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Style

L’écriture dans Numéros matricules féconde en fait les inflexions du genre romanesque avec
des effets de la distanciation brechtienne. Cela débouche sur une création aux frontières
hybrides où le théâtre-roman supplante toute généricité traditionnelle. Très peu de
personnages (Kolé et Aïcha), et pourtant l’on est tenu en haleine par les surprises et les
suspenses dont regorge le livre. L’œuvre est aussi remarquable par la profondeur des pensées
qui la meublent. Le lecteur est supposé témoin de tous les faits de la narration «lecteur, je te
jure que j’ai été témoin de cette partie d’intimité» ; «lecteur, je n’aime pas cela et je le
supporte durement» ; «tu m’écoutes toujours, lecteur ?». Okri TOSSOU expose la situation
comme au cinéma. Sa particularité à décrire les faits réside dans son accessibilité, sa
simplicité dans le choix des mots et dans son impartialité. Autrement dit, même un enfant peut
aisément cerner le contenu de son histoire. La phrase : « A mon sens, une fille ne peut
expliquer à sa mère comment une femme accouche » en est une belle illustration. On na pas
besoin de réfléchir longtemps pour comprendre son contenu. Quant aux enfants, l’auteur,
Okri Tossou a su explorer les méandres de leurs situations. Dans un style simple,
compréhensible et clair, il a présenté les conditions de vie de l’enfant africain comme dans
leur grande majorité. Selon l’auteur, ces conditions freinent le développement des pays
africains. Plusieurs enfants ont la chance d’avoir leurs parents en vie mais certains orphelins
vivent mieux qu’eux. À titre illustratif, Kolé, bien qu’ayant son père et sa mère vivants, a pu
se construire dans des conditions très difficiles. « Moi, je n’ai plus de père ; je n’ai plus de
mère, je n’ai pas de parents adoptifs ; moi, je n’ai pas de frère aîné, au sens protecteur du
terme, ni de petite sur ! Moi, je n’ai que moi- même.

Le temps de l’histoire

Ce qui est intéressant dans cette œuvre est le temps de l’histoire. Il peut être interprété
en une nuit. Au chapitre deuxième,
- «Nous ne sommes que deux sur cette natte dans cette nuit muette... Tous les voisins
dorment déjà...1». Mais plus tard au chapitre sixième,

1
Opcit, p13
- «Sur la natte, où ils étaient étendus l'un contre l'autre, ils pouvaient voir luire un bout de
l'une, coquine. Autour de ce bout de lune coquette aussi, quelques étoiles... 2 Puis vers la
fin
- ...« Tu vois, mon cher époux, le ciel ne veut pas que je rouvre la plaie de ma mémoire».

Cela voudrait que cette histoire commencée le soir sur le lit a pris fin déjà à l'aube sur le
même lit. Les deux personnages sont ancrés dans le récit. Ils sont également impliqués dans
l'histoire. Ainsi, ils sont homodiégétique intradiégétique.

Le temps du récit

À faire

L’espace dans le récit

Un récit présente un espace imaginaire, même s’il est apparemment géographique ou


se veut "réussite", dont la fonction, la nature, l’organisation et le mode de description sont
divers. L’espace peut offrir un spectacle, servir de décor à l’action. Dans ce cas, il est soumis
au regard des personnages. Il est déterminé par la situation du spectateur face au spectacle et
par la relation entre le paysage et l’état d’âme de celui qui regarde, qui perçoit. Les rafales
d’injures « où donc as-tu jamais appris à conduire, toi ! », tête d’hippopotame chauve, tu
attends qui pour démarrer ! », « Toi la femme bête-là, c’est qui même, celui qui ta acheté la
voiture là»3précisent des indices de la grande ville où Kolé a séjourné pour son cursus
universitaire. Le passage suivant suggère un voyage de Kolé et Aïcha chez Papa. «Donc, la
route qui mène chez Papa est insupportable, surtout par ces temps d’hivernage» 4. Par la suite,
le paysage africain a ses propres réalités, «parce qu’il y a des choses qu’on n’ouvre pas en
public. C’est comme ça ici.»5

2
Opcit, p149
3
Opcit, p126
4
Opcit, p125
5
Opcit, p135
Portée et intérêt de l’œuvre

Après l’analyse, il se dégage que Okri Tossou par Numéros matricules a choisi de
dévoiler les violences faites aux enfants et aux femmes sont des couches vulnérables et très
sensibles. Ces couches vulnérables sont confrontées à des situations qui excédent leurs
capacités mentale, psychologique, physique et autres. Pourtant, les gens en taillent moins
d’importance. En choisissant de dénoncer ces violences, c’est peut-être l’occasion pour
l’auteur de trouver des solutions urgentes et idoines aux causes de l’enfant et de la femme et
de réduire leurs souffrances ou peines conformément aux de la convention des droits des
enfants. C’est pourquoi l’œuvre de Okri Tossou nous semble d’une importance capitale.
Puisqu'une femme meurt en moyenne tous les deux jours sous les coups de son conjoint ou
ex-conjoint dans le monde6. Pire, l’UNICEF indique dans son dernier rapport qu’un enfant
meurt encore toutes les 3 secondes. Adrien Huannou soutient que défendre les droits de la
femme ou ceux de l’enfant, c’est donc défendre les droits des « faibles ». Le sort de la
femme et celui de l’enfant sont souvent liés ; l’épouse et l’enfant sont souvent victimes des
mêmes habitudes, des mêmes coutumes.7

6
Extrait du discours de l’ONG HUENUSU lors de la Journée internationale pour l’élimination des violences à
l’égard des femmes le 23 novembre 2023
7
Adrien Huannou, Le Roman féminin en Afrique de l’Ouest, Les Editions du Flamboyant, 1999 [L’Harmattan,
1999, France], Cotonou, pp 118-119

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