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Visé - Châsse de saint Hadelin

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DU TRANSITUS À LA RÉSURRECTION : LA REPRÉSENTATION DE LA
DESTINÉE POSTHUME DES SAINTS DANS L’ORFÈVRERIE MOSANE

Marcello ANGHEBEN

e dogme chrétien, clairement formulé dans le credo et dans d‟innombrables textes

L théologiques, affirme que tous les défunts ressusciteront à la fin des temps, mais ces
mêmes textes ne sont pas toujours aussi cohérents lorsqu‟ils évoquent le devenir de
l‟âme entre la mort et la résurrection finale. La plupart s‟accordent pour déclarer qu‟elle est
évaluée une première fois dans le cadre d‟un jugement que l‟on qualifie généralement de
particulier mais que nous préférons appeler « jugement immédiat » dans la mesure où il
concerne parfois plusieurs prévenus et qu‟il est le pendant du Jugement dernier dont la
dénomination renvoie à sa temporalité future. Au terme de cette première évaluation
posthume, les âmes sont envoyées dans différents lieux de l‟au-delà où elles doivent attendre
la résurrection. Celles qui sont foncièrement mauvaises sont jetées dans l‟enfer tandis que
celles des justes sont invitées à reposer dans un séjour paradisiaque imparfait dans lequel elles
ne peuvent pas encore contempler Dieu face-à-face, en raison du principe de la dilation. Ce
séjour, que l‟on peut appeler « paradis d‟attente », même si cette dénomination n‟est pas
médiévale, est généralement décrit comme un jardin édénique ou comme le sein du patriarche
Abraham. Quant aux âmes qui ne sont ni tout à fait mauvaises ni tout à fait justes, elles
endurent des peines purgatoires jusqu‟à ce que leurs péchés véniels soient purifiés et peuvent
alors accéder au paradis d‟attente2.

Nonobstant de très rares exceptions, l‟âme du saint ne doit pas subir de jugement et ne se voit
donc pas menacée par des diables et les flammes de l‟enfer. Dans les récits hagiographiques
comme dans l‟iconographie, l‟âme vertueuse, souvent représentée sous l‟apparence d‟un
enfant nu ou d‟un adulte miniature, est emportée par des anges vers un lieu paradisiaque. La
plupart du temps, elle rejoint le royaume des cieux où elle peut bénéficier de la proximité de
Dieu, mais certains textes suggèrent qu‟elle doit attendre la fin des temps avant de jouir de la
vision béatifique, au même titre que le commun des fidèles. Les textes permettent donc
d‟envisager deux types de séjour pour les âmes saintes entre les deux jugements et des
relations inégales avec la divinité.

2
Pour ces questions extrêmement complexes, voir notamment J. RIVIÈRE, Jugement, dans Dictionnaire de
théologie catholique, VIII, Paris, 1925, col. 1721-1828 ; C. VIOLA, Jugements de Dieu et Jugement dernier.
Saint Augustin et la scolastique naissante (Fin XI e-milieu XIIIe siècles, dans The use and abuse of eschatology in
the Middle Ages, W. VERBEKE, D. VERHELST et A. WELKENHUYSEN (éd.), Louvain, 1988, p. 242-298 ;
P. JEZLER, Jenseitsmodelle und Jenseitsvorsorge Ŕ eine Einführung, dans P. JEZLER (dir.), Himmel, Hölle,
Fegefeuer. Das Jenseits im Mittelalter, Munich, 1994, p. 13-26 ; C.W. BYNUM, The resurrection of the body in
Western Christianity, 200-1336, New York, 1995 ; J. BASCHET, Jugement de l’âme, Jugement dernier :
contradiction, complémentarité, chevauchement ?, dans Revue Mabillon, n.s., 6, 1995, p. 159-203 ; ID, Le sein
du père. Abraham et la paternité dans l’Occident médiéval, Paris, 2000 ; et M. ANGHEBEN, D’un jugement à
l’autre. La représentation du jugement immédiat dans les Jugements derniers français : 1100-1250, Turnhout,
2013, p. 11-51.

11
C‟est également ce que semblent suggérer certaines images hagiographiques déployées sur les
reliquaires mosans des XIe-XIIIe siècles. Très logiquement, ces images se rapportent aux deux
principales fonctions de ces précieux objets : conserver les reliques destinées à être réanimées
à la fin des temps et servir de support à la dévotion. Les scènes de la vie et de la mort du
défunt renvoient aux actes miraculeux ou vertueux qui ont fait de lui un saint et à sa dépouille
mortelle dont une partie des ossements est conservée dans le reliquaire. Le retable de Stavelot
montre plus précisément l‟âme de saint Remacle accueillie au paradis après la mort, précisant
ainsi la nature de sa destination posthume. Les représentations hiératiques ou iconiques sont
relativement nombreuses mais plus difficiles à interpréter de ce point de vue car elles
s‟inscrivent généralement dans une temporalité indéterminée. Enfin, le triptyque de Sainte-
Croix de Liège et les pignons des saints Monulphe et Gondulphe comptent parmi les
rarissimes œuvres contemporaines évoquant séparément le devenir des âmes et des corps
saints à la résurrection finale. L‟objectif de cet article est d‟apporter un éclairage nouveau sur
ce riche corpus d‟images en les abordant dans la perspective des deux jugements.

Le transitus du saint
Dans la plupart des cycles hagiographiques, la mort du saint est accompagnée de l‟élévation
de l‟âme par des anges Ŕ l‟elevatio animae Ŕ dont la destination n‟est cependant presque
jamais déterminée. C‟est le cas notamment sur de nombreuses châsses limousines où le
martyre de saint Thomas Becket s‟achève par un tableau de ce type 3. Il existe de rares
exceptions comme cette enluminure consacrée à la mort de saint Omer où des chœurs de
saints ont été regroupés hiérarchiquement sur trois registres entre la scène du lit de mort et
l‟elevatio animae. Cette composition ne comporte toutefois aucune figure divine et coupe à la
taille l‟âme du saint élevée au-delà du cadre, si bien qu‟elle en masque la destination4. Dans
un manuscrit de la Vita sancti Amandi, la scène du transitus est absente, mais le saint est
semblablement emporté au ciel par deux allégories et sa destination a été matérialisée par
deux anges thuriféraires et deux anges stéphanophores5.

Dans le répertoire iconique de l‟orfèvrerie mosane du XIIe siècle, les deux scènes de transitus
conservées Ŕ qualifiées comme telles par une inscription Ŕ n‟intègrent pas le thème de
l’elevatio animae et s‟apparentent dès lors davantage à des scènes de funérailles : le retable
disparu de Stavelot et la châsse de Visé6.

3
M.-M. GAUTHIER, É. ANTOINE et D. GABORIT-CHOPIN (dir.), Corpus des émaux méridionaux, t. II
L’apogée 1190-1215, Paris, 2011, p. 43-45.
4
Pour l‟iconographie, voir D. DE CHAPEAUROUGE, Die Rettung der Seele Genesis eines Mittelalterlichen
Bildthemas, dans Wallraf-Richartz-Jahrbuch, 35, 1973, p. 9-54 ; D. MARKOW, The Iconography of the Soul in
Medieval Art, PhD, New York University, 1983 ; et B. ABOU-EL-HAJ, The Medieval Cult of Saints.
Formations and Transformations, Cambridge, 1994, p. 46-48. Le manuscrit de la vie de saint Omer est conservé
à Saint-Omer, Bibliothèque municipale, ms. 698, f° 6r.
5
Valenciennes, Bibliothèque-médiathèque, ms. 501, f° 31r, cf. M. SMEYERS, L’art de la miniature flamande
du VIIIe au XVIe siècle, Tournai, 1998, p. 66-67.
6
Pour la châsse de Visé, on verra essentiellement R. DIDIER & A. LEMEUNIER, La châsse de saint Hadelin
de Celles-Visé, dans Trésors d’art religieux aux pays de Visé et saint Hadelin, Visé, 1988, p. 91-198, en part. p.
143-144.

12
Il faut également mentionner la châsse de saint Héribert de Deutz (ci-dessous) car la plupart
des auteurs en ont montré les liens avec l‟orfèvrerie mosane7. L‟elevatio animae figurait en
revanche sur la châsse disparue de Saint-Feuillen de Fosses (après 1086) et peut encore être
observée au XIIIe siècle sur la châsse de sainte Ode à Amay8. Les châsses de Visé et de Deutz
n‟ont donc pas envisagé la destinée posthume de l‟âme du saint et se situent par conséquent
en retrait par rapport à une grande partie de la tradition iconographique. Le retable de saint
Remacle compense en revanche amplement cette sobriété en montrant la main de Dieu
tournée vers la tête du saint et, surtout, en accordant une grande partie de la surface du tympan
à son accueil au paradis.

7
Pour la châsse de saint Héribert, synthèse dans M. SEIDLER, Der Schrein des Heiligen Heriberts, Ratisbonne,
2015.
8
Ex miraculis s. Foillani auctore Hillino cantore Fossensi, 18, dans Supplementa tomorum I-XII, pars III.
Supplementum tomi XIII, G. WAITZ (éd.), Stuttgart et New York, 1963 (MGH, SS, t. XV), p. 927, lignes 41-44.
Ph. VERDIER, The twelfth-century chasse of St. Ode from Amay, dans Wallraf-Richartz-Jahrbuch, 42, 1981, p.
7-84, en part. p. 37 ; et A. LEMEUNIER, La châsse de sainte Ode d’Amay, dans Catalogue de l‟exposition
Trésors de la collégiale d’Amay, Th. DELARUE et A. LEMEUNIER (éd.), Amay, 1989, p. 49-79, en part. p. 62,
et Ph. GEORGE, De sancta Chrodoara à sainte Ode. Réflexions sur le dossier hagiographique amaytois, dans
Le sarcophage de sancta Chrodoara. 20 ans après sa découverte exceptionnelle, éd. A. DIERKENS, Amay,
2006, p. 53.

13
L’accueil de saint Remacle au paradis
Le dessin de 1666 conservé aux Archives de l‟État à Liège restitue très fidèlement
l‟iconographie du grand retable de Stavelot qui abritait en son centre la châsse de saint
Remacle (ci-dessous)9. De part et d‟autre de l‟arcade centrale au milieu de laquelle se dresse
le pignon de cette châsse se déploient symétriquement huit scènes de la vie du saint, la
dernière correspondant au transitus, dont il vient d‟être question. Le tympan cintré surmontant
ce vaste rectangle de 310 centimètres de large montre de manière très cohérente le saint
accueilli au paradis par un ange juste au-dessus de la scène du lit de mort.

La surface de ce pignon est subdivisée en deux


registres dominés par un Christ en buste vénéré
par deux groupes d‟anges volant. Cette
théophanie est enchâssée dans un médaillon
prolongé par huit lobes abritant deux quaternités :
les vertus cardinales et les Vivants de
l‟Apocalypse10. Sous les symboles des saints
Marc et Luc, deux autres lobes enclavent deux
fleuves du paradis complétés par ceux qui ont été
renvoyés dans les angles inférieurs du premier
registre. Le programme rejoint donc les
commentaires bibliques en rapprochant les
Évangiles des fleuves du paradis et des vertus
cardinales11.

Le registre inférieur a été assimilé à l‟Éden à la


fois par les quatre fleuves du paradis qui, par leur
disposition, donnent l‟impression de s‟écouler
dans les quatre directions de l‟espace, et par les
arbres dont un est qualifié d‟arbre de vie à droite,
entre saint Remacle et l‟ange, et un autre d‟arbre
de la connaissance du bien et du mal à gauche,
entre Énoch et Élie. Après la mort, l‟âme du saint,
qui a conservé la même apparence d‟adulte que

9
Cf. la contribution d‟Hadrien Kockerols ci-dessous pour la bibliographie et les photos.
10
Pour la question de la représentation des quaternités, voir A.C. ESMEIJER, Divina quaternitas. A preliminary
study in the method and application of visual exegesis, Assen et Amsterdam, 1978.
11
CYPRIEN, Epistula 74, 10, dans S. Thasci Caecili Cypriani opera omnia, W. VON HARTEL (éd.), Vienne,
1868-1871, 3 vol. (Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum, 3), II, p. 785 ; et AUGUSTIN, De Civitate
Dei, 13, 21, dans Œuvres de saint Augustin. 37. La Cité de Dieu. Livres XIX-XXII, B. DOMBART et al. (éd.),
Paris, 1960 (Bibliothèque augustinienne 37), p. 310-313. Voir à ce sujet P.-A. FÉVRIER, Les quatre fleuves du
paradis, dans Rivista di archeologia cristiana, 32, 1956, p. 179-199, en part. p. 194-195. D‟autres auteurs, dont
Raban Maur, sont cités par E. SCHLEE, Die Ikonographie der Paradiesflüsse, Leipzig, 1937, p. 28-36 : RABAN
MAUR, De universo, XII, 3, dans Patrologia latina 111, J.P. MIGNE (éd.), 334 C-D : « Quod quatuor
fluminibus de paradiso egredientibus terra rigatur : solidum mentis nostrae aedificium prudentia, temperantia,
fortitudo, justitia continet quia quatuor virtutibus tota boni operis structura consurgit. Item allegorice quatuor
paradisi flumina quatuor sunt Evangelia ad praedicationem in cunctis gentibus missa ».

14
dans les scènes de sa vie, est donc accueillie par un ange dans un lieu que l‟on peut qualifier
de paradis céleste et qui se distingue en tout cas de la Jérusalem céleste par l‟absence totale
d‟architecture comme celle qui, sur l‟ambon de Klosterneubourg, désigne le paradis
définitif12.

Dans ce jardin, saint Remacle rejoint les deux seuls personnages de l‟Ancien Testament dont
le corps a été enlevé au ciel à la fin de leur vie : Énoch a simplement disparu alors qu‟il
marchait avec Dieu, tandis qu‟Élie s‟est envolé sur un char de feu 13. Ces deux ascensions
corporelles ont été logiquement considérées comme des préfigurations de l‟Ascension du
Christ et c‟est à ce titre qu‟elles figurent sur l‟ambon de Klosterneubourg14. On a également
déduit de ces récits que ces deux personnages n‟avaient pas rejoint le Shéol Ŕ le Limbe des
patriarches Ŕ, contrairement aux autres justes de l‟Ancien Testament, mais qu‟ils avaient
directement accédé au paradis. Ainsi dans l‟Apocalypse de Paul (IIe siècle), dont la traduction
latine a connu un très grand succès en Occident, les âmes séparées sont accueillies par la
Vierge entourée de deux cents anges dans le paradis d‟Adam identifié par la présence des
quatre fleuves, de l‟arbre de la connaissance du bien et du mal et de l‟arbre de vie, où ils
rejoignent les patriarches Abraham, Isaac et Jacob ainsi que les prophètes Élie et Élisée15.

Dans une vision rapportée par Richard de Saint-Vanne (1011), dont l‟influence spirituelle fut
considérable auprès des moines du diocèse de Liège et à Stavelot en particulier, le visionnaire
aperçoit Adam et Ève dans un premier paradis avant de pénétrer dans un second où il voit
Énoch et Élie attendant le Jugement dernier. Aucun de ces deux paradis ne se confond avec le
séjour définitif des élus car celui-ci correspond à une troisième demeure que le visionnaire ne
pourra pas voir avant la résurrection16. Il semble donc que sur le retable de Stavelot, saint
Remacle pénètre dans un paradis imparfait, un paradis d‟attente distinct de la Jérusalem
céleste à laquelle il accèdera à la fin des temps et où il pourra jouir de la présence divine et de
la vision béatifique.

C‟est également ce que suggère la distance symbolique établie entre son âme et la théophanie
centrale : la grande figure émaillée du Christ a reçu une polychromie qui devait contraster
avec les reliefs en argent doré du paradis céleste, elle a été inscrite sur le registre sommital
uniquement habité par des êtres ailés et cette sphère divine a été isolée du registre sous-jacent

12
H. BUSCHHAUSEN, Der Verduner Altar. Das Emailwerk des Nikolaus von Verdun im Stift Klosterneuburg,
Vienne, 1980, p. 84 ; J. STIENNON dans Malmedy. Art & Histoire, t. II, Malmedy, 2000, p. 000-000 et M.
ANGHEBEN, D’un jugement à l’autre, op. cit., p. 415-416.
13
Gn 5, 24 ; II Rois 2, 11.
14
GRÉGOIRE LE GRAND, Homilia XXIX, 5-6, dans Gregorius Magnus. Homiliae in Evangelia, R. ÉTAIX
(éd.), Turnhout, 1999 (Corpus christianorum, Series latina, 141), p. 249-251. Pour l‟ambon de Klosterneubourg,
voir BUSCHHAUSEN, op. cit., p. 72.
15
Apocalypse de Paul, 14, 7 ; 23-24 ; et 45-50, dans C. CAROZZI, Eschatologie et au-delà. Recherches sur
l’Apocalypse de Paul, Aix-en-Provence, 1994, p. 200-201, 218-221 et 252-263. Voir aussi F. BOVON et P.
GEOLTRAIN, Écrits apocryphes chrétiens, I, Paris, 1997, p. 795, 804 et 820-826. Dans une perspective
analogue, Élie et Énoch accueillent les justes de l‟Ancien Testament au paradis au moment de la Descente aux
Limbes dans l‟Évangile de Nicodème, 25, cf. R. GOUNELLE et Z. S. IZYDORCZYK, L’évangile de Nicodème ou
Les actes faits sous Ponce Pilate (recension latine A). Suivi de La lettre de Pilate à l'empereur Claude,
Turnhout, 1997, p. 203-205.
16
Ce récit a été rapporté dans la lettre de 1011 insérée dans HUGUES DE FLAVIGNY, Chronicon, II, dans
Hugonis chronicon, G .H. PERTZ (éd.), Hanovre, 1848 (MGH SS, VIII), p. 383. Voir à ce sujet C. CAROZZI,
Le voyage de l’âme dans l’au-delà d’après la littérature latine (Ve-XIIIe siècle), Rome, 1994, p. 399.

15
par les larges bordures entourant les multiples lobes imbriqués. Le saint ne regarde du reste
pas dans sa direction, à l‟inverse des anges adorateurs du registre supérieur.

Un procédé analogue a été mis en œuvre sur l‟un des deux pignons de la châsse de Deutz : au
registre inférieur, saint Héribert trône entre deux vertus tandis que sur le fronton un Christ en
buste est adoré par des anges émaillés émergeant d‟une nuée. Le médaillon enchâssant la
figure divine l‟isole du saint et contribue à l‟inscrire dans une sphère céleste au même titre
que la nuée mais, comme sur le retable de Stavelot, il déborde légèrement sur le registre
inférieur, établissant une subtile corrélation avec l‟espace occupé par Héribert. Sur le retable
de saint Remacle, le lien suggéré par le débordement du médaillon du Christ est accentué par
les fleuves du paradis qui se rattachent aux deux registres. Si la séparation entre le paradis
céleste et le royaume des cieux est bien réelle, elle n‟est donc pas totale.

La distance maintenue entre le saint patron de Stavelot et la divinité pourrait étonner, d‟autant
qu‟une homélie du Xe siècle affirme qu‟il se réjouit avec Dieu et les anges dans la béatitude
céleste17. On trouve toutefois des exemples d‟un tel éloignement dans les récits de voyage
dans l‟au-delà comme la Vision de Barontus (678-679) où les martyrs se tiennent dans des
petites demeures regroupées derrière la troisième porte du paradis tandis que le dernier séjour,
situé au-delà de la quatrième porte, est rempli d‟une lumière insoutenable à laquelle Barontus
ne peut pas accéder18. Dans la Vision d’Orm (1125), le paradis accueille les âmes séparées et
les saints partagés en quatre groupes tandis que le ciel est réservé au Christ, aux anges, à la
Vierge et aux apôtres19. Le retable de saint Remacle semble donc refléter ce type de
conception de l‟au-delà dans laquelle certaines catégories de saints sont maintenues jusqu‟à la
résurrection dans un séjour paradisiaque temporaire et imparfait assimilé à l‟Éden. Il
développe en tout cas une vision exceptionnellement riche et cohérente du devenir de l‟âme
d‟un saint après sa mort en distinguant deux lieux célestes à la fois proches et distincts.

Cette cohérence n‟est pas parfaite car la scène met en présence l‟âme d‟un saint défunt et les
corps de deux prophètes encore habités par leur âme, sans que rien ne les distingue, mais ce
type de cohabitation est relativement coutumier dans l‟art médiéval et ne constitue dès lors
pas un obstacle significatif pour l‟appréhension de l‟œuvre. Il en va différemment pour
l‟image iconique du pignon de la châsse car, comme on va le voir à présent, elle ne s‟accorde
guère avec l‟accueil du saint au paradis.

17
« Ecce, quia respuit terrenos honores, modo laetatur cum Deo et angelis in caelesti illa beatudine » : Homilia
in natale Remacli Stabulensis, 12, dans Acta sanctorum, sept. I, p. 727 F. L‟inscription accompagnant le
transitus du retable utilise une expression très générique pour situer la destination de l‟âme de saint Remacle :
TERRE PARS FIT HUM(US) PETIT ETHERA SP(IRITU)S HUIUS (« L‟élément mortel retourne à la terre,
son âme s‟élève au ciel »), cf. R. DIDIER et A. LEMEUNIER, op. cit., p. 144. Les différentes Vitae de saint
Remacle ne sont pas plus explicites. Dans la Vita sancti Hadelini, 17 (J. MEYERS, La “Vita sancti Hadelini”,
dans Trésors d’art religieux aux pays de Visé, op. cit., p. 51-64, en part. 62, le saint « parvint jusqu‟à celui qu‟il
avait toujours désiré, le Christ » (« pervenit ad eum, quem semper desideraverat Christum »), et semble donc
pouvoir jouir de la vision béatifique.
18
Visio Baronti, 10, dans Visio Baronti monachi Longoretensis, B. KRUSCH et W. LEVISON (éd.), Hanovre et
Leipzig, 1905 (MGH, SRM, t. V), p. 384, 17-20.
19
Vita et visio et finis simplicis Orm, 5, dans H. FARMER (éd.), The Vision of Orm, dans Analecta Bollandiana,
75, 1957, p. 72-82, en part. p. 81.

16
Les images iconiques des pignons de châsses
Comme à Stavelot, les châsses mosanes étaient
disposées derrière l‟autel, de sorte qu‟un des deux
pignons remplissait une fonction équivalente à celle
des retables. Les plus anciennes sont manifestement
celle de Saint-Vanne de Verdun, que la chronique
de Hugues de Flavigny situe sous l‟abbatiat de
Richard (1004-1046), et celle de Visé que l‟on date
généralement de 1046, bien avant la réutilisation de
ses pignons dans la châsse des années 1160-117020.
On a également daté du XIe siècle ou du début du
siècle suivant un des deux pignons provenant
d‟Amay conservé à Baltimore21. Si cette datation
est discutable22, on peut être assuré que ce pignon et
son pendant conservé au British Museum (ci-
contre) ont été exécutés entre ceux de Visé et les
châsses qui se sont multipliées à partir de la seconde
Pignon d’Amay – British Museum
moitié du XIIe siècle. Comme sur la plupart des
retables en pierre, peints ou orfévrés de cette même
période, la place principale est occupée par une figure iconique du Christ progressivement
concurrencée par celle de la Vierge à l‟Enfant. Par leur frontalité et leur hiératisme, ces
images s‟inscrivent généralement hors du temps, à l‟inverse des scènes narratives déployées
sur les longs côtés, et l‟on peut conjecturer qu‟elles se rattachaient à la fonction eucharistique
de l‟autel, même si cette lecture ne peut pas être développée ici23.

20
Pour la châsse de Saint-Vanne, voir HUGUES DE FLAVIGNY, Chronicon, II, dans Hugonis chronicon, op.
cit. (MGH, SS, t. VIII), p. 374. Pour les pignons de Visé, la date de 1046 a généralement été acceptée, cf. S.
BALACE, Historiographie de l’art mosan, thèse de doctorat, Université de Liège, 2009, p. 236-237.
21
C‟est l‟opinion de Ph. VERDIER, The twelfth-century chasse of St. Ode…, op. cit. ; A. LEMEUNIER,
L’ancienne châsse de sainte Ode. XIIe siècle, dans Trésors de la collégiale d’Amay, op. cit., p. 88 (début XIIe) ;
N. STRATFORD, Catalogue of Medieval enamels. Volume II : Northen Romanesque Enamel, Londres, 1993, p.
93 ; et de Ph. GEORGE, « Sur la terre comme au ciel ». L’évêque de Liège, l’abbé de Stavelot-Malmedy, le
droit, la justice et l’art mosan vers 1170, dans Cahiers de civilisation médiévale, 56, 2013, p. 225-253, en part.
p. 230-231. Pour K.B. GERRY, dans Treasures of Heaven. Saints, Relics, and Devotion in Medieval Europe, M.
BAGNOLI, H.A. KLEIN, C. GRIFFITH MANN et J. ROBINSON (éd.), Cleveland et Londres, 2010, p. 176, le
pignon se situe entre la fin du XIe et le début du XIIe siècle.
22
Cf. Ph. GEORGE, L’art wallon aux États-Unis. Histoire de l’art en Wallonie des origines à 1789 et de sa
présence dans les collections américaines. Essai, Namur, 2016 (sous presse).
23
Nous avons soutenu cette interprétation liturgique pour la Vierge à l‟Enfant dans M. ANGHEBEN, La Vierge
à l’Enfant comme image du prêtre officiant. Les exemples des peintures romanes des Pyrénées et de Maderuelo,
dans Codex aquilarensis. 28. Creer con imágenes en la Edad Media, 2012, p. 29-74 ; et ID., Les statues mariales
pyrénéennes et la progressive assimilation de la Vierge à l’Enfant au prêtre officiant (à paraître dans les actes du
colloque Sedes sapientiae. Vierges Noires, culte marial et pèlerinages en France méridionale, organisé par
Sophie Brouquet à Rocamadour les 19 et 20 octobre 2013). Nous avons également argumenté cette lecture pour
les triptyques mosans ainsi que le retable de saint Remacle au colloque international organisé par Sophie Balace,
Alain Dierkens, Benoît Van Den Bossche et Mathieu Piavaux : L’art mosan (1100-1250) : un art entre Seine et
Rhin ? Réflexions, bilans, perspectives, Bruxelles, Liège et Namur (2015) : Les staurothèques mosanes et la
liturgie eucharistique.

17
Un des deux pignons a été consacré au saint dont les
reliques étaient conservées dans la châsse. Si l‟on ajoute
aux œuvres mosanes celles du corpus rhénan, on peut
citer sainte Ode à Amay (British Museum), saint Servais à
Maastricht (ci-contre), saint Héribert à Deutz,
Charlemagne à Aix-la-Chapelle, saint Maur à Florenne
(château de Bečov) et les Rois Mages à Cologne. Ces
effigies devaient remplir un rôle comparable à celui des
statues-reliquaires ou des chefs-reliquaires comme celui
du pape Alexandre : restituer l‟apparence idéalisée du
saint dont elles contenaient une partie des ossements et
servir de support à la dévotion24. On connaît en effet
d‟innombrables récits évoquant des fidèles priant ou
apportant des dons devant une statue de ce type,
généralement orfévrée comme celle de sainte Foy de
Conques25.

Dans le monde mosan, on a généralement préféré insérer les reliques des saints dans des
châsses, celles du pape Alexandre constituant à cet égard une exception, mais on a
systématiquement tenu à y inscrire une image hiératique du saint, ce qui laisse supposer une
permanence de la fonction documentée depuis la fin du Xe siècle pour les statues-reliquaires.
Cette tradition iconographique solidement implantée entre Rhin et Meuse se distingue
significativement des usages limousins où les châsses n‟exposent des images hiératiques de
saints que sur les pignons qui, contrairement aux usages septentrionaux, n‟étaient pas orientés
vers les fidèles. Dans la pratique dévotionnelle rhéno-mosane, on devait donc solliciter le
saint par l‟intermédiaire de son image iconique pour qu‟il accomplisse des miracles
comparables à ceux que montrent parfois les longs côtés de la châsse ou pour qu‟il favorise le
salut de ses dévots et de leurs proches.

24
Pour la question très complexe des rapports entre les reliquaires et la naissance du retable, voir E. BARBIER,
Les images, les reliques et la face supérieure de l’autel avant le XI e siècle, dans Synthronon. Art et archéologie
de la fin de l’Antiquité et du Moyen Âge, G. GRABAR (éd.), Paris, 1968, p. 199-207, en part. p. 202 ; J.-P.
CAILLET, L’image cultuelle sur l’autel et le positionnement du célébrant (IX e-XIVe siècles), dans Hortus Artium
Medievalium, 11, 2005, p. 139-148 ; P.-Y. LE POGAM (dir.), Les premiers retables (XIIe- début du XVe siècle).
Une mise en scène du sacré, Milan et Paris, 2009 ; et J. KROESEN et V. SCHMIDT (éd.), The Altar and its
Environment : 1150-1400. Symposium held at the University of Groningen, the Netherlands (2006), Turnhout,
2009.
25
J.-M. SANSTERRE, “Omnes qui coram hac imagine genua flexerint…” La vénération d’images de saints et
de la Vierge d’après les textes écrits en Angleterre du milieu du XI e siècle aux premières décennies du XIIIe
siècle, dans Cahiers de civilisation médiévale, 2006, p. 257-294 ; ID., La Vierge Marie et ses images chez
Gautier de Coinci et Césaire de Heisterbach, dans Viator, 41, 2010, p. 147-178 ; et ID., Après les Miracles de
sainte Foy : présence des saints, images et reliques dans divers textes des espaces français et germanique du
milieu du XIe au XIIIe siècle, dans Cahiers de civilisation médiévale, 2013, p. 39-76.

18
Les Mages et la Vierge à l’Enfant

Sur le pignon principal de la châsse des Rois Mages de


Cologne, la représentation des saints s‟inscrit
clairement dans le temps de l‟histoire puisqu‟ils ont
été intégrés dans une scène d‟Adoration parfaitement
canonique, en dehors de la présence d‟Otton IV qui
rattache l‟épisode néotestamentaire à la politique
impériale contemporaine tout en évoquant la liturgie
eucharistique et, plus précisément, la procession de
l‟offertoire qui se déployait devant cette image26.

Sur l‟un des deux pignons de la châsse de la Vierge de


la cathédrale de Tournai (ci-contre), la Mère de Dieu
s‟inscrit également dans le contexte historique de
l‟Adoration des Mages alors qu‟elle en est la
titulaire27. Cette étroite corrélation entre le thème de la
Vierge à l‟Enfant et celui des Mages remonte à la
période paléochrétienne et se trouve profondément enracinée dans la tradition romane, comme
le montrent notamment les antependia catalans, celui d‟Aralar et les châsses limousines, ce
qui explique sans doute en grande partie le choix iconographique adopté pour la châsse de
Tournai28. Il subsiste néanmoins que cette représentation de la Vierge à l‟Enfant occupant le
centre d‟un pignon s‟inscrit dans le temps de l‟Histoire sainte, au même titre que celle de
Cologne, alors que ces images devaient servir dans le cadre de la dévotion et, probablement,
de la liturgie eucharistique. On peut en déduire que cette historicité n‟était pas incompatible
avec la récurrence de ces fonctions. Les deux autres occurrences de la Vierge à l‟Enfant sont
au contraire isolées de tout contexte historique, comme sur le retable en pierre de Carrières :
la châsse de saint Héribert et la seconde châsse de saint Remacle29.

26
L.V. CIRESI, A Liturgical Study of the Schrine of the Three Kings in Cologne, dans Objects, Images and the
Word. Art in the Service of the Liturgy, C. HOURIHANE (éd.), Princeton, 2003, p. 202-230 ; EAD., Of Offerings
and Kings : The Schrine of the Three Kings in Cologne and the Aachen Karlsschrein and Marienschrein in
Coronation Ritual, dans Reliquiare im Mittelalter, B. REUDENBACH et G. TOUSSAINT (éd.), Berlin, 2005, p.
165-185 ; et M. ANGHEBEN, La Vierge à l’Enfant comme image du prêtre officiant…, op. cit., p. 36-39. Pour la
critique d‟authenticité, voir D. KEMPER, Die Goldschmiedearbeiten am Dreikönigenschrein. Bestand und
Geschichte seiner Restaurierungen im 19. und 20. Jahrhundert, mit Beiträgen zu Materialanalysen und
Herstellungstechniken, 3 vol., Cologne 2014.
27
P.-L. NAVEZ, La châsse Notre-Dame de Tournai. Un chef-d’œuvre en style 1200 du Maître-orfèvre Nicolas
de Verdun Ŕ 1205, Tournai, 2005, p. 57-63 ; et la notice de C. DESCATOIRE dans Une renaissance. L’art en
Flandre et Champagne 1150-1250, C. DESCATOIRE et M. GIL (éd.), Paris, 2013, p. 141.
28
Pour les antependia catalans, voir notamment F. ESPAÑOL, El escenario litúrgico de la catedral de Girona
(s. XI-XIV), dans Hortus Artium Medievalium, 14, 2005, p. 213-232 ; M. CASTIÑEIRAS, El altar románico y su
mobiliario litúrgico: frontales, vigas y baldaquinos, dans Mobiliario y ajuar litúrgico en las iglesias romànicas,
P.L. HUERTA (éd.), Aguilar de Campo, 2011, p. 9-75 ; et M. BELTRAN GONZALEZ, El frontal d’altar de
Sant Vincenç d’Espinelves. Drames litúrgics al voltant de la figura de la Verge Maria, dans Quaderns del Museu
Episcopal de Vic, 5, 2011-2012, p. 21-47. Pour l‟autel d‟Aralar et les châsses limousines, voir M.-M.
GAUTHIER, Émaux méridionaux : catalogue international de l’œuvre de Limoges. 1. L’époque romane, Paris,
1987, p. 100-102, 145-146, 183 et 331 ; et M.-M. GAUTHIER, É. ANTOINE et D. GABORIT-CHOPIN (dir.),
op. cit., p . 42-43.
29
B. VAN DEN BOSSCHE, La châsse de saint Remacle à Stavelot (étude iconographique et stylistique des
bas-reliefs et des statuettes, dans Aachener Kunstblätter, 58, 1989-1990, p. 47-73 ; Ph. GEORGE, La châsse de

19
Ces images ne comportent donc aucune narrativité susceptible d‟entrer en concurrence avec
les fonctions récurrentes de l‟objet.

Les saints entourés de Vertus personnifiées

Il en va de même pour les saints mentionnés précédemment. L‟absence de contexte spatial ou


temporel clairement défini est particulièrement prégnante sur les châsses d‟Amay et de Deutz
où les saints titulaires sont flanqués de deux personnifications : la Religion et les Aumônes
pour sainte Ode, la Charité et l‟Humilité pour saint Héribert30. Ces personnifications, à
commencer par les Aumônes et la Charité, résument une grande partie des actes que ces deux
saints ont accomplis de leur vivant tout en offrant ces derniers en modèles de vertu aux yeux
des clercs et des laïcs qui se présentaient devant l‟autel pour leur adresser leurs prières. Dans
la mesure où ces deux châsses semblent répondre avant tout aux exigences du culte et de
l‟édification morale, on comprend qu‟il n‟entrait pas dans le propos de leurs concepteurs
respectifs de distinguer le saint de son âme ou de le localiser au paradis, dans la Jérusalem
céleste ou dans tout autre lieu spécifique.

Le Christ entre deux saints

Quatre autres compositions, dont une seule a subsisté, ont combiné la figure du Christ avec
celle du saint titulaire. La plus ancienne est celle de Saint-Vanne de Verdun où le Christ se
dressait entre saint Pierre et le patron de l‟abbaye (1004-1046)31. Ce schème a été reproduit
sur un des deux pignons de Visé, l‟unique exemple conservé, où le Christ couronne saint
Hadelin et saint Remacle disposés symétriquement à ses côtés, et vers 1170 sur la châsse de
Saint-Trond32.

saint Remacle (1263-1268) et Liège, dans Bulletin de la Société Royale Le Vieux-Liège, t. XIV, p. 317-334 ; B.
VAN DEN BOSSCHE, La châsse de saint Remacle, les orfèvres, l’atelier : état de la question, dans À la
recherche d’un temps oublié. Histoire, art et archéologie de l’abbaye de Stavelot-Malmedy au XIIIe siècle. Actes
du colloque organisé en mai 2012, B. VAN DEN BOSSCHE, A. DIERKENS et N. SCHROEDER (dir.),
Stavelot, 2014, p. 79-85.
Sur la châsse de Deutz, Marie est flanquée de deux anges. On pourrait également évoquer la châsse de la Vierge
d‟Aix-la-Chapelle et celle de Nivelle, mais ces châsses étaient disposées transversalement sur l‟autel. Pour le
retable de Carrières, voir P.-Y. LE POGAM, Le retable de Carrières, dans The Altar and its Environment, op.
cit., p. 169-182.
30
STRATFORD, op. cit., p. 90-97 ; A. LEMEUNIER, L’ancienne châsse de sainte Ode, op. cit. ; S.
WITTEKIND, Heiligenviten und Reliquienschmuck im 12. Jahrhundert. Eine Studie zum Deutzer
Heribertschrein, dans Wallraf-Richartz-Jahrbuch, 59, 1998, p. 7-28, en part. p. 11 ; S. BALACE,
Historiographie de l’art mosan, op. cit., p. 287-289 et 292-293 ; et Ph. GEORGE, De sancta Chrodoara à sainte
Ode, op. cit.. La piété et la charité de sainte Ode sont évoquées dans sa Vita éditée par le Père Maurice Coens.
31
Ph. VERDIER, The twelfth-century chasse of St. Ode, op. cit., p. 30
32
Voici le passage décrivant la châsse de Saint-Trond : « Consummato itaque hoc opere, frontem scrinii auro
argentoque splendidi, in quo sancti, ut dictum est, erant reconditi, insigni opere reparavit, sculpta in ea
maiestatis ymagine cum geminis sanctorum ymaginibus mirifice deauratis. » : Gesta abbatum Trudonensium.
Continuatio secunda, IV, 6, dans Chronica et annales aevi Salici. Vitae aevi Carolini et Saxonici, W. PERTZ
(éd.), Hanovre, 1852 (MGH SS X), p. 353, lignes 48-50. « Cet ouvrage achevé, il (Wéric) fit réparer avec un art
remarquable le fronton de cette châsse, brillante d‟or et d'argent, dans laquelle, ainsi qu'il a été dit, on avait
renfermé les reliques des saints : il y fit sculpter la représentation de la majesté divine, avec l'image des deux
saints, le tout admirablement doré ». Trad. J. DEMARTEAU, Orfèvrerie liégeoise du XIIe siècle. Le retable de
saint Remacle à Stavelot, dans Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, 17, 1883, p. 135-180, en part. p. 163.

20
Châsse de Visé

Sur la première châsse de saint Remacle enfin, le Christ se tenait entre saint Pierre et le
fondateur de l‟abbaye, mais au lieu de les couronner il leur adressait les paroles évangéliques
inscrites sur deux phylactères. Celui qu‟il tendait vers saint Remacle se rapportait à un
passage de Luc dans lequel Jésus exhorte ses disciples à attendre avec vigilance le Jugement
dernier : « sint lumbi vestri precinti » (Lc 12, 35). Du côté de Pierre, le passage synthétisait la
question que celui-ci avait personnellement posée au Seigneur au sujet de cette exhortation :
« Domine ad nos dicis hanc parabolam » (Lc 12, 41)33.

33
« Que vos reins soient ceints [et vos lampes allumées] (Lc 12, 35) ; [« Alors Pierre lui dit : ] “Seigneur, est-ce
pour nous, [ou pour tous] que vous dites cette parabole ?” ». Voir à ce sujet S. WITTEKIND, Altar Ŕ Reliquiar Ŕ
Retabel. Kunst und Liturgie bei Wibald von Stablo, Cologne, Weimar et Vienne, 2004, p. 259-260.

21
Cette vision du Christ annonçant sa Seconde Venue se situe manifestement dans le temps
présent, d‟autant qu‟il est flanqué de l‟alpha et de l‟oméga, comme s‟il s‟inscrivait dans le
temps compris entre le commencement et la fin du monde. Très significativement aussi, le
pignon ne comporte aucune composante propre à la Seconde Parousie ou au Jugement dernier
comme on en trouve sur le triptyque Guennol, la châsse de Maastricht, le lectionnaire de
Saint-Trond ou l‟ambon de Klosterneubourg : la résurrection des morts, la pesée, la séparation
des damnés et des élus, le paradis et l‟enfer. Il semble donc que, contrairement à ce que
montre le tympan, saint Remacle ait été mis en présence du Christ avant le Jugement dernier.

Cette apparente contradiction s‟explique peut-être en partie par l‟antériorité de la châsse


suggérée par les indices relevés et analysés par Hadrien Kockerols dans cet ouvrage 34. Dans
cette hypothèse, le concepteur du retable aurait développé un programme distinct sans
chercher à l‟harmoniser avec celui du pignon, d‟autant que les deux ensembles obéissaient à
des logiques très différentes : sur le tympan, l‟arrivée de saint Remacle prolonge et clôt le
cycle narratif des registres inférieurs alors que sur le pignon de la châsse, il constitue de toute
évidence une image cultuelle. Quelle que soit la chronologie relative des deux composantes
de l‟œuvre, on peut donc supposer que le concepteur du retable a accordé plus d‟importance
aux spécificités de son propos qu‟à la cohérence entre les deux tableaux.

Sur la châsse de Visé, la jouissance de la proximité du Christ est doublée par la remise des
couronnes. Ce thème apparaît également sur le retable en pierre de Saint-Servais de
Maastricht et figurait dans la décoration du tombeau de Saint-Trond commanditée entre 1169
et 1172 par l‟abbé Wéric (1155-1180) où le Christ couronnait saint Trond et saint Eucher
fléchissant les genoux et tendant les mains dans un geste d‟adoration 35. Dans la liturgie
funéraire, comme dans de nombreux passages scripturaires, ce signe honorifique fait partie
des récompenses demandées à Dieu pour le défunt, et dans l‟art chrétien, les saints sont
fréquemment couronnés ou reçoivent une couronne au moment où ils arrivent au ciel, comme
le montrent les mosaïques de Saint-Vital de Ravenne dès le milieu du VIe siècle36. On verra

34
Il me semble en revanche plus difficile de le suivre lorsqu‟il suppose que le retable présentait une apparence
foncièrement différente au XIIe siècle.
35
Gesta abbatum Trudonensium. Continuatio secunda, IV, 5, R. KÖPKE (éd.), Hanovre, 1852 (MGH, SS, t. X),
p. 353, lignes 35-38 ; J. DEMARTEAU, op. cit., p. 163 ; Ph. VERDIER, The twelfth-century chasse of St.
Ode…, op. cit., p. 33, et A. LEMEUNIER, Autour du retable de saint Remacle…, op. cit., p. 62-63. Ces deux
derniers auteurs ont par ailleurs rapproché ce type de composition du thème de la Traditio Legis. On verra aussi
J.-Cl. GHISLAIN dans Reliques et châsses de la collégiale de Soignies, Soignies, 2001, p. 41-55 et IDEM dans
le Catalogue Châsses, Archéoforum de Liège (Feuillets de la Cathédrale de Liège, 2013).
36
On rencontre des prières funéraires évoquant la remise d‟une couronne après la mort dans le Sacramentaire
grégorien, 2858, dans Le sacramentaire grégorien. Ses principales formes d’après les plus anciens manuscrits.
II. Textes complémentaires pour la messe, J. DESHUSSES (éd.), Fribourg, 1979 (Spicilegium friburgense, 24),
p. 206 ; et le Pontifical romano-germanique, CXLIX, 20, 23 et 68, dans Le pontifical romano-germanique du
dixième siècle, C. VOGEL et R. ELZE (éd.), Cité du Vatican, 1963-1972 (Studi e testi, 226, 227 et 269), II, p.
284-286 et 302. Une oraison funéraire situe en revanche le couronnement à la fin des temps, cf. Sacramentaire
grégorien, 1414, dans Le sacramentaire grégorien. Ses principales formes d’après les plus anciens manuscrits.
I. Le sacramentaire, le supplément d’Aniane, J. DESHUSSES (éd.), Fribourg, 1971 (Spicilegium friburgense,
16), p. 463 ; et Pontifical romano-germanique, CXLIX, 42, dans Le pontifical…, op. cit., p. 303. Pour la
représentation du couronnement des saints et des élus, voir J. OTT, Krone und Krönung. Die Verheiβung und
Verleihung von Kronen in der Kunst von der Spätantike bis um 1200 und die geistige Auslegung der Krone,
Mayence, 1998, en part. p. 73-76, et M. ANGHEBEN, D’un jugement à l’autre, op. cit., p. 43, 75-76 et 124. R.
KROOS, Der Schrein des heiligen Servatius in Maastricht und die vier zugehörigen Reliquiare in Brüssel,
Munich, 1985, p. 163, a multiplié les citations rattachant le couronnement des élus par la miséricorde divine pour

22
que cette récompense est également accordée aux ressuscités au moment du Jugement dernier,
comme l‟indiquent très clairement la châsse de Maastricht et les pignons des saints
Gondulphe et Monulphe. Le couronnement mis en scène sur la châsse de Visé pourrait donc
intervenir pareillement à la fin des temps, mais aucun indice iconographique ou épigraphique
ne le suggère. Il semble donc que sur les châsses de Visé et de Stavelot, on a voulu montrer
qu‟entre son transitus et la résurrection, le saint titulaire jouissait de la présence ou du moins
de la proximité de Dieu et, partant, de la vision béatifique. À Stavelot cependant, la
contradiction apparente entre les deux images posthumes de saint Remacle laisse entendre que
l‟objectif premier du concepteur n‟était pas de dessiner une géographie de l‟au-delà
pleinement cohérente.

Saint Servais revêtant l’immortalité à la fin des temps

Un des deux pignons de la châsse de Maastricht accueille une figure en pied de son titulaire
flanquée de deux anges. Celui de droite expose un livre ouvert sur lequel ont été écrits deux
mots renvoyant à la Première épître aux Corinthiens : « Indue inmortalitatem ». Le passage
complet est le suivant : « Oportet enim corruptibile hoc induere incorruptionnem, et mortale
hoc induere immortalitatem » (« Il faut que ce corps corruptible revête l‟incorruptibilité, et
que ce corps mortel revête l‟immortalité » ; I Cor 15, 53)37. Il a également été cité sur un des
longs côtés de la châsse, sur le phylactère tenu à la fois par saint Paul Ŕ son auteur Ŕ et saint
Thomas. Ce passage évoque la résurrection des morts au son des trompettes, ce qui signifie
qu‟au même titre que n‟importe quel autre corps, celui de saint Servais est appelé à
ressusciter. Cette thématique est parfaitement adaptée au programme de la châsse contenant le
corps du saint et accueillant une représentation du Jugement dernier dans laquelle la
résurrection des morts occupe une place exceptionnelle, et l‟on verra que cette temporalité
s‟accorde également avec celle de pignons des saints Monulphe et Gondulphe.

Sur le pignon, le verbe utilisé par saint Paul est conjugué à l‟impératif et le saint est représenté
en pied, ce qui signifie qu‟il est déjà ressuscité et qu‟il a revêtu l‟immortalité annoncée par
l‟Apôtre. L‟image du patron de l‟église s‟inscrit donc clairement dans le temps de la Parousie.
Elle demeure cependant parfaitement hiératique et ne se réfère à l‟eschatologie que par le
biais de l‟épigraphie. Cette temporalité future ne devait donc pas s‟opposer à la dévotion des
fidèles dans le temps de l‟Église, celui qui précède le retour du Christ, pas plus que la
temporalité historique des Vierges à l‟Enfant inscrites dans le cadre d‟une Adoration des
Mages. On peut donc supposer que ces figures iconiques ont revêtu une certaine atemporalité
régulièrement renforcée par la pratique dévotionnelle et liturgique.

expliquer la représentation de ce thème sur la châsse de Maastricht. La plupart sont issues des commentaires du
psaume 102, 4 : « qui coronat te in misericordia et miserationibus ».
37
R. KROOS, op. cit., p. 229-230.

23
La résurrection des saints

Le triptyque de la Vraie Croix du Grand Curtius

Deux œuvres mosanes ont été consacrées au thème extrêmement rare de la résurrection des
saints : le triptyque de la Vraie Croix conservé au Grand Curtius à Liège et les pignons des
saints Monulphe et Gondulphe des Musées Royaux d‟Art et d‟Histoire de Bruxelles. Le
triptyque de Liège combine harmonieusement la plupart des composantes d‟une Seconde
Parousie : le Christ sur le pignon, les douze apôtres sur les volets, les anges exposant les
instruments de la Passion et la résurrection des saints au centre. Ceux-ci ont été représentés à
mi-corps sous un arc de cercle, autour d‟un personnage principal Ŕ peut-être saint Vincent
dont le triptyque conserve une relique Ŕ figuré frontalement. Ils demeurent parfaitement
immobiles, regardent devant eux et ne suggèrent dès lors nullement qu‟ils reviennent à la vie.
Seule l‟inscription courant sur l‟arc confirme que ce sont des saints ressuscitant à la fin des

24
temps : RESURRECTIO SANCTORVM. Les autres personnages du triptyque observent une
immobilité comparable, formant avec eux une composition foncièrement dépourvue de
narrativité. Elle réunit donc toutes les composantes spécifiques à la Seconde Parousie, à
l‟exception des anges buccinateurs, tout en occultant le déroulement effectif de cet événement
futur.

Les reliques de la Vraie Croix ont été astucieusement disposées entre les deux anges qui
exposaient initialement la lance et l‟éponge, si bien qu‟en plus d‟évoquer l‟arbre de vie par le
biais de l‟épigraphie, elles matérialisent l‟apparition du signe du Fils de l‟homme au moment
de la Seconde Parousie (Mt 24, 29)38. Cette polysémie de la croix a également été exprimée
par les inscriptions qui accompagnaient la grande croix de Suger : « vexillum aeternae
victoriae » et « signum Filii homini »39. Cette fonction parousiaque a aussi été remplie par les
reliques de la Vraie Croix du triptyque Guennol qui accueille un véritable Jugement dernier40.

Disposée au-dessus d‟un cabochon à travers lequel on peut apercevoir une parcelle du crâne
de Jean-Baptiste et une dent de saint Vincent, la croix s‟assimile aussi à celle de l‟autel, de
sorte que les saints représentés sous une sorte de voûte correspondent aux reliques que devait
obligatoirement abriter tout autel. Cette pratique découle d‟un passage de l‟Apocalypse
évoquant les martyrs attendant le Jugement dernier sous l‟autel (Ap 6, 9-11), ce que montrent
littéralement de nombreuses illustrations de ce passage41. Sur le triptyque de Liège, on a donc
représenté les martyrs sous leurs reliques, comme s‟il s‟agissait d‟un autel surmonté d‟une
croix42. Cette lecture est confirmée par les deux triptyques de la collection Dutuit où les
reliques de la croix dominent un véritable autel qui, sur le plus grand, accueille trois
chandeliers43. Ces autels dominent de surcroît une représentation de la Résurrection du Christ
sous la forme de la Visitatio Sepulchri. Comme sur le triptyque de Liège, on a donc superposé
une croix composée de reliques, une évocation de l‟autel Ŕ dans ce cas foncièrement réaliste Ŕ

38
La polysémie de cette œuvre a été admirablement analysée par K. McKAY HOLBERT, Mosan Reliquary
Triptychs and the Cult of the True Cross in the Twelfth Century, Ph.D., Yale University, 1995, p. 72-114. Voir
également G. TOUSSAINT, Kreuz un Knochen. Reliquien zur Zeit der Kreuzzüge, Berlin, 2011, p. 133-135.
39
Ph. VERDIER, La grande croix de l’abbé Suger à Saint-Denis, dans Cahiers de civilisation médiévale, 1970,
p. 1-30, en part. p. 1.
40
W.S. MONROE, The Guennol Triptych and the Twelfth-Century Revival of Jurisprudence, dans The Cloisters.
Studies in Honor of the Fiftieth Anniversary, E.C. PARKER (éd.), New York, 1992, p. 167-177 ; K. McKAY
HOLBERT, op. cit., p. 140-183 ; H.A. KLEIN, dans Treasures of Heaven., op. cit., p. 180-181. La lecture de
Monroe a été adoptée et développée par Ph. GEORGE, « Sur la terre comme au ciel », p. 250.
41
N. MEZOUGHI, Le fragment de Beatus illustré conservé à Silos (1 ère partie), dans Les Cahiers de Saint-
Michel de Cuxa, 13, 1982, p. 125-145 ; J. WILLIAMS, The Illustrated Beatus. A Corpus of the Illustrations of
the Commentary on the Apocalypse, 5 vol., Londres, 1994-2003, III, fig. 118 et IV, fig. 376 ; Y. CHRISTE,
L’ange à l’encensoir devant l’autel des martyrs, dans Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, 13, 1982, p. 187-
194 ; ID., Jugements derniers, Saint-Léger-Vauban, 1999, p. 106 ; ID., L’autel des Innocents : Ap 6, 9-11 en
regard de la liturgie de la Toussaint et des saints Innocents, dans Kunst und Liturgie im Mittelalter, N. BOCK et
al. (éd.), Munich, 2000 (Akten des internationalen Kongresses der Bibliotheca Hertziana und des Nederlands
Instituut te Rome, Rom 28-30. September 1997), p. 91-100.
42
Ph. VERDIER, Les staurothèques mosanes et leur iconographie du Jugement dernier, dans Cahiers de
civilisation médiévale, 1973, p. 97-121 et 199-213, en part. p. 108-109, considérait que les reliques de la Vraie
Croix avaient remplacé l‟Hétimasie, le trône qui accueille les instruments de la Passion dans les Jugements
derniers byzantins et italiens. Il faut toutefois relever qu‟en Italie et quelquefois dans le monde byzantin, ce trône
a été remplacé par un autel.
43
Voir Ph. VERDIER, Les staurothèques, op. cit., p. 110-112 et L'œuvre de la Meuse I, p. 79. Pour K. McKAY
HOLBERT, op. cit., p. 117, l‟autel du grand triptyque accueille des clous, au même titre que le petit triptyque.
Pour ces deux œuvres, voir également STRATFORD, op. cit., p. 81-82 ; la notice de C. DESCATOIRE dans
Une renaissance, op. cit., p. 63 ; et I. BIRON, Émaux sur métal du IXe au XIXe siècle, Dijon, 2016, p. 233-234.

25
et le thème de la résurrection appliqué ici au Christ dont la sortie du tombeau constitue le
paradigme de toute résurrection.

Ces analogies et la présence de véritables autels sur les triptyques Dutuit permettent d‟avancer
que celui de Liège se réfère directement au thème des martyrs sous l‟autel d‟Apocalypse 6.
Les personnages représentés sont toutefois simplement qualifiés de saints alors que Jean-
Baptiste et saint Vincent ont subi le martyre et, surtout, ils s‟inscrivent dans le temps de la
Parousie. Bien que les anges buccinateurs soient absents, l‟inscription affirme que leur corps
s‟est recomposé et que leur âme en a repris possession.

Il est possible que la thématique du triptyque ait déjà été traitée dans le Liber Vitae du New
Minster où le roi Cnut et la reine Ælfgifu (Emma) installent sur un autel la croix qu‟ils ont
offerte au monastère44. Comme sur le triptyque de Liège, la croix est dominée par une
théophanie et les personnages qui la flanquent posent les pieds sur un arc de cercle abritant un
groupe de moines inscrits ici sous des arcades relativement étroites. Ces moines étant
dépourvus de nimbe, ils pourraient correspondre à la communauté monastique assistant à cette
sorte d‟inauguration de la croix offerte par les souverains45. D‟un autre côté, leur
emplacement coïncide très précisément à celui des martyrs d‟Apocalypse 6, ils sont
représentés à mi-corps, comme s‟ils émergeaient d‟un tombeau ou d‟une crypte, et surtout ils
s‟inscrivent dans un manuscrit recueillant les noms des défunts bénéficiant des prières de la
communauté locale et, pour une grande partie, enterrés dans le monastère. Sous les pieds de la
reine, un relief évoquant un sol terrestre et une plante stylisée semblent confirmer que ces
moines se trouvent effectivement sous la terre. Cette interprétation est de surcroît cohérente
avec les deux folios suivants qui accueillent une des plus remarquables représentations du
jugement immédiat dans laquelle des moines s‟avancent en procession vers la porte du paradis
où ils sont accueillis par saint Pierre, un des patrons du monastère également présent dans la
scène de donation46.

Il y a donc de fortes probabilités pour que celle-ci montre les moines enterrés à proximité de
l‟autel, à l'intérieur de l'enclos monastique, attendant la résurrection et peut-être le salut
obtenu au pied de ce même autel par la récitation des prières et la célébration des messes. Si
l‟on admettait cette hypothèse, il faudrait en déduire que le concepteur du triptyque de la
Vraie Croix a pu s‟inspirer d‟une composition très semblable, en transposant cette scène
actuelle à la fin des temps. Quel que soit le sens du manuscrit anglais, il subsiste que le thème
de la résurrection des saints demeure exceptionnel et fait du triptyque liégeois une œuvre hors
du commun, au même titre que les deux pignons de Bruxelles.

44
Londres, British Library, ms. Stowe 944, f° 6r. On trouvera une excellente reproduction de cette miniature sur
le site de la British Library : http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=stowe_ms_944_f006r
45
C‟est l‟interprétation la plus communément admise : E. TEMPLE, Anglo-Saxon Manuscripts. 900-1066,
Londres, 1976, p. 95 (les moines dans leurs stalles) ; J. GERCHOW, Die Gedenküberlieferung der
Angelsachsen. Mit einem Katalog der libri vitae und Necrologien, Berlin et New York, 1988, p. 155-185 ; C.E.
KARKOV, Judgement and Salvation in the New Minster Liber Vitae, dans Apocryphal Texts and Traditions in
Anglo-Saxon England, K. POWELL et D. SCRAGG (éd.), Cambridge, 2003, p. 151-163, en part. p. 162 (la
communauté monastique en adoration) ; et S. KEYNES, The Liber Vitae of the New Minster, Winchester, dans
The Durham Liber Vitae an its Context, D. ROLLASON et al. (éd.), Woodbridge, 2004, p. 149-163, en part. p.
157-158 (la communauté au milieu de laquelle un moine tient son propre Liber Vitae). Pour C. OAKES, Ora pro
nobis. The Virgin as Intercessor in Medieval Art and Devotion, Londres et Turnhout, 2008, p. 66-71, il s‟agit des
saints de l‟abbaye.
46
M. ANGHEBEN, D’un jugement à l’autre…, op. cit., p. 67-70.

26
Les pignons de saint Monulphe et de saint Gondulphe

Ces deux reliquaires en forme de pignon de châsse flanquaient initialement la châsse de saint
Servais dans l‟église éponyme de Maastricht, que Renate Kroos a située entre 1160 et 1190.
Cet ensemble était complété par deux autres pignons-lipsanothèques, également conservés
aux Musées Royaux d‟Art et d‟Histoire de Bruxelles, celui de saint Valentin venant compléter
cette galerie d‟évêques de Tongres-Maastricht composée par Servais, Monulphe et
Gondulphe47.

Les pignons de Monulphe et Gondulphe ont reçu une structure relativement semblable à celle
du volet central du triptyque de Liège, avec une partie supérieure occupée par deux anges
disposés symétriquement et une partie inférieure plus réduite isolée par un arc abritant la
figure coupée à la taille de saint Monulphe et celle de saint Gondulphe. Tous deux tiennent
leur crosse d‟une main, lèvent l‟autre main au niveau de la poitrine et penchent fortement la
tête en arrière pour regarder le registre supérieur. Sur le reliquaire de saint Monulphe, celui-ci
peut ainsi contempler les deux anges désignant la couronne tendue par la main de Dieu et sur
son vis-à-vis, saint Gondulphe voit deux autres anges tenant eux-mêmes cette récompense
céleste bénie par la dextre divine.

Les inscriptions entourant les niches abritant les saints précisent le contexte de ces deux
scènes quasi jumelles. Sur celle de Monulphe on peut lire SURGITE XRISTUS ADEST VOCAT
VOS IPSE CORONAT que l‟on a traduit comme suit : « Levez-vous, voici le Christ qui vous
appelle et vous couronne lui-même »48. On peut supposer que ce sont les anges qui
prononcent cette exhortation à la résurrection et que celle-ci, conjuguée à la deuxième
personne du pluriel, concerne également saint Gondulphe car l‟inscription qui l‟accompagne
n‟évoque pas ce thème. Curieusement, les anges nomment le Christ alors que la main
surgissant du ciel représente traditionnellement le Père. Ces paroles affirment en tout cas que
le Fils est présent, qu‟il appelle les morts à ressusciter et qu‟il les couronne personnellement.
Cette présence correspond à la principale récompense octroyée aux élus et, a fortiori, aux
saints, la vision de Dieu face-à-face ou vision béatifique, mais elle ne coïncide curieusement
pas avec l‟image qui continue de dissimuler le Père au lieu de le révéler comme on l‟a très
clairement fait quelques décennies auparavant sur le portail occidental de Saint-Denis.

La deuxième inscription ne mentionne que la remise de la couronne considérée comme une


récompense : HEC NOSTRIS MANIBUS DAT VOBIS PREMIA CHRISTUS (« Le Christ, par nos
mains, vous donne ces récompenses »)49. L‟épigraphie est donc cohérente avec l‟image qui
montre la couronne exhibée non plus par la main divine mais par les anges. Cette cohérence
laisse entendre que cette main représente effectivement le Christ, mais il est préférable de
rester prudent à ce sujet.

47
Ph. VERDIER, Les staurothèques, op. cit., p. 199-207 ; D. KÖTZSCHE, dans Rhin-Meuse. Art & Civilisation
800-1400, catalogue d‟exposition, Cologne et Bruxelles, 1972, p. 247 ; R. KROOS, op. cit., p. 242-255 ; S.
BALACE, Quatre pignons-reliquaires, dans La salle aux trésors. Chefs-d’œuvre de l’art roman et mosan, C.
DUMORTIER (éd.), Turnhout, 1999, p. 44-49 ; M. DE RUETTE, Les quatre pignons reliquaires du XIIe siècle
provenant de Saint-Servais à Maestricht (MRAH inv. 1036 à 1039), dans Bulletin des Musées Royaux d’Art et
d’Histoire, 70, 1999, p. 187-198 ; et M. BAGNOLI, dans Treasures of Heaven, op. cit., p. 177.
48
S. BALACE, Quatre pignons-reliquaires, p. 44.
49
Ibid., p. 46 (avec “cette couronne” au lieu de “ces récompenses”).

27
Les deux pignons se réfèrent donc à la résurrection des saints à la fin des temps et à la remise
d‟une récompense céleste par le Christ et sans doute concurremment par le Père. Cette
résurrection avait été évoquée sur le triptyque de Liège mais uniquement par l‟inscription
alors qu‟ici, les deux saints sont en mouvement et réagissent vivement aux messages
angéliques et à l‟apparition divine. Et comme ils ont été représentés à mi-corps sous un arc, ils
semblent s‟extraire progressivement de leur sépulture. Cette iconographie montre avec
éloquence que les ossements conservés dans ces reliquaires sont appelés à se réassembler et à
reprendre vie au moment de la résurrection finale.

Si l‟on s‟est autorisé à affecter un tel dynamisme à ces deux scènes, c‟est peut-être parce
qu‟elles n‟étaient pas destinées à occuper la place centrale de cet imposant ensemble composé
d‟une châsse et de quatre pignons. C‟est d‟autant plus vraisemblable que les deux pignons de
la châsse accueillent des figures hiératiques : le saint Servais déjà mentionné et le Christ-Juge.

Le programme iconographique de ce reliquaire étant presque entièrement consacré au


Jugement dernier, il s‟accorde parfaitement avec les pignons des saints Monulphe et
Gondulphe qui s‟inscrivent pareillement dans le temps de la Parousie. Le Christ trônant figure
au centre de la composition où il est flanqué des apôtres-assesseurs disposés symétriquement
sur les longs côtés de la châsse. Quant aux deux versants de son toit, ils combinent le thème
des œuvres de miséricorde avec celui de la résurrection. Six médaillons accueillent des
groupes d‟élus d‟un côté et de damnés de l‟autre exposant un phylactère mentionnant, d‟après
Matthieu 25, trois des cinq œuvres de miséricorde accomplies par les premiers et négligées
par les seconds50.

Aux extrémités de chaque versant, un ange souffle dans une trompette et entre les médaillons
leur répondent quatre scènes de résurrection. Du côté des damnés, la scène de gauche est
dominée par un ange qualifié de Veritas pesant les bona opera d‟un groupe de ressuscités
habillés, tandis que celle de droite montre les maledicti dépouillés de leurs vêtements au
moment où ils sortent de terre. Du côté des élus, à droite du médaillon central, les iusti sont au
contraire habillés par deux anges et, à gauche, d‟autres élus reçoivent une couronne de la main
d‟un ange assimilé à Misericordia et de deux anges en vol.

Dans la mesure où la moitié des ressuscités sont appelés maledicti ou iusti dès l‟instant où ils
s‟arrachent à leur sépulture, on peut supposer que leur statut a été déterminé lors du jugement
immédiat51. Dans cette perspective, ils recevraient instantanément leur châtiment ou leur
récompense symbolisés par un vêtement qui leur est arraché ou, au contraire, octroyé, sans
passer par l‟épreuve de la pesée. Au même titre que la couronne, le vêtement fait partie des
récompenses que les oraisons funéraires réclament pour les défunts, mais dans cette
composition, elles sont distribuées à la fin des temps52.

50
R. KROOS, op. cit., p. 144.
51
Pour R. KROOS, op. cit., p. 170-171, la pesée précède le déshabillage des damnés. Le premier damné dévêtu
de droite émerge pourtant moins de la terre que les ressuscités flanquant Veritas, ce qui le situe manifestement
dans une séquence narrative antérieure.
52
Sacramentaire grégorien, 1407, dans Le sacramentaire grégorien, op. cit., I, p. 460 ; et Pontifical romano-
germanique, CXLIX, 20, dans Le pontifical romano-germanique, op. cit., II, p. 284-285. Voir également les
nombreux textes bibliques et théologiques cités par R. KROOS, op. cit., p. 172-177.

28
On peut supposer que les élus couronnés ont également obtenu ce statut avant la fin des temps
et qu‟ils sont dispensés de jugement car ils semblent recevoir cette récompense dès le moment
où ils s‟extraient des replis terrestres correspondant à leurs sépultures. Il est en revanche plus
difficile d‟établir s‟ils possèdent le même statut que les iusti ou s‟ils appartiennent à des
catégories ou des rangs hiérarchiques distincts. Dans la mesure où les élus couronnés sont
déjà habillés, à l‟inverse des iusti, il se pourrait que le tableau corresponde à une phase plus
avancée du processus judiciaire, mais cette lecture coïncide mal avec la continuité établie
entre les morts ressuscitant dans les replis du sol et les élus recevant une couronne53.

53
Pour R. KROOS, op. cit., p. 170-171, les élus sont habillés avant d‟être couronnés.

29
Les ressuscités rassemblés autour de la balance doivent en revanche en subir le verdict. Cet
instrument de mesure permet d‟évaluer le poids de leurs bonnes œuvres qu‟apportent deux
anges en vol, une thématique qui rejoint avec une cohérence remarquable celle des œuvres de
miséricorde développée dans les médaillons. Étant donné que trois ressuscités situés à la
gauche de l‟ange s‟en détournent, on peut en déduire qu‟il s‟agit de damnés et que ceux de
dextre sont des élus54.

Ces différents tableaux semblent traduire de façon éminemment originale les quatre statuts
des ressuscités définis par Grégoire le Grand dans ses Moralia in Iob et fréquemment repris
durant tout le Moyen Âge : ceux qui ne seront pas jugés et régneront, ceux qui seront jugés et
régneront, ceux qui seront jugés et périront, et enfin ceux qui périront sans jugement55. Les
deux catégories extrêmes ne sont pas soumises au jugement car leur statut est évident, tandis
que les deux catégories intermédiaires seront évaluées et que seule la première accédera au
royaume des cieux. Grégoire ne précise pas que ces statuts ont été déterminés après la mort, à
l‟occasion du premier jugement, mais comme il a accordé une très grande importance à la
destinée posthume des âmes, évoquant à plusieurs reprises les peines purgatoires subies par
les âmes imparfaites, on peut supposer qu‟il a conçu ses quatre catégories dans cette
perspective56.

Cette conception a été fidèlement traduite dans plusieurs illustrations du commentaire de


Beatus sur l‟Apocalypse dans lesquelles les mots de Grégoire ont été cités presque
littéralement et l‟on peut supposer une lecture analogue pour le Jugement dernier du portail
d‟Autun57. À l‟instar de ces œuvres antérieures, la châsse de Maastricht établit une distinction
entre les ressuscités à l‟instant même où ils sortent de leur sépulture et semble dès lors
prendre en considération l‟existence d‟un premier jugement. Le programme demeure toutefois
exceptionnel par sa richesse et son originalité, notamment en raison de cette sorte de fusion
entre deux anges et deux vertus déjà opérée sur les triptyques de Liège et Guennol, de la
remise d‟un vêtement et de la désignation des bonnes œuvres comme objet de la pesée58.

Cette singularité émane également des pignons de Monulphe et Gondulphe sur lesquels se
développent deux thèmes majeurs de la châsse : la résurrection des corps et la remise de la

54
C‟est également l‟opinion de R. KROOS, op. cit., p. 165.
55
GRÉGOIRE LE GRAND, Moralia in Iob, 26, 27, 50-51, dans S. Gregorii Magni Moralia in Job. Libri XXIII-
XXV, M. ADRIAEN (éd.), Turnhout, 1985 (Corpus christianorum. Series latina 143 B), p. 1304-1306. Repris
notamment par ISIDORE, Sententiae, I, 27, 10-11, dans Isidorus Hispalensis sententiae, P. CAZIER (éd.),
Turnhout, 1998 (Corpus christianorum. Series latina 111), p. 85 ; HÉRIC D‟AUXERRE, Homilia I, 29, dans
Heirici Autissiodorensis homiliae per circulum anni, R. QUADRI (éd.), Turnhout, 1992 (Corpus christianorum.
Continuatio mediaevalis 116), p. 244 ; HONORIUS AUGUSTODUNENSIS, Elucidarium, III, 60-71, dans
L’Elucidarium et les Lucidaires. Contribution, par l’histoire d’un texte, à l’histoire des croyances religieuses en
France au moyen âge, Y. LEFÈVRE, Paris, 1954, p. 459-461 ; et PIERRE LOMBARD, Sententiae, IV, 47, 3,
dans Sententiae in IV libris distinctae, II, Grottaferrata, 1981 (Spicilegium Bonaventurianum V), p. 538-540.
56
GRÉGOIRE LE GRAND, Dialogi, IV, 37, 6, IV, 43, 4, IV, 37, 8-13 et IV, 46, 3, dans Grégoire le Grand.
Dialogues, A. DE VOGÜÉ (éd.), Paris, 1980 (Sources chrétiennes 265), p. 128-129, 156-157, 130-133 et 162-
163.
57
Pierpont Morgan Library, ms. 644, f° 219-220, cf. P. KLEIN, Zu Genese und Deutung des Weltgerichtsbildes
der Beatus-Handschriften, dans Iconographica. Mélanges offerts à Piotr Skubiszewski, Poitiers, 1999
(Civilisation médiévale, VII), p. 123-133. Pour cette interprétation du portail d‟Autun, voir M. ANGHEBEN,
D’un jugement à l’autre, op. cit., p. 144-163.
58
Pour la question des anges-vertus, voir Ph. VERDIER, Les staurothèques, op. cit. ; R. KROOS, op. cit., p.
146-170 et 256-296 ; W.S. MONROE, op. cit. et K. McKAY HOLBERT, op. cit., p. 90-98 et 158-168.

30
couronne. Ils en prolongent donc le programme et l‟amplifient de façon éminemment
originale en l‟appliquant à des saints. Comme les iusti, ils appartiennent à la première
catégorie, celle des ressuscités échappant au jugement, et comme les élus entourant
Misericordia, ils ont recouvré les vêtements correspondant à leur statut et reçoivent une
couronne. Ils s‟en distinguent toutefois par leur nimbe et surtout par leur individuation au sein
d‟une scène de résurrection séparée ainsi que par l‟intervention personnelle du Christ et sans
doute du Père dans la remise de leur couronne.

Conclusion

Par sa richesse et sa cohérence, ce discours visuel consacré à la destinée posthume des saints
dépasse amplement ce que montrent les arts figurés des XIe-XIIIe siècles et plus
particulièrement l‟orfèvrerie limousine qui a produit quantité d‟objets fonctionnellement
comparables. L‟arrivée de l‟âme sainte dans le paradis céleste a été représentée avec une
faconde inédite sur le retable de Stavelot et la résurrection des saints Monulphe et Gondulphe
complète idéalement le programme de la châsse de Maastricht consacré à un Jugement dernier
dans lequel le thème de la résurrection des morts a revêtu une complexité sans équivalent dans
le paysage artistique contemporain. La résurrection des saints, également évoquée sur le
triptyque de Liège, atteste que le sort de ces personnages illustres n‟a pas été définitivement
réglé après la mort car, au même titre que les élus, ils sont appelés à jouir des béatitudes
célestes dans leur âme et dans leur corps. Même si ces œuvres ne font pas cohabiter le temps
de la mort et celui de l‟eschatologie, elles attestent que les concepteurs étaient conscients de
l‟existence de deux jugements.

On a maintes fois relevé que, du point de vue de l‟iconographie, l‟orfèvrerie mosane se


distinguait par sa prédilection pour la typologie et les vertus et, dans une moindre mesure,
pour la légende de la Vraie Croix et le Jugement dernier59. Il faut dès lors ajouter à cette liste
un intérêt, certes très ponctuel mais manifestement exceptionnel, pour la destinée des saints
entre le transitus et la résurrection.

59
Voir à ce sujet l‟excellente analyse de N. J. MORGAN, The Iconography of the twelfth century Mosan
enamels, dans Rhein und Maas, 2. Berichte, Beiträge und Forschungen zum Themenkreis der Ausstellung und
des Katalogs, Cologne, p. 263-278.

31
TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos 5
Nigel MORGAN

Orfèvrerie septentrionale (XIIe-XIIIe siècle). L’Œuvre de la Meuse (II)


Philippe GEORGE 7

Du transitus à la résurrection : la représentation de la destinée posthume des saints


dans l’orfèvrerie mosane
Marcello ANGHEBEN 11

Le Trésor d’Oignies et ses avatars


Jacques TOUSSAINT 33

Deux ajouts au corpus des émaux septentrionaux


Neil STRATFORD 43

Un ensemble d'émaux de la seconde moitié du XIIe siècle : les plaques de la


cathédrale de Troyes, influences et spécificités
Christine DESCATOIRE 49

Huit plaques émaillées du XIIe siècle, remployées sur la reliure d’un évangéliaire de
l’abbaye Saint-Pierre-le-Vif de Sens des années 1240-1250
Marc GIL 67

Orfèvreries mosanes et septentrionales en Piémont, Vallée d’Aoste et Savoie


Simonetta CASTRONOVO 85

L’art mosan : du trésor au cabinet de curiosité (1750-1850) Quelques cas de


figure dans les collections Hüpsch, de Renesse, van Huerne, Essingh et d’Arenberg
Sophie BALACE 109

Un certain goût pour l’orfèvrerie mosane au XIXe siècle : Quelques remarques sur la
collection parisienne d’Alexandre Basilewsky
Frédéric TIXIER 121

256
Conclusions de la Journée d’études de Liège (2014)
Jean-Pierre CAILLET 139

CONTRIBUTIONS COMPLÉMENTAIRES

Une grande croix émaillée mosane reconstituée, vers 1160-1170 (Louvre, Stuttgart,
Cologne et Nantes)
Camille BROUCKE 147

Une paire de chandeliers mosans aux figures allégoriques (vers 1160)


Christine DESCATOIRE 149

Maas- en Rijnlands email in de kunsthandel


Bernard DESCHEEMAEKER 153

La croix de Baltimore, un « monument » de l’art mosan


Philippe GEORGE 159

Les émaux romans de style mosan d’un reliquaire au Musée d’Art et d’Histoire Guy
Baillet à Langres
Jean-Claude GHISLAIN 163

Relire l’autel portatif de Stavelot


Patrick HENRIET 179

Découverte d’un second dessin du retable de Saint Remacle à Stavelot


Hadrien KOCKEROLS 209

Two Mosan Aquamanilia


Joanna OLCHAWA 237

En guise de postface. Pour « L’Œuvre de la Meuse » : cartes sur table


Philippe GEORGE 253

257

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