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SOCIOLOGIE DE L’EDUCATION

Anne BARRERE, Nicolas SEMBEL

PRESENTATION DES AUTEURS

Anne BARRERE est sociologue et enseigne en tant que maître


de conférences à l’université de Lille III. Elle co-dirige
également le DESS Ingénierie des ressources Humaines en
éducation dans cette même université. Nicolas SEMBEL est
également sociologue et maître de conférences à l’IUFM
d’Aquitaine et à l’université de Bordeaux II.
Leur courant théorique de recherche est la sociologie
compréhensive de l’éducation et du travail. Leurs divers
travaux sont donc en lien avec le travail scolaire, le travail
enseignant, les ordres et désordres scolaires ainsi que les
régulations dans la classe et dans l’établissement.

Ouvrages publiés :
BARRERE A. (2002). Les enseignants au travail, Paris :
L’Harmattan
BARRERE A. (1997). Les lycéens au travail, Paris : PUF
SEMBEL N. (2003). Le travail scolaire, Paris : Nathan Université

PRESENTATION DE L’OUVRAGE
BARRERE A., SEMBEL N. (1998). Sociologie de l’éducation,
Paris : Nathan

Sociologie de l’éducation est un ouvrage qui se situe dans la


continuité des travaux de recherches d’Anne BARRERE et
Nicolas SEMBEL. Ici, ces auteurs abordent de façon plus globale
le domaine de l’éducation. En effet, en une centaine de page ils
dressent un état des lieux des connaissances sociologiques, des
principales théories et recherches dans le domaine de
l’éducation.
Cet ouvrage se compose d’un avant-propos et de quatre
chapitres. L’avant-propos est écrit par François DUBET,
professeur de sociologie à l’université de Bordeaux II et
chercheur au CADIS-CNRS. Les quatre chapitres sont les
suivants :
École et socialisation
École et sélection
École et apprentissage
Ordre et désordre à l’école
Ces chapitres sont une introduction à la sociologie de
l’éducation. Ils éclairent différents processus actifs à l’école
d’aujourd’hui.

SYNTHESES

Avant-propos de François DUBET


Selon François DUBET, les auteurs ont voulu présenter aux
étudiants les grandes théories et les grandes enquêtes de la
sociologie française. Il appuie sur la nécessité pour les
enseignants de connaître l’ensemble de ces connaissances afin
d’ « éviter de reproduire les erreurs et les illusions du passé ».
Ce livre est un raisonnement d’ensemble liant la sociologie de
l’éducation à l’histoire de l’école. De la théorie de DURKHEIM au
19ième siècle sur l’idéal scolaire à celle de BOURDIEU et
PASSERON sur la reproduction des inégalités, cet ouvrage
montre à quel point la sociologie de l’éducation trace les cadres
à l’intérieur desquels peut se construire la liberté de chaque
acteur de l’école.

Chapitre 1 : Ecole et socialisation


Les auteurs exposent dans ce chapitre les principales
problématiques de la sociologie scolaire du 19ième siècle à
aujourd’hui. Ils mettent ainsi en évidence trois conceptions
majeures :
- DURKHEIM (1858-1917), pour qui la sociologie scolaire est
avant tout une éducation morale, dont le programme dépend
de la discipline, de l’attachement au groupe (classe) et de
l’autonomie de l’élève. Cette socialisation se fonde sur une
séparation entre le monde scolaire et le monde social.
- Pierre BOURDIEU et Jean-Claude PASSERON pendant les
années 70 analysent l’école comme reproductrice des inégalités
et des hiérarchies sociales. Le fonctionnement de l’école est
proche de la culture familiale des enfants favorisés. De ce fait
elle exerce sur ceux d’origine populaire une véritable « violence
symbolique ». La distance entre leur culture sociale et celle de
l’école peut entraîner chez eux, une acculturation.
- François DUBET pendant les années 80 et 90 formalise une
théorie sur l’expérience scolaire, sur la manière dont les élèves
construisent leur expérience à l’école. La socialisation par
l’école est tout d’abord la construction de l’expérience
individuelle. Cette construction est caractérisée par l’intégration
de l’élève, par ses stratégies et sa capacité de subjectivisation.
L’entrée à la maternelle en tant que début de la socialisation
marque une étape importante. Mais ce processus n’est pas
identique selon les classes sociales : « A l’école pour les élèves
de milieux populaires, l’éloignement de la culture scolaire de
leur propre univers social peut faire de la socialisation une série
d’épreuves tant les différents registres d’action sont difficiles à
combiner »p.21. Les différents styles d’autorité familiale
expliquent en partie ces difficultés d’harmonisation avec le
milieu scolaire. Ici, l’idée de la prétendue « démission des
familles » est soulevée. Cette démission n’existe pas. Il y a
participation de toutes les familles aux projets scolaires ainsi
qu’un attachement à des valeurs comme le travail et la
discipline. De plus, les attentes des enseignants ne sont pas
toujours perçues par les parents. Le « système école » est de
ce fait moins visible à leurs yeux ce qui est un réel problème.
Ainsi, « des actions visant à faire comprendre les attentes des
instituteurs aux parents peuvent avoir à cet égard des résultats
spectaculaires en permettant à l’enfant de circuler dans un
univers moins clivé »p.27.

Chapitre 2 : Ecole et sélection


Ce chapitre concernant l’école et la sélection évoque les
recherches antérieures sur ce sujet. En effet, il reprend entre
autre la notion d’élitisme (plus social que scolaire), principe
central de fonctionnement de la sélection scolaire à l’époque de
Durkheim, mais aussi les préoccupations d’égalité engendrés
par la massification scolaire des années 70. Les limites de la
démocratisation du système scolaire sont épinglées. Elle est
perçue comme une « élimination différé » des élèves d’origine
défavorisée. L’homogénéité est affaiblie par la création de
filières de relégation. Une hiérarchisation des sections est
implicitement mise en place. On revient sur les travaux de
BOURDIEU et PASSERON et sur le rôle essentiel joué par le
système éducatif dans le maintien des inégalités scolaires et de
l’ordre social. Ce chapitre reprend donc les différents éléments
qui peuvent intervenir à des degrés divers dans la fabrication
de la sélection à l’école ainsi que les périodes de la scolarité ou
celle-ci est la plus nette : « L’inégalité des parcours scolaires se
focalise sur des moments clés : la réussite au CP, par exemple,
dont on peut montrer qu’elle est un facteur prédictif important
des réussites futures »p.44.
Plusieurs « effets » peuvent peser sur la destinée scolaire des
enfants :
- L’effet collège : « les fils d’employés ou d’ouvriers réussissent
plutôt mieux dans l’enseignement privé : ils sont moins
éliminés en fin de cinquième et conduits davantage sans
redoublement en troisième ou en terminale » p.49.
- L’effet classe : « Les classes hétérogènes éliminent ainsi le
risque de stigmatisation des groupes faibles, alors que les
classes de niveau peuvent produire des effets de clôture en
enfermant les élèves dans une image de cancres » p.50.
- L’effet maître : « Il existe des stéréotypes défavorables liés à
une basse origine sociale : à réussite scolaire égale, les enfants
d’ouvriers français sont deux fois moins considérés comme
susceptibles d’attirer un jugement professoral favorable que
leurs condisciples favorisés (ZIMMERMAN, 1982) » p.51.
Aujourd’hui les travaux se centrent davantage sur les acteurs et
moins sur les structures, ce qui peut amener à une meilleure
compréhension des situations locales.

Chapitre 3 : Ecole et apprentissage


Pour nous décrire les recherches sur l’apprentissage à l’école,
Anne BARRERE et Nicolas SEMBEL évoquent la notion de
« métier », c'est-à-dire l’idée que l’élève met en place à tous
les niveaux de son parcours scolaire, des stratégies dans ses
travaux quotidiens, et mobilise alors des capacités et
compétences qui n’ont pas toujours un rapport avec le travail
purement scolaire. Les auteurs montrent aussi que « le
système école » a connu des évolutions depuis ces dernières
années : « la relation pédagogique est alors un échange entre
les générations, où la subjectivité et les émotions jouent un
rôle » p.74, ainsi les représentations des enseignants se sont
transformées comme leurs pratiques pédagogiques. De
nombreuses études montrent que malgré la place plus
importante accordée aujourd’hui à l’élève dans ses
apprentissages, il n’est pas pour autant devenu acteur à part
entière de sa scolarité. Pourquoi ? On suppose d’une part que
certaines pratiques traditionnelles ont perduré et d’autre part
que les nouvelles pédagogies ne sont pas adaptées à tous les
élèves. « C’est que la connaissance de l’élève, de ses
stratégies d’apprentissage, de ses rythmes propres
d’acquisition ou même des représentations préalables qu’il se
fait de tel ou tel objet de savoir n’est guère un projet simple à
réaliser dans un environnement massifié, et avec des
contraintes inchangées quant aux modalités d’évaluation, de
passage et d’examen »p.76.
ANALYSE DETAILLEE
Chapitre 4 : Ordre et désordres à l’école

Dans une première partie, les auteurs évoquent « la


dérégulation » scolaire et montrent les répercussions à
l’intérieur de l’école de problèmes sociaux.
Tout d’abord, ils nous font part des principaux aspects de « la
dérégulation » scolaire. Ils abordent la notion de « forme
scolaire » et montre que celle-ci a bien évolué depuis le 17ième
siècle. En effet, posée dès le départ comme « l’articulation
d’une relation pédagogique (maître-élève), d’un rapport à
l’espace et au temps, et d’un rapport au savoir indissociable du
rapport à l’écrit »p.90, elle subie deux inflexions importantes.
La première a lieu au début du 19ième siècle, avec la remise en
question de l’obéissance a tout prix de l’élève et donc de la
pédagogie du maître, qui doit se charger désormais de mieux
expliquer pour une meilleure compréhension. On préfère
l’expérience à la stricte répétition des exercices. La seconde a
lieu au 20ième siècle, avec l’essor de la psychologie et des
nouvelles pédagogies s’y rapportant. Elles donnent plus
d’importance à l’enfant et à sa spontanéité. Ce bouleversement
éclate « la forme scolaire » dont les nouvelles pratiques
s’étendent aux activités extrascolaires. Il faut conclure à un
affaissement des contraintes de « la forme scolaire » : « le
silence de rigueur accepte un certain seuil de bruit, l’ordre se
fait moins impersonnel »p.92. Puis, Anne BARRERE et Nicolas
SEMBEL tentent de nous donner deux interprétations de la
dérégulation scolaire. Ils proposent une interprétation par la
massification. Cette dernière a entraîné une perturbation dans
l’adéquation de certaines filières avec les élèves qui leur étaient
socialement destinés. L’écart s’accroît entre enseignants
d’origine favorisée et des publics d’élèves beaucoup plus
populaires qu’avant. De plus, la montée des incivilités à l’école
est peut-être le signe que l’ordre scolaire antérieur n’est plus
viable. Les auteurs suggèrent également une interprétation par
l’éclatement du projet républicain traditionnel. Aujourd’hui, on
est dans une pluralité des modèles scolaires. Selon Jean-Louis
DEROUET, trois modèles se dégagent : « le modèle de l’intérêt
général » qui existait jusqu’à maintenant et qui posait comme
principe la coupure de l’école avec le reste du monde, « le
modèle communautaire » où l’on prône le respect de l’enfant
avant tout, et « le modèle de l’efficacité » en rapport avec
« une constante préoccupation de la productivité du service
public ». La pluralité de ces modèles met à mal les repères
habituels des enseignants. Aujourd’hui, maîtriser sa matière ne
suffit plus. Chaque enseignant doit accomplir de nouvelles
tâches en relation avec des dimensions plus personnelles des
élèves comme par exemple la motivation.
Puis, les auteurs expliquent aussi que la violence est une
problématique récente à l’école, et que les enseignants et les
élèves ne la perçoivent pas de la même façon. Selon les
premiers la violence s’exprime surtout à l’école de façon
verbale alors que pour les seconds, ce sont les bagarres qui
sont les plus fréquentes. Pour les enseignants, la montée de la
violence à l’école est la conséquence logique de l’accueil de tous
les publics et donc de façons de parler jusque là absentes des
établissements. Pourtant de nombreuses analyses (E.
DEBARBIEUX) montrent que c’est « le non-sens » de certaines
expériences scolaires dans les filières de relégation et classes
difficiles qui entraîne la violence. « Il faut avoir le courage de
briser la loi du silence et de dire clairement que la violence
scolaire se fabrique aussi dans la vie de certaines classes »
p.98 (CHARLOT, EMIN, 1997). Les enseignants ont donc des
difficultés à gérer ces situations de violence ce qui entraîne
souvent chez eux une remise en question de leur compétence
professionnelles mais aussi de leur identité personnelle. Il s’agit
alors de réfléchir ensemble sur le problème afin de construire
des solutions durables.
Certains acteurs de l’école aimeraient revenir à l’application de
normes non négociables en matière de discipline dans les
établissements, mais il semblerait que c’est plus « la perception
de l’autorité » elle-même qui poserait problème. Alors que les
enseignants perçoivent cette autorité comme légitime dans bien
des cas, les élèves au contraire la perçoivent souvent comme
abusive.
De plus, on a tendance à interpréter fréquemment les
problèmes en matière de violence comme le résultat de
différences culturelles entre les élèves. Les propos racistes sont
très nombreux dans certains établissements, mais ce n’est
souvent que le reflet de difficultés scolaires, et de la perception
un peu trop individualiste de certains enseignants. C’est toute
la culture scolaire qui est engagée dans le débat sur le racisme.
Elle est parfois jugée comme une culture très ethnocentriste.
Dans une seconde partie, Anne BARRERE et Nicolas SEMBEL
évoquent les tentatives de régulation scolaire. Ils avancent un
premier argument celui de « l’appel à la citoyenneté ». En effet,
le nombre de droits accordés à l’élève et plus précisément au
lycéen est un aspect de cette citoyenneté. Mais on observe que
l’institution verrouille souvent ces libertés, notamment au
conseil de classe où la parole de l’élève même par la présence
des délégués est rarement prise en considération, et encore
plus sur tout ce qui concerne les aspects pédagogiques.
L’enseignement de l’instruction civique initiée pendant la
IIIième république et généralisée après la Libération, fait naître
chez certains jeunes de la banlieue des intérêts particuliers en
rapports avec les droits de l’homme, la justice et l’équité. De
façon globale, en ce qui concerne l’éducation à la citoyenneté, il
s’agit dans la plupart des cas « d’avancer des droits pour
réaffirmer des devoirs dont le respect contribuera à rétablir les
contours d’une autorité dont les formes sociales sont désormais
incertaines »p.103. C’est tous les jours, école par école, collège
par collège, lycée par lycée que doivent se créer des réponses
aux difficultés qui surviennent. C’est donc aussi par le local que
le système peut se réguler. La création des EPLE au début des
années 80 comme la mise en place des politiques ZEP a pour
objectif de parvenir « à partir d’une action locale à une
résolution globale de l’échec scolaire en tenant compte non
seulement du poids de l’origine sociale, mais aussi du pouvoir
de renforcement des disparités spatiales » p.104.
La territorialisation de l’offre scolaire a fait naître un véritable
marché de celle-ci ou logique de concurrence et de ségrégation
coexistent. Beaucoup de familles favorisées demandent des
dérogations pour pouvoir aller dans les meilleurs
établissements et non dans ceux du secteur. Ces pratiques
renforcent considérablement les inégalités sociales et le
sentiment d’injustice. Ainsi, pendant les années 90 naît une
sociologie des établissements scolaires. Le pionnier dans ce
domaine est Dominique PATY qui dès 1981 s’est intéressé à la
structure « collège » et tout particulièrement aux relations
existant entre les types d’autorité, les styles de relations
sociales et les aspects éducatifs. En partie grâce à cette
enquête, l’établissement scolaire à été reconnu comme objet
d’étude et plusieurs axes de recherche ont émergé : un premier
sur « l’éclatement des orientations au sein d’un même
établissement et les difficultés rencontrées pour mettre en
place un projet commun » p.107, un second sur les capacités
différentielles de mobilisation présentes dans les établissements
et variant souvent en fonction des chefs d’établissements, et
enfin un dernier sur le bilan mitigé des politiques ZEP où
« seuls les bons élèves semblent tirer partie des dispositifs mis
en place » p.109. En conclusion, nous pouvons dire que pour
évaluer « les politiques publiques, les politiques
d’établissements, les pratiques enseignantes et le travail des
élèves » il est indispensable de prendre prioritairement en
compte le sujet adolescent et sa culture, comme ses besoins et
ses envies d’investissement dans la vie de l’établissement.

CONCLUSION ET REFLEXION EN LIEN AVEC LE METIER


DE COP
Les problématiques de la sociologie de l’éducation se sont au fil
du temps diversifiées en parallèle avec l’hétérogèneisation des
situations scolaires. Aujourd’hui certaines traitent de
dimensions telles que la pédagogie, la motivation et le travail
scolaire alors que d’autres s’attachent davantage à l’analyse
des contextes difficiles. La sociologie de l’éducation caractérisée
par cette pluralité des savoirs peut devenir une ressource
importante pour les acteurs de l’école et notamment pour les
conseillers d’orientation- psychologues.
Cet ouvrage est un outil de réflexion sur l’éducation à mettre
entre toutes les mains des professionnels de l’éducation. Pour
un conseiller d’orientation-psychologue qui débute sa carrière
ce livre apporte beaucoup d’éléments (références
bibliographiques, historiques…) explicatifs sur le
fonctionnement d’un établissement et du système éducatif en
général. Il permet de mieux comprendre les difficultés de
certains jeunes, leur comportement et le rôle que la famille
mais aussi l’école (« effet établissement », « effet classe » et
« effet maître ») tient dans ces parcours. Il permet d’avoir un
regard neuf sur l’institution et ses acteurs et de se priver de
tous clichés et stéréotypes. Ce que nous retiendrons
principalement de ce travail c’est que la collaboration entre
professionnels et la prise en compte de l’adolescent dans sa
globalité sont les clés qui permet d’avancer et de vivre
pleinement son métier.

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