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PEDA-E510 : Pédagogie et didactique, aspects généraux

Plan du cours :
Introduction générale : une approche didactique
Première partie : les élèves et le savoir (prise en compte de cette relation par l’enseignant)
Chapitre 1 : les conceptions
Chapitre 2 : les erreurs à l’école
Chapitre 3 : conceptions de l’apprentissage
Deuxième partie : les « contenus » d’enseignement
Chapitre 1 : la transposition didactique
Chapitre 2 : l’approche des compétences
Troisième partie : les relations dans la classe
Chapitre 1 : contrat didactique
Chapitre 2 : enseigner plus explicitement ?
Introduction : une approche didactique
L’objectif de ce cours : caractériser ce que sont les approches didactiques en éducation et les
distinguer des approches pédagogiques.
1. Le système didactique
1.1. Éducation, apprentissage, enseignement : quelles disciplines ? quels points
de vue sur ces thèmes ?
Ici, l’idée est d’essayer de caractériser ce qu’est une approche didactique et d’ensuite donner
quelques exemples pour aller vers du concret.
Quelles sont les disciplines qui s’intéressent à l’éducation et avec quel point de vue ?
On développera ici surtout les approches psychologiques et sociologiques afin de les distinguer
des approches didactiques.
Si l’on prend l’exemple des « difficultés » :
a) Entrées par sujet « psychologique »
→ Approche plutôt psycho-cognitive : dyspraxie, dyslexie, voire dyscalculie, etc.
Les difficultés sont cette fois perçues non plus comme résultant prioritairement d'un
déterminisme social mais en relation avec les spécificités cognitives des élèves.
L’entrée par le sujet psychologique renvoie dans les spécificités des élèves, les
difficultés/réussites. En ce moment, on est dans un mouvement de médicalisation de l’échec
scolaire. On voit cela de façon très forte en France où le Conseil Supérieur de l’Education
Nationale est dirigé par un psychologue. Il disait qu’il faut diagnostiquer les élèves en difficultés
et offrir des traitements. Il y a l’idée que l’éducation est un peu similaire au domaine de la santé.
→ Approche de psychologie sociale : menace de stéréotypes, estime de soi, etc.

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Estime de soi : Ce type de travaux consiste à mettre en évidence une corrélation entre le fait
d’avoir une bonne estime de soi, de se sentir à l’aise avec la performance scolaire. La menace de
stéréotypes : Il y a des stéréotypes qui consistent à dire que les femmes seraient moins
performantes en mathématiques. Si on active ce stéréotype, cela produit des baisses de
performance chez les femmes dès lors qu’on leur rappelle qu’elles sont femmes et qu’elles
connaissent l’existence de ces stéréotypes-là. Ces travaux viennent surtout des USA et ont
surtout été produit sur la question des étudiants afro-américains. On est donc toujours sur des
considérations qui sont des spécificités même si, ici, elles ne sont pas cognitives mais ce sont des
spécificités psychologiques d’un groupe social donné
→ Rapport au savoir : des premières constructions psycho-familiales vers l’espace scolaire.
Le regard psychanalytique : La psychologie a contribué à ces réflexions sur les difficultés
d’apprentissage encore avec un autre regard. Ici, il s’agit plutôt du regard psychanalytique où on
se dit que l’élève amène à l’école son rapport au savoir, l’histoire subjective (son histoire),
l’expérience dans la famille, un rapport à l’ignorance, au maître et aux parents, etc. Ces
constructions-là sont susceptibles d’avoir des incidences sur ce qui se passe dans les classes.
C’est donc un autre champ de recherche.
 Cette entrée par le sujet psychologique n’est pas l’entrée qu’on va privilégier en
didactique. C’est une approche très intéressante mais la figure de l’enseignant y est
absente. Dans l’approche didactique, on regardera l’élève comme quelqu’un qui est en
interaction avec l’enseignant et pas comme quelqu’un qui est isolé ou qui est
simplement membre de sa famille ou de son groupe social. Aussi, dans ces réflexions-là,
il y a peu ou pas de prise en compte des spécificités disciplinaires

b) Entrées concernant un sujet « social »


→ influence de l’environnement social (position des parents // réussite scolaire)
L’élève y est avant tout considéré comme un sujet social qui importe de l’extérieur de l’école un
certain nombre de caractéristiques. De manière assez évidente et depuis les travaux de Bourdieu
jusqu’à aujourd’hui, des travaux ont mis en évidence des corrélations entre l’environnement
social, la position sociale des parents et la réussite scolaire. La Fédération Wallonie-Bruxelles est
un des pays où cette corrélation est la plus forte au monde. C’est un pays très inégalitaire.
Ce sont des constats très importants mais en tant que didacticien, on se demande ce que
l’enseignant peut faire. Est-ce qu’en tant qu’enseignant, on souhaite s’engager dans une volonté
de faire du tri social ? La réalité à garder en tête est que l’école produit des inégalités et que nous
en sommes des acteurs.
Effets d’inégalité qui sont liés à une plus ou moins grande proximité de la culture familiale avec la
culture scolaire.
Orientation ou toutes les familles n’envisage pas les mêmes types d’études (plus favorables à
certaines études)
→ « déficit » culturel, linguistique, etc.
Les élèves qui ne parlent pas la langue d’enseignement à la maison.
On parle parfois de déficit culturel et linguistique. Ce sont des perspectives déficitaires. La
difficulté est plutôt liée à quelque chose qui manque. C’est de là que vient toute la politique de la
discrimination positive qui consiste à donner davantage de moyens aux élèves issus de milieux
socio-économiques moins favorisés.

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Dans cette approche, on n’agit pas sur les pratiques enseignantes mais sur le fait de donner plus
de moyens. On constate que c’est un échec. Ce n’est clairement pas une approche suffisante. Des
perspectives déficitaires sont par exemple les subventions aux écoles de devoirs, de matériels,
etc.
→ quasi-marché de l’éduction (ségrégation scolaire)
Dans une perspective socio-politique, la Belgique ségrége particulièrement le fonctionnement
des écoles (réforme des inscriptions qui vise à réduire la ségrégation scolaire)
→ orientation
1.2. Qu’est-ce que serait alors une approche didactique ?
a) Élèves et système didactique
→ point de vue des parents, des enseignants, des psychologues, des élèves en difficulté
→ point de vue didactique : un système didactique en difficulté (production conjointe, rôle des
contenus)
Du point de vue des parents, des psychologues, des enseignants, c’est l’élève qui est en difficultés
d’apprentissage. Or, dans la perspective didactique, la difficulté n’est pas pensée comme relevant
de la « responsabilité » ou de la caractéristique de l’élève mais plutôt d’un système. C’est ce qu’on
appelle le système didactique et c’est dans cette optique qu’on parle de « production conjointe
des difficultés ». C’est l’idée de penser la contribution de l’élève en même temps qu’on pense la
contribution de l’enseignant. Dès lors, les difficultés sont vues comme des choses de la classe et
pas des choses qui relèvent de phénomènes extérieurs à la classe (dans sa tête, dans sa famille, à
l’extérieur).
Donc, ce que l’on appelle un système didactique, ce sont ces trois pôles et leur interaction l’un
avec l’autre.
➢ Enseignant : production conjointe
➢ Contenu/savoir
➢ Élève
Les lunettes du didacticien, c’est d’aller regarder le fonctionnement du système didactique
(savoir, enseignant, élèves) qui se trouve dans les classes. Dès lors, on aura recours à de
nombreux exemples qui ont lieu en classe.
On essaiera donc de problématiser ce qu’il se passe dans la classe en ayant comme perspectives :
➢ La question des inégalités d’apprentissage
➢ Une réflexion sur la nature des savoirs enseignés : enseigner une conformation/un
comportement, des compétences, des savoirs ? Depuis 1997, c’est l’approche par
compétence qui s’impose.
b) Modalités d’intervention sur les « difficultés »
→ points de vue centrés sur l’élève : intervention extérieure (psychologue, logopède, soutien
scolaire, etc.)
→ points de vue « externes » : politique éducative, discrimination positive, régulation du
« marché scolaire », etc.
→ analyse didactique : un espace pour problématiser

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Prendre en compte le système didactique et penser les phénomènes d’enseignements et
d’apprentissage du point de vue didactique quand on est enseignant, c’est se donner les moyens
de se penser de manière réflexive. Le but de ce cours est d’outiller la réflexion de l’enseignant.
Ce sont des modalités d’intervention qui concernent potentiellement les pratiques pédagogiques
et pas, comme dans des approches plutôt psychologiques, de faire une intervention extérieure
(un psy ou un logopède). Il ne s’agit pas non plus d’une réflexion sur les politiques du Pactes
pour un
Enseignement d’Excellence. Il s’agira de penser nos propres contributions comme enseignants
aux difficultés et à ce qu’il se passe dans la classe.
c) Rôle des contenus
Historiquement, les approches didactiques se construisent contre les approches pédagogiques.
Les principales didactiques disciplinaires qui sont des champs de recherche datent des années
70/80 et sont surtout impulsées dans le domaine des math. Il y a eu à ce moment-là une réforme
d’ampleur, la Réforme des Mathématiques Modernes. Il y donc eu beaucoup de travaux sur la
discipline de math dans ces années-là mais aussi en français.
Une définition : « on pourrait définir, en première approche, les didactiques comme les
disciplines de recherche qui analysent les contenus (savoirs, savoir-faire, etc.) en tant qu’ils sont
objets d’enseignement et d’apprentissages, référés, référables à des matières scolaires » (Reuter
et al., 2010)
Ce n’est pas un hasard que Reuter, dans sa définition, mette l’accent sur le contenu. C’est
vraiment ce qui caractérise la théorisation didactique. Les discours pédagogiques sont trop
généraux.
➔ Donc l’hypothèse fondamentale des approches didactiques : importance de la
considération de la spécificité des contenus dans l’étude des phénomènes
d’enseignement et d’apprentissage.
Qu’est-ce que qui dans la nature de ce contenu explique qu’il soit difficile à apprendre, à
enseigner ? C’est une entrée par les contenus plutôt que par des généralités pédagogiques.
d) Système didactique : définitions
Une approche didactique :
- Trois places : élèves, enseignant, savoirs
- Leurs interactions : le système didactique
D’où viennent les connaissances de didactiques des disciplines ? dans les classes (observation
des professeurs) / étude de cas (moins fréquent).
C’est dans la classe que la meilleure observation se fait (il faut observer et pas uniquement
questionner les profs et les élèves). Si on veut comprendre le système didactique, il faut s’y
plonger et le système didactique, c’est la classe.
Triangle didactique

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S : savoir
P : professeur
E : élève (est-ce que le système didactique s’intéresse aux interactions individuelles des élèves
avec le prof ou alors au groupe d’élèves qui interagit avec le prof ?)
Sur le schéma, on retrouve le type de questionnement que l’on trouve dans l’approche
didactique :
➢ Comment peut-on aider les élèves à « s’y connaître en … (une matière car cela illustre la
problématique des savoirs) » ? Quelle répartition des rôles pour organiser la transaction
autour de S ? → cf. partie 3 du cours
➢ Quelles connaissances anciennes (conception) ou « quotidiennes » s’opposent « à s’y
connaître en… » ? Quelles « conceptions » à dépasser ? Par exemple, la conception de la
ville en géographie devra se construire contre la conception de ville que les élèves se
sont déjà faits. Dans les langues vivantes, ce qui posera obstacle à l’apprentissage d’une
nouvelle langue, c’est la structure de la langue maternelle. →cf. partie 1 du cours
➢ Qu’est-ce que « s’y connaître en … » pour P ? Quelle organisation de l’enseignement de S
par P ? Quel découpage de la matière, quelle perspective sur les contenus ? Qu’est-ce que
cette organisation du contenu peut produire sur les élèves ? →cf. partie 2 de ce cours

Quelle répartition des rôles entre élève et enseignant ? Tous les enseignants, quel que soit leurs
convictions pédagogiques (pédagogie active, d’un enseignement traditionnel) posent des
problèmes et des exercices à leurs élèves. Ils se demanderont comment réagir quand un élève
n’avance pas et est en difficultés.
Pedagogical content knowledge = connaissance pédagogique du contenu (connaissance du
curriculum, connaissance des difficultés des élèves, connaissance de taches liées à
l’enseignement de tel ou tel truc)
2. Didactique et « art d’enseigner »
2.1. Didactique ?
a) Divers usages de sens commun
Les didactiques disciplinaires sont des champs de recherche depuis longtemps. En effet, la
plupart des didactiques disciplinaires (math, français, sciences) ont des communautés de
recherche, des colloques, des revues, etc.

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Néanmoins, on trouve des usages du mot « didactique » qui sont plutôt des usages communs et
qui ne font pas forcément référence à ces usages scientifiques.
Ici par exemple, issu d’un dictionnaire généraliste : « Art d'enseigner, d'exposer méthodiquement
et systématiquement les principes et les lois d'une science ou les règles et les préceptes d'un art.
» (CNRTL, II.B).
L’approche didactique c’est bien une posture, un regard scientifique sur les phénomènes
d’enseignement et d’apprentissage. C’est un regard qui utilise les lunettes du système didactique.
Parfois, on a une coloration négative. On peut en effet entendre dire d’un cours de science qu’il
est « trop didactique ». Comme si la didactisation de quelque chose conduit à en perdre la saveur.
Enfin, la didactique n’est pas non plus une méthodologie d’enseignement.
Dans ce cours, la didactique est revendiquée comme une approche scientifique des questions
d’enseignement et d’apprentissage dont la finalité n’est pas de dire comment faire ni de poser
une méthodologie pour l’enseignement. Pas de volonté prescriptive.
b) Les didactiques comme disciplines académiques
Les didactiques des disciplines sont relativement récentes. Elles émergent au cours des années
1970 avec une autonomisation progressive des sciences humaines (concepts, cadres théoriques,
revues…). Evidemment, les didacticiens empruntent à la psychologie, à la sociologie et à
beaucoup d’autres disciplines de recherche. Toutefois, depuis plusieurs dizaines d’années, elle
développe de théories propres ainsi que des méthodologies spécifiques. En effet, l’étude du
système didactique suppose une certaine méthodologie. Si on veut voir ce système didactique
fonctionner, il faut aller voir dans les classes, là où il fonctionne et où il y a la rencontre de trois
pôles (enseignant, élèves, savoir). Donc les didacticiens vont dans les classes pour essayer de
comprendre ce qu’il s’y joue.
Il y a de vifs débats sur l’unité du champ de recherche et le positionnement académique du
champ de recherche. Est-ce que cela a un sens de parler de didactique générale ? Peu
didacticiens pensent que cela a un sens mais il y a tout de même débat. Aussi, est-ce que cela a
un sens d’avoir un cours didactique dans le tronc commun de l’agrégation ou faudrait-il n’avoir
que des cours de didactiques dans les disciplines ? L’ULB a fait le choix que oui.
Didactiques ? Didactique générale ? Didactique comparée…
« Que l’action soit modelée par le savoir ne signifie pas pour autant qu’une
description générique de l’action didactique soit impossible ou néfaste. » (Sensevy
2006, p. 206)
Quelques concepts et questionnements avec une dimension générique :
➢ Conceptions
➢ Transposition didactique
➢ Contrat didactique
➢ Compétences
➢ Savoir

2.2. Éléments de rupture


Ce qui est intéressant dans une manière de penser, c’est notamment de comprendre en quoi c’est
une manière de penser qui « se construit contre » ce qui préexistait (les ruptures).

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a) 1e élément de rupture : mise en cause de la dichotomie/opposition entre Discipline et
méthode d’enseignement
La première rupture, c’est de réfuter la distinction entre d’une part la discipline, la formation
disciplinaire et d’autre par les méthodes d’enseignement. L’idée est encore assez prégnante que
la formation des profs consistera en 5 années de formation disciplinaire communes avec
n’importe quelle perspective professionnelle et ensuite de quelques considérations
pédagogiques qui pourraient être communes à tous les enseignants. Cette approche est
profondément anti-didactique. De fait, la perspective d’un didacticien est de dire qu’il est
indispensable de réfléchir à sa discipline comme un spécialiste de l’enseignement et de
l’apprentissage.
« Il n’existe qu’une seule méthode pour enseigner toutes les sciences : c’est la
méthode naturelle, valable aussi bien dans les arts que dans les langues. Les
variations qui pourraient exister sont si insignifiantes qu’elles ne sauraient exiger de
méthode spécialisée » (Comenius, cité par Kuzniak, 2005)
Comenius est un auteur considéré comme un des pères de la pédagogie moderne même si son
ouvrage date du 17ème siècle. Cette citation est un contre-exemple. Il considère que la didactique
n’a pas de sens et ce sont des idées qui continuent d’être répandues. Cela explique notamment
que l’on peut devenir professeur avec seulement une agrégation de 30 ECTS pour préparer le
métier.
Des connaissances d’ordre didactique ou encore des « connaissances pédagogiques du contenu »
(pck) ? exemples ?
b) 2e élément de rupture : approche scientifique plutôt qu’un art de faire (dimension
théorique et empirique)
Il s’agit là de l’idée que la réflexion pédagogique puisse être simplement une réflexion purement
théorique, mais pas réellement inscrite dans une dimension de recherche.
Nous dans ce cours, nous défendons la perspective didactique comme une démarche de
recherche avec des méthodologies particulières qui sont volontiers basées sur l’observation. On
parle de didactique en termes de discipline académique et pas en termes d’art d’enseigner ou de
méthodologie de l’enseignement. Les didactiques sont des domaines de recherche qui
produisent des connaissances et comme n’importe quelle discipline de recherche, ça se
caractérise par des élaborations théoriques et par des confrontations empiriques. Ce n’est pas
simplement un art de faire et un discours didactique n’est pas un discours qu’on pourrait
construire de manière tout à fait abstraite, simplement sur des principes. C’est un travail fondé
sur des analyses scientifiques qui sont fondées sur des données recueillies en classe.
Il y donc bien la perspective scientifique : se donner les moyens de développer des cadres
théoriques, des méthodes d’étude pour problématiser et non pour donner des réponses toutes
faites à des problèmes pas construits.
« Enfin, je démontre tout cela a priori, c’est-à-dire en le tirant de la nature immuable
des choses ; comme d’une source vive coulent sans cesse des ruisseaux qui
s’unissent finalement en un seul fleuve, j’établis une technique universelle qui
permet de fonder des écoles universelles » (Comenius, cité par Kuzniak, 2005)
c) 3e élément de rupture (passé pendant le cours) : focalisation sur les savoirs et les
situations (versus le développement de l’enfant, le fonctionnement du sujet
psychologique)

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Ici, on analyse plutôt les savoirs scolaires et non pas le développement de l’enfant qui appartient
plutôt au champ de recherche de la psychologie.
« Il m’est donc alors apparu qu’il fallait prolonger ces travaux en étudiant les
dispositifs eux- mêmes et leurs rapports avec telle ou telle connaissance : dans
quelles conditions un sujet - quelconque - peut-il être amené à avoir besoin de telle
connaissance pour établir ses décisions, et pourquoi a priori, le ferait-il ? »
(Brousseau, 2012, à propos des dispositifs piagétiens)
2.3. Relation entre la didactique et l’enseignement
a) Positon de ce cours vis-à-vis de la « bonne méthode » d’enseignement
On ne va pas prescrire une « bonne » méthode. Une perspective descriptive doit toujours être
située dans une perspective axiologique et dans une définition de valeur. Or, considérer qu’une
méthode est « bonne » présuppose déjà des choix de positionnement politique, idéologique, de
valeur, etc.
Une introuvable « bonne méthode » :
➢ Une manière pour l’enseignant de se positionner comme exécutant, de se couvrir
des décisions d’autrui
➢ Des prétentions à l’efficacité et aux prescriptions « scientifiques, mais pas de
consensus sur le projet de société, sur les « contenus » etc.
➢ Coté « désécurisant » et critique des approches didactiques
La question de la bonne méthode n’est pas une bonne question à se poser du point de vue des
pratiques professionnelles et encore moins du point de vue des recherches. Il y a donc une
distance à garder vis-à-vis de la notion d’efficacité et de prescriptions, surtout sous couvert de
sciences.
Il y a effectivement un côté désécurisant et critique des approches didactiques. Le but est de
problématiser et de chercher des problèmes dans ces pratiques, dénaturaliser ce qu’on fait, se
poser des questions, envisager ce qu’on fait.
b) Quelques concepts pour « ressourcer » ses choix
L’idée de ce cours sera de présenter des concepts pour ressourcer et alimenter la réflexion pour
la problématisation. Parmi ces concepts en vue de « ressourcer » choix :
➢ Contre la prétention à la neutralité idéologique : des concepts pour problématiser
➢ Rôle fondamental des sciences : poser des questions, mettre à distance

2.4. Didactique et pédagogie


a) Le triangle pédagogique
Parfois en cherchant des informations sur le
système didactique, on peut tomber sur ce
genre de schéma. Il faut savoir que le
triangle pédagogique est très différent du
triangle didactique.
Jean Houssaye introduit cette notion de
triangle pédagogique et sa perspective est
complètement différente d’une perspective
didactique. Il se sert de ça plutôt pour

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qualifier la situation pédagogique. Il dit :
« La situation pédagogique peut être définie comme un triangle composé de trois
éléments, le savoir, le professeur et les élèves, dont deux se constituent comme
sujets tandis que le troisième doit accepter la place du mort ou, à défaut, se mettre à
faire le fou » (Houssaye 1993)
→ 2 sujets – 1 mort ou un fou
Il n’a donc pas tellement la volonté de poser des questions fines mais il caractérise plutôt des
pratiques pédagogiques de manière très générale. Ce triangle lui offre un canevas théorique a
minima pour qualifier un certain nombre de pédagogies.
« Accepter de disparaître ou faire le fou » : si toute l’attention du professeur est mise sur le pôle
du savoir, alors on aurait des enseignants qui présentent une matière bien structurée et précise
sans prendre en considération les élèves. Si on privilégiait les relations entre élèves et savoirs
(comme dans une relation radicalement constructiviste) en disant que c’est l’élève qui construit
ses connaissances, alors le professeur pourrait avoir tendance à s’écarter.
La pensée didactique spécifie toujours les sujets sur lesquels elle porte. Alors que la pédagogie a
tendance à généraliser sur les contenus d’enseignement et sur les disciplines
b) Exemples de l’approche didactique
Ici, on aborde l’analyse didactiques des erreurs et des conceptions qui sera travaillée dans la
première partie de ce cours. Qu’est-ce qu’une analyse didactique ? On ne parlera pas du niveau
de concentration de l’élève, ni de son milieu social, ni de sa dyscalculie, ni qu’il est dans un
rapport de soumission complète vis-à-vis de l’adulte. On se demandera plutôt ce qui pourrait
expliquer du point de vue du système didactique qu’il ait produit cette erreur. Qu’est-ce qui dans
le rapport au savoir et à l’enseignant pourrait expliquer cette erreur-là ?
Exemple 1 :
Analyse en termes de contenu et de
savoir – La multiplication par 10 des
nombres décimaux. Qu’est-ce qui
pourrait faire faire cette erreur-là
aux élèves ? Une hypothèse :
Il est possible que l’élève ait
appliqué une règle qui consiste à
ajouter un zéro à l’écriture chiffrée
du nombre en base 10 à droite et
que ça correspond à la
multiplication par 10. Cela
fonctionne pour les nombres entiers et c’est possible que ce soit une technique que l’élève a
patiemment construite avec les enseignants.
Toutefois, un jour, la conception de la multiplication s’étend et va s’appliquer à des nombres
décimaux. Dès lors que ces nombres décimaux ont une écriture décimale avec un certain
nombres de chiffres après la virgule, cette règle ne va plus s’appliquer.
Donc, on voit que la multiplication a été construite en un certain nombre de règles. Toutefois, les
règles sont différentes quand on passe de la multiplication des chiffres entiers à celle des chiffres
décimaux.

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→ On voit qu’un apprentissage scolaire est construit contre les apprentissages préalables, même
apprentissages scolaires préalables appris précédemment et valides à un certain moment
Exemple sur le circuit électrique : voir pages 16-17 de la synthèse (pédagogie-et-didactique-
aspects-généraux-part-1)
Exemple 2 :

Ici, il s’agit de la troisième partie


du cours : aider ses élèves à …
face à une difficulté, comment
l’accompagner.
Il s’agit d’un dysfonctionnement
de l’enseignant avec les élèves.
Dans le cadre d’un cours
individuel, le professeur dicte «
des moutons, des moutons ». En
voyant que l’élève n’écrit pas le S
à mouton est face à une
difficulté. Il refuse d’assumer
l’échec et de dire qu’il faut
rajouter un S parce que sinon ça veut dire que l’élève n’a pas appris du professeur. L’enseignant
commet alors des fautes de français pour permettre à l’élève de bien écrire.
Quelle analyse didactique peut être faite ici ? Quel est le savoir en jeu ? Est-ce que c’est bien
accompagner l’élève que de faire ça ?
Si on considère que c’est l’objet du travail de bien accorder les noms. Ici, on fait quelque chose
qui ne s’accorde pas avec le plan épistémologique. De fait, on verbalise le « S », s’il est présent, ce
n’est pas parce qu’il est prononcé mais parce qu’il code du sens. L’orthographe code du sens plus
que l’oral. Si on met des « S » au pluriel, c’est pour coder du sens et faciliter et rendre plus
significative la lecture. Par conséquent, ce que fait l’enseignant n’est pas pertinent du point de
vue des savoirs.
En agissant comme ce professeur, on ignore ce que fait et ce que sait l’élève. Il est même possible
qu’en rajoutant le S à la suite de cette leçon, l’élève ne saura pas pourquoi et ne se rendra pas
compte qu’il n’a pas compris quelque chose dans les règles de l’accord.
La principale difficulté des élèves en orthographe, c’est d’orthographier ce qu’on n’entend pas, le
codage du sens. L’élève pourrait penser que, finalement, on fait son rôle d’élève quand on
orthographie bien tout ce qu’on entend. L’élève pourrait interpréter cette interaction-là comme
un renforcement et une conception erronée quand on sait qu’elle est un obstacle à
l’apprentissage de l’orthographe.
Le regard didactique : d’un point de vue des savoirs, ce qu’il a fait n’a pas de sens et l’élève
pourrait ne pas avoir repéré qu’il y avait quelque chose à apprendre et pire, il pourrait ressortir
de cette séance de cours particulier en étant encore plus convaincu de quelque chose qui est faux
et qui fait obstacle aux apprentissages. Dans la séance de la vidéo, il n’y a aucune explicitation
des enjeux d’apprentissage.

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Exemple 3 :
Qu’est-ce que cela veut dire pour un enseignant de s’y connaitre à ?
Qu’est-ce qu’il va proposer aux élèves ?
Si on prend par exemple un jeu comme la belotte, c’est une pratique. Si on
doit l’enseigner, cela suppose de scolariser cette pratique. Le processus de
scolarisation, c’est transformer une pratique extérieure à l’école en une
pratique scolaire pour enseigner et pour apprendre.
Cela nécessite une série de prise de décisions. Dès lors qu’il y a
scolarisation et qu’on doit importer une pratique dans une institution
scolaire, qui découpe le temps en unité et les années en programme. La
scolarisation suppose un découpage et un certain nombre de choix sur ce
qu’on veut que les élèves apprennent.
Comment enseignerait-on les échecs ? il faudrait aborder les règles, comment les différentes
pièces peuvent bouger, etc.
2.5. Objectifs du cours : à partir des compétences à construire
Les compétences telles qu’elle sont décrites dans le décret définissant ma formation initiale des
enseignants :
➢ Les compétences de l’acteur institutionnel, social et culturel (l’enseignant fait
grandir les élèves, ses positions concernant l’enseignement)
➢ Les compétences de l’acteur d’une organisation apprenante dans une
dynamique collective (les enseignants se positionnent, pas seulement comme
un acteur qui interagit avec ses élèves, mais comme faisant partie d’une
organisation/d’un collectif)
➢ Les compétences de l’organisateur et accompagnateur d’apprentissage dans
une dynamique évolutive
➢ Les compétences du praticien réflexif (se regarder enseigner, se poser des
questions, nourrir la réflexion personnelle)
Partie 1 : les élèves et le savoir (prise en compte de cette relation par l’enseignant)
Cette première partie se focalise plutôt sur les relations entre les élèves et le savoir au sein du
système didactique (un des côtés du triangle didactique).

Chapitre 1 : les conceptions


1) Conceptions ?
Qu’est-ce que l’on va appeler conception ? Il y a la nécessité d’un terme pour désigner le « déjà-là
» conceptuel ancré chez les individus. Le « déjà-là » conceptuel, c’est quelque chose qui relève du
savoir et de la connaissance et qui est déjà présent chez un individu. Certains auteurs utilisent
d’autres mots :
« Depuis une quinzaine d’année, la recherche didactique a montré à quel point les
représentations (Barrier préfère le terme « conception »), que les élèves se font
des savoirs qu’on projette de leur transmettre, résistent aux efforts d’enseignement
» (Astolfi 1992)

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« Une connaissance, comme un obstacle, est toujours le fruit d’une interaction de
l’élève avec son milieu et plus précisément avec une situation qui rend la
connaissance ‘intéressante’ […] » (Brousseau, 1976)
→ Brousseau est un didacticien des mathématiques très connu. Dans cette citation, utiliser
le mot « connaissance » met en avant le caractère positif de l’obstacle ou de la conception.
Le caractère positif fait référence au fait que c’est une connaissance qui fonctionne dans
certaines situations. Brousseau utilise le terme « connaissances » avec l’idée qu’il n’y pas
de différence de nature entre quelque chose qui va faire obstacle à un nouvel
apprentissage et quelque chose qui en serait issu. Toute connaissance est amenée à
potentiellement être perturbée dans un nouveau contexte.
« Dans l’immédiat [en l’absence de clarification du concept de représentation], je
choisis prudemment d’utiliser plutôt le terme de ‘conception’ […], terme sans doute
tout aussi polysémique mais moins marqué pour l’instant dans le champ du cognitif.
» (Clément, 1991)
→ Pierre Clément est un didacticien de l’université de Lyon. En psychologie cognitive, il y a
des débats sur les conceptions. Ici, on n’aura pas cette approche-là. On est typiquement
dans une approche didactique quand on s’intéresse à ces objets de savoir en tant qu’objets
de connaissance chez les élèves et qu’ils vont supposer d’être appris et enseignés.
« Ces thèmes se sont popularisés en didactique sous le nom de « représentations
spontanées » ou de « conceptions préalables » ou encore de « préconceptions »
des élèves » (Carette & Rey, 2010)
→ Ici, on parle de « représentations spontanées » pour décrire ce qui vient tout de suite à
l’esprit et non pas dans une démarche réflexive.
Dans ce cours, une conception est quelque chose qui devra faire l’objet d’un changement,
c’est avant un enseignement. Ce n’est pas un prérequis.
Une conception, ce sera un modèle dans la tête de l’observateur/trice, du prof pour rendre
compte de signes produits (productions verbales, écrites ou orales, gestuelles etc.) par les
élèves. C’est une décision de l’observateur de classer les productions. C’est l’observateur
qui attribue les conceptions.
Il faut que ce soit quelque chose de stable dans le temps. Si on a appris un certain nombre
de choses, c’est bien d’avoir en tête une conception préalable, par exemple de la
multiplication par 10 qui consiste à ajouter un zéro à droite. Pour que le fait de s’intéresser
aux conceptions des élèves ait un sens, il faut que ces conceptions soient plus ou moins
similaires d’une année à l’autre. Pour que quelque chose mérite une analyse didactique, il
faut que ce soit des choses robustes dans le temps.
Le domaine de pertinence du modèle est réputé raisonnablement « large » (versus un
individu donné à un instant t)
Enfin, la conception est plutôt locale : on s’intéresse souvent à un contenu disciplinaire
particulier, ou à une pratique spécifique.
Etude sur la digestion : voir pages 21 à 24 de la synthèse Pédagogie-et-didactique-
aspects-généraux-Part-1.

12
2) Exemples
Est-ce uniquement présent dans le domaine des sciences que le savoir se construit contre le sens
commun ? Non, cette notion de conception est utilisée dans tout un tas de didactiques
disciplinaires.
a) L’éducation physique
Ici, Ouitre, didacticien de l’éducation physique explique qu’apprendre la natation se construit
contre la motricité de terrien :
« Pour poursuivre sur l’exemple de la natation, c’est bien parce que le débutant est
organisé par sa motricité de terrien, corps vertical, voies respiratoires libérées,
vision organisatrice, qui lui est difficile de s’allonger dans l’eau, d’expirer dans l’eau
et d’orienter son regard vers le fond de la piscine pour construire un profil de nage
économique. Autrement dit, devenir un nageur performant, c’est abandonner ce qui
nous organise dans la vie de tous les jours. Le nageur débutant se trouve confronté à
des contradictions qu’une nécessaire réorganisation motrice lui permettra de
dépasser. Ici la motricité usuelle fait obstacle aux transformations souhaitées. »
(Ouitre 2009)
Ici les conceptions seraient liées à des comportements. On reste droit comme sur terre avec sa
motricité de terrien.
« Au niveau du système informationnel, il s'agit de se créer un système de repères
kinesthésiques pour progressivement se libérer des informations liées à la vue et
relatives aux appuis au sol pour pouvoir construire un équilibre horizontal. »
Il dit qu’au niveau informationnel, il faut se libérer des repères liés à la vue et des prises d’appui
au sol. Il faut apprendre à changer sa posture, à ne pas se servir de ses pieds pour chercher le sol.
Cela se construit donc contre la tendance à rester debout
« Au niveau du système loco-propulseur et loco-manipulateur, il s'agit d'inverser le
rôle des segments dans la propulsion et le maintien de l'équilibre. Les bras
participent majoritairement à la propulsion et les jambes assurent essentiellement
l'équilibre. C'est l'inverse quand on agit sur terre. »
« Au niveau du système énergétique, il s'agit d'inverser le mode respiratoire, pour
aller vers une expiration longue et forcée et une inspiration courte. »
Pour les jeux de balles et les jeux collectifs, des enfants qui jouent au foot, ils ont tendance
à aller vers le ballon quand ils le veulent. Or, pour avoir le ballon, il s’agirait plutôt de s’en
éloigner pour se démarquer.
b) En français : les accords grammaticaux
Derrière les erreurs des élèves, il y a des conceptions. Il ne s’agit pas de bêtise mais l’élève
s’est fait avoir par quelque chose. On cherche à trouver ce quelque, à accéder à la pensée
de l’élève.
Ici, quelles seraient les connaissances qui
conduisent à écrire ces phrases ?
Interprétation possible : Ce qui suit le sujet,
c’est le verbe donc on conjugue et quand il y a
deux verbes l’un à la suite de l’autre, le

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deuxième est participe passé donc on l’accorde.
On est en train de réinvestir des
connaissances qui ont un
certain domaine de
fonctionnalité.

3) Conceptions et apprentissage
Que retenir de ces apprentissages ?
a) On apprend avec et contre ses conceptions
C’est présent dans notre manière de penser qu’on le veuille ou non. Aussi, on apprend « contre ».
C’est l’idée que l’apprentissage se fait par des ruptures. L’idée des conceptions n’est pas un point
de vue cumulatif sur les apprentissages mais c’est l’idée que l’apprentissage se construit par des
ruptures et en particulier avec le sens commun et parfois même parfois avec des connaissances
préalablement travaillées. Les conceptions du quotidien font obstacle aux apprentissages
académiques.

→ les conceptions sont une « connaissance », un moyen d’organiser notre environnement,


parfois de manière inconsciente

→ des conceptions à dépasser

On a deux modèles un peu en concurrence :


- Le modèle de conception qui est ancrée dans le sens commun : la conception obstacle,
c’est le sens commun qui fait obstacle (la spontanéité, l’absence de caractère critique). On
n’est pas dans une position réflexive et accéder à la position académique, c’est changer
de nature, changer de posture. Se mettre dans une position réflexive, c’est quitter ses
charentaises pour mettre ses chaussures de chantier.
- Le modèle de la succession des conceptions : on passe d’une conception à une autre
parce qu’une conception a montré son insuffisance et on passe à une conception un peu
moins erronée qui permet de faire plus de choses, mais qui sera amenée à changer plus
tard. Ce modèle ne tient pas compte de l’opposition entre sens commun et connaissance
scientifique. On prend moins en considération la dimension opinion vs savoir
scientifique mais on prend davantage en compte le fait que des fois ça fonctionne et des
fois non et de là on passe à quelque chose de plus élaboré.
La question qui a lieu pour un enseignant. Il s’agit de se demander s’il tient compte des
conceptions des élèves s’il veut organiser des apprentissages.
b) Les conceptions résistent
On ne change pas « facilement » ses manières de penser le monde, il faut trouver une bonne
raison de le faire.
Si des conceptions résistent, il faudra penser les moyens de leur déstabilisation : la pensée
scientifique (au sens large) n’est pas le prolongement du sens commun. C’est l’idée d’organiser le

14
détachement par rapport au sens commun afin que l’on ne se limite pas à donner des
informations qui seront enregistrées mais que l’apprenant ne sera pas transformé. Il faut se
rendre compte que nos modalités de pensées ne nous permettent pas d’expliquer des choses
aussi banales que de boire des liquides et d’aller ensuite aux toilettes.
C’est donc l’idée d’organiser des moments où on recueillerait les conceptions relativement à
quelque chose pour en faire des objets de travail. L’objectif est d’apprendre que les explications
qu’on avait sont impossibles, on a besoin de savoir quelque chose d’autres et de penser
autrement.
C’est notamment ce que soutient l’approche sur les conceptions et l’identification des
conceptions obstacles. Cela a aussi un effet du point de vue de la nature des savoir. Le système
sanguin est présenté comme quelque chose qui est construit dans sa nécessité. Sans le système
sanguin, on ne peut pas comprendre la digestion.
➔ Organiser le travail des réfutations des manières de penser ou des conceptions
erronées
Exemple de résistance :
Ici, la conception d’Albert est que le
sujet est ce qui précède le verbe.
Albert applique cette conception
erronée qui a pourtant un domaine
de fonctionnalité dans beaucoup de
phrases. Le sujet précède souvent le
verbe.
Albert repère la stratégie erronée
en se rappelant de la question à
poser.

Le prof voudrait qu’Albert prenne conscience


des connaissances qui sont les siennes. L’élève
prend connaissance de quelque chose qui
fonctionnait mais qu’il s’agira de ne plus
utiliser par automatisme.
Quelques jours plus tard, l’élève se refait avoir.
On voit le caractère résistant des obstacles.
C’est le caractère positif de l’obstacle qui le
rend résistant. La majorité des phrases en
français continue de s’écrire sujet-verbe-complément. Cette idée fausse est potentiellement
renforcée à chaque lecture d’une phrase où le sujet précède le verbe.
➔ Lien entre positivité de l’obstacle (qu’il fonctionne) et sa résistance.
4) Les obstacles
L’épistémologue Gaston Bachelard est une référence très utilisée par les didacticiens des
disciplines dites scientifiques. Dans son ouvrage sur la formation de l’esprit scientifique, il

15
discute la différence de nature entre les connaissances préscientifique et scientifiques du point
de vue de l’histoire des sciences.
a) La référence à Bachelard

➢ Des obstacles « intérieurs », intimement liés à la connaissance scientifique


Le caractère d’intériorité de l’obstacle : Bachelard dit qu’il ne faut pas se représenter les
obstacles comme des montagnes qu’il s’agirait de gravir à l’extérieur. C’est l’idée de regarder
dans nos manières de connaître ce qui peut faire obstacle. Sur la digestion, ce n’est pas une
difficulté d’accès à l’information. Dans la perspective des conceptions, on constate que quand on
se pose une question, la pensée spontanée est la première chose qui vient et que c’est contre ça
que se construit la pensée scientifique.
« Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on
arrive bientôt à cette conviction que c’est en termes d’obstacles qu’il faut poser le
problème de la connaissance scientifique. Et il ne s’agit pas de considérer les
obstacles externes, comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni
d’incriminer la faiblesse des sens et de l’esprit humain : c’est dans l’acte même de
connaître, intimement, qu’apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des
lenteurs et des troubles »
➔ C’est normal d’entrer dans un problème à partir d’une posture qu’il s’agirait de
dépasser. La difficulté est donc interne et l’obstacle n’est pas une montagne
infranchissable. La première étape au niveau de l’obstacle, c’est de le repérer en
nous-mêmes. Dans quelle posture se positionner ?
➢ Lourdeur de l’esprit, de l’opinion : la connaissance scientifique se construit contre
l’opinion, par une prise de conscience, une mise à distance, des ruptures avec la «
spontanéité »
Bachelard souligne la lourdeur de l’esprit et de l’opinion pour souligner le fait qu’il s’agit de
construire contre. Astolfi utilise l’image de la pensée dans les charentaises. Cela signifie que ces
problèmes intérieurs sont liés à la spontanéité et à la force de l’opinion. Il y a donc la nécessité de
la prise de conscience, de la mise à distance et de l’organisation des ruptures avec la spontanéité.
Une manière de mettre à distance est d’organiser par des écrits et des discussions, de rendre
possible le contrôle de sa propre pensée.
« Mais devant le mystère du réel, l’âme ne peut se faire, par décret, ingénue. Il est
alors impossible de faire d’un seul coup table rase des connaissances usuelles. Face
au réel, ce qu’on croit savoir clairement offusque ce que l’on devrait savoir. Quand il
se présente à la culture scientifique, l’esprit n’est jamais jeune. Il est même très
vieux, car il a l’âge de ses préjugés. Accéder à la science, c’est, spirituellement,
rajeunir, c’est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé. »
➔ Important de bien saisir en quoi le discours sur les conceptions est différent du
discours sur les prérequis. Le discours sur les conceptions se distingue d’un
discours cumulatif sur les apprentissages. Apprendre, c’est se faire violence.
Bachelard insiste beaucoup sur le caractère de rupture qui a lieu dans les
apprentissages
➔ Remarque : en quoi les conceptions créationnistes peuvent-elles faire obstacle
aux apprentissages sur la théorie de l’évolution ? Est-ce que ces conceptions
sexistes et créationnistes sont des conceptions au sens de ce cours ? Il faut
prendre en compte le caractère de positivité de la conception. Dans quel cas est-

16
ce que l’on pourrait dire que les conceptions sexistes ou créationnistes marchent
? En tout cas pas au sens de la conformité à l’expérience empirique mais plutôt à
une conformation à certaines pratiques de certains milieux sociaux. Au niveau
des conceptions sexistes, on peut dire qu’elle se renforce à chaque fois que
certains groupes de filles véhiculent cette représentation-là (les femmes sont
nulles en math).
➔ Bachelard est fort centré sur l’opinion. Il dit qu’on construit ses connaissances
scientifiques contre l’opinion et la croyance commune.

➢ Une fois dépassé l’obstacle paraît bien petit : comment a-t-on pu sérieusement « penser »
que les intestins débouchaient sur la vessie ?
Dans cet extrait, on voit que si on ne prend pas bien la notion d’obstacle pédagogique en
considération, on a du mal à comprendre pourquoi les gens ne comprennent pas.
« Dans l’éducation, la notion d’obstacle pédagogique est également méconnue. J’ai
souvent été frappé du fait que les professeurs de sciences, plus encore que les autres
si c’est possible, ne comprennent pas qu’on ne comprenne pas. »
➔ On retrouve un peu l’idée des deux modèles présentés précédemment.

b) Ce qu’un obstacle n’est pas…

➢ Un blocage ou un bug
Une difficulté n’est pas une maladresse, ni un bug. Ici, on discute de difficultés d’autres natures
que la distraction ou autre.
Les obstacles ont du sens et les élèves pensent. Si on veut accompagner les élèves dans leur
apprentissage, il s’agit de permettre à cette pensée de se regarder elle-même et ce faisant, de
regarder le caractère ridicule de la conception de la digestion et élaborer à partir de là.
Aussi, l’obstacle n’est pas une absence ou une incapacité mais plutôt quelque chose qui relève de
la « facilité » de la pensée (avec un domaine de pertinence).
➢ Une immense montagne sue l’on ne saurait gravir
L’obstacle n’est mas une montane infranchissable mais plutôt des œillères qui empêchent de
penser, c’est une orientation cognitive limitante. Une des premières difficultés est de les repérer.
L’obstacle est intérieur et la première chose est de repérer ce qui ne va pas dans la manière de
penser.
➔ Dépasser un obstacle consiste tout autant à le repérer qu’à le franchir

c) Eléments de caractérisation (Astolfi, d’après Fabre)

➢ Intériorité : contrairement à ce que l'étymologie du terme pourrait laisser penser


(ostrare – ce qui se tient devant), les obstacles se situent dans nos manières de connaître
plutôt qu'à « l'extérieur » ;
➢ Facilité : l'obstacle a à voir avec la spontanéité, l'immédiateté d'une pensée que l'on ne
contrôle pas vraiment, une pensée « avec l'esprit dans ses charentaises » pour reprendre
l'image d'Astolfi ;

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➢ Positivité : l'obstacle n'est pas un manque de connaissance, un vide dans la tête de l'élève,
c'est une connaissance qui a un certain domaine de fonctionnalité même si celui-ci est
limité ;
➢ Ambiguïté : cette idée est le pendant de la précédente, le mode de pensée qui fait
obstacle n'est pas faux en-lui même, ni vrai non plus ; il y a des contextes dans lesquels
les obstacles sont utiles, d'autres dans lesquels ils sont par trop limitant, et cette
caractéristique les rend particulièrement délicats à déstabiliser ; (c’est assez proche de la
notion de positivité).
➢ Récursivité : les « erreurs » dues aux obstacles ne sont reconnues qu'après coup, même
les plus grossières, on se sent bien naïf de s'être laissé « piégé » ; les apprentissages
supposent de se retourner sur sa propre pensée.

5) Enseigner avec (et contre) les obstacles, (franchir les obstacles) – Franchir les obstacles ?
Comment tenir compte des obstacles, de leur résistance ? Comment faire en sorte que les
connaissances scolaires ne soient pas submergées puis oubliées dès l'enseignement passé (ou
dès les portes de l'école franchies) ?
a) Limites de l’enseignement comme transmission d’informations où l’enseignant adopte
une position d’explicateur/trice (de correcteur) → critique de l’enseignement où
l’enseignant présente et a une part importante du processus d’enseignement (d’un
enseignement transmissif)
 Faire émerger les conceptions pour pouvoir les dépasser ?
Pourquoi simplement dire comment les choses sont problématiques ? C’est une façon de faire qui
ignore le fait de réfuter des conceptions erronées. En effet, quand on explique quelque chose en
disant que ça fonctionne d’une certaine manière, on n’est pas certain que les personnes
auxquelles on s’adresse aient bien compris que la façon précédente de penser ne fonctionnait
plus. Dès lors, est-ce qu’apprendre revient à juste enregistrer une nouvelle information ou est-ce
que c’est comprendre aussi qu’une nouvelle information était nécessaire par rapport la manière
de penser précédemment.
C’est important d’éprouver que la tuyauterie continue ne permet pas d’expliquer les choses en
biologie afin d’être plus facilement en mesure de se dégager de cette pensée.C’est l’idée de faire
vivre les contradictions pour donner de l’épaisseur à la nouvelle connaissance et pas simplement
apporter de nouvelles informations.
Il faut construire les nouvelles connaissances dans leur nécessité. Il faut se poser la question, en
français, de savoir ce qui commande le verbe parce que c’est nécessaire de faire ça. Si on regarde
seulement le verbe qui est avant le verbe, ce n’est pas suffisant.
 Importance pour l’enseignant de suivre le processus d’apprentissage, de se tenir
disponible pour comprendre la pensée des élèves (Question d’attitude de l’enseignant)
C’est l’idée que l’enseignant accompagne les choses, suit, ne s’agace pas et se tient disponible
pour regarder ce que l’es élèves font. Il s’agit de regarder les productions non pas simplement du
point de vue du savoir mais en s’interrogeant sur le fait que les productions des élèves puissent
avoir un sens et d’essayer d’accéder à ce sens-là pour essayer de le réfuter si c’est un sens qui
n’est pas pertinent (cfr l’enseignant d’Albert en français slide 27 cours 3).
Il s’agit d’éviter le « syndrome du stylo rouge », le professeur qui se mettrait trop dans une
position de correcteur. L’attention de l’enseignant est alors trop concentrée sur « ce qu’est la
bonne solution ». Ce type d’analyse-là minore potentiellement la compréhension de ce que fait

18
l’élève. A savoir que cette représentation de l’erreur comme étant de la responsabilité est encore
très présente.
 Dimension explicative des savoirs
Si on donne seulement l’information brute, on reste dans juste « donner une information ». Par
contre, si on explique en quoi la nouvelle information est nécessaire, alors on est dans une
démarche explicative. Par exemple, il est nécessaire que le système sanguin ait un rôle pour
organiser le tri entre les liquides et les solides. Cela alimente un processus d’explication là où
l’information ne le fait pas.
b) Faire vivre les limites d’une conception à dépasser

 Éprouver les contradictions (exemple à suivre) ?


C’est le point le plus vif est-ce que ça vaut le coup où pas de faire le petit jeu qu’on a fait pour
expliquer la digestion ? C’est intéressant comme démarche mais si on est dans des milieux socio-
économiques défavorisés avec des élèves en difficultés qui ont peu confiance en eux, c’est délicat
de les mettre en difficultés pour leur apprendre. Cela n’est pas très bienveillant.
Cette démarche a un intérêt parce que cela nous permet d’accéder aux limites de nos faiblesses
intellectuelles et peut ébranler la confiance en soi. Du coup est-ce que cela peut vraiment
permettre aux élèves d’apprendre ? Il reste néanmoins vrai que c’est difficile d’apprendre sans
remettre en cause son expérience.
 Rôle de l’écrit, des schémas, du débat pour organiser le pas de côté nécessaire aux
approches disciplinaires
Pour rendre possible les débats argumentatifs permettant la prise de distance, quel support
utiliser ? L’écrit a un rôle fondamental. En effet, l’écrit est la modalité de communication la plus
réflexive et, surtout, de communication avec soi-même. Dans les pratiques de classe, on trouvera
différentes stratégies : ne pas soi-même lire les écrits mais les faire circuler dans la classe,
discuter uniquement des erreurs-types trouvées dans la classe, etc.
6) Les situations-problèmes

a) Une situation-problème
➢ Organisation des « conditions de possibilités » des apprentissages
➔ C’est l’élève qui apprend (avec ses conceptions) : apprendre c’est d’identifier
qu’il y a des situations erronées et les dépasser
➔ Une entrée possible par les conceptions à déstabiliser
➔ Nécessité de situations spécifiquement élaborées
➔ Une situation-problème pour chaque savoir de chaque discipline ? une
hypothèse très forte et non consensuelle
➢ Processus d’apprentissage
➔ Pragmatisation du savoir comme moyen utile de résoudre un problème,
d’accomplir une tâche
➔ Plusieurs essais possibles, des rétroactions, des échanges : une responsabilité
importante pour les élèves, un espace pour la déstabilisation des conceptions
b) Une autre approche plus englobante (Astolfi)
Prise en compte didactique des conceptions

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• Les entendre : une écoute positive (ne pas rester figé sur son
propre projet, être ouvert à ce qui n’est pas forcément attendu).
C’est une attitude qui autorise le fait qu’il est légitime dans une
classe qu’il y ait des énoncés faux.
• Les comprendre : les « erreurs » ne sont pas fortuites, elles ont du
sens. C’est l’idée d’essayer d’interpréter les erreurs et de leur
attribuer les conceptions qui sont en arrière-plan.
• Les faire identifier : intérêt d’une prise de conscience par chacun.
Il s’agit de considérer qu’il est légitime et intéressant de travailler
avec et sur les conceptions erronées des élèves.
• Les faire comparer : décentration des points de vue, mise à
distance critique (les autres pensent différemment de moi). Cela
suppose de penser des modalités pour organiser des
comparaisons entre les productions des élèves. C’est l’idée du
recours à l’écrit et à des traces pour pouvoir en faire des objets de
travail
• Les faire discuter : vers les conflits socio-cognitifs. C’est l’idée que
l’apprentissage mène à un conflit. Par exemple, dans un groupe, on
ferait le constat que certaines explications sur la digestion ne sont
pas compatibles les unes avec les autres. Il faudrait alors organiser
le débat pour aller vers la résolution de ce conflit.
• Les suivre : évolution à court et moyen termes. C’est l’idée que le
travail est à réaliser sur un temps long car les conceptions sont
résistances et que ce n’est pas simple de se dégager de son mode
de pensée, notamment parce qu’il est renforcé par son caractère
de positivité. Il faut accepter que ce n’est pas parce qu’on a dit
quelque chose la veille et qu’on l’a déjà répété 10 fois que c’est la
faute de l’élève.
Plusieurs remarques pour terminer cette section. La première est que le modèle d'enseignement
esquissé ci-dessus n'a pas pour vocation à être utilisé systématiquement. Il semble raisonnable
de considérer que certains contenus ne relèvent pas d'une telle rupture dans la pensée
(entraînement d'une procédure algorithmique, transfert d'un apprentissage à un autre contexte,
effort de mémorisation etc.).
La deuxième est que l'idée d'un recueil, d'une écoute et d'une discussion critique autour des
conceptions d'un contenu disciplinaire donné suppose une réflexion sur les modalités de
communication entre les élèves et avec les enseignants. Deux aspects semblent importants à
mentionner. D'une part la nécessité de représentations suffisamment stables pour faire l'objet
d'une analyse réflexive et collective. Le mode écrit (dans un sens large: dessin, schéma, texte)
semble mieux adapté que le mode oral (évanescent par nature). Sans faire l'alpha et l'oméga de
la pensée, il est clair que l’écrit permet des discussions et des analyses que l’oral n'autorise pas
du fait du caractère éphémère des verbalisations orales. Ajoutons aussi que l'écrit permet des
réécritures, des élaborations, des mises en relation entre des portions de discours
(contradiction, conséquence, similitude etc.). D'autre part, que le fonctionnement d'un débat
scientifique est aussi quelque chose qui s'apprend, et qui s'enseigne, en particulier au niveau de
la dimension langagière : résumer l'argument d'autrui, le présenter sans pour autant le faire sien,
organiser un texte argumentatif etc. La pratique scientifique suppose le questionnement, voire la
controverse, la construction de problèmes, à partir de ses propres productions comme de celles
des autres.

20
Je termine avec l'évocation de la notion de situations-problèmes aujourd'hui assez bien diffusée
dans les institutions de formation des enseignants. Il faut distinguer l'approche par les
situations-problèmes de celle beaucoup plus générale de la résolution de problème. Une idée
fondamentale et spécifique des situations-problèmes est de chercher à faire fonctionner les
connaissances des élèves (obstacles compris) pour que ceux-ci et celles-ci éprouvent
directement, de leur propre mouvement, les limites de leurs modes de pensée (cf. chapitre 3,
conception constructiviste de l'apprentissage). Il ne s'agit donc pas, ou plutôt pas seulement, de
« réussir pour apprendre » mais plutôt d'échouer pour avoir une occasion d'apprendre. Dans une
situation-problème, la tâche est supposée incorporer les conditions de possibilité de
l'apprentissage visé. Le rôle de l'enseignant-e est d'élaborer des tâches qui permettent dans un
premier temps aux élèves de repérer les limites de leurs organisations intellectuelles : échec
d'une prévision, d'une action, incohérence éprouvée... En bref : éprouver un conflit. Le recours
aux savoirs visés par l'enseignement doit être un moyen privilégié de réalisation de la tâche. Il
s'agira donc de l'élaborer en appui sur les échecs initiaux des élèves.
c) Exemple : le puzzle (43 min cours du 12/10 180445)

Chapitre 2 : les erreurs à l’école


1) La quête du sans faute
a) L’erreur comme dysfonctionnement
• Représentation spontanée de l’acte d’apprendre comme un mécanisme régulier
(tapis roulant des connaissances, Astolfi) : explication, écoute, encrage du savoir en
mémoire, …
Est-ce que l’erreur est un dysfonctionnement du processus d’enseignement et d’apprentissage ?
C’est une perspective qui, selon Astolfi, est liée à la conception transmissive de l’enseignement et
de l’apprentissage. C’est l’idée que l’enseignant apporte quelque chose, comme s’il le déposait
sur un tapis roulant qui irait jusqu’à l’élève qui attraperait alors ce bout de savoir et
l’emmagasinerait dans sa mémoire. C’est un processus linéaire où le savoir est apporté par
l’enseignant et l’élève le reçoit.
Dès lors, dans cette approche transmissive de l’enseignement (tapis roulant), bien enseigner et
bien apprendre signifie qu’on a un maître qui explique et des élèves qui sont attentifs et qui
écoutent bien. Si les choses se passent bien, il n’y a en théorie pas de perte.
Dans cette approche, ce qui est inexistant, c’est l’idée qu’apprendre est un processus actif. On ne
retrouve pas ici l’idée qu’apprendre c’est transformer ses représentations et conceptions du
monde qui suppose un engagement intellectuel propre. Dans cette représentation-ci, le rôle de
l’élève est très passif. Il doit juste recevoir des choses qui sont données par les enseignants.

• Approche naïve des apprentissages (rôle des conceptions)


Du point de vue des apprentissages, c’est une perspective un peu naïve qui minore l’activité
intellectuelle engagée qu’un processus intellectuel suppose. On n’est pas en train d’apprendre
que les choses tombent quand on apprend.

• Point de vue « cumulatif » en décalage aussi avec le développement effectif de la


science
Dans cette approche, on a une perspective cumulative : on envoie les pièces de matière sur le
tapis roulant et on attend que l’élève les réceptionne dans le bon ordre (les prérequis). Nous,
dans ce cours, on insiste sur le fait que l’élève a besoin de transformer la matière et de casser les
briques. Cette approche transmissive n’est donc pas cohérente avec l’approche des conceptions.

21
Par ailleurs, cette vision est en décalage avec le processus de la construction du développement
des connaissances scientifiques elles-mêmes. En effet, le processus d’élaboration des disciplines
scientifiques n’est pas un processus cumulatif qui consisterait à emmagasiner des choses vraies
depuis des siècles. Par conséquent, y compris dans le développement des sciences et des
paradigmes, il y a cette idée que les paradigmes et manières de penser se transforment, avec des
ruptures.
b) Conséquences
Ces conceptions spontanées et naïves de l’apprentissage ont des effets. Par exemple :

• Incompréhension ou agacement de l’explicateur/trice, voire moqueries (les « perles »


que l’on se montre entre collègues en salle des prof)
L’incompréhension ou l’agacement de l’enseignant qui explique et dont les explications n’ont pas
d’effet. C’est une position d’explicateur un peu dominateur qui va mépriser les personnes
auxquelles il s’adresse.

• Syndrome de l’encre rouge : chercher les erreurs pour les corriger, les éliminer, mais
pour quels effets ?
Astolfi parle du « syndrome de l’encre rouge » qui est la volonté de bien corriger les fautes de
l’autre où on raye à grands traits les choses que les élèves « n’ont pas le droit de citer ».

• Angoisse et stress côté élève : forte réticence à rendre public ses errements,
processus d’évitement
L’angoisse et le stress ne sont pas forcément générés du fait des erreurs mais parce que les
erreurs fonctionnent dans cette perspective-là comme des fautes.
Ce sont des discussions très pragmatiques. Quand on propose une tâche aux élèves pour engager
leur réflexion et qu’on veut voir ce qu’ils ont fait, ils vont avoir comme réaction de cacher et de
ne pas vouloir montrer ce qu’ils ont fait. Cela montre bien sue la production erronée est
considérée comme un mauvais objet.
Une des conséquences est que les élèves n’osent plus faire. Ils ne vont pas se mettre en danger en
produisant quelque chose parce que s’ils font une erreur, c’est considéré comme une faute et
donc ils se mettent en danger (processus d’évitement).
c) Dimension « morale »
• Faute de l’élève : elle aurait dû réussir, elle avait toutes les cartes en main,
responsabilité de l’élève
On pourrait aussi dire « faute de l’enseignant » qui a peut-être mal ajusté son cours ou mal
expliqué son cours.

• Faute de l’enseignant-e : réajuster le cours, retravailler les explications pour éviter


que l’erreur ne se produise à nouveau, retravailler les progressions (pré-requis,
logique interne du cours…)
Il y a des erreurs qui sont des objets intéressants pour l’apprentissage et l’enseignement mais
cela ne signifie pas que toutes les erreurs sont favorables aux apprentissages. C’est tout à fait
possible que parfois les enseignants fassent des bêtises ou que parfois les élèves ne jouent pas
leur rôle.
d) Conception de l’apprentissage (à préciser)

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On ne peut pas avoir une analyse de la place des erreurs dans le processus d’enseignement et
d’apprentissage sans au préalable préciser ce qu’on entend par « processus d’enseignement et
d’apprentissage ».

• Modèle transmissif (page blanche à remplir, pas de conception, c’est le vide à


remplir)
• Modèle comportementaliste (behaviourist) : entrainement, des petites marches pour
éviter les chutes, un échafaudage d’objectifs élémentaires opératoires ; une
pédagogie de la « réussite » ?
C’est un modèle qui prend en compte la place de l’enseignant. Ce modèle considère qu’apprendre
consiste à découper le savoir en des tâches suffisamment petites et puis entraîner les élèves sur
une tâche en particulier, puis sur une tâche plus complexe et quand le prérequis est mis, on
avance encore. C’est donc une perspective où on organise un enseignement en petites marches
de plus en plus complexes et ces marches doivent être suffisamment petites pour minimiser le
nombre d’erreurs des élèves. ( entrainement, des petites marches pour éviter les chutes, un
échafaudage d’objectifs élémentaires opératoires ; une pédagogie de la « réussite » ?)

• Modèle constructiviste, socio-constructiviste (dans synthèse Nora) :


Ce modèle valorise davantage les erreurs en tant qu’expression potentielle de conflit cognitif.
Une erreur est intéressante car elle donne une certaine visibilité à une manière de penser qu’il
s’agira de dépasser.

• Une autre place pour l’erreur ?


Exemple de biologie (Astolfi) :
L’approche déjà abordée au travers du concept de « conception » invite à une autre lecture des
erreurs : des « erreurs » liées à une activité intellectuelle « positive », indice du processus
d’apprentissage, plutôt que synonyme d’absence d’attention ou d’implication des élèves
Tâche des élèves (début secondaire) : interpréter des résultats expérimentaux montrant que la
masse de tomates que peut fournir un plant croit avec la teneur de l’air en dioxyde de carbone
En arrière-plan un concept « difficile » : la photosynthèse
➔ Le gaz carbonique comme gaz nocif
➔ Connaissance sur la respiration
➔ Se nourrir avec du gaz ?
➔ La terre nourricière

23
Résumé de ce qui a été dit (synthèse Nora) :
On voit bien que l'élève est confronté à un conflit : ses conceptions sur les gaz et le dioxyde de
carbone en particulier (le CO2 est un gaz que l'on rejette, un gaz toxique ; c'est la terre qui nous
nourrit, pas l'air ; etc) ne lui permette pas d’interpréter les observations empiriques dont le petit
texte lu rend compte. Ce renversement de perspective invite par ailleurs à s'engager dans
l'analyse de la logique de l'erreur. Elle n'est pas l'expression d'un manque d'attention,
d'investissement ou de connaissance mais relève d'une logique, d'un sens qu'il faut chercher à
saisir. Elle est la manifestation de la manière dont les élèves gèrent l'incertitude propre aux
situations d'apprentissage à partir de ses propres connaissances. Il est alors raisonnable que les
élèves errent selon ses propres voies (à réorganiser) dans l'élaboration d'un chemin qui n'est pas
encore balisé. Il est important ici de faire une précision : nous nous intéressons spécifiquement
aux situations porteuses d'un apprentissage conceptuel, à l'élaboration de nouveaux savoirs. La
question se pose sans aucun doute d'une manière très différente s'il s'agit d'apprendre par cœur
un texte pour le restituer, de mémoriser l'orthographe d'une liste de mots, de s’entraîner à
exécuter un algorithme, etc., mais il est clair, en particulier dans l'enseignement secondaire, que
les enjeux d'apprentissage ne peuvent se réduire à des pratiques algorithmiques ou à de la
mémorisation (quid des savoirs ?). Il est aussi évident que les erreurs ne font que rarement
réussir les évaluations...
Côté enseignant-e, il n'est pas toujours simple de comprendre le cheminement des élèves, les «
errances » (qui ne sont que très rarement vraiment aléatoires), dans la mesure où les un-e-s et
les autres ne pensent pas avec le même cadre de référence. Accéder au sens des erreurs, à la
valeur des erreurs des élèves, suppose de mettre à distance ses propres connaissances, de se
rendre disponible pour la logique des élèves. Selon cette approche, faire des erreurs, et plus
encore prendre conscience des limites que celles-ci imposent à nos capacités de résolution de
problème, fait partie du processus d'apprentissage. L'activité intellectuelle sous-jacente est
conçue par Astolfi comme tout aussi fondamentale que l'activité consistant à élaborer une
nouvelle réponse à des questions que l'on ne savait jusqu'alors pas traiter.
e) Synthèse : faute, bogue et obstacle
• Faute (de l’élève) : modèle transitif, l’élève n’a pas joué son rôle d’apprenant avec
suffisamment d’implication
Ici, on fait référence à la faute avec dimension morale. Astolfi rattache ce type de
fautes au modèle transmissif (la page blanche, le tapis roulant). S’il y a une erreur

24
c’est que l’élève a mal réceptionné la matière et qu’il n’a pas joué son rôle
d’apprenant avec suffisamment d’implication.
• Bogue : modèle comportementaliste, un cours bien pensé et structuré doit permettre
d’éviter les erreurs, des objectifs opératoires suffisamment accessibles pour ne pas
mettre les élèves en difficulté
C’est le modèle où l’enseignant essaye d’organiser un parcours d’apprentissage le
plus consistant possible pour limiter les erreurs. On y va petits pas par petits pas et
on fait en sorte que chaque élève maîtrise chaque étape avant d’aller à celle d’après.
Ce sont des courants qui ont des arrière-plans de psychologie. Ils ont des arrière-
plans de conditionnement. On va entraîner et répéter jusqu’à ce qu’il n’y ait plus
d’erreur et qu’on puisse passer à l’étape d’après.
C’est donc l’idée qu’un cours bien pensé et structuré doit permettre d’éviter les
erreurs avec des objectifs opératoires en termes de comportements (qu’il s’agit que
les élèves adoptent) suffisamment accessibles pour ne pas mettre les élèves en
difficulté. C’est toute de même encore l’idée que l’erreur est un mauvais objet à éviter.
Il y a toutefois une prise en compte du rôle de l’enseignant qui est d’organiser ça.
Dans le modèle comportementaliste, il n’y a pas de prise en compte des savoirs ni des
conceptions.
• Obstacle : modèle constructiviste, l’erreur comme manifestation d’une connaissance
(locale) de l’élève, expression d’une conception en cours de déstabilisation. Dans
cette approche-là, l’erreur est pensée comme du bon matériau à travailler pour aller
vers les savoirs qu’il s’agit de construire.
Astolfi distingue trois conceptions de l’erreur :

f) La typologie des erreurs (Astolfi)


Jusqu’à présent l’accent était mis sur les erreurs associées aux obstacles, dans cette partie, le
point de vue adopté est plus large.

• 1er type : compréhension des consignes

25
Des décalages entre les points de vue, les connaissances, les intentions de l’enseignant-e et la «
réception » (reconstruction) des élèves ?
Qu’est-ce que cela veut dire d’écrire une consigne ?

Le premier modèle : de
communication est plutôt sur le
type de « modèle transmissif ». Le
message va d’un émetteur vers un
récepteur.
Le deuxième modèle : Dans ce
schéma, il manque la dimension
active du récepteur. Qu’on soit dans
une activité de communication
ou d’apprentissage, le récepteur est actif. Quand un texte est produit, quand on a une
consigne, on produit des signes. La communication suppose un rôle actif à la fois de l’émetteur et
puis du récepteur qui va réinterpréter à l’aune de ses connaissances. Ces difficultés dans la
compréhension d’une consigne sont des malentendus dans la communication de la consigne.
Cela implique un certain besoin de connaissances des élèves pour pouvoir comprendre
l’enseignant. Cela suppose donc un certain niveau de proximité ou de connivence avec
l’enseignant
EXEMPLE VOIR PAGE 40 SYNTHÈSE NORA.
L’élève et les disciplines
« Les développements précédents montraient déjà que, pour réussir, l’élève ne doit pas
fonctionner en classe comme enfant ou adolescent, mais comme « petit spécialiste » de chacune
des disciplines. On sait bien qu’en l’absence de toute schizophrénie, un même individu est
susceptible de comportements divergents. Même chez les adultes, l’automobiliste ne réagit pas
comme le contribuable, lequel n’est pas nécessairement cohérent avec l’électeur ou le
consommateur… ! » (Astolfi)
Des consignes, des termes qui prennent un sens particulier en fonction du contexte disciplinaire
dans lequel ils s’insèrent.
Il y a donc un caractère actif et absolument pas naturel des énoncés qui sont proposés aux
élèves. Cela suppose non seulement d’interpréter de façon très spécifique les problèmes
scolaires mais en plus d’avoir des interprétations divergentes entre elles selon les différentes
disciplines.
➔ Il faut s’attendre à ce que cela pose des difficultés.
Variations interdisciplinaires :
Sur l’interprétation des tâches dans le contexte des différentes disciplines. En tant qu’enseignant
du secondaire, on a qu’une seule discipline. Cependant, les élèves doivent transiter entre
plusieurs disciplines et les profs ne se rendent pas forcément compte des pratiques de savoir qui
est d’application dans les autres disciplines.
EXEMPLES VOIR PAGE 41 ET 42 SYNTHÈSE NORA

26
Stratégies pour assurer une compréhension collective de ce qu’il y a à faire avec les
élèves :
- Impliquer les élèves dans la rédaction des consignes. Souci : doivent avoir compris pour
pouvoir identifier ce qu’il faut dans la consigne. Ils ne connaissent pas l’intention du prof.
- À partir des résultats, demander à quelle consigne ça correspond.
- Proposer une consigne puis réflexion sur le support (écrit, oral, etc.)
- Faire le premier exemple avec les élèves.
- Discuter de la consigne avec les élèves

• 2e type : coutume (contrat didactique)


Ici, c’est un type d’erreur que l’on connait depuis longtemps (1979). Ce sont des problèmes qu’on
appelle « les problèmes de type l’âge du capitaine ». Voici quelques exemples :
- « J’ai 4 sucettes dans ma poche droite et 9 caramels dans ma poche gauche. Quel est l’âge
de mon papa ? »
- « Dans une classe, il y a 12 filles et 13 garçons. Quel est l’âge de la maîtresse ? »
- « Dans un bateau il y a 36 moutons, 10 tombent dans l’eau. Quel est l’âge du capitaine ? »
Chaque énoncé est complété par la question : « que penses-tu de ce problème ? »
Ce sont des problèmes un peu absurdes pour lesquels l’énoncé ne permet pas de trouver une
réponse.
Résultats : voir page 44 synthèse de Nora.
La coutume didactique (le contrat)
Un élève de 2e primaire à qui l’on propose le problème suivant : « tu as 10 crayons rouges dans ta
poche gauche. Quel âge as-tu ? ». L’enfant répond : « 20 ans ».
On lui fait remarquer qu’il sait parfaitement qu’il n’a pas 20 ans et l’enfant réplique : « oui, c’est
de ta faute, tu ne m’as pas donné les bons nombres. »
Influence des habitudes, de la coutume : tout se passe comme si l’élève cherchait « tout autant » à
satisfaire les coutumes de la classe (on utilise les nombres de l’énoncés – tous les nombres –
pour faire un calcul) qu’à répondre à un « vrai » problème :
➔ Faire son métier d’élève
➔ Se conformer au professeur
➔ Faire fonctionner ses habitudes
Décalage de posture : Ce sont des élèves qui sont loin du sens. Ils ont complètement évacué la
question du sens et sont sur un registre purement scolaire qui est d’appliquer les procédures, de
satisfaire l’enseignant et de faire bonne figure. Ce n’est donc pas une posture d’apprentissage qui
suppose de s’engager sur le plan intellectuel. C’est un vrai engagement et pas une conformation à
une intention supposée de l’enseignant.
Certains élèves, en particulier ceux en difficultés scolaires, ont tendance à se positionner en
faisant fonctionner les habitudes et en faisant un peu semblant de s’engager sur le plan
intellectuel en proposant des procédures qui ne sont pas très significatives pour eux et qui ne
sont probablement pas des occasions d’apprendre.
EXEMPLE EN HISTOIRE VOIR PAGE 45 À 48 SYNTHÈSE NORA

27
Comment faire pour éviter ce type d’erreur ?
On peut clarifier l’attendu en termes d’attendus intellectuels. Par ailleurs, il est vrai que la
participation n’est pas beaucoup valorisée dans l’enseignement tel qu’aujourd’hui et donc la
position d’attente des élèves est relativement fonctionnelle. La tranquillité est valorisée et Astolfi
s’interroge de savoir si c’est la meilleure position pour apprendre ?
En termes pratiques, il serait idéal de favoriser l’engagement des élèves. Cela signifie qu’on a le
droit de se tromper, qu’on accepte qu’il y a un peu de bruit dans la classe, qu’on accepte
d’engager les élèves dans des démarches de découverte et pas de simplement écouter, etc. →
Organiser des espaces qui permettent de penser avec toute sa naïveté.
Dimension morale pour certains types d’erreurs ?
Quand on considère que le processus d’enseignement et d’apprentissage correspond à un
enseignant qui donne de la manière et à un élève qui écoute sagement, alors on peut considérer
que l’élève est responsable de son erreur parce qu’il n’a pas été suffisamment actif, manque de
volonté et d’attention. C’est un type d’analyse de l’erreur qui attribue à l’élève la faute. Donc la
faute avec une dimension morale, cela signifie qu’on considère que les élèves sont impliqués
individuellement comme ayant manqué d’implication et de quelque chose. Il y a un défaut dans
leur processus d’apprentissage.
EXEMPLE EN MATH VOIR PAGE 48 SYNTHÈSE NORA

• 3e type : les obstacles didactiques


5.46 > 5.7
La logique à l’œuvre conduisant à cette réponse semble plutôt relever des conditions dans
lesquelles les nombres décimaux ont été enseignés (par des mesures du type 35m et 25cm ; ou
3,20 euros)
Plutôt que d’une difficulté intrinsèque à la notion (obstacle épistémologique) ou liée aux
caractéristiques cognitives des sujets (ex : discrimination des grandeurs)
Autre exemple : les formes en position prototypique
(Extrait du résumé de cours :) Les erreurs sont parfois liées à d'anciennes connaissances
construites à l'école les années précédentes et qui viennent se constituer en obstacles pour de
nouveaux apprentissages. On parle alors d'obstacle didactique. Ici, ce sont plutôt les choix
d'organisation curriculaire qui sont en jeu plutôt que les contenus en tant que tels. Revenons un
peu sur la distinction entre le bogue et l'erreur-obstacle dans ce contexte des obstacles
didactiques. On pourrait considérer que les obstacles didactiques sont « évitables » dans la
mesure où ils sont construits au sein de l'école, un espace dans lequel les enseignant-e-s ont la
main. Nous en avons d’ailleurs discuté en cours. De ce point de vue, l'erreur due à un obstacle
didactique relèverait plutôt du bogue (un défaut d’organisation du cours) que de l'erreur-
obstacle. On peut aussi considérer que même pour ce qu'il se passe à l'école, les enseignant-e-s
ne maîtrisent pas tout. Que la règle des zéros que nous avons discutée en cours (multiplier par
dix revient à mettre un zéro à droite de l'écriture décimale du nombre) soit ou non enseignée,
verbalisée ou formalisée, les élèves pourraient bien construire par elles-mêmes et eux-mêmes
des habitudes. De cet autre point de vue, les erreurs en jeu relèvent bien d'erreurs-obstacles.

28
• 4e type : les conceptions alternatives / conceptions erronées
(Extrait du résumé de cours :) Astolfi met également en lumière la complexité de certaines
compétences. Une « même » compétence peut en réalité recouvrir des classes de situations bien
distinctes : lire un texte, résoudre un problème additif, etc., sont autant de compétences
recouvrant des situations de différentes natures (lire un roman n’est pas du même registre que
lire un texte argumentatif). Certaines difficultés peuvent alors émerger lors du passage d'une
classe de situations à une autre. C'est notamment le cas pour certaines compétences qui se
construisent sur un temps long.
Nous avons déjà évoqué les obstacles épistémologiques. Ceux-ci trouvent plutôt leurs origines
dans nos expériences quotidiennes, dans leur caractère fonctionnel dans de nombreuses
situations de la vie courante (conception "tuyau" de la digestion). Nous avons vu que ces
obstacles résistent et contribuent à expliquer certaines erreurs des élèves.
Exemple déjà vu de la digestion
Ou encore en géographie : conception de la capitale d’un pays comme étant la ville principale (la
plus peuplée), située vers le centre, de préférence sur un grand fleuve.

• 5e type : surcharge cognitive


Cette catégorie d’erreur est d’une autre nature que les erreurs sur les conceptions.
- Mémoire de travail (« le contenu des applications ouvertes »)

o Capacité très limitée


Qu’est-ce que la mémoire de travail ? Le parallèle est fait entre la mémoire et un ordinateur où
les informations seraient stockées dans un disque dur. Ce serait la mémoire à long terme dans
laquelle on peut aller piocher, ce qui suppose d’aller chercher les informations. Ensuite, il y a ce
qui est directement là, ce seraient les pages ouvertes sur l’ordinateur qu’on mobilise pour faire
quelque chose. Sur l’ordinateur, on mobilise un certain nombre d’application pour faire quelque.
La mémoire de travail, sont ces applications ouvertes. Elle est caractérisée par une capacité
limitée. Ce qu’on est capable de retenir et de mobiliser de manière simultanée pour travailler
quelque chose est assez limité. La mémoire de travail a donc une capacité relativement limitée
alors que la mémoire de long terme auquel on va avoir recours au besoin mais elle n’est pas a
priori mobilisée directement dans la résolution du problème
o Temps court de conservation (numéro de téléphone : de l’agenda au clavier)
On est peut-être capable de noter le numéro de téléphone mais 10 minutes après, on l’aura
complètement oublié
o Sensibilité aux interférences
Un exemple de la limite de la mémoire travail, c’est qu’elle est non seulement assez limitée mais
aussi elle est susceptible d’être perturbée. Par exemple, on essaye de retenir un numéro de
téléphone pour l’écrire ailleurs et qu’on se fait interrompre par quelqu’un, c’est très probable
qu’on ne se souvienne pas du numéro à recopier. Ce sont des choses qui sont présentes mais qui
sont susceptible
- Mémoire à long terme (« le disque dur »)
o Plus grande capacité
o Parfois des difficultés de « rappel » (on dira qu’on perd la mémoire)

29
Parfois, on connait une série d’éléments sur une théorie mais on a parfois du mal à s’en souvenir.
C’est la difficulté à avoir recours et à mobiliser des éléments qui relèvent de la mémoire à long
terme pour en faire des éléments actifs dans la mémoire de travail.
Exemple :
Plus de fautes dans une production de texte qu’à l’occasion d’une dictée (nécessité de contrôle du
sens, recherche d’idées, etc. et la correction orthographique)
VOIR PAGE 50 ET 51 SYNTÈSE NORA

Chapitre 3 : les élèves et le savoir, conceptions de l’apprentissage


1) Dépasser le sens commun
Le sens commun aurait tendance à décrire les processus d'apprentissage comme des processus
d'accumulation de matière, selon la métaphore du transfert d'un contenu depuis l'extérieur vers
l'intérieur de l'esprit-récipient.
Ici, on reprend l’idée du tapis roulant des connaissances : une manière de voir l’apprentissage où
l’enseignant dépose de la matière qui transite jusqu’aux élèves qui doivent être bien attentifs
pour récupérer ça et l’inscrire dans leur mémoire de travail, de façon passive. Cette conception
est décrite comme la conception de sens commun par Rey et Carette :
« Cette conception, même si elle est rarement formulée d’une manière explicite,
consiste à penser qu’une personne « apprend » lorsqu’elle reçoit des informations,
c’est-à-dire lorsqu’elle accueille dans son esprit des indications qui ne s’y trouvaient
pas auparavant. Ainsi, en lisant le journal, on peut « apprendre » qu’un tremblement
de terre a eu lieu dans tel pays ; en consultant le mode d’emploi d’un objet technique,
on peut « apprendre » la fonction de telle touche de l’appareil, etc. Sur ce modèle,
beaucoup de gens estiment qu’on peut « apprendre » un savoir (et notamment un
savoir scolaire) en accueillant dans son esprit, par la lecture ou par l’écoute, un
exposé de ce savoir. » (Rey et Carette)
J'emprunte l'extrait ci-dessous au livre de Rey et Carette (2019). L'objet de ce troisième chapitre
sera donc de discuter de ce qu'est l'apprentissage d'un savoir, et par ricochet ce que peut être un
enseignement (d'un savoir). Il fait aussi le lien avec la partie « pédagogie » puisque N. Friant
aborde aussi les théories psychologiques de l'apprentissage.
Retenir une notion et savoir la restituer, ne veut pas nécessairement dire que l’élève a compris la
notion. S’il suffisait d’expliquer une fois à un élève pour qu’il apprenne, alors les enseignants ne
serviraient plus à rien. Il suffirait de donner un livre et c’est tout.

• Retour à la conception du tapis roulant des connaissances


Cette approche considère les élèves comme un tout homogène et ne prend pas en compte les
conceptions des élèves qui peuvent être variées. Les élèves ne pensent pas tous de la même
manière et l’on ne peut donc pas vraiment s’adresser à eux de la même manière.
Ce type de pratique est aussi à questionner du point de vue du temps et de la mémorisation. On
va mémoriser les choses et être en mesure de rendre les informations pour le contrôle mais on
n’a pas été transformé, on a juste été en mesure d’apprendre quelque chose.
➔ « Donner » la matière ? La « recevoir » pour ensuite la « restituer » ?
➔ Des textes ou des schémas qui s’inscrivent sur une page blanche
➔ Influence des évaluations : restituer la matière ou produire un raisonnement propre

30
• Limites de cette approche
➔ Sur le plan psychologique : elle minore la contribution active des élèves et de leurs
connaissances (obstacles) au processus d’apprentissage
Aussi, cette approche minore l’activité des élèves et l’idée qu’apprendre est un processus actif
qui consiste à changer ses manières de penser et pas simplement à recevoir quelque chose de
nouveau. Ce qu’on avait mis en évidence avec l’approche par les conceptions, c’était
qu’apprendre n’est pas juste un processus cumulatif mais que ça suppose de rompre avec ses
manières de penser et ses anciennes conceptions.
➔ Sur le plan épistémologique : les transactions d’informations n’ont pas grand-chose à
voir avec des transactions de savoirs (cf. cours à venir sur la transposition didactique)
« Épistémologique », du point de vue de la nature des savoirs en jeux et des contenus
d’apprentissage. Quels sont les savoirs enseignés quand on transmet les informations ?
Un savoir, ce n’est pas simplement un énoncé ni la capacité à donner une information, c’est aussi
la capacité à aller mobiliser ces informations-là dans le contexte de résolution de problème. Le
savoir est un outil utile dans le cadre d’un processus d’enquête et de la résolution d’un problème.
Les savoirs qui devraient fonctionner dans le milieu académique sont des outils pour les
chercheurs et pour les personnes qui construisent des problèmes pour mieux se débrouiller
dans le monde dans lequel on vit.
Dans la vision de l’enseignement comme transmission de l’information, on a des savoirs morts.
Ils ne sont pas présentés dans leur fonctionnalité. Dans la vision du tapis roulant, les
informations ne sont pas des outils. Ce sont des outils pour l’évaluation. Ils ont une
fonctionnalité potentiellement de réussite scolaire et mondaine mais sans avoir compris les
problèmes en arrière-plan et qui donnent leur sens au savoir.
➔ Sur le plan axiologique (quel projet social d’arrière-plan ?) : absence de dimension
critique et absence d’investissement de la « matière » en tant qu’outil pour
élaborer/résoudre des problèmes
Le fait que l’école est un projet social avec une dimension philosophique et politique fait que ce
n’est pas vraiment possible de dire qu’une façon d’enseigner est meilleure qu’une autre. Chaque
manière d’enseigner est liée à des projets pour l’école en arrière-plan.
Il est donc important de faire une critique sur le plan axiologique (le plan des finalités et des
intentions) s’il on veut enseigner des informations. Cette critique axiologique par rapport à
l’enseignement qui attend de l’élève qu’il mémorise des informations est qu’il n’y a pas de débat
critique. Simplement mémoriser des informations apportées par l’enseignant ne mobilise pas un
travail critique par rapport à ces connaissances.
EXEMPLE PAGE 53 SYNTHÈSE NORA
2) Théorie de l’apprentissage et didactique
Pas de modèle unique du processus d’apprentissage en fonctionnement dans les didactiques
disciplinaires mais quelques points qui semblent faire plus ou moins consensus :
Les points qui font consensus chez les didacticiens et qui inscrivent les travaux de didactique
majoritairement dans des positions constructivistes :

31
• Les savoirs se « construisent » (avec et contre ses conceptions) ; ils ne se donnent pas
(positionnement actif de l’apprenant)
C’est l’idée que les savoirs se « construisent » (avec et contre ses conceptions). Il y a une
critique de la conception naïve selon laquelle les savoirs se donnent. De fait, ils ne se donnent
pas (positionnement actif de l’apprenant).

• Ces constructions supposent un environnement adapté (elles n’ont pas


nécessairement de raison d’émerger de conditions non didactiques)
Le rôle de l’enseignant est aussi d’organiser des environnements adaptés qui permettent de
proposer des problèmes afin de faire vivre les savoirs et pas simplement de donner des
informations et de vérités indépendamment de tout problème.
Il y a donc une réflexion très importante chez les didacticiens sur le fait de proposer, de définir et
de travailler des dispositifs d’enseignement relatifs à un contenu donné et d’ensuite les
soumettre à une étude empirique pour voir s’ils sont intéressants.

• Le rôle de l’enseignement est notamment (mais pas seulement) d’organiser les


conditions de possibilité des apprentissages en proposant des problèmes
représentatifs des savoirs en jeu.
Cette idée consiste aussi à se dire que les savoirs se construisent et que pour que les élèves les
construisent de manière active, il va falloir qu’ils soient impliqués dans des situations-
problèmes, dans des tâches qui permettent de vivre des conceptions erronées pour être en
mesure par la suite de les dépasser. C’est donc l’idée que le rôle de l’enseignant est de
notamment concevoir ces situations qui permettent aux élèves de se confronter aux savoir qu’on
veut leur enseigner.
« Notamment » : Organiser les conditions de possibilités des apprentissages, c’est proposer des
dispositifs qui permettent aux élèves potentiellement de construire les savoirs visés comme des
outils de résolution des problèmes qui leur sont proposés.
Une critique souvent faite au constructivisme, c’est de dire qu’on pense un problème bien conçu
et que pour le résoudre, il faut maîtriser un certain nombre de savoir de la discipline. On donne
le problème aux élèves et c’est à eux de travailler sans qu’on leur donne d’explication.
L’enseignant laisse l’élève se débrouiller sinon il ne va pas se transformer et il ne va pas
apprendre. Ce n’est pas la position que l’on défend dans ce cours. L’enseignant a bien un rôle
d’accompagnant pour l’élève. Il peut réguler l’activité, aider, guider les élèves dans les processus
de résolution de problèmes.
Des inspirations du côté de la psychologie (mais pas d’ « applicationnisme ») :
Quand on parle de théories de l’apprentissage, on est plutôt dans un domaine étudié par les
psychologues. Les didacticiens qui s’inscrivent dans ce courant de pensée constructiviste et
socio- constructiviste ont tendance à avoir recours surtout à deux travaux anciens en
psychologie :

• Le constructivisme de Piaget
Un des psychologues considéré comme une des principales inspirations du constructivisme
didactique. Il définit lui-même sa théorie comme une théorie constructiviste

• L’approche socio-culturelle de Vygotsky

32
Psychologue russe dont la théorie pourrait être qualifiée d’approche socio-culturelle de
l’apprentissage.
3) « La » conception constructiviste
Cette conception rompt avec la conception des apprentissages comme remplissage en mettant
l'accent sur les nécessaires réorganisations des structures cognitives que les apprentissages
supposent.
La principale rupture au regard de l'idée de transfert réside dans le recours à des notions visant
à rendre compte de la part active des sujets dans les apprentissages. Dans les didactiques des
disciplines, où les approches constructivistes ou socio-constructivistes sont très répandues, c'est
souvent la notion de « conception » ou de « représentation » qui est convoquée.

a) Introduction
• Quelques généralités
o Les apprentissages passent par des adaptations et des réorganisations des
structures cognitives (versus remplissage, accumulation)
Dans une perspective constructiviste un peu plus large, on pourrait dire qu’apprendre passe par
des réorganisations de ses structures cognitives (manières de penser et de voir le monde). L’idée
de structure cognitives est un peu plus large. Ce qu’il y a de nouveau ici, c’est l’idée de structure
cognitive qui vient perturber la vision linéaire de la transmission des informations. C’est ce qui
fait l’originalité de cet ancrage constructiviste vs la transmission d’information.
o Bonne compatibilité avec l’approche par les conceptions
On voit donc que le perspective constructiviste a une bonne compatibilité avec l’approche par les
conceptions. En effet, l’idée de conception est une manière de rendre compte des structures
cognitives.
o Émergence début 20e, en lien avec le courant dit de l’éducation nouvelle
(Montessori, Freinet, Decroly, etc.)
La conception constructiviste est un gros sujet avec une variété d’inspirations. On pourrait faire
remonter cette conception-là au courant de l’éducation nouvelle, inspiration des pédagogies
actives. Au début du 20ème siècle, un certain nombre de pédagogues se regroupe sous
l’appellation « éducation nouvelle ». Leur point commun est de critiquer l’enseignement
magistral dit « traditionnel », qu’on appelle ici « transmission d’information ».
Les auteurs les plus connus sont Montessori, Freinet, Decroly. Ce sont des pédagogues parfois
revendiqués dans des écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

• Influence de Piaget
o Un terme utilisé (constructivisme) pour qualifier les travaux de Piaget sur le
développement de l’enfant
Piaget lui-même parle de théorie constructiviste pour rendre compte de son approche en
psychologie. Son travail porte surtout sur le développement de l’enfant. Il essaye de caractériser
les grandes étapes du développement des enfants et en particulier les grandes étapes d’un point
de vue du développement intellectuel (les outils de pensée, etc.).
Piaget s’intéresse donc surtout au développement et non pas à l’apprentissage scolaire. Il
cherche à comprendre le développement de nos structures de pensées qui nous permettent de
nous débrouiller dans notre environnement. Il ne s’intéresse pas au développement des
structures de pensées liées à des disciplines scolaires et à des savoirs.

33
→ Influence importante de Piaget sur cette approche constructiviste de l’apprentissage et de
l’enseignement même s’il ne s’intéresse pas à l’enseignement. Il n’est pas pédagogue ni
didacticien mais psychologue.
Son projet scientifique est d’essayer de repérer différents stades de développement de la pensée
avec l’idée que les enfants passent par ces stades dans un ordre régulier. Il y a une organisation
du développement intellectuel qui passe par un certain nombre de stades. Le travail de Piaget
consistait notamment à, à travers des dispositifs empiriques, repérer où en sont les enfants du
point de vue de leur développement intellectuel
o Une filiation critique parfois revendiquée par des didacticiens (Brousseau
notamment – exemple à suivre) mais pas de manière systématique
Exemple : la Théorie des situations de Brousseau (voir page 56)
b) Les dispositifs piagétiens
• Perspectives générales :
o Des données empiriques issues de l’observation du comportement des
enfants dans des dispositifs créés par les chercheurs
Le chercheur arrive avec un dispositif, le propose à des enfants et puis regarde comment les
enfants réagissent. Le comportement des enfants est réputé significatif potentiellement d’une
étape du développement. Le comportement observé est rapproché d’un stade de développement
mais cela n’a rien n’a voir avec le fait d’être à l’avance ou en retard.
o Des régularités (ordre) dans l’évolution des structures cognitives qui
permettent d’interpréter et d’agir sur son milieu (les nécessités des
environnements non didactiques)
Le projet de Piaget est de déterminer des régularités dans les structures cognitives. Les
structures cognitives sont vraiment le cœur de son travail. C’est de là que vient l’idée de
constructivisme qui considère que le fait que se développer et apprendre, c’est transformer ses
structures cognitives.
o Identifications des stades du développement (épistémologie « génétique ») et
non une théorie des apprentissages scolaires
Le projet est donc d’identifier des stades de développement de tout le monde indépendamment
du type de culture scolaire qui pourrait leur être présenté. Il s’intéresse surtout aux enfants
plutôt jeunes.

• Quelques précautions :
o Développement de l’enfant : acquisition des structures cognitives liées au
développement « biologique » de l’individu.
Dans les questions auxquelles s’intéresse Piaget, on est très proche du niveau biologique et pas
dans une perspective culturelle. En effet, Piaget s’intéresse à l’acquisition des structures
cognitives communes et pas spécifiques à des disciplines. Par conséquent, importer ces idées-là
dans un contexte d’enseignement de disciplines scolaires ne va pas de soi car ce n’est pas à cela
qu’il s’intéresse a priori.

34
o Idée de développement « naturel » (orientation vers le futur) / poids des
obstacles chez Bachelard (dépassement du sens commun)
Bachelard est une autre inspiration du courant constructiviste en éducation et en pédagogie. Il
est repris par divers didacticiens.
Bachelard insiste sur le poids de nos structures cognitives issues de l’opinion. Il met en évidence
le poids de l’opinion, de nos croyances et le fait qu’apprendre c’est organiser une rupture par
rapport à ses manières de pensées. Cela explique que Bachelard est une référence pour les
auteurs qui considère qu’apprendre, c’est transformer ses manières de voir.
Il y a une similarité avec Piaget à ce niveau-là. Toutefois, alors que Blanchard est un historien,
philosophe qui s’intéresse au développement des sciences expertes, Piaget s’intéresse aux
enfants et pas aux sciences. Ce sont deux auteurs issus de champs complètement différents mais
qui partagent l’idée qu’appendre c’est rompre avec ses anciennes manières de penser.
Ce que met en avant Bachelard, c’est le poids de nos préconceptions, de nos opinions et en quoi
elles nous « tirent vers l’arrière ». Chez Piaget, l’esprit n’est pas vraiment tiré vers l’arrière, il est
plutôt poussé vers l’avant, tel un chien fou qui va s’essayer à un tas de choses. C’est par ces
confrontations avec des nouvelles situations que ses manières de penser vont changer. Par
conséquent, le discours est un peu différent. Chez Piaget, c’est en se confrontant au monde et à
de nouvelles situations qu’on va s’adapter. Ce que souligne Bachelard, c’est le poids du passé. Ce
sont donc deux orientations légèrement différentes. On peut aller voir la comparaison
développée par Astolfi pour plus de précision sur le sujet.
o Perspective didactique (vs développement psychologique) : des savoirs
accumulés par les générations passées (une culture) et transmis par des
enseignants
Dans une perspective didactique, on n’est pas en train de réfléchir au développement
psychologique (développement pensé comme un processus commun à des êtres biologiques)
mais on est en train d’essayer de penser comment organiser la transmission d’une culture. A
l’école, on construit une culture qui est particulière. Certaines disciplines ont un caractère de
généralité plus grande que d’autres (mathématique vs français).
Donc, on ne peut pas considérer l’enseignement et l’apprentissage comme quelque chose de
naturel ni comme quelque chose qui relève du simple développement des élèves. Il s’agit d’un
processus d’enseignement et d’apprentissage
EXEMPLE VOIR PAGE 58 SYNTHÈSE NORA
c) Les leviers des apprentissages
• Un exemple (stade de la conversation des quantités continues) :
o Des boules de pâte à modeler de même taille et de même poids
Les enfants pourraient considérer qu’il y en a moins ou plus. Ces élèves sont considérés comme
« non conservant ».
o D’un point de vue didactique la question est : que faire pour qu’un enfant non
conservant apprenne ? comment se produit ce mécanisme d’apprentissage ?
• Évolution des structures cognitives :
o Expliquer que l’on n’a pas ajouté de matière et que donc il y en a autant ? on
pourrait obtenir l’acquiescement…mais l’apprentissage ?

35
Si l’élève dit qu’il y a moins de pâte, on pourrait lui expliquer qu’on n’a pas enlevé de matière et
qu’on n’en n’a pas rajouté donc il y a toujours autant de matière en termes de quantité et de
poids.
Toutefois, c’est fort probable que les élèves disent oui mais n’aient pas compris l’explication.
Penser que l’explication peut suffire est un peu naïf.
o Des conflits cognitifs : l’enfant pourrait observer par lui-même que la boule
aplatie est plus fine, mais aussi plus large… une contradiction à dépasser
(nécessité des déséquilibres, d’une perturbation)
La notion fondamentale à la base des apprentissages dans ce contexte théorique-ci est l’idée de
conflit cognitif. On a précédemment évoqué l’idée que l’apprentissage naît d’un conflit, qu’il y a
une notion de dureté et de violence par rapport à l’apprentissage. Apprendre suppose de se
mettre en conflit. Quel est le conflit ici qui permettrait de dépasser leur conception ? L’enfant
pourrait observer que la boule est plus fine mais aussi plus large. On ne sait pas bien si c’est plus
de matière ou moins. On sera alors confronté à un conflit cognitif.
Si on reprend l’exemple de la digestion, le conflit cognitif émerge quand on se dit, si on explique
la digestion par la tuyauterie continue, comment fait-on pour distinguer les selles de l’urine ? Là,
le processus intellectuel se rend compte que l’explication donnée ne tient pas la route.
La profonde convergence avec l’idée des conceptions, c’est qu’être confronté au constat que mes
propres explications et analyses sont intrinsèquement contradictoires. Ces phénomènes-là sont
une caractéristique importante de l’apprentissage et c’est ce que la perspective constructiviste
en éducation emprunte à Piaget dont les travaux relèvent de la psychologie et pas de l’éducation
scolaire.
➔ Donc « conflit cognitif » : concept issu des travaux de Piaget et considéré comme étant le
principal levier de l’évolution du développement des structures cognitives.
o Nécessité d’un engagement actif de l’enfant : une idée que l’on retrouve dans
nombre d’approche didactique (ex : les situations-problèmes)
o Les interactions sociales ? Cf. socioconstructivisme.
Finalement, ces conflits, est-ce que ça va être l’élève qui va observer ces conflits par lui-même ou
est- ce que l’on peut envisager que ces conflits soient socialement distribués. Par exemple, que la
situation conflictuelle qui amène à repérer un problème soit construite collectivement dans la
classe et pas simplement individuellement par une même personne.
Dans la perspective socio-constructiviste, l’idée de conflit cognitif sera étendue avec une
dimension plus sociale. Or, dans le courant constructiviste, il y a plus l’idée que celui qui apprend
est impliqué dans ces conflits-là individuellement.
d) Évolution des structure cognitives : perspectives didactiques
Ici, sur le plan didactique, on n’est pas dans le registre du développement cognitif dans le sens
où, on ne va pas déterminer si nos élèves sont conservant ou non. On ne va pas étudier leur
habilité intellectuelle commune (ce qui intéresse Piaget). Est-ce que ce genre de principes-là est
applicable ?

• L’accord en genre et en nombre


« Pour faire vite, si on considère l’évolution de l’enseignement de l’orthographe au cours de la
décennie écoulée, on est passé de la question « combien de fautes ? » à la question « quel type
d’erreurs ? » pour en arriver à présent à se demander « qu’est-ce qui explique l’erreur ? »,

36
interrogation nécessaire si on veut mettre en place un apprentissage un tant soit peu
performant » (Bessonat 2001)
Cette réflexion amène à distinguer différentes catégories d’erreurs et de problématiques qui
relèvent de l’accord en genre et en nombre dans l’idée que l’on passe d’une manière de penser à
une autre avec des enjeux à chaque fois spécifique.

• Généralités
o L’orthographe note du son et du sens (morphologie souvent silencieuse).
Exemple : Les jolies petites poules dodues picorent allègrement
À l’oral, la seule marque audible du pluriel provient du « les ». Alors qu’à l’écrit, on peut le voir
plus facilement car tous les termes de la phrase en lien avec « poules » prennent la marque du
pluriel.
o Déplacement progressif des erreurs « dans la zone morphologique »
Les grosses erreurs visibles d’orthographe (crocrodile à la place de crocodile) sont rapidement
évacuées par les élèves et il ne reste que les erreurs que l’on n’entend pas (Krokodile et non
crocodile).
o Paradoxe de la règle (« facile » à mémoriser mais pas à utiliser)
Il est souvent plus facile de connaitre la règle que les conditions d’application de ladite règle.
Structure : Des étudiant-e-s de 1e et 2e année(s) universitaire(s) → Est-ce que l’on met un « s » à
« année(s) universitaire(s) ? La difficulté ici est de comprendre la structure pour savoir quelle
règle on applique.
Covariation : le Groupe Queen qui cassaient leur matériel → Ici, la difficulté réside dans le fait de
trouver ce qui varie avec le verbe « casser ». On est dans une analyse plutôt sémantique (il y a
plusieurs personnes dans le groupe) alors que ce qui nous intéresserait du point de vue
grammatical, ce serait plutôt la syntaxe. Le fait qu’il y ait plusieurs personnes dans le groupe
n’est pas pertinent en ce qui concerne l’application de la règle
Vergnaud s’est basé sur les
théories de Fiaget.
On peut découper l’accord en
genre et en nombre en une chaine
de structure que les élèves
doivent suivre.
Il est connu pour avoir travaillé
sur les opérations en math. 17+8
est une suite de problèmes.
Composition d’état : addition
Comparaison d’état : on voit « de
moins », mais il faut faire une
addition.
e) Catégorisation des difficultés
• Conflit avec la sémantique du mot (sens vs. Logique de la langue)
Ça m’étonnerais (sujet énonciateur / sujet grammatical)
• Conflit avec l’image visuelle

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Il y a cinq argument en faveur du lycée
Ils expliquèrent qu’ils étaient agent départementaux
• Conflit avec l’image sonore
Toute la salle est en piteuse état
• Conflit avec le principe de proximité
Des proches du pouvoir, comme le milliardaire Oumarou Kanazé, lui conseille de mettre la
sourdine
• Conflit avec le principe de continuité
L’orthographe de mes élèves me désolent ! (Fayol)
• Conflit avec le principe de dynamique
Basé sur le beau sentiment qui consiste à tout faire pour éviter le traumatisme d’un enfant
face à de pareils événements, cette fable est finalement plus bouleversante…

f) Le socio-constructivisme
Conflits cognitifs : dans l’exemple
deux, les deux verres sont de forme
différente et l’élève pourrait penser
qu’il y a plus de liquide dans un des
verres.
Ces conflits permettent-ils
d’apprendre ?
Organiser de conflits avec un adulte ?
l’enseignant pourrait créer des
conflits pour pousser les élèves.
3 manières de construire les conflits :
- Le conflit cognitif individuel :
on est confronté à une tâche qu’on ne sait pas résoudre. On se rend compte que quelque
chose ne va pas dans notre explication.
- Le conflit cognitif construit socialement avec ses paires : on travaille en groupe à la
résolution d’un problème et on se rend compte qu’on n’a pas tous les mêmes points. Il
faudra prendre une décision car il y a des contradictions.
- Le conflit co-construit avec l’enseignant, l’expérimentateur ou l’adulte : il précise à l’élève
que sa stratégie n’est pas correcte et que ce n’est pas la bonne solution.

g) Variations
La conception socio-constructiviste reprend à son compte l’essentiel de ce qui vient d’être dit sur
le processus d’apprentissage (positionnement actif de l’apprenant, nécessité des déséquilibres,
…) mais :

• Elle questionne la dimension sociale du sujet didactique (en tant que position dans le
système didactique) : un individu (conflit interne) ? un sujet « collectif » (conflits
sociaux) ?
Est-ce qu’il faut penser le processus d’apprentissage et notamment la place des conflits en
termes individuels ou en termes social ? Il y a à la fois des enjeux pour savoir si, au moment où
on les interroge individuellement, les élèves ont appris. Il semble que oui, il y a un espace où les

38
conflits socio-cognitifs vont permettre d’apprendre. La préoccupation est de savoir si le débat
porte sur les enjeux de savoir ou d’autre chose.
Est-ce qu’on est sur la perspective de l’apprentissage comme étant la propriété des individus, des
processus individuels ou plutôt des processus sociaux ? Au-delà de la question de l’efficacité de
cette perspective-là, il y a aussi des enjeux socio-politiques. Est-ce que l’on souhaite aussi faire
du travail d’argumentation contradictoire un objet d’apprentissage et d’enseignement, au-delà
des savoirs ? Quand les élèves apprennent quelque chose, on voit aussi qu’apprendre de la
matière et des savoirs, c’est aussi apprendre un comportement social. La classe est une petite
société et est-ce qu’on veut faire de la classe un endroit où on apprend à débattre avec ses paires
sur un registre de savoir et pas sur un registre de pouvoir. C’est une question qui a une
dimension d’efficacité (est-ce que ça permet aux élèves d’apprendre) mais est-ce que c’est aussi
une question politique (est-ce que l’on veut faire de ce travail collectif un enjeu ?).

• Elle introduit la problématique de la communication là où le constructivisme était


orientée vers l’action (non verbale) avec des conséquences notables quant à
l’organisation de l’enseignement (place du débat par exemple)
Si on envisage un débat entre élèves, c’est important d’envisager les possibilités matérielles.
Qu’est- ce que l’on garde comme trace ?
Au niveau des travaux de Piaget, ce sont des conflits essentiellement non-verbaux. Ce ne sont pas
des conflits qui se font au niveau de l’argumentation auprès des paires car le processus est
individuel. On est en mesure de communiquer avec soi-même sans forcément passer par de la
verbalisation.
Dans le cadre d’un conflit socio-constructiviste, c’est clair qu’il y a une dimension argumentative
et verbale. Il y a donc tout un tas de préoccupations qui étaient beaucoup moins présentes dans
une vision individuelle des apprentissages

• Elle étend considérablement le potentiel de « déséquilibres » ou de « conflits » : les


contradictions peuvent provenir de « l’extérieur »
C’est l’idée qu’il y a plus de possibilités de se disputer à plusieurs que tout seul.
Une question importante : toutes les contradictions externes sont-elles pertinentes pour
l’avancée du processus d’apprentissage ? n’est-ce pas le retour de l’idée d’explication (modèle du
transfert) ?
Les contradictions externes permettent-elles toutes de réguler et permettent-elles toutes
d’apprendre ? Bien évidemment, non, une condition nécessaire c’est que la régulation de ces
conflits se situent au niveau intellectuel.
h) Un autre rôle pour l’enseignant-e ?
A travers cette variation du socio-constructivisme, on voit que le point de vue sur le rôle de
l’enseignant est un peu différent.

• Approches constructivistes
o Élaborer des environnements robustes (situations, tâches, matériel, etc.)
Il faut que l’élève s’engage et qu’il soit confronté à des conflits à travers ces engagements. Cela
suppose donc de proposer des tâches qui soient consistantes et qui vont mettre l’élève en
difficultés. Le premier rôle de l’enseignant est donc de concevoir des tâches qui mettent l’élève
en difficultés conceptuelles relativement à ce qu’il y a apprendre.

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o Un positionnement en « retrait », l’élève comme acteur en première personne du
processus d’apprentissage.
Quand l’enseignant est un peu en retrait, c’est dans l’idée que c’est l’élève qui se transforme. Par
conséquent, le rôle de l’enseignant est d’accompagner cette transformation plutôt que de la
commander. On n’obtient pas une transformation intellectuelle sur une injonction. En revanche,
on peut l’accompagner. Le positionnement est en retrait mais il ne s’agit pas non plus
d’abandonner les élèves face à la tâche.
o Sans caricature : engager les élèves dans les tâches (enrôlement), les soutenir,
importance de l’explicitation…
Il y a toujours la question d’engagement et d’enrôlement des élèves (solliciter et accompagner
l’engagement des élèves).
Il y a aussi la problématique de l’explicitation, c’est qu’un des rôles de l’enseignant est de faire le
point pour voir ce qui a été appris. Cela suppose des choix culturels. Ce n’est pas évident de
savoir si les élèves ont bien repéré ce qu’il y avait à retenir à l’issue d’un engagement. C’est un
travail de synthèse, de mise à distance, d’institutionnalisation et d’explicitation que l’approche
socio-constructiviste met aussi en avant.

• Dans quelle mesure l’enseignante, peut-elle contribuer à porter la contradiction avec les
élèves ?
Ce que l’approche socio-constructiviste souligne davantage par rapport à l’approche
constructiviste, c’est le rôle de l’enseignant comme organisateur de ces conflits. En effet,
l’approche constructiviste ne considérait pas ce rôle comme étant un des biais des
apprentissages.
Donc, dans l’approche socio-constructiviste, un des rôles de l’enseignant sera de réguler non
seulement l’activité intellectuelle des élèves individuels. Toutefois, on peut aussi envisager que le
rôle de l’enseignant ne soit pas de mener un dialogue d’élève à enseignant et qu’il soit plutôt
organiser des débats entre élèves et pourquoi pas des déstabilisations. L’enseignant peut ajouter
des éléments au débat en étant attentif à ce que les élèves ne prennent pas ce que dit
l’enseignant comme une posture de vérité. Cela suppose de construire une posture particulière.
Dans le rôle de l’enseignant, il y a tout un travail de régulation de l’activité des élèves et de
l’activité collective des élèves. Accompagner les élèves dans ces moments de travail est une
partie essentielle du quotidien de l’enseignant.
On voit quand on propose des tâches où il y a quelque chose nouveau à élaborer, comment est-ce
qu’on agit pour aider les élèves qui sont en difficultés et pour ne pas simplement les laisser tout
produire seuls en se disant que si on intervient, on les empêche de penser. Ce serait une posture
confortable mais pas très efficace.
o L’expérimentation avec les réglettes montre que l’élève peut se conformer au
point de vue de l’adulte sans pour autant profiter de la contradiction apportée
(conformation/apprentissage)
o Risque d’une régulation relationnelle (faire plaisir, chercher à satisfaire, etc.) avec
l’enseignant-e ou au sein des groupes d’élèves.
C’est l’idée de réguler les conflits en gardant en tête le fait que l’enseignant, de par sa position,
est susceptible d’obtenir un acquiescement, une conformation qui ne soit pas synonyme
d’apprentissage. En didactique comparée, le concept de « réticence » rend compte de cette
problématique. C’est l’idée qu’en tant qu’enseignant, on doit accompagner et se tenir au plus

40
près des travaux des élèves. Il ne faut pas les laisser se perdre soit dans des choses secondaires
soit de se perdre. Toutefois, en même temps, on ne peut pas faire l’exercice à leur place parce
qu’il faut que les élèves soient engagés sur le plan intellectuel mais aussi gérer des situations
conflictuelles. Cela explique cette réticence didactique qui consiste à ne pas tout dire
d’emblée. Même les enseignants les plus transmissifs/ revendiquant une posture plus
magistrale pratiquent aussi de la réticence.
Ensuite, il y a des positions plus constructivistes qui vont considérer que c’est important qu’il y
ait d’abord un engagement des élèves et que l’enseignant accompagne, guide et étaie sur base de
ce que les élèves font et pas a priori. Ce sont des postures qui mettent l’autonomie en avant
comme un principe directeur. L’enseignant organise son activité tout en essayant de garder une
forte part d’activité et d’autonomie des élèves. Les autres postures
(magistrales/instructionnistes) renvoie cette préoccupation-là plutôt comme une préoccupation
de second temps.
Aussi, on voit qu’il y a un peu deux pôles : l’explicateur et le constructiviste. Il y a des enseignants
qui se disent constructivistes et qui rejettent la pédagogie transmissive et magistrale. En
revanche, il y a aussi beaucoup d’enseignants constructivistes qui vont quand même prendre des
choses tant de pratiques plus instructionnistes que de pratiques constructivistes. Selon Mr
Barrier, cela n’a pas de sens d’associer constructivisme et autonomie radicale des élèves
i) Une autre référence : Vygotsky
Vygotski est une figure de la psychologie mais aussi de la pédagogie. Il est traduit en français
assez tard, ce qui explique que ses travaux soient mis en avant assez tard.
Ce que je retiens de l’approche historico-culturelle :

• Différents types d’enjeu : les savoirs de la culture (historiquement situé) versus le


développement de l’enfant (les structures cognitives « élémentaires ») → Piaget =
développement de l’enfant dans une perspective quasi-biologique.
• L’action humaine repose sur les structures cognitives individuelles mais aussi sur des
outils historiquement construits notamment des outils langagiers (les pratiques
langagières d’une communauté – des structures collectives de pensée : les disciplines)
Vygotski s’intéresse très clairement à la transmission de la culture. Il souligne que l’action
humaine suppose des actions individuelles. Toutefois, on va s’appuyer sur des outils qui sont
historiquement collectivement construits.
Les apprentissages culturels consistent à s’approprier ces outils de la culture avec l’idée qu’on va
intérioriser ces produits culturels en pratiquant les pratiques visées. Autrement dit, on considère
qu’il y a d’abord le social, les échanges et ensuite l’individualisation. Vygotski considère donc
qu’on pratique d’abord via des débats, des échanges et des pratiques qui sont significatives d’une
forme de culture (musique, éducation physique, etc.) avec les paires et les enseignants et
qu’ensuite on l’intériorise. Dans cette perspective, la source d’apprentissage est le social plutôt
que le conflit intérieur.

• Un nouveau point de vue (complémentaire ?) sur les apprentissages : s’adapter


individuellement à son environnement et/ou se familiariser par des interactions sociales
avec les pratiques culturelles et notamment langagières d’une communauté donnée.
Dans la perspective de Vygotski, apprendre ce n’est pas forcément s’adapter à des conditions
biologiques particulières mais cela relève plutôt de l’intégration de pratiques discursives.
Vygotski considère donc qu’apprendre, c’est s’acculturer et s’intégrer à une communauté de

41
pratiques et d’en intérioriser les caractéristiques. On voit qu’il y a une vision de l’apprentissage
qui est une adaptation à un contexte naturel (vision quasi biologique) et une vision qui consiste à
identifier les apprentissages comme un processus d’acculturation sociale.
Dans cette nouvelle perspective, le social précède l’individuel : l’apprentissage consiste en une
« intériorisation » de pratiques sociales historiquement construites (que l’élève ne va pas
reconstruire mais s’approprier activement)
➔ Apprentissage comme une acculturation (construction de pratiques collectives +
intériorisation vs apprentissage par adaptation (s’adapter individuellement).
j) Discussion :
(dés)adaptation
Dans quel sens peut-on dire
qu’apprendre consiste à se
désadapter ?

• « Le savoir scientifique est


en rupture avec la pensée
commune (Bachelard, 1938), celle
qui se construit par adaptation au
monde qui nous entoure; prendre
en compte le concept d’obstacle
épistémologique demande donc
une certaine prudence vis-à-vis de
cette idée d’adaptation et de ce à quoi il y a adaptation ; → inspiration de Piaget -
constructivisme
• L’activité scientifique ne vise pas avant tout à éliminer des problèmes en les résolvant,
comme dans tout comportement adaptatif ordinaire, mais bien à en construire de
nouveaux ; Popper définit ainsi la science comme un « processus ayant pour point de
départ et pour terme la formulation de problèmes toujours plus fondamentaux et dont la
fécondité ne cesse de s’accroître, en donnant le jour à d’autres problèmes encore
inédits » (1985, p 329-330). » (Orange, 2007) → Orange se met en porte à faux vis-à-vis
de la perspective adaptationiste. Il dit qu’il ne veut pas penser comme une adaptation à
un milieu matériel.

k) Autonomie des élèves ?


Quelques questions :

• L’élève peut-elle individuellement élaborer spontanément et en toute autonomie les


pratiques discursives disciplinaires qu’il s’agit d’intérioriser ?
D’une part, l’autonomie est valorisée parce qu’elle permet l’engagement, les conflits cognitifs et
les transformations intellectuelles. D’autre part, on ne peut pas raisonnablement attendre des
élèves qu’ils apprennent en toute autonomie comme si c’était une vulgaire adaptation à son
environnement. Il y a une dimension collective et critique d’argumentation sociale à construire
pour se distancier et apprendre.
Aussi, il y a aussi des critiques de l’autonomie. Certaines reviennent à des perspectives
instructionnistes qui disent que la valorisation de l’autonomie des élèves a conduit à un
enseignement peu efficace.

42
• Les élèves peuvent-ils le faire en tant que « communauté discursive » (un potentiel de
mise à distance plus grand) ? Des risques d’un désengagement de certain-e-s ?
C’est une approche plutôt socio-constructiviste qui considère qu’il y a un potentiel dans les
interactions sociales. La démarche sera d’organiser un débat entre les élèves et que
l’apprentissage pourrait consister en l’intériorisation de ces éléments-là.

• L’enseignant peut-il jouer le médiateur pour accompagner les élèves vers les modes
spécifiques de pensée des disciplines sans pour autant produire une simple obéissance ?
L’enseignant pourrait pointer certains aspects qui n’ont pas été pris en compte et qui auraient dû
l’être ou fermer une piste pour éviter que l’élève ne perde trop de temps. C’est le rôle
d’accompagnement sans se substituer à l’élève et sans l’empêcher d’apprendre en lui donnant
des solutions toutes faites.
ZPD (Zone Proche de Développement) : certains enjeux sont accessibles par la médiation de
l’enseignant-e, d’autres sont réputés hors d’atteinte (l’enseignant-e pourra éventuellement
obtenir une conformation mais pas un apprentissage). C’est l’idée qu’il y a des choses que l’élève
ne peut pas encore faire tout seul mais il peut le faire avec l’appui des autres et en profiter pour
apprendre. Il y a un espace pour qu’un travail collectif se traduise en un apprentissage
individuel.
l) Rôle de l’enseignant-e (bis)
Nouvelles fonctions de l’enseignant :

• L’enseignement ne peut se réduire à l’information, ni même aux explications


• L’enseignement ne se cantonne pas à la création des conditions de possibilité
l'apprentissage (ex : mise en place des situations problèmes) : importance de
l’accompagnement
• Mise en exergue d’autres dimensions : réguler les échanges en situation, souligner dans
le travail à produire ce qui est important, signaler dans les productions ce qui mérite
d’être retenu (enseigner = faire signe), solliciter des explications
Exemple : voir slides cours 4
m) Rôle de l’enseignant-e (ter)
Quelques jalons (Carette & Rey) :

• Organiser les échanges en s’assurant de l’implication de tou-te-s les élèves (dévolution,


enrôlement)
• Faire une place aux erreurs, aux approches non expertes (par ex. un élève donne une
réponse erronée : invalider et demander à un autre ? invalider et corriger ? demander
une justification ? demander une critique à un autre ?)
• Prolonger (raisonnablement) l’incertitude, les phases de déstabilisation, le processus de
questionnement critique
• Assurer le caractère scientifique du débat : notamment bien distinguer le statut des
énoncés du statut des personnes
• Faire signe quand à ce qu’il y a d’important à repérer dans les tâches qui sont proposées
pour éviter la dispersion, accompagner les élèves

43
Partie 2 : Les « contenus » de l’enseignement
Dans cette partie, nous allons nous interroger sur la construction des savoirs enseignés/les
contenus scolaires. Comme c’est le rôle de l’enseignant d’organiser les savoirs enseignés, ce sera
donc cet aspect-là du système didactique sur lequel on se concentrera.
Deux concepts importants ici : la transposition didactique et les pratiques sociales de
référence.

Chapitre 1 : la transposition didactique


1) La transposition didactique : généralités
La transposition didactique c’est réfléchir aux liens qu’il y a entre le culturel (ce qui existe en
dehors de l’école) et le savoir enseigné (ce qui existe dans les classes et la mise en texte du savoir
enseigné). Chevallard est le principal auteur auquel on va s’intéresser dans le cours.
« Le passage du savoir vu comme un outil à mettre en usage au savoir vu comme
quelque chose à enseigner et à apprendre est précisément ce que j’ai nommé
transposition didactique » (Chevallard, 1991, p. 6)

→ Le savoir (savant) est d’abord un savoir utile élaboré dans le cadre d’une enquête liée à des
questions que se posent à une communauté dont les pratiques sont situées dans une institution
porteuse de conditions et contraintes spécifiques.
Il y a ici une première distinction : savoir savant. Pour Chevallard, le savoir est un outil à mettre
en usage. Si on travaille des savoirs dans un contexte dit savant à l’université, quand on produit
des connaissances, c’est parce qu’elles servent à quelque chose pour répondre à une
problématique de recherche. En effet, des communautés se regroupent, se critiquent et enfin
elles élaborent des connaissances pour apporter des éléments de réponses à des questions
qu’une communauté se pose.
Donc, dans les institutions dites savantes, un savoir est quelque chose qui est utile pour une
communauté. Les savoirs fonctionnent comme des outils dans le cadre d’une enquête
académique.

→ Le savoir (savant) subit une migration institutionnelle vers un contexte d’enseignement et


d’apprentissage (une institution didactique): cette transposition s’accompagne de nouvelles
conditions institutionnelles d’existence, le savoir fonctionne alors comme un objet à apprendre
et à enseigner (et pas seulement un objet « utile »).
Dans le cadre d’un enseignement, il y a un processus de construction des contenus qui est un
processus de migration. En effet, le savoir tel qu’il est enseigné n’existe pas dans les mêmes
conditions que dans les conditions dans lesquelles il est produit. Les conditions institutionnelles
ne sont pas les mêmes quand il s’agit d’étudier des savoirs pour se les approprier ou quand il
s’agit de construire ou d’utiliser des savoirs.
Chevallard souligne donc le fait qu’il y a de nouvelles conditions institutionnelles d’existence
pour les savoirs enseignés et le savoir enseigné ne fonctionne pas que pour son utilité mais c’est
aussi un objet d’enseignement et d’apprentissage. Quand on est face à un problème à l’école, on
sait que la résolution du problème est un prétexte à l’apprentissage. La fonctionnalité et le sens
du savoir est d’une certaine manière de répondre à des problèmes mais l’intention est aussi
d’apprendre. Par conséquent, à l’école, la résolution du problème est un prétexte alors qu’à
l’université, la résolution du problème est l’enjeu.

44
➔ Le savoir est un objet de nature différente à l’école que dans les institutions dites
savantes.

→ Le concept de transposition didactique ne s’inscrit pas dans un discours normatif mais dans
une démarche de description et d’analyse critique des spécificités du savoir « scolarisé ».
L’idée de la transposition didactique n’est pas un discours normatif qui dirait qu’il faut adapter
les savoirs savants aux conditions particulières des écoles ou au niveau scolaire des élèves. Il
s’agit plutôt de se dire que les conditions dans lesquelles les savoirs sont construits, présentés et
travaillés à l’écoles sont particulières et cela a des effets sur les contenus enseignés. Il faut donc
regarder cet aspect de façon critique et s’interroger sur la légitimité de ce que l’on enseigne.
« Ainsi les épistémologues nous apportent le concept de problématique. Or celui-ci
se révèle être une arme très utile à notre chasse : dans le passage de tel élément du
savoir savant à l’élément qui lui répond – ou plutôt dont il répond – dans le savoir
enseigné, il y a d’abord un invariant (en général un signifiant : « ensemble », «
distance », etc.), et il y a une variation, un écart, qui fait toute la différence, et que
l’examen des problématiques respectives […] ne manque pas de faire surgir. »
(Chevallard 1991, pp. 20-21)
→ Rompre avec l’illusion de l’identité entre savoir enseigné et savoir savant (illusion confortable
car génératrice de légitimité)
Il s’agit de dépasser les arguments du type « pourquoi est-ce que j’enseigne les mathématiques
ou la musique ? ». Au final, est-ce que l’on enseigne vraiment les mêmes mathématiques que les
savoirs dits « savants » ? L’idée de la transposition didactique, c’est d’insister sur le fait qu’il y a
une différence de nature et qu’il faut s’interroger sur la légitimité de ce que l’on fait quand on
enseigne
→ Pas un résumé ou une version allégée mais une création originale répondant à des objectifs
spécifiques de formation
Les contenus ne sont pas une simplification, ni une version allégée des savoirs savants, il y a une
réelle différence de nature. Un savoir à l’école fonctionne comme un objet d’enseignement et
d’apprentissage. Par exemple, il doit être évalué et c’est une pratique qui ne se fait pas ailleurs
→ Un rapport variable aux savoirs « savants » :
« Il ne s’agit pas en effet de faire de l’élève un spécialiste des sciences du langage, mais de lui
faire développer des savoir-faire langagiers indépendants des savoirs métalangagiers que nous
cherchons à construire dans nos disciplines scientifiques » (Bouchard 1992, cité par Schneuwly,
1995, p. 51)
Quelques spécificités des institutions didactiques :

• Nouvelle temporalité : des programmes (souvent), un découpage en séances etc.


Les écoles s’inscrivent dans une temporalité définie a priori par des différents types de
découpage qui sont parfois des contraintes imposées par des programmes et des
référentiels et parfois par des contraintes co-construites par des équipes pédagogiques
ou même par les enseignants eux-mêmes.
• Nouvelles contraintes matérielles : accès à un registre empirique, coût des outils,
contraintes spatiales etc.

45
Pour les sciences expérimentales, qu’est-ce qu’on peut travailler ? En tant que sociologue,
quel matériel et quel moyen a-t-on pour travailler les savoirs ? C’est l’idée qu’on n’a pas
les mêmes conditions à l’école que dans les institutions savantes
• Organisation sociale prédéfinie : xx enseignant-e-s, une classe comprenant xx élèves dans
xx m²…
Pas d’interaction avec les autres classes → organisation sociale particulière.
• Nouvelles situations d’usage : problèmes pour apprendre vs. problèmes historiques
Les savoirs tels qu’ils sont enseignés à l’école s’inscrivent souvent dans des problèmes
qui ne sont pas des problèmes qui ont déterminé la construction de ce savoir sur le plan
savant. On propose des problèmes qui ne sont pas des reprises des problèmes auxquels
les chercheurs étaient confrontés quand ils ont construit ces savoirs-là.
Donc, les problèmes qu’on propose aux élèves sont artificiels. Ce ne sont pas des reprises
des problèmes historiques qui ont conduit à l’émergence des savoirs dits savants. Ce sont
des problèmes pour apprendre
• Nouvelle fonctionnalité : construire une réponse à une question de recherche vs.
formation intellectuelle, formation professionnelle etc.
Dans un contexte scolaire, les savoir peuvent avoir une nouvelle fonctionnalité. A l’école,
si on construit une réponse à une question, c’est rarement parce que la réponse nous
intéresse. En général on la connait déjà mais on fait travailler les élèves parce qu’on
souhaite développer leur formation intellectuelle. Par ailleurs, on peut aussi envisager
que les savoirs enseignés visent une formation professionnelle. La perspective est donc
différente de ceux qui ont construit les savoirs initiaux.
• Contraintes d’évaluation et de diplomation : ce qui est enseigné doit (souvent) faire
l’objet d’évaluation
Ce que l’on constate dans le cadre de l’école, c’est que l’on enseigne des savoirs qui sont
de nature différente que les savoirs dits différents. Toute la problématique des savoirs
didactiques, c’est d’interroger la distance entre ce qui est enseigné et les savoirs savants
➔ Nécessité de porter un regard critique sur le processus de transposition
didactique, sur la nature de ce qui est enseigné : les choix opérés et leurs
raisons ?
2) La transposition didactique : pour quoi faire ?
• Justifier une « autonomie » des savoirs scolaires ?
Ici, on développe l’idée que la fonction de la transposition didactique est d’inviter à la vigilance et
à s’interroger sur ce qu’on enseigne (est-ce que c’est légitime, en quoi ça l’est, pourquoi ça l’est
?). La fonction de la transposition didactique n’a rien à voir avec le fait de dire qu’il faut adapter
les savoirs aux élèves et que l’école n’a pas à se justifier au regard des choses qui seraient
extérieures à l’école.
Il y a eu un certain nombre de critiques de la transposition didactique.
« Une autre solution [pour opérationnaliser ce que Bkouche appelle l’idéologie de la
centralité de l’élève, TB] est d'inventer une autonomie du système formé par la
fameuse trinité (le maître, les élèves, le savoir) et de reconstituer un savoir adapté à
ce système, et c'est l'idéologie de la transposition didactique. Dans les deux cas, se
construit un savoir enseigné qui n'est qu'une caricature de savoir, un savoir
reconstitué qui n'a d'autre objectif que celui d'être enseigné par les maîtres et appris
par les élèves. » (Bkouche, 1992, p.8)

46
→ Un contre-sens: pas de finalité normative dans le concept de transposition didactique, une
approche anthropologique (dans travaux qui donneront lieu à la Théorie Anthropologique du
Didactique - TAD)
Bkouche dit que l’idée de transposition didactique produit une adaptation des savoirs aux
contextes scolaires. Il dit qu’il n’y a pas d’autre légitimation au savoir scolaire que de faire
fonctionner le système où un prof enseigne à un élève qui apprend et passe une évaluation et
qu’on n’y apprend rien de significatif du point de vue des savoirs savants.
Or, chez Chevallard, on voit très clairement que ces propos sont un contre-sens. L’idée de la
transposition didactique n’est pas de dire qu’il faut adapter les savoirs ni aux élèves, ni aux
conditions institutionnelles de l’enseignement.
→ La finalité n’est pas tant (ou pas seulement) de prendre en compte les élèves que de
problématiser les contenus d’enseignement en pointant l’illusion d’une identité avec les savoirs
savants.
Le concept de transposition didactique est vraiment un concept descriptif et critique pour
assumer le fait que ce qui est enseigné à l’école n’est pas identique au savoir savant. C’est l’idée
de s’interroger de manière critique à ce qui est enseigné mais pas dans une perspective
normative. C’est l’idée d’inviter les enseignants de s’interroger sur eux-mêmes et à faire des
choix de manière la plus réfléchie possible.
L’idée est bien de pointer l’illusion d’identité entre les savoirs enseignés et les savoirs savants et
de regarder ce processus et cet écart de manière critique et non pas de dire qu’il n’y a pas à
étudier cet écart-là car l’école est un espace autonome.

• La vigilance épistémologique (la vigilance sur les savoirs enseignés):


« Pour le didacticien, c’est un outil qui permet de prendre du recul, d’interroger les évidences,
d’éroder les idées simples, de se déprendre de la familiarité trompeuse de son objet d’étude,
bref, d’exercer sa vigilance épistémologique. » (Chevallard 1985)

• Avec un aspect « désécurisant » :


« Le concept de transposition didactique, donc la théorisation du passage de savoirs culturels –
considérés comme légitimes en tant qu’utiles – aux savoirs enseignés, pose de manière centrale
la question de la légitimité de ces derniers. » (Schneuwly, 1995, p. 55)
« Savoirs culturels » = savoirs qui existent en dehors de l’école (savoirs savants)
3) L’environnement du système didactique
Comment fonctionne le
processus de transposition
didactique ? Sur le schéma,
on voit qu’il y a :
L’environnement
correspond à tout ce qu’il y
a en dehors de l’école.
La noosphère, c’est tout
ceux qui sont amenés à
penser le système
d’enseignement.

47
Le système d’enseignement référence aux systèmes didactiques qui existent dans des
institutions largement définies par la noosphère.
➔ Environnement proche réunissant les systèmes didactiques
La transposition didactique consiste à analyser les transformations qui opèrent lorsque quelque
chose issu de l’environnement devient un objet d’enseignement et d’apprentissage. Cela peut
être des pratiques dites savantes mais on peut aussi faire le choix d’enseigner des pratiques
professionnelles qui ne relèvent pas de pratiques académiques.
4) Noosphère
La noosphère, ce sont ceux qui pensent le système d’enseignement.

• Rôle : définir des programmes d’enseignement (ce qui suppose un découpage


spécifique), identification de savoirs légitimes, toilettage, etc.
Cela revient à faire des choix (économie mais pas psycho en secondaires). Cela suppose aussi de
découper et de linéariser la matière. On saucissonne une pratique qui existe en dehors de l’école
pour en faire un contenu d’enseignement (identification de savoirs légitimes, toilettage…).

• Des critères (grossiers) :


o Ne pas enseigner des savoirs que tout le monde connaît
o Pas non plus des savoirs que personne n’utilise
o Des savoirs en conformité avec l’état de la science (ex : légitimité d’objets
littéraires « nouveaux »)
o Et avec les besoins de la société (ex : introduction de l’algorithmique en France ;
les « éducation à » etc.)
Donc, une première problématique de la transposition didactique, c’est de critiquer ce travail de
la noosphère. On voit qu’il y a un travail d’ordre de choix politique et il s’agit de se question si le
choix est légitime, d’éviter de proposer des contenus absurdes.
Nécessité d’exercer une vigilance sur ce (premier) travail. L’apprêt didactique du savoir
(transformer des savoirs dits savants en savoirs enseignés) ne le dénature-t-il pas ? Quand on est
enseignant, il faut être vigilent aux injonctions institutionnelles qui s’imposent par le biais des
référentiels.
➔ Donc, premier temps de la transposition didactique : le travail de la noosphère
qui transforme des savoirs qui existent dans l’environnement en dehors de toute
institution d’enseignement et qui en fait des objets à enseigner.

5) Les transpositions didactiques


Chevallard va distinguer deux types de transposition didactique : interne et externe.

• Transposition externe :
C’est la transformation des savoirs
savants en savoir à enseigner. C’est tout
le travail de la noosphère où on va passer
de contenus et de pratiques de
l’environnement (de savoirs dits savants)
à des savoirs à enseigner.
o Définition des curricula

48
o Désyncrétisation, parcellisation : organiser la matière pour pouvoir l’enseigner.
Cela suppose un découpage
o Progression (premier découpage) : on découpe la matière en morceaux et on
l’organise de manière linéaire et temporelle.
o Logique interne : il faut trouver une logique dans la façon de présenter la matière.
C’est parfois complexe dans l’organisation des curriculums.
• Transposition interne :
C’est le deuxième moment de la transposition didactique. C’est la transformation des savoirs à
enseigner en savoirs enseignés. Les acteurs de cette transposition didactique interne sont les
enseignants et plus exclusivement la noosphère.
Il s’agit du travail qui part des curriculums. Le travail d’enseignant, c’est d’aller de la prescription
des savoirs enseignés aux savoirs effectivement enseignés. Cela suppose de faire des choix dans
la façon d’opérationnaliser les instructions
o Texte pour écrire le savoir
o Programmation annuelle (chapitres etc.)
o Choix des problèmes, des modalités de l’étude, des contextualisations
➔ Ce sont des paramètres qui font qu’il y a une distinction de nature entre les
savoirs savants et les savoirs enseignés.

6) Les savoirs enseignés


a) Deux paradigmes pour l’enseignement
• Le paradigme de la visite des œuvres :
« Le deuxième type de rencontres qu’on peut retenir, en effet, transforme qui est
censé « apprendre » en simple spectateur de l’œuvre qu’on l’invite à contempler, à
apprécier de l’extérieur, sans jamais en devenir l’acteur ou l’usager. […]
Les rencontres du deuxième type sont en cela une invitation à une forme insidieuse
de scopophilie, qui s’observe chez les étudiants d’université au moment même où ils
devraient entrer dans un corps à corps avec l’œuvre. »
« Son emprise se reconnaît aisément à un critère simple : la visite de l’œuvre ne fait
pas rencontrer les raisons d’être de l’œuvre en général, non plus que les raisons de la
rencontrer là en particulier. » Chevallard (2010)

→ Le savoir scolaire prend la forme d’une « information », d’un savoir propositionnel (réduit
au statut d’énoncé indépendant de toute problématisation)
Avoir un rapport très culturel et mondain mais les contenus ne sont pas appropriés. On met les
apprenants dans un statut de spectateur sans qu’ils ne deviennent jamais acteurs.
On accède à des informations mais sans aucun lien à la problématisation d’arrière-plan (les
raisons pour lesquelles ces contenus scolaires-là fonctionnent). En effet, si le savoir est juste un
énoncé sans problématisation, qu’est-ce qu’on en fait ? On peut le mémoriser mais on ne sait pas
le faire fonctionner parce que savoir le faire fonctionner, c’est avoir des idées sur la
fonctionnalité.

→ Absence de dimension critique (pas de problématique de validation)

C’est l’idée de faire confiance à une autorité. (Dogmatisme)

→ Fonctionnalité scolaire (évaluation) ou mondaine

49
Est-ce que les informations apprises à l’école sont légitimées par les savoirs savants ? Chevallard
considère que non : ce qui caractérise un savoir savant, c’est sa fonctionnalité (contribution à la
construction de réponses à des questions et des problèmes qu’une communauté se pose). Dans
ce paradigme-là, les informations dénaturent les savoirs dans la mesure où les savoirs sont
séparés de leurs conditions d’utilisation. Toutefois, ils fonctionnent pour réussir à l’école. Par
exemple, un élève répondra à une question d’évaluation pour montrer qu’il a étudié le cours ne
répondra pas forcément à la question posée.
Exemple (slide 17 cours 5) : ces exemples montrent des enseignants qui sont en difficultés pour
justifier de l’intérêt de ce qu’ils font et pourtant ils le font.

• Le paradigme du questionnement du monde :


« Par contraste, un quatrième type de rencontres peut être conçu et impulsé qui, il
est vrai, existe depuis toujours dans les institutions savantes ou autres où l’on se
préoccupe de créer du praxéologique. Le point de départ d’une rencontre du
quatrième type est une question, une question jugée utile sur laquelle on enquête
pour lui apporter une réponse à laquelle on tiendra pour son utilité. » Chevallard
(2010)

→ Les savoirs enseignés fonctionnent comme outils dans le cadre d’un processus d’enquête
(processus différenciés selon les disciplines)
Chevallard insiste beaucoup sur l’idée que tout processus d’apprentissage doit s’ancrer dans une
question autour de laquelle on enquête. Chevallard considère que les curriculums doivent être
une collection de questions plus qu’une liste de savoirs. Rentrer par les questions permet de se
demander quels sont les savoirs nécessaires et qui outillent la réponse à ces questions.
➔ Savoir= question → réponse → utilité = c’est un modèle qu’il s’agit d’importer
dans la classe pour Chevallard.

→ Dans ce paradigme la question de la vigilance épistémologique porte sur la distance entre le


processus d’enquête didactisé et le processus dont il dépend

→ Pas de raison à priori pour que ces processus s’identifient aux processus historiques
d’émergence des savoirs.

→ Pour Chevallard, cette dimension « utilitariste » (à ne pas confondre avec l’utilité du «


quotidien ») est une condition essentielle de la légitimité des savoirs enseignés: les savoirs
contribuent à produire des questions et des réponses à ces questions.
Exemple (slide 19 cours 5) : voir page 80 de la synthèse de Nora
L’obstacle des réponses :
« Parce qu’on n’envisage pas d’étudier une question, mais simplement de « parler
d’un sujet », on n’arrive pas véritablement à poser une question Q, nous venons de le
voir. Pour la même raison, on ne s’intéressera pas aux réponses R◊ existantes et
accessibles. »

→ Le plus souvent, une seule réponse a le droit de cité en classe (celle portée par la professeure)

→ Un type de tâche peu pratiqué: l’étude critique et le compte rendu autour d’une réponse
existante à une question (hors production des élèves)
Exemple (slide 23 à 25 cours 5) : voir page 81 de la synthèse de Nora

50
b) « Savoirs savants » ?
• Retour à une citation déjà utilisée
« Il ne s’agit pas en effet de faire de l’élève un spécialiste des sciences du langage,
mais de lui faire développer des savoir-faire langagiers indépendants des savoirs
métalangagiers que nous cherchons à construire dans nos disciplines scientifiques »
(Bouchard 1992, cité par Schneuwly, 1995, p. 51)
Bouchard dit que ce qui va faire référence pour son enseignement du français tel qu’il le conçoit,
ce ne sera pas les savoirs métalangagiers (savoirs sur le langage et sur les pratiques langagières)
qu’on travaille dans les universités. Il se penchera plus sur des savoir-faire et des pratiques que
sur des aspects conceptuels et théorisant sur les pratiques de la langue.
Les savoirs enseignés ne peuvent avoir pour seule légitimité d’être enseignés et appris
(Bkouche). Mais les savoirs savants (académiques) sont-ils les seules sources de légitimation
pour les contenus scolaires ? Est-ce que tout ce qu’on fait à l’école doit avoir pour référence les
pratiques des universitaires ou des pratiques dites savantes ?
Dans un contexte de formation professionnelle, c’est intenable. Dans le secondaire qualifiant ou
de transition, c’est évident que les pratiques des physiciens ou des chimistes ne sont pas les
seules références pertinentes pour former un mécanicien automobile. Il s’agirait plutôt de faire
en sorte que ce qu’il se passe dans les classes ressemblent à certaines pratiques qui se font en
mécanique automobile. Les références ne seraient alors pas uniquement des références savantes
mais aussi des pratiques sociales plus larges.

• D’autres références pour l’enseignement ?


Contexte d’une réflexion en didactique de la technologie :
Donc si les savoirs scolaires ne peuvent pas être auto-référents (fonctionner pour eux-mêmes
simplement pour être appris et évalués) et qu’ils doivent être utiles à quelque chose, alors cela
ne peut se résumer qu’à l’utilité telle qu’utile pour les savants universitaires mais doit avoir une
utilité dans un sens plus large. C’est en tout cas ce que met en avant un didacticien de la
technologie qui s’intéresse à l’enseignement technique et professionnel. Jean-Louis Martinand
écrit :
« C'est pour apprécier de façon précise et analytique les différences entre les
activités et les moyens de la classe, et les pratiques industrielles dont nous
souhaitions donner une image "authentique" que j'ai été conduit à proposer en 1981
la notion de pratique de référence » (Martinand 1995)
Ici, on voit une problématique similaire à celle de la transposition didactique mais élaborée de
manière un peu parallèle (à la même période). Il se demande si ce qui est travaillé dans les
ateliers des élèves est en rapport avec les pratiques industrielles. C’est l’idée de vigilance
épistémologique que de savoir si ce qui est enseigné servira aux élèves en dehors de l’école, pour
leur profession.
Les pratiques sociales de référence sont aussi liées à des pratiques savantes qui pourraient
légitimer des enseignements. Dans une perspective de formation professionnelle, il y a cette idée
de se préparer au métier et de l’avoir fréquenté.

→ Critique d’un enseignement pensé à partir des seuls savoirs académiques

51
Martinand est donc critique à l’égard d’un enseignement qui ne serait dispensé uniquement à
partir des savoirs académiques.

→ Un point de vue complémentaire plutôt que contradictoire: les pratiques « savantes » comme
pratiques sociales parmi d’autres.
C’est une approche que l’on peut envisager de manière complémentaire. On peut envisager
différents types de références mais dans tous les cas, il faut qu’il y ait une utilité au savoir
scolaire. L’utilité abstraite, théorique, intellectuelle des savoirs n’est pas la seule utilité ou la
seule légitimité pour ce qui est enseigné. C’est pertinent d’intégrer d’autres types de pratiques
(infirmière, industrielles, etc.).
Nouveau questionnement :

→ Pluralités de références possibles pour un même enseignement : éducation à la citoyenneté


(histoire – philosophie – pratiques institutionnelles – mathématiques), enseignement
professionnel, géométrie etc.)
Cette ouverture invite donc à s’interroger sur les différentes références possibles pour des
contenus disciplinaires. Par exemple, le cours d’éducation à la citoyenneté est très
controversé car il n’y a pas d’ancrage disciplinaire évident. Qu’est-ce qui doit faire référence
quand on est dans ces cours d’éducation à la citoyenneté ?
On peut aussi parler du cours EVRAS.

→ Une même dimension critique à exercer (des choix de réorganisation scolaire qui ne sont pas
neutres)
Les pratiques savantes/académiques sont des pratiques sociales parmi d’autres. Parmi les
objectifs de Martinand où il introduit le concept de pratiques sociales de références, il écrit :
« Il s’agit :

• De prendre en compte non seulement les savoirs en jeu, mais les objets, les instruments,
les problèmes et les tâches, les contextes et les rôles sociaux. D’où le terme de pratique,
renforcé, sans doute avec redondance, en pratique sociale ; et précisé en pratique socio-
technique ;
• De penser et analyser les écarts entre activités scolaires et pratiques socio-techniques
prises pour référence (référence) ;
• De faire apparaître les choix de pratiques de référence, leur sens politique et en tout cas
social (question de la référence)
Pourquoi on veut enseigner ça plutôt qu’autre chose, pourquoi est-ce que c’est ce type de
pratiques- là qu’on veut valoriser à l’école ?

• De comprendre les conditions de cohérence pour les activités scolaires, entre tâches,
instruments, savoirs et rôles ;
• De penser les tendances permanentes de l’école à l’autoréférence et les conditions pour
s’y opposer
C’est une idée qu’on retrouve entre le travail sur la transposition didactique et sur les pratiques
sociales de référence, c’est la critique de la tendance à l’auto-référence. C’est l’idée de dire que ce
qu’on enseigne est légitime parce qu’on l’enseigne, que les élèves l’apprennent et parce que c’est
la tradition. L’auto-référence, c’est considérer qu’on n’a pas à justifier qu’on enseigne une
matière par autre chose que de se dire que c’est le contenu de l’école et que c’est légitime.

52
• De repenser la formation des maîtres, comme acquisition d’une double compétence, dans
une ou plusieurs pratiques de référence (ce à quoi les disciplines universitaires ne sont
pas forcément bien adaptées), et dans la pratique enseignante sur les disciplines
scolaires ;
C’est l’idée que dans la formation universitaire, on est parfois mal préparé à enseigner à des
étudiants qui se préparent à un métier qu’on ne connait pas ou mal.

• D’aborder le problème de certaines difficultés d’apprentissage et échecs scolaires en


posant la question des rapports entre activités scolaires / pratiques de référence /
pratiques familières aux élèves (et en leur sein, certaines postures et conceptions
communes, représentations et raisonnements spontanés).
Les pratiques de références ne sont pas forcément actuelles : elles peuvent être virtuelles ; c’est
ce qui se passe souvent pour les formations techniques dans les cas où on vise un changement
des pratiques socio-techniques par la formation. » (Martinand, 2003, p. 127)

• Variations autour du « théorème de Pythagore »


VOIR PAGE 85 SYNTHÈSE DE NORA

• Même période en Hongrie


VOIR PAGE 86-87 SYNTHÈSE DE NORA

• Nouveau schéma

Transposition externe :
- Définition des curricula
- Désyncrétisation, parcellisation (belotte)
- Progression (premier découpage)
- Logique interne
Transposition interne :
- Texte pour écrire le savoir
- Programmation annuelle (chapitre, etc.)
- Choix des problèmes, des modalités de l’étude, des contextualisations
➔ Dans le nouveau schéma, rien n’a vraiment changé à part qu’on a rajouté comme
sources de légitimation possibles les pratiques sociales de référence.
Si besoin infos en plus page 88 de la synthèse de Nora.

53
7) Temps didactique et temps d’apprentissage
a) Temps didactique
On introduit cette notion afin de problématiser la pression du temps. Les enseignants, quand ils
sont question d’ambition pédagogiques ou des questions de pratiquer un espace qui permette
plus d’implication intellectuelle de la part des élèves, peuvent avoir comme réflexe de dire qu’ils
ont beaucoup de matière à traiter et qu’ils sont contraints par les programmes. De fait, quand on
va dans les classes, le paradigme de la visite des œuvres est très présent, y compris chez les
enseignants qui voudraient s’en distancier. Si ce paradigme est encore fort prégnant, ce n’est pas
uniquement dû à des choix personnels mais aussi et surtout à des contraintes institutionnelles
qui limitent les possibilités didactiques des enseignants.

• Le temps du savoir
« Du point de vue du temps didactique, le savoir de la classe est censé « avancer » en
raison des décisions qui ont été prises au niveau des concepteurs de programmes et
des moyens d’enseignement […]. Les « savoirs à enseigner » sont inscrits dans un
certain ordre et selon une certaine durée » (Leutenegger 2008, pp. 34-35)
→ Le processus de transposition didactique crée un cadre temporel spécifique pour les
institutions scolaires (« temps légal »)
Il y a des curriculums qui découpent les pratiques sociales en morceaux et qui organisent tout
cela selon une certaine temporalité qui s’impose aux enseignants. Les enseignants sont
contraints par les référentiels. Si on veut consacrer plus de temps sur certains éléments pour
avoir un enseignement de meilleure qualité, on est obligé d’en passer moins sur d’autre chose.
Le temps didactique, c’est le temps des savoirs et il est contraint. La contrainte est ce qu’on
appelle le temps légal. Le temps légal, c’est le temps des référentiels et des contraintes sur
l’activité de l’enseignant. Donc, le temps didactique doit s’inscrire dans le temps légal.
→ Un processus qui commence avec la transposition externe et qui se prolonge par la
transposition interne (avec peut-être moins de liberté dans l’enseignement primaire genevois
qu’ailleurs)
→ Le temps didactique se trouve contraint par ce temps légal (sans déterminisme absolu)
→ Une gestion plus ou moins conjointe du temps didactique (contribution des élèves)
Le déroulement du temps didactique est contraint, d’une part par la transposition didactique
externe qui définit le temps légal et, d’autre part, dans le cadre de la transposition didactique
interne, il y a encore une marge de manœuvre pour les enseignants qui peuvent décider d’aller
plus ou moins vite. Très souvent, si les enseignants forcent et donnent les réponses avant que
l’élèves n’aient eu le temps de répondre, c’est parce qu’il y a la question du temps et les élèves le
savent. L’enseignant est tenu par les programmes et doit faire avancer les choses. Cela suppose
que c’est l’enseignant qui a la responsabilité de l’avancée du temps didactique. En général,
l’avancée du temps didactique est co-construite avec les élèves.
b) Temps didactique / temps d’apprentissage
Le temps didactique, c’est le temps des savoirs. Le rythme d’apprentissage n’est pas déterminé
par le rythme du temps didactique. En effet, ce n’est pas parce qu’on passe au contenu suivant,
que le contenu précédent est appris.

54
→ Les contenus à apprendre passent de nouveaux à anciens avec l’avancée du temps didactique :
une nécessité du maintien de la relation didactique (au-delà des contraintes de la
programmation)
« Dès que les élèves en ont fait l'étude (telle que le professeur la demande) et qu'ils
sont ainsi entrés en rapport aux objets nouveaux, ces objets leur sont connus (même
s'ils ne sont pas bien connus) et perdent très vite leur potentiel de nouveauté : les
voici "obsolètes"; dès que les élèves ont rempli la tâche qui leur a été fixée et que
pour eux elle ne fait plus problème, elle perd son intérêt didactique. » (Mercier,
2001)
L’avancée du temps didactique est aussi une contrainte pour le temps légal et c’est aussi
une nécessité de la relation didactique. Ce que Mercier dit, c’est que pour qu’il y ait un
intérêt à écouter quelqu’un, il faut des choses nouvelles.
→ Mais le temps d’apprentissage ne coïncide pas avec le temps didactique :

• Des élèves « en retard », avec des « lacunes »


Ce sont des élèves considérés comme en retard du point de vue didactique. Du point de vue de ce
qu’ils connaissent, ils sont encore en train de travailler des savoirs qui relèvent du passé du point
de vue didactique.

• Un temps d’apprentissage non linéaire : on ne peut penser l’apprentissage comme un


processus accumulatif (ajouts successifs de couches de connaissance)
Alors que le temps didactique est forcé d’avoir une certaine linéarité, le temps d’apprentissage
n’est pas linéaire. On peut programmer un enseignement et prévoir qu’est-ce qu’on fera quand
mais l’apprentissage ne se prévoit pas. Cela fait référence à Bachelard et à l’idée de soubresauts
et de ruptures.
« Le temps de l'apprentissage n'est pas le temps didactique : chaque fois que des
savoirs nouveaux sont introduits, ils doivent trouver place dans une organisation
intellectuelle qui n'est pas isomorphe au texte du savoir. Lorsque cela suppose que
l'élève change son rapport à quelques objets de savoir anciennement connus,
obsolètes mais pertinents dans une nouvelle organisation, la transformation que l'on
attend de lui peut sembler raisonnable ; mais lorsque cela nécessite la reprise d'une
partie de la construction ou lorsque cela suppose une reprise entière des
fondements l'affaire est plus délicate : c'est ce que décrit Bachelard lorsqu'il explique
que l'élève doit "repasser son cours" pour comprendre comment sont franchis les
"obstacles épistémologiques". » (Mercier 2001)
Quelle prise en compte de l’élève, de ses conceptions, dans l’organisation de
l’enseignement ?
Essayer de faire coïncider le temps didactique avec le temps d’apprentissage. C’est une nouvelle
formulation de la problématique de la prise en compte des conceptions des élèves et de leur
structure cognitive dans l’organisation de l’enseignement.
Intérêt de cette nouvelle formulation ?
Quel apport de ce point de vue relativement à l’approche par les conceptions/obstacles ?

55
Peut-être qu’organiser le temps didactique en termes de grandes catégories de typologies
d’erreurs est pertinent pour essayer de mieux articuler le temps d’apprentissage (des élèves)
avec le temps

didactique. C’est l’idée d’articuler l’enseignement des élèves avec les connaissances des élèves.
C’est l’idée de ne pas ignorer le temps de l’apprentissage dans l’organisation du temps
didactique.
Ce qu’il y a de nouveau avec cette idée du temps didactique, c’est que ce n’est pas une variable
qui est de la seule responsabilité de l’enseignant. En effet, le temps didactique est contraint par
le temps légal. En identifiant les difficultés d’organisation entre le temps légal et le temps
didactique, on réalise que le temps didactique est aussi dépendant de la noosphère. Donc, si on
veut réorganiser l’enseignement en tenant compte des besoins des élèves, de leur rythme
d’apprentissage ainsi que de leurs difficultés conceptuelles relativement à quelque chose, il faut
que ce soit possible dans le contexte du temps légal.
L’introduction de la notion du temps didactique permet de rendre compte de ce manque de
temps. C’est un manque de temps légal pour organiser l’avancée du temps didactique de manière
coordonnée avec les soubresauts des apprentissages des élèves.
[Nous avons déjà mis en avant l’importance qu’il y avait pour l’enseignant de tenir compte du
déjà-là chez les élèves (objectif-obstacle, situations problème etc.)]
Intérêt de cette nouvelle formulation ?
→ Une approche institutionnelle sur les difficultés d’articulation des processus d’enseignement
et d’apprentissage
L’intérêt de cette nouvelle formulation de la nécessité d’articuler temps didactique et temps
d’apprentissage, c’est d’introduire une perspective institutionnelle plutôt qu’une perspective
seulement individuelle dans la réflexion pédagogique. Les enseignants manquent de temps.
Aussi, dans la noosphère, sur la construction des programmes, c’est un sujet très prégnant. Il y a
des tensions entre les gens du terrain (les enseignants) et ceux qui ont des grandes ambitions
pour l’école. C’est une problématique très vive qui pèse sur le travail des enseignants.
→ Les principales contraintes temporelles relèvent de la transposition didactique externe
La définition du temps légal relève de la transposition didactique externe. Par conséquent, la
question du manque de temps est une problématique très vive des pratiques enseignantes.
→ Le manque de temps : une problématique très vive des pratiques enseignantes
Nécessité de l’avancé du temps didactique
→ La transmission d’information comme moyen efficace d’avancer dans la « matière » : une
solution à un problème institutionnel plutôt qu’une simple légèreté épistémologique
Une bonne manière d’avancer, c’est la transmission d’informations. On sait que ce n’est pas
satisfaisant mais on a donné la matière.
→ Une solution « stable » : l’institution fonctionne
Ces pratiques-là de transmettre de l’information n’est pas seulement basé sur une conception
naïve de l’enseignement. En effet, ces pratiques fonctionnent également comme des solutions à

56
un problème professionnel que les enseignants rencontrent. Ce sont des pratiques efficaces du
point de vue du temps didactique (pas du temps d’apprentissage).
L’enseignant ne se verra pas reprocher de ce que les élèves n’ont pas appris mais par contre, on
pourrait lui reprocher que la matière n’ait pas été vue. L’enseignant a la responsabilité de voir
l’ensemble de la matière. Que les élèves apprennent sera quelque chose pour lequel l’enseignant
sera moins tenu responsable. Donc la transmission d’information peut également être vue
comme une solution stable à un problème institutionnel. Elle permet à l’institution de
fonctionner et tout se passe comme si l’enseignement avait eu lieu et si le contrat de l’école a été
rempli. La matière a été donnée et s’il y a des échecs, ce n’est pas l’institution qui est en cause
mais c’est plutôt les élèves.
Le redoublement d’une année n’est pas un allongement du temps légal mais c’est une remontée
dans le temps didactique.
Problématique de l’évaluation :
→ Des contenus « évaluables » comme condition d’existence des savoirs scolaires
→ Une temporalité d’évaluation souvent très restreinte : temps limité, exhaustivité, évaluation
individuelle
→ Évaluer un processus d’enquête ? Une compétence (cf. chapitre suivant) ?

Chapitre 2 : l’approche par compétences (Intervention de S. Van Lint)


Ici, on va développer l’approche par compétence qui imprègne l’ensemble des curriculums
depuis les années 90. C’est un concept à maîtriser. Il faut comprendre ce que cela signifie et en
quoi cela engage un certain point de vue sur les savoirs enseignés.
Comme pour la transposition didactique, on est plutôt sur le côté du triangle didactique qui
concerne les interactions entre l’enseignant et le savoir. Il s’agit de la construction des savoirs
scolaires et plus précisément des contenus scolaires. La notion de compétence englobe celle des
savoirs scolaires. On va s’intéresser aux contenus scolaires dans un sens assez large.
La notion de compétence est arrivée en Belgique francophone en 1997 avec le décret Mission.
1) Définition de la compétence
a) Définition de la compétence dans différents pays
Ici, nous avons des définitions du concept de compétences qui proviennent de documents
institutionnels de différents pays qui, tous, petit à petit, se sont appropriés ce concept dans le
champ scolaire au niveau de l’apprentissage à l’école.
« La compétence est la possibilité, pour un individu, de mobiliser un ensemble
intégré de ressources en vue d’exercer efficacement une activité considérée
généralement comme complexe » (PER, Plan d’études romand, 2009, Suisse
Romande).
Ici, on voit que la compétence est une possibilité. Il s’agit donc d’un choix de l’individu.
« C'est être capable de mobiliser ses acquis dans des tâches et des situations
complexes. » (Socle commun des connaissances et compétences, 2006, France).
Ici, on ne parle plus de ressources (comme dans la définition précédente) mais on parle d’acquis.
Ici, le terme ‘complexe’ revient.

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La compétence est conçue comme la mobilisation d’un réseau de savoirs et de
savoir-faire comme ressources à investir dans une production de la part de
l’apprenant considérée comme une solution possible dans le cadre d’une situation-
problème pouvant être vécue par lui. (Liban, Plan de réforme, 1997)
Le concept de compétence arrive au Liban en même temps qu’en Belgique. Ici, on parle de ‘savoir
et de savoir-faire’ comme ressource.
« C’est la capacité de l'enfant à utiliser ses connaissances pour produire un résultat »
(MEN, 2009, Luxembourg).
« Savoir-agir complexe fondé sur la mobilisation et l'utilisation efficaces d'un
ensemble de ressources » (Programme de l’école québécoise, 2000, Québec).
Le savoir-agir complexe fait référence à la compétence
« Aptitude à mettre en œuvre un ensemble organisé de savoirs, savoir-faire et
attitudes permettant d'accomplir un certain nombre de tâches. » (Décret
”Missions”,1997, Belgique francophone).
Au niveau institutionnel, on était assez précurseur du concept de compétences. Ici, on parle d’un
ensemble organisé.
« La compétence est définie comme la capacité à mettre en œuvre un ensemble organisé de
savoirs, savoir-faire et attitudes permettant d'accomplir un certain nombre de tâches. C’est un
savoir-agir fondé sur la mobilisation et l’utilisation efficace d’un ensemble de ressources. »
(Référentiel général des programmes, 2009, Algérie)
b) Définition de la compétence
Ce que l’on peut retenir de ces définitions,
c’est que l’on parle d’un ensemble de
ressources. On parle de savoir, de savoir-
faire et d’attitude. Cela forme un ensemble
dit intégré ou organisé. Les compétences
sont donc un ensemble intégré et organisé.
Cela n’était considéré comme tel auparavant
dans les programmes. C’est donc un premier
pas en avant
Ensuite, il faut faire en sorte que les enfants
aient construit les savoirs et les savoir-faire.
Il faut faire en sorte qu’ils en aient constitué un ensemble intégré et organisé afin de pouvoir
mobiliser ce qu’ils ont appris afin de résoudre une tâche donnée. Il s’agit donc de trouver tout
seul dans sa tête quelque chose qu’on a appris et parfois, il faut combiner plusieurs choses. Cela
signifie que, du côté de l’école, on a changé le contrat didactique. En effet, le contrat
didactique voulait qu’au moment de l’évaluation, on ne mette pas l’élève face à quelque chose
qu’on n’a pas fait en classe. Or, l’évaluation de compétences sera de mettre les élèves face à des
tâches qu’on n’a pas faites en classe et qui nécessitent des savoirs et des savoir-faire qu’on a
construits et exercés. On va les mettre dans une situation dite inédite. En cela, la compétence fait
un pas de plus. Avant les compétences, on ne confrontait pas les élèves à l’inédit.
Les savoirs et les savoir-faire a toujours été la matière de l’école. Cependant, ici, il faut en
constituer un ensemble organisé pour que cela puisse être utilisé efficacement et à bon escient
notion présente dans toutes les définitions vues avant).

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Donc, on voit que cette définition est arrivée en Belgique aux alentours de la fin des années 90.
Cette notion n’est pas cantonnée à la Belgique et elle s’est très vite propagée à d’autres pays. Cela
s’est produit en réaction aux savoirs morts. Il s’agit de savoirs qu’on emmagasinait mais qu’on ne
s’assurait pas de pouvoir les utiliser, ni de voir en quoi cela permettait de comprendre le monde.
Dans les critiques et dans la presse, on oppose souvent savoir et compétence. Or, c’est impossible
d’être compétent sans savoir. D’ailleurs, un vrai savoir est d’office une compétence car, si on
maîtrise vraiment le savoir, on pourra en faire quelque chose et ce sera donc bien une
compétence.
2) Clarification des concepts
Compétence : c’est l’idée qu’on a des savoirs ainsi que des savoir faire que l’on va convoquer afin
de s’adapter à une situation ou réaliser une tâche. Implique souvent du savoir et du savoir-faire.
Procédure : il y a apprentissage et cela prendra du temps pour que cela devienne un savoir-faire
qui soit de l’ordre de la procédure et qui pourra devenir mécanique. Un savoir-faire est l’habileté
à résoudre les problèmes pratiques ; compétence, expérience dans l'exercice d'une activité.
Connaissance : connaissance souvent préalable ou théorique. Elle n’implique pas de résolution
de tâche.
a) Les connaissances, les procédures, les compétences
• Connaissances (= savoirs)
o Connaitre le schéma anatomique de l’appareil digestif
o Savoir que l’énergie peut revêtir des formes différentes et se transformer de l’une
à l’autre.
• Procédures (savoir-faire)
o Effectuer des tracés à l’aide des instruments usuels (règle, équerre, compas,
rapporteur) : parallèle, perpendiculaire, médiatrice, bissectrice.
o Savoir nager (si on parle de la connaissance des mouvements, il s’agit bien d’un
savoir-faire. Si on est sur un bateau qui coule et qu’on a pas le choix, on parlera
davantage d’une compétence)
• Compétences
o Adapter son écrit au destinataire et à l’effet recherché
o Mobiliser ses connaissances historiques pour donner du sens à l’actualité
Savoir observer : C’est un point ennuyant d’un point de vue de l’enseignant. En primaire, on
demande d’apprendre à observer aux enfants. Toutefois, observer en sciences, en français ou en
math est quelque chose de très différent. En effet, le terme ‘observer’ ne permet pas à
l’enseignant de déterminer quels sont les savoirs et les savoir-faire que l’on va essayer de
transmettre.
C’est ce qu’on appelle des compétences générales/transversales. En effet, les outils qu’on va
utiliser pour observer des traces du passé en histoire n’ont rien à voir avec les outils pour
observer les règles de grammaire en français. Savoir observer est normalement propre à
chacune discipline. Cet énoncé de ‘savoir observer’ n’est pas un énoncé de programme car il ne
permet pas à l’enseignant de savoir ce qu’il doit faire pour rendre ses élèves capables de savoir
observer.
b) Exemples de connaissances (parfois appelés « savoirs »)
• Connaitre les caractéristiques du vivant
• Savoir que Christophe Colomb découvre l’Amérique en 1492

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• Connaitre la nature des mots et leur fonction
• Connaitre la définition de la dérivée d’une fonction
• Connaitre la formule chimique du chlorure de sodium
• Maitriser les principales unités de mesure : ici, de la même manière qu’on avait
‘savoir observer’, on retrouve une nouvelle fois une compétence qui est trop générale et
qui ne permet pas à l’enseignant de construire vraiment l’apprentissage.

c) Exemples de procédures (ou savoir-faire)


• Savoir mesurer une longueur, un angle, une durée
• Tracer des figures simples
• Maitriser les grands mouvements fondamentaux de déplacement (courir, grimper, sauter,
se suspendre, s’arrêter, se réceptionner, etc.)
• Utiliser le dictionnaire pour trouver de nouveaux mots
• Maitriser les principales unités de mesure : de nouveau, ici cela pourrait être considéré
comme un savoir-faire si on sait lesquels
• Repérer les marques de l’organisation d’un texte (paragraphes, titres, intertitres)
• Lire (et utiliser = compétence) des représentations cartographiques

d) Exemples de compétences
• Savoir orienter sa lecture en fonction de la situation de communication
• Organiser une suite d’opérations conduisant à la résolution d’un problème
• Savoir formuler sur ses lectures une opinion écrite ou orale
• Pratiquer une démarche scientifique
• Savoir adapter son écrit au destinataire et à l’effet rechercher
• Savoir utiliser les règles d’orthographe lexicales et grammaticales
• Saisir quand une situation de la vie courante se prête à un traitement mathématique
• Savoir interpréter un graphique, un tableau, un diagramme

e) Comment identifier ces différents éléments dans un programme ?


Une connaissance (savoir) : il s’agit d’un énoncé à mémoriser (une définition, une règle, une
formule, l’énoncé d’un fait)
Une procédure (savoir-faire) : S’il s’agit d’une opération qu’on peut faire automatiser par les
élèves (parce qu’elle reste toujours la même dans toutes les situations).
Une compétence : S’il s’agit d’accomplir des tâches ou de répondre à des situations complexes
(complexe= combiner plusieurs choses parfois apprises à différents moments) et toujours un
peu nouvelles, alors c’est une compétence.
f) Fonctionnement d’une compétence
Il repose sur des connaissances, (qu’on appelle parfois « savoirs ») et sur des procédures (ou «
savoir-faire »). On ne sait pas être compétent sans savoir. Il faut également des savoir-faire et
surtout, il faut pouvoir les mobiliser.
La mobilisation est le fait de choisir les connaissances et les procédures qui conviennent à une
situation parmi celles que l’élève possède.
g) En quoi est-ce intéressant de faire acquérir des compétences aux élèves, plutôt que
seulement des connaissances et des procédures ?

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La compétence exige que l’élève choisisse lui-même les connaissances et procédures à mettre en
œuvre dans une situation → construction de l’autonomie intellectuelle.
Par conséquent, on ne s’arrête pas à proposer des procédures que l’on va suivre comme des
recettes mais on va confronter les élèves petit à petit à des situations qui sont nouvelles.
h) Remarque importante sur la notion de savoir
Le mot « savoir » peut avoir deux sens :

• On peut appeler « savoir », une information (un fait historique ou scientifique, un


résultat, une définition, une règle). C’est le sens qu’a généralement le mot lorsqu’on
parle des ressources sur lesquelles s’appuie une compétence.
➔ Un « savoir informatif » se présente généralement sous la forme d’un énoncé
isolé. Il est à mémoriser.
• « Savoir », une information (un fait historique ou scientifique, un résultat, une définition,
une règle). C’est le sens qu’a généralement le mot lorsqu’on parle des ressources sur
lesquelles s’appuie une compétence.
➔ Un « savoir explicatif » se présente sous la forme d’un texte. Il est à comprendre.
Exemples :

• Savoir que « Rome est la capitale de l’Italie » est un savoir informatif.


• Expliquer comment, au cours du 19ème siècle, différents pays se sont réunis pour former
l’Italie et pourquoi c’est Rome qui a été finalement choisie comme capitale, constitue un
savoir explicatif.
• Savoir qu’une fleur est composée de pétales, sépales, pistil, étamines est un savoir
informatif.
• Expliquer le rôle que jouent ces différents organes dans la reproduction des plantes est
un savoir explicatif.
➔ L’énoncé d’un fait ou d’une règle constitue un savoir informatif s’il est pris
isolément. Mais s’il est présenté dans ses liens d’autres énoncés, il fait partie
d’un savoir explicatif.
• Connaître la règle de placement de la virgule dans le résultat de la multiplication de deux
nombres décimaux (par exemple : 2, 39 X 5,3) est un savoir informatif.
• Expliquer pourquoi cette règle est valable (en se référant au nombre de dixièmes,
centièmes, millièmes) constitue un savoir explicatif.
• Avoir mémorisé, pour la langue française, la règle « L’adjectif s’accord en genre et en
nombre avec le nom auquel il se rapporte » constitue un savoir informatif.
• Faire le lien entre cet énoncé et ce qu’on a appris précédemment sur ce qu’est un « nom
», un « adjectif », le « genre », le « nombre » constitue un savoir explicatif.
➔ On verra le rôle important que joue le savoir explicatif pour aborder des tâches
nouvelles et complexes. En effet, le savoir informatif ne permet pas de mobiliser
les savoirs. On ne voit pas quand et comment cela sera utile d’aller les chercher

3) Faire acquérir des compétences : comment construire une leçon par les compétences

a) Faire acquérir des connaissances et des procédures dans le cadre de l’approche par les
compétences
• C’est indispensable pour construire des compétences

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C’est indispensable de d’abord construire des savoirs et des savoir-faire. On ne sait pas
construire des compétences sans d’abord les savoirs et les savoir-faire. Cela ne suffit toutefois
pas.

• Mais cela ne suffit pas. Ne pas faire que cela.


• Toujours présenter la connaissance ou la procédure dans son usage possible. Usage intra-
scolaire ou extra-scolaire.
Quand on va aborder un nouveau concept, on va le présenter d’emblée dans un de ses usages
possibles.

• Pour présenter la connaissance ou la procédure dans son usage possible, deux


possibilités :
o Première possibilité : Commencer par proposer aux élèves une tâche qui exige la
connaissance ou la procédure qu’il s’agit de découvrir (la situation problème).
Souvent les élèves ne pourront pas résoudre cette tâche.
Par exemple, pour introduire la notion de fractions équivalentes, on peut commencer par la
tâche suivante : Dans l’école de Rachid, on donne les notes sur 20. Rachid a 16 / 20 en
mathématiques. Dans l’école de son cousin, on donne les notes sur 100. Celui-ci a 70 / 100.
Lequel des deux a la meilleure note ?
➔ On présente donc le concept de comparaison de fractions dans un usage
possible.
Autre exemple : pour introduire des leçons sur les pronoms personnels, on peut commencer par
donner aux élèves un court texte dans lequel les pronoms personnels ont été remplacés
systématiquement par les substantifs auxquels ils correspondent. Demander aux élèves ce qui ne
va pas dans le texte.
Même si les élèves n’arrivent pas par eux-mêmes à accomplir la tâche, c’est-à-dire à découvrir la
connaissance ou la procédure nécessaire, ce travail leur permettra de voir à quel type de
problèmes elle correspond.
Attention : cette tâche de départ ne peut se réduire à une activité d’observation
Par exemple, pour introduire la phrase interrogative en français, il n’est pas très intéressant de
faire observer par les élèves un dialogue dans lequel on trouve des phrases interrogatives. Ce qui
est intéressant, c’est de mettre les élèves dans une situation où ils ont besoin eux-mêmes de dire
des phrases interrogatives.
o Deuxième possibilité : Indiquer aux élèves la connaissance ou la procédure à
acquérir et leur demander d’imaginer dans quel type de situations cette
connaissance ou cette procédure sera utile.
Par exemple, après une leçon sur les aires, on demandera dans quels cas il est utile de calculer
des aires : par exemple pour comparer des terrains de formes différentes, pour prévoir la
quantité de fourniture (peinture, carrelage, engrais, eau) nécessaire pour traiter un sol, un mur,
un champ, etc.
Notion de famille de situations
o Dans les deux possibilités, demander aux élèves, à la fin de la leçon, s’ils peuvent
rattacher la nouvelle procédure ou la nouvelle connaissance à des choses qu’ils

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connaissent déjà. Il s’agit de leur faire construire progressivement des savoirs
explicatifs.
Pour rappel : Un savoir explicatif est un savoir dans lequel les énoncés sont liés entre eux en un
ensemble cohérent qui met en rapport des notions ou qui explique des faits ou bien encore en
montrent les conséquences.
b) Faire acquérir des compétences (apprentissage de la « mobilisation »)
• L’accumulation de connaissances et de procédures ne suffit pas
• L’intérêt de la notion de « famille de situations » ou de « famille de tâches ».
• Les limites de cette notion : il ne suffit pas que l’élève connaisse une famille de situations.
Il faut en plus qu’il soit capable de repérer qu’une situation nouvelle appartient à cette
famille.
Par rapport à une tâche, il y a souvent plusieurs manières d’y arriver et pas une seule. En effet,
une famille de situations n’oblige pas de toujours utiliser les savoirs dans un ordre donné. Aussi,
comme c’est une situation toujours un peu nouvelle, on ne sait pas faire de bijection entre famille
de situation et les savoirs à mobiliser.

• Pour pouvoir mobiliser, il faut que l’élève interprète la situation d’une certaine manière.
Interpréter une tâche ou une situation, c’est sélectionner certains de ses éléments et négliger les
autres. On peut interpréter une situation de différentes manières.
Exemples :
o La pluralité des interprétations possibles
Un exemple à propos du problème suivant (2ème AP) : Victor a 7 €. Il veut s’acheter un jouet qui
coute 12 €. Combien doit-il demander à ses parents ?
On a des enfants qui répondent comme dans la vie de tous les jours et qui semblent penser qu’on
lui demande un conseil. Ils nous donnent le conseil de plutôt demander à maman et de ne pas lui
dire qu’on a déjà de l’argent. Ils sont dans la pratico-pratique et n’interprètent pas forcément
qu’on veut savoir s’ils savent calculer.
o Imaginons un parcours à pied dans la campagne
Un promeneur sélectionnera le fait que le paysage est beau ou non, le fait qu’il est agréable ou
non de s’y promener, etc.
Un agriculteur sélectionnera d’autres aspects : le fait que la terre est plus ou moins fertile, que
l’endroit est plus ou moins bien irrigué, etc.
Un géologue sélectionnera le fait qu’il s’agit d’une plaine, d’un plateau ou d’une montagne, que la
roche est de telle nature, qu’on a affaire à un relief karstique ou autre, etc.
Sur cet exemple on voit :
- Que le promeneur interprète la situation en fonction de ses impressions et de son plaisir
;
- Que l’agriculteur interprète la situation en fonction d’intérêts pratiques (comment tirer
parti de cet endroit par l’élevage ou la plantation) ;
- Que le géologue interprète la situation en fonction d’un savoir (la géologie) et des
concepts propres à ce savoir (plaine, plateau, type de roche, type de relief).

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➔ Chacun des trois a une attitude qui lui est propre. Cela signifie que chacun choisit
un angle de vue, correspondant à une valeur. Pour le promeneur, c’est le plaisir.
Pour l’agriculteur, c’est l’efficacité et pour le géologue, la compréhension
rationnelle et la vérité.
A l’école, on attend de l’élève qu’il interprète les situations avec une attitude particulière … dont
la valeur est la rationalité. Il faut arriver à le faire comprendre à tous les élèves.

• L’attitude attendue de l’élève a les caractéristiques suivantes :


o Aborder la situation non pas avec son impression personnelle ou son opinion,
non pas directement en vue de l’utilité pratique, mais en vue de la comprendre
rationnellement en se servant des savoirs (au sens de savoirs explicatifs) qu’on a
appris à l’école → Attitude « instruite » et non attitude pratique.
o Vouloir comprendre la situation par soi-même : il ne suffit pas d’être docile et de
chercher à répéter ce qu’on a appris → Attitude « autonome » et non attitude
d’obéissance sans réflexion.
o Formuler la réponse de façon à ce qu’elle puisse être comprise par tout le monde,
même par les personnes qui n’ont pas vécu la situation.
➔ On voit donc que, par rapport à la compétence, l’attitude n’est pas une ressource,
mais qu’elle est le choix qui guide l’interprétation de la situation ou de la tâche.
c) Exemple de tâche complexe et inédite
Calculer le prix de la peinture pour repeindre la salle de classe :
La classe mesure 7 m de large sur 9 m de long et elle est haute de 3,50 m. Quatre grandes
fenêtres de 1,30 m X 1,50 m y font entrer la lumière et un immense tableau, totalement fixé au
mur, couvre toute la surface d'un des murs de 7 m de large. Quant à la porte de la classe, elle fait
2,10 m de hauteur et 1,20 m de largeur.
Calcule le prix de la peinture, en utilisant le tarif du marchand.
Tarif du marchand de peinture :
On voit sur ces exemples que,
face à une même situation,
plusieurs interprétations sont
possibles en fonction de
l’attitude de l’individu.
Mais à l’école, ce qu’on attend,
c’est une interprétation en
fonction d’une attitude très
particulière.

Différentes attitudes pour interpréter cette tâche :

• Beaucoup d’élèves ont cherché à calculer les surfaces à peindre, en ont déduit la quantité
de peinture nécessaire et le prix.
➔ Attitude « instruite » et « autonome »
• Certains élèves ont proposé d’aller acheter un pot de 5 litres et qu’ensuite, on verrait.
➔ Attitude « pratique »

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• Certains élèves, voyant qu’on leur donnait la longueur, la largeur et la hauteur de la salle,
ont calculé le volume. Il y a une espèce de stimulus-réponse et n’ont pas le réflexe de se
dire que cela n’avait pas de sens de calculer le volume de la pièce. Toutefois, à l’époque,
on leur proposait ce genre de tâches à l’évaluation sans jamais l’avoir travaillé en classe.
➔ Attitude d’obéissance sans réflexion
L’attitude attendue par l’école pour interpréter les situations. Interpréter la situation :

• Non pas en fonction de l’opinion courante, ni de ses impressions personnelles, ni de son


expérience subjective, ni de l’utilité pratique, mais en se servant des savoirs explicatifs
appris à l’école, (attitude instruite)
• Non pas en essayant d’être docile à ce qu’on lui a fait apprendre, mais en réfléchissant
par lui-même à la situation, (attitude autonome)
• En formulant sa réponse sous une forme compréhensible par tout le monde et non pas
seulement par ceux qui ont vécu la situation.
d) Nouveau schéma sur le fonctionnement d’une compétence
Avec ce que l’on vient de voir, on arrive au schéma suivant :
Si on confronte les enfants à des
tâches complexes, qu’on les initie à
ce choix d’attitude sur leur
parcours scolaire, on pourrait
arriver à ce qu’ils comprennent
qu’à l’école, on leur demande de
réfléchir et d’utiliser les savoirs
qu’on a construit ensemble. Cela,
dans une attitude de réflexion et
dans cette capacité de pouvoir exprimer ce qu’on fait. En fonction de cette interprétation, on
peut alors choisir les connaissances et les procédures qui vont convenir.
e) Que faire dans la classe pour faire acquérir des compétences, c’est-à-dire pour provoquer
chez les élèves une interprétation des situations selon l’attitude scolairement attendue ?

• Confronter les élèves à des tâches inédites et complexes (situations d’intégration)


• Leur préciser qu’il ne s’agit pas d’une évaluation.
• Les faire travailler sur cette tâche individuellement ou en groupes.
• Au cours de la mise en commun, discuter avec les élèves des réponses apportées par
chacun.
La discussion doit porter sur trois points :

• Sur les éléments de la situation qu’il faut prendre en compte et les éléments qu’il faut au
contraire négliger ; les éléments qu’il faut prendre en compte sont ceux qui renvoient à
des savoirs scolaires explicatifs, avec des questions telles que : « à quoi la tâche présente
vous fait-elle penser ? », « qu’est-ce qu’on a vu en classe et qui pourrait nous aider ici ? ».

• Sur le fait qu’il ne suffit pas de chercher le plus vite possible un indice qui signale l’usage
d’une procédure ou d’une connaissance, mais qu’il faut réfléchir par soi-même ; avec des
questions telles que : « Est-ce que nous avons bien réfléchi à la tâche ? », « Est-ce que
nous ne sommes pas en train d’appliquer docilement une recette, sans réfléchir ? »

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• Sur la réponse qu’on va apporter (la production que l’élève doit construire pour
accomplir la tâche ou répondre à la situation). Il faut qu’elle soit compréhensible même
par des personnes qui ne sont pas au courant de la situation. Avec des questions telles
que : « Est-ce que notre réponse peut être comprise par tout le monde ? », « Que faut-il
préciser pour que tout le monde comprenne ? »
f) Qu’est-ce qu’un situation-problème ? (Pas détaillée en cours)
• Au sens strict, une situation-problème est une tâche spécialement conçue pour que les
élèves ne puissent l’accomplir avec leurs conceptions actuelles. Elle est destinée :
o À ce que les élèves se rendent compte par eux-mêmes que leurs conceptions sont
inefficaces,
o À ce qu’ils découvrent si possible les notions ou procédures nouvelles qu’on veut
leur faire découvrir.
• Une situation-problème peut très bien servir de tâche de départ pour introduire une
nouvelle connaissance ou procédure (voir ci-dessus la première possibilité).
• Attention : l’expression « situation-problème » est souvent utilisée pour désigner une
tâche nouvelle et complexe ou une situation d’intégration. Evitez ces usages qui
entraînent des confusions.
4) Ce qui est nécessaire à une véritable évaluation de compétences
a) Paramètres de l’évaluation de compétences
• Une tâche nouvelle. Sinon, on est dans la reproduction de quelque chose.
• Une tâche complexe, dans le sens ou elle va exiger la combinaison d’au moins deux
savoirs ou savoir-faire, sinon c’est une application.
• Une tâche dont les ressources ont toutes été apprises. Sinon on est en apprentissage. Or,
ici on est en évaluation.
• Une tâche que l’élève résout seul, car il s’agit d’une sinon on est en apprentissage. Or, ici
on est en évaluation.
• Une tâche à caractère diagnostique. Dans le modèle de l’ULB, on a rajouté ‘à caractère
diagnostique’. Dans les années 2000, les résultats d’évaluation de compétences sont
catastrophiques. Dès lors, on voudrait que cette évaluation de compétences puisse
permettre à l’enseignant mais aussi à l’apprenant de voir ce qui ne va pas.

b) Les trois niveaux de compétences :


Dans les programmes, il y a une espèce d’abus de langage. En effet, on parle de compétences
pour des choses qui n’en sont pas. Quand on a demandé aux enseignants de faire des évaluations
de compétences, ils se sont tournés vers les référentiels car c’est ce qui est commun à tous les
réseaux de l’enseignement belge. Sur base des référentiels, les réseaux construisent leur
programme et doivent être homologué par la Commission des référentiels qui en vérifiera la
conformité. On voit à différents endroits sur les référentiels des choses telles que :

• « Tracer des figures simples» -(Socles, p.29) – (cfr suite : savoir-faire/procédure et


connaissances (qui sera considérée comme une compétence de premier niveau))
• « Choisir et utiliser avec pertinence le calcul mental, le calcul écrit ou la calculatrice en
fonction de la situation » (socles, p.27 ) (cfr suite : mobilisation sur une tâche simple)
• « Orienter son écrit en fonction de la situation de communication » (socles, p.15) (cfr suie
: mobilisation sur une tâche complexe)
Dans ces exemples, on peut noter trois niveaux de compétences :

66
• Procédures et connaissances : Savoir exécuter une opération (ou une suite
prédéterminée d’opérations) en réponse à un signal. Par exemple, tracer une figure
simple.
• Mobilisation sur une tâche simple : Posséder toute une gamme de ces procédures de base
et savoirs. Dans une situation inédite, choisir celle qui convient. On fait un choix et on ne
doit pas combiner plusieurs choses.
• Mobilisation sur une tâche complexe : Posséder toute une gamme de ces procédures de
base et savoirs. Dans une situation inédite et complexe choisir et combiner celles qui
conviennent. Ici, c’est considéré comme un troisième niveau de compétence.
On voit donc qu’il y a une hiérarchie dans la difficulté. En effet, on apprend d’abord les
connaissances et les procédures. Ensuite, on sera capable de faire une mobilisation pour une
tâche simple avant d’arriver à une tâche complexe.
c) Constats
• Tendance de beaucoup d’enseignants à n’évaluer que des connaissances et des
procédures.
• Mais cela ne suffit pas : des élèves peuvent maîtriser les connaissances et procédures
utiles à une tâche et ne pas savoir effectuer la tâche.
• Pour évaluer vraiment des compétences il faut absolument confronter les élèves à des
tâches complexes et nouvelles.
• Mais si l’élève n’est pas encore capable d’accomplir la tâche nouvelle et complexe et si
donc il n’a pas encore complétement la compétence, il faut que l’épreuve permette de
savoir s’il est en voie d’acquisition de la compétence.
• D’autre part, il faut que l’épreuve soit « diagnostique » : si l’élève n’arrive pas à accomplir
la tâche, il faut que l’épreuve permette de savoir d’où vient la difficulté.
• D’où une épreuve en trois phases.

d) Évaluation en trois phases


Ces trois phases sont en avec ces trois niveaux de « fausses » compétences qui sont dans les
programmes.

• Phase 1 : mobilisation de tâche complexe :


On attend que l’élève sache combiner au moins deux choses sur des savoirs et savoir-faire appris
dans une situation inédite et l’élève doit pouvoir la résoudre seul.
Par rapport à cela, l’élève est face à une page blanche. La page blanche signifie qu’on doit soi-
même construire sa réponse et expliquer comment on y est arrivé.
On propose donc une première phase (de page blanche) où les élèves essayent de résoudre la
tâche. Cependant, on limite le temps laissé à cette tâche afin de ne pas éternellement les laisser
chercher.
➔ Tâche complexe, exigeant le choix et la combinaison d’un nombre significatif de
connaissances et de procédures que les élèves sont censés posséder à la fin d’un
cycle.
• Phase 2 : proposition de la même tâche complexe :
On propose la même tâche complexe, mais cette fois, elle est découpée en tâches simples dont les
consignes sont explicites et qui sont présentées dans l’ordre où elles doivent être accomplies
pour parvenir à la réalisation de la tâche complexe globale.

67
Il appartient à l’élève pour chacune de ces tâches élémentaires, de déterminer la procédure ou le
savoir informatif à mettre en œuvre parmi celles qu’il est censé posséder.

• Phase 3 : évaluation qui teste les savoirs et les savoir-faire nécessaires pour résoudre la
tâche.
On demande aux élèves de répondre à des questions ou d’exécuter des tâches simples et
décontextualisées (on ne parle plus de la tâche) dont les consignes sont celles qui sont utilisées
ordinairement dans l’apprentissage des procédures élémentaires qu’on propose à l’école :
Énoncer une règle ou une définition, effectuer une soustraction, écrire des mots, accorder un
verbe avec un sujet, etc.
Ces tâches correspondant aux procédures et aux savoirs informatifs qui ont dû être mobilisés
pour accomplir la tâche complexe de la phase 1.
➔ Il y a donc un lien qui relie les trois phases. On travaille exactement sur les
mêmes savoirs et savoir-faire au cours des trois phases.
En phase 3, c’est décontextualiser. C’est comme dans l’entraînement pour les savoir-faire, on voit
des définitions. En phase 2, on découpe en tâches simples, on mobilise les savoirs/savoir-faire.
Ce qui est attendu, c’est la phase 1 qui est la mobilisation complexe. C’est important de le donner
dans ce sens-là. Dans l’autre sens, c’est ce qu’on fait au cours de l’apprentissage. Dans ce sens-ci,
c’est ce qu’on fait à l’évaluation pour faire un diagnostic.

• Un exemple d’évaluation en 3 phases : repeindre la classe


o 1e phase : calcule le prix de la peinture, en utilisant le tarif du marchand
La classe mesure 7 m de large sur 9 m de long et elle est haute de 3,50 m. Quatre grandes
fenêtres de 1,30 m X 1,50 m y font entrer la lumière et un immense tableau, totalement fixé au
mur, couvre toute la surface d'un des murs de 7 m de large. Quant à la porte de la classe, elle fait
2,10 m de hauteur et 1,20 m de largeur.
Calcule le prix de la peinture, en utilisant le tarif du marchand.
Tarif du marchand de peinture :

o 2e phase : repeindre la classe : pas à pas, on va proposer les différentes tâches


▪ Surface du plafond à peindre
▪ Quantité de peinture nécessaire pour couvrir le plafond.
▪ Surface des murs qu’il faudra peindre.
▪ Quantité de peinture nécessaire pour couvrir la surface des murs à
peindre.
▪ Surface de la porte à peindre.
▪ Quantité de peinture nécessaire pour couvrir la surface de la porte.

68
On met en place une stratégie. Il y a une organisation de la réflexion qui est au-delà de juste
utiliser les savoirs et les savoir-faire. Si on fait la différence entre comment l’enfant a résolu la
phase 1 et la phase 2, on voit que c’est l’organisation qui change. Dans la première phase, l’enfant
est tout seul pour établir sa stratégie pour le faire. Dans la deuxième phase, il est guidé pas à pas
pour établir la stratégie. Il est comme tenu par la main.
o 3e phase : calcule et complète

Calcule : Complète :
- 53,2+28+7,9+226=……………. - Un rectangle est constitué de cotés.
- 327+…………..=408 - un cube est constitué de……faces
- 10 000-208,2=………………….. - Un rectangle de 5m de long et de 6 m
- (7x3,5 )+2(9 X 3,5) =…......... de large a une surface de… m2
- 4(1,3x 1,5)=……………………… - Un carré dont les côtés mesurent 3m a
- 12 850+14 990=……............ une surface de 9……
- Si 1 litre de peinture couvre une
- 23 457: 37 =………………………
surface de 5 m2 pour couvrir 10m2 il
- 3289,7 x 4,5=…………………….
faudra. …de peinture.
- 8324-832=………………………..

• Constats sur l’évaluation en trois phases


Quand on regarde la production de l’enfant au cours des différentes phases, on peut se demander
si les savoirs et les savoir-faire sont acquis. On se rend compte que oui.
On constate par ailleurs que c’est impossible de réussir la phase 1 sans avoir un certain niveau
en phase 3. Il faut maîtriser les savoirs et les savoir-faire pour pouvoir résoudre la tâche
complexe. Cela prouve à nouveau qu’il n’y a pas d’opposition entre savoirs et savoir-faire.
Également, on voit qu’il y a une sorte de point maximum/de plafond au-dessus duquel au niveau
des savoirs et des savoir-faire, on ne progressait plus vraiment au niveau de la phase1. C’est
comme si, quand on a trop automatisé les choses, on arrivait plus vraiment à prendre du recul
pour avoir cette part de construction personnelle de la réponse. Quand on est trop dans
l’automatisation, on ne pense plus, on ne réfléchit plus. On voit donc qu’il y a une espèce de point
de saturation où on n’augmente plus les performances en phase 1 quand on montait encore au
niveau de la phase 3 (maîtrise des savoirs et des savoir-faire).
e) Comment s’assurer qu’une épreuve évalue vraiment les compétences ?
Pour savoir si une épreuve d’évaluation évalue vraiment des compétences, se poser les questions
suivantes :

• La tâche est-elle nouvelle pour l’élève ?


(Tâche pour laquelle les procédures à mettre en œuvre ne sont pas indiquées dans les consignes
: l’élève doit choisir par lui-même les procédures qui conviennent)
Il faut s’assurer qu’on ne l’a pas faite en classe. Est-ce c’est une tâche pour laquelle les
procédures à mettre en œuvre ne sont pas indiquées dans les consignes. L’élève doit choisir par
lui-même les procédures qui conviennent.

69
Quand on analyse les épreuves d’évaluation, on se rend compte que souvent les consignes
guident pas mal.

• La tâche est-elle complexe ?


(Tâche qui exige la mise en œuvre de plusieurs procédures : l’élève doit combiner ces
procédures)
Est-ce que la tâche exige la mise en œuvre de plusieurs procédures : l’élève doit combiner ces
procédures

• La tâche exige-t-elle la mise en œuvre de procédure de base que les élèves sont censés
connaître ?
• Si l’élève n’arrive pas à accomplir la tâche, l‘épreuve a-t-elle un caractère diagnostic ?
Permet-elle de faire des hypothèses sur l’origine des difficultés ?
• Les critères et indicateurs de correction permettent-ils de mesurer la réalisation globale
de la tâche ?
Il ne faut pas mesurer seulement la maîtrise des procédures prises une par une. Il faut mesurer
leur combinaison (ou leur « intégration ») dans la tâche.
Partie 3 : les élèves et l’enseignant – les relations dans la classe
Dans cette partie, nous nous concentrerons sur les relations entre enseignants et élèves. Ce cours
ci sera articulé surtout autour du concept de contrat didactique. C’est un concept issu des
didactiques disciplinaires.

Chapitre 1 : contrat didactique


1) Construction du concept de contrat didactique

a) Contexte de l’émergence du concept de contrat didactique

• Débuts des recherches en didactique (des maths) au tournant des années 80 en France
• Des données sur les difficultés scolaires issues d’observations didactiques « cliniques »
auprès d’élèves du primaire en échec électif en mathématiques
Les observations didactiques cliniques renvoient à l’idée qu’il y a des intervenants qui travaillent
avec des élèves sur un temps long pour bien comprendre leurs difficultés. Ce sont des chercheurs
qui travaillent de manière suivie et approfondie avec quelques élèves pour essayer de
comprendre le dysfonctionnement d’apprentissage car ils sont en échec.
Ils sont en échec électif. Cela signifie qu’ils sont en échec dans une discipline en particulier. Il ne
s’agit pas d’un échec scolaire en général.

• Un travail dirigé par Guy Brousseau (un des fondateurs de la didactique des maths, avec
une influence manifeste sur l’ensemble des didactiques) : « Je préparais alors mes
interventions, les enregistrais, les transcrivais et les analysais avec mon ami Jacques
Pérès et une petite équipe de collaborateurs et d’étudiants » (Brousseau & Warfield
1999).
C’est donc une petite équipe de recherche dans une perspective clinique et qui essayent de
comprendre ce qu’il se passe sur certains élèves qui sont en difficultés.

70
• Naissance du concept fondamental de contrat didactique : « Le concept a pris naissance
dans cette expérience »

b) Le « cas de Gaël »
C’est un cas assez célèbre dans la littérature.
On a des problèmes autour desquels s’organisent les échanges (les autres problèmes utilisés
dans les séances seront du même type) :
Quelques observations / attitude
globale de Gaël :

• Réticences à assumer ses


jugements comme des jugements
propres, peu d’engagement dans les
prises de position. L’élève est
réticent à assumer que c’est lui qui
est responsable de sa réponse. C’est
un peu l’idée que « c’est les autres
qui m’ont dit de faire comme ça ».
• Cherche l’assentiment de l’adulte, de l’enseignant (« je fais comme la maîtresse » « ce
qu’on m’a appris » – « comme on m’a dit »)
• On remarque également que dès lors quel l’élève s’approprie le problème et s’engage
dans la résolution et sort de cette posture de recherche de l’assentiment de l’adulte, il va
complètement changer de stratégie. Il n’est plus en train de produire des choses toute
faites qui viendrait des autres mais il s’engage dans un raisonnement qui lui est propre.
Quand il s’approprie le problème, il change complètement de manière de penser comme
si, finalement, il oubliait les habitudes scolaires. C’est l’idée de système de pensée isolés.
Cela montre a priori un problème. En effet, ce n’est pas raisonnable qu’on considère qu’il
y a d’un côté l’école où on fait des choses absurdes de manière automatique par
conformise pour satisfaire l’enseignant et que si on a un problème, on oublie tous les
savoirs scolaires.
➔ Appropriation du problème → Renversement de stratégie (comptage vs. calcul ;
systèmes de pensée isolés)
Nature des difficultés
Qu’est-ce qui dysfonctionne ? La volonté de bien faire mène l’élève a être en échec. Cette étude
date d’une époque où l’idée de contrat didactique et d’influence des habitudes du passé n’étaient
pas vraiment construites.

• Compréhension des consignes (lecture) ?


C’est une hypothèse que l’on peut mettre de côté. A priori, ce n’est pas une question de lecture
car quand on discute avec l’élève, il est capable de faire un schéma. Aussi, le problème n’est pas
très complexe du point de vue de la langue. Ce n’est a priori pas là que la difficulté se trouve.
➔ Peu convaincant : G « parvient » à une schématisation
• Structure psychologique ?
Une des perspectives que l’on a vu dans les travaux de Piaget, c’était de dégager quelques stades
du développement cognitifs. C’était l’idée que certaines connaissances cognitives ne sont
construites qu’à certains moments. Ici, on peut se demander si Gaël n’a pas la compétence logico-

71
mathématique pour traiter ce genre problème. Ici, il faut être en mesure de conceptualiser
l’inclusion. Dans le parking, il y a des voitures rouges et d’autres qui ne sont pas rouges. Cela
signifie qu’il y a un ensemble et un sous-ensemble porteur d’une caractéristique. Donc, est-ce
que sur le plan intellectuel, l’élève a accès à ce type de complexité cognitive. Est-ce une difficulté
liée au développement cognitif de l’enfant ?
En l’occurrence, dans cette étude, on réalise que ce n’est pas le cas. En effet, Gaël est en mesure
de réussir les différents tests pour vérifier s’il peut conceptualiser l’inclusion.
➔ Interprétation réfutée pat les tests effectués
• Obstacle épistémologique ?
C’est l’idée que ce seraient les manières de penser et d’interpréter le monde de façon spontanée
de Gaël qui viendrait faire obstacle à quelque chose (//conception de la tuyauterie et de la
digestion). Cette interprétation ne semble pas raisonnable car Gaël ne s’engage pas sur le plan
intellectuel.
En effet, s’il répond avec une addition, ce n’est pas parce qu’il aurait considéré dans la vie de tous
les jours qu’il faut faire l’addition. Il n’est juste pas engagé dans le problème. Sa préoccupation
est de satisfaire les attentes des enseignants. Il n’est pas engagé sur le plan cognitif et ce n’est
donc pas une erreur liée à des conceptions erronées. Ce sont plutôt les habitudes passées qui
vont faire obstacle.
Les erreurs liées à la coutume sont peut-être des erreurs qui ne sont pas les plus intéressantes à
travailler. De fait, on ne travaille pas sur les conceptions mais on repère qu’il y a une difficulté de
posture de l’élève relativement à son activité d’apprentissage.
Il y a donc peu d’occasions d’apprendre de ce type d’erreurs : il s’agit de stratégie d’évitements. Il
y a évitement de l’inconfort de l’incertitude, pas vraiment d’engagement dans le processus
d’apprentissage. L’idée du travail sur les conceptions, c’est que potentiellement, elles sont
significatives de manières de penser.
➔ Gaël n’engage pas ses propres conceptions
➔ Peu d’occasions d’apprendre de ce type d’erreurs : évitement de l’inconfort de
l’incertitude, pas vraiment d’engagement dans le processus d’apprentissage.
Conclusion :
Elles sont plutôt liées à une prégnance des habitudes scolaires et sociales. Cet élève est très collé
au contrat didactique et a des difficultés à faire bouger ces habitudes. Il suit les coutumes et ne
s’engage pas vraiment personnellement sur le plan intellectuel
Plutôt des difficultés liées à une prégnance des habitudes (sociales), de la coutume, au détriment
de l’engagement dans la tâche : tout se passe comme si Gaël considérait que la construction
d’une procédure de résolution ne lui incombait pas.
c) Notion de contrat didactique
Fonction :

• Rendre compte de l’influence des usages qui se sont installés au cours de l’étude d’un
contenu donné sur l’activité des élèves.
• Outiller l’analyse du comportement des élèves (notamment les difficultés) :
l’interprétation incorpore l’influence du « passé » de la classe
Quand on observe un élève en train de travailler relativement à une tâche, on ne peut pas faire
abstraction de la manière dont on l’a travaillé auparavant avec eux. Si on regarde l’élève face à la

72
tâche de manière isolée, on pourrait être en difficulté pour interpréter ce qu’il se passe. On doit
aussi considérer que ce qu’on travaille dans la classe s’inscrit dans une histoire. C’est la fonction
du contrat didactique. Il ne s’agit donc pas du tout de dire qu’il faut codifier les choses avec les
élèves mais c’est un concept descriptif qui invite les enseignants et les chercheurs d’être
conscients, quand on propose une tâche aux élèves, que le passé pèse.
Pour les élèves, ce ne sera pas simple de trouver ce qui dans leur passé sera utile pour la nouvelle
tâche. Il faut donc assumer une certaine incertitude car il y a de nouvelles choses à faire et cela
ne va pas de soi. Certains élèves, plus que d’autres, ont tendance à refuser cette incertitude, à
essayer de la mettre de côté, et à aller chercher dans les habitudes passées. Ce sont des
phénomènes qui existent dans l’ensemble des disciplines. Il faut tenir compte du fait que cela
pèse et que cela crée des difficultés.
Pour le cas de Gaël en particulier qui est en échec, c’est d’autant plus difficile de tenir un
engagement autonome. Il y a la problématique de la confiance en soi qui entre en jeu. Cela peut
être angoissant pour des élèves de faire des erreurs. Lorsqu’on s’engage dans le fait de faire
quelque chose qu’on ne sait pas encore faire.
➔ Essai d’une première définition de « contrat didactique » : forme
(essentiellement implicite) des relations coutumières entre l’enseignante et
l’élève autour d’un objet de savoir donné, les attendus réciproques, « les droits et
devoirs » autour d’un type d’activité scolaire.
➔ Une raison pour laquelle les études didactiques des difficultés scolaires
cherchent à se donner les moyens d’une observation du système didactique (vs.
relation sujet ↔ savoir)
Ces constats autour du contrat didactique est une des raisons pour lesquelles les didacticiens
sont assez réticents à étudier les difficultés scolaires en dehors de la classe. Si on veut saisir
l’influence du contrat didactique sur les difficultés des élèves, il faut se donner les moyens de
comprendre le contrat didactique et donc d’observer ce qu’il s’est passé dans les séances
précédentes. Cela implique donc bien d’observer le fonctionnement de la classe (sur une
temporalité longue, dans un espace social donné où se créent des habitudes). C’est donc une
perspective différente que de penser comme si le fonctionnement intellectuel des élèves était
purement dans leur tête indépendamment de ce qu’il se passe en classe. Par conséquent, le
concept de contrat didactique se marrie assez mal avec la problématique des troubles des
apprentissages.
Avec le concept de contrat didactique, la difficulté n’est pas propre à l’élève. L’origine est dans les
relations construites avec l’adulte. C’est pour cette raison qu’on a l’idée d’observer le
fonctionnement du système didactique en intégrant la figure de l’enseignant et en se demandant
en quoi la figure de l’enseignant est susceptible de contribuer aux difficultés des élèves.
d) Nécessité et limites du contrat
Une définition : système d’habitudes relatif aux exigences habituelles du maître engendrant un
système d’attentes entre le professeur et élèves ; des habitudes nécessaires (utiles en partie)
mais condamnées à être revues (parce qu’apprendre c’est changer ses habitudes).

• Un système d’attente nécessaire


« Le contrat didactique régit une grande partie des transactions : les élèves
attribuent du sens à telle ou telle demande professorale à partir de l’expérience
sédimentée dans leur passé d’élèves (récent ou plus ancien) au sein des classes qu’ils
ont fréquentées. » (Sensevy, 2006, p. 207)

73
C’est important de se dire que les habitudes pèsent. Parfois, elles peuvent être bloquantes mais
elles sont aussi potentiellement utiles car on ne peut pas douter de tout le temps.
Exemple : Dans un parking il y a 57 voitures. 24 de ces voitures sont rouges. Trouver le nombre
de voitures du parking qui ne sont pas rouges.
Le contrat permet un certain cadrage : pas plus de 24 voitures rouges, pas de voiture à la fois
rouge et noire, c’est une anticipation raisonnée qu’il s’agit de produire (des maths pas un jeu de
hasard), un problème à chercher seul si rien n’est préciser etc.
Les élèves arrivent avec une certaine idée de ce qui est attendu d’elles/eux dans les disciplines
(ex : « justifier » en histoire ou en physique).

• Un système d’attente à dépasser (idée de rupture)


« Comme cette situation est une situation didactique, le contrat didactique est par
nature destiné à être rompu, puisqu’une institution didactique est par nature une
institution dans laquelle une bonne partie des habitudes sont « condamnées » à
disparaître ou à être largement modifiées, avec l’avancée des savoirs. » (Sensevy
2007)
Il y a donc des éléments utiles dans l’habitude mais apprendre, c’est plus que juste faire
fonctionner les habitudes. Il faut en construire de nouvelles et rompre avec d’anciennes.
Une idée forte : apprendre c’est rompre avec une partie de ses habitudes, remettre en cause de
ses manières de faire et de penser (et pas seulement faire fonctionner ses habitudes)
e) Contrat, apprentissage, rupture
« L’apprentissage n’est plus considéré comme le résultat de la satisfaction des
exigences, même implicites, du contrat didactique, mais procède, au contraire, d’une
rupture de celui-ci : « Apprendre implique pour lui [l’élève] refuser le contrat mais
accepter la prise en charge du problème [la dévolution]. En fait, l’apprentissage va
reposer, non pas sur le bon fonctionnement du contrat, mais sur ses ruptures »
(Sarrazy, 1995, citant Brousseau, 1984)

→ Une rupture avec l’idée d’un apprentissage comme accomplissement d’un contrat qu’il
s’agirait de bien expliciter (contrat pédagogique?)
La notion de contrat didactique peut laisser penser qu’il y a un contrat entre l’élève et
l’enseignant et qu’il y a réussite si le contrat est satisfait. C’est un contre-sens duquel il faut se
défaire car cela ne correspond pas du tout au concept de contrat didactique tel que défini dans
les recherches sur le sujet.
On pourrait plutôt parler de coutume. Le mot « contrat » peut induire en erreur dans la
compréhension du concept du contrat didactique.
L’apprentissage relève d’une rupture. L’apprentissage implique que l’élève refuse le contrat.
Donc, apprendre, c’est refuser le contrat et refuser de faire comme l’enseignant a dit afin de
s’engager en son nom propre.
→ L’apprentissage est pensé comme supposant une déstabilisation (partielle !) de ses habitudes
« cognitives » (vs. « entrainement ») ce qui suppose un engagement propre des élèves.

74
S’engager en son nom propre implique qu’il y a des enjeux d’apprentissage car on est dans la
classe. Il faudra potentiellement mobiliser des savoirs et des savoir-faire qui ont été travaillé en
classe. Toutefois, on le fait de façon ouverte, instruite et autonome (= compétence).
Du point de vue des finalités/valeurs de l’école, l’idée d’engagement personnel rejoint l’idée de
l’autonomie et de l’engagement personnel. Cela rejoint aussi l’approche par les conceptions qui
soulignait l’importance pour les apprenants d’être engagés personnellement sur le plan
intellectuel pour vivre soi-même des conflits.
→ Attention aux contre-sens : la rupture est à la charge de l’élève, dans une situation
d’apprentissage, le nouveau contrat didactique à construire est par nature quelque chose que
l’enseignant ne peut communiquer aux élèves.
Le sens du contrat didactique n’est pas de dire qu’il faut bien expliquer les attendus. L’idée de
contrat didactique est tout à fait différente de dire aux élèves ce qu’ils doivent faire.
La rupture du contrat didactique ne signifie pas qu’il n’y en n’a plus mais juste qu’on en établi un
nouveau. On attend des élèves qu’ils soient en mesure de faire bouger ce contrat didactique car
on attend d’eux qu’ils soient en mesure de procéder par eux-mêmes dans le processus
d’apprentissage. Ils sont encadrés par l’enseignant mais ce sont les élèves qui apprennent.
2) Contrat et milieu

a) Suite des interactions


• Idée générale de l’intervenant :
o Chercher à perturber le fonctionnement « normal » (pour Gaël) du système
didactique pour obtenir un engagement afin de dépasser les stratégies
contractuelles superficielles
➔ De l’addition vers des stratégies personnelles (comptage, etc.)
o Chercher à construire de nouvelles stratégies plus efficaces, élaborer de nouvelles
techniques
➔ Du comptage vers la soustraction
• Moyens :
o Mise à distance du contrat : un pari plutôt qu’un « problème » ; il est régulier de
se tromper, d’être incertain
C’est l’idée de dégonfler le statut de l’erreur. C’est l’idée de permettre de s’engager en son nom
propre et de montrer qu’on peut faire un nombre de tentatives et de ne pas forcément tout de
suite arriver à la bonne réponse. Avec l’idée de pari, il y a cette idée de changer la nature de la
perception de l’erreur. On peut rendre légitime le fait de faire des erreurs.
o Mise à distance de « l’enseignant » : jeu du menteur ; l’adulte n’est plus le
détenteur de la vérité, sa parole doit être mise en doute
Cela implique aussi de changer le rapport à l’adulte. L’adulte n’est pas un savant qui dit la vérité
et à qui il faut se conformer. C’est une stratégie de mise à distance pour essayer d’obtenir un
engagement.
Une stratégie peut être le jeu du menteur. Le jeu du menteur, c’est l’enseignant qui se met en
scène en faisant des erreurs. On fait comme si on résout le problème et on demande aux élèves
de voir ce qui ne va pas. Par conséquent, l’élève est impliqué dans le contrôle de ce que dit
l’enseignant. Le jeu du menteur permet d’inverser les rôles et de donner la responsabilité aux
élèves.

75
b) Nouvelle situation
Gaël ne ressent pas de conflit en donnant sa réponse. Il n’y a pas d’identification du problème. Il
faudrait donc permettre aux élèves d’identifier les problèmes. C’est la stratégie d’enrichir le
milieu. Le milieu, c’est l’environnement avec lequel l’élève interagit. C’est tout ce qui permet à
l’élève d’avoir des retours sur ce qu’il fait. Le milieu, c’est ce avec quoi on peut interagir pour
essayer de faire évoluer sa manière de voir les choses.

• Séance 1 (etc.)
o Matériel : ronds et triangles de diverses tailles dans un sac opaque.
o Règle du jeu : Gaël et l’intervenant se mettent d’accord par comptage sur le fait
qu’il y a 52 pièces au total dont 26 triangles.
o But : parier sur le nbre de ronds ; vérifier ; recommencer
Comme on a changé l’environnement matériel pour l’élève, cela change les possibilités
d’interactions. Il peut voir concrètement le nombre de triangles et se corriger s’il s’est trompé.
Cela permet d’avoir des informations qui permet de vérifier et de mettre à l’épreuve ses
manières de penser. Dans toutes les disciplines, cette question-là se pose de manière différente
(histoire, chimie, éducation physique). Cela suppose des modalités particulières de réflexion sur
l’environnement des élèves et de comment on va les faire penser par eux-mêmes.
Si comme enseignant, on veut se mettre dans une autre posture que celle de l’enseignant
explicatif et qu’on veut laisser de la place aux élèves, cela implique qu’il y ait un environnement
qu’il le permette.

• Des éléments de rupture


o Système de pari : vers l’engagement personnel
o Plusieurs parties prévues : connaissances anciennes. Il y a l’idée qu’on mobilise
soi-même ses connaissances personnelles pour les faire bouger. C’est un peu
l’idée de la situation problème. Il faut engager ses connaissances propres si on
veut pouvoir les déstabiliser. Le fait de pouvoir faire plusieurs parties permet de
commencer par des réponses qui ne sont pas les plus élaborées et de petit à petit
en bouger.
o Une validation par comptage permettant des rétroactions : on peut vérifier dans
le sac si on avait la bonne anticipation de réponse. Cela permet également à
l’enseignant d’être dans une autre posture qui n’est pas celui qui corrige ou
atteste de la correction de ce qui est produit. On va considérer que ce qui est
produit est correct car c’est conforme, non pas aux attentes de l’enseignant, mais
au problème.
➔ Une situation qui se rapproche des situations-problèmes (cf. chapitre sur les
conceptions de l’apprentissage)
➔ Importance d’un « milieu » permettant à l’élève de prendre conscience
directement de la pertinence de ses productions. Si l’enseignant veut se mettre
en partie en retrait et favoriser l’autonomie des élèves, cela suppose que les
élèves aient quelque chose avec quoi travailler. C’est la notion de milieu.
La notion de milieu en didactique des disciplines, c’est la notion duale de la
notion de contrat. On l’a vu, le contrat didactique renvoie aux habitudes passées
et le milieu renvoie à ce avec quoi on interagit là, ici, en oubliant un peu le passé.
Donc, on dira que quand un élève travaille, il y a au moins deux éléments à prendre en compte si
on veut comprendre ce qu’il fait. D’une part, il y a l’environnement, le problème et le matériel. Ce

76
sont les interactions avec le milieu. Ensuite, il y a les habitudes contractuelles qui pèsent sur le
travail qui est effectivement fait.
c) Contrat et milieu : fonction et concept du contrat
« La notion de contrat conduit à s’interroger sur le sens des comportements et des
réponses de l’élève : en quoi sont-ils conditionnés par les mathématiques [les
contenus] en jeu dans la situation et par ses propres connaissances ? En quoi sont-ils
liés à d’autres facteurs ? Par exemple sa perception à travers divers indices, des
attentes de l’enseignant, des us et coutumes mathématiques de la classe […] »
(Artigue 1992)
➔ Un concept descriptif, interprétatif, dont la fonction est de rappeler l’influence
du fonctionnement habituel du système didactique sur les comportements des
élèves.
C’est un concept descriptif qui permet de dire que si on regarde ce que font les élèves, on doit se
souvenir que ce qu’ils font s’inscrit dans des habitudes qu’on a contribué à construire en tant
qu’enseignant.
➔ Différentes formes de sujétion :
✓ Sujétion didactique à l’enseignant, conformation aux normes en usage dans la
classe (« métier » d’élève) → faire fonctionner le contrat et se conformer aux
attentes de l’enseignant
✓ Sujétion aux nécessités du milieu (rétroactions), le problème avec lequel les
élèves sont en interaction avant le désir supposé de l’enseignant-e : on peut se
dire que notre but en tant qu’élève, ce n’est pas de faire plaisir à l’enseignant
mais c’est de résoudre le problème. L’attention et le comportement est
déterminé par le matériel et les informations à la disposition.
Ce sont deux directions orthogonales dans l’application des élèves : soit on se focalise sur la
tâche, le problème et essayer de le résoudre ou alors, essayer de satisfaire l’enseignant. Ce sont
deux attitudes différentes.
d) Milieu et enseignement : élaboration d’un milieu
Le rôle théorique de la notion de milieu, c’est l’idée de se dire que pour obtenir un engagement
personnel de l’élève dans la résolution de quelque chose et pour obtenir que l’élève ne cherche
pas dans les intentions de l’enseignant, si l’enseignant veut se mettre en retrait pour laisser un
espace aux élèves, cela suppose qu’il y ait quelque chose qui permettent aux élèves de travailler.
Il faut bien que les élèves interagissent avec quelque chose si ce n’est pas avec l’enseignant. C’est
ça la notion de milieu.

• Insuffisance de l’environnement ordinaire (les milieux « non didactiques ») pour


parvenir aux apprentissages scolaires : nécessité d’une organisation a priori de
l’environnement de l’élève.
Si on souhaite valoriser un enseignement qui permette aux élèves de s’impliquer (donc
d’inspiration constructiviste ou socio-constructiviste), il faut qu’il y ait quelque chose qui
permettent de travailler, si ce n’est pas les explications de l’enseignant. Il faut que les élèves
puissent élaborer. Dans le cas de Gaël, l’énoncé ne permet pas d’élaborer des solutions. On n’a
qui rien qui permette de changer les manières de penser.
Toutefois, si les enseignants n’organisent pas ces milieux, c’est insuffisant. L’apprentissage
scolaire et l’accès à des concepts disciplinaires supposent des milieux élaborés spécifiquement

77
pour cela. On doit se poser la question : dans quelles conditions doit-on mettre l’élève pour lui
apprendre un concept de la discipline. Cela suppose d’être élaboré ? Pour chaque concept, quel
environnement va-t-on essayer d’élaborer.

• Le milieu comme système « non finalisé » : un voile sur les intentions de l’enseignant-e ;
le milieu « entre » l’élève et l’enseignant-e ; perspective (socio)-constructiviste
Si l’idée est de se dire qu’on est enseignant et qu’on a des intentions mais qu’on ne veut pas que
l’élève essaye de déceler les intentions qu’on peut avoir mais qu’ils s’engagent uniquement dans
la résolution du problème, alors on leur donne des responsabilités et des moyens de travailler en
élaborant un milieu. Cela signifie que, d’une certaine manière, l’enseignant se cache derrière le
milieu.
C’est ce que signifie l’idée du milieu ‘non finalisé’. « Non finalisé » signifie qu’a priori l’élève ne
sait pas quelle serait l’intention de l’enseignant derrière un problème donné.
e) Milieu et enseignement : problématique des rétroactions
« On appelle rétroaction une information particulière fournie par le milieu : c'est-à-
dire une information qui est reçue par l'élève comme une sanction, positive ou
négative, relative à son action et qui lui permet d'ajuster cette action, d'accepter ou
de rejeter une hypothèse, de choisir entre plusieurs solutions. » (Bessot 2004)
Dans le cas de Gaël, c’est faire le constat qu’on s’est trompé dans le nombre. La rétroaction est
quelque chose qui s’impose par le milieu.

• Des milieux rétroactifs pour tous les savoirs de toutes les disciplines ?
Ce n’est pas certain qu’on puisse aujourd’hui affirmer qu’on puisse enseigner ou même avoir des
milieux rétroactifs qui permettent aux élèves d’avancer par eux-mêmes pour l’ensemble des
savoirs de toutes les disciplines. C’est donc ici une question un peu ouverte.

• Quelle place pour les interactions sociales ?


On peut envisager que les discussions soient collectives et que les conflits ou les rétroactions ne
soient pas individuelles mais de groupe. Les interactions sociales sont aussi un levier pour faire
fonctionner un milieu ou de le rendre davantage rétroactifs.
3) Paradoxes de l’enseignement

a) Gestion de l’incertitude
• Gestion de l’incertitude côté enseignant-e :
o Nécessité de l’incertitude : dans une situation d’apprentissage l’activité des
élèves ne peut se résumer à reproduire quelque chose de déjà stabilisé (recours
au seul contrat, aux habitudes)
D’une part, l’incertitude est nécessaire du point de vue de l’enseignant car il voudrait que
l’activité des élèves ne se résument pas à reproduire quelque chose de déjà stabilisé par le seul
recourt au contrat. L’enseignant voudrait que les élèves assument une certaine part d’incertitude
et procèdent par eux-mêmes.
Tout enseignant va proposer des tâches qui ne vont pas aller de soi pour les élèves. Tous les
enseignants aimeraient bien que les élèves se débrouillent avec cela et s’engagent
personnellement quand ils sont confrontés à l’incertitude.

78
o Des contraintes fortes de temporalité : l’avancée des savoirs (du temps
didactique) est une nécessité institutionnelle
Gérer l’incertitude implique d’accepter de se tromper. Ce sont des processus qui peuvent prendre
du temps et si le but est simplement d’avoir la bonne réponse, c’est plus efficace de tout de suite
donner la bonne réponse.
Il y a une pression temporelle pour les enseignants. La transposition didactique externe produit
des normes temporelles sur l’enseignement et l’avancée des savoirs est, d’une certaine manière,
contrainte par ces normes-là. Une grosse préoccupation des enseignants est le fait d’avancer
dans la matière. Par conséquent, l’incertitude, si elle est nécessaire du point de vue de
l’enseignant pour que les élèves s’engagent, elle est aussi condamnée à être vite éliminée. En
effet, il faudra bien que les réponses soient là et qu’on avance dans la matière.
o Un positionnement difficile à trouver pour l’enseignant-e : comment aider les
élèves sans pour autant lever le voile sur ce que les élèves doivent produire de
leur propre mouvement ?
Le cœur du travail de l’enseignant, c’est la question d’un accompagnement qui ne se substitue
pas à l’activité personnelle et autonome des élèves. C’est un équilibre difficile à trouver entre
laisser-faire et aider. Le paradoxe, c’est que si on aide l’élève, on le fait à la place de l’élève et on
ne procède pas de manière autonome. C’est un faux paradoxe mais c’est une vraie tension pour
les enseignants où tout ce que l’enseignant fait pour aider les élèves se substituent à leur activité
autonome et donc, en faisant à leur place, on les positionne comme étant de simples spectateurs.
Il y a donc une sorte de réticence de l’enseignant par rapport à cela.
➔ C’est la question de comment aider les élèves sans pour autant se substituer à
eux.
Accepter de s’engager dans quelque chose qu’on ne sait pas encore faire et donc, parvenir à
mettre à distance le contrat.
C’est d’autant plus difficile d’engager les élèves que les postures d’attente sont souvent
fonctionnelles. Si on se positionne seulement comme exécutant, cela peut permettre de cheminer
à l’école. Elles sont d’autant plus fonctionnelles qu’il y a la contrainte de temps. On ne peut pas
bloquer trois heures pour attendre la production des élèves. Les élèves savent que la réponse
arrivera soit de la part de paires, soit de la part de techniques utilisées par l’enseignant pour
faire avancer le temps didactique quand bien même certains élèves restent sur le bord de la
route.

• Gestion de l’incertitude côté élève :


o Un inconfort à assumer (confiance en soi) : il s’agit d’accepter de s’engager dans
quelque chose que l’on ne sait pas encore faire, de mettre à distance le contrat
C’est une incertitude nécessaire. Pour un élève comme Gaël, la difficulté est d’apprendre à
accepter l’incertitude et à s’engager en faisant quelque chose de nouveau. C’est donc nécessaire
qu’il accepte de gérer l’incertitude qui est inhérente à une situation nouvelle et qu’il ne sait pas
encore résoudre. C’est le cas dans une approche par compétence. S’il s’agit de travailler un
problème avec une certain complexité, cela suppose qu’on n’ait pas toutes les clés pour le faire.
On a un moment de doute.
Derrière la problématique de la gestion de l’incertitude, on n’est pas tous égaux et il y a aussi des
enjeux sociaux.

79
o Des postures d’attente souvent « fonctionnelle » : l’aide viendra (temps
didactique) et permettra de cheminer dans un certain « confort »
b) Processus de négociation : stabilité et rupture
L’enseignant essaye de donner beaucoup de responsabilités aux élèves et ceux-ci peuvent avoir
tendance à essayer de réduire leur part. Pour résoudre un problème, cela suppose un partage des
tâches. Les élèves essayent d’avoir une responsabilité plus limitée.
Il y a des processus de négociation. Le quotidien des enseignants c’est de donner des indices
quand ils voient que la matière n’avance pas. Ils régulent les interactions pour accompagner
cette autonomie. L’autonomie intellectuelle est un principe important pour l’école mais de fait,
c’est essentiel d’accompagner. Jusqu’où on accompagne ? C’est une tension complexe.
« Considérons qu’un professeur pratique la dictée en faisant (en lisant à haut voix)
les liaisons. […] On a bien des habitudes spécifiques de la connaissance visée (faire
des liaisons a une influence directe sur la construction et la manifestation des
connaissances orthographiques), des attentes du professeur vers les élèves, des
élèves vers le professeur, un contrat didactique spécifique à la situation de dictée.
Imaginons maintenant que ce professeur (peut-être poussé par un didacticien?)
décide de supprimer l’énoncé des liaisons dans sa dictée. On conçoit les difficultés,
les négociations peut-être entamées avec les élèves attachés au statu quo ante. […]
Le nouveau contrat suppose une autre configuration des transactions didactiques :
certaines actions didactiques, jusqu’alors sous la responsabilité du professeur, vont
passer dans le territoire de l’élève, qui devra assumer, et pourra ou non le faire. »
(Sensevy, 2007)
Pour l’enseignant, c’est l’idée que certaines actions didactiques et certaines manières de faire
passent sous la responsabilité des élèves tandis que les élèves souhaiteraient peut-être ne pas
avoir tant de responsabilités tout de suite et d’être davantage guidés et accompagnés.
c) Paradoxe de la négociation
• Côté enseignant
« Il met le professeur devant une véritable injonction paradoxale : tout ce qu’il fait
pour faire produire par les élèves les comportements qu’il attend tend à diminuer
l’incertitude de l’élève et par là à priver ce dernier des conditions nécessaires à la
compréhension et à l’apprentissage de la notion visée : si le maître fait ou signifie ce
qu’il veut que l’élève fasse, il ne peut plus l’obtenir que comme exécution d’un ordre
et non par l’exercice de ses connaissances et de son jugement » (Brousseau 2010,
glossaire)
Le paradoxe, c’est que si l’enseignant prend sur lui de lever les incertitudes et s’il donne
l’explication, alors il obtient une conformation des élèves et non pas l’exercice de leur propre
jugement. Cela dit, toute explication ne conduit pas nécessairement à une soumission.
Comment se lève ce paradoxe ? C’est trouver à quel moment dans ce jeu de négociation on peut
se retrouver. Cela signifie de trouver le moment où les élèves en ont fait assez pour s’engager sur
le plan intellectuel et se poser des questions et que l’enseignant en fait suffisamment aussi pour
accompagner, aider et guider sans pour autant se positionner comme un explicateur qui attend
du conformise.
➔ C’est l’idée que la résolution de ce paradoxe, ce serait de trouver des moments
où, finalement, l’accompagnement du maître permette aux élèves de se

80
construire comme des personnes avec une autonomie intellectuelle et pas
comme des exécutants d’un ordre.
• Côté élève
« S’il accepte que, selon le contrat, le maître lui enseigne les solutions et les
réponses, il ne les établit pas lui-même et donc n’engage pas les connaissances
nécessaires et ne peut se les approprier ; vouloir apprendre impliquerait alors pour
lui de refuser le contrat didactique pour prendre en charge le problème de manière
autonome » (Brousseau 2010, glossaire)
d) Dysfonctionnement de la négociation
• Contexte :
o Nécessité de l’avancée du temps didactique
o L’enseignant joue à deux niveaux : il enseigne et déclare les apprentissages
(évaluation)
• Sauver les apparences ? Deux manières de masquer les difficultés ou l’échec du
processus d’enseignement et d’apprentissage
o Effet Topaze : Prendre la responsabilité de la résolution du problème,
communiquer plus ou moins explicitement à l’élève ce qu’elle doit faire pour
qu’elle le reproduise et faire comme si elle avait appris
Topaze, il dicte en se promenant.
"Des moutons... des moutons... étaient t-en sûreté... Dans un parc ; dans un parc. (Il se
penche sur l'épaule de l‘élève et reprend.) Des moutons... moutonss... (l‘élève le
regarde, ahuri). Voyons, mon enfant, faites un effort. Je dis moutonsse étaient (il
reprend avec finesse) étai-eunnt. C'est-à-dire qu'il n'y avait pas qu'un moutonne. Il y
avait plusieurs moutonsse."

→ Un phénomène « normal » et assez répandu : comprendre et analyser plutôt que de dénoncer


→ Une négociation du contrat (responsabilité accrue pour l’enseignant) masquée de manière
plus ou moins subtile (stratégie du sourcil, Astolfi)
L’enseignant voudrait que son élève orthographie le mot correctement. Comme cela ne se passe
pas, Mr Topaze est amené à renégocier l’autonomie dans laquelle l’élève est supposé écrire. Petit
à petit, l’enseignant lâche des indices sans vraiment l’assumer. Par conséquent, l’élève n’aura pas
produit la bonne orthographe en mobilisant ses propres connaissances. Le dysfonctionnement,
c’est que l’élève se saisisse de l’aide sans avoir mobilisé ses connaissances. L’élève fait ce qu’on
lui dit de faire et est uniquement dans une situation d’exécutant.
L’enseignant communique et les stratégies d’aide sont multiples. Elles peuvent notamment
consister en langage corporel (la stratégie du sourcil) quitte à parfois trahir les intentions de
l’enseignant.
Des effets potentiellement différenciés ?
→ Focalisation sur la tâche à accomplir, intégration des aides de l’enseignant au contrat
didactique au détriment des apprentissages
Cela signifie que, dans l’exemple, on ne rajoute pas un ‘s’ parce que c’est une solution au
problème (bien orthographier les mots) mais parce que l’on considère que cela fait partie du
comportement attendu par l’enseignant.
→ Focalisation sur les apprentissages (quelles sont les connaissances qu’il me manque pour
produire le bon écrit ? Qu’y a-t-il à apprendre ?)

81
D’autres pourraient se focaliser davantage sur les apprentissages en s’interrogeant sur les
raisons de l’aide.
Des travaux en sociologies de l’éducation mettent en avant cette perspective très pragmatique (je
suis à l’école pour bien faire) est plus partagée dans les milieux populaires que dans les milieux
plus proches de l’école qui savent bien que si l’enseignant donne de l’aide, c’est pour apprendre
et pas pour réussir.
EXEMPLE PAGE 121 DE LA SYNTHÈSE DE NORA
➔ L’effet Topaze, c’est fermer l’incertitude jusqu’à ce qu’il y ait la bonne
réponse.

o Effet Jourdain : Sur-interpréter le comportement banal d’une élève, reconnaître


dans ce comportement banal une expression de la connaissance en jeu
(EXEMPLE DE L’EFFET JOUDAIN PAGE 122)
Dans un groupe, l’effet Jourdain, c’est solliciter le bon élève. Il va produire une réponse
satisfaisante. On demande à l’ensemble de la classe s’ils ont compris. C’est une façon d’attribuer
la compréhension d’un élève à tous les autres.
Définition : « Le professeur, pour éviter le débat de connaissance avec l’élève et éventuellement
le constat d’échec, admet de reconnaître l’indice d’une connaissance savante dans les
comportements ou dans les réponses de l’élève, bien qu’elles soient en effet motivées par des
causes et des significations banales. » (Brousseau 2010, glossaire)
Remarque : un effet Topaze suppose par ailleurs le recours à un effet Jourdain au moment de la
validation : la production de l’élève consiste à « mimer » celle de l’enseignant-e mais doit être
interprétée comme significative du point de vue du savoir.
L’effet Topaze suppose un effet Jourdain au sens où, si l’on considère que l’élève maîtrise le
pluriel en lui ayant fait mettre « s » à « mouton », alors on fait de l’effet Jourdain. En effet, il a
peut-être simplement mis un « s » par conformisme et nous l’enseignant l’interprète en se disant
que l’élève a appliqué une règle d’orthographe.
Ce sont deux stratégies de contournement pour contourner les difficultés rencontrées. Il s’agit de
mieux maîtriser ces effets du quotidien sur lesquels les enseignants jouent.
Chapitre 2 : enseigner plus explicitement ?
1) Introduction à la problématique d’explicitation

a) Exemple : Amidou et la carte géographique


Voir document Amidou et la carte de géographie (Bonnéry 2007). Dans cet exemple,
l’enseignante donne la réponse à Amidou. Amidou reçoit cette aide dans la posture du « faire ». Il
n’écoute pas les explications. On fait le constat que pour certains élèves qui sont dans cette
posture de réussite aux tâches, l’aide peut finalement constituer un obstacle à l’apprentissage.
L’accompagnement peut être interprétée comme une aide à la réussie et pas comme une aide à
l’apprentissage.
b) Exemple : glissement d’un enjeu

82
Ici, dans un autre contexte disciplinaire, on voir un autre exemple. Il s’agit d’un travail sur la
notion d’aire en mathématiques. On veut que les élèves comprennent le concept d’aires. C’est
l’idée que dans une unité donnée, la mesure d’aire, est le nombre de fois où on peut reporter
cette unité dans la figure.
Par après, on ira vers des modalités de calcul mais là on veut vraiment travailler le concept.
Dans l’échange, on voit que Bassekou n’a pas vraiment compris la notion d’aire. Il compte les
carrés. Un bon élève explique comment il fait à haute voix. Il est capable de dire ce qu’il faut faire.
Bassekou applique ce qu’on lui a dit de faire. On voit toutefois que malgré qu’il applique la bonne
procédure (compter les petits carrés), il n’a pas compris la notion d’aire qui était sous-jacente.
En effet, il demande s’il faut compter le grand triangle. Il a bien compris la procédure mais il n’a
pas identifié le concept qui était travaillé via ces procédures.
Par ailleurs, dans cet exemple, il y a aussi un potentiel effet Jourdain. En effet, l’enseignant
attribue à Bassekou un apprentissage significatif à partir de ses traces alors que son activité n’est
pas significative d’une activité conceptuelle liée à la notion mathématique qui est en jeu. En
revanche, si on déduit qu’il a appris le concept d’aire, on fait un effet Topaze.
c) Enseigner plus explicitement ?
• Idées générales
Ce courant de recherche va s’intéresser à savoir dans quelle mesure les pratiques
d’enseignement peuvent être porteuse d’inégalités. Toutes les inégalités ne se construisent pas
dans les classes mais il est vrai que toutes les pratiques enseignantes ne se valent pas du point de
vue des inégalités. Les pratiques enseignantes sont susceptibles d’être plus ou moins
inégalitaires.
L’idée de ces auteurs est d’interpréter la construction des difficultés scolaires pour les élèves des
milieux populaires (donc les plus éloignés de la culture scolaire) en termes de malentendus. Ils
parlent de malentendu entre comment l’élève conçoit son rôle à l’école, son rapport au savoir et
sa posture. La difficulté de se situer dans la posture instruite et autonome serait plus forte dans
ces milieux-là car leur discours familial est plus éloigné de ce discours scolaire qui favorise les
apprentissages et le savoir. Certains élèves seraient davantage en difficultés que d’autres pour
repérer les implicites dans l’enseignement.
o Rendre plus explicite ce qui se trouve en arrière-plan des tâches proposées et
plus généralement les intentions d’enseignement constituerait un levier pour
réduire les inégalités d’apprentissage

83
D’une certaine manière, les travaux de Bourdieu sont une bonne référence. Il avait travaillé sur le
caractère implicite de l’école et la nécessité de lever le voile sur ce que l’école attend des élèves
mais ne dit pas. Ici, ce sont des travaux qui s’inspirent des travaux de sociologie de Bourdieu
mais qui les déplacent sensiblement. Eux vont regarder finement la production de ces
mécanismes en interrogeant les pratiques enseignantes.
o Des inégalités qui seraient (en partie) dues à la diversité des dispositions, des
attitudes relativement à l’école et aux savoirs, largement construites en dehors de
l’école, celles des élèves des milieux populaires étant réputées moins en
adéquations avec les attitudes valorisées dans le jeu scolaire.
« En procédant ainsi, l’institution scolaire tire manifestement les leçons des travaux
princeps de Bourdieu et Passeron (1964) qui, analysant les mécanismes de
reproduction des inégalités sociales à l’école, suggéraient fortement de substituer
une pédagogie explicite à une manière implicite de perpétuer des modes de travail
scolaire accessibles aux seuls initiés, attendus par l’école mais non enseignés par
elle. » (Rayou 2018)
« S’il est assez facile de s’entendre sur ce principe d’explicitation, il est beaucoup
moins évident de le mettre en œuvre. Du fait de la massification de l’enseignement,
les classes du premier ou du second degré, voire de l’enseignement supérieur
d’aujourd’hui, n’ont plus grand-chose à voir avec le monde des héritiers des
années 1960. De nombreuses formations d’enseignants insistent sur la nécessité de
donner aux élèves des consignes claires en disant précisément ce qui est attendu
d’eux. Cette injonction se heurte cependant à des difficultés de nature logique,
didactique et sociologique. » (Rayou 2018, je souligne)
Difficultés de nature logique : Rayou dit ici que l’injonction d’être clair dans les consignes se
heurte à des difficultés. L’idée de la « nature logique », c’est l’idée qu’une communication qui soit
parfaitement transparente est quelque chose d’inatteignable. C’est donc l’idée que dans toute
communication, y compris les plus savantes, il y a de l’implicite et c’est consubstantiel de la
communication.
Difficulté de nature didactique : C’est l’idée de réticence didactique. Si on dit tout ce qu’il y a à
faire dans la consigne, alors on fait tout à la place de l’élève. Donc, si on se réfère au paradoxe de
la négociation autour du contrat didactique, on devient ce maître explicateur qui dit à l’élève ce
qu’on attend de lui et l’élève ne va pas mobiliser les connaissances nécessaires à l’exécution de la
tâche. C’est important d’être clair mais il y a quand même quelque chose qui reste de l’ordre de
la responsabilité de l’élève.
➔ Distinction entre l’implicite contrôlé et l’implicite non-contrôlé.
Difficulté de nature sociologique : C’est l’idée que pour certains élèves, c’est plus difficile que
pour d’autres d’avoir cet accès. Certains élèves requièrent davantage d’attention que d’autres.
C’est aussi une perspective travaillée par d’autres dans les sciences de l’éducation à travers la
notion de différenciation a priori.
La différenciation a priori, c’est donc l’idée d’être préoccupé d’emblée par la diversité des
élèves plutôt que de n’intervenir qu’après quand la diversité des apprentissages s’est produite.
C’est penser la diversité en amont de la construction des différences.

84
d) Contextes
• Les évaluations internationales
Des résultats en FWB qui interpellent :
o PIRLS (2016) s’intéresse au niveau en littératie des élèves de 10 ans dans une
cinquantaine de pays : les élèves belges francophones se classent à la dernière
place des pays européens
o Les évaluations internationales montrent aussi d’importants écarts entre les
scores des élèves des milieux privilégiés versus défavorisés : la FWB parmi les
pires élèves de l’OCDE (PISA 2018)
o Des résultats sur les inégalités « convergents » avec l’étude PISA (2015, 72 pays,
élèves de 15 ans, maths-français-sciences) : « L’école continue d’être un lieu de
reproduction des inégalités, en particulier vis-à-vis des élèves de milieux
défavorisés et issus de l’immigration » (avant-propos de l’étude de Jacobs et
Danhier, 2017)
L’école est donc très inégalitaire.

• Des élèves autonomes ?


o Contexte politique et pédagogique
▪ Une « approche par compétences » bien implantée en FWB depuis les
années 90 : mise en avant de l’autonomie et de la mobilisation des savoirs
par les élèves
On voit que du point de vue des référentiels, il y a la volonté de travailler l’autonomie et de
donner une certaine responsabilité aux élèves dans la résolution de tâches complexes et
nouvelles. C’est l’idée qu’à l’école, on valorise le fait que l’élève s’implique, cherche par lui-même
et s’engage personnellement.
Une question qui peut être soulevée par cette approche-là est de se demander si elle n’est pas un
peu élitiste. En effet, elle suppose que les élèves soient en mesure de se débrouiller par eux-
mêmes et décodent un certain nombre d’implicites. L’idée de cette approche par compétence va
valoriser l’engagement des élèves quitte à brouiller le sens de l’école. On risque de renforcer la
production de malentendu avec l’approche par compétences.
▪ Compétence : « aptitude à mettre en œuvre un ensemble organisé de
savoirs, de savoir-faire et d’attitudes permettant d’accomplir un certain
nombre de tâches » (Mission, 1997)
▪ Un ancrage socioconstructiviste en formation des enseignants (une
doxa) : situations-problèmes, construction des savoirs plutôt que
transmission, esprit critique etc.
On peut aussi se demander si cet ancrage socio-constructiviste n’est pas en train de brouiller le
projet scolaire. C’est peut-être plus clair pour les élèves si leur tâche est d’écouter, de faire ce que
le maître dit et de répéter. C’est très certainement plus clair mais est-ce souhaitable ?
Il est donc intéressant de savoir que certains auteurs critiquent l’inspiration socio-
constructiviste de la formation des enseignants car ils considèrent qu’elle est responsable en
partie de la production des inégalités.
➔ En résumé, une valorisation institutionnelle de l’autonomie des élèves dont
l’activité a changé de nature ces dernières décennies (quitte à en brouiller la
finalité ?) : la pédagogie se fait moins instructionniste, magistrale et se focalise

85
sur les processus d’apprentissage qu’il s’agit de soutenir… au risque d’une plus
grande opacité des enjeux d’apprentissage ?

2) Enseignement et inégalités d’apprentissage

a) Difficultés scolaires : qu’en pensent les enseignants ?


Ici, on va s’intéresser à question de la perception par les enseignants des difficultés scolaires.
C’est important d’être conscient que les difficultés se construisent aussi dans l’interaction avec
l’enseignant. C’est l’idée de l’hypothèse relationnelle : expliquer les difficultés des élèves en
termes de malentendus entre ce que font les élèves et ce que l’enseignant attend.

• Explications psychologiques ou neuropsychologiques :


o Inaptitudes, déficit, troubles des apprentissage…
o Une forme de « médicalisation » du discours sur les difficultés scolaires (Morel)
➔ Ce point avait été vu dans le premier cours
• Explications sociologiques :
o Origine extrascolaire des difficultés : manque de moyens ou de soutien dans les
études, handicap socioculturel
o Des interventions externes (par ex : dispositif Devoirs Faits en France)
• L’Hypothèse relationnelle (socio-didactique) : c’est l’idée de mettre l’accent sur l’effet
maître et les pratiques enseignantes.
o Dispositions des élèves / pratiques valorisées à l’école
o Des pratiques qui « font la différence » : effet-maître
o Différentiation passive / différentiation active
b) Étude de Gervois (2020)
Comment l’enseignant se positionne-t-il par
rapport à cela ? Il s’agit de repérer dans quelle
mesure les enseignants sont conscients des
inégalités via les malentendus.
Problématique : Comment les enseignant-e-s
belges du primaire expliquent-ils la difficulté
scolaire ? Effet établissement ? Effet ancienneté ?
Formation ?
Méthode : questionnaire (n=16) / entretien (n=8)
Dans quelle mesure l’hypothèse d’une co-
construction des difficultés entre élèves et
enseignant pourrait être renforcée dans les conceptions des enseignants dans les perspectives
d’agir sur cette co-construction des inégalités.
On voit que la cause de co-construction est première chez les étudiants qui ont un Master et
qu’elle est dernière chez ceux qui n’en n’ont pas et qui ont été formé seulement en haute école.

86
Remarque :
Des résultats encore plus marqués si l’on distingue les items mettant en exergue le rôle de
l’élèves ou des requisits scolaires dans l’hypothèse relationnelle. On voit que les scores sont
encore plus importants quand c’est la responsabilité de l’élève qui est mise en avant que quand
c’est la responsabilité de l’enseignant. Toutefois, c’est assez logique. Dans le dysfonctionnement
de la relation, c’est les autres qui dysfonctionnent.
Il y a donc des enjeux du point de vue de la formation des enseignants pour introduire cette
problématique des malentendus pour permettre aux enseignants de problématiser et de prendre
de la distance par rapport à leur propre pratique.
« Nous émettons donc l’hypothèse que les enseignants considèrent la difficulté des
élèves à décoder les implicites de l’école comme partie prenante du processus de
fabrication de la difficulté scolaire, sans toutefois saisir pleinement le rôle que leurs
propres pratiques pédagogiques peuvent jouer dans ce phénomène »
3) Enseigner plus explicitement ? Quoi ? Qui ? Quand ? Comment ?

a) Un débat d’actualité
Il semble qu’il y a un consensus dans les travaux en éducation pour dire qu’une explicitation
renforcée de ce que l’école ou le maitre attend des élèves est une nécessité pour réduire les
inégalités d’apprentissage.
Pour autant, s’il est facile de s’entendre sur le principe, l’opérationnalisation ne va pas de soi. Il
n’y a pas de consensus sur l’opérationnalisation, ce qui donne lieu à de vifs débats.
Mais des débats vifs sur les modalités :

• Faut-il revenir de « l’approche » par compétence ? Des inflexions à ce niveau dans le


cadre du Pacte pour un Enseignement d’Excellence et des nouveaux référentiels du tronc
commun en particulier
• Limites des explications et les démonstrations des enseignants : principe de la réticence
didactique (cf. paradoxes de Brousseau)
C’est la position instructionniste qui cadre très fort. Certains vont considérer que le principe de
réticence didactique (ne pas tout dire pour que les élèves pratiquent par eux-mêmes, mais
d’autres vont défendre des perspectives d’enseignement plus instructionniste. Ici, c’est la
question du ‘quand’. Est-ce que l’on doit expliciter avant même que les élèves soient engagés ou
alors est-ce qu’on assume le fait de maintenir un certain nombre de sous-entendus parce que
l’on souhaite qu’il y ait quelque chose qui fasse problème pour les élèves pour qu’ils mettent en
œuvre une démarche intellectuelle pour se confronter à un problème. On exerce une forme de

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réticence en assumant le fait qu’il y ait un implicite. Dans ce cas, la problématique de
l’explicitation n’est pas préalable à l’activité de l’élève mais en articulation étroite à l’activité de
l’élève en faisant en sorte que les élèves ne se dispersent pas et ne soient pas dans un registre
intellectuel qui n’est pas celui attendu.

• L’autonomie doit-elle être un principe directeur (l’enseignant n’intervenant qu’au besoin


au plus près de l’activité de l’élève) ou plutôt une visée de second temps (d’abord
exécuter pour ensuite prendre son autonomie)
C’est la problématique de la réticence. Est-ce que comme on vise l’autonomie, elle est première
dans notre enseignement ? On attend que les élèves s’engagent ou alors d’abord on montre aux
élèves avant de petit à petit se dégager et les laisser faire par eux-mêmes. C’est donc la question
des modalités qui consiste à savoir si l’autonomie est un principe qui conduit à laisser cet espace
au départ et à accompagner ou à plutôt voir l’autonomie comme une visée de deuxième plan.
Dans ce deuxième cas, on vise d’abord l’entraînement et puis l’autonomie

• Qui explicite et quoi expliciter ? A quel moment ?


« S’il est assez facile de s’entendre sur ce principe d’explicitation, il est beaucoup
moins évident de le mettre en œuvre. » (Rayou 2018)
Est-ce que c’est l’enseignant qui a la responsabilité de tout expliciter ? C’est la question de savoir
si seul l’enseignant doit porter la responsabilité de faire émerger les problématiques de savoir ou
si c’est aussi un objectif pour les élèves de changer de posture et d’identifier ce qu’il y a à
apprendre par eux- mêmes.
A quel moment ? C’est un peu le même débat que pour la problématique de la réticence. Est-ce
que l’on explicite avant même que les élèves s’engagent dans les tâches ou est-ce que l’on
explicite après la recherche des élèves ou est-ce que l’on explicite et guide pendant l’activité ?
b) Quoi ? quand ?
C’est la question du moment où il y peut y avoir des occasions d’expliciter.

• Début de séance (dévolution) : consigne, but de la tâche prescrite, enjeux d’apprentissage


(nécessairement un peu implicite)
La phase de dévolution chez les didacticiens, c’est tout ce que fait l’enseignant pour que les
élèves sortent du contrat didactique et prennent en charge le problème pour eux-mêmes. Donc,
le principe de dévolution, c’est tout ce qu’on fait pour favoriser l’engagement dans la tâche. Cela
implique de clarifier les consignes et la posture relativement à la consigne.

• En cours de travail (régulation) : suspendre l’activité pour verbaliser les stratégies (ce
qu’il faut faire ou ce que l’on a fait pour réaliser le travail), les identifier, les confronter.
La régulation, c’est le travail d’explicitation qui est central et qui peut être fait au cours du travail.
Quand l’élève est en train de travailler, on le guide et on l’accompagne. On peut avoir une
discussion avec lui sur les enjeux de savoir pour s’assurer qu’il les ait bien compris. Réguler, c’est
donc faire verbaliser les stratégies, les connaissances travailler, etc.

• En fin de la séance (institutionnalisation) : ce que l’on doit retenir du travail, distinguer


l’accessoire de l’essentiel, identifier ce qui pourra être réutilisé dans d’autres situations
L’institutionnalisation est introduite dans un deuxième temps des didactiques. Au départ, il y
avait un ancrage très constructiviste où l’on s’intéressait essentiellement à mettre les élèves dans
une position qui leur permette de vivre la fonctionnalité des savoirs. Cependant, les chercheurs

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se sont rendu compte qu’il fallait aussi des moments où on stabilise les savoirs sinon ils se
perdent après avoir été travaillé. L’idée du processus d’institutionnalisation renvoie au moment à
l’issue d’un travail où on fait le point. C’est faire le point et lever le voile sur ce qu’il y a à retenir
en termes de savoir sur une activité.

• A l’issue de la séance : tisser des liens entre ce qui vient d’être fait, les séances
précédentes et les suivantes (évolution du contrat didactique)
C’est l’idée de clarifier le projet plus global de l’enseignement du point de vue des enjeux de
savoir.
c) Qui explicite ?
Faire expliciter aux élèves :
C’est important de comprendre que l’explicitation ne veut pas dire que c’est l’enseignant qui doit
expliquer. L’objectif, c’est que les enjeux et la posture soient travaillées.

• Pour prendre de la distance, gagner en réflexivité, faire vivre les conceptions erronées et
construire des savoirs (se dégager du faire, processus de « secondarisation », inscription
de son activité dans un registre scientifique)
Faire expliciter aux élèves pour leur permettre de gagner en distance et sortir du faire. On est
dans une posture d’immédiateté de la tâche et de temps en temps on fait un pas par rapport à ça.
C’est l’idée d’avoir une posture seconde par rapport à l’activité de résolution d’un problème.
C’est une posture qi peut être travaillée avec les élèves et faire expliciter permet de prendre de la
distance par rapport à ce que l’on fait.

• Parce que l’explicitation par l’enseignant-e connaît certaines limites : dimension active de
la « réception », risque de la régulation relationnelle des conflits (versus conflit socio-
cognitif – exemple d’Amidou qui accepte les solutions sans se les approprier)
Faire expliciter aux élèves peut aussi être intéressant du fait que l’explicitation de l’enseignant
connaît certaines limites. Il y a également le risque de la régulation relationnelle des conflits qui
peut être mis en lien avec les paradoxes de la négociation chez Brousseau. C’est le risque que si
l’enseignant explicite, l’élève ne se situe toujours pas dans un registre de savoir mais seulement
dans un registre de conformisme.
« Si s’expliciter à soi-même semble une condition sine qua non des apprentissages
scolaires contemporains, encore faut-il que la conduite de la classe amène les élèves
à devoir rendre compte de ce qu’ils font quand ils agissent et à ne pas se satisfaire de
réussir la tâche demandée (Bonnéry, 2007). Les auteurs qui insistent sur cet effet de
contrainte indispensable à la construction de l’autonomie mettent l’accent sur la
nécessité d’installer cette habitude dès le début de la scolarité. » (Rayou 2018)
d) Deux approches (non exhaustif)
Deux approches de la problématique de l’explicitation qui est consensuelle dans l’idée générale
mais pas dans ses modalités pratiques et précises.
1. Concepts de dévolution et d’institutionnalisation (issus des didactiques des disciplines) :
• Même contexte théorique que celui le concept de contrat didactique
On avait vu le problème de la négociation des responsabilités et de l’évolution du contrat
didactique. On s’était demandé comment faire pour augmenter la part des élèves dans le contrat
didactique et il y avait donc une certaine réticence de la part des enseignants à prendre la place

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des élèves. Dans ce contexte théorique, il y a également une réticence à une explicitation qui soit
préalable à l’engagement des élèves.

• L’explicitation est étroitement liée à l’activité des élèves, elle est une dimension du
processus d’enseignement
Cela suppose de positionner la problématique de l’explicitation en articulation avec l’activité des
élèves afin de s’assurer qu’ils mobilisent les savoirs.

• Nécessité d’un engagement des élèves dans les tâches (dévolution)


• Nécessité d’une identification et d’un ancrage des savoirs (institutionnalisation)
Pour que les élèves soient amenés à vivre des conflits socio-cognitifs, cela suppose que
l’enseignant clarifie ce qui a été travaillé et qu’il explique les enjeux de savoir.
➔ C’est une explicitation qui ne s’oppose pas à l’engagement des élèves
2. L’enseignement explicite (mis en exergue à l’UMons par ex) :
Ces didacticiens s’inscrivent dans un enseignement plus sysématiques. C’est un modèle
d’enseignement qui :

• Des leçons en trois temps : modelage (l’enseignant met un haut-parleur sur sa pensée),
pratique dirigée (rétroactions nombreuses) puis pratique autonome
Un modelage, c’est mettre un haut-parleur sur sa pensée. On montre comment on résout un
problème en explicitant toute la stratégie qu’on met en œuvre. D’une certaine manière, on fait un
modèle.

• L’autonomie fonctionne comme une visée de second temps : l’enseignant cadre d’abord
Il y a cette idée de modèle. Cela signifie que l’enseignant montre d’abord et qu’ensuite les élèves
pratiquent, d’abord dans une perspective dirigée et dans un deuxième temps, dans une
perspective de pratique autonome. Ici, l’autonomie est une perspective de deuxième temps.

• Argument prioritaire : réduire la complexité pour limiter la charge cognitive et permettre


les apprentissages.
Du point de vue de la psychologie cognitive, il y a l’idée de la charge cognitive. Ils mettent en
avant qu’on en attend de trop du point de vue de l’engagement cognitif des élèves et que cela
mène à de la confusion pour les élèves.
e) Une conclusion
• Distinction entre les sous-entendus et les malentendus, entre le tacite et l’implicite :
En ce qui concerne les implicites et les malentendus, c’est essentiel de prendre conscience qu’il y
en a et d’en faire une préoccupation systématique pour l’enseignant. Ce n’est pas une stratégie
d’enseignement systématique (disant à l’enseignant comment faire pour éviter les malentendus)
mais c’est plutôt l’idée que, quand on est enseignant, ce sont les préoccupations qu’on a. On ne
peut pas penser que tous les élèves soient dans une posture d’apprentissage. Il faut considérer
qu’il est possible que certains soient dans un autre registre et en ternir compte dans les
interactions. Cela avant même qu’il y ait des difficultés. C’est l’idée d’assumer cette part
d’implicite contrôlée. C’est la différence entre tacite et implicite permet de faire.
« Un sous-entendu est une non-explicitation dont l’enseignant est conscient tandis
qu’un malentendu est un implicite de la situation que l’enseignant ne parvient pas à
expliciter » (dossier du centre Alain Savary)

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• De l’importance de suivre au plus près l’activité des élèves :
Ici, c’est l’idée que l’explicitation est en situation quand l’élève est en train de se confronter à une
activité intellectuelle. Ce qui compte surtout, c’est la sensibilisation à ces enjeux pour pouvoir en
tenir compte.
« Du fait de l’importance de l’explicitation dans les stratégies de lutte contre les
inégalités scolaires, la polysémie de cette notion appelle des apports spécifiques au
cœur de la formation des enseignants. Ceux-ci passent vraisemblablement par une
sensibilisation à ce que l’identification des difficultés des élèves requiert
d’observations de leur travail et de mutualisations entre pairs susceptibles
d’analyser ce qui doit in situ être explicité et la manière d’y parvenir. » (Rayou 2018)
4) À propos des travaux sur les pratiques « efficaces »
Cela correspond à tout un courant de travaux de recherche et de stratégies de management de la
formation des enseignants. Cela consiste à dire qu’il faut ancrer les réformes éducatives dans des
résultats scientifiques solides (evidence-base). On va donc faire de l’éducation comme on
travaillerait en médecine. Quand on veut évaluer un médicament, on le test sur un groupe
échantillon. On pourrait penser l’éducation de la même manière et donc on va tester des
nouvelles stratégies d’enseignement sur des groupes témoins et regarder les effets.
C’est le courant de recherche que l’on va aborder dans cette partie. Il est essentiellement Nord-
Américain.
a) Remarque 1 : efficace pour quoi ?

• Perspective didactique : importance de ne pas perdre de vue les effets des pratiques
enseignantes sur les savoirs enseignés (transposition didactique interne).
Quel sens cela pourrait avoir de parler de ‘pratiques efficaces’ ? Le problème n’est pas construit
quand on aborde l’éducation comme si c’était un objet neutre sans enjeux politiques, sans objet
de société.
L’efficacité n’est pas une propriété en soi d’une pratique d’enseignement. On ne peut dire que
quelque chose n’est efficace que relativement à une autre pratique. On n’est pas efficace en soi,
on est plus efficace qu’autre chose. Dès lors, à quoi ont été comparée ces pratiques-là ?
Aussi, l’école n’est pas un objet neutre. Il y a un projet politique. Décider d’enseigner les
compétences n’est pas un choix d’efficacité mais c’est un choix politique en termes d’objectif
pour l’école. Dès, c’est efficace pour quoi ? Pour enseigner des compétences, de l’autonomie, des
procédures ? Est-ce que l’on peut envisager qu’il y a des pratiques qui sont efficaces pour tout ?
On remarque que dans ces discours sur l’efficacité, la nature des choses qui sont enseignées n’est
presque pas abordée. Qu’est- ce qui est mesuré comme effet ?
Il y a aussi l’importance de ne pas perdre de vue les effets des pratiques d’enseignement sur les
savoirs enseignés. Si on compare deux pratiques d’enseignement, on voit qu’elles produisent des
choses différentes, elles produisent des apprentissages différents et parfois travaillent des
contenus différents. Par conséquent, il n’y en n’a pas un qui est plus efficace que l’autre. Il y a
cependant, deux productions sociales qui sont différentes et on peut considérer que l’une est
plus souhaitable que l’autre mais ce n’est pas juste une question d’efficacité. C’est une question
éthique ou de valeur.

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On ne peut pas considérer que deux pratiques enseignantes visent le même objectif. C’est
considérer que les savoirs sont des choses évidentes et qu’on enseigne des mêmes choses sur les
différentes écoles. Ce n’est pas une question d’efficacité.
C’est donc important d’être attentif à ce que l’enseignement produit en termes de contenu plutôt
que d’avoir un discours naïf sur ce qui serait efficace et qui naturalise les contenus et font comme
si toutes les pratiques d’enseignement avaient les mêmes effets relativement au même objectif.
o Par exemple (Rosenshine, 1997):
“Rosenshine and Stevens (1986) summarized this research and concluded that
across a number of studies, when effective teachers taught well-structured skills and
expository material, the teachers used the following procedures:
Begin a lesson with a short review of previous learning.
Begin a lesson with a short statement of goals.
Present new material in small steps, providing for student practice after each step.
Give clear and detailed instructions and explanations.
Provide a high level of active practice for all students.
Etc.”
Il nous dit que c’est ce qu’il trouve dans ses recherches mais seulement pour les contenus qui
sont bien structurés. Cela a été évalué et vérifié pour des choses qui peuvent être bien
structurées (algorithmes) ou pour la mémorisation de certaines choses.
o Ou encore (Rosenshine, 1983) :
« These findings are least applicable for teaching in areas which are « ill-
structured », that is, where skills to be taught do not follow explicit steps, or areas
which lack a general skill which is applied repeatedly. »
« How would one teach two-digit multiplication (54 x 7) using these steps ? »
« For example, when teaching a word list etc. »
(Rosenshine, 1983)
Ces résultats sur les pratiques efficaces seraient moins pertinents pour des enseignements de
domaines qui seraient mal structurés. C’est quelque chose qui est difficile à entraîner. Il n’y a pas
d’algorithmes.
Voir aussi Rey & Carrette (2020) pour le développement d’idées similaires
b) Remarque 2 : une notion relative
A quoi on compare ? C’est le caractère relatif.

• L’efficacité est toujours relative : plus efficace que quoi ?


o L’instruction directe : la pédagogie la plus efficace ?
Les pratiques d’enseignement instructionnistes ont parfois été comparées avec ‘la découverte
libre/non assistée’. La pédagogie libre, c’est l’enseignant qui donne la pédagogie par projet. Il
donne la tâche et laisse les élèves en toute liberté chercher par eux-mêmes. Il y a un faisceau de
travaux qui laissent penser que l’objectif d’une guidance minimale n’est pas un objectif qui est
synonyme de plus grande réussite. On peut donc en déduire que l’accompagnement sert et est
utile aux apprentissages.
On a comparé quelque chose avec des pratiques qui sont « la découverte non-guidée » et ces
travaux ont déduit qu’il n’y a pas vraiment d’efficacité sur les apprentissages. Leur conclusion est

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donc que l’instruction directe par modelage est plus efficace que la découverte libre. Toutefois
cela ne concerne qu’un faible nombre des enseignements.
Dans l’immense majorité des pratiques d’enseignement, les enseignants accompagnent les
élèves. On est rarement sur des pratiques qui sont complètement de la découverte libre sans
aucun accompagnement de l’enseignant.
Cependant, si on veut dire que quelque chose est plus efficace, il faudrait le comparer aux
pratiques qui sont réellement en cours dans les établissements d’enseignement. Donc, ce texte
dit que l’instruction directe par modelage est plus efficace que la découverte libre mais pas
forcément que la découverte accompagnée.
o Méta-analyses de Alfieri, Brokks, Aldrich, Tenebaum (2011) :
▪ Plus efficace qu’une pédagogie de la découverte (unassisted discovery)…
▪ … mais moins efficace qu’une pédagogie de la découverte accompagnée ?
➔ Importance de ne pas opposer superficiellement engagement des élèves et
accompagnement de l’enseignant.
➔ Donc, d’une part quand quelqu’un affirme que quelque chose est efficace, c’est
important de se demander plus efficace que quoi ? est-ce que l’on a bien testé
toutes les alternatives ?
➔ C’est essentiel de ne pas superficiellement identifier la question de l’engagement
des élèves, le fait de proposer des activités problématisées et le fait que
l’enseignant se mette sur le côté et ne fasse rien. Ce n’est pas parce que l’on
propose des problèmes qui supposent un engagement et une recherche que cela
veut dire que l’enseignant est inactif et laisse complètement faire. Ce sont des
écueils d’associer les théories constructivistes/socio- constructivistes avec l’idée
de dire que ce sont des pédagogies dans lesquelles l’enseignant ne guide pas.
➔ Donc si on se demande si quelque chose est mieux, par rapport à quoi et
pourquoi ?
• Autre remarque issue du même article (efficace pour qui ?) :
L’instruction directe, quand elle est comparée à la pédagogie non guidée, semble plus efficace
mais cela vaut davantage pour les adolescents que pour les adultes. Ce qui est efficace dans un
enseignement primaire ne l’est peut-être pas autant dans l’enseignement secondaire. Aussi, il y a
la question du contexte (enseignement qualifiant, de milieu populaire, etc.).
« Adolescents were found to benefit significantly more from explicit instruction than
did adults » (cas de la comparaison instruction directe / découverte non guidée).
Il y a un levier pour réduire partiellement les inégalités en ayant des pratiques plus explicites.

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