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GF CORPUS 

: La technique

I- Les objets de notre monde – Approche ontologique

Aristote, Physique, II, 1, trad. P. Pellegrin, GF-Flammarion, 2002, p.115-117

Après avoir étudié, au livre I, les différentes pensées physiciennes de son temps,
Aristote propose sa propre définition de la phûsis et opère un partage ontologique entre
« étants naturels » et « étants artificiels ».
La phûsis, traduit communément par « nature », signifie d’abord « croissance »,
« développement spontané d’un être ». C’est cette capacité de certains êtres à croître, à se
produire par eux-mêmes, qui caractérise le vivant selon Aristote.
Aristote distingue ces êtres de ceux qui « sont le produit d’un art ». (Le terme « art »
ici traduit par technê, le mot grec qui a donné « technique ».) Ainsi, Aristote propose de
définir la technique en insistant sur son caractère artificiel.

 Tandis que la nature est assimilée au vivant, la technique renvoie à ce qui n’a pas
d’« impulsion innée au changement », mais est l’effet d’un processus de médiation
qui en est la cause.
 Chaque processus de production implique que l’objet subisse une causalité multiple.
Aristote distingue 4 causes (dans la Physique, livre II, chap. 2, 3 et 7) : la cause
formelle (forme de l’objet), la cause matérielle (matériau de l’objet), cause motrice
(le médiateur qui modifie), et surtout la cause finale (ce en vue de quoi l’objet est
fabriqué)

Kant, Critique de la faculté de juger, 1790, paragraphe 43, « De l’art en général », GF-
Flammarion, 2015, p.288-289

 La finalité, qui est déterminée par la raison, oriente la production des objets
techniques, et s’y manifeste une fois que ceux-ci sont achevés. Elle permet alors de
les distinguer des effets de la nature. Les objets techniques sont dès lors identifiés
comme des productions humaines car seuls les êtres rationnels sont capables d’une
telle finalisation.
 L’art selon Kant se caractérise comme « la production par liberté ». L’art est le
produit libre et autonome de la raison. L’œuvre d’art n’a pour finalité que sa
représentation.
 La technique relève du champ de la pratique et non de la théorie. La technique est un
« pouvoir » de faire, une capacité de transformation du monde. Elle requiert un
savoir-faire différent de la connaissance théorique. Comprendre les conditions de
finalité d’un objet technique ne permet pas pour autant d’en fabriquer.
 Kant distingue l’art de l’artisanat. L’art est dit « libéral » et l’artisanat est dit
« mercantile ». L’art ne peut répondre à une finalité qu’en tant que jeu (activité
agréable) contrairement à l’artisanat qui relève du travail (une activité désagréable)
qui n’est attirante que par son effet (salaire par exemple).
Arendt, « La crise de la culture. Sa portée sociale et politique. », 1968, Chapitre VI,
Gallimard, « Folio essais », p.266-269

 Argument général : caractère paradoxal de l’émergence de la « culture de masse » :


se rapporter aux œuvres d’art comme à des produits de consommation et à la culture
comme au loisir entraîne un appauvrissement de notre rapport à l’art et à la
technique en général.
 S’appuie sur la tripartition des activités humaines exposée dans Condition de
l’homme moderne : action, travail et œuvre.
 Œuvre = « les choses qu’on ne rencontre pas dans la nature, mais seulement dans le
monde fabriqué par l’homme ». Distingue deux produits de l’œuvre : les objets
d’usage (définis par leur utilité) et les objets d’art (« existent indépendamment de
toute référence utilitaire et fonctionnelle ».)
 Les œuvres d’art sont autotéliques (elles sont à elles-mêmes leur propre fin)
 Les œuvres d’art doivent être appréciées dans leur simple apparaître. De manière
désintéressée (comme l’a dit Kant).
 L’isolement de l’œuvre à l’égard des logiques de consommation et d’utilisation donne
à l’œuvre son caractère durable. Un objet est culturel selon la durée de sa
permanence, c’est l’exact opposé du caractère fonctionnel, qualité qui fait disparaître
l’objet du monde phénoménal par utilisation et par usure.

Simondon, Du mode d’existence des objets techniques, 1958, partie 1, chapitre I, section
IV « Origines absolu d’une lignée technique », Aubier, « Philosophie », p.56-58

 Remet en question la distinction aristotélicienne nature/artifice fondée sur l’origine


spontanée ou fabriquée des étants. Certains étants sont inclassables.
 Distingue artificialité et technique.
 Ce qui définit l’artificialité de l’objet est sa dépendance à l’action artificialisante de
l’homme. L’objet artificiel a besoin d’un milieu extérieur régulateur.
 Plus l’objet se concrétise, c’est-à-dire plus sa cohérence interne s’accroît, et plus il se
ferme en s’organisant de sa relation à l’artificialité.
 L’objet concrétisé est comparable à l’objet spontanément produit, il se relie au
monde des objets et s’autonomise dans sa relation au monde.

Dagognet, Les dieux sont dans la cuisine, Philosophie des objets et objets de la
philosophie, Seuil, 1996, p.17-18

 Tentative de définition de l’objet :


 L’objet doit pouvoir intégrer son espace pour y permettre des actions.
 L’objet doit être à notre échelle, il doit être opérable pour être un médiateur efficace.
 Distingue la fonction de l’objet et son usage. (cf. Raymond Loewy, le réfrigérateur
doit conserver les aliments, mais la ménagère aux bras chargés, doit pouvoir l’ouvrir
avec le bout du pied)

II- La technique, un propre de l’homme ? Approches anthropologiques


Aristote, Les Parties des animaux, IV, 10, GF-Flammarion, 2011, p.427-431

 L’un des 5 traités qu’Aristote consacre aux êtres vivants, il les étudie de façon
anatomique en distinguant leurs parties.
 Tente de définir l’essence d’un être par le devenir, la finalité de ses parties.
 L’homme est le seul être à avoir une main.

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