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Author(s): C. Ramnoux
Reviewed work(s):
Source: Revue de Métaphysique et de Morale, 73e Année, No. 1 (Janvier-Mars 1968), pp. 1-15
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40901036 .
Accessed: 02/06/2012 09:11
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Revue
de
Métaphysique
et de
Morale
Nouvelleréhabilitation
des Sophistes
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Revue db Méta. - NM, 1968. 1
C. Ramnoux
« Les Sophistes». Faisons donc une parenthèse pour déplorer que les
livres critiques de premièreimportancede la productionétrangèrene
soient pas plus rapidementtraduits en français.Celui-ci date, dans son
édition italienne, de près de vingt ans. Il a été traduit en anglais dès
1954, ce qui nous a permisà nous-mêmesd'y avoir accès en 1955. Une
seconde lecturea fortifiécette premièreimpression: que le livre est très
important; elle a fortifiéaussi notre sentimentque ce livre obéit à une
inspirationnietzschéenne,mais en rectifiant,et en approfondissantles
intuitions de Nietzsche, par une critique philologique et sémantique
renouvelée.
Avec l'aide du beau livre de Mario Untersteiner,nous ajouterons un
chapitre au projet d'un Anti-Platon. L' Anti-Platon,c'est Nietzsche en
personne: un Nietzschepratiquant lucidementet avec malice le jeu de
Tanti, selon la meilleuretechnique grecque de l'antilogie. Prenant le
parti « anti » de Platon, il devait fatalementretrouverles philosophèmes
de ceux dont le discourssocratique avait précisémentrenverséles posi-
tions. Mais il semble que Nietzscheait deviné,non pas à l'aveugletteni
au hasard, mais avec un certaindegré d'approximation,en mêlant dans
son interprétationle juste et le douteux. Il identifiaitmal les variantes
d'une inspiration commune. Avec Mario Untersteiner,on voit plus
précisémentpourquoi une certainesophistiquefutpar excellencesagesse
de l'âge tragique, et qui fut nommément,parmi les philosophesde cet
âge, le philosophede la tragédie.
Mais il faut d'abord éviterun quiproquo : qu'on ne se méprennepas
sur notre intention,qui n'est pas de démolirPlaton, même en suivant
dans leur travail les auteurs qui ontréhabilitéses adversaires.Non, mais
il convientde mettreen valeur la séduction,la puissance de fascination
d'adversaires,par lesquels Platon, sans doute, avait été séduit, avant
que l'éducation mathématique, plus encore que la foi socratique, ne
l'ait engagé sur des cheminsplus sûrs. Au risque de quelque imprudence,
disonsdavantage : la forced'adversaires,que Platon n'auraitjamais cessé
de connaîtretout près de soi-même,comme un danger permanent.Si
prochainsque l'autocritiquede l'idée le renvoieforcémentaux positions
abandonnées, en le réexposant aux mêmes tentations. Le « fabricant
d'illusions », c'est Gorgias sans doute, mais c'est aussi ce fameux illu-
sionnisteque chacun de nous porteen soi-même,et que Platon ne connaît
que trop bien. C'est d'ailleurs pourquoi Nietzsche peut lui renvoyer
l'accusation de charlatanerie.
L'autocritique de la premièrepartie du e Parménide» renvoie Platon
à un dilemmeque l'on pouvait croiresurmonté,et dont les termes,déjà
refusés,sont signifiésou signés au mieux par les noms de Zenon l'Éléate
et de Protagoras.Platon se trouvealors acculé à une révisiondramatique,
qu'il opère en mettant « entre parenthèses», ou en traitant « comme
hypothèses», des thèses que le libellé de leurs formulesaffrontequasi
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le malheur,réalisentl'événementprésentcommeachevantl'histoire,
telleque les dieuxl'ont voulue.Acheverveut dire ici parachever,per-
fectionner : non pas qu'un tel événementy metteun pointterminal,
puisque l'histoire va continueren amenantune autre cargaisonde
malheurs ; mais parce qu'un momentculminants'épanouitavec une
perfection qu'il ne gagnerait
telle plusrienà durer.Cet événement est à
vivrecommes'il se dédoublait: avec un enverspourtout le monde,où
il reprend sa placedansla séquence,et un endroitpourl'hommequi sait
mieux, il se détache.Ainsi,par la grâcedu momentqui la faitsortir
où
d'unexcèsde malheur, Electreréalisesonmalheurdéjà passé,et comme
et
illusoire, son bonheur présentcommeénigmatique. Car il passe, ainsi
que toute illusion, mais il demeure, comme le signequi confèreun sens
à l'histoire. Toutel'histoired'Electreet d'Orestemérited'êtreracontée,
et racontéeencore,rienque pourramenerce moment-là.
La découverte de l'illusioncommetellepermetau poètede dédoubler
le phénomène. D'un côté,il montrecommentles hommessont obligés
de le vivre,sousuneespècede contrainte ; de l'autre,il montre comment
de brèvesrencontres découvrent le sens de l'histoire,sinonle sens,au
moinsun effet tel qu'on ne peutni l'arrêter, ni vouloirqu'il passe.Cette
espèce de joie que les meilleurstrouvent à multiplier les perspectives,
et découvrirles illusions,réfère,sans doute,à des momentsde cette
qualité.D'un côté,ils continuent la religion
grecque,parcequ'ilsrépètent
dans un autreregistrela qualité singulière de ses émois,de l'autreils
préparent la sagessede l'éternelretour.
C. Ramnoux.
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