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Didactique et pédagogie, deux termes, deux notions souvent confondues…

Qu’est-ce que la didactique ?

Notre propos ici n’est pas de vouloir opposer les deux démarches au terme d’une subtile
opération de différenciation, mais plutôt de tenter de dégager, aujourd’hui, les préoccupations,
qui, pour tout enseignant, relèvent de la didactique, d’en définir les contours, pour qu’à terme,
l’objet qui nous réunit aujourd’hui – à savoir la didactique – prenne sens, et qu’il y ait une
conscience commune de l’importance de la démarche didactique, de sa problématisation dans
la professionnalisation enseignante. A partir du moment où l’on veut se préoccuper d’installer
des situations d’enseignement-apprentissage, où l’on prétend vouloir enseigner une discipline,
il est nécessaire de s’intéresser à l’ «objet » didactique.

Finalement, on parle de quoi quand on parle de didactique ? Quel est son champ spécifique
dans ce grand tout qu’est la pédagogie et dans lequel on l’englobe, sans la distinguer? Quelle
est son importance dans la constitution des compétences professionnelles de l’enseignant ?

Selon Samuel Joshua (professeur de sciences de l’éducation à l’université de Provence et


didacticien des mathémathiques) : « Apprendre le théorème de Pythagore, c’est buter sur des
obstacles épistémologiques auxquels tous les élèves sont confrontés. La didactique ne
concerne peut-être que 15 % de ce qui se passe en classe, mais il s’agit de 15 %
déterminants."1

(Epistémologie… histoire des concepts scientifiques, science des connaissances, science qui
s’intéresse à comment s’accroissent et se construisent les connaissances …)

Ainsi, enseigner l’anglais à Paul, c’est prendre en compte la personne de Paul et le système
qui l’englobe (préoccupation pédagogique) mais aussi l’anglais comme discipline
(préoccupation didactique). La discipline ne s’impose pas en soi ; elle nécessite une part de
traitement de l’enseignant.

La démarche didactique.

La démarche didactique elle-même pourrait être comparée à la démarche d’un funambule qui
passe constamment d’une plate-forme à l’autre : d’une part, la matière enseignée avec son
contenu scientifique, d’autre part, l’acte concret d’enseignement avec son travail sur le terrain.
Pour passer de l’un à l’autre, il faut des théories, des techniques, des concepts
opératoires.(d’après l’Encyclopédie Universalis…)

L’approche didactique peut intervenir en deux temps distincts par rapport à la classe :

En amont de la réflexion pédagogique, en prenant en compte les contenus d'enseignement


comme objet d'étude : repérage des principaux concepts, leurs évolutions dans l’histoire de la

1
http://parcours-diversifies.scola.ac-
paris.fr/manuel/fairedeladidactique/centre.htm

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discipline, leur arrivée dans l’enseignement, analyse des pratiques sociales de référence, étude
des transpositions didactiques… La didactique propose des grilles de lecture des difficultés
possibles rencontrées par les élèves, des noyaux durs qui doivent attirer notre attention, et sur
lesquels il faut envisager du temps en plus et des dispositifs pédagogiques plus adaptés.

En aval, en approfondissant l'analyse des situations de classe pour mieux comprendre de


l'intérieur comment cela fonctionne et ce qui s'y joue. L'étude des représentations des élèves,
de leurs modes de raisonnement, de la manière dont ils décryptent les attentes de l’enseignant.
Mais aussi l'analyse du mode d'intervention de l'enseignant. Il s’agit d’arriver à lui suggérer
une gamme de possibles et non un enfermement dans une modalité unique d'interventions.1

Deux objets essentiels de la didactique : la discipline et le rapport des élèves au savoir

La didactique met d’abord l’accent sur la discipline qu’il s’agit d’enseigner.

Ainsi, la première préoccupation évidente sera de connaître sa discipline : mais les itinéraires
très diversifiés en F.I., l’évolution rapide des connaissances et des techniques rend improbable
un cursus complet pour chacun. Ainsi, souvent, l’enseignant est en situation de dépendance
par rapport au manuel, aux I.O.(qu’il doit absolument connaître), à des phénomènes de mode
à un ensemble de données qu’il n’aura pas le temps de décrypter et de mettre en perspective.
La capacité d’innovation s’en trouve réduite.

Deux point de vigilance donc pour l’enseignant :

- les connaissances vieillissent vite : nécessité d’une information et d’une auto-


formation régulières. Au bout de 7 ans de pratique, par la routine quotidienne, on
constate une grande érosion du processus de formation initiale.
- La discipline est chose vivante et évolutive. Or, tous les indicateurs convergent : la
didactique occupe peu de place dans la réalité et la formation de l’enseignant moyen.
Les programmes sont plutôt conservateurs même s’ils sont revus tous les 4 ans
environ. Il faut aller chercher l’information au-delà. Rendre les savoirs vivants, les
présenter comme évolutifs, les problématiser stimule les élèves.

On ne peut faire non plus l’économie d’une réflexion sur le rapport des élèves au savoir

Les propos qui vont suivre sur ce thème sont directement inspirés de Michel Develay2
(professeur de sciences de l’éducation à Lyon 2, instituteur et docteur en didactique des
disciplines).

Les disciplines enseignées induisent un certain rapport de l'élève au savoir. Ce rapport au


savoir peut être analysé comme un rapport de l'élève à lui-même (dimension psychologique),
comme un rapport de l'élève aux autres (dimension sociologique), et comme un rapport de
l'élève au monde (dimension épistémologique).

1
http://parcours-diversifies.scola.ac-
paris.fr/manuel/fairedeladidactique/centre.htm
2
http://www.ac-grenoble.fr/occe26/printemps/develay/didactique.htm

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La dimension psychologique du rapport au savoir

Le sujet doit établir une distance critique vis-à-vis du savoir auquel il se trouve confronté. Par
exemple, devoir traduire en anglais « J'ai eu une mauvaise note » ou « ma mère est tombée
gravement malade » nécessite que l'on ne se dise pas que sa propre personne ou que sa propre
mère sont en jeu. De même, résoudre à l'école primaire un problème tel que « J'ai perdu ou j'ai
gagné... »,ou , lors d'un exercice de statistiques au lycée : « Quel est le pourcentage de
chances pour que... ? » implique de ne pas s'identifier au sujet impersonnel de l'énoncé du
problème. Par ailleurs, le savoir est une réponse à des questions que l'homme se pose sur le
monde. Ce qui conduit notamment à penser qu'on ne devient pas professeur d'une discipline
donnée pour n'importe quelles raisons, et que les élèves « accrochent » ou « décrochent »
d'une discipline selon qu'elle fournit des réponses aux questions qu'ils se posent sur le monde.
Jacques Nimier a montré que certains professeurs de mathématiques ont un rapport ludique
avec cette discipline dès leur enfance et mettent aujourd'hui l'accent sur des situations
heuristiques avec leurs élèves. D'autres évoquent comment les mathématiques les ont
conduits, dès leur jeune âge, à ne distinguer le monde qu'en termes de juste et de faux, sans
intermédiaires entre les deux; cette vision les amène, en tant qu'enseignants, à mettre l'accent
sur l'ordre et la rigueur des mathématiques

La dimension sociologique du rapport au(x) savoir(s)

Le rapport aux savoirs scolaires s'enracine dans l'attitude familiale à l'égard de la culture. Il
est des familles dans lesquelles le rapport au savoir est un rapport de distinction (on cherche à
savoir pour montrer qu'on sait) et d'autres pour lesquelles il s'agit d'un rapport de
fonctionnalité (on cherche à savoir seulement lorsqu'on a besoin d'agir). Il y a aussi des
familles dans lesquelles s'exprime le goût du savoir pour le savoir. Les professeurs de
mathématiques dont nous venons de parler constituent une bonne illustration de ce rapport au
savoir.

Pour les enfants issus de milieu modeste, réussir à l'école nécessite d'être réassurés sur la
légitimité de leur ambition au regard des valeurs familiales, implique de comprendre que
celles-ci ne seront pas abandonnées pour autant (cf R.Sirota, l’école primaire au
quotidien,…la leçon de vocabulaire…). A l'inverse, échouer constitue parfois une solution
pour conserver le sentiment de faire partie d'un clan pour lequel le savoir est affaire
d'appartenance à une autre classe que la sienne.

La dimension épistémologique du rapport au savoir

Les disciplines scolaires empruntent plus aux savoirs universitaires qu'à des pratiques
sociales. On pourrait enseigner une biologie en lien direct avec la médecine, l'agriculture ou
les pratiques sportives. L'enseignement viserait alors à conserver en bonne santé ses plantes
d'appartement, à diagnostiquer certaines affections bénignes et, le cas échéant, à
s'automédicamenter, à être capable de penser en termes d'engrais et de cultures non
destructrices des sols, à améliorer sa physiologie sportive.

L'épistémologie des savoirs scolaires a notamment pour projet de préciser les contenus
enseignés. Michel Develay a ainsi suggéré de considérer une discipline scolaire en termes

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d'objets, de connaissances déclaratives et de connaissances procédurales, de tâches et de
matrice disciplinaire. Que désignent ces différents termes ?

Les objets dont nous parlons sont les matériaux qu'une discipline utilise en vue de son
enseignement (livres, objets utilisés dans les enseignements scientifiques, logiciels, etc.).

Les connaissances déclaratives correspondent aux connaissances formelles (une règle de


grammaire, une définition de géographie, une loi de physique, un théorème de
mathématiques), tandis que les connaissances procédurales concernent les savoir-faire. Savoir
calculer la valeur du rayon d'un cercle en connaissant son aire est une connaissance
procédurale, comme savoir rédiger l'introduction d'une dissertation. Une des questions clés
des apprentissages scolaires est de comprendre comment s'opère chez les élèves le passage
des connaissances procédurales aux connaissances déclaratives et vice versa.

Une tâche est un but à atteindre dans des conditions déterminées. Résoudre un problème de
mathématiques est une tâche, comme écrire une dissertation en français ou arbitrer un match
en éducation physique et sportive.

La matrice disciplinaire correspond au critère d'intelligibilité de la discipline. Hier, la matrice


disciplinaire de l'enseignement du français relevait de la littérature, puis elle a correspondu à
la compréhension de la langue. Aujourd'hui, elle se centre sans doute sur la compréhension de
la spécificité des formes d'écrits. Hier, la matrice de l'enseignement de la géographie se
centrait sur la géographie physique comme déterminant la géographie humaine (la répartition
de l'homme dans la nature). Aujourd'hui, la matrice disciplinaire de cette discipline emprunte
à la « nouvelle géographie », attentive aux stratégies, aux décisions et aux enjeux des acteurs
pour aménager le territoire.

En conclusion, la didactique permet à l'enseignant de mieux comprendre le rapport de l'élève


aux savoirs. Ceux-ci ne peuvent prendre du sens pour l'élève qu'à la condition d'être
successivement regardés par lui comme en extériorité (le rapport au savoir est ce qui permet
de comprendre les autres et le monde) et en intériorité (le rapport au savoir est ce qui permet
de se comprendre).

[Intervention de Marie sur quelques notions-clés utilisées en didactique]

(Reprise par M-F)

L’obstination didactique : une dérive possible.

Une centration excessive sur la discipline peut amener à des dérives. L’enseignant qui a
investi son programme, et plus, en ayant développé une progression sans faille peut acquérir
le sentiment d’une maîtrise intellectuelle gratifiante et espère réussir avec ses élèves. Danger !
Les situations purement didactiques peuvent acquérir une autonomie et se trouver alors en
décalage avec le contexte de la classe, car elles ont tendance à privilégier l’activité et le temps
de l’enseignant au détriment du temps d’apprentissage par l’élève. Elles ont tendance à

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vouloir tout maîtriser de l’élève au risque de l’oublier comme personne. On est alors non loin
du « dressage ».

C’est ce que pointe P. MEIRIEU3 (que l’on ne présente plus, qui a développé un site fort
intéressant) lorsqu’il met l’accent sur la contradiction entre l’obstination didactique et la
tolérance pédagogique.

[P.2 MEIRIEU ]

Du côté de l’obstination didactique, l’enseignant serait animé d’un volontarisme instrumental


et d’une obstination à inventer des ruses pour obtenir des acquisitions et des comportements
définis à l’avance.

Du côté de la tolérance pédagogique, l’enseignant ne serait animé que par son désir de
respecter le développement personnel et les potentialités du sujet, de l’élève qu’il doit
accompagner.

On peut retenir du même auteur cette synthèse, à considérer comme les points de vigilance de
la démarche didactique, afin de ne pas sombrer dans une didactique du dressage.

[P.11 + P.18 MEIRIEU]

Il s’agit de garder les acquis de la didactisation, tout en dégageant la didactique de la maîtrise.

En ce qui concerne les acquis de la démarche didactique, Meirieu affirme la nécessité de


conserver le regard porté sur l’école :

-comme lieu du sursis à la sanction sociale

-comme lieu de la progressivité

-comme lieu de l’exhaustivité

-comme lieu de l’égalité des chances et de lutte contre l’aléatoire des apprentissages

Mais il affirme parallèlement la nécessité de se déprendre de l’illusion de maîtrise, de la


tentation de toute-puissance didactique :

-en retrouvant l’unité de l’intention d’apprendre contre la segmentation programmatique

-en rendant le sujet maître de ses propres stratégies d’apprentissage.

-en le rendant capable d’assurer lui-même sa propre formation et de décider de son destin.

En conclusion de ces propos, je voudrais vous faire partager cette affirmation du même
auteur : « La maîtrise didactique, pour ne pas être mortifère, suppose que celui qui l’exerce se
déprenne de son pouvoir au moment même où il exerce ce pouvoir… »4

3
http://www.meirieu.com/COURS/cours12.pdf

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Faire la classe : didactique et pédagogie. (et non didactique ou pédagogie)

Faire la classe, c’est être attentif simultanément aux deux dimensions, pédagogique et
didactique.

Ainsi faire travailler les élèves en groupe correspond à un projet pédagogique qui n’a de sens
que par rapport à sa justification didactique. Tout enseignant qui désire utiliser le dispositif
« travail en groupe » doit se poser d’abord des questions d’ordre didactique, par exemple :

-L’objet visé de l’apprentissage – qu’il soit savoir, savoir-faire ou savoir-être – se prête-t-il à


cette approche ? En quoi ce travail de groupe apporte-t-il un plus aux élèves dans
l’appropriation des connaissances ?

-Quels sont les supports les plus favorables à l’approche du concept, ou de la méthodologie ou
du comportement qui est visé, en fonction du niveau des élèves ?

-Si je me réfère aux théoriciens du conflit socio-cognitif, comment vais-je organiser


idéalement mes groupes pour qu’il y ait écart cognitif suffisant entre les membres pour que la
déstabilisation s’opère, mais pas trop afin d’éviter les blocages cognitifs et finalement la
régression ?

-Quels apports du professeur seront nécessaires et quand ?

-….et bien d’autres questions, je ne peux épuiser le sujet maintenant !

Mais ces questions d’ordre didactique vont être accompagnées de soucis d’ordre pédagogique,
par exemple :

-Comment prendre en compte les relations socio-affectives de mes élèves dans le groupe-
classe ?

-Comment répartir les tâches, les rôles et les supports d’apprentissage pour que tout le monde
travaille dans le groupe ?

-Quelle dimension vais-je donner à la production du groupe ? (Gratification sociale…)

-Quel accompagnement de la gestion des groupes, quelle autonomie ?

-…et bien d’autres questions encore !...et je n’ai pas abordé la question de l’évaluation…

Par ailleurs, s’intéresser aux représentations des élèves relativement à un domaine de


connaissance, ce qui traduit un projet didactique, implique de choisir telle ou telle pratique
pédagogique. Je ne vais pas multiplier les exemples.

Ainsi, pour le praticien, il est impératif de tenir les deux bouts de la chaîne. Revenons à
l’affirmation du début : il est nécessaire d’acquérir une culture et un savoir-faire didactiques

4
http://www.meirieu.com/COURS/cours12.pdf

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même si la didactique ne concerne peut-être que 15% de ce qui se passe en classe, il s’agit de
15% déterminants.

Je vous souhaite à tous un bel avenir didactique et pédagogique…

."

"Je rencontre des grosses difficultés avec mes classes, alors que j’ai super préparé toutes
mes séquences et ma progression."

"Je rencontre des grosses difficultés avec mes classes, alors que j’ai super préparé toutes
mes séquences et ma progression."

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