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Mots clés :
-Art : le terme dérive du latin « ars » qui désigne l’habileté, le savoir-faire, le métier. Il conserve parfois
ce sens en français, mais paradoxalement, « art » est souvent opposé « technique » aujourd’hui. Dans son
dictionnaire philosophique, Lalande définit l’art comme la production de la beauté, mais toute définition de
l’art est discutable.
-Esthétique : du grec aisthêsis (sensation), désigne la théorie de l’art et du beau.
-Jugement de goût : Cette expression désuète désignait autrefois le jugement esthétique, c’est-à-dire dire
le jugement que l’on porte sur la beauté, en particulier sur la beauté d’une œuvre d’art. Les questions que
pose ce type de jugements sont au centre des débats philosophiques sur l’art au XVIIIe siècle.
Introduction :
Les livres d’histoire de l’art laissent croire qu’il existe une essence éternelle de l’art. Ceux-ci
montrent bien que l’art évolue, mais ils supposent aussi que toutes les œuvres qu’ils représentent
sont bien ce qu’on appelle de l’art. Or qu’est-ce que l’art ? Peut-on le réduire à la technique ? On
a défini l’art comme la production de la beauté , mais la beauté n’est-elle pas changeante et
relative ? N’est-ce pas plus fondamentalement la vérité que l’on recherche dans l’art
-Aujourd’hui, art, technique et industrie se rejoignent dans le design : le designer est à la fois artiste et
technicien. Les objets qu’il dessine doivent être à la fois esthétiques et fonctionnels. D’où l’idée d’un lien
entre beauté et fonctionnalité. C’est ce qu’on appelle le fonctionnalisme : la théorie selon laquelle la
beauté d’une chose naîtrait d’un accord parfait entre sa forme et sa fonction la forme découle de la fonction
et la beauté tient à cette forme expressive de la fonction. On peut penser par exemple à une voiture de
course ou à la morphologie d’un athlète, mais l’esthétique fonctionnaliste a surtout été appliquée à
l’architecture et au mobilier.
D. L’imitation du réel
-Si l’on ramène parfois l’art à la technique, au savoir-faire, c’est aussi parce qu’on considère que le but de
l’art est de produire une représentation illusoire du réel. On pense alors l’art sur le modèle de la peinture.
En effet, le but du peintre serait d’imiter ce qu’il voit aussi fidèlement que possible. C’est ce qui fait dire à
Platon que l’art est mensonge et illusion, parce qu’en imitant les apparences, l’art nous trompe et nous
éloigne de ce qui est vraiment réel : les Idées (voir le chapitre 12 : La vérité).
-Mais Hegel estime que l’imitation constitue une fin médiocre pour l’art. A quoi bon reproduire ce qui
existe déjà ? C’est un travail superflu ! Et aussi un jeu présomptueux : toute imitation est imparfaite, ce
n’est qu’une caricature du réel. Ainsi les raisins peints par Zeuxis dont on a fait un chef d’œuvre parce
qu’ils trompèrent des pigeons, ne représentent qu’un tour de force, un exploit technique sans réelle valeur
artistique.
-Hegel estime que l’habileté dont un artiste peut faire preuve dans l’imitation du réel est aussi inutile et
dérisoire que celle de cet homme qui, après avoir réalisé devant Alexandre le Grand le tour de force de
jeter des lentilles dans un petit trou sans jamais manquer son but, s’est vu offrir des lentilles pour seule
récompense.
-Cependant, pour les philosophes de l’époque, il ne s’agit pas tant de comprendre pourquoi ce qui plaît aux
uns ne plaît pas aux autres, que de comprendre au contraire comment nos jugements peuvent s’accorder.
Car de fait, il existe des consensus : comment sans cela pourrions-nous parler de chef-d’œuvre ou de
génie ? Personne ne pense, par exemple, que Mozart est un musicien médiocre ou De Vinci un artiste
mineur.
-C’est ce problème du jugement de goût qui amène Kant à distinguer l’agréable du beau. L’agréable
c’est ce qui plaît aux sens. Par exemple, j’aime tel ou tel vin, c’est indiscutable, car c’est purement
subjectif : je suis le seul juge de l’impression ce vin fait à mon palais. Par contre, quand je dis qu’une
musique est belle, je ne veux pas seulement dire qu’elle est belle pour moi. Je souhaite au contraire que les
autres partagent mon sentiment ou mon jugement, comme si c’était « logique », bien qu’il n’existe aucune
preuve, aucune démonstration du bien-fondé de ce jugement. Le jugement esthétique prétend donc à
l’universalité et cette prétention est légitime, non parce que le beau serait une propriété objective, mais
parce que ce jugement se fonde sur une universalité subjective.
-En d’autres termes, c’est parce que tous les hommes sont des hommes, parce qu’ils sont tous « faits de la
même façon » qu’ils peuvent s’accorder sur ce qui est beau ou non. Kant en conclut qu’on peut discuter
des goûts dans l’espoir de s’accorder, même si personne ne peut faire la preuve du bien-fondé de son
jugement.
Citation : « On peut discuter du goût » (Kant)
-Le beau est donc apparenté au vrai et l’art peut se comprendre comme une manière d’appréhender le réel,
comme une voie d’accès à la vérité différente de la science ou de la philosophie. Pour Hegel, le philosophe
aura à clarifier les intuitions encore confuses de l’artiste en les reformulant dans le langage du concept.
C. Bergson : l’artiste est un homme qui voit mieux que les autres
-Mais pour Bergson la vérité se situe au delà des mots, dans l’inexprimable ou dans ce qu’on ne peut
percevoir et exprimer que dans l’art (ou la philosophie) : « L’artiste voit mieux que le commun des
mortels, parce qu’il voit la réalité nue et sans voiles », écrit-il. C’est que d’ordinaire, « nous ne voyons pas
les choses-mêmes, nous nous bornons le plus souvent à lire des étiquettes collées sur elles ». Autrement
dit, les mots occultent paradoxalement ce qu’ils désignent, parce qu’ils n’en retiennent que la fonction la
plus commune. L’artiste, lui, perçoit la chose même de manière immédiate et intuitive (voir le chapitre 9 :
Le langage).
Pour résumer
Les incontournables
Kant établit dans ce passage bien connu de la Critique de la faculté de juger, la distinction de l’agréable et du beau :
quand j’affirme qu’une chose est agréable, je ne peux pas légitiment prétendre que tout homme devrait partager mon
jugement, parce que celui-ci se fonde sur une impression personnelle. En revanche, quand j’affirme qu’une chose est
belle, je prétends légitimement à l’assentiment de tous.
Lorsqu’il s’agit de ce qui est agréable, chacun consent à ce que son jugement, qu’il fonde sur un
sentiment personnel et en fonction duquel il affirme qu’un objet lui plaît, soit restreint à sa seule personne.
Aussi bien disant : “Le vin des Canaries est agréable”, il admettra volontiers qu’un autre corrige
l’expression et lui rappelle qu’il doit dire : cela m’est agréable. Il en est ainsi non seulement pour le goût
de la langue, du palais et du gosier, mais aussi pour tout ce qui peut être agréable aux yeux et aux oreilles
de chacun. La couleur violette sera douce et aimable pour celui-ci, morte et éteinte pour celui-là. Celui-ci
aime le son des instruments à vent, celui-là aime les instruments à corde. Ce serait folie que de discuter à
ce propos, afin de réputer erroné1 le jugement d’autrui, qui diffère du nôtre, comme s’il lui était
logiquement opposé; le principe : “À chacun son goût” (s’agissant des sens) est un principe valable pour ce
qui est agréable.Il en va tout autrement du beau. Il serait (tout juste à l’inverse) ridicule que quelqu’un,
s’imaginant avoir du goût, songe en faire la preuve en déclarant : cet objet (l’édifice que nous voyons, le
vêtement que porte celui-ci, le concert que nous entendons, le poème que l’on soumet à notre appréciation)
est beau pour moi. Car il ne doit pas appeler beau, ce qui ne plaît qu’à lui. Beaucoup de choses peuvent
avoir pour lui du charme ou de l’agrément; personne ne s’en soucie; toutefois lorsqu’il dit qu’une chose est
belle, il attribue aux autres la même satisfaction; il ne juge pas seulement pour lui, mais aussi pour autrui et
parle alors de la beauté comme si elle était une propriété des choses2. C’est pourquoi il dit : la chose est
belle et dans son jugement exprimant sa satisfaction, il exige l’adhésion des autres, loin de compter sur
leur adhésion, parce qu’il a constaté maintes fois que leur jugement s’accordait avec le sien3. Il les blâme
s’ils jugent autrement et leur dénie un goût, qu’ils devraient cependant posséder d’après ses exigences; et
ainsi on ne peut dire : “À chacun son goût”. Cela reviendrait à dire : le goût n’existe pas, il n’existe pas de
jugement esthétique qui pourrait légitimement prétendre à l’assentiment4 de tous.