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C’est dire l’importante attention que les sociétés modernes accordent à l’éducation
scolaire. C’est sans doute aussi que l’école joue un rôle essentiel dans le développement de
nos sociétés modernes. Quelles sont les fonctions de l’école ? À quoi « sert »-elle ? Quelles
sont les missions que la société lui assigne explicitement ? Ces missions et fonctions3 ont-
elles évolué avec le temps ? Quelle est l’histoire et quelle est la genèse de l’institution
scolaire ? Sa structure actuelle ? Ses « dysfonctionnements » en regard des espoirs que la
société a placés en elle ? Pourquoi la société doute-t-elle de son école ? L’école actuelle est-
elle « efficace », « inégale », « juste », « méritocratique » ? Comment décoder son
fonctionnement, expliquer ses « dysfonctionnements » ?
Cette première partie a pour ambition d’apporter quelques réponses à ces questions, en
veillant à discuter surtout de leurs implications sur la manière dont de futurs professeurs
auront à gérer leur « métier d’enseignant ». Autrement dit, on cherchera à dégager, des
analyses historiques et sociologiques proposées, ce qu’elles ont encore d’actuel et les grilles
d’analyse qu’elles suggèrent de l’école d’aujourd’hui. Ce travail d’appropriation
professionnelle est en particulier suggéré dans des encadrés spécifiquement dédiés à cet
aspect du cours, intitulés « Éclairages sur les débats actuels et sur le métier d’enseignant ».
La seconde partie du cours, prise en charge par E. Charlier, prolonge ces questions et vise,
dans une perspective davantage microsociologique, à décrire les processus qui produisent ces
réalités structurelles, dans des contextes variés (l’établissement…) et à travers les
comportements des différents acteurs (direction, enseignants, élèves…).
1
La macrosociologie examine les structures et les relations sociales dans la société entière, considérée
globalement.
2
Cette affirmation pourrait paraître provocante, voire ironique à l’heure où l’on ne cesse de réclamer un
« refinancement » de l’enseignement. Il s’agit ici simplement d’observer que les dépenses d’éducation
représentent une part importante des budgets des états modernes.
3
Pour bien comprendre une institution sociale, il convient de distinguer ses missions (soit les buts que lui
assigne explicitement une société) et ses fonctions (soit les effets qu’elle y produit et les rôles qu’elle y joue,
mais sans que ces effets et rôles soient nécessairement explicités et revendiqués comme objectifs affirmés).
« L’éducation est l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas
encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l’enfant
un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société
politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné »
(Durkheim, 2003 [1922], p.51).
Il est, par ailleurs, instructif d’observer que si cette éducation morale a progressivement été
« chassée » de l’école en particulier à partir de la fin des années 19604, elle a depuis lors
effectué un certain retour via « l’éducation à la citoyenneté ». Au début des années 1990,
« l’éducation à la citoyenneté » a en effet été réintroduite, sous une forme ou sous une autre,
au sein de nombreux systèmes éducatifs en réponse aux évolutions à la fois de la société
(déconstruction du lien social, difficulté à intégrer une jeunesse de plus en plus diverse
culturellement, diminution de la participation démocratique) et de l’école elle-même (montée
de l’indiscipline et de la « violence » scolaire, nécessité d’éduquer certains jeunes avant de les
instruire) (Romainville, 2008).
On ne peut donc traiter valablement les questions éducatives et scolaires sans s’interroger
sur les finalités qu’assigne notre société à l’éducation et à l’école en particulier. Comme le
signale Durkheim, tout acte éducatif passe par une définition préalable des finalités, de l’idéal
de l’homme que chaque société souhaite former (cf. sens des verbes latins à l’origine du mot
éducation : educere (sortir de, tirer l’Homme de sa nature sauvage5) et ducere (conduire).
C’est ainsi que des finalités complètement différentes ont été assignées à l’éducation à
travers l’histoire. Ces finalités étaient en harmonie avec la vision que l’on avait de la société
et de la place qui devait y prendre l’individu (cf. tableau 1).
4
Sous la pression des idées de « mai 68 » notamment, dont un des plus célèbres slogans sonnait le glas d’une
telle éducation à l’école : « il est interdit d’interdire ».
5
Selon un rapprochement célèbre de Cicéron, la culture de l’esprit et la culture des champs ne sont qu’une
seule et même conquête de la nature par le travail : l’éducation consiste à extraire, de la nature sauvage de
l’homme, les qualités qui le feront vivre de manière sociale.
Siècle des Lumières Former à juger par soi-même en se basant sur la raison
1. Une des grilles de lecture de la « crise » actuelle de l’école réside d’ailleurs dans
le fait que la société :
§ assigne à l’école des missions qui peuvent être contradictoires, quant aux
orientations précises à privilégier (ex. la question du « devoir à domicile » en
regard des objectifs généraux du décret « Missions » de 1997) ;
§ lui assigne peut-être un peu trop de missions6 : elle doit non seulement instruire,
mais aussi éduquer, voire fabriquer le citoyen de la démocratie égalitaire ;
§ lui assigne des missions, en partie incompatibles avec ses fonctions (ex. école de
la réussite de tous et fonction de répartition sociale des individus7).
2. Un grand nombre de questions pédagogiques sont, au fond, des choix de sociétés
et devraient être traitées comme tels.
6
Signe de cette inflation de la commande sociale adressée à l’école, l’université d’été de l’enseignement
catholique était consacrée dès 2008 au thème « L’école envahie ». Les participants étaient invités à s’interroger
sur les nombreuses tâches nouvelles que l’on demande à l’école d’accomplir, de l’éducation à la citoyenneté (cf.
ci-dessus) à l’éveil de la conscience politique en passant par l’initiation à l’écologie, la lutte contre le racisme et
l’éducation à la santé. Autre signe de cette évolution, 70% des enseignants français de collège interrogés en 2008
considèrent que leur métier consiste aujourd’hui avant tout à « éduquer et socialiser » devant la transmission des
connaissances (La Lettre de l’éducation, mai 2008, p. 596). Enfin, la rapidité avec laquelle les médias se sont
tournés vers l’école à la suite des attentats djihadistes de janvier 2015 montre à quel point la société attend
beaucoup de son école : « est-ce à l’école de ‘combattre les cons par l’éducation’ ? » était le titre abrupt d’une
double-page consacrée par Le Soir du 13 janvier à ce qui se faisait (ou devrait se faire) à l’école en termes
d’apprentissage de la citoyenneté, du vivre-ensemble et du respect des valeurs fondamentales telles que la liberté
d’expression, la séparation des pouvoirs…
7
L’observation des sociétés traditionnelles montre que seules les deux formes les plus élémentaires
d’organisation sociale (la bande [quelques dizaines d’individus] et la tribu [quelques centaines]) ne connaissent
pas ou peu de différenciation sociale : pas de chef explicite, pas d’administration, pas d’impôt destiné
notamment à la survie ceux qui ne produisent pas, prise de décision en tête-à-tête… Au-delà de ces formes, une
répartition sociale des individus est systématiquement observée, que ce soit dans les chefferies ou a fortiori dans
les États qui sont apparus environ 3.400 ans avant notre ère : spécialisation économique, hiérarchisation sociale
liée, chef reconnu, administration chargée de la redistribution… (Diamond, 2013). À chaque génération, la
répartition des individus au sein de cette hiérarchie sociale doit être assurée et, dans nos sociétés modernes,
l’école en est un agent particulièrement décisif.
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Selon une image classique de la société belge comme temple grec, les grandes familles (catholique,
socialiste et libérale) jouent le rôle de « piliers », de colonnes, compartimentant la vie sociale, tout en réunissant
en leur sommet leurs élites respectives (Wynants, 1998). Chaque « famille » développe un réseau complexe
d’organisations prenant en charge ses membres, du berceau à la mort (clinique, école, mutuelle…).
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Même si inégalités scolaires et inégalités sociales sont en réalité peu corrélées. Ce n’est pas parce qu’un
pays est égalitaire que son école le sera automatiquement et vice versa. Une exception notable à cette règle : la
relation est par contre importante lorsque l’emprise du diplôme sur les carrières sociales est forte, les familles
durcissant alors une compétition scolaire plus cruciale encore (Dubet, Duru-Bellat & Vérétout, 2010).
C’est la Faculté des Arts qui joue, dans cette université médiévale, le rôle de notre
enseignement secondaire actuel : on y entrait très jeune (à 13 ou 14 ans seulement) et l’on s’y
préparait à l’une ou l’autre des facultés « supérieures » (à finalité « professionnelle », dirions-
nous aujourd’hui) : droit, médecine et théologie.
« L’étudiant ès arts court la nuit tout armé dans les rues, brise la porte des maisons,
remplit les tribunaux du bruit de ses esclandres. Tout le jour, des passantes viennent déposer
contre lui, se plaignant d’avoir été frappées, d’avoir eu leurs vêtements mis en pièce ou leurs
cheveux coupés. » (cité par Durkheim, 1999 [1938], pp. 134-135)
« L'étudiant court parmi les rues et les places, les tavernes, les chambres des prostituées,
les spectacles publics, les cérémonies et les chants, les repas et les banquets, les yeux vagues,
la langue pendante, l’esprit pétulant, l’aspect négligé. » (cité par Rouche, 2003, p. 421)
Se forment alors, à côté de l’université, des maisons d’un genre nouveau, les collèges, au
sein desquels les étudiants trouvent le couvert et le gîte, ainsi que des répétiteurs, qui
complètent l’enseignement universitaire, mais qui le préparent aussi. En effet, il fallait
maîtriser les rudiments du latin pour entrer à l’université et, pour les familles qui ne pouvaient
pas payer un précepteur, le « collège » deviendra vite cet enseignement « moyen »,
10
Ou plutôt à Charlemagne, puisque on dit de lui qu’il a eu cette idée folle d’inventer l’école…
Effectivement, Charlemagne aurait fondé l’Ecole du Palais, dont il confia la direction à Alcuin, un des plus
grands savants que comptait alors l’Europe. Il a surtout conseillé à ses évêques de multiplier, dans leur diocèse,
des institutions préparatoires à cette école supérieure, premières écoles « de paroisse » (Durkheim, 1999). Mais
ce type d’école, à visée évangélique première et réservée à une toute petite élite, reste très éloignée de notre
système éducatif actuel.
11
« Universitas magistrorum et scolarum »
L’étape suivante est « l’internement » des maîtres eux-mêmes au sein des collèges.
Progressivement, les maîtres rejoignent à leur tour les collèges, qui se transforment souvent en
« internats » et c’est désormais dans leurs murs que se donnent les enseignements
préparatoires aux Facultés supérieures : le secondaire est né… Il n’est bien sûr pas encore
désigné comme tel, mais c’est alors que se crée ce palier intermédiaire entre le primaire et
l’universitaire. Et l’on voit bien qu’il est notamment né d’un souhait de contrôle de la
scolarité, d’un souci d’ordre, d’organisation, de discipline et de réglementation qui va
s’emparer de la forme scolaire naissante (cf. point 2.3).
C’est d’ailleurs au 16ème siècle qu’apparaît une tout nouvelle littérature pédagogique :
pour la première fois dans l’histoire scolaire, des penseurs élaborent des systèmes théoriques
12
qui, à partir de là, différencie fortement le fonctionnement de l’école des autres formes que peut revêtir
l’éducation comme la formation « sur le tas » (par exemple, le compagnonnage) ou l’éducation informelle.
C’est aussi à cette époque que des congrégations religieuses vont se spécialiser dans
l’instruction et dans la « catéchisation ». Elles prennent progressivement le contrôle de la
plupart des « collèges » : les jésuites et les frères des écoles chrétiennes notamment. Ces
congrégations vont aussi produire des guides précis des études : la « Ratio Studiorum »14 en
1599 et « La conduite des écoles » en 1720, premiers manuels de conduite d’une classe.
La culture humaniste qui constitue le centre de cet enseignement (latin, grec et grands
auteurs classiques) installe une distinction dont notre enseignement souffre encore
actuellement entre les activités manuelles, perçues comme médiocres et les hautes activités
intellectuelles gratuites, mais censées être formatrices de l’esprit.
2. Du point de vue didactique, toute l’histoire de l’école peut aussi être lue comme
un vaste mouvement de balancier entre deux principes issus de ces deux
tendances : la finalisation et la didactisation (cf. cours de Psychopédagogie).
Régulièrement le balancier est ramené dans l’autre sens quand on s’aperçoit des
dégâts qu’il a commis dans le sens inverse. Idéalement, l’enjeu de toute « bonne »
pédagogie serait d’articuler et d’équilibrer ces deux principes.
13
Coménius publie ainsi le premier grand ouvrage de Didactique dès 1657 : la « Didactica magna ou l’art
universel d’enseigner tout à tous ». Il sera considéré comme le « Galilée de l’éducation » tant son œuvre se
révèle sur de nombreux points en rupture avec les pratiques de l’époque (par sa pédagogie réaliste notamment :
« les choses avant les mots ») et contient des éléments précurseurs de nombreuses évolutions ultérieures, dont le
constructivisme.
14
La « Ratio atque institutio studiorum societas Jesus », publiée en 1599, a fait l’objet récemment d’une
nouvelle édition chez Belin (1997).
Au total, l’état de l’enseignement reste assez chaotique au début du 19ème , même s’il
s’agit d’une préoccupation grandissante. La qualité de l’instruction est médiocre. Cet aspect
est bien visible dans un genre littéraire qui voit le jour à cette époque : le roman pédagogique
(Tison, 2004). Comme le montrent, par exemple, les romans d’Erckman-Chatrian, la
condition des enseignants de l’époque n’est guère enviable : mal payés, ils sont obligés
d’exercer des activités complémentaires, comme sonner les cloches ou balayer l’église ! On se
« résout » à exercer ce métier peu considéré, pour des raisons triviales : les maîtres sont
exemptés du service militaire ! Le sort des élèves n’est pas meilleur : les maîtres commencent
par frapper et discutent ensuite… Quelques passages du roman cruel « Histoire d’un sous-
maître » suffisent à couper court à toute nostalgie et à montrer que la dévalorisation du métier
sont évoqués au cours.
De plus, l’absentéisme scolaire est important, surtout lors des travaux des champs et les
classes sont surpeuplées : autour de 1870, les classes de 80, 100, voire 120 enfants ne sont pas
rares. Seule une petite proportion des maîtres est diplômée (ex. 22% des instituteurs en 1860).
En conséquence, l’analphabétisme ne recule guère : on ne compte, en 1866, que 47,2% de la
population capable de lire et d’écrire.
Cependant, sur la base des idées des Révolutionnaires, les autorités publiques cherchent
progressivement à améliorer la qualité de l’enseignement, au début dans une perspective
assez « paternaliste » : il s’agit de réconcilier les pauvres avec leur condition et de « relever »
les classes populaires en leur inculquant les valeurs d’ordre, de propreté, d’économie et de
prévoyance. Ultérieurement d’autres acteurs (socialistes et démocrates-chrétiens)
revendiqueront une amélioration et une généralisation de l’instruction comme moyen
d’émancipation sociale et d’accès à la citoyenneté véritable. Les plans d’étude vont se
Dès 1831, la liberté d’enseignement est garantie dans notre droit, mais sous une formule
dont l’ambiguïté et l’imprécision portent les germes de tous les conflits ultérieurs16. Si la
conception de la liberté d’enseignement était particulièrement large au début du XXe siècle17,
elle a ensuite été précisée autour de deux formes : la liberté active (appartenant au PO
d’ouvrir et d’organiser une école selon leurs valeurs philosophiques) et la liberté passive
(appartenant aux usagers et notamment aux parents de choisir l’école de leurs enfants et
l’enseignement d’une religion ou de la morale). Cependant, cette liberté d’enseignement doit
s’articuler autour de droit à l’éducation dont jouit tout enfant (Rasson & Rasson-Roland,
2012°), ce qui implique que la qualité de l’enseignement doit être prise en compte dans
l’appréciation des limites à la liberté d’enseignement (ex. échec répété d’un élève scolarisé à
domicile, trop inégalités de l’offre entre établissements engendrée par une hiérarchisation trop
poussée des établissements scolaires…).
Tous les épisodes de cette guerre de largement plus de cent ans ne seront pas rappelés ici,
mais ils furent nombreux et intenses18 : quand les catholiques sont au pouvoir, ils cherchent à
15
Notamment en vue de discipliner le futur électorat, quand l’obligation scolaire ira de pair avec
l’instauration du suffrage universel (première guerre scolaire) et pour le contrôle des moyens financiers qui vont
être alloués de manière massive à l’école secondaire en train de se massifier (seconde guerre scolaire).
16
L’article 17 de la Constitution de 1831 stipule en effet que « L’enseignement est libre. Toute mesure
préventive est interdite. »
17
Elle incluait ainsi la liberté d’ouvrir une école, d’exercer la profession de professeur sans qualification
officielle ( !), la liberté des méthodes et de programmes…
18
Les deux camps ont recours à des « armes de destruction massive » : sanctions spirituelles ( ! ), rupture des
relations avec le Vatican, démantèlement des écoles communales, mise en disponibilité de personnel…
La sécularisation de la fin des années soixante (ex. forte baisse de la pratique religieuse) a
rendu les anciens clivages idéologiques plus flous. Les parents ne choisissent dès lors plus le
réseau libre par conviction, mais sur la base de critères moins liés à leur conviction religieuse,
mais plus en rapport avec un supposé « esprit » de l’école libre (accueil de la personnes,
convivialité…) tournant autour de ce que les sociologues ont appelé une « chrétienté
socioculturelle ». De plus les différentes réformes mises en route (ex. définition des mêmes
compétences terminales cf. point 3.7) et les directives administratives de plus en plus pointues
(ex. les règles de réaffectation) aboutissent à un rapprochement de fait des traits fonctionnels
et organisationnels des réseaux. Ainsi, les professeurs de l’enseignement libre sont
directement payés par la Communauté française. Les écoles libres reçoivent des subsides de
fonctionnement presque identiques (75%, selon le Pacte scolaire) à ceux qui sont octroyés aux
établissements « officiels ». Certains se lancent alors dans des tentatives désespérées
d’identification de spécificités qui fonderaient un projet éducatif particulier (ex. débat au sein
du Ségec autour de la « raison large »). La « dépilarisation » de l’enseignement sera même
prônée lors du « mai 68 » de notre enseignement que provoquent les grèves des années 1990 :
les Assisses de l’enseignement.
De temps à autre, la hache de guerre est encore déterrée, mais de manière moins
belliqueuse et sans autant de conséquences sociales, comme ce fût le cas en 1997 à propos des
« avantages sociaux » accordés aux écoles communales et provinciales. Un décret de 2001
précise cette notion et en établit la liste. En décembre 2004, un jugement de la cour d’appel de
Liège a confirmé cependant que cette liste n’était pas exhaustive, ouvrant ainsi la porte à de
nouvelles actions en justice menées par des écoles libres estimant faire l’objet de
19
que nous ne partageons, en Europe, qu’avec les Pays-Bas. Dans les autres pays, les établissements publics
constituent l’ossature principale du système scolaire (au-delà de 90% en Irlande, en Finlande, en Allemagne et
en Suède et jamais en dessous de 70% ailleurs) (Ministère de la Communauté française, 2004).
Bien sûr, elle ne fait, d’une certaine manière, qu’enregistrer et officialiser une évolution en
route depuis la moitié du 19ème : la massification progressive de l’instruction élémentaire
(cf. tableau 3). Dès 1842, la première loi organique de l’enseignement primaire belge impose
aux communes l’obligation, soit d’entretenir une école primaire, soit d’adopter une école
« privée ».
Taux scolarisation au
primaire
1843 48%
1872 65%
1911 95%
Ce long combat est corrélatif à deux autres luttes sociales majeures : d’une part, celle de
la réglementation du travail des enfants et, d’autre part, celle de l’obtention du suffrage
universel. En effet, il a fallu attendre 1884 pour qu’un arrêté royal interdise le travail des
enfants en dessous de 12 ans pour les garçons et de 14 ans pour les filles21. Et le suffrage
universel est acquis, sauf pour les femmes, en même temps que l’obligation scolaire (1919)22.
L’influence des sciences humaines naissantes n’est pas négligeable : elles ont, entre
autres, contribué à changer l’image de l’enfance, maintenant séparée de l’âge adulte et ayant
des besoins spécifiques, qui nécessitent une mise à l’écart des contraintes du monde du
travail.
20
Elle a notamment été ravivée en 2011 lorsqu’une circulaire « pro-IVG » a été envoyée à l’ensemble des
écoles. L’administration estimait qu’il était de son devoir d’informer les jeunes filles de leur droit ; des
défenseurs de l’école libre y ont vu une dangereuse atteinte à la liberté de leur réseau d’éduquer selon leurs
normes.
21
Le recensement industriel de 1846 dénombrait encore 21% d’ouvriers de moins de 16 ans.
22
Le droit de vote est octroyé à tout citoyen masculin de plus de 21 ans. Les femmes ne peuvent cependant
voter qu’aux communales. Elles peuvent se présenter comme candidates aux communales et aux législatives,
mais avec l’autorisation de leur mari ( !). Le suffrage universel mixte n’est octroyé qu’en 1948.
Il faut cependant bien voir que cette massification de l’instruction reste organisée en voies
parallèles et que le principe de prédestination sociale n’est donc pas remis en cause
fondamentalement. Coexistent ainsi trois types d’écoles primaires :
§ les écoles primaires « ordinaires », prolongées par un quatrième degré (pour les
enfants du peuple) ;
§ la section préparatoire à l’école moyenne assurant le degré inférieur des humanités
modernes (bourgeoisie) ;
§ la section préparatoire aux humanités complètes (classiques ou modernes) assurées
dans les collèges et les athénées.
1850 2%
1900 8,6%
1930 8,7%
1960 16,8%
1975 21,2%
Tableau 5 : Part des dépenses d’éducation dans budget de l’État (Wynants &Paret, 1998)
Les résultats sont à la mesure des efforts : la population du secondaire triple entre 1950
et 1970. On parlera même d’explosion scolaire, voir de « dilatation incontrôlée » de
l’enseignement. Or, il faut bien voir que cette extension quantitative amène inexorablement
des modifications qualitatives. À l’école, un changement d’échelle provoque souvent un
changement de nature : on ne peut plus s’adresser à l’ensemble d’une classe d’âge comme on
s’adressait aux privilégiés de jadis ; des méthodes deviennent inadaptées, toute une pédagogie
est à réinventer.
23
Quand on parle ici de gratuité, c’est en référence au fait que l’État prend en charge les frais inhérents à
l’organisation de l’école (salaires des enseignants & frais de fonctionnement) et interdit aux établissements
d’exiger des droits d’inscription ou autre minerval direct ou indirect. Il reste que cette école « gratuite » coûte
La relation entre cette augmentation de la scolarité et le chômage des jeunes semble claire,
comme l’indique l’exposé des motifs de la loi de 1983 : « le désœuvrement et l’oisiveté des
jeunes doivent être combattus ».
Dès les années soixante et avec la massification du secondaire, c’est une politique plus
ambitieuse de « l’égalité des chances » qui se développe. On commence à s’émouvoir du fait
que la fréquentation des trois formes du secondaire soit à ce point liée à l’origine sociale de
l’élève. De manière plus générale d’ailleurs, c’est à cette époque que s’initient des enquêtes
larges qui dévoilent l’ampleur de la relation entre sélection scolaire et origine sociale (cf. les
travaux de Bourdieu & Passseron (1964, 1970)). Cette préoccupation d’une plus grande
égalité des chances sera à l’origine de l’enseignement rénové.
Une des voies suivies par les autorités publiques pour favoriser cette démocratisation
touche à la lente évolution des modalités d’accès au supérieur. Une loi de 1890 imposait la
possession d’un certificat d’humanités gréco-latines (sauf pour les ingénieurs). Dès 1947, on
reconnaît la possibilité pour les détenteurs d’un certificat d’humanités « latin-math » et
« modernes scientifiques » d’accéder aux seules filières scientifiques. C’est la loi dite
« d’omnivalence » du 8 juin 1964 qui bouleverse ce système : tous les diplômes d’humanités
modernes et d’humanités classiques (et même certains diplômes du secondaire technique)
ouvrent la porte à n’importe quelle filière du supérieur, pour autant que l’élève réussisse un
« examen de maturité » (examen devant un jury interne à l’école).
cher aux parents. En effet, chaque école peut réclamer des frais dans les domaines suivants : accès aux activités
culturelles et sportives, photocopies, prêt de livres, abonnements à des revues… De plus, les frais annexes (achat
de matériel scolaire, photo de classe) peuvent parfois peser lourd dans le budget d’un ménage modeste. D’après
une enquête de la Ligue des familles, le coût moyen par enfant d’une année scolaire (hors frais de repas et de
transport) était, en 2006, de 474 (Le Soir du 26/01/2006).
24
Par la gratuité de l’enseignement, mais aussi par des fonds (comme le Fonds des Mieux Doués en 1921),
de réduction de minerval, de prêts remboursables puis de « bourses d’études » (1954).
25
Cependant, le seul fait que l’élève s’inscrive, non pas dans une sorte de collège unique, mais d’emblée
dans un établissement à dominance de filières générales, techniques ou professionnelles viendra rapidement
fausser le jeu. Ainsi, le type d’attestations fournies dépend du type d’établissements : les attestations A (réussite)
sont plus nombreuses dans les établissements n’organisant que du général. Les attestations B (réussite avec
Des méthodes nouvelles sont aussi prônées : les méthodes actives, globales et
« fonctionnelles » du côté de l’enseignement et les méthodes d’évaluation continue dans le
domaine de l’appréciation des acquis. On l’a souvent dit, les ambitions du rénové ne
manquent pas d’audace, un optimisme pédagogique certain est de mise et correspond bien à
ce qui constituera la fin des « Trente glorieuses » : ainsi, l’évaluation sera « qualitative26,
collégiale, informative, prédictive, corrective et globale », rien de moins ! (Beckers, 1998,
p.111).
L’enfant s’étant imposé à côté de l’élève, il s’agit aussi de l’épanouir, de développer ses
aptitudes, ses intérêts, ses goûts, ses « riches potentialités » qui devraient, seules, déterminer
son parcours scolaire. L’école est aussi invitée à s’ouvrir à d’autres aspects que le seul
développement cognitif de l’élève : créativité, sport, art…
Deux forces ayant chacune un ancrage idéologique et politique différent ont présidé à la
naissance du rénové et ont permis qu’un consensus politique se dégage à son propos : un
projet d’émancipation sociale plutôt porté par les socialistes et les démocrates-chrétiens et un
projet « personnaliste » d’épanouissement individuel prôné par les classes moyennes et les
catholiques.
restriction) sont, quant elles, plus nombreuses au sein des établissements qui disposent des trois filières (Beckers,
1998).
26
Ce qui sera à l’origine de la disparition (éphémère, elle aussi) de la note chiffrée…
D’autant plus que les espoirs de démocratisation que portait le rénové semblent déçus (cf.
point 6). Paradoxalement, la multiplication des options et des filières a, au contraire, accentué
la possibilité pour les familles « au courant du fonctionnement scolaire » de développer des
stratégies visant à maintenir la stratification sociale et à « profiter » au mieux des arcanes
scolaires (choix établissement, des options pour assurer un « niveau » de la classe…). Le
désenchantement est donc au rendez-vous…
Le rénové n’a donc jamais vraiment été aboli, mais il a plutôt été progressivement
« détricoté » par diverses mesures : relèvement des normes de création d’options, suppression
des demi-classes, conseil de classe sorti de l’horaire des professeurs, restriction des options,
standardisation de la grille horaire du deuxième degré… Il serait cependant injuste de
prétendre qu’il ne reste rien du rénové. Des structures ont subsisté (les trois degrés, même
s’ils ont perdu leur appellation). Surtout, des idées pédagogiques ont essaimé, comme l’idée
de base de constituer un premier degré commun et indifférencié à valeur de socle commun et
d’observation des goûts et des aptitudes.
Même si les Communautés sont créées dès 1970, l’enseignement n’est définitivement
communautarisé que par la révision de la Constitution du 15 juillet 1988. Cette révision
constitutionnalise aussi les garanties du Pacte scolaire et les consolide même (ex. égalité des
étudiants, parents et enseignants des réseaux devant la loi).
27
notamment sur la capacité qu’aurait l’école de changer, à elle seule, la société, nous y reviendrons…
28
notamment pour les heures de « rattrapage », pour les conseils de classe, pour l’observation des élèves,
pour la multiplication des options au nom du respect de l’individualité de chacun, pour la constitution de demi-
classe, etc.
Les quatre objectifs suivants doivent désormais être poursuivis « simultanément et sans
hiérarchie :
§ promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des
élèves ;
§ amener tous les élèves à s’approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui
les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie
économique, sociale et culturelle ;
§ préparer tous les élèves à être des citoyens responsables capables de contribuer au
développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux
autres cultures ;
§ assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale. »
Le décret précise aussi un certain nombre d’éléments concernant les structures de l’école
propres à atteindre ces objectifs généraux. C’est ainsi qu’il introduit :
§ le projet d’établissement ;
§ des organes de participation, tel que le conseil de participation ;
§ des possibilités de recours (interne et externe) contre les décisions du conseil de
classe.
29
Au milieu des années 1990, l’enseignement est touché par une série de mouvements sociaux à la suite de
mesures de rationalisation et en particulier de réduction drastique des emplois. Pour sortir des grèves, la ministre
de l’enseignement lance un vaste processus de consultation qui aboutira à ces Assises.
30
Le texte de ce décret du 17 juillet 1997 qui fixe le cadre de travail légal de l’enseignant et qui devrait dès
lors constituer un de ses livres de chevet est disponible, comme bon nombre de textes fondamentaux régissant
notre enseignement, à l’adresse suivante : http://enseignement.be/gen/syst/structures/structure.asp
Ce même rapport s’étonnait ensuite que notre enseignement secondaire coûte plus cher que
celui de nos principaux voisins, sans pourtant être plus efficace. Le surcoût était
essentiellement dû, d’après les experts de l’OCDE, aux normes d’encadrement nettement plus
favorables chez nous. Cet électrochoc constituera une des sources, d’une part, du décret
« Missions » et de la vaste opération de définition des compétences terminales et des socles de
compétences (cf. ci-dessus) et, d’autre part, des diverses mesures de restriction budgétaire qui
marqueront la fin des années 1990.
31
documents également disponibles sur le site http://www.enseignement.be/index.asp
32
D’autres organismes font aussi entendre leur voix : l’UNESCO et la Commission européenne avec son
« Le livre blanc sur l’éducation et la formation », publié en 1995.
Il est donc salutaire de rappeler que PISA ne mesure que très partiellement l’efficacité de
notre enseignement, tant ses objectifs, les compétences mesurées et les outils de mesure sont
peu représentatifs de notre école. Une étude de Bruno Suchaut (2014) a d’ailleurs montré que
la corrélation entre les résultats des élèves suisses au test PISA et ceux que ces mêmes élèves
obtiennent aux épreuves cantonales n’est guère élevée : ce qui est mesuré par PISA est donc
assez différent de ce qui est enseigné couramment dans les classes. Cette même étude observe
aussi que la hiérarchisation de PISA est très sélective, très peu d’élèves suisses pouvant avoir
l’espoir de figurer au top du classement de niveaux de compétences. Enfin, l’influence de
33
La presse fait ses choux gras de ce genre de palmarès, qui agite de landerneau politique durant quelques
jours. Puis tout le monde s’empresse de passer à autre chose… On montrera quelques exemples de ces
emballements médiatiques, fort éphémères et souvent approximatifs.
34
Cf. le site assez complet de l’OCDE :
http://www.pisa.oecd.org/pages/0,2987,en_32252351_32235731_1_1_1_1_1,00.html
35
Mais sans doute ne s’agit-il pas vraiment d’aveuglement de la part de l’OCDE qui promeut ainsi un modèle
bien particulier d’école.
Des voix de plus en plus nombreuses36 s’élèvent d’ailleurs pour une plus grande prise de
distance des politiques par rapport aux résultats aux tests PISA et recommandent une pause
dans le processus au nom de ses résultats pervers :
Le mérite de PISA est quand même d’avoir relevé, une fois de plus, un fameux problème
de justice que connaît l’école en CfB : les variables socioculturelles prédisent, plus
qu’ailleurs, les résultats aux tests, signe que la démocratisation de notre enseignement est loin
d’être acquise (cf. 7).
On en vient ainsi à développer une certaine nostalgie de l’école de jadis (cf. le succès du
pensionnat de Chavagnes sur M6), en omettant la plupart du temps ce que cette école avait
d’inégalitaire, d’injuste, de triste et de brutal (cf. points précédents).
36
Notamment une lettre collective de plusieurs dizaines d’académiques :
http://www.theguardian.com/education/2014/may/06/oecd-pisa-tests-damaging-education-academics
Si un regard dans le rétroviseur peut parfois corriger des errements, cette tentation
rétrograde est sans doute le signe d’un manque de vision d’avenir claire et mobilisatrice
autour de l’école. On voit d’ailleurs ressurgir cette nostalgie chaque fois que l’école a du mal
à trouver ces marques. Face à un tel mouvement, il faut souligner que
§ « l’âge d’or » de l’école est un mythe, tout au plus peut-on parler de points d’équilibre (ex.
les années 1920 pour le primaire : méthodes au point, reconnaissance sociale des
instituteurs, effectifs raisonnables… ) ;
§ « la nostalgie n’a pas d’avenir » puisque les choses sont totalement différentes aujourd’hui
et qu’il est parfaitement illusoire de vouloir réinstaller des méthodes de jadis qui ne
correspondraient plus ni à nos objectifs ni à la culture environnante (ex. le nombre de
jours de classe qui diminue corrélativement à l’apparition de la « société des loisirs »,
l’effritement de l’autorité dans l’ensemble de la société chez les parents eux-mêmes alors
qu’ils réclament pourtant son retour à l’école) : « l’histoire ne repasse jamais les plats ».
37
Soumis pour avis et consultation sous l’intitulé « Projet de Contrat stratégique pour l’éducation ».
Ce plan est articulé en trois parties. La première partie dresse un tableau succinct des 4
problèmes principaux que rencontre l’école en CfB :
§ insuffisante maîtrise des compétences de base. Malheureusement, la seule source à la
base de ce constat est…PISA ;
§ trop grand nombre d’échecs (cf. 4.3) ;
§ trop grande ségrégation entre établissements (cf. 6.3) ;
§ orientation par l’échec vers le qualifiant.
Sur cette base, 6 objectifs généraux sont définis, assez précisément et parfois en termes
d’indicateurs chiffrés. Par exemple, l’objectif 3 est « d’augmenter le nombre d’élèves à
l’heure » et on évaluera l’atteinte de cet objectif sur les critères suivants : 90% d’élèves à
l’heure en fin de primaire et 55% en fin de secondaire.
En 2010, une nouvelle Ministre de l’enseignement supérieur, M.-D. Simonet, élabore une
troisième épure, fondée sur un formulaire unique à remplir par les parents (comportant un
maximum de 10 préférences) à rentrer dans une des écoles choisies. En cas de dépassement
des demandes pour un établissement, une optimalisation est réalisée par une commission
externe, le CERI, sur la base de multiples critères, dont la distance entre le lieu de résidence et
38
un site particulier a été créé autour de ce Contrat : http://www.contrateducation.be
Cette saga montre bien qu’il est particulièrement délicat de concilier deux principes a
priori également souhaitables : la liberté de choix de l’école par les parents (cf. 3.1) et la
volonté publique de lutter contre une trop forte hiérarchisation des établissements. On
comprend aussi comment, dans une logique individuelle, les parents souhaitent apporter un
soin particulier à l’éducation et donc aussi à l’instruction de leurs enfants (et on s’en réjouit
même…), tout en adhérant aussi à l’idée d’une régulation de ces comportements familiaux par
l’autorité publique, au nom du bien commun et de la justice. La marge de manœuvre est sans
doute très étroite et on doit se poser la question de savoir si les restrictions éventuelles à la
liberté des parents sont proportionnées par rapport au but qu’elles poursuivent et si elles sont
socialement « acceptables ». L’idée d’un « tirage au sort », par exemple, régissant l’avenir
scolaire des enfants ne rencontre guère ces deux critères.
Des recherches ont alors montré qu’à côté de progrès indéniables l’école avait aussi la
fâcheuse tendance à faire acquérir des connaissances peu « mobilisables », des « savoirs
morts ». Il s’agit de savoirs « scolaires », que les élèves ont pourtant semblé maîtriser un
temps (au moins pour les « régurgiter » le jour de l’examen…), mais qui ne constituent pas
pour eux de véritables outils pour penser le monde et pour y agir. Tout se passe comme si ces
savoirs avaient été déposés par les élèves dans des tiroirs spécifiques de leur mémoire,
étanches les uns par rapport aux autres. Les élèves n’ouvrent ces tiroirs qu’à l’école, lors des
évaluations et ils s’empressent de les refermer aussitôt. Surtout, ces « savoirs morts » ne
semblent pas ébranler leur savoir naturel, antérieur aux apprentissages : les élèves continuent
donc de raisonner, de voir le monde comme ils le faisaient avant leur entrée à l’école.
D’autres recherches ont par ailleurs mis en évidence la faillite relative d’une pédagogie
de la transmission de connaissances. Quand on se donne la peine de mesurer ce qu’il reste
d’une intense année de labeur scolaire, on est surpris de constater qu’une grande partie des
programmes est rapidement oubliée par les élèves (cf. les recherches de Lieury, citées dans
Romainville, 1998).
Ces résultats sont d’autant plus regrettables que d’autres études montrent, en parallèle, que
notre école échoue à installer des acquis de base (lecture, écriture, calcul…), alors qu’elle
semble perdre son temps à couvrir des programmes académiques, pléthoriques et ésotériques.
Des enquêtes, comme celle réalisée en 2008 par l’APED39, montrent également que notre
enseignement n’assure pas à tous les jeunes les connaissances nécessaires à l’exercice d’une
citoyenneté critique.
39
Un questionnaire, soumis à 3000 rhétoriciens, cherchait à savoir si ces derniers maîtrisaient les
connaissances de base du « citoyen critique ». Les résultats, parfois déconcertants, sont disponibles sur le site :
http://www.ecoledemocratique.org Ainsi, 26% des jeunes ignorent que le Congo fut une colonie belge…
Quoi qu’il en soit, il semble que ce soit la répétition de ce type d’observations qui a
conduit l’ensemble des pays fortement scolarisés à opérer une sorte de retour sur l’essentiel
(« Back to the basics »). Chez nous, il s’agit sans doute d’une des sources majeures de
l’approche par compétences : celle-ci vise en effet à faire des connaissances scolaires des
« outils pour penser et pour agir », des « savoirs vivants » en quelque sorte…
Cette théorie du capital humain a poussé les États modernes à accroître la scolarité de ses
jeunes tout au long du 20ème siècle. La « quantité » d’éducation, mesurée par le nombre
d’années d’étude, n’a d’ailleurs cessé de croître, avec en Belgique, des disparités régionales
récentes et inquiétantes entre la Flandre et la Wallonie en décrochage (Vandenberghe, 2004).
Quoi qu’il en soit, on voit bien que la société attend aussi de l’école qu’elle développe le
capital humain dont son économie a besoin40.
Cette approche instrumentale de l’école s’est accentuée quand la société a basculé dans une
« société du savoir » et l’économie dans une « économie de la connaissance ». Il est, de ce
point de vue, significatif que deux projets du milieu des années 2000 de « réorientation » de
l’école fassent explicitement référence à l’apport indispensable de l’école à la « société
cognitive » :
« Jamais l’évolution de la société n’a été autant influencée par les connaissances et les
compétences de chacun. Augmenter le niveau d’éducation, c’est porter la société à un plus
haut niveau de maîtrise de sa destinée et permettre à chacun de mieux prendre part à la
40
« Éducation X Financement = Compétitivité », c’est par cette formule lapidaire que le « think thank »
Lisbon Council résume le défi lancé à l’Europe : son succès économique y est présenté comme strictement
dépendant du développement du capital humain et donc de la revalorisation des systèmes éducatifs des pays
membres.
La crise de 1973 a également participé à mettre au premier plan cette fonction instrumentale,
privée et publique, de l’école, avec cependant une nouvelle coloration, celle de la nécessaire
maîtrise des dépenses publiques. Investir dans l’école parce qu’elle participe au
développement du capital humain, d’accord, mais à doses plus homéopathiques et en
s’assurant alors plus étroitement de son « efficacité ». Alors que jadis, le secondaire réservé à
une élite était considéré comme une initiation « gratuite » (cf. les gréco-latines) à la vie de
bourgeois, les parents et la société tout entière, touchés par la crise, expriment désormais des
préoccupations plus pragmatiques : trouver un emploi, maîtriser les langues étrangères,
l’informatique… Ils accentuent ainsi la pression exercée sur l’école secondaire, massifiée et
désargentée. En témoigne une courte phrase issue de l’exposé des motifs du projet de loi
Fillon, qui pose bien le « marché » que passe la société avec son école :
« La maîtrise par tous des compétences et savoirs de base, le vivre ensemble à l’école, la
sensibilisation à l’acte d’entreprendre, l’éducation à la citoyenneté qui favorise la prise de
conscience des valeurs démocratiques et le dialogue interculturel sont des fondements de la
cohésion sociale et un vecteur de croissance. » (Projet de Contrat stratégique pour
l’éducation, C.F., 2005, p. 12)
41
Souligné par nous.
Par ailleurs, du point de vue individuel cette fois, l’enjeu de la scolarité n’a jamais été
aussi grand pour les enfants et leurs familles : elle conditionne en effet l’accès à l’emploi et
plus généralement elle détermine de niveau de vie (santé, salaire…). On comprend alors le
développement d’une forte compétition pour l’obtention des diplômes considérés comme des
« biens positionnels » : choix des écoles « élitistes », choix des filières sélectives, cours
particuliers, « pédagogisation » de la vie familiale (cf. 6.3).
42
Rousseau dans « L’Émile » (p. 42) a été l’initiateur d’une telle conception :« Vivre est le métier que je veux
lui apprendre. En sortant de mes mains, il ne sera, j’en conviens, ni magistrat, ni soldat, ni prêtre. Il sera
premièrement homme : tout ce qu’un homme doit être, il saura l’être, au besoin il s’adaptera à tout ce qui
arrivera vers lui et la fortune aura beau le faire changer de place, il sera toujours à la sienne.»
En temps de crise des finances publiques, il est assez facile de comprendre que passe à la
trappe un remède qui est, d’une part, critiqué par des pédagogues et dont la suppression,
d’autre part, permettrait d’engranger de sérieuses économies. C’est ce qui a été fait en
interdisant de doubler plus d’une fois dans le primaire43 et en créant un cycle de deux ans sans
doublement possible pour le premier degré, lors de sa réforme initiée en 199444. Il est
pourtant évident que supprimer le remède ne fait pas disparaître la maladie45. Il aurait donc
fallu, comme dans les pays qui pratiquent la « promotion automatique » (passage automatique
dans la classe supérieure), consacrer les moyens dégagés par la suppression du redoublement
à l’élaboration d’outils de pédagogie différenciée et à l’engagement de personnel éducatif
auxiliaire (logopèdes, orthopédagogues…). Le récent « Contrat pour l’école » (3.10) va
timidement dans ce sens, puisqu’il renforce l’encadrement des premières années.
Cette réorientation des moyens aurait été d’autant plus nécessaire que « l’attachement » de
notre école au redoublement était le signe que ce dernier remplissait un certain nombre de
fonctions latentes (Draelants, 2006) :
§ une fonction de gestion de l’hétérogénéité des élèves et des classes, surtout au premier
degré ;
§ une fonction de positionnement hiérarchique et symbolique : chaque établissement
se définit ainsi une place et une réputation (d’exigence, de sérieux ou
d’accompagnement des élèves en difficulté) au sein d’un « quasi-marché » scolaire ;
§ une fonction de régulation de l’ordre scolaire : le « bâton » du redoublement est
censé inciter les élèves au travail scolaire et au respect des règles du métier d’élève.
Depuis de longues années, la lutte contre le redoublement est au cœur des politiques de
gestion de l’école en Communauté française, le Contrat pour l’école de 2005 en étant
l’apothéose. La lutte contre l’échec est un de ses 6 objectifs prioritaires : « D’ici 2013, les
actions menées et les efforts accomplis doivent permettre de tendre vers 90% d’élèves à
l’heure en fin d’enseignement primaire (venant de 80%) et 55% d’élèves à l’heure en fin
d’enseignement secondaire (venant de 40%). » (p. 7)
43
Décret de 1995 sur « l’école en cycles ».
44
Un décret de 2001 du ministre Hazette est cependant venu quelque peu amender cette disposition en
prévoyant l'organisation d'une année de remédiation en cours de cycle, destinée aux élèves qui rencontrent de
« grosses difficultés » en première. Même si cette année complémentaire ne constitue pas à proprement parler
un « redoublement de l'année antérieure », certains ont jugé qu’elle rouvrait la porte aux pratiques anciennes.
45
Encore que, dans le cas de redoublement « injuste » (par exemple, d’un élève « moyen » dans une école
élitiste), c’est précisément le remède qui engendre la maladie. Mais dans le cas de difficultés scolaire avérées,
faire passer l’élève dans l’année ultérieure sans rien faire de plus ne permet pas non plus de les résoudre ipso
facto.
Au fond, notre enseignement secondaire pourrait faire sien la finalité qu’avait assignée
Jules Ferry, dès 1880, à l’enseignement primaire obligatoire : « Ne pas embrasser tout ce qu’il
est possible de savoir, mais bien apprendre ce qu’il n’est pas permis d’ignorer ». C’est bien
cette idée qui est derrière la notion de « socles » et de compétences terminales conçues
comme un maximum pour la certification, même si elles permettent un dépassement pour la
formation (cf. 3.7.2).
Cependant, il est à craindre que cela ne suffise ni en toutes circonstances, ni pour tous les
élèves, tant la crise du sens paraît profonde. Pour la comprendre, il nous faut d’abord préciser
d’où elle provient. Trois raisons principales peuvent être évoquées.
§ Tout travail scolaire est avant tout une formation, une préparation à la vie ultérieure :
son sens n’est que rarement à chercher uniquement en lui-même (ex. tel concept
mathématique « prépare » à tel autre, tel repère historique permettra de donner du sens
à telle pièce dans un musée…). Or, les élèves d’aujourd’hui ont plutôt tendance à
chercher des motifs immédiats d’investissement : en cela, ils ne reflètent d’ailleurs, une
fois de plus, que l’esprit du temps… Il y a donc une sorte de décalage entre l’école
(qui fonctionne sur le temps long, le temps de la réflexion, du délai, de l’apprentissage
qui constitue toujours un détour) et la société environnante (du temps court, du
zapping, du « tout, tout de suite », de la réaction spontanée, de l’émotion).
§ Par ailleurs, les jeunes générations ont été éduquées dans un culte grandissant de
l’individualité et de l’expression de soi. Rien d’étonnant dès lors qu’ils expriment
plus ouvertement et plus franchement leur malaise scolaire. Les élèves actuels ne sont
Dans ce contexte, les jeunes peuvent donc éprouver des difficultés à se motiver pour
l’école. Ils le font quand même, bon gré mal gré, en se rattachant aux trois sources de
motivation décrites au cours de Psychopédagogie : l’intérêt intellectuel, les « palliatifs »
didactiques et les … notes (Barrère, 1998).
Même si elles obéissent sans doute à des contingences particulières47, on voit aussi
comment les réformes peuvent être lues comme des tentatives de l’école de répondre aux
nombreux défis que lui lance la société. Ainsi, l’approche par compétences pourrait participer
à relever les défis suivants :
§ celui des « savoirs morts » certainement puisqu’une compétence n’est rien d’autre
qu’un savoir vivant ;
§ ceux de la démocratisation et de l’école de la réussite, en fixant des balises
maximales pour la certification et en incitant les enseignants à travailler en classe
les compétences transversales ;
§ celui des nouvelles demandes de la société du savoir, en axant la formation sur des
connaissances « mobilisables » pour la résolution de problèmes du monde « réel » ;
§ celui enfin de la crise du sens, en confrontant les élèves à des situations dans
lesquels leurs savoirs peuvent être mobilisés et « faire sens ».
46
La littérature nous offre de très nombreux témoignages historiques d’élèves peu intéressés par l’école, de
Saint Augustin (qui considérait la répétition des tables de multiplication comme une véritable torture) à Gide en
passant par Jules Vallès qui dédie en 1879 son roman « L’enfant » « à tous ceux qui crevèrent d’ennui au
collège »…
47
Dans une attitude poujadiste fort en vogue, il est ainsi de bon ton de prétendre que les réformes ne
constitueraient que des lubies individuelles, mises en œuvre par les politiciens et les responsables de
l’administration de manière à laisser leur nom à la postérité.
http://www.enseignement.be/gen/syst/publications.asp
872 en 1990
48
« Petit guide pratique de l'Enseignement obligatoire en Communauté française »
On parle d’inégalité sociale quand on observe une distribution inégale, entre les membres
d’une société, des ressources de cette société, due aux structures mêmes de cette société et
faisant naître un sentiment49 d’injustice auprès de ses membres. Nos sociétés démocratiques
ne s’accommodent plus de certaines inégalités autrefois considérées comme des fatalités. Par
exemple, l’explication de carrières différentes par la seule naissance n’est plus jugée
satisfaisante. Nos sociétés modernes cherchent donc soit à légitimer les inégalités de manière
la plus juste possible (par exemple, par le talent ou le mérite), soit à les atténuer si aucune
légitimation ne semble socialement satisfaisante.
Les inégalités sociales devant l’éducation sont perçues comme doublement injustes : en
tant que telles d’abord (les enfants de telle classe sociale n’ont pas accès à telle filière), mais
surtout en tant qu’elles agissent comme courroie de transmission des inégalités sociales (cf. la
théorie de la reproduction (7.1)).
6.1 Démocratisation ?
Il nous faut d’abord distinguer plusieurs « types » de démocratisation :
§ Pour qu’il y ait démocratisation qualitative, il faut que les couches sociales les plus
défavorisées aient tiré plus de profit que les autres de l’élargissement de l’accès. On
parle alors de démocratisation ÉGALISATRICE : les taux d’accès des groupes « en
retard » tendent à rattraper ceux des groupes favorisés, ce qui est aussi nécessairement
le cas dès que les taux d’accès approchent de 100%. On doit cependant aussi
49
Il n’existe donc ni définition « objective » ni seuil absolu d’une inégalité sociale. Il faut surtout qu’elle soit
ressentie comme telle par des groupes d’individus au sein d’une société. En conséquence, plus les goûts et les
aspirations (exemple, faire des études supérieures) s’homogénéisent dans une société, plus « apparaîtront » des
inégalités. Et plus les progrès de l’égalité seront visibles, plus les inégalités subsistantes seront jugées
insupportables (Savidan, 2007).
6.2 Bref état des lieux des inégalités sociales face à l’école
Un bilan synthétique de la démocratisation de notre enseignement secondaire n’est guère
aisé à dresser, notamment
§ parce qu’il n’existe, de ce phénomène, ni définition incontestée ni modalités de
mesure admises par tous (cf. 6.1) ;
§ parce que les premiers effets visibles de la démocratisation constituent plutôt des
« problèmes » aux yeux des acteurs : classes plus hétérogènes, difficultés
pédagogiques inédites, impression de baisse du niveau… Pour apprécier les effets
moins visibles (mais prioritaires) sur les bénéficiaires notamment en termes de
destins sociaux des jeunes défavorisés plus enviables et plus justes, il faut recourir à
des méthodologies complexes, comparant par exemple le destin de jeunes de même
âge et de même niveau social, les uns vivant dans une région ayant connu une
réforme pédagogique visant à la démocratisation et les autres dans une autre
région50 (Maurin, 2007).
§ parce que les données empiriques restent rares et parcellaires pour la Communauté
française. Nous utiliserons donc parfois des sources de pays voisins.
Il faut d’abord remarquer que les inégalités se mettent en place très précocement, bien
avant l’entrée au secondaire. Ainsi, dès 6 mois, des relations existent entre le développement
et la « qualité » du milieu familial des enfants. À 5 ans, la prise en compte de facteurs
familiaux (valeurs, style éducatif...) explique déjà 70% du développement cognitif et
langagier de l’enfant. On sait aussi que le redoublement au primaire, même s’il est désormais
rare, est fortement lié à l’origine sociale : par exemple, le seul fait d’avoir une mère titulaire
d’un diplôme accroît les chances d’un enfant de plus de 11% de réaliser un parcours « sans
faute ».
Dans le même sens, Van Haecht a montré que le pourcentage d’enfants en retard en fin de
première année primaire (redoublement) dépend de la profession du chef de famille.
50
À l’encontre du pessimisme ambiant faisant douter de la nécessité de poursuivre le mouvement de
démocratisation et lorsque l’on se donne la peine de recourir à de tels types d’étude, on constate que la première
vague de démocratisation surtout a eu de vrais effets bénéfiques sur les carrières sociales des jeunes défavorisés
et sur l’équité d’accès aux carrières enviables (Maurin, 2007).
Cadres 3,4%
Moyenne 15,4%
Les disparités du niveau des enfants à l’entrée du secondaire sont, en conséquence, assez
impressionnantes : les 10% d’élèves les plus forts réalisent des performances trois fois
supérieures aux 10% les plus faibles et ces différences sont associées au milieu social. Ces
écarts se creuseront encore tout au long de la scolarité, par plusieurs mécanismes :
§ le jeu subtil du choix de l’établissement, de la filière et des options garantissant de
« bons groupes » d’élèves (latin et allemand) ;
§ l’importance croissante du travail personnel (donc de l’accompagnement familial
(6.3)).
6.2.1 L’accès
L’obligation scolaire ayant été portée à 18 ans, les éventuelles inégalités d’accès doivent
plutôt être recherchées du côté de :
§ l’ACCÈS AU DIPLÔME de l’enseignement secondaire : on montrera qu’un double bilan
peut ici être établi. D’une part, il reste des écarts majeurs de probabilité d’accès au
diplôme secondaire selon le diplôme obtenu par les parents (et singulièrement la mère).
Mais, côté positif, ces écarts se sont réduits entre 1960 et 2000 (Vandenberghe, 2004).
§ l’ACCÈS À L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR. Un bilan moins favorable peut ici être
établi : les écarts ne se sont guères réduits depuis 1960 (Vandenberghe, 2004).
6.2.2 La réussite
Les données spécifiques à la CF sont assez rares, on l’a dit. On peut néanmoins se faire une
idée des écarts de réussite selon l’origine sociale à partir d’une série d’études ponctuelles.
Nous avons déjà évoqué les études sur l’accès au diplôme, indicateur bien entendu de réussite.
Autre exemple, la fréquentation de la première « accueil » (ancêtre de la première
« différenciée »), signe d’échec au primaire, est, elle aussi, en relation avec le milieu de
l’élève.
Fréquentation de la première
« accueil » (1982)
Agriculteurs 7%
Ouvriers 9%
Cadres 2%
Enseignants 1%
La fréquentation des filières reste donc assez fortement liée à l’origine sociale des élèves et
cette tendance est stable dans le temps, en dépit des belles promesses du rénové.
Une étude plus récente a étudié le jugement porté par des enseignants sur l’opportunité de
la poursuite d’une filière générale par un élève « moyen », pour lequel ils disposaient du
bulletin final de l’année antérieure. Ce jugement dépend fortement de l’origine sociale
annoncée de l’élève. Il « suffit » que l’élève soit présenté comme étant d’origine défavorisée
pour que la proposition d’orientation vers l’enseignement général baisse de près de 30%
(Mangard & Channouf, 2007).
Autrement dit, notre école peine à être « méritocratique », à annuler l’effet des chances
inégales de départ de chacun et à assurer effectivement à tous « les mêmes chances
d’émancipation sociale », alors qu’il s’agit d’un de ses objectifs prioritaires (cf. 3.7). Une des
explications de ce phénomène inquiétant réside dans les structures mêmes de notre
enseignement et en particulier dans la très forte ségrégation que l’on y observe entre
établissements. PISA confirme d’ailleurs que la Communauté française et l’Allemagne se
caractérisent aussi par de très importantes différences de résultats selon les établissements.
Une sorte d’apartheid pédagogique s’est véritablement mis en place, cantonnant les élèves les
moins favorisés dans des établissements de relégation et leur offrant ainsi des occasions
d’apprendre moindres qu’aux autres.
Dans la plupart des pays, on constate de manière plus générale que les écarts de niveau
scolaire entre élèves d’origines sociales différentes ont tendance à s’accentuer depuis 20 ans,
signe donc que l’origine sociale pèse de plus en plus sur le niveau scolaire, autrement dit que
la démocratisation, de ce point de vue, est en recul (La Lettre de l’éducation, 591, 2008).
Bien sûr, une partie de ces facteurs sont extérieurs à l’école, comme l’inégalité des
richesses des familles. Ainsi, nous avons déjà signalé que la Suède est un des seuls pays qui a
réussi à diminuer les inégalités sociales face à l’école essentiellement par des politiques
externes au milieu scolaire : sécurisation des classes populaires, restriction de l’échelle des
revenus, politiques d’emploi et de redistribution égalisant les conditions de vie des familles,
amélioration des structures de garde des jeunes enfants homogénéisant leurs conditions de
développement (Duru-Bellat, 2006 ; Meuret & Morlaix, 2006).
Une observation fine des pratiques éducatives familiales (Lareau, 2009) montre que les
classes moyennes américaines sont obsédées par une sorte de culture volontariste des talents
de leurs enfants. Ils inscrivent ces derniers, dès le plus jeune âge, à une importante quantité
d’activités et de loisirs au nom de leur valeur éducative. De plus, au sein même de la famille,
ils surveillent en permanence l’activité de leurs enfants et interviennent dans un but
explicitement éducatif, notamment pour les préparer à entrer en interaction positive avec les
« institutions » (école, hôpitaux, cercles sportifs…). Les familles plus pauvres, tout aussi
« aimantes » vis-à-vis de leurs enfants, adoptent, quant à elles, une attitude de protection et de
soin, censée assurer le développement « naturel » de leurs enfants. Se trouvant eux-mêmes
dans une attitude de dépendance et de soumission aux « institutions », ils ne préparent pas
leurs enfants à se considérer et à se comporter comme des personnes ayant des droits et du
pouvoir sur leur vie.
51
De plus en plus de sociétés privées proposent désormais aux jeunes des cours de rattrapage et de
préparation aux examens. À titre d’exemple, une des dernières arrivées sur le marché en 2008 (EDUCADOMO)
demande 75 euros de frais de dossier et d’inscription et 27 euros par heure de cours. Aucun cadre légal n’entoure
jusqu’ici ce type d’activités. Le risque est évidemment d’en arriver à un système scolaire de plus en plus dual,
l’accompagnement scolaire voire la remédiation étant réservés aux familles disposant de revenus suffisants.
On s’aperçoit alors que l’école est aussi une partie du « problème » : ses structures mêmes
(cf. ci-dessus), mais aussi ses acteurs. C’est ainsi que l’on s’interroge, par exemple, sur les
« effets maîtres » et les « effets établissements », autrement dit les caractéristiques des acteurs
qui semblent être plus efficaces et plus justes que les autres (cf. deuxième partie). De là est
aussi né le souci d’instaurer une plus grande mixité sociale au sein des établissements et des
filières. Le Contrat pour l’école en fait même un de ses objectifs centraux (cf.3.10 et 3.11) 53.
52
cf., par exemple, le numéro 6 de la Lettre de la fondation pour l’innovation politique, intitulée « Refonder
l’école » (http://www.fondapol.org/).
53
Cet aspect du Contrat illustre à merveille le fait que la société imprime ses marques à l’école. En effet si la
mixité sociale n’a guère progressé à l’école, comme le signale à juste titre le Contrat, on pourrait se demander si
elle a progressé ailleurs, dans le logement par exemple. Quant à la marge de manœuvre dont disposerait l’école
pour faire changer une structuration sociale bien ancrée, on se rend mieux compte de son étroitesse à la lecture
d’une des pistes envisagées par le document préparatoire au Contrat, qui relève du vœu pieux : « permettre aux
parents d’oser le choix de la mixité » ( !)
54
D’autant que des études (Chouinard, 2006) ont montré que la quantité de devoirs n’est guère en relation
avec le rendement scolaire, surtout lorsque ces devoirs ne sont ni corrigés ni commentés. De plus, contrairement
à une idée reçue, les devoirs ne semblent pas favoriser le développement d’une discipline personnelle et le sens
des responsabilités, en tout cas en l’absence de supervision éclairée et structurée des parents.
55
Le développement du soutien scolaire extérieur à l’école est considérable : multiplication des écoles de
devoir (de 45 en 1990 à 210 en 2009), apparition de sociétés privées (par exemple, Educadomo, lancé en 2005,
comptait déjà 2.500 familles affiliées en 2009), multiplication des sites Internet spécialisés jusqu’au très douteux
« faismesdevoirs.com »… (Le Soir, 6 mars 2009)
Le schéma de pensée est bien connu (cf. schéma ci-dessous). Les inégalités sociales
engendrent, via la socialisation familiale différenciée, une forte inégalité de compétences et de
dispositions des enfants face à l’école (maîtrise des codes langagiers, vision du monde…).
Comme cette dernière ignore ces différences et, au contraire, traite tous les élèves comme
égaux en droits et en devoirs, elle ne peut aboutir qu’à observer, à la sortie, des différences
d’acquis scolaires (dont les titres et les qualifications) qui correspondent en réalité aux
différences sociales de départ. Les différences de réussite scolaires vont, à leur tour, justifier
et légitimer les positions sociales dominantes de celles et ceux qui détiennent les diplômes et
les titres scolaires les plus élevés. Au total, les structures sociales de départ auront été
reproduites via l’école. De plus, pour rendre encore plus légitime cette reproduction,
« l’idéologie du don » va convaincre les tenants de la compétition scolaire que les inégalités
finales d’acquis sont en définitive imputables aux dons de départ, inégalement répartis par
Dame Nature (cf. la bosse des maths) et que l’école est impuissante face à de tels
déterminismes « naturels ». Cette idéologie fait accepter comme justes des évaluations qui ne
font pourtant qu’entériner des inégalités sociales préexistantes.
Cette théorie massive, implacable et défaitiste a profondément marqué tous les discours sur
l’école et a même paralysé toute tentative d’analyse plus qualitative du fonctionnement de
l’école puisqu’elle « expliquait » ce fonctionnement par sa seule fonction globale de
reproduction sociale, ce qui est quand même assez réducteur.
Il est, de ce point de vue, significatif que les deux documents récents de projet de loi
d’orientation sur l’école, au-delà des clivages politiques gauche/droite, partent d’un même
constat douloureux et jugé, par les deux textes, comme étant « grave » :
« Plus grave56 encore, chacun reconnaît que l’ascenseur social ne fonctionne plus dans la
société française. L’écart se creuse entre les chances de réussite des enfants des milieux les
plus favorisés et ceux dont les parents sont ouvriers, sans emploi ou d’origine étrangère.
L’origine sociale pèse lourd sur l’égalité des chances. » (Projet Fillon, 2005, p. 18)
« Notre système éducatif ne parvient pas à réduire des inégalités de résultats. Plus grave57,
il a tendance à reproduire ces inégalités. Il ne joue plus suffisamment le rôle d’ascenseur
social. » (Projet de Contrat stratégique, 2005, p.39)
La théorie de la reproduction a été dotée d’un tel pouvoir de séduction que les
confirmations empiriques ont été longtemps jugées superflues. Quand des chercheurs ont pris
la peine de la soumettre à l’épreuve des faits, on s’est rapidement aperçu que de nombreuses
observations semblaient infirmer ou, du moins nuancer, cette macro-théorie :
§ le lien entre les titres scolaires et les positions sociales existe, mais il semble plus
lâche et moins déterministe que ce que suppose la théorie de la reproduction (ex.
montée importante du chômage chez les jeunes fortement diplômés) ;
§ les normes scolaires dominantes ont quand même évolué au cours du temps (ex.
latin-grec puis mathématiques). Comment l’expliquer si l’arbitraire scolaire était
reproduit de génération en génération ?
§ Comment expliquer aussi la meilleure réussite scolaire des filles au sein d’un
système social où la domination masculine aurait dû, selon cette théorie, assurer sa
« reproduction » ?
56
Souligné par nous.
57
idem
o certaines de ces familles aisées ont parfois transmis leur capital culturel
selon des modes finalement très éloignés des formes de l’apprentissage
scolaire et qui ne les préparent donc pas au formalisme scolaire (ex.
« promenades libres » dans les musées) ;
Dès le milieu des années 1980, on a dès lors estimé qu’on ne pouvait plus considérer
l’école comme un système monolithique imprimant sa marque partout, de la même façon et
inexorablement. La place et la marge de manœuvre des acteurs (parents, élèves, enseignants)
de l’école sont apparues comme loin d’être négligeables : chacun d’eux participe à
« construire » les parcours scolaires par ses actions spécifiques.
Cette égalité des chances est censée établir des inégalités sociales justes, peu
contestables : les élèves disposant des mêmes chances au départ, il est légitime que ceux qui
« réussissent », grâce à leur mérite (aptitudes et effort) occupent les places les plus adaptées à
leurs compétences. Elle permet donc de concilier deux principes fondamentaux : l’égalité
entre les individus et la nécessaire division du travail dans nos sociétés modernes.
La notion de mérite est au centre de cette première conception de « l’école juste ». Cette
notion connaît un succès considérable dans nos sociétés marquées par l’individualisme car
elle permet de se penser comme « propriétaire de soi-même et de ses productions » et comme
responsable de ses choix et donc de son avenir (Savidan, 2007). Pourtant, il n’est pas sûr que
le mérite soit strictement individuel. L’individu n’est d’ailleurs jamais totalement propriétaire
de son mérite, de ses talents, de ses compétences, voire de ses dispositions. Même les dons
innés d’un individu n’existent que potentiellement et ne viennent à maturation que sous
certaines conditions assurées par d’autres (ses parents, ses enseignants...). Le « mérite scolaire
» en particulier ne constitue bien souvent que la transformation de déterminants sociaux en
talents personnels58.
Par ailleurs, une stricte application de l’égalité méritocratique des chances voudrait que
tous les enfants partent exactement du même point, ce qui supposerait qu’ils aient été éduqués
par des parents également compétents et dans des conditions matérielles, intellectuelles,
sociales et affectives proches ou que ces enfants aient été retirés à leurs parents et éduqués
collectivement, comme l’avait proposé Platon… On voit bien l’absurdité du propos et donc le
caractère fictif de cette première forme d’égalité59.
D’ailleurs, alors que la massification avait assuré que les conditions d’une telle égalité
soient réunies, les résultats ont été décevants : de profondes inégalités sociales persistaient à
l’école (cf. point 6). La seule égalité des chances ne produit donc pas l’égalité des résultats.
On s’est alors aperçu que « l’arbitre n’est pas impartial » : l’école « truque » la compétition
scolaire qui devrait révéler le pure mérite des élèves. Par exemple, l’école traite moins bien
les élèves les moins favorisés, en les concentrant dans des établissements plus « difficiles » et
en leur offrant dès lors moins de chances d’apprendre. On a déjà évoqué toute la perversité de
cette sélection sociale désormais interne à l’école et qui apparaît dès lors « juste » : ceux qui y
58
Rawls, un des grands théoriciens actuels de la « justice », écrit ainsi que « La mesure dans laquelle les
capacités naturelles se développent et arrivent à maturité est affectée par toutes sortes de conditions sociales et
d’attitudes de classe. Même la disposition à faire des efforts, à essayer d’être méritant, au sens ordinaire, est
dépendante de circonstances familiales et sociales heureuses. » cité par Savidan (2007), p. 259.
59
Toujours selon Rawls, « le principe de l’équité des chances ne peut être qu’imparfaitement appliqué, du
moins, aussi longtemps qu’existe une quelconque forme de famille », cité par Savidan (2007), p. 259
Tout en affirmant donc ce premier principe d’égalité des chances, mais en sachant qu’il
s’agit largement d’une fiction nécessaire, l’école se doit donc de poursuivre un autre projet :
l’égalité distributive des chances.
Elle devrait, de plus, donner plus et surtout mieux à ceux qui ont moins. C’est ainsi que
les établissements en discrimination positive bénéficient de normes d’encadrement plus
favorables. En CfB, les subsides de fonctionnement des écoles sont désormais calculés non
seulement en fonction de nombre d’élèves (comme auparavant), mais aussi en fonction de
leur origine socio-économique. Chaque élève est en effet « indicé » en fonction du quartier où
il est domicilié. Le Contrat pour l’école suggérait d’aller plus loin en utilisant aussi cette
banque de données pour calculer l’encadrement professoral attribué à chaque école. Évoquée
à la va-vite en deux courtes lignes assez hermétiques en fin de document, cette mesure était
pourtant l’une des plus révolutionnaires du Contrat.
L’école n’est donc plus autorisée à se murer derrière une apparente « indifférence aux
différences » : elle doit au contraire réserver aux élèves un traitement différentiel selon la
singularité de leur histoire. Poussée jusqu’au bout, cette logique peut aboutir à une politique
des « quotas », comme celle qu’une Grande École française (Sciences Po) pratique
désormais : quelques places sont réservées à des élèves de ZEP qui bénéficient d’un
encadrement et d’une aide spécifique.
On s’intéresse donc, dans cette troisième conception de l’école juste, à ce qui est dû à tous
les élèves, indépendamment de leur réussite et de leur échec. Une école « juste » devrait, dans
cette conception, assurer que tous les citoyens maîtrisent un socle commun de connaissances
et de compétences.
Cette culture commune constitue l’essentiel à faire acquérir aux uns et, pour, les autres,
elle doit plutôt représenter un tremplin pour aller plus loin dans les études. Elle ne doit donc
Si cette idée de « socle commun » est finalement assez ancienne60, elle ne figure au rang
des finalités politiques explicites que depuis les années 1990. Les diverses tentatives
d’installer ce socle ont toutes buté sur la redoutable question de son contenu : que devrait
obligatoirement garantir à tous les élèves l’école obligatoire ? C’est ici que les ennuis
commencent… (Le Monde de l’éducation, janvier 2005). Certains penchent pour un « socle »
instrumental, composé de « modes de pensée et de savoir-faire fondamentaux »
indispensables à la maîtrise de toutes les matières scolaires. Edgar Morin propose, quant à lui,
« 7 thèmes » : la condition humaine, l’identité terrienne… La Commission européenne
suggère de définir le socle par des compétences clés : la « numéracie » (!), la littéracie… Plus
récemment, le socle du collège français a été redéfini autour des axes suivants : les langages
fondamentaux (français, langues vivantes, numérique…) ; apprendre à apprendre ; formation
de la personne et du citoyen ; l’Homme et le monde, les sciences et les techniques ; l’activité
humaine dans un monde en évolution.
Chaque proposition de socle reçoit sa volée de bois vert, souvent corporatiste. Ainsi, quand
un ministre (Fillon) a suggéré d’inscrire « la pratique d’au moins une langue vivante
étrangère » dans le socle, l’association des enseignants d’arts plastiques s’est demandé
pourquoi ne pas inclure aussi « au moins un art » et le lobby des professeurs d’éducation
physique a réclamé « au moins une discipline sportive »…
En effet, une école qui aurait justement sélectionné les meilleurs, en ayant assuré à tous
une égalité des chances de départ, et qui procurerait à ces « élus », par les diplômes obtenus,
tous les avantages possibles en termes d’emploi, de salaire, de pouvoir et de carrière ne serait
pas encore considérée comme totalement juste.
On pourrait ainsi viser à une plus grande séparation des sphères de justice, les inégalités
scolaires n’entraînant pas aussi automatiquement et aussi fortement des inégalités
économiques et sociales. Il est peut-être injuste que les diplômes, même obtenus
« justement », commandent aussi étroitement les carrières et que la diversité de carrières
entraîne des conditions de vie trop différentes. Certains en appellent dès lors à une
« déscolarisation » de la société, qui ferait que tout ne se joue plus complètement et
60
On fait souvent référence à la célèbre phrase de Jules Ferry (1880), assignant à la nouvelle école primaire
obligatoire l’objectif suivant : « Ne pas embrasser tout ce qu’il est possible de savoir, mais bien apprendre ce
qu’il n’est pas permis d’ignorer. »
Plus fondamentalement, de plus en plus d’auteurs critiquent la notion d’égalité des chances
(une synthèse de ces critiques a été réalisée par Savidan en 2007), notamment parce qu’elle se
fonde sur un raisonnement trop individuel et qu’elle ne peut suffire à constituer un idéal
collectif. Il ne suffit en effet pas de proclamer que chacun a eu les mêmes chances au départ
pour organiser une société, encore faut-il se demander à quel idéal collectif on souhaite
aboutir en termes de bien commun. Pour le dire de manière plus directe, une société juste
n’est pas seulement une société au sein de laquelle les individus auraient la possibilité de
s’affronter « à armes égales »…
Par ailleurs, une école juste doit aussi traiter les vaincus de manière juste : éviter les
jugements portés sur les personnes, offrir à chacun un domaine dans lequel il puisse briller.
Chaque élève doit être reconnu comme tel et traité comme un sujet singulier. Un des rôles de
l’école est aider tous les élèves à grandir, ce qui devrait la pousser à n’humilier personne et à
convaincre chacun de sa valeur, parfois en dehors du champ des seules connaissances
« scolaires ». Pour le dire autrement, l’école doit aussi s’attacher à former des individus
indépendamment de leurs « performances » et de leurs « mérites » dans les domaines
scolaires. On doit rappeler que l’école ne peut avoir pour mission première de produire une
société plus juste (c’est à la société elle-même de poursuivre cet objectif), mais qu’elle doit
surtout éduquer, produire un monde plus humain et que ses finalités doivent être pensées en
termes pédagogiques d’épanouissement et de formation personnelle, notamment du citoyen.
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