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but de ce cours est de répondre aux questions suivantes :

1. En quoi l'art se distingue t-il de la technique ?


2. L'art est-il utile ?
3. Le jugement de goût est-il subjectif ? -> problème de l'objectivité du beau
4. L'art doit-il viser le beau ? -> question de la finalité de l'art
 

I. Qu'est-ce que l'art ?


Le problème d'une définition de l'œuvre d'art est d'abord celui d'une définition de
l'art lui-même. Antérieurement au développement de la civilisation industrielle, le
terme "art" a, en effet, un sens beaucoup plus large que celui auquel nous le
restreignons aujourd'hui. La cause en est l'indifférenciation primitive du travail
humain, la distinction sans équivoque des diverses formes de l'activité humaine
n'étant permise que par la société moderne, où la division du travail humain a
atteint un degré de précision suffisant. Dans la recherche d'une définition de l'art,
c'est donc le rapport art/technique qu'il faut donc préalablement interroger.

A. Dans la civilisation artisanale

Dans la civilisation artisanale, l'art désigne l'activité productrice en général.


-> l'artisan et l'artiste ne peuvent être facilement distingués
La production artisanale s'est en effet à peine engagée dans la division technique du
travail. L'artisan produit donc le plus souvent de façon individuelle, en effectuant
par lui-même la totalité des opérations qui conduisent de la matière première à
l'objet achevé. Le résultat de son travail n'est donc pas seulement ce qu'on nomme,
dans l'industrie, un "produit" mais aussi une œuvre.

Produit = objet purement utilitaire ou consommable, acheté et vendu dans le


circuit des échanges commerciaux.
Œuvre = expression d'une individualité qui a mis dans l'objet la marque de son
habileté et de son talent personnels.

Le produit industriel est le résultat d'une immense activité collective, où la division


technique du travail ne laisse à chaque opérateur q'une part infime et anonyme, à la
différence de l'œuvre artisanale.

Question : que signifie pourtant l'idée que l'artisanat permet à l'artisan de


s'exprimer dans une œuvre, alors que nous ignorons jusqu'à l'identité des auteurs de
tant de chefs-d'œuvre de l'art antique et médiéval ?
On souligne souvent que l'artisanat hausse l'artisan à la dignité de l'artiste, mais il
est tout aussi vrai de dire qu'il rabaisse l'artiste à la condition anonyme et méprisée
qui est celle de l'artisan. En effet, dans la civilisation artisanale, l'artiste doit servir
la religion ou le prince. Qu'il bâtisse et orne le lieu de culte ou qu'il soit le
décorateur d'une existence privilégiée, l'art n'est qu'un moyen en vue d'une fin à
laquelle il se subordonne. L'œuvre d'art n'a donc pas pour fonction première
d'exprimer la personnalité de son créateur : elle tire son sens d'une intention
extérieure au domaine même de l'art. Ainsi, dans la civilisation artisanale, la
fonction même de l'art est étrangère à sa finalité purement esthétique et n'est
qu'utilitaire, l'utile n'étant que ce qui est bon à quelque chose et ne sert donc que
comme moyen.
C'est sans doute pour cette raison que l'artiste et ne peut échapper au mépris qui
depuis les Grecs enveloppe les arts "serviles" (cf. Platon). On peut donc dire en
général, que l'insuffisance de la définition de l'art dans la civilisation artisanale n'a
pas permis, avant la période moderne, le véritable développement d'une Esthétique
comme théorie des Beaux-Arts.

B. Dans la civilisation industrielle

La période industrielle introduit une précision nouvelle dans la distinction des


formes de production, en dépassant l'artisanat par la technique.
Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle européen, le terme de technique s'ajoute
en effet à celui d'art. Étymologiquement les deux termes ont le même sens : ils
désignent l'activité artisanale, l'un en grec et l'autre en latin. Mais l'usage du terme
nouveau technique n'en désigne pas moins l'apparition d'une réalité nouvelle.

Chez Aristote : art = "une certaine disposition, accompagnée de règle vraie,


capable de produire " ? l'art est productif
-> science = "une disposition capable de démontrer " ? la science est purement
théorique et contemplative
Cette définition relève de la civilisation artisanale, où la production humaine est
encore préscientifique, et où la science n'a pas encore de conséquences pratiques.

Chez Kant : les règles de la pratique technique ne sont que de simples corollaires de
la philosophie théorique . Elles ont en effet pour fonction "de produire un effet, qui
est possible d'après un concept naturel de la cause à l'effet ".
La technique est ainsi définie comme une science appliquée, où l'efficacité de
l'action humaine est le résultat de la connaissance de la nature d'après le principe du
déterminisme.
-> texte de Kant, Critique de la Faculté de juger, 1790, § 43, trad. A. Philonenko, Vrin,
1993, p. 198-199.

 
  "L'art est distingué de la nature, comme le faire l'est de l'agir ou causer en général et le produit ou la
conséquence de l'art se distingue en tant qu'œuvre du produit de la nature en tant qu'effet.
  En droit on ne devrait appeler art que la production par liberté, c'est-à-dire par un libre-arbitre, qui met la raison
au fondement de ses actions. On se plaît à nommer une œuvre d'art le produit des abeilles (les gâteaux de cire
régulièrement construits), mais ce n'est qu'en raison d'une analogie avec l'art; en effet, dès que l'on songe que les
abeilles ne fondent leur travail sur aucune réflexion proprement rationnelle, on déclare aussitôt qu'il s'agit d'un
produit de leur nature (de l'instinct), et c'est seulement à leur créateur qu'on l'attribue en tant qu'art. Lorsqu'en
fouillant un marécage on découvre, comme il est arrivé parfois, un morceau de bois taillé, on ne dit pas que c'est
un produit de la nature, mais de l'art; la cause productrice de celui-ci a pensé à une fin, à laquelle l'objet doit sa
forme. On discerne d'ailleurs un art en toute chose, qui est ainsi constituée, qu'une représentation de ce qu'elle est
a dû dans sa cause précéder sa réalité (même chez les abeilles), sans que toutefois cette cause ait pu précisément
penser l'effet ; mais quand on nomme simplement une chose une œuvre d'art, pour la distinguer d'un effet
naturel, on entend toujours par là une œuvre de l'homme."

Kant, Critique de la Faculté de juger, 1790, § 43, trad. A. Philonenko, Vrin, 1993, p. 198-199.

La technique s'oppose donc à l'art à partir du principe même de la production :

"Newton pouvait exposer en pleine lumière, non pas seulement pour lui-même mais
pour tout autre, la totalité des démarches qu'il avait dû faire depuis les premiers
éléments de la géométrie jusqu'à ses découvertes les plus grandioses et les plus
profondes, et en permettre ainsi l'imitation. Mais aucun Homère, aucun Wieland ne
peut montrer comment se découvrent et s'assemblent dans sa tête ses idées riches de
fantaisie te pourtant en même temps pleines de pensées, car il n'en sait rien lui-
même, et ne peut donc l'enseigner à d'autres ".

La différence entre la technique et l'art est d'abord la différence entre une


production consciente de ses règles et de ses moyens et une production
inconsciente. C'est aussi la différence entre une production fondée sur la méthode et
une production fondée sur le libre développement de la fantaisie créatrice.
-> la technique est susceptible d'un progrès collectif, alors que l'art est le domaine
de la réussite individuelle.
Dans l'art, l'idée de progrès n'a aucun sens. Là où la physique de Newton est
dépassée par celle de la relativité, aucune réussite esthétique ne peut être abolie ou
surpassée par d'autres.
-> l'art est limité, car immobile et individuel, là où les sciences et les techniques
sont des entreprises collectives où les résultats s'accumulent en se multipliant les
uns les autres.
La limitation de l'art est liée au caractère artisanal de son mode de production. Mais
il s'en distingue cependant, dans la période moderne, si l'on considère la fin de la
production :

"L'art se distingue de l'artisanat. Le premier est dit libéral, le second peut aussi
s'appeler art mercenaire. On considère le premier comme s'il ne pouvait avoir une
issue conforme à sa fin (réussir), que comme jeu, c'est-à-dire comme une
occupation agréable par elle-même, et le second seulement comme travail, c'est-à-
dire comme une occupation en elle-même désagréable (pénible) qui ne peut avoir
d'attrait que par ses effets (par exemple le gain) ".

Par opposition au travail artisanal, qui est défini comme "mercenaire", parce qu'il
n'est fait que pour l'appât du gain, l'art apparaît "agréable par lui-même". Il relève
ainsi des activités de jeu, et pour le définir en tant qu'activité gratuite, Kant reprend
l'expression d' "art libéral", qui sert déjà chez Diderot à distinguer les "Beaux-Arts"
des arts mécaniques ou industriels. (Cf. article "Art" de l'Encyclopédie, 1751).
-> notre civilisation voit donc se développer côte à côte l'art de l'artisan et l'art de
l'artiste, les arts mécaniques ou industriels et les arts libéraux ou arts tout court.

C. L'art pur

Ainsi, l'apparition de la forme moderne de la production permet-elle de donner à


l'art un sens pour la première fois spécifique. D'une part, par opposition à la
technique, l'art reste, comme l'artisanat, une forme de production préscientifique,
dont les procédés ne peuvent être rigoureusement conçus et définis. D'autre part,
par opposition à la recherche du gain, l'art reste la création d'une œuvre qui trouve
sa fin en elle-même. Ce deuxième aspect de la définition kantienne de l'art contient
évidemment le 

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