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LA DÉMARCHE

NEUROPSYCHOLOGIQUE

L1 Pluripass

Philippe ALLAIN
Professeur de Neuropsychologie
Philippe.allain@univ-angers.fr
Neuropsychologue
PhAllain@chu-angers.fr
Quelques éléments d’histoire (brefs)
• Historiquement, le terme de « Neuropsychologie » a été employé
pour la première fois par Sir William Osler, au cours de ses
conférences à l’Université de Yale (Osler, 1913); ce pour désigner la
science des relations entre les maladies mentales et le cerveau.

• Ce terme se généralisera dans les années 1930-1940, sous


l'influence d’Arthur Benton. Des appellations de type
« Psychopathologie cérébrale » ou « Psychologie neurologique »,
sont alors abandonné au profit de ce nouveau terme.

• Le concept a été très investit par Karl Spencer Lashley, biologiste


et psychologue américain, dans le milieu des années 1930. Il fut le
premier a avoir porté le titre de Professeur-Chercheur en
Neuropsychologie à l’Université de Harvard (1937)
Quelques éléments d’histoire (brefs)
• Henri Hécaen, psychiatre et neuropsychologue français, fut, en 1963 l’un
des fondateur de la revue Neuropsychologia et son premier éditeur en chef.
Il s’agissait de donner un organe d’expression à cette nouvelle discipline
dont il disait qu’elle :

« traite des fonctions mentales supérieures dans leurs rapports avec les
structures cérébrales » et qu’elle est « à la charnière d’une part des neurosciences
(neurologie, neuroanatomie, neurophysiologie, neurochimie), et d’autre part des
sciences du comportement et des relations interhumaines (psychologie
expérimentale, psychologie génétique, psycholinguistique et linguistique) »
Quelques éléments d’histoire (brefs)
• En France, la scission entre la psychiatrie et la neurologie et le
développement de la psychologie cognitive et clinique ont permis l’essor de
la neuropsychologie.

• En 1977 est crée la Société de Neuropsychologie de Langue Française


(SNLF), en lien avec la Revue de Neuropsychologie (1991-2008), puis avec
la Revue de Neuropsychologie, Neurosciences Cognitives et Cliniques
depuis 2009.

• Les premières formations de Master de Psychologie spécialisées en


Neuropsychologie apparaissent tardivement, autour des années 1990
d'abord à Lyon (DEA) et Chambéry (DESS).

• De nos jours, on compte une quinzaine de Masters avec l'intitulé


Neuropsychologie en France, dont 2 à Angers (Neuropsychologie de
l’Adulte et Neuropsychologie de l’Enfant).
Définitions

Le champ de la neuropsychologie est celui des troubles cognitifs,


émotionnels, comportementaux ainsi que des troubles de la personnalité en
rapport avec des lésions du cerveau qui parce qu’il est chair, au sens de corps
vivant, est « le médiateur entre l’intériorité du moi et l’extériorité du monde ».

A cette neuropsychologie qui traite de la désorganisation acquise de fonctions


cérébrales répond une neuropsychologie développementale relevant de
perturbations de l’acquisition de ces fonctions

Gil et Wager (2021)


Définitions
 Née au chevet des patients, la neuropsychologie étudie donc les
modifications de :
 La cognition (langage, praxies, gnosies, mémoire, fonctions exécutives, attention, raisonnement,
prise de décision)
 Des comportements individuels (contrôle des impulsions, motivation, etc.)
 Des comportements sociaux (empathie, etc.)
 Des émotions (humeurs, régulation des émotions)

 En rapport avec le fonctionnement cérébral (dysfonctionnements


lésionnels, fonctionnels, développementaux).
Définitions
 Ce en adoptant une approche de psychologie clinique
 Tant dans le cadre des :
 Evaluations fonctionnelles (identification et description du profil cognitif, évolution
des troubles et potentiels de récupération)
 Que des prises en charge personnalisées (évaluation des traitements, soutien,
accompagnement, rééducation, réinsertion)

 Parallèlement, la neuropsychologie contribue au développement des


connaissances relatives aux bases cérébrales des comportements et des
fonctions supérieures.
Les missions de la neuropsychologie sont donc triples :
• La première concerne la recherche en neurosciences (1)

• La deuxième est clinique et diagnostique (2)

• La troisième est la réhabilitation (3) (ou remédiation ou rééducation ou revalidation)


1. La recherche en neurosciences
 En observant les dysfonctionnements induits par les lésions du cerveau, la
neuropsychologie a permis et permet de faire des hypothèses sur la manière
dont les grandes fonctions psychologiques sont organisées et supportées par
le cerveau chez le sujet sain.
 Ainsi, c’est pour avoir observé des malades qui savent produire des mots
mais qui ne comprennent pas les mots qu’on leur énonce (aphasie de
Wernicke), tandis que d’autres ne savent plus produire des mots mais les
comprennent (aphasie de Broca), que l’on a pu déduire que la production et
la compréhension de mots sont deux fonctions associées mais distinctes, y
compris en termes de localisation cérébrale.
1. La recherche en neurosciences
 C’est donc on observant comment les fonctions cognitives (ou autres) se
déconstruisent que l’on peut imaginer les modalités de leur construction et
de leur localisation.
 La recherche en neurosciences ne procède plus aujourd’hui que de celle
menée chez des personnes malades. Elle est aussi étayée par des travaux
chez des sujets sains à qui l’on propose des tests neuropsychologiques en
même temps que l’on observe (en imagerie) ce qui se passe au niveau
cérébral)
1. La recherche en neurosciences
1. La recherche en neurosciences
1. La recherche en neurosciences
2. Clinique et diagnostique : la neuropsychologie clinique

 La neuropsychologie clinique est une spécialité de la psychologie clinique.

 Le psychologue clinicien spécialisé en neuropsychologie clinique travaille


avec des personnes de tout âge (enfants, adultes, sujets âgés) qui éprouvent des
problèmes neurologiques incluant les pathologies neuro-developpementales
(dyslexie, dyspraxie, etc.), les traumatismes crâniens, les lésions cérébro-
vasculaires, les troubles toxiques et métaboliques, les tumeurs cérébrales,
tout le champ des pathologies neurodégénératives (maladie d’Alzheimer, de
Parkinson, etc.) ainsi que certains troubles psychiatriques (dépression,
autisme, schizophrénie, etc.).

 La pratique de la neuropsychologie nécessite donc :


- De bonnes compétences cliniques, permettant de travailler avec des patients
- De bonnes connaissances dans le champ des pathologies neurologiques,
neuropédiatriques et psychiatriques
- De bonnes connaissances dans le domaine des neurosciences
2. Clinique et diagnostique : la neuropsychologie clinique

 Où trouve-t-on les neuropsychologues cliniciens ?


• Dans les services de pédiatrie
• Dans les services de neurologie
• Dans les services de gériatrie
• Dans les services de pédopsychiatrie
• Dans les services de psychiatrie
• Dans les centres de rééducation et/ou de réadaptation fonctionnelles
• Dans des établissements de secteur sanitaire et social :
• Service de Soutien à l'Education Familiale et à l'Intégration Scolaire (SSEFIS)
• Service d'Education Spécialisée et de Soins à Domicile (SESSAD)
• Dans des établissements du milieu carcéral
• Dans les structures de moyen et long séjour (EHPAD, MAS)
• Dans certaines associations privées :
• Dans des Etablissement et services d’aides par le travail
• UEROS : Unité expérimentale d’Evaluation, de Réentraînement et d’Orientation Sociale et professionnelle
• Associations autour de autisme, du retard scolaire, etc.
• Dans le secteur libéral (pas de remboursement pour le moment)
2. Clinique et diagnostique : la neuropsychologie clinique

 Que font-ils dans ces structures ?

Le neuropsychologue clinicien a comme principale activités l’évaluation et la


revalidation neuropsychologique, au moyen de divers outils :
• Entretiens
• Tests
• Questionnaires
• Exercices
• Thérapies
2. Clinique et diagnostique : la neuropsychologie clinique

Les objectifs de l’évaluation neuropsychologique en clinique sont


multiples :

 Recueillir des données sur les troubles (cognitifs, émotionnels


et comportementaux) et les capacités qui demeurent
fonctionnelles (logique diagnostique)

 Les mettre en lien avec une atteinte et/ou un


dysfonctionnement cérébral (frontale, pariétale, etc.) (logique
diagnostique)

 Construire des stratégies de prise en charge (rééducation) et


d’accompagnement (scolaire et/ou social et/ou professionnel)
(logique pronostique)
2. Clinique et diagnostique : la neuropsychologie clinique

L’évaluation neuropsychologique suit plusieurs étapes :

2.1. Un entretien clinique

2.2. Un examen de dépistage (tests et questionnaires simples),

2.3. Une évaluation approfondie (épreuves et questionnaires plus complexes)


2. Clinique et diagnostique : la neuropsychologie clinique

Avant d’aller dans les détails :

• A l’origine de toute évaluation neuropsychologique il y a une demande.


• Cette demande émane souvent d'une personne responsable de la prise en
charge du patient (un médecin, une équipe de rééducation, un enseignant ou un parent) qui
observe des difficultés cognitives et/ou émotionnelles et/ou comportementales.
• Dans des cas plus rares, c'est le patient lui-même qui souhaite un éclairage sur
son fonctionnement mental.
• Exemples de questions posées :
• Les plaintes de mémoire de cette personne âgée sont-elles les conséquences d'une
dépression ou les signes avant-coureur d'un processus démentiel ?
• Ce garçon de 16 ans, victime d'une commotion cérébrale après une chute de vélo,
pourra-t-il reprendre normalement sa scolarité à la rentrée ?
• L’ablation de la tumeur cérébrale a-t-elle amélioré/dégradé le fonctionnement cognitif,
émotionnel, comportemental de ce patient ?
• Ce patient schizophrène (autiste) a-t-il des troubles cognitifs ?
2. Clinique et diagnostique : la neuropsychologie clinique

2.1. L’entretien clinique :

Il débute toute évaluation neuropsychologique, permettant d'établir une relation de


confiance, au cours duquel le neuropsychologue va chercher des réponses à 3
principaux types de questions :

1. Qui est la personne ? Quelle est son histoire de vie ?


2. Quelle est l’histoire de la maladie ?
3. Quel est le vécu psycho-affectif de la situation ?

Le neuropsychologue rappellera, si besoin, les règles déontologiques de confidentialité des


données de l'examen et de respect des personnes auxquelles il doit se conformer.

Au cas où le neuropsychologue exerce en cabinet libéral, c'est au cours de cet entretien


préliminaire que les conditions financières (information sur le prix de l'évaluation et sur le non-
remboursement des actes psychologiques par la Sécurité sociale) doivent être clairement
définies avec le patient.
2. Clinique et diagnostique : la neuropsychologie clinique

2.1. L’entretien clinique

1. Qui est la personne ? Quelle est son histoire de vie ?


• Le recueil des informations biographiques (âge, date et lieu de naissance, langue maternelle, lieu et
mode de vie, parcours scolaire et/ou professionnel, occupations et loisirs, relations familiales,
sociales) est un moyen intéressant d’instaurer une relation avec le patient et de s’intéresser à son
histoire de vie, tout en permettant déjà d’orienter quelque peu l’évaluation.
• Ces différentes informations peuvent permettre à la fois de se représenter qui est la personne que
nous rencontrons, d’estimer son niveau de fonctionnement antérieur (avant le début des difficultés),
de pouvoir comprendre la façon dont la personne et/ou son entourage vivent les troubles ainsi que
d’avoir une représentation de leurs répercussions sur les relations familiales, sociales…
• Il apparaît également que ces informations vont pouvoir donner des indications sur le choix ultérieur
des tests puisque le clinicien ne choisira pas les mêmes épreuves suivant qu’il s’agisse par exemple
d’un jeune adulte ou d’une personne âgée, d’une personne ayant un niveau d’éducation élevé et un
emploi à haute responsabilité versus d’une personne n’ayant aucun diplôme.
• Enfin, ces premières questions peuvent déjà fournir une idée de certains troubles cognitifs, si le
patient n’est pas en mesure de répondre ou que l’accompagnant indique que les réponses fournies
sont imprécises.
2. Clinique et diagnostique : la neuropsychologie clinique

2.1. L’entretien clinique


2. Quelle est l’histoire de la maladie ?
• Afin de tenter de reconstituer le contexte dans lequel s’inscrit la demande d’évaluation
neuropsychologique, il est possible de questionner directement le patient sur les motifs de sa
première consultation avec un spécialiste (e.g. neurologue).
• Ce type de questions permet généralement d’apprécier d’emblée le degré de conscience des
troubles et de comprendre si la démarche médicale a été initiée par le patient lui-même ou plutôt par
un tiers. Il sera crucial de bien préciser la nature de la plainte (e. g. le patient et/ou son entourage
évoquent-ils plutôt des troubles du langage ? de la mémoire épisodique ? des troubles de la
perception ? Existe-t-il une discordance entre le discours du patient et celui de son entourage ?
L’entourage rapporte-t-il des troubles du comportement ? etc.), le mode d’installation des troubles
(insidieux versus brutal, par exemple suite à un accident de la route, à un accident vasculaire
cérébral ; stabilité versus évolution), leur durée d’évolution ainsi que leur retentissement dans la vie
quotidienne (familiale, sociale, scolaire ou professionnelle).
• Il est aussi nécessaire de rechercher la présence de manifestations non cognitives qui pourraient
être évocatrices de troubles cognitifs (e. g. troubles moteurs, hallucinations, stéréotypies, etc.).
• Cette anamnèse à proprement parler peut également être l’occasion de questionner le patient sur
ses antécédents personnels et familiaux qui pourraient fournir des indications pertinentes
(notamment dans le cadre des pathologies neurodégénératives).
• Sur le plan des antécédents personnels, il pourra être intéressant de rechercher la présence de
facteurs de risques, d’éventuelles co-morbidités (consommation d’alcool, de drogues), ou encore de
vérifier la médication du fait de l’impact de certaines substances sur le fonctionnement cognitif.
2. Clinique et diagnostique : la neuropsychologie clinique

2.1. L’entretien clinique

3. Quel est le vécu psycho-affectif de la situation ?


• Il est également important d’aller à la recherche d’éléments permettant de comprendre l’humeur du
patient, à la fois au moment du bilan mais aussi lors de la survenue des symptômes, ou encore de
s’intéresser à la présence potentielle de changements d’humeur significatifs dans l’histoire de vie (e.
g. présence d’épisodes dépressifs anciens).
• S’il peut être délicat d’interroger directement l’humeur actuelle du patient, des questions peuvent
être posées à l’entourage et il est important de penser également à rechercher l’ensemble des
symptômes dépressifs qui ne se limite pas à la tristesse de l’humeur.
• Apprécier l’anxiété du patient s’avère tout aussi nécessaire. En effet, la situation d’évaluation est
source d’anxiété en elle-même (plus ou moins importante en fonction du contexte social, culturel, de
la personnalité), qui peut facilement s’ajouter à l’anxiété du patient face à ses troubles (e. g.
angoisse liée à l’idée de commencer une pathologie neurodégénérative, à l’idée de ne pas pouvoir
reprendre une activité professionnelle après un accident, etc.). Il est important que le psychologue
spécialisé en neuropsychologie puisse « prendre la mesure » de cette anxiété, qui – elle aussi –
peut influencer les capacités attentionnelles et par conséquent, l’ensemble des performances
cognitives.
2. Clinique et diagnostique : la neuropsychologie clinique
Domaines à explorer Exemples de questions
lors de l’entretien
Histoire de vie Quels sont vos date et lieu de naissance ? Êtes-vous marié(e) ? Avez-
vous des enfants/petits-enfants ? Si oui, combien, quels sont leur nom et
leur date de naissance ? Quel est votre parcours scolaire puis
professionnel ? Quels sont vos loisirs ?…
Pouvez-vous expliquer ce qui vous a amené(e) à consulter un spécialiste
puis à faire ce bilan ? Quelles sont vos difficultés au quotidien, pouvez-
Histoire de la maladie vous donner des exemples précis (la nature de la plainte doit être la plus
documentée possible) ? Depuis combien de temps pensez-vous avoir ces
difficultés ? Avez-vous l’impression que ces difficultés sont de plus
en plus importantes ? Quelles répercussions ont ces difficultés dans votre
quotidien/votre activité professionnelle ?...
Dans le cas d’un patient présentant une anosognosie, l’ensemble de ces
questions pourra s’adresser à l’accompagnant.

Antécédents Vos parents/frères/sœurs ont-ils eu/ont-ils des difficultés comme les


vôtres ? Avez-vous eu déjà eu vous-même des problèmes de santé
et co-morbidités importants ? Avez-vous un suivi médical pour d’autres problèmes
que ceux pour lesquels vous faites ce bilan ? Prenez-vous
des médicaments actuellement ? …

Vécu psycho-affectif Pensez-vous que votre moral ait changé ces derniers temps ? Vous
sentez-vous triste ? Les difficultés sont-elles apparues suite à un
et recherche de événement important dans votre vie personnelle/professionnelle ? Avez-
manifestations vous des difficultés de sommeil ? Faites-vous plus fréquemment des
évocatrices cauchemars ? Votre appétit a-t-il changé ces derniers temps/avez-vous
perdu ou pris du poids ? Avez-vous chuté ces derniers temps ? Avez-vous
des difficultés récentes pour marcher/écrire ? Vous est-il arrivé de
voir/entendre des choses qui n’existent pas/que les autres ne
voient/n’entendent pas (hallucinations) ?…

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