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Résumé
L'expression du sacré, particulièrement foisonnante dans les Dialogues, est étudiée ici par l'examen de l'emploi des mots qui
ont rapport à la notion même du sacré, essentiellement les adjectifs ιερός, δσιος, ευσεβής, σεμνός, άγιος et αγνός. L'enquête,
qui se présente comme le point de départ d'une recherche plus approfondie, a porté sur plus de six cents occurrences relevées
dans l'ensemble des dialogues authentiques de Platon. Sont ainsi mises en évidence l'extrême variété du lexique du sacré et la
richesse de mise en œuvre de ce thème, à travers lesquelles se dessine l'effort vigoureux entrepris par le philosophe pour
sacraliser et spiritualiser la vision de l'homme, de la cité et de l'univers.
Motte Laurent. L'expression du sacré chez Platon. In: Revue des Études Grecques, tome 102, fascicule 485-486, Janvier-juin
1989. pp. 10-27;
doi : 10.3406/reg.1989.2435
http://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1989_num_102_485_2435
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(2) Les mots pris en considération seront énumérés plus loin par famille, avec
indication du nombre de leurs occurrences. Ces relevés ont été possibles grâce à
l'ouvrage de L. Brandwood, A Word Index to Plalo, Leeds, 1976.
(3) L'enquête a ainsi porté sur vingt-six dialogues ; ont été omis les dialogues
catalogués comme suspects et apocryphes dans la collection des Universités de
France, les Lettres et aussi VEpinomis dont l'attribution à Platon reste douteuse
et qui mériterait de ce fait un traitement particulier. — Le Parménide comporte
bien un emploi du verbe σεμνύνειν, mais qui est sans rapport avec la notion de
sacré. — II n'est pas possible de présenter ici un tableau détaillant, pour chaque
œuvre et pour chaque mot concerné le nombre d'occurrences et les références.
Quelques précisions seront apportées chemin faisant; la liste suivante indique le
nombre total des occurrences additionnées pour chacun des dialogues étudiés :
Lois (271), Euthyphron (105), République (65), Protagoras (34), Phèdre (19),
Crilias (18), Timèe (15), Gorgias (15), Phédon (11), Politique (10), Banquet (9), Théétè-
te (9), Philèbe (8), Cratyle (7), Mènon (6), Euthydème (6), Criton (5). Apologie (4),
Lâchés (3), Sophiste (3), Ménëxène (3), Hippias mineur (3), Hippias majeur (2).
Charmide (2), Lysis (2), Ion (1), soit un total de plus de 630 occurrences ;
Epinomis : 9. Le haut indice d'un petit dialogue comme VEuthyphron,
entièrement consacré à l'étude du pieux, montre bien la valeur toute relative de
semblables données statistiques. Qu'on veuille bien m'excuser si les nombreux
comptages effectués pour cette enquête devaient comporter l'une ou l'autre
inexactitude. — Je voudrais remercier M. Lèbre, licencié en philologie classique,
pour l'aide précieuse qu'il m'a apportée dans le long dépouillement du corpus
platonicien.
(4) 'Ιερός (157, en ce compris les formes substantives qui sont très fréquentes),
ιερατικός (1). ανίερος (1), ιερεύς (38), άρχιερεύς (1), ιέρεια (15), ίεροϋν (1), καθιε-
ροϋν (14), καθιερεύειν (1), ίεροποιεΐν (1), καλλιερεΐν (1), ίερεΤον (3), ιερουργία (1), ίε-
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ρωσύνη (2), ιερόσυλος (8), ίεροσύλειν (3), ιεροσυλία (5), soit 17 mots totalisant plus de
250 occurrences. 'Ιερός est attesté dans 15 dialogues sur les 26 pris en compte ; on
dénombre 95 occurrences dans les Lois, 16 dans la République, 14 dans le Critias
et 7 dans le Timée ; l'indice de fréquence ne dépasse pas 4 dans les autres œuvres.
(5) Lois, VIII, 844e : cinquante drachmes «sacrées» seront dues à Dionysos
par tout qui aura, même sur ses propres terres, cueilli des fruits d'automne
avant la saison des vendanges! Cf. Lois, VI, 774 d, XI, 936a.
(6) Rèp., V, 470a; Lois, VI, 760a; IX, 878a (associé à δσια).
(7) Phédon, 85 b : όμ,όδουλος και ιερός τοϋ αύτοϋ θεοϋ. Autres exemples de cet
emploi ά'ίεραζ avec génitif d'appartenance : Phèdre, 230b, Rèp., III, 391 b, Tim.,
38 d, Lois, IV, 741c. Les quatorze emplois de καθιερουν figurent dans les Lois.
(8) Une exception notable : de Γίερόν des Nymphes et d'Achélous {Phèdre,
230 b et passim) se dégage une magie enchanteresse dont Socrate va être la
victime.
(9) Rèp., V, 469e, 470a; Lois, IX, 853d sq. (la loi sur l'hiérosylie), 866a,
868 d, 871a, 874 b, 881 d, XI, 935b, etc.
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(10) Lois, X, 885 a, où il est question des offenses commises contre les choses
sacrées (τα ιερά) et dont la gravité est proportionnelle à l'importance de celles-ci ;
viennent en premier lieu les δημόσια και άγια, puis les 'ιερά ίδια et les tombeaux,
ensuite les parents, etc.
(11) Théophraste, Caractères, XVI; le mot δεισιδαίμων est absent des
Dialogues.
(12) Lois, X, 909e -910 a (trad. d'Ed. des Places).
(13) Lois, X, 909 d : ils sont confiés aux prêtres et aux prêtresses qui ont la
pureté (άγνεία) requise.
(14) Lois, VII, 841 d : οι μετά θεών και ιεροί γάμοι. Rép., V, 458 e : il faut rendre
les mariages aussi ιεροί que possible.
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(15) Rép., V, 461 b : νόθον και άνέγγυον και άνίερον (unique emploi de cet
antonyme). Un magistrat doit unir les parents, et il est précisé plus haut que
chaque mariage est accompagné de sacrifices et de prières faites par les prêtres,
les prêtresses et toute la cité.
(16) Lois, VII, 839c : le législateur veut que soit sacrée la loi sur la
procréation. Les considérations sur le sujet abondent dans les Lois : VI, 721 b-d
(il n'est pas δσιος de se priver volontairement de la génération); VI, 775c et d
(caractère sacré de la conception); VI, 776b (transmettre la vie pour perpétuer
le service des dieux), etc.
(17) La religion de la cité platonicienne, Paris, 1945; on trouvera aussi de
nombreuses indications dans M. Piérart, Platon et la cité grecque. Théorie et
réalité dans la Constitution des «Lois», Bruxelles, 1975.
(18) Voir la note 9. Concernant l'architecture de la cité et les ιερά : Lois,
745 b, VI, 761 c, 778 b-c, VIII, 848 d-e. Cf. la géographie sacrée de l'Atlantide et
de l'Athènes primitive que décrit le Crilias.
(19) Lois, VI, 753c, 755e, 766b, 767a, 778c; VII, 785a; VII, 794a; XII,
949a, 950e, 955b.
(20) Lois, VI, 771 a-b.
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(32) Épinglons encore un emploi assez insolite de ιερός pour qualifier des
chasseurs {Lois, VII, 824a) et l'unique emploi de καθιερεύειν (Phèdre, 252) avec le
sens métaphorique, s'agissant d'un être humain, de «sacrifier», «mettre à mort».
(33) Όσιος (y compris les formes substantivées qui sont assez fréquentes :
148), ανόσιος (53), όσιότης (26), ανοσιότης (1), άφοσιοϋν (8), άνοσιουργεΐν (1), soit
6 mots totalisant plus de 230 occurrences. "Οσιος est attesté dans 13 dialogues ;
on dénombre 68 occurrences dans le seul Euthyphron, 23 dans les Lois, 19 dans la
République, 16 dans le Protagoras, 6 dans le Gorgias et 5 dans le Phédon ; l'indice
de fréquence ne dépasse pas 2 dans les autres œuvres. 'Ανόσιος est attesté dans
9 dialogues; on compte 20 occurrences dans VEuthyphron, 12 dans les Lois, 8
dans la République, 5 dans le Protagoras et 3 dans le Gorgias. Όσιότης est attesté
dans 4 dialogues, 16 fois dans le Protagoras, 8 fois dans VEuthyphron, 1 fois
dans le Lâchés et le Mënon.
(34) Particulièrement dans les développements à caractère eschatologique :
Phédon, 113d, 1 14 d ; Gorgias, 523 b ; Ménon, 81 b ; Rép., 1,331 a; Lois, II, 663 d.
Cf. Lois, IX, 886 b (άσεβης βίος).
(35) Lois, VII, 821a.
(36) Rép., I, 344a (biens non spécifiés); Lois, X, 857b (lieux).
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fondamentale que le mot conserve dans ce cas : «libre à l'égard
des exigences de l'ordre sacré», «permis, concédé par les
dieux»37.
Le verbe άφοσιοΰν se rencontre plusieurs fois avec le sens de
«rétablir dans l'ordre du sacré en éliminant ce qui l'a détruit»38
et peut ainsi connoter l'idée de purification. Dans le Phèdre,
après son premier discours jugé offensant à l'égard d'Éros,
Socrate réalise qu'il ne peut quitter le lieu πριν αν αφωσιώσωμαι et
il entreprend sa palinodie39.
L'emploi que fait Platon des mots de cette famille déborde
largement le domaine des réalités cultuelles et s'étend
fréquemment à la sphère éthique et politique. Leur association
constante avec δίκαιος et les termes apparentés, quelquefois
aussi avec νόμιμος, καλός, αγαθός, confirme bien bien le caractère
normatif de la notion40. La δικαιοσύνη, remarque le Protagoras*1,
est ce qui ressemble le plus à Γόσιότης et inversement. La justice
et la piété, ou bien le juste et le pieux, font à plusieurs reprises
l'objet d'un essai de définition visant à les distinguer42.
h'Euthyphron suggère que le pieux concernerait le culte des
dieux tandis que le juste aurait pour objet les rapports avec les
hommes43. Mais Socrate s'empresse de critiquer cette définition
qui est vite abandonnée. La piété a sans doute quelque chose de
plus englobant : ne voit-on pas, dans la République**, que Γοσιον
implique que l'on se porte, fût-ce au prix de sa vie, au secours de
la justice? Définir le pieux par ce qui plaît aux dieux (θεοφιλές)
(37) Sur ces emplois attestés chez d'autres auteurs, voir J. Rudhardt, p. 34-
36, et É. Benveniste, « Profanus» et « profanare », dans Hommages à G. Dumézil,
Bruxelles, 1960, p. 46-47.
(38) Selon la définition que propose J. Rudhardt, Op. cit., p. 168.
(39) Phèdre, 242 c. Autres emplois d'à<poaioùv illustrant aussi la piété
scrupuleuse de Socrate: Phédon, 60c et 61a; le sens de purifier est
particulièrement net dans ces deux emplois : Euthyd., 4c (μίασμα); Lois, IX,
873 b (rite de purification de la cité suite à un meurtre).
(40) Δίκαιος et termes apparentés : Apol., 32 d, 35 d (avec aussi καλός) ; Criton,
54 b (avec aussi αγαθός) ; Lâchés, 193 d ; Gorg., 505 b, 507 b, 523 b ; Ménon, 78 d et
Phédon, 75c (avec aussi αγαθός); Rèp., I, 331a; II, 363d; V, 463d, 479a; VI,
496d; X, 610b, 615b; Théétèle, 172a etb; Pol., 301 d ; Lois, II, 661b; VI,
777e; VIII, 840d; XII, 959c. Νόμιμος : Phédon, 108a; Lois, IX, 861 d.
(41) Prot., 331 b.
(42) Euthyph., lle-12e; Prot., 331a-332a, 333b, 349 b-d, 359b (problème
de l'unité de la vertu); Gorg., 507b.
(43) Euthyph., 12 e (ευσεβές τε και οσιον = τό περί την των θεών θεραπείαν).
(44) Rèp., II, 368b et IV, 427e 1.
LE SACRÉ CHEZ PLATON 19
n'est pas jugé plus satisfaisant, car une telle définition ne dit pas
l'essence même du pieux, en quoi précisément il plaît aux
dieux45. Les dialogues échouent donc dans cette recherche, et
l'on notera que, si la notion de piété conserve une place
importante dans les œuvres de la maturité et de la vieillesse, elle
ne compte plus parmi les principales vertus que la République
s'attache à définir positivement.
A travers ces apories, on saisit du moins l'effort de Platon
pour rationaliser et intérioriser46 cette notion traditionnelle en
la soumettant à une réflexion éthique. Il est, appliquée à l'âme
humaine, une formule du Gorgias qui exprime bien en ce
domaine l'idéal platonicien : όσίως βεβιωκυΐα και μετ' αληθείας47.
La piété dans la vérité ! L'idée est reprise, d'une manière plus
dense encore, par le Théétète, à la faveur du portrait célèbre que
ce dialogue esquisse du philosophe. Le but de ce dernier est de se
rendre semblable à la divinité; il le fera en «devenant juste
(δίκαιος) et saint (όσιος) dans la clarté de l'esprit (μετά
φρονήσεως)»48.
(50) Les deux seuls cas d'emploi à l'actif sont : Lois, I, 647 a (φόβον) et VI,
777 d (δίκην).
(51) Tim., 69d (σεβόμενοι μιαίνειν το θείον); I-,ois, III, 813d (τους σφόδρα
φιλομαντεύτας σεβόμενοι).
(52) C'est particulièrement le cas dans trois passages du Phèdre qui seront
replacés plus loin dans leur contexte : 250e, 251 a, 252a.
(53) Outre les exemples déjà cités à la note 50 : Criton, 51 b (πατρίδα), Phèdre,
251a (σέβεται ώς θεόν), Lois, V, 729c (συγγένειαν), VII, 798b (les lois restées
immuables par faveur divine), IX, 877a (την τύχην και τον δαίμονα), XI, 917b
(ανθρώπους αΐδούμενος, θεούς σεβόμενος); autre exemple d'association avec αΐδεΐσθαι
pour marquer une gradation : Lois, VIII, 837c; mais on dit aussi τον θεόν
αίδεϊσθαι : Rèp., Ill, 393e, Lois, XI, 921 a.
(54) Elle concerne aussi les parents et les défunts (par ex. : Banq., 188 c ; Rèp.,
X, 615 c). D'où l'emploi de θεοσεβής ou de formules telles que : προς θεούς
ευσέβεια : Banq., 193 a et d. Platon dit à deux reprises (Tim., 42a, Lois, X, 902 b)
que l'homme est le plus θεοσεβής des êtres vivants. Cf. Protag., 322 a. Sur la piété
particulière du législateur : Lois, IV, 717 b.
(55) En refusant de recourir à la supplication devant ses juges, lesquels ont
fait serment de juger selon les lois, Socrate donne un témoignage de piété
(εύσεβεΓν) ; inciter au parjure serait montrer qu'on ne croit pas aux dieux : ΛροΙ.,
35c-d.
LE SACRÉ CHEZ PLATON 21
familles de mots tend à s'estomper. Elles ne sont certes pas
interchangeables à tout coup56, mais on observe certaines
alternances qui ne sont guère passibles d'une explication
sémantique, particulièrement dans VEuthyphronbl'.
On remarquera également que l'usage juridique a consacré
l'usage du mot ασέβεια de préférence à άνοσιότης. Platon lui-
même s'y conforme, et c'est le lieu de rappeler l'importance qu'il
accorde, au Xe livre des Lois, à la législation sur l'impiété. C'est
une pièce maîtresse de l'édifice, et l'on sait la place qu'y occupe
notamment l'idée d'orthodoxie, d'opinion droite au sujet des
dieux. Le livre XII ira plus loin en affirmant qu'il ne peut
exister de piété solide (βεβαίως θεοσεβής) si l'on ne reconnaît la
primauté de l'âme et son immortalité58. L'adhésion à une
doctrine philosophique apparaît désormais comme une
condition prioritaire de la piété.
Mis à part deux passages où σεμνός apparaît couplé avec
άγιος59, les mots de ce groupe n'ont pas de rapport direct avec le
sacré. On a remarqué, d'autre part, que l'adjectif était souvent
utilisé en mauvaise part dans les Dialogues pour signifier une
attitude hautaine, une manière de se donner des airs
d'importance60. L'observation vaut aussi pour σεμνότης et σεμνύνειν.
Quand on sait que, suivant un usage bien attesté encore à
l'époque classique, σεμνός peut être une épithète de majesté
s'appliquant à des êtres divins61, pareille évolution sémantique
ne laisse pas de surprendre.
(62) Euripide, Hipp., 1080; sur le double sens de σεμνός dans cette pièce,
voir les vers 61, 93, 99, 105, 1064, 1364 et mon commentaire, op. cit., p. 158-159.
(63) Outre les emplois qui vont être cités, les mots de la famille de σεμνός
apparaissent encore dans les passages suivants relevant du même contexte :
Phèdre, 243a, 244 d, 257 d, 258a, 272 d. Le mot σεμνύνειν est parfois utilisé à
propos de Socrate et des sages qui s'exaltent eux-mêmes en exaltant leur
dieu = intellect : Phil., 28b-c. Emplois non péjoratifs de σεμνός pour signifier
l'importance, le sérieux d'une chose : Hipp, maj., 288 d; Gorg., 502b; Théét.,
150 a, 203 e, etc. L'être qui est en soi et pour soi est dit σεμνότατον πεφυκός; cf.
Soph., 249a.
(64) Phèdre, 228 b-c, 234 c-d.
(65) Ménex., 235 b.
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(66) Prol., 277 c (τα ιερά σοφιστικά); Cratyle, 397a (sophistes mis sur le même
pied que purificateurs et prêtres); Soph., 235a (magicien); Polit., 291c
(magicien); Rép., X, 598 d (magicien).
(67) Hipp, min., 363 d et 364 a qui insiste sur le τό ιερόν. Exhiber sa σοφία dans
un sanctuaire — alors que seule la divinité est sage — , mettre à ce point son
espoir (ευελπις) en elle, c'est un peu se prendre pour un dieu ; aussi Socrate
attribue-t-il ironiquement à Hippias la qualité de μακάριος, de «bienheureux».
(68) Protag., 315 a-b.
(69) Théétète, 168d.
(70) Protag., 328 c (ιερόν). Cf. Euthyd., 302 c
(71) Protag., 322a, 323e, 325 d, 329c sq.
(72) "Αγιος (7), ευαγής (3), άγιστεύειν (1), καθαγίζειν (1), αγνός (7), άγνεία (2),
άγνεύειν (2), soit 7 mots totalisant 23 occurrences. La famille est représentée
dans 9 dialogues et on compte 14 occurrences rien que dans les Lois; άγιος est
présent dans le Criton (1), le Sophiste (1), le Critias (1) et les Lois (4), tandis
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qu'âyvoç est attesté dans le Ménon (1), le Cratyle (1), la République (1), le
Phèdre (1) et les Lois (3). Le substantif άγος ne se rencontre donc pas dans les
Dialogues.
(73) Je me borne à reprendre ici les conclusions d'une étude récente : "ΑΓΙΟΣ
chez Platon, dans Stemmata. Mélanges J. Labarbe, Supplément à L'Antiquité
Classique, Liège-Louvain-la-Neuve, 1987, p. 135-152.
(74) Criton, 51 a; Lois, X, 884a 8 (voir note 10); Critias, 116c : le sanctuaire
de Poséidon, qualifié d'aytov et d'aêaxov, incarne le lieu sacro-saint de
l'Atlantide.
(75) Criton, 51a (la patrie personnifiée); Soph., 249a l'Être universel
inaccessible); Critias, 116c (mythe de l'Atlantide); Lois, 904e et 905b (les lieux
opposés de la destinée des âmes); cf. Lois, V, 729e (συμβόλαια άγιώτατα). Le
passage où άγιος qualifie un lieu horrible et sinistre, l'Hadès, est celui des Lois,
905 b, si toutefois l'on accepte la leçon des manuscrits, ainsi que je le propose à
rencontre de la plupart des éditeurs (art. cit., p. 145-149). — Voici les emplois
des autres mots appartenant au même groupe. Ευαγής : Tim., 58 d (qualifie
l'éther); Lois, XII, 952a (législation), XII, 956a (offrande). Καθαγίζειν : Critias,
καθ'
120 aιερούς
(concerne
νόμους :leLois,
sacrifice
VI, 759
solennel
d (s'agissant
des Atlantes).
d'un prêtre).
Άγιστεύειν περί τα θεία
LE SACRÉ CHEZ PLATON 25
(76) Lois, VI, 759c; et exempts de fautes εις τα θεϊα, lui et ses parents. Cf.
X. 909 e (άγνεΐαι des prêtres) ; XI, 917 b (καθαρότης τε και άγνεία τα περί τους θεούς).
(77) Lois, VI, 782c.
(78) Lois, VIII, 840 d.
(79) Lois, VIII, 837c.
(80) Rép., V, 479a (Hésiode); Cratyle, 398 a-c (Hésiode); Ménon, 81c
(Pindare).
26 ANDRÉ MOTTE
(81) Les extraits que rassemble ce paragraphe sont puisés dans Phèdre, 249 e-
251 a; voir aussi 247 c-e, 248b, 252 d-e, 253a.
(82) Phèdre, 254 b-c et 255a. Sur le vocabulaire des mystères chez Platon,
voir l'ouvrage récent de Chr. Rif.dweg, Mysterienterminologie bei Platon, Philon
und Klemens von Alexandrien, Berlin, de Gruyter, 1987.
LE SACRÉ CHEZ PLATON 27
qu'exprime aussi l'image du socle ; mais la présence de
σωφροσύνη de même que le contexte amoureux indiquent à
suffisance que le mot conserve bien ici une valeur particulière
qui lui est habituelle : il dit une pureté transcendante en
référence à l'ambiguïté de la condition humaine.
Saturé de vocabulaire religieux, ce court extrait d'un mythe
platonicien fait apparaître quantité d'autres mots qui
contribuent aussi à exprimer le sacré et dont plusieurs mériteraient à
leur tour une étude : θέμις, μακάριος, καθαρός, φρίσσειν, δείδειν,
αισχύνη, etc.83. La présente enquête ne pouvait donc prétendre
qu'à de premières ébauches. Du moins permet-elle déjà de
mettre en évidence l'extrême richesse du lexique et du thème
ainsi que l'effort vigoureux entrepris par Platon pour sacraliser
et spiritualiser la vision de l'homme, de la cité et de l'univers.
Université de Liège. A. Motte.
(83) J'omets de mentionner θάμβος car c'est ici l'unique emploi du mot dans
les Dialogues. Bien d'autres termes encore peuvent concourir, chez Platon, à
l'expression du sacré : la famille d'aîSoïoç, de θαυμαστός, de μιαρός, de δεινός, etc.
La notion de divin a déjà fait quant à elle l'objet d'enquêtes minutieuses,
notamment : J. van Camp et P. Canart, Le sens du mol θειος chez Plalon,
Louvain, 1956. Sur la notion du démonique : A. Motte, La catégorie
platonic en e du dëmonique, dans J. Ries et II. Limet (éd.), Anges et démons. Actes du
colloque de Liège et Louvain-la-Neuve (nov. 1987), Louvain-la-Neuve, Centre
d'histoire des religions, coll. «Homo religiosus», vol. 14, 1988, p.