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Xiphilin, abréviateur de

Cassius Dion
Bénédicte Berbessou-Broustet
p. 81-94

TEXTE NOTES AUTEUR


TEXTE INTÉGRAL
• 1 Xiph. 87.3 = C.D. 53.22.1 : Ἰωάννης ὁ Ξιφιλῖνος ἀδελφόπαις ὢν
Ἰωάννου τοῦ πατριάρχου (“Jean Xiphi (...)

• 2 Xiphilin est également l’auteur de cinquante-trois homélies et


d’un µηνολόγιον dédié à Alexis I C (...)

• 3 Psellos lui-même a rédigé deux ouvrages historiques,


une Chronographie et une Historia Syntomos. (...)

• 4 Zonar. 18.16 = 708.9-17 : ὁ γὰρ βασιλεὺς παιδαριώδεσιν ἐσχόλαζε


πράξεσι, τοῦ ὑπάτου τῶν φιλοσόφων (...)

• 5 C’est en effet Psellos qui rédigea l’oraison funèbre du patriarche


Jean Xiphilin, ancien recteur (...)

1Sous le règne de Michel VII Doukas (1067-1078), Jean Xiphilin,


neveu du Patriarche du même nom1, écrit un abrégé des livres 36
à 80 de l’Histoire romaine de Cassius Dion, couvrant la période
allant de 69 a.C. à 229 p.C2. Xiphilin n’indique nulle part le
dessein général de son œuvre ; celle-ci nous est parvenue sans
préface – que ce soit dû à un choix délibéré ou à la perte des
premiers folios. Il est néanmoins possible d’émettre une
hypothèse pour expliquer le choix du sujet et de la méthode
retenue, en se fondant notamment sur un extrait de l’Épitomé de
Zonaras. Ce dernier critique en effet Michel Doukas, qui n’avait
pas la carrure, selon lui, pour gouverner l’Empire : refusant de
prendre des décisions, le prince laissait gouverner à sa place
l’eunuque Nicéphore, retors et peu apprécié. C’est Michel Psellos
que Zonaras considère comme responsable du détachement de
l’empereur à l’égard de la conduite de l’Empire : selon lui, l’érudit
faisait étudier au prince la rhétorique et l’histoire3, au détriment
des affaires de l’État4. Xiphilin a donc pu composer le résumé de
l’Histoire romaine, afin de permettre à l’empereur Michel d’en
prendre connaissance plus rapidement et plus facilement, sur les
préconisations de Psellos, proche de son oncle Patriarche5.
• 6 La méthode de Xiphilin a fait l’objet d’assez peu d’études. Notons
cependant les pages qu’y consa (...)

• 7 Xiph. 256.8-30. Cette partie de l’œuvre a été perdue très tôt, sans
doute avant même le VIe s. (c (...)

2Quoi qu’il en soit, les éditeurs et historiens modernes


s’intéressent particulièrement à l’Épitomé de Xiphilin non pas en
tant que tel6, mais parce que c’est le seul texte continu composé
uniquement à partir de l’Histoire romaine – à l’exception de ce qui
concerne le règne d’Antonin et le début de celui de Marc-Aurèle,
dont le récit par Dion était déjà perdu au XI s.7. Il est donc
nécessaire d’évaluer sa fidélité à l’œuvre de Dion.

Effacement de l’abréviateur
vis-à-vis de son modèle :
servilité et fiabilité
• 8 Le titre retenu (Ἐπιτοµὴ τῆς Δίωνος Ῥωµαικῆς ἱστορίας) est celui qui
figure en tête du manuscrit (...)

3En premier lieu, le titre même que Xiphilin donne à son œuvre,
“abrégé de l’Histoire romaine de Dion”8, la place dans une relation
d’absolue dépendance vis-à-vis de sa source. Xiphilin apparaît
comme un abréviateur fidèle, voire servile ; cette fidélité peut se
mesurer sur trois plans différents : le respect du contenu, de la
formulation et de l’énonciation.

Respect des contenus


• 9 Xiph. 50.28 = C.D. 47.40-41.

• 10 Xiph. 225.4 = C.D. 67.16.1 : καὶ οὐ γάρ ἐστιν οὐδὲν τῶν τηλικούτων
ἀπρόοπτον.

4Tout d’abord, Xiphilin est souvent fidèle au contenu de l’Histoire


romaine. Xiphilin ne résume pas, au sens moderne du terme : il ne
restitue pas toutes les idées fondamentales en les synthétisant,
mais il abrège, selon une méthode en partie comparable à celle
des excerpteurs, en constituant une sorte de florilège des extraits
qu’il juge les plus significatifs ; néanmoins, contrairement aux
excerpteurs, il reproduit généralement l’ordre originel et lie les
extraits entre eux, pour produire un texte continu et cohérent. En
outre, il conserve notamment des passages de l’Histoire
romaine qu’il désapprouve et qu’il aurait pu supprimer sans nuire
à la cohérence de l’ensemble. Par exemple, il commence par
émettre de fortes réserves sur l’utilisation des présages par
Cassius Dion9. Et pourtant, il conserve de longues listes de
prodiges et de signes dans son abrégé, allant jusqu’à retranscrire
ce qui est vraisemblablement une remarque de Dion lui-même, au
moment où il relate l’un des présages de la mort de Domitien :
“Aucun événement de cette importance n’arrive sans avoir été
prévu”10. Sans doute sa fidélité à sa source – voire sa servilité vis-
à-vis de cette dernière – et son attirance pour les curiosités et les
anecdotes expliquent-elles l’oubli des principes précédemment
annoncés.

Respect de la formulation
• 11 Ce n’est pas parce que Xiphilin rejette les discours et les
développements parénétiques par princ (...)
• 12 Ce livre occupe trente-deux pages dans l’édition de Boissevain.

• 13 Xiph. 80.27-81.6.

• 14 Figurent ici en gras les mots de l’Histoire romaine que Xiphilin a


retenus:

• 15 Les seuls mots qui ne soient pas des reprises littérales de


l’Histoire romaine sont les suivants (...)

5Xiphilin est aussi généralement assez fidèle à la formulation. En


effet, sa technique d’abréviation consiste à sélectionner les
passages qui l’intéressent, puis à les recopier quasiment mot pour
mot. Pour comprendre comment il procède, examinons la façon
dont il résume le débat entre Agrippa et Mécène, passage de
l’Épitomé dans lequel Xiphilin élague le plus le texte de sa source.
La discussion sur le choix du meilleur régime, qui met en scène
les deux conseillers d’Auguste, aujourd’hui considérée comme
l’un des passages-clefs de l’œuvre de Dion, est résumée le plus
succinctement possible11. Le livre 52 de l’Histoire romaine, de
taille conséquente12, est réduit à un quart de page chez
Xiphilin13. Seul le thème général de la discussion est évoqué ;
aucun argument n’est conservé ; une seule valeur incarne chacune
des deux positions (la justice pour la République, l’utilité pour la
monarchie constitutionnelle). Or ce passage illustre les différents
procédés rédactionnels utilisés par Xiphilin. Premièrement, il
utilise fréquemment la citation littérale : par exemple, il reprend
mot pour mot les phrases d’introduction du débat.
Deuxièmement, la technique qu’il emploie le plus souvent est
l’abrègement : il supprime de nombreuses phrases et, dans celles
qu’il choisit de restituer, certains membres de phrases, des
adjectifs qualificatifs, des parenthèses, des compléments
circonstanciels, tout en conservant la trame syntaxique du texte
de Dion. La phrase de conclusion illustre cette méthode : la
longue parenthèse de Dion sur l’ancien sens du mot imperator est
occultée ; l’adjectif ἑτέραν est également supprimé14.
Troisièmement, il lui arrive de recomposer, mais ce procédé est
assez rarement utilisé. Dans le passage qui nous intéresse, une
seule phrase15 résume schématiquement les arguments d’un livre
entier, sans reproduire le vocabulaire de Dion ; en particulier, Xiphilin
emploie le terme ἰσηγορία pour désigner le retour à la République, alors
que Dion n’utilise jamais ce nom dans l’ensemble de l’Histoire
romaine conservé. Ainsi, même lorsqu’il résume en quelques
lignes un livre entier, Xiphilin reformule assez peu. Néanmoins,
dans le cas – extrême – étudié précédemment, il ne donne pas
une idée fidèle de ce qu’était l’œuvre de Dion.
• 16 Xiph. 250.1 = C.D. 72[71].5.1-2.

6L’essentiel de son travail consiste donc à sélectionner les extraits


qu’il va reproduire, puis à les insérer dans son œuvre, en
supprimant tout ce qui lui semble inutile, en ménageant des
transitions et en précisant les contextes. Or cet assemblage se fait
parfois de façon approximative. Par exemple, dans un passage qui
figure à la fin de la Vie de Marc-Aurèle, le texte originel a été
tellement abrégé qu’il en perd toute logique interne : deux
anecdotes – celle d’un prisonnier transi de froid qui réclame un
habit à l’empereur, et celle d’un soldat qui franchit l’Ister de nuit
pour délivrer ses camarades16 – y sont livrées sans interprétation
et sans liaison, ni entre elles, ni avec le reste du récit, de sorte
que l’on ne voit guère ce qu’elles signifient.
7Ainsi, Xiphilin reprend souvent la formulation originelle de sa
source. Il mélange les procédés d’écriture suivants : citation
littérale, abrègement et, dans une moindre mesure, réécriture
synthétique. Le travail d’extraction et de reprise littérale de sa
source le conduit parfois à négliger les transitions et à juxtaposer
des fragments simplement recopiés. La volonté de simplifier peut
modifier le sens du texte originel.

Respect de la situation d’énonciation


• 17 Xiph. 355.21 =
C.D. 80.2.1. : διὰ µὲν οὖν ταῦτα οὐκ ἠδυνήθην ὁµοίως τοῖς πρόσθεν καὶ τ
ὰ λοιπὰ συν (...)

• 18 Xiph. 279.10 = C.D. 73[72].20.1 : τοιαύτη µὲν τὸ σύµπαν ἡ θέα


ἐκείνη τέσσαρσι καὶ δέκα ἡµέραις ἐγ (...)

• 19 Xiph. 325.25 = C.D. 80[79].17.3.

8Enfin, Xiphilin est également fidèle à la situation d’énonciation


de sa source. Alors qu’il arrive souvent à Dion de parler en son
nom propre, à la première personne, et de faire référence à son
époque pour évoquer son expérience, Xiphilin conserve les indices
qui désignent cette situation d’énonciation ; il ne les adapte pas :
dans l’Épitomé, la première personne désigne généralement Dion ;
les circonstants de temps se réfèrent à l’époque de Dion. Voici
quelques exemples tirés de l’Épitomé. À partir de Macrin, lorsque
Dion est envoyé en province comme curateur ou procurateur, pris
par sa tâche, il a moins le temps de se consacrer à son œuvre
littéraire et avertit son lecteur : “Voilà pourquoi je n’ai pas pu
mettre dans les faits qui ont suivi le même ordre que dans les
précédents ; néanmoins, je raconterai succinctement tous ceux
qui se sont passés jusqu’à mon second consulat”17. Xiphilin ne
précise pas que cette première personne n’est pas la sienne. De
même que la première personne du singulier réfère généralement
à Dion, la première personne du pluriel désigne toujours les
sénateurs, parmi lesquels Dion, comme l’atteste cette allusion aux
spectacles donnés par Commode : “Ce spectacle dura, en somme,
quatorze jours ; quand l’empereur combattait, nous autres
sénateurs, nous nous rendions chaque fois à l’amphithéâtre avec
les chevaliers…”18. De cette façon, Xiphilin est conduit à énoncer
à la première personne des opinions avec lesquelles il ne peut
pourtant être qu’en désaccord. Il indique par exemple que
l’adoption de Sévère Alexandre est le résultat de l’action “d’une
divinité” (θεῖα τις), qui n’est assurément pas le Dieu des chrétiens.
Et malgré tout, Xiphilin conserve la première personne, ainsi que
le pronom personnel ἔγωγε19.
• 20 Mallan 2013a, 621 considère que cet usage de la première
personne référant à Dion vise à donner d (...)

• 21 Xiph. 87.3 = C.D. 53.22.1 : λέγω γὰρ


τοῦτο οὐκέτι ὡς ὁ Δίων …, ἀλλ’ ὡς Ἰωάννης ὁ Ξιφιλῖνος.

• 22 Xiph. 319.11 = C.D. 78[77].6.1.

9Ainsi, dans l’Épitomé, la première personne renvoie la plupart du


temps à Dion20. Toutefois, il arrive à Xiphilin d’intervenir dans son
récit et de revendiquer la première personne comme étant la
sienne. Par exemple, après avoir décrit quelques mesures prises
par Auguste pour organiser son régime, Xiphilin explique qu’il
résume le texte en raison du peu d’importance des événements
pour les lecteurs de son époque. Il revendique cette initiative
comme la sienne et précise qu’il parle “non pas en tant que Dion,
… mais que Jean Xiphilin”21 : cette précision met en relief le fait que
la plupart du temps, la première personne dans l’Épitomé est celle de
Dion et non celle de Xiphilin, y compris lorsque cette première
personne affirme abréger. À une autre reprise, Xiphilin distingue
explicitement sa parole de celle de Dion (ὁ µὲν Δίων …, ἐµοὶ δέ), pour
justifier le fait qu’il ne reprenne pas à son tour la liste nominale
des victimes de Caracalla donnée intégralement par Dion22.
Conscient de l’ambiguïté de son utilisation de la première
personne, Xiphilin donne donc parfois son nom ou celui de Dion,
afin que le lecteur puisse démêler les fils inextricables des deux
voix qui se confondent.
• 23 C.D. 55.28.2-3 : οὐ µέντοι καὶ περὶ πάντων αὐτῶν ἀκριβῶς ἐπεξάξω·
πολλά τε γὰρ ὡς ἑκάστοις καὶ οὐ (...)

• 24 Pour Millar 1964, 43-44, cette volonté d’aller à l’essentiel


constitue un trait caractéristique d (...)

• 25 Xiph. 10.16-10.22 : πολλῶν δὲ τῶν ἱστορουµένων παραλελειµµένων…

• 26 Xiph. 246.7 = C.D. 69.8.11 : ταῦτα περί γε τοῦ τρόπου, ὡς ἐν


κεφαλαίῳ εἰπεῖν, προείρηκα· λέξω δὲ (...)

• 27 Xiph. 204.16 = C.D. 65[66].3.1 : ἐν δὲ τῇ Γερµανίᾳ ἄλλαι τε


κατὰ Ῥωµαίων ἐπαναστάσεις ἐγένοντο ,ο (...)

10Cependant, l’équivoque n’est pas toujours levée, de sorte que le


lecteur ne sait pas toujours si la première personne du singulier
renvoie à l’auteur de l’Histoire romaine ou à celui de l’Épitomé. En
particulier, l’historien et son abréviateur affichent tous deux leur
volonté d’abréger et d’aller à l’essentiel. Voici un exemple
d’avertissement donné par Dion dans un livre de l’Histoire
romaine conservé dans la tradition directe, à un moment où, sous
le règne d’Auguste, les guerres ou les incursions barbares se
multiplient aux quatre coins de l’Empire : “Je n’entrerai pas dans
le détail de tous ces événements ; en effet, beaucoup sont des
faits isolés et peu remarquables ; cette minutie n’offrirait
d’ailleurs aucun avantage. Néanmoins, je
raconterai succinctement, à l’exception des faits importants, ceux
qui méritent quelque souvenir”23. Dion a donc pour principe
d’aller à l’essentiel et de passer sous silence les faits
secondaires24. Or ce principe méthodologique est également
fondamental aux yeux de Xiphilin, qui explique “[je] passe sous
silence quantité de choses qui sont racontées dans
les Histoires”25. Par conséquent, pour les livres de l’Histoire
romaine perdus dans la tradition directe, lorsque la première
personne affiche sa décision de couper ou de résumer dans
l’Épitomé, il est difficile de déterminer qui est à l’origine de cette
déclaration : s’agit-il d’un raccourci effectué et revendiqué par
Dion, puis recopié par Xiphilin, ou d’une coupe supplémentaire à
l’initiative de l’abréviateur lui-même ? Par exemple, après que le
portrait d’Hadrien a été brossé à grands traits (“succintement”),
une transition indique que les détails de son règne seront ensuite
abordés26 : l’auteur de ces mots pourrait être aussi bien Xiphilin que
Dion. De même, au début du règne de Vespasien, c’est l’ensemble
de la crise en Gaule et en Germanie, qui culmina avec l’imperium
Galliarum, qui est délibérément passé sous silence27 – alors que
Tacite y consacre les livres 4 et 5 de ses Histoires. Qui a décidé de
passer sous silence ces événements ? Il est possible que ce soit
Xiphilin, qui sacrifie souvent les passages consacrés aux affaires
extérieures à Rome ; mais rien ne permet de trancher avec
certitude. Les exemples de ce genre sont fréquents.
11Ainsi, Xiphilin se présente comme un abréviateur plus que
comme un historien : il ne donne presque jamais son avis et
conserve la première personne lorsque Dion l’a employée dans
son récit. Certes, cela peut parfois prêter à confusion, puisque
l’on ne peut pas toujours déterminer à qui renvoie la première
personne dans l’Épitomé. Mais à cette réserve près, le maintien de
la situation d’énonciation de l’Histoire romaine témoigne de la
fidélité de l’abréviateur byzantin à sa source .Ces observations
peuvent rassurer l’éditeur de la tradition indirecte de Dion, dans
la mesure où l’abréviateur s’efface généralement derrière son
modèle.

Faut-il se méfier de Xiphilin ?


Une posture d’auteur
12Toutefois, Xiphilin modifie en partie le prisme de l’Histoire
romaine du fait de sa technique d’abréviation, de sa
recomposition de l’œuvre selon ses propres critères, et parce qu’il
revendique ponctuellement son rôle d’auteur : si le témoignage de
Xiphilin peut donc être utilisé, ce doit être avec une certaine
prudence.

Le travail d’abrègement
• 28 Brunt 1980, 489.

• 29 Outre le débat entre Agrippa et Mécène, dont nous avons vu qu’il


était réduit à la portion congru (...)

• 30 Xiphilin relate par exemple la bataille menée de nuit par Pompée


contre Mithridate (Xiph. 5.1-20 (...)

• 31 Le récit de la bataille de Philippes (C.D. 47.43-49) est par


exemple repris presque intégralement (...)

• 32 Il réduit par exemple à la portion congrue les mesures


financières et fiscales prises par les tri (...)

• 33 Ce jugement est subjectif et bien plus restrictif que celui de


Dion, notamment pour la fin de la (...)

13Tout d’abord, le travail d’abréviation, qui se caractérise


généralement par un travail de coupe plutôt que de reformulation,
entraîne parfois des simplifications excessives, qui modifient la
portée du texte, comme nous l’avons déjà vu plus haut avec
l’extrême raccourcissement du débat entre Agrippa et Mécène. P.
A. Brunt calcule que Xiphilin conserve environ le quart du texte de
sa source pour la période impériale et un peu moins pour la
période républicaine28. Il laisse souvent de côté les discours29, les
récits de bataille et de guerres – sauf quand ils comportent des
nouveautés étonnantes30 ou quand ils ont une importance
fondamentale31 –, les développements relatifs aux mesures
institutionnelles32 ou aux individus dont il considère qu’ils ne
jouent pas un rôle capital33 ou qui ne sont pas hors norme. Ces
choix faussent donc nécessairement la portée de l’Histoire
romaine.
• 34 Xiph. 9.30 =
C.D. 37.20.5 : δυνηθεὶς ἂν ῥᾳδίως τήν τε Ἰταλίαν κατασχεῖν…

• 35 C.D. 37.20.5 : …καὶ τὸ τῶν Ῥωµαίων κράτος πᾶν περιποιήσασθαι…

• 36 C.D. 37.20.6.

• 37 Mallan 2013a, 628.

14Si le travail d’abréviation va ici de pair avec des choix parfois


contestables, il s’accompagne également souvent d’une
simplification qui peut déformer le point de vue originel de sa
source. C’est ainsi que parlant de Pompée, au moment de son
retour à Brindes après son commandement à l’Est en 63 a.C.,
Xiphilin et Dion louent le général d’avoir congédié son armée,
malgré la puissance qu’il a acquise et “qui lui aurait permis de se
rendre facilement maître de l’Italie”34. Or alors que Dion précise
ensuite qu’il aurait alors pu “s’arroger la totalité du pouvoir sur
les Romains”35 et que tous se seraient soumis, Xiphilin utilise le
verbe µοναρχῆσαι, “gouverner en monarque”. Ce terme introduit
un changement de perspective : là où Dion compare l’attitude de
Pompée à celle de ses prédécesseurs Marius et Sylla36, Xiphilin le
rapproche implicitement pour sa part de ceux qui le suivirent,
dans la perspective de l’établissement du principat37. Du fait de
ses choix et de ses simplifications, Xiphilin peut donc modifier
considérablement la perspective proposée par Dion.

Recomposition de l’œuvre
• 38 Xiph. 35.6 : εἰς τοσαῦτα µερίζοντας τὴν συγγραφὴν τµήµατα ὅσοι εἰσὶν
καὶ οἱ µετὰ Ἰούλιον Καίσαρα (...)

• 39 La vie d’Auguste (à partir d’Actium) occupe les livres 51 à 56 de


l’Histoire romaine.

• 40 La vie de Tibère occupe les livres 57 et 58 de l’Histoire romaine.

15Ensuite, l’organisation de l’Épitomé diffère de celle de sa source.


Xiphilin prend délibérément le parti de modifier la division de
l’œuvre et de changer ponctuellement le découpage des
événements. Avant de commencer l’histoire du règne d’Auguste,
Xiphilin précise que l’organisation de son abrégé change : à partir
de là, il “divis[e] [son] histoire en autant de parties que Rome a
connu d’empereurs après Jules César”38. Or cette division
en Vies n’a pas pour origine Dion, à qui il a fallu par exemple
plusieurs livres pour relater les règnes d’Auguste39 ou de
Tibère40. En regroupant plusieurs livres de l’Histoire romaine en
une seule Vie, Xiphilin estompe donc les effets de dilatation de la
chronologie. Il retient avant tout les événements qui concernent
l’empereur. La focalisation sur les personnages les plus
emblématiques lui importe bien plus, notamment, que les
réflexions sur l’organisation des provinces ou les expéditions
militaires. Par conséquent, pour la partie de l’Histoire romaine que
nous ne connaissons de façon continue que grâce à Xiphilin, le
lecteur doit être vigilant : la perspective est au moins en partie
modifiée par le découpage en Vies choisi par l’abréviateur.
• 41 Fromentin, in : Fromentin & Bertrand 2008, lxxxv, pour C.D.
45.9.4 et Xiph. 39.5-16.

• 42 Tῷ Σέξτῳ τῷ τοῦ Μεγάλου Ποµπηίου νεωτέρῳ υἱῷ.

• 43 Kαὶ Γάιον Ἀσίνιον Πολίωνα κατὰ τὴν Βαιτικὴν µάχην νενικηκότι, καὶ πόλεις
τὰς µὲν ἑκούσας τὰς δὲ ἀ (...)
• 44 C.D. 45.10.3.

• 45 Fromentin, in : Fromentin & Bertrand 2014, lxxxix.

• 46 Millar 1964, 195-203.

16Si la progression chronologique de l’Histoire romaine est


conservée, ce n’est pas toujours le cas de son organisation
interne ; l’ordre du récit est parfois bouleversé et certaines
séquences narratives déplacées. V. Fromentin41 a par exemple
comparé un extrait conservé du livre 45 de l’Histoire romaine, qui
relate la politique d’Antoine durant l’été 44 a.C. ainsi que
l’immunité accordée à Sextus Pompée, et son résumé par Xiphilin.
Les deux textes sont très similaires : l’ordre des mots est le même
et des phrases entières sont reprises à l’identique. Ce qui peut
paraître plus étonnant à première vue, c’est que le texte de
l’abrégé est ici plus long que celui de son modèle. Il comporte en
effet deux additions : la première est pédagogique et elle vise à
éclairer l’origine d’un personnage, Sextus Pompée42, fils du Grand
Pompée, au cas où le lecteur n’aurait pas lu le début de l’Épitomé.
En effet, l’Épitomé étant divisé en Vies à partir d’Auguste, chacune
de ces Vies peut être lue séparément et pas seulement selon
l’ordre chronologique : l’abréviateur procède donc à des rappels
concernant des personnages qui sont pourtant déjà apparus
auparavant dans l’œuvre. La seconde addition43 est en fait un
déplacement : elle résume un passage situé plus loin dans le
texte44, évoquant la victoire militaire remportée par Sextus
Pompée en Bétique sur Asinius Pollion. Dans ce cas, le texte de
l’Épitomé modifie donc assez sensiblement l’ordre de sa source. V.
Fromentin note un nombre plus important de déplacements pour
l’abrégé du livre 4745. Par ailleurs, le texte de l’Épitomé et celui de
sa source ont également été comparés par F. Millar, dans le
premier appendice de son ouvrage consacré à Dion46 : dans un
tableau synthétique, il met en regard les versions du livre 54 de
l’Histoire romaine données par Dion, Xiphilin et Zonaras. Il en
ressort là encore que Xiphilin respecte dans l’ensemble l’ordre de
l’Histoire romaine et reprend très fréquemment les formulations
de Dion. Mais à un endroit, il bouleverse significativement l’ordre
de sa source, sans que la chronologie et le sens puissent
l’expliquer – peut-être peut-on imputer ce désordre à un accident
matériel dans l’ordre matériel des folios du manuscrit contenant
l’Histoire romaine ? Toujours est-il que dans ce passage comme
dans d’autres, l’Épitomé propose ponctuellement une progression
différente de celle de l’Histoire romaine.

Critiques de l’œuvre de Dion


• 47 Xiph. 31.1-26, critiquant le début du livre 44 de l’Histoire
romaine.

• 48 Xiph. 31.1-
26: ὡς δὲ τὸ ἀληθὲς ἔχει καὶ ὁ Πλούταρχος ἐν τοῖς Παραλλήλοις διδάσκει (“c
onformément (...)

• 49 Xiph. 31.5 : δι’ ἀλιτηριώδη τινὰ οἶστρον.

• 50 Plu., Brut., 6.8-9 ; 8.1. Cf. Mallan 2013a, 625.

• 51 Fromentin, in : Fromentin & Bertrand 2014, xcii-xciii.

• 52 Xiph. 54.7 : Φαώνιος ὁ τοῦ Κάτωνος ἐραστής. Cf. Plu., Brut.,


12.3 ; 34.4 ; Fromentin, ibid.

17De surcroît, Xiphilin intervient trois fois pour critiquer les


positions de Dion. C’est au sujet des causes de l’assassinat de
Jules César que Xiphilin prend pour la première fois ouvertement
ses distances avec l’interprétation de Dion47. Il indique que Dion
ne cherche pas à comprendre les causes profondes de cette
conspiration – l’aspiration pour la liberté en particulier – et les
réduit à un acte dû à la folie et à l’hypocrisie des conjurés. Xiphilin
analyse l’origine de ce jugement : l’interprétation de Dion est
tributaire de son statut social ; en effet, sénateur de premier rang,
ayant bénéficié de faveurs impériales, il ne peut que vanter ce
régime et ses fondateurs. L’abréviateur lui oppose la version de
Plutarque : ce dernier, selon lui, cherche à faire la part des choses
de façon moins partisane et souligne ainsi les limites du
gouvernement monarchique, qui transforme les citoyens en sujets
non libres. Bien qu’au XIe s. l’Empire ne soit plus remis en question
d’un point de vue institutionnel et que les revendications
républicaines aient disparu depuis plusieurs siècles, Xiphilin
semble approuver ici le point de vue de Plutarque, qui se place
selon lui du côté de la “vérité”48 : le régime impérial, dans la mesure
où il restreint fortement les libertés individuelles, peut être sinon remis
en question, du moins critiqué. L’abréviateur présente ici un avis original
pour son époque. Il fait preuve d’esprit critique à l’égard de Dion,
compare différentes sources et recherche les causes des événements.
Néanmoins, il caricature le point de vue de Dion, en prétendant qu’il
évoque la “funeste folie” des conspirateurs49 : cette vue est plus proche
de Plutarque50 que de Dion. Le Brutus de Plutarque semble l’avoir
d’ailleurs beaucoup marqué : c’est ainsi que dans le résumé du
livre 47, dont les bornes chronologiques sont la mise en place du
second triumvirat d’une part et la bataille de Philippes d’autre
part, la figure principale de l’Épitomé n’est ni César ni Antoine,
mais Brutus51. En outre, Xiphilin se sert en une occurrence de
Plutarque pour donner une précision biographique, au sujet de
Marcus Favonius, qui s’était rallié à Brutus et Cassius : il indique
en effet que c’était un “émule de Caton”52, renseignement qui ne
figure pas chez Dion. Cet ajout d’une précision à partir d’une
autre source, qui n’est pas revendiqué comme tel, est unique en
son genre dans l’état actuel des connaissances. Il invite à prendre
le témoignage de Xiphilin avec précaution lorsqu’il ne subsiste
pas la tradition directe correspondante.
• 53 Xiphilin pense peut-être ici aux critiques que Polybe profère
contre Timée, coupable, entre autre (...)

• 54 Xiph. 50.28 : εἰ µὲν οὐδ’ ἂν γενέσθαι νοµίζων, µεµπτῶς, πλήρης γὰρ


τῶν τοιούτων ἡ ἱστορία (“Si Di (...)

• 55 Xiph. 50.28 : εἰ δ’ ὡς οὐχ ἱστορήσας γε αὐτός, συγγνωστῶς (“S’il


l’avait fait dans la pensée qu’i (...)

• 56 Xiph. 50.28 : ὁ Δίων µὴ πέρα τοῦ δέοντος αὐτὰ τεθηπώς( “Dion aurait
mieux fait de ne pas s’en éme (...)

• 57 Xiph. 50.28 : πολλὰ τῶν σηµείων τοῖς τερατολόγοις παρήσω : (“Je


laisserai les nombreux récits de (...)

• 58 Xiph. 73.1, qui abrège C.D. 50.8.3.

• 59 Xiph. 73.1 : θαυµαστὸν πάντως.

• 60 Xiph. 73.1 : εἰ ἀληθές ἐστι.

• 61 Xiph. 73.1 : εἰ µήτι γελοῖος ὁ Δίων.

18La seconde critique de Dion intervient peu après, avant qu’il ne


relate la défaite de Brutus et Cassius à Philippes : l’épitomateur
reproche à Dion son usage excessif des présages et souligne qu’il
aurait pu prendre là encore exemple sur Polybe53. Xiphilin est
notamment gêné par la position de Dion vis-à-vis des présages :
soit ce dernier les relate tout en suggérant qu’il n’y croit pas, ce
qui est critiquable d’après Xiphilin54, soit il les présente en tant
qu’intermédiaire, ce qui est pardonnable selon lui55 ; c’est la
question du rapport de l’historien à la vérité qui est ici soulevée.
L’abréviateur laisse entendre au lecteur que pour sa part, il ne croit pas
aux présages56 et que, par conséquent, il ne les recopiera pas par
la suite57 – ce qui, de fait, n’est pas le cas. Un peu plus loin, avant
de raconter la mort d’Antoine58, Xiphilin prend à nouveau ses
distances avec les présages rapportés par l’historien – notamment
le fait que des bœufs volèrent, que des singes s’introduisirent
dans des temples ou encore que l’on trouva un serpent à deux
têtes. Après avoir relaté ces présages annonçant le caractère
décisif de la bataille d’Actium, il indique qu’ils sont “très
étonnants”59, “si c’est vrai”60 et “si Dion ne plaisante pas”61.
Xiphilin affiche donc un certain scepticisme, mais n’en relate pas
moins quatre présages (là où le texte de Dion en comporte huit).
Ces formules hypothétiques qui introduisent et closent cette
énumération de prodiges révèlent un certain embarras de la part
de l’abréviateur : bien que Xiphilin veuille suggérer son absence
d’adhésion aux propos de Dion, il semble malgré tout tenté de
croire à ces faits.
• 62 C.D. 52.36.2: καινά τινα δαιµόνια οἱ τοιοῦτοι ἀντεσφέροντες πολλοὺς
ἀναπείθουσιν ἀλλοτριονοµεῖν ,(...)

• 63 Martinelli 1990. Cet article s’oppose au point de vue de Millar


1964, 179, qui pense que Dion n’a (...)

• 64 Pour une mise au point très détaillée sur cet épisode, voir Kovács
2009.

• 65 Xiph. 251.22-260.24 = C.D. 72[71].8.

• 66 Cette lettre de Marc-Aurèle, reconstruction chrétienne


postérieure, est ajoutée à la fin de l’Apo (...)

• 67 Xiph. 260.25 = C.D. 72[71].9.1 : ἔοικε δὲ ψεύδεσθαι … ἑκών.

• 68 La legio XII fut créée avec la legio XI Claudia en 58 a.C. par


Jules César pour mener campagne co (...)

• 69 Mallan 2013a, 640.

• 70 De même, il nous semble vraisemblable que Xiphilin – et non


Dion – soit l’auteur des lignes prése (...)
19Enfin, bien que Xiphilin soit moine et que son oncle soit
patriarche de Constantinople, il reste silencieux sur la vie de Jésus
et le sort des chrétiens sous le Haut Empire. Toutefois, Xiphilin
s’insurge une fois contre le parti pris de Dion. En effet, Dion, dans
les livres conservés dans la tradition directe, ne parle jamais
ouvertement des chrétiens ; pour les livres transmis dans la
tradition indirecte, rien ne subsiste à ce sujet, sans que l’on
puisse déterminer avec certitude si c’est dû à l’historien bithynien
ou à ses abréviateurs. On ne peut exclure, en effet, que les
commentaires de Dion à l’égard des chrétiens aient été
ouvertement critiques et, dans ce cas, censurés par les
abréviateurs. Au livre 52, l’hostilité de l’historien est palpable :
Mécène avertit Auguste des dangers que représente pour la
monarchie toute autre religion que le polythéisme traditionnel62.
Si jamais l’Histoire romaine a mentionné les chrétiens, c’est donc
de façon négative : Zonaras et Xiphilin auraient dans cette
hypothèse supprimé les passages qu’ils ne cautionnaient pas.
Mais il est également probable que Dion n’ait jamais évoqué les
chrétiens dans son œuvre. G. Martinelli63 soutient que si Dion ne
parle pas des chrétiens, c’est sans doute parce qu’il s’en tient à la
version officielle, qui est de les ignorer. Quoi qu’il en soit, en
dépit du polythéisme de Dion et de son silence à l’égard des
chrétiens, Xiphilin reproduit généralement fidèlement le texte de
l’Histoire romaine et ne cherche pas à y insérer des éléments
d’histoire chrétienne. Néanmoins, il conteste l’explication d’une
victoire des troupes de Marc-Aurèle et inscrit les propos de Dion
dans une polémique opposant païens et chrétiens64. Dion
considère en effet que la victoire contre les Quades, en 174 p.C.,
fut acquise grâce aux pouvoirs d’un mage et à l’intervention d’une
divinité65. Pour Xiphilin au contraire, ce fut grâce à la prière des
soldats chrétiens que Marc-Aurèle put vaincre, contrairement à
toute attente. Xiphilin conteste l’interprétation de Dion et justifie
la sienne par une lettre de l’empereur dont il a entendu parler66.
Ce récit a selon lui été transformé par les païens et il dénonce la
mauvaise foi de l’historien, qu’il accuse de “mentir
délibérément”67. Il présente la version des faits de ce dernier et
l’attaque point par point, en se fondant sur d’autres écrits (la
lettre de Marc-Aurèle) et sur la recherche des causes (le nom de
“Fulminante” donné à cette légion68 et la rationalité de l’empereur
qui rend peu probable l’intervention de magiciens). Comme
l’indique Mallan69, cette correction est probablement moins à
mettre sur le compte de ses convictions personnelles – puisque
contrairement à Zonaras, Xiphilin ne souhaite pas écrire une
histoire chrétienne – que de sa volonté de se présenter comme un
auteur, comme un érudit et de faire de l’empereur Marc-Aurèle un
exemple de piété et de tolérance70.
• 71 Mallan 2013a, 622 a remarqué que sur les vingt-quatre citations
poétiques recensées chez Dion, Xi (...)

20Ainsi, Xiphilin critique à trois reprises les interprétations de


Dion. Il le fait en comparant la perspective de Dion à celle d’autres
historiens. Il montre ici qu’il fait lui-même œuvre d’auteur et pas
seulement d’abréviateur : il se présente comme un auteur capable
de prendre des distances avec sa source et comme un lecteur des
historiens de l’Antiquité ; avant de se lancer dans le résumé de
l’Histoire romaine, il a lui-même lu d’autres sources traitant du
même sujet : il veut se présenter comme un érudit71. Toutefois,
ces prises de distance avec Dion sont peu nombreuses.

Conception de l’Histoire
• 72 Xiph. 87.2-5 = C.D. 53.22.1 : λέξω δὲ καὶ
καθ’ ἕκαστον ὅσα ἀναγκαῖόν ἐστι … µνηµονεύεσθαι (“Je ra (...)

• 73 C.D. 53.22.1 : µετὰ τῶν ὑπάτων, ἐφ’ ὧν ἐγένετο.


• 74 Xiphilin revendique personnellement ce changement de
perspective et explique immédiatement après (...)

• 75 Xiph. 87.2-
5 : καὶ νῦν µάλιστα, διὰ τὸ πάµπολυ ἀπηρτῆσθαι τῶν καιρῶν ἐκείνων τὸν κα
θ’ ἡµᾶς βίον κ (...)

• 76 Xiph. 10.16-10.22.

• 77 Xiph. 10.16-10.22 : πολλῶν δὲ τῶν ἱστορουµένων παραλελειµµένων,


διὰ τὸ λίαν ἀπαρτίσθαι καὶ ἔκφυλα (...)

• 78 Lucien, Hist. Conscr., 42 : καὶ ἐπάγει τὸ χρήσιµον καὶ ὃ τέλος ἄν τις εὖ


φρονῶν ὑπόθοιτο ἱστορίας (...)

• 79 Cf. par exemple D.H. 1.8.3 : …καὶ εἴ τισι ἀοχλήτου δεήσει διαγωγῆς
ἐν ἱστορικοῖς ἀναγνώσµασιν …(“ (...)

• 80 Dion ne théorise pas sa conception de l’Histoire ; toutefois,


plusieurs remarques disséminées au (...)

• 81 Xiph. 349.31-351.2.

21Xiphilin prend donc à de rares occasions une posture d’auteur


critique ; il lui arrive également d’indiquer selon quels critères il
sélectionne les faits, ce qui permet d’appréhender sa conception
de l’Histoire. Lorsqu’il résume le livre 53, conservé dans la
tradition directe, il modifie considérablement une phrase dans
laquelle Dion indiquait sa méthode. Il conserve à l’identique le
début de la phrase, à la première personne du singulier, qui
affirme une volonté d’exhaustivité pour relater “tout ce qui est
nécessaire”72. En revanche, alors que Dion ajoute ensuite qu’il le
fera “en citant les consuls sous lesquels ces événements se sont
produits”73, ce qui donne une dimension annalistique à son récit
républicain, Xiphilin, pour sa part74, modifie la perspective, en
soulignant l’importance du passé pour comprendre la situation
présente75. Ce qu’il est “nécessaire” de rapporter est donc ce qui
peut être utile pour le présent. D’une façon similaire, dans son
résumé du livre 3776, Xiphilin décrit les mœurs de Caton, puis
signale qu’il passe alors sous silence les événements de cette
période, avant de résumer en une phrase la conjuration de
Catilina. Il révèle les trois critères qui lui ont permis d’opérer sa
sélection, à savoir l’“utile” (χρήσιµον), le “nouveau” (καινόν) et l’idée
selon laquelle les faits du passé ne sont retenus que lorsqu’ils
peuvent servir d’enseignement au lecteur présent : c’est la raison
pour laquelle ce qui est révolu est rejeté77. L’abréviateur exige
donc de l’Histoire qu’elle ait une utilité exemplaire et
pédagogique, bien qu’il ne tire jamais explicitement la morale
d’une anecdote. Sa volonté de composer une histoire utile est par
conséquent conforme à l’exigence de Thucydide78. Toutefois, sa
conception est sans doute plus proche de Denys
d’Halicarnasse79 et de Dion80 que de Thucydide, pour qui le
plaisir (τερπνόν) doit être dissocié de l’utile (χρήσιµον). Certes,
Xiphilin n’emploie pas le terme τερπνόν, mais le “nouveau” (καινόν)
s’y rattache : l’abréviateur aime à surprendre son lecteur, en
particulier au moyen d’anecdotes. Celles-ci peuvent servir à
l’édification morale, mais une certaine jubilation est souvent
patente : Xiphilin cherche manifestement à étonner son lecteur, à
attiser sa curiosité et tout simplement à l’amuser. Par exemple,
les débauches d’Elagabal81 auraient pu être éludées en une
phrase ; mais l’abréviateur a préféré raconter par le menu les
frasques sexuelles de l’empereur : son récit ne subordonne pas le
plaisir à l’utilité ; le τερπνόν supplante parfois le χρήσιµον.
22Xiphilin ne théorise nulle part son travail d’abréviation ;
toujours est-il qu’à ses yeux, ce travail ne s’oppose
manifestement pas à celui de l’historien. Dans les quelques
passages examinés ci-dessus, Xiphilin adopte une posture
d’historien et fait valoir son autorité. Il n’hésite pas à modifier
l’ordre de présentation adopté par Dion et à imprimer de cette
façon à son œuvre une logique et une cohérence qui lui sont
propres. Il critique à trois reprises des jugements de Dion,
montrant par là qu’il ne renonce pas à exercer son esprit critique
et qu’il est capable de confronter différentes sources. Enfin, il
revendique une méthode de sélection de l’information qui
privilégie l’utile, sans négliger le travail du lecteur.

Conclusion
23Xiphilin voulait faire œuvre d’auteur : il cite d’autres ouvrages
historiques qu’il a lus, critique à trois reprises les jugements de
Dion et se montre très influencé par le Brutus de Plutarque dans
sa restitution du livre 47 de l’Histoire romaine ; il n’hésite pas non
plus à imposer sa marque personnelle à son ouvrage en lui proposant
une organisation différente de celle de l’Histoire romaine, en
sélectionnant les faits en fonction de ses centres d’intérêt et en
focalisant son attention sur les personnages les plus marquants,
au détriment par exemple des réflexions sur les types de régime,
les institutions ou sur les expéditions étrangères. Néanmoins,
lorsque nous comparons ses prétentions à ce qu’il réalise
vraiment, force est de constater un décalage. Xiphilin est souvent
fidèle à l’œuvre de son prédécesseur : dans un bon nombre de
passages, il reformule assez peu, déplace peu, recopie des idées
pourtant contraires aux siennes et conserve l’énonciation de sa
source. C’est ce manque de créativité et de reformulation qui est
précieux pour l’éditeur de Dion ; cependant, cette attitude servile
est loin d’être avérée pour l’ensemble de l’Épitomé : Xiphilin ne doit
donc être utilisé qu’avec prudence et précaution pour les parties de
l’Histoire romaine qui ne sont conservées que dans la tradition
indirecte.
• 82 L’Athous 4932 = Iviron 812 (XIV²), découvert par B. C. Barmann
(cf. Barmann 1971).
24Pour compléter cette esquisse, il faudrait rééditer intégralement
l’Épitomé de Xiphilin, en prenant en compte le manuscrit du mont
Athos découvert récemment82, puis comparer systématiquement
l’abrégé et les livres de l’Histoire romaine conservés dans la
tradition directe ; une analyse des rapports qu’entretient
l’Épitomé avec les histoires composées au XIe s. permettrait
également de mieux comprendre les choix et la méthode de
Xiphilin.
NOTES
1 Xiph. 87.3 = C.D. 53.22.1 : Ἰωάννης ὁ Ξιφιλῖνος ἀδελφόπαις ὢν Ἰωάννου
τοῦ πατριάρχου (“Jean Xiphilin, neveu du Patriarche Jean”) .Brunt 1980, 488
confond l’auteur de l’Épitomé et son oncle. En revendiquant sa parenté
avec son oncle patriarche, l’abréviateur se montre conscient et fier de
son appartenance à une famille socialement et politiquement haut
placée. Sur la famille des Xiphilini aux XIe et XIIe s., cf. Kazhdan 1991.

2 Xiphilin est également l’auteur de cinquante-trois homélies et


d’un µηνολόγιον dédié à Alexis I Comnène. Cf. Trapp 1992 ; Ziegler 1967.

3 Psellos lui-même a rédigé deux ouvrages historiques,


une Chronographie et une Historia Syntomos. L’attrait pour l’histoire
romaine au XIe s. a notamment été étudié par Markopoulos 2006, 290
(“Interest in the Roman past … is without doubt one of the
distinguishing features of eleventh-century Byzantium”) ; ce
phénomène n’est pas nouveau, mais fut particulièrement à la mode
sous le règne de Michel VII.

4 Zonar. 18.16 = 708.9-17 : ὁ γὰρ βασιλεὺς παιδαριώδεσιν ἐσχόλαζε


πράξεσι, τοῦ ὑπάτου τῶν φιλοσόφων καὶ ὑπερτίµου Μιχαὴλ τοῦ
Ψελλοῦ λόγοις τῷ δοκεῖν αὐτὸν ἐµβιβάζοντος καὶ διδάσκοντος νῦν µὲν τὴν
γραµµατικὴν τέχνην καὶ µέτρα καὶ διαλέκτους, νῦν δ’ ἵνα κατὰ ῥήτορας
διαλέγοιτο, νῦν δ’ ἱστορίαις αὐτὸν προσεθίζοντος, ἄλλοτε δὲ φιλοσόφων
θεωρηµάτων ἀκροᾶσθαι παρασκευάζοντος· ὁ δὲ πρὸς οὐδὲν
ἐπεφύκει (“Comme l’empereur [Michel Doukas] consacrait son temps à
des occupations puériles, il semblait à tous que Michel Psellos,
inestimable prince des philosophes, le menait à l’école, tantôt lui
enseignant la grammaire, la métrique et la dialectique, tantôt cherchant
à le faire déclamer comme l’apprennent les rhéteurs, tantôt lui faisant
fréquenter l’Histoire et, d’autres fois, le préparant à écouter les
préceptes des philosophes ; pourtant, il n’était absolument pas apte à
cela”).

5 C’est en effet Psellos qui rédigea l’oraison funèbre du patriarche Jean


Xiphilin, ancien recteur du département juridique de l’Université fondée
par Constantin IX (cf. Lemerle 1977, 203-212).

6 La méthode de Xiphilin a fait l’objet d’assez peu d’études. Notons


cependant les pages qu’y consacrent par exemple Millar 1964, 195-
203 ; Canfora 1978 ; Mazzucchi 1979 ; Schmidt 1989 ; Fromentin, in :
Fromentin & Bertrand 2008, lxxxii-lxxxix ; ead., in : Fromentin &
Bertrand 2014, lxxxviii-xciv ; Mallan 2013a. Pour ce qui est de l’édition
de son texte, on se réfère à Boissevain 1901, 479-730, édition dont les
principes sont expliqués par Boissevain 1897, i-xvii, et qui conserve la
pagination et les numéros de lignes de Dindorf 1865. Il serait utile
qu’une nouvelle édition complète de l’Épitomé voie le jour, qui
prendrait en compte d’une part les leçons de l’Athous 4932
= Iviron 812, un manuscrit essentiel, mais ignoré jusqu’à la découverte
récente de Barmann 1971. Il faudrait d’autre part examiner
systématiquement les corrections proposées dans le Matritensis 4714
(cod. 163, olim O-49) : ce manuscrit, que l’on peut dater des années
1475, comporte d’intéressantes corrections marginales datant des
années 1540-1550 ; soit elles ont été apportées à partir d’un
manuscrit retrouvé alors, et qui aurait rapidement disparu par la suite,
sans avoir jamais servi de modèle ; soit il s’agit de conjectures
heureuses d’un érudit. Cf. Berbessou-Broustet 2009, 281-302. Les
traductions françaises proposées ci-dessous sont les nôtres.

7 Xiph. 256.8-30. Cette partie de l’œuvre a été perdue très tôt, sans
doute avant même le VIe s. (cf. Juntunen 2013 et l’article portant sur
Zonaras dans ce même ouvrage). Xiphilin cite Eusèbe et Quadratus
comme sources pour le bref résumé qu’il donne de ces règnes. Il a
peut-être recours à d’autres historiens qu’il ne cite pas : il utilise en
effet les verbes λέγεται et φασιν. De surcroît, on ne peut exclure qu’il se
serve également des Excerpta de sententiis tirés de Dion (aujourd’hui
perdus). En effet, les détails qui concernent l’avènement d’Antonin sont
des anecdotes et comprennent des paroles au style direct, susceptibles
de former un tout homogène, comme le montre le découpage similaire
des Excerpta de sententiis tirés de Pierre le Patrice. Ils sont en outre
plusieurs fois précédés chez Xiphilin de la conjonction ὅτι, qui se trouve
au début de chaque extrait constantinien :
Xiph. 256.9 : ἀγνοεῖσθαι τὴν κατ’ αὐτὸν ἱστορίαν σχεδὸν σύµπασαν,
πλὴν ὅτι … καὶ ὅτι … καὶ ὅτι…

8 Le titre retenu (Ἐπιτοµὴ τῆς Δίωνος Ῥωµαικῆς ἱστορίας) est celui qui figure
en tête du manuscrit du Mont Athos Athous 4932 = Iviron 812 (XIV²), qui
constitue à lui seul, pour la tradition manuscrite de Xiphilin, l’une des
deux branches du stemma, comme l’a mis en évidence Barmann 1971.
Les deux hyparchétypes de l’autre branche du stemma (cf. Boissevain
1897, III), à savoir le Vaticanus graecus 145 et le Parisinus Coislinianus
graecus 320 (XVIe s.) comportent deux titres, le premier étant Δίωνος
ῥωµαικὴ ἱστορία (“Histoire romaine de Dion”), sans référence à la notion
d’abrégé. Nous avons démontré ailleurs (Berbessou 2014) que le
deuxième titre, plus long (Ἐπιτοµὴ τῆς Δίωνος τοῦ Νικαέως ῥωµαικῆς
ἱστορίας ἣν συνέτεµεν Ἰωάννης ὁ Ξιφιλῖνος, περιέχουσα µοναρχίας Kαισάρων
εἰκοσιπέντε ἀπὸ Ποµπηίου Μάγνου µέχρις Ἀλεξάνδρου τοῦ Μαµαίας : “Abrégé
de l’Histoire romaine de Dion de Nicée, composé par Jean Xiphilin,
embrassant les règnes de vingt-cinq Césars, de Pompée le Grand
jusqu’à Alexandre, fils de Mamaea”), était apocryphe et irrecevable.

9 Xiph. 50.28 = C.D. 47.40-41.

10 Xiph. 225.4 = C.D. 67.16.1 : καὶ οὐ γάρ ἐστιν οὐδὲν τῶν τηλικούτων
ἀπρόοπτον.

11 Ce n’est pas parce que Xiphilin rejette les discours et les


développements parénétiques par principe : par exemple, au livre 55
(Xiph. 104.5-112.29 = C.D. 55.14.4-21.4), le discours de Livie portant
sur la clémence de l’empereur est longuement repris dans l’Épitomé.
C’est sans doute parce que la remise en question du régime impérial
semble invraisemblable au XIe s. et que les conseils de Mécène au sujet
de l’organisation de l’Empire semblent dépassés et inutiles pour le
lecteur de cette époque. Concernant l’attitude générale de Xiphilin au
sujet des discours, cf. Brunt 1980, 490 ; Mallan 2013a, 618-621. Ce
dernier constate que l’abréviateur conserve les discours qui ont un
rapport direct avec le comportement de l’empereur et peuvent avoir
des échos au XIe s. : c’est le cas notamment du discours où Othon
indique qu’il faut éviter les guerres civiles (Xiph. 192.6-30 =
C.D. 63[64].13-14), du discours où Marc-Aurèle déplore les maux
engendrés par les guerres civiles et souligne l’importance de la
clémence de la part du vainqueur (Xiph. 263.1-264.1 =
C.D. 72[71].24-26) ou encore de celui prononcé par Hadrien pour louer
la succession impériale adoptive et élective plutôt qu’héréditaire (Xiph.
253.28-254.12 = C.D. 69.20.2-5). Or cette dernière question se posa
à plusieurs reprises à l’époque de l’abréviateur : par exemple, Michel V
le Calfat (1041-1042) fut adopté par l’impératrice Zoé ; Michel VI
(1056-1057) fut choisi pour succéder à l’impératrice Théodora, sans
faire partie de sa famille ; puis Constantin X Doukas (1059-1067),
ministre et principal conseiller d’Isaac Ier Comnène, prit la suite de ce
dernier.

12 Ce livre occupe trente-deux pages dans l’édition de Boissevain.

13 Xiph. 80.27-81.6.

14 Figurent ici en gras les mots de l’Histoire romaine que Xiphilin a


retenus:

C.D. 52.41.3-4 : τήν τοῦ αὐτοκράτορος ἐπίκλησιν ἐπέθετο· λέγω


δὲ οὐ τὴν ἐπὶ ταῖς νίκαις κατὰ τὸ ἀρχαῖον
διδοµένην τισίν (ἐκείνην γὰρ πολλάκις µὲν καὶ πρότερον πολλάκις δὲ καὶ ὕστε
ρον ἀπ’ αὐτῶν τῶν ἔργων ἔλαβεν, ὥστε καὶ ἅπαξ καὶ εἰκοσάκις ὄνοµα αὐτοκρά
τορος σχεῖν) ἀλλὰ τὴν ἑτέραν τὴν τὸ κράτος διασηµαίνουσαν, ὥσπερ τῷ
τε πατρὶ αὐτοῦ τῷ Καίσαρι καὶ τοῖς παισὶ τοῖς τε ἐγγόνοις ἐψήφιστο (
“Et il prit le titre d’imperator ; je ne parle pas ici de celui que l’on
donnait anciennement des généraux pour des victoires remportées (il
l’avait reçu souvent auparavant et il le reçut souvent encore dans la
suite, pour ses exploits, au point qu’il fut vingt et une fois
appelé imperator) ; je parle de l’autre, qui désigne l’autorité suprême”).

Xiph. 81.1-6 : τήν τε τοῦ αὐτοκράτορος ἐπίκλησιν (λέγω δὲ οὐ τὴν ἐπὶ ταῖς
νίκαις κατὰ τὸ ἀρχαῖον διδοµένην
τισίν, ἀλλὰ τὴν τὸ κράτος διασηµαίνουσαν) ἐπέθετο, ὥσπερ τῷ τε πατρὶ αὐτοῦ
τῷ Καίσαρι καὶ τοῖς παισὶ καὶ τοῖς ἐγγόνοις ἐψήφιστο.

15 Les seuls mots qui ne soient pas des reprises littérales de l’Histoire
romaine sont les suivants : καὶ τοῦ Ἀγρίππου συµβουλεύοντος τὰ δικαιότερα
(ἀποθέσθαι γὰρ ἠξίου τὴν δυναστείαν καὶ ποιῆσαι πάλιν ἰσηγορίαν), τοῦ δὲ
Μαικήνου τὰ συµφέροντα (συµφέρειν γὰρ µᾶλλον τῷ µεγέθει τοῦ
πολιτεύµατος µοναρχίαν βασιλικήν τε καὶ ἔννοµον )(“Agrippa prit parti pour
la justice (il lui conseillait de se démettre de son pouvoir personnel et
de permettre le retour à la République), tandis que Mécène prit parti pour
l’Utile (selon lui, en raison des dimensions de l’État, un pouvoir
personnel de type monarchique et fondé sur la loi était bien plus
utile)”).

16 Xiph. 250.1 = C.D. 72[71].5.1-2.

17 Xiph. 355.21 =
C.D. 80.2.1. : διὰ µὲν οὖν ταῦτα οὐκ ἠδυνήθην ὁµοίως τοῖς πρόσθεν καὶ τὰ
λοιπὰ συνθεῖναι, κεφαλαιώσας µέντοι ταῦτα, ὅσα γε καὶ µέχρι τῆς δευτέρας µ
ου ὑπατείας ἐπράχθη, διηγήσοµαι.

18 Xiph. 279.10 = C.D. 73[72].20.1 : τοιαύτη µὲν τὸ σύµπαν ἡ θέα ἐκείνη


τέσσαρσι καὶ δέκα ἡµέραις ἐγένετο· ἀγωνιζοµένου δ’ αὐτοῦ ἡµεῖς µὲν οἱ
βουλευταὶ ἀεὶ µετὰ τῶν ἱππέων συνεφοιτῶµεν…

19 Xiph. 325.25 = C.D. 80[79].17.3.


20 Mallan 2013a, 621 considère que cet usage de la première
personne référant à Dion vise à donner de l’autorité au texte de
Xiphilin.

21 Xiph. 87.3 = C.D. 53.22.1 : λέγω γὰρ


τοῦτο οὐκέτι ὡς ὁ Δίων …, ἀλλ’ ὡς Ἰωάννης ὁ Ξιφιλῖνος.

22 Xiph. 319.11 = C.D. 78[77].6.1.

23 C.D. 55.28.2-3 : οὐ µέντοι καὶ περὶ πάντων αὐτῶν ἀκριβῶς ἐπεξάξω·


πολλά τε γὰρ ὡς ἑκάστοις καὶ οὐκ ἀξιόλογα συνηνέχθη, καὶ οὐδὲν ἂν
λεπτολογηθέντα ὠφελήσειε. Tά γε µὴν µνήµης τινὸς ἄξια κεφαλαιώσας,
πλὴν τῶν µεγίστων, ἐρῶ.

24 Pour Millar 1964, 43-44, cette volonté d’aller à l’essentiel constitue


un trait caractéristique du style de Dion.

25 Xiph. 10.16-10.22 : πολλῶν δὲ τῶν ἱστορουµένων παραλελειµµένων…

26 Xiph. 246.7 = C.D. 69.8.11 : ταῦτα περί γε τοῦ τρόπου, ὡς ἐν


κεφαλαίῳ εἰπεῖν, προείρηκα· λέξω δὲ καὶ τὰ καθ’ ἕκαστον, ὅσα ἀναγκαῖόν
ἐστι µνηµονεύεσθαι (“J’ai commencé par présenter son
caractère succinctement ; je raconterai également en détail tous les
faits qui méritent d’être rappelés”).

27 Xiph. 204.16 = C.D. 65[66].3.1 : ἐν δὲ τῇ Γερµανίᾳ ἄλλαι τε


κατὰ Ῥωµαίων ἐπαναστάσεις ἐγένοντο ,οὐδὲν ἐς µνήµην ἐµοὶ γοῦν ὄφελος
φέρουσαι, καί τι συνηνέχθη καὶ θαύµατος ἄξιον (“En Germanie, il y eut
contre les Romains plusieurs soulèvements que, selon moi du moins, il
est fort inutile de rapporter, mais il se passa un fait qui mérite
l’admiration”).

28 Brunt 1980, 489.

29 Outre le débat entre Agrippa et Mécène, dont nous avons vu qu’il


était réduit à la portion congrue, Xiphilin supprime les débats qui sont
rapportés pour la période républicaine de l’Histoire romaine : cf. Mallan
2013a, 618-619.
30 Xiphilin relate par exemple la bataille menée de nuit par Pompée
contre Mithridate (Xiph. 5.1-20 = C.D. 36.49).

31 Le récit de la bataille de Philippes (C.D. 47.43-49) est par exemple


repris presque intégralement mot pour mot. Cf. Fromentin, in :
Fromentin & Bertrand 2014, xci.

32 Il réduit par exemple à la portion congrue les mesures financières et


fiscales prises par les triumvirs, qui impliquent pourtant la remise en
question du principe fondateur de la République que constituait
le census (C.D. 47.14-17, fin 43 a.C.). Cf. Fromentin, ibid.

33 Ce jugement est subjectif et bien plus restrictif que celui de Dion,


notamment pour la fin de la République : alors que Dion considérait
que les turbulences politiques était dues à de nombreux acteurs,
Xiphilin fait le choix de s’intéresser d’emblée principalement à Pompée
et ne mentionne pas, par exemple, Gabinius, à propos du
commandement exceptionnel donné à Pompée contre les pirates en 67,
pas plus que Manilius en 66. Pour la période républicaine, Mallan
2013a, 631 n. 62 suggère que, parmi ses critères de choix, Xiphilin a
pu développer les portraits des Romains qui faisaient l’objet d’une vie
chez Plutarque.

34 Xiph. 9.30 =
C.D. 37.20.5 : δυνηθεὶς ἂν ῥᾳδίως τήν τε Ἰταλίαν κατασχεῖν…

35 C.D. 37.20.5 : …καὶ τὸ τῶν Ῥωµαίων κράτος πᾶν περιποιήσασθαι…

36 C.D. 37.20.6.

37 Mallan 2013a, 628.

38 Xiph. 35.6 : εἰς τοσαῦτα µερίζοντας τὴν συγγραφὴν τµήµατα ὅσοι εἰσὶν
καὶ οἱ µετὰ Ἰούλιον Καίσαρα ἐν τῇ Ῥώµῃ ἄρξαντες αὐτοκράτορες.

39 La vie d’Auguste (à partir d’Actium) occupe les livres 51 à 56 de


l’Histoire romaine.

40 La vie de Tibère occupe les livres 57 et 58 de l’Histoire romaine.


41 Fromentin, in : Fromentin & Bertrand 2008, lxxxv, pour C.D. 45.9.4
et Xiph. 39.5-16.

42 Tῷ Σέξτῳ τῷ τοῦ Μεγάλου Ποµπηίου νεωτέρῳ υἱῷ.

43 Kαὶ Γάιον Ἀσίνιον Πολίωνα κατὰ τὴν Βαιτικὴν µάχην νενικηκότι, καὶ πόλεις τ
ὰς µὲν ἑκούσας τὰς δὲ ἀκούσας προσειληφότι.

44 C.D. 45.10.3.

45 Fromentin, in : Fromentin & Bertrand 2014, lxxxix.

46 Millar 1964, 195-203.

47 Xiph. 31.1-26, critiquant le début du livre 44 de l’Histoire romaine.

48 Xiph. 31.1-
26: ὡς δὲ τὸ ἀληθὲς ἔχει καὶ ὁ Πλούταρχος ἐν τοῖς Παραλλήλοις διδάσκει (“co
nformément à la vérité et à l’enseignement de Plutarque dans ses Vies
parallèles”).

49 Xiph. 31.5 : δι’ ἀλιτηριώδη τινὰ οἶστρον.

50 Plu., Brut., 6.8-9 ; 8.1. Cf. Mallan 2013a, 625.

51 Fromentin, in : Fromentin & Bertrand 2014, xcii-xciii.

52 Xiph. 54.7 : Φαώνιος ὁ τοῦ Κάτωνος ἐραστής. Cf. Plu., Brut.,


12.3 ; 34.4 ; Fromentin, ibid.

53 Xiphilin pense peut-être ici aux critiques que Polybe profère contre
Timée, coupable, entre autres, d’accorder une importance démesurée à
des prodiges, “d’une basse superstition et d’un fantastique propre aux
femmes” (Plb. 12.24.5 :
δεισιδαιµονίας ἀγεννοῦς καὶ τερατείας γυναικώδους).

54 Xiph. 50.28 : εἰ µὲν οὐδ’ ἂν γενέσθαι νοµίζων, µεµπτῶς, πλήρης γὰρ τῶν
τοιούτων ἡ ἱστορία (“Si Dion pensait, en les écrivant, qu’ils n’avaient
même pas eu lieu, on ne peut que le blâmer, étant donné que
ses Histoires en sont remplies”).
55 Xiph. 50.28 : εἰ δ’ ὡς οὐχ ἱστορήσας γε αὐτός, συγγνωστῶς (“S’il l’avait
fait dans la pensée qu’il n’en était pas lui-même l’historien, on le lui
pardonnerait”).

56 Xiph. 50.28 : ὁ Δίων µὴ πέρα τοῦ δέοντος αὐτὰ τεθηπώς( “Dion aurait
mieux fait de ne pas s’en émerveiller ainsi, plus que de raison”).

57 Xiph. 50.28 : πολλὰ τῶν σηµείων τοῖς τερατολόγοις παρήσω : (“Je


laisserai les nombreux récits de présages à ceux qui aiment à disserter
sur les prodiges”).

58 Xiph. 73.1, qui abrège C.D. 50.8.3.

59 Xiph. 73.1 : θαυµαστὸν πάντως.

60 Xiph. 73.1 : εἰ ἀληθές ἐστι.

61 Xiph. 73.1 : εἰ µήτι γελοῖος ὁ Δίων.

62 C.D. 52.36.2: καινά τινα δαιµόνια οἱ τοιοῦτοι ἀντεσφέροντες πολλοὺς


ἀναπείθουσιν ἀλλοτριονοµεῖν, κἀκ τούτου καὶ συνωµοσίαι καὶ συστάσεις
ἑταιρεῖαί τε γίγνονται, ἅπερ ἥκιστα µοναρχίᾳ συµφέρει (“L’introduction de
nouvelles divinités engage beaucoup de citoyens à obéir à d’autres
lois ; de là des conjurations, des coalitions et des associations qui ne
sont pas du tout profitables à un gouvernement monarchique”).

63 Martinelli 1990. Cet article s’oppose au point de vue de Millar 1964,


179, qui pense que Dion n’a pas parlé des chrétiens parce qu’il ne
s’était pas rendu compte de l’importance du phénomène.

64 Pour une mise au point très détaillée sur cet épisode, voir Kovács
2009.

65 Xiph. 251.22-260.24 = C.D. 72[71].8.

66 Cette lettre de Marc-Aurèle, reconstruction chrétienne postérieure,


est ajoutée à la fin de l’Apologie de Saint Justin (ch. 70) ; elle est
mentionnée dans l’Histoire Ecclésiastique d’Eusèbe.
67 Xiph. 260.25 = C.D. 72[71].9.1 : ἔοικε δὲ ψεύδεσθαι … ἑκών.

68 La legio XII fut créée avec la legio XI Claudia en 58 a.C. par Jules
César pour mener campagne contre les Helvètes (Caes., B Gall., 1.10.3).
Xiphilin ignore que cette légion s’appelait déjà Fulminata sous les
Flaviens, comme l’atteste par exemple l’inscription qui figure dans l’AE,
1951, 263 : imp(eratore) Domitiano / Caesare Aug(usto) / Germanic(o)
/ L(ucius) Iulius / Maximus / (centurio) / leg(ionis) XII Ful(minatae).

69 Mallan 2013a, 640.

70 De même, il nous semble vraisemblable que Xiphilin – et non Dion –


soit l’auteur des lignes présentant Marcia, concubine de Commode,
comme une chrétienne impliquée dans le salut de ses semblables.
Xiph. 270.13 = C.D. 73[72].4.7 : ἱστορεῖται δὲ αὕτη πολλά τε ὑπὲρ τῶν
Χριστιανῶν σπουδάσαι καὶ πολλὰ αὐτοὺς εὐηργετηκέναι, ἅτε καὶ παρὰ τῷ
Κοµµόδῳ πᾶν δυναµένη (“L’histoire raconte que cette Marcia eut
beaucoup d’affection pour les chrétiens et leur fit beaucoup de bien,
étant toute-puissante auprès de Commode”). Cf. Strong 2014.

71 Mallan 2013a, 622 a remarqué que sur les vingt-quatre citations


poétiques recensées chez Dion, Xiphilin en avait conservé vingt-trois.

72 Xiph. 87.2-5 = C.D. 53.22.1 : λέξω δὲ καὶ


καθ’ ἕκαστον ὅσα ἀναγκαῖόν ἐστι … µνηµονεύεσθαι (“Je raconterai en détail
tout ce qu’il est nécessaire de rappeler.”).

73 C.D. 53.22.1 : µετὰ τῶν ὑπάτων, ἐφ’ ὧν ἐγένετο.

74 Xiphilin revendique personnellement ce changement de perspective


et explique immédiatement après au lecteur “ne plus dire cela en tant
que Dion, mais en tant que Xiphilin” (λέγω γὰρ τοῦτο οὐκέτι ὡς ὁ Δίων
…, ἀλλ’ ὡς Ἰωάννης ὁ Ξιφιλῖνος).

75 Xiph. 87.2-
5 : καὶ νῦν µάλιστα, διὰ τὸ πάµπολυ ἀπηρτῆσθαι τῶν καιρῶν ἐκείνων τὸν καθ’
ἡµᾶς βίον καὶ τὸ πολίτευµα (“Et surtout de nos jours, parce que notre vie
contemporaine et notre situation politique se rattachent étroitement
aux événements de cette époque”).

76 Xiph. 10.16-10.22.

77 Xiph. 10.16-10.22 : πολλῶν δὲ τῶν ἱστορουµένων παραλελειµµένων,


διὰ τὸ λίαν ἀπαρτίσθαι καὶ ἔκφυλα εἶναι τῶν νῦν καιρῶν (“Je passe sous
silence quantité de choses qui sont racontées dans les Histoires, parce
qu’elles font partie d’un temps révolu)”.

78 Lucien, Hist. Conscr., 42 : καὶ ἐπάγει τὸ χρήσιµον καὶ ὃ τέλος ἄν τις εὖ


φρονῶν ὑπόθοιτο ἱστορίας, ὡς εἴ ποτε καὶ αὖθις τὰ ὅµοια καταλάβοι, ἔχοιεν,
φησι, πρὸς τὰ προγεγραµµένα ἀποβλέποντες εὖ χρῆσθαι τοῖς ἐν ποσί (“De là,
il [= Thucydide] conclut que l’utilité doit être le but que se propose
tout homme sensé en écrivant l’histoire, afin que si, par la suite, il
arrive des événements semblables, on voie, en jetant les yeux sur ce
qui a été écrit, ce qu’il est utile de faire”).

79 Cf. par exemple D.H. 1.8.3 : …καὶ εἴ τισι ἀοχλήτου δεήσει διαγωγῆς ἐν
ἱστορικοῖς ἀναγνώσµασιν …(“…même pour ceux qui ne désirent qu’un
simple divertissement dans la lecture de l’histoire…)”.

80 Dion ne théorise pas sa conception de l’Histoire ; toutefois,


plusieurs remarques disséminées au sein du texte soulignent que pour
lui, l’Histoire se devait d’être utile (cf. fr. 1.1 = EV ; 2 55.24.1) et
qu’elle avait une fonction morale (comme en attestent notamment
les γνῶµαι, cf. Xiph. 124.10 = C.D. 56.45.1 ; Xiph. 346.28 =
C.D. 79[78].41.1), ce qui ne l’empêche pas de multiplier les anecdotes
ou les bons mots, destinés à la fois à illustrer des caractères et à
procurer du plaisir au lecteur.

81 Xiph. 349.31-351.2.

82 L’Athous 4932 = Iviron 812 (XIV²), découvert par B. C. Barmann (cf.


Barmann 1971).

AUTEUR
Bénédicte Berbessou-Broustet

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