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Gert Mattenklott
p. 104-123
Discussion
26Gert Mattenklott : D’abord, pour ce que j’entends par
« bourgeois » je n’avais pas à l’esprit dans ce que j’ai dit un autre
sens du mot que celui qui s’est dégagé dans cette discussion sur
le drame bourgeois, donc « bourgeois » pour désigner le drame,
non pas essentiellement sous ses aspects sociologiques au sens
étroit, du point de vue de la sociologie de la littérature, mais dans
le sens qui renvoie à la bourgeoisie, aux contenus qui définissent
sa fonction, par exemple, dans la montée de la classe qui se
définit économiquement comme bourgeoise. Le concept est
implicite déjà chez Szondi dans sa théorie du drame bourgeois et
il a essayé ensuite de l’expliquer dans le sens de Max Weber. C’est
le sens que je lui ai donné. Pour ce qui est de la fonction du
langage, je pense que l’insistance mise sur la gesticulation, la
chorégraphie etc., dans l’ensemble sur tout ce qui est théâtre, à la
différence du drame, ne reçoit de sens que si l’on s’accroche à la
relation avec un langage répressif. Donc il est clair que ce langage
gestuel fournit en lui-même un idiome à lui, qui peut comporter
les mêmes attributs répressifs, comme sont capables également
de les produire des formes déterminées du langage rationnel :
c’est donc seulement dans cette relation, à savoir de ce qui est
réprimé dans le langage rationnel, et de ce qui s’exprime en
contre-partie dans les gestes, que l’insistance mise sur la langue
des gestes et en général sur tout ce qui est théâtral a une
signification vraiment émancipatrice. Si le théâtre s’en détache, et
nous faisons en ce moment précisément l’expérience du degré
que peut atteindre ce détachement – alors le renversement de
cette fonction émancipatrice dans la répression s’observe de la
même manière. Ce n’est donc pas dans un sens uniquement
émancipateur que j’ai voulu invoquer la langue des gestes contre
celle des mots.
NOTES
1 D’après Georg Hensel : « Fluchtwege des Theaters aus der
Sprache. Beobachtungen beim Theater der Nationen in Hamburg »
(« Les moyens du théâtre pour s’évader de la langue. Observations à
propos du Théätre des Nations à Hambourg »). Dans : Frankfurter
Allgemeine Zeitung, 12 mai 1979,n° 110.
5 Julius Bab l’avait déjà remarqué, lorsqu’il décrit la part que la langue
corporelle prend dans la transposition au théâtre du drame : « L’acteur
n’a aucun matériau dans lequel il puisse fixer le témoignage de son
émotion, et qui pourrait alors, en son absence, agir sur d’autres. Ni le
mot qui se transmet par l’écrit ou l’imprimé, ni le son que fixe la
notation musicale, ni la toile et les couleurs du peintre, ni le marbre du
sculpteur, rien ne lui appartient, si ce n’est son propre corps. Et le
bouleversement qu’il éprouve ne sera visible que par les modifications
qui surviennent à son corps ». C’est pourquoi l’acte artistique n’est
accompli que dans la rencontre corporelle des acteurs et du public.
J.B. : Das Theater im Lichte der Soziologie (Le théâtre du point de vue
de la sociologie), Leipzig 1931, p. 34. – Mais ce n’est que récemment
qu’on a essayé d’entreprendre une description systématique, par ex.
chez Berhard Wuttke : Nichtsprachliche Darstellungsmittel des
Theaters. Kommunikations- und zeichentheoretische Studien unter
besondere Berücksichtigung des satirischen Theaters (Moyens de
représentation non linguistiques au théâtre. Etudes théoriques sur la
communication et le signe, plus particulièrement à propos du théâtre
satirique), Diss., Münster 1973 et Ekkehard Kaemmerling :
« Theaterbezogene Lektüre und pragma – semantische
Dramenanalyse » (Lectures théâtrales et analyse pragma-sémantique
du drame). Dans : Sprache im technischen Zeitalter,
18 (1979), fasc. 70, p. 171-87.
12 Johan Jacob Engel : Ideen zu einer Mimik (Idées pour une mimique),
t. 1, Berlin 1804, p. 33 (reproduction photomécanique du t. 7 des
œuvres complètes, Francfort/Main 1971).
AUTEUR
Gert Mattenklott