Explorer les Livres électroniques
Catégories
Explorer les Livres audio
Catégories
Explorer les Magazines
Catégories
Explorer les Documents
Catégories
Épreuve de français
Le roman moderne a été fortement marqué par l’écriture réaliste du XIXe siècle : le personnage,
la description de la société, la mise en place du cadre du roman font désormais partie des attentes
du lecteur. Aussi les romanciers du XXe siècle doivent-ils réinventer un genre devenu incontournable.
Pérec publie en 1965 son roman Les Choses. Le titre est évidemment surprenant pour le lecteur
habitué aux héros éponymes, et ne manque pas d’ironie. Dans les premiers chapitres du roman,
l’appartement de Sylvie et Jérôme, ainsi que les objets qu’il abrite, sont dévoilés au lecteur, dans une
description qui pose le cadre de l’intrigue. Nous nous demanderons donc dans quelle mesure la
description d’un décor romanesque permet à Perec d’ouvrir les possibilités poétiques du genre. Nous
évoquerons d’abord ce décor qui se donne à lire comme un décor romanesque, puis qu’il permet de
révéler les personnages qui y vivent pour finir par montrer que Pérec ouvre à travers une description
qui semble convenue les possibles du genre romanesque.
I. Un décor romanesque
Le cadre
Un appartement modeste, des références à des objets de décoration, à des styles, à des meubles, les
énumérations (voire accumulations) qui rendent compte du cadre.
Le lieu apparaît comme un projet du couple, on peut s’attendre à une intrigue romanesque.
Toutefois, l’appartement décrit n’est pas seulement un cadre spatial pour le roman, il fait
fonction de révélateur des personnages qui, eux, ne sont pas décrits.
Un couple d’intérieur
Le couple finit par se fondre dans le décor jusqu’à y être enseveli. Des prénoms aux pronoms : les
personnages ont le même statut que les objets « ils »/ « elle » pour la bibliothèque par exemple.
Plus le texte avance et plus ce qui était de l’ordre du détail singulier disparaît. Jeu sur les
déterminants : on passe de « leur demeure », « sa fenêtre aux rideaux rouges », « sa longue table de
chêne » avec l’usage des possessifs particularisants, à des déterminants qui sont des articles définis à
valeur généralisante « la bibliothèque », ou des indéfinis « une prise de courant »
La focalisation interne du deuxième paragraphe en particulier n’est pas celle d’un personnage, mais
celle du couple, qui semble ne plus avoir d’individualité.
Un réel en devenir
Les possibles explorés sont d’abord liés à l’intrigue :
- jeu sur les oppositions entre ce qui est et ce qui devrait être, aurait pu être,
- tout ce qui est présent dans le décor est inabouti, irréalisé : utilisation des conditionnels,
subjonctifs, forte présence de modalisateurs.
Brouillages des temps/époques : toutes les notations temporelles, même si elles sont précises, ne
renvoient à aucune référence. Par exemple « pendant trois ans » mais il est impossible de situer
cette époque.
Une écriture poétique : rythme des phrases, longues périodes, sonorités reprises. Ce qui aurait pu
faire penser au réalisme ne provoque en fait aucun effet de réel, mais plutôt un effet musical,
esthétique.
En somme, Pérec, à l’orée des Choses, semble reprendre les codes du genre romanesque et
mettre en place un cadre propice à l’intrigue. Les éléments constituant du récit sont facilement
identifiables (lieux, personnages…). Toutefois, ces éléments ne se limitent pas à poser un cadre, ils
façonnent l’image des personnages et même l’image d’un récit moderne et poétique qui restera
caractéristique de l’art romanesque de la deuxième moitié du XXe siècle.
Objet d’étude : la poésie du XIXe siècle au XXIe siècle
SUJET A – Dissertation
Œuvre : Victor Hugo, Les Contemplations, livres I à IV
Parcours : les mémoires d’une âme
Comme les Romantiques de son siècle, Victor Hugo a traversé les nombreux
bouleversements historiques et politiques du XIXe siècle. Et c’est lors de son exil à
Guernesey que cet auteur varié de romans, pièces de théâtre et poésies compose le recueil
autobiographique des Contemplations, dont le sous-titre Mémoires de l’âme.
Il choisit la forme du recueil de poèmes, et non du récit rétrospectif en prose, pour
rappeler ses souvenirs et impressions dans une autobiographie poétique. Publié en 1856, ce
recueil est composé de deux volumes « Autrefois » et « Aujourd’hui », dont la plupart des
poèmes offrent une tonalité nostalgique des jours heureux, mais marquée par le décès de la
fille adorée de Hugo, morte noyée, Léopoldine.
Comment le témoignage intime de Victor Hugo aide-t-il le lecteur à se reconnaître
dans les divers poèmes des Contemplations ?
C’est à travers des thématiques universelles que le poète partage ses souvenirs et son
chagrin, se mettant ainsi au service de tous les hommes.
I. Des thématiques universelles : le poète veut que le lecteur se reconnaisse dans ses
poèmes.
Livre I « Aurore » dévoile la jeunesse romantique des années 1830 et le bonheur de la
nature : « Elle était déchaussée, elle était décoiffée. » (livre I).
Livre III « Les luttes et les rêves » relate les combats politiques, l’idéalisme romantique
et la misère sociale : « Mélancholia » dénonce le travail pénible des enfants « Ils vont
de l’aube au soir faire éternellement Dans la même prison le même mouvement. »
Livre IV « Pauca meae », « Peu de vers » (pour ma chère fille), rapporte la perte d’un
enfant, un chagrin insurmontable, et la vocation du poète : « Demain, dès l’aube, à
l’heure où blanchit la campagne […] Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe Un
bouquet de houx vert et de bruyère en fleurs. »
II. Le poète partage ses souvenirs et son chagrin : il part de ses expériences
personnelles et son témoignage intime.
Sous-titre du recueil est « Mémoires d’une âme » : le recueil est le reflet des états
d’âme du poète : « Homo sum », « Je suis un homme comme les autres », alors que
Baudelaire écrit : « Hypocrite lecteur, – mon semblable – , mon frère ! »
C’est l’identité spirituelle, émotionnelle et sentimentale de l’homme, dont il est
question : « Si jamais il y a eu un miroir d’âme, ce sera ce livre-là. » (Préface)
Le poète est le seul capable de parler le langage de l’âme : « Le poète écoute en lui-
même une lyre. » (Livre I, 2) et il suit un itinéraire spirituel : il veut « contempler » Dieu
(au sens mystique).
III. Le poète est au service de tous les hommes : il rappelle aux lecteurs qu’il n’écrit pas
pour lui-même, mais pour eux.
Fameuse exclamation au lecteur dans la Préface qui pose le poète comme l’Homme
universel : « Ah ! insensé qui crois que je ne suis pas toi ! »
L’extraordinaire virtuosité lyrique de Hugo au travers des nombreuses images et des
rythmes variés de ces poèmes constitue des trouvailles inépuisables qui réjouissent le
lecteur, tels un cadeau universel.
Le véritable destinataire de ce recueil est la morte : « À celle qui est restée en
France. », (Léopoldine n’est jamais nommée).
Ainsi, nous avons vu en quoi l’image du miroir tendu aux lecteurs constitue le
témoignage intime de Victor Hugo dans son recueil Les Contemplations. C’est avec sincérité
et lyrisme que le poète choisit de raconter ses souvenirs et son deuil. Il s’interroge sur le
destin et la mort, thèmes universels, et il partage ses doutes et son désespoir avec les
lecteurs après la mort de sa fille adorée Léopoldine, le quatre septembre 1843. Pour Victor
Hugo, un des grands rôles du poète reste de guider les autres hommes, le transformant en
un poète de l’humanité. De même Baudelaire nomme les poètes tels que Hugo, dans son
recueil poétique Les Fleurs du mal, « les phares de l’humanité ».
SUJET B – Dissertation
En plein second empire, sous le régime autoritaire de Napoléon III, la censure est très
active en France. En 1857, un procureur, Ernest Pinard, conduit deux grands procès
littéraires pour outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs. Celui de Flaubert pour
Madame Bovary et celui de Charles Baudelaire pour Les Fleurs du Mal. Lors de cet illustre
procès, Ernest Pinard reproche à Baudelaire de « conduire à l’excitation des sens par un
réalisme grossier et offensant pour la pudeur ». L’ouvrage est condamné car il « contient des
passages ou expressions obscènes ou immorales », on accuse le poète de faire l’apologie du
vice. Baudelaire et son éditeur sont condamnés à une amende, privés de leurs droits
civiques et six poèmes sont censurés, jugés érotiques ou blasphématoires. Baudelaire, très
affecté par cette sentence, se sent harcelé et incompris. Le procureur lui reproche
particulièrement de « tout peindre, de tout mettre à nu » dans son recueil. Les Fleurs du mal
est-il en effet un recueil poétique qui pose sur le monde un regard sans filtre et livre une
réalité crue dans la volonté provocatrice de choquer les lecteurs ? Peut-on dire que
Baudelaire ne nous épargne rien de la laideur qui l’entoure ? En nous fondant sur notre
lecture attentive de l’œuvre et des textes qui ont accompagné son étude, nous nous
demanderons dans un premier temps si ce reproche de mettre à nu le réel se justifie. Puis,
nous verrons que Baudelaire et ses confrères poètes peuvent aussi magnifier le monde qui
les entoure. Plus encore, nous étudierons dans un dernier temps le travail de transfiguration
de la réalité que les poètes mettent en œuvre dans un véritable mouvement d’alchimie.
I. Le poète met à nu le réel sans pudeur : on peut en effet lui reprocher de « tout
peindre » sans épargner le lecteur.
Le poète donne parfois à voir le monde tel qu’il est, sans nous protéger de sa laideur où de ce
qui peut nous répugner.
Baudelaire n’ignore pas ce que la réalité peut avoir de putride, de dégoutant, de repoussant
tels un cadavre, des ordures en putréfaction, la terre « grasse et pleine d’escargots » qui nous
absorbera, la fange dans laquelle on se noie, à l’image de la saleté des rues de Paris au
XIXe siècle.
Ex : Baudelaire, « Le Vin des Chiffonniers » qui évoque les « tas de débris/ Vomissement confus de
l’énorme Paris », “ Le cimetière immense et froid, sans horizon ” (“ Une Gravure fantastique ”)
Le poète n’hésite pas à se comparer à un animal mal aimé ou dégradé. Ce bestiaire est
l’allégorie de sa souffrance ou du sentiment d’être incompris, rejeté par la société.
Le poète donne à voir sans complaisance la souffrance morale et les doutes existentiels qui
traversent les hommes.
MUSSET, « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux », extrait de « La Nuit de mai »
Ex : Le spleen baudelairien :
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. ” (“ Spleen ”, LXXVIII)
Ex : Rimbaud, « Vénus anadyomène » : « Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus ; /
- Et tout ce corps remue et tend sa large croupe / Belle hideusement d'un ulcère à l'anus. »
Sa grandeur,
Sa capacité à aimer,
Sa beauté.
II.3. Le poète est un visionnaire qui porte un regard singulier sur la réalité
Pour les poètes symbolistes particulièrement, le monde sensible n’est qu’apparence, et une
autre réalité, plus vaste et plus profonde, existe. Et c’est l’artiste (peintre, musicien ou
poète) qui doit être le médium entre le réel quotidien et l’au-delà mystérieux des « forêts de
symboles ». Mais, pour transmettre cet Inconnu, il n’a à sa disposition qu’un langage usé par
l’habitude et les stéréotypes ; il doit donc sans cesse réinventer une langue à la fois originale
et compréhensible.
Ex : Rimbaud, lettre du voyant à Paul Demeny : le poète voyant nous donne accès à une
réalité que l’on ne voit pas.
Ex : Baudelaire est en quête d’une beauté nouvelle, en rupture d’une tradition poétique,
d’où la célèbre formule du poète : « Le beau est toujours bizarre », donc insolite, impertinent,
perturbant (Curiosités esthétiques, 1868).
Ex : Beauté paradoxale de la mendiante rousse (LXXXVIII) : « Pour moi, poëte chétif, / Ton
jeune corps maladif, / Plein de tâches de rousseur, / A sa douceur. » (vers 5 à 8)
III.2. Transfigurer le banal quotidien en objet poétique ou porter un regard neuf sur ce
qui est mal aimé
Il met en lumière ce que l’on cache habituellement ou que l’on ne remarque pas.
Ex : Ponge qui sublime une huître ou un cageot dans Le parti pris des choses, qui fait d’une
cigarette qui se consume une allégorie de la vie.
Ex : Baudelaire : “ Le vin sait revêtir le plus sordide bouge / D’un luxe miraculeux ” (“ Le
Poison ”, XLIX)
Ex : Ponge, « Ode inachevée à la boue » : « La boue plait aux cœurs nobles parce que
constamment méprisée. »
Dans l’Appendice aux Fleurs du Mal, le poète écrit : « J’ai pétri de la boue et j’en ai fait de
l’or. » Il développera l’idée dans l’édition de 1861 : « Comme un parfait chimiste et comme une
âme sainte / Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence, / Tu m’as donné ta boue et j’en ai
fait de l’or. » Ces vers appellent la célèbre métaphore du poète alchimiste, discipline antique
qui cherche à transformer des métaux vils (fer, plomb) en métaux nobles (or et argent). La
métaphore assimile donc l’acte de création poétique à une « sorcellerie évocatoire » pour
reprendre les mots de Charles Baudelaire. Cela implique un déplacement du regard qui
permet au poète de transfigurer le monde.
Ex : « Alchimie de la douleur »
La poésie transforme donc les éléments du réel dont elle s’empare et les sublime en
exprimant leur beauté cachée. Le poète est capable d’opérer cette transfiguration grâce au
regard qu’il pose sur le monde et qui lui permet de voir ce que le lecteur ne perçoit pas grâce
à ses mots, les sonorités, les sensations, les correspondances qu’il fait naître.
Dans Le Figaro, Gustave Bourdin écrivait en 1857 à propos des Fleurs du Mal : « L’odieux y
coudoie l’ignoble ; le repoussant s’y allie à l’infect ». Ces propos appuyaient le jugement
sévère et sans appel du procureur Ernest Pinard. Néanmoins si nous avons montré que les
poètes peuvent révéler au lecteur une réalité nue, dérangeante et crue ; ils peuvent aussi la
magnifier et la sublimer. En transfigurant le réel par le regard qu’ils posent sur le monde,
Victor Hugo, Charles Baudelaire, Arthur Rimbaud, Francis Ponge pour ne citer qu’eux, font
un véritable travail d’alchimiste. Ils métamorphosent la réalité boueuse, la fange du réel en
or poétique. En cela le poète est un véritable chercheur d’or tel que le définit Pierre
Reverdy en 1948 dans Le livre de mon bord : « Transmuer la misère en bonheur – grâce à l’or –
voilà le grand, l’incroyable et mystérieux coup d’alchimie. Non pas la matière en une autre matière
mais bien la matière en esprit ».
SUJET C – Dissertation
Le début du XXe siècle est marqué par les progrès, le développement économique et
la confiance en l’avenir. C’est dans ce contexte que Guillaume Apollinaire, fasciné par les
progrès techniques de son siècle, écrit en 1913 le recueil de poèmes Alcools, autant
imprégné du courant symboliste que du manifeste du futurisme, qui célèbre la modernité et
les inventions. Ce recueil à la fois lyrique et élégiaque mêle des thèmes variés comme
l’identité, l’amour, l’automne, l’ivresse et la juxtaposition des symboles de la tradition à ceux
de la modernité.
Alors est-ce que le poète Apollinaire livre, dans Alcools, une poésie telle un passage
d’un monde ancien à un monde nouveau ?
C’est ce que nous allons voir en étudiant l’organisation du recueil qui dévoile une
poésie résolument moderne mais qui renoue en même temps avec les grandes traditions
poétiques.
Au début du vingtième siècle, Valéry Larbaud porte un regard poétique sur le monde
nourri par ses voyages. Il crée une sorte de double littéraire, le personnage d’Archibald
Olson Barnabooth qui partage son goût pour la découverte du monde. Dans un amusant
subterfuge littéraire, le poète se présente comme l’éditeur de son double fictif, l’américain
cosmopolite Archibald. Dans un poème de 26 vers libres, il évoque « L’ancienne gare de
Cahors » qu’il a découverte lors de ses pérégrinations. Ce lieu désaffecté est plein de charme
mélancolique et porte en lui les souvenirs d’un passé flamboyant. Comment cette gare,
autrefois pleine de vie et aujourd’hui paisible, donne-t-elle lieu à une évocation poétique
pleine de joie et lumière ? Nous montrerons que le poète magnifie ce lieu délaissé dont le
charme perdure en étudiant d’abord le contraste entre les deux visages de la gare puis la
joyeuse nostalgie du poète qui fait de cet endroit un havre de paix.
Ce paradoxe est traduit par l’antithèse « Vieille et rose » au v.4 qui suggère que bien
qu’obsolète, la gare n’a pas perdu son éclat et la fraîcheur des roses ; c’est également
une allusion à la couleur de la pierre dans le Sud-Ouest qui illumine les architectures.
III.2. La renaissance de la gare de Cahors…
Le lieu renaît sous l’influence de la nature : la nature qui crée un écrin très
valorisant pour cette gare baignée de soleil, cf Champ lexical mélioratif : « miracles
du matin » v.4, « soleil » v.6, « la chaleur de l’été » v.11, « éblouissante » v.16
La gare est comme engourdie dans la chaleur du sud mais elle n’en est pas moins
sensuelle comme l’exprime le contre rejet des vers 19-20 : « le chatouillement / Des
doigts légers du vent »
Un cadre bucolique et enchanteur permet de juxtaposer des éléments propres à la
gare et des éléments naturels comme le rapprochement entre le quai et la prairie au
v.9
III.3. … qui devient un véritable havre de paix.
Un lieu très valorisé qui a perdu sa fonction première mais n’a rien perdu de sa
superbe. Ce lieu devient un véritable Eden niché dans une nature accueillante. Cf
champ lexical du calme, de l’apaisement : « reposes, goûtes » v.17, tranquille » v.25 +
enjambement hyperbolique : « immensité charmante / De la Terre »
La gare devient même un lieu sacré qui abrite « la joie de Dieu », élan lyrique qui
connaît un crescendo à la fin du poème.
Dans ce poème bucolique de Valéry Larbaud, l’ancienne gare de Cahors est ainsi
présentée comme une sorte de Belle au bois dormant, belle marquise endormie. Plus
encore, elle devient à la fin du poème porteuse d’une dimension sacrée et se transmue en
une véritable allégorie de la beauté de la France. Ainsi, le regard très laudatif du poète
magnifie-t-il son environnement et redonne vie à ce lieu délaissé et en donne une image
émouvante et séduisante au lecteur.
déguisements, travestissements
- Toinette déguisée en médecin,
- Louison faisant semblant d’être morte,
- Argan « contrefaisant » le mort à son tour.
Les personnages révèlent de multiples facettes, dans des mises en abyme qui installent le
théâtre dans le théâtre. La fantaisie, au sens de l’imagination associée au plaisir de dépasser
les limites, n’a pas de bornes et autorise des rebondissements qui charment aussi
l’imaginaire du public.
En 1737, Marivaux achève Les Fausses Confidences, dont le titre énigmatique est en
lui-même un stratagème : une ruse de guerre, destinée à leurrer, à tromper un ennemi pour
le faire tomber dans un piège. Là où l’on se confie, où l’on dépose la vérité inconnue dans
une oreille amie – et discrète – nul besoin de mensonge, normalement. Alors, dans quel but
falsifier la parole et les faits ?
La pièce met en scène un quatuor, sur la trame « A aime B mais doit épouser C, qui aime D
». Ce canevas va donner lieu à un empilement de ruses, mises en place par les personnages
pour parvenir à leurs fins, et connaître, dans ce but, les véritables mobiles et sentiments des
autres.
Si le ressort théâtral, et sa capacité à déclencher le rire, sont bien connus, faut-il s’arrêter à
ce premier effet ? Les enjeux de la mise en scène de ruses de guerre, dans une intrigue
amoureuse, ne sont-ils pas plus profonds ?
…qui génère :
du comique de situation
Par l’emboîtement successif des stratagèmes, les personnages sont confrontés à l’inattendu
et à la surprise, ce qui amène le public à rire : ceux qui croient maîtriser les situations sont
vite désabusés.
du comique de répétition
du comique de caractère
Dans cette concurrence des personnages, les traits de caractère se révèlent, de manière
parfois inattendue, notamment quand Araminte elle-même prouve sa détermination en
mettant en place le stratagème de la lettre, ou quand le Comte se retrouve amené à
reconnaître ses torts. Cet aspect du stratagème est également très réjouissant pour le
public.
II. Mais c’est aussi un outil pour l’étude de l’âme humaine.
Les objets comme la lettre, le portrait, amènent les personnages à révéler à la fois leurs
véritables sentiments et leurs vrais désirs. Le stratagème permet donc de faire émerger la
vérité, à la fois en ce qui concerne la dynamique de l’action et le caractère plus ou moins
honnête et généreux, ou bas et intéressé, des personnages.
On peut y lire une étude de l’humain, à l’aune de ce que la société du temps impose en fait
de relations matrimoniales et amoureuses : parmi les premiers, et après Molière, Marivaux
plaide contre les mariages imposés ou de convenance, qui gauchissent l’âme humaine et la
contraignent à mentir et à ruser.
Le stratagème est une « ruse de guerre ». L’amour est alors conçu comme une bataille qui
nécessite des ruses, des rapports de force, des ressources, des alliés. Sur ce modèle, les
relations humaines sont privées de spontanéité. « Surtout qu’il ne sache pas que je suis
instruite ; garde un profond secret ; et que tout le monde, jusqu’à Marton, ignore ce que tu
m’as dit. Ce sont de ces choses qui ne doivent jamais percer. » (I,14)
Le public est conduit à s’interroger sur la légitimité de cet état de fait. La dimension
comique s’efface au profit d’un enjeu très sérieux.
Le personnage du Comte et celui de Madame Argante, enfermés dans un système figé qui
ne laisse aucune place à l’amour et à la spontanéité, sont jugés par la pièce et par le public.
Les stratagèmes permettent de mettre à nu leur égoïsme et leur avidité ; ils appartiennent à
un monde présenté comme ancien et dépassé. Les ruses de guerre deviennent alors un
moyen d’accéder à plus de liberté.
la valorisation de la sincérité
Obligés de mentir et de ruser pour faire émerger la vérité et donner libre cours à leurs
sentiments, les personnages adoptent une marche contrainte qui, si elle fait rire, pose aussi
bien des questions, comme en témoignent les lettres de l’époque, qui rendent compte de la
réception de la pièce ; le message passe clairement : l’amour ne doit plus obéir aux lois des
familles et de leur intérêt financier.
« J’ai deviné tout. Dorante n’est venu chez vous qu’à cause qu’il vous aimait ; il vous a plu ;
vous voulez lui faire sa fortune ; voilà tout ce que vous alliez dire. » Le Comte, s’il est triste,
renonce à ses projets hostiles une fois la vérité connue et admise par tous. La situation
s’apaise donc, là où l’on aurait pu craindre un embrasement. L’amour a raison des
personnages, et sa manifestation génère une société finalement plus sereine. Une fois les
stratagèmes aboutis, et compris, une fois la vérité connue, tout se calme : le stratagème
semble finalement interroger le sens de sa propre existence, si les choses sont si simples !
On voit donc que le stratagème comporte un enjeu comique, mais que celui-ci est au
service de propos sérieux, une analyse des ressorts de l’âme humaine, et une profonde
remise en cause de l’ordre social. S’il a été reproché à Marivaux de « peser des œufs de
mouche dans des balances en toile d’araignée », c’est sans prendre en compte la fine
critique, héritière des moralistes et à la racine de l’esprit des Lumières, que celui-ci propose
à son spectateur, en lui donnant les moyens de fonder sa propre réflexion, au théâtre.
SUJET C – Dissertation
Dans le langage courant, un drame est un événement malheureux, qui a des conséquences
tristes voire funestes. La pièce propose de fait une intrigue qui relève du drame intime.
L’intime se définit en premier lieu comme « ce qui se situe ou se rattache à un niveau très
profond de la vie psychique ; qui reste généralement caché sous les apparences,
impénétrable à l'observation externe » (TLFi). En ce sens, les personnages vivent bien un
drame intime, enfoui : le secret de Louis (voir scène 10 de la première partie), les sentiments
d’Antoine envers son frère (voir scène 11 de la première partie).
II. Mais un drame universel, c’est-à-dire qui renvoie à tous les êtres humains.
• Le drame familial
Départ et retour à l’origine de l’action théâtrale : un moment que chacun peut vivre, que
chaque famille éprouve.
Drame universel de l’émancipation de l’enfant, des relations dans la fratrie => un drame
dont chaque famille fait l’expérience à divers degrés.
L’ironie tragique.
• Le drame intime du théâtre : la crise du langage mise en scène : ne pas pouvoir dire
l’essentiel, l’impossibilité de parler révèle le drame du genre théâtral de ne pouvoir
dire ce qui est vraiment important.
Juste la fin du monde met en scène une histoire à la fois intime et universelle : la famille, la
filiation, la mort et la condition humaine sont des sujets qui traversent tous les êtres
humains. Toutefois, ce qui se joue dans la mise en scène de ces drames, c’est d’abord le
drame du théâtre lui-même, genre où tout ce qui est privé devient public, où tout ce qui est
essentiel peine à se dire. La pièce de Lagarce mêle donc les interrogations contemporaines
sur la parole tout en revenant aux fondements tragiques du spectacle théâtral.