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BAC GÉNÉRAL 2021

Épreuve de philosophie

Sujet 1
Discuter, est-ce renoncer à la violence ?

Introduction

Souvent, on considère que discuter permet d’éviter des violences. Celui qui discute, plutôt
que de se battre physiquement par exemple, renoncerait à la violence. Discuter amènerait
sinon la paix, du moins l’apaisement dans les relations humaines. De là, la violence serait
l’échec de toute diplomatie par le langage. Mais à l’inverse, on peut se demander si ce n’est
pas le langage et le fait de discuter qui provoquent la violence : les mots et les jugements
d’une discussion peuvent en effet être violents. En ce cas, il faudrait s’abstenir de discuter.
Dès lors, discuter, est-ce renoncer à la violence ou au contraire, est-ce la provoquer ?
Discuter n’est-ce pas se disputer ? Nous verrons que, si discuter peut provoquer et attiser la
violence, la discussion est en réalité le moyen de ceux qui veulent renoncer à toute violence.
Nous préciserons toutefois que la discussion n’est pas le seul moyen de renoncer à la
violence.

I. Discuter, c’est provoquer la violence

Discuter, c’est tromper l’autre pour avoir raison, dominer l’autre (violence psychologique),
même si on ne possède pas la vérité. Platon, Gorgias, critique des sophistes.

Discuter est un rapport de force qui amène la dispute et non la paix. Schopenhauer, L’art
d’avoir toujours raison : pour avoir raison, il ne faut pas hésiter à insulter l’autre par exemple
et à utiliser la violence verbale.

La parole comme fausse discussion peut accompagner des violences (violences conjugales,
perversion narcissique…). L’exemple de la fausse persuasion du pédo-criminel vis-à-vis de
l’enfant (« c’est normal, tout le monde fait cela »).

II. Discuter, c’est renoncer à la violence

La diplomatie comme tentative de discussion contre toute violence : prendre un exemple


historique (accords de Camp David).

Mais la paix doit être permanente, faite dans des conditions justes, et non par un traité où
l’on met le couteau sous la gorge de l’autre : Kant, Projet de paix perpétuelle.
Au plan politique : la discussion comme moyen majeur du débat public et des projets de
société. Rousseau : la notion de contrat social.

III. Discuter n’est pas le seul moyen de renoncer à la violence

Le silence et l’indifférence comme moyens de laisser passer une colère ou un ressentiment


violent. Stoïcisme : « subis et abstiens-toi », abstiens-toi de parler et accepte ce qui arrive.

La violence d’État (qui se compose d’actes et de lois imposées plutôt que de discussions
citoyennes) contre la violence naturelle de l’homme (qui s’exprime notamment par des
mots, des jugements négatifs) : les hommes préfèrent la sécurité par des moyens répressifs
contre les hors-la-loi, plutôt que des discussion qui seraient stériles et non sincères. Hobbes,
Léviathan.

Conclusion

Au fond, la violence humaine est-elle naturelle ou culturelle ? Si elle est naturelle, que peut
la discussion ? Si elle est culturelle, n’est-ce pas parce qu’elle est le fruit de notre langage et
de son mésusage ? Pour que la discussion permette d’éviter les violences, il faut que la
discussion ne soit pas elle-même violente. Il faut donc une éthique de la discussion (résultat
de la culture humaine) pour contrecarrer nos mauvaises passions (résultat de la nature
humaine).
Sujet 2
L’inconscient échappe-il à toute forme de connaissance ?

Introduction

L’inconscient échappe-il à toute forme de connaissance ; au contraire, peut-il être connu ? Si


oui, par quel type de connaissance ? Et pourquoi ? Ce questionnement pose le problème
suivant : si l’inconscient échappe par nature à la conscience, pour autant, il n’échappe pas
nécessairement à toute connaissance. Aussi faut-il considérer la différence entre conscience
et connaissance : si l’inconscient échappe par définition à la conscience, échappe-t-il pour
autant à tout type de connaissance ? Et alors quelles formes de connaissance ? Le fond de la
question renvoie au fait de savoir si l’inconscient du sujet humain reste forcément dans
l’ignorance de ce même sujet ou d’autres sujets humains, ou au contraire si la science et la
raison notamment peuvent connaître l’inconscient. Nous pouvons penser au premier abord
que l’inconscient, foncièrement irrationnel, échappe à toute connaissance. Mais en fait, tout
l’effort de la psychanalyse, notamment, a été de connaître scientifiquement l’inconscient.
Nous verrons aussi que la connaissance rationnelle n’est pas la seule connaissance de
l’inconscient : l’art est une autre voie menant à cette connaissance.

I. L’inconscient échappe à toute forme de connaissance

L’inconscient est la caractéristique de celui qui a perdu la raison et n’a aucune connaissance.
Platon, Apologie de Socrate ou Ion : la critique des poètes « inspirés » qui ne savent pas ce
qu’ils disent.

Ce qui échappe à la conscience ne peut, par définition, faire l’objet d’une connaissance. Les
pensées inconscientes n’existent pas. Descartes, 4e réponse aux objections, Méditations
Métaphysiques.

II. L’inconscient n’échappe pas aux formes classiques de la connaissance

Si l’inconscient existe, il n’échappe pas à une connaissance empirique. Nous le constatons


quotidiennement dans des faits, chez les autres et sur nous-mêmes : lapsus, actes manqués,
rêves. Freud, Introduction à la psychanalyse.

Il n’échappe pas non plus à une connaissance rationnelle, scientifique, analytique,


notamment par la psychanalyse dont le rôle est le dévoilement de l’inconscient, par exemple
le sens des rêves, ou la connaissances des causes des névroses, des actes obsessionnels ou
compulsifs. Freud, L’interprétation du rêve. Le but de la connaissance de l’inconscient est
alors thérapeutique.
III. L’inconscient n’échappe pas non plus à des formes non rationnelles de la
connaissance

L’inconscient de l’artiste s’exprimant par son œuvre ou : la connaissance esthétique de


l’inconscient. L’exemple des surréalistes et la théorie du hasard objectif.

L’inconscient de l’artiste est connu par les représentations de la volonté. L’exemple de la


musique (Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, §52) qui
représente l’inconscient des forces naturelles ou des passions humaines.

Conclusion

Si l’inconscient est ainsi créateur et offre une connaissance esthétique, faut-il vraiment
chercher à le connaître rationnellement et scientifiquement ? Fait-il tarir la source de
l’inspiration artistique ? Mais il apparaît aussi que l’analyse psychologique aide à nous
soulager de nos troubles mentaux. L’artiste n’est-il pas au fond celui qui, par son travail et
son œuvre, fait sa propre psychanalyse sur son propre inconscient, tout à échappant à un
savoir trop rationnel, scientifique, universel, impersonnel ?
Sujet 3
Sommes-nous responsables de l’avenir ?

Introduction

De façon générale, la notion de « responsabilité » conduit à interroger la nature des


relations que nous entretenons avec nos actes. Être responsable de ses actes, de son
comportement, ou encore des orientations de notre existence, cela signifie : reconnaître
qu’on en est bien l'auteur, voire, dans un sens plus exigeant, accepter de les assumer
totalement. La question posée ici (« Sommes-nous responsables de l’avenir ? »), cependant,
excède largement ce cadre. Implicitement, la question posée est celle de la responsabilité de
l'humanité actuelle vis-à-vis de l'avenir, ou encore des générations à venir, que nous ne
connaîtrons pas. Au sens strict, nous n'aurons pas à « répondre de nos actes » devant ceux
qui ne sont pas encore nés. Pour que la question ait une signification évidente, il faut donc
prendre en considération une autre acception du mot « responsabilité » - un sens non
étroitement juridique. Nous ne pourrons pas réparer les dommages causés par notre
génération, ni endurer les sanctions pour nos crimes contre la nature par exemple
(« écocide »). En quel sens donc, et de quel point de vue, pourrions-nous nous tenir pour
responsables de l’avenir ?

I. Nous devons, en général, nous tenir pour responsables de nos actes.

C'est un des propres de l'homme : par son intelligence, par sa conscience morale, il est en
mesure de comprendre la portée de ses actes et donc d'en assumer les conséquences. Ce
qu'on ne demande pas aux animaux (au Moyen Âge on faisait des procès aux animaux, mais
c'est absurde).

L'individu doit répondre de ses actes. Lorsqu'il s'agit de délit ou d'un crime, il doit réparer les
dommages causés (droit civil) ou endurer une sanction (droit pénal). Seuls les individus
souffrant de troubles psychiques sont tenus pour irresponsables pénalement (l’article 122-1
du Code pénal dispose dans son premier alinéa que « n’est pas pénalement responsable la
personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique
ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes »).

Conclusion : Chacun d'entre nous se tient pour responsable de ses actes en tant qu'être
humain.

II. Nous n'aurons pas à répondre de l’avenir

« Nous » ce n'est pas moi, ce n'est personne ! Comment pourrais-je être responsable des
orientations qui sont celles de mon patron (usines polluantes) ou de mon gouvernement
(pour lequel je n'ai pas voté) ou des décisions des autorités internationales dans lesquelles je
ne suis pas impliqué ?
Nous ne serons pas là pour répondre de nos actes demain et au-delà. Donc, de fait, la
responsabilité au sens juridique du terme n'est pas du tout pertinente pour nous faire
prendre conscience de nos obligations vis-à-vis des générations futures. En revanche, les
croyants auront à répondre de leurs actes lors du Jugement dernier. Mais il est impossible de
savoir ce que Dieu attend de nous, compte tenu de notre situation particulière (cf.
« Pardonne-leur. IIs ne savent pas ce qu’ils font. » Luc 23-34 )

Conclusion : Je ne suis pas responsable de l'avenir de l'humanité. Quant à ceux qui prennent
les décisions, ils ne seront plus là pour rendre des comptes.

III. Voici pourquoi nous devrions néanmoins nous tenir pour responsables de l'avenir

La responsabilité morale peut être unilatérale et désintéressée. Non plus « je » risque d’être
sanctionné, mais j'estime avoir des obligations, en l'occurrence, vis-à-vis de l'humanité à
venir pour certains auteurs du XXe et du XXIe siècle (Emmanuel Levinas, Corine Pelluchon). Il
ne s’agit plus de « répondre de » mes actes mais de « répondre à » (l’appel). Il peut s'agir de
l’« appel muet » de tout être en détresse ou menacé, y compris ceux qui ne sont pas encore
nés. Pour cette « éthique de la responsabilité », l'Autre ne me demande rien sinon de ne pas
le détruire, de ne pas lui refuser toute chance d'exister dans une planète habitable. (Hans
Jonas, Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, 1973)

« Nous » n’est pas responsable. Il n'y a pas de responsabilité collective. Seul l'individu peut
assumer ses actes. En revanche on peut parler de « responsabilité partagée ». Chacun
d'entre nous peut se tenir pour responsable – certes partiellement – des décisions qui sont
prises en son nom, voire malgré sa volonté. La question de la désobéissance civile se pose
alors

Conclusion : Seul l’individu peut s'estimer responsable (très partiellement) de l’avenir.

Conclusion

Le problème posé actuellement par la « responsabilité pour l'avenir » provient sans doute
d'une interprétation trop étroite de la notion de responsabilité. Aucun de nous, à
proprement parler, ne répondra de ses actes dans l’avenir. La « responsabilité pour l’avenir »
est une notion éthique, voire politique si les « responsables » politiques ont des
préoccupations morales. À ce titre, elle exclut à la fois la sanction, la réparation et la
reconnaissance de nos mérites. L’« éthique de la responsabilité » renvoie donc à une idée
généreuse de l’humanité. Elle implique de se soucier des intérêts de l’Autre (le monde
vivant, la planète, les générations à venir) sans rien en attendre en retour. Il s'agit d'une
morale purement désintéressée, très éloignée des conceptions fondées au contraire sur
l'idée de réciprocité des droits et des devoirs, dans l'intérêt des individus et des groupes qui
coexistent dans une époque donnée.
Sujet 4
Explication de texte

Introduction

La question centrale posée par ce texte de Durkheim reste implicite : elle n'est pas formulée
dans ces lignes. Il s'agit de savoir si la morale qui est propre à une société, un peuple, une
culture, peut être contredite par d'autres exigences, une autre morale, d'autres principes
éthiques. On pense par exemple à Antigone et Socrate qui se sont élevés contre la morale de
leur cité au nom de principes moraux non écrits et dictés par leur propre conscience. Ce que
dit le texte, c’est que la morale d'une société, d'un peuple, d’une culture (donc d'une
religion) n'est pas un absolu. Elle comporte des limites. Il n'est donc pas impossible de la
critiquer ou de lui désobéir : « Il peut y avoir des excès en morale. » L'individu peut donc
refuser de se soumettre à des obligations « excessives » dictées par sa famille, son
éducation, ses traditions. Une telle proposition soulève évidemment un nouveau problème :
si la morale n'est pas dictée par la société, quel peut être son fondement ?

Plan détaillé

Il s’agit d’une argumentation dialectique : thèse, antithèse, synthèse.

• Thèse (première phrase ; de « Chaque peuple » jusqu’à « par les particuliers ») : il est
impossible d'imposer à un peuple une morale différente de celle qui procède de sa
propre culture (sous-entendu : il n'y a pas de morale universelle).

• Antithèse (de « Mais la morale » jusqu’à « par excellence ») : toute morale comporte
des limites.

Démonstration : La morale d’un peuple comporte deux types de limites. Premièrement,


des limites intrinsèques liées à la diversité des devoirs (amour de soi ou altruisme par
exemple). Certaines exigences peuvent être équilibrées ou neutralisées par d’autres.
Deuxièmement, une morale peut être limitée par les exigences de notre nature
(« fonctions vitales »). Tous les excès sont à proscrire.

• Synthèse et conclusion (dernière phrase) : les excès de toutes les morales particulières
laissent ouverte la possibilité d’une autre morale qui les contredirait, et ceci
légitimement. La morale (celle d’un peuple), en effet, peut être corrompue voire
détruite (« tarir la matière à laquelle elle s’applique ») par… la morale elle-même!

Conclusion

« Il peut y avoir des excès de morale » : on pense par exemple à Créon interdisant à
Antigone d’enterrer son frère, à certaines morales ascétiques stigmatisant tout plaisir, ou
encore des morales religieuses fondamentalistes impliquant des prescriptions cruelles voire
inhumaines. Si la thèse de Durkheim est acceptée, la conclusion (implicite) va de soi :
l’individu peut refuser d’obtempérer à une morale particulière qui lui a été imposée. Mais le
texte ne dit pas quels principes peuvent être opposés à une morale collective jugée
excessive. Pour les philosophes (Socrate, Kant) ce sont des exigences universalisables qui
peuvent et même doivent être opposées aux prescriptions excessives. Mais on objectera à
Durkheim que si la morale que mon environnement m'a imposée est contestable, la latitude
des individus pour adopter d'autres principes et d'autres règles est immense, voire illimitée
(« Fais ce qu'il te plaît »). Une morale parfaitement cynique n'est pas inenvisageable. Mais
elle ne pourra s'imposer sans contradiction à l'ensemble d'une communauté.

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