Vous êtes sur la page 1sur 5

Comptes rendus des séances de

l'Académie des Inscriptions et


Belles-Lettres

Un opuscule inédit de Proclus


Joseph Bidez

Citer ce document / Cite this document :

Bidez Joseph. Un opuscule inédit de Proclus. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres, 71ᵉ année, N. 4, 1927. pp. 280-283;

doi : https://doi.org/10.3406/crai.1927.75511

https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1927_num_71_4_75511

Fichier pdf généré le 06/10/2018


280 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
et Kelsey, décédés, et celle de M. Haskins, élu associé étranger),
et 2 parmi les français (places de MM. Durrbach et Labande,
devenus académiciens libres).
L'Académie, à mains levées, décide qu'elle fera des élections
de correspondants.
En conséquence la nomination des commissions chargées de
dresser les listes de proposition, sera portée à l'ordre du jour
de la prochaine séance.

M. Bidez fait une communication sur un opuscule inédit de


. Proclus1.
MM. Théodore Reinach, Paul Monceaux et Edouard Guq
présentent des observations.

COMMUNICATION

UN OPUSCULE INÉDIT DE PROCLUS,


PAR M. J. BIDEZ, CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE.

Les derniers des chefs de l'école néoplatonicienne furent


des hiérophantes tout autant que des philosophes. Dans sa
Vie de Proclus, Marinus rapporte que ce maître se faisait
initier à tous les cultes mystiques dont il découvrait
l'existence ; finalement, « lorsqu'il arrivait dans une ville, il
comprenait les cérémonies religieuses qui s'y célébraient
mieux que les prêtres de profession. » D'après le
témoignage de ses contemporains, Proclus devait son prestige à la
rigueur scrupuleuse avec laquelle il observait les
prescriptions des mystères dits « chaldaïques », à la maîtrise avec
laquelle il y évoquait les dieux, les anges et les démons, et
aussi à l'éminente valeur d'un commentaire des fameux
Aôvix X<xX5aïxa, démontrant que ces oracles étaient d'accord
avec la sagesse d'Orphée, de Pythagore et de Platon. Si

l. Voir ci-après.
UN OPUSCULE INÉDIT DE PROCLUS 281
nous pouvions consulter ce commentaire, qui n'était qu'une
sorte de paraphrase d'un commentaire analogue de Jam-
blique, livre de prédilection de l'empereur Julien, nous y
trouverions de quoi suppléer aux réticences qui rendent si
difficile l'interprétation du discours de ce dernier sur le Roi
Soleil. Malheureusement, les écrits théosophiques de Pro-
clus, suspects à cause de leurs accointances avec la magie,
ne nous ont pas été conservés, et, pour en reconstituer le
contenu, nous ne disposons guère que de quelques extraits,
de quelques résumés, et enfin d'allusions dispersées dans
l'œuvre de Psellus. C'est à compléter ces vagues données
que peut servir surtout notre inédit de Proclus.
Il y a près de trente ans, M. Franz Gumont, le premier,
a signalé à l'attention cet opuscule, traduit par Marsile Ficin
sous le titre Opus Procli de sacrificio et maffia. Aussitôt,
M. W. Kroll réimprima cette traduction, dont les éditions
étaient devenues fort rares ; mais, ne retrouvant pas le texte
grec dont le platonicien toscan s'était servi, il se contenta
d'en publier une reconstitution conjecturale, suivie de
quelques notes1.
La découverte du codex Vallicellanus (F 20) que Ficin a
eu entre les mains ?, nous met à même de constater que sa
version latine est fort libre. Elle donne tantôt plus, tantôt
moins que le texte qu'elle veut faire connaître. Maintes fois
aussi, déconcerté par certaines expressions caractéristiques
du mysticisme de Proclus, l'helléniste de la Renaissance les
a fait disparaître. Quant à M. Kroll, certes, il a reconnu
avec sagacité la plupart des développements ajoutés par le
traducteur, mais il lui aurait été impossible de deviner les
lacunes et les infidélités de la version latine, et sa
reconstitution du texte grec est loin de rendre superflu le recours

1. Analecla greeca scripsitG. Kroll, Greifswald, 1901, p. 5 et suiv.


2. Le texte de l'opuscule de Proclus paraîtra dans un appendice du
prochain volume du Catalogue des manuscrits alchimiques grecs (Bruxelles,
Lamertin).
282 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
à- l'original. Enfin, il n'a pas eu le moyen de rechercher,
dans les œuvres conservées de Proclus, les nombreux
passages parallèles qui démontrent l'authenticité de l'opuscule
inédit et qui permettent de le compléter, en précisant
quelle en était la portée.
Parmi ces passages parallèles, il faut signaler entre autres
un endroit du commentaire du Parménide 1 où il est dit
que la forme séléniaque garde jusque dans les pierres de
lune le caractère de sa « chaîne » (aeipà), c'est-à-dire la
puissance de faire croître et décroître son éclat à intervalles
réguliers. Cette application de la théorie des idées,
développée fort clairement dans notre extrait de Proclus, se
retrouve déjà, d'ailleurs, chez les « astrothéosophes »
mentionnés dans un chapitre (îv, 49) d'Hippolyte.
Il y a mieux. Dans son commentaire du Timée2, Proclus
explique la vertu théurgique de la prière et cette
explication concorde avec la doctrine de notre inédit. Notamment,
il y est question de <rJjx6oXa ou auvOïjjjuzTa magiques, signes
de reconnaissance qui marquent les affinités et les
sympathies caractéristiques de chacune des chaînes mystiques,
héliaqûe, séléniaque et autres. On voit, dans le
commentaire du Tirnée, que l'idée de ces auvô-^axa provient des
Oracles chaldaïques. De plus, dans un autre passage
parallèle3, Proclus dit formellement que la philosophie explique
la descente et l'ascension des âmes par l'oubli et la
réminiscence des idées, tandis que les Oracles chaldaïques font
intervenir à ce propos les divins symboles, et l'auteur ajoute
que les deux théories concordent.
A eux seuls, ces deux derniers rapprochements
suffiraient pour prouver que notre morceau se rattache à
l'interprétation néoplatonicienne des Aoyia XaXSaïxa et au mys-

1. T. V, p. 118 de l'édition de V. Cousin, Paris, 1823.


2. T. I, p. 209 suiv. de l'édition de Diehl.
3. npo'scXov» h x% XaX8aïy.rjç çiXoaoçtaç, édition de A. ïahn, Halle, p. 5.
UN OPUSCULE INÉDIT DE PROCLUS 283
ticisme des théurges qui eurent tant d'influence sur
l'empereur Julien. S'ajoutant aux autres restes de la littérature
théosophique de l'école de Jamblique, ce curieux opuscule
nous aidera à pénétrer le sens et à représenter l'aspect de la
scène d'initiation qui, dans une crypte d'Ephèse, détermina
la plus fameuse des apostasies.
L'idée d'une sympathie magique animant la nature au
point d'y faire prier harmonieusement tous les êtres, a eu la
vie plus longue que Tonne serait tenté, peut-être, de le croire.
On en retrouve la trace notamment chez certains mystiques
chrétiens qui s'inspirèrent de Proclus.
Si, pour faire comprendre le symbolisme des mystères
néoplatoniciens, il fallait tfouverdes analogies chez les
penseurs modernes, c'est dans la philosophie de la nature de
Novalis qu'il serait bon de les chercher d'abord. Son
interprète, Maeterlinck, aurait pu aisément faire figurer, dans ce
qu'il dit de l'intelligence des fleurs, la prière silencieuse du
lotus et l'hymne que Proclus crut entendre chanter par
l'humble tournesol en l'honneur d'Hélios son Roi.

LIVRES OFFERTS

Le Seckétaibe perpétuel offre, delà part des auteurs, les volumes


suivants :
B. H. J. Weerenbeck, Participe présent et gérondif (Paris et
Nimègue, 1927, in-8°).
Irène A. Wright, Historia documentada de San Cristobal de la
Habana en el siglo XVI. Basada en los documentos originales exis-
tentes en el Archivio General de Indias en Sevilla (Habana, 1927,
2 vol. in-8°).

Vous aimerez peut-être aussi