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Cours de M.

NOAH EKENE
Diplômé de l’Ecole Normale Supérieure de Yaoundé,
Doctorant Université de Yaoundé 1
Mail : noah_achille@yahoo.fr
Tél : +237679259598/+237697647552

CHAPITRE L’ART ET LE TRAVAIL

Justification : cette leçon permettra a l’apprenant d’identifier les créativités et la production


comme les facteurs déterminants de la cultures afin de promouvoir le développement culturel et
économique

INTRODUCTION

L’art et le travail sont des manifestations culturelles qui impliquent une action de
transformation de la nature. La création artistique tout comme le travail sont l’occasion de la
mobilisation des facultés intellectuelles, morales ou physiques. Ils sont donc de nobles activités
par lesquelles l’homme transforme la nature extérieure en transformant sa propre nature. En
effet, la nature donne à l’homme une matière première qu’il façonne et à laquelle il donne des
formes. Mais la question que l’on se pose est de savoir si les actions de sa culture dévalorisent la
nature ou plutôt si elles constituent une marque d’humanisation de cette dernière ?

I - L’ART

1- Définition

Du latin « ars », l’art désigne à l’origine l’activité de l’artisan, mais aussi la technique qu’il
maitrise. Du XIVè au XVIIè siècle, le mot art ne se dissocie pas toujours de la technique et
renvoie ainsi à l’ensemble des procédés de fabrications, des techniques et le savoir faire que le
maître met en activité porte a prendre a ses apprenti . Bref XIII ème, L’art a le même sens que la
technique et en temps que c'est-à-dire tout ce qui existe indépendamment a l’action de l’homme
des le XIXème siècle le terme art désignera exclusivement une œuvre spirituelle et unique et donc
la principal caractéristique est le Beau

2- L’ART ET L’IMITATION DE LA NATURE

L’on se demande généralement si les œuvres d’art sont une imitation des objets de la
nature ou le résultat de la créativité humaine ? Dans le livre X de la République, Platon pense
que l’art est une illusion dans le sens où l’artiste se contente de reproduire ce qui existe déjà.
Pourtant Aristote trouvera dans l’imitation la source de tout apprentissage car selon lui
l’imitation est intrinsèque à la nature même de l’homme. Il ne faut donc pas dévaloriser
l’imitation car elle n’est pas mauvaise en soi. Mais c’est Hegel dans l’Esthétique qui apporta
plus de précision sur cette question. Selon lui, l’œuvre d’art est le produit à la fois des matériaux
de la nature et de création Humain. Bien que s’inspirant des manifestations de la nature, l’œuvre
d’art ne s’y réduit pour autant pas. Plus explicitement l’art n’imite pas la nature parce qu’il est
une création de l’esprit.

3- LA FINALITE DE L’ART

Pour certains penseurs une existence sans l’art est absolument inconcevable dans le sens où
l’art occupe une place prépondérante dans la vie de l’homme. Dans Poétique, Aristote montre
que l’art a une fonction thérapeutique. Il purifie l’homme de ses funestes passions et permet
l’élévation de son esprit. David Hume partage la même analyse dans Esthétique lorsqu’il dit que
l’art est une évasion de la réalité. Il permet à l’homme d’échapper aux vicissitudes de la vie en
l’allégeant des angoisses existentielles. L’art a aussi une fonction de créativité et surtout il
constitue un moyen d’expression de la liberté humaine. Dans cette optique, l’art rend visible ce
qui ne l’est pas dès l’abord ; il est une révélation de l’homme à lui-même comme le constate
Alain quand il dit : « tous les arts sont comme le miroir où l’homme connait et reconnait quelque
chose de lui-même qu’il ignorait ».

André Malraux va plus loin en soutenant que l’art est une forme de libération de l’homme
dans ce sens qu’il l’affranchit des déterminismes. Voilà pourquoi il déclarait : « l’art est un anti
destin ». Il délivre l’homme de la tyrannie du temps en lui permettant d’imprimer son empreinte
dans la durée voire dans l’éternité. Chaque œuvre se donne dès lors comme l’expression d’une
conscience qui lutte contre les effets destructeurs du temps. L’éternité des pyramides, de
certaines sculptures millénaires incarnent ce combat. Au-delà du temps, l’art lutte contre la mort.
Il est l’expression d’une prise de conscience par l’homme de sa finitude et du caractère
indépassable de la mort qui rend dérisoire l’existence humaine et la fige en destin. L’art est donc
essentiel à la condition humaine parce qu’il l’inscrit dans une dimension intemporelle. C’est la
raison pour laquelle le dramaturge Luigi Pirandello déclarait que « l’art venge la vie ».

II - LE TRAVAIL
1- Définition
Du latin tripalium, « instrument de torture », le travail renvoie d’abord à l’idée de
souffrance, de peine. Cette conception négative du travail se retrouve également dans la tradition
chrétienne où il est perçu comme un châtiment divin, la marque d’une humanité déchue. Pour
avoir désobéi à Dieu, l’homme est condamné à fournir des efforts pour trouver de lui-même ses
moyens de subsistance. La tradition grecque ne s’éloigne non plus de cette idée quand elle le
conçoit comme une fatalité que le titan Prométhée avait fait s’abattre sur l’humanité à la suite de
son vol du feu dans la maison des dieux. Mais dans Le capital, Karl Marx présente le travail
comme une nécessité inhérente à la condition humaine. Le travail y apparaît comme une marque
de l’humanité. Il est, en effet pour le penseur allemand, une activité de transformation par
laquelle l’homme développe ses propres facultés en même temps qu’il modifie la nature
extérieure.

2- Le travail comme une spécificité humaine


Pourrait-on parler du travail en dehors de l’être humain ? Karl Marx montre qu’il n’y a
véritablement que l’homme qui travaille. À première vue, les animaux se livrent à des activités
qui peuvent être assimilées à du travail. L’oiseau construit son nid, l’abeille réalise un abri. Mais
pour Karl Marx, cela ne peut pas être considéré comme du travail parce que toute activité
animale repose sur l’instinct. Le travail lui suppose un effort long et pénible qui implique une
dimension consciente, réfléchie et volontaire. Il présuppose donc des caractères proprement
humains, prioritairement la raison et la capacité réflexive. C’est dans ce sens qu’il écrivait : « ce
qui distingue le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la
cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche ». Le travail est donc l’apanage de
l’homme dans ce sens qu’il lui permet de se distinguer de l’homme de l’âge d’or qui vivait de la
chasse et de la cueillette ou de celui du paradis qui attendait tout de Dieu.
3- La finalité du travail
3.1 Le travail comme source d’asservissement et de déshumanisation de l’homme
Quelle place l’homme accorde-t-il au travail dans sa condition d’existence ? A priori le
travail est perçu comme une entrave à notre épanouissement. Il évoque ordinairement dans nos
esprits l’idée de contrainte, de peine et de souffrance, d’asservissement alors que nous
manifestons naturellement un penchant vers le loisir, la paresse. C’est ce qui ressort par exemple
du Discours sur l’origine de l’inégalité de Jean-Jacques Rousseau dans lequel il montre que
même en travaillant l’homme cherche toujours à retrouver cette disposition naturelle que le
travail vient lui enlever. Il écrit : « c’est la paresse qui nous rend laborieux ». Paul Lafargues,
dans Droit à la paresse, ne s’écarte non plus de cette idée quand il fait un plaidoyer pour la
paresse. Il estime que les conditions, les contraintes et la durée de travail dans les sociétés
modernes déshumanisent l’homme. Le travailleur doit lutter pour la réduction du temps de travail
et pour l’humanisation de son milieu de travail qui devra intégrer un espace pour le loisir. De son
côté, Nietzsche pense que les sociétés modernes asservissent l’homme au travail à tel point qu’il
n’existe plus de place pour le loisir. Les hommes qui se soumettent à cette exigence du travail
sans loisir ne sont ni plus ni moins que des esclaves dont la condition diffère de celle de l’homme
libre occupé au loisir. Dans Humain trop humain, il écrit : « celui qui n’a pas les deux tiers de sa
journée pour lui-même est un esclave, qu’il soit d’ailleurs ce qu’il veut : homme d’État,
marchand, fonctionnaire, savant.» Le loisir au contraire apparaît comme un moyen de plein
épanouissement permettant à l’homme de développer ses facultés intellectuelles, spirituelles et
morales.
Sur un autre plan, Karl Marx montre dans Le capital que le travail est un facteur
d’aliénation et de privation de la liberté humaine. En effet l’organisation capitaliste du travail est
une entrave au bien-être de l’ouvrier. Si le travail est une nécessité naturelle pour l’homme, dans
le capitalisme il devient une source d’asservissement dans laquelle apparaissent les inégalités.
Certains travaillent plus que d’autres et ne jouissent pas du produit de leur travail. Plus grave, le
travailleur y est chosifié dans le sens où il est considéré comme une marchandise. Ce qui
explique qu’il n’ait pas plus de valeur que le produit de son labeur. Au contraire le produit y est
plus valorisé que lui qui le produit. C’est en dénonçant ces conditions aliénantes de travail
qu’André Bréton déclarait que « le domaine de la liberté commence là où cesse le travail ». Eu
égard à ces conditions déshumanisantes, qu’est-ce qui peut donc justifier le discours de la société
sur la nécessité pour l’homme de travailler ? Dans Aurore, Nietzsche soutient que les
recommandations de la société sur la nécessité de travailler ne sont que les craintes que celle-ci
nourrit à l’endroit de la liberté et de l’autonomie de l’individu. C’est pourquoi il affirmait que
« le travail est la meilleure des polices ». Autrement, c’est le moyen par lequel la société
contrôle l’individu.

3.2 Le travail comme un facteur de libération et de moralisation de l’homme

Au-delà de ces conditions aliénantes du travail, des penseurs à l’instar de Georges Bataille,
Kant, voltaire, Alain, trouvent que le travail est indispensable à l’être humain. Le travail possède
selon eux une valeur existentielle, morale et sociale.
Premièrement le travail possède un caractère formateur. C’est ce que nous révèle « la
dialectique du maître et de l’esclave » du philosophe allemand Hegel. Il y montre en effet que
celui qui est astreint au travail (l’esclave) se forme aussi par son travail. Il discipline ses instincts
et se dote d’une puissante volonté qui lui permet de vaincre la peur que lui inspire son maître.
Cette même volonté le rend ainsi apte à mettre un terme à sa condition servile et aliénante. Non
seulement il est formateur, le travail est donc aussi selon l’analyse hégélienne libérateur.
Le travail humanise et éduque l’homme dans ce sens qu’il lui apprend à discipliner ses
penchants et à vaincre ses passions. Pour certains religieux, le travail n’est pas seulement une
peine infligée aux hommes par Dieu mais aussi un moyen pour ces derniers de racheter leurs
fautes. C’est la position défendue par le pasteur Richard Baxter rapportée par Max weber dans
l’Éthique protestante et l’Esprit du capitalisme. Pour ce pasteur, le travail a pour fonction de
purifier les mauvais penchants de l’homme et de lui permettre de rendre gloire à Dieu. Il
l’éloigne à ce titre d’une vie impure faite de tentations sexuelles et d’indignité morale. De ce
point de vue, le travail apparaît comme une obligation morale qui incombe individuellement à
tout homme. C’est ce qui justifie ces propos de Paul de Tarse : « si quelqu’un ne veut pas
travailler, qu’il ne mange non plus ». Richard Baxter voit en outre dans le refus de travailler une
absence de grâce divine.
Sur un plan purement moral, Alain, Kant et Voltaire soutiennent que le travail domestique
les pensées folles qui viennent généralement de l’inactivité. C’est pourquoi Voltaire écrivait que
« le travail éloigne de nous trois grands maux : le vice, l’ennui et le besoin ». Le travail nous
rend libre, autonome et indépendant. D’où la nécessité de contraindre tout homme à travailler
selon Emmanuel Kant. Pour le philosophe allemand, la nature a disposé l’homme au travail et
c’est pourquoi elle ne lui donne pas tout pour la consommation. Le travail est aussi et surtout un
remède contre l’ennui et les vices qu’il favorise et un moyen qui conduit l’homme à la droiture
morale. Voilà pourquoi dans Réflexions sur l’éducation, il écrivait : « l’homme est le seul animal
qui doit travailler ».

Résumé

L’art et le travail sont deux activités essentielles à l’existence humaine. Ils ressortent le
caractère producteur de l’homme à travers son action de transformation de la nature. Nous avons
surtout vu qu’à travers ces deux activités, l’homme se libère de l’emprise de la nature,
s’humanise et surtout trouve un sens réel à son existence. Néanmoins le travail divisé de la
société capitaliste montre des aspects négatifs en ceci qu’il confine à la servitude. Il apparaît
comme un instrument de pouvoir dont la véritable fonction est de favoriser une mécanisation des
comportements et de déshumaniser l’homme.

Sujet de réflexion

1 – Le travail est-il nécessairement pénible ?

2 – Le travail fait-il le malheur de l’homme ? (évaluation 3e séquence à venir)

3 – Dans son Épitre aux Thessaloniciens, Saint Paul déclare : « nous ne nous sommes fait donner
par personne le pain que nous mangions, mais nous étions au travail pour n’être à la charge
d’aucun de vous ». Penses-tu que le travail est source de bonheur et de socialisation pour
l’homme ?

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