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BOSCO, H.- Hommage à Bosco pour ses 80 ans. L'Astrado, Toulon 1971. p. 19/20.
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BOSCO, H.- Manifestation faite à CUFFON, Cl.- "Rencontre avec Henri Bosco". En Lettres
Françaises, 10 février 1966.
112 COVADONGA GRDALBA CASTAÑOS
qu'il m'a dit des choses auxquelles je ne pensais pas et qui, ma foi,
m'ont intéressé. Et c'est pour cela que je les ai racontés3 "
Dans les héros bosquiens on peut reconnaître tous les traits que la Psychologie
signale entre les plus représentatifs de l'enfance. Bosco a su les conjuguer et, en se
déguisant en narrateur-enfant, se situe, soit comme lui-même, soit comme son double.
Car il essaie de parler en enfant et il va utiliser le reste qu'il conserve en lui du petit
qu'il a été. C'est évident que Bosco a aimé son enfance et il l'évoque étant adulte
comme une inépuisable source de sujets. Elle a été la matière première de beaucoup de
ses récits, et une vraie force créatrice; il s'est mis à la hauteur de l'enfant mais il le
surpasse et se situe finalement comme un conteur d'histoires plus ou moins véridiques:
L'enfance occupe la place initiale dans toute son oeuvre, et non parce qu'elle
ait été nécessairement écrite en premier lieu, [sauf L'Âne Culotte (1937), les autres sont
postérieures à son oeuvre maîtresse] - ce n'est pas l'aspect chronologique qui compte -,
mais parce qu'elle précède les intrigues et reproduit, en quelque sorte, le schéma de
toute vie humaine.
De la même façon que l'Enfant et la rivière précède à Malicroix en tant que
roman sur l'eau et sur le fleuve, ou bien Pascal enfant de Le Mas Théotime apparaît
avant le Pascal Dérivât de la même oeuvre5, on pourrait multiplier les exemples. Cela
nous montre que les héros de l'enfance se retrouvent parmi les adultes, comme le
développement naturel des premiers dans ceux qui suivent. C'est-à dire que, son récit
s'élabore comme le prolongement, ou la transformation d'un ou des précédents, même
si, comme dans la Trilogie d'Hyacinthe, les titres semblent être en marge les uns des
autres; L'Âne Culotte va déclencher Hyacinthe et Le Jardin d"Hyacinthe', et, sans qu'il
y existe une parfaite correspondance temporelle, il y a des liens obscurs qui les
unissent, et surtout celui de l'enfance:
3
BOSCO, H.-"Entretiens avec Monique Chabanne". En Cahiers Henri Bosco n° 27, 1987. p. 72.
4
BOSCO, Henri.-"Remarques sur le Roman". En CAUVIN, J.P.-Op. cit. Annexe C. p. 259.
5
Ce Pascal, pour s'expliquer lui-même doit reprendre son enfance qu'il remémore au début de l'oeuvre, ce
qui situe les deux bouts du personnage dans le même récit.
HENRI BOSCO: L'ENFANCE TOUJOURS 113
Les héros adultes ont les mêmes goûts et les mêmes préoccupations. Ainsi, le
mythe du paradis perdu qui fait l'objet de la Trilogie, se retrouvera dans les oeuvres
postérieures.
6
BOSCO, H.- Hyacinthe. P. 50.
7
g BOSCO, H.- Un Rameau de la Nuit. p. 395.
HARPAZ, Ephraim.- "Tonalités". En L'Art d'Henri Bosco. Actes Colloque International Henri Bosco.
Paris, José Corti, p. 284.
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sont un reflet du vieux paradis terrestre où les héros de toute âge vont se retrouver, ou
bien le but vers où s'oriente leur vie future. Le narrateur veut signaler là le retour aux
sources de l'innocence. L'éloignement du but, du paradis, est la naissance à un autre
monde, après avoir franchi un seuil réel, et un autre symbolique, ce que va avoir
comme conséquence un déchirement dans l'âme enfantine ayant perdu un paradis
irremplaçable. Les seuils sont parfois très bien définis: le pont de la Gayolle pour
Constantin, la rivière pour Pascalet et le mur pour Antonin, trois enfants qui s'unifient
avec l'enfance vécue para Henri Bosco, lui-même, et duquel ils constituent le double
imaginaire: "En vérité (...) sont une seule et même personne. C'est à dire, moi-même"9
Ces obstacles ou frontières vont marquer la division entre le côté proche,
chaleureux, familier, sûr, préservé et intime face à l'au-delà ouvert, incertain,
d'aventure, nouveau, inconnu; s'opposent le refuge de l'enfance et l'exil vers la vie
adulte, le paradis et le hors-paradis.
Le drame de cet enfant est qu'il ne peut pas éviter de traverser ce seuil, pour
avancer en choisisant ou en détruisant les barrières et la curiosité; la hantise le pousse
en avant pour découvrir après qu'il a abandonné un monde d'impossible retour et il se
voit comme Adan et Eve en disgrâce avec le terrible sentiment de douleur d'être exclu
des lieux heureux.
Cet enfant est assujetti à l'autorité d'un adulte qu'il accepte en bon enfant
sage. Mais la désobéissance fait aussi partie de toute enfance et entraînera des
conséquences pour lui et pour son entourage familial et social. Comme première et non
dédaignable, la perte de l'innocence, ce qui comporte la sortie du cercle de l'enfance.
L'exil est parfois réel, il doit abandonner la maison, et partir, faire un vrai voyage loin
du milieu connu, et être exclu du paradis sûr et confortable.
On pourrait interpréter que l'enfant n'est pas complètement heureux chez-moi
et qu'il cherche ailleurs ce qui lui manque en commençant para les parents, absents
dans les oeuvres, et fréquemment éloignés de la vie de l'auteur. Car les parents assurent
le développement naturel de la psychologie enfantine, mais son absence ou
l'éloignement vont propicier que l'enfant dans sa solitude va chercher des substituts: les
servants, les bergers, les grands parents. Par contre, il verra comblé son besoin de
bonheur lorsque toute la famille est réunie, ce qu'il met en relief par l'exceptionnalité
de la situation.
L'enfant-fille
Dans une analyse du garçon bosquien, il y a des troubles que, normalement,
viennent d'une autre enfance, celle de la fille, invariablement retrouvée auprès de
l'eau10 ou d'un jardin, au sein de la nuit.
La fille, rarement occupe la place relevante d'héroïne. Elle apparaît à côté du
garçon sans atteindre le statut principal et non plus comme un compagnon de jeux; elle
envahit l'intimité et sa présence est toujours troublante; elle incomode et inquiète le
garçon qui règne en solitaire dans la plupart des oeuvres. Apparaît subitement et il la
9
BOSCO, H.- "Entretien avec Monique Chabanne" Cahier Henri Bosco, n° 27, 1987. p. 42.
10
En claire relation avec les études de Bachelard et Durand.
HENRI BOSCO: L'ENFANCE TOUJOURS 115
Transitions
Ce passage de l'enfance à l'étape suivante est présenté dans Mon Compagnon
de Songes, que va débuter avec ces mots où l'on retrouve la même idée que vient d'être
citée:
Car évidemment il va être ému par des sensations nouvelles, inconnues, qui
lui inquiètent et cette idée va la développer dans les paragraphes qui suivent comme:
quelque chose changeait en moi, et il ne peut pas bien l'expliquer, ni les conséquences
que ce changement entraîne: "Je n'en savais pas davantage mais sans doute était-ce une
perte puisque j'en souffrais"
À ce moment là, il était difficile de s'auto-analyser, mais quand l'auteur écrit
l'oeuvre il peut déjà comprendre l'ampleur du changement: "Or je sais aujourd'hui que
j'étais en train de perdre un trésor, mon enfance. Un trésor irrécupérable"
Car finalement on arrive au leitmotiv de son oeuvre, une des grandes
préoccupations de sa vie, une catastrophe de conséquences imprévues. Et les ressources
que héros-auteur vont utiliser pour échapper à la perte de ce qui ne voulais pas mourir,
pour sauver l'enfance sera, à travers une transformation, une transposition ou
sublimation de l'état réel à l'état de rêve, et l'accompagner de la découverte du monde,
de la terre et de ses propres rêves, car Bosco "éprouvait pour l'enfant comme pour tous
les êtres de son univers, arbres, maisons, hommes et bêtes, les mêmes craintes et la
même tendresse"13
Si l'on considère que, l'expérience première a une valeur inégale dans toutes
les personnes, car c'est la première mémoire qui s'inscrit d'une façon indélébile, on
11
BOSCO, H .-Le Jardin des Trinitaires. p. 247.
12
BOSCO, H.- Mon compagnon de Songes p. 13.
13
DUPUY, René, J.- "Henri Bosco conteur pour ses amis". En Cahier Henri Bosco, n° 11, avril-octobre
1976. p. 71.
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comprend rattachement de Bosco à ses premières années et aux rêves: "Rien n'a valu,
rien ne vaut encore, cette découverte de l'Univers par les songes, au temps de mon
enfance..."14
C'est à la manière d'une confession qu'il nous signale quelle a été sa
préoccupation suprême.
Évocation ou réalité
À côté de l'enfance réelle, vécue, il y a l'autre dimension, l'imagée, celle qu'il
invente ou récrée: "Cette enfance de 8 à 10 ans où j'aime revenir, qui est celle que je
préfère"15
L'enfant est normalement fils unique, comme Henri Bosco, comme
l'adolescent ou l'adulte célibataire, solitaire, mais comblé par l'entourage; c'est le
centre de la famille et l'objet de la préoccupation des siens. Il est aussi aimé ou admiré
par les filles, comme expression du désir inlassable d'être aimé et de remplir un
manque d'affection.
L'univers enfantin marqué par le désir d'introspection, la quête de l'âme,
l'attente, la solitude, le silence, les présences sensibles de la lumière et de l'ombre, les
éléments naturels, la nuit, les rêves et le salut, font un ensemble prolongé en Malicroix,
Le Récify ou Le Mas Théotime.
Les personnages reviennent une et une autre fois, il n'a pas cessé de raconter,
ou de romancer la matière enfantine, avec les mêmes prénoms ou la même personnalité
occulte sous un autre nom. On dirait qu'il ne veut pas, qu'il ne peut pas, s'en
débarrasser. Son évocation repetée est comme un signe de retour au paradis de
l'enfance. C'est pour cela que Germain exprime: "Bien sûr pourrait-on dire, d'un
roman à l'autre c'est toujours Henri Bosco qui parle (...) identité profonde de l'homme
présente sous celle des oeuvres"16 Mais cette récréation constante de l'enfant ne veut
pas dire que ses oeuvres soient identiques. Cette répétition de sujets contribue à faciliter
la compénétration avec les héros et leur péripétie. Et, en tout cas, c'est un auteur qui
expose ses préoccupations les plus importantes. Le narrateur de Mon Compagnon de
Songes paraît montrer la difficulté de s'éloigner de l'enfance:
Les livres d'enfants sont comme des exercices d'auto-analyse de l'auteur, tel
qu'il a témoigné, dans son Journal inédit:
14
BOSCO, H.- Mon Compagnon de Songes, p. 14.
15
BOSCO, H.- Le Chemin de Monclar. p. 35.
16
GERMAIN, Gabriel.-"Visites invisibles à l'ami invisible" En Cahier Henri Bosco. n° 11, avril-octobre
1976, p. 33.
17
BOSCO, Henri.-Mo/i Compagnon de Songes p. 27.
HENRI BOSCO: L'ENFANCE TOUJOURS 117
"Cet enfant qu'on fut, qu'on cherche en soi, qu'on y perd et qu'on y
retrouve, qu'on aime -car on l'aime- et qui vous aime comme votre
propre enfant"18
CONCLUSION
Henri Bosco reprend l'enfance en tant que telle comme souvenir, mais il la ré-
crée toujours; il ne se résigne pas à l'avoir perdue et il paraît qu'il veut garder quelques
bribes de sa vie d'enfant, bien par attachement ou fixation, ou peut-être aussi parce que
l'auteur ne se décide à mettre fin: "Pour moi, tout recommence, rien ne finit. J'ai
horreur du mot "fin" 21 " Pourtant, noms, caractères, personnages principaux ou
secondaires, lieux, situations, sont repris de temps en temps. L'auteur ne veut pas
abandonner une étape que, même avec ses solitudes et éloignements, avait été si chère
et qu'il compte encore retrouver à travers des symboles, des mythes et des rêves.
Ces récits peuvent être compris par les enfants et aimés par les adultes, car ils
comportent plusieurs plans et cachent des symboles sous l'apparence de simplicité,
mais, sans doute, que "Un bon livre pour enfants est un livre pour tous"22
18
BOSCO, Henri.- Journal 1954. Citée par NEISS, Benoît en Cahier Henri Bosco, n° 13, juin 1977. p.
66.
POITRAS, Lionel .-Henri Bosco et la participation au monde. Fribourg, Ed. Universitaires, 1971. p.
17.
20
BOSCO, Henri.- Journal inédit 1954. Citée par NEISS, Benoît. Cahier Henri Bosco n° 13, juin 1977.
p. 13.
21
BOSCO, Henri.-"Entretien du 7 octobre 1962" En CAUVIN, J.P.- Op. cit. p. 235. Annexe A.
22
WAGNER, habéile.-Thèmes et mythes dans la littérature enfantine d'Henri Bosco. Mémoire de
Maîtrise. Université Paris X-Nanterre, 1980. p. 134.