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BAC TECHNOLOGIQUE 2023

Correction épreuve de philosophie

SUJET 1 - Dissertation : L’art nous apprend-il quelque chose ?


Il s'agit de pistes de réflexion possibles et non d'attendus de traitement du sujet. À dessein,
nous ne proposons pas d'exemples d'œuvres d'art illustrant les propos pour ne pas
décourager les candidats à la sortie de l'épreuve.

Le sujet nous interroge sur l'art en général, ou plus précisément sur l'expérience que nous
pouvons faire de ce dernier. Une expérience spécifique, irréductible, qui se donne à tout
individu avec plus ou moins d'intensité. En effet, il faut faire attention à l’ambiguïté entre le
mot « art » désignant un ensemble de signes et de matériaux mis en forme par un esprit
créateur et l'expérience que nous pouvons faire de cette mise en œuvre, dont la beauté
nous procure une satisfaction, un plaisir.
Ainsi, l'art nous apprend-il quelque chose à nous, spectateurs ? Or, l'art peut envoyer à une
réalité naturelle comme à une création de l'humain. Est-ce en ce sens qu'il nous apprendrait
quelque chose ? L'artiste serait-il alors un maître de savoir qui transmettrait une vérité à
travers ses œuvres ? Autrement dit, est-ce le but de l'art que d'enseigner une réalité que
nous ne percevons pas par l'intermédiaire d'autres formes de pensée ou d'activités de notre
esprit ? Effectivement, on pense à l'éducation artistique, qui signifie bien souvent l'histoire
des oeuvres d'art, mais alors y apprend-on véritablement quelque chose en dehors de
l'histoire elle-même ? N'est-ce pas, à l'inverse, condamner l'œuvre d'art que de penser
qu'elle ne nous apprend rien ?
Pour résoudre ce problème, qui était déjà celui de Platon à l'origine de la philosophie, nous
verrons dans un premier temps ce qui définit la particularité de l'art. Nous nous
demanderons ensuite en quoi cette activité s'oppose à des disciplines qui auraient le
privilège de l'apprentissage, pour enfin montrer que son but dépasse le simple apprentissage
compris dans une utilité immédiate et nous procure un plaisir désintéressé.

I. L'art est une expérience sensible


● L'art est avant tout une expérience sensible (esthétique) : il touche cinq sens (la vue à
travers la peinture et la photographie, l'ouïe à travers la musique et la poésie, le
toucher à travers la sculpture, etc.)
● L'art provoque en nous des émotions : il nous fait rire ou pleurer, provoque de la
peur, de la peine ou du plaisir, etc. L'art déclenche ces réactions comme si son but
premier n'était pas l'apprentissage de quelque chose, mais l'expression de
sentiments.
● Cependant, l'art ne se réduit pas à transmettre des sentiments ou des sensations.
L'expérience de la beauté que nous procure l'art désigne une qualité sensible
immédiatement perceptible et qui suscite une réaction d'admiration et
d'enthousiasme antérieure à toute réflexion.

Si l'art en général a pour définition l'expérience particulière des sensations et de la


sensibilité, si une œuvre est avant tout ce qui nous touche et nous procure un sentiment de
plaisir et de peine, peut-on en définir l'origine ? La fonction et le but sont-ils définis par un
artiste ?

II. L'art en tant que création


● L'art n'est pas une imitation de la nature, il ne nous apprend rien sur elle.
Contrairement à la science et ses représentations (par exemple, les croquis du corps
humain, les herbiers naturels), « l'art rend visible l'invisible » selon le peintre Paul
Klee.
● La critique de l'imitation de la nature permet de montrer la supériorité de l'art sur
celle-ci, à condition d'abandonner le rapport didactique envers la nature : l'artiste qui
imite la nature « ressemble à un ver qui s'efforce en rampant d'imiter un éléphant ».
Hegel affirme que la beauté d'un tableau ou d'une mélodie, d'une sculpture ou d'une
poésie dépasse l'immédiateté non consciente de la nature.
● L'art perd sa qualité d'œuvre lorsque l'artiste prétend enseigner quelque chose.
« Quelle vanité que la peinture, qui attire l'admiration par la ressemblance de choses
dont on n'admire point les originaux ! » Ce que veut dire Pascal dans cette phrase,
c'est que l'artiste nous montre un autre monde, comme une échappatoire à la réalité
quotidienne qu'il ne reproduit pas. En prenant appui sur des scènes des plus triviales,
il les transforme pour créer de nouveaux univers imperceptibles dans la réalité.

Si la valeur de création dépasse la valeur didactique, il reste à savoir ce que l'œuvre peut
nous apporter en dehors de l'apprentissage de connaissances.

III. L'authentique jugement de goût


● « Des goûts et des couleurs on ne discute pas », a-t-on l'habitude de dire, et
cependant nous ne faisons que cela ! Dire qu'une œuvre ne nous apprend rien, cela
signifie que nous ne pouvons pas juger l'œuvre de manière objective et s'entendre
sur quelque chose qui serait explicable ou démontrable. C'est ce qui différencie
l'artiste du scientifique, mais aussi de l'artisan ou du technicien : leurs œuvres
relèvent de l'universalité propre au raisonnement, à la démonstration possible et à la
compréhension de ce qu'ils font et sont capables d'enseigner.
● L'expérience inédite de l'art permet cependant de s'accorder sur une œuvre sans que
cet accord soit fondé sur la seule raison. Tout le monde peut être touché par une
œuvre, et en ce sens partager une vérité universelle à travers les ressentis, les
émotions et les sensations de l'artiste.
● La valeur de l'art dépasse la simple didactique car l'œuvre est la source d'un plaisir
particulier et universel dans le libre jeu des facultés de l'esprit. C'est ce qu'exprime
Kant en définissant un jugement de goût authentique : « est beau ce qui plaît
universellement sans concept ». Il ne s'agit pas de savoir mais de plaire ; il ne s'agit
pas d'apprentissage mais de goût. Même si ce goût s'éduque, cette éducation est un
moyen de parvenir au seul but de l'art, qui est le plaisir esthétique.

L'art nous apprend-il quelque chose ? Dire qu'il ne nous apprend rien est polémique dans le
sens où il n'aurait aucune utilité. Il ne s'agit pas de revenir à la condamnation platonicienne
de l'art en en faisant une copie dégradée de la réalité, ni d'exclure les artistes de la
République idéale. Il est plutôt question de comprendre que ce que l'art peut nous apporter
en dehors de toute connaissance dépasse le cadre utilitaire et l'objectif d’apprentissage.
Toute œuvre d'art comprend en elle-même une connaissance, en ce qu'elle est une création
originale et inédite de ce qui n'existe pas dans la réalité la plus quotidienne. Mais ce n'est
pas son but, qui dépasse l'objectif didactique et les intentions-même de l'artiste pour offrir
au spectateur un univers différent de celui qui l'inspire.

SUJET 2 - Dissertation : Transformer la nature, est-ce gagner en liberté ?


Il s'agit de pistes de réflexion possibles et non d'attendus de traitement du sujet.

L'injonction de Descartes au XVIIe siècle est de se rendre « comme maître et possesseur de la


nature ». Ce mot d'ordre semble avoir été le point de départ de tout le développement
scientifique et technique que nous appelons progrès. Il donne à l'humain la supériorité sur
tous les autres vivants en le définissant non seulement comme homo sapiens mais aussi
homo faber (qui fabrique des outils), en ce sens que transformer la nature serait sa
principale activité. L’homme aurait trois manières de le faire, par l'art (une transformation
symbolique et désintéressée), par le travail, et par la technique (une transformation
concrète et utilitaire pour satisfaire ses besoins). Cependant, transformer la nature, est-ce
gagner en liberté ? Le problème qui se pose ici est que du fait de surmonter une contrainte
et une nécessité, on ferait un gain pour la liberté, c'est-à-dire la négation et la destruction
même d'une nature déterminée.
Transformer la nature signifie qu'elle ne nous donne pas tout directement et qu'il faut, par le
travail et les artifices, la modifier, la changer, voire y substituer un monde proprement
humain, celui de l'artifice, de la culture. Est-ce cela qui permettrait de gagner en liberté  ?
Doit-on sous-entendre que cette liberté n'est acquise qu'au prix du renoncement à
l'immédiateté de ce que la nature donne aux humains en termes de déterminisme et de
contrainte ?
Pour résoudre ce problème nous nous demanderons en quoi l’humain doit s'émanciper de la
nature en la transformant, puis si cette transformation-même n'a pas pour conséquence de
l'aliéner. Enfin, nous nous demanderons si elle est possible et souhaitable pour gagner en
liberté.

I. L'homme fait partie de la nature, pourquoi est-il nécessaire de s'en émanciper ?


● Par « nature », il faut entendre tout ce qui nous entoure, l'ensemble des choses
physiques mais aussi les processus naturels. En ce sens, la nature représente le
déterminisme (les lois qui régissent l'interaction entre les phénomènes de la nature),
contraire à la liberté
● C'est la transformation de la nature qui nous permet de nous émanciper. Par
exemple, contre la loi de la gravité, le vieillissement des cellules ou encore les
catastrophes naturelles, il est possible de s'affranchir par des innovations
proprement humaines, par le travail, la technique et la technologie.
● Cet affranchissement des lois et contraintes de la nature est-il seulement possible par
les actions humaines contraires à la nature ou bien n'est-il pas une compréhension et
une connaissance de son fonctionnement ? Peut-on dire en ce sens que l'on gagne en
liberté ou en vérité ? Mieux connaître la nature et mieux la maîtriser n'est pas mieux
s'en libérer. C'est la leçon du mythe de Prométhée dans le texte Protagoras de
Platon, dans lequel l'homme doit inventer, grâce au feu, ses propres moyens de
survie pour augmenter ses capacités naturelles.

II. La transformation de la nature peut aussi nous aliéner


● Être libéré des contraintes naturelles ne signifie pas seulement éviter la mort en
maîtrisant la nature. Il ne s'agit pas de s'affranchir des lois pour être libre, mais cela
signifie plutôt une compréhension de cet affranchissement comme exploitation au
profit de l’humanité.
● L'exploitation de la nature est aujourd’hui remise en question, en particulier dans le
domaine de la technique et du travail comme outils de domination. Car se libérer de
la nature a consisté à la malmener, à s'y opposer dans son ensemble comme
équilibre fragile de forces qui s'opposeraient à l'homme.
● En ce sens, il y a une confusion entre gain de liberté et combat contre la nature qu'il
convient de réfuter. Si la nature est en face de l'homme comme un ensemble de
ressources à exploiter, il a en ce sens l'illusion de pouvoir s'en libérer. Ce sont les
effets pernicieux de la transformation de la nature qui sont à dénoncer comme une
approche utilitaire de tout ce qui nous entoure, et non fondée car excluant à tort
l'homme lui-même.

III. Transformer la nature ne serait pas souhaitable pour « gagner » la liberté


● Lorsque l'on parle de transformer la nature en mettant cela sur le même plan que le
gain de liberté, on pense à une dialectique de la domination telle celle que Hegel
explique par la dialectique du maître et de l'esclave. La relation nature et homme
consisterait, en cela, en un rapport de dominé à dominant qui pourrait s'inverser
dans les deux sens. Or, c'est l'injonction-même de transformer la nature qui pose
problème si on continue à la prendre comme rapport de domination entre l'homme
et son environnement.
● La dialectique de la libération serait dangereuse pour la nature, mais aussi pour
l'homme lui-même, en ce sens qu'elle rendrait l'homme  « comme maître et
possesseur » sans pour autant qu'il ne gagne en liberté. En effet, il est asservi à ses
propres machines et peu soucieux de donner du sens et de la valeur à son
environnement artificiel.
● Il existe un moyen pour l'homme de transformer la nature que nous avons évoqué en
introduction : c'est l'art, qui loin d'aliéner l'homme à ses propres productions, comme
par le travail servile et les techniques et technologies, permet de donner du sens.
C'est le monde de l'art qui libère l'homme. Transformer la nature prend alors le sens
de se libérer des contraintes en développant la culture, en nous rendant libres. Mais
il ne faut pas alors l'entendre comme un gain quantitatif. Si c'est un gain, il n'est ni
quantifiable ni pris dans un sens économique pour l'homme : il est qualitatif, ce qui
donne valeur et sens à notre vie, ce qui permet la liberté.

EXPLICATION DE TEXTE

A. Éléments d’analyse

1. À partir de l’exemple du début du texte, expliquez pourquoi une conduite négligente peut
être, aux yeux de la loi, « presque l’équivalent d’un dessein malveillant ».

● Une conduite négligente peut être, aux yeux de la loi, « presque l’équivalent d’un
dessein malveillant » dans la mesure où les conséquences pourtant plutôt
conscientes peuvent potentiellement être les mêmes : c’est-à-dire, le mal fait à
autrui, volontairement ou non.
2. En quoi la situation est-elle différente lorsque la négligence tue « accidentellement » ?

● La situation diffère cependant du point de vue de ses conséquences : la punition


judiciaire ne sera pas la même.

3. D’après le texte, quels facteurs influencent naturellement notre évaluation de la gravité


d’un acte ?

● Les facteurs qui influencent naturellement notre évaluation de la gravité d’un acte
sont (fin du texte) :
○ la « sympathie » : on comprend ce que l’autre pourrait ressentir ;
○ l’« indignation » : voir le mal que l’autre commet, volontairement ou non,
nous scandalise ;
○ l’« équité » : il faudrait peut-être une justice proportionnelle au méfait.

B. Éléments de synthèse

1. Quelle est la question à laquelle l’auteur tente de répondre ici ?

● Faut-il sanctionner une faute involontaire au même niveau et au même degré qu’une
faute volontaire ? Peut-on dire : « je n’ai pas fait exprès » et être pardonné ?

2. Dégagez les différents moments de l’argumentation.

● l.1-7 : la notion de négligence, qui est condamnable ;


● l.7-15 : l’équivalence, que nous établissons naturellement entre une faute volontaire
et une faute involontaire, au regard de ses conséquences possibles ;
● l.15-fin : un exemple historique et les sentiments qui s’en dégagent (v. A. 3.)

3. En vous appuyant sur les éléments précédents, dégagez l’idée principale du texte.

● Il est peut être illogique et même injuste de condamner avec la même sévérité une
faute volontaire et une faute involontaire, mais le faire relève en nous d’un
sentiment naturel et bien compréhensible.

C. Commentaire

1. Qu’est-ce qui fait l’injustice d’une action : l’intention ou les conséquences ?


● Ce qui fait l’injustice d’une action est l’intention : la morale de principe de Kant dit
que nous devons être jugé selon nos intentions ; l’action moralement bonne est
définie par une intention bonne.
● Ce qui fait l’injustice d’une action relève des conséquences : la morale
conséquentialiste et utilitariste juge selon les effets, les résultats des action (S. Mill
par exemple, ou même Epicure).

2. Peut-on rendre la justice sans faire intervenir les sentiments ?

● On ne peut rendre la justice sans faire intervenir les sentiments : pour Rousseau, la
justice est d’abord un sentiment naturel, subjectif mais fiable (Discours sur l’origine
et les fondements de l’inégalité parmi les hommes).
● On ne peut rendre la justice en faisant intervenir les sentiments : pour Kelsen, la
justice est d’abord une norme légale, objective, et tout sentiment doit être mis de
côté (Théorie pure du droit).

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