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L'articulation des thèmes du « Phèdre »

Author(s): Geneviève Rodis-Lewis


Source: Revue Philosophique de la France et de l'Étranger, T. 165, No. 1, PLATON
(JANVIER-MARS 1975), pp. 3-34
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41091675
Accessed: 14-09-2016 19:26 UTC

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L'articulation des thèmes
du « Phèdre »

« De tonalités variées et harmonieux dans son ensemble » peut


s'appliquer au Phèdre1 ? La diversité caractérise aussi ses comme
tateurs, mais l'accord est loin de se faire sur la composition, ad
rable ou exécrable2, comme sur les intentions des éléments du
dialogue : le premier discours de Socrate est-il une caricature sans
portée, ou traduit-il déjà une inspiration positive ? L'enthousiasme
poétique qui anime ensuite le déploiement du mythe a-t-il, ou non,
valeur philosophique ? L'amour pédérastique est-il accusé, excusé
ou sublimé ? Est-il l'essentiel du propos, ou seulement le sujet des
discours dont la forme rhétorique ferait alors l'unité de la réflexion

1. 277 c : IIoixiXouç... xai 7iavapfJLOviouç, appliqué au Phèdre par E. Bourguet,


Sur la composition du Phèdre, Revue de métaphysique et de morale (= R.M.M.),
1919 (26), p. 345. Pour simplifier nous latiniserons la graphie des termes grecs,
sauf pour les citations. Les références simples aux dialogues de Platon seront
insérées dans le texte, sans rappel du titre quand il s'agit du Phèdre.
2. On cite souvent le schlechte Komposition de H. Raed er, Piatons philo-
sophische Entwickelung, Leipzig, 1905, p. 267, sans relever que l'auteur discute
ceux qui en font un argument en faveur de l'inexpérience de la jeunesse, alors
que lui-même considère le Phèdre comme plus tardif. Mais comme il admet que
le dialogue ne répond pas à l'idéal d'un tout organique, cela devient une marque
de vieillesse ! (L. Robin, notice éd. Budé, p. xxvi). P. Shorey, What Platon
said, Chicago, 1933, p. 198, parle de gothic art, aux motifs disparates. En faveur
de l'unité, Bourguet, art. cit. R.M.M., 1919, pp. 335-351 ; W. C. Helmbold
et W. B. Holther, The unity of Phaedrus, University of California Classical
Philology, 1952 (14), pp. 387-417 (point de vue purement littéraire, p. 409) ;
G. E. Mueller, Unity of Phaedrus, The classical Bulletin (Saint-Louis Univer-
sity), 1957 (33), pp. 50-53 et 63-65. Wilamowitz-Moellendorff parle d'oeuvre
admirable (Platon, Berlin, 2e éd. 1920, t. I, p. 487), après avoir reconnu que la
multiplicité des thèmes éveille d'abord une impression de « disharmonie »
(p. 460), mais il y a complémentarité entre les exigences logiques du vrai et
l'enthousiasme du véritable amour (ibid.). Parmi les études en faveur de
l'harmonie, nous n'avons pu trouver l'article de A. Tumarkin, Ilsburgs Neue
Jahrbücher, 1925 (1), pp. 17-31 (mentionnée par Helmbold et Holther,
art. cit., p. 412, n. 12) et l'ouvrage de Z. Diesendruck, Stuktur und Charakter
des platonischen Phaidros, Vienne et Leipzig, 1927 (c. r. par L. Robin, dans
Revue des études grecques (= R.E.G.), 1932 (45), pp. 115-116, et plusieurs men-
tions dans sa notice de l'éd. Budé).

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4 REVUE PHILOSOPHIQUE

critique1 ? Et si Platon condamne le style


de l'éloge final d'Isocrate va de l'approbation sans réserve à la
raillerie cinglante2. Sur le sens de l'appel à la méthode d'Hippocrate,
les discussions se multiplient non moins, au point que les tentatives
pour préciser la référence au Corpus hippocratique s'arrêtent à des
traités différents. Et l'allusion connexe à Périclès et à la « météo-
rologie » d'Anaxagore complique encore le débat. Le Phèdre accumu-
lerait-il les « énigmes »3 pour le seul divertissement du lecteur ?
Enfin, ce dialogue étant « écrit », serait-il, selon Platon lui-même,
incapable de répondre à nos questions après la disparition de son
auteur ? Avec le thème de l'écriture, drogue ou poison4, el in cauda
venenum, ne voilà-t-il pas, plutôt qu'un organisme bien consti-
tué (264 c), un étrange monstre avec plusieurs têtes et une queue
double ?

1. Pour R. Hamel, Analyse critique du Phèdre de Platon, Mémoires de


V Académie des Sciences de Toulouse, 1859, pp. 4-5, le sujet est la rhétorique,
les trois discours servant d'exemples. Cf. H. Bonitz, Platonische Studien, 1886,
pp. 276-280, suivant Schleiermacher : la rhétorique est l'idée principale (p. 277),
mais en tant qu'elle repose sur la philosophie (pp. 278, 286). Helmbold et
Holther, art. cit. supra, p. 390, insistent sur la double relation thématique :
discours sur l'amour, amour du discours. Pour L. Stefanini, Piatone, 2e éd.
Padoue, 1949, t. II, p. 68, la profonde unité du Phèdre vient de l'Eros, géné-
rateur de discours vivants. Cf. Y. Brès, La psychologie de Platon, Paris, 1968,
p. 251 : « L'utilisation la plus authentique de l'amour est le Xoyoç » ; et pp. 252-253.
2. Après Schleiermacher, Wilamowitz, Platon, t. II, p. 122, y voit un grand
éloge sans trace d'ironie ; Gomperz, un « cartel » offrant à Isocrate une colla-
boration (Isokrat u. die Sokratik, Wienerstudien, 1906 (28), pp. 1-42, ici p. 38).
Pour une raillerie (Spott), Raeder, op. cit., p. 276, n. 1, et 277 citant Pflei-
derer, Sokrat u. Plato, p. 287, parlant de dérision (Hohn). L. Robin, La
théorie platonicienne de Vamour, Paris, 1905, p. 105 : « persiflage cinglant » ;
et notice éd. Budé, p. clxxiii. V. R. L. Klee, Théorie et pratique dans la
cité platonicienne, Revue d'Histoire de la Philosophie, 1930, pp. 351-352, considère
comme des éloges (à l'inverse des précédents dialogues : Gorgias, Phédon,
Euthydème) les références du Phèdre à Périclès, Anaxagore et Isocrate. R. Flace-
lière, L'éloge d'Isocrate à la fin du Phèdre, R.E.G., 1934 (47), pp. 224-232,
nuance : « au lieu de tout condamner » (comme dans YEulhydème), « il lui
reconnaît une eminente supériorité sur ses rivaux » (p. 232, sans préciser).
Depuis Thompson (Appendice II de son édition du Phèdre, que nous n'avons
pu avoir), on a multiplié les parallèles entre certains passages du Phèdre et
d'Isocrate. Nous n'avons cherché et retenu que ceux qui apportent des éléments
d'interprétation. Pour les discussions sur Hippocrate, cf. infra, ad loc.
3. A propos de l'adresse à Isocrate, Gomperz parle des Phaidrosrätsel (art. cit.,
p. 38). Rätsel se trouve aussi chez H. Gundert, à propos du lien entre poésie
et philosophie, Enthusiasmos und Logos bei Piato, Lexis, 1945 (2), pp. 25-46,
ici p. 35. Sans généraliser, comme Schleiermacher disant que Platon parle
par énigmes pour exercer la sagacité du lecteur (critiqué par Raeder, op. cit.,
p. 255), il semble bien que le Phèdre invite à lire entre les lignes...
4. L'ambiguïté du pharmakon (230 d, 274 e), remède, drogue, ou poison
est développée par J. Derrida, qui rapproche ce thème du nom de la nymphe
Pharmakeia (229 c) : La pharmacie de Platon, Tel Quel, 1968 (32-33) ; repris
dans La dissémination, Paris, 1972, pp. 69-197, surtout 78-80 et 108-118.

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 5

Le Phèdre se présente bien comme un « jeu », à l


qu'écrit1, et dans sa partie centrale, l'hymne « jo
hommage à l'Amour. Et il évoque un jeu de sociét
nom d'un héros homérique un personnage contem
thème du jeu se retrouve sous ces masques, dans
Gorgias3, à laquelle Platon emprunte certains vêtem
pour mieux faire ressortir, par opposition, le « série
Car la discussion avec les rhéteurs, qui tisse la tram
n'a pas pour simple prétexte les développements
l'âme et la beauté ; et il ne suffît pas même de nou
deux thèmes dominants en faisant de l'amour le « p
discours » (Banquet, 210 a), pour justifier l'entrelacement des
thèmes annexes : médecine, écriture ou délire... Gomme dans une
symphonie, ils apparaissent dès l'ouverture5, sur fond ostinato de

1. 276 b, 276 d-e, 111 e , et la conclusion, 278 b, s'appliquant à l'ensemble


du Phèdre.
2. 261 b-c : Gorgias serait Nestor, le plus « sage » des Grecs ; Ulysse le Rusé
désignerait Thrasymaque (cf. 267 c : « le colosse de Chalcédoine », habile à
retourner les foules) ou Théodore (le Byzantin, 266 e). Palamède d'Elèe (261 d)
correspond bien à l'Eléate Zenon, inventeur d'une dialectique négatrice (qui
a inspiré aussi Gorgias, auteur d'une Défense de Palamède, évoquant l'opposition
sagesse-folie : § 25, dans J.-P. Dumont, Les sophistes. Fragments et témoignages,
Paris, 1969, p. 98). M. J. Milne, A Study in Alcidamas, 1924, pp. 17-18, voit
Alcidamas sous Palamède (il a écrit la réplique d'Ulysse à Palamède). Sans
trop s'arrêter aux attributions incidemment proposées par Phèdre, il suffit
de noter que ce jeu comporte des ambiguïtés et des rebondissements. Il se
trouve aussi dans Le Banquet, 221 c.
3. Paignion clôt VEloge d'Hélène par Gorgias (Dumont, Sophistes, p. 90 ;
grec, éd. M. Untersteiner, Sofisti. Testimonianze e Frammenti, t. Il, Florence,
1961, p. 112). W. Süss, Ethos. Studien zur alleren griechischen Rhetorik, Leipzig,
1910, p. 55, dit que c'est un terme « programmatique » chez Gorgias, et rappelle
que Thrasymaque avait aussi écrit des Paignia. Confrontant, pp. 34-37, les
passages parallèles du Phèdre, d'AixiDAMAs, Sur les Sophistes (sous-titre :
« Sur ceux qui écrivent des discours écrits » ; texte grec pp. 193-205, à la fin
de l'éd. Teubner, par F. Blass, d'ANTiPHON, Orationes et fragmenta, Leipzig,
1881), et d'IsocRATE, Contre les Sophistes, il relève la conclusion d' Alcidamas :
« écrire en jeu » (paidia), et commente chez Isocrate l'antithèse courante entre
jeu et sérieux, Eloge d'Hélène, § 11.
4. 261 b (en liaison avec la présentation de la « psychagogie ») ; 278 a, dans
la conclusion, par opposition avec le jeu stérile des « jardins d'Adonis » : sur
ce rite, opposé aux Thesmophories de Demeter, cf. M. Détienne, Les jardins
d'Adonis, Paris, 1972, p. 200, tableau reposant sur le couple Jeu-Sérieux.
Bientôt Platon associera dans le Parménide, 137 b, « jeu » et « laborieux »,
et les Lois, III, 769 a, rapprocheront « jeu » et « sérieux » (spoudê), surmontant
ainsi l'antithèse courante.
5. Bourguet, art. cit., p. 347, souligne « l'unité d'une symphonie », chaque
partie ayant « son caractère propre », avec « des variations », contribuant «
le groupement et la valeur réciproque des effets que les morceaux successif
produisent, à l'effet convergent de l'ensemble » ; et p. 346 sur le « motif »
divinités locales, annonçant « le ton... dans lequel la symphonie sera écrite »
P. Friedländer, Platon, t. III, Berlin, 2e éd., 1960, p. 201, parle de « théma-

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6 REVUE PHILOSOPHIQUE

l'incessant crissement des cigales (230 c),


philosophe aux Muses, en un désintéresse
négliger boire et manger (259 c). Cette
consonne avec l'évocation des enthousiasm
(258 e - 259 e). Libérés des « soucis » qui a
Socrate et Phèdre s'adonnent à la plus ha
lequel Pindare appelle à surmonter Yasc
avec ses deux protagonistes, le dialogu
sur l'herbe (229 b, 230 c, e), il suit la l
domine du zénith en son point culmin
sont à l'ombre, près du frais filet d'eau d
une brise légère (229 b) anime le site : ja
géré le sentiment d'une nature vivante,
ambiance poétique et religieuse remplace
teurs de Socrate, qui contrôlent son a
Ici le dialogue est à l'état pur, mais à l'en
et précises de l'interrogation socratique,
discours suivis, de plus en plus longs. D'e
de chez Lysias, clame son enthousiasme po
et qui était déjà écrit3. Dès l'aube il s'est
ce discours (228 b), et le contrepoison
médecin hygiéniste, partisan des pro
campagne4 : le parallèle entre médecin

tique à plusieurs voix » : rhétorique, âme, amo


premiers thèmes coïncident avec les divers sous-
le quatrième, « De la beauté », est retenu par
1. Isthmiques, I, 2, cité 227 b.
2. 230 b-c : la source coulant sous le platane est consacrée aux nymphes et
à Achelôus (père des Sirènes) par des statuettes votives. On a aussi découvert,
sur la rive gauche de l'Ilissos, « un relief de Pan » (ce qui localiserait la prière
finale), « au-dessous de l'emplacement où jaillissait sur la rive droite la source
Gallirhoe » (« source de beauté ») : Robin, Notice éd. Budé, p. xn. Sur les rappels
réitérés du caractère divin du lieu (230 b-c, 236 e, 238 c-d, 241 e, 242 a-b, 259 a,
262 c?, 263 d, 278 b, 279 b-c), A. Motte, Le pré sacré de Pan et des nymphes
dans le Phèdre de Platon, L'Antiquité classique, 1963 (32), pp. 460-476, ici
p. 465. K. Leurs, Populäre Aufsätze aus dem Altherlhiim , 1875, voit dans
« les nymphes » (pp. 109-140) « l'expression plastique et religieuse d'un sentiment
inné de la nature » (p. 111).
3. 227 c : réypacps, premier mot de la présentation ; 228 a, Lysias est le
plus « terrible » (avec le sens que lui donnent aujourd'hui les jeunes) des écri-
vains actuels ; 228 a-b et d, sur la « répétition » du discours pour l'apprendre
par cœur, thèmes qui se retrouveront dans le développement sur les dangers
de l'écrit, 275 a et d.
4. Acoumène, nommé au début (227 a), est père d'Erixymaque (268 a),
un des participants du Banquet. La marche, selon « la méthode d'Herodicos »
évoquée en 227 d, vise sans doute le médecin de Selymbrie, dont il est question
dans la République (III, 406a), et non Herodicos, frère de Gorgias [Gor g.,
448 b), également médecin.

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 7

Gorgias, un lieu commun1, depuis le Gorgias, une


approfondir. La réflexion nouvelle s'instituera par
autre lieu commun, rebattu dans la joute littéraire d
le même Phèdre excitait les discours sur l'amour : celui-ci est-il
une maladie ou un bienfait ? En situant les débats dans la fragrance
d'un gattilier, l'auteur marque ces développements erotiques d'un
symbole de chasteté2. Quant à l'ombre du grand platane qui domine
tout le dialogue, figurerait-elle le patronage de Platon3 ? Car bien
peu socratique4 est ce passionné des grands discours, que le Prota-
goras (336 b) présentait comme hostile aux longs développements.
Socrate est ici loin de la cité et de ses habitants5 : hors de chez soi, il

1. Eloge d'Hélène, § 14, trad, partielle de Diès, Autour de Platon, t. II,


p. 415 (cf. t. I, p. 122). La traduction complète est dans Dumont, Sophistes,
p. 88 ; texte grec et trad, italienne, Untersteiner, Sofisti, pp. 106-107. Le
thème du pharmakon, drogue ou remède, déjà au cœur de ce texte, marque
l'ambiguïté de la rhétorique.
2. F. Daumas, Sous le signe du gattilier en fleurs, R.E. G., 1961 (74), pp. 61-68,
rapproche, p. 66, le nom ¿cyvoç du gattilier (appelé signiflcativement en latin
agnus castus, en français poivre de moine) et le terme, rare chez Platon, àyvóç,
qualifiant en 254 b le pur piédestal de la Beauté. (Ajoutons qu'un important
développement des Lois contre l'homosexualité (VIII, 835 d - 837 d), appelle
à un amour plus contemplatif qu'erotique (op&v Se jjlôcXXov y) èpcov) pour vivre
toujours chaste avec un aimé chaste : ayveoeiv áel [xeÔ'àyvsuovToç, 837 c.) Daumas
rappelle que le gattilier était utilisé dans les Thesmophories. (Sur l'opposition
de ces mystères à ceux d'Adonis, voués à la stérilité (Phèdre, 276 b-d), Détienne,
Les jardins d'Adonis, tableau, p. 184.) A. Motte, art. cit., Ant. class., 1963,
p. 469-470, rappelant que les nymphes et Pan « participent aux signes multiples
de la fertilité et de la fécondité », voit dans le gattilier « une plante symbolique
de la virginité, mais aussi de la fécondité ». Pour Platon, la chasteté est condition
d'une plus haute paternité.
S. Vói) b et '¿36 d-e : Phèdre atteste le platane que si socrate ne lui obéit
pas (en rivalisant avec Lysias), il ne lui donnera plus aucun discours ni de
lui-même, ni d'autrui : ainsi le platane devient en quelque sorte « l'auteur »,
celui qui donne autorité aux divers discours dont Phèdre est l'incitateur.
Pline l'Ancien (Histoire naturelles, XII, § 3) dit que les premiers platanes
célèbres furent ceux de l'Académie. Platane (aux larges feuilles : nous avons
conservé le nom grec) et Platon (au large front) ont la même etymologic
L'Epithalame d'Hélène de Théocrite parle d'un « platane ombreux » comme
« l'arbre d'Hélène » : bien que datant du siècle suivant, il peut être l'écho d'un
« ancien rite » (P. -M. Schuhl, Essai sur la formation de la pensée grecque, Paris,
1934, p. 130) : il annoncerait alors le thème d'Hélène, qui associe amour, beauté,
la palinodie de Stésichore (243 a-b) et ses éloges par Gorgias et Isocrate.
4. Wilamowitz-Moellendorff, Platon, t. I, p. 475, dit que le rappel des
détails du site explique ce qui fait parler Socrate so unsokratisch.
5. 230 d : il ne s instruit pas auprès des arbres, mais des hommes de la
cité. Tout en suggérant que le Socrate du Phèdre doit beaucoup à Platon, celui-ci
accentue quelques traits du Socrate historique : habitude d'être nu-pieds
(229 a), ici « drogué » (par l'attrait du discours) pour s'écarter de la cité, mais
cette « maladie » (228 b) caractérise plutôt Phèdre, chez qui elle confine au
délire (ibid.), ce qui prépare la reprise de ces deux thèmes, en liaison avec ceux
de la médecine et de la philosophie... Puis 229 e, l'inscription delphique, 235 c,
l'ignorance (amathia, en opposition avec l'inspiration qui va l'emporter).

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8 REVUE PHILOSOPHIQUE

sera bientôt hors de soi. Même le rap


« Connais-toi toi-même » (229 e) ne r
conscience des limites de l'homme, dans
la question : suis-je un monstre comp
« un animal plus apprivoisé et plus sim
à quelque destinée divine, et sans org
le mythe central : indompté, le cheval
à la démesure ; mais l'unification domin
lect qui rend l'homme au divin. Cepe
interprétations rationalistes3 de ces fab
d'Orithye par Borée : les sophoi, sophis
disent que la nymphe, violemment pou
boréal, aurait été projetée en bas des ro
blème du mythe ; contre l'incrédulité
élève vers l'invisible, l'image renvoyan
Orithye, « celle qui vagabonde en ex
s'est-elle laissée enlever par un « souffle »
(toujours pneumá) qui opère l'enthous
1. J.-P. Vernant, Introduction à M. Détienne, Les jardins d'Adonis,
pp. XL-XLI, marque l'opposition entre l'idéal platonicien : rendre, le plus possible,
l'homme semblable à Dieu, et le sens du précepte delphique : reconnais tes
limites, sache que tu n'es pas un dieu. La sagesse tout « humaine » de Socrate
{Apologie, 20 d) y est sûrement plus fidèle.
2. 230 a : Typhon, souffle fumant, s'aveugle lui-même. Atyphos, deux
lignes plus bas, signifie : « sans orgueil ». Pour les autres monstres nommés
en 229 d, les Hippocentaures, figurés aux métopes du Parthenon et au fronton
d'Olympie, symbolisent traditionnellement cette part indomptée, Vhybris,
vaincue par le divin. La Chimère représente dans La République (IX, 588 c)
la nature complexe de l'âme. Pégase, cheval ailé comme ceux qui emportent
le char de l'âme dans le mythe central, évoque d'abord l'élan inspiré du poète.
Enfin, la Gorgone et sa stupéfiante fascination, joue avec le nom de Gorgias
et les effets de la rhétorique (cf. Banquet, 198 c).
3. Schuhl, Essai form., p. 147 : les interprétations allégoristes développées
dès le vie siècle (p. 147) ont trouvé un renouveau à la fin du ve, en regard du
courant mystique centré sur la philosophie de l'âme (pp. 353 et 374) ; cf. la
conclusion, p. 380 : « Seule l'intuition préparée par la dialectique peut permettre
d'atteindre la racine commune de la pensée mystique et de la pensée ration-
nelle. » J. Tate, Piato and the allegorical interpretation, Classical Quarterly,
1929-1930 (23-24), pp. 142-154 et 1-10 : les sophistes ont développé l'inter-
prétation allégorique de la mythologie des poètes (p. 143). Le mythe accepté
par Socrate en 229 c, après la condamnation des poètes dans La République,
serait un trait d' « humour socratique » (p. 152)... Que dire alors du grand mythe
central où va s'épanouir l'inspiration platonicienne ?
4. Traduction de G. Kerenyi, La mythologie des Orees, h'ans, iyt>z, p. ¿u¿.
(Il traduit le nom de sa compagne, Pharmakeia, par « la magicienne ».) Orithye
vient de Orei, « sur la montagne », et Thuias, « inspirée par un délire bacchique »,
deux thèmes que le Phèdre va étroitement associer, l'inspiration conditionnant
l'ascension jusqu'au plus haut sommet.
5. Fragment 18 de Démocrite, cite par a. jjelatte, Les conceptions ae
V enthousiasme chez les philosophes présocratiques, Paris, 1935, p. 33 : le p

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 9

« partout où le logos nous portera comme un souffle


inspiré précède et soutient la réflexion dialectique.
mortelle a fait place à l'envol vers une vie plus haute
ment qui commande la destinée de l'âme...
Mais, pour commencer, le logos, discours de Lysia
dans le rouleau que Phèdre agite comme un appât
attirer Socrate jusqu'au lieu divin où va se dérouler
à ce premier texte, à jamais fixé, en sa raisonnable b
seront les deux discours improvisés par Socrate, sou
« nympholepsie »2. Le discours attribué à Lysias3 cis
enfilés comme des perles interchangeables (264 d-e).
partie du Phèdre, Platon utilisera la répétition de so
un effet comique (262 e, 263 e - 264 a). L'auteur n'e
se défendre, et l'affectation de la forme devient carcan. Sensible
d'abord à ces joliesses, Phèdre a été surtout séduit par le paradoxe
du fond4, qui renverse le thème usé des avantages offerts à l'ado-
lescent par la fréquentation d'un amant épris et généreux. Le jeune
homme est ici invité à préférer au passionné celui qui ne « l'aime pas »
(227 c). Ce résumé suggère déjà que ce dernier, plaidant pour lui-
même, espère ainsi obtenir ce qu'on accorde généralement à un
« eraste »5, sans vivre un véritable amour. Le beau nom de philia6, et
la promesse traditionnelle d'une amélioration par cette liaison
(233 a, b-c) se réduisent en fait à des avantages matériels et sociaux :
parce que l'aîné est parfaitement maître de lui (232 a, 233 c),
l'adolescent est à l'abri des revirements jaloux ou rassasiés (232 d-e),

écrit (xsT* èv0ouaia(7[jLou xal íepou 7rveú[xaxoç, sans doute le plus ancien emploi
du terme « enthousiasme ».
1. République, III, 394 d. Chambry, éd. Budé, traduit « le souffle de la raiso
Mais celle-ci s'enracine dans l'élan inspiré. La dialectique n'apparaissant p
expressément dans les thèmes du prologue, nous disions : « peut-être est-e
la clé qui permet à tous ces motifs de consonner » (La fonction de la dialec
et la composition du Phèdre, première esquisse de la présente réflexion, da
La dialectique, actes du XIVe Congrès des Sociétés de Philosophie de lan
française, Paris, 1969, pp. 48-52, ici p. 49).
2. 238 d : le terme caractérisait un lunatique léger (Kerenyi, Mythologie
des Grecs, p. 179). Au début, Socrate l'emploie sans doute avec ironie.
3. Si pastiche il y a, il est si bien fait que des spécialistes de Lysias ont
inscrit ce « discours erotique » parmi ses œuvres ! Compter les points pour ou
contre l'authenticité serait vain. Dirions-nous que ce texte semble « trop beau
pour être vrai »...
4. Isocrate proteste contre l'abus du paradoxe chez les orateurs, Eloge
d'Hélène, § 1-4.
5. 227 c : il l'induit en tentation ; 231 b : son ardeur vise à passer à l'acte ;
234 b : le « mal » de telle pratique est connu ou reste secret.
6. 231 e, 232 b, 233 a : cette « amitié » désigne en grec une affection chaleu-
reuse, et vite équivoque, philêma ou philein visant le baiser (255 e, 256 a).

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10 REVUE PHILOSOPHIQUE

et surtout, de la publicité exaltée que l'amo


Un trait plus original présente l'amoure
(écho d'Erôs, fils de Penia dans le Banquet
sa pauvreté : si sa reconnaissance est fonc
peut offrir à son bienfaiteur que des vœu
En regard, l'homme de sens rassis multipl
vieillissant, tu auras part à ses biens (23
à tous deux » (234 c) reste, Phèdre l'avouera, b
la bassesse des considérations répond à l
vulgaire, sans la moindre inspiration. Socra
Alors invité par Phèdre à rivaliser avec
pour cacher sa honte2, démasque en fait au
ger du rhéteur : nul ne poursuit un gar
éprouver pour lui un désir erotique. Si
jeu (237 ò), et ses attaques contre le pas
se retourneront finalement contre un amour malade. Ainsi ce
premier discours de Socrate s'articule avec le précédent, en le
complétant négativement : à l'éloge de qui n'aime pas, succède
l'accusation de l'amoureux malsain. A cet égard, il sera, comme son
modèle, traité plus tard d'ineptie de bas étage (243 c-d, 242 d, e).
Mais en même temps, nœud d'une composition subtile, il apporte
à la palinodie qui suivra une série d'éléments positifs. Socrate, dont
le ton familier contraste avec l'élégant maniérisme de Lysias,
insiste sur la méthode à suivre : accord sur le point de départ, recher-
che d'une définition, classification des désirs, selon qu'ils sont soumis
à la modération ou livrés à l'irrationalité de la démesure (237 e -
238 a : alogôs et hybris), les variétés de cette dernière étant enfin
dénombrées d'après ses divers objets. Ce début prépare la réflexion
ultérieure sur les divisions et regroupements que Socrate aime
tant (266 6), ce qui relie étroitement, comme l'avait vu Aristote4,

1. 232 b, 234 b : celui qui n'aime pas ne prêtera pas aux méchants commen-
taires ; tout ce discours traduit l'hypocrisie d'une société où la pédérastie était
souvent mal vue : cf. R. Flacelière, L'amour en Grèce, Paris, 1971, pp. 77-82.
Sur la honte attachée à celui qui se laisse séduire par la richesse de son protecteur
(sans cesse avancée par Lysias), Banquet, 184 a. Platon dira plus loin que cet
amour, abandonné à la démesure, est à la fois « contre nature » (250 e - 251 a)
et « contre la loi » (254 a-b).
2. Tel un acteur, qui se dit hypocrites. Sur la « honte », 237 a, 243 b.
3. Le thème apparaît dans le discours de Lysias, "¿61 d : nosein (ci. ¿ôb a-b),
en opposition avec le bon sens et la maîtrise de soi (233 c). Cet amour devient
folie, mania, ou déraison, toujours à rencontre du bon sens, dans le discours
de Socrate, 241 a-b. Cf. 235 e : aphron.
4. Métaphysique, A, 6, 987 b, 2-4. Cette étude était presque achevée quand
nous avons eu la thèse d'Henri Joly, Le renversement platonicien. Logos,
Episleme, Polis, Paris, 1974. Sur 238 a-c, cf. p. 165 : Yhybris « présente une

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 11

le dialogue socratique orienté vers les définitions et la


proprement platonicienne. Mais le ton doctoral est
pesant qu'on peut se demander si, par la même occasion
caricaturerait pas quelque autre disciple de Socrate1. Le
est d'autant plus marqué avec les envolées qui vont s
fin de la première lecture, Socrate y opposait la leçon
poètes qui ont chanté l'amour (235 c) : participant à cett
il va sentir l'inspiration lui gonfler le cœur2. Son invoc
aux Muses pourrait certes être parodique, et la prés
discours comme un « conte »3 s'opposer au Logos signif
loppement central. Mais, de lui-même, le discours romp
à Lysias : sur une allitération poétique associant Am
i?/idmé-Vigueur4, Socrate prend conscience d'une sorte
divine qui le porte au dithyrambe. Faudrait-il donc dis
« inspiration... d'en bas »5, source de trouble et d'erreur, et

pluralité de noms, une pluralité de membres et une pluralité de form


dant « de réduire à l'unité et à l'identité la dispersion linguistique
« Le passage... sur la méthode dialectique (265 c - 266 a) ne fait que « théoré-
tiser » une pratique méthodique qui s'est appliquée avant de se réfléchir »
(cf. pp. 167-168).
1. La vulgarité du discours et la vive opposition à l'orgueil et à la volupté
ont fait penser à Antisthène (K. Joël, selon Robin, Notice éd. Budé, p. lxxiii ;
et Raeder, Piatons Philosophische Entwickelung, p. 249). Mais la classification
par espèces, et la pluralité des noms désignant les formes d'hybris conviennent
mal au contempteur du concept. La perte des œuvres pour la plupart des
« socratiques » rendant toute hypothèse très fragile, peut-on rappeler qu'Eschine,
fidèle à la manière de Socrate, était un rhéteur ennemi de Lysias ? Cependant,
son Alcibiade reprenait le lieu commun de l'amélioration par l'amour, comparé
à l'enthousiasme des Bacchantes. (Pour tous ces traits, cf. J. Humbert, Socrate
et les petits socratiques, Paris, 1967, notamment sur Antisthène, pp. 234, 245 ;
sur Eschine, 217-220, 224.)
2. 235 c : IÏXTJpeç... tò ottjOoç. Selon le résumé de Robin (R.E.G., 1932,
p. 115), Diesendruck, confrontant la tripartition de l'âme et les trois parties
du dialogue, rapporte les deux premiers discours aux appétits inférieurs, le
mythe central au thymos, et à l'intellect la discussion sur la rhétorique philo-
sophique. Pour Bourguet, ils relèvent de la conjecture vaine (Lysias) et de
l'opinion mensongère (premier discours de Socrate), tandis que Robin (Notice
éd. Budé, p. xlii) y voit un même jeu mensonger, avec (Socrate) ou sans (Lysias)
art ; le mythe s'appuie sur l'opinion vraie, et la fin du dialogue sur la réflexion
noétique : son progrès suivrait ainsi les degrés de la connaissance selon la
« ligne » de La République {R.M.M., 1919, p. 344). Mais si Lysias masque un
bas désir sous un sec raisonnement, Socrate dès son premier discours allie à
la réflexion critique l'élan du cœur.
3. 237 a, 241 e : cf. 237 b : « il était une fois... ». Le Gorgias opposait le
mythos fable (523 a) au Logos, récit signifiant, tenu pour vrai (524 a~b, 527 c).
Mais l'image de l'attelage, impossible à prendre au mot, est appelée mythos
(253 c).
4. 238 c. Le même jeu de mots figure chez Isocrate, Hélène, 8 55.
5. Robin, Notice éd. Budé, pp. xxxn-xxxiv : les « influences presque
physiques » du lieu suscitent « les égarements de la nympholepsie ». L'arrêt

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12 REVUE PHILOSOPHIQUE

siasme divin ? L'erreur ne réside pas cepen


dit, mais en ce que, vérité partielle, elle s
totale. Quand la réflexion aura situé ce dis
limitative, et néanmoins positive, il tro
semble : l'accusation de l'amour fou vaut t
Yhybris. Ce même terme qualifiera, dans
résistance du mauvais cheval aux impuls
253 e, 254 e). Les deux discours de Socrate décrivent donc deux
types de folie, la morbide et la divine1. Il est légitime de dénoncer
les dangers d'un amour esclave du plaisir, avide, jaloux, exclusif,
épuisant, accablant2. Il serait injuste d'en conclure, comme Lysias,
que seule est valable « l'amitié » avec l'homme de sens rassis, telle
qu'on l'a présentée. Après la critique contre le passionné, Phèdre
attend, pour comparer directement les deux discours, l'éloge paral-
lèle de qui n'aime pas (241 d) : mais le « démon » de Socrate l'arrête
sur cette voie impie (242 b-c). L'amour désordonné et exclusif a
été accusé de détourner de « la divine philosophie » (239 6), en même
temps que d'une amicale communauté : cette image inversée renvoie
à la réalité qui fonde indissolublement le lien divin entre amour véri-
table et philosophie. Aux yeux du vulgaire, comme du porte-parole
de Lysias, l'amoureux et le philosophe sont étranges, dans la mesure
où ils sont étrangers aux mesquines avidités et à l'apparence de
respectabilité. Il faut donc réhabiliter cette folie inspirée : c'est la
nécessaire palinodie. Comme Stésichore a recouvré la vue, Socrate
parle à visage découvert, en pleine lumière. Ce thème de l'éloge
d'Hélène, injustement accusée par les poètes aveuglés, Homère et
le premier Stésichore, non seulement associe amour et beauté, mais
renvoie aux rhéteurs qui ont ici précédé Platon : Gorgias, et proba-

du daimôn substitue « à une inspiration qui venait d'en bas... une autre, qui
vient d'en haut ». Critiqué par R. Hagkforth, éd. du Phèdre, Cambridge,
1952 ; rééd. 1972, p. 54 ; cf. p. 37 : le blasphème du premier discours de Socrate
(242 c) tient seulement en ce que le faux aspect de l'amour y est présenté
comme vrai.
1. 265 a ; ce qui correspond en 266 a à l'amour « gauche » (skaios) ou « droit »
(dexios), les deux chevaux étant dits orlhos (droit, selon la rectitude) et skolios,
dévié, en 253 d.
2. 238 e - 241 c : Thompson, dans l'Appendice I à son édition, a rapproché
ces considérations du discours de Socrate au c. 8 du Banquet de Xénophon
(cf. Robin, Notice éd. Budé, note p. lxxiv). Socrate y condamnant un « commerce
impudique », conclut « que l'amour qui prend sa source dans les qualités de
l'âme n'a jamais eu de résultats fâcheux » (§ 22, trad. F. Ollier, éd. Budé),
et reprend le thème de l'amélioration par la philia, tandis que le désir exclusif
épuise son objet (§ 25). Si l'ordre respectif du Banquet de Xénophon et de
celui de Platon est très discuté, ils doivent tous deux précéder le Phèdre.

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 13

blement Isocrate1. Lysias écrasé sous les sarcasmes


suggérait-il pas à Socrate de faire aussi bien que G
promettant d'offrir, à Delphes ou Olympie, sa statue
deur nature2. En se mettant sous le patronage de Sté
d'Euphème3, Socrate saura désormais parler ou se t
convient aux dieux. Il invoque aussi l'inspiration d
soutenir ce grand hymne (265 c) à l'amour que constit
discours ; et, ce faisant, il se rapproche, toujours cont
de Lysias, de la poursuite chez Gorgias d'une prose p
Dans cette libre improvisation, le raisonnement int
tant, dans la démonstration très technique de l'immortalité. Et
surtout, les méandres du mythe suivent une idée directrice que la
réflexion discerne après coup. Contre le procès de l'amour morbide,
et sans nier cet aspect, Socrate déclare : « II n'est pas absolument vrai
que la folie (Mania) soit un mal »5. Car le délire peut être un « don
divin » (244 a). Suivent les exemples de la prophétie delphique (qui
sera rapportée à Apollon en 265 6), des rites de purification et ini-
tiation, et de l'inspiration du poète par les Muses. De même, il

1. Seul r Eloge d'Hélène d' Isocrate, et non celui de Gorgias, évoque la


palinodie de Stésichore, au § 64, en termes proches de ceux de Platon, qui
développe un peu (bien que E. Brémond, dans la Notice de l'éd. Budé d' Isocrate,
t. I, p. 160, situe YHélène après le Phèdre, mais avant 380 : la date généralement
admise pour le Phèdre est postérieure à 370).
2. 235 d-e pour Delphes, 236 b pour Olympie, promesse d'autant plus
plaisante qu'on sait que Phèdre est pauvre, 228 a. Gorgias fut le premier à
avoir à Delphes sa statue en or massif, mais on en ignore la taille (textes dans
Dumont, Sophistes, p. 61).
3. Euphème signifie « le bien dire » (cf. à la fin du discours, 265 c, euphêmôs),
ce qui impose parfois un silence religieux. Stésichore est d'Himère : cf. Yhimeros,
désir ardent, 251 c, e, 255 c. Le vers 544 de Y Agamemnon d'EscHYLE associe
himeros et contagion amoureuse (décrite en 255 d) : « vous brûliez du désir de
qui vous désirait », trad. P. Mazon, éd. Budé. Un vase de Florence (reproduit
par Détienne, Les jardins d'Adonis, pl. II 1-2 et pp. 162-164) joint Himeros
ailé à Peithô, la Persuasion : il tient un instrument vrombissant qui produit
la même fascination que « l'oiseau du délire », tous thèmes que l'on retrouve
au centre du Phèdre. Socrate parle au nom de Stésichore (comme plus haut,
tenant Phèdre pour responsable, il dit « ton discours », 242 d), sans que cela
implique que ce second discours n'exprime pas la pensée de Platon, comme
le pense Y. Brès, La psychologie de Platon, Paris, 1968, pp. 67 (attribué à
Stésichore « ce discours ne traduit pas toute la pensée de Platon au moment
où il écrit le Phèdre », mais « comporte des analyses réellement platoniciennes »),
251-257, 350-351.
4. « Hymne » est utilisé par Gorgias pour ses Eloges (Note de F. Ollier ;
Xénophon, Apologie de Socrate, éd. Budé, p. 119). Sur l'opposition au style
de Lysias du ton dithyrambique de Gorgias, textes d'ARiSTOTE (Rhét., III, 1)
et Denys d'Halicarnasse, dans Dumont, Sophistes, pp. 68-69.
5. Diès voit dans cet éloge de la folie « l'imitation des paradoxes » à la
mode. « Mais ce paradoxe se mue... dans le plus pur platonisme », Autour de
Platon, t. II, p. 421.

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14 REVUE PHILOSOPHIQUE

existe un amour qui vient des dieux (245 ò


rapport aux trois premiers délires, il faut
en tant qu'immortelle (245 c - 246 a) : t
chose de divin. Seulement, la complexité de
« image »* aide à décrire l'élan amoureux e
de l'attelage ailé illustre à la fois la chu
ressouvenir de la Beauté parfaite, qui anim
reflets sensibles. Alors, conclut Platon (
forme du délire divin est la meilleure de t
pour l'aimé comme pour l'amant.
Que ces délires ne soient pas d'égale va
les aperçus eschatologiques du mythe, class
de vie : mantique et télestique n'arriven
(alors que gymnastique et médecine, qui
corps, sont au quatrième), et la poésie a
d'imitation, peinture et sculpture. Il ne
travaux manuels, si peu estimés des Grecs,
tables : sophistes et démagogues, juste ava
au tyran (248 d-e). Platon n'abandonne don
des purs ritualismes, comme de ce qui n
réalité2. La meilleure des vies, avant la ro

1. 246 a. Cf. Rép.y VII, 517 a, appelant eikôn le mythe de la caverne.


A. Delatte, Etudes sur la littérature pythagoricienne, Paris, 1915, pp. 73-74,
présente divers rapprochements, dont des anneaux étrusques (dérivés de
modèles grecs) avec un attelage funéraire à deux chevaux ailés. Ce thème est
assez fréquent : frise étrusque, Antiquarium de Rome (reprod. dans A. Gaudio,
Les Etrusques, Paris, 1969, pl. après p. 32) ; quadrige ailé du pinax de Locres,
Reggio de Calabre (n° 376, p. 393, de J. Bousquet (...), Vari grec, Paris, 1972).
Dans les tombes lucaniennes récemment découvertes, une peinture (déposée
au musée de Paestum) figure un bige conduit par une déesse ailée. Nous n'avons
pas trouvé à la fois cocher et chevaux ailés. En 246 e, le char même de Zeus
est ailé, ce qui convient mal à la figuration. Mais ces éléments ne doivent pas
être « matérialisés », l'âme spirituelle ne se scindant pas proprement en parties,
même lorsqu'elle se divise contre elle-même.
2. Les deux impiétés, mythologie mensongère, rites de réparation purement
formels, sont critiquées, Rép., II, 364 b - 365 a ; et, sur les fables des poètes,
377 a - 378 e. L'illusoire imitation est dénoncée au liv. X, surtout 598 d - 600 c
(ignorance des poètes), 600 e (imitateurs d'image, sans contact avec l'être),
603 c, 605 b - 607 b (dangers de la contagion passionnelle). Pour J. Duchemin,
Platon et l'héritage de la poésie, R.E.G., (68), pp. 12-37, ce sont ces « poètes
indignes... et non d'autres qui occupent honteusement le sixième rang des
réincarnations du Phèdre » (p. 16), puisque Ménon et Phèdre réhabilitent le
délire divin. Il est exact que Platon ne critique jamais Pindare (ibid., pp. 19-20.
Cf. leur parallèle par E. Des Places, Pindare et Platon, Paris, 1949) ; et, malgré
ses blâmes, il garde une certaine tendresse pour Homère (Rép., X, 595 b-c,
606 e, 607 a, c-d). Mais le Phèdre ne suggère dans l'au-delà aucun partage entre
bons et méchants poètes, sinon lorsque le poète, à l'inspiration pure, est aussi
philosophe. Sur la conception de la poésie comme enthousiasme, trouvant sa

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 15

tiques et économiques, appartient à qui est à la fois


amateur du beau, et amoureux « selon les Muses w1. Cep
dévotion du philosophe aux Muses l'apparente au poète.
ment « mythologue »2 pour exprimer l'ineffable, il veil
fables impies sur les dieux, à toujours soumettre son d
le Phèdre donne le modèle d'une théologie sereinement c
sous sa forme poétique3. L'inspiration, le « don divin » so
sables au philosophe comme au poète. Il est cependan
que Socrate, maître du jeune Platon encore imbu de poé
mis en garde contre ces inspirés incapables de rendre c
qu'ils disent : Y Apologie (22 ò-c) et l'/o/î4 rappellent c

clé dans le Logos, et le caractère divin de la philosophie, cf. Gund


Lexis, 1949, pp. 37-38, 41 ; et conclusion, pp. 45-46, sur l'ambi
parabole, qui renvoie à la réminiscence comme sens originaire de l
La hiérarchie des vies rejoint, mais sépare plusieurs des conditi
docle unissait dans une même sanctification : « Prophètes, poèt
ou princes » (frag. 146 ; E. Rohde, Psyché, trad., Paris, 1928, p. 4
1. 248 d : « Ou » marque l'équivalence entre : Io le philosophe ; 2
(aimant le Beau) ; 3° celui que désignent les deux qualificatifs asso
et (kai) erôtikos. Cf. 249 a : philosopher, ou bien aimer « avec
et Rep., III, 403 a-c> où l'amour droit (orihos, comme le bon ch
est dit mousikos, et son contraire taxé d'amousia.
"¿. Aristote, Métaphysique, A, 2, 982 b, 18, allie philomythos et philosophos
(mais reproche à Platon l'abus des métaphores poétiques, ibid., 9, 991 a, 21).
Socrate disait n'être pas lui-même faiseur de mythes {mythologikos, Phédon, 61 b).
3. Cependant, les Lois condamnent comme impie la fable de Ganymède
(I, 636 c-d), imputant à Zeus des mœurs dites « contre nature » (VIII, 836 e).
Le Phèdre en accordant au dieu un désir ardent (himeros} pour Ganymède
(255 c) marque peut-être encore quelque indulgence pour les « possédés du
délire amoureux », qui cultivent l'honneur (philotimos , 256 b-e), sans pouvoir
recouvrer leurs ailes par la philosophie. Au contraire, bien avant que le commen-
taire d'Olympiodore ne développe l'interprétation spiritualisée de cette fable
(élévation vers la divinité), le Socrate de Xénophon disait déjà dans le Banquet :
« Le nom de Ganymède signifie, non pas « celui qui plaît par son corps », mais
« celui qui plaît par sa sagesse » » (8, § 30, trad. Ollier, éd. Budé).
4. WiLAMOWiTZ-MoLLENDORFF, Platon, t. II, pp. 32-46 sur Y Ion, rappelle
que Gœthe s'étonnait de l'incroyable sottise d'Ion et de la méchanceté de
Socrate, pour conclure que l'Ion n'a rien à faire avec la poésie (p. 32), et y
voit la maladresse d'un débutant, mais avec le Ménon et le Phèdre, Platon est
devenu philosophe (p. 43). M. Delcourt, Socrate, Ion et la poésie, Bulletin
de l'Association G. Budé, 1937, pp. 4-14, ne retient que les aspects négatifs,
la poésie étant pour Socrate infra -rationnelle, pour Ion supra -rationnelle.
J. Moreau, Les thèmes platoniciens de l'Ion, R.E.G., 1939 (52), pp. 419-428,
doute de l'authenticité et voit dans le discours central « inspiré » un écho du
Phèdre (comme du Ménon pour l'insistance sur la iheia moira, pp. 423-424),
entre deux discussions de type socratique. Pour R. Schaerer, La question
platonicienne, 2e éd., 1969, p. 110, Ion condamnerait la poésie traditionnelle,
Phèdre défendrait la poésie philosophique. H. Gadamer note (sans référence
à Ion ou Phèdre) l'ambiguïté (Zweideutigkeit) pour Platon de l'enthousiasme
poétique (Platon und die Dichter, dans Piatos dialektische Ethik, Hambourg,
1968, pp. 179-204, ici p. 183). V. Goldschmidt, Les dialogues de Platon, Paris,
1947, dans un intéressant parallèle avec YHippias mineur, montre que la naïveté

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16 REVUE PHILOSOPHIQUE

Mais déjà Ylon présente « l'enthousiasme


beaux, que Ronsard l'a mis en vers comme le plus bel éloge. Dès
le Ménon, Platon cherche à établir une continuité entre l'accueil
du don, la tradition poétique, et sa justification par le philosophe,
pour assurer que ce premier dire est authentiquement divin1. Il
faut donc surmonter l'objection socratique, savoir fonder ce qui est
d'abord reçu. L'enthousiasme peut retrouver dans le Phèdre sa
valeur primordiale : ce nouveau Socrate inspiré, s'abritant sous le
nom de Stésichore, garde sa lucidité. Et la dernière partie explicitera,
dans un dialogue devenu dialectique, les articulations rationnelles
qui sous-tendent la mythe.
Celui-ci a pour point d'attache une véritable « démonstration »2 :
toute âme étant son propre principe de mouvement ne peut périr.
La vie de l'âme ne se limite donc pas à son incarnation terrestre :
sa venue d'ailleurs explique son « aliénation » ici-bas. Alors le mythe
imagine ce qui transcende notre savoir rationnel, le mystère de la
chute et de la purification. Au terme des perspectives eschatolo-
giques, avant la conclusion sur la supériorité du délire amoureux,
s'approfondit une réflexion intellectuelle, qui doit justifier le carac-
tère exceptionnel du philosophe, sa folie aux yeux du monde. Le
renversement platonicien a pleinement conscience de s'opposer aux
opinions du vulgaire, toutes envahies par les mesquineries présentes,

est une fausse valeur par rapport à la lucidité socratique, mais « peut se trans-
former en vertu philosophique » (p. 107, et pp. 108-110 : dans le Phèdre, la philo-
sophie allie science et inspiration, ou « bon naturel » qui était au fond de la
naïveté droite).
1. Ménon, 81 a-d : la réminiscence part d'une tradition religieuse et poétique ;
le philosophe examine si ce logos est véridique. Puis le jeune esclave retrouve
en son fond (85 b) la solution d'un problème difficile, d'abord comme opinion
vraie, vue comme en rêve (85 c-d). On parvient à la science grâce à l'interro-
gation qui fait prendre conscience des liens entre les réponses (aitia, justification,
97 e - 98 a). Le Phèdre opère le même passage, et le Philèbe présentera encore
la dialectique comme un « don des dieux »(16c). Mais si Platon vise à la maîtrise
de la raison, il est inexact d'en conclure que « la poésie, comme il dit, écrite de
sang-froid, est donc la seule qu'il puisse goûter » (G. Colin, Platon et la poésie,
R.E.G., 1928, pp. 1-72, ici p. 7) : le texte de référence, 245 a, dit que sans le
délire des Muses, la technique ne donne qu'un poète imparfait. Cf. Ronsard,
Ode à Michel de UHospital, strophe 13, passant du magnétisme de Ylon (533 d-e)
aux quatre saints délires du Phèdre.
í¿. Ci. son analyse detainee par j. öernhardt, riaion et te matérialisme
ancien, Paris, 1971, pp. 221-228 ; et J. Moreau, La construction de V idéali
platonicien, Paris, 1939, pp. 487-489, la conciliant avec la genèse idéale
l'âme dans le Timée et les Lois, X, 892 a-c. A. J. Festugière en montre l'imp
tance (« le mouvement des astres a donc pour origine une âme inengend
immortelle », Platon et l'Orient, Revue de Philologie, 1947 (21), p. 19) en l
avec les nouveaux développements sur les dieux (pp. 22, 24). Mais Platon, s'i
associe un principe spirituel de mouvement, ne considère pas encore ici les
comme des dieux (C. Mugler, La physique de Platon, Paris, 1960, pp. 122

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 17

que traduisait si bien le « bon sens » de Lysias. Cepend


sophe est l'homme par excellence : toute âme humai
contemplé la Vérité des intelligibles, « en ce temps-là »
celui de ce monde. C'est la condition de toute intellect
cède synthétiquement, à partir du multiple sensible, leq
source, mais point d'appui. L'unité commande « selon l'i
comme chez Malebranche1, l'idée règle l'image. Mais se
sophe découvre ces lois de la pensée : la dialectique s'en
la puissance du dialogue humain, où le Logros-lang
Logismos (249 b-c), réflexion raisonnée. Parce que l
intelligibles est première en droit, cet acte est dit réminisc
En choisissant un sujet jeune et sans culture, le Ménon
a montré que tout homme en est capable, « s'il est bien
(Phédon, 73 a) : l'hégémonie intellectuelle du philosophe
l'éducation, toute son importance. Seul libéré des « aff
les hommes prennent trop au sérieux (spoudasmata,
laisse envahir par le divin, et redevient l'homme « accom
« toute âme d'homme », par « nature » (249 e), garde au
même la nostalgie d'une Beauté parfaite : tous sont tou
manifestations sensibles, quand peu sont aptes à en rec
transcendance. Tel est le principe de l'amour, sa supéri
autres possessions divines, parce qu'il appelle chacun
ment. La plupart ne savent pas s'élever au-delà de l'obj
qui éveille leur amour, et restent tyrannisés par l'appé
que symbolise le cheval indompté qui a entraîné la chu
de l'attelage montre comment l'âme se partage entre d
dances, qui s'harmonisent sous la direction de l'intellect. L'âme
divine, tout harmonieuse, ne tombe jamais, et certaines âmes
« bienheureuses »3 gardent éternellement leur perfection. Mais lors-

1. Recherche de la vérité, liv. III, 2e p., c. 3, Œuvres complètes, t. I, p. 425 ;


cf. Réponses de Descartes aux Cinquièmes Objections (de Gassendi), éd. Adam-
Tannery, t. VII, p. 382 : la figure dessinée du triangle nous aide à concevoir
l'idée du véritable triangle, parce que celle-ci était déjà en nous. Tous ces textes
sont d'inspiration platonicienne.
2. 249 c répétant : TeXéouç dcel TeXeràç TeXoúpievoç, teXeoç Ôvtcoç [xóvoç ylyveTcti,
seul il acquiert la perfection de l'être, accomplissant toujours les rites parfaits
de la perfection. Cf. le vocabulaire des mystères dans Le Banquet, 209 e - 210 e.
A la vision de la Plaine de Vérité {Alêtheia, 248 b), s'oppose son oubli par le
vulgaire {Lêthê, 250 a ; cf. 249 d : ce qui est dévoilé au philosophe lui demeure
caché, lelêthe) : M. Détienne, La notion mythique d'*AXY)0ei<x, R.E.G., 1960 (73),
pp. 27-35. L'oubli est lié au mal (248 c).
3. 248 c : l'âme qui suit sans cesse le dieu « pour toujours est exempte de
dommage ». Le Théétète chante la vie de vérité des dieux et hommes bienheureux
(175e- 176 a). Mais faut-il avoir chu pour être vraiment homme, l'infaillible
perfection étant l'apanage de demi-dieux ?
TOME CLXV.

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18 REVUE PHILOSOPHIQUE

qu'une âme est devenue d'homme, par


philosophe soit-elle, elle devra toujours lu
désir. La vive peinture que fait Platon
(253 e - 254 e, 255 e - 256 c) marque forte
a pourtant l'aide du meilleur cheval, «
vraie » (253 d) : le dynamisme des élémen
ration, élan du « cœur », est ainsi mis au s
lement noétique en son principe directeu
cours s'appuyaient sur la dichotomie tradi
rationnelle (nous en grec, mens en latin)
« dément » ; Platon, en divisant à nouv
aux puissances affectives de s'associer à
échappera toujours (256 c). Rejeter au c
tout l'élan erotique risquait de couvrir d
les pires instincts, à moins qu'un dualism
le philosophe, Aphrodite est exclue radic
Phèdre ne sera pas moins exigeant que l'a
les forces vives de l'être sont intégrée
sans cesse à rééquilibrer.
Comme dans le Banquet (211 d) la con
le prix de la vie humaine. Dans sa mon
de Diotime dépassait progressivement les
attrait pour un beau corps, une belle âm
ne subsistait au terme2. Le philosophe aim
sa sublimation « platonique », la vigueur d
celui qu'il « élève » avec lui. Mieux, une
fonde cette affinité élective. Le récit my
la procession des douze grands dieux, s
fidèles. « Suis Dieu », ce précepte pythag
rejoindre son patron propre, l'amour q
devenant alors un guide dans l'assimilatio

1. Cette double dichotomie aboutissant à la tripartition est commune à


Pythagore et Platon : textes dans Y. Gobry, Pythagore, Paris, 1973, p. 169.
Sur l'importance de l'introduction du thymos intermédiaire, Bres, Psychologie
de Platon, pp. 312-318.
2. 210 d, il cesse de s'attacher à une seule beauté ; 211 a-b et e : le Beau
en soi n'a plus aucun caractère humain ni sensible.
3. Ainsi à la question du Lysis : lamour rapproche-t-il des contraires,
complémentaires ou semblables (215 c - 216 b, 221 c, 222 c, 214 a, citant Empé-
docle : « Toujours un dieu pousse le semblable vers le semblable », 215 ft), le Phèdre
répond que, si la sensualité creuse la dissemblance, l'amour spirituel fonde la
ressemblance dans la poursuite du même dieu (L. Stefanini, Piatone, t. II,
p. 53, et t. I, p. 222, n. 1, sur le rapprochement des trois hypothèses du Lysis
avec les discours d'Erixymaque, Aristophane et Agathon dans Le Banquet).

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 19

est voué à Zeus par sa nature hégémonique (252 e) :


domine lui-même est seul apte à tout autre gouvernem
point culminant du dialogue, la rencontre Dios Dion
naturellement songer à cet aimé, par lequel Platon e
d'un philosophe le dirigeant d'une cité1. Si on date l
printemps précédant le second voyage en Sicile2, il appa
comme un hommage présentant à Dion le point d'abou
l'enseignement platonicien3. Mais s'il en peut être le
Dion n'est pas le seul destinataire du dialogue, comm
l'adresse finale à Isocrate : or celle-ci ne nous détourne p
tiel, en tant qu'elle s'appuie sur la reconnaissance d'u
philosophique (279 a), à laquelle le mythe donnerait
base astrologique, s'il ne s'agissait ici d'une « communa
beaucoup plus profonde que celle de la naissance4. D
l'ardeur guerrière, la vocation « royale » de celui qu
directives du philosophe, comme l'harmonie apollin
diverses affinités avec les autres dieux5 esquissent une c

1. Wilamowitz, Platon, p. 537 ; admis par Robin, note éd. Budé, p. 48 ;


Hackforth, éd. Phèdre, p. 99, n. 2 (vraisemblable) ; Festugière, art. cit.,
Rev. Philol., 1947, p. 28 : il note que les caractères qu'il appelle « joviaux »
portent avec plus de dignité le fardeau de l'âme (252 d, le même qualificatif,
embrithes, étant appliqué au caractère grave de Dion dans la Lettre VII, 328 b ;
le contexte est proche des préoccupations du Phèdre : espoir en une « occasion
divine », 327 e, de réaliser une législation rationnelle, grâce à l'alliance en Denys
le Jeune et Dion de la philosophie et de la culture, 328 a ; si Dion est philosophe,
Denys serait plutôt de type royal (Hera) soumis au premier). Ajoutons que le
jeu de mots se trouve dès 234 d, invocation de Dios Philiou.
2. Hypothèse de L. Robin, éd. Budé, Notice p. vin, très souvent admise.
Festugière, art. cit., p. 24, ajoute que l'association des douze dieux avec les
signes du Zodiaque venant d'Eudoxe, celui-ci « a pu la transmettre à Platon
dès son arrivée à l'Académie vers 370-368 ».
3. D'où l'impression de discours programme souvent relevée : Notice
éd. Budé, pp. vi-vii. M. d'HERMiES, Art et sens, Paris, 1974, pp. 150-151, dit
bien : « De tous les dialogues de Platon, le Phèdre est peut-être le plus rigoureux,
parce que le plus fermé sur soi, mouvement qui se meut soi-même à l'image de
l'âme dont il apporte en son centre la définition, en même temps qu'il fournit
le ressort de tous les autres. »
4. Festugière, tout en citant Robin (« on se sent en pleine astrologie »,
n. 1, p. 48-49, éd. Budé), marque, p. 27 de l'art, cit., la différence radicale avec
l'astrologie chaldéenne soumise au hasard de la naissance : « Au contraire chez
Platon, tout dépend de déterminations intérieures à l'âme même » et de « sa
conduite libre et personnelle ». On a relevé que l'année platonicienne (Lois,
VI, 767 c) commence avec Zeus et le signe du Lion (J. Bidez, Eos, Platon et
VOrient, Bruxelles, 1945, p. 64, et Festugière, art. cit., pp. 28-29).
5. Platon nomme d'abord les fidèles d'Ares (252 c), allusion aux couples
guerriers de Sparte ou Thèbes (Plutarque, Dialogue sur Vamour, 761 b-c,
cité par Flaceliêre, L'amour en Grèce, pp. 83-84), puis, après Zeus, le cortège
« royal » de Hera, correspondant à la vie de second rang (248 d). La liste des
douze grands dieux comprenant Hestia (246 e - 247 a) devrait exclure Dionysos

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20 REVUE PHILOSOPHIQUE

qui tient compte du « lot » échu à chac


réalise par son option. Les cochers n'on
persévérance du philosophe ; l'impétuos
plus ou moins ardente. Sans avoir au dépar
peut et doit atteindre le meilleur de ce
éducation est inséparable de ce problème
tion. Comme dans la République1, il préoc
qui visent à former les futurs chefs : par
à l'horizon du Phèdre, en justifiant la r
psychologie individualisée (271 d) pour mi
gogie devient psychagogie.
Faisant appel à l'imagination, comme
siasme, le second discours de Socrate est r
dirigé par l'entendement : il se donne, en
des « discours sur l'amour nourris par la p
est lavée l'offense faite à l'amour, accusé d
philosophie » (239 b). Désormais, après ces
oratoires, le dialogue va examiner ce qu'im
philosophique. La discussion sur les cara
et sur les préceptes des diverses écoles de
allure d'improvisation, mais le thème d
comme un refrain. C'est elle qui tient
plus fort de la chaleur, sous le chant asso
qui distingue une persuasion légitimement
de l'âme (265 b-c) d'une persuasion menso

(qui la remplace sur la frise du Parthenon), et la


pour Dios) proposée par Geer (cf. Robin, éd. Budé
vants de Zeus sont aussi des bacchants (Phédon, 69
tiellement aux philosophes), même si Dionysos,
patronne un des délires (265 b). Quant à Apollo
(ibid., cortège évoqué en 253 b), Hackforth sugg
de Socrate (éd. Phèdre, p. 93). La dévotion de So
doit pas exclure la prudence à l'égard de son « m
artificiellement de pratiques shamaniques (H. Jol
pp. 67-70).
1. Cf. les nombreux appels à l'heureuse physis, groupés notamment par
Des Places, Pindare et Platon, c. 12, « Les dons de la nature et de la grâce »,
pp. 149-162, ce thème du génie comme don de Dieu se trouvant aussi chez
Pindare (c. 5, pp. 66-67).
2. La légende des cigales illustre encore la particularité des vocations
(comme les douze dieux ou les quatre délires) : Calliope (« de belle vue »), la
première est patronne des philosophes selon une tradition pythagoricienne,
avec ici Uranie, qui embrasse l'harmonie céleste du cosmos, et son principe
« supracéleste » (247 c). Eratô protège tous les dévots de l'Erôs, à condition
que leur amour reste mesuré. Cf. P. Boyancé, Le culte des Muses chez les philo-
sophes grecs, Paris, 1936, pp. 249-275, sur l'Académie.

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 21

Le Logos animé par le bon et le beau appelle la connai


(259 e) : la plaisante parabole sur la liberté de dén
renvoie au fondement ontologique qui assure l'accord e
locuteurs : comme le Gorgias, le Phèdre oppose à l'ign
le savoir de l'être (260 d-e). Mais si l'enjeu est sérieux,
suit : jamais Platon n'a été plus proche de Gorgias qu
sonnalisation du Logos, que Phèdre adjure de l'interrog
éloge de la « psychagogie ». Le terme, qu'on trouve au
crate3, exprime bien la « puissance » du Discours s
tandis que sa conception comme un être vivant, anim
comparaison avec un organisme (264 c), et son opposi
reproduction inerte, telle une statue ou une peinture
thème du logographe, annoncé dès l'ouverture, est re
de cette section critique (257 c, e). On lui reproche d
autrui, ce qui affecte d'artifice un discours qui ne jaillit p
fond de l'auteur : ces critiques, au sens strict, portent
mais Isocrate avait eu aussi à les subir. Cependant,
le débat, en comparant au caractère monumental d
fixées pour tout un peuple (257 e, 258 b-c) l'honneur p
turge d'être inscrit au répertoire (258 b) : c'est l'époq
s'impose, tant pour la codification des lois que pour la
littéraire7. Le jugement sur l'écriture tiendra compte
et non de la seule forme.

1. 260 b-c : invité à louer un âne, mon éloge sera plus riche si je décris un
cheval, exemple de déformation flatteuse. Sur l'erreur d'attribution, H. Joly,
Renversement platonicien, p. 142, n. 110; et pp. 104-109 sur l'opposition à la
conception sophistique d'un langage autonome, basé sur la persuasion (cf. p. 188),
de l'usage dialectique du discours vrai ; cf. pp. 151-189.
2. 261 a : le goût de Platon pour les allitérations rend possible (comme pour
la dernière pointe du discours de Lysias, Erôta, 234 c) l'accentuation « erotique »
de cet Brótale adressé par Phèdre aux discours : l'interrogation philosophique
est quête amoureuse.
3. A Nicoclès, § 49. Isocrate est considéré comme le plus célèbre élève de
Gorgias (Quintilien, Institutions oratoires, III, 1, 13).
4. Eloge d'Hélène, § 8 : « Discours est un grand tyran » (trad. Dumont,
Sophistes, p. 86). Sur tous ces traits, Stiss, Ethos, pp. 41, 51, 53, 79 (sur la
psychogagie), 81...
5. Alcidamas, Sur les sophistes, § 28 : Aoyoç... gpi^uxoç Ictti xocl Çyj (éd. Blass,
p. 203). Cf. 276 a, Çcovtoc xal &juk>vov.
6. 275 d : l'écrit est comme le dessin muet d'un vivant. Cf. Alcidamas,
op. cit., §§ 27-28. Cf. plusieurs rapprochements entre Alcidamas et le Phèdre,
257 c -258 c, dans M. J. Milne, A study in Alcidamas, pp. 14-16, et Fried-
länder, Platon, pp. 114-118. Isocrate retournera la comparaison : son œuvre
est comme celle de Phidias ou Zeuxis, Echange, § 2.
7. Cf. H .Joly, op. cit., pp. 112-116 sur « la propagation de l'écriture » dont
Platon porte témoignage, et pp. 116-127, sur son procès par Platon, qui ne
condamne pas toute écriture.

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22 REVUE PHILOSOPHIQUE

C'est pourquoi, malgré une série de ren


rebattus par Gorgias et ses disciples, qua
avec Tisias, chef de l'école adverse, loin d
dans la même poursuite d'une simple vra
gences du Gorgias demeurent : Hélène
flatteur, est peut-être excusée2, elle res
parade mensongère comme le plaidoye
qu'une drogue malsaine : les maux de l'âm
nance », elle-même réglée par l'ordre ha
nous conduire au meilleur (Gorgias, 527 c
(ibid., 527 e) n'est pas celle d'un discours
la direction de la Raison. Chez Gorgias, l
pour Platon, il est vain de séduire en se j
tives : parole et action doivent viser à
hommes4. Aux prestiges de l'instant s
fondement divin. Le mythe sous-tend ai
véridique, tout en permettant son ada
âmes. Au lieu de procéder, comme l'illus
des différences, le philosophe en dégage
ayant sa fonction spécifique, il faut à la f
permet de les apparenter, et dénoncer le
en discriminant les différences réelles, c
de l'essence (261 e - 262 b) : division selon
et recomposition structurée caractérisen

1. 267 a : tous deux préfèrent à la vérité ta eikoia. Or Süss, Ethos, et


O. Navarre, Essai sur la rhétorique grecque avant Aristote, Paris, 1900, opposent
généralement l'école de Tisias et Corax (dite sicilienne, mais Gorgias est aussi
né en Sicile, à Leontium), à laquelle se rattache Lysias, et celle de Gorgias,
la première étant caractérisée par la visée de Yeikos, vraisemblable, la seconde
par celle du kairos, l'opportun. Platon montre bien que les deux s'associent
chez Gorffias.
2. L'Eloge d'Hélène de Gorgias pose au § 6 une suite d'hypothèses excusant
toutes Hélène, mue par la Fortune, la volonté des dieux ou les décrets de la
Nécessité, ou enlevée par force, « ou persuadée par des discours » (Dumont,
Sophistes, p. 85). Sur la rhétorique dans le Gorgias et le Phèdre, cf. P. Kucharski,
R.E.G., 1961, pp. 371-406, et La spéculation platonicienne, Paris, 1971, pp. 161-
195.
3. Eloge d'Hélène, § 14, jouant sur « l'ordonnance (taxis) de l'âme » et
« l'ordonnance des drogues » (trad, cit., p. 88). Gorgias affectionne aussi le mot
cosmos, ordre et beauté (Süss, Ethos, pp. 58, 90, en liaison avec taxis et sustasis :
cf. Phèdre, 268 d, 269 d), 105 (marque du discours vivant organisme). Le Gorgias
passe de cosmos et taxis en l'âme (504 b-c) au fondement géométrique de
l'ensemble « cosmique » du Ciel et de la Terre (507 e - 508 a).
4. 273 e, relevé par Diès, contre Süss (Ethos, p. 82, ne trouvant pas dans le
Phèdre d'opposition morale à Gorgias), Autour de Platon, t. I, p. 104 ; cf. t. II,
pp. 406-408 et 418-432, sur le Phèdre comme « transposition du rhétorisme en
platonisme » (p. 407).

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 23

d'analyse et de synthèse, qui sera bientôt décrite com


divine de la « dialectique m1. Phèdre pourtant n'a pas auss
que le Logos entier relève de la philosophie : il cherche
méthode purement rhétorique (266 c), malgré les rappr
qu'appellent les préceptes sur le commencement du disc
récapitulation2.
Ici la comparaison de Gorgias entre rhétorique et méde
la réflexion à progresser, et à se retourner contre son p
risme3, comme déjà dans le dialogue qui lui est dédié.
comique des recettes d'apothicaire4, ou des musiciens qu
nent en tendant les cordes à en tirer un son grave ou aig
savoir de l'harmonie5, condamne pareillement les artific
ou rhéteurs capables de réussir un morceau larmoyan
fiant (268 c), sans « organiser l'ensemble »6. La référence
du Tout, rattachée à Hippocrate (270 c), s'appuie d'abord
ple d'Anaxagore, dont la spéculation céleste (meteoro
être bénéfique à l'art oratoire de Périclès (270 a). Cette
introduite par le rappel des conditions traditionnelle
parler : une nature bien douée, comme celle de Périclès
270 a) doit s'adjoindre science et exercice1. Le Ménon (94

1. 265 c - 266 b : nous nous bornons ici à signaler ses approches et ses
prolongements dans les passages consacrés à la rhétorique, ainsi foncièrement
associée à la philosophie. Quant à l'orientation des divisions vers le concret,
elle prolonge bien la « descente », arrêtée aux eidê dans la République (VI,
511 b-c). Mais l'ascension préalable jusqu'à l'intelligible se retrouve ici dans le
mythe : l'image abrège le circuit (246 a), en plaçant d'emblée l'âme dans sa
situation originaire, à partir de laquelle la pensée devient possible. Platon
raconte ce qui ne peut s'expliquer, la dialectique restant inséparable du passage
(poreuesihai ; cf. Poros, père d'Eros) par le Logos (Soph., 253 b-c ; cf. 259 e :
le Logos est entrelacement des eidê ; 260 a : se priver du Logos, serait se priver
de la philosophie). Nous rejoignons ici l'analyse de H. Joly, Renversement
platonicien, 2e p., notamment ses réserves, pp. 97-104, sur la visée d'une extase
ineffable : Platon n'est pas Plotin. Sur la place de pivot du Phèdre, qui prépare
directement la méthodologie du Sophiste et du Politique, sans abandonner la
transcendance des Idées des précédents dialogues, P. Kucharski, Les chemins
du savoir dans les derniers dialogues de Platon, Paris, 1949, p. 214.
2. 266 d, 287 d, le sommaire s'appelant aussi kephalaion, ou tête, parce
qu'il reprend ce qui est capital.
3. Süss dit : « Plato... wie so oft, Gorgias gegen Gorgias ausspielt » (Ethos,
p. 78).
4. 268 a-b : le ton pédant d'Eryximaque dans Le Banquet (notice éd. Budé,
p. lu) fait penser Robin à Diafoirus. Ici son interlocuteur supposé évoque
M. Purgon. Sur vomissement et purgation dans la thérapeutique cnidienne,
L. Bourgey, Observation et expérience chez les médecins de la collection hippo-
cratique, Paris, 1953, pp. 155-156.
5. 258 d-e : cf. Rép., VII, 530 e - 531 c.
6. 269 c : to holon, comme en 270 c.
7. 269 d : à la physis il faut joindre epistêmê et meletê. Cf. Isocrate, Contre
Soph., § 17 : outre une « nature » douée, première condition, il faut « apprendre

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24 REVUE PHILOSOPHIQUE

tait que Périclès n'ait su enseigner à ses d


sagesse qui animait ses discours, tandis q
s'avouait déçu que la physique d'Anaxag
criptions toutes mécanistes, sans faire a
posé au départ, le Nous ou Intellect. Lors
la familiarité de Périclès avec Anaxagore
sur la nature de l'intellect et ce qui en est dépourvu, est-ce une
nouvelle palinodie, ou une simple ironie1 ? La répétition de meteo-
rologia, et son association avec adoleschia (269 e)} bavardage en l'air,
nous invitent à voir, derrière Anaxagore, l'accusé des Nuées2. Le
mythe central a montré l'âme « cheminant dans les hauteurs »
(meteor oporei, 246 c), s'élevant (meteôr ïzousa, 246 d) par ses ailes
vers le divin ; et maints textes de Platon3 confirment l'orientation
supra-céleste du terme, qu'on ne saurait donc borner à son acception
proprement « météorologique » (qui ne s'est d'ailleurs imposée que
plus tard), ni même aux phénomènes astronomiques qu 'Anaxagore
expliquait par des corps sans intelligence4. Si Platon honore le philo-
sophe de l'Intellect, il garde néanmoins le regret que ses considé-
rations physiques ne se soient pas élevées plus haut qu'un bloc de
pierre incandescent : le Bien seul relie le Tout (Phédon, 99 c), ce Bien
que la République place, comme Soleil intelligible, au sommet de
l'ascension dialectique (VI, 509 a-c ; VII, 517 b-c). De même, en ce
développement sur les conditions de la bonne rhétorique, la recon-

et s'exercer » ; § 14 (même terme euphyês, plus « expérience »). De même Alci-


damas, Soph., §§ 3-4, associe « nature », expérience et éducation (paideia).
C'est bien un lieu commun (Robin, notice éd. Budé, p. clxvi), mais il s'agit
de préciser ce qu'est cette éducation qui chez Platon vise une « science ».
1. Robert Joly, La question hippocratique et le témoignage du Phèdre,
R.E.G., 1961 (74), pp. 69-92, fait le point des discussions (en prenant le relais
de Diès, art. Revue de Philologie, 1912, repris avec de rares additions dans
Autour de Platon en 1927, t. I, pp. 12-54). Il refuse, p. 82, l'interprétation de
Steckerl considérant comme ironique le passage sur Anaxagore.
2. Nuées, v. 360 : Aristophane invente le terme meleôrosophistês , sophiste
perdu dans les nues. A la fin, Strepsiade égaré par ce verbiage (adoleschia)
va mettre le feu à la maison des « bavards ». Anaxagore avait fait aussi l'objet
d'un procès d'impiété, et avait été sauvé par Périclès.
3. Références groupées par Cl. Gaudin, Remarques sur la « météorologie »
chez Platon, Revue des Etudes anciennes, 1970 (72), pp. 332-343, montrant le
sens philosophique du terme, souvent associé à adoleschia. Cf. notamment Rép.,
VI, 488 c, 489 c (forgeant le composé meleôroleschas) , où l'accusation d'inutiles
[achrêstoi, répété 489 a, b) est adressée par le vulgaire aux philosophes dans la
cité, comme aux pilotes regardant le ciel pour « gouverner ». Le Politique,
299 b, oppose à la fixité de l'écrit l'art inventif du politique, du pilote et du
médecin, mais on les appelle « météorologues », sophistes bavards, corrupteurs
de jeunes gens...
4. Apol., 26 d : Socrate n'est pas un impie comme Anaxagore qui nie que
Soleil et Lune soient des dieux, ce que tous admettent.

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 25

naissance répétée des dons naturels de Périclès est sû


tive, alors que subsiste encore l'écho de son échec à tr
art oratoire : génie et maîtrise de fait sont impuissan
sophie n'apporte à l'éducation son ouverture spéculat
Alors rhétorique et médecine se présentent comme t
savoir positif dont l'efficacité repose sur la compréhe
quoi. C'est ce qu'établit la méthode d'Hippocrate, c
associée à la vérité du Logos1. Platon a toujours recon
de Cos la capacité de transmettre par enseignement u
savoir (Protagoras, 311 6-c). Et il découvre dans les f
cales une confirmation des règles de la dialectique
d'ailleurs avec le modèle harmonique évoqué plus h
est en effet frappante entre l'idée directrice de la médeci
mine les espèces et leurs propriétés dans leur rappor
du Tout »2 et les caractéristiques de la musique, sœur
matiques, chez Archytas de Tárente : « possédant des
exactes sur l'ensemble des choses », elles « doivent ég
une vue exacte des choses particulières »3. Parti dans
d'un modèle mathématique, Platon se tourne à présen
nisme, pour y retrouver la même harmonie intelligib
sion » évoque une dissection anatomique (265 e), c
n'est fonctionnel que dans sa relation vivante au Tou
sur ces correspondances pour leur donner un sens
s'arrête ni à la lettre d'un texte d'Hippocrate, ni au
entre les courants médicaux de son temps. Pour tenter
quel traité (dès lors authentifié) d'Hippocrate était
demandé si la nature du Tout désignait l'univers, o

1. 270 c : Examine ce que dit Hippocrate xal ó <xkrfir¡<; Xóyoç,


(trad. Robin, Budé) ; « aussi bien que le raisonnement vrai »
« et la saine méthode » (Littré, éd. du Corpus hippocratique
Autour de Platon, t. I, p. 30) ; « et la droite raison » (Bourge
relevant cette « formule vraiment extraordinaire »). Juste ava
mis à l'épreuve, pour voir s'il est en « accord » avec lui-même.
2. 270 c-e : la méthode s'oppose aux tâtonnements de l'empirisme (comparés
à une démarche d'aveugle ou de sourd). Elle détecte la simplicité de l'élément
ou la structure complexe de l'organisation (cf. p. 27, n. 1), et pour chacun
détermine les puissances d'agir ou de pâtir (cf. Soph., 248 c). P. Kucharski,
La méthode d'Hippocrate et le Phèdre, R.E.G., 1939 (52), pp. 301-357, la
rapproche de la description de la dialectique dans le Philèbe (pp. 353-355) ;
et P.-M. Schuhl, Platon et la médecine, R.E.G., 1960 (73), pp. 73-79 (surtout
Phil., m c-e, p. 77).
3. P.-M. Schuhl, Essai formation pensée grecque, p. 374, trad, du fragment 47
(35) B 1 de Diels. Texte grec et traduction italienne dans M. Timpanaro-
Cardini, Pitagorici, Florence, t. II, 1964, pp. 360-361. Le rapprochement entre
ce texte et la méthode hippocratique est fait aussi par W. Capelle, évoqué
par Kucharski, R.E.G., 1939, p. 323, n. 1.

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26 REVUE PHILOSOPHIQUE

ambiants (d'autant que la meteorologia


ou simplement la totalité de l'organisme1.
ces divers sens, dans la perspective de la n
au Tout, non seulement cosmique, mais
l'examen de la nature de l'âme (270 b-c).
est intégré dans son milieu, l'organisme e
influences ambiantes, et celles-ci dépende
ensemble. Le philosophe sait qu'Hippocrate s'est, comme lui,
opposé à l'accumulation de recettes recueillies au hasard2 ; il n'igno-
rait probablement pas non plus sa défiance à l'égard des spécula-
tions de la « philosophie »3, mais il s'agissait alors des cosmologies

1. Ce dernier sens a peu retenu l'attention : R. Joly, art. cit., R.E.G.,


1961, p. 73, relève chez Edelstein (éd. du traité des Airs..., Berlin, 1931) la
conception du « tout de l'objet étudié ». Cependant l'idée de totalité organique
« domine l'hippocratisme » (Schuhl, art. cit., R.E.G., 1960, pp. 76-77). Avec
ce dernier article, ajouter au bilan de R. Joly, R.E.G., 1961 : W. A. S. Jones,
Philosophy and medicine in ancient Greece, Baltimore, 1946 (éd. annotée de
l' Ancienne médecine, pp. 16-23 de l'introduction, sur Platon) ; R. Joly, Hippo-
craie. Médecine grecque, Paris, 1964 (traduction d'Extraits du Corpus hippo-
cratique, avec notes) ; A. Wasserstein, Le rôle des hypothèses dans la médecine
grecque, Revue philosophique, 1972, pp. 3-14 (montre l'opposition de Y Ancienne
médecine aux hypothèses a priori) ; H. Joly, Renversement platonicien, pp. 241-
246. Après Galien, certains préfèrent rapprocher la formule du Phèdre du
Traité de la nature de Vhomme (de Polybe ?), refusant de réduire les quatre
humeurs aux éléments des physiciens : début dans R. Joly, éd. cit., pp. 54-60.
Littré (Diès, Autour de Platon, t. I, pp. 25, 30-31) pour le rapport du corps à
« l'universalité des choses qui l'entourent », renvoie à Y Ancienne médecine,
§ 20 : « Tout médecin doit étudier la nature humaine et rechercher... quelles
influences chaque chose exerce sur chacun » ; cf. Airs, eaux, lieux, également
d'HippocRATE. La plupart, relevant l'opposition de ce § 20 à la « philosophie »
de la nature en général, s'arrêtent aux conditions ambiantes, décrites dans
Airs, etc. : R. Joly, pp. 75-87, § 2, p. 78 : « connaissant les révolutions des
saisons », et le cours des astres, « le médecin aura la plus grande instruction
sur chaque cas particulier », d'où la grande utilité pour lui de « la météorologie »
et de a l'astronomie » ; cf. les notations sur le climat dans la genèse des Epi-
démies, ibid., p. 72. L. Bourgey, op. cit., p. 94, y relève l'appui « sur la nature
humaine universelle et sur la nature propre de chacun..., sur la constitution
générale de l'atmosphère et sur les conditions particulières, selon les diversités
de ciel et de lieu ».
2. Ancienne médecine, § 1 : l'art (technê) médical est réglé par l'expérienc
et la science, non le hasard. Festugière, dans son édition de ce Traité (Pa
1948), rappelle que l'opposition hasard-science se trouve déjà chez Démo
(p. 32, n. 10).
3. Ibid., §§ 1-2 (Festugière traduit hypothesis par « postulat »). Bourgey
accentue le rapprochement entre le Phèdre et cette « connaissance rationnelle »,
écartant « la médecine facile des rhéteurs » (op. cit., p. 90 ; cf. p. 193 : « Ce
traité, dirigé d'abord contre... les théoriciens, prend donc aussi position par son
enseignement même contre les tenants du vieil empirisme : le souci de l'expé-
rience s'y accompagne d'un égal souci de la raison »). Eryximaque, dans le
Banquet (185 e - 188 e) offre « un exemple de cette médecine à tendances cosmo-
logiques », que certains rapprochent du Phèdre, 270 c-d (J. Moreau, Construction
de V idéalisme platonicien, p. 278, n. 1). Mais Y Ancienne médecine réagit bien

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 27

présocratiques, trop générales dans leur archaïsme.


quand Hippocrate vise une science expérimentale fondée
vation raisonnée, Platon rejette Yempeiria vers la routin
de se justifier dialectiquement par le Logos2. Langage a
explication rationnelle, le discours est lui-même « artic
les règles régissant le groupement des sons ou des le
traité de Y Ancienne médecine* compare aux quelques él
avec lesquels les théoriciens de la nature composent le co
sans rendre compte ainsi de son organisation. Mais Plat
prêt à admettre cette critique, car il ne va pas davanta
ment à une totalité qui ne saurait se constituer par
juxtaposition5. L'indéfinie multiplicité des combinaison

contre de telles constructions théoriques : le § 20 critique « la ph


d'Empédocle, et soutient une médecine autonome, seule source de connaissances
précises sur « la nature » (sans majuscule dans Bourgey, op. cit., p. 44, avec
majuscule dans l'éd. Festugière, p. 18, et notes pp. 63-65, et dans l'art, de
Kucharski, R.E.G., 1939, p. 316, précisant : « il faut entendre la Nature en
général »; R. Joly traduit « sur la nature humaine », éd. cit., p. 51).
1. Festugière, éd. cit., n. 9, p. 31 ; technê et empeiria ne sont jamais
opposées dans Y Ancienne médecine, non plus a que dans les parties anciennes
du Corpus hippocratique : l'opposition ne date que de Platon ». Mais de ce fait,
il ne disjoint pas le savoir spéculatif (epistêmê) du sens positif de la technê,
«art » scientifiquement fondé : H. Joly, Renversement platonicien, pp. 217-218.
2. Gor g., 465 a. Cf. surtout les développements des Lois, IV, 720 6-e et IX,
857 d-e (commentés dans Pohlenz, Hermès, LUI, pp. 409-416 et Festugière,
éd. cit., n. 9, p. 29) : alors que les esclaves reçoivent des soins sans explication,
le médecin « dialogue » avec le malade libre (il faudrait au moins par ce terme,
garder la parenté avec la dialectique, tandis que les traducteurs se contentent
de « causant », Festugière, ibid., ou « converser », Diès, Budé et Robin, Pléiade)
« avec des raisons (logoi) proches de la philosophie, en atteignant le principe
[arche : cf. Rép. VI, 511 b) de la maladie, et remontant (cf. Yepanodôn, récapi-
tulation du Phèdre, 267 d) à la nature totale, celle des corps » (rcepl (pócrecoç
7cáo7)ç èTOxvtóvToc Tvjç Tcov acafxdcTcov : Festugière, « à tout l'ensemble de la physio-
logie » ; Diès, « à la nature générale du corps » ; Robin, a à ce qui est d'une façon
générale la nature du corps »). Sur cette transposition de la philosophie à la
médecine, Schuhl, art. cit., R.E.G., 1960, pp. 76-77. Ajoutons que la compa-
raison vise le législateur, qui prend soin des âmes comme le médecin des corps.
3. Arthron désigne les articulations du corps, comme l'articulation dans
le langage.
4. § 20 : ce que les « sophistes » et médecins ont écrit sur la nature regarde
moins la médecine que la graphikê : « l'art du peintre », Festugière, p. 18
et n. 71, p. 60 « soit l'art d'écrire » ; « l'art de la peinture », R. Joly, p. 51, et
n. 1 : ou « l'écriture » ; « the art of writing », trad. Jones, p. 84, la p. 85 évoquant
aussi la peinture ; art. Kucharski, R.E.G., 1939, p. 317 : « l'art du dessin » ;
cf. Bourgey, op. cit., p. 44. La comparaison est alors courante : les « lettres »,
dans leur fixité, s'opposent à l'adaptation vivante de la parole aux circons-
tances : Isocrate, Contre Soph., § 12.
5. Sur le logos qui préside à l'assemblage des lettres, Théét., 203 a-e : une
« forme » distincte des éléments commande leur union. Cf. leur combinaison
ordonnée, comparée à la dialectique, Soph. 253 a-c (et éd. Budé, note Diès,
p. 364, avec d'autres références sur l'exemple des lettres chez Platon).

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28 REVUE PHILOSOPHIQUE

ne retient comme signifiantes que celles q


liaison avec le réel : peu importe alors à
d'un ensemble caractéristique et de ses pr
médecins, sous le contrôle constant de l'exp
« articulation » préalable commande l'inte
rience. Le philosophe impose ainsi son fon
tique scientifique du médecin, sans être p
a erreur » ou d'une « confusion »x. « L'exp
à la formule hippocratique, pour sauvegar
vital entre la nature humaine et la nature
le médecin doit sans cesse approprier ses
l'individu selon cette ambiance changeante
de l'opportunité, si vif chez Gorgias et se
se fie à son flair, à l'inspiration de l'insta
bases. Certains effets frappants - soulev
d'une foule (267 c~d) - peuvent être obten
de cette contagion affective, ou la prévisi

1. R. Joly, Hippocrale, pp. 51-52, n. 1, sur Ane. Méd., § 20 : ceux qui y


veulent retrouver « la doctrine du Phèdre confondent selon nous deux théories
très différentes : celle du microcosme et celle des facteurs ambiants. C'est cette
erreur même que Platon paraît avoir commise »; cf. R.E.G., 1961, p. 87 :
« Spontanément... il a transposé la théorie des facteurs ambiants sur le plan
du Cosmos, qui était le sien. Cette confusion ne saurait trop nous étonner,
puisque... beaucoup de philologues la perpétuent de nos jours. » Kucharski
(tout en opposant Hippocrate à Platon) concédait que la formule du Phèdre
est équivoque et ambivalente » [R.E.G., 1939, p. 315) : Platon prend pour
« symbole » la météorologie dans son « double sens » (p. 325). R. Joly préfère
« admettre une transposition involontaire », mais conclut : « Peut-être... est-on
ainsi victime de l'humour platonicien » (R.E.G., 1961, pp. 88 et 89).
2. Sur la santé comme harmonie avec lenvironnement, Bourgey, op. cit.,
pp. 57, 85-87, 93-96, 258-259 (sur la physis individuelle, « règle de mesure et
d'équilibre ») ; d'où l'importance de l'hygiène : cf. les pratiques naturistes du
Phèdre, 227 a, 227 d, nommant Herodicos, auquel on attribue parfois le traité
Du régime (pour R. Joly, Recherches sur le traité pseudo-hippocratique « Du
régime », Paris, 1960, et Hippocrate, p. 34, il « date des environs de 400 » et son
auteur, éclectique, s'inspire d'Anaxagore, des pythagoriciens, d'Empédocle,
et surtout d' Herodicos ; W. Jaeger. Paideia, éd. anglaise, Oxford, 1947,
t. III, pp. 31-40, le fait contemporain de Platon, et le rapproche des divisions
en types systématiques et classes du Phèdre et des derniers dialogues).
3. Diès, Autour de Platon, t. II, p. 429 : « Les médecins lui servent a protester
contre la science livresque, et lui fournissent un parallèle scientifique du xaipóç
des rhéteurs » ; H. Joly, Renversement platonicien, pp. 242-244, 371, sur « le
paradigme de l'ordonnance médicale » prescrite «pour la généralité des individus »,
sans entrer « dans la diversité et l'infinité des cas individuels ». Le Politique,
294 d - 297 b, comparera à ces prescriptions pour le corps, du médecin ou du
maître de gymnastique, à adapter à chaque cas, la fixité des lois écrites, que
le gouvernant doit appliquer selon l'opportunité. Sur le kairos chez Gorgias,
Dumont, Sophistes, pp. 103 et 249. Le terme et ses dérivés (cf. Phèdre, 272 a :
eukairia et akairia) est fréquent chez Alcidamas, Soph., §§ 3, 9, 11, 22, 28,
31, 33, 34. Le Philèbe associera kairion et juste mesure (66 a).

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 29

d'individus isolés (271 6), demande une connaissanc


fondie des âmes en leurs variétés. Les termes de la mét
unité de structure ou polymorphisme, rejoignent le
dès le livre X de la République : la véritable nature d
composée ou simple en sa forme1 ? Le mythe a décrit,
sa complexité. Le discours tiendra compte de ses vari
prédominance en elle de l'intellectuel ou de l'affectif,
tance du désir2. La conduite des âmes applique ainsi l
dialectique, en déterminant leurs espèces, selon des g
quantitatifs, ou des variétés qualitatives3 : réflexion
contemplation préludent à la pratique (271 d) ; et le «
pelle cette chasse4 n'est plus la subtile habileté d'un G
l'heureux instinct du philosophe. On ne peut donc dis
Logos et philosophie : la récapitulation du Phèdre (
sur l'indispensable connaissance du vrai. Dit ou écrit,
justifié doit définir le tout, puis le subdiviser selon les
mentales jusqu'à l'élément indivisible. Cette même
pour « la nature de l'âme », afin d'harmoniser pou
des âmes des discours variés : la persuasion reste c
par les exigences de l'enseignement, dans tout « le

1. 612 a : eÏts 7roXueiSy)ç, zïve [xovoeiSrjç. (Sur le rapport


Phédon, cf. notre article Limites de la simplicité de l'âme dans le Phédon,
Revue philosophique, 1965, pp. 441-454, ici 453-454.) Le fait que ce polymor-
phisme soit analogue à la structure d'un corps ne signifie pas que l'âme, par
opposition, s'avère absolument simple, comme le conclut R. Joly, R.E.G.,
1961, p. 85. Jones, Philosophy and medicine, p. 18, pense que la multiplicité
est liée à l'emprisonnement de l'âme dans le corps, ce qui n'est pas conforme
au mythe central. Nous retenons au contraire la traduction de 271 a par H. Joly,
Renversement platonicien, p. 243 : « L'âme présente, conformément au corps,
une pluralité de types. » Cf. 270 c-d sur la médecine.
2. V. Goldschmidt, Questions platoniciennes, Paris, 1970, p. 73 : « La
tripartition de l'âme enveloppe une caractérologie », dès Rép., IX, 580 e - 581 e,
selon que les hommes « aiment le plaisir et les richesses ; ... aspirent aux honneurs,
à la victoire et à la domination » ; ou « ne sont amoureux que de la vérité ».
Sur l'importance croissante dans la rhétorique grecque du « plan psycholo-
gique », Kucharski, Spéculation platonicienne, p. 187, n. 43, et le liv. II de
la Rhétorique d'AmsTOTE (qui avait commence par enseigner la rhétorique à
l'Académie), sur les divers caractères.
3. Cf. 268 b (sur le traitement médical des corps, orcoTeexaaTa... xai (li^pt-
Ó7TÓaoi>), 271 d : tóctoc xal TÓaa, xal Tota xal xota, et Phil., 16 d, recherche d'une
détermination précise, xal órcóaa. Et 273 d-e : dénombrer les « diverses natures »
des auditeurs, « diviser les réalités selon leurs espèces et... les embrasser au
moyen d'une nature unique selon l'unité de chaque sorte de réalité » commande
« l'art de parler » (trad. Robin, Pléiade, t. II, p. 73).
4. 271 d-e. La métaphore cynégétique a d'abord une portée ontologique
(Phédon, 66 a, e). Aristo te reprochera à la méthode platonicienne de division
de procéder, à chaque étape, par intuition, sans règle formelle [Parties des
animaux, I, 643 6, 15-25).

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30 REVUE PHILOSOPHIQUE

discours » (277 c). Tel est le point d'abo


Il est donc net que l'invitation à philo
crate (279 a-6), comme d'abord à Lysias (2
regret que ces orateurs aient réduit la rh
spécialisée, en limitant la signification de
Platon multiplie les allusions au circuit
« le chemin est long et ardu ». Or cet « au
drait y substituer « une voie facile et cour
conduisant au sommet (272 ò-c, d), désign
de l'école rivale de l'Académie : dans ses
dénonçait les inutiles détours de l'éduc
s'opposait même à l'appui que son maître G
« météorologues »2, et dans ce jeu subtil q
et contre Gorgias, le philosophe n'adme
à d'insuffisantes théories générales sur la
leur entrée abusive dans un effet oratoire
se perdre dans les « nuées », car le somm
Platon pourtant ménage Isocrate, parce qu
les « charlatans », et veut « poursuivre la
contre les socratiques, soutient que la v
savoir théorique. Pythagore avait réservé
de la sophia, aux hommes sa quête par la «
s'appuyait sur cette distinction pour reno
surhumaine, et se contenter du bon sens4

1. Notamment Eloge d'Hélène, § 5, se content


formation politique de Y « opinion raisonnable
sciences exactes », ce qui vise le programme d'é
loppé au liv. VII de la République. Isocrate emp
n. 3 : le Parménide associe le même terme à adole
du jeu dialectique.
2. Hélène de Gorgias, § 13, invoque « les discours des météorologues »,
qui transforment les apparences (p. ex. réduction des qualités à des combi-
naisons d'atomes). Isocrate, Echange, § 268, jugera inutiles les spéculations
des présocratiques sur l'être. Ce texte, postérieur au Phèdre, résume tout
l'enseignement d' Isocrate. Le § 266 refuse « d'appeler philosophie une étude
qui pour le présent ne sert ni à la parole ni à l'action » (trad. G. Mathieu,
éd. Budé).
3. Eloge d'Hélène, §§ 4-5 ; Contre Soph., §§ 1-8. Jaeger pense que, tandis
que YHélène au § 1 critique les socratiques (dont les premiers dialogues de
Platon) qui unifient les vertus pour en faire un objet de science, le second texte
se rapproche de Platon (Paideia, éd. angl., t. III, pp. 68-69).
4. Isocrate, Busiris, § 28, dit que Pythagore a le premier introduit la
philosophie en Grèce. Cf. A. M. Malingrey, Philosophia, Paris, 1961, pp. 30-33,
sur la sagesse divine selon Pythagore, et 42-46 sur Isocrate. L'Echange, § 271,
oppose savoir absolu et phronêsis pratique ; § 84 : il faut se contenter de la sagesse
reconnue de tous. Sur l'insistance de Gorgias et Alcidamas sur eu phronein,
nombreuses références dans Süss, Ethos, p. 49 (notamment répétition dans

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 31

montré les limites d'une prudence trop humaine, et san


Platon, en gardant la nuance entre sagesse divine et
(278 d) redonne à celle-ci son dynamisme amoureux : pa
s'avoue inférieure, elle aspire à s'élever vers le dieu qui
restant toujours derrière lui, tendue vers la contemplati
Qu'a donc fait Isocrate de ce « divin élan » (279 a), re
Socrate chez ce jeune homme doué et généreux1 ? Sa dé
spéculations métaphysiques l'a trop vite arrêté sur la voi
Ainsi, comme pour Anaxagore et Hippocrate, Platon
dans l'éloge que les éléments positifs, intellect, savoir,
sophique, en leur insufflant son propre élan pour aller b
des limitations de fait du physicien, du médecin ou du r
se trouvent par là même en posture d'accusation. M
« persiflage cinglant »2, c'est contre Lysias, et non Isocr
supériorité de « nature » à l'égard du premier est haute
clamée. Or Isocrate a bien dégagé l'importance qu'a « la
l'élève »3, contre ceux qui prétendent faire du premier v
orateur, et transmettre leur science « comme celle de l'éc
Le récit égyptien sur les dangers de l'écriture5, la défens
rentes formes d'inspiration divine, vont dans le sens des

Soph., fln, § 35 : Alcidamas se présente aussi en défenseur de


et de la sagesse sans dépasser leurs acceptions courantes : §§15, 29).
1. 279 a : si le Phèdre date de 366, Isocrate approche alors 70 ans. Mais
la scène est censée se passer quarante à quarante-cinq ans plus tôt.
2. Robin, Théorie platón, amour, p. 105, disant le « morceau entièrement
ironique » et destiné à « faire rire » aux dépens d' Isocrate par l'allusion à son
avenir. Il est notable que ceux qui ne voient que dérision dans cet éloge n'admet-
tent pas que la « nature » ait valeur pour Platon, soit parce que la philosophie
est « quelque chose de bien plus haut » (Raeder, op. cit., p. 277 : mais le Phèdre
n'oppose pas nature et don divin), soit parce que le rationnel prévaut : Robin,
ibid., p. 103 : « pour Platon, le naturel et l'inspiration divine n'ont pas de
valeur dans la philosophie ».
3. Contre Soph., § 10. Cf. Jaeger, Paideia, éd. angl., t. III, pp. 63 et 191
(d'où ici l'accord de Platon, dont l'éloge d' Isocrate rend hommage à sa nature
philosophique : p. 147).
4. Contre Soph., § 10 (d'où § 12, la comparaison avec la fixité des lettres).
Le § 9 critique ceux qui attirent le plus de gens possible et manquent eux-mêmes
de flair (anaisthêtôs ; plutôt que « inintelligents », trad. Mathieu, éd. Budé.
Cf. Phèdre, 271 e).
5. Derrida note que Thot a pour homologue grec Hermès {La dissémi-
nation, p. 99), et qu'il est aussi « un dieu de la médecine... du remède et du
poison » (p. 107). Platon semble avoir inventé les détails de la fable (275 b).
Mais la civilisation des scribes était « depuis des millénaires » (Timée, 23 c)
maîtresse de l'écriture (H. Joly, Renversement platonicien, p. 38, n. 15). Dans
l'article Ecriture de 1' Encyclopaedia Universalis (t. V, Paris, 1969, p. 946),
Etiemble rappelle que « longtemps on tint pour vrai que l'Egypte et la Chine
vers le même temps avaient élaboré l'une l'hiéroglyphe, l'autre l'idéogramme »,
et cite un poème chinois où l'inventeur de l'écriture déplore son invention.

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32 REVUE PHILOSOPHIQUE

d'Isocrate et Alcidamas en faveur de l'imp


Platon va plus loin. La parole vivante n'a p
la variété qui manquent à l'écrit : elle a
incomparable, car elle invite l'âme à retrou
même. L'écrit, de l'extérieur, se grave en
cœur, vite recouvert par un autre. La r
mythe central1, rejoint ici le thème de
déposée par la nature au plus profond d
patients du maître feront progressivement
du Phèdre convergent dans la défense et i
orale et personnalisée : pour implanter
l'âme de l'élève, choisi pour son heureus
spirituelles, le maître doit lui-même accue
et la réfléchir par une dialectique toujour
plation de la Vérité, et contrôlée dans l
logue : à l'Académie, nul dogmatisme n
rité d'une formule magistrale.
Platon cependant a « écrit » les deux dis
dissant d'abord comme par surprise, puis
avant de revenir à un dialogue apparemme
du non-conformisme de Socrate, il lui prêt
et fixe ainsi l'image d'un autre Socrate3
Yeirôneia, ce don de remettre en question
de l'interlocuteur : en sa présence, une infl
du point final une interrogation. Le texte,
répondant privilégié : roulant de tous côté
de ceux qui n'en ont que faire, mais s'o
entendent (275 d-e). Legs « à quiconque su
l'œuvre engendre des disciples en quête
l'ironie du texte ne fixe jamais dans sa lit

1. Présentée dans le Ménon (81 a-c) comme une


dans le Phédon à une prèvie symétrique de la su
cence est mythique en tant qu'elle se réfère à u
l'âme. Alcidamas discute la mémoration de l'écrit
qu'Isocrate en fait un « monument » du souvenir
cf. Phèdre, 276 d). Sur le déplacement de ces th
p. 48, et sur l'opposition platonicienne aux pr
sophistes, Derrida, La dissémination, pp. 119-12
2. 276 b-d, en opposition avec les semailles vite
«jardins d'Adonis » (p. 5, n. 4 et p. 7, n. 2). La
l'amour [Banquet, 206 e) devient fécondité spiritu
par l'interrogation (Théét., 150 b-d).
3. Derrida, La dissemination, p. 170 : « loute récriture platonicienne...
est... lue à partir de la mort de Socrate » ; cf. pp. 182 et 189 : « A partir de la
mort de Socrate, c'est-à-dire aussi bien, ici, du parricide du Sophiste. »

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G. RODIS-LEWIS. - THÈMES DU « PHÈDRE » 33

ambiguïtés, des allusions qui se retournent contre celui q


voire cité, Platon mêle savamment le contrepoison d
drogue endormeuse de l'écriture. Le « concert discordan
des commentateurs ne risque-t-il pas pourtant de susci
logie ? L'héritier est-il donc incapable de « porter ass
l'ouvrage après la disparition de son auteur ? Conclure
d'échec serait oublier que chaque lecture, par l'insatisfa
soulève, invite à découvrir de nouvelles richesses : car l
facettes qui font briller le texte d'un éclat aussi chatoya
sissable, sont plus complémentaires qu'incompatibles.
La prière finale renoue habilement plusieurs thèmes
adressée à « Pan, fils d'Hermès » (263 d), c'est-à-dire enco
elle confirme que le principal objet du dialogue est bien
des âmes par le Logos » (261 a). Elle incite Y âme à la
l'accord affectueux (philia)3 entre l'intérieur et l'extéri
l'âme et le corps, comme entre l'homme et son entoura
à la sagesse divine (sophos), la seule riche en plénitude, el
la modération et se clôt sur la juste mesure. Phèdre, guéri d
inconsidérée pour les coquetteries formelles de Lysias,
à la philosophie, et reprend le proverbe : « Entre am

1. 275 e, 276 c, 278 c ; terme juridique qu'on retrouve chez Isocr


à Denys de Syracuse, à peine antérieure au Phèdre si ce dialogue suit la mort
du Tyran, § 3 : en l'absence de celui qui l'a écrit, le discours manque d'assis-
tance), et aussi dans une formule hippocratique : la nature s'assiste elle-même
(Jaeger, Paideia, éd. angl., p. 28 et n. 63, p. 297). Pour un texte aussi subtil
que le Phèdre, tous les secours sont précieux : c'est « le dialogue par excellence
où devraient coopérer l'explication philosophique et l'explication littéraire »
(Goldschmidt, Dialogues de Platon, p. 331) ; et les études ici utilisées abondent
en éléments positifs, souvent à coordonner, même quand ils semblent s'opposer.
Nulle méthode n'est privilégiée : la détermination des thèmes dans leur rapport
respectif relève de l'analyse structurale ; mais la détection historique des
sources reste primordiale pour préciser l'horizon de la pensée platonicienne :
malgré l'impossibilité de revivre celle-ci dans son unicité à jamais révolue,
l'interprétation demeure indispensable pour tenter de nuancer la portée d'élé-
ments souvent ambivalents.
2. Crai. y 408 a : toutes les activités d'Hermès se rattachent au pouvoir
du logos (conducteur des âmes dans l'au-delà, il est dit psychopompe, ou parfois
« psychagogue » : E. Des Places, La religion grecque, Paris, 1969, p. 62) ; et
408 b-d : Pan, son fils, a comme le logos, une double nature ; il « fait tout
connaître ». Il « est ou bien le logos lui-même ou bien son frère ». Nous soulignons
les thèmes ici repris. G. E. Mueller, Class. Bulletin, 1957, p. 65, compare
cette prière à la coda d'une symphonie, tandis que Hackforth, éd. p. 69, dit
qu'elle n'a pas de connexion spéciale avec le contexte.
3. Sur Philia. La notion d'amitié dans la philosophie antique, J.-G. Fraisse,
Paris, 1974 (paru après la rédaction de cet article) ; notamment, 2e p.,
pp. 145 sq. sur la convergence chez Platon de l'Erôs et d'une Amitié fondée
sur la commune parenté avec le Bien.
TOME CLXV.

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34 REVUE PHILOSOPHIQUE

commun »x. « Allons ! », le dernier mot d


mouvement. La psychagogie platonicie
l'amour et de l'enthousiasme poétique, l'él
la liberté de la parole improvisée, mervei
mettre en commun la nostalgie du Bea
postérité engendrée par la fécondité du d
Geneviève Rodis-Lewis.

1. Cf. Rép.t IV, 424 a ; V, 449 c ; Lois, V, 739 c.

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