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COMMENTAIRE
3) L’art est ainsi présenté comme lieu de mise à l’écart, propre à une
contemplation de soi.
● Exploration de son intériorité : « j’envie » (l.8), « je frémis » (l.12), « je m’y promets »
(l.12), « plus près de moi » (l.13), « je m’alarme et me rassure » (l.16), « je puis me
parler tout haut » (l.22-23) ;
● Un lieu vers lequel aller (« je marche », l.3) et mis en valeur : anaphore des
présentatifs (« c’est là », l.13-16) ;
● Un lieu solitaire : énumération de groupes prépositionnels négatifs introduits
par « sans » (l.14-15), en opposition avec le « tumulte » des villes et des foules
(énumération voire accumulation l.17-18) ;
● Gradation croissante : à la ligne 13, retour vers soi presque physique ;
● Retour vers soi qui permet aussi de créer un lien profond et vrai avec l’autre :
paradoxe entre l’expression « je regrette mon amie » et l’expression « nous
jouirons de nous » (l.14).
1) Les ruines comme symbole du temps qui passe et détruit toute construction
humaine.
● Gradation décroissante (l.1-2) qui fait le lien entre temps et anéantissement ;
● Parallélisme de construction à la ligne 2 avec deux négations restrictives et des verbes
synonymes ;
● Rien n’est épargné par le temps : même le « marbre des tombeaux » (l.7-8), pourtant
symbole d’éternité (marbre = matériau dur, qui ne s’érode pas ; tombeaux = mort,
éternité), « tomb(e) en poussière ». C’est une référence à la mythologie biblique +
aux vanités ;
● Le passage du temps est montré dans son processus grâce à l’accumulation de verbes
montrant l’effet du temps sur le monde et la nature : « s’affaisse », « se creuse »,
« chancelle », « s’ébranlent » aux lignes 6 et 7
Diderot livre ici un texte qui semble s’éloigner de la critique d’art et de la réflexion rationnelle
mais qui, pour autant, propose une réflexion philosophique dans laquelle la sensibilité joue
un rôle premier. Cette page profonde et touchante semble préromantique et nous fait penser
à une Rêverie du promeneur solitaire de Rousseau.
DISSERTATION
Le plaisir de lire Manon Lescaut ne tient-il qu’au récit d’une passion amoureuse ?
On prête à Antoine François Prévost une vie pleine de rebondissements qui peut
sembler bien éloignée de son statut ecclésiastique. La passion amoureuse aurait souvent
guidé ses choix, associée à un désir fort de liberté. Ainsi L’histoire du chevalier des Grieux et
de Manon Lescaut publiée en 1731, serait partiellement inspirée de l’existence tumultueuse
de son auteur qui s’est plus d’une fois écarté des valeurs portées par son éducation, sa
fonction et son origine sociale. Il est certain que le récit que le jeune Des Grieux fait au
marquis de Renoncour donne la primauté aux aventures engendrées par l’amour fou que le
jeune homme de bonne famille a éprouvé pour la belle Manon. Mais le plaisir du lecteur ne
tient-il qu’au récit d’une passion amoureuse ? N’y a-t-il pas d’autres ressorts romanesques
ainsi qu’une dimension réflexive qui séduisent tout autant le public ?
Nous verrons tout d’abord que l’histoire d’une passion amoureuse entre deux amants
que tout opposait charme le lecteur, puis que ce roman mobilise tous les plaisirs engendrés
par le roman d’aventures. Enfin, guidé par les propos de l’auteur dans l’Avis liminaire, nous
comprendrons qu’« outre le plaisir d'une lecture agréable, on y trouvera peu d'événements
qui ne puissent servir à l'instruction des mœurs ». Nous verrons que cette dimension
réflexive participe également au plaisir de la lecture.
2) L’idylle
Un roman aux grandes envolées lyriques qui dit l’amour, ses joies et ses peines. Les
personnages exultent de joie, pleurent, se déclarent un amour éternel, se déchirent
également. Émotivité exacerbée.
Exemples :
- un amour sensuel irrésistible dès la première nuit partagée (« nous fraudâmes les
droits de l’église ») ;
- le trouble de Des Grieux face aux démonstrations amoureuses de Manon lors des
retrouvailles au parloir : « À peine eus-je achevé ces derniers mots, qu’elle se leva avec
transport pour venir m’embrasser. Elle m’accabla de mille caresses passionnées. Elle
m’appela par tous les noms que l’amour invente pour exprimer ses plus vives
tendresses. »
● L’auteur prévient les critiques et les attaques en expliquant que son œuvre montre
que la passion, en faisant perdre vertu et raison, conduit à une fin tragique.
Pour gagner en crédibilité dans ce projet d’édifier le lecteur, il donne à voir le rachat des
amants en Louisiane qui adoptent une vie simple et pure, et montre le repentir de Manon
qui semble enfin sincère : « Je ne cesse point de me reprocher mes inconstances, et de
m’attendrir, en admirant de quoi l’amour vous a rendu capable, pour une malheureuse qui
n’était pas digne ».
Il fait de Tiberge un parangon de vertu, un contrepoint et un modèle : « J’avais autant de
penchant que vous vers la volupté, mais le ciel m’avait donné, en même temps, du goût pour
la vertu. (...) J’ai conçu pour le monde un mépris auquel il n’y a rien d’égal ». Tiberge reste
fidèle à sa vocation religieuse, à son ami et le met en garde contre les dangers du libertinage
dans de longs sermons qui ennuient Des Grieux : « il m’exhorta à profiter de cette erreur de
jeunesse pour ouvrir les yeux sur la vanité des plaisir. », Tiberge « Le poison du plaisir vous a
fait écarter du chemin », « La plus terrible punition de dieu serait de vous en laisser jouir
tranquillement ».
● Une réflexion sur le statut des femmes au XVIIIème siècle : quelles perspectives
quand on n’est pas bien née. Fille de joie, elle est déportée au Mississipi et destinée à
être mariée de force à Synnelet, le neveu du gouverneur.
// Laclos, Les Liaisons dangereuses, lettre 81, le parcours de Mme Merteuil et le choix du
libertinage comme une résistance à la volonté de la société et des hommes qui entrave les
femmes.
// film Jeanne du Barry de Maïwenn.
Certes Manon et Des Grieux se conduisent de manière immorale mais ils sont en quête du
bonheur et l’amour du jeune homme est sincère et absolu. Des Grieux pourrait dire comme
le fera Perdican un siècle plus tard dans On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset :
« On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et
quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit :
j’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. »
Conclusion :
Plaisirs multiples de la lecture
PLACERE : récit d’une grande histoire d’amour qui convoque tous les plaisirs du romanesque.
DOCERE : faire réfléchir et instruire moralement le lecteur
Beaucoup d’autres plaisirs qui s’enrichissent au fil des lectures et du temps. Complexité des
interprétations, ambigüité des jugements, croisement des regards : c’est ce qui fait une
grande œuvre littéraire, un classique.
III. La Peau de chagrin, le tableau d’un monde fermé, plutôt que celui d’un monde exténué
Si l’on peut parler de monde exténué à la lecture de La Peau de chagrin, c’est bien
seulement parce que Raphaël, après avoir accepté le contrat que lui propose le mystérieux
antiquaire, se vide de son énergie vitale à mesure que la peau l’aide à accomplir ses désirs. Il
semble plus approprié de parler d’un monde fermé et exclusif où s’exercent les différents
organes du pouvoir. Raphaël, soucieux d’y pénétrer, représente ceux animés d’ambitions
immodérées de réussite sociale qui hypothèquent en jours de vie ce qu’ils espèrent gagner
en jours de gloire. En fait, Raphaël n’est-il pas le miroir autobiographique de Balzac jeune, qui
dans sa découverte ambitieuse du microcosme parisien se heurte à de multiples cercles de
pouvoir ? Paris est ainsi présentée comme le lieu des accomplissements individuels, pour
peu qu’on y fasse des rencontres exceptionnelles et qu’on s’arme de patience. Mais, c’est
s’engager dans une voie où l’on risque d’y laisser sa santé et sa tranquillité mentale.
C’est, en somme, toute l’histoire de la Comédie humaine, qui présente ici ou là des
personnages arrivistes prêts à jouer leur vie sur le tapis d’une société impitoyable où
s’agitent agneaux et loups.
Peut-on considérer Sido et Les Vrilles de la vigne comme des œuvres de l’émerveillement ?
1) La célébration de la nature
« Sous la plume de Colette, tout vit et tout vibre » Albéric Cahuet, L’illustration, 1930.
Paysages aimés
Les jardins de la maison familiale.
La campagne de son enfance.
La maison bretonne de Colette et Missy nommée Rozven, « la rose des vents ».
// Jean-Jacques Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, 1782 où l’autobiographe raconte
ses promenades et ses collectes de végétaux sans jamais se lasser du « spectacle du
monde ».
// Camus dans Noces, 1939 : célébration lyrique d’une nature magique entre terre et mer,
baignée de lumière. Sentiment d’être pleinement homme dans cet environnement.
Éblouissement de la nature
La mère de Colette lui a transmis un regard émerveillé sur la nature.
Exemples :
- sa mère admire la beauté du merle plutôt que de le chasser pour qu’il ne mange pas
ses cerises ;
- l’observation des signes annonciateurs de l’hiver.
1) Le petit monde de la narratrice saisi avec une grande acuité. Un regard plein
d’humanité sur les êtres vivants.
La famille : frères, sœur (Léo, Juliette, Achille « les sauvages »), parents, rares voisins dans
Sido élargi au beau monde parisien dans Les Vrilles de la vigne.
Regard tantôt sévère, tantôt tendre.
La compagnie des animaux : « les bêtes » qui font partie de la famille.
Ex : le cheval Moffino qui tire la voiture familiale, les oiseaux du jardin, la chatte dont son
décrits les amours avec le matou Nonoche, les chiens …
Parfois ces animaux en disent beaucoup sur les hommes comme Kiki la doucette qui
participe au portrait de sa maîtresse.
Les amours : son mari Willy, les amitiés féminines et l’évocation discrète de sa relation
homosexuelle avec Missy.
Mondanité et mondaines
Exemples :
- Dans « Printemps de la Riviera » : description d’un bal donné à Nice, du casino de
Monte Carlo. Évocation de la vie mondaine sur la côte d’Azur.
- Colette évoque aussi « les dames qui vivent de leurs charmes », les « femmes de
joie ».
3) Une certaine gravité et la conscience d’un bonheur fragile :
Le capitaine, son père, un homme insaisissable
« Il était poète et citadin » : dans la section du Capitaine, elle évoque les goûts de son père
pour la politique, pour les « parties de campagne ».
Ex : lorsque le lecteur découvre que le père de l’auteure est revenu de la guerre amputé :
« […] mon brillant, mon allègre père nourrissait la tristesse profonde des amputés. Nous
n’avions presque pas conscience qu’il lui manquât, coupée en haut de la cuisse, une jambe.
Qu’eussions-nous dit à le voir soudain marcher comme tout le monde ? » Colette, Sido, 1929.