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Études littéraires

Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique,


Paris, Le Seuil, 1970.
Colette Astier

Volume 4, Number 1, avril 1971

Le roman médiéval

URI: https://id.erudit.org/iderudit/500176ar
DOI: https://doi.org/10.7202/500176ar

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Département des littératures de l'Université Laval

ISSN
0014-214X (print)
1708-9069 (digital)

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Astier, C. (1971). Review of [Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature
fantastique, Paris, Le Seuil, 1970.] Études littéraires, 4(1), 127–129.
https://doi.org/10.7202/500176ar

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COMPTES RENDUS 127

caractéristique de certains Tzvetan TODOROV, Introduction


Nouveaux Romans, permettent-elles à la littérature fantastique,
d'affirmer que la mission du Paris, Le Seuil, 1970.
roman est de nous montrer
c comment la personne est possible
en un point donné de l'histoire » ? Avec son Introduction à la
Il y a là une ambiguïté : la notion littérature fantastique, Tzvetan
de personne est affirmée par Todorov nous donne le premier
hypothèse. Sans doute M. Zéraffa exemple important de l'application
montre-t-il que c'est une notion systématique de ce qu'il appelle
historique, relative, dont chaque la poétique. Ce fut donc une
époque invente une image. Mais en parution remarquée que celle de
fait, la notion reste pour lui un cet ouvrage, et qui a déjà suscité
absolu dans la mesure où il a lié bon nombre de commentaires,
au départ le roman à la conception voire de controverses, dont
de la personne. Or, cette notion certaines furent passionnées.
ne va-t-elle pas rejoindre aujour­
d'hui ces c essences t humanistes L'originalité de cette étude, dont
rejetées par la nouvelle littérature, le propos n'est nullement de
et qui ne peuvent plus servir à contredire les travaux désormais
l'expliquer ? classiques en ce domaine, de
Une dernière remarque : Bien P.G. Castex, de Louis Vax,
que l'auteur s'affirme disciple de Cail lois, ou de Lovecraft et de
d'E. Souriau (t la compréhension Penzoldt, tient à la nouveauté du
de la forme est la seule voie point de vue adopté et à la rigueur
sûre vers la compréhension du avec laquelle Todorov s'y tient :
sens »), il ne faut pas chercher d'emblée, il annonce, en effet,
dans son ouvrage une étude que son entreprise particulière
technique et formelle du récit sera t d'examiner des œuvres
romanesque et des personnages- littéraires dans la perspective d'un
fonctions telle que la font les genre », de € découvrir des règles
structuralistes ; M. Zéraffa est qui fonctionnent à travers plusieurs
plutôt un philosophe psychologue textes », et, en somme, de ne
et esthéticien qui réfléchit sur parler de la littérature fantastique,
les formes et leur sens. Nous que pour en déterminer les
ajouterons que ce philosophe est structures abstraites. Ainsi sont
plus rarement un sociologue, bien clairement posées les limites de
que la recherche sociologique ne cette recherche, et si Todorov ne
lui soit nullement inconnue et se donne nullement pour tâche
qu'il discute au passage les d'évoquer la qualité propre et le
interprétations de Lukacs et parfum de tel ou tel texte, non plus
de Goldmann. que d'en rechercher la signification,
il consacre une part importante de
Fouillée, riche, diverse, son ouvrage à la réflexion
subtile, l'étude mérite la lecture méthodologique. Soucieux, du
attentive de tous ceux qui s'inté­ reste, d'affûter à toute occasion
ressent aux problèmes du roman son instrument, il ne cesse guère
et à la transformation de la de décrire sa méthode, au moment
littérature. même où il l'utilise, et cette
Nicole BOTHOREL Introduction à la littérature
fantastique, comme en témoigne
Université de Rennes un long préliminaire, consacré à
la notion de genre, est donc tout
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ÉTUDES LITTÉRAIRES/AVRIL 1971 128

aussi bien une introduction à renvoyer à rien de réel, et qu'il


l'analyse structurale. Il ne faut donc puisse, dans cette perspective,
pas s'étonner de ce que les présenter la littérature fantastique
quelques pages dans lesquelles à la fois comme « la quintessence
Todorov définit l'objet de sa de la littérature », dans la mesure
recherche, tout en s'opposant à où elle fait de cette hésitation
quelques critiques incontestés, entre réel et irréel, « son centre
tels que Roger Caillois, J.P. explicite », et comme « une
Richard, ou Northrop Frye, dont il propédeutique à la littérature »,
reconnaît l'importance et le talent, parce qu'elle privilégierait
mais dont il relève volontiers paradoxalement dans le même
les contradictions profondes, temps, à l'imaginaire, une certaine
soient décisives et comptent parmi référence, ou illusion de
les mieux venues. L'austérité de référence, à la réalité.
ce propos ne doit cependant pas
faire craindre que la littérature Ce n'est que lorsqu'il a déterminé
elle-même ne soit négligée, et, la nature des rapports du
malgré ce qui a parfois été dit, on fantastique avec le surnaturel
ne saurait reprocher à qui postule d'une part, et avec la représenta­
que « la meilleure critique tend tivité du langage littéraire d'autre
toujours à devenir elle-même part, que Todorov poursuit son
littérature », ou plus paradoxa­ analyse, selon les trois catégories
lement que « la définition même qu'il distingue dans le phénomène
de la littérature implique qu'on littéraire et qui sont : son aspect
ne puisse en parler », de sous- verbal, son aspect syntaxique et
estimer l'objet de son étude. son aspect sémantique. Il passe
assez vite sur les deux premiers,
C'est donc, avant même le conte non sans se donner le loisir
fantastique, qui n'en constitue cependant, d'analyser de façon
sur certains points qu'un exemple convaincante ce qui fait
privilégié, la littérature qui est l'ambiguïté, et donc l'efficacité de
le second objet de cette recherche, telle page d'Aurélia, ou encore
ce qui n'empêche nullement de déterminer très précisément la
l'auteur de se livrer, conformément fonction du personnage-narrateur
à ce que promettait le titre, à une dans le conte, mais c'est pour
analyse méthodique du genre consacrer deux longs chapitres
fantastique. Soucieux, tout d'abord à l'aspect sémantique du fan­
de délimiter son domaine et de tastique, c'est-à-dire à ses thèmes.
le définir par rapport aux genres Ici, il faut reconnaître que le
limitrophes que sont l'étrange et lecteur n'est pas fâché de voir
le merveilleux, ou la poésie l'auteur se mesurer avec ce qui fut
et l'allégorie, l'auteur définit le terrain de prédilection de ses
l'univers fantastique, comme celui prédécesseurs, et que, loin de
où une hésitation doit naître entre décevoir cette attente, Todorov
une explication naturelle, et une apparaît sur ce point encore
explication surnaturelle des comme un théoricien.
événements relatés. On conçoit
donc que dans un dernier chapitre, Cependant, pour ingénieuse
intitulé précisément Littérature qu'elle soit, sa répartition des
et fantastique, Todorov puisse thèmes fantastiques et plus
revenir sur l'une de ses intuitions généralement comme il le suggère,
maîtresses, selon laquelle le de tous les thèmes littéraires, en
langage littéraire ne saurait « thèmes du je », ou thèmes du
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regard, c'est-à-dire en thèmes aussi très vite sur les rapports


se rattachant aux rapports de de la nouvelle et du fantastique,
l'être et du monde, et en du surnaturel et de la rapidité
« thèmes du tu », thèmes du du récit, du désir et du diable,
discours, et donc thèmes du désir, ou même sur les raisons de
de l'amour et de la relation l'établissement de sa deuxième
à autrui, ne va pas sans contra­ catégorie de thèmes, et, malgré
dictions. Pourquoi, tout d'abord la profusion et l'excellence de ce
choisir tous les exemples, ou qui est dit, il arrive qu'on le
presque, dans le conte merveilleux, regrette. Pour finir, Todorov tente
après avoir tant insisté sur la enfin une brève incursion hors
primauté de la réaction du de son domaine et de son système,
personnage et du lecteur dans le pour se livrer à quelques consi­
conte fantastique ? Pourquoi encore, dérations historiques sur le genre
et, ici, le doute est peut-être plus fantastique. Son propos demeure,
grave, prétendre classer des cette fois, plus vague, et malgré
thèmes et des images sans les quelques pages brillantes sur
interpréter ? Todorov, certes, s'en le « fantastique généralisé » de
explique, et l'on sent bien avec Kafka, sa conclusion s'en ressent
lui, que le critère qu'il propose, de et demeure imprécise.
compatibilité ou d'incompatibilité
des thèmes offre de quoi retenir Tel qu'il se présente, cet ouvrage
l'attention, mais, comme il arrive n'est donc pas, tant du point de
plus d'une fois dans ces pages, vue d'une critique interne que
la démonstration demeure trop de celui d'une critique externe,
hâtive pour être convaincante. au-dessus de toute attaque. Mais
ces quelques défaillances et ces
Il n'en demeure pas moins que contradictions ne parviennent pas
telle qu'elle se présente, cette à gâter l'impression de clarté,
classification a un niveau de de rigueur et de force, qui se
généralité satisfaisant, sans jamais dégage de l'ensemble, et l'on ne
tomber dans l'arbitraire. Todorov saurait, de surcroît, être trop
accompagne, en outre, sa répar­ sensible à l'alliance difficile qui
tition d'un commentaire, où les s'y trouve réalisée, du sérieux du
idées et les rapprochements raisonnement et de la hardiesse
suggestifs abondent. Qu'il s'agisse, de l'intuition. Cette Introduction à
en effet, du jour qu'il projette sur la littérature fantastique, plus
la « transgression » opérée par le ambitieuse que n'eût pu le faire
fantastique, de son rapprochement soupçonner son titre, apporte
entre la psychose, l'effet de les éléments d'une vaste réflexion,
certaines drogues et l'univers qui couvre, non seulement le
de la littérature fantastique, où domaine propre au fantastique,
règne, du fait de l'abolition de la mais aussi celui de la critique, et
cloison qui sépare ordinairement la littérature elle-même.
le physique et le mental, ou la
matière et l'esprit, ce qu'il appelle Colette ASTIER
le « pan-déterminisme > ou la
« pan-signification », il y a là Université de Paris-Nanterre
autant de remarques dont la
fécondité ne fait pas de doute
et qu'on aimerait voir, un jour
quelque peu développées. Mais
l'auteur passe vite, comme il passe D □ D

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