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Études littéraires

Pierre Larthomas, Le Langage dramatique, Paris, A. Colin,


1972, 478 p.
Martine Léonard

La poésie moderne : forme et signification


Volume 5, numéro 2, août 1972

URI : https://id.erudit.org/iderudit/500251ar
DOI : https://doi.org/10.7202/500251ar

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Département des littératures de l'Université Laval

ISSN
0014-214X (imprimé)
1708-9069 (numérique)

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Léonard, M. (1972). Compte rendu de [Pierre Larthomas, Le Langage
dramatique, Paris, A. Colin, 1972, 478 p.] Études littéraires, 5(2), 349–351.
https://doi.org/10.7202/500251ar

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de la Ronde, Frédéric Marcelin en plus difficile de ne pas


avait déjà cinquante ans, les autres leur donner raison.
collaborateurs importants près ou
plus de trente, et qu'un seul d'entre Ghislain GOURAIGE
eux, Etzer Vilaire, a professé
l'éclectisme en art. Après tout,
une génération littéraire (si ce
procédé de classement a un sens □ □ □
quelconque en littérature) est
d'ordinaire influencée non par Pierre LARTHOMAS, le Langage
des revues mais par des dramatique, Paris, A Colin,
circonstances historiques, 1972, 478 p.
politiques, sociales, économiques,
et se sert des revues pour affirmer
et au besoin défendre son idéal C'est une stylistique du genre
esthétique. Aussi est-il concevable, dramatique que nous propose
en mettant les choses au mieux, Pierre Larthomas : cette étude
qu'une revue soit celle d'une s'incrit dans une recherche plus
génération, mais cette proposition générale sur la redéfinition du
renversée est tout bonnement genre littéraire 1, catégorie
choquante pour la raison. — abandonnée en même temps que
Sont-ce les mêmes, au surplus, l'ancienne rhétorique et qui
qui font dire à M. Laroche redevient l'objet de préoccupations
qu'Aïza Cédieu le personnage de actuelles 2 . Selon P.L. l'échec
l'Héritage Sacré de Cinéas s'est de la rhétorique, dans le domaine
fait houngan pour mériter les du théâtre, vient de ce qu'elle
faveurs d'une blanche, ou qu'un s'était attachée vainement à
nouveau tournant littéraire n'a pris opposer tragédie et comédie au
naissance en Haïti qu'en 1930? lieu de chercher les points
communs qui définissent le genre
dramatique. Or, et c'est là un
Un peu plus de méfiance des aspects les plus pertinents de
en somme de la part de l'ouvrage, il ressort de l'analyse
M. Laroche à l'égard de ses de P.L. qu'aucun des éléments qui
sources, une conscience plus nette caractérisent le style dramatique
de la complexité des problèmes n'est propre exclusivement à
abordés, et son ouvrage serait l'un ou l'autre de ces pseudo-
ou parfait ou totalement différent. genres ; tel procédé qu'on
Il est manifeste qu'il a préparé s'attendrait à voir uniquement
son livre à l'étranger, et qu'il ne dans la comédie (par exemple
possédait sur Haïti que des la rupture de l'unité de ton, p. 305,
informations forcément limitées,
auxquelles il a dû suppléer par
1
l'intelligence et l'ingéniosité. Cf. aussi : P. Larthomas « La notion
Son mérite est là. Et ceux qui, de genre littéraire en stylistique. » Le
Français moderne, juillet 1964, pp. 185-
comme moi. se seront laissé 93.
gagner au charme de son immense 2
Par exemple, dans Introduction à la
talent ne voudront retenir que littérature fantastique, Le Seuil, 1970, de
ce qu'il faut pour l'admirer. T. Todorov, le premier chapitre, intitulé
Les genres littéraires, pose le problème
Cependant il se trouvera toujours de la réintroduction dans la critique mo-
des esprits intransigeants que les derne de la notion de genre, dont il est
nombreuses lacunes de son œuvre dit : « Les genres sont précisément ces
ne disposeront pas à l'indulgence, relais par lesquels l'œuvre se met en
rapport avec l'univers de la littérature. »
et il sera avec le temps de plus (P. 12)
ETUDES L I T T E R A I R E S / A O U T 1972 350

ou le quiproquo, p. 233), telle entre éléments paraverbaux 5


forme qu'on pourrait croire et éléments verbaux 6 qui organise
réservée à la tragédie (le mono- le plan de l'étude. L'originalité
logue par exemple, p. 377) se d'une telle démarche est
trouvent dans les deux types de d'accueillir des éléments forts
pièces, ce qui prouve que les divers, et on ne saurait passer
mêmes éléments entrent en jeu sous silence la variété des
lorsqu'il s'agit de faire rire ou problèmes que P.L. aborde toujours
de faire « pleurer » le spectateur. avec une précision remarquable,
P.L. propose de définir les et qui font de son ouvrage
genres selon l'utilisation qu'ils une véritable « somme » des
font du langage, d'où le titre, études sur le théâtre. L'unité est
où le terme de langage n'est pas d'ailleurs préservée par la rigueur
employé par opportunisme à la de la méthode : chaque élément
place du mot style, mais bien (que ce soit un geste, un
parce que chaque genre « suppose décor, une intonation ou un texte)
une utilisation particulière du est ici étudié en fonction de
langage parlé ou du langage son rôle dans l'ensemble.
écrit.» (p. 21) Le propre du
genre dramatique est d'utiliser les Un autre point qui nous paraît
deux types de langages simulta- mériter d'être souligné 7 est la
nément 3 : telle est l'hypothèse que façon dont P.L. intégre des
P.L. se propose de vérifier au jugements de valeur au sein de
cours de l'étude, en mesurant son analyse : l'étude stylistique,
à chaque fois l'écart entre la selon lui, serait vaine si elle ne
langue parlée et la langue écrite nous donnait pas la réponse aux
puis la solution de compromis questions : « Pourquoi jouons-nous
offerte par chaque œuvre. Le Racine et non Pradon ? Pourquoi
problème soulevé est donc celui de Molière et non Boursault ?
l'opposition langue écrite/langue etc. » (p. 11) Or c'est la notion
parlée dont on oublie trop d'efficacité qui fournit la clé
facilement combien elle est du problème : c'est elle qui assure
récemment entrée dans les le rapport entre les éléments
analyses linguistiques 4 . Afin que nous énumérions plus haut
d'embrasser ce langage dans sa — rapport qui fait qu'une
totalité, P.L. tient compte non pièce « passe » ou non. L'étude
seulement du texte dramatique stylistique est alors définie :
mais des éléments qui constituent
la situation dramatique et qui
s Deuxième partie : Ch. I La prosodie,
— sans faire à proprement partie Ch. Il Les gestes, Ch. III Le décor, Ch.
du langage dramatique — le IV Action et situation, Ch. V Le temps.
conditionnent. C'est l'opposition Tous ces éléments ne sont évidemment
pas sur le même plan, car il en est de
plus ou moins extérieurs au texte, d'au-
tres à la limite du verbal (par ex. les
3 L'originalité est ici que c'est l ' é c r i t facteurs prosodiques).
qui précède le d i t : « en même temps 6 Troisième partie : Ch. I Le dit et
que l'auteur dramatique écrit son texte, l'écrit, Ch. Il Accidents et déformations
il l'imagine d i t et joué. Et c'est pour du langage, Ch. III L'enchaînement, Ch.
q u ' i l soit d i t et joué q u ' i l l'écrit. » IV La concentration des effets, Ch. V
(P. 30) L'unité de ton, Ch. VI Rythme, nombre
* Le problème fondamental n'est d ' a i l - et tempo, Ch. VII Les tentations de l'écri-
leurs pas résolu de savoir à quel niveau ture.
au juste se situe cette opposition : c e l u i ? Parce q u ' i l f a i t l'originalité de P.L.
du langage, de la langue, ou seulement par rapport aux critiques modernes qui
de la parole ? P.L. quant à lui parle de ont banni de leurs analyses la notion de
« deux langages. » beauté.
COMPTES RENDUS 351

« l'étude de l'efficacité sur le puis au « panchronique »,


spectateur du texte dit. » (p. 134) en dégageant à travers une
Et qui dit efficacité dit beauté, description historique du problème
ou plutôt les deux termes un des traits essentiels du
sont ici synonymes : «tout dialogue langage dramatique : « un langage
qui est efficace est, de ce fait. dont on oublie qu'il est
beau . . . » (p. 256) langage ; inséparable des autres
éléments du spectacle et si
Un mot enfin du corpus, bien fondu en eux qu'on finit par
ou plutôt du problème beaucoup ne plus le voir ; il devient
plus général des rapports de la transparent, dans la mesure où
synchronie et de la diachronie en aucune rupture de ton ne fait
stylistique : peut-on définir un obstacle à cette transparence. »
genre au delà d'une description (p. 306)
de son évolution historique ?
P.L. étudie des œuvres qui vont Nous voici au terme de ce
de Molière à Anouilh 8 et sa compte rendu et nous avons
démonstration en est d'autant conscience de l'avoir seulement
plus convaincante : on aurait pu ébauché ; du moins espérons-nous
craindre, s'il s'était limité à avoir fait comprendre qu'il
un auteur ou à une période, qu'il s'agit d'une lecture extrêmement
n'atteigne que des éléments stimulante et qui devrait intéresser
secondaires du genre dramatique ; des chercheurs très divers. En
d'autre part le rapprochement effet la richesse de l'ouvrage
des auteurs classiques et des tient non seulement à la variété
dramaturges contemporains nous des problèmes, des textes,
a paru vivifiant ; on sent une mais aussi à celle des perspectives
fréquentation de longue date de qui y sont ouvertes. Ainsi
tous ces textes et le tour de pensons-nous que P.L. a pleine-
force est d'avoir ici évité le ment réussi dans la tâche qu'il
disparate en reprenant parfois les s'était fixée : « Le terme d'« essai »
mêmes exemples sous des conviendrait bien à ce travail,
éclairages différents, ce qui si on lui donne son sens plein ;
soutient l'attention du lecteur sans si on lui fait dire qu'il s'agit
risque de monotonie. L'analyse ici bien plus de poser un problème
historique n'est d'ailleurs pas que de le résoudre et bien
exclue, mais pour ainsi dire moins de satisfaire l'esprit que
dépassée : le chapitre sur VUnité de l'intriguer.» (p. 13)
de ton nous paraît le meilleur
exemple d'une analyse qui va du Martine LÉONARD
synchronique au diachronique Université de Montréal

s Mais plus particulièrement Beaumar- 9 P.L. reconnaît avoir privilégié le


chais. Les spécialistes de tel ou tel au- théâtre des 17ème et 18ème siècles et
teur (Claudel, Giraudoux, Marivaux, etc.) se propose d'étudier pour lui-même le
se référeront f a c i l e m e n t à l'index des théâtre contemporain ; répétons q u ' i c i il
auteurs qui pour chacun détaille le nom s'interdisait d'étudier une période par-
des œuvres. ticulière.

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