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BAC GÉNÉRAL 2023

Correction épreuve de philosophie

SUJET 1 - Le bonheur est-il affaire de raison ?

• Les notions traitées

Le bonheur, la raison + la liberté, la conscience

• Le niveau de difficulté

Le sujet est assez classique car le problème se fonde sur la distinction entre le bonheur (de
l’ordre du sentiment), et la raison. Mais en fait l’originalité du sujet tient dans la formule
« affaire de » : le bonheur serait une décision – après négociation – de la raison.

• La problématique (reformulée)

Comment le bonheur, qui relève généralement du sentiment, et qui est même parfois
déraisonnable, pourrait-il dépendre en fait de la raison, notamment de la raison morale ?

• Les points clés à développer par sujet

Travailler les concepts en en voyant les différentes significations :


- « bonheur » : état de grâce (les moments forts) ; bonheur matérialiste et conformiste
(une famille, une maison) ;
- « raison » : raison morale (qui fixe les règles de l’action) ; raison philosophique,
scientifique dont le savoir peut rendre heureux (ou pas…).

Rattacher les notions à d’autres en démontrant le lien. Ex. :


- la foi qui amène le bonheur spirituel VS la raison qui reste très réaliste.
- les plaisirs qui finalement rendent malheureux VS les plaisirs simples qui rendent
heureux et sont réfléchis par la raison (Épicure).

• Plan possible

I- Le bonheur est affaire de raison : pour être heureux il faut négocier avec la
raison, elle en est la condition.
II- Le bonheur n’est pas affaire de raison car la raison refuse tout bonheur, jugé
justement déraisonnable.
III- Le bonheur n’est pas affaire de raison morale, le bonheur ne transige pas avec la
morale. La seule raison qui puisse guider le bonheur est celle du savoir ou de la
raison contemplative.

• Les astuces à utiliser/références à mentionner

- Épicure, Lettre à Ménécée : il faut réfléchir avant d’agir, distinguer ses désirs, en vue
du bonheur comme absence de douleur et de souffrance.
- La notion de « surmoi » selon Freud : morale répressive qui interdit tout bonheur
- Spinoza, Traité de la réforme de l’entendement : le bonheur de la raison qui amène
un savoir vrai.
- Aristote, Éthique à Nicomaque, l.X : le bonheur de la raison contemplative.

• Les pièges à éviter

Il fallait voir, considérer et expliquer ce qui fait le lien, dans le sujet, entre « bonheur » et
« raison », c’est-à-dire l’expression « affaire de ».

SUJET 2 – Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ?

Introduction.

« Vouloir la paix, est-ce vouloir la justice ? ». Cette question est celle du lien complexe,
jusqu’à l’équivalence potentielle, existant entre la paix et la justice. Mais la paix et la justice
sont-elles en rapport si étroit, au point que la première impliquerait la seconde ? Leur lien
est-il un lien de condition, l’une supposant nécessairement l’autre ?
Ce questionnement ne peut se faire sans songer à distinguer les deux domaines du juste que
sont le champ légal et le champ moral, qui ne coïncident pas forcément.

I. La paix et la justice comme équation : vouloir la paix serait respecter la justice.

• La paix se définit comme état d’absence de conflits, or c’est en respectant les lois et
le droit de la justice institutionnelle que cela se fait, ce que montre parfaitement bien
l’idée d’état de droit.
• C’est toute la théorie du contrat social, élaboré par exemple par Rousseau ou
Hobbes : sans le passage à la société et à la citoyenneté, les individus ne connaissent
qu’un état de guerre de tous contre tous, état de nature, non pacifique et non juste,
où seuls les égoïsmes et les intérêts particuliers cohabitent.
• Ceux qui décident de sortir de l’état de nature (cet état de conflits permanents)
veulent la paix et par là-même la justice. Les deux ne peuvent se faire séparément.

II. L’illusion de la paix sociale : un silence de soumission révélant surtout une absence de
volonté de justice.

• La paix sociale équivaut davantage au silence des composants et parties sociales qu’à
un état d’osmose et d’harmonie des uns envers les autres, seul état qui serait juste
véritablement. Cela montre que la justice légale et institutionnelle peut avoir des
défaillances et être même injuste, et qu’un état pacifique n’est pas forcément
synonyme d’un état juste.
• De même, vouloir à tout la paix, à l’image de l’expression « fichez-moi la paix », ce
n’est pas du tout comparable à vouloir le juste : les totalitarismes le prouvent
parfaitement bien. Assujettir ses citoyens et ne vouloir d’eux que le silence et
l’absence d’effusion ne signifie aucunement être juste.
• Le mythe d’Antigone le révèle si bien : c’est parfois en état désinvolte et en ne
respectant pas la justice de sa cité, son pays ou autre, qu’on trouve la paix intérieure
la plus profonde et la vraie justice.

II. La volonté de paix et la volonté de justice ne sont équivalentes que dans le domaine de la
justice entendue au sens moral, comme vertu.

• Être juste n’est pas être dans le légal, mais dans le moral, c’est respecter des
principes profonds de bienveillance, d’altruisme, de respect. La paix au sens fort
n’existe qu’à ces conditions-là, de sorte qu’on ne peut alors la vouloir qu’en voulant
le juste.
• Kant le dit très bien : la loi morale en moi, le ciel étoilé, si calme, si harmonieux, au-
dessus de moi. Finalement, dans un contexte moral, la paix équivaut à la justice, à
cette harmonie totale des parties qui s’accordent non pas dans le silence d’une paix
virtuelle mais à l’unisson.
• La justice légale n’est pas la justice morale, la paix sociale n’est pas la paix comme
état de sérénité. Vouloir la paix n’est vouloir la justice que dans leur second sens.

SUJET 3 - Explication de texte

Introduction.

Ce texte, extrait du livre La pensée sauvage, de Lévi-Strauss, écrit en 1962, a pour objet le
bricolage. Notre auteur a en effet ni plus ni moins pour but ici que de montrer ce qu’est un
bricoleur.
Sa thèse est la suivante : le bricoleur se définit en comparaison et en confrontation avec
l’ingénieur, dans sa différence d’avec celui-ci, même s’il existe entre eux certains points
communs.
Le statut du bricoleur soulève une problématique : est-ce un technicien comme un autre,
dont l’ingénieur fait également partie ? Ou davantage un artiste précisément parce qu’il
s’avère plus libre et habile de ses matériaux que l’ingénieur lui-même ?
L’enjeu ici semble bien lié aux soucis ethnologiques de Lévi-Strauss : le concept même de
bricoleur a beaucoup à dire des sociétés occidentales ultra technicisées et spécialisées et des
sociétés non occidentales, qualifiées de primitives, qui n’en sont pas du tout au même point
de progrès technique.
Lévi-Strauss va étayer son argumentation en deux temps distincts, que nous allons analyser.

I. Le bricoleur, entre l’ingénieur et l’artiste : non soumis à ses outils matériels comme
l’ingénieur, plus libre de ses gestes comme l’artiste.
• (cela correspond à la première phrase, en entier)
• Point commun très global du bricoleur et de l’ingénieur : leur capacité à faire diverses
tâches.
• Première différence : ils ne procèdent pas de la même manière. L’ingénieur conçoit
ses projets en fonction de ses matériaux, de manière dite « subordonnée ». Le
bricoleur, quant à lui, est plus libre et moins dépendant, il « s’arrange avec les
moyens du bord » et « joue », quels que soient ses matériaux pour parvenir à ses
fins.
• La capacité du bricoleur semble plus poussée que celle de l’ingénieur, car davantage
artistique : plus libre, plus habile, moins soumise aux fonctions propres des outils
qu’il possède.
• Deuxième différence : l’univers matériel du bricoleur est clos, fini, non axé sur ce qu’il
veut faire, à la différence de celui de l’ingénieur totalement en phase, en fonction de
ses projets.
• Les matériaux du bricoleur sont des matériaux de récupération, dits « contingents »,
au sens où ils sont gardés pour créer une occasion possible. Ceux de l’ingénieur lui
sont totalement voués, attachés à leur usage futur défini à l’avance. Ce qui donne
une idée plus majestueuse du bricoleur, apte à plus ou moins moduler ses matériaux
en fonction de ce qu’il veut faire, au contraire de l’ingénieur qui aurait besoin de
matériaux spécifiques et précis pour mener à bien son projet.

II. Mi-artiste, mi-ingénieur, pas de projet à proprement parler pour le bricoleur, pas de
finalité pour ses outils et matériaux mais une pure instrumentalité

• (cela correspond ici à la fin du texte)


• Troisième différence entre le bricoleur et l’ingénieur : le premier n’a pas de véritable
projet, faisant avec ce qu’il a sous la main, le second en a un et exige d’avoir des
outils pour pouvoir le réaliser.
• Quatrième différence : les outils et matériaux ne sont pas du tout considérés de la
même façon. La matière première de l’ingénieur est vue selon sa finalité, son usage
propre (ce à quoi sert tel matériau spécifiquement). Celle du bricoleur est vue selon
son instrumentalité, sa potentialité : ce qu’on va bien pouvoir en faire, tous ses
usages potentiels.
• L’entre-deux artiste/ingénieur du bricoleur se confirme dans ses matériaux mêmes
qui sont « demi particularisés » : tout comme ceux de l’ingénieur ils ont une fonction
et un usage relativement précis (un marteau ne peut pas servir pour n’importe quoi),
à l’inverse de ceux de l’artiste qui sont, quant à eux, complètement modulables. Mais
à l’inverse de l’ingénieur, le bricoleur est capable de ne pas limiter ses outils à une
seule fonction, de voir plus large (c’est là l’inventivité propre de l’artiste).

Conclusion
Ce que Lévi-Strauss a voulu faire en conceptualisant ce qu’est un bricoleur, notamment en le
confrontant à l’ingénieur, c’est sans doute une critique de nos sociétés occidentales ultra
spécialisées et aux technologies très avancées. En Occident, il y a finalement des ingénieurs
pour tout domaine, des personnes ultra pointues mais sur un domaine particulier, de sorte
qu’en dehors de ce domaine elles n’ont plus de sens de débrouillardise ou d’habileté. Le
bricoleur a tout cela. Il correspond sans doute davantage aux gens des autres sociétés, qui
arborent un savoir-faire global et qui, plus démunis quant aux matériaux et moins à la pointe
de la technologie, font valoir leur intelligence naturelle, leur inventivité et leur habileté
« avec les moyens du bord » pour parvenir à leurs fins.

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