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DISSERTATION
Le plaisir de lire Manon Lescaut ne tient-il qu’au récit d’une passion amoureuse ?
On prête à Antoine François Prévost une vie pleine de rebondissements qui peut
sembler bien éloignée de son statut ecclésiastique. La passion amoureuse aurait souvent
guidé ses choix, associée à un désir fort de liberté. Ainsi L’histoire du chevalier des Grieux et
de Manon Lescaut publiée en 1731, serait partiellement inspirée de l’existence tumultueuse
de son auteur qui s’est plus d’une fois écarté des valeurs portées par son éducation, sa
fonction et son origine sociale. Il est certain que le récit que le jeune Des Grieux fait au
marquis de Renoncour donne la primauté aux aventures engendrées par l’amour fou que le
jeune homme de bonne famille a éprouvé pour la belle Manon. Mais le plaisir du lecteur ne
tient-il qu’au récit d’une passion amoureuse ? N’y a-t-il pas d’autres ressorts romanesques
ainsi qu’une dimension réflexive qui séduisent tout autant le public ?
Nous verrons tout d’abord que l’histoire d’une passion amoureuse entre deux amants
que tout opposait charme le lecteur, puis que ce roman mobilise tous les plaisirs engendrés
par le roman d’aventures. Enfin, guidé par les propos de l’auteur dans l’Avis liminaire, nous
comprendrons qu’« outre le plaisir d'une lecture agréable, on y trouvera peu d'événements
qui ne puissent servir à l'instruction des mœurs ». Nous verrons que cette dimension
réflexive participe également au plaisir de la lecture.
2) L’idylle
Un roman aux grandes envolées lyriques qui dit l’amour, ses joies et ses peines. Les
personnages exultent de joie, pleurent, se déclarent un amour éternel, se déchirent
également. Émotivité exacerbée.
Exemples :
- un amour sensuel irrésistible dès la première nuit partagée (« nous fraudâmes les
droits de l’église ») ;
- le trouble de Des Grieux face aux démonstrations amoureuses de Manon lors des
retrouvailles au parloir : « À peine eus-je achevé ces derniers mots, qu’elle se leva avec
transport pour venir m’embrasser. Elle m’accabla de mille caresses passionnées. Elle
m’appela par tous les noms que l’amour invente pour exprimer ses plus vives
tendresses. »
● L’auteur prévient les critiques et les attaques en expliquant que son œuvre montre
que la passion, en faisant perdre vertu et raison, conduit à une fin tragique.
Pour gagner en crédibilité dans ce projet d’édifier le lecteur, il donne à voir le rachat des
amants en Louisiane qui adoptent une vie simple et pure, et montre le repentir de Manon
qui semble enfin sincère : « Je ne cesse point de me reprocher mes inconstances, et de
m’attendrir, en admirant de quoi l’amour vous a rendu capable, pour une malheureuse qui
n’était pas digne ».
Il fait de Tiberge un parangon de vertu, un contrepoint et un modèle : « J’avais autant de
penchant que vous vers la volupté, mais le ciel m’avait donné, en même temps, du goût pour
la vertu. (...) J’ai conçu pour le monde un mépris auquel il n’y a rien d’égal ». Tiberge reste
fidèle à sa vocation religieuse, à son ami et le met en garde contre les dangers du libertinage
dans de longs sermons qui ennuient Des Grieux : « il m’exhorta à profiter de cette erreur de
jeunesse pour ouvrir les yeux sur la vanité des plaisir. », Tiberge « Le poison du plaisir vous a
fait écarter du chemin », « La plus terrible punition de dieu serait de vous en laisser jouir
tranquillement ».
● Une réflexion sur le statut des femmes au XVIIIème siècle : quelles perspectives
quand on n’est pas bien née. Fille de joie, elle est déportée au Mississipi et destinée à
être mariée de force à Synnelet, le neveu du gouverneur.
// Laclos, Les Liaisons dangereuses, lettre 81, le parcours de Mme Merteuil et le choix du
libertinage comme une résistance à la volonté de la société et des hommes qui entrave les
femmes.
// film Jeanne du Barry de Maïwenn.
Conclusion :
Plaisirs multiples de la lecture
PLACERE : récit d’une grande histoire d’amour qui convoque tous les plaisirs du romanesque.
DOCERE : faire réfléchir et instruire moralement le lecteur
Beaucoup d’autres plaisirs qui s’enrichissent au fil des lectures et du temps. Complexité des
interprétations, ambigüité des jugements, croisement des regards : c’est ce qui fait une
grande œuvre littéraire, un classique.