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Cahiers de Fontenay

L'Hymne IV de Proclus, Prière aux dieux des Oracles chaldaïques


Henri-Dominique Saffrey

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Saffrey Henri-Dominique. L'Hymne IV de Proclus, Prière aux dieux des Oracles chaldaïques. In: Cahiers de Fontenay, n°19-
22, 1981. Néoplatonisme, mélanges offerts à Jean Trouillard. pp. 297-312;

doi : https://doi.org/10.3406/cafon.1981.1208

https://www.persee.fr/doc/cafon_0395-8418_1981_num_19_1_1208

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Abstract
The texts, translation, and structure of the fourth Hymn of Proculus. The way in which Proculus
qualifies the gods invoked in this Hymn is suited to the gods of the Chaldean Oracles. The Hymn is full
of expressions and doctrines which characterise the Chaldean Oracles. It formulates questions which
exactly correspond to the promises to be found in the Chaldean Oracles. These convergences indicate
that the «gods» addressed by Proculus in the Hymn are those of the Chaldean Oracles. We know that
Proculus wanted to address Greek as well as barbarian gods. This devotion to the revelation of the
gods of the Chaldean Oracles is what most contrasts Proculus with Plotinus.

Résumé
Texte, traduction et structure de l’hymne IV de Proclus. La manière dont Proclus qualifie les dieux
invoqués dans cet hymne, convient aux dieux des Oracles Chaldaïques. Cet hymne est rempli des
expressions et des doctrines qui caractérisent les Oracles Chaldaïques. Il formule des demandes qui
correspondent précisément aux promesses des Oracles Chaldaïques. Ces convergences indiquent
que les «dieux» auxquels Proclus s’adresse dans cet hymne, sont ceux des Oracles Chaldaïques.
Nous savons que Proclus voulait prier les dieux aussi bien grecs que barbares. Ici il s’adresse aux
dieux barbares. Cette dévotion à la révélation des dieux des Oracles Chaldaïques est ce qui oppose le
plus Proclus à Plotin.
L'HYMNE IV DE PROCLUS

PRIERE AUX DIEUX DES

ORACLES CHALDAÏQUES

H-D SAFFREY

La tradition littéraire grecque nous a livré une collection d’hymnes, qui


rassemble avec ce qu’il est convenu d’appeler les Hymnes Homériques et les
Hymnes Orphiques, ceux de Callimaque et ceux de Proclus (1). Dans ce Corpus ,
seuls les hymnes de Callimaque et ceux de Proclus peuvent être reconnus com¬
me les œuvres de deux auteurs bien identifiés, le poète Callimaque de Cyrene-
(vers 305-240 av. J.-C.) et le philosophe néoplatonicien Proclus (412-483 ap.
J.-C.). De Proclus, sept hymnes ont été transmis dans cette collection, mais
M.L. West a montré qu’il faut leur adjoindre un huitième hymne qui n’est autre
que l’hymne à Arès, classé à tort parmi les Hymnes Homériques (2).
Parmi les hymnes de Proclus, le quatrième a toujours été considéré comme
une prière adressée à tous les dieux, et en effet les trois derniers éditeurs,
E. Abel (3), A. Ludwich (4) et Ernst Vogt (5) lui ont donné le titre : "Yijvos rouvoç
eu S 9eo\5s. Mais, comme l’a fait remarquer L.G. Westerink, dans sa recension
de l’édition Vogt (6), l’examen du stemma des manuscrits et des variantes rele¬
vées, indique que, dans la plupart des cas, les titres des hymnes ne peuvent être
dûs à leur auteur, et ils apparaissent, semble-t-il, pour la première fois dans le
manuscrit autographe de Georges Gémiste Pléthon (vers 1355-1450), le
Marcianus Graecus 406 de Venise (7). De là ils sont passés dans les marges de
certains manuscrits tardifs. Pour notre hymne IV, seuls l’autographe de Pléthon
et les additions marginales de deux manuscrits postérieurs, offrent le titre
ûyvos xoLvôs , A cette indication, l’un des deux manuscrits postérieurs a
ajouté les mots : çûs $eovjs • Les autres manuscrits ne donnent aucun titre et
même ne distinguent pas cet hymne IV de celui qui le précède. Il faut donc en
conclure que ce titre n’a aucune autorité et doit être purement et simplement
négligé,
Il n’en reste pas moins vrai que cet hymne est bien composé et forme un
tout de quinze vers, et qu’il s’adresse à des ôeou (vers 1 et 13) sans autre préci¬
sion. Naturellement un grand lecteur de Proclus comme l’est Westerink ne pou¬
vait manquer de reconnaître aussitôt en eux «die namenlosen Offenbarer der
chaldäische Orakel» (8), c’est-à-dire, les dieux qui ont révélé des Oracles Chai -
daïques, et que très souvent Proclus appelle de fait ou $eo£ (9). W. Kroll
l’avait déjà noté : il disait que lorsque Proclus cite les Oracles Chaldaiques ,
«raro apparent ta XaXôauxà Xdyua > ou XaXôauou,où ’Aaaupuou,
où Bàp3apou,n ôEonapdôoTos ao<pua vel yuoTayajyua , plerumque
xà Xdyua,TÔ X<5yu ov,où ÔEOÙjCpnaù tus ôeôv (10).
Tout porte à croire, par conséquent, que ces ôcou sont les dieux des Oracles
Chaldaïques , mais naturellement si l’on peut trouver dans cet hymne de Proclus
des termes qui se rencontrent dans les Oracles ou des doctrines qui sont celles
des Oracles y la démonstration sera faite. C’est ce queje me propose de montrer.
Mais d’abord il faut reproduire le texte de cet hymne et le traduire.

PROCLUS, HYMNE IV

KX0T£,8eo¿,ao(púns ùcpris ounxas exodes*


où (|>uxàs yepdnwv àvaywyuov à<J>àyevou itup
eXxet * e s âôavclTOOs»crxÔTuov xcuôyôva XunodoaSs
ÚiíeÓjv âppnTOuau xaôripaycvas teXetÇou.
5 KXüte ,aa(úTñp£s ycyaXou ,ÇaÔ£U)v ô ’ ôtito 3u3Xüjv
VEÙoaT’éyoù cpáos àyvòv ànoaxEÒaaavTES oyxnv,
ocppa XE V cu yvoúnv öeov ayßpoTov nôè xaù avöpa*
yriôÈ y£ Xriôauous ù>uò xEyaouv oûXoà pcÇaiv
ôauyoov aùcv è'xou yaxâpuw ànâvEUÔEV êovTa,
10 yr) xpuEpñs yEVÉÔXns èvù xdyaou TiEUTwxuûav
cjiuxnv oùx èôÉXouaav èyyv etïu ôripov âXSaôau
ïïouvn tus xpuÔEooa ßuou ÔEoyoûau TiEôtfaij.
’ AXXcÍ,8eoÚ joocpuns ÈpuXayuEos nyeyovriEs,
xixXuTêïïEuyoyEvii) 6e itpòs ù)4>ucpópnTov ÛTapnov
15 opyua xau teXetÙs Ùepôjv âvacpauvETE yuôœv.

(Traduction) (11)

Ecoutez-moi, Dieux, qui tenez le gouvernail de la sainte sagesse, vous qui,


en allumant le feu qui entraîne dans les hauteurs, attirez vers les immortels les
âmes des mortels, qui ont abandonné le creux plein d’obscurité (de la terre), une

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fois purifiées parvos indicibles initiations.
Ecoutez-moi, Grands Sauveurs, et accordez-moi, la tirant de livres très
divins, une lumière pure, en dissipant les brumes (de l’esprit) jusqu’à ce que je
connaisse exactement ce qu’est un dieu immortel et ce qu’est un homme. Que
jamais, me livrant au pouvoir malfaisant des flots de l’oubli, un démon ne me
tienne éloigné des dieux bienheureux, et que jamais une déesse de vengeance
qui glace de terreur, ne retienne dans les liens de la vie mon âme qui est tombée
dans les flots glacés de la génération et ne veut pas continuer trop longtemps sa
course errante.
Non. Ecoutez-moi, Dieux, Chefs souverains de l’éblouissante sagesse, et
révélez à celui qui se hâte sur le sentier qui porte vers les sommets, les rites et
les initiations contenus dans les paroles sacrées.

Il faut faire d’abord une brève remarque sur le texte. Au vers 4, le premier
mot a été transmis par l’archétype sous la forme barbare, ùyvewv , qui a
été corrigée par l’hyparchétype a en ûyvwv , et par Pléthon d’une part en
uyéwv , par Wakefield (12) d’autre part en ûyâiv . Il est évident que c’est
cette dernière conjecture qu’il faut adopter, car il est absurde de parler des
«initiations indicibles des hymnes», les hymnes sont faits précisément pour
être dits. Wilamowitz avait déjà bien vu cette objection : «wer kann sich bei
* unaussprechlichen Mysterien ’ von Gedichten etwas denken ?» (13) Cela
n’empêche pas qu’il puisse y avoir dans les initiations des paroles sacrées,
comme il est dit au vers 15, que l’on ne doit pas répéter, mais ce ne sont pas des
hymnes.
Il est clair, d’autre part, que la formule de l’invocation adresseé aux dieux,
xXQte , «écoutez-moi», deux fois reprise par anaphore aux vers 5 et 14,
détermine la structure de cet hymne que l’on doit diviser en trois parties : (1)
vers 1-4 ; (2) vers 5-12 ; (3) vers 13-15. Dans la traduction française qui précè¬
de, on a suivi cette division. On peut dire aussi que la formule d’invocation,
wXôie , bien qu’elle soit commune dans les hymnes, est toutefois spécialement
appropriée ici lorsqu’on se souvient que le nom technique de l’invocation théur¬
gique, comme l’a montré H. Lewy (14), est xXñots , l’appel aux dieux par la
prière, comme HXiyropes est celui des invocateurs, et que naturellement la
réponse des dieux à cet appel est de mXuclv , c’est-à-dire d’entendre et par
suite d’exaucer.
Examinons maintenant la manière dont Proclus qualifie les dieux qu’il in¬
voque. Au vers 1, les dieux sont ceux qui «tiennent le gouvernail de la sainte
sagesse». L image du gouvernail, on le sait, vient du Politique (272 E 3) de
Platon, qui parle «du pilote de l’univers, lâchant, pour ainsi dire, les commandes
du gouvernail», et s’isolant dans les hauteurs qui sont sa résidence propre. S’il
lâche quelquefois le gouvernail, c’est bien parce qu’il le tient habituellement.
Dans les Oracles Ckaldaïques, le Père est aussi dit «celui qui pilote l’univers»

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(fr. 22.2 des Places), et la déesse Hécate, qui parle dans les Oracles (15), est
d'après Proclus (In Tim ., II, p. 130. 23-24), qui cite probablement les Oracles,
celle qui «lient le gouvernail de l’univers». Tenir le gouvernail est donc un attri¬
but général des dieux, et c’est un qualificatif très bien trouvé pour les dieux qui
révèlent les Oracles que de les dire «tenir le gouvernail de la sainte sagesse». En
effet, Proclus désigne plusieurs fois les Oracles par le mot « théosophie » , sagesse
divine, théosophie qu’il qualifie une fois d’«étrangère», c’est-à-dire d’au delà
des frontières du monde hellénique (In Tim. II, p. 57.10), et une autre fois de
«barbare» (7n Remp. II, p. 225.4), ce qui signifie la même chose (16). Ces
dieux barbares et qui, pour cette raison n’ont pas de noms, Proclus les appelle
aussi plusieurs fois «théosophes» (In Tim. III, p. 41.16 ;DeProv. chap. 1.17 et
7.16) : ce sont des dieux sages, de cette sagesse qu’ils communiquent dans leurs
oracles. Au vers 13, ils sont salués du titre : «Chefs souverains de l’éblouissante
sagesse», ce qui est une reprise de la première formule.
En attribuant de cette manière la sagesse aux dieux de cet hymne, Proclus
leur applique un privilège qu’on aurait pu croire réservé à Athéna. C’est elle qui
est par excellence la déesse «amie de la sagesse» (Tim. 24 D 1). Mais précisé¬
ment Proclus s’est attaché, dans son commentaire à ce passage du Timée (In
Tim. I, p. 166.1-10), à montrer «l’accord profond de la doctrine platonicienne
avec les Théologiens». Pour cela, dit-il, «il faut reprendre les choses d’en haut et
parler ainsi. Dans le Père et Démiurge du monde entier, multiples sans doute
sont révélées les classes unitaires de dieux : dieux gardiens, démiurgiques, élé¬
vateurs, mainieneurs, perfccteurs, unique cependant l’essence divine impolluée
et indomptable des premières hénades intellectivesqui sont dans le Père, essence
divine selon laquelle non seulement le Démiurge lui-même demeure inflexible et
immuable, mais aussi tous les êtres qui procèdent de lui participent à une puis¬
sance inexorable... Cette essence divine donc tous les Théologiens la nomment
Athéna». Comme l’énumération des classes de dieux est très exactement celle
des Oracles Chaldaiques (17), il faut donc qu’Athéna soit elle aussi selon les
Oracles un symbole de l’essence de tous les dieux et que la sagesse, son attribut
constant, soit celui de l’essence de tous les dieux. La «sainte et éblouissante
sagesse» convient bien pour qualifier les dieux des Oracles Chaldaiques.
Après cette toute première invocation des dieux, dans la première partie
de notre hymne, cette invocation est développée par le procédé de ce que
Ed. Norden a appelé «Der Relativstil der Prädikation» (18), c’est-à-dire, par
l’introduction d’une proposition relative qui précise l’action que l’on attend des
dieux que l’on invoque. Ici, cette action est décrite en trois étapes : (1) allumer
un feu, (2) un feu qui fait monter en haut, (3) un feu qui entraîne les âmes hu¬
maines de la terre au ciel. Que ce soit aux dieux des Oracles Chaldaiques qu’il
revienne d’allumer un feu, c’est ce que Proclus explique plusieurs fois dans la
Théologie platonicienne . Pour lui, d’une part, s’inspirant de la doctrine chaidaï-
que, il y a à tous les degrés d’être, âmes humaines, intellects, êtres divins, des
«feux» par lesquels se fait l’union au Premier Dieu (19), et d’autre part, la doc-

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trine platonicienne relative au Premier Dieu, en accord avec celle des Oracles*
«allume le feu intérieur aux âmes», par lequel elles sont unies à la transcen¬
dance inconnaissable de l’Un (20). Enfin, dans 17n Aie. , il présente, comme un
enseignement de la théurgie, le fait que les visions face à face des dieux, «allu¬
ment les feux qui entraînent vers les hauteurs» (21). Toute cette doctrine tient
en un seul vers des Oracles Chaldaïques , cité par Proclus dans 17n Timaeum (22) :
«Le mortel qui s’est rendu au voisinage du Feu, possédera la lumière». On
y arrive par la prière, car l’on sait que le «voisinage de dieu» est l’avant-demier
degré de la prière selon Proclus, celui qui précède l’union finale (23). Proclus
nous met encore en garde, en nous disant dans 17n Aie., que si nous croyons
que dans les invocations et les visions face à face le divin s’approche de nous,
c’est une illusion, en réalité c’est nous qui sommes attirés par lui (24). Ainsi
nous quittons la terre, ou plus exactement «le creux d’obscurité de la terre»,
allusion explicite à la Théogonie d’Hésiode (154-166), où nous apprenons que la
haine d’Ouranos pour ses fils les Titans, le pousse à les cacher dans les creux de
la terre, légende bien connue de Proclus qui la rapporte dans 17n Tim. (25). Le
feu opère le mouvement inverse : il nous retire des creux de la terre pour nous
purifier, car dit encore Proclus, c’est «le feu qui fait disparaître toutes les souil¬
lures conséquentes à la génération et toute la nature étrangère et irrationnelle
que le corps pneumatique de l’âme a attirée à lui (26). Ce faisant, il exprime tou¬
jours la doctrine des Oracles , dont les initiations purificatrices constituent le
«mystère ineffable» que déjà l’Empereur Julien avait connu (27). Jamblique
dans le De mysteriis l’appelle le salut de l’âme (28).
La mention des «initiations indicibles» du mystère théurgique salvifique,
voilà qui forme la meilleure transition avec la deuxième partie de cet hymne IV,
où les dieux sont invoqués de nouveau sous le titre de «Grands Sauveurs»
(vers 5). Le titre de «Sauveur» était par excellence celui de Zeus, d’Asclépios et
de l’Empereur Romain, les dieux providentiels auxquels on devait les biens les
plus précieux, la santé et la paix, et il semble normal qu’on l’applique aux dieux
au moment où l’on va commencer la prière de demande. Si Proclus les appelle
«Grands Sauveurs», c’est une manière banale et populaire d’amplifier le titre de
Sauveur (29). Et la demande que Proclus adresse à ces dieux Grands Sauveurs
est celle d’une «lumière pure», qui est en général le privilège d’Apollon, et il est
difficile de penser que lorsque Proclus et ses disciples demandaient dans leur
prière cpaos &yv<5v ils n’entendaient pas en même temps le premier mot pro¬
noncé par Electre dans la pièce de Sophocle, lorsqu’elle entre en scène au petit
matin en s’écriant : (5 (potos àyvdv (vers 86), la pureté de la lumière solaire et
de l’air du matin, c’est la présence d’Apollon en personne. Mais aussitôt cette
demande se précise, car ce n’est pas n’importe quelle lumière qui est attendue,
c’est la lux intelligibilis (30), la lumière du discernement fondamental, celle qui
est alors le privilège d’Athéna, car c’est elle qui dans \Tliade (E 128) permet
de
UCpp'tU
» distinguer
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.

301
Ce passage d’Homère avait déjà été utilisé par le Ps. Platon dans YAlc. II, lors¬
qu’il dit (150 D) : «de meme que, d’après Homère, Athéna enleva à Diomède le
brouillard qui lui troublait la vue pour qu’il pût se rendre compte s’il avait
affaire à un dieu ou à un homme, de meme, il faut commencer par enlever de
ton âme le brouillard qui s’y trouve à présent, et lui appliquer sur l’heure et dès
maintenant les remèdes grâce auxquels tu sauras reconnaître et le mal et paral¬
lèlement le bien». Proclus fait allusion à cette même faveur, en citant un pas¬
sage voisin de Y Iliade (E 441) dans l’/n Aie. , lorsqu’il dit : «et si l’on s’imagine
que, alors qu’il y a différence d’essence entre ces classes d’êtres (anges, démons,
âmes) leur perfection est identique, on fait erreur sur la véritable nature des
êtres, car il n’y a jamais similitude , comme le dit Homère, entre la race des
dieux et celle des hommes , et les intermédiaires entre ces deux classes ne res¬
semblent pas non plus aux deux extrêmes» (31). Et Proclus revient sur cette
même doctrine dans 17n Tim. et dans 17n Remp ., en citant ce même passage
d’Homère et en attribuant cette puissance de distinction à Athéna (32).
On admettra maintenant qu’il est assez normal d’attribuer à des dieux
oraculaires et les privilèges d’Apollon, le dieu de l’oracle de Delphes et de
Claros, et ceux d’Athéna, la déesse de la sagesse. Mais ce qui est inédit dans
ce passage et qui nous met sur la voie de l’identification des dieux invoqués,
ce sont les quelques mots qui disent comment va venir cette lumière et cette
sagesse : «la tirant de livres très divins» (33). A la différence d’Apollon et
d’Athéna, les dieux auxquels s’adresse Proclus, ont écrit des livres, ou du moins
en ont inspiré, et c’est dans leur message transmis dans des livres que l’on doit
trouver la vérité sur les dieux. Il ne peut donc s’agir que de livres d’oracles ou
de révélations. Dans 17n Tim. , Proclus nous parle une fois «des livres des Théo¬
logiens et des Théurges», qui sont remplis «des noms d’Hécate, d’Artémis, du
Roi Soleil (Apollon), de Dionysos, de Zeus, d’Osiris, de Pan et de tous les autres
dieux» (34). Nous sommes donc avertis : les dieux de l’hymne de Proclus sont
auteurs de livres dans lesquels on trouve les noms de tous les dieux, et de quoi
les distinguer les uns des autres, c’est-à-dire qu’avec leurs noms on trouve l’indi¬
cation de leurs puissances, de leurs dons, et de ce que nous pouvons attendre de
chacun et donc leur demander. Dans ces livres, nous apprendrons la hiérarchie
des dieux. Aucun doute n’est possible, ces livres très divins d’où Proclus tire la
lumière, ce sont les Oracles Chaldaïques (35), qui révèlent tout le système de la
théologie dont il s’attache à travers toute son œuvre à montrer l’accord avec la
théologie de Platon et des Orphiques (36), ce livre saint, que seul avec le Timée
de Platon, il aurait voulu laisser en circulation, s’il en avait été le maître (37) !
De plus, les fragments eux -mêmes nous fournissent la preuve que les
Oracles Chaldaïques contenaient des promesses de salut. L’un d’eux, tiré du
Discours Sur la Mère des dieux par l’Empereur Julien, contient cette invoca¬
tion : «Sauvez aussi l’enveloppe mortelle de l’amère matière» (38). D’après le
contexte du discours, il s’agit du a\5ucpuiov uveupa qui n’est autre que
le véhicule de l’âme (39), qui anime le corps entier et qui est lui-même vivifié

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par la divinisation de Tame. Du salut de l’âme elle-même, il est parlé plusieurs
fois (40), et Hans Lewy a bien montré qu’il y a, dans les Oracles , une doctrine
très élaborée du salut de l’âme par la purification qu’opèrent les mystères théur¬
giques (41). Ce salut retentit quelque peu sur le corps dans cette vie mortelle, et
même il peut assurer au théurge parfait une dissolution volontaire de son corps
à la mort, ce qui le fait échapper au destin fatal. La conclusion de Lewy est très
ferme : «The body is saved from the persecution of the demons by means of a
miraculous dissolution of its material constituents, and the soul is carried
heavenwards» (42). C’est exactement cette doctrine que nous trouvons dans
l’hymne de Pro dus: il faut sauver l’âme de la vie d’ici-bas pour la rapprocher
des dieux et l’unir à eux définitivement.
La valeur du salut promis par les mystères chaldéens se mesure naturelle¬
ment aux dangers courus par l’âme en ce monde ou dans l’autre. La demande
du salut, exprimée d’abord positivement, est ensuite reprise négativement, sous
la forme d’une demande de protection contre les ennemis de l’âme. Dans notre
hymne, ces ennemis sont nommés : «un démon» (vers 9), «une déesse de ven¬
geance» IIoLvtf (vers 12), et le parallélisme entre les deux implique nécessaire¬
ment que le mot Ilouvtf soit pris dans un sens personnalisé (43). L’âme est me¬
nacée par ces déesses de l’Au-delà, déesses démoniques chargées de juger et de
punir, que l’on rencontre aussi dans les mystères de Dionysos, et dont la plus cé¬
lèbre représentation se voit encore sur les murs de la Villa item à Pompéi (44).
Hans Lewy a consacré un chapitre entier à la démonologie des Oracles Chaldai-
ques, et il décrit longuement les mauvais démons (45). Ici, le démon est dit li¬
vrer l’âme «au pouvoir malfaisant des flots de l’oubli», et de ce fait la «tenir
éloignée des dieux bienheureux».
L’oubli apparaît deux fois dans les Oracles. D’abord au fr. 109 des Places,
qui est tiré de Psellus (46) : «L’intellect du Père ne reçoit pas le vouloir de l’âme
tant qu’elle n’est pas sortie de l’oubli et tant qu’elle n’a pas prononcé le mot, se
remettant en mémoire le pur symbole du Père». Proclus lui-même semble avoir
commenté ce fragment lorsqu’il écrit : «C’est à l’oubli et à la réminiscence des
raisons étemelles que la philosophie impute l’éloignement loin des dieux ou la
conversion vers eux ; quant aux Oracles, ils l’imputent à l’oubli et à la réminis¬
cence des symboles du Père» (47). L’oubli se retrouve encore au fr. 171 des
Places (restitué par Theiler) (48) : «Que jamais, sous l’effet de l’oubli, nous ne
nous écoulions en un flot misérable». Le rapprochement de ces deux fragments
nous fournit précisément «le flot de l’oubli», dont «le pouvoir malfaisant»
consiste justement à oublier le «symbole» semé en chacun des êtres par l’Intel¬
lect du Père. Et c’est seulement la mémoire de ce symbole qui permet de pro¬
noncer le mot, le mot de passe, par lequel on peut retourner au Père. C’est la
doctrine des Oracles toute pure (49). On le sait : l’image des flots de l’oubli
remonte jusqu’à Platon, lorsque dans le mythe de la République (50), il fait
boire aux âmes les eaux du fleuve Amélès dans la plaine de l’Oubli, avant de re¬
venir dans ce monde. Mais il faut noter un point de vocabulaire, car sauf erreur.

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le mot xeúya employé dans notre hymne, apparaît pour la première fois dans
les Oracles Chaldaïques (51). Nous comprenons maintenant comment le démon
peut tenir l’âme éloignée des dieux, en la maintenant dans les flots de l’oubli !
Il y a un parallélisme presque rigoureux entre la description de l’action du
démon sur l’âme et celle de la déesse de vengeance. Cette dernière retient l’âme
dans les «liens de la vie», elle-même présentée comme alimentant les «flots gla¬
cés de la génération», et elle empêche également l’arrêt désiré de la «course
errante» de l’âme. Ces deux traits sont aussi présents dans les Oracles. Le pre¬
mier recouvre la théorie des «agrafes», que l’on trouve chez Proclus de multi¬
ples fois (52). Le texte le plus clair est celui de Vin Remp. : «Si telles des âmes
tendent vers le bas sous la poussée des instincts physiques matériels et des agra¬
fes punisseuses ( lOLVotLWV ) qui entraînent vers les ténèbres, telles autres
s’élèvent vers le haut sous l’action des intellections et des activités dianoéti-
ques» (53). Peut-être même faudrait-il traduire : «sous l’action des agrafes des
déesses de vengeance». Le lien entre ces «agrafes» et la génération est bien mar¬
qué dans un texte de Vin Eucl. : «C’est par les mathématiques que l’œil de
l’âme peut se tendre vers la substance incorporelle en s’échappant de la caverne
et des liens de la génération, c’est-à-dire des agrafes de la matière» (54). Et dans
17«Aie. , c’est aussi en détachant Alcibiade «des agrafes de la matière» que
Socrate le convie à la familiarité avec lui (55). Tout cela nous renvoie au frag¬
ment conservé par Psellus (56) : IIOLvaL yepduaiv ayxTebpau...
«Les déesses (de vengeance) qui agrafent les hommes...» Dans la République,
Platon avait déjà parlé de «ces sortes de masses de plomb que constituent les
traits de parenté de l’homme avec la génération» (57), ces poids sont devenus
des liens et des agrafes, ils alourdissent l’âme, l’enchaînent et l’accrochent ;
quant à elle, elle aspire à être délivrée de cet esclavage que fait peser sur elle les
déesses démoniques.
Mais ce n’est pas tout. Ce sont aussi ces déesses de vengeance qui empê¬
chent l’âme d’échapper au cycle des naissances et la soumettent à cette errance
prolongée dont parle le Phédon (58). Plotin avait repris ce thème, qui montrait
l’âme avide de la seule patrie vers laquelle elle s’efforce de s’enfuir, en abandon¬
nant ses nombreuses errances (59) ( ex hoààtîs nÀdtvn s ), en abandonnant
toutes ces errances (60) ( ex notons ïïÀàvns ). Les Oracles Chaldaïques
connaissaient eux aussi cette Seelenwanderung, (61) qui devait se terminer pour
le théurge dans «le chœur des anges», comme l’affirme un fragment conservé
par Olympiodore (62). En tenant les âmes liées à la terre, les déesses de ven¬
geance les empêchent d’achever le cycle des naissances ; les âmes sont alors
relancées dans le devenir au lieu de trouver enfin le repos.
Il est évident que c’est l’une des fonctions des dieux des Oracles Chaldaï¬
ques, qui ont révélé ces dangers qui menacent les âmes et que lui font courir
les démons et les déesses de vengeance, de protéger et de délivrer ces âmes du
danger. Les dieux révélateurs sont plus forts que les démons et ils peuvent être
invoqués pour tenir en respect des divinités inférieures qui tentent de faire échec

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à leur bonté pour les âmes. Les dieux, «Chefs Souverains de l’éblouissante
sagesse», doivent confirmer leur révélation et fortifier «celui qui se hâte sur le
sentier qui porte vers les sommets» (63). Cette description de l’auteur de la
prière reprend presque mot pour mot un vers des Oracles , qui affirme que le
divin n’est pas accessible aux mortels qui pensent selon le corps, mais à ceux
qui «se hâtent vers les sommets», avo) aueuôouGL ïïpôç uc|>os (64). C’est
à ceux qui sont dans cette disposition que les dieux révèlent «les rites et les ini¬
tiations contenues dans les paroles sacrées», je comprends qu’il s’agit des paro¬
les sacrées contenues dans «les livres très divins» du vers 5, donc dans les
Oracles eux-mêmes. Hans Lewy a consacré un chapitre entier de son livre aux
rites des Chaldéens (65). Nous savons par Marinus que Proclus était un dévot de
ces rites (66).

Je crois avoir montré en détail que Yhymne IV de Proclus, qui s’adresse à


des dieux anonymes, est en réalité tout entier, non seulement rempli des expres¬
sions mêmes des Oracles Chaldaïques (67), mais surtout des doctrines théologi¬
ques qui sont celles des Oracles , et que cet hymne formule des demandes qui
rejoignent les promesses des Oracles : allumer le feu qui entraîne vers les hau¬
teurs, accorder la lumière du discernement théologique, éloigner les démons qui
plongent dans l’oubli et combattre les déesses qui retiennent l’âme dans la vie
d’ici-bas, et enfin révéler les paroles du salut. Tels sont en effet les attributs des
dieux des Oracles Chaldaïques. En conséquence, il est permis de conclure que
1 'hymne IV de Proclus est une prière aux dieux des Oracles Chaldaïques .
Mais cette conclusion nous conduit à d’autres réflexions. D’après la Souda ,
Syrianus, le maître de Proclus, avait composé une Euyqpœvta ’Opcpais ,
nu$ayc5pou,ÏÏÀaTu)vos rcpôç (uepLcodd.) Ta Adyua Accord entre
Orphée, Pythagore, Platon et les Oracles Chaldaïques , en dix livres (68). Fidèle
à cette tradition, au dire de son biographe et successeur Marinus, Proclus «non
seulement pénétrait aisément les secrets de toute la théologie hellénique et bar¬
bare sous les fictions des mythes qui l’obscurcissent, mais pour ceux qui veulent
et peuvent suivre, il la produisait au jour, expliquant toutes choses à la lumière
d’une inspiration divine et en les mettant en accord» (69). La «théologie hellé¬
nique», c’est précisément celle d’Orphée, de Pythagore et de Platon, quant à la
«théologie barbare», on l’a vu, c’est celle des Oracles. Comme son maître,
Proclus a su exposer systématiquement ces théologies, et aussi montrer systéma¬
tiquement leur accord. Cette entreprise n’est rien d’autre que son grand traité,
la Théologie platonicienne. Ainsi donc, pour Proclus, les Oracles sont l’une des
sources majeures de la théologie, et les dieux des Oracles sont placés sur un pied
d’égalité avec ceux du panthéon hellénique. Dès lors, rien d’étonnant s’il procla¬
me que le philosophe doit être «le hiérophante du monde entier» (70), et pas
seulement celui du monde grec, mais aussi celui du monde des Barbares. De
fait, nous savons encore par Marinus que «le recueil des hymnes de Proclus ne

305
contient pas seulement les laudes des dieux honorés chez les Grecs, mais célèbre
également le Marnas de Gaza, l’Asclépios Léontouchos (qui tient un lion)
d’Ascalon, un autre dieu en grande vénération chez les Arabes, Théandritès,
l’isis de Philae, et bref absolument tous les autres dieux» (71). Marinus ne l’a
pas dit, mais nous le voyons maintenant, parmi tous ces autres dieux, il faut
compter les dieux des Oracles Chaldaïquesy dieux barbares par excellence.
Il n’y a donc aucune invraisemblance à ce que Proclus ait tellement pris au
sérieux les Oracles Chaldaïques , qu’il ait été amené à considérer les dieux des
Oracles comme des dieux aussi réels que les dieux grecs, auxquels on pouvait
légitimement adresser une prière. Ils opéraient des miracles, on s’unissait à eux
dans les mystères, ils avaient donné une merveilleuse révélation théologique, et
donc comme Athéna, comme le Soleil-Apollon, comme Aphrodite, on pouvait,
on devait les prier.
Cela étant, une seconde réflexion s’impose à nous. Cette dévotion aux
Oracles Chaldaïques de Proclus n’est-elle pas, au fond, ce qui le différencie le
plus de Plotin ? On s’est étonné parfois du peu d’estime que les successeurs de
Plotin semblent accorder à celui que nous considérons à juste titre non seule¬
ment comme le fondateur mais aussi comme le maître insurpassé du néoplato¬
nisme tout entier. L’une des explications de ce manque de faveur apparent
n’cst-il pas dans le rejet absolu par Plotin de toute pensée non hellénique ? Pour
reprendre les termes de E.R. Dodds : «In all ways Plotinus remains a genuine
Hellenist. His account of mystical union is the most intimately personnal of his
achievements ; but it is the achievement of a mind nourished in the classical
Greek tradition and determined to preserve the integrity of that tradition
against the intrusion of alien modes of thought» (72). C’est si vrai que l’une des
œuvres majeures de Plotin est son grand traité contre les Gnostiques (73), et
n’oublions pas que, comme l’avait bien vu Kroll, les Oracles Chaldaïques sont
apparentés par plus d’un aspect aux systèmes gnostiques (74). A l’encontre de
Plotin, nous venons de le dire, Proclus voulait être, comme philosophe, le
«hiérophante du monde entier», aussi bien hellénique que barbare. Un homme
qui lisait les Oracles Chaldaïques , un homme qui cherchait l’accord d’Orphée,
Pythagore et Platon avec les Oracles Chaldaïques , un homme qui observait les
rites des Chaldéens, un homme qui priait les dieux des Oracles Chaldaïques ,
cet homme-là ne pouvait pas ne pas ressentir que pour cela Plotin ne pouvait
lui servir de rien. Plotin, dès lors, ne pouvait figurer au nombre de ses autorités
habituelles. C’est bien ce que nous constatons à la lecture de Proclus.
Cela se sent très bien dans le beau texte où Proclus a résumé sa conception
de l’histoire de l’Ecole néoplatonicienne dans la Théologie platonicienne : «Les
exégètes de l’époptie platonicienne, qui ont déployé pour nous les très saintes
explications concernant les principes divins, parce qu’ils avaient reçu une nature
toute pareille à celle de leur guide (Platon), je tiendrais volontiers que ce furent
Plotin l’Égyptien, et ceux qui de lui ont reçu la tradition de cette doctrine,
Amélius et Porphyre, et en troisième lieu, me semble-t-il, ceux qui furent leurs

306
disciples et qui ont atteint une telle perfection que nous pouvons les comparer
à des statues (Rép . Il, 361 D 5), Jamblique et Théodore (d’Asiné), et les autres,
quels qu’ils soient, qui à leur suite sont entrés dans ce chœur divin pour élever
leur propre pensée jusqu’à l’extase dionysiaque que donnent les écrits de
Platon ; c’est d’eux que celui (Syrianus) qui, après les dieux, a été notre guide
dans tout ce qu’il y a de beau et de bien, avait reçu sans mélange dans l’intime
de son âme la très authentique et très pure lumière de la vérité, et c’est lui qui
nous a donné d’avoir part à toute la philosophie de Platon en général, qui a fait
de nous son compagnon dans les traditions qu’il avait reçues en secret des plus
Anciens que lui, et surtout qui nous a associé au chœur de ceux qui chantent la
mystérieuse vérité des principes divins». Lorsque Proclus nous dit que son Maî¬
tre Syrianus, outre la philosophie de Platon, «avait reçu en secret des plus
Anciens que lui» des traditions qu’il lui a transmises, il y a là une allusion assez
claire aux Oracles Chaldaïques . Pour Proclus, Plotin est bien le premier de ceux
qui ont redécouvert Platon, mais au terme, avec Syrianus, c’est Platon avec des
traditions secrètes aussi précieuses que Platon, qui forment l’héritage des
Anciens. La prière aux dieux des Oracles Chaldaïques , voilà ce qui était impen¬
sable pour Plotin et qui est devenu on ne peut plus naturel pour Proclus.
J’ai pensé que cette dernière réflexion devait vous être offerte en hom¬
mage, à vous Jean Trouillard, qui vivez dans la familiarité de ces deux esprits,
Plotin et Proclus; nul ne pourra mieux que vous en apprécier le bien-fondé.

307
NOT E S

1 Pour les Hymnes Homériques, cf. T.W. ALLEN, W.R. HALLIDAY, E.E.
SIKES, The Homeric Hymns, 2e ed., Oxford, 1936, et J. HUMBERT,
Homère, Hymnes , Paris 1941; pour les Hymnes Orphiques, cf. G. QUANDT,
Orphei Hymni, 2e ed., Berlin, 1955 ; pour les hymnes de Callimaque, cf.
R. PFEIFFER, Callimachus , vol. II, Hymni et Epigrammata , Oxford,
1953 ; pour les hymnes de Proclus, cf. infra , nn. 3-5.
2 M.L. WEST, The eighth Homeric Hymn and Proclus , dans Class. Quart ,
20, 1970, 300-304. Une nouvelle étude sur cette attribution à Proclus du
huitième hymne homérique est annoncée par Ernst VOGT.
3 E. ABEL, Orphica, accedunt Procli Hymni..., Pragae-Lipsiae, 1885, p. 280.
4 A. LUDWICH, Eudociae Augustae, Procli Lycii, Claudiani carminum grae-
corum reliquiae, Lipsiae, 1897, p. 145.
5 E. VOGT, Procli Hymni (Klassisch-Philologische Studien, Heft 18),
Wiesbaden, 1957, p. 30.
6 L.G. WESTERINK, dans Mnemosyne S. IV 11, 1958, 370-371.
7 Cf. E. VOGT, op. cit., p. 6 et planche 2, et G. QUANDT, op. cit., p. 82.
8 Cf. L.G. WESTERINK, op. cit., p. 370.
9 Cette manière de citer les Oracles Chaldaïques a été relevée par H. LEWY,
Chaldaean Oracles and Theurgy, Nouvelle éd. par M. TARDIEU, Paris,
1978, Excursus I : On the Neoplatonists’ Mode of quoting the Chaldaean
Oracles, p. 445, mais Lewy n’a pas donné d’exemples. En voici quelques-
uns : ot %so£ , In Tim. II, p. 10.8 ; III, p. 36.22,257.5,271.24,
326.1 ; In Remp. II, p. 99.1, 242.8 ;InParm., col. 800.11,801.6 ; 1094.
25 ; In Crat., p. 31.12 ;In Aie., p. 40.2, 53.1 ; cpnoC tls §eGjv,/n7ïm.
II, p. 246.28 ; 300.14, 312.28 ; In Remp. I, p. 137.23 ; In Parm ., col.
1091.7 ; In Crat. , p. 33.10 ; §eoitapàôoTOs , In Tim. I, p. 318.22,
408.12 ;In Remp. II, p. 111.1, 217.15 \In Crat., p. 59.19 \DeProv. chap.
42. 15-16, etc.
10 Cf. W. KROLL, De Oraculis Chaldaicis, Vratislaviae, 1894, p. 9.
11 L’hymne IV de Proclus a été traduit en allemand par W. NESTLE, Grie¬
chische Religiosität von Alexander d. Gr. bis auf Proklos, Bd. 3, Berlin,
1934, p. 172-173, et cette traduction a été reproduite (sauf le premier
vers) par M.P. NILSSON, Geschichte der Griechischen Religion, Bd. 2, 2.
Aufl., München, 1961, p. 461.
12 Cf. G. WAKEFIELD, Silva critica, Pars IV, Londini, 1793, p. 252.
13 U. v.WILAMOWITZ-MOELLENDORFF, Die Hymnen des Proklos und
Synesios, dans SB. Preuss. Akad ., 1907, XIV, p. 5, n. 1, reproduit dans
Kleine Schriften II, Berlin, 1971, p. 168, n. 1.
14 Cf. H. LEWY, op. cit., p. 467-471.
15 Cf. fr. 53, 72, 146-148 DES PLACES.
16 Damascius dans 17n Parm., en des passages où il suit de près le commen-

308
taire de Proclus lui-même, appelle les Oracles, n SeoiiapáóoTos ao<pua
«la sagesse transmise par les dieux» (p. 177.21), et ri XaXôaCxri deoaocpua
«la théosophie Chaldaïque» (p. 212.19).
17 Cf. W. KROLL, op. ai., p. 39-44, et H. LEW Y, op. cit ., p. 484.
18 Cf. Ed. NORDEN, Agnost os Theos , Leipzig 1923, p. 168-176.
19 Théol. plat. II, p. 56.11-14 : «plus que nous, c’est aussi l’intellect et tous
les êtres divins qui sont unis au premier principe par les unions suprêmes,
les feux supérieurs à l’être et les existences premières qui leur appartien¬
nent en propre, et participent éternellement de la plénitude qui vient de
là-bas».
20 Théol. plat. III, p. 5.12-16 : «(la théologie de Platon) révèle les voies qui
font remonter vers lui (le premier dieu), conduit à son terme le travail
d’enfantement que les âmes éprouvent sans cesse pour le père de toutes
choses, et allume le feu intérieur par lequel elles sont au plus haut point
unies à la transcendance inconnaissable de l’Un» . Sur la doctrine du feu et
de la lumière dans les Oracles Chaldaïques , cf. Fr. W. CREMER, Die
Chaldäischen Orakel und Jamblich de my steriis, Meisenheim am glan 1969,
p. 145-147.
21 Cf. In Alc.,p. 188.15.
22 Cf .In Tim. I, p. 211.21 * fr. 121 DES PLACES.
23 Cf. In Tim. I, p. 211.19-212.1. Sur la prière selon Proclus, cf. H.P. ESSER,
Untersuchungen zu Gebet und Gottesverchrung der Neuplatoniker , Diss.
Köln 1967, p. 76-108.
24 In Ale., p. 92.7-8.
25 Cf. In Tim. III, p. 185.21-25.
26 Cf. In Tim. III, p. 300. 16-20 et 331. 8-9, trad. FESTUGIERE.
27 Cf. JULIEN, Or. V, 172 D, avec le commentaire de H. LEWY, p. 186-187.
28 Cf. JAMBLIQUE, De myst. I 12, p. 41.13.
29 Cf. B. MULLER, METAE 9E0E ,Diss. Halle, 1913, dans Dissertationum
philologicarum Halensium vol. XXXI, p. 275-413.
30 Cf. W. BEIERWALTES, Lux intelligibilis, Untersuchung zur Lichtmeta¬
physik der Griechen , Diss. München, 1957, et Plotins Metaphysik des
Lichtes, Zeitschrift für Philosophische Forschung 15, 1961, 334-362,
reproduit dans Die Philosophie des Neuplatonismus hrsg. C. Zintzen
Darmstadt, 1977.
31 Cf. In Ale., p. 3.16-4.2.
32 Cf. In Tim. III, p. 246.16-17 et In Remp. I, p. 18.20-26.
33 Çofôeiov ò'óuiò $£ßAü)V . L’histoire du mot éolien ÇcîSeos a été faite
par WILAMOWITZ, Isyllos von Epidauros (Philologische Untersuchun¬
gen 9) Berlin, 1886, p. 107-115. A l’origine le mot a un sens très fort et
signifie «numineux», mais Wilamowitz affirme qu’à la période romaine où
le mot est employé comme une simple réminiscence, le sens est très atté¬
nué, et alors 7 rv a c o Ç— ayav §£Îo C’est pourquoi j’ai traduit :

309
«la tirant de livres très divins». Toutefois, je me demande si Produs ne
pouvait pas être encore sensible au sens originel qu’il trouvait par exemple
dans la Théogonie d ’HESIODE (vers 2) où l’Hélicon est une montagne
ueya tc çà-dedv tc «haute et pleine de dieux» (voir la note de M. L.
WEST, Hesiod, Theogony, Oxford 1966, p. 152). Dans ce cas, les çàôeou
ßtßXoL de Proclus seraient proprement des livres «remplis de paroles
des dieux», c’est-à-dire «inspirés par les dieux», donc vraiment contenant
une collection d’oracles et de révélations. Autres exemples qui confirment
cette interprétation : Hymne III 13 : àipomuTou ÇaSns , «sentier où
l’on marche avec les dieux» ; SYNESIUS, Hymne II 6, Çadéas vux rds ,
«la nuit dans laquelle on célèbre Dieux».
34 Cf .In Tim. III, p. 131.26-132.4.
35 Dans un article contemporain de son édition des hymnes, E. VOGT, Zu
den Hymnen des Neuplatonikers Proklos, Rhein. Mus. 100, 1957, 358-377,
a lui aussi voulu reconnaître les Oracles Chaldaïques , dans les «hymnes»
qui seraient cités au vers 4 (p. 371). On a vu que nous rejetons cette cor¬
rection. Et nous devons aussi rejeter l’interprétation de VOGT. Les
Oracles Chaldaïques ne sont pas des hymnes, car les hymnes sont essentiel¬
lement des prières. Mais pour sûr ce sont des livres. Nous savons même
que, outre les Oracles proprement dits, qui pouvaient être organisés en
plusieurs livres, il y avait aussi des commentaires de Julien, l’auteur présu¬
mé des Oracles.
36 La comparaison a été établie en colonnes parallèles par H. LEWY, op. cit .,
p. 483-484.
37 Cf. MARINUS, Vita Prodi 38.
38 Cf. JULIEN, Or. Vili (V), 178 D* fr. 129 DES PLACES, qui est à rap¬
procher du fr. 128= Psellus, P.G., 122, 1140 B. Voir aussi KROLL, p. 61.
39 Sur ce point, cf. O. GEUDTNER, Die Seelenlehre der chaldäischen Orakel
(Beiträge zur Klassischen Philologie, Bd. 35), Meisenheim am Glan, 1971,
p. 18-24.
40 Cf.fr. 113.2 et 117 DES PLACES.
41 Cf. H. LEWY, op. cit., p. 214-219.
42 Cf. LEWY, ibid.,p. 219.
43 Voir P. CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue grecque ,
Paris 1974, s.v. ïïouvn . Le premier sens est «le prix du sang», parfois
personnifié «déesse de la vengeance» ou déesse de la justice. En prose at-
tique, ce mot a été remplacé par ô£xri .
44 Cf. M.P. NILSSON, The Dionysiae Mysteries of the Hellenistic and Roman
Age , Lund 1957, p. 123 et fig. 10 e, p. 72, où l’on voit la déesse, vêtue
d’une courte jupe autour des reins et chaussée de bottes ; elle tient à la
main un fouet. Voir aussi du même auteur, Geschichte der Griechischen
Religion II, München 1961, p. 366-367. Voir aussi G. ZUNTZ, On the
Dionysiae Fresco in the Villa dei Misteri at Pompeii, dans Proceedings of

310
the British A kademy, voi. 49, 1963, p. 194-197 (a Roman interpolation in
the Hellenistic control).
45 Cf. H. LEWY, op. cit., p. 262-279. Voir aussi O. GEUDTNER, op. cit .,
p. 56-63, et Synésius, Hymne 2, 242-263.
46 Cf. Psellus, P.G. 122, 1148 A, et KROLL, p. 50. Il faut comparer ce
fragment au précédent, fr. 108 : «L’Intellect du Père a semé les symboles
à travers le monde». Ce fragment vient de PROCLUS, In Crat., p. 21.1.
47 Ce texte se trouve dans le cinquième des Extraits Chaldaïques de Pro clus,
dans E. DES PLACES, Oracles Chaldaïques , Paris, 1971, p. 21 1.
48 Cf. W. THEILER, Die Chaldäischen Orakel und die Hymnen des Synesius
(Schriften der Königsberger Gelehrten Gesellschaft 18, 1), Halle 1942,
p. 32, n. 1, reproduit dans Forschungen zum Neuplatonismus , Berlin,
1966, p. 290, n. 127 ; cette restitution présentée par Theiler avec un
«vielleicht», est adoptée purement et simplement par DES PLACES.
49 Cf. O. GEUDTNER, op. cit., p. 25-27 et 48-50. Voir aussi SYNESIUS,
Hymne I, 536-543, et PROCLUS, Théol. plat. II 8, p. 56. 16-18 avec la
note 5 (p. 114 des notes complémentaires).
50 Cf .Rep. X, 621 AetC.
51 Proclus l’emploie une autre fois dans l’hymne III 6 : «L’oubli aux flots
profonds», ßotSuxedyova Àifànv.
52 Cf. O. GEUDTNER, op. cit., p. 29-30.
53 Cf. In Remp. II, p. 150. 23-26.
54 Cf. In Eucl, p. 20. 18-26.
55 Cf. In Aie., p. 42.1. Voir aussi un autre texte, In Crat., p. 76.13.
56 Cf. PSELLUS, P.G. 122, 1141 B fr. 162 des PLACES.
57 Cf. Rep. VII, 519 B 1.
58 Cf. Phédon, 81 A 6.
59 PLOT.,£nn. V 9 (5), 1.21.
60 Cf. PLOT.,£nn. VI 7 (38), 23.4.
61 Cf. O. GEUDTNER, op. cit., p. 15-16.
62 Cf. OLYMPIODORE, In Phaed., 10 chap. 14. 8 - 10 et la note de
WESTERINK = fr. 138 DES PLACES. Pour la position de Proclus sur le
cycle infini des naissances des âmes individuelles, voir Elem. théol. chap.
206, et le commentaire de DODDS, p. 304-305.
63 Tipos ùtcpdpnTov àiapidv , noter que le mot uucpopiyrov
est bien expliqué par la glose (p. 38 VOGT) : eus u4>os cpepouaav
sens qui n’est pas tout à fait celui indiqué par le Liddell-Scott : high-bome,
lofty. Voir aussi SYNESIUS, Hy mne 2, 260-261.
64 Cf. fr. 116.2 DES PLACES = In Crat., p. 88.5.
65 Cf. H. LEWY, op. ai., chap. 4, p. 227-257.
66 Cf. MARINUS, Vita Prodi 28. Voir sur ce point, les études de A. J.
FESTUGIERE Contemplation philosophique et art théurgique chez
Proclus, Studi di Storia religiosa della antichità, Messina, 1968, p. 7-18,

311
reproduit dans Etudes de philosophie grecque , Paris, 1971, p. 585-596, et
de J. TROUILLARD, Le merveilleux dans la vie et la pensée de Proclos,
dam Revue Philosophique 173, 1973,439-452.
67 Les expressions des Oracles et leur vocabulaire lyrique, inspiré de celui
des poèmes homériques, reviennent en effet dans les autres hymnes de
Proclus, consacrés aux dieux du panthéon hellénique.
68 Gf. Souda IV, s.v. Eupuavds , p. 479.1-2 Adler.
69 Cf. MARINUS, Vita Procli, 22.
70 Cf. MARINUS, ibid., 19.
71 Cf. MARINUS, ibid., 19. Voir H.D. SAFFREY, Un lien objectif entre le
Pseudo-Denys et Proclus, Studia Patristica IX (Texte und Untersuchungen,
Bd. 94), Berlin, 1966, p. 98-105.
72 Cf. E.R. DODDS, Tradition and personal Achievement in the Philosophy
of Plotinus, Journal of Roman Studies 50, 1960, 1-7, reproduit dans The
Ancient Concept of Progress and Other Essays on Greek Literature and
Belief, Oxford, 1973, p. 126-139.
73 C’est-à-dire la suite des traités Enn. Ill 8 (30), V 8 (31), V 5 (32)., II 9
(33), comme l’a montré R. HARDER, Eine neue Schrift Plotins, Hermes
71, 1936, 1-10, reproduit dans Kleine Schriften, München, 1960, p. 303-
313.
74 Cf. W. KROLL, op. cit. , p. 70.
75 Cf. Théol. plat. I 1, p. 6.16-7.8.

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