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Comme Saint-John Perse l’a dit un « Poète est celui-là qui rompt avec l'accoutumance ».

Guillaume Apollinaire (1880-1918) est un poète qui à vécu entre le XIXe et XXe siècle, entre
l’ancien et le nouveau monde. Il n’appartient à aucun mouvement littéraire particulier. Il s’inspire
du mouvement cubiste, mouvement artistique qui déstructure la réalité en la peignant avec des
formes géométriques. Il soutient à la fin de ses jours le mouvement dadaïste qui prône l’éradication
de la plus part des normes esthétique.
Par son goût pour les inventions technologiques les plus audacieuses et son indéniable inventivité
d’écriture, il s’est imposé comme une figure majeure de la modernité poétique. Il n’en est pas
l’initiateur. Cependant, Apollinaire est le précurseur du surréalisme. Il apparaît dans le champs
poétique de manière fracassante. En France à cette époque-là, la poésie est prise entre deux grandes
tensions. D’un coté, un retour au forme plus traditionnelle, avec la sonnet classique, la versifications
très strictes et une forme d’écriture extrêmement codifiés. De l’autre, une tentation de modernité
éclatante.
« On ne peut transporter partout avec soi le cadavre de son père […] Mais nos pieds ne se détachent
qu’en vain du sol qui contient les morts. ». Pour être un créateur, il faut s’émanciper de l’influence
de ses prédécesseurs et ne pas se contenter de reproduire ce qu’ils ont fait, mais il faut aussi savoir
puiser dans le passé les éléments d’une poésie nouvelle.
Finalement la modernité poétique, n’est-ce pas respecter la ligne d’écriture de nos ancêtres tout en
y intégrant de la modernité, de la nouveauté ?
Nous verrons tout d’abord quelle dialectique s’opère entre modernité et tradition, puis nous
chercherons à savoir comment cette alliance entre deux extrêmes peut fonder un lyrisme nouveau.

La modernité dans la poésie d’Apollinaire émane de différentes façon. Tout d’abord au


niveau des thèmes utilisés. Au début du XXe siècle, la modernité technique est très présente. On le
voit par l’aviation, les voitures, les engins à vapeur, l’électricité… Apollinaire est le premier poète a
inséré la vie quotidienne ainsi que les paysages industrielles, dans des poèmes. En effet l’espace
urbain sert de décor pour plusieurs poèmes d’Alcools, comme dans le « Pont Mirabeau » qui a pour
cadre Paris et le célèbre pont métallique, emblème de la modernité. Ou encore dans « Zone » où il
intègre un monument phare, la Tour Eiffel.
L’évocation de situations quotidiennes s’accompagne d’une nouvelle manière d’écrire. On
observe dans le recueil une totale disparition de la ponctuation. Ce qui permet d’accentuer la
juxtaposition des images mêlant impressions auditives et visuelles. Ensuite beaucoup de ces vers
sont hétérométriques, Apollinaire utilise le vers libre, cela créé une rupture avec la tradition.Tout en
restant fidèle au vers, il peut aussi se montrer très prosaïque. Il s'autorise toutes les libertés comme
dans « Réponse des Cosaques zaporogues au sultan de Constantinople ». Mais il ne s’arrête pas là,
en utilisant le néologisme, il créé de nouveau mots, comme « râle-mourrir » dans Nuit Rhénane.

Mais derrière ces indices de modernité, Apollinaire ne détruit pas complètement la tradition,
les vers les plus utilisées sont les alexandrins et les décasyllabes, les rimes sont respectées et la
majorité des poèmes du recueil se présentent sous la forme de strophes régulières.

Le thème centrale du poème est l’amour, on le voit avec les différents épisodes
biographiques de la vie d’Apollinaire, amour tenté à la fois d’érotisme mais aussi de mélancolie,
tristesse, ses poèmes sont associé à ses souvenirs « Chacun de mes poèmes est la commémoration
d’un événement de ma vie ». Souvent dans ses poèmes l’eau qui coule signifie la fuite du temps et
l’amour qui s’en va. Cela fait référence thème traditionnelle du lyrisme.
Il y a aussi beaucoup d’éléments mythologique (biblique, nordique, germanique). On peut parler de
carrefour poétique, les références les plus diverses se croisent sans cesse, ce qui donne à ce recueil
une dimension polyphonique.
Les thèmes abordés dans le recueil sont récurrents : la vie, l’alcool, le fantastique, les peurs. Les
poèmes sont une métaphore de la fonction poétique, l’inspiration doit être cherchée, au-delà de
expérience du réel, dans la rupture avec les formes anciennes et une certaine ivresse créatrice.

La modernité ne signifie pas le refus total d’une poésie ancienne considérée comme
dépassée. Au contraire, il s’agit d’un mariage subtil entre passé et présent. Guillaume Apollinaire
utilise les formes fixes et anciennes de la poésie pour mieux les dynamisées, les faire exploser, pour
apporter un message nouveau à ces formes poétiques traditionnelles.
Ce qui donne tout d'abord une allure singulière à ce recueil, c'est le soin avec lequel
Apollinaire passe sans cesse d'une forme à l'autre. « Zone », le premier texte du recueil, est marqué
par une forme de souplesse : certains vers sont rassemblés tandis que d'autres sont isolés. Le texte
ne semble pas suivre une structure claire et régulière. Ce n'est pas le cas du poème suivant, « Le
Pont Mirabeau », qui repose sur une alternance de quatrains et de distiques. Guillaume Apollinaire
nous surprend ensuite dans « La Chanson du mal-aimé », qui est cette fois composée d'une
succession de quintils. Le poème « Chantre » n'est pour sa part constitué que d'un seul vers, comme
pour mieux reproduire « l'unique cordeau des trompettes marines ». Il s'agit en somme, pour le
poète, de chercher la forme la plus adaptée à son propos, et non de se contenter d'un cadre unique
qu'il dupliquerait mécaniquement. « Je ne me suis jamais présenté comme destructeur mais comme
bâtisseur. » dit Apollinaire.

Le jeu entre tradition et modernité est bien un indice d’une modernité poétique, mais il ne
suffit pas à la définir. Il y faut aussi un souffle nouveau.

Dans cette perspective, la création la plus originale est celle des calligrammes, poèmes-
dessins inventés par Apollinaire : les mots y sont disposés de façon à représenter un objet qui est
généralement en rapport avec le sens du texte. Ces poèmes d'un genre nouveau sont publiés dans un
recueil intitulé Calligrammes en 1918.
Apollinaire introduit des chiffres dans ces vers : « il y a les livraisons à 25 centimes », « Pie X »
cela se traduit par la recherche d’une nouvelle poésie visuelle. Les poètes s’inspirent des collages
des peintres cubistes, Apollinaire associe différent fragment de sa vie à des lieux différents, il y fait
alterner des point de vue et des émotions contradictoire, il cherche à créer une sensibilité et un
regards neuf chez le lecteur.
Ce lyrisme nouveau prend son essor sur le quotidien, la recherche de soi, et une aspiration à
la spiritualité. Une poésie du « Moi ». En même temps qu'elle a l'ambition de se plier au rythme du
monde moderne, la poésie de l'Esprit Nouveau doit rester une poésie lyrique. C'est pourquoi le
monde, tel qu'il est évoqué, est souvent le reflet de l'univers intérieur du poète. C'est le cas tout
particulièrement des Poèmes à Lou, adressés à l'amante du poète en 1914-1915. Mais cette veine
lyrique existait déjà dans le recueil Alcools, avec des textes comme « La Chanson du Mal-Aimé »,
dans lequel s'exprime le désespoir amoureux du poète.

L’art est vieux, le vie errante est difficile à supporter, l’amour est décevant et l’enfance est
perdu à tout jamais. C’est pourquoi Apollinaire cherche un renouvellement, une transformation, un
« alcool » qui provoquera une ivresse nouvelle et redonnera émerveillement de la vie. C’est a la
poésie d’explorer ses nouveautés . Le recueil Alcools apparaît comme l’objet de cette quête.
Guillaume Apollinaire a vécu jusqu’au bout l’invention permanente de la poésie comme une
nécessité, un insatiable désir. La quête était le mobile et non le but, l’approche et non la saisie,
l’ouverture aux possibles de l’être et non la dogmatique assurance d’une conquête absolue et
définitive. Il fondait ainsi une poétique neuve et humaniste que nous nommons le nouveau lyrisme.
Beaucoup de poète aspire à cette nouvelle conception de la poésie, c’est le cas de Paul Verlaine avec
« Romance sans parole » ou encore Emile Veraheren avec « Les Villes tentaculaires ».

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