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il y a
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Finaliste
Jury
Sascha Lahaie
Autrice amateur et correctrice professionnelle. Parent de chats. En règle générale, je suis incapable d'écrire
des textes courts. Parfois, cependant, des miracles se produisent...
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Yakob descend les marches qui mènent jusqu'à la pelouse. Les herbes folles chatouillent
Pourtant, il y a une anomalie, le magicien la sent d'emblée. Quelque chose dans l'air qui
ne vibre pas comme à l'accoutumée. Prudent, il fait le tour du jardin, inspecte chaque
lion, marguerites, pâquerettes. Les vers de terre qu'il aperçoit semblent en bonne santé,
de même que les abeilles qui prélèvent le pollen de ses dahlias crache-feu. Au centre du
Sa main vient nerveusement emmêler sa longue barbe alors qu'il réfléchit, tout en
regardant une file de fourmis avancer vers les pêches enchantées tombées au sol.
Trente ans auparavant, lorsqu'il a acheté la maison, on l'a assuré de la mort du géant, et
il n'a pas cherché plus loin. Il est mage, lui, pas nécromant. Comment ferait-il la
Songeur, il observe son jardin à la forme étrange. Une pente raide démarre chez le
voisin et s'arrête nette au milieu de sa parcelle à lui. Il faut vraiment être mage, pour
deviner que sous cet amont se cache l'énorme nez d'un énorme corps.
Les cadavres de géants font un incroyable engrais pour la nature qui reprend ses droits.
La puissance distillée dans la terre fait pousser les plantes magiques et attire les
Yakob se fait sûrement des idées, mais il franchit tout de même le grillage qui sépare
Il se hasarda sur les pommettes couvertes de jacinthes ou des fées jouent à cache-
cache, sent du bout des pieds le creux, puis la remontée qui annonce le début d'une
perçoit des milliers de bébêtes s'agiter pour déguerpir au plus vite. Pas un bon signe, ça.
Il sursaute lorsque le monticule de terre devant lui frémit de façon inquiétante. La terre
humide se morcèle et les narcisses tombent à ses pieds, déracinées avec le reste de la
motte.
Le géant ne regarde pas Yakob. Son iris reste fixe, sans donner aucun signe de vie
En une heure à peine, tous les mages du quartier sont réunis dans les jardins, faisant
fuir les fées et piétinant les pâquerettes au ras du sol, parlant vite, avec une inquiétude
non dissimulée.
Plusieurs options émergent bien vite du débat. La première, bien sûr, serait
proteste. Quel gâchis ! Et pas seulement parce qu'il a passé bien des années à entretenir
Il songe aux millions de vies qui grouillent sur le corps du géant, qui seront détruites à
son réveil. Des vies pas si insignifiantes que cela, faune et flore réunies. Des spécimens
magiques et non magiques, qui participent à un écosystème plus vaste qu'eux, profitant
de l'existence avec la même intensité que les grands mammifères en train de poliment
— En ce cas, vous souhaitez tuer ce géant ? Cela serait difficile, mais pas impossible...
— Est-il juste qu'un être paie pour conserver la vie de plusieurs qui profiteraient de sa
Yakob relève la tête. Sûrement, l'un de ces sorciers devait savoir comment faire...
Ainsi, l'affaire se décide peu à peu. Les mages se mettent à grouiller comme de drôles
d'abeilles disproportionnées. Des cercles sacrés sont tracés dans les pelouses, on cueille
les myosotis pour améliorer la connexion mentale, et les experts en télépathie ouvrent
Yakob comprend alors ce qu'on attend de lui : qu'il appuie leurs revendications, puisqu'il
a suggéré l'idée le premier. On le met à l'autre bout de la connexion mentale. Son corps
assis en tailleur sur le petit banc de son jardin, son esprit part se confronter à celui, lent
et lourd, du géant.
Que dire à un être aussi différent ? Doit-il vraiment le convaincre de se rendormir, afin
de favoriser des plantes, des insectes et de petits mammifères ? Comme s'il pouvait
accepter !
Le géant erre encore dans un état entre le sommeil et l'éveil, luttant pour reprendre
images, des émotions : la peur éprouvée en voyant son œil s'ouvrir, la conscience de
millions de vies sur et sous terre. La peur que ces lueurs s'éteignent, le temps et l'effort
Le géant considère tout cela comme d'autres jetteraient un œil morne sur un écran télé.
D'accord, il perçoit – vaguement – sa détresse, mais lui veut vivre aussi et il considère,
comme beaucoup de monde, sa propre existence plus importante que celles d'êtres
La créature veut bien rendre service, mais cette discussion commence à l'ennuyer, et sa
Yakob tente de suggérer une alternative. Dormir encore un peu ? Dix ou vingt ans, peut-
Dans son demi-sommeil, la créature soupire et la terre se met à gronder. Yacob le sent,
Le géant s'agace, de cet humain riquiqui qui lui parle d'animaux riquiquis et la
discussion l'irrite tellement qu'il en soupire plus fort, commençant à s'éveiller tout à fait.
Lorsqu'il ouvre les yeux, les magiciens sont en train de fuir les jardins à toute vitesse, en
courant ou en lévitant. Le sol sous lui ondule dangereusement, les oiseaux s'envolent et
gravité qui le maintient sur la terre ferme – ou plutôt, sur le corps du géant qui
commence à se lever.
Une bouffée d'indignation l'envahit alors. Non, ça ne se passera pas comme ça !
Avec une énergie qu'il ne parvient à trouver que lorsqu'il se met vraiment en colère, il
déploie son sort de gravité et l'étend à tout ce qui a poussé sur le géant, insectes
Yakob sent la vague surprise du géant. Il tente de lui transmettre une idée : sa propre
image, couvert de terre et de nature, se déplaçant à sa guise avec tout cet écosystème
qui croîtrait sur sa peau. Le géant marque une pause et hausse ses énormes épaules. Il
Yakob sent les autres sorciers interférer avec sa magie pour l'aider à fixer ce morceau de
nature sur la masse énorme qui écrase nonchalamment les débris de leurs habitations,
et il se dit que l'Histoire le retiendra comme celui qui a créé une sorte de colosse végétal