Vous êtes sur la page 1sur 7

PÂQUES : LA FOI QUI REDÉCOUVRE LA VIE

Comment dire la Résurrection ? A partir de son expérience, chacun


privilégie une perspective. Saint Luc souligne la sienne : «leurs yeux
s’ouvrirent », « il nous ouvrait les Écritures », « il leur ouvrit l’intelligence ».
Ceux et celles dont il est ici parlé nous ressemblent. Ils en avaient
beaucoup appris au contact de Jésus sur les routes de Galilée ou de
Judée. Comme eux nous savons, nous aussi, déjà bien des choses. Ils
avaient même commencé de croire. Nous aussi. Mais avec « ce qui s’est
passé ces jours-ci », avec tout ce qui arrive un peu partout, l’élan est
retombé, quelque chose est maintenant brisé : « nous espérions… mais…
». Or, voici qu’au lieu même de cette obscurité, une fenêtre s’ouvre. Non, la
Résurrection du Christ n’est pas une information qui nous manquait, encore
moins un spectacle ou un coup de théâtre. Ici, elle est plutôt une lente
découverte.

Une découverte préparée à notre insu depuis longtemps « elles se


rappelaient ses paroles », « les paroles que je vous ai dites », «tout ce qui
a été écrit ». Une découverte qui ne va pas de soi : « certains ne croyaient
pas et demeuraient saisis d’étonnement », «leurs yeux étaient empêchés
de le reconnaître ». On ne s’habitue pas du premier coup à cette lumière :
les femmes sont «perplexes », Pierre «tout surpris », et les Apôtres
pensent « voir un esprit ».

Sans compter d’autres obstacles que nous connaissons bien : c’est dans le
même évangile qu’il est écrit en conclusion de l’histoire du pauvre et du
riche : « Du moment qu’ils n’écoutent ni Moïse ni les prophètes, même si
quelqu’un ressuscite d’entre les morts, ils ne seront pas convaincus » (Lc
16, 31). Il y faut autre chose, un long parcours, un travail intérieur, pour que
s’opère cette découverte : c’est seulement le soir, à l’auberge, que « leurs
yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent ».

Alors, de proche en proche, de « l’un à l’autre », progressivement, on


aperçoit les vraies dimensions d’un monde dont on croyait avoir fait le tour.
C’est le même « pain », le même «poisson grillé », « ses mains et ses
pieds » à lui, les mêmes Ecritures bien connues, Moïse et les Prophètes,
mais tout est maintenant redécouvert dans une lumière nouvelle, celle du
«premier jour de la semaine ». La même vie autrement.

Voici le temps de Pâques. La grâce nous soit faite de voir sous un autre
jour ce que nous connaissons trop bien. C’est la Foi qui, à chaque
génération, redécouvre un avenir pour le monde. La Foi de quelques-uns
au bénéfice de tous.
Edouard O’NEILL sj
La grâce d’agir, Vie Chrétienne, n°484

La descente aux enfers

Qu’est ceci? Un grand silence règne aujourd’hui sur la terre, un grand


silence et une grande solitude. Un grand silence, parce que le roi dort. La
terre a tremblé et s’est calmée, parce que Dieu s’est endormi dans la chair,
et qu’il est allé réveiller ceux qui dormaient depuis des siècles. Dieu est
mort dans sa chair, et les enfers ont tressailli. Dieu s’est endormi pour un
peu de temps, et il a réveillé du sommeil ceux qui séjournaient aux enfers…

Il va chercher Adam, notre premier père, la brebis perdue. Il veut aller


visiter tous ceux qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort. Il
va pour délivrer de leurs douleurs Adam dans ses liens, et Eve captive avec
lui, lui qui est en même temps leur Dieu et leur fils.

Descendons avec lui pour voir l’alliance entre Dieu et les hommes… Là se
trouve Adam, le premier père, et, comme premier créé, enterré plus
profondément que tous les condamnés. Là se trouve Abel, le premier mort,
et comme premier pasteur juste, figure du meurtre injuste du Christ pasteur.
Là se trouve Noé, figure du Christ, le constructeur de la grande arche de
Dieu, l’Eglise… Là se trouve Abraham, le père du Christ, le sacrificateur,
qui offrit à Dieu par le glaive et sans glaive un sacrifice mortel sans mort. Là
demeure Moise, dans les ténèbres inférieures, lui qui jadis a séjourné dans
les ténèbres supérieures de l’arche de Dieu. Là se trouve Daniel, dans la
fosse de l’enfer, lui qui, jadis, a séjourné, sur la terre, dans la fosse aux
lions. Là se trouve Jérémie dans la fosse de boue, dans le trou de l’enfer,
dans la corruption de la mort. Là se trouve Jonas dans le monstre capable
de contenir le monde, c’est-à-dire dans l’enfer, en signe du Christ éternel.
Et parmi les prophètes, il en est un qui s’écrie : “Du ventre de l’enfer,
entends ma supplication, écoute mon cri” et un autre: “Des profondeurs, je
crie vers toi, Seigneur ; Seigneur, entends ma voix.” Et un autre encore
“Fais rayonner ton visage, et nous serons sauvés!”….

Mais, comme, par son avènement; le Seigneur voulait pénétrer dans les
lieux les plus inférieurs; Adam, en tant que premier père et que premier
créé de tous les hommes, et en tant que premier mortel, lui qui avait été
tenu captif plus profondément que tous les autres, et avec le plus grand
soin, il entendit le premier le bruit des pas du Seigneur, qui venait vers les
prisonniers. Et il reconnut la voix de celui qui cheminait dans la prison, et
s’adressant à tous ceux qui étaient enchaînés avec lui depuis le
commencement du monde, il parla ainsi : “J’entends les pas de quelqu’un
qui vient vers nous!” Et pendant qu’il parlait, le Seigneur entra, tenant les
armes victorieuses de la croix. Et lorsque le premier père, Adam, le vit,
plein de stupeur il se frappa la poitrine, et cria aux autres: “Mon Seigneur
soit avec vous tous! » Et le Christ répondit à Adam “Et avec ton esprit”. Et
lui ayant saisi la main, il lui dit:

“Tiens-toi debout, toi qui dormais, lève-toi d’entre les morts, et le Christ
t’illuminera. Je suis ton Dieu et, à cause de toi, je suis devenu ton fils. Lève-
toi, toi qui dormais, car je ne t’ai pas créé pour que tu séjournes ici
enchaîné dans l’enfer. Surgis d’entre les morts, je suis la Vie des morts.
Lève-toi, toi l’œuvre de mes mains, toi, mon effigie qui a été faite à mon
image. Lève-toi et partons d’ici, car tu es en moi et je suis en toi, nous
formons tous deux une personne unique et indivisible. A cause de toi, moi
ton Dieu, je suis devenu ton fils; à cause de toi, moi, le Seigneur, j’ai pris la
forme d’esclave ; à cause-de toi, moi, qui demeure au-dessus des cieux, je
suis descendu sur la terre, et sous la terre. Pour toi, homme je me suis fait
comme un homme sans protection, libre entre les morts. Pour toi,-qui es
sorti du jardin, j’ai été livré aux juifs dans le jardin, et j’ai été crucifié dans le
jardin. Regarde sur mon visage les crachats que j’ai reçus pour toi, afin de
te replacer dans l’antique paradis. Regarde sur mes joues les traces des
soufflets que j’ai subis pour rétablir en mon image ta beauté détruite.
Regarde sur mon dos la trace de la flagellation que j’ai reçue, afin de te
décharger du fardeau de tes péchés, qui avait été imposé sur ton dos.
Regarde mes mains, qui ont été solidement clouées au bois, à cause de toi,
qui autrefois a mal étendu tes mains vers le bois… Je me, suis endormi sur
la croix, et la lance à percé mon côté à cause de toi, qui t’es endormi au
paradis et as fait sortir Eve de ton côté. Mon côté a guéri la douleur de ton
côté. Et mon sommeil te fait sortir maintenant du sommeil de l’enfer. Lève-
toi, et partons d’ici, de la mort à. la vie, de la corruption à l’immortalité, des
ténèbres à la lumière éternelle. Levez-vous, partons d’ici, et allons de la
douleur à la joie, de la prison à la Jérusalem céleste, des chaînes à la
liberté; de la captivité aux délices du paradis, de la terre au ciel. Mon Père
céleste attend la brebis perdue, un trône de chérubin est prêt; les porteurs
sont debout et attendent, la salle de noces est préparée, les tentes et les
demeures éternelles sont ornées, les trésors de tout bien sont ouverts, le
royaume des cieux qui existait avant tous les siècles vous attend.

Pseudo Epiphane, Homélie pour le Samedi Saint

cité par Urs von Balthasar,

Dieu et l’homme d’aujourd’hui, p.258ss

Et si nous écrivions l’histoire du grain de blé…

” Le grain de blé est parfaitement heureux dans son grenier. Il ne pleut pas
dans le grenier. Il n’y a pas d’humidité. Et les petits copains du grain de blé
sont bien gentils ; il n’y a pas de bagarre entre eux. Il est heureux, très
heureux. “

Par comparaison à ce que nous appelons le bonheur, c’est-à-dire la santé,


la fortune… il est heureux. Mais remarquez que c’est un petit bonheur de
grain de blé dans un grenier. Je le dis doucement parce qu’il ne faut pas
mépriser le bonheur humain. J’ai le droit de travailler à ma santé, à
l’aisance et à tout cela. Rien de méprisable en tout cela. Mais par rapport à
ce qu’il doit être, c’est un petit bonheur. J’aime beaucoup l’expression “an
petit bonheur”. Nous marchons en cherchant le petit bonheur.

En écrivant, vous imaginerez que ce grain de blé est très pieux et qu’il
remercie Dieu en disant : ” Seigneur, je te remercie pour toutes tes grâces :
il ne pleut pas, il n’y a pas d’humidité, je suis bien tranquille, c’est parfait.
Merci Seigneur. “

En faisant cette prière, le grain de blé s’adresse à un Dieu qui n’existe pas.
Il s’adresse à une idole. Un Dieu qui serait le père et le garant d’un petit
bonheur dans un grenier, ou qui serait l’auteur et le garant de la bonne
santé des hommes, de leur aisance et de leur fortune. Ce Dieu là n’existe
pas. N’allons pas nous mettre à genoux devant une idole. Le Dieu qui
existe est celui qui va transformer le grain pour qu’il devienne ce pour quoi
il existe, c’est-à-dire, un épi.

Mais continuons notre rédaction :” Un jour, on charge le tas de blé sur une
charrette, puis on sort dans la campagne. C’est encore bien mieux que
dans le grenier, c’est merveilleux : le ciel bleu, les oiseaux, les fleurs…
Mais le grain est toujours un grain. Il n’est pas transformé. Pieusement, il
loue Dieu de plus belle : ‘La vie, c’est encore beaucoup plus beau que je ne
pensais, c’est formidable. Merci, Seigneur’ “.

Il s’agit toujours d’un Dieu qui n’existe pas. Bien sûr, vous pouvez nuancer
ce jugement, car ce Dieu existe aussi et j’ai bien le droit de louer Dieu pour
ma joie et mon bonheur ici-bas. Je dois même le faire, à condition que je
m’adresse au vrai Dieu. Or, le vrai Dieu, c’est celui qui va venir maintenant.

” On arrive sur la terre fraîchement labourée, on verse le tas de blé sur le


sol et puis on l’enfonce dans la terre. A ce moment-là, le grain de blé sur le
sol n’y comprend plus rien. Comme on dit autour de nous :’Si Dieu existait,
de telles choses n’arriveraient pas.’ Et notre petit grain se met à regretter le
bonheur de son grenier, il se sent mourir, l’humidité le pénètre jusqu’au
centre, il se dissout “.

C’est à se demander, à ce moment-là, si la vie n’est pas purement et


simplement absurde.
” Quelques semaines plus tard c’est la moisson, et le grain est devenu un
bel épi, et c’est pour cela qu’il existait. “

François Varillon sj

Extrait de ” Vivre le christianisme “.

LE DIALOGUE AVEC DIEU ? EXISTENCE ET MONDE, LIEU DU


DIALOGUE

“Le grand fait d’Israël n’est pas d’avoir enseigné le seul vrai Dieu … c’est
d’avoir montré qu’il était possible en réalité de lui parler, de lui dire TU, de
se tenir debout devant sa Face et d’avoir avec lui un commerce réel.
Partout où il y a l’homme, il y a la prière aussi … Mais ce fût Israël le
premier-qui comprit et bien plus vécut la vie comme un dialogue entre
l’homme et Dieu : Dieu parle avec l’ homme, il lui adresse sa parole et
l’homme répond; puis l’homme est libre de parler à son tour et Dieu lui
répondra. Dieu entendu de la façon la plus concrète comme Celui qui parle
et la création entendue comme sa parole; appel crié dans le néant et
réponse des mondes par leur apparition; la parole créatrice
perpétuellement féconde dans l’existence de toutes les créatures; la vie de
chaque créature ainsi qu’ un dialogue incessant fut le message d’Israël que
sa vocation était de répondre. Et Israël témoigna que le vrai Dieu est celui
auquel on peut parler puisqu’il parle.

“Dieu s’adresse directement à l’homme par le moyen de ces choses et de


ces Êtres qu’il place dans sa vie; l’homme répond par la façon dont il se
conduit à l’égard de ces choses et de ces êtres envoyés de Dieu. Il y a un
risque: l’âme ne veut plus avoir affaire qu’à Dieu seul, comme si Dieu
voulait qu’on assouvisse en lui seul et non pas en sa création l’amour qu’on
lui porte. L’homme alors se figure que le monde s’est évanoui entre lui et
Dieu. Est-il encore au monde ? Mais avec le monde c’est Dieu qui s’est
évanoui, il ne reste plus que lui: l’âme et ce qu’elle appelle Dieu n’est
qu’idée qu’elle se fait. C’est le refus mystique du monde. De toute antiquité
Israël avait confessé que le monde n’est pas le lieu de Dieu mais que Dieu
est le lieu du monde et qu’il y “demeure” cependant réellement présent.
(“Voici que les cieux, et les cieux des cieux ne peuvent le contenir-moins
encore que cette maison que j’ai construite” 1 R. 8,27). De ce fait le monde
est un sacrement, ce qu’il ne pourrait pas être s’il était le lieu de Dieu; rien
d’autre en effet que cette présence réelle “en lui” d’un Dieu qui lui est
cependant transcendant ne peut faire de lui un sacrement. “Le ciel et la
terre sont remplis de ta gloire” c’est-à-dire de ta présence. C’est seulement
chaque fois que l’homme entre en contact tant consciemment et saintement
que celui-ci devient sacramentel. Il se produit alors une réelle ouverture sur
le divin. Monde de ces choses et de ces êtres que Dieu n’a pas tant mis
dans notre dépendance qu’il s’y est mis lui-même et il s’y tient à notre
merci. Ce monde ne peut être considéré comme un obstacle entre l’homme
et Dieu. Au contraire il est point de rencontre. Ce monde prêt à être un
sacrement. Ce monde est ce par quoi–la.Parole de Dieu peut m’atteindre et
ce en quoi Dieu veut recevoir une réponse de moi-même. Accueillir
activement Dieu dans les choses, Dieu se dévoile à la lumière de toute
rencontre authentique, il nous parle, il se propose dans le concret de toute
situation .

1. BUBER “Le Message Hassidique »

NE TARDE PAS!
Seigneur, Dieu, mon Aimé !
Si tu te rappelles encore mes péchés
pour ne pas faire ce que je te demande, Fais en eux, mon Dieu, ta volonté,
qui est ce que je veux par-dessus tout, Et exerce ta bonté et ta miséricorde,
et tu seras connu en eux.
Mais si tu attends mes œuvres
afin, par ce moyen, d’exaucer ma prière, Donne-les-moi, toi, et fais-les-moi,
avec les souffrances que tu voudrais accepter, Et que cela se fasse.
Mais si tu n’attends pas mes œuvres, qu’attends-tu, mon très clément
Seigneur ? Pourquoi tardes-tu ?
Car, enfin, si c’est bien la grâce et la miséricorde que par ton Fils je te
demande,
Prends mon obole, puisque tu la veux,et donne-moi ce bien,
puisque toi aussi tu le veux.
Qui pourra se délivrer
de ces façons et manières basses, Si tu ne l’élèves jusqu’à toi
en pureté d’amour, ô mon Dieu ?
Comment s’élèvera-t-il jusqu’à toi,
l’homme engendré et grandi dans la bassesse, Si toi tu ne l’élèves pas,
Seigneur,
avec la main qui l’a fait ?
Tu ne m’enlèveras pas, ô mon Dieu,
ce qu’une fois tu m’as donné
en ton Fils unique,
Jésus Christ,
en qui tu m’as donné tout ce que je veux.
C’est pourquoi je me réjouirai que tu ne tardes pas, si j’attends.
Quels atermoiements te font-ils attendre,
puisque dès maintenant
tu peux aimer Dieu en ton cœur ?
Miens sont les cieux et mienne la terre.
Miennes les nations.
Les justes sont à moi et à moi les pécheurs. Les anges sont à moi
Et la Mère de Dieu,
et toutes les choses sont miennes.
Et Dieu même est à moi et pour moi,
car le Christ est à moi et tout entier pour moi. Alors que demandes-tu et
cherches-tu, mon âme ? Tout cela est à toi,
et tout est pour toi.
Ne t’estime pas moins et ne te soucie pas
des miettes qui tombent de la table de ton Père. Sors dehors et glorifie-toi
en ta gloire
Cache-toi en elle et jouis,
et tu obtiendras ce que ton cœur désire.

Saint Jean de la Croix,

Vous aimerez peut-être aussi