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psychanalyse (Paris)
N° 1
RAPPORTS
AU XXIIe CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHANALYSE
(Edimbourg, juillet 1961)
PAGES
PSYCHANALYSE APPLIQUÉE
Ben O. RUBENSTEIN, Morton LEVITT et M. L. FALICK. — Déficiences
dans l'apprentissage et distorsion du moi 131
Les Livres 149
Les Revues 155
Livres reçus par la rédaction 167
Informations 173
N° 2
MÉMOIRES ORIGINAUX
R. BARANDE.— Du temps d'un silence : approche technique, contre-
transférentielle et psychodynamique 177
C. STEIN. — La castration comme négation de la féminité 221
PROBLÈMES ANTHROPOLOGIQUES
L. BOLK. — Le problème de la genèse humaine 243
Les Livres 281
Les Revues 283
Revue des Revues 295
Institut de Psychanalyse 301
1036 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
N° 3
PROBLÈMES TECHNIQUES
DE LA CURE DES NÉVROSES OBSESSIONNELLES
S. NACHT. — Problèmes techniques de la cure des névroses obses-
sionnelles 305
C. J. LUQUET. — La structure obsessionnelle 309
R. HELD. — De la singularité de la structure obsessionnelle aux néces-
sités techniques impliquées par cette singularité 319
MÉMOIRES ORIGINAUX
Sami Mahmoud ALI. — Le corps et ses métamorphoses (contribution
à l'étude de la dépersonnalisation) 333
R. HENNY. — De quelques aspects structuraux et psychothérapiques
de l'adolescence 379
Les Livres 405
Les Revues 407
Livres parvenus à la Rédaction 423
Institut de Psychanalyse. — Rapport moral pour l'année 1960 .... 425
Société psychanalytique de Paris. — Compte rendu des activités
scientifiques 1960 428
Melanie Klein (1881-1960) 431
Nos 4-5-6
XXIe CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHANALYSE
(Copenhague, juillet 1959) (1)
Rapport du XXIe Congrès international de Psychanalyse 439
M. SCHUR. — Phylogenèse et ontogenèse des phénomènes affectifs et
de la formation des structures et le phénomène d'automatisme de
répétition 551
M. JAMES. — Le développementprématuré du moi : quelques observa-
tions sur les troubles des trois premiers mois de la vie 577
S. RITVO et A. J. SOLNIT. — Rapport entre le début des identifications
du moi et la formation du surmoi 591
A. BONNARD. — La signification fondamentale de la langue 601
PAGES
M. KATAN. — Rêve et psychose : leur rapport avec les processus hallu- —
cinatoires 681
J. SANDLER. — L'arrière-plan de la sécurité 701
E. JAQUES. — Les troubles de la faculté de travail 711
DISCUSSION SUR LE RAPPORT
DE RAYMOND DE SAUSSURE
« LA
MÉTAPSYCHOLOGIE DU PLAISIR » (1)
I. M. KANZER et L. EIDELBERG. — Description structurale du plaisir 733
II. D. BRUNSWICK. — Le point de vue physiologique 741
III. R. DIATKINE. — Intervention dans la discussion (2) 747
M. LITTLE. — Sur l'unité de base 749
S. NACHT et S. VIDERMAN. — Du monde pré-objectal dans la relation
transférentielle (2) 764
A. REICH. — Nouvelles considérations sur le contre-transfert 765
M. BÉNASSY. — Fantasme et réalité dans le transfert (2) 778
M. FAIN et P. MARTY. — Aspects fonctionnels et rôle structurant de
l'investissement homosexuel au cours des traitements psychanaly-
tiques d'adultes (2) 778
M. A. ZELIGS. — Le rôle du silence dans le transfert, le contre-transfert
et dans le processus psychanalytique 779
A. PETO. — De l'effet désintégrant transitoire des interprétations... 791
R. GREENSON. — L'empathie et ses phases diverses 807
N. NIELSEN. — Les jugements de valeur en psychanalyse 815
M. M. R. KHAN. — Aspects cliniques de la personnalité schizoïde :
affects et technique 825
M. BONAPARTE. — Vitalisme et psychosomatique (2) 841
PAGES
INSTITUT DE PSYCHANALY
TOME XXV
N° 1
JANVIER-FÉVRIER 1961
1961
TOUS DROITS RÉSERVÉS
Publication en français des rapports du Symposium du
XXIIe CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHANALYSE
(Edimbourg, 30 juillet-3 août 1961)
sur
LA THÉORIE
DE LA RELATION PARENT-ENFANT 1
PREMIER RAPPORT
DEUXIÈME RAPPORT
QUELQUES CONSIDÉRATIONS
SUR LA RELATION PARENT-NOURRISSON
par PHYLLIS GREENACRE
(New York)
(1) Les rapports du Dr WINNICOTT et du Dr GKEENACRE sur le même sujet feront l'objet
d'une discussion au XXIIe Congrès international de Psychanalyse. Il a été convenu avec les
auteurs et en accord avec le Comité d'Organisation de ce Congrès, de publier ces rapports dans
la Revue française de Psychanalyse, pour permettre aux congressistes de langue française d'en
prendre dès maintenant connaissance en vue de la discussion qui suivra son exposé.
La théorie
de la relation parent-nourrisson( 1)
(1) J'ai décrit certainsaspects de ce problèmechez une patiente en état de profonde régression
[16].
LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON 9
Le paradoxe est que tout ce qui est bon et mauvais dans l'environ-
nement du nourrisson n'est pas en fait une projection. Mais malgré
cela il est nécessaire pour que le nourrisson se développe bien, que
toutes les choses stables lui paraissent être des projections. Nous
trouvons ici en action l'omnipotence et le principe de plaisir, et il est
certain qu'ils sont actifs dans la période de l'enfance précoce ; on peut
ajouter à cette observation que la reconnaissance d'un vrai « Non-Moi »
est une question d'intellect ; elle dépend de l'extrême sophistication et
de la maturité de l'individu.
(1) J'ai dit un jour : « Cette chose qu'on appelle un nourrisson n'existe pas. » J'entendais
naturellement par là que partout où l'on trouve un nourrisson, on trouve des soins maternels
et que sans soins maternels, il n'y aurait pas de nourrisson. (Cela se passait lors de la discussion
à une réunion scientifique de la Société psychanalytique britannique, autour de 1940.) Etais-je
influencé, sans le savoir par cette note de Freud ?
LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON II
développement normal, le Ça se met au service du Moi qui le domine de
sorte que les satisfactions du Ça deviennent des renforcements du Moi.
Mais ceci est l'évolution normale, et au cours de la première enfance, il
peut y avoir beaucoup de variantes dues à un échec relatif de cette réa-
lisation. En cas de mauvaise évolution, peu de résultats dé cette sorte
sont atteints, ou bien ils sont atteints puis perdus. Dans la psychose
infantile (schizophrénie) le Ça reste relativement ou totalement « exté-
rieur » au Moi et les satisfactions du Ça restent physiques et ont comme
effet de menacer la structure du Moi jusqu'à ce que s'organisent des
défenses de qualité psychotique (1).
Je défends ici l'opinion que la raison principale pour laquelle, au
cours de son développement, le nourrisson devient habituellement
capable de dominer le Ça et le Moi de l'inclure, est le fait que, par les
soins maternels, le Moi de la mère renforce celui de l'enfant et le rend ainsi
puissant et stable. Reste à étudier comment ceci se passe et aussi
comment le Moi de l'enfant peut se libérer du support du Moi de sa
mère afin d'arriver à se détacher mentalement d'elle, c'est-à-dire à
réaliser une différenciation et à être un soi personnel séparé.
Pour pouvoir examiner la relation parent-enfant, il est nécessaire
de tenter d'abord un bref exposé de la théorie du développement émo-
tionnel du nourrisson.
HISTORIQUE
(1) J'ai exposé en détails dans deux articles comment je comprends le travail de Melanie
Klein dans ce domaine [14, 19].
(2) Pour un exemple clinique, voir [15].
LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON 13
a) LE NOURRISSON
Le mot clé de ce chapitre est dépendance. Les nourrissons humains ne
peuvent commencer à Être que dans certaines conditions. Celles-ci sont
étudiées plus loin au chapitre B, mais font partie de la psychologie du nour-
risson. En effet les bébés commencent à Être différemment selon qu'elles
sont favorables ou non. En même temps, elles ne déterminent pas le poten-
tiel. Celui-ci est hérité et il est légitime d'étudier séparément ce potentiel
originel, toujours à condition de ne pas oublier que le potentiel originel d'un
nourrisson ne peut devenir un nourrisson s'il n'est pas lié à des soins maternels.
Le potentiel hérité comporte une tendance à la croissance et au
développement. On peut dater grossièrement tous les stades de la
croissance émotionnelle. On peut supposer que tous les stades du déve-
loppement ont une date chez chaque enfant. Et cependant, non seule-
ment ces dates varient d'un enfant à l'autre, mais aussi, même si on pouvait
les connaître à l'avance chez un enfant donné, on ne pourrait les employer
à prédire le développement réel de l'enfant à cause de l'autre facteur, les
soins maternels. Si on pouvait utiliser de telles dates à faire des prédic-
tions, ce serait en se basant sur la supposition de soins maternels adé-
quats dans tous les aspects importants (ceci, de toute évidence, ne
signifie pas uniquement adéquat au sens physique ; la signification de
soins adéquats ou non dans ce contexte sera discutée plus loin).
Le potentiel hérité et son destin
Il nous faut maintenant tenter de décrire brièvement ce qu'il advient
du potentiel originel, si celui-ci doit se développer en un nourrisson
puis en un enfant tendant à une existence indépendante. Étant donné
la complexité du sujet, une telle description ne peut se faire qu'en
supposant des soins maternels adéquats, c'est-à-dire des soins parentaux.
14 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) Le mot anglais est holding, gérondif du verbe to hold, tenir, c'est-à-dire soutenir, porter
dans ses bras, etc. l,'auteur explique lui-même un peu plus loin ce qu'il entend par là. Nous
emploierons en français le mot « soutien », qui nous semble se rapprocher de l'idée de l'auteur.
LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON 15
A cette période, le Moi passe d'un état non intégré à une intégration
structurée et ainsi le nourrisson devient capable d'expérimenter l'an-
goisse associée à la désintégration. Le mot désintégration se met à
prendre une signification qu'il n'avait pas avant que l'intégration du
Moi devienne un fait. A cette phase, dans un développement normal,
le nourrisson retient la capacité de vivre à nouveau des états non inté-
grés, mais cela dépend de la continuité de soins maternels sûrs
ou de l'édification par le nourrisson de souvenirs des soins maternels
qu'il commence peu à peu à percevoir comme tels. Le résultat de progrès
normaux dans son développement pendant cette période est que le
nourrisson atteint ce qu'on pourrait appeler un « état d'unité ». Il devient
une personne, un individu de son propre chef.
L'existence psychosomatique du nourrisson est associée à cette
réalisation et elle commence à avoir une allure personnelle ; j'ai appelé
cela l'installation de la psyché dans le soma (1). La base de cette instal-
lation est constituée par le lien entre les expériences motrices, sensorielles
et fonctionnelles et le nouvel état du nourrisson : être une personne. Dans
la suite du développement apparaît ce qu'on pourrait appeler une
membrane de délimitation qui, dans une certaine mesure (dans les cas
normaux), se confond avec la surface de la peau et qui se situe entre le
« Moi » et le « non-Moi » du nourrisson. Ainsi le nourrisson en vient à
avoir un intérieur et un extérieur et un schéma corporel. C'est ainsi que
la fonction de prendre en soi et de rejeter prend une signification ; bien
plus, postuler une réalité psychique interne ou personnelle pour l'enfant
devient plein de signification (2).
D'autres processus débutent pendant cette période de soutien ; le
plus important est l'éveil de l'intelligence et le début d'un esprit, distinct
de la psyché. De là découle toute l'histoire des processus secondaires et
du fonctionnement symbolique, et de l'organisation d'un contenu
psychique personnel qui forme une base pour les relations de la vie et
des rêves.
Au même moment commence chez le nourrisson la jonction de deux
racines du comportement impulsif. Le mot « fusion » indique le pro-
cessus positif par lequel les éléments diffus du mouvement et de l'éro-
tisme musculaire fusionnent avec le fonctionnement orgastique des
zones érogènes (dans le développement normal). Ce concept est mieux
connu comme étant le processus inverse de la désintrication, défense
La dépendance
Pendant la période de soutien, le nourrisson est dépendant au maxi-
mum. On peut classer la dépendance ainsi :
1) Dépendance absolue. — Ici le nourrisson n'a aucun moyen de
connaître les soins maternels qui sont surtout une question de pro-
phylaxie. Il ne peut acquérir la maîtrise sur ce qui est bien ou mal fait
mais est seulement dans une position où il peut profiter ou souffrir.
2) Dépendance relative. — Le nourrisson peut se rendre compte de
son besoin des détails des soins maternels et peut de plus en plus les
relier à des impulsions personnelles et alors plus tard, dans un trai-
tement psychanalytique, il pourra reproduire celles-ci dans le traitement.
3) Vers l'indépendance. — Le nourrisson développe les moyens de
se passer des soins. Ceci est rendu possible par l'accumulation des
souvenirs de soins, la projection des besoins personnels, et l'intro-
jection du détail des soins, en même temps que se développe la confiance
dans l'environnement. Il faut ajouter ici l'élément de compréhension
intellectuelle avec ses innombrables implications.
Isolement de l'individu
Un autre phénomène à prendre en considération à cette époque est le
fait que le germe de la personnalité est caché. Examinons le concept
d'un vrai Soi central. On pourrait dire que ce Soi central est le potentiel
originel qui expérimente de façon continue le fait d'être et d'acquérir,
à sa façon et à sa vitesse propres, une réalité psychique personnelleainsi
qu'un schéma corporel personnel (1). Il semble nécessaire d'admettre
l'idée de l'isolement de ce Soi central comme une caractéristique de
l'état normal. Toute menace dirigée vers cet isolement du vrai Soi cons-
titue une angoisse majeure à ce stade précoce et les défenses de la
première enfance semblent apparaître à la suite d'échecs de la part de la
mère (ou des soins maternels) à écarter les heurts qui pourraient troubler
cet isolement.
(1) J'ai étudié dans un autre article [20] un aspect différent de cette phase du développe-
ment, tel que nous le voyons chez l'adulte normal.
LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON 17
C'est l'organisation du Moi qui peut faire face à ces heurts qui se
ressemblent dans l'omnipotence du nourrisson et sont ressentis comme
des projections (1). Mais ces attaques peuvent aussi traverser cette
défense malgré le support du Moi que constituent les soins maternels.
Alors le noyau central du Moi est touché et c'est là la vraie nature de
l'angoisse psychotique. L'individu normal devient rapidement invul-
nérable à ce point de vue et si des facteurs externes le heurtent, il se
produit simplement une modification de degré et de qualité de la
retraite du Soi central. La meilleure défense à cet égard est l'organisation
d'un faux Soi. Les satisfactions instinctuelles et les relations d'objet
elles-mêmes constituent une menace pour la continuité de l'individu.
Exemple. — Un enfant nourri au sein est en train d'obtenir satis-
faction. Le fait en soi n'indique pas si cette expérience du Ça est acceptée
par le Moi ou si au contraire il souffre du traumatisme d'une séduction,
d'une menace pour la continuité personnelle de son Moi ou d'une
menace constituée par une expérience du Ça qui n'est pas acceptée
par le Moi et à laquelle le Moi n'a pas l'équipement voulu pour réagir.
Normalement, les relations d'objet peuvent se développer sur la
base d'un compromis qui implique l'individu dans ce que plus tard
on appellerait tricherie et malhonnêteté, alors qu'une relation directe
n'est possible que sur la base d'une régression à un état de fusion avec
la mère.
L'annihilation (2)
A ce stade précoce de la relation parent-enfant, l'angoisse est liée
à la menace d'annihilation et il est nécessaire d'expliquer la signification
de ce mot.
A cette phase, caractérisée par l'existence essentielle d'un envi-
ronnement qui soutient, le « potentiel originel » devient « un sentiment
continu d'existence ». L'opposé d'exister est réagir, et réagir interrompt
l'existence et annihile. Les deux alternatives sont : existence ou annihi-
lation. La fonction principale du milieu qui soutient est donc de réduire
au maximum les heurts auxquels le nourrisson doit réagir avec, comme
résultat, l'annihilation de l'existence personnelle. Dans des conditions
favorables, le nourrisson établit un sentiment d'existence continu et
(1) J'utilise ici le mot « projections » dans un sens descriptif et dynamique et non dans sa
signification métapsychologique totale. La fonction des mécanismes psychiques primitifs
tels que l'introjection, la projection, la scission, sort des limites de ce travail.
(2) J'ai décrit dans un précédent article les variétés cliniques de ce type d'angoisse d'un point
de vue légèrement différent.
PSYCHANALYSE 2
18 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Le soutien
a) Protège contre les dangers physiologiques ; et
b) Tient compte de la sensitivité de la peau (toucher, température) :
— de la sensitivité auditive ;
— de la sensitivité visuelle ;
— de la sensitivité à la chute (action de la pesanteur) ;
— ainsi que du fait que l'enfant ignore l'existence de quoi que ce soit
d'autre que le Soi ;
c) Inclut la routine des soins de jour et de nuit, soins qui ne sont pas les mêmes
pour deux bébés car ils font partie du nourrisson et il n'y a pas deux
nourrissons semblables ;
d) S'adapte jour après jour aux changements dus à la croissance et au déve-
loppement, physiques et psychologiques.
Il faut noter qu'on peut aider à mieux faire les mères qui ont en elles
le désir de donner des soins suffisants, en s'occupant d'elles d'une façon
qui reconnaît la nature essentielle de leur tâche. Mais ce n'est pas
simplement en les instruisant qu'on rendra plus aptes les mères qui n'ont
pas la capacité d'assurer des soins suffisamment bons.
Le soutien comporte spécialement le fait physique de porter le
nourrisson, ce qui est une forme d'amour. C'est peut-être la seule façon
par laquelle une mère peut montrer son amour au nourrisson. Il y a
celles qui savent, et celles qui ne savent pas tenir un enfant, et ces
dernières provoquent rapidement chez le bébé un sentiment d'insé-
curité et des pleurs de détresse.
Tout cela mène à l'établissement des premières relations d'objet
du nourrisson et de ses premières expériences de gratification instinc-
tuelle (2), comprend cet établissement et coexiste avec lui.
(1) Rappel : pour être certain de séparer cela des relations d'objet et de la gratification
instinctuelle, il me faut, de façon artificielle, limiter mon attention aux besoins corporels de
type général. Un patient m'a dit : « Une bonne séance d'analyse dans laquelle la bonne inter-
prétation est donnée au bon moment est une bonne nourriture. »
(2) Pour une plus ample discussion de cet aspect des processus de développement, voir
mon article [12].
20 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) Cf. La théorie plus tardive de Freud sur l'angoisse, signal pour le Moi [6].
22 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
devraient provoquer ce que fait la mère, tout cela manque parce qu'elle
a déjà satisfait le besoin comme si le bébé était toujours fusionné avec
elle et elle avec lui. De cette façon, la mère en étant apparemment une
bonne mère, fait quelque chose de pire que de châtrer son enfant ; elle
le laisse devant une alternative : ou bien être dans un état permanent
de régression et de fusion avec elle, ou bien échafauder un rejet total
d'elle, même si elle paraît bien adaptée.
Nous voyons donc que dans la façon de s'occuper des nourrissons
il y a une distinction subtile entre la compréhension maternelle des
besoins du nourrisson basée sur l'empathie, et son évolution vers une
compréhension basée sur quelque chose chez le bébé ou le jeune enfant
qui indique un besoin. Ceci est particulièrement difficile pour les mères
parce que les enfants oscillent d'un état à l'autre ; à un moment, ils sont
fusionnés avec leur mère et réclament de l'empathie, alors que la minute
suivante, ils sont séparés d'elle, et si elle connaît alors leurs besoins à
l'avance, elle est dangereuse, une sorcière. Il est très curieux de voir
comme des mères peu instruites s'adaptent de façon satisfaisante à ces
modifications de leur enfant en cours de développement, sans avoir la
moindre connaissance théorique. Ce détail se retrouve dans le travail
psychanalytique avec les cas limites et dans tous les cas, à certains
moments de grande importance où le transfert est à son plus haut point.
Absence de connaissance des soins maternels satisfaisants
Dans le domaine des soins maternels du type du soutien, il est un
axiome : lorsque tout va bien, le nourrisson n'a aucun moyen de
connaître ce qui lui est convenablement fourni et ce dont il est préservé.
D'autre part c'est quand les choses ne vont pas bien que le nourrisson
devient conscient, non pas de la carence des soins maternels, mais des
résultats de cet échec, quels qu'ils soient, c'est-à-dire que le nourrisson
devient conscient d'une réaction à un heurt. Le résultat de soins
maternels satisfaisants est l'élaboration chez le nourrisson d'un senti-
ment continu d'exister qui est la base de la force du Moi ; tandis que
chaque carence de soins maternels résulte en une interruption de ce
sentiment causée par les réactions aux conséquences de cette carence, et
il s'ensuit un affaiblissement du Moi (1). De telles interruptions consti-
(1) Dans les cas caractériels, ce sont cet affaiblissement du Moi et les diverses tentatives
de l'individu pour le résoudre qui se présentent à l'attention immédiate, et cependant il est
nécessaire d'avoir une vue claire de l'étiologie pour pouvoir séparer l'aspect défensif de ce
système de son origine dans la carence du milieu. Je me suis référé à un aspect spécifique de
ceci en diagnostiquant la tendance antisociale comme le problème de base derrière le syndrome
de la délinquance [17].
LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON 23
(1) Pour une étude plus détaillée de ce point, cf. « Préoccupationmaternelle primaire » (18).
24 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1)J'ai présenté dans un article précédent le matériel d'un cas pour illustrer un type de
problème que l'on rencontre en clinique et qui se relie à ce groupe d'idées (9).
LA THÉORIE DE LA RELATION PARENT-NOURRISSON 25
BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION
(1) On a employé dans des sens divers les mots croissance, développement et maturation. En
général, le mot croissance est lié à une augmentation en volume ou en poids, le développement
peut inclure cette notion mais met surtout l'accent sur un accroissement dans l'élaboration
de la structure et/ou du fonctionnement ; alors que maturation concerne le développement en
direction d'un état fonctionnel optimum. Comme ces mots sont employés dans des sens qui se
superposent,vouloir les utiliser avec discrimination ajouterait à la confusion. Je les employerai
donc indistinctement, suivant en cela la décision de H. V. MEREDITH lorsqu'elle fit une revue
de la littérature en 1945 [32].
QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LA RELATION PARENT-NOURRISSON 29
BUT DE CE TRAVAIL
(1) Ceci rappellel'opinion de Hartmann que le plaisir des fonctionsdu Moi en développement
est essentiel pour l'acceptation de la réalité.
32 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
CARACTERISTIQUES DE LA CROISSANCE
LE MOI CORPOREL
(1) J'ai eu l'idée que la naissance elle-même est le premier agent qui prépare la conscience
de la séparation ; ceci se fait par la pression considérable exercée sur la surface corporelle et par
la stimulation de cette surface pendant la naissance et surtout par les changements de pression
et de conditions thermiques au cours du passage du nourrisson de la vie intramuraleà la vie
extramurale [16].
(2) Il est intéressantà ce sujet de noter que l'épaisseurdu tissu sous-cutané croît rapidement
pendant les neuf premiers mois alors que la croissancegénérale du corps ralentit. Après quoi cette
épaisseur diminue de telle sorte qu'à 5 ans, elle est à peu près la moitié de ce qu'elle était à
9 mois (Manuel de pédiatrie de NELSON, p. 15) [33]. Il est possible que ceci soit en partie une
réponse au besoin de conserver sa chaleurpendant une période où la croissance,quoique ralentie,
est toujours hors de proportion avec les conditions du milieu. On retrouve une augmentation
semblable du tissu sous-cutané à,la prépuberté et une nouvelle diminution quand la croissance
générale ralentit. En liaison avec cette adaptation réciproque des divers moyens de croissance,
il faut noter que cette première augmentation après la naissance des tissus sous-cutanés
diminue à un moment où l'activité locomotrice périphérique (se traîner, essayer de marcher,
jeux musculaires), est définitivement entrée dans une nouvelle phase.
36 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) Le coeur du foetus commence à battre le premier mois. Corner expose ceci d'une façon
très imagée : «... les mois qui précèdent la naissance sont à leur façon la partie la plus fertile
en événements et nous la passons très rapidement. Au début, le corps consiste en une cellule ;
au moment de la naissance, il en a deux cents billions... Vous aviez les débuts d'un cerveau avant
d'avoir des mains, et vos bras avant vos jambes ; vous avez développé vos muscles et vos nerfs
et vous avez commencé à vous battre. » « Nous mêmes avant la naissance », chap. I, L'embryon,
germe et archive, Goerge W. CORNER [3].
QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LA RELATION PARENT-NOURRISSON 39
(1) Dans des articles anciens sur L'économie biologique de la naissance et La prédisposition
à l'angoisse, Ire Partie, j'ai étudié les implications théoriques de ce concept de narcissisme
foetal [16] [17].
40 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
à être lié au soi et le déplaisir à ce qui est extérieur au soi. C'est aussi
en liaison avec le concept de Hartmann, Kris et Loewenstein qui disent :
« Toute étape dans la formation de l'objet correspond à une phase de
différenciation psychique. Cette différenciation est elle-même déter-
minée par la maturation des fonctions qui plus tard seront sous le
contrôle du Moi, et par les expériences qui structurent l'appareil
psychique. Les deux processus, différenciation de la structure psychique,
et relation du soi aux objets extérieurs sont interdépendants » (p. 27) [23].
Ailleurs : « On peut en partie décrire la formation du Moi comme un
processus d'apprentissage qui complète la croissance de l'organisation
du Moi. L'apprentissage garantit la satisfaction des demandes venant
des pulsions instinctuelles » (p. 13) [23]. Ce que j'ai étudié prélude à
ceci ; ce sont les débuts biologiques autonomes, que l'on a décrits comme
appartenant au no-man's-land entre la biologie et la psychologie
(Hoffer) [29]. Le fait que, dans la vie intra-utérine, il y a un début de
cerveau avant qu'il y ait des mains, est sans doute important.
Mais nous nous trouvons maintenant devant la question du destin,
et de l'agression fruste dans la première enfance, et du plaisir conco-
mitant du fonctionnement, qui semblent si importants pour la for-
mation du Moi qui plus tard les utilise. Ceci nous amène au chapitre
suivant de cet article.
à sa charge, avec l'aide de sa mère, tous les autres soucis de sa vie corpo-
relle. Le plaisir et la maîtrise de la satisfaction de ses besoins et fonctions
corporels — sa vie sexuelle prégénitale, évolue selon des phases assez
nettes, déterminées par la maturation associée aux diverses zones du
corps intéressées. Il n'est pas nécessaire pour l'objet de ce travail, de
rappeler beaucoup du développement des premières phases libidinales
qui constitue une des pierres angulaires des premières observations de
Freud et des débuts de la théorie analytique. Je m'occuperai plutôt de
l'évolution précoce du Moi. On peut établir des comparaisons, des
inter-relations, des contrastes entre le développement du Moi et celui de
la libido (1). Mais je reviendrai à ceci un peu plus loin.
Pendant la première partie de cette période, il est certain que la
mère ou son substitut est la seule personne importante dans la vie du
nourrisson. Le père peut jouer un rôle comme substitut de la mère
mais son corps plus musclé est un coussin moins acceptable que celui
d'une nourrice ou d'une autre aide féminine. Ceci est surtout vrai
pendant la phase indifférenciée qui succède immédiatement à la léthargie
néonatale et qui s'étend sur la plus grande partie de la première année.
Au moment de la naissance, la sensibilité de la surface corporelle est
bien développée, surtout dans la région de la bouche, où les réponses
de la peau et de la muqueuse sont actives et où le schéma neuro-mus-
culaire de la succion est bien établi. Mais en plus des besoins de la
faim, Spitz [38] et d'autres [1] [2] [36] ont clairement montré que le
contact avec le corps de la mère qui donne de la chaleur et permet des
exercices par ses mouvements, est essentiel. Le rythme des mouvements
maternels associé à la chaleur du corps offre sans doute au nourrisson
une situation partiellement semblable à la vie prénatale et l'aide à
supporter la transition de la vie intra- à la vie extramurale. Chez le
nourrisson un peu plus avancé ou en état d'alerte de veille plutôt qu'en-
sommeillé, le contact corporel avec la mère peut procurer une stimulation
et tonifier dans une certaine mesure les muscles périphériques, ce qui
aide à leur maturation fonctionnelle. Il est certain que l'aide et la
liberté de tension avec lesquelles la mère accepte alors ces activités
réciproques contribue beaucoup au bien-être du nourrisson.
Cette fluctuation entre l'unité avec la mère et la séparation d'elle,
soit par une perte temporaire de contact, soit par l'expérience de sensa-
tions fortes de son propre corps, différentes de ce qui est ressenti dans
(1) Cf. Les articles déjà mentionnés de Hartmann et de Hartmann, Kris et Loewenstein
ainsi que les Commentairessur la théorie psychanalytique du Moi de HARTMANN [22].
44 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
le contact avec elle, est très importante car elle fournit le début de ce qui
deviendra une séparation psychologique (1).
A la fin des six premiers mois apparaît une pression activement
affirmée contre la mère ; elle fait partie de la séparation grandissante
due à la maturation. Il est très courant, surtout entre le 4e et le 6e mois,
de voir un nourrisson bondir de haut en bas quand sa mère le tient sur
ses genoux. Pendant que le nourrisson pousse, de ces mouvements
vigoureux, ses pieds contre ses cuisses ou son abdomen, il montre des
signes évidents de plaisir, avec des gazouillis et des rires. Cette activité
implique la capacité d'étendre les jambes et aussi le tronc dans des
mouvements coordonnés et rythmés, avec une force beaucoup plus
grande qu'il n'aurait pu auparavant. L'apparition de signes d'un certain
degré de gratification est évidente. Ce comportement apparaît après la
maturation des muscles extrinsèques et quand les mouvements des
yeux sont bien contrôlés. D'habitude le bébé est en contact visuel avec
la figure de sa mère pendant qu'il danse ainsi contre son corps. Plus
tôt, il avait aussi l'habitude de toucher des mains sa figure et ses seins,
en tâtonnant, mais en général, sans grande force. Je pense que cette
activité de pression ou de poussée pleine de force fait partie d'une phase
définie, qui vient d'un développement heureux de la maturation et de
l'organisation des activités fonctionnelles en relation, qui permettent
ce nouveau pas accompagné d'une sensation interne de joie et de
confiance corporelle. Ceci est comparable à ce que Hoffer décrit sur les
mouvements de la main à la bouche et la sélection du doigt à sucer,
dans son article sur Le développement du Moi corporel [27]. Mais à ce
stade, il y a une corrélation de l'activité des jambes, des bras et du tronc,
et également de la vision — et l'apparition du tout début d'une relation
d'objet à la mère. L'agression physique de ce comportement est frap-
(1) Me basant sur des observations cliniques, il me semble que le nourrisson qui dort habi-
tuellement dans le lit de ses parents est stimulé par la scène primitive et prend en lui, par la
vision, l'ouïe et les réponses sensorielles kinesthésiques, l'excitationde la motilité et l'incorpore
dans une excitabilité corporelle générale. Evidemment dans des cas de ce genre, l'exposition
répétée à la scène primitive dure souvent assez longtemps. On ne peut donc déterminer facile-
ment ce qui est incorporé les premiers mois et combien cela ajoute à l'intensité de la réponse si
l'enfant y est exposé à nouveau plus tard. Les jeunes nourrissons réagissent certainement de
façon marquée et très individuelle et aux mouvements et aux sons.
D'autre part, une privation précoce de la stimulation que donnent le maniement et le
contact corporel peut avoir des conséquences graves. Il est bien connu maintenant que les
nourrissons traités par des méthodes de masse, routinières, comme dans certains hôpitaux d'en-
fants abandonnés, souffrent gravement aussi bien physiquement que dans leur développement
émotionnel. La déficience de l'allaitement au biberon, employécomme substitut de l'allaitement
au sein, réside sans doute en grande partie dans la perte de la stimulation provoquée par les
soins et le contact corporel. Ceci est spécialement vrai quand les biberons sont donnés au lit
et que seules la bouche et les joues sont actives pendant l'allaitement.
QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LA RELATION PARENT-NOURRISSON 45
(1) J'ai mentionné ces phases ailleurs, principalement en relation avec leur développement
perturbé dans les perversions [18]. Loewenstein a également noté la relation possible entre ces
deux dernières périodes (16 mois et 4 ans) à propos du développement du Moi [30].
(2) Comparer avec la conception d'un instinct de maîtrise de Hendrick [25] [26].
46 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
festations de colère, pendant la première année, apparaissent surtout en liaison avec les soins
de routine tels que l'habillage et le bain. Vers deux ans cependant, les crises de colère apparais-
sent liées à des conflits avec la mère au sujet d'habitudes routinières mais aussi à propos d'une
trop grande autorité dans des questions qui ne sont pas directement liées à l'apprentissagede
la propreté. Ces études sont anciennes, et datent de l'époque où la tendance en pédiatrie était
de conseiller un apprentissage de la propreté précoce plutôt que de s'adapter aux besoins de la
maturation du nourrisson [15].
(1) L'acceptation des pressions agressives et de l'affirmation du nourrisson ne signifie
cependant pas une tolérance totale et l'absence de toute contrainte comme l'ont parfois
tenté des parents « progressifs ». Pour une étude de cet aspect de la situation, voir A. FREUD [4].
48 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) GESELL (A.), Les cinq premières années de la vie de l'enfant (p. 33-34).
QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LA RELATION PARENT-NOURRISSON 49
CONCLUSIONS
BIBLIOGRAPHIE
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QUELQUES CONSIDERATIONS SUR LA RELATION PARENT-NOURRISSON 53
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t39] SPITZ (R. A.), No and Yes (New York, International Universities Press,
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TRAVAUX ORIGINAUX
Freud
et l'orthodoxie judéo-chrétienne( 1)
par F. PASCHE
I
Pour le judéo-chrétien, l'homme est créé par Dieu et non engendré
par lui, ce qui signifie qu'il ne lui est pas identique, qu'il ne lui est pas
homogène, qu'il n'a pas dans sa nature de quoi être divinisé, que ses
qualités ne peuvent être portées à l'Absolu, qu'il est irréductiblement
subordonné, dépendant, limité, fini. Il est avec Dieu dans le rapport
de l'oeuvre à l'artiste. D'ailleurs, s'il lui est promis que dans l'Au-delà
il Le verra face à face, c'est bien qu'il ne peut espérer cesser jamais
d'en être distinct.
Donc l'homme n'est que l'oeuvre de Dieu et non son émanation ;
mais c'est une oeuvre réussie, belle, dont le Créateur est justement
fier. Le monde est « très bon », et l'homme en est le chef-d'oeuvre,
non pas seulement l'âme de l'homme mais son corps. Ce n'est pas assez
dire ; dans le vocabulaire de l'ancien hébreu, comme l'a souligné Claude
Tresmontant, on ne trouve aucun mot qui désigne le corps en lui-même,
si ce n'est celui de cadavre. Pour exprimer dans cette langue l'asso-
ciation de l'âme et du corps, on pourrait à la rigueur utiliser le mot
hébreu traduit par « chair », mais ce serait un contre-sens, car il ne
s'agit pas dans les Testaments, par ce terme, d'une association, pas
même d'une fusion intime, mais d'une indistinction, d'une identité.
FREUD ET L'ORTHODOXIE JUDÉO-CHRÉTIENNE 57
(1) Les judéo-chrétiens qui expulsent rigoureusement du ciel toute sexualité et immaculent
la seule conception divine : celle du Christ, prescrivent au contraire à la masse des fidèles le
mariage et la procréation.
58 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Pour éclairer l'homme, donner un cadre à ses actes et leur fixer une
limite (qui doit être transgressable), Dieu lui a fait remettre par Moïse,
sa Loi : ses prescriptions et ses interdictions. Tout acte doit être bon
car il peut être mauvais. On est justifié par ses oeuvres. C'est donc par
rapport à une Loi, ou à un Verbe transcendant que l'homme se pose ;
une Loi faite pour lui sans doute, mais qui le surmonte pour l'éternité.
Parmi les oeuvres de ténèbres, il importe à notre propos de souligner
la portée de la magie et l'interprétation qu'on pourrait en donner dans
la perspective judéo-chrétienne. Ne sont pas seulement magiques, les
pratiques qui permettent d'évoquer des forces surnaturelles à son profit,
mais aussi les pratiques par lesquelles on traite la créature comme un
moyen en se servant pour agir sur elle de lois qui sont d'un niveau
inférieur à celles qui la régissent dans sa totalité. Par exemple, je suis
régi par des lois physiques en tant que matière, par des lois psycho-
biologiques en tant qu'animal, par des lois éthiques, rationnelles en
tant qu'homme. On peut se servir d'un être humain comme d'un solide :
contrepoids, projectile, etc., comme d'une machine, comme d'un animal.
Tous ces procédés itératifs de présentations d'images sonores et visuelles
qui s'imposent si irrésistiblement à notre perception, et incitent si
infailliblement nos émotions et nos appétits, qu'il s'agisse de publicité
commerciale ou de propagande politique, raciale, ou confessionnelle,
sont magiques au sens où je le prends. Il en est de même de moyens
moins grossiers : la subversion des personnes par la séduction, la fasci-
nation, la suggestion, le chantage, la peur, l'abus d'un prestige (celui
de l'aspect physique, de la force, de l'intelligence, de la volonté).
L'hypnose, l'administration de drogues, la mise en condition de trans-
fert peuvent aisément servir à des fins semblables. Enfin les théories
réductrices de l'être humain à des pures machines, à un jeu de réflexes,
ou de « formes » aussi dynamiques que l'on voudra, relèvent également
de la magie si elles se donnent comme anthropologies exhaustives.
Chaque créature doit en effet, puisqu'elle est « bonne », être traitée comme
incarnant une valeur sinon actuelle au moins future, elle est singulière,
irremplaçable, elle est une fin. Cette idéologie personnaliste est un
humanisme qui condamne la volonté de puissance comme sujétion
d'autrui, comme violence.
La connaissance de Dieu pour les judéo-chrétiens n'est jamais
révélée que partiellement, à notre mesure. Elle est réfractée, filtrée
par le Verbe, ou par la Tora, il faut être justifié par la foi, croire sans
voir. C'est un devoir néanmoins d'essayer d'augmenter cette connais-
sance relative. Or le point de départ de cette quête doit être la connais-
FREUD ET L'ORTHODOXIE JUDÉO-CHRÉTIENNE 59
(1) Quand il s'agit de la Gnose, le mot création est toujours impropre, il faut lire émanation.
(2) A moins que le corps (l'étendue), ne soit comme pour Newton divinisé, ce qui n'est pas
moins hérétique et revient au même : substituer à l'idée de Création celle d'Émanation à laquelle
s'ajoute, en contraste, l'idée de Néant.
FREUD ET L'ORTHODOXIE JUDÉO-CHRÉTIENNE 61
(1) Le monisme gnostique est aussi un dualisme, en ce sens que si tout ce qui est, est Dieu, ce
Dieu est imaginé troué ou bordé de Néant car il faut bien rendre raison de l'imperfection et du
mal.
(2) Cette chute est d'ailleurs plutôt le fait de la légèreté, de l'imprudence, de la méprise
que la conséquence d'un péché vrai et parfois Dieu n'est même plus responsable. Il est, en la
personne de l'un de ses Éons, la victime des forces du Mal qui le dépouillent ou dont il devient
captif et même la proie sexuelle. Dieu est ainsi à la fois disculpé et déconsidéré. Ce sera à l'homme
de lui rendre sa puissance par une certaine technique.
62 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) Être libre se réduit pour les pavloviens et pour d'autres à prendre conscience du carac-
tère nécessaire de son comportement : la conscience serait un épiphénomène, quant au compor-
tement, il est expliqué par des métaphoresmacrophysiquesque la physique actuelle a intégrées,
sans doute, mais dont elle ne se contente plus.
(2) Le judéo-chrétien ne pèche contre lui-même et contre le prochain que dans la mesure
où l'un et l'autre appartiennent à Dieu comme ses créatures.
64 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
pour définir, sérier les phénomènes et les diriger à son gré font naître
par compensation chez le « sorcier » une profonde nostalgie du repos,
une aspiration à s'abandonner à la passivité totale, jusqu'à la plongée
dans l'obscur ou l'aveuglant. Plus généralement on observe que la
régression vers les fusions mystiques avec Dieu, le cosmos, la foule,
le prochain, est souvent la rançon d'un excès d'abstraction ou
d'adaptation.
Il est remarquable que c'est dans la Gnose où la connaissance est
la notion centrale, que l'on trouve affirmé avec le plus de force le carac-
tère radicalement inconnaissable de Dieu, on n'en peut même pas énu-
mérer les attributs négatifs, on n'en peut rien dire, ni rien savoir
(Basilide).
Le gnostique se désintéresse de l'histoire ; ce qui le fascine, c'est le
temps mythique. La profusion luxuriante des entités personnifiées,
l'intrication et la complexité des péripéties des mythes gnostiques sont
inimaginables pour qui n'en a pas lu de récits, mais tout cela se passe
dans un espace sans dimensions et hors du vrai temps comme si, par
la densité de l'imagerie fantastique, l'enchevêtrement des luttes entre
les bons et les mauvais anges, et des aventures de chute et de salut,
la démultiplication des niveaux d'existence divine et la richesse du
contenu émotionnel,l'imagination gnostique cherchait à rivaliser avec la
consistance de la réalité dédaignée.
Un grand gnostique souvent qualifié de messie se signale comme tel
par l'exubérance de ses intuitions et le caractère grandiose de ses visions,
bien plus que par sa vie souvent peu édifiante, sa conception du monde
ou son génie de législateur. Les événements réels s'ils sont examinés,
utilisés sont considérés comme autant d'allégories (1), qui renvoient
à un sens ésotérique, ce qui les détache de leurs moments et de leurs
lieux d'accomplissement. C'est pourquoi les kabbalistes ont ajouté
aux deux sens reconnus par l'enseignement rabbinique au texte de la
Tora (un sens littéral historique, et un sens moral et législatif) deux sens
allégoriques, l'un selon les philosophes : « l'exode c'est l'exode de l'âme »,
et l'autre selon le Zohar qui débouche dans le mystère théosophique.
Ce quatrième sens est pour le gnostique sinon le seul vrai au moins le
seul qui soit essentiel.
En conclusion de cette première partie, résumons en quelques
mots ce que nous venons de passer en revue.
(1) On a coutume de dire symbole au lieu d'allégorie, nous en préciserons les différences
plus loin.
PSYCHANALYSE 5
66 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) Ainsi Basilide a pu être mis au rang des plus grands gnostiques alors qu'il prêche la
« grande ignorance », exige de ses disciples qu'ils se résignent à occuper le plan inférieur, et
déculpabilise Dieu aux dépens de l'homme. Mais il n'est pas plus judéo-chrétien que Simon ou
Valentin, car, selon lui, ni l'ignorance, ni la situation, ni la culpabilité de l'homme ne sont
relatives. L'homme n'étant plus en Dieu, comme dans les autres gnoses, reste dehors ; alors que
pour le judéo-chrétien l'homme n'est, par rapport à Dieu, ni dehors, ni dedans.
(2) Le dieu judéo-chrétien distinct et pourtant non séparé.
68 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) Ceciest la thèse la plus intéressante mais aussi la moins freudienne de celles qui se
dégagent des travaux de Hartmann, Kris et Loewenstein.
70 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
jacente à tous ses buts particuliers, fin qui lui est propre et la rend
autonome, relativement indépendante des stimuli, internes autant
qu'externes.
Ce concept explique la conservation de la forme et du compor-
tement de chaque être vivant, comme la reproduction de ses processus
de croissance et d'involution (1). On retrouve la vieille notion de la
« persévération de l'être dans son être » mais liée non pas à l'inertie
physique, à la cohésion matérielle ou à la sollicitude de la Providence
(Descartes) mais à une sorte d'intention (de volonté) qui du dedans,
maintient activement la consistance du réel. En tout cas, l'instinct n'est
plus en son fonds, une force toute nue, une énergie à toutes fins.
Par la seconde intuition qui dérive de l'autre sont distingués quali-
tativement deux groupes d'instincts, ou plutôt deux tendances fonda-
mentales, deux principes d'action parmi les instincts d'un individu :
— celui qui tend à en rompre l'unité, à le diviser, à le morceler, à le
disjoindre, à le désagréger, à le ramener à un niveau d'existence
inférieure, jusqu'à celui de minéral, donc à le faire mourir (Thanatos
ou l'instinct de mort) ;
— et celui qui tend à le faire croître et s'augmenter par assimilation
et intégration, à enrichir ce tout organique en le maintenant un ;
ce qui est parfois un progrès (Éros ou l'instinct de vie).
Si l'on considère l'individu par rapport au monde extérieur, l'une
de ces tendances le pousse à s'en séparer, à attaquer, anéantir ce qui est
au dehors ; l'autre à s'unir, à s'agréger aux objets pour former des
ensembles de plus en plus vastes. Ces deux tendances peuvent s'opposer,
mais elles peuvent aussi s'unir, s'allier, « s'intriquer ». Il ne s'agit pas
d'un dualisme (2). Ces deux possibilités dérivent de la tendance fonda-
mentale et commune à ces deux groupes : la Répétition ; ainsi Freud
admet que les actions « adaptatives du monde extérieur » peuvent
amener l'instinct à répéter des états de plus en plus anciens, et il va
jusqu'à soulever l'hypothèse d'une sorte de conglomérat universel à
l'origine des temps, pour donner au progrès : à l'union croissante des
êtres séparés, le sens d'une répétition. Mais l'apport de ces nouveaux
(1) Étendre ceci aux animaux, aux végétaux, et même aux minéraux n'est pas mécaniser
l'homme mais, au contraire, « spiritualiser » jusqu'à la matière.
(2) Rien de manichéen, l'instinct de mort n'est pas mauvais, et l'instinct de vie, bon. L'ac-
croissement excessif d'une masse cellulaire selon l'Éros n'est pas moins dangereux qu'une
dégénérescence cellulaire. L'activité analytique de l'esprit est ainsi que son activité synthétique,
indispensable, comme, à l'autre bout, le catabolisme et l'anabolisme. Ils concourent tous les
deux à la formation, à l'entretien, au progrès de l'être jusqu'à ses plus hauts achèvements
et parfois ils fusionnent.
FREUD ET L'ORTHODOXIE JUDÉO-CHRÉTIENNE 71
(1) Considérer la libido par exemple comme la substance même et la seule des manifestations
instinctuelles de l'individu biologique revient à déposséder celui-ci de son agressivité dont il
donne cependant tant de preuves cliniques. On estompe ainsi jusqu'à l'effacement les notions
de culpabilité et de liberté qui au degrésupérieur psychique devront être prises en considération.
Ce rousseauisme apparaît sous deux formes, parfois conjointes, dans les écrits psychana-
lytiques « néo-freudiens » :
1° L'individu n'est agressif que parce que le monde extérieur l'a tout d'abord attaqué, et
dans la mesure de la gravité de cette attaque. C'est toujours l'autre qui a commencé, lui se
défend, sans plus ;
2° L'individu n'est agressif que d'une agressivité empruntée au monde extérieur par
« intériorisation ».
Il me semble que les comportementsenvisagés sont incompréhensiblessi l'on ne postule pas
72 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
une disposition foncière à l'agressivité comme tendance innée ou prédéterminée. Mais admettre
ceci, qui me parait être une évidence, oblige à reconnaître que cette agressivité risque d'outre-
passer la réaction légitime, de surgir sans provocation, « l'homme, dit Freud, n'est point cet être
débonnaire au coeur assoiffé d'amour dont on dit qu'il se défend quand on l'attaque », et à ne
plus méconnaître la possibilité d'une orientation primitive de cette tendance sur l'individu
lui-même (Instinct de mort) ; toutes éventualités que nombre de psychanalystes se refusent
à envisager sérieusement.
FREUD ET L'ORTHODOXIE JUDÉO-CHRÉTIENNE 73
(1) Passépeut-être imaginaire car Freud semble avoir la majorité des historiens contre lui,
mais peu importe.
(2) Ce qui ne signifie pas, nous l'avons vu, que l'instinct de mort est mauvais en lui-même,
il ne le devient que lorsque le Moi l'a pris à son compte dans un certain dessein.
FREUD ET L'ORTHODOXIE JUDÉO-CHRÉTIENNE 75
L'on sait que, selon Freud, le héros tué (Moïse) renaît en chacun des
coupables, dans ses enfants et dans les enfants de ses enfants, il renaît
brandissant les Tables de la Loi sous forme de Sur-Moi. Il s'y ajoute
les grands hommes qui se sont dressés au cours des temps avec leurs
impératifs, pas toujours mis à mort mais toujours offensés (vilipendés
ou méconnus), et ce, jusqu'à maintenant. En somme, le meilleur de la
civilisation est sédimenté dans la conscience de chacun. Le Sur-Moi
n'est donc pas en lui-même pathologique, il n'y a pas à le « liquider »
ni à le surmonter, ni même à se hausser à son niveau. Il s'agit seulement
de le purger de sa charge excessive en agressivité et de certaines identi-
fications archaïques. Convenablement amendé, assoupli comme on
dit, il en reste certes quelque chose : l'essentiel. L'essentiel : une subor-
dination et une dépendance inéluctables, sous une puissance difficile
à définir, à cerner, qui nous domine — un corps de lois, d'exigences et
d'interdits, intangible, non certes dans son détail, mais dans son essence,
et contre lequel rebondissent notre révolte et notre haine. Freud avait
un sens profond de nos limites.
Ces limites qui paraissent fixées par un processus auto-régulateur
ou si l'on préfère par une dialectique immanente de genèse mutuelle des
contraires, peuvent facilement être mises en évidence si l'on examine les
faits à la lumière de la dernière théorie des instincts. Au cours du déve-
loppement, toute tentative d'unification, par exemple des divers senti-
ments pour le père, suscite un conflit ; toute séparation, par exemple le
détachement du Sur-Moi du Moi, suscite une tentative d'union.
Un investissement narcissique excessif crée une angoisse qui pousse à
investir au dehors. Une hémorragie libidinale déclenche un repli narcis-
sique. Mais dans le sens vertical cela est vrai aussi, une sublimation
outrée, fait « tourner » la libido en agression et l'agression réfléchie
sur le plafond du Sur-Moi vous retombe dessus, il arrive aussi qu'une
sublimation ne se fait que grâce à une régression libidinale concomi-
tante. L'infini nous est fermé.
C'est là une transcription psychologique de la circoncision matérielle
ou de celle du coeur, car notre limitation est liée à notre nature, nature
qui doit être assumée. Il est vrai que la psychanalyse libère mais elle ne
nous débarrassera ni du Sur-Moi, ni de la culpabilité ; si l'on croit être
parvenu à liquider l'un et l'autre, on se réserve bien des mécomptes,
car ils sont indestructibles. Certaines maladies psycho-somatiques
ne sont-elles pas dues à une suradaptation qui trouve son contre-
poids et sa rançon dans une régression organique ? Les syndromes
dépressifs et maniaco-dépressifs ne sont-ils pas souvent le résultat
76 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
BIBLIOGRAPHIE
Les ouvrages les plus souvent consultés pour la rédaction de cet article
sont, en plus de l'ensemble des textes freudiens :
SAINT AUGUSTIN, De la Trinité (Desclée de Brouwer).
M.-D. CHENUE, Saint Thomas d'Aquin et la théologie (Le Seuil).
E. GILSON, La philosophie de Moyen Age (Payot).
S. HUTIN, Les gnostiques (Presses Universitaires de France).
H. LEISEGANG, La Gnose (Payot).
H.-Ch. PUECH, Le manichéisme (Publication du Musée Guimet).
G.-G. SCHOLEM, Les grands courants de la mystique juive (Payot).
Cl. TRESMONTANT, Essai sur la pensée hébraïque (Le Cerf).
FREUD ET L'ORTHODOXIE JUDÉO-CHRÉTIENNE 8l
DISCUSSION
Intervention de S. NACHT
C'est Anatole France qui disait ou à peu près, je crois, que l'on
n'aime que le livre où l'on se reconnaît de quelque manière.
Ce soir cette boutade est un peu ma vérité car si j'ai apprécié comme
vous tous l'ensemble de la conférence de Pasche, c'est cependant la
dernière partie que j'ai préférée : car il y est moins question de psycha-
nalyse et de religion que d'un homme nommé Freud, et j'aime
reconnaître l'image que je me fais de cet homme dans celle qui se
dégage de ce que Pasche vient de nous dire.
Tout ceci n'est certes pas pour surprendre Pasche qui se souvient
sûrement de nombre de discussions amicales que nous eûmes ensemble,
où nous affrontions nos points de vue souvent divergents sur certains
points de la théorie psychanalytique. Mais ce soir, ce qu'il a dit sur
certaines théories du Moi, qui « émasculent » celui-ci en le privant,
dans ses fonctions de l'apport de l'impulsion instinctuelle, s'accorde
parfaitement avec certaines idées que j'ai même exprimées et défendues
dans un rapport présenté au Congrès d'Amsterdam en 1951. Je veux
donc dire à Pasche combien je suis content que nous nous rencontrions
sur ce point.
Mais plus encore peut-être suis-je touché par la dernière partie de
son travail qui met en relief un aspect si émouvant de Freud — de ce
grand Freud qui, quoiqu'il en eût, ne put échapper au tragique déchi-
rement de l' « humain, trop humain », comme eût dit Nietzsche.
En effet, aussi bien pour ceux qui l'ont loué que pour ceux qui l'ont
blamé, Freud est le représentant d'un déterminisme rigoureusement
mécaniciste et « matérialiste », dans le sens que la science donnait encore
à ce terme au début du siècle et qui se trouve aujourd'hui non seulement
« dépassé », dirons-nous, mais débordé.
PSYCHANALYSE 6
82 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Intervention de R. HELD
Notre collègue Pasche ne sera pas étonné, si, après avoir loué la
belle tenue littéraire de sa conférence et en avoir apprécié les beautés
de style, je lui dis être en désaccord total avec lui sur le fond même de
la thèse qu'il vient de soutenir.
Cependant, dans l'impossibilité de développer ici, comme la richesse
du sujet l'exigerait, une « antithèse » de façon exhaustive, je me bornerai
à quelques remarques critiques des plus schématiques :
I. Le judéo-christianisme n'a pas été une création religieuse ex nihilo.
Il apparaît, pour le chercheur objectivement neutre, que ce n'est qu'un
vaste syncrétisme, élaboré à partir des religions orientales les plus
anciennes, et qu'à travers ce grand monothéisme, la pensée freudienne
s'est articulée, souvent à l'insu de Freud lui-même, mais fréquemment
en pleine conscience (cf. Totem et tabou), avec tous les mythes et tous les
rites orientaux, ceux qui vont de la Grande Déesse Mère à Mithra, du
culte d'Osiris à celui d'Attys, sans parler de l'Hindouisme et d'autres
formes de philosophie antique dont le judaïsme et lechristianisme se sont
si largement inspirés. Nous ne comprenons pas très bien, dans ces
conditions, la place privilégiée que Pasche a réservée dans son travail
au Gnosticisme, lequel nous propose un mode de Connaissance, une
Cosmologie, une Eschatologie, sans doute dignes d'être prises en consi-
dération, mais pas plus que toute autre forme de croyance ou de
connaissance ou de tentative destinées à subsumer sous un dénominateur
mystique commun les grands courants religieux et les multiples contra-
dictions — comme les rencontres — que l'étude comparée des religions
FREUD ET L'ORTHODOXIE JUDÉO-CHRÉTIENNE 83
Intervention du Dr GREEN
Les quelques mots que je vais dire ne seront que la poursuite d'un
dialogue que le conférencier de ce soir veut bien échanger avec moi dans
le service où nous travaillons tous deux. Le problème me parait être
Réponse de F. PASCHE
Je veux dire tout d'abord ma grande joie d'être en accord avec le
Dr Nacht sur des points qui me paraissent aussi importants et le remer-
cier de l'avoir exprimé aujourd'hui avec tant de chaleur.
Je remercie aussi tous ceux qui ont bien voulu prendre la parole et
réponds plus spécialement :
A Mme Marie Bonaparte :
Je crois qu'il faut distinguer plusieurs sortes de causes, donc plu-
sieurs sortes de déterminismes. Il y a d'une part la cause au sens méca-
niciste et, d'autre part, la cause-fin, la cause-motif, la cause-raison.
L'apport essentiel de Freud a été de substituer ces dernières à la
cause pseudo-physique chère aux associationnistes, aux behaviouristes,
aux gestaltistes ; il a été de montrer aux psychologues qu'il existait
un « rationnel » propre à l'objet de leurs recherches, donc non réductible
à celui des autres disciplines.
Au Dr Held :
Je n'ai pas eu l'intention de faire l'inventaire de toutes les hérésies,
mais de dégager leurs caractères communs et d'en montrer les impli-
cations, démarche à laquelle les gnoses se prêtent assez bien.
Je ne sous-estime pas l'immense intérêt des mythes grecs et égyp-
tiens, mais ce n'était pas dans mon propos d'en traiter ce soir, j'ai voulu
esquisser les grandes lignes de la pensée judéo-chrétienne toute faite
et non sa genèse.
Oui, mon opinion est que la situation infantile la plus ancienne qui
puisse être accessible et utilisable en psychanalyseest la relation triangulaire.
La relation dyadique mère-enfant, la première enfance passée, me
semble être toujours vécue comme une triade tronquée, incomplète,
marquée d'un manque angoissant qui est dû à l'exclusion préalable
d'un père déjà appréhendé, ou de ce qui le symbolise.
Il ne s'agit donc dans ce dernier cas d'une régression authentique,
mais d'une production complexe, postérieure quant à sa formation à
la relation triangulaire perçue.
Dans le même ordre d'idées, je pense que l'origine du sentiment
religieux n'est pas seulement dans les expériences fusionnelles mais
aussi dans une certaine relation au père.
Quant à l'angoisse, je la crois distincte de la peur et plus fonda-
mentale que celle-ci.
FREUD ET L'ORTHODOXIE JUDÉO-CHRÉTIENNE 87
Au Dr Green :
Je le remercie de m'avoir argumenté sur le fond.
Quand il nous dit que « la référence à un système religieux déborde
largement le cadre de l'anthropologie », je ne peux que lui exprimer
amicalement mon désaccord et aussi ma surprise de lui voir prendre
le mot « orthodoxe » dans un sens aussi étroit. L'opinion de Freud sur
la religion est bien connue et je ne l'ai pas mise en doute, mais je me suis
demandé si sa position profonde, et celle de nombreux athées, ne s'ap-
parentaient pas néanmoins à une tendance d'esprit judéo-chrétienne
par opposition à celle d'autres athées et de croyants qui me semble
s'apparenter à la gnose.
Je serais tout à fait d'accord avec le Dr Green, il le sait déjà, pour
affirmer que le psychanalyste ne doit confesser aucune foi qui soit fixée
dans un dogme particulier et ne préconiser l'observance d'aucune loi
particulière, mais, comment nier qu'il doit croire en la légitimité de la
recherche inlassable du vrai, et de celle de l'exigence éthique et de
l'exigence esthétique en général. Ceci excluant l'aveu d'une adhésion
à un contenu idéologique précis : parti politique, religion ou même
système philosophique.
Il reste que le psychanalyste, qu'il en convienne ou non, a une
orientation axiologique, abstraction faite de toute conviction déterminée.
Ceci admis, je me suis demandé :
— si plusieurs orientations axiologiques étaient possibles et j'ai cru
en trouver deux;
— si l'une de celles-ci pouvait être considérée comme l'axe même de la
pensée psychanalytique freudienne, l'autre sous-tendant des options
implicites qui me paraissent opposées ou, si l'on veut, étrangères
à l'esprit du système freudien.
Je crois qu'il s'agit bien de deux orientations divergentes et non
d'une différence de degré entre la conception judéo-chrétienne et la
conception gnostique telle que l'une ne serait que le prolongement de
l'autre ; car, s'il est vrai que presque tous les thèmes gnostiques sont
évoqués dans les « mythes » judéo-chrétiens et que de nombreux iti-
88 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
néraires spirituels vécus sont passés par la gnose pour aboutir à l'ortho-
doxie ou inversement, il n'empêche que c'est par un changement total
de perspective, par une redistribution complète de l'espace psychique et,
dans le cas des croyants, de l'espace surnaturel, que s'opère la conversion
de l'une à l'autre.
Quant à l'échange de vues avec le Dr Lebovici, il ne portait pas sur
les travaux de celui-ci, mais sur nos interprétations respectives de
l'oeuvre de Hartmann qui, telle que je la comprends, ne me parait
pas pouvoir passer pour un prolongement des recherches freudiennes.
De l'instinct de mort(l)
par S. VIDERMAN
(1) Une version abrégée de ce travail a fait l'objet d'une conférence à la Société psychana-
lytique de Paris, le 15 mars 1960.
90 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
I
Nous allons essayer de nous frayer un chemin à travers la masse
des faits contradictoires et des théories confuses, et tâcher, autant que
faire se peut, d'examiner clairement si, dans l'état actuel de nos connais-
sances, l'intuition de Freud quant à l'existence d'une opposition fonda-
mentale, permanente et universelle, entre un instinct de vie et un instinct
de mort peut ou non être considérée comme valable.
Pendant vingt-cinq ans l'oeuvre de Freud s'organise autour de l'idée
que le principe de plaisir domine et unifie les fonctions de la psyché.
Ses principales découvertes, celles qui révolutionnent les idées du
temps, s'inscrivent dans une conception rigoureuse et cohérente, tout
entière soumise au principe de plaisir — principe organisateur de la
dynamique de l'esprit.
L'inconscient tout entier est sous la domination du plaisir et toute
la théorie des rêves, pierre angulaire de la doctrine et voie royale d'ap-
proche des pulsions, est fondée sur la signification purement hédoniste
que Freud découvre au rêve.
Ainsi, à première vue, les thèses de 1920 apparaissent doublement
révolutionnaires : d'abord par rapport aux idées jusque-là soutenues
et ensuite en elles-mêmes, par la saisissante image qu'il donne de la
psyché et, par delà, de l'univers tout entier.
Dès lors, le principe de plaisir trouve, au sein même des fonctions
mentales, sa négation. Il n'apparaît plus comme le seul organisateur des
tendances et des forces qui jouent dans le champ psychologique. L'unité
des mouvements de la psyché, aimantée précédemment par le seul
plaisir, est maintenant remise en question.
Freud va introduire dans la dynamique conflictuelle, jusque-là
fondée sur le conflit des instances, un principe absolu, une contradiction
radicale qui ne ressortit plus aux vicissitudes de l'évolution, à la contin-
gence historique de la genèse des instances, mais traduit un conflit
fondamental, une opposition métapsychologique des essences.
Désormais, le plaisir n'est plus conçu comme seul régnant sur
l'esprit. Freud n'accepte plus l'idée qu'une seule tendance puisse
dominer et expliquer de façon exhaustive le fonctionnement mental
tout entier. Nous voyons apparaître la notion de l'opposition de deux
principes égaux — plaisir et déplaisir — qui bat en brèche l'idée sur
laquelle il avait jusqu'alors fondé la dynamique mentale. Le conflit
ne se limite plus à l'opposition des instances — (le Moi, issu du Ça
évolue et s'en libère, élabore ses démarches et ses défenses, se sou-
92 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
II
Essayons, si vous voulez, d'examiner chacun des arguments dont
Freud se sert pour édifier sa théorie de l'instinct de mort.
On ne tarde pas à s'apercevoir d'un certain déséquilibre entre la
faiblesse de la démonstration qui s'appuie sur un faisceau d'arguments
critiquables en eux-mêmes, faciles à réfuter, et le sentiment qu'on
éprouve d'être en présence d'une intuition géniale, sans doute mal
défendue, exposée presque au fil de la plume, à la façon des associations
libres, dira Jones ; où Freud affirme et nie se contredit et se reprend,
nous livre réflexions et objections et rêve tout haut dans ce qui reste,
cependant, un texte spéculatif incomparable.
La biologie, puis la physique, enfin la clinique psychanalytique
conduisirent Freud à postuler l'existence de deux instincts opposés
dont le conflit rendrait compte de tout le devenir de la matière vivante
et plus particulièrement de toute la dynamique du fonctionnement
mental.
Pour Freud, la matière vivante, jusque dans ses formes élémentaires,
recèle en elle-même non seulement ce quelque chose de mystérieux
qu'est la vie, mais en même temps la mort y serait incluse,
non pas comme un accident contingent, résultat d'un ensemble de
conditions extérieures défavorables, mais comme une modalité de l'être
vivant, comme l'un des modes de fonctionnement de la cellule vivante.
Pour Freud les processus qui se trouvent à la base de la vie ne sont
DE L'INSTINCT DE MORT 93
III
Les arguments cliniques sur lesquels Freud a tenté de construire
sa théorie de l'instinct de mort sont basés sur trois séries de faits :
1) Les rêves récurrents reproduisant l'événement pénible qui se trouve
à l'origine des névroses traumatiques ;
2) La répétition par l'enfant de jeux reproduisant des situations
désagréables ou douloureuses ;
3) Enfin, l'automatisme de répétition tel qu'il se manifeste dans le
transfert.
On sait que Freud, au cours d'un séjour à Hambourg chez une de ses
filles, avait eu l'occasion d'observer le curieux manège auquel se livrait
un de ses petits-fils âgé de dix-huit mois.
Ce petit garçon s'amusait, pendant les absences fréquentes de sa
mère à laquelle il était très attaché, à jeter par-dessus le bord de son
berceau, puis à ramener à lui, une bobine attachée à un fil.
Il semble que Freud ait été frappé par le choix d'un jeu qui repro-
duisait manifestement un événement quotidien banal, mais que l'enfant
vivait d'une façon douloureuse. Freud voit dans la répétition jouée
d'une situation pénible un argument qui contredit la croyance à l'uni-
versalité du principe de plaisir, mais lui-même ne semble pas avoir
été tout à fait convaincu par l'argument qu'il mettait en avant. La
répétition ludique de situations traumatiques ne contredit pas effi-
cacement le principe de plaisir et il est facile d'imaginer la signification
positive de telles conduites. Il semble qu'il s'agisse de mécanismes
d'accoutumance qui visent à la maîtrise active, par le truchement de
fantasmes mimés, des situations et des événements douloureux imposés
par la réalité. Le jeu de l'enfant nous éclaire sur la finalité psycholo-
gique de la répétition et sur son ambiguïté : l'événement est reproduit
et nié dans un mouvement dialectique qui le pose, le nie et l'intègre.
Il y a répétition et cependant ce qui est répété n'est jamais ce qui a été
originellement vécu.
La répétition est le fleuve d'Héraclite : on ne s'y baigne pas deux
fois. La répétition n'est jamais une vraie répétition. Elle est une modifi-
cation active des conditions premières où l'événement a été vécu.
Dans le cas de l'enfant à la bobine son jeu l'a rendu maître de la
réalité, à la façon du fantasme ou du rêve qu'il modifie et incline au
gré de son désir. Il est devenu par la vertu du jeu aussi absolument
maître de sa mère que de sa bobine.
100 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Nacht [9, 11, 12] insiste depuis plusieurs années dans ses écrits et
son enseignement sur cette notion capitale d'un vécu transférentiel
irréductible au passé.
Si l'on songe aux idées défendues par Nacht, et tout particuliè-
rement dans les fins d'analyses difficiles ; les notions de « présence »
et de « don », par exemple, on y reconnaît la signification de « jamais
vécu » qu'il accorde à l'expérience transférentielle.
Le vécu analytique n'est pas seulement fonction du passé mais
résulte à la fois des besoins qui habitent le malade et des manoeuvres
qui organisent le champ spécifique de l'expérience psychanalytique.
C'est bien parce que la technique permet que la situation analytique
se structure différemment que le vécu analytique se situe à une distance
suffisante du passé pour que des prises de conscience nécessaires s'opè-
rent dans cette confrontation.
Toute sa valeur thérapeutique, tout son dynamisme, le transfert
l'emprunte à ce qu'il recèle de nouveau et à ce qu'il suscite par là
d'espoir.
Dans le vécu analytique se déploient, certes, les expériences passées,
mais aussi ce qui n'a pas été vécu.
L'expérience transférentielle, pour riche et diverse qu'elle soit,
ne peut être réduite tout entière à la simple répétition du passé.
La relation analytique dans sa totalité déborde le passé transféré
et la relation historiquement vécue pour y inclure un présent qui
transfigure et reconstruit une relation telle que le sujet eût désiré la
vivre.
Il s'agit là d'un aspect essentiel du transfert et d'une conception
personnelle de Nacht, dont il a eu souvent l'occasion de m'entretenir
ces dernières années.
C'est une dimension complémentaire du vécu analytique qui n'est
ni l'histoire du sujet, ni la fantasmatisation d'une relation aménagée
spécifiquement par la projection, mais l'expérience d'une relation
nouvelle construite et élaborée en fonction des besoins permanents du
sujet et suscitée par l'espoir né de la cure.
Le transfert n'est pas seulement la répétition des anciennes expé-
riences, mais encore, et dans le mouvement thérapeutique même
signifié par l'analyse, le dépassement du passé. Le transfert est à la fois
du passé répété et du présent qui se modifie dynamiquement dans une
relation nouvelle jamais expérimentée jusqu'alors.
L'analyste et le champ aménagé par la situation analytique, où
une relation d'objet originale s'instaure, représente la chance offerte
DE L'INSTINCT DE MORT 103
IV
Que ce soit en 1923, avec Le Moi et le Ça [5], ou dans des ouvrages
ultérieurs et particulièrement dans certains textes importants de la
fin de son oeuvre [6, 7] Freud est resté fidèle à une conception purement
génétique de l'organisation et de l'évolution du Sur-Moi. Ce dernier
est l'héritier de l'OEdipe, constitué sous la pesée de la réalité par l'inter-
médiaire des introjections successives des premières imagos.
Il s'agit d'une conception réaliste de la constitution du Sur-Moi
qui représente effectivement une certaine réalité psycho-sociale inté-
riorisée, rendue présente et agissante par l'introjection des imagos
primaires. Le Sur-Moi du sujet serait ainsi la somme des sédimentations
socio-culturelles de l'environnement.
C'est là une conception empiriste de la genèse du Sur-Moi qui
n'est rien d'autre et rien de plus que ce que l'expérience vécue du sujet
dans sa relation aux premiers objets y a déposé. Le sujet est conçu
comme totalement constitué par son histoire, son existence et ses
DE L'INSTINCT DE MORT 105
que chez Melanie Klein on n'ait jamais affaire qu'à des pseudo-objets ;
que l'objet semble chez elle s'évanouir pour ne laisser subsister que
l'ombre portée du sujet lui-même.
Il y a, il est vrai, chez Melanie Klein quelque chose comme un
idéalisme berkeleyen, qui accorde à l'objet une existence conditionnée
et fondée par la seule perception, et radicalement déformante, du sujet
lui-même.
Cette réserve faite, il n'en reste pas moins que les vues de Melanie
Klein nous ont affranchi d'une conception étroitement réaliste, fondée
uniquement sur des expériences vécues, de la genèse du Sur-Moi et des
premières relations d'objet.
Quelle que puisse être, par la suite, l'importance des « traumatismes »
et des expériences réellement vécues, il n'empêche que le devenir du
sujet est en grande partie conditionné et orienté par des données immé-
diates, primaires ; par une structure ontologique fondamentale, irré-
ductible au vécu historique, lui-même dès lors constamment remanié
par le fond pulsionnel qui fait qu'un homme n'est jamais la somme de
ses expériences additionnées.
Le Sur-Moi n'est si bien intériorisé que parce qu'il était déjà inté-
rieur. Le devenir du sujet se déploie ainsi dans une dimension histo-
rique liée au temps et dans un espace spécifique structuré par les
données instinctuelles, fondement biologique de l'espèce.
Toutes les tentatives culturalistes pour nier l'être biologique au seul
profit de l'être psycho-social se heurtent à l'irréductible d'une nature
pulsionnelle en soi, en deçà de toute motivation intelligible, fonction
de l'historicité du sujet.
L'homme n'est jamais la somme des moments de son histoire et son
histoire est toujours une mythistoire (1) où se rejoignent la dimension
temporelle qui l'historicise et l'espace instinctuel qui récrit l'histoire
du sujet et y introduit le mythe.
Le simple concept de culpabilité nous ramène à la vue rousseauiste
du « bon sauvage ».
Les choses apparaissent davantage sous l'aspect d'une contradic-
tion absolue, d'une ambiguïté fondamentale permanente au sein de
l'être.
La dynamique conflictuelle n'est plus fondée sur l'opposition
des instances et leur dépassement dialectique, mais le conflit se hausse
(1) Mot forgé par Etiemble, mais utilisé dans un sens et dans un contexte, bien entendu,
entièrement différents.
DE L'INSTINCT DE MORT 107
V
Les choses se passent comme si l'on s'était occupé de la mort
comme transcendance pure, fin de l'homme victime de la nature, et
qu'on n'ait jamais envisagé la mort comme immanente à l'être et surgie
de lui-même.
La peur de la mort et tout ce que l'homme a imaginé, rêvé et entre-
pris pour la nier — et le risque de mort, la recherche délibérée de la
mort, sont les deux données fondamentales qui expriment l'essence
de l'existence humaine.
Si l'homme prend délibérément le risque de la mort, ce paradoxe
et ce scandale nient, sans l'infirmer, son horreur de la mort. Quelque
chose en l'homme est plus fort que sa crainte de la mort. Le risque de la
mort ne contredit pas seulement la domination des instincts de conser-
vation, liés au principe de l'économie de la souffrance, mais davantage
et plus profondément encore achève de faire de l'homme l'humain
dans sa dimension essentielle : le seul être se sachant mortel et capable
de risquer sa vie.
La plus grande passion de vivre se conjugue avec la plus grande pas-
sion de mourir, ou comme le dit Hölderlin, la passion de mourir va de
pair avec la plus grande exaltation dyonisiaque de la vie.
C'est ainsi que la vie et la mort se présentent comme l'avers et le
revers de la même médaille, comme les deux faces du même élan qui
régit les mouvements contraires de l'univers humain.
Les philosophies orientales, puis le romantisme allemand, ont
tenté d'échapper à la mort par la négation forcenée du Moi et la fusion
de l'individu et du Cosmos. Le paradoxe des rapports entre le Moi et
la Mort c'est que cette dernière signifie toujours l'anéantissement de
toutes les particularités du Moi, anéantissement que tant de systèmes
108 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
[1] CARREL (A.), The Immortality of Animal Tissues and its Signifiance,
Canadien Med. Ass. Jour., XVIII, 1928 (cité par SZASZ).
[2] DASTRE (A.), La vie et la mort, E. Flammarion, Paris, 1918.
[3] FREUD (S.), La dynamique du transfert, in De la technique psychanaly-
tique, Presses Universitaires de France, 1953.
[4] FREUD (S.), Au delà du principe de plaisir, in Essais de psychanalyse,
Payot, Paris, 1927.
[5] FREUD (S.), Le Moi et le Ça, in Essais de psychanalyse, Payot, Paris, 1927.
[6] FREUD (S.), Les diverses instances de la personnalité psychique, in Nou-
velles conférences sur la psychanalyse, Gallimard, Paris, 1936.
[7] FREUD (S.), Analyse terminée,analyse interminable,Rev.franc, de Psychan.,
I, 1939.
[8] LABORIT (H.) et [MORAND (P.), Les destins de la vie et de l'homme,
Masson & Cie, Paris, 1959.
[9] NACHT (S.), Comment terminer le traitement psychanalytique, Rev.
franc, de Psychan., 4, 1955.
[10] NACHT (S.), Instinct de mort ou instinct de vie ?, Rev. franc, de Psychan.,
3. 1956.
[11] NACHT (S.), Les variations de la technique, Rev. franc, de Psychan., 1958,2.
[12] NACHT (S.), La névrose de transfert et son maniement technique, Rev.
franc, de Psychan., 6, 1958.
[13] PASCHE (F.) et RENARD (M.), Réalité de l'objet et point de vue économique,
Rev. franc, de Psychan., 4, 1956.
[14] PASCHE (F.), Autour de quelques propositions freudiennes contestées,
Rev. franc, de Psychan., 3, 1956.
[15] ROBERTSON (T. B.), The chimicalBasis of Growth and Senescence, J. B. Lip-
pincott Co., Philadelphie, 1923 (cité par SZASZ).
[16] SCHRODINGER (E.), Qu'est-ce que la vie?, Club français du Livre, 1950.
[17] SZASZ (Th. S.), On the Psychoanalytic Theory of Instincts, Psychoan.
Quarterly, XXI, 1952.
DE L'INSTINCT DE MORT 113
DISCUSSION
Intervention de S. NACHT
Intervention de R. HELD
Il est bien difficile d'argumenter « au pied levé » une conférence
qui touche à autant de sujets à la fois, et qui, à travers le trop fameux
instinct de mort (ou soi-disant tel !), nous invite avec allégresse et
éloquence à nous promener dans les labyrinthes de la clinique, de la
théorie psychanalytique, de la métaphysique, sans parler de la phéno-
ménologie et de l'existentialisme !
Une chose est certaine, au moins en ce qui nous concerne person-
nellement. Les applaudissements unanimes qui ont accueilli la péro-
raison de Viderman ne s'adressaient pas tous au fond de la conférence,
mais avant tout à sa forme. Aussi, après avoir salué l'honnêteté intel-
lectuelle, l'érudition et le style de l'auteur, vais-je maintenant lui
adresser de sérieuses critiques. Quelques-unes, et non des moindres,
ont déjà été soulignées par Nacht, aussi ne ferai-je que les mentionner
très brièvement. On ne sait pas très bien en fin de compte si Viderman
est — qu'on nous pardonne cette formule un peu sportive, mais les
discussions sur « l'instinct » de mort n'évoquent-elles pas toujours plus
ou moins une épreuve sportive ? — « pour ou contre » l'instinct de mort.
Il y a du « suspense » dans sa façon de nous présenter à la faveur de sa
subtile dialectique des arguments opposés, mais si on imagine à tel
moment du déroulement de son argumentation qu'il a enfin porté
l'estocade finale à Thanatos on est surpris de voir celui-ci renaître de
ses cendres quelques lignes plus loin et réapparaître au premier plan.
Cette dialectique, et le fait qu'on se réfère toujours à l'hypothèse
freudienne de l'instinct de mort, alors qu'on ne parlera jamais, par
exemple, de l'hypothèse du narcissisme ou des mécanismes de défense
du Moi, montre déjà à quel point on se meut à ce propos sur un terrain
mouvant et pour tout dire... hypothétique. Mais venons en à de plus
solides arguments « contre » :
1. Il y a des correspondances, et qui ne sont pas seulement analo-
giques entre le principe de la moindre action de Fermat-Leibniz-Mau-
pertuis (la nature procède toujours par les voies les plus économiques),
le principe d'égalisation des tensions nerveuses de Fechner, celui de
plaisir-déplaisir et l'automatisme de répétition de Freud et les théories
les plus modernes relatives à l'homéostasie aussi bien affective que
biologique sans parler de l'entropie et de la dégradation universelle de
l'énergie. Pour nous, il n'y a pas plus de sens à parler d'instinct de mort
à propos de l'animal humain qu'il n'y en aurait à parler d'instinct
de mort à propos de la grande nébuleuse primitive qui remplissait
116 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) Car nous ne doutons nullement, le cas échéant, d'en discuter... ailleurs !
DE L'INSTINCT DE MORT 117
qui semblaient à tout jamais avoir été, et par le Maître de Vienne lui-
même, auparavant exorcisés.
Pour notre part nous nous refusons énergiquement à laisser s'entre-
bâiller, même légèrement, la porte qui sépare la théorie et la clinique
psychanalytique de la croyance. Libre à ceux qui pensent que leur sys-
tème de valeur, basé sur un retour plus ou moins déguisé à une
« croyance », est supérieur à celui qui sous-tend les attitudes cliniques
et techniques des « rationalistes » (1). Ces derniers feront leur, et ce sera
ma conclusion... provisoire (2), la « saine » formulation de Bénassy :
« La méthode psychanalytique est une méthode rationnelle, si le matériel
qui fait l'objet de son étude ne l'est pas » (cité de mémoire).
Intervention de M. FAIN
Je me joins aux autres orateurs pour exprimer le plaisir que j'ai
goûté à écouter Viderman.
En suivant ce remarquable exposé, j'ai de nouveau ressenti l'incer-
titude déjà éprouvée chaque fois que j'ai entendu ou lu des dévelop-
pements sur l'instinct de mort.
Freud assigne à Éros la fonction de construire des ensembles toujours
plus grands, à Thanatos le besoin de détruire, de morceler, de désor-
ganiser. Or, il ne fait aucun doute que bien des humains sacrifient leur
vie dans le but de maintenir la cohérence, pour s'opposer à une anarchie
qui évoque pour eux les angoisses les plus profondes. Il semble même,
qu'à un niveau biologique, l'organisme puisse se détruire quelquefois
pour maintenir une fonction à son niveau d'organisation le plus élevé.
S. Freud assigne un rôle important à la Civilisation dans la rupture
de l'équilibre instinctuel par rétention de l'agressivité, cette rétention
activant les mécanismes d'auto-destruction. L'étude clinique de
certaines attitudes aboutit à la conclusion, qu'en effet, certaines
rétentions agressives sont sans possibilité de résolution sans modifi-
cation profonde des structures caractérielles qui sont à leur origine.
Pour saisir cet aspect, il n'est pas possible d'envisager l'agressivité
sous un aspect unifié comme le fait S. Nacht quand il assigne à cette
force la valeur d'un instrument de combat nécessaire à la vie.
Terme employé dans son sens le plus élevé, démystifiant et démythifiant, mais non
(1)
comme synonyme de je ne sais quel grossier « mécanicisme » avec lequel il n'entretient aucun
rapport !
(2) Nous espérons pouvoir ici même, à une date ultérieure, revenir longuement sur toute
notre argumentation d'aujourd'hui.
118 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
insoutenable à ceux qui ne puisent pas leur énergie dans des conflits
de base similaires. Nous retrouvons ainsi la notion d'activation des
tendances désorganisatrices par la Civilisation.
La conclusion de F. Pasche qui mettait en valeur l'effet destructeur
de la surcharge d'un des éléments constituant une paire antithétique
se confirme dans de tels cas et appuie donc l'hypothèse de la nécessité
d'un équilibre entre deux formes originellement opposées.
Intervention de C. STEIN
La conférence de Viderman était fort belle et j'ai eu le sentiment
qu'il parlait de l'existence de l'homme avec sagesse. Je souscris à la
thèse qu'il soutient. L'unique contradiction que je trouve dans son
exposé est une contradiction fondamentale, celle qui est dans la nature
même des choses et qui est précisément la contradiction tragique. Si
Hegel est le premier grand philosophe qui accepte l'idée de la mort
pour la transcender au lieu de la dominer en la niant, il est en cela
l'héritier des tragiques grecs. Antigone, il nous le rappelle, représente
la loi divine, Créon la loi humaine. La femme appartient à la loi divine
qui par son essence s'exprime dans la singularité de l'amour, l'homme
appartient à la loi humaine qui par son individualité s'exprime dans
l'universalité de la conscience de soi.
Freud nous montre, en réalité, l'homme et la femme bisexués
psychologiquement comme ils le sont anatomiquement. D'autre part,
il a comparé les instincts de vie et de mort aux principes de fusion et
de séparation, d'amour et de guerre, qui selon Empédocle d'Agrigente
gouvernaient les phénomènes de la nature. S'il est exact, comme je crois
l'avoir montré dans un travail présenté ici-même, que les concepts de
dualité instinctuelle et de bisexualité découlent l'un de l'autre, alors le
mythe de l'instinct de vie est celui de l'essence, de la fusion dans
l'amour, de la féminité ; le mythe de l'instinct de mort est celui de
l'existence, de l'individualité dans le conflit, de la virilité.
Il faut savoir gré à Viderman d'avoir rappelé, car ce point est trop
souvent méconnu, que l'Éros n'est pas le principe hédoniste. L'instinct
de vie représente ce qui pousse l'individu à la fusion dans l'amour qui
perpétue la vie et constituera une menace mortelle pour son indivi-
dualité propre. Cette individualité est acquise dans un processus qui est
parfaitement illustré par le jeu de la bobine. Dans sa répétition symbo-
lique du déplaisir d'être séparé de sa mère, répétition pour le nier qui
est une modification active de la circonstance, l'enfant se rend maître,
120 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Intervention de R. GREEN
Les quelques remarques que je veux faire concernent moins la
conférence de mon ami Viderman dont j'ai admiré la solidité et la
cohérence que des points qui ont été soulevés dans la discussion par les
contradicteurs. La plupart des arguments qui ont été opposés à Freud
contre l'instinct de mort, le conférencier les a examinés de fort près et me
paraît leur avoir donné une réponse satisfaisante. On a pourtant cru
déceler une ambiguïté, voire une contradiction dans la thèse soutenue
ce soir à savoir que s'il n'y a pas de faits biologiques observables
plaidant en faveur de l'instinct de mort, au sens d'un retour à la matière
inanimée, comme application du principe de Carnot, on n'en est pas
moins en droit avec Freud de soutenir son existence. Viderman a
même été plus loin puisqu'il en a presque fait une caractéristique
humaine.
Ce qui peut égarer les contradicteurs est la valeur qu'ils attribuent
au mot instinct. Il est bien évident que le sens que nous lui donnons
en psychanalyse n'a guère à voir que de fort loin avec les considérations
des éthologistes ou des biologistes (le récent symposium consacré
à la question suffirait à convaincre les hésitants). La dénomination même
de l'instinct de vie identifié à Éros, et la théorie de la libido pourraient
122 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
aussi bien être considérées comme bien trop conjecturales par les savants
docteurs qui séjournent dans les laboratoires. Ceci en passant pour dire
qu'on ne saurait exiger ici une preuve pour l'instinct de mort qu'il
serait aussi difficile de fournir pour l'instinct de vie et que les méthodes
de l'observation directe ne nous sont ici d'aucun secours, l'absence de
témoignage qu'elles apportent quant à une position fondamentale et
inaugurale quant à l'instinct de mort ne pouvant suffire à emporter
l'adhésion. C'est qu'en fait il ne peut être d'autre acceptationde l'instinct :
terme dont on aurait tort de rougir, concept carrefour d'un prix ines-
timable, que sur le plan de la vie de l'esprit. Le génie de Freud n'est-il
pas d'avoir décrit des phénomènes dont les racines plongent dans la vie
tout court, mais dont l'épanouissement ne peut se comprendre que dans
le registre propre de la vie de l'esprit. Dès lors l'instinct de mort doit,
lui aussi, être considéré sous cet angle malgré la contradiction apparente
que son énoncé renferme. C'est seulement si l'on veut bien imaginer
le rapport contradictoire et dialectique instinct de vie, instinct de mort
que l'on peut en saisir les éblouissants éclaircissements de Freud.
Pas plus que l'instinct de vie au sens d'Éros ne s'identifie avec la vie,
pas plus l'instinct de mort ne s'identifie simplement avec la mort, mais
doit témoigner d'une valeur correspondante — au niveau où elle se
situe — de la libido et c'est le sens de Thanatos. La plus solide des
résistances — le terme m'est venu spontanément sous la plume — à
cette notion (de même qu'elle consacre la fin de la vie comme une simple
usure, l'épuisement d'un capital) pousse à concevoir l'agression comme
le simple résultat d'un empêchement à jouir. C'est détruire l'ambiguïté
même de l'agression qui comporte la jouissance même dans la destruc-
tion dirigée sur autrui ou sur soi. C'est oublier qu'il ne saurait exister
de plaisir pur qui n'appelle de plaisir plus complet, ou plus riche encore,
qui ne soit donc vécu comme un appel à l'agression de l'objet du désir,
ou le retournement non secondaire, mais concomitant de cette agression
sur soi. Ce dont témoigne la venue de l'instinct de mort, c'est la fin
d'une conception freudienne basée sur une vision naïve et optimiste de
l'homme comme déploiement linéaire contrecarré par le réel. En fait il
indique qu'aucune conquête, qu'aucun pas en avant ne saurait être
ni plein, ni définitif. Toujours quelque chose se refuse à nous, de ce
que nous appréhendons, de ce que nous désirons, de ce que nous
croyons avoir acquis ou dépassé. Divisés en nous-mêmes à notre insu,
notre désir est contrarié, non seulement de par les interdictions externes
qu'il soulève, mais par la sape profonde qui le fait échouer dans le secret.
Le processus de destruction hétéro ou auto-agressif, n'est pas la simple
DE L'INSTINCT DE MORT 123
Intervention de P. LUQUET
Étant donné l'heure tardive, je serai bref. Tout d'abord, je voudrais
dire à Viderman combien j'ai été charmé par le style de sa conférence,
l'élégance de sa pensée, la construction de son ensemble, par cette page
de philosophie avec l'aspect esthétique que peut revêtir la philosophie.
Toutefois, je me classerais volontiers parmi ceux qu'il a dénoncés
comme ayant peur de la spéculation ; non pas de la spéculation en soi,
qui peut être pour certains une hygiène mentale, pour d'autres un danger,
mais de certaines spéculations trop éloignées des faits cliniques, des
faits d'observation, dans une discipline où nous sommes déjà amenés
par force à spéculer dès que nous essayons de faire des synthèses qui ne
sont que des hypothèses de travail. Je regretterai un certain aspect
de ses propos qui méjuge une position que je crois très importante, je
veux parler de la position psychanalytique, qui se veut strictement
psychanalytique lorsqu'elle aborde ses problèmes propres. C'est ainsi
que je ne crois pas du tout que ce soit regarder par le petit bout de
la lorgnette de se demander si, lorsqu'il a introduit une hypothèse
dans son travail, Freud ne réagissait pas à la motivation la plus fréquente
des rationalisations philosophiques, à savoir une certaine forme d'an-
goisse. Le petit bout de la lorgnette serait esquiver le problème réel
et général derrière une explication occasionnelle. Ce serait surtout
chercher à atteindre l'auteur qui a magnifiquementmontré comment il
arrivait le plus souvent à dominer ses conflits pour voir clair dans les
sujets interdits. Mais ne pas poser le problème, c'est paraître ignorer
un point capital à mon avis et qui domine toute notre recherche
scientifique. Je crois que ce ne serait pas aller jusqu'au paradoxe que
d'affirmer que si nous n'avions pas en nous des inhibitions et des inter-
dictions à reconnaître les différents faits de notre science et leur arti-
culation, et des manques d'identification, nous aurions rapidement une
perception exacte et sûre de toute l'organisation psychique. L'oublier
est méconnaître que notre affectivité inconsciente est entièrement
engagée dans notre recherche scientifique, et encore une fois si on a pu
comparer la création esthétique au travail de la cure, ce serait à bien
plus juste raison qu'on le comparerait au travail de la recherche
psychanalytique.
Dans toute sa conférence, il est bien évident que Viderman a
en vue les défenses qui existent contre la reconnaissance d'un instinct
de mort à l'intérieur de nous, et sur ce point il est bien évident que,
comme la plupart l'ont souligné sous une forme ou sous une autre,
DE L'INSTINCT DE MORT 125
Réponse de S. VIDERMAN
Il est tard et je ne pourrai répondre comme il eût été souhaitable
à toutes ces interventions qui représentent autant de contributions
bienvenues au problème qui nous occupe ici ce soir.
J'aimerais, tout d'abord, vous remercier tous pour l'amitié de vos
paroles qui m'ont fait le plaisir que vous devinez.
Nacht a, bien sûr, tout à fait raison de souligner le malaise qui saisit
chacun de nous lorsqu'on aborde le problème de l'instinct de mort.
Je crois que personne — et ce n'est pas Pasche qui me contredira —
ne peut le faire sans trouble et sans, à un certain moment, s'y sentir
résolument hostile.
Huit ans avant que Freud élabore sa conception de l'instinct de
mort, lorsqu'en 1912, pour la première fois dans l'histoire des idées
psychanalytiques, Sabina Spilrein publie dans le Jahrbuch für Psycha-
nalyse son étude intitulée Die Destruktion als Ursache des Werdens,
Freud repousse des idées qui cependant annonçaient les siennes.
J'ai, en effet, insisté sur le problème de l'homme en face de la mort,
mais je ne puis y voir un reproche car c'est le vrai sens de mon travail.
Un point de vue uniquement biologique qui se refuserait à l'abord
anthropologique de la mort passerait à côté de la position unique de
l'homme devant la mort.
Je répondrai en même temps à Held en disant qu'à mes yeux il
n'y a pas de contradiction entre le fait que les travaux des biologistes
ne confirment pas l'hypothèse de la mort conçue comme une modalité
du fonctionnement vital et l'idée de l'instinct de mort, telle du moins que
j'ai essayé de la défendre ce soir.
Peut-être l'erreur de Freud, et qui a été grandement dommageable
à sa thèse, c'est d'avoir voulu trop prouver en liant l'instinct de mort
à un principe général qui dominerait le fonctionnement de tous les
processus vivants — y compris les plus élémentaires.
Il semble évident que vouloir chercher un instinct à des niveaux si
primitifs de l'organisation cellulaire, c'est être assuré de ne point l'y
trouver. C'est seulement à partir d'un certain degré d'organisation
128 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
PSYCHANALYSE 9
PSYCHANALYSE APPLIQUÉE
(1) Du Service de Psychiatrie, Wayne State University College of Medicine, Détroit, Michi-
gan, U.S.A.
(2) Traduit par J. KALMANOVITCH.
132 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) Spitz est intrigué par les significations et emplois divers d'un mouvement de tête
horizontal identique. Il examine comment un mouvement de tête réflexe qui, à la naissance,
doit aider le petit enfant à trouver le sein devient un signal de détresse, puis un symbole de néga-
tion universel.
Il faudrait aussi noter à ce propos que ce réflexe de rooting engendre un mouvement percep-
tuel, c'est-à-dire un mouvement d'exploration qui permet à l'enfant de trouver le sein. De plus,
ce réflexe est une activité détournée aboutissant à l'acte de consommation : il n'offre pas de
gratification instinctuelle directe en soi ; pourtant l'acte d'exploration, partie intégrante du
réflexe, devient une activité visuelle perceptive et un geste sémantique.
DÉFICIENCES DANS L'APPRENTISSAGE 137
(1) Voici la situation qu'exposait une malade dont les difficultés étaient axées sur son inca-
pacité à établir une identité séparée de sa mère. Son fils de 5 ans, avec lequel elle avait des liens
affectifs très complexes allait à l'école. Elle se consumait d'inquiétude à l'idée qu'il pourrait
refuser d'aller en classe. Le jour de la rentrée des classes, son départ avait coïncidé avec celui
de la petite voisine. Il lui avait donné la main et continuait à le faire tous les jours à l'aller et
au retour de l'école. Un jour où elle visitait l'école, la maîtresse demanda à la mère si l'enfant
était dur d'oreille car il ne répondait pas quand elle l'appelait par son nom. Plus tard, la mère
demanda à l'enfant pourquoi il ne répondaitpas à sa maîtresse. Il dit qu'il entendaitla maîtresse,
mais il attendait qu'elle appelle la petite fille avant de répondre. Il ne nous est pas nécessaire de
beaucoup réfléchir pour comprendre que le petit garçon n'était pas parvenu à la séparation
d'avec sa mère et avait fait de la petite fille le substitut de celle-ci. La réponse du garçon mon-
trait clairement qu'il croyait ne pas exister comme personne distincte. C'était tout à fait ana-
logue à ce que la mère du garçon percevait des relations qu'elle avait avec sa propre mère.
140 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) Le caractère de l'activité qui consiste à se nourrir dans la solitude éclaire ce point. Malgré
le besoin incessant et évident de satisfaction orale, James ne pouvait pas l'accepter de sa mère.
Il devait se nourrir lui-même comme s'il était sa mère « hallucinée ».
142 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
le cercle vicieux suivi par ces malades. La frustration ne peut pas être
tolérée et le malade est forcé d'en revenir au sein et à l'état même de
dépendance dont il a besoin en même temps qu'il lui faut le rejeter.
A propos de la question de la dépendance exposée ci-dessus, nous
en venons à la relation entre l'impuissance générale de nos malades et
leur violent sentiment d'indignation morale. Selon l'expression de
Dostoïevsky humilié et offensé, ces malades ont tendance à collectionner
les injustices. Dans ces circonstances, le malade se sent libre de « hurler »
pour exprimer son besoin de gratification maternelle tout en sachant
inconsciemment qu'il lui faut être de nouveau déçu. Ce sont des enfants
qui sont extraordinairement enclins à rationaliser (ce qui s'exprime
souvent en criant) toute « l'étreinte tragique des circonstances ». Nous
considérons ces éclats de voix comme l'exacte réplique des cris qui
étaient la marque distinctive de leurs premières relations avec leur mère.
Rappelons à ce propos que Freud a dit : « Cette voie de décharge (le
cri) acquiert ainsi une fonction secondaire extrêmement importante...
à savoir, déterminer une compréhension avec autrui; c'est ainsi que
l'impuissance primitive des êtres humains se trouve à l'origine première
de tous les motifs moraux. » Ce que l'on peut encore développer en
disant : 1) Le cri du petit enfant est à la fois un processus de décharge
et une communication ; et 2) La mère perçoit à la fois la décharge et
la communication comme un appel à l'aide et tente de soulager la tension
de l'enfant... Il n'y a pas de doute que ce cycle se répète constamment
et constitue le début de la communication.
La mère reçoit et perçoit tous les divers mouvements rythmiques
du corps et de la bouche de son enfant à la fois à un niveau cognitif
conscient et à un niveau inconscient. Le rôle joué par les attitudes
inconscientesde la mère devant le fait d'avoir un enfant et devant l'indi-
vidualité de son enfant en particulier, est ici d'importance cruciale.
Une certaine partie de la difficulté qu'éprouvent nos malades pour
distinguer les sentiments qui appartiennent au « self » et ceux qui
appartiennent à l'objet pourrait s'expliquer par la façon confuse dont
la mère reçoit et perçoit les messages. Notre sentiment, c'est que ces
mères n'ont jamais été « au diapason » de leurs enfants. Les anamnèses
du développement sont imprégnées de ces confusions de besoins, de
gratification, de frustration, etc. Malgré une apparence de certitude,
dans l'ensemble elles étaient remarquablement peu assurées dans leur
maniement du nourrisson. Par exemple, l'enfant affamé était changé
méthodiquement et remis au berceau sans avoir été nourri. L'appel
de l'enfant était entendu, on y répondait, mais l'aide offerte ne satis-
DÉFICIENCES DANS L'APPRENTISSAGE 143
faisait pas ses besoins. Le résultat final paraît être que l'enfant insatisfait
était gardé dans son état de dépendance, et cette dépendance continuait
à apporter une gratification à la mère-robot. Nous voilà sur un terrain
métaphorique familier. L'enfant envoie un message sur une fréquence
et sa mère répond sur une autre. Il est perpétuellement insatisfait et sa
mère se plaint : « Que veut-il de moi ? Je fais tout pour lui. » Ce qui se
rattache directement à la dépendance. Les mères ont un motif moral
pour aider ces enfants. Ce sont des femmes qui ne sont capables de
dominer leur culpabilité et leur confusion que dans la situation mora-
lement supérieure de celui qui aide. Le motif moral élimine ou camoufle
la culpabilité relative à leur carence d'intuition maternelle.
Le fragment de cas ci-dessous montre l'espèce de folie à deux (1)
créée par la puissance du motif moral de la mère et son influence sur
l'enfant. Voici un simple exemple clinique d'un jeune adolescent de ce
groupe :
L'agitation et l'irritabilité de Peter au cours d'une séance de traitement
faisaient penser qu'il se sentait coupable. Il attribua cela au fait qu'il avait
acheté un pull-over dans un magasin qui n'était pas celui où sa mère l'avait
envoyé. Il n'avait pas trouvé la couleur qu'il voulait dans le magasin près de
la maison et il craignait qu'on s'aperçoive de ce changement.
Il expliqua la disproportion qu'il y avait entre l'intensité de sa culpabilité
et le caractère bénin de la légère délinquance par sa peur de voir sa mère rap-
porter l'incident à son père : il lui serait alors interdit de conduire la voiture.
Quand on lui fit remarquer que son père ne l'avait jamais limité, il dit alors
d'un ton malheureux que lui-même sentait qu'il n'aurait pas dû aller au second
magasin pour cet achat. Peter, se rendant compte de son ambivalence profonde,
cria finalement : « Je sais que j'ai bien fait et pourtant j'ai le sentiment que
c'était mal. »
Plus tard, sa mère fut reçue en consultation. Elle avait entre-temps découvert
que le pull-over avait été acheté loin de chez eux. On lui demanda si elle savait
que son fils croyait qu'elle se mettrait en colère au sujet de cet achat. Tout
d'abord, elle rejeta l'idée qu'il pouvait y avoir des raisons réalistes pour qu'il
le pense, mais ensuite elle se mit à décrire le sentiment, qui n'était pas récent,
qu'elle ne pouvait jamais être sûre de ce qu'il ferait quand elle n'était pas avec
lui.
La relation pathologique de ces malades à l'égard de leurs mères,
qui produit la distorsion du Moi décrite plus haut, a aussi un profond
effet sur la formation du Surmoi. Le trauma pré-oedipien chez ces
enfants entrave l'heureuse résolution du conflit oedipien. En outre,
le rôle du père est tel que le Surmoi ne peut pas se développer nor-
malement pour prendre la suite du complexe d'OEdipe. L'incapacité
constante où se trouve la mère de permettre à l'enfant de se séparer
offrent une épée à double tranchant. Il n'y a pas de doute que la présence
de ces sentiments fait que ces enfants paraissent récalcitrants à la plupart
des observateurs, mais il ne faut pas omettre les aspects positifs. Sans
l'agression utilisée essentiellement comme une défense contre une
soumission complète à la mère, ils seraient effectivement aussi passifs
et aussi totalement perdus aux tâches formatives que le sont les pseudo-
imbéciles si souvent décrits dans la littérature.
Cette dernière observation nous amène à examiner le rôle du père
dans la vie de nos jeunes patients qui souffrent d'impuissance d'appren-
tissage. Nous sommes frappés par l'absence presque complète de toute
participation significative de la part du père au développement de
l'enfant, de quelque façon positive que ce soit. Nous avons décrit ce
type de père en détails dans un autre travail [14], et nous avons dépeint
leur caractère effacé, sans profondeur, qui laisse peu de substance avec
laquelle ces garçons pourraient s'identifier. Ces hommes ont deux
autres caractéristiques distinctes ; premièrement, plus fils que pères,
ils laissent à la mère le soin de diriger la maison et les enfants ; deuxiè-
mement, l'organisation de leur propre personnalité donne plus de
valeur aux choses qu'aux gens, leur relation et leur communication
avec leur fils s'en ressentent. Il apparaît également que ces hommes ont
des Surmoi déficients. La réaction de ces pères à leurs fils est carac-
térisée par l'indifférence et l'indulgence, souvent mêlées d'éclats de
violence punitive. Nous avons l'impression que ces hommes encou-
ragent subtilement l'agressivité du fils à l'égard de la mère. Leurs
inconstances de conduite les empêchent de servir d'objets d'identi-
fication stables. Dans la lutte contre les liens passifs à la mère, les
fils sont incapables de trouver un soutien effectif auprès de leur père.
En outre, le dédain courant des pères pour la culture tend à renforcer
l'aspect négatif de la lutte ambivalente de l'enfant vis-à-vis de l'école.
Nous proposons une opinion concernant la position du père devant
le contrôle et l'expression de l'agression par rapport à l'apprentissage.
A notre avis, son attitude nous aide à prédire le sort en matière éducative
des enfants au Moi perturbé. La position qu'il a à l'égard du contrôle
des impulsions devient l'étalon du succès ou de l'échec scolaire de son
fils. De ce point de vue, le groupe de garçons décrit dans le corps de cet
article ont des pères qui ne sont pas partisans du contrôle. Ils encou-
ragent subtilement le fils dans sa lutte agressive avec la mère et l'arène
éducative est contaminée par l'agression et le négativisme.
Le second groupe de garçons appelés ci-dessus pseudo-imbéciles
ont des pères superficiels et détachés. Ils s'allient à la mère lorsqu'elle
DÉFICIENCES DANS L'APPRENTISSAGE 147
BIBLIOGRAPHIE
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du Moi), Journal of the American Psychoanalytic Association, vol. IV,
n° 1, 1956.
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Infancy and Childhopd (Quelques manifestations de développement
déviationnel chez le nourrisson et l'enfant), Psychoanalytic Study of the
Child, vol. XI, New York, International Universities Press, 1956.
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la structure psychique), Psychoanalytic Study of the Child, vol. II, New
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et la pathologie de la pensée), New York, Columbia University Press,
I951, P. 338.
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tion), Psychoanalytic Study of the Child, vol. X, New York, International
Universities Press, 1955.
[10] W. HOFFER, Defensive Process and Defensive Organization (Processus de
défense et organisation de défense), dans Readings in Psychoanalytic
Psychology, édité par Morton LEVITT, New York, Appleton-Century-
Crofts, 1959.
148 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Retenons seulement que, d'après Szondi, il faut parler d'un inconscient familial
qui se transmet sur le plan génétique. Or la lecture de cet ouvrage, plus nette-
ment que celle de ses autres publications scientifiques, montre indirectement
que le recours à cet inconscient familial pour la compréhension de la dialectique
entre les pulsions et le Moi avec les maladies mentales qui peuvent en découler,
est de moins en moins défendable.
Car, si Szondi décrit et analyse magistralement des interactions psycho-
logiques qui correspondent dans une très large mesure aux théories psychana-
lytiques modernes du Moi, il n'entraîne pas l'adhésion, malgré une termino-
logie à lui, quant à leur origine génétique.
Quoi qu'il en soit et malgré ces réserves, il est hors de doute que Szondi
a su ajouter beaucoup à l'oeuvre de Freud, qu'il tient d'ailleurs dans la plus
haute estime. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, à notre avis, les diagnostics
élaborés à l'aide du test de Szondi fournissent tant de précieux renseignements
pour la clinique psychiatrique et la psychologie en général.
Tout lecteur qu'intéresse la compréhension psychologique de l'être humain
lira ce livre pour le grand enrichissement de sa pensée et de ses propres concep-
tions. Il n'y a pas beaucoup d'auteurs, dans ce domaine si compliqué, qui nous
fournissent autant que Szondi de matière à réfléchir.
F. SALOMON.
(1) MANDEL (R.), Die Aggressivität bei Schulern (L'agressivité chez les élèves), Bern, Stutt-
gart, Hans Huber, 1959.
152 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
fonctionnement. Partant des données existantes, les auteurs exposent les diffi-
cultés les plus fréquemmentrencontrées et suggèrent avec pondération quelques
notions de dynamique de groupe propre à les faire disparaître. Ceci les amène
à parler de la formation des principaux techniciens des centres et des connais-
sances théoriques et pratiques qui leur sont indispensables.
Le problème du diagnostic est longuement évoqué. L'absence de nomen-
clature internationale uniforme rend sa formulation parfois difficile et les
auteurs proposent, en tenant compte des recommandations de la Commission
des Nomenclatures du Ier Congrès mondial de Psychiatrie tenu à Paris en
septembre 1950, une classification des troubles du comportement permettant
à la fois la formulation du diagnostic et l'exploitation statistique des résultats.
Le chapitre VII est consacré au traitement. Si les traitements médica-
menteux ne sont qu'évoqués, les thérapeutiques psychologiques font l'objet
d'une étude en trois points :
« 1° Les méthodes
psychothérapiques qui visent à modifier la personnalité
de manière à favoriser le développement harmonieux de l'enfant et à améliorer
son comportement ;
« 2° Les méthodes qui visent à modifier les causes perturbatrices
immédiates
qui existent dans l'entourage de l'enfant (membres de la famille entre autres) ;
« 3° Les mesures thérapeutiques concernant l'adaptation de l'enfant au
milieu. »
Les auteurs expriment à ce sujet l'opinion que la psychanalyse devrait être
réservée aux troubles graves et que, dans le cadre des guidances, les techniques
psychothérapiques simples sont indiquées dans le plus grand nombre des cas.
Ils donnent ensuite des indications sur les méthodes diverses : cure psychana-
lytique, thérapeutiques par le jeu, psychothérapies de groupe (groupes de jeux,
psychodrame de Moreno, groupe d'activité thérapeutique de Slavson, tech-
niques diverses inspirées des données de Jung, d'Adler, de Kareh Horney,
de Rogers, etc.).
L'action sur les parents résultant du point deux comporte des conseils,
des thérapeutiques de simple soutien, des psychothérapies systématisées, des
psychothérapies de groupe.
Les auteurs insistent enfin sur la nécessité d'informer très complètement les
parents sur la nature de la psychothérapie, son évolution et sur l'utilité d'un
maintien prolongé des contacts après la cure.
Le point trois concernant surtout la vie en Internat n'est de ce fait pas
développé.
Deux principes dominent l'action de dépistage :
a) L'impossibilité économique de traiter tous ceux dont l'état de santé
n'est pas parfait ;
b) La difficulté technique de décider rapidement si un malade souffre
ou non de troubles graves.
Il est donc indispensable d'établir une sélection qui se fera en fait suivant
les possibilités effectives des centres, ce qui pourrait dans une certaine mesure
amener une spécialisation de ceux-ci.
L'action préventive nécessite un élargissement des équipes en même temps
que la très grande élévation de leur niveau technique.
Les deux derniers chapitres sont consacrés aux relations extérieures des
centres de guidance infantile et aux problèmes matériels de leur fonctionnement.
Une très large part est faite au rôle des centres dans l'éducation de la collec-
tivité, dans l'éducation des parents, dans la formation et l'éducation du per-
sonnel technique ainsi que dans les recherches concernant l'inadaptation
infantile.
LES LIVRES 153
(2) ARLOW (Jacob A.). — THE STRUCTURE OF THE DÉJA VU EXPERIENCE (LA
STRUCTURE DE L'EXPÉRIENCE DU « DÉJA VU »).
1) Freud a proposé trois théories des relations les plus primitives de l'indi-
vidu avec son environnement : la relation d'objet primaire, l'autoérotisme
primaire et le narcissisme primaire.
2) Il a essayé de faire une synthèse de ces trois théories en faveur du narcis-
sisme primaire. Il considérait alors l'autoérotisme comme la satisfaction carac-
téristique de la phase du narcissisme primaire tout en considérant tous les
types de relations d'objet comme secondaires.
Cette construction théorique contient plusieurs contradictions auxquelles
Freud n'a pas été sensible. Au cours de ces dernières années, Hartmann, Kris
et Löwenstein les ont soulignées et ont en même temps proposé une nouvelle
terminologie qui, si elle résolvait certains problèmes, en faisait surgir d'autres.
3) Quand l'auteur examine les arguments de Freud et de ses successeurs
en faveur du narcissisme primaire, il juge que ces arguments prouvent seule-
ment l'existence du narcissisme secondaire. Même dans les états régressifs
de la schizophrénie et du sommeil, il semble que la régression soit plutôt à une
sorte de relation, primaire qu'au narcissisme primaire.
4) L'auteur rejette aussi la solution qui consiste à faire remonter le narcis-
sisme primaire à la période foetale. Les arguments en faveur de cette solution
sont compatibles avec son existence, mais ne le prouvent pas. L'auteur propose
alors une théorie de l'amour primaire qui semble mieux s'accorder aux faits
observés.
5) A la lumière de cette théorie, un grand nombre d'observations cliniques
sont mieux comprises et reliées entre elles. Ces observations comprennent des
expériences avec les schizophrènes, les alcooliques, les malades narcissiques, et
les différentes variations de technique proposées par plusieurs auteurs pour
permettre au malade d'établir une relation thérapeutique efficace dans la
situation analytique.
6) Pour terminer, l'examen de la vie érotique de l'homme apporte de
nouveaux arguments à la théorie de l'amour primaire.
(2) MONSOUR (Karem J.). — ASTHMA AND THE FEAR OF DEATH (L'ASTHME ET
LA CRAINTE DE LA MORT).
Le syndrome clinique de l'asthme semble avoir ses racines dans un type
de rapports particuliers dans la symbiose mère-enfant.
Il s'agit de la façon dont la mère répond aux cris de l'enfant et en tient
compte. L'enfant ressent la possessivité anxieuse de la mère comme une menace
à son existence (identité du Moi).
L'asthme peut alterner avec une névrose d'angoisse ou être remplacée par
elle, la phobie latente étant la peur de la mort.
Du fait que la relation à la mère conduit à une érotisation intense de la
fonction respiratoire, l'asthme représente un effort avorté d'obtenir une satis-
faction sexuelle par un système d'organes inapproprié.
LES REVUES 161
PSYCHOSOMATIC MEDICINE
JOURNAL OF THE AMERICAN PSYCHOSOMATIC SOCIETY
(vol. XXI, 1959)
N° 1, January-February
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PSYCHANALYSE 11
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INFORMATIONS
enfants ; ces derniers seront divisés en trois groupes selon leur âge : 5 à 9 ans,
9 à 12 ans, et adolescents.
L'inscription au Congrès et une réception auront lieu le dimanche 4 juin.
Le programme scientifique commencera le lundi 5 pour se terminerle samedi 10.
On a chargé l'agence de voyage Thos. Cook and Son/Wagons-Lits de
l'organisation matérielle ; on obtiendra des renseignements au sujet des
voyages en groupe en s'adressant à leurs bureaux.
Pour obtenir un deuxième avis donnant tous les renseignements quant
à l'inscription et aux communications, on est prié de s'adresser à :
IIIe Congrès mondial de Psychiatrie
Allan Memorial Institute
1025 ouest, avenue des Pins
Montréal 2, Canada
(YERMA)
I. — L'ENTRETIEN PRÉLIMINAIRE
Yerma nous est adressée par un maître en psychanalyse qui a posé
l'indication de cure psychanalytique sur le diagnostic de dépression
hystérique.
180 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Quoi qu'il en soit, elle a demandé une mutation à Paris pour entreprendre
une psychanalyse, mais elle valorise autant le désir de s'éloigner de sa famille.
Actuellement elle a 28 ans. Elle est secrétaire de direction, assimilée au cadre
« agents techniques » dans un organisme important à Paris : elle y est très
bien rémunérée. Elle dira spontanément son étonnement de constater qu'elle
peut assurer cet emploi.Elle n'aurait jamais cru être capable de réussir aussi bien.
Nous sommes frappés par le fait qu'elle nous montre « maladie »
et activité professionnelle comme événements étroitement dépendants.
En dehors de ces deux aspects de sa personnalité, passé patholo-
gique et métier, la communication verbale cesse d'être explicite et se
tarit d'elle-même. Il est certes significatif qu'elle ne puisse confier de
sa vie affective que ces deux pôles extrêmes : le plus froid et désinvesti,
le travail ; et le plus chaudement valorisé, la maladie, cependant refroidie
par la distance au passé. Nous en avons limité la signification à celle
d'un mode de relation d'objet de type hystérique, avec la notion d'un
Moi « fort » encourageant pour le pronostic de la cure, sans évaluer
l'intensité de la revendication phallique qu'elle nous semblait cependant
impliquer.
Cet aspect globalement défensif du seul contact verbal qu'elle ait pu
se permettre était donc immédiatement manifeste, avec l'évitement
des affects liés aux symptômes actuels et le déplacement sur les troubles
passés, destiné à les amortir. De plus, cet aménagement relationnel
était encore renforcé, nous l'avons vu, par l'isolation et l'annulation
de chaque affect évoqué aux divers moments du discours/
Trop heureux que l'expression verbale ait été « tout de même »
possible (nous étions « soulagés » qu'elle ait pu parler), nous étions
enclins à considérer comme « positive » cette partie de l'entretien.
Cette attitude ne pouvait que fausser notre évaluation de l'intensité
des défenses qu'elle y manifestait. Alors qu'il suffisait de les confronter
objectivement au silence, qui recouvrait l'ensemble de la relation,
pour augurer plus sûrement de l'infiltration défensive qui démantelait
ses possibilités d'expression verbale.
Ainsi ce premier entretien qui fut déjà la rencontre de nos silences
en donnait la mesure aussi que nous n'avons pas pleinement appréciée.
Le comportement de Yerma nous conviait à une double tentation. L'une
à exclure ici sans discussion : l'analyse séméiologique d'un mutisme
par le facile instrument d'investigation, à vrai dire d'inquisition, que
fournit habituellement « l'interrogatoire » dans l'examen de clinique
psychiatrique (mais qui était alors notre pratique quotidienne de
médecin « certificateur »). L'autre, à l'opposé : le recours au principal
instrument de la technique psychanalytique, l'expectative silencieuse ;
DU TEMPS D'UN SILENCE 183
I. La séance type
Yerma entre dans le bureau d'un pas mesuré, hésitant, le visage fermé :
un regard terne vers le divan, tandis qu'elle concède une poignée de main
furtive. Elle s'allonge en deux temps, séparés par une courte pause en position
DU TEMPS D'UN SILENCE 185
« morts », à vrai dire techniquement erronée, nous l'avons vu, cet essai n'attein-
dra son but : lever la résistance à l'analyse. Il a pu cependant contribuer à
permettre à Yerma la continuation de la cure par son unique valeur de grati-
fication narcissique.
5
Ainsi nous est-il très vite apparu que, d'une manière persistante,
chaque séance présentait le même mouvement défensif, massif et serré :
silence, puis agression verbale ou motrice, enfin accusation projective ;
ou bien défense a minima par le silence puis négation ou isolation-
annulation, généralisation. Durant six mois le mouvement de la cure
dans la succession des séances est assez comparable. Il conditionne en
fait la stéréotypie de chaque séance :
— oubli de ce qu'elle a « dit » ou de mes interventions qu'elle cherche
à se remémorer;
— isolation de l'analyse par rapport à sa vie quotidienne, et par le fait
même annulation de la relation analytique (« où en étions-nous à la
dernière séance ? »), avec tentative de la situer sur un plan purement
intellectuel ;
— une seule absence mais après une séance où elle a particulièrement
« senti » mon intervention sur son attitude projective (cette fois-là
la dénégation habituelle ne s'était pas manifestée).
Durant cette première période, nos interventions portèrent donc
uniquement sur son comportement défensif : cependant par souci de
ménager ces défenses de caractère, paraissant très narcissiquement
investies,ces interventions restèrent très hésitantes et non systématiques :
qu'elles portent d'abord sur les mécanismes les plus « morts », puis sur
la projection moins désinvestie, enfin sur les pulsions ainsi défendues :
en premier ses sentiments agressifs, violents à mon égard, plus tard son
attachement culpabilisé, elles demeuraient tâtonnantes devant ce bloc
défensif et manquaient ainsi d'atteindre sa résistance fondamentale à
l'analyse qui le conditionnait.
DU TEMPS D'UN SILENCE 189
I
Nous dégagerons maintenant le matériel « associatif » (dans ce cas
il ne peut être ainsi nommé que par euphémisme), tel qu'il a pu filtrer
au fil des séances à travers ce comportement défensif serré, bloquant
la relation analytique.
Il est évidemment extrêmement rare et clairsemé;, bien que chaque
fois très évocateur : manifesté de manière fragmentaire, allusive, à
travers les termes les plus neutres auxquels s'accrochent encore des
lambeaux d'ombre et de silence. Parfois cinq minutes de silence
s'écoulent entre deux enchaînements de phrases dont les mots signi-
fiants sont colmatés, atténués, amortis par des locutions dubitatives
ou impersonnelles (« on », « peut-être », « tout le monde est comme ça »,
« je ne sais pas si je pense que... », « est-il important de dire ce qu'on
pense ? », « je pense une chose sans importance... » ou « idiote » ou
« bête »).
L'absence d'un discours naturel, d'un flux associatif spontané fait
que le matériel est très pris dans la gangue défensive comportementale :
gestuelle, motrice et averbale, dont il a peine à se différencier. Ceci
rend compte du fait qu'il s'avère essentiellement transférentiel comme
le comportement défensif même dont il émerge difficilement ; il serait
ainsi très arbitraire d'en différencier un matériel extra-transférentiel.
D'emblée le transfert négatifapparaît tellement massif qu'il englobe
et détermine toutes les significations des conduites motrices ou verbales
qui ne peuvent se dissocier de ce vécu transférentiel.
Signalons qu'à nos tentatives de la faire associer sur ces bribes de
190 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) Nous considérons ce plan comme plus profond car l'évocation de notre castration par
la malade ne peut manquer d'aviver en même temps son propre sentimentde castration (si les
organes sexuels au plafond sont les nôtres, ce sont aussi ceux qui lui manquent et qu'elle désire).
(2) Pour évidente que soit dans ce fantasme la réduction de notre image à l'objet partiel
dangereux sur un mode sadique-anal de réjection, l'interprétation de style kleinien qu'elle
pouvait solliciter nous parut cependant à éviter du fait de l'organisation particulière du Moi
de cette patiente. Nous garderons cette même attitude de prudence devant le matériel très
significatif qui va suivre, car en raison de son apparition sur le fond de silence permanent de
la relation analytique, son caractère trop évocateur, et l'immédiateté de ses données
inconscientes nous paraissent aussi dangereuses à manipuler qu'inutilisables parce que non
vécues et désinvesties. Ce n'est qu'après deux ans d'analyse qu'une approche de type kleinien
sur ce matériel nous est apparue possible.
DU TEMPS D'UN SILENCE 191
« Vous vous taisez depuis que vous avez pu me dire ce que vous avez vu
dans les moulures du plafond, mais tout se passe comme si vous aviez eu peur
de me dire ce qu'elles vous évoquent par rapport à moi. » Dans un accès de
colère et de larmes, elle me crie alors : « Oh oui, quand vous ne dites rien (!),
j'ai envie de vous égorger... » « ... C'est horrible, je ne peux tout de même pas
vous dire de telles choses (1). » Les larmes apaisées, j'enchaîne sur un ton
normatif pour dédramatiser sa culpabilité : « Vous semblez avoir tellement peur
de pensées hostiles de ce genre que vous préférez vous taire : ce qui est une
façon de vous punir ici de sentiments qui vous semblent horribles. » — « On
peut donc dire des choses si monstrueuses qu'on ne devrait pas les penser ? »
Notre intervention devait avoir un effet dynamique appréciable en
débloquant partiellement sa résistance à la relation verbale, comme le
confirme le matériel apparu au cours du mois (!) suivant. Certes,
l'adhésion vraie à l'analyse n'est pas encore assumée. Ce matériel est
toujours exprimé de manière très fragmentaire, à distance, morcelé et
froid. Mais le fait même de sa production, quoiqu'il soit nié dans sa
valeur affective, n'en constitue pas moins le premier mouvement
d'approche qui, au sixième mois de la cure, engage la malade dans le
traitement, fût-ce encore sur un mode très « défendu ». Là encore nous
rapporterons ce matériel en un exposé cohérent et lié : respecter le
détail de son mode de production, tel que nous venons de le définir,
le rendrait pratiquement incommunicable.
Ainsi à la séance, qui suit notre intervention, elle évoque son premier
souvenir d'enfance, un cauchemar de l'endormissement apparu à l'âge de
4-5 ans qui persista jusque dans l'adolescence : l'apparition dans le noir de
deux mains d'homme s'approchant de son cou pour l'étrangler. Elle insiste
sur le fait qu'il s'agit de son souvenir le plus ancien et sur la permanence de
ce cauchemar.
S'il est classique de ne pas intervenir sur le premier matériel fantas-
matique apparu dans l'analyse, ceci nous parut d'autant plus justifié
ici qu'il s'agissait du premier dégel de sa résistance au traitement,
bien que de ce fait la tentation en ait été plus forte. D'ailleurs, sa fin de
non-recevoir à une simple invite à associer nous conseillait la réserve
pour éviter un prévisible bloquage devant toute approche de notre
part. Aussi devant le matériel qui suit, nous restâmes silencieux, si ce
n'est quelques « oui » encourageants.
Au cours de la séance suivante, elle nous confirme le conflit oedipien que
nous avions pressenti et dont nous avions sollicité trop rapidement l'évocation.
« Jamais ses parents ne s'occupaient de leur fille ; le père était toujours pris
(1) Là encore la malade nous donnait un matériel exemplaire pour une approche kleinienne :
il était certes tentant de lui montrer son désir d'appropriation sadique-oralede l'objet partiel
positif (bon sein, bon pénis : « pénis-du-père-dans-le-ventre-de-la-mère»). La prudence par
égard au Moi de la malade nous fit donc exclure une interprétation à ce niveau profond.
192 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
par ses affaires ; la mère n'assistait jamais à son coucher ; une fois pourtant elle
lui racontait une histoire pour l'endormir, lorsque son père rentra ; elle inter-
rompit l'histoire et quitta Yerma pour aller à la rencontre du père en promettant
de terminer l'histoire, mais elle oublia. »
Après deux séances de silence total : « Est-ce que les rêves ont une impor-
tance ?» — « Vous n'osez pas me dire un rêve qui vous gêne ?» — « C'est
bête, idiot, ce qu'on rêve ; ça n'a pas de sens. » Après une longue pause, vers
la fin de la séance, hâtivement, elle « sortira » le rêve : « Elle va avoir des rapports
sexuels avec Philippe (un long flirt d'il y a 4 ans). Soudain les organes sexuels
de l'homme deviennent tout petits, il ne peut avoir de rapports. — Un trou
dans le souvenir du rêve. — Elle tient une assiette avec des organes sexuels
d'homme et la met dans un frigidaire. Brusquement elle a peur : elle craint
que sa mère ne voit les organes sexuels si elle ouvre le frigidaire (1). »
Cependant nous n'intervenons pas sur ce rêve pour les raisons déjà
dites. De même nous évitons dans l'immédiat d'établir un rappro-
chement, sur le plan le plus superficiel, entre ce rêve et le fantasme
conscient concernant les moulures du plafond, afin de lui montrer que
sa culpabilité à l'égard de sa mère à propos de ses relations sexuelles,
rendait sans doute compte de la signification de son silence dans sa
relation avec nous.
Pourtant, lorsqu'au début de la séance suivante, elle se demande :
« Que vous ai-je dit à la dernière séance ? », nous enchaînons par une
interprétation partielle ne portant que sur le rêve et renonçant par
prudence à lier son silence à cette culpabilité : « Vous avez été gênée de
me raconter un rêve où vos rapports sexuels vous semblaient coupables
par rapport à votre mère. » Ainsi limitée, notre intervention est très
bien tolérée : pas de négation ni les mécanismes défensifs habituels,
si ce n'est un long silence... de quelques séances... après lequel elle
apportera un relatif afflux de matériel.
Sa mère ne s'occupait pas d'elle enfant. Yerma a l'impression qu'ellen'aimait
pas ses filles. Elle évoque ensuite un souvenir plus précis de condamnation
(1) Avec ce rêve devenait encore plus précise la tentation d'interpréter directement le
contenu prégénital de ce matériel dans une compréhension kleinienne. Et certes dans cette
perspective, ce rêve est très démonstratif de la dynamique relationnelle objet partiel-objet
total. A travers la conception archaïque du rapport sexuel parental dont il témoigne, il montre
que les relations d'échange mère-fille sont vécues comme identiques à la relation père-mère.
En deçà des mécanismes de condensation et d'inversion qui interviennent dans la symbolique
du frigidaire-ventre de la mère, le rêve illustre bien cette identité de la relation agressive à
l'objet partiel positif, dans la double polarité du mouvement sadique oral : incorporation du
pénis paternel par la mère, incorporation par la fille du pénis paternel situé dans le ventre de
la mère... Ainsi par la figuration onirique du rapport sexuel sur un mode régressif, la patiente
réalise la confrontation de sa propre image à celle de sa mère — agresseur de l'objet partiel
positif, et par là même elle se rassure sur l'effet agressif de cette représentation de l'objet partiel.
Nous pouvions donc retrouver là l'identification narcissique à la mère, l'identification à
l'agresseur et la réassurance narcissique contre l'agression de l'objet partiel, caractéristiques
de la relation agressive objet partiel-objet total, selon M. Klein.
DU TEMPS D'UN SILENCE 193
de son plaisir par la mère. Alors qu'elle aurait dû rentrer à la maison au sortir
de l'école, elle va acheter des glaces au kiosque d'un jardin public : depuis très
longtemps elle avait désiré faire cela. Elle est alors surprise tandis qu'elle suce
sa glace par sa mère en promenade : c'est un véritable drame. La mère est
bouleversée : « Tu es un monstre, ma fille. » La seule motivation de ce courroux
étant que Yerma soit sortie seule ; elle ignora en effet que c'est avec de l'argent
qu'elle lui avait volé que Yerma avait pu acheter la glace.
Aussitôt, dans le même élan, après un très court silence, elle évoque en
le niant en tant que tel (« pas important... aucun rapport »), un souvenir-
écran de scène primitive.
Dans le parc de son grand-père, il existe une cabane dans une clairière.
Elle y jouait souvent avec ses soeurs et ses cousins. Le cousin aîné, grand,
fort et brutal, éloigne les petits sous prétexte d'organiser le jeu avec la soeur
aînée. Les cadets errent désoeuvrés dans la forêt. S'étant « par hasard rapprochée
de la cabane — en fait alertée par des cris — elle découvre par la fenêtre sa
soeur et son cousin nus, sa soeur couchée pleure et gémit ; le cousin debout
gesticule avec violence et semble « gronder » sa soeur ».
Cette séance s'avérait déjà exceptionnelle par la relative facilité
associative en comparaison du mutisme habituel. Pourtant elle continua
encore spontanément ses associations à propos du rêve. En effet, au
cours de la séance suivante, elle revient elle-même à sa relation avec
Philippe et les hommes en général.
Il y a 8 ans qu'elle connaît ce garçon. Au début elle avait été très amoureuse
de lui, « affectivement et intellectuellement ». Il ne lui plaisait pas particuliè-
rement sur le plan physique. Spontanément elle découvre avec étonnement
que ses relations avec les hommes sont de deux types : ou bien elle est séduite
physiquement mais n' « aime » pas son partenaire auquelle elle se donne cepen-
dant ; ou bien elle l'aime « bien qu' » elle n'éprouve pas d'attirance physique.
Après cette constatation, un long silence. « A quoi pense-t-elle ?» — « Rien
d'intéressant. » Sous couvert d'inintérêt, elle peut alors évoquer la suite de sa
relation avec Philippe qui ne l'aimait pas au début de leur liaison mais était
attiré par elle physiquement. Progressivement ce fut l'inverse, il devint réelle-
ment amoureux d'elle et voulut l'épouser. Elle refusa parce qu'elle ne l'aimait
plus ! Très angoissée et en larmes, elle exprime un regret sous forme dubitative :
« Elle a peut-être eu tort, car sans doute l'aimait-elle ; sans doute l'aime-t-elle
encore maintenant. » Suivent deux séances de silence de style habituel.
Ma réserve simplement accueillante au cours de ces dernières
séances me semblait trouver une nouvelle justification a posteriori
dans la libération associative qu'elle avait permise. Mais, dès lors que
cette dernière paraissait tarie, il était non seulement possible mais
utile d'en sortir. Par leur contenu, ces associations confirmaient et
rendraient plus prégnante l'interprétation que j'aurais risqué de donner
trop tôt après le rêve, lorsque le comportement habituel de Yerma ne
permettait guère d'espérer un apport associatif...
Je lui montrais donc que « tout se passait comme si sa culpabilité envers sa
mère, dont elle a le sentiment qu'elle lui interdit tout plaisir (le rêve et le SOU-
PSYCHANALYSE 13
194 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
maternelle (nous allons voir qu'ici au contraire elle agit au-dehors cette actuali-
sation par latéralisation transférentielle).
Au cours de cette période, il sera très peu question de ses relations avec sa
mère ; par contre est surtout évoqué le matériel concernant son père et dont
nous ferons état dans l'anamnèse. A travers l'éprouvé transférentiel, sont
valorisés la « patience » du père, le plaisir de la malade à sa conversation, sa
culture, son intelligence... Autant d'attraits interdits parce que culpabilisés
à l'égard de la mère. L'analyse de l'interdiction oedipienne maternelle s'ouvre
progressivement sur la profonde identification à la mère. C'est avec une angoisse
profondément vécue dans un insight à nouveau dramatique qu'elle se réalise
« comme une copie » de sa mère : socialement (son style mondain), profession-
nellement (la mère tient en fait le secrétariat du père), sur le plan religieux
(comme sa mère elle est peu pratiquante, à la différence du père), enfin leur
sexualité (frigidité). Elle recula quelque temps la prise de conscience de cette
évidence, grâce à la poursuite d'un acting-out réalisant une translation transfé-
rentielle évidente (aventure amoureuse avec un homme de vingt-deux ans son
aîné, père de deux filles de son âge, et dont les qualités sont en miroir celles
qu'elle me prête à l'image du père) ; l'élaboration interprétative permit l'émer-
gence du souhait que nous lui interdisions cette relation amoureuse ; souhait
formulé par surprise et par là d'un heureux effet dynamique sur la levée de sa
résistance par le transfert latéral et l'intégration de ses relations oedipiennes
(fidélité à l'image paternelle et identification à la mère : double valence transfé-
rentielle que son souhait conférait d'ailleurs à mon image).
2. Ainsi réapparaissait à nouveau manifestement l'ambivalence transfé-
rentielle qui se précisera dans la phase suivante sur un mode bien différent de
celui qui a fait l'objet même de notre travail. Nous assistons maintenant à
une sorte de bi-partition du transfert, soit un étalement dans le temps de
l'ambivalence transférentielle : les vécus transférentiels contraires étant
actualisés successivement dans un mouvement oscillant et non plus concomi-
tamment comme au début de l'analyse, d'où une relation analytique beaucoup
plus souple sans dramatisation paroxystique. Dans la dynamique de ces oscilla-
tions, la relation transférentielle positive à l'image paternelle apparaît chaque
fois comme une bouée : le tremplin permettant à la malade de faire surface
après, et avant de réaborder l'angoissante plongée dans la relation transfé-
rentielle négative à la mère. Ce dernier aspect du transfert, réintroduit dans
le champ analytique par la reconnaissance de son identification à la mère
phallique, oriente en effet l'analyse sur l'interprétation de sa négation de la
castration et de sa revendication virile. Notre travail interprétatif s'appuie ici
sur un matériel extrêmement abondant (sentiment de bien-être en période de
guerre où elle soignerait des hommes blessés, son identification onirique au
dentiste-analyste qui m'arrache « deux dents de devant » ; rêve où elle se refuse
à l'homme en sueur pour « copuler » ensuite devant lui avec une énorme cor-
beille vide, etc.). Par ailleurs, à la lumière de ce matériel nouveau, nous avons
alors pu utiliser celui fourni par les fantasmes et rêves, notamment celui du
frigidaire, du début de l'analyse.
Le moment le plus intensément vécu de cette phase sera celui sur lequel elle
débouche naturellement : l'analyse de ses positions homosexuelles. Ce matériel
déjà évoqué au début de l'analyse est ici encore surabondant ; mais nous ne
pouvons alourdir par trop cet exposé. Signalons cependant : sa peur intense
« d'être homosexuelle », c'est-à-dire en fait l'intolérance à la position pas-
sive ; de même son extrême angoisse lorsqu'elle évoque sa répugnance à
la pénétration anale. Uniformément dans le matériel apporté, elle assume
régulièrement le rôle actif, en même temps que progressivement dans le
DU TEMPS D'UN SILENCE 199
(1) Cette notion est certes discutable : s'il faut apprendre au malade « son métier » pour
que la cure soit possible, ce cas nous montre qu'il ne peut l'apprendre que s'il a dépassé certaines
positions qui l'empêchaient précisément d'obéir à la règle d'association, suffisamment pour le
rendre analysable.
DU TEMPS D'UN SILENCE 201
V. — LE CONTRE-TRANSFERT
B) Réactions contre-transférentielles
Nous avons montré le style de nos interventions et de nos inter-
prétations en insistant sur le niveau auquel nous les situions ; nous
avons souligné le caractère désajusté de certaines, en essayant de dégager
les erreurs d'appréciation sur la dynamique de la cure qu'elles nous
paraissaient impliquer. Celles-ci posaient la question d'une méconnais-
sance partielle de la position transférentielle de la patiente. Ce problème,
dès lors que notre position contre-transférentielle initiale avait été
dès le départ analysée et, pensions-nous, dépassée, nous renvoyait
aux réactions contre-transférentielles développées par la suite en raison
de la dynamique particulière à cette cure.
1) Il en est déjà une immédiatement apparente dans le mode de
sublimation par lequel nous dépassions la position contre-transfé-
rentielle initiale. Justifier la possibilité de la cure et nous engager à
« tenir » devant cette résistance massive, assumée comme un refus, par
une motivation d'intérêt scientifique, c'était à vrai dire décider en
quelque sorte de faire « malgré tout » de cette « appelée une élue ».
C'est-à-dire poser comme déterminante notre volonté de « la guérir »
(au sens de « bien l'analyser ») : soit nous placer d'emblée dans une
position maternelle de « bonne mère ». En fait, il s'agissait là d'une
position transférentielle de notre part dans la mesure où la patiente
était prise comme objet : « enfant d'élection à aimer ».
2) Une autre réaction contre-transférentielle nous a semblé se
manifester dans notre maniement de la technique de dosage destinée
à nous permettre un contrôle dynamique de son angoisse. Si ce dosage
a été relativement souple en ce qui concerne les interventions verbales,
il nous apparut qu'il l'était moins dans les manifestations de notre
présence réelle. Ainsi (lorsque la patiente prolonge le temps de sa
séance en restant allongée et parle à ce moment-là, alors qu'elle est
restée silencieuse pendant la séance), il est une de nos « réponses »
qui aussitôt que manifestée s'avérait discutable : celle qui consista
à quitter la pièce et à laisser la malade seule. Si aujourd'hui, après
deux ans d'analyse, la structure s'étant révélée moins massivement
régressive que nous l'estimions alors, cette « sortie » nous apparaît
a posteriori techniquement justifiée, il n'en fut pas de même lors de
cette critique de notre contre-transfert. Cette critique reste en fait
valable, en raison de la position transférentielle qui était alors celle de
la malade.
En effet, par cette « sortie », nous avions enfin assouvi sa demande
206 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) Ces réflexions ne porteront donc passur le déroulementultérieur de l'analyse dont nous
avons fait état par souci de logique, mais dont l'étude approfondie se situerait dans une
perspective autre que celle dans laquelle nous avons axé ce travail. Nous nous en tiendrons
donc, en ce qui concerne les implications théoriques de cette évolution, à la rapide esquisse
que nous en avons donné en la rapportant.
DU TEMPS D UN SILENCE 209
CONCLUSION
(1) Bien que nous ayons terminé ce travail lorsque VIDERMAN fit sa conférence (De
l'instinct de mort), il nous paraît logique de le situer par rapport à sa très remarquable
étude. En effet, nous ne pouvions manquer d'être frappés par la similitude de sa thèse sur la
dynamique du transfert et celle que nous venionsde préciser à propos de notre cas. La conclusion
de Viderman que « l'automatisme de répétition nie le transfert et que celui-ci dans le « jamais
vécu » qu'il offre au malade « introduit la vie », pourrait ainsi être la nôtre. Cependant, notre
travail montre que nous ne pouvons souscrire à cette formulation que dans la mesure où elle
demeure dans le seul cadre qui en permette l'élaboration : celui de la clinique analytique. Nous
avons vu que la relation analytique ici étudiée ne nous parait pas nécessiter l'existence d'un
instinct de mort s'opposant à l'instinct de vie.
DU TEMPS D'UN SILENCE 217
BIBLIOGRAPHIE
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VIDERMAN (S.), De l'instinct de Mort, Conférence à la Société psychanalytique
de Paris, février 1960 (à paraître).
La castration
comme négation de la féminité
par CONRAD STEIN (1)
sairement la positivité de ce qui est nié, ce qui est refoulé étant toujours
affecté dans l'inconscient, ainsi que nous le dit Freud, d'un signe
positif.
De nombreux auteurs ont consacré à la sexualité de la femme des
travaux devenus classiques (1). Ils ont été repris dans un de leurs
aspects essentiels par Mme Luquet (2) qui, se refusant avec S. Nacht (3)
à considérer la femme comme normalement masochiste, a montré que le
masochisme féminin, lié à la revendication d'un pénis, devait être
considéré non pas comme l'essence de la féminité mais comme un
mouvement dans l'évolution de la petite fille vers la féminité. Je n'aurai
pas à prendre en considération ici le problème de la sexualité de la
femme dans ses particularités cliniques. Que mon exposé soit illustré
par un matériel clinique provenant de la cure psychanalytique d'une
femme, cela ne doit pas prêter à confusion ; la question traitée est bien
celle de la féminité psychologique qui concerne dans leur bisexualité
l'homme aussi bien que la femme et que l'homme comme la femme
nient dans leur vision de la castration, qu'elle soit vécue comme une
menace ou comme une réalité.
La castration comme négation de la féminité : on ne peut entrer
de plain-pied dans l'élucidation de cette double négation. La féminité
psychologique se révèle dans son essence positive à travers l'examen
du sens de la valorisation, commune aux deux sexes, de la possession
d'un pénis ou de son absence. C'est pourquoi initialement il ne sera
question que de la signification de cet avoir.
(1) En particulier Marie Bonaparte, Hélène Deutsch, Ernest Jones, Jeanne Lampl de
Groot.
(2) C. J. La place du mouvement masochique dans l'évolution de la femme,
LUQUET,
Revue française de Psychanalyse, 23, 3, 1959, 305-52.
(3) S. NACHT, Le masochisme, Paris, Le François, 1947.
LA CASTRATION COMME NÉGATION DE LA FÉMINITÉ 223
Elle est l'objet narcissique avec lequel la relation est l'être. Lui substituer
une partie limitée extérieure à soi qui est en même temps soi, c'est se
reconnaître dans cette partie comme un sujet entier et limité, symbole
de l'objet maternel devenu entier et limité, extérieur à soi, avec laquelle
partie symbolique la relation peut devenir l'avoir. A partir de là,
par un retour à l'objet entier il deviendra possible de le posséder en
tant qu'autre. D'où la succession : être sa mère, être le pénis de son
père, avoir le pénis de son père, posséder sa mère ; posséder, c'est avoir
pour soi en même temps qu'évincer comme obstacle et, dans le même
mouvement, s'identifier à : être comme.
Abraham a fondé sa description du premier stade sadique-anal de
l'organisation de la libido sur un processus où l'identification du sujet
tout entier au pénis paternel joue un rôle important. La relation d'objet
est à ce stade caractérisée par un amour partiel et ambivalent. Partiel,
il investit le pénis paternel représentatif du personnage tout entier.
Il est qualifié par des visées d'incorporation et le pénis y tient toujours
lieu d'un sein maternel. Ce stade est intermédiaire entre le stade oral
narcissique avec incorporation totale de l'objet et le stade anal conser-
vateur de l'objet partiel. La succession de ces stades correspond à un
abandon progressif du caractère narcissique des investissements.
L'amour partiel a pour pendant l'identification partielle dont Freud
fait état dans Psychologie collective et analyse du Moi. Telles sont les vues
d'Abraham concernant ce stade intermédiaire où la relation au pénis
paternel participe à la fois de l'identification et de l'amour, de l'être
et de l'avoir (1).
Nous pouvons donc considérerl'identification partielle intermédiaire
entre l'identification narcissique et l'identification objectale et ceci
en suivant au plus près non seulement les indications données par
Freud mais aussi sa terminologie, sauf en ce qui concerne le terme :
identification objectale par lequel il peut convenir de désigner, là où
la distinction entre soi et autrui est établie, l'être comme un sujet qu'on
peut aussi avoir pour objet d'amour ; identification objectale que l'on
peut illustrer par l'une de ses importantes modalités, l'identification
à l'agresseur si bien décrite par Anna Freud. L'identification narcissique
est, au contraire, celle qui fond en un être indistinct ceux que le tiers,
l'observateur voit comme sujet et objet. Freud écrit en effet dans ses Notes
(1) K. ABRAHAM, Versuch einer Entwicklungsgeschichte der Libido auf Grund der Psycho-
analyse seelischer Störungen, traduction anglaise in Selected Papers on Psychoanalysis, The
Hogarth Press, London, 1949.
LA CASTRATION COMME NÉGATION DE LA FÉMINITÉ 225
(1) S. FREUD, Gesammelte Werke, XVII, p. 151, Imago Publishing Co., Londres.
(2) S. FREUD, Deuil et mélancolie, 1916. (Trad. Marie BONAPARTE et Anne BERMAN, Revue
franç. de Psychanalyse, 1936.)
(3) S. FREUD, Psychologie collective et analyse du Moi, 1921, chap. VII (Trad. S JANKELÉ-
VITCH, Paris, Payot, 1924) : « L'identification. »
(4) Souligné par Freud.
(5) S. FREUD, Psychologie collective et analyse du Moi, 1921, chap. VII (Trad. S. JANKELÉ-
VITCH, Paris, Payot, 1924) : « L'identification. »
PSYCHANALYSE 15
226 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
fantasmes primitifs tels que nous les laisse imaginer la description par
Spitz (1) de la relation orale.
La patiente avait depuis longtemps pris l'habitude de s'endormir
au cours des séances. Un jour, après les séquences déjà rapportées,
elle signala qu'elle s'endormait et se réveillait sur le divan entourée
d'un halo rose. Cela la fit penser qu'elle était comme à l'intérieur d'un
berceau. Dès ce moment, elle se sentit privée de la sensation agréable
qu'elle avait en dormant chez moi et elle ajouta que s'il lui arrivait de
nouveau de s'endormir, il faudrait qu'elle se lève et qu'elle s'en aille.
Cette hallucination rose rappelle celle de l'écran blanc du rêve décrit
par Lewin et que Spitz (2) rapporte à l'expérience de la relation avec
la mère dans la cavité primitive où l'intériorité et l'extériorité se trouvent
confondues. Les fantaisies d'intériorité et d'extériorité par rapport au
pénis de son père et du ventre de sa mère en sont les prises de forme
post-sadique-anales sinon post-phalliques. Les rapporter, dans le
transfert, à leur origine, déclenche chez la patiente l'angoisse. Aussi
ne faut-il pas perdre de vue que la fonction de l'organisation dite phal-
lique est essentiellement de protection contre cette régression virtuelle.
Il ne faut pas confondre pénis et phallus. Le pénis est l'organe réel ;
le nom de phallus devrait être réservé au pénis comme symbole du
corps du parent nourricier devenu personnage phallique. Pour conserver
au stade phallique le nom que Freud et Abraham lui ont donné, il
faut donc entendre que c'est le stade de la valorisation du pénis, défense
contre la virtualité phallique qu'il établit. Cet aspect de protection de la
valorisation du pénis est illustré par la résistance farouche que certaines
patientes, qui parlent aisément de prendre dans la bouche le pénis de
leur analyste, opposent longtemps à l'idée qu'il pourrait s'agir là du
désir de s'incorporer une substance maternelle, ce qui est l'interpré-
tation phallique de leur fantaisie concernant le pénis réel de l'homme.
Châtrer et être châtré n'est pas identique à absorber et être absorbé.
A partir de l'identification partielle sadique anale, il devient possible
de s'identifier à un personnage entier et réel, le père ou la mère sur le
mode de Pêtre-comme l'autre qui exclut la fusion de l'être-l'autre.
« Dans la relation narcissique, l'abolition de toute distance entre sujet
et objet est génératrice d'angoisse mortelle », comme le note F. Pasche (3).
ce point de vue. Dès la séance suivante, elle me fit part des mesures
qu'elle avait prises en vue de disposer de la liberté que lui laisserait la
fin du traitement. Elle avait le sentiment qu'en amour elle pourrait
maintenant donner quelque chose à un homme au lieu d'avoir peur de
lui faire du mal. Elle regretterait un peu de me quitter parce qu'elle
réalisait qu'elle avait de l'amitié pour moi et qu'elle la sentait partagée.
Peu de temps après, elle eut pour la première fois un orgasme complet,
puis son analyse se termina assez rapidement.
L'envie de la petite fille d'avoir un pénis conserve son importance
lorsqu'elle cesse d'être actuelle parce qu'elle permet de masquer la
peur de l'amour derrière le prétendu désir non satisfait d'être morpho-
logiquement un homme.
DISCUSSION
Intervention de Mme C. LUQUET
Je remercie Stein de sa conférence très intéressante ; je me sens
d'accord avec lui sur la plus grande partie de ce qu'il nous a exposé
ce soir.
Il a tout à fait raison d'insister sur le fait que la revendication du
pénis et la conception de la femme comme un être châtré servent fré-
quemment de mécanisme de défense contre des affects beaucoup plus
primitifs, dans la mesure où le pénis dont elle est dépourvue représente
et concrétise, pour la femme, tout ce qu'elle n'a pas, et surtout tout ce
qu'elle n'a pas eu, tout ce dont elle s'est sentie frustrée par ses objets
successifs.
Ceci paraît lié au fait que l'évolution de la fille par rapport à son
objet d'amour consiste à parcourir un long chemin. En effet, à partir
de la passivité primitive et de l'identification narcissique, elle traverse
PSYCHANALYSE 16
242 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Le problème
de la genèse humaine( 1)
par L. BOLK
AVANT-PROPOS
Lorsque je me décidai à exposer au XXVe Congrès de la Société
d'Anatomie mes conceptions sur le problème de la genèse de l'homme,
le manuscrit en était établi. En considération du temps qui m'était
imparti dans le programme, il était cependant impossible de présenter
dans son intégrité la conférence prévue. Maints raccourcis s'imposèrent
même, en particulier dans la deuxième partie. La présente publication
est une impression du manuscrit intégral. Les parties retranchées pour
les besoins de la conférence ne le sont donc pas ici, pour le plus grand
bien de l'unité de l'ensemble.
Amsterdam, mai 1926.
Dans certains passages de travaux que j'ai publiés ces temps derniers,
j'ai déjà esquissé une conception de la genèse humaine et de la forme
du corps humain, qui s'écarte sensiblement des théories généralement
admises (2). C'est très progressivement que se sont révélées à moi,
au cours de plusieurs années, ces vues nouvelles sur l'anthropogenèse ;
finale qui n'existe plus chez l'homme. Je pourrais formuler cette diffé-
rence entre l'homme et le singe en désignant la croissance humaine
comme « conservatrice » et celle du singe comme « propulsive ». Nous
aurons encore l'occasion de montrer que la même terminologie pourra
aussi être appliquée pour caractériser les différences raciales.
C'est tout d'abord progressivement qu'au cours de plusieurs années
je suis parvenu à cette conception de la structure humaine, en partie
grâce à une induction à partir de considérations apparentées qui, comme
je l'ai déjà fait remarquer, se trouvaient dans la littérature, en partie
par des recherches intentionnelles qui n'ont pas encore jusqu'ici été
publiées ; une étude systématique du corps humain considéré du point
de vue exposé, est déjà en partie terminée. Mes conceptions du rapport
entre la structure de l'homme et celle des autres primates s'éloignaient
peu à peu, au fil de mes recherches, des conceptions classiques et, par
voie de conséquence, s'écartaient ultérieurement systématiquement des
points de vue usités correspondants sur la causalité de l'anthropogenèse.
Ainsi, il m'est maintenant possible de donner une réponse à la question
fondamentale formulée au début : quel est l'essentiel de la structure
humaine, qui fonde le visible contraste entre la Gestalt humaine et
celle des singes ? Cette réponse est la suivante : le caractère foetal
de sa structure. Ainsi est érigé, en perspective sur cette structure et
son évolution, un point de vue totalement indépendant de toute théorie
de descendance ou de toute hypothèse de parenté. Il s'ensuit donc que
l'on ne doit pas faire dériver les caractères primaires de notre corps de
données simiesques, mais qu'au contraire une telle démarche est
méthodologiquement à rejeter. Si je voulais exprimer en une phrase un
peu lapidaire le principe de ma théorie, je présenterais l'homme, du
point de vue corporel, comme un foetus de primate génériquement
stabilisé. Il s'ensuit nécessairement que les ancêtres de notre race
possédaient tous les caractères spécifiques primaires de l'actuelle
descendance humaine, mais seulement pendant une courte phase de leur
croissance individuelle. Les qualités propres de l'homme ne sont dès
lors pas acquises ; elles existaient déjà dans l'organisation de ses ancêtres,
à titre transitoire. Une adaptation fonctionnelle en ce qui concerne les
caractères consécutifs, une stabilisation en ce qui concerne les primaires ;
tels sont les deux facteurs qui ont créé l'homme. Ce qui était chez nos
ancêtres un stade de passage durant leur croissance structurale, est,
chez l'homme actuel, un stade final. Au cours de l'évolution de la
descendance, la forme nouvellement née acquérait un caractère foetal
toujours plus affirmé, elle devenait, pourrais-je dire, « foetalisée ».
250 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
nisée ; c'est pour ainsi dire un organisme pour soi, un état dans l'état,
qui domine et gouverne. En considération de cette signification consi-
dérable, je pourrais rassembler sous une dénomination commune tout
le complexe d'organes qui participent à cette fonction, et l'appeler
l' « Endocrinon » de l'organisme.
On est habitué à considérer l'organisme animal comme une dualité
constituée du Soma et du Germen. Il me paraît indiqué au contraire,
de le considérer plutôt comme une trilogie : Soma, Endocrinon et
Germen. Et, comme conclusion de mon exposé, je pourrais tracer un
parallèle entre Germen et Endocrinon ; car la relation du Germen et de
l'espèce est identique à celle de l'Endocrinon et de l'individu. De même
que le Germen est le régulateur de l'évolution de l'espèce et rend
possible son épanouissement, de même l'Endocrinon gouverne l'édifi-
cation structurale de l'individu et assure son achèvement. La dégénéres-
cence de la race signifie un déclin de la puissance du Germen, et le
vieillissement un déclin de la puissance de l'Endocrinon.
Dans ce qui précède, je vous ai donné un rapide aperçu de mes
conceptions sur la causalité et le processus d'évolution de la forme
corporelle humaine ; il vous est ainsi devenu possible de vous faire une
idée de ma théorie sur ce sujet. Je me suis efforcé d'être là-dessus le
plus explicite possible, et de vous donner dans une synthèse aussi
dépouillée que possible un exposé de l'enchaînement logique des
phénomènes ; le temps manquait pour des réflexions accessoires.
La deuxième partie de mon exposé, qui va suivre maintenant, aura
un caractère plus argumentai : je reviendrai successivement sur quelques
chapitres principaux pour, d'une part, les approfondir de nouveau,
d'autre part, les étayer de démonstrations. Le manque de temps fait ici
comme toujours de la concision, une nécessité qui nous conduira à ne
pas aller, sur tous les points, jusqu'au fond des choses. Je garde cepen-
dant l'espoir que vous n'identifierez pas incomplétude quantitative
et insuffisance qualitative.
Le premier point par lequel nous poursuivons doit nécessairement
être l'idée biologique de base de ma théorie, l'hypothèse du retardement.
Quelles preuves peut-on apporter à cette hypothèse ? Il faut pour cela
distinguer deux groupes de preuves, en accord avec le double contenu
de l'hypothèse : le cours de la vie humaine s'écoule lentement, voilà
un fait aisé à établir grâce à des comparaisons directes ; le rythme de la
vie humaine est un retardement historique, voilà une assertion qui
n'est guère abordable par une démonstration directe et qui ne peut être
établie que par des preuves indirectes.
PSYCHANALYSE 17
258 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Fig. 1
Pour autant que je sache, les races de couleur claire sont les plus
retardées. Il apparaît, en outre, chez ces dernières que la croissance des
individus mâles est plus retardée que celle de l'autre sexe.
Aux preuves directes mentionnées du retardement historique, se
joignent maintenant les preuves indirectes. Comme telles, j'entends
tous les phénomènes de la Biologie humaine qui nous deviennent
compréhensibles, s'éclaircissent, quand on les envisage à la lumière
d'un retardement du cours de l'évolution. A titre d'exemple, mettons
seulement l'accent sur ce qui suit.
D'abord l'évolution de la dentition. Si l'on compare l'évolution de
celle-ci chez l'homme et chez les autres primates, il se dégage une
différence remarquable, que j'ai essayé de rendre de façon schématique
dans les figures 1 et 2.
Chez les singes (fig. 1), la poussée de la dentition de lait commence
presque immédiatement après la naissance ; aussitôt celle-ci achevée,
s'instaure la croissance dentaire, sans interruption dans le temps ;
en effet, peu après la 2e molaire de lait apparaît la première molaire
permanente, et en même temps que celle-ci perce, commence le pro-
cessus de changement ; les incisives de lait sont expulsées. Et dans la
périodeimmédiatement postérieure s'effectuent un plus largechangement
de la dentition de lait et une apparition simultanée de la dentition
260 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Fig. 2
CROISSANCE DE L'OVAIRE
3 semaines 17 5
1 an 3/4 20 7
4 ans 27 12
14 ans 26 12
l'organisme une force qui s'oppose à cette entrée en fonction, force qui
peut devenir insuffisante en cas de maladie de certaines parties du
système endocrinien. Le retardement n'a pas, chez le Germen féminin,
inhibé la croissance, mais déplacé vers un âge plus tardif la maturité
d'éléments en eux-mêmes déjà parvenus à maturité. Il s'agit, en fait,
ici aussi, d'un retardement de la différenciationhistologique, phénomène
dont il sera encore question plus loin. La force inhibitrice se relâche à
un âge très variable selon les individus, ce fait étant très souvent provo-
qué par des stimulations externes. Mais ce que je pourrais appeler
l'âge-seuil de la normale maturité génitale chez la jeune fille coïncide,
du moins en Hollande, avec la 11e année. Une jeune fille, toutefois,
qui commence à être réglée à cet âge, est une contradiction biologique,
un organisme qui, par principe, est affligé d'un défaut fonctionnel. En
effet, la fonction naissante du Germen rend l'individu susceptible de
concevoir, mais le Soma n'est pas encore formé d'une façon suffisante
pour une conception. « L'arrivée à maturité de la fonction génitale a
une signification très universelle pour les organismes, de même que
l'achèvement de la forme définitive : c'est la conclusion de l'évolution
individuelle », dit Friedenthal dans ses Contributions à l'histoire naturelle
de l'homme. Vis-à-vis de cette règle universelle, l'organisme humain
se comporte de telle manière que, avec un achèvement de la crois-
sance dans la 18e année, la possibilité de maturité génitale est déjà
donnée dans la 5e année, l'âge-seuil normal de celle-ci se tenant dans
la 11e année. Cette répétition trouve son explication naturelle dans le
retardement du cours de la vie humaine, avec cette hypothèse simultanée
que l'épanouissement du Soma a été plus fortement inhibé que celui du
Germen. Et la possibilité de maturité sexuelle dans la 5e année, âge
sensiblement conforme à celui de la maturité sexuelle des anthropo-
morphes, nous fait, à mon sens, connaître l'âge auquel les tout premiers
hominidés parvenaient à la maturité sexuelle.
Il me faut passer rapidement sur ce point, mais je ne voudrais pas
en abandonner la discussion sans faire la remarque que l'accélération
reconnue de croissance qui prépare chez la petite fille et le petit
garçon la puberté est, dans son essence, non pas une accélération, mais
une moindre inhibition de la croissance. Avec l'avènement de la puberté,
l'inhibition relative du Germen tombe et celle du Soma est amoindrie.
Je dois malheureusement renoncer à démontrer plus profondément
comment la pathologie de la croissance — phénomène, comme vous le
savez, purement hormonal — reçoit par le principe de retardement
une évidente explication.
LE PROBLÈME DE LA GENESE HUMAINE 263
Fig. 3 Fig. 4
Fig. 5
Fig. 6
(1) The Problem der Orthognathie, Verslagen Kon. Akad.v. Wetensch., Amsterdam,
Bd XXXI, 1922. — The Problem of Orthognethism, Proceedings Kon. Akad. v. Wetensch.,
vol. XXV, 1922.
LE PROBLÈME DE LA GENÈSE HUMAINE 269
ces figures les coupes médianes des figures 9 et 10, la première à travers
le bassin et ses organes chez une fillette de 2 ans, la seconde à travers
l'extrémité postérieure du tronc d'un chimpanzé à mi-chemin de sa
croissance. Nous ne nous tromperons certainement pas en affirmant que
les coupes médianes des figures 7 et 8, bien que faites d'après des
embryons humains, présentent des caractéristiques qui ne diffèrent pas
sensiblement de celles des embryons de chimpanzé, et que ces deux
coupes peuvent être utilisées comme points de départ pour répondre
à la question de savoir quel changement se produit dans l'axe corporel
pendant l'évolution ultérieure chez l'homme et chez l'anthropomorphe.
Et les flèches tracées dans les figures 9 et 10 donnent une réponse non
équivoque à cette question ; chez l'homme est conservé l'axe corporel
foetal à concavité ventrale, chez le chimpanzé par contre — et cela est
valable bien sûr pour tous les autres mammifères — la courbure se
transforme, et également le segment caudal de l'axe corporel prend un
aspect redressé. Je ne peux m'appesantir sur les détails, les figures sont
270 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
Fig. 9 Flg. 10
(1) Die Morphogenie der Primatenzähne, Eine weitere Begründung und Ausarbeitung der
Dimer Theorie, Jena, Gustav.Fischer, 1914.
LE PROBLÈME DE LA GENÈSE HUMAINE 273
races de couleur claire : par rapport à ces dernières, la race noire est
propulsive. Là se trouve l'explication de l'observation faite par Fischer
que l'enfant noir ressemble plus à l'enfant européen que l'adulte non-
ne ressemble à l'adulte européen. Si maintenant dans l'avenir, chez la
race nègre la totalisation et le retardement s'affirment de façon progres-
sive, alors la voie lui est ouverte pour atteindre le degré d'évolution et
de structure des plus hautes races.
Une autre remarque concerne l'intéressante question de l'éventuelle
validité du principe de retardement également pour la différenciation
tissulaire. Il n'a été jusqu'à présent toujours question que du ralen-
tissement de l'édification de la forme. Mais il est clair qu'un retard
dans l'édification de la forme ne peut apparaître que si la différenciation
— les tissus édifiant, par leur ensemble, la forme — est pareillement
inhibée. Le problème n'est toutefois pas aussi simple qu'il pourrait
paraître. En effet, le retardement a-t-il pour conséquence seulement un
allongement temporaire de la croissance tissulaire par une réduction de
son intensité, ou doit-on encore noter des conséquences d'un tout autre
ordre ? J'aimerais présenter un résumé de ma théorie le plus achevé
possible et suis bien contraint d'aborder cette question ; je dois cepen-
dant, prévenir que je ne suis pas encore parvenu, en ce qui concerne
cette partie du problème de l'anthropogenèse, à éclaircir tous les
aspects. En effet, manifestement le retardement du développement
tissulaire a eu pour conséquence des réactions de nature variée. L'une,
facile à concevoir, concerne le fait que des tissus déterminés demeurent
à un degré d'évolution plus primitif, ce qui établit un phénomène
parallèle à la foetalisation de la forme. Dans le groupe des tissus de
liaison, je choisis comme exemple la persistance de tissus de liaison
entre les os du crâne. Au lieu que le crâne, aussitôt qu'il a atteint son
développement, soit constitué de tissu osseux comme chez les autres
mammifères, il demeure — durant une période très variable selon les
individus dans son « état de jeunesse » — ce qui fait que les sutures
crâniennes persistent jusqu'à un âge avancé. La persistance courante
de la suture métopique trouve de même dans cette inhibition d'une
différenciation plus poussée son explication.
Si l'on poursuit logiquement ce point de vue et qu'on l'applique à
ce tissu cartilagineux du corps qui fonctionne comme centre de proli-
fération pour la croissance appositionnelle, alors apparaît une idée sur
la cause possible de l'augmentation corporelle quantitative pendant
l'anthropogenèse. Que nos ancêtres aient été de plus petite stature que
nous est sans doute un fait non démontré, mais la justesse de cette
LE PROBLEME DE LA GENESE HUMAINE 275
(1) Remarque pendant correction. l'idée que les organes récapitulatoires de l'Ontogénie
possèdent une fonction hormonale semble, comme me le fait très amicalement remarquer
mon collègue Peter, « être dans l'air ». C'est en effet de façon très indépendante l'un de l'autre
que nous sommes parvenusà cette conception. Dans son article Lietrachtungen über die Aufgaben
der Keimblätter, publié dans l'ouvrage paru depuis peu de Rudoff FICK, se trouve p. no la
phrase suivante : « Par certains aspects nous ne connaissons encore pas un tel problème (la
fonction de conservation) ; ils seraient, par leur signification dans l'historique de l'évolution,
expliqués dans leur existence, mais je pourrais supposer ici aussi qu'il leur appartient une
influence hormonale sur le cours de l'évolution qui maintient celui-ci dans la voie normale,
et qu'Us ont aussi à s'occuper d'une certaine façon du développement de l'individu. » Comme
l'auteur me le fait amicalement remarquer, l'idée de base se trouve déjà dans le chapitre 8 de
son livre Zweckmässigkeiten in der Entwicklungsgeschichte.
(2) De Ontogenetische Recapitulaties als hormonistisch verschignsel, Ned. Tigdschr. voor
Geneesk, Jaargang, 1926 (Conférenceprononcée à la Société hollandaised'Anatomie, mai 1925).
LE PROBLÈME DE LA GENÈSE HUMAINE 277
devenue peu à peu plus faible, que l'établissement de l'état adulte avait
toujours été plus différé, que la croissance s'était ralentie. Avec l'allon-
gement de sa phase de développement s'allongeait la durée de sa vie,
non seulement parce que la première période de son existence s'étendait
sur un toujours plus grand nombre d'années, mais parce que le cours
de tout le processus vital, du début jusqu'à la fin, était ralenti. Il se pose
alors une question qui assurément mérite réflexion : dans cette inhibition
ne doit-on pas trouver le moment causal de sa future décadence ?
L'humanité actuelle n'est, elle aussi, pas là pour l'éternité, elle aussi
est soumise à la loi de la nature régissant tout, d'après laquelle n'est
concédée à l'individu, à l'espèce et au groupe, qu'une durée limitée
d'existence. Seule la vie est éternelle et inaltérable, les formes qui la
transportent sont passagères. Et c'est pour moi une préoccupation
toujours fascinante de savoir si l'humanité ne succombera pas dans
l'avenir aux mêmes causes auxquelles elle est redevable de son évolution
dans le passé. Rendons-nous compte, toutefois, que la progression de
cette inhibition du processus vital ne peut franchir une limite déter-
minée sans réduire sa vitalité, sa force de résistance aux affects
nuisibles d'origine externe, en un mot sa possibilité de conservation.
Plus l'humanité s'engage sur le chemin de l'hominisation, plus se
rapproche le point fatal où un pas de plus en avant signifie l'anéan-
tissement. Elle n'a pas le pouvoir de s'arrêter avant ce point. Elle
doit poursuivre son ascension, à la rencontre de son anéantissement.
C'est cette fatalité que proclame la prophétie de Nietzsche : « C'est
dans ta sagesse que tu trouveras ta mort. » Qui peut dire jusqu'à
quel point cette prophétie s'est déjà réalisée dans les actuelles races
cultivées ?
Je dois, Messieurs, terminer ma conférence. Le peu de temps dont
je disposais est en grande partie responsable du manque de cohérence de
ces affirmations et constatations. C'était toutefois mon dessein essentiel
que de vous donner les fondements de ma théorie de la genèse de
l'homme. La genèse de l'homme ! En quel sens faut-il l'entendre ?
Cette question pourrait vous apparaître justifiée, à la fin de mon exposé.
Je pourrais en effet conclure avec une remarque qui avait, comme
thèse, introduit cette conférence : le problème de la genèse de l'homme
est un double problème : le problème de la parenté de l'homme avec
les autres primates est différent de celui du devenir de la forme humaine.
Par la recherche de la descendance se pose un point d'interrogation :
quel enseignement tirer de l'actuelle forme de l'homme, en ce qui
concerne la genèse formelle après notre structure actuelle ? Cette forme
LE PROBLÈME DE LA GENESE HUMAINE 279
(1) SPITZ (R. A.), A Genetic Field : Theory of Ego Formation(Its Implications for Pathology),
New York, Intern. Univ. Press, 1959.
(2) Sprrz (R. A.), La première année de la vie de l'enfant, Paris, Presses Universitaires de
France, 1958.
(3) SPITZ (R. A.), No and Yes, New York, Intern. Univ. Press, 1957.
282 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
utile que néfaste de laisser voir au patient, quand cela se produit et en temps
opportun, qu'il est, tout en restant thérapeute, ému sur le plan génital j autre-
ment le malade est laissé seul à lutter avec ses pulsions, et n'en sort pas ; de
reste, le schizophrène, si démuni d'estime de soi, ne saurait souffrir aucune
dénégation des sentiments intimes de l'analyste ; et le schizophrène a tellement
tendance à décourager son thérapeute que tout sentiment positif en celui-ci
doit être considéré comme le bienvenu. Quelques exemples cliniques.
Searles indique, avec justesse semble-t-il, que chaque parent éprouve vis-à-
vis de son enfant du sexe opposé un attrait complémentaire à celui de l'enfant
pour lui.
Le contre-transfert oedipien a pour Searles plusieurs sources :
— réponse actuelle de l'analyste au transfert du patient j
— contre-transfert proprement dit ;
— réaction d'amour aux satisfactions narcissiques procurées à l'analyste par
l'amélioration de son patient ;
— enfin, plus un patient s'approche du terme de son analyse, plus il devient
attirant et séduisant.
Searles termine son travail en montrant quelles importantes modifications
la résolution du complexe d'OEdipe apporte au Moi et pas seulement au Surmoi
de l'enfant.
(2) FREEMAN (Th.). — ASPECTS OF DEFENCE IN NEUROSIS AND PSYCHOSIS
(QUELQUES DÉFENSES DANS LES NÉVROSES ET LES PSYCHOSES).
L'auteur, dans ce travail, étudie les comparaisons et définit les différences
entre les défenses opérant dans la névrose et celles qu'on observe dans la
psychose.
Il rappelle tout d'abord les définitions et conceptions classiques de l'intro-
jection, de la projection et de l'identification. L'introjection est au sein du psy-
chisme le corrélatif des désirs oraux d'incorporation. On peut considérer que
l'introjection aboutit à cette modification structurale que constitue l'identi-
fication, que Freud considérait comme le premier mode de relation d'objet.
Mais on ne doit pas négliger la différence entre l'identification primaire, qui
n'a pas pour condition l'établissement d'une frontière entre l'individu et
l'extérieur, et l'identification secondaire, qui, elle, suppose établie cette
différenciation.
Une brève mise au point concerne la régression, processus qui n'est pas
au service exclusif de la défense ; par ailleurs, Freeman prend soin de souligner
la distinction déjà établie par Freud en 1900, entre la régression libidinale et la
régression psychologique. Alors que les différentes sortes de régression vont
de pair dans le rêve, elles peuvent se séparer dans la psychose, comme l'a
indiqué Nünberg (1955).
Ces mises au point faites, l'auteur présente divers exemples cliniques, tirés,
soit de cas psychonévrotiques, soit de cas marginaux, soit de cas schizophré-
niques. Dans tous ces exemples sont comparés les processus d'identification,
d'introjection et de projection mis en oeuvre par les différents patients.
Tous ces mécanismes peuvent se rencontrer chez des névrosés. Telle est
par exemple l'identification à l'agresseur. La projection joue un rôle plus
variable, dépendant des qualités objectives de l'objet maternel, dont l'attitude
passée se prête plus ou moins bien à la projection des tendances agressives,
reproduites bien entendu dans l'analyse.
Dans les cas marginaux (les deux cas choisis concernent des sujets soumis
à des accès dépressifs, l'un dans le cadre de la maniaco-dépressive), il y a une
288 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
régression instinctuelle orale, très poussée, mais ici la régression s'étend plus
largement et touche le Moi (exemple : effondrement de l'estime de soi). Ici
aussi on retrouve la projection et l'introjection, mais « les cas marginaux
montrent que les mécanismes d'introjection-projectionn'ont pas en eux-mêmes
une influence pathogène décisive. C'est la perte de l'intégrité du Moi, bien que
temporaire, qui donne à ces mécanismes un rôle si prédominant dans la for-
mation des symptômes ». Que l'introjection de l'agression prédomine, et ce
sera le délire d'auto-accusation mélancolique ; si la projection prédomine, l'on
aura un état maniaque ou un délire de persécution mélancolique.
Dans les états maniaques ou dépressifs, la régression ne se cantonne pas à
la libido et entraîne aussi le Moi, ce qui les différencie des états névrotiques.
Freeman passe ensuite aux schizophrènes. Il rappelle combien leur transfert,
qui existe, est labile, changeant et intense. Introjection et projection opèrent
chez les schizophrènes comme chez tout le monde. Mais l'auto-agressivité
chez eux peut se court-circuiter sans passer par la culpabilité et le Surmoi.
Les hébéphrènes se mutilent sans culpabilité. C'est que l'introjection et la
projection nécessitent un Moi et un Surmoi constitués et intacts. Elles dispa-
raissent si la structure psychique se « primitivise ».
Freeman attire l'attention sur les modifications de structure chez les schizo-
phrènes ; la polarité entre soi et objet est souvent perdue ou affaiblie ; l'identité
se dissout ; ce trouble structural prédomine dans la schizophrénie chronique.
Il en résulte des formes primaires d'identification confusionnante.
Freeman ne partage pas les vues kleiniennes, qui ramènent les troubles
de la pensée schizophrénique à des défenses. Il ne pense pas que le retrait du
malade soit toujours et nécessairement le fait d'une défense née de l'angoisse
et de la culpabilité. Ce qui peut paraître d'ordre projectif peut être dû au fait
plus simple que le schizophrène ne fait pas le départ entre sa personne et celle
d'autrui ; ce qui n'est pas nécessairement le fait d'une défense contre les
mauvais objets intérieurs. Freeman pense que le psychanalyste peut avoir
tendance à surévaluer la significativité des éprouvés du schizophrène et à
surévaluer la valeur significative de ses propres interprétations verbales.
D'après ses observations cliniques, Freeman conclut que « les processus
survenant dans la schizophrénie ne peuvent être considérés comme défensifs
dans leur but au sens où on l'entend dans les psychonévroses ».
Dans les psychoses, l'organisation (du Moi) qui met en branle les défenses
est gravement atteinte par la maladie. D'où, dans ces cas, une « structure défen-
sive » (selon Hartmann, 1953) particulière.
Freud avait d'ailleurs relevé cette différence en distinguant l'identification
dans la mélancolie et dans l'hystérie.
Ceci mène à la notion de névrose narcissique. Mais Schilder (1926) avait
déjà relevé qu'il faut distinguer le stade narcissique normal du blocage nar-
cissique dans les psychoses.
On en vient à chercher comment se trouble l'alimentation de l'énergie du
Moi. Freud pensait que le Moi utilise une énergie libidinale désexualisée.
Hartmann a envisagé la neutralisation par le Moi à son usage des énergies
agressives. Rappel des travaux de Federn.
Rappel, aussi, des travaux concernant les stades infantiles précoces de
« pré-défenses » (déplacement, régression, retour sur le soi, etc.), fonctionnant
automatiquement avant la constitution du Moi proprement dit. Ce sont ces
défenses qu'on retrouve dans l'hébéphrénie. Freeman souligne que la pro-
jection et l'introjection ne suffisent pas à expliquer le délire, qu'il faut aussi
un défaut du Moi. Katan (1950) distingue la projection délirogène de la
projection habituelle. Katan tient également (1954) que les contenus délirants
LES REVUES 289
ne sont pas une extension simple des fantasmes infantiles. Le conflit homo-
sexuel des schizophrènes n'est pas lié au complexe d'OEdipe négatif. Il y a
rupture entre passé et présent, processus secondaires et primaires, Moi et
réalité.
En somme Freeman adhère à l'hypothèse de Freud (1911), selon laquelle
le trouble libidinal dans les psychoses peut être secondaire à des modifications
du Moi.
Il y a dans la schizophrénie perte de la polarité « Moi-extérieur ». Il en
résulte des troubles qu'on ne peut que par illusion prendre pour des produits
de défense.
La défense dans la psychose vient secondairement réparer la rupture avec
le réel extérieur.
(3) GROTJAHN (M.). — ON BULLFIGHTING AND THE FUTURE OF TRAGEDY (LA
CORRIDA ET L'AVENIR DE LA TRAGÉDIE).
L'auteur commente d'abord avec un certain humour la très grande rareté
des études psychanalytiques sur les courses de taureaux. (« Si le psychanalyste
est forcé d'assister à un tel spectacle, il peut se fortifier par de larges doses de
dramamine et dormir durant toute la course... »)
L'histoire des corridas montre qu'une réalité historique ancienne se dra-
matisa et devint une représentation psychologique dans l'inconscient de
l'homme moderne. D'une part, la vache est historiquement plus ancienne que
le taureau. Elle fut adorée comme donneuse de lait. Le taureau se profila der-
rière elle comme une sorte de consort phallique. D'autre part, le taureau était
sacrifié comme un roi sacré et fertilisant.
Quant à la corrida, elle est un exemple de séduction de l'agresseur. Lorsque
cette séduction est assez parfaite pour qu'une sorte d'unité s'établisse entre le
taureau qui attaque et le matador qui le séduit, entre le père et le fils, la vie et
la mort, alors le sacrifice du taureau apparaît inutile et peut être épargné par
la foule, qui représente la mère.
L'auteur compare la course de taureaux avec la tragédie chrétienne de la
passion et se livre à ce sujet à quelques aperçus philosophiques.
F. C. RACAMIER.
PSYCHANALYSE 19
290 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(3) BION (W. R.). — ATTACKS ON LINKING (LES LIENS ET LES ATTAQUES QU'ILS
SUBISSENT) (p. 308).
(4) TOMAN (W.). — FAMILY CONSTELLATION AS A CHARACTER AND MARRIAGE
DETERMINANT (LA CONSTELLATION FAMILIALE, FACTEUR DÉTERMINANT DU
CARACTÈRE ET DU MARIAGE) (p. 316).
REIDER (N.). — CHESS, OEDIPUS AND THE MATER DOLOROSA (LE JEU DES ÉCHECS,
OEDIPE ET LA MATER DOLOROSA) (p. 320).
Dans un premier cas (impression nocturne que des objets s'éloignent dans
la chambre qui grandit), les objets sont identifiés à des fèces, manipulables à
volonté ; la patiente, au devant du complexe de castration, retournait régres-
sivement à ce mode omnipotent de maniement de l'objet.
Dans le 2e cas, le phénomène se produit tout au début des phases dépres-
sives répétées de la patiente, qui éprouve alors l'impression angoissante d'un
visage qui s'approche en grandissant. Origine orale : le visage est celui de la
mère, et de la patiente elle-même quand, petite, elle faisait des grimaces à son
jeune frère au berceau ; le visage approchant et menaçant exprime la promesse
de satisfaction orale et la peur devant le sadisme des désirs oraux.
3e cas : fillette de 2 ans 1/2, terreurs nocturnes où des chats et des poissons
envahissent son lit, s'approchent et viennent la mordre : équivalents du sein
maternel et du pénis du père, expression et peur du désir oral agressif.
Ce sont des phénomènes régressifs partiels, limités à la sphère perceptive,
surgissant devant la menace d'une régression massive de type psychotique et
constituant une défense contre cette régression.
(3) BION (W. R.). — ATTACKS ON LINKING (LES LIENS ET LES ATTAQUES QU'ILS
SUBISSENT).
L'auteur étudie les attaques destructives effectuées par certains sur tout
ce qui est ressenti comme liant deux objets entre eux, de quoi les prototypes
sont le sein et le pénis.
Tel patient, un cas marginal, se mit à bégayer en séance, attaquant ainsi le
langage en tant que lien entre lui et l'analyste ; un autre, au moment où il
ressentit un lien avec l'analyste, vit un brouillard qui, emplissant la pièce,
l'en sépara.
L'auteur, en bon élève de M. Klein, rattache ces phénomènes à la phase
schizo-paranoïde. Et tient que les sujets étudiés n'ont pas suffisamment pu
utiliser les mécanismes d'identification projective ; la mère n'a pas voulu ou
supporté qu'ils lui injectent leurs émotions ou pulsions. Le lien désiré dut être
défensivement refusé et détruit. Toute émotion devint détestable, ainsi que
le monde extérieur qui les fait surgir.
BENEDEK (Th.).
— THE ORGANIZATION OF THE REPRODUCTIVEDRIVE (L'ORGANI-
SATION DE LA PULSION REPRODUCTIVE) (p. 1).
LOEWALD (H.). — ON THE THERAPEUTIC ACTION OF PSYCHO-ANALYSIS (DE
L'ACTION THÉRAPEUTIQUE DE LA PSYCHANALYSE) (p. 16).
292 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
des limites, d'une variation de degré et non pas de nature en rapport aux règles
de la technique standard. Il rappelle justement que des limites sont imposées,
explicitement ou implicitement, au patient dans la technique standard. Il prend
appui des formulations et préceptes de Freud. Quand elle est nécessaire, l'impo-
sition des limites pare aux déficiences particulières du Moi de certains malades
et elle favorise l'action interprétative et le travail analytique.
P. C. RACAMIER.
REVUE DES REVUES
TOUSSIENG (P. W.), The psychiatric examination as part of the coping study
(p. 128).
MURPHY (L. B.), Pride and its relation to narcissism, autonomy and identity
(p. 136).
MURPHY (L. B.), Coping devices and defense mechanisms in relation to
autonomous Ego functions (p. 144).
BULLETIN OF THE PHILADELPHIA ASSOCIATION FOR PSYCHOANALYSIS (vol. 10,
n° 1, March 1960).
ZETZEL (E. R.), The problem of accreditation (p. 1).
PASQUARELLI (Biaise), Psychoanalysis and religion. A postulated autonomy
in function (p. 10).
KARASIC (J.), Some notes on a fantasy of female castration (p. 18).
RASHKIS (H. A.), A note on the P.T.A. (Parent-Teacher-Association)
(p. 21).
L'ÉCOLE DES PARENTS (n° 5, mars i960).
BERGE (A.), Utilisation éducative de la morale (p. 1).
REVAULT D'ALLONNES (Cl.), L'accouchement sans douleur (p. 17).
LE MOAL (P.), Des enfants désagréables. L'enfant bruyant, l'enfant peu
complaisant, l'enfant bavard (p. 25).
L'ÉCOLE DES PARENTS (n° 8, juin 1960).
BERGE (A.), La veuve (p. 1).
REVAULT D'ALLONNES (Mme), Les parents séparés (p. 15).
SMIRNOFF (V.), La peur chez l'enfant (p. 24).
BIBLIOTHÈQUE
(Octobre 1960)
SIGNES ET ABREVIATIONS
V(1950) Indique le tome et l'année.
V(1950)-VIII(1953) Indique que la Bibliothèque possède la collection
complète du tome V au tome VIII.
V(1950)... Indique que la Bibliothèque possède le tome V
de 1950 et continue à recevoir le périodique.
V(i950), VII(1952) Indique que la Bibliothèque possède le tome V
de 1950 et le tome VII de 1952.
V(195o)-VII(1952) : lac. Indique que la Bibliothèque possède la collection
du tome V de 1950 au tome VII de 1952, mais il
manque quelques fascicules.
Problèmes techniques
de la cure
des névroses obsessionnelles(1)
par S. NACHT
Vous n'êtes pas sans avoir remarqué que nous nous proposons de
vous entretenir des problèmes techniques que pose le traitement de
la névrose obsessionnelle et non pas de la technique thérapeutique
de la névrose obsessionnelle.
Nous ne pouvions vous promettre ce que nous n'aurions pu tenir.
En effet, il n'y a pas de technique particulière pour le traitement
des névroses obsessionnelles, pas plus que pour telle autre névrose.
Vous savez combien est relative la valeur que nous attachons aux
symptômes et à leur évolution tout au long de la cure.
Il en est de même quant à leur groupement formant cet ensemble
qui constitue la névrose. Celle-ci est d'abord la cuirasse derrière
laquelle s'abrite l'être véritable, mais cette cuirasse devient ensuite
un carcan étouffant. Or, c'est cet être véritable que nous nous proposons
de toucher, d'atteindre afin de le délivrer.
L'être craintif, apeuré, qui essaye de trouver une protection derrière
la névrose, est toujours le même dans son essence, quelle que soit
la forme qu'il ait pu donner à l'abri névrotique qu'il s'est échafaudé.
C'est pourquoi la technique thérapeutique est aussi toujours la
même. Seules des modalités différentes dans leur application sont néces-
saires. Mais ces modalités ne sont pas tant dictées par la forme de
la névrose elle-même, que par les particularités de celui qui l'a forgée.
Mme Luquet vous dira tout à l'heure probablement quelle a été sa
surprise de ne pas trouver dans la littérature psychanalytiquede travaux
portant expressément sur la technique du traitement des obsédés.
Après ce que je viens de vous dire, cela n'a rien d'étonnant.
Bouvet, avec son sens clinique si exceptionnel, et son souci pas-
sionné de trouver la note technique la plus juste, s'est efforcé, lui
PRÉAMBULE
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
(1) Onremarquera l'ambiguïté de notions telles que : relation objectale, relation d'objet.
Théoriquement, la relation objectale signe une maturation suffisante de la libido.
324 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
AVERTISSEMENT
Le matériel clinique de la présente étude est tiré de l'analyse d'un
cas de dépersonnalisation que le Dr Pierre Marty a bien voulu contrôler
au cours des années 1956-1958.
INTRODUCTION
(1) P. FEDERN, Ego psychology and the psychoses, chap. 12, Basic Books, N.Y., 1955.
(2) A. PETO, On the so-called « depersonalisation », Intern. j. psychoanal., 1955, XXXVI, I.
(3) P. SCHILDER, The image and appearance of the human body, Intern. Universities Press,
N.Y., 1950.
336 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
PRESENTATION DU CAS
Agnès est une femme d'une quarantaine d'années, d'allure jeune,
simple et énergique. Originaire d'une famille paysanne pauvre, elle
garde de son enfance l'image d'une vie matériellement et moralement
dure. Elle était constamment aux prises avec une mère « égoïste et
tyrannique », derrière laquelle s'effaçait le père et qui, apparemment,
n'a jamais su recevoir ni donner d'affection. L'échappatoire pour Agnès
était l'école, elle y trouvait le moyen de se soustraire à l'emprise mater-
nelle, de s'isoler loin du climat chargé de la maison. Ayant ainsi obtenu
son certificat d'études, elle quitte le domicile de ses parents, décidée à
devenir infirmière, et va, à cet effet, suivre un cours spécialisé dans une
ville voisine. De là, elle se dirige vers Paris où elle fait un stage dans
un hôpital de religieuses, puis elle est à la recherche d'un travail. Le
Dr X..., qu'elle désignera au cours de l'analyse par « le médecinde M... »,
l'engage comme infirmière et cet engagement marquera le tournant
décisifde sa vie privée et professionnelle. Elle tombe aussitôt amoureuse
de lui, malgré le grand écart d'âge qui les sépare, et devient sa maîtresse,
en dépit de l'impuissance dont il souffrait. Et cet amour sera pour Agnès
la grande force motrice dont elle avait besoin pour s'affirmer. Il la
poussera à poursuivre ses études, d'abord en préparant son baccalauréat
qu'elle décrochera en deux ans, ensuite en faisant l'école de médecine.
A cette époque, à la suite de sa rupture avec le Dr X..., elle rencontre
un autre médecin, qu'elle épouse par amour et dont elle aura, quelques
années plus tard, deux fillettes, de 5 et 3 ans.
Au moment où elle entreprend son traitement psychanalytique,
Agnès se trouve dans une situation paradoxale, elle est provisoirement
séparée aussi bien de son mari, retenu à l'étranger, que de ses enfants,
confiées aux bons soins de sa soeur aînée, qui vit encore à la campagne.
Cet état de chose est la suite dramatique d'une violente crise d'angoisse
qui se déclenche alors qu'Agnès est avec son mari à l'étranger, l'obligeant
à revenir se faire soigner à Paris. Là, elle passe d'abord par une psycho-
thérapie qu'un collègue estime indispensable à cause de ses difficultés
de verbalisation et de l'impossibilité qu'elle éprouve de s'allonger sur
le divan. L'angoisse cède momentanément et la patiente, se croyant
guérie, pense qu'il est superflu d'aller jusqu'au bout du traitement.
Cependant, quelques mois plus tard, en assistant à la pièce de Sartre,
Huis clos, l'angoisse éclate de nouveau, tellement intense qu'elle se
résout à venir me voir pour une psychanalyse proprement dite.
Voici comment Agnès présente son état morbide. Depuis toujours,
PSYCHANALYSE 22
338 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) Cf. FEDERN, Any change of au object in the room, or any sound, is sensed by sueh an
individual [in depersonalisation] as happening within themselves..., ibid., p. 252.
340 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) S. FERENCZI, The phenomena of hysterical materialization, Selected Papers, vol. II,
Basic Books, N.Y., 1932.
LE CORPS ET SES METAMORPHOSES 343
(1) Cf. B. GRUNBERGER, Conflit oral et hystérie, Rev. franc, de psychanalyse,XVII, 3, 1953.
(2) L'identification multiple culmine dans une image du corps monstrueux. Dans un rêve,
par exemple, Agnès se voit léchant ses propres seins, tout en se masturbant par le clitoris, l'anus
et le vagin, avec le sentiment d'être « remplie partout ». En outre, quant à la disposition spatiale,
elle est sous les couvertures du lit en même temps qu'elle regarde, par-dessus les couvertures,
sa mère qui la surveille. Autre rêve significatif : couché sur le lit, un Arabe suce son propre pénis
qui lui arrive à hauteur de la bouche. De telles images montrent déjà que, sur le plan inconscient,
Agnès condense le couple parental pendant le coït, en un seul corps imaginaire. C'est cette
condensation qui amorce la dépersonnalisation.
(3) Sans cette inflexion sur le corps, l'identification multiple dans la scène primitive donne
lieu à l'équivalent proprement névrotiquede la dépersonnalisation,à savoir le vertige de l'identité
personnelle, qu'il importe de distinguer de la dépersonnalisationdans les états pré-psychotiques.
LE CORPS ET SES MÉTAMORPHOSES 345
cette image, qui est une transposition sur le plan animal agressif de
la scène primitive, « se confond » tout de suite avec celle de la mère-
pigeonne introduisant son bec dans le bec de l'enfant-pigeon pour y
vomir de la nourriture. Aucune trace de nausée. Agnès semble ainsi
plus disposée à faire face à son désir d'incorporation, parce qu'elle
éprouve dans l'analyse une sécurité plus grande, après avoir vécu et
plus ou moins exorcisé sa terreur des animaux. Qu'on compare ce
fantasme dans lequel le bec de la mère-pigeonne se trouve à l'intérieur
du bec de l'enfant-pigeon, avec le rêve de l'anus maternel dans lequel
la patiente est aspirée, pour se rendre compte du chemin parcouru.
La forme où s'inscrit le désir oral continue de se préciser, et en
premier lieu, dans le vécu corporel de la patiente. « Pour avoir du plaisir
en me masturbant, dit-elle, je dois imaginer que vous êtes en train de
m'embrasser le clitoris. Le mouvement de succion m'excite, alors
que le chatouillement du clitoris seul m'énerve. C'est difficile à exprimer.
Je vois davantage le mouvement de succion que le clitoris excité et
je sens le mouvement de succion dans ma bouche. » Or, ce mouvement de
succion lui fait penser au mouvement de téter la mère comme au
sentiment de sécurité que procure le sein : « D'ailleurs, le clitoris et le
mamelon ont la même structure, ce sont deux petits organes érectibles. »
Soulignons que la patiente me voit ici en tant que bouche dans
un corps par ailleurs indéfini :.« Au fond, le sexe n'a pas d'importance,
conclut Agnès. Ce dont j'ai besoin, c'est d'une bouche. Je suis restée
attachée à ma mère comme une enfant. Mes rapports sexuels avec les
hommes ont lieu dans ma tête et non pas dans mon ventre. »
Agnès en arrive, par le biais de ce détour, à formuler correctement
ce qu'elle appelle le « vrai problème » : « Mon problème avec ma mère
est le squelette de tous mes troubles. C'est le thème constant malgré
les variations. » Aussi, au lieu de tergiverser, est-elle résolue à livrer
le « combat décisif ». C'est alors que sa mère lui apparaît sous les traits
d'une pieuvre à 12 tentacules, avec de petits yeux brillants et une
grande gueule pourvue d'une poche pleine de noir qui se répand.
« Une pieuvre se trouve dans l'eau, je ne me sens pas dans l'eau, mais
je suis quand même dans le noir. » Elle veut s'approcher de la pieuvre,
malgré ses tentacules, lui planter un couteau dans le ventre, ce qui
l'étonné justement en raison de sa phobie des couteaux. Mais l'impor-
tant, en l'occurrence, est la manière étrange dont elle vit cette agression
contre la mère : elle se sent comme hypnotisée, elle « flotte », elle parle
sans contrôle et les images viennent d'elles-mêmes, sans effort, presque
automatiquement. « Ce que je vous dis je le sens, mais je le sens
360 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
« LE CONFLIT INSOLUBLE »
poste, elle écrit une adresse dont elle ne se souvient pas. Pour Agnès,
il s'agit d'un pénis comestible « qui se balade dans la nature ». Il lui
rappelle les feux follets qu'elle observait la nuit dans le cimetière du
village, l'animal maléfique dans l'étable ainsi que la gousse africaine.
Arrivée à ce point de l'analyse, Agnès sent une nouvelle « impulsion »
qui succède à son désir de me regarder : celle de se lever du divan
pour me toucher. Un tel comportement, qui équivaut pour elle à la
destruction de la raison, s'accompagne d'une angoisse mortelle : « Vous
toucher, dit-elle, c'est la mort pour moi, c'est la folie, c'est comme si
je me jetais par la fenêtre. » Et, au paroxysme de sa crise, au bout de
sa résistance, elle fait un rêve d'une importance décisive. Portant une
énorme croix sur le dos, Agnès monte avec difficulté sur un tapis
roulant et manque à plusieurs reprises de tomber et de mourir. Elle
se trouve finalement au seuil du grenier de la maison de son enfance :
là, elle voit sa mère couchée par terre, en bas noirs et les jambes large-
ment écartées, dans l'attente de faire l'amour avec trois hommes. Elle
est complètement indifférente vis-à-vis de sa fille : Agnès se sent
abandonnée par sa mère et, en même temps, jalouse d'elle parce qu'elle
lui préfère les hommes. Rappelons que le grenier est associé à deux
événements précis : d'un côté, à l'' « animal des terreurs » et, d'un autre
côté, à la mère qui s'y cachait après ses brouilles avec son mari pour
faire croire à sa disparition. Agnès souffre terriblement de l'indifférence
de sa mère : « Ma mère ne s'occupe pas de moi, elle s'en fiche si je
suis morte ou vivante, elle ne pense qu'à faire l'amour avec trois
hommes. » Dans l'angoisse et la dépression, Agnès se sent « morte
psychiquement », devenir « une loque », dépersonnalisée : en elle,
quelque chose commence à craquer. « J'ai joué le jeu, mais je n'en
sortirai pas, je vais devenir folle. Je n'existe plus, je suis finie. » Le
fait est qu'Agnès est irrémédiablement engagée dans une impasse
pulsionnelle où elle est acculée à faire face à un « conflit insoluble »
qui, du point de vue de l'expérience vécue du sujet, se joue sur deux
plans : sur le plan génital, il y a l'amour pour le père dont la réalisation
signifie pour Agnès la mort de la mère-rivale. Sur le plan pré-génital,
il y a l'amour exclusif pour la mère et le désir de supprimer le père-
rival. Ainsi, les deux tendances se détruisent mutuellement, il est
impossible d'avancer ou de reculer, le déchirement et la mort sont
partout. Ces pulsions contradictoires, c'est cela précisément que la patiente
a projeté dans la scène primitive. Agnès est donc partagée entre des
émois libidinaux qui préfigurent la destruction de leur objet et qui,
partant, annoncent sa propre mort ; sous l'emprise de cette menace
LE CORPS ET SES MÉTAMORPHOSES 365
dont Agnès a tant besoin, est celle d'être pénétrée par mon pénis depuis
le vagin jusqu'à la bouche.
Poursuivant son fantasme au cours d'une autre séance, Agnès
finit par prendre conscience d'elle-même en tant que corps kinétique.
Elle me voit en train d'avoir un coït vaginal avec elle, ma bouche sur
la sienne et mon doigt dans son anus, le plaisir anal se confondant avec
la jouissance vaginale. Toutefois, elle est absolument incapable d'ima-
giner l'allure que mon corps prend dans cette position, incapable aussi
de sentir le rôle que ses jambes peuvent jouer en l'occurrence : « Je
ne vois pas ce que je peux en faire », dit-elle. D'une manière générale,
elle n'a jamais senti, durant le coït, l'existence de ses bras et jambes :
seul existait son corps statique, dépourvu de ses membres, tel un tronc
d'arbre. Quelque chose de nouveau commence déjà à se dessiner :
le pouvoir de préhension, concentré sur la bouche, se déplace progres-
sivement vers les autres parties du corps. C'est ainsi que les bras et
les jambes peuvent désormais, à l'instar des mâchoires, se refermer
sur le partenaire éventuel. Dans cette perspective qu'elle vient d'entre-
voir, Agnès envisage pour la première fois la possibilité de jouir avec
tout son corps : elle a le sentiment que son vagin contient 4 ou 5 bouches
pour sucer, comme un sucre d'orge, le pénis sur toute sa longueur,
« avec toutes les cellules gustatives ». Aussi désire-t-elle avoir une bouche
aussi longue que le bec de la « gousse africaine » : c'est là le sens précis
de cette image d'emblée terrifiante. Pourtant, le vagin est une bouche
sans dents, capable, par conséquent, de « jouir du pénis sans destruction,
c'est-à-dire sans limite ». Le corps reçoit donc une nouvelle structure
en fonction des pulsions orales libérées : les jambes qui tiennent le
partenaire et le vagin qui suce le pénis, n'est-ce pas là deux aspects
complémentaires de l'expérience vécue de la bouche ? Et le pénis
lui-même, n'est-il pas l'équivalent de la langue dans la cavité buccale ?
La bouche devient ainsi le prototype structural qui régit la métamor-
phose de l'image du corps chez Agnès : elle est à la base du désir que
la patiente n'a cessé d'exprimer de faire corps avec moi, de se manger
elle-même en faisant l'arc de cercle, d'être en moi et moi en elle, de
former un rond. On peut dire en effet que le rond est la figure qui sous-
tend toutes les images du corps chez Agnès et, d'autre part, que le rond
reflète l'image narcissique et sécurisante de la bouche fermée sur
elle-même, pleine de sa propre chair et jouissant de son intimité à
la fois passive et active.
L'annonce de mon retour en Egypte met à l'épreuve la solidité
de la nouvelle image du corps en voie de formation. En exacerbant
PSYCHANALYSE 24
370 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) La phobie des altitudes chez Agnès ne se comprend qu'à partir de la notion de l'image
du corps oral-anal. On peut en dire autant de la phobie des animaux dans laquelle le choix de
l'animal phobogène est fonction directe du vécu corporel. Il est ici une partie du corps imagi-
naire. Cf. J. MALLET, Contribution à l'étude des phobies, Conférence des Psychanalystes des
gangues romanes, Paris, nov. 1955.
LE CORPS ET SES MÉTAMORPHOSES 371
lui conférant une atmosphère de magie que nous avons cherché à faire
ressortir. La mise à jour, à l'intérieur de l'expérience vécue du sujet,
de l'enchevêtrement du réel et de l'imaginaire, amorce la libération
décisive, en permettant l'introjection, depuis longtemps débauchée,
du pénis-sein. C'est à la faveur d'une telle introjection qu'Agnès
retrouve finalement le sentiment de son unité corporelle.
Encore un fantasme masturbatoire. Agnès qui suce mon pénis-sein
avale à un rythme régulier les gorgées de lait qu'elle sent dans sa
bouche. Ce faisant, elle a l'image d'un pénis très long qui, au travers
du ventre, part de la bouche pour atteindre le vagin. Au même moment,
elle éprouve un plaisir qui se répand le long de son corps et qui lui
donne le sentiment de posséder un corps unifié : « Tout ça, dit-elle,
ne fait qu'une muqueuse qui se dilate. » Pas besoin donc d'avoir deux
pénis comme dans l'image « traumatisante » du tronc d'arbre : un seul
suffit. « C'est l'axe autour duquel je me construis, c'est la colonne
vertébrale qui maintient mon corps. »
A la séance suivante, Agnès est à même de reconstituer la scène
de l'étable. Elle urinait, à côté de son père, occupé à traire la vache,
en envoyant le jet de lait au chat qui le buvait. Agnès fait remarquer
la curieuse ressemblance entre le pénis et le pis de vache, ressemblance
qui est à l'origine de la condensation pénis-sein. « J'ai peut-être voulu
être à la place du chat et boire le lait de mon père. Mais c'est à ce
moment-là que j'ai vu l'animal des terreurs. » Cet animal renvoie à
Agnès l'image méconnaissable de sa propre voracité et, finalement,
nous ramène à la scène primitive : aussi, Agnès désire-t-elle remplacer
la mère afin de pouvoir boire, avec sa deuxième bouche, le bon lait
« paternel ».
L'introjection du bon sein se poursuit comme en témoignent,
entre autres, les deux rêves suivants. Dans le premier, qui s'accompagne,
en outre, d'un sentiment de liberté intérieure, Agnès savoure une
grosse orange. A côté d'elle, vient s'asseoir une grosse femme qui lui
ouvre les yeux comme pour la ressusciter ou pour la tirer d'une hypnose.
Voici un fragment d'un deuxième rêve de guérison : à la cuisine de la
maison de son enfance, je dis à Agnès qu'elle est en train de liquider
le transfert à toute allure. Nous traversons ensemble un pont, puis
une forêt sombre, avant de nous trouver sur une place publique animée.
Là, je lui donne à boire de l'eau dans un calice ayant la forme d'un
tuyau. Elle hésite un instant, mais finit par le prendre et vider son
contenu.
Au terme de cette évolution de l'image du corps, Agnès se sent
372 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
CONCLUSION
(1) Jeanine CHASSEGUET-SMIRGEL.A noter par ailleurs que le traitement d'Agnès avec moi
a duré 426 séances.
(2) Cette constatation va à rencontre de la thèse soutenue par Jeanine Chasseguet-Smirgel
qui considère la scène primitive comme une réalité sensorielle par essence traumatisante. Je
pense plutôt que le manque d'indices objectifs favorise l'élaboration fantasmatique de l'évé-
nement et c'est cette élaboration projetée qui constitue le traumatisme à proprement dit, si
traumatisme il y a.
LE CORPS ET SES METAMORPHOSES 373
(1) Cf.F. PASCHE : 1 Chaque parent représente l'une des pulsions en conflit et l'autre, la
pulsion contraire, les rôles pouvant d'ailleurs être intervertis au cours du même fantasme. »
L'angoisse et la théorie freudienne des instincts, p. 97, Rev. française de psychanalyse, janv.-
mars 1954.
(2) K. ABRAHAM, A short study of the development of the libido viewed in the light of
mental disorders, Collected Papers, Hogarth Press, I,ondon, 1949.
(3) S. FREUD, Les pulsions et leurs destins, Métapsychologie, p. 59, Gallimard, 1937.
374 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) Cf. S. LEBOVICI et R. DIATKINE : « Il apparaît donc que l'enfant vivait les relations
sexuelles de ses parents exactement sur le même mode que sa relation agressive et angoissante
avec sa mère », Étude des fantasmes chez l'enfant, Rev. franc, de psychanal., 1954, XVIII, 1.
Cf. Melanie KLEIN, Contributions to psycho-analysis, Hogarth Press, IyOndon, 1950. — ID.,
Psychoanalysis of children, Hogarth Press, London, 1950.
(2) Cette incapacité, on la retrouve également dans des situations de la vie courante. Cf.
phis haut : « La scène primitive dans le corps. »
(3) S. FREUD, Les pulsions et leurs destins, Métapsychologie, p. 39.
LE CORPS ET SES MÉTAMORPHOSES 375
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sages et mesurés dans leur mode de vie, évitant tout excès, confinés à
leurs études et à leur vie familiale, tout en se manifestant à l'égard de
leurs collaborateurs et de leurs employés altruistes et généreux. Plus
de 10 ans avant la naissance de Léandre étaient nées deux soeurs
savantes, intelligentes et harmonieuses et qui ont représenté pour
Léandre des figures oedipiennes auxquelles il est encore fort attaché.
Le petit garçon est né dans des conditions difficiles, contre l'avis
des médecins, en fonction de l'affection tuberculeuse de la mère. Il
n'en a cependant pas été séparé, si ce n'est par un précoce sevrage.
L'enfant s'est développé harmonieusement et a fait normalement les
premières acquisitions neuro-motrices de l'enfance. Il se révèle un
enfant surdoué, précoce en toute chose, extrêmement vif et dynamique,
d'emblée émotif, hautement susceptible, et adoptant dans ses relations
avec ses camarades un style compétitif qui n'avait échappé à personne.
On ne signale pas dans l'enfance des stigmates névrotiques bien précis.
Toutefois, il semble bien avoir eu des périodes de peur et de phobie
et de petites formations compulsives qui auraient pu être survalorisées
par des parents très attachés à découvrir les symptômes morbides de
l'évolution de Léandre, en fonction de l'évolution paternelle. On
signale notamment, à 6 ans, une période de phobie des avions, après
la chute d'un aéroplane dans les environs du domicile parental. Cela
prend une signification au vu de l'intense désir de Léandre de devenir
pilote de chasse militaire. A l'âge de II ans, Léandre doit refaire une
année de l'école secondaire dans laquelle il avait été placé. Il supporte
fort mal cet échec, exprime ses sentiments de dévalorisation et sa
dysphorie, en constatant qu'il est dépassé par son camarade de jeux,
contemporain, fils aîné d'une famille habitant dans le voisinage
immédiat. Dès cette époque, Léandre devient timide, inhibé, bien
qu'il garde avec ses contemporains des relations sociales dynamiques
et riches. Ce n'est qu'à 15 ans que ce garçon commence à se décompenser
et que les symptômes morbides apparaissent. A cette époque, les
parents me le montrent pour la première fois, en me demandant de
lui donner quelques explications sur l'évolution pubertaire et les méca-
nismes de la vie sexuelle. Il s'agit alors d'un jeune homme physiquement
bien développé, évidemment surdoué, hyperémotif, hautement narcis-
sique, très susceptible dans toutes ses relations sociales, à ce qui pourrait
atteindre à son sentiment d'intégrité et de valeur. J'avais choisi, à ce
moment-là, d'attendre avant d'intervenir sur un plan plus profond et
plus systématique, mais ce sont ses parents qui me l'ont ramené, en
fonction de l'évolution défavorable qui s'était produite dans la dernière
ASPECTS STRUCTURAUX DE L'ADOLESCENCE 387
lui. D'après moi, elle doit plutôt être gênée et justement je ne peux
pas être fort parce que mon père est faible. Oui, je me demande si
mes parents, en général, aiment faire l'amour. Je crois ma mère gênée
en certaines occasions. Je crois ma mère pas forte. Je ne la vois pas
très bien pelotée par mon père... »
Mais, en même temps, la rupture de la communication visuelle
d'avec l'analyste, l'impossibilité de contrôler ma mimique et mes
réactions provoquent une grande anxiété qui s'exprime essentiellement
sur le plan de son schéma corporel et de ses préoccupations hypo-
condriaques. Pour comprendre ces phénomènes, je pense qu'il faut
revenir aux structurations de la relation d'objet. Le malade, dans sa
profonde régression, alors que précisément il a une perception du
monde modifiée en fonction de son schéma corporel transformé,
a tendance à se morceler et à perdre sa cohésion, en même temps qu'il
ne peut se sentir et se regarder narcissiquement dans son objet : le
psychothérapeute. Tel le nourrisson qui, dans les huit premiers mois
de sa vie, élabore son schéma corporel et découvre les limites de son
corps, et la réalité matérielle de son visage, dans la perception répétée
multiquotidiennement du visage maternel, ainsi l'adolescent, au
moment du remaniement de son schéma corporel, a-t-il besoin dans
sa régression psychothérapique de se réassurer en se mirant lui-même
dans le visage de l'analyste. C'est en ce sens que je pense que la tech-
nique du divan doit être utilisée avec une certaine prudence chez les
adolescents et surtout ceux dont la cohésion du Moi paraît fragile.
Je pense qu'il serait intéressant de donner ici in extenso deux séances
de cette phase du traitement de Léandre.
« J'ai toujours peur en venant chez vous parce que... cette semaine
je me suis senti bien et fort, mais j'ai beaucoup transpiré parce que
j'avais peur de rougir. Peur à table surtout que les gens me regardent,
les yeux sont perçants. Rougir, ça vient de ce que je me masturbe...
J'aimerais que vous me donniez des hormones pour être fort, que je
puisse aller tard au ht, que je ne transpire pas, que j'aie un squelette
plus fort. Hormones pour n'avoir peur de rien, pour avoir l'aspect
fort ; pourquoi vous ne voulez pas me donner des hormones ? Pourquoi
vous ne voulez pas me répondre ? » Je lui montre en trois mots que lui
donner des hormones diminuerait la sécrétion de ses testicules et que,
finalement, il en serait moins viril. Il me répond immédiatement que
c'est précisément ce qu'il veut : « Je veux les deux. Vous voudriez que
je transpire, que je rougisse, mais je ne transpire pas et je ne rougis pas.
Vous avez peur que je sois plus fort que vous, vous seriez ainsi bien
ASPECTS STRUCTURAUX DE L'ADOLESCENCE 391
emmerdé. Il ne faut pas que je le dise trop fort, vos yeux, vous avez
un regard méchant, je voudrais être un homme avec un pénis qui
marche bien...
« Pour vous embêter, je pourrais rester sans rien dire. Si je parle,
c'est que je montre de la bonne volonté. Ce matin, je n'étais ni très
beau ni très fort. Tout au cours de cette semaine, je me suis masturbé,
j'ai rêvé, ça finit par me détruire. Je m'épuise en rêvant que je pelote
des filles.
« Léandre est intelligent. Vous avez l'air de beaucoup noter de
choses, cela veut dire qu'il y a beaucoup de choses intelligentes qui
méritent d'être notées. Chez moi, on avait fait une cave où on pouvait
aller danser. Ce qui était très sexy, c'est qu'on dansait lumière presque
éteinte. Actuellement, je rêve souvent à ça. Je rêve que j'ai des filles
dans mes bras, ça me fait bander, ça m'excite, c'est comme ça que je
m'épuise et que je me fatigue. Je me mets dans l'ambiance comme si
j'étais là-bas. Je peux sentir les seins des filles contre moi. Une fois,
j'étais allé à Ouchy avec l'auto, avec une Suédoise. Je l'avais embrassée,
ça m'avait fait bander. Ça montre que Léandre est un homme, je l'avais
pelotée, j'étais tout excité. Peut-être, ce soir, ce sera comme ça. Ainsi,
Léandre se fatigue et s'épuise. C'est comme dans les rêves. J'aimerais
toujours devenir pilote. Léandre arrive à l'aérodrome de Sion en
hélicoptère. J'imagine que le Gymnase des jeunes filles fait cours
d'école là-bas. Elles sont attablées au restaurant, Léandre, beau jeune
homme, saute de l'appareil, habillé en blanc dans une grande combi-
naison de pilote. Il a une serviette à la main, paraît très affairé. J'imagine
que ça ne me gêne pas que les filles me regardent. Il a pris un médi-
cament avant et ainsi il tient le coup. Des hommes l'attendent : « Est-ce
« que vous avez apporté la serviette avec les documents ? », lui deman-
dent-ils. Les jeunes filles comprennent la conversation. Léandre
proteste : « C'est pas du boulot, je dois trop travailler, depuis deux
jours j'ai pas dormi. » Léandre est en colère. Les jeunes filles voient
combien Léandre est quelqu'un d'important et de puissant...
Léandre est nerveux, il a marre de tout ça. « Vous vous débrouil-
lerez de trouver quelqu'un d'autre pour faire ce travail. » Mais les
messieurs essaient de le persuader, il boit juste quelque chose, il
remonte dans l'appareil et il repart. Tout ça montre que Léandre est
un homme important.
« Je dois toujours raconter ces rêves pour essayer de me purifier...
Ce soir, Léandre va peut-être embrasser des filles. Je ne suis pas beau,
c'est ce qui m'embête le plus.
392 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
je n'ai jamais été handicapé par mes positions viriles dans le traitement
des enfants, même très jeunes, à l'adolescence, je me suis, à plusieurs
reprises, trouvé gêné par des identifications massives des filles. Si,
déjà auparavant, elles présentaient une revendication phallique intense,
cette position défensive ne faisait que réactiver leur conflit de castration,
sans pouvoir y donner une véritable solution. A deux reprises, je me
suis trouvé dans une situation d'analyse interminable et je serais heureux
que l'on puisse parler ici, dans la discussion, de cette expérience. Elle
est évidemment trop mince pour que je puisse en tirer une définitive
conclusion. S'agit-il de cas particuliers ? ou d'une faute de technique ?
ou d'un problème contre-transférenciel ? Il me paraît cependant, que
ce phénomène pourrait avoir une signification plus générale et tenant
à la fois aux identifications et à la dépendance des jeunes adolescents.
Il est probable, du reste, que la situation inverse ne soit pas la
même et qu'une femme analyste puisse fort bien prendre en charge
un adolescent mâle en fonction du rapport maternel qui ne manquera
pas de sous-tendre leur relation.
Enfin, il est un ultime mécanisme de défense sur lequel il me
paraît important d'insister quelque peu, en fonction de son caractère
spécifique et de son importance au moment de la crise pubertaire,
phénomène qui me paraît avoir été jusqu'ici peu abordé par les auteurs.
Je veux dire la négation par le fantasme. Nous n'allons pas entrer
ici dans une longue discussion sur la définition du fantasme et, par là,
réanimer une ancienne querelle qui, entre psychothérapeutes d'enfants,
n'a plus actuellement qu'une valeur historique. Et cela d'autant plus,
que je ne voudrais pas aborder le problème des fantasmes inconscients,
mais des fantasmes conscients ou des fantaisies que Léandre a produits
en grand nombre au courant de ce traitement et dont vous avez eu
deux exemples dans les séances que j'ai citées in extenso. Ces fantaisies
vraies ou fantasmes conscients, hallucinés, ont des caractères distincts.
Leur caractère conscient est la preuve de la nécessité d'une organisation
suffisante du Moi pour qu'ils apparaissent. On ne les trouve comme
tels, élaborés, que dès la période de latence, rarement plus précocement
chez les enfants surdoués et verbalement bien développés. Ils connais-
sent une efflorescence particulière durant toute la phase de latence.
A la puberté, ils sont encore dynamiques, mais avec des caractères
différents, en ce sens qu'ils ne sont plus exprimés sur un plan ludique,
dans le jeu du groupe, mais essentiellement verbalisés et exprimés le
plus souvent dans des productions littéraires, ceci bien sûr en dehors
d'une intervention thérapeutique. Dès la puberté, la fantaisie, en
ASPECTS STRUCTURAUX DE L'ADOLESCENCE 399
Moi. S'il n'en est rien et si, au contraire, dans la crise pubertaire, la
négation de la réalité par le fantasme prend plus d'importance que
jamais, cela tient probablement à l'affaiblissement et aux distorsions
du Moi, contemporaines de l'irruption libidinale et de l'instauration
de la primauté génitale. Il signifie, une fois de plus, un certain degré
de confusion mentale pré-psychotique, une certaine forme de perte
de cohésion du Moi qui pourrait annoncer l'activité délirante repré-
sentant l'aboutissement morbide de la négation de la réalité.
Je voudrais encore discuter ici le problème de la transformation
du schéma corporel de l'adolescent et les implications de cette brutale
évolution somatique dans la perception de la réalité. Liée aux méca-
nismes de défense cités plus haut, en effet, il n'est pas douteux que
l'adolescent, au moment où il se transforme, vit toujours une certaine
forme de transformation de la perception du monde, comme Léandre
l'exprimait en exposant sa souffrance au début du traitement. Il faudrait
rappeler ici les travaux de Lacan sur l'évolution du schéma corporel,
à la faveur des premières expériences infantiles. Rappelons en quelques
mots que, dans les premiers mois, le nourrisson, au stade pré-objectal,
vit dans un monde où l'espace environnant et le corps du sujet sont
confondus. La maturation neuro-biologique permet à l'enfant, d'une
part, de contrôler sa motilité et, par là, la progressive prise de conscience
proprioceptive de son corps propre, tandis que, d'autre part, il découvre
le visage, puis le corps de sa mère, l'amenant à cette expérience capitale
qui, comme on le sait, se situe aux environs de 8 mois, de l'identité
spéculaire dans leur unité et leur individualité de son corps propre
avec celui de la mère — stade du miroir de Lacan.
Le pubertaire revit ses premiers émois pré-verbaux et pré-objectaux
dans la transformation vécue souvent rapidement, en quelques mois,
de son corps. La maturation sexuelle, l'apparition des signes sexuels
secondaires, le nouveau modelage de la charpente squelettique et
musculaire l'amènent à s'identifier au parent adulte du même sexe.
Cette identification doit se réaliser, non plus sur un plan magique, en
un certain sens protecteur, comme chez l'enfant dans sa flambée
oedipienne, mais sur un plan de réalité. L'objet prend une forme et
une dimension nouvelle, érotisée comme il ne l'a jamais été dans
l'important investissement génital. En même temps, l'adolescent
remanie ses fantasmes inconscients, à la faveur de l'expérience
orgastique. La scène primitive prend sa valeur définitive et complète-
ment génitalisée. En bref, on ne peut être que frappé de l'identité
entre le vécu du nourrisson, faisant l'expérience de l'identité spéculaire
ASPECTS STRUCTURAUX DE L'ADOLESCENCE 4O1
telle qu'elle est pratiquée actuellement aux États-Unis. On a donc envoyé des
questionnaires dans des centres variés et nombreux et les rapports qui paraissent
dans ce numéro font surtout foi de la déception que procure le dépouillement
des réponses. Celles-ci soulèvent surtout de nombreuses autres questions et il
semble que les résultats ne soient pas proportionnés aux dépenses de temps
et d'argent occasionnées par ce travail.
On note cependant l'importance des psychothérapies faites par les assis-
tantes sociales psychiatriques qui vont même jusqu'à effectuer des contrôles.
Le rôle des psychologues dans ce domaine semble moins défini et moins
important. Il semble aussi que très souvent les cas sont distribués en fonction
des possibilités plus que des compétences.
HOLZBERG (Jules D.) (Chairman).
— PROBLEMS IN THE TEAM TREATMENT OF
ADULTS IN STATE MENTAL HOSPITALS, PANEL, 1958 (PROBLÈMES POSÉS PAR LE
TRAITEMENT EN ÉQUIPE D'ADULTES DANS LES HOPITAUX PSYCHIATRIQUES).
D'après les différents exposés faits à ce séminaire, l'introduction du travail
en équipe dans les hôpitaux psychiatriques ne va pas sans rencontrer diverses
difficultés et oppositions dont traitent les rapporteurs.
Holzberg signale l'histoire des hôpitaux psychiatriques, la tradition d' « auto-
ritarisme » difficile à modifier.
Paplau considère que la notion d' « équipe » venue du sport n'est peut-être
pas adaptée au travail en hôpital psychiatrique ; il montre les différences entre
les deux situations, parle d'expériences malheureuses où les membres du
personnel se sont sentis critiqués par l'instauration de cette nouvelle organi-
sation et estime finalement qu'il y a des idées à glaner dans le système d'équipe,
en en laissant le nom de côté.
Réticences également chez Padula qui estime que la différence entre
child guidance clinic et hôpital psychiatrique est trop grande pour permettre
une simple transposition. En effet, les malades hospitalisés sont pour la journée
entière sous une surveillance quelconque et elle craint que le travail en équipe
ne leur laisse plus la moindre liberté et responsabilité, si même les distractions,
les repas, etc., sont inclus dans la thérapeutique. Elle propose donc de retenir
l'idée, mais de l'adapter en composant l' « équipe » selon les circonstances
individuelles (exemples).
FENICHEL (Carl) et coll. — A DAY SCHOOL FOR SCHIZOPHRENIC CHILDREN
(UNE ÉCOLE DE JOUR POUR ENFANTS SCHIZOPHRÈNES).
L'article expose l'expérience et les résultats des cinq premières années
d'une école de jour pour enfants schizophrènes. Cette école a été ouverte pour
permettre aux enfants schizophrènes de rester chez eux quand la famille le
désire, tout en recevant une sorte d'éducation et d'instruction dans une atmos-
phère spécialement adaptée à eux, ce qui présente, outre l'intérêt d'éviter un
placement, celui de permettre une détente journalière aux familles.
La description des élèves montre qu'il s'agit d'enfants gravement atteints
n'ayant aucun échange avec l'extérieur, pas de langage, etc. Le personnel
s'élève à 28 personnes, pour 38 enfants, ce qui permet à chaque instituteur (14)
de ne s'occuper que de 2 ou 3 enfants.
Le problème semble ici le choix des professeurs, qui doivent pouvoir
supporter sans réaction, même intérieure, des comportements régressifs, qui
ne doivent pas se sentir personnellement atteints dans leur valeur profession-
nelle par les échecs, les régressions, les progrès extrêmement lents, qui doivent
aussi avoir beaucoup d'intuition et de sensibilité et être capables de s'adapter
à de tels enfants.
410 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
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INFORMATIONS
ENSEIGNEMENT
L'enseignement a été donné à l'Institut de Psychanalyse dans ses formes
habituelles.
On trouvera ci-dessous les renseignements statistiques concernant les
candidats, les étudiants, les stagiaires de l'Institut de Psychanalyse.
STATISTIQUES
(arrêtées au 31-12-1960)
Scolarité :
A 25 ) Sur ce total de 76, 9 étudiants
B 27 cumulent 2 ou 3 cycles et il y
C 24 ) a donc 67 étudiants.
Auditeurs 3 personnes : une cumulant 2 cycles ;
une cumulant 3 cycles.
Étudiants en contrôles 14 )
Stagiaires (1) en contrôles .0
34 S
(1) Les stagiaires sont des étudiants ayant terminé les 3 cycles.
426 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE
(1) On indique ici le nombre de candidatures examinées et non celui des candidats puisque
une même personne a pu se présenter plusieurs fois à la Commission de l'Enseignement après
que son admission a été refusée.
(2) Chiffre donné sous toutes réserves, la mise à jour des listesdes candidatsayant commencé
une analyse didactique s'effectuant une fois par an.
INFORMATIONS 427
Médecins du Centre 39 39
Nombre total d'actes 8179 10 424
Total des défections 1020 1240
1res consultations 292 289
Consultations suivantes 507 504
Traitements individuels :
Séances de psychanalyse et psychothérapie 6626 9045
Séances de groupe 757 586
Nombre de cures poursuivies 57 65
428 REVUE FRANÇAISE DE PSYCHANALYSE