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Explication du texte de Hegel

Si dans ce passage fameux de « Esthétique » Hegel s’attache à réfuter Platon en considérant


que l’Art ne saurait être une imitation de la nature c’est pour tenter de montrer que l’art
exprime d’une certaine manière la Vérité. Celle-ci doit réconcilier l’universel et le particulier
à travers la singularité de l’œuvre. En même temps la « beauté » se manifeste dans cette
expression de « l’esprit ». « L’Esprit », il faut le souligner d’emblée pour contextualiser le
propos de Hegel, et donc s’ouvrir la possibilité de comprendre ce texte, se confond avec la «
Raison » à l’œuvre dans les choses. Avec « Dieu » si l’on préfère. (Il s’agit là d’un présupposé
autoritaire en quelque sorte !)
On peut voir deux moments dans ce texte qui constituent un double argument en faveur
d’une thèse négative (Le but de l’art n’est pas d’imiter):
1/ Hegel s’évertue d’abord à montrer que l’artiste et le récepteur s’ennuient à la simple
copie de la nature, la copie étant toujours inférieure à son modèle. De ce point de vue, Hegel
rejoint Platon.2/ Ensuite il s’agit de montrer qu’on préfère la création de n’importe quel
objet technique à l’imitation. On désire s’exprimer soi-même, être créateur. Par conséquent
le but de l’art est d’exprimer le vrai (à travers soi, la subjectivité) et non de représenter la
nature (l’objectivité).
C’est pourquoi :
-La beauté exprime des Idées (Comme chez Platon)
-La beauté artificielle (celle de l’expression de soi, id. de l’esprit) dépasse la beauté naturelle.
(Contre Platon et Kant)
-L’art requiert la liberté humaine, id. une volonté libre capable de créer des objets.

Il faudra éclaircir ces concepts dans l’explication, en voir les présupposés, renvoyer à Platon
et Kant.

Remarques : il s’agit d’identifier les enjeux et les présupposés du texte.


1/ Quelle finalité Hegel attribue-t-il à l’art ?
2/ Comment articuler vérité et beauté ?
3/ Comment articuler singularité et universalité´ ?

Car si, en effet, le but de l’art n’est pas d’imiter, de représenter mais si de fait une peinture,
par exemple, représente quelque chose de quoi s’agit-il ? Quel est le but ?
Nous pouvons diviser le commentaire en trois parties, les deux premières s’intéresseront aux
deux premiers paragraphes, la dernière tentera de dégager l’intérêt de cet extrait.

1/

a/Pourquoi cherche-t-on à imiter la nature ? On attribue habituellement cette finalité à


l’activité artistique. Par « nature » comprenons d’abord ce qui existe avant la culture, le
monde physique non technique, pas uniquement les paysages. Par « art » entendons une
activité technique qui ne vise pas l’utilité mais une forme de contemplation. Hegel vit entre
la fin du 18 siècle et le début du 19 siècle, à une époque où l’on voit l’essor de l’esthétique,
science du beau. Les beaux-arts, la peinture en particulier représentent les choses. On
viserait par là à en capturer la beauté : « capturer », c’est à dire saisir et restituer. Cette
capture vise au fond à produire un objet qui sera « conservé et transmis à des époques à
venir et porté à la connaissance d’autres peuples ». L’auteur présuppose donc une finalité
au-delà du mimétisme : la recherche d’une sorte de « vérité « éternelle. « Vérité » et
« éternité » signifient : ce qui ne périt pas.

b/Or, l’artiste cherche bel et bien sa propre reconnaissance dans la production. Il reconnait
son habilité et s’en réjouit. Mais cette opération rencontre une double frustration :

- D’une part il s’agit d’une imitation et non de lui-même : « cette joie et cette admiration de
soi-même ne tardent pas à tourner en ennui et mécontentement ».

- Et d’autre part l’imitation demeure toujours inférieure au modèle : « il y a des portraits


dont on dit assez spirituellement qu’ils sont ressemblants jusqu’à la nausée ». Cette nausée
provient non pas d’un modèle qui serait laid, mais de l’illusion de la copie : seul le modèle
est authentique, donc vrai. On retrouve ici la critique platonicienne adressée à l’art.
2/

a/Dans la seconde partie de cet extrait Hegel s’attache à montrer, par un argument finaliste
en définitive (La nature ne fait rien en vain !), que la recherche de reconnaissance se trouve
bel et bien au cœur du processus de création. En effet l’homme trouve davantage de plaisir à
créer qu’à imiter : cela vaut en première instance pour l’objet technique. « Tout objet
technique, un navire par exemple ou plus particulièrement un objet scientifique, doit lui
procurer plus de joie, parce que c’est sa propre œuvre, et non une imitation ». Ne voyons
pas ici une préférence pour l’objet utile : il s’agit de montrer que si l’art visait l’imitation,
c’est à dire la reproduction, il serait inférieur à la technique pure. Nous avons donc affaire à
un raisonnement par l’absurde.

b/Car la supériorité de la beauté artificielle sur la beauté naturelle est un présupposé de cet
extrait. Or l’art vise la beauté et non l’utilité : cette beauté ne peut venir que de la création.
Ainsi « le plus mauvais objet technique a plus de valeur à ses yeux ; il peut être fier d’avoir
inventé le marteau, le clou, parce que ce sont des inventions originales, et non imitées. » Ce
qui compte c’est le fait que la subjectivité s’exprime. L’art est expression avant d’être
représentation. « L’homme montre mieux son habilité dans des productions surgissant de
son esprit qu’en imitant la nature »
3/

Dans une troisième partie il convient de dégager les enjeux de ce passage que nous avons
déjà évoqués au cours de cette brève explication.

a/D’ abord concernant la notion de beauté.


On peut et doit interroger le « présupposé » selon lequel « le beau artistique est supérieur
au beau naturel, parce qu’il est un produit de l’esprit ». (Introduction à l’Esthétique). Il a
certes un beau naturel dans l’être vivant, selon Hegel, car « en tant qu’idée sensible et
objective, la vie qui anime la nature est belle » (L’idée du beau). La vie réalise une
réconciliation, dans l’organisme, entre les différences réelles et l’unité idéelle cachée du
tout. Ainsi le beau est une « idée », c’est-à-dire « l’unité immédiate d’un concept et de sa
réalité, pour autant que cette unité se présente dans sa manifestation réelle et sensible ». La
beauté n’est pas en soi et par soi.

b/ Concernant la notion d’art.

La critique de l’imitation de la nature est le point de départ d’une philosophie de l’art. Ce


dernier apparait comme le produit de l’esprit, c’est à dire de la conscience humaine :
conscience de soi et conscience des choses. Cette conscience permet de s’arracher à la
nature avant d’y découvrir son reflet. On peut voir dans cet arrachement le principe de la
liberté, id. du libre-arbitre.
L’art est donc une voie par laquelle l’esprit se sépare de la nature. Ce n’est pas un hasard si
l’imitation réaliste du monde objectif se retrouve à la fin de l’Art, lorsque, ce que Hegel
nomme « art romantique » (Dans lequel triomphe la subjectivité) se dissout. Ainsi ces
peintres » réalistes « attachent une grande importance à la reproduction des reflets et des
apparences les plus fugitives (Le scintillement du métal, l’éclat du tissu, le geste de la jeune
fille) parce que l’illusion réaliste prouve l’habilité subjective et célèbre en fait « le triomphe
de l’art sur le coté caduc et périssable de la vie et de la nature ». La peinture hollandaise, si
réaliste et prosaïque, est en réalité le trophée de la victoire d’un peuple sur la nature. (Il faut
penser ici aux scènes de la vie rurale et profane que l’on voit dans cette peinture : on voit au
fond la terre des polders gagnée sur la mer, l’indépendance d’une république protestante et
la victoire sur le despotisme espagnol.

Dans la conclusion il s’ agit toujours d’ un bref résumé : on n’ est pas contraint de proposer
une ouverture , geste purement académique et artificiel.

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