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Au
cours de son évolution dans l’histoire, la philosophie de l’art a perdu son sens préétabli par les
présocratiques. C’est ce qui a sans aucun doute attiré l’attention de Martin Heidegger et lui a
poussé à souligner “l’oubli de l’art ”. Le mot “oubli” est un terme fondamental de l’ouvrage
Etre et Temps qui ne traduit pas un sens classique de « perte de mémoire », mais doit être compris
dans le sens de (prendre à la place de... .). De l’allemand “Behalten”, le mot “oubli” signifie
(conserver dans la mémoire). Donc lorsque Heidegger souligne “l’oubli de l’art ”, il signifie :
« La fausse évidence d’un dogmatisme latent, du sens de l’art, conservé dans la mémoire. »1
Par ailleurs, Heidegger définit “l’art” comme « la mise en œuvre de la vérité »2 Autrement dit,
“l’art” est ce par quoi la vérité comme dévoilement de l’Etre se manifeste.3 Ce qui signifie
simplement que, l’art révèle la vérité. Ainsi, Heidegger se sépare de la pensée Platonicienne,
selon laquelle l’art est source d’ « illusion »4 (voilement). Heidegger pose donc, le problème de
l’oubli de l’art et de son sens (de l’art). En définissant le mot “dévoilement” au sens
Heideggérien comme le processus par lequel se donne à voir la vérité sans opacité5 ; on se
poserait les questions suivantes : l’art est- il source de voilement ou de dévoilement ? Quel est
l’apport de la conception de l’art comme dévoilement dans la métaphysique Heideggérienne ?
Dans la tradition Platonicienne, l’art est perçu comme source de « voilement », en ceci
que l’essence de l’œuvre d’art est une simple apparence. Platon définit l’art comme “mimésis”.6
Etymologiquement, le mot “mimésis” vient du grec “mimêsis” qui signifie “imiter”. Donc, l’art
chez Platon est définit comme imitation de la réalité. L’artiste, selon Platon, est celui qui se limite
à imiter la nature. Ainsi, l’art n’est que la copie d’une copie et occupe la troisième position dans
l’ordre des réalités (d’abord dieu (l’idée), ensuite l’artisan et enfin l’artiste).7 Mais plus encore,
selon Platon, l’art comme imitation « éloigne du troisième degré de la pure réalité (la vérité).»8
L’art ne serait alors, qu’un mensonge, qu’une tromperie, qu’une illusion, en ceci qu’elle nous
détourne de la vérité. En clair, Platon condamne l’art et en particulier la poésie, qui « ne nous
montrent des choses qu’une vaine image, et nous trompent sur leur être véritable.»9 Donc, pour
Platon l’art ne saurait conduire à la vérité au contraire, elle nous éloigne. Cette thèse
Platonicienne est aussi présente vers la fin de la période moderne par la pensée de Schopenhauer.
1
J. VAYSSE, Dictionnaire Heidegger, Paris, Ellipses, 2007, p.118.
2
M. HEIDEGGER, Chemins qui mènent nulle part, Paris, Gallimard, 1962, p. 85.
3
J. SAUVAGE, “Conférences, ” in Martin Heidegger et l’Origine de l’œuvre d’art, 1993, pp. 44.
4
PLATON, La République, 88b.
5
J. VAYSSE, Dictionnaire Heidegger, Paris, Ellipses, 2007, p.11.
6
Nathalie Kremer, Préliminaires à la théorie esthétiquedu XVIIIe siècle, Kimé, Paris, 2008, p.10
7
PLATON, La République, 595a -621b.
8
Id.
9
Ib, VII.
1
Selon Schopenhauer, la poésie est l’art de l’imagination. D’ailleurs, Schopenhauer écrit : « La
plus simple et la plus juste définition que je puisse donner de la poésie, c’est de dire qu’elle est
l’art de mettre en jeu l’imagination. »10 Or l’imagination n’est que pure illusion, elle s’oppose à
la vérité, en ceci qu’elle nous induit en erreur.11 En clair, selon Schopenhauer, l’art poétique en
tant qu’imagination est un discours d’erreur (non-vrai).12
Au vu des arguments ci-dessus, qui présente l’art comme voilement ; quelle est la conception
Heideggérienne de l’art ?
10
A. SCHOPENHAUER, Le monde comme volonté et comme représentation, (trad.) Auguste Burdeau, Paris, Félix
Alcan, 1912, p. 1326.
11
Ib, p.141.
12
Ib, p.342.
13
J. VAYSSE, Dictionnaire Heidegger, Paris, Ellipses, 2007, p.182.
14
M. HEIDEGGER, Chemins qui mènent nulle part, Paris, Gallimard, 1962, p. 85.
15
M. ZARADER, Heidegger et les paroles de l’origine, Paris, Vrin, 1986, p. 187.
16
D. PIERRE, Les présocratiques, La Pléiade, Gallimard, Fragment I, 1988.
17
L’Etre de l’allemand (Sein) qui répond au sens de « il y a » qui pointe à une existence. Donc le (sein) est l’Etre
de l’Etant. (Jean-Marie Vaysse, Dictionnaire Heidegger, Paris, Ellipses, 2007, p.56)
18
M. ZARADER, Heidegger et les paroles de l’origine, Paris, Vrin, 1986, p. 191.
2
Dans l’ouvrage Heidegger : Chemins qui mènent nulle part, Heidegger écrit : « L’art est :
la sauvegarde créant la vérité dans l’œuvre. L’art est donc un devenir et un advenir de la
vérité.»19 Différent du sens du mot “avenir”, le mot “advenir” de l’allemand “zukomme ” (à
venir) pointe vers l’expression : “laisser être ou montrer”. Donc, dire que la poésie est l’advenir
de la vérité ; cela revient à dire que, la poésie est la manifestions de la vérité. Puisque, c’est à
travers la poésie que la vérité paraît. En clair, l’art poétique comme advenir révèle, dévoile la
vérité. L’œuvre d’art qui fait advenir la vérité comme dévoilement est aussi le moyen par lequel
l’accès à l’Etre est possible. C’est en ce sens que nous avons dit à l’introduction que l’art est :
« la mise en œuvre de la vérité.»20 Il serait tout à fait tenable de dire que l’art est l’advenir de
l’Etre. Lorsque Heidegger pense la poésie comme monstration, dévoilement de la vérité, c’est
parce que la poésie lève le voile et montre sans opacité la vérité de l’Etre. Ainsi, poésie et vérité,
formant un monisme, sont désormais réductibles à un seul principe : le dévoilement de l’Etre.
Heidegger pense donc l’art comme dévoilement ; mais Quel est l’apport de la conception de
l’art comme dévoilement dans la métaphysique Heideggérienne ?
Au demeurant, nous pouvons affirmer que, la thèse Platonicienne de l’art est révolue et
fait place à la thèse Heideggérienne de l’art comme dévoilement. Le fondement de cette thèse
Heideggérienne repose sur le fait que l’art (poésie) et la vérité sont indissociables, en ceci que :
« L’œuvre manifeste la vérité, elle dévoile l’Etre et c’est ce en quoi réside son essence22. »23
L’essence de l’art serait donc : « le se mettre en œuvre de la vérité de l’étant. »24
19
M. HEIDEGGER, Chemins qui mènent nulle part, Paris, Gallimard, 1962, p. 81.
20
Ib, p. 85.
21
J. VAYSSE, Dictionnaire Heidegger, Paris, Ellipses, 2007, p.118
22
Le mot «Essence » doit être compris non comme une essence Platonicienne, planant au-dessus des sens des
formes ; l’essence de l’Allemand (Wesen) est le mode de déploiement de l’Etre. (Jean-Marie Vaysse, Dictionnaire
Heidegger, Paris, Ellipses, 2007, p.55)
23
M. HEIDEGGER, Origine de l’œuvre d’art, Paris, Gallimard, 1987, p. 33.
24
Ib, p. 35.
3
BIBLIOGRAPHIE
7) Marlène Zarader, Heidegger et les paroles de l’origine, Paris, Vrin, 1986, p. 187.
8) Nathalie Kremer, Préliminaires à la théorie esthétiquedu XVIIIe siècle, Kimé, Paris,
2008.
9) Platon, La République, Paris, Garnier Frères, 1976.