement, au nombre limité des choix
face au nombre quasi infini de noms potentiels que suppose toute tâche de
dénomination, et non pas à une suppression de la difficulté à dénommer.
- Les tentatives de dénomination en présentation visuelle ont souvent un effet
délétère sur la performance du patient agnosique. Les persévérations, les
erreurs dues à une morphologie similaire (clé → une sorte d'outil ; asperge →
cigarette) « contaminent » sa production même après un intervalle de temps
entre deux tests. Si l'on demande au patient à quoi sert l'objet, il pourrait dire «
à bricoler » ou « on fume » dans les exemples donnés. Au contraire, le patient
aphasique (qui dit « cadenas » pour clé et « je ne sais pas » pour asperge)
donne l'utilisation correcte de l'objet qu'il ne dénomme pas correctement («
pour ouvrir une porte » et « pour manger », dans l'exemple ci-dessus).
- Les erreurs que commet le patient agnosique, sont des erreurs
morphologiques, visuelles, des confusions de caractéristiques de la forme des
stimuli. Le patient ne commet pratiquement pas d'erreurs sémantiques « pures
». Si le clinicien observe que son patient dit « couteau » pour fourchette, il
existe une plus grande probabilité qu'il s'agisse d'une erreur visuelle, les deux
objets étant allongés, lisses et brillants, qui a abouti à une erreur sémantique,
plutôt que d'une erreur sémantique tout court. Par contre, il est extrêmement
peu probable qu'un patient agnosique visuel confonde, par exemple, une
assiette avec un couteau. La difficulté du patient agnosique est, par définition,
l'incapacité d'accéder au système sémantique par la vision. Si le patient
dénommait le couteau comme étant une assiette, il fournirait au clinicien un
élément diagnostique d'aphasie (ou aphasie en plus d'agnosie). En effet, ce type
d'erreur sémantique sans aucune proximité morphologique, indique que le
patient est capable de reconnaître l'objet, d'accéder aux données sémantiques,
d'activer le champ correspondant aux « ustensiles de cuisine » mais qu'il est
incapable
- à cause de son anomie – de produire le nom précis. Lorsque le patient
agnosique (et sans troubles du langage) reconnaît un objet, il le dénomme
correctement. À titre d'exemple, le patient de Rubens et Benson (1971, in
Farah, 1990) ne dénomme correctement qu'un objet sur neuf et toutes ses
erreurs sont morphologiques.
L'évaluation des agnosies aperceptives telles qu'elles sont décrites par Farah
(1990) est réalisée au moyen de tâches qui testent la perception de la forme (Test de
figure–fond de la VOSP, Test d'Effron), selon les cas, au moyen de tests de contours
illusoires, de figures enchevêtrées, etc. (voir plus haut). L'ensemble des différents
éléments est testé à l'aide d'images de scènes mais il est utile de commencer par
deux ou trois figures simples présentées sur une feuille. Le nombre d'objets qui sont
perçus et le nombre de ceux qui sont reconnus peuvent être évalués avec différentes
images composées (comme les exemples donnés de l'évaluation de Luria et de
Tyler). L'agnosie aperceptive dans la classification de Warrington est
remarquablement bien testée avec la section visuo-perceptive de la batterie VOSP.
Dans le cadre de l'agnosie associative, les troubles de la reconnaissance visuelle
sont testés à l'aide des mêmes objets en 3 versions : des dessins, des photographies
en couleur et des objets réels. Une grande variété d'autres tâches sont aussi utilisées
(voir la présentation des cas).
Les difficultés d'accès sémantique à partir de la vision sont évaluées chez le
patient agnosique en faisant varier la forme d'exemplaires de la même catégorie
(e.g. un glaïeul et une marguerite) au moyen de tâches d'appariement dans l'exemple
des mêmes catégories, de groupement des différents membres d'une même catégorie
(par exemple, des cartes contenant des dessins de 10 animaux, 10 meubles, 10
vêtements, etc.) et de jugement du poids ou de la taille des objets (par exemple, on
demande quel est l'objet le plus lourd en montrant des images d'objets qui ont la
même taille sur les photos, comme celles d'un timbre poste, d'une pince à linge et
d'une épingle de nourrice).
Pour le sujet qui a une reconnaissance normale des visages, ceux-ci constituent
une source d'information instantanée et incomparablement plus riche que toute autre
catégorie d'objets. Un coup d'œil suffit pour « lire » l'âge, le sexe, la direction dans
laquelle la personne regarde, l'expression neutre ou émotionnelle, la familiarité d'un
visage connu, et dans ce cas, de son identité. Cette richesse d'informations à partir
des visages, va de pair avec l'importance que nous leur accordons dans notre
comportement et nos interactions avec les autres. Le statut des visages est unique
pour l'intérêt qu'ils suscitent, pour le niveau extraordinaire d'expertise de
mécanismes de reconnaissance dont ils sont l'objet et pour leur importance au sein
de la biologie théorique. Ces caractéristiques sont à l'origine d'une série de questions
concernant l'organisation cérébrale qui sous-tend leur traitement visuel.
L'évaluation du traitement perceptif des visages inconnus, est réalisée avec le test
de Benton et Van Allen (1968) qui comprend des tâches d'appariement du même
visage vu sous différents angles et qui, par ailleurs, permet de présenter des tâches
de jugement de l'âge approximatif des visages photographiés de manière à masquer
tout autre indice comme les cheveux, les vêtements, etc.
L'évaluation de patients souffrant de prosopagnosie est réalisée à l'aide de
photographies de personnages célèbres : en fonction de la gravité du cas, on
demande au patient de les dénommer (un patient sévèrement prosopagnosique,
examiné dans l'équipe de Freda Newcomb, à la Radcliffe Infirmary, Oxford, avait
reconnu un seul visage sur une cinquantaine, celui de Margaret Thatcher !). Plus
souvent, on demande au patient de classer les personnages par profession ou en
termes de célébrité passée et actuelle. Si possible, on teste aussi sa reconnaissance
des visages de ses proches.
L'aphasie optique
Nous avons vu que l'agnosie associative est une incapacité à reconnaître les objets
vus en présence d'une bonne reconnaissance dans les autres modalités sensorielles.
Dans ce cadre général, la définition de l'aphasie optique est la difficulté à dénommer
l'objet relativement bien reconnu et ce, malgré la dénomination intacte lors de la
présentation de l'objet dans d'autres modalités. Nous savons que le patient aphasique
optique reconnaît visuellement l'objet qu'il ne dénomme pas, parce qu'il décrit les
caractéristiques sémantiques absentes de l'information visuelle. Ainsi, si l'on
présente une cuillère, le patient agnosique la décrit comme « c'est brillant, il y a une
partie allongée et l'autre arrondie » ; le patient aphasique optique la décrit comme «
c'est pour manger la soupe » (cependant, il n'est pas aphasique tout court, puisque, à
la différence d'un patient aphasique, il dénomme l'objet s'il le touche ou si on lui en
fournit une description verbale).
Le terme d'aphasie optique a été introduit par Freund en 1889 pour décrire l'un de
ses patients qui présentait une hémianopsie latérale homonyme droite et des troubles
aphasiques comme conséquence d'une tumeur dans la région pariéto-occipitale
gauche. Plusieurs patients rapportés dans la littérature souffraient d'AVC affectant
l'artère cérébrale postérieure à gauche. La revue de la littérature réalisée par Iorio et
al., (1992) aide à clarifier la question de la différence anatomique entre l'agnosie
visuelle associative et l'aphasie optique. En effet, les auteurs rapportent que 59 % de
patients agnosiques présentaient une lésion temporo-occipitale bilatérale alors que
41 % avaient une lésion unilatérale. En revanche, tous les patients aphasiques
optiques présentaient une lésion uniquement gauche. Le diagnostic différentiel entre
ces deux syndromes est difficile uniquement dans les cas de lésions unilatérales et il
peut s'avérer d'autant plus délicat que les patients présentent souvent,
indépendamment du syndrome, une hémianopsie latérale homonyme droite, une
hémiplégie ou hémianesthésie droite et des troubles du langage, notamment
immédiatement après l'accident vasculaire cérébral.
D'un point de vue théorique, l'agnosie visuelle associative implique, comme nous
l'avons décrit plus haut, un déficit d'accès au système sémantique unique par la
vision ou bien, d'après la théorie des systèmes sémantiques séparés, il s'agirait d'une
détérioration du système sémantique visuel. Dans l'aphasie optique, nous sommes
loin d'une position théorique consensuelle :
- Une série d'auteurs ont considéré l'aphasie optique comme une forme légère
d'agnosie associative. Dans ce courant, Riddoch et Humphreys (1987)
s'accordent à dire qu'il s'agit d'une forme d'agnosie associative, définie comme
un déficit d'accès sémantique (la différence entre cette forme et l'agnosie
associative n'est donc pas très claire). Il est intéressant de noter que pour
Geschwind (1965), l'agnosie visuelle n'est rien d'autre qu'une aphasie optique.
- Une deuxième interprétation théorique de l'aphasie optique est celle de
Larrabee et al. (1985) qui situent le déficit fonctionnel entre le système
sémantique et le lexique phonologique de sortie.
- Pour leur part, Farah (1990), et Manning et Campbell (1992) ont interprété
l'aphasie optique comme l'effet sur-additif de deux lésions fonctionnelles
légères, l'une dans l'entrée de l'information visuelle au système sémantique,
l'autre, à la sortie de ce système vers le lexique. L'information visuelle
légèrement altérée au sein du système sémantique devient déficitaire si une
nouvelle lésion s'y ajoute.
- Dans le cadre des deux systèmes sémantiques, Beauvois (1982) a interprété
l'aphasie optique comme une déconnexion du lien de la sémantique visuelle à
la sémantique verbale (le lien reste fonctionnel dans le sens verbal/visuel, faute
de quoi il serait impossible que les patients puissent effectuer des tâches de
désignation sous consigne verbale).
- Coslett et Saffran (1989) dans un des articles les plus intéressants sur
l'aphasie optique, l'interprètent en termes de déconnexion fonctionnelle des
systèmes sémantiques des hémisphères cérébraux. Les objets non dénommés et
les mots non lus seraient traités par la sémantique de l'hémisphère droit,
traitement qui n'a pas d'accès à l'hémisphère gauche en raison des lésions
affectant les réseaux nerveux qui rendent possible la transmission
interhémisphérique. Cette interprétation se situe dans la conception du
syndrome de déconnexion de Déjerine (1892) et Geschwind (1965, voir
chapitre 4).
- Finalement, Davidoff et De Blesser (1993) proposent un modèle dans lequel
l'information analysée dans le système de descriptions visuelles structurales va
directement au lexique phonologique de sortie, en utilisant les données qui
concernent la couleur. La lésion fonctionnelle située dans cette voie directe
permet d'expliquer les caractéristiques de l'aphasie optique et de séparer les
patients qui sont sensibles à la qualité visuelle de l'objet de ceux qui ne le sont
pas. Il faut dire, cependant, que la qualité visuelle des objets n'a pratiquement
pas d'influence dans l'aphasie optique.
Une différence importante entre l'aphasie optique et l'agnosie visuelle est que les
erreurs du patient aphasique optique sont, pour la plupart, des erreurs sémantiques,
indicatives de la reconnaissance visuelle correcte de l'objet. Cependant, ces patients
ne sont pas aphasiques anomiques puisque (comme cela a été déjà indiqué), les
objets sont immédiatement et sans hésitation dénommés dans les autres modalités.
Ceci dit, ces patients ont parfois « des symptômes agnosiques », ils ont alors l'air
perplexe, et il leur arrive de prendre la carte où se trouve le dessin non reconnu et de
la tourner d'un côté et de l'autre. Il est donc nécessaire de s'assurer, pour chaque
erreur de dénomination, que le traitement perceptif est ou non la cause de l'erreur.
L'expérience clinique montre la possibilité de trouver les deux syndromes – aphasie
optique et agnosie visuelle – chez le même patient (voir la présentation de cas).
Une dernière observation concerne le déficit de la dénomination des lettres qui est
observé dans tous les cas publiés (à notre connaissance) d'aphasie optique. Il semble
possible que le trouble de la lecture des lettres, dans l'alexie pure (chapitre 4), soit
qualitativement le même que celui observé dans l'aphasie optique à un degré de
sévérité différent.
L'achromatopsie est la perte de vision de la couleur due à des lésions situées dans
n'importe quel point du parcours nerveux entre l'œil et le cortex visuel. Dans ce
dernier cas, elles affectent le lobe temporal, concrètement le gyrus fusiforme, et le
lobe occipital, au niveau du gyrus lingual. La grande majorité des patients
achromatopsiques rapportés dans la littérature présentent des lésions bilatérales.
Dans les cas sévères, le patient voit le monde en noir, blanc et certains tons de gris.
Il échoue aux tests formels comme les Planches d'Ishihara et le test de Munsell-
Farnsworth (Munsell-Farnsworth 100 hue test), qui évaluent le niveau perceptif, en
revanche ils peuvent répondre aux questions sur la couleur (Quelle est la couleur de
la neige ?).
Anomie de la couleur. Le patient qui souffre de ce type de trouble est incapable
de dénommer les couleurs qui lui sont montrées sans pour autant être ni aphasique,
ni dyschromatopsique. Ce trouble peut être observé comme étant spécifique à la
modalité visuelle ou spécifique à la catégorie couleur.
Les données des 10 patients de la littérature (Manning et Campbell, 1993)
montrent que les lésions affectent dans tous les cas le lobe occipital gauche, que
tous les patients présentent une hémianopsie latérale homonyme droite
accompagnée d'une alexie pure et, dans quelques cas rares, d'une alexie avec
agraphie. Concernant les tests, la performance au test d'Ishihara de ces 10 patients
est normale, alors que la dénomination des couleurs est déficitaire (c'est la raison
des rapports) et les tâches où le patient doit compléter des phrases en donnant le
nom d'une couleur, sont réussies sans exception.
Aphasie optique avec une agnosie visuelle pour les parties détachées d'un tout et
troubles de l'imagerie visuelle (Manning, 2000)
a) Copie de dessins : elle est très fidèle et très laborieuse, elle met en évidence un
accès normal aux parties qui composent le stimulus (voir figure E), à partir d'un
tout.
b) Son score au sous-test Décision d'objet (VOSP) de 17/20 est normal. Ce test
est choisi parce qu'il est le seul de la VOSP qui demande une réponse de désignation
et non pas de dénomination. Ce résultat montre que la vision centrée sur l'objet
(niveau 3-D de Marr) n'a pas été atteinte par la lésion.
c) Le test des vues inhabituelles est présenté en contournant la réponse de
dénomination, il doit apparier la vue inhabituelle avec la vue canonique parmi trois
autres distracteurs. Son score de 19/20 confirme le précédent.
d) Appariement image-mot avec des distracteurs perceptifs. L'objectif de cette
tâche est d'évaluer l'accès au système de descriptions structurales à partir du mot
parlé et dans un contexte de conflit perceptif. (Chacune des 10 planches contient 4
images d'objets qui n'ont pas de lien sémantique et qui ont une grande ressemblance
perceptive.) Son résultat à cette tâche est faible (16/20).
e) Dessin de mémoire. Le but ici est de lui demander la même tâche que
précédemment, à savoir l'accès au système de descriptions structurales des objets à
partir du nom d'un objet nommé par l'examinateur mais, dans ce test-ci, il doit
obtenir l'information visuelle correspondante, dans sa propre sémantique visuelle
(ou mémoire visuelle à long terme). La figure F montre l'impossibilité du patient à
réaliser ce test.
f) Classement d'images. Le patient doit classer, en formant 5 groupes de
catégories différentes, 50 images présentées en vrac (animaux, fruits et légumes,
vêtements, actions et parties du corps). Son résultat est satisfaisant pour 4
catégories, il a des difficultés uniquement pour 4 images des parties du corps (nez,
menton, cheveux et coude), qui sont placées sous d'autres catégories. Quelles
raisons pourraient être à l'origine de cet échec sélectif ? Bien qu'il soit difficile de se
prononcer sur la familiarité subjective des parties d'un objet, en général, nous
savons que les parties du corps et du visage ont une fréquence élevée et qu'elles ne
comportent pas de configuration visuelle complexe.
g) Parties du corps, intégrées au corps. L'image d'un garçon est présentée au
patient avec la consigne de désigner les parties nommées par l'examinateur (son nez,
son coude, etc.), il réalise la tâche sans erreur et sans hésitation tout comme le sous-
test similaire du BDAE.
c) Description libre. Les images que le patient n'a pas dénommées ont été
correctement décrites dans 81 % des cas (exemples : panier → « quand on achète au
marché, on met les courses là-dedans » ; fer à cheval → « je travaillais avec ça
quand j'étais jeune, on chausse le cheval, puis on les fixe... »
Commentaire. Le déficit de dénomination est limité à l'entrée visuelle, cependant,
les descriptions et les réponses correctes écartent le diagnostic d'agnosie visuelle
associative et suggèrent l'aphasie optique. Il reste un doute : les erreurs pour la
catégorie des parties du corps, volet qui doit être testé en détail.
Conclusion
La désorientation visuelle
Le symptôme central qui caractérise ce syndrome de désorientation visuelle,
est l'incapacité de localiser un point dans l'espace. Le trouble de la localisation
est ici isolé puisque ni la détection des stimuli (leur présence) ni la perception du
mouvement ne sont altérées. Les conséquences pour le patient qui en souffre
sont graves : la localisation des points dans l'espace est à la perception spatiale,
ce que la discrimination de la forme est à la reconnaissance des objets. Ainsi, le
patient se trouve face à plus de difficultés que s'il était devenu aveugle puisqu'il
est souvent incapable d'éviter les obstacles sur son chemin. De même, d'autres
activités quotidiennes comme trouver la sortie, sa porte d'entrée ou prendre un
repas, deviennent sinon impossibles, du moins extrêmement difficiles.
Les descriptions faites par Holmes en 1918, de patients qui souffraient de
désorientation visuelle, sont riches d'observations cliniques : ses patients
n'étaient plus capables, en utilisant uniquement la vue, de localiser la position
d'un objet dans l'espace, ni d'estimer la distance entre deux points, ou la taille des
objets. Dans tous les cas, l'information somesthésique était normalement traitée,
comme le montraient leurs réponses rapides et correctes dès qu'ils touchaient les
objets pour juger leur localisation, leur distance et leur taille. Par ailleurs, ils
localisaient correctement des stimulations tactiles sur leur corps et des sources
sonores dans l'espace. À partir de ces descriptions et d'autres qui ont suivi
depuis, on sait que le déficit implique exclusivement l'orientation visuelle. En
effet l'acuité visuelle, la perception des couleurs et même, sous certaines
conditions, l'identification des visages, des lettres ou des dessins superposés,
sont normales.
On constate une préservation dans la modalité tactile, semblable aux cas
d'agnosie associative, qui disparaît lorsque le déficit affecte des niveaux plus
élaborés du traitement spatial à cause du rôle multimodal du lobe pariétal (voir la
sous partie intitulée « Les troubles de l'ananlyse de l'espace »).
Les critères de diagnostic de la désorientation visuelle incluent des déficits de
la discrimination de la profondeur (stéréopsie), de la fixation du regard sur un
objet isolé et de la poursuite visuelle d'un objet. Ces altérations apparaissent dans
le contexte d'une acuité visuelle normale, d'une bonne localisation des sons dans
l'espace et des fonctions somesthésiques et motrices intactes.
Les lésions à l'origine de la désorientation visuelle affectent bilatéralement le
carrefour occipito-pariétal (impliquant surtout les BA 18 et 19, notamment pour
le traitement de la profondeur), localisation lésionnelle qui provoque aussi une
incidence élevée d'hémianopsie bilatérale inférieure. Cependant, les systèmes de
localisation visuelle étant distribués dans les deux hémisphères, il existe des cas
où, secondairement à une lésion unilatérale, les déficits de localisation d'un objet
se limitent à une moitié ou à un quadrant du champ visuel controlatéral. Dans ce
cas de figure, le patient compense le déficit en se positionnant de manière à
réaliser les opérations de localisation spatiale dans les portions intactes de son
champ visuel. Les troubles de la localisation dans l'espace sont quantifiés à l'aide
d'appareils qui mesurent l'écart entre la localisation des points lumineux qui
apparaissent à différents endroits des champs visuels et la désignation de ces
points par les patients.
Cette affection est rare et les cas sévères s'accompagnent d'autres symptômes,
dans l'ensemble connu sous le nom de syndrome de Balint (voir plus bas).
La désorientation topographique
Le syndrome de Balint
Décrit pour la première fois par Balint en 1909, ce syndrome est défini comme
l'incapacité d'orienter le regard volontairement dans le champ visuel
périphérique, la présence d'une ataxie optique et d'un trouble sévère de l'attention
visuo-spatiale. Les lésions des régions pariéto-occipitales sont bilatérales et
associées à une dysfonction frontale probable (voir plus bas).
Nous allons voir les trois caractéristiques qui ont une valeur diagnostique :
- La paralysie psychique du regard se manifeste par l'incapacité du patient
de diriger volontairement son regard. Lorsqu'il doit chercher un objet avec
le regard, il commence à bouger la tête et ces mouvements, qui semblent ne
pas avoir un but, donnent l'impression au clinicien que le patient n'a pas
compris, alors qu'en réalité, il s'aide de ces mouvements de la tête. Il semble
que les troubles de la paralysie psychique du regard impliquent, en plus du
dysfonctionnement de zones occipitales, les lobes pariétal et frontal ainsi
que des voies cortico-sous-corticales nécessaires au maintien des afférences
visuelles avec les afférences visuo-motrices.
- L'ataxie optique est l'incapacité de saisir ou de pointer un objet sous
guidage visuel, en raison des erreurs de localisation spatiale. Lorsque le
patient essaie de saisir un objet, il positionne le bras/main à une distance
erronée, s'écartant parfois de 50 cm par rapport à l'objet, qui est comme on
l'a dit, vu et reconnu normalement. Plus rarement, l'absence d'une autre
composante du geste de saisie, la préconfiguration de la main, peut être la
cause du déficit, alors que le patient présente un geste du bras normal, avec
une bonne direction et une bonne distance (Jeannerod et al., 1994). Les
patients, rares, qui présentent une atteinte très sévère, ont des difficultés de
saisie et de désignation d'un objet, même si celui-ci se trouve dans leur
vision centrale. En revanche, le patient est capable de désigner, sur lui-
même, les parties du corps mentionnées par l'examinateur puisque le
traitement de l'information proprioceptive est normal. Une autre manière
d'utiliser l'information proprioceptive qui constitue en même temps une
évaluation simple est de tester la saisie manuelle en « boucle ouverte » ce
qui veut dire que le patient ne reçoit pas de feedback visuel. Concrètement,
dans un premier temps (« boucle fermée »), on demande au patient de
prendre un objet placé à la portée de sa main, en périphérie de son champ
visuel. Sans bouger l'objet, dans un deuxième temps (« boucle ouverte »),
on lui demande à nouveau de le prendre mais en plaçant un écran entre sa
vue et son bras de manière à empêcher le guidage visuel. Le patient
ataxique optique réussit uniquement la deuxième tâche.
- Le trouble visuo-attentionnel ou simultagnosie dorsale (voir chapitre 5 ),
affecte principalement les parties périphériques du champ visuel et
provoque un rétrécissement du champ utilisé (l'examen périmétrique est
normal).
La négligence unilatérale
6) Dans les cas où la négligence est centrée sur la personne, il arrive que le
patient s'habille de manière incomplète (il n'enfile pas une manche de sa chemise
ou de sa veste) et qu'il se lave ou se rase seulement la moitié du visage.
Fait plus impressionnant encore, chez quelques patients hémiplégiques, les
troubles du comportement vis-à-vis de leur maladie se manifestent comme un
refus de reconnaître leur paralysie (l'anosognosie). On observe aussi un autre
type de trouble qualitativement différent, c'est le cas du patient qui refuse
d'accepter que le membre paralysé lui appartienne (l'asomatognosie). Dans ce
dernier cas, si le déficit est sévère, il peut se sentir contrarié « d'avoir le bras ou
la jambe de quelqu'un d'autre dans son lit ». Les démonstrations d'objectivité le
laissent généralement indifférent et, si le degré moindre de sévérité de la maladie
lui permet d'accepter ces membres comme faisant partie de son corps, il les traite
comme s'il s'agissait d'objets. Enfin, chez les patients dont l'atteinte est légère,
bien qu'ils reconnaissent leurs membres paralysés, ils présentent parfois une
absence d'implication émotionnelle (l'anosodiaphorie).
Conclusion
La contribution de Goldenberg
Il existe une variété de déficits provoqués par les lésions cérébrales qui
entravent la réalisation d'un geste à but précis. Les troubles conséquents à
des lésions unilatérales ou bilatérales prédominant à gauche sont l'ataxie
kinesthésique, l'ataxie optique, l'apraxie buccofaciale, l'apraxie des gestes et
d'utilisation des objets.
1) L'ataxie kinesthésique est l'incapacité de positionner la main
relativement à un objet à saisir ou d'une action à réaliser si l'attention
visuelle pour guider les mouvements est absente. Wolpert et al. (1998)
rapportent le cas d'une patiente qui avait un kyste dans le lobe pariétal
gauche et dont la présence et l'information sur la position de ses membres
droits « disparaissaient » en quelques secondes s'ils étaient en dehors de son
attention visuelle. Les données visuelles étaient les seules à lui fournir
l'information nécessaire pour effectuer des mouvements, comme le montrait
le fait qu'une stimulation tactile ou un poids mis sur le membre affecté ne
lui était d'aucune aide après une courte période. Les patients qui souffrent
d'ataxie kinesthésique sont capables de détecter des changements de
sensations provoqués par d'autres modalités sensorielles (l'information
somesthésique primaire est préservée), mais les changements liés aux
mouvements ont besoin de la vision qui fournit le feedback nécessaire au
guidage de l'action en absence des données proprioceptives et
kinesthésiques.
Pour évaluer cette apraxie, le clinicien fait en sorte que le membre
supérieur affecté soit en dehors de la vue du patient et le positionne selon un
geste donné. Il lui demande ensuite de prendre la même position gestuelle
avec le membre supérieur non affecté. Le patient échoue à cette tâche faute
d'information kinesthésique.
2) L'ataxie optique est le trouble lié à l'espace controlatéral à la lésion où
le guidage visuel perturbe la tâche de saisie des objets (elle est décrite en
tant que composante du syndrome de Balint dans le chapitre 6).
3) L'apraxie buccofaciale est la difficulté à réaliser des mouvements
buccofaciaux autres que l'articulation du langage alors que les mouvements
automatiques sont préservés. Essentiellement observée après une lésion
gauche, la présentation de cette apraxie peut ne pas impliquer le cortex
pariétal et être due à des lésions sous-corticales. Elle est parfois observée
chez des patients qui souffrent d'apraxie du langage (chapitre 4) et
constitue, dans ce cas-là, une difficulté pour l'application des programmes
de réhabilitation. Cette situation mise à part, l'activité quotidienne du
patient n'est pas affectée par l'apraxie buccofaciale car elle est présente
uniquement lorsqu'en réponse à une consigne, il essaie de mettre en place
une série de mouvements volontaires. L'évaluation est réalisée en donnant
au patient une consigne orale et en lui demandant d'imiter : souffler,
montrer les dents, bouger la langue d'une commissure labiale à l'autre
plusieurs fois, placer le bout de la langue entre les dents et la lèvre en haut,
puis en bas, froncer les sourcils, gonfler une seule joue (difficultés avec la
droite), cligner un œil (idem).
4) L'apraxie des gestes et d'utilisation d'objets se caractérise par des
erreurs dans la réalisation de certains gestes, même avec la main ipsilatérale
à la lésion et en contraste avec d'autres actions qui sont, elles, bien réalisées.
Elle est observée dans trois conditions, l'imitation des gestes dépourvus de
sens, la pantomime des gestes familiers et l'utilisation des objets.
- Les troubles de l'imitation des gestes arbitraires peuvent être provoqués soit par des
lésions droites qui vont affecter surtout la position digitale, avec épargne de positions
manuelles, soit par des lésions gauches où l'on observe le tableau opposé. Le site lésionnel par
excellence est la partie inférieure du lobe pariétal gauche qui entraîne, dans certains cas, une
incapacité à imiter des gestes sans autres déficits. Ainsi, si le patient doit imiter une action
ayant un sens (par exemple « au revoir »), il pourra le faire sur la base de ses propres
représentations mais en évitant d'imiter l'examinateur. Ce trouble ne comporte donc pas
d'entrave dans la vie quotidienne, sauf dans des situations où l'imitation d'une action s'avère
nécessaire (certains apprentissages en ergothérapie, par exemple). Une dizaine de tests, au
moins, ont été conçus et standardisés pour évaluer ce déficit. L'épreuve issue de la découverte
même des difficultés praxiques plus importantes pour les gestes arbitraires et qui a servi de
base à toutes les autres, est celle de Pieczuro et Vignolo (1967). Elle consiste à faire prendre
10 positions des doigts (e.g. prendre avec le pouce l'annulaire et l'auriculaire ou le majeur et
l'annulaire ou l'index et le majeur). Un test plus complet est celui de Goldenberg (1996) qui
comporte 20 positions, 10 pour la main et 10 pour les doigts.
- La pantomime des gestes familiers pose des difficultés au patient lésé à gauche et qui
présente, dans pratiquement tous les cas, une aphasie. Hécaen (1978) a étudié avec beaucoup
de détail les troubles des gestes familiers en les divisant en deux catégories : les gestes
essentiellement symboliques (e.g. les doigts croisés pour souhaiter bonne chance) et les gestes
expressifs (e.g. l'index touchant le front « il est fou »). D'autres auteurs ont comparé des gestes
qui miment l'usage d'un objet (e.g. boire, clouer) avec des gestes familiers (e.g. salut militaire).
Il ne semble pas exister de différence significative dans la difficulté que présentent les patients
selon ces diverses divisions des gestes familiers.
Il est dans tous les cas conseillé d'évaluer le patient en imitation plutôt qu'en consigne orale
(en raison de la présence de l'aphasie) et de lui proposer des gestes symboliques, expressifs et
des gestes d'utilisation d'objet en pantomime ; dans ce dernier cas, on montrera l'objet réel
(sans permettre au patient de l'utiliser). Il n'est pas rare d'observer que le patient utilise une
partie de sa propre main comme objet (par exemple, l'index frotte les dents si on a montré une
brosse à dents), cependant, cette observation n'autorise pas à elle seule le diagnostic d'apraxie,
l'erreur pouvant être due à un QI limite ou déficient.
- L'utilisation des objets peut être affectée suite à des lésions gauches étendues, impliquant
le lobe pariétal et débordant vers les autres lobes cérébraux ; cette pathologie est observée
même dans des lésions diffuses. La description de Pick de 1905 garde toute sa signification et
sa clarté : il avait observé que son patient, voulant allumer une bougie, frottait l'allumette
contre la bougie ou oubliait d'éteindre l'allumette après avoir allumé la bougie. L'évaluation
comporte plusieurs niveaux de difficulté : plusieurs actions dans l'exemple présenté, comme
visser une vis ou couper du pain, appartiennent au niveau élaboré car l'action comporte deux
objets et différentes étapes. Encore plus élaborée est la tâche de plier une lettre, de la mettre
dans l'enveloppe, d'écrire l'adresse et de coller un timbre. Les erreurs praxiques
caractéristiques dans deux de ces exemples consistent en la production de mouvements
inappropriés comme, par exemple, le mouvement du bras (depuis l'articulation de l'épaule)
pour l'action de visser, l'impossibilité de suivre un mouvement de scie, ou bien encore se
limiter à appuyer le couteau sur le pain, pour l'action de couper.
L'autotopoagnosie
Comme l'indique l'étymologie du terme autotopoagnosie, les patients qui
en souffrent ont perdu la capacité de localiser, de désigner et de nommer les
différentes parties de leur propre corps. Cependant, leur incapacité va au-
delà de l'autotopoagnosie puisque qu'ils montrent le même déficit lorsqu'il
s'agit des parties du corps d'autrui, de dessins, de modèles en bois, etc.
Le déficit ne concerne pas la reconnaissance mais les processus de
transcodage de l'information orale ou tactile (voir évaluation), en
désignation d'une partie du corps. Les patients autotopoagnosiques ont des
lésions du lobe pariétal gauche qui affecte l'espace bilatéral de leur propre
corps mais non l'espace extracorporel. Un des cas le mieux étudié dans la
littérature est celui d'Odgen (1985, in Semenza, 2003) concernant un patient
non-aphasique qui présentait une tumeur du lobe pariétal gauche. Le patient
était fort capable de désigner des parties d'objets, comme les portières, le
volant, etc. d'une voiture et il n'avait pas de difficultés pour nommer les
parties du corps ou décrire leur fonction ; cependant, dès lors qu'il devait les
désigner sur commande verbale, sa performance était déficiente.
Les déficits cognitifs à la base des troubles des représentations
corporelles sont peu et mal connus. La localisation des parties du corps
requiert la normalité des traces mnésiques comportant toute l'information
sémantique et fonctionnelle des parties du corps (en plus des aspects
somesthésiques, proprioceptifs et moteurs). Par ailleurs, elle nécessite aussi
que les fonctions verbale, tactile et visuelle soient normales. Il n'est pas
étonnant, après cette énumération que les critères neurologiques pour
considérer l'autotopoagnosie comme un syndrome à part entière soient tous
des critères d'exclusion. Ainsi, le diagnostic s'attache-t-il à vérifier que le
patient ne souffre ni d'agnosie visuelle, ni d'agnosie tactile, ni d'apraxie,
qu'il n'est pas aphasique et qu'il n'a pas de déficits spatio-attentionnels ou
sensorimoteurs pouvant expliquer son incapacité.
L'évaluation est, en conséquence, réalisée dans les modalités verbale et
non-verbale : on demande au patient de fermer les yeux et on touche, par
exemple, la joue droite puis le coude gauche et on lui demande ensuite de
les désigner sur une image ou sur l'examinateur. On continue le test en
observant si la stimulation des points voisins (joue/nez ou coude/avant-bras,
etc.) provoque plus d'erreurs ; puis on demande la même tâche, sur
commande orale, chez les patients chez qui il n'existe pas de signes
aphasiques.
Conclusion
Nous avons abordé dans la première partie de ce chapitre une série des
fonctions liées au mouvement, surtout (mais pas uniquement) des membres
supérieurs, mouvements qui ont pour point commun le niveau « élevé »
d'élaboration. En effet, le déficit de ces gestes est indépendant des processus
de plus bas niveau du contrôle des mouvements. Une deuxième dimension,
« volontaire / non volontaire », s'est avérée essentielle dans la
compréhension des troubles gestuels et, plus simplement, dans la
praticabilité des classifications de ces troubles. Le déficit de l'intention ou
de la volonté de réaliser un geste – les apraxies – reflète des altérations à un
des trois niveaux généraux de traitement de l'information des gestes
volontaires : l'idée du geste, sa transmission ou son exécution. Par ailleurs,
les gestes non souhaités, non contrôlés et réalisés ainsi à l'insu du patient,
sont considérablement plus rares et plus impressionnants. Ils sont également
plus difficilement étudiés de par leur nature, mais leur appartenance aux
troubles neurologiques et neuropsychologiques est à présent largement
acceptée.
Dans la deuxième partie du chapitre, nous avons illustré deux types de
troubles des représentations corporelles, l'autotopoagnosie et les membres
fantômes. L'autotopoagnosie pose le problème délicat de son diagnostic
correct, alors que celui des membres fantômes se fait d'emblée, en même
temps que la constatation des troubles. Les progrès dans la compréhension
de ces derniers ont conduit à une variété de techniques visant à soulager la
douleur qui suit l'amputation d'un membre chez la plupart de ces patients.
Une étape fondamentale dans l'avancée des progrès thérapeutiques a été
franchie grâce à la démarche qui consiste à donner au patient la garantie du
caractère organique de son trouble.
1 Cité par McCarthy et Warrington, 1990.
CHAPITRE 8
Introduction
Les lobes frontaux (LF) ont été décrits comme les régions du « cortex cérébral
qui constituent la plus grande des énigmes » (Nauta, 1971). Trente-cinq années
plus tard, des progrès considérables ont été réalisés par les chercheurs
spécialistes des LF qui ont montré qu'une part du mystère était due à l'importante
complexité neuro-anatomique qui est le soubassement d'une complexité
fonctionnelle tout aussi impressionnante. Cependant, des volets entiers restent à
explorer et à comprendre avant que l'énigme soit résolue. Voyons deux
exemples : certains patients montrent une récupération spontanée de symptômes
sévères, comme la production des confabulations (voir plus bas), alors que
d'autres signes, en apparence plus « légers », comme la difficulté dans la
planification des tâches, perdurent et altèrent l'activité générale du patient. Une
autre constatation non expliquée est la performance satisfaisante de quelques
patients « frontaux » non seulement aux tests de QI mais aussi aux tests sensibles
aux troubles des LF (voir plus bas).
Une des caractéristiques centrales des LF est leur cytoarchitecture dont
l'organisation reflète l'évolution phylogénétique vers des processus et des
comportements du plus haut niveau d'élaboration, comme la participation au
stockage et à la récupération des traces mnésiques, l'association de différents
mécanismes qui aboutissent à la prise de décision, à l'expression du langage, à la
résolution des problèmes, aux traitements émotionnel, affectif, motivationnel,
etc. Cette multiplicité de composantes se traduit, dans le contexte clinique, en un
éclatement des scores aux épreuves dites frontales. Une première conséquence
de l'hétérogénéité des fonctions frontales nous conduit à adopter une perspective
théorique qui réfute la notion de syndrome frontal (Shallice, 1988), réservant
l'utilisation de ce terme aux échanges entre professionnels concernant les
patients qui présentent des échecs aux tests frontaux, des changements de la
personnalité, des comportements altérés, etc.
Les auteurs s'accordent à dire que l'ensemble des fonctions cognitives,
comportementales et affectives sous-tendues par les LF est à la base des
représentations internes du monde environnant. A leur tour, ces représentations
permettent la comparaison entre les informations présentes et passées et c'est à
partir de cette confrontation que le sujet est en mesure de sélectionner une
réponse adaptée à un environnement toujours changeant. Dans le contexte
clinique, la prise en compte de cette caractéristique nous conduit à donner une
place importante aux observations de la vie quotidienne, aux tests à vocation
écologique et aux rapports des personnes proches du patient.
Notions de neuroanatomie
Tableau 1
. Les cinq boucles fronto-sous-corticales
motivationnels de haut niveau de complexité. L'atteinte des ganglions de la
base participant à une de ces boucles produit, en effet, des déficits proches de
ceux que l'on observe dans une lésion de la région corticale participant à cette
boucle.
Le circuit dorsolatéral a été impliqué dans la planification et dans les fonctions
exécutives ; son dysfonctionnement perturbe la flexibilité cognitive. Quant au
circuit frontomédian ou cingulaire antérieur, il intervient, probablement, dans la
sélection de la réponse et l'initiation du comportement. Son dysfonctionnement
peut provoquer la perte d'autoactivation psychique (observée par exemple après
lésions bipallidales), qui se traduit par une diminution sévère de l'activité
spontanée. Enfin, le circuit orbitofrontal, il semble avoir un rôle dans l'inhibition
de l'interférence et les aspects affectifs ainsi que dans l'autonomie personnelle.
Son dysfonctionnement aurait des répercussions sur la flexibilité affective.
Eslinger et Geder (2000) ont associé des aires de Brodmann lésées aux déficits
observés (voir le glossaire pour la définition des termes).
- Les lésions qui affectent les régions motrice et latérale prémotrice (BA 4,6)
provoquent une hémiparésie, une apraxie, une dysarthrie, une aphasie motrice
non fluente si la lésion est unilatérale à gauche et une aprosodie, si la lésion est à
droite.
- Les lésions impliquant la zone médiane supérieure (BA 24,6), peuvent être à
l'origine des tableaux d'akinésie, de mutisme, du syndrome de la main étrangère,
de « grasping » et de perte de motivation, de troubles de l'intention et de
l'autorégulation.
- Les patients qui présentent des lésions au niveau de la région médiane
inférieure (BA 25,32,14), ont des déficits de la fonction inhibitrice des LF sur les
lobes pariétaux ce qui se traduit par une dépendance des lobes pariétaux aux
stimuli visuels et tactiles, sans la fonction d'inhibition qui permet de sélectionner
les stimuli qui sont nécessaires, à un moment donné, pour un but donné. Les
déficits observés sont, en plus des signes de désinhibition, un manque de
motivation et un affect altéré.
- Dans les cas de lésions impliquant le cerveau antérieur de la base, le patient
peut présenter une amnésie, des confabulations et un manque de motivation. Les
confabulations se caractérisent par la production spontanée de faux souvenirs
(qui peuvent être très détaillés) et qui concernent, soit des événements qui n'ont
jamais eu lieu, soit des événements réels qui sont déplacés dans le temps et dans
l'espace. Les patients qui confabulent ne sont pas conscients de l'inexactitude de
leurs souvenirs, ils n'ont aucunement l'intention de tromper autrui : les
confabulations ne sont pas des mensonges.
- L'atteinte du cortex orbitofrontal (BA 10,11,12,13,14) se caractérise par des
changements de la personnalité, une impulsivité, un jugement social altéré, un
manque d'empathie, une absence de but et une dépendance externe (voir la sous
partie intitulée « Troubles du comportement et de la personnalité »).
- Dans les cas où les lésions affectent la région dorsolatérale (BA
8,9,10,11,45,46,47), ce sont les fonctions cognitives qui risquent le plus d'être
touchées, soit par une désorganisation de la pensée et de l'action, soit par une
atteinte de la mémoire active à court terme (voir plus bas). On observe, par
ailleurs, des comportements de persévération, une rigidité cognitive, un échec de
la planification, de l'intention et de l'attention, une impulsivité, un
asservissement au stimulus, un manque d'empathie, un phénomène
d'héminégligence attentionnelle, notamment si la lésion est à droite et une
aphasie transcorticale motrice, si la lésion est à gauche.
En raison du vaste réseau neuronal cortico-sous-cortical qui est le support des
LF, on observe des dysfonctionnements de type frontal, suite à des sites
lésionnels multiples, dans le cadre de différentes démences sous-corticales
comme la maladie de Parkinson, la paralysie supranucléaire progressive et la
démence de Huntington (voir chapitre 9pour la description de chacun de ces
syndromes). Toutes ces maladies comportent des signes de dysfonctionnement
frontal, y compris un échec aux tests sensibles aux troubles des lobes frontaux.
Les spécialistes des LF s'attachent depuis quelques années à faire émerger une
vue d'ensemble de l'énigmatique fonctionnement du cortex préfrontal. Parmi
plusieurs travaux fascinants, deux nous semblent illustrer cet effort d'intégration
des données. La recherche de Joaquín Fuster, qui étaye sa contribution théorique
avec des résultats neurophysiologiques au niveau cellulaire chez le singe et des
données issues des modèles connexionnistes et les travaux d'Adrian Owen qui
utilise les données de la neuroimagerie et de la neuropsychologie chez l'homme.
Ces deux approches et les interprétations théoriques qui en découlent, résumées
dans les paragraphes suivants, suggèrent deux fonctions fondamentales : la
gestion temporelle du transcodage perception-action et le rôle d'intégration du
cortex préfrontal antérieur, dans toutes les situations qui comportent au moins
deux opérations cognitives séparées et qui ont différentes facettes d'un même
objectif.
L'organisation temporelle
Le cortex préfrontal (CPF) est le moins bien compris des cortex frontaux.
Malgré les avancées sans précédent des dernières années, les spécialistes des
fonctions frontales ne sont pas encore parvenus à se prononcer sur la manière
dont les fonctions cognitives sont représentées dans ces zones. Ramnani et Owen
(2004) ont fait une analyse de la littérature dans le but de proposer une
explication du CPF. Les auteurs analysent certaines contributions (celles qui
comportent des expériences en neuroimagerie), d'abord en termes de leur
potentiel pour générer des hypothèses pouvant être testées, ensuite de la nature
de l'information traitée par une structure donnée : d'où vient l'information et
comment est-elle utilisée ? et enfin du niveau de spécificité anatomique et
fonctionnelle. Ils concluent que la plupart des travaux ont un bon potentiel
d'hypothèses testables mais restent en deçà d'une explication sur la nature de
l'information traitée et ne remplissent pas des critères exploitables de spécificité.
Avant de commenter le modèle de ces auteurs, nous allons donner un rapide
aperçu de leur revue dans les domaines de la mémoire, de l'information sur « soi
» et de l'attention.
- La mémoire. Tulving (1983) est le premier à avoir postulé que la
récupération d'un souvenir épisodique nécessite un « état cognitif de
récupération » (retrieval mode) qui fait que l'information concernant un
événement est traitée comme un indice épisodique. Des études en neuroimagerie
(TEP) ont, par la suite, suggéré que le site cérébral sous-tendant le retrieval
mode était BA 10, dans l'hémisphère droit. Cette hypothèse a été confirmée par
différents auteurs qui voient l'activation du CPF antérieur comme le résultat de la
formation et du maintien d'un état attentionnel présent pendant les tentatives de
récupération de l'information épisodique. Quant à la nature de l'information
traitée, elle est décrite mais, d'après Ramnani et Owen, reste non expliquée et les
conclusions s'avèrent souvent trop spécifiques au niveau fonctionnel puisqu'il
existe plusieurs autres études qui montrent une activation du CPF dans des
tâches diverses sans implication du retrieval mode, ni même de la mémoire
épisodique (e.g. MacLeod et al., 1998). Les résultats de l'analyse de la spécificité
anatomique, limitée à la partie antérieure du CPF (BA 10), sont insuffisants
puisque les processus de récupération épisodique, et particulièrement de retrieval
mode, activent des zones cérébrales en dehors de BA 10, notamment les cortex
cingulaire antérieur, frontal ventrolatéral et frontal dorsolatéral à droite.
Un deuxième paradigme de mémoire, qui a été étudié en relation avec le pôle
préfrontal, est la mémoire de source ou mémoire du contexte d'encodage. La
capacité du paradigme à générer des hypothèses est incontestable ; un grand
nombre d'études ont été menées chez le sujet sain et chez le patient cérébro-lésé
pour tester diverses hypothèses. Cependant, les résultats sont contradictoires d'un
auteur à l'autre et les aspects concernant la spécificité fonctionnelle et
anatomique se sont vus adresser les mêmes critiques que le mode de
récupération épisodique commenté plus haut.
La mémoire prospective a montré, dans les nombreux travaux conduits par
Burgess (voir chapitre 3), une association avec BA 10 tant chez les sujets sains
que chez les patients neurologiques. La réponse à la première question
concernant la génération d'hypothèses est, ici aussi, satisfaisante. Quant à la
deuxième question, les analyses réalisées sur la mémoire prospective sont plus
précises et donc plus à même de proposer une explication de la nature de
l'information traitée : BA 10 est associé au maintien de l'intention pendant que
d'autres processus nécessaires à la réalisation du but se déroulent dans d'autres
régions cérébrales. Cependant, la spécificité fonctionnelle est, à nouveau, trop
centrée sur un type de tâche et, au niveau anatomique, les activations observées
en dehors de l'aire étudiée, ne sont pas expliquées. La critique récurrente de
Ramnani et Owen, des trois types de mémoire commentés, est le fait de limiter
l'explication de l'activation de BA 10 à l'attribution des processus mis en œuvre
par des tâches déterminées.
- L'information sur soi. Les soubassements neuraux de l'évaluation
introspective de nos propres pensées et sentiments ou encore, le traitement
explicite de nos processus mentaux ont été attribués à BA 10. L'activité mentale
spontanée, qui est indépendante de tâches en cours, a surtout lieu quand les
demandes de l'environnement sont faibles et que le sujet peut « partir en voyage
mental ». Christoff et Gabrieli (2000 ; cités par Ramnani et Owen, 2004)
suggèrent que l'activation de BA 10 observée lors de certaines expériences de
laboratoire, pourrait s'expliquer par le fait que ces expériences n'exigent pas
suffisamment de concentration pour éviter le vagabondage mental. Ce postulat a
généré des hypothèses testables chaque fois que l'état interne du sujet a pu être
évalué. Ainsi, par exemple, lors de la résolution du test de la Tour de Londres
(décrit plus bas), les différentes possibilités de manipulation sont considérées
mentalement et une décision non verbalisée est formulée avant de procéder à la
manipulation elle-même. Comparé au processus de résolution explicite d'autres
tâches, le processus de résolution interne du test de la Tour de Londres, active
significativement le CPF antérieur. De manière complémentaire, les patients qui
présentent des lésions préfrontales ont des difficultés dans ce type de
planification mentale. Quant à l'information qui rend explicite un état mental, il
ne semble pas y avoir d'explication et, pour ce qui est des spécificités
fonctionnelle et anatomique, elles seraient dans le cas présent en deçà des
critères par manque de spécificité dans les deux cas.
- Les processus d'allocation attentionnelle. Le pôle frontal est censé maintenir
l'attention sur un objectif donné pendant que d'autres opérations mentales ont
lieu, guidées par cet objectif. Il s'agit donc d'une fonction constamment sollicitée
dans la résolution de pratiquement toutes les tâches cognitives : depuis des
actions très élaborées, comme écrire un article, jusqu'à des processus en
apparence très simples, comme se souvenir du petit-déjeuner du matin, en
passant par les tests neuropsychologiques et les actions de la vie courante (celles
qui ne sont pas résolues grâce à des routines surapprises). Cette grande diversité
pose des problèmes aux chercheurs en particulier sur la nature des processus mis
en œuvre. Il ne peut s'agir « uniquement » de l'intégration d'une mémoire active
et de la capacité de flexibilité qui permet au sujet de changer de point de vue lors
de la réalisation des tâches cognitives ; il faut tenir compte également du fait que
le maintien d'une tâche en mémoire pendant que des sous-étapes sont finalisées
comporte nécessairement un stockage mnésique. Comment est utilisée
l'information qui conduit à l'objectif et d'où vient-elle ? Une partie de la réponse
est en relation avec les études sur la mémoire prospective et un autre aspect de
cette question est en relation avec la constatation que lors de la résolution de
problèmes (au sens large), les stimuli qui sont les plus saillants sont rarement les
plus pertinents vis-à-vis du but poursuivi. L'opération cognitive consisterait ainsi
en l'allocation de l'attention après un changement du poids attentionnel,
changement qui relève d'un choix intentionnel (Pollmann, 2001). Un autre aspect
de la question concerne les rapports cliniques des patients qui ont perdu la
capacité d'opérer les changements attentionnels après une lésion frontale (Owen
et al., 1993). Ces différents aspects n'expliquent pas la nature de la fonction qui
reste sans réponse tant que c'est la diversité des tâches qui est visée.
L'évaluation
Les épreuves les plus souvent utilisées dans la pratique clinique sont
énumérées ci-après. Ce paragraphe a pour but de fournir une notion globale des
tests, sans détailler ni leur histoire (pour des raisons d'espace), ni leur mode de
passation et de cotation dont la description relève des manuels de tests. Enfin,
rappelons que les tests censés évaluer les fonctions frontales ne sont pas exempts
de problèmes méthodologiques (voir plus haut) et de résultats contre-intuitifs
(voir Manning et al., 2005b).
- Le test de Stroop (Stroop, 1935 ; Perret, 1974). Largement utilisé pour
évaluer des troubles frontaux, ce test n'a pourtant pas été construit pour des
patients neurologiques. C'est à partir du travail de Perret qu'il est devenu un des
instruments de base du neuropsychologue. Cependant, MacLeod (1991), entre
autres, met en question la relation entre ce test et les troubles proprement
frontaux. Le test est décrit dans le chapitre 2(paragraphe sur l'attention).
-Le test des six éléments (Shallice et Burgess, 1991 ; Wilson et al., 1998). Dès
son origine, il y a une quinzaine d'années, ce test a été conçu expressément pour
les patients présentant des symptômes frontaux avec l'objectif de mettre le
patient dans une situation proche de la vie réelle, dans laquelle il doit planifier et
organiser diverses tâches. Le patient a 10 minutes pour réaliser une dictée
(enregistré dans un magnétophone en deux parties), une tâche de dénomination
d'objets (deux cahiers) et des opérations arithmétiques (également deux cahiers).
Il doit respecter la consigne de ne pas entamer la partie B (ou A) appartenant à la
même tâche dont l'autre moitié vient d'être finie.
- Le test des emplettes multiples (Shallice et Burgess, 1991). Ce test a une très
bonne validité écologique : on demande au patient de faire de courses. Une série
d'éléments permettent de formaliser cette activité de la vie courante et de coter la
performance du patient. Ainsi, l'endroit (rue piétonne) doit être inconnu du
patient, il doit réaliser 8 tâches variées en respectant des contraintes de temps,
etc. Ce test peut s'avérer déficitaire dans un contexte de scores normaux à
d'autres tâches frontales.
Madame J est née en 1931 (examinée en 2001). Elle a poursuivi ses études
jusqu'à l'âge de 14 ans et a travaillé jusqu'au moment de son hospitalisation dans
la conception de vêtements en fourrure.
En 1992, la patiente présente une histiocytose de Langerhans (HL) hépatique
(confirmée par biopsie) et hypothalamique (inférée par son diabète insipide).
L'IRM cérébrale montre, en 2000, une tumeur hypothalamique bilobée s'étendant
du chiasme optique à la partie postérieure du troisième ventricule, déplaçant le
thalamus vers la gauche et comprimant fortement les corps mamillaires. Le
thalamus lui-même et le lobe temporal médian sont intacts. La TEP de repos (18
Fluorodeoxiglucose) en 2001, montre des régions de petite taille
d'hypométabolisme situées dans le CPF médian, bilatéralement ; dans le gyrus
frontal supérieur à droite ; dans le noyau caudé et dans le lobe pariétal à droite ;
et un hypermétabolisme très marqué dans l'hypothalamus.
Examen neuropsychologique
La patiente obtient des QI verbal et de performance dans l'intervalle moyen
(90 et 96, respectivement) avec une distribution homogène des sous-tests. Ces
scores sont en accord avec son niveau estimé de fonctionnement antérieur à sa
maladie (sur la base de sa scolarisation). Le langage à une épreuve de
dénomination de niveau de difficulté élevé est limite (Déno 100 = 93/100) ;
cependant, ce score doit être nuancé en tenant compte que la patiente parle
l'alsacien chez elle. Les praxies de construction (figure complexe de Rey, copie =
36/36) ainsi que les capacités visuo-perceptives et visuo-spatiales sont
parfaitement préservées (test de décision d'objet = 19/20 et test d'analyse de
cubes = 9/10, respectivement).
Ses capacités mnésiques au test de Grober et Buschke montrent un score
d'encodage préservé (12/16) mais un rappel libre sévèrement déficitaire (9/48)
qui est peu aidé par l'indiçage et le score total reste très déficient (rappel total =
26/48) ainsi que le score différé (2 et 7/16 en rappel libre et total,
respectivement). Sa performance aux tests de mémoire de reconnaissance
verbale et des visages est aussi déficiente (33 et 29/50, respectivement ; les deux
scores sont inférieurs au 5e centile).
Sa mémoire rétrograde est pareillement atteinte et ce, sur le versant de la
sémantique personnelle du questionnaire AMI (52 %) et des incidents
autobiographiques du même test (3,7 %).
Les capacités exécutives sont évaluées au moyen des tests suivants :
- le MCST : un critère sur 6 est retrouvé. On note 22 persévérations,
- le test de Weigl = 1/2. Ce test est composé de fiches de différentes formes et
couleurs (Weigl, 1927 ; Lezak, 1995), la tâche étant de trouver ces deux
catégories. Madame J est incapable de passer de la forme à la couleur,
- le test de la Tour de Londres = 5/12 (limite = 8), avec un indice de temps de
13 (limite = 25),
- la tâche de séquences motrices de Luria = 0/10,
- la tâche de séries graphiques de Luria = 10/10,
- le test de Stroop = - 26 (limite = - 9),
- la fluence verbale littérale avec les lettres P et M en une minute chacune :
moyenne = 11 (faible).
Anamnèse. Notre patient a été victime d'une chute, trois années auparavant,
qui a provoqué un traumatisme crânien (TC) temporo-pariétal droit suivi de
confusion. Le scanner cérébral révèle une importante atrophie sous-corticale et
un élargissement du système ventriculaire. Après la chute, le patient ne reconnaît
pas sa famille, présente des troubles de la marche, avec ataxie et rétropulsion.
Aucune amélioration ne se produisant à un mois du TC, une nouvelle
hospitalisation est décidée. On constate alors, une amnésie, une aphasie et une
apraxie. Le diagnostic de « décompensation intellectuelle » étant posé, le patient
est adressé à un psychanalyste privé, chez qui il se rend accompagné de sa
femme en raison de ses troubles du langage. Les séances consistent en l'analyse
des dessins du patient et des éléments biographiques du patient, fournis par son
épouse.
Plus de deux mois plus tard, il consulte un nouveau neurologue qui prescrit
une IRM. Les résultats de l'examen, 4 mois après l'accident, objectivent un kyste
pinéal qui comprime la cavité de Sylvius et provoque une hydrocéphalie
modérée puis ventriculaire d'amont. Le patient est hospitalisé et une dérivation
ventriculaire par la mise en place d'une valve de Pudenz est pratiquée.
L'amélioration est spectaculaire, au bout d'une semaine il regagne son domicile
avec seulement quelques troubles mnésiques et langagiers qui disparaissent
rapidement. Il souffre peu de temps après d'une dépression qui dure environ 6
mois. Son épouse signale que c'est à partir de sa sortie de l'état dépressif que son
comportement devient progressivement euphorique.
Trois ans plus tard, les déficits comportementaux, comme nous l'avons
mentionné et le verrons avec plus de détails, sont importants et interfèrent avec
une vie normale. Quelle est la part de l'hydrocéphalie non traitée pendant 4 mois,
la part du kyste et celle du TC ? La constatation d'un des médecins qui a suivi le
patient à partir du diagnostic en IRM, est que la tumeur pinéale et son
retentissement avec une hydrocéphalie, qui pré-existaient au traumatisme,
n'empêchaient pas le patient de mener des activités tout à fait adaptées aux
exigences de son poste et qu'après le TC il était incapable d'avoir une activité
normale.
Le diagnostic issu de la troisième hospitalisation du patient est celui d'une
désafférentation frontale consécutive à une lésion thalamique, elle-même en lien
avec le kyste et l'hydrocéphalie.
Capacités cognitives
L'examen neuropsychologique met en évidence des QI verbal et de
performance très supérieurs (136 et 150, respectivement). Sa performance aux
tests de mémoire antérograde, visuo-perception et langage, est également
supérieure, indépendamment du niveau de difficulté des tâches proposées. Non
testée formellement, la mémoire rétrograde autobiographique est très altérée,
comme nous l'avons constaté au cours de nombreux entretiens avec sa famille.
Les capacités exécutives sont évaluées au moyen des tests suivants :
- MCST : les 6 critères sont trouvés en moins de 42 réponses,
- le test de la Tour de Londres = 12/12, avec un excellent indice de temps
(moins de 30 secondes par item),
- la tâche de coordination bimanuelle de Luria : sans erreur,
- la tâche de séries graphiques de Luria : sans erreur,
- le TMT : score dans la moyenne,
- la tâche d'estimations cognitives, dans la moyenne,
- la fluence verbale littérale avec les lettres P et M en une minute chacune =
moyenne = 20,
- la fluence catégorielle (animaux) = 36 en une minute,
-le test de vitesse d'attention soutenue (Coughlins et Hollows, 1985) = 75e
centile.
Deux ans après cette évaluation (à 5 ans de l'accident), nous ré-examinons
Monsieur T au service de neuropsychologie de l'hôpital Foch (Suresnes, Île-de-
France). Les capacités cognitives ne sont pas significativement différentes à cette
occasion. Un test très sensible aux troubles frontaux est présenté, le test de
Hayling, qui est réussi.
En résumé, les deux cas présentés dans cette section partagent des
caractéristiques neuro-anatomiques, à savoir la HL du premier cas et le kyste du
deuxième sont situés dans le diencéphale, l'hypothalamus et l'épithalamus
respectivement. Il est intéressant de noter que ces deux cas ont en commun les
changements de la personnalité et la préservation du QI. Ce profil cognitif a été
décrit dans la littérature chez des patients présentant des lésions du CPF orbitaire
(par exemple EVR étudié par Eslinger et Damasio, 1985, avait subi une exérèse
d'un méningiome bilatéral). Aucun de nos deux patients ne présente des lésions
dans les structures frontales, leurs troubles semblent illustrer les effets à distance
provenant de connexions lésées.
Nos patients diffèrent entre eux, dans leur performance aux tests de mémoire
antérograde et aux tests sensibles aux troubles frontaux, l'une des nombreuses
raisons de cette différence pourrait être en relation avec une compression sévère
des corps mamillaires dans le premier cas.
Conclusion
Les facteurs postulés comme étant à l'origine de l'énigme des lobes frontaux
font référence, parmi d'autres, aux contrastes qui sont observés chez certains
patients, entre une performance normale aux tests de QI et un effondrement des
scores aux tests frontaux ou bien des scores normaux à tous les tests et un
ensemble de troubles du comportement qui entraîne un bouleversement dans la
vie du patient et de sa famille. Nous avons illustré ces cas de figure dans la
présentation des patients. L'adoption d'une perspective intégrative pour
interpréter le fonctionnement frontal à l'instar d'Owen, par exemple, pourrait
aider à éclaircir certains points. Dans ce contexte, l'intégration, qui implique une
organisation et un contrôle de deux ou plusieurs opérations cognitives, peut
s'appliquer à différents niveaux. Deuxièmement, il s'agit de structures qui ne sont
pas seulement affectées par des lésions directes ; les nombreuses connexions
anatomiques entre les LF et toutes les autres régions cérébrales provoquent des
troubles frontaux en l'absence de lésions frontales. Le nombre de combinaisons
possibles des lésions doit être considérable et le retentissement sur le plan
comportemental également. Ne possédant pas les instruments nécessaires pour
explorer la variabilité des troubles, nous ne pouvons que constater que très
souvent, ces déficits ne sont discernables que dans la vie quotidienne.
CHAPITRE 9
Ayant ses racines dans le mot latin demens (sans esprit), le terme dementia
apparaît pour la première fois dans le « Dictionnaire Physique » de Blancard en
1726 (in Berrios, 1994) où il est défini comme « l'extinction de l'imagination et du
jugement ». Au sein de la culture française, c'est dans L'Encyclopédie (1754) que
l'on trouve une distinction entre la démence d'une part, et la manie et le délire,
d'autre part. Au cours du XIXe siècle, le terme démence acquiert sa connotation
propre de perte des capacités cognitives.
L'émergence de l'intérêt à l'égard des syndromes démentiels et l'éclosion de la
recherche des affections dégénératives, particulièrement de la maladie d'Alzheimer,
ont commencé il y a une trentaine d'années. La raison a été tout d'abord socio-
économique : les pouvoirs publics, et de manière générale la communauté
scientifique, se sont exprimés pour la première fois, à la fin des années 1970, au
sujet des problèmes que la prévalence des démences allait poser dans le troisième
millénaire. Aujourd'hui, la même raison est plus que jamais présente : on estime que
la maladie d'Alzheimer possède tous les critères requis pour être considérée comme
une affection qui pose un problème de santé publique. Quant aux programmes de
recherches, ce sont les neurosciences qui ont permis des avancées importantes
concernant la physiopathologie de la démence d'Alzheimer, notamment par le biais
de l'étude de la localisation des lésions histologiques ou la purification de la
protéine β-4 amyloïde, ou encore la démonstration de l'altération des systèmes
cholinergiques centraux. Un volet complémentaire des préoccupations économiques
et de la recherche est en relation avec les données épidémiologiques. Il s'agit de la
mise en œuvre des réflexions de vulgarisation et d'amélioration de la prise en charge
et du bien-être des patients et de leur famille. Ces efforts sont le résultat d'un
changement qualitatif dans le concept de cette maladie, considérée comme telle et
non plus comme une simple exagération du vieillissement et dont le coût financier
annuel actuel est estimé, pour les malades des États-Unis uniquement, à 100
milliards d'euros (Petrella et al., 2003).
Les points centraux des critères diagnostiques des démences définis, en général, à
partir du DSM IV (Diagnostic and Statistical Manual ; American Psychiatric
Association, 1996), se réfèrent à l'apparition de déficits cognitifs multiples avec une
notion d'altération significative du fonctionnement social ou professionnel,
provoquée directement par les altérations cognitives. Par ailleurs, le diagnostic de la
démence ne peut se faire sans la connaissance des facteurs qui l'ont déclenchée.
Outre les processus dégénératifs d'origine multiple et encore mal connus qui signent
la maladie d'Alzheimer, les démences peuvent être provoquées par une diversité de
causes. Ainsi, et sans autre propos que d'énumérer les principales, ces causes se
rattachent aux accidents cérébro-vasculaires, aux troubles liés à la neurochirurgie,
notamment tumorale mais aussi par hydrocéphalie à pression normale, aux
substances toxiques, principalement l'alcool et certains médicaments, aux infections
comme celles provoquées par le virus du SIDA ou le prion de la maladie de
Creutzfeldt-Jakob, aux carences nutritionnelles et métaboliques, aux processus
inflammatoires et démyélinisants ou encore aux séquelles de traumatismes crâniens
graves ou modérés à répétition.
Données démographiques
Concernant les stades de la maladie, trois étapes sont décrites en relation avec les
PS :
- dépôts amyloïdes dans le cortex entorhinal,
- extension des dépôts vers les autres structures de la formation
hippocampique,
- généralisation des dépôts à toutes les autres régions corticales.
L'évolution de la MA en relation avec les DNF a été caractérisée selon 6 étapes :
les stades I et II, dits « présymptomatiques », correspondent à l'apparition des DNF
dans le cortex entorhinal et la formation hippocampique. Aux phases III et IV, «
prodromiques », on associe, d'une part la déconnection de la boucle limbique due
aux lésions du cortex entorhinal, du complexe amygdalien et de la formation
hippocampique et, d'autre part l'atteinte des noyaux sous-corticaux, notamment le
noyau basal de Meynert et ses conséquences sur le système cholinergique. Les
stades V et VI, « démence sévère », comportent l'accroissement des DNF qui
s'étendent des zones corticales d'association aux cortex primaires.
Études génétiques
Plus que les caractéristiques cliniques, qui restent aussi hétérogènes que dans les
cas sporadiques, les études génétiques montrent un début précoce de la maladie par
rapport aux cas sporadiques (tranche d'âge entre 48 et 56 ans chez les patients
porteurs de mutations impliquant des gènes des chromosomes 1 ou 21 ; la
quarantaine chez les patients porteurs des mutations génétiques du chromosome 14).
Un bref résumé des découvertes des dernières années (Forman et al., 2000 ;
Shoulson, 1998 ; Sloane et al., 2002) montre les mutations génétiques qui ont été
identifiées sur cinq chromosomes en relation avec des formes familiales de la MA :
- le chromosome 21, locus de la protéine APP, précurseur du peptide Aβ,
- le chromosome 14, codant la préséniline 1, supposée avoir un rôle inhibiteur
dans la formation d'amyloïde,
- le chromosome 1, codant la préséniline 2, dont le rôle est identique au
précédent,
- le chromosome 12, qui comporte des mutations sur le gène codant α2-
macroglobuline, supposé avoir un rôle dans la dégradation d'Aβ,
- le chromosome 19, locus de l'apolipoprotéine E, dont les découvertes
génétiques en relation avec la MA sont les seules reconnues de manière
consensuelle ; diverses études concernant ce chromosome sont développées
dans le paragraphe suivant.
Pharmacochimie
Diagnostic
Les efforts réalisés pour détecter les symptômes précliniques de la démence ont
pris une dimension centrale dans la recherche internationale, suite aux rapports
scientifiques qui considèrent l'existence d'une étape de transition entre les
changements cognitifs du vieillissement normal et la MA. Cette étape correspond
aux déficits cognitifs légers (MCI) définis comme la condition clinique dans
laquelle la personne a des troubles mnésiques plus importants que ceux qui sont
attendus pour son âge, mais chez qui les critères de diagnostic clinique de MA
probable sont absents. Certains auteurs signalent également une réduction des
activités quotidiennes complexes et une certaine diminution de la qualité de vie. Le
résumé des caractéristiques, notamment cognitives, est le suivant :
- des troubles en rappel libre différé de la mémoire verbale (typiquement le
rappel d'une liste de mots, 30 à 60 min. après l'apprentissage).
- Une chute récente des capacités mnésiques, corroborée par un proche.
- Des scores des capacités intellectuelles générales préservés (MMS > 24),
ainsi que des résultats normaux aux échelles d'activités quotidiennes.
- Une absence des facteurs pouvant justifier le déclin mnésique.
- La présence de facteurs à risque d'ordre génétique.
Quant à l'évolution, il a été observé, au cours d'études longitudinales, que les
personnes présentant la condition MCI, comparées aux sujets sains du même âge,
développent les critères cliniques de MA probable à un rythme considérablement
plus accéléré que les sujets ne présentant pas cette étape intermédiaire. Le MCI
étant aujourd'hui reconnu comme une phase prodromique de la MA, les efforts
d'intervention potentiellement thérapeutique au moyen d'essais cliniques, dépendent
d'un diagnostic correct du MCI. Les données obtenues en IRM morphologique
montrent des différences significatives dans les mesures volumétriques des régions
du lobe temporal interne gauche (amygdale, hippocampe et gyrus
parahippocampique) effectuées chez des personnes MCI comparativement aux
sujets sains.
La condition MCI étant hétérogène, plusieurs chercheurs tentent de trouver le
meilleur indice pour détecter le pourcentage de sujets dits « MCI progressifs » qui
vont évoluer vers des états démentiels de type Alzheimer ou autres (on estime à 12
% le passage des patients MCI à la catégorie MA légère). Dans cette perspective, on
a proposé l'indice de liquide céphalo-rachidien - flux sanguin cérébral (LCR-FSC).
A partir de l'étude de personnes présentant la MA probable, des patients MCI ayant
développé la MA, des patients MCI sans l'avoir développée et des sujets âgés
normaux, certaines études concluent qu'il est envisageable de discriminer les
personnes « MCI progressifs » de celles qui n'ont pas de risque de développer la
MA. Les conclusions sont basées sur des données concernant l'analyse du niveau la
protéine τ dans le LCR d'une part, et sur la détection en TEP de l'hypométabolisme
du cortex cingulaire postérieur d'autre part. Des travaux récents, partant de la même
constatation concernant l'hétérogénéité du MCI, préconisent un suivi à long terme
(2 ans) afin d'obtenir des données sur les caractéristiques et les pourcentages de
sujets qui vont évoluer vers la MA.
Évaluation neuropsychologique
Tableau 2. Examen neuropsychologique d'une patiente présentant une évolution des troubles
mnésiques vers la maladie d'Alzheimer, au cours d'un suivi de deux ans
L'atteinte cérébrale est ici asymétrique avec une nette prédominance au niveau du
lobe temporal gauche. Le trouble central concerne le langage. Les critères
diagnostiques incluent :
- un début insidieux et une évolution progressive,
- un discours spontané non-fluent avec, au moins, une des caractéristiques
suivantes : un agrammatisme, des paraphasies phonémiques ou une anomie.
Les critères diagnostiques complémentaires concernent le langage :
- un bégaiement ou apraxie bucco-faciale,
- une répétition altérée,
- une alexie et/ou agraphie.
Ces troubles s'accompagnent en début de maladie, d'une préservation du sens des
mots. Tardivement le patient est mutique.
Déficits neuropsychologiques et neurologiques. Le patient est aphasique non-
fluent en l'absence d'amnésie sévère ou de désordres perceptifs et spatiaux.
Tardivement on observe des changements comportementaux similaires à ceux de la
DFT et une atteinte des réflexes archaïques controlatéraux, une akinésie, une
rigidité et des tremblements.
La démence sémantique
Déficits neuropsychologiques
L'approche thérapeutique des greffes est la seule qui ait pour but la restauration
des cellules perdues. La revue de la littérature chirurgicale fait état de plusieurs
centaines de greffes chez des patients parkinsoniens au cours des 15 dernières
années. Plusieurs facteurs sont nécessaires pour réussir une greffe, le plus important
étant l'origine de la greffe : plus la population cellulaire est sélectionnée et le stade
de développement est adéquat, plus les chances de réussite sont assurées. Ceci
implique l'utilisation de cellules nigrostriatales du système dopaminergique au
moment de leur développement initial chez le fœtus, ce qui entraîne des problèmes
éthiques importants (Le programme NECTAR : The Network for European Central
nervous system Transplantation and Restoration a établi les clauses pour la
régulation de l'utilisation de cellules nerveuses).
Un aperçu des résultats permet de voir que sur 126 patients ayant reçu une greffe
entre 1989 et 1997, principalement en Suède, aux États-Unis et en Grande-Bretagne,
un total de 107 patients a montré une amélioration. Le site de la greffe est dans tous
les cas, le noyau caudé, le putamen ou les deux. L'efficacité du traitement se mesure
par la meilleure réponse du patient au traitement de la L-Dopa (rappelons que les
patients sélectionnés pour bénéficier d'une greffe sont ceux qui ont de longues
périodes « OFF » et lorsqu'ils sont en période « ON », ils ont une dyskinésie
invalidante). La vitesse de réalisation de certains mouvements simples des membres
supérieurs (par exemple, le temps de pronation-supination) qui sont testés avant et
jusqu'à 3 ans après la greffe, montre une amélioration spectaculaire.
Les greffes de substance noire ont montré leur efficacité surtout à travers l'étude
de la TEP-fluorodopa. Cette technique permet de visualiser l'innervation de la
dopamine dans le striatum in vivo : le putamen qui a été greffé montre une
consommation de dopamine comparable à celle des contrôles du même âge, non-
parkinsoniens, le putamen non greffé continue à se détériorer.
Les tissus riches en dopamine greffés dans le striatum restaurent beaucoup de
symptômes provoqués par la perte du neurotransmetteur, mais ne guérissent pas la
MP.
Les premiers symptômes surviennent vers l'âge de 30 à 40 ans et évoluent sur une
quinzaine d'années, mais il ne semble pas y avoir une relation entre la durée et la
sévérité des troubles moteurs et le degré de la démence.
La MH est provoquée par une perte neuronale prématurée qui est corrélée avec la
sévérité et la chronicité de la maladie. Cette perte se situe, au stade initial de la
maladie, dans le noyau caudé et le putamen ; plus tard, elle s'étend à d'autres noyaux
des ganglions de la base et gagne le néocortex.
Déficits neuropsychologiques
Les troubles moteurs constituent le déficit central de la MH : les dyskinésies et
les mouvements choréiques incontrôlables sont présents dès le début de la maladie.
Plus tard, il s'ajoute une incapacité d'initiation des mouvements. Les mouvements
choréiques représentent le trait le plus visible, mais la détérioration mentale est
aussi très invalidante.
La démence peut être modérée et stationnaire pendant des années et s'aggraver en
quelques mois, mais la détérioration cognitive est présente dès le début, même si
quelques fois elle peut passer inaperçue en raison du niveau socioculturel modeste
du patient. Cependant, même dans les cas où la détérioration cognitive constitue le
premier symptôme, il est rare que la démence soit globale : le patient retient
quelques capacités comme, par exemple un certain niveau de compréhension,
jusqu'au stade terminal de la maladie.
Les troubles cognitifs que l'on observe au premier plan sont similaires aux
troubles frontaux : une incapacité de générer des stratégies, de planifier, etc. De
même, les troubles psychiques rappellent ceux des patients frontaux puisqu'il s'agit
dans la plupart des cas d'une altération émotionnelle influençant la personnalité.
Les fonctions les plus affectées sont l'attention et la mémoire ; les troubles
mnésiques précèdent en fait les autres troubles cognitifs. La détérioration mnésique
reste stationnaire pendant des années alors que les autres fonctions peuvent se
détériorer sévèrement dans une période de 5 à 10 ans. Les troubles de mémoire se
caractérisent par l'absence de gradient temporel de l'amnésie rétrograde. La
mémoire de reconnaissance est mieux préservée que le rappel, ce qui indique une
difficulté d'accès plutôt qu'un effacement de la trace mnésique. La mémoire
implicite des procédures perceptives et motrices est atteinte en début de maladie,
contrairement à la mémoire implicite d'apprentissage des règles pour la résolution
des problèmes.
En raison des perturbations motrices qui gênent la communication aussi bien pour
l'articulation de la parole que pour l'écriture et même pour la mimique, les patients
MH ont des difficultés à se faire comprendre même en début de maladie. On
observe une dissociation automatico-volontaire pour les mouvements de la langue et
de la bouche qui sont relativement adaptés pour l'ingestion de nourriture.
Le comportement se caractérise par une irritabilité et une impulsivité ou au
contraire, une indifférence, une apathie et une absence d'initiative. Les troubles
comportementaux peuvent constituer les signes précurseurs de la maladie.
L'examen neuropsychologique est au mieux difficile en raison des troubles
physiques et comportementaux.
Traitement
Aucun traitement n'existait pour la MH jusqu'aux tentatives de thérapie par greffe
des dernières années qui occupent, à présent, la deuxième place en fréquence après
la MP. En France, Peschanski et ses collaborateurs sont activement engagés dans le
traitement de la MH par greffes (voir pour une vue d'ensemble, Peschanski et al.,
2004). Ces chercheurs pourront répondre à des questions concernant les symptômes
observés : sont-ils secondaires aux lésions striatales seulement ou la perte neuronale
au niveau cortical est-elle une conséquence des troubles du striatum ou bien est-elle
indépendante ? Sur un niveau plus méthodologique, c'est la pertinence des modèles
animaux pour l'explication de la maladie chez l'homme qui est mise en question : la
technique lésionnelle chez l'animal est-elle comparable au dysfonctionnement du
gène ?
Dé ficits neuropsychologiques
Traitement
La mise en place d'un traitement pour la PSP est pour le moment impossible, à tel
point que l'échec thérapeutique constitue un signe important pour le diagnostic.
Malgré les similitudes avec la MP, la médication dopaminergique n'a aucun effet.
Cette démence est caractérisée par la présence des corps de Lewy (des
corpuscules sphériques constitués de plusieurs protéines dont l'ubiquitine et
l'alphasynucléine), dans différentes structures corticales, notamment dans les
régions limbiques, et dans le sous-cortex. On constate la présence des corps de
Lewy chez 15 à 25 % des patients âgés déments (examen post-mortem), dans une
proportion plus importante chez les hommes que chez les femmes, avec l'âge moyen
d'apparition des symptômes entre 50 et 70 ans.
On n'a pas encore élucidé le mécanisme qui mène à la formation des corps de
Lewy. Cette démence peut se développer seule ou conjointement avec la MA ou la
maladie de Parkinson. Elle peut se manifester par un tableau très proche de la MA, à
savoir un déficit mnésique accompagné des troubles de l'attention, des fonctions
frontales et des capacités visuo-spaûales. La démence à corps de Lewy qui présente
une symptomatologie de ce type rend particulièrement difficile la distinction entre
celle-ci et la MA. Son évolution est différente de celle de la MA : les déficits
semblent plus légers au cours des deux premières années mais par la suite, durant
une période de 5 à 7 ans, l'évolution se fait vers une démence sévère.
Les critères diagnostiques de la démence à corps de Lewy comprennent :
- un déclin cognitif,
- des fluctuations importantes dans l'expression des symptômes,
- des états de confusion,
- des illusions et des hallucinations auditives et visuelles répétitives. Ces
manifestations psychiatriques peuvent constituer les signes précurseurs et
s'installer. Elles se présentent souvent avec une dépression, des troubles du
sommeil, et des idées délirantes de type paranoïde : en général, chez un tiers
des patients, on constate des troubles psycho-comportementaux.
Par ailleurs, certains symptômes parkinsoniens de la démence à corps de Lewy
font aussi partie des critères diagnostiques : l'akinésie, la bradykinésie, la rigidité,
les tremblements, etc.
McKeith et al. (1996) indiquent des signes dont la présence renforce le
diagnostic :
- des chutes répétées,
- des syncopes et des pertes de conscience transitoires,
- une sensibilité aux neuroleptiques même à faible dose.
Neuropsychologie. L'exploration de la démence à corps de Lewy se réalise de
manière similaire à l'examen chez les patients MA (voir la présentation de cas, plus
haut). Le diagnostic différentiel entre la démence à corps de Lewy et la MA est aidé,
outre les critères indiqués plus haut, par quelques caractéristiques présentes chez les
patients déments à corps de Lewy :
- les troubles visuo-spatiaux et de praxies constructives, dès le début de la
maladie,
- une meilleure performance mnésique en situation d'indiçage,
- des troubles attentionnels sont typiquement fluctuants et ponctués par des
somnolences diurnes.
Conclusion
Les différents types de démence, que nous avons brièvement parcourus dans ce
chapitre, constituent un des volets de la neurologie où l'intervention du
neuropsychologue est nécessaire et où l'approche multidisciplinaire est la condition
de réussite. Concernant la MA, nous avons vu que seul le marqueur
neuropsychologique semble relativement bien établi, néanmoins, sa véritable utilité
consistera à faire converger les données cognitives avec celles de l'imagerie
cérébrale fonctionnelle, de la génétique et de la pharmacologie. Les études dans
cette dernière branche ont montré que les traitements pharmaco-chimiques,
notamment les inhibiteurs d'AChE et dans une moindre mesure les inhibiteurs de
BuChE, bien que loin de faire l'unanimité, sont capables de retarder la
symptomatologie lourde, à condition qu'ils soient prescrits dans les premiers stades
(MCI et MA légère), cependant, les effets secondaires peuvent poser des problèmes.
Par ailleurs, juste mentionné dans ce chapitre, un des domaines où tous les
progrès sont encore à faire est la prise en charge du patient, depuis un élargissement
des données médicales, comme le suivi systématique de possibles troubles
circulatoires se superposant à la MA, jusqu'aux considérations de type conseils
psychologiques à la famille du patient et mise en place des structures d'aide et
d'accueil des patients. En amont, le rôle des neuropsychologues est essentiel surtout
concernant la MA, aussi bien pour mettre en place des séances de stimulation
cognitive notamment pour le maintien de la mémoire (dans les maisons de retraite,
les associations du troisième âge, etc.) que pour animer les « consultations mémoire
» dont l'utilité est de mieux en mieux reconnue en France. Si aucun changement
important n'a lieu dans le diagnostic précoce et le traitement, on assistera à une
multiplication par 3 des cas de malades dans les décennies à venir.
CHAPITRE 10
Introduction
Le langage
Langage oral
Langage écrit
La reconnaissance visuelle
La mémoire de soi
Commentaires
Conclusions
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GLOSSAIRE
Il s'agit des termes utilisés en neuropsychologie clinique (non définis
dans le texte).
Batterie
- BADS 196
BDAE 90
BOLD 239
Boucle
- fronto-sous-corticale 184
- phonologique 43
Bruce et Young (modèle de) 131
Capacité de répétition 85
Carte cognitive 149
Catégorisation perceptive 124
Cerveau antérieur de la base 187
Changement de personnalité 202-203
Classement d'images 140
Classification
- de l'aphasie 86
- de l'apraxie 165
- de Liepmann 165
Comportement 7
- conflictuel intermanuel 172
- d'utilisation et d'imitation 173
- et affect 205
Composante visuo-spatiale 43
Connexion
- cortico-corticale 184
- sous-cortico-corticale 184
Consigne de tests 28
Consolidation selon le modèle standard 55
Contexte 30
Contribution de Goldenberg 166
Cortex
- dorsolatéral 183
- médian 183
- oculogyre 183
- orbitofrontal 187
- précentral 183
- préfrontal 183
- prémoteur 183
Critère diagnostique 233
E
Échec de persistance motrice 152
Échelle
- Catherine Bergego 155
- d'Iowa 202
EEG 238
Effet
- de lexicalité 44
- de longueur du mot 43
- de similitude phonologique 44
- de suppression articulatoire 44
- des déficits neuromusculaires sur l'écriture 106
Efficience
- cognitive 32
- estimée 32
- intellectuelle prémorbide 33
- linguistique 84
Entretien 31 1
Épilepsie 14
Erreur morphologique 125
Espace phonologique 45
Étape
- 2½ D 117
- 3-D 117
État cognitif de récupération 189
Étiologie 209
Étude génétique 211
Évaluation neuropsychologique 94-95, 100-101, 104, 106-107, 120, 128,
133, 136, 148, 150, 154, 156, 168-169, 177, 193, 216
- de l'agrammatisme 85
- de la compréhension 86
- de la dénomination 86, 141
- de la répétition 85
- des aphasies 90
- des événements publics 79
- du taux d'oubli 80
- étapes 31-32
- objectifs et exigences 26
Examen 27, 30
- neuropsychologique 70
Expressif/réceptif 86
Extinction 151
Figure
- de Rey 72
- enchevêtrée 120
Flexibilité mentale 194
Fonction
- d'intégration du cortex préfrontal 189
- exécutive 192
Forme dégradée 124
Glucocorticoïdes 70
Imagerie
- cérébrale morphologique 236
- visuelle 139
Imagerie visuelle 136
Imitation des gestes 167
Information sur soi 190
Inhibition 194
Initiation motrice 152
Intégration et génération de stratégies 194
IRM 237
IRMf 238-239
Langage spontané 84
Lecture 110
Liste des mots 71
Lobe
- frontal 10
- occipital 11
-pariétal 10
- temporal 10
- temporal médian 51 1
Localisation
- des chiffres 149
- simple 148
Localisationnisme 16
M
MCT
- phonologique 46
- spatiale 46
MEG 238
Membre fantôme 177
Mémoire
-active 194
- autobiographique 75
- de travail ou fonction frontale 46
- des événements publics 73
- épisodique 46
- explicite 46
- procédurale 63
- prospective 58
- rétrograde 75
- sémantique 50, 73
Méthode adaptée 35
Méthode psychométrique 23
Modèle
- à deux voies 98
- à trois voies 96
- cognitif de l'apraxie 169
- d'Ellis et Young 117
- de mémoire à court terme 43
- de Wernicke-Geschwind 87, 89
- dit triangulaire 98
Modularité 18-19
Module 19
Mort neuronale 210
Mot
- couplé 71
- irrégulier 97
- régulier 97
Motivation 29
Négligence
- attentionnelle 151
- centrée sur la personne 153
- des représentations mnésiques 153
- spatiale unilatérale 152
- unilatérale 151
Neuro-anatomie fonctionnelle clinique 186
Neurochirurgie 27
Neuroimagerie fonctionnelle 238
Neuropathologie 209
Neuropsychologie 7
- cognitive 17-18, 20
- et neuroimagerie 20
Niveau
- cognitif 33
-d'analyse 21
- de traitement 96
- microscopique 209
Nom propre 113
Observation attentionnelle 34
Orbitofrontal 183
Organique 26
Organisation
-hiérarchique 188
- neuro-anatomique 9
- temporelle 188
Paralysie
- psychique du regard 150
- supranucléaire progressive 232
Parkinson (maladie) 227
Pathologie neurologique 13
Patients : études des cas 109-114
Peptide bêta amyloïde 209
Perception acoustique active 44
Pharmacochimie 212
Plan
- macroscopique 209
Planche d'Ishihara 135
Planum temporale 87
Plaque sénile 209
Postulat de transparence 20
Potentiel évoqué 238
Préservation de la reconnaissance 126
Processus mnésique 38
Production de phrases 110
Prosopagnosie 129-130
Protéine tau 209
Psychologie cognitive 116
Psychométrie 16-17
QI 32-33
Questionnaire de mémoire autobiographique 72
Tâche
- d'appariement 129
- d'estimations cognitives 196
- go no-go 198
Temps du verbe 111
TEP 238
Test 25
- d'accès sémantique 141
- d'analyse des cubes 149
- d'apprentissage verbal de California 71
- d' Effron 119
- d'événements publics EVE 79
- d'imagerie des couleurs 143
- d'orientation des lignes 149
- de barrage 154
- de Beauregard 33
- de Benton et Van Allen 133
- de bissection de lignes 155
- de Brixton 197
- de classement de cartes de Wisconsin 195
- de Crovitz 72
- de dénomination 93
- de détecter la gaffe 199
- de fluence verbale 195
- de Ghent 120
- de Grober et Buschque 71
- de Hayling 197
- de la discrimination de la position 149
- de la tour de Londres 196
- de mémoire de reconnaissance des visages 72
- de mémoire de reconnaissance topographique 72
- de mémoire de reconnaissance verbale 72
- de Munsell-Farnsworth 135
- de Stroop 195
- des emplettes multiples 197
- des proverbes 196
- des queues d'animaux 143
- des six éléments 197
- des visages et scènes célèbres 80
- des vues inhabituelles 140
- du mort/vivant 79
- TEMPau 72
Théorie
- de l'esprit 199
- de la consolidation de la trace mnésique 55
- des traces multiples 56
Tomodensitométrie 236
Trail making test 195
Traitement 229, 231, 233
- de l'information 188
- de l'information (TI) 17
-de la forme 119
- implicite de l'espace 158
- perceptif 127
- phonologique 45
Transcodage 98
Transparence 18
Traumatisme crânien 13
Trigramme d'Archer 113
Trouble
- de l'analyse de l'espace 148
- du langage écrit 95
- du langage non aphasique 93
- primaire de l'écriture 105
- visuo-attentionnel 151
V