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Le roman historique

Le roman historique est considéré par les critiques littéraires comme un « micro-
genre » (Pierre-Louis Rey), dont Walter Scott marque l’avènement au début du XIXe siècle.
Avec Walter Scott, le roman historique mêle personnages fictifs et réels dans un cadre et
sur un fond d’événements authentiques ; il se sert plutô t d’une destinée individuelle afin
d’éclairer une partie de l’histoire. (En anglais, history = histoire vraie, tandis que story =
histoire inventée).
Coïncidant avec le mouvement romantique, ce type de roman marque un regain
d’intérêt dans les littératures de l’Europe occidentale pour les sources nationales. Ainsi par
exemple le roman de Scott, Ivan-Hoé / 1819, dont l’action se situe vers la fin du règne de
Richard Ier, figure historique qui ressuscite la lutte des Normands et des Saxons, située à
l’origine de la formation de l’Angleterre.
On reconnaît en Walter Scott l’inventeur du roman historique, qui allait connaître un
grand succès à l’époque romantique. Le choix de héros imaginaires ou peu connus relègue à
l’arrière plan les grands personnages historiques : ses romans ont pour titre des noms de
ces personnages imaginaires (Quentin Durward et non pas Louis XI, ou bien Ivan-Hoé et
non pas Richard-Cœur-de-Lion). On a dit que dans ses romans c’est le drame d’une époque
et d’une nation qui est en scène, et l’intention du romancier serait au premier chef de
sauver de l’oubli ce que l’éloignement dans le temps risque de faire disparaître : l’identité
nationale d’un peuple (les Ecossais) vaincu par les Anglais, voué à cause de cela à perdre
ses particularités. Ce problème toujours actuel !...
La volonté de faire revivre « le bon vieux temps » conduit Scott à des innovations
décisives en matière de technique romanesque. La description, très développée, n’est plus
pour lui un simple exercice, mais « un souci d’antiquaire », une prise de conscience du rô le
essentiel de l’espace qui acquiert dans ses romans toute sa gamme de significations :
fonctionnel, référentiel, pittoresque ou symbolique ; l’espace tend à devenir un personnage
en soi (ce que l’on verra plus tard chez Hugo aussi, dans Notre-Dame de Paris).
De son cô té, le personnage suit un itinéraire dans lequel l’Histoire joue un rô le
initiateur ; selon Jacques Bony, le passage de l’enfance à l’â ge adulte équivaut au passage de
l’ancien au nouveau. Le succès des romans de Walter Scott en France s’explique par la
nostalgie d’un passé encore proche (parfois subjectivement parlant), de ses valeurs, et par
la nécessité ressentie par la plupart des contemporains de survivre aux changements
inévitables de l’époque, sans se couper radicalement des origines.
Une première mission du roman historique c’est de faire ressortir au moyen de la
fiction les mécanismes qui expliquent les grandes transformations sociales (à tous les
niveaux de compréhension, qui affectent toutes les couches sociales) en ouvrant la voie à
une réflexion morale et en utilisant toutes les ressources du roman, sans s’interroger sur
les lois du genre (c’est un roman qui ne théorise pas).
Ce type de roman affirme en priorité le caractère fictif de son intrigue, mais lui
confère de la vraisemblance par le cadre spatial et temporel et par les ressorts profonds de
l’action. L’auteur de roman/s historique/s vise à une représentation de ce qui s’est passé à
une certaine époque ou de ce qui aurait pu se passer ainsi. La représentation de la réalité
s’organise suivant une logique propre au genre romanesque :
– type de récit débouchant sur un dénouement ;
– focalisation sur un ou plusieurs personnages ;
– mise en perspective de divers événements ;
– une cohérence interne du récit selon laquelle on parvient (plus ou moins) à une
reconstitution plausible de la période et de l’épisode choisis.

Comme le dit Gyorgy Lukà cs :

Sans une relation sentie avec le présent, la figuration de l’histoire est impossible. Mais
cette relation historique ne consiste pas à faire allusion aux événements contemporains,
mais à faire revivre le passé comme une pré-histoire du présent, à donner une vie poétique
à des forces historiques, sociales et humaines qui, au cours d’une longue évolution, ont fait
de notre vie actuelle ce qu’elle est.
(Le roman historique)

Le roman historique
dans la littérature romantique française
Le besoin d’expliquer le présent par le passé, autant que la volonté de reconstituer
celui-ci dans l’imagination du lecteur, est constant chez les auteurs romantiques. Une
première explication de ce besoin serait le traumatisme subi par la société française à la
suite de la Révolution et de l’Empire, ce dont on a maintes fois parlé. Dans les pages
suivantes, quelques illustrations portant sur la richesse du roman historique français, qui
jouit à cette époque d’un succès étonnant.

Vigny – Cinq-Mars (1826)


Dans ses « Réflexions sur la vérité dans l’art » (1827), future préface au roman Cinq-
Mars, Vigny souligne « combien nous sommes dans un temps où l’on veut connaître et où
l’on cherche la source de tous les fleuves ». Dépassant le vrai du fait, le roman peut
atteindre la vérité de l’art, c’est-à -dire aller au-delà de l’anecdote, pour donner une idée de
l’Histoire dans sa véridicité.
Cinq-Mars place sur le devant de la scène des héros historiques : Cinq-Mars1,
Richelieu, Molière, Corneille, Descartes, etc. Racontant l’histoire d’un noble qui tente
vainement de défendre les droits de sa caste contre les prétentions du pouvoir
monarchique, Vigny éclaire le lecteur du temps de la Restauration 2 sur la décadence qui
mènera au naufrage.
Publié en 1826, Cinq-Mars représente le premier roman historique français
important. Il constitue le premier volet d’une « histoire de la grandeur et du martyre de la
noblesse de France » » et « acclimate » ici une formule de ce type de roman, tel que Walter
Scott l’avait proposé, défini, illustré sur le terrain anglais.
L’histoire de la conjuration de Cinq-Mars contre Richelieu, image de la noblesse
luttant contre un pouvoir centralisateur, symbolise le combat qui marque la disparition de
l’ancienne société féodale et d’une certaine forme d’aristocratie. Vigny reconstitue
minutieusement la Cour de Louis XIII, le monde des écrivains et de la préciosité, s’efforçant
aussi d’adapter le langage des personnages à leur état (ce qui représente une nouveauté).
Bien qu’influencé par Walter Scott, Vigny s’en détache surtout par ses préoccupations
théoriques (une sorte de poétique du roman avant la lettre), synthétisées dans la Préface
du roman, intitulée « Réflexions sur la vérité dans l’art ». Parmi les idées qui s’imposent on
retient :
 le lien très serré Art / Histoire ;
 l’amour de la France pour les faits historiques ;
 le désir de ne pas imiter les modèles étrangers, mais de tenter quelque chose de
spécifique, en choisissant l’époque récente et en faisant des contemporains « les acteurs de
cette tragédie ».

Balzac3 – Les Chouans (1829)


D’abord ce roman avait été intitulé Le dernier Chouan, puis, Les Chouans en Bretagne
en 1799. On a dit que « c’est le plus scottien des romans historiques français » (Jq. Bony).
Balzac, à la différence de Vigny, sans jamais faire paraître aucun personnage historique,
met en scène deux mondes qui s’affrontent (l’Armée républicaine /vs/ la masse des
Bretons révoltés). La Chouannerie4 sera – avec les guerres de religion – l’un des thèmes de
prédilection du roman historique français.

1
Cinq-Mars – 1620-1644, favori de Louis XIII; il a conspiré contre Richelieu et il a été décapité.
2
La Restauration, régime politique instauré en France à la suite de l’exil de Napoléon, qui a duré jusqu’à 1830 ; les deux
rois de la Restauration ont été Louis VIII et Charles X.
3
En espérant avoir justifié l’absence de Balzac sur l’ensemble de nos présentations, on précise qu’il nous a été impossible
de ne pas lui réserver une place dans le cadre de ce sujet, d’autant plus que son roman illustre au plus haut point une
typologie.
4
Chouannerie – Insurrection des Chouans – insurgés royalistes de l’Ouest de la France (la Vendée, etc.) sous la Ière
République (21 sept. 1792 – 18 mai 1804 / Floréal – proclamation du Ier Empire).
Balzac, royaliste comme Vigny, donne raison (à la différence du dernier) au nouveau
monde contre l’ancien. Quelques personnages (Hulot, Merle, Gérard) incarnent les forces
vives de la nouvelle France : promotion sociale due au mérite, idéal de liberté, loyauté et
humanité. De l’autre cô té, d’ignobles individus (stupides, rusés et cruels) comme Marche-à -
Terre, Pille-Miche, Galope-Chopine représentent « les habitants de ces campagnes aussi
rusés, aussi grands, aussi durs que les Mohicans et les Peaux-Rouges de l’Amérique
septentrionale ». Les Chouans sont restés comme un mémorable exemple du danger de
remuer les masses peu civilisées d’un pays (Chapitre Ier).
Balzac s’attache beaucoup aux lieux et explique le tempérament des Bretons (et leur
manière d’être) par la nature de leur pays ; c’est un paysage spécial, fait « d’immenses
forêts primordiales, monuments des Druides, sol sillonné de ravins, torrents, lacs et
marais... » (Ch. III).
Le roman présente l’histoire d’une espionne dont la mission est de séduire le chef de
la Chouannerie, et qui cède, pour finir à l’amour. On est ici en présence de héros fictifs qui
ne cô toient pas des personnages historiques. Malgré l’intrigue à caractère plutô t
romanesque, la toile de fond garde un caractère historique vrai, situant l’intrigue en 1799,
période où l’arrivée au pouvoir de Bonaparte déclenche maints changements dans la vie
sociale, politique et dans les idéologies. Cependant, les aventures individuelles prennent ici
le pas sur les idéologies et les événements historiques.

Prosper Mérimée
– Chronique du règne de Charles IX
É crit entre 1829 – 1832, le roman présente une intrigue organisée autour d’une date
funeste de l’histoire de la France, la nuit de la Saint-Barthélémy (1572). La lutte fratricide
des catholiques et des protestants est représentée par deux frères, Georges et Bernard de
Mergy. Sans prétendre à la vérité des faits (Mérimée avoue que s’il avait eu le talent d’écrire
une Histoire de France, il n’aurait pas fait de « contes »), l’auteur écrit une chronique, c’est-
à -dire un récit de faits avérés, enregistrés dans leur propre succession. Le manque de talent
d’historien est compensé par le talent de mettre en place une atmosphère d’époque,
d’obtenir l’effet de couleur locale. L’originalitéde Mérimée réside en l’introduction – dans
le roman historique – de quelques techniques nommées d’abord d’anti-roman (par rapport
à la conception traditionnelle du roman).
On les rencontre par exemple au chapitre VIII, intitulé « Dialogue entre le lecteur et
l’auteur ». Ce dialogue supposé porte sur la capacité de l’auteur de faire revivre un temps
plus ou moins éloigné (ici les années 1570) et sur la liberté de choisir ses personnages sur
d’autres critères que ceux de leur rô le dans l’histoire, c’est-à -dire le remplacement de
l’objectivité par la subjectivité.
Un autre aspect novateur de Mérimée réside dans le rô le qu’il réserve au lecteur, celui
d’intervenir dans le dénouement des faits, donc une manière d’imposer déjà dans le roman
la fin ouverte : « Je laisse à décider au lecteur, qui, de la sorte, terminera toujours le roman
à son gré ».

Victor Hugo – Notre-Dame de Paris (1831)


Dans ce célèbre roman qui se détache du cadre et du modèle imposés par Walter
Scott, Hugo fait revivre et agir deux civilisations, deux mondes (le passé – Le Moyen  ge et
le présent dans lequel ses contemporains pouvaient reconnaître quelques préoccupations
de leur époque, parmi lesquelles on a dit que la plus importante était d’obtenir la
restauration de la cathédrale (mais qu’est-ce qu’un pareil « objectif » pourrait avoir à faire
avec un roman-événement ?!). Hugo fait revivre tout le grouillement du Paris de la fin du
Moyen  ge (1482 y est bien gravé) autour de la cathédrale – dans laquelle ses
contemporains peuvent facilement voir la continuité du passé dans le présent, assister
même à des convulsions qui annoncent une future naissance de la société, selon la pensée
romantique du temps comme continuum.
Théâ tre où s’affrontent peuple et église, croyances et passions, forts et faibles,
démunis du sort, le parvis de la Cathédrale (et la Cathédrale) constitue le centre irradiant
de ce roman riche de signes, symboles, valences et réussites stylistiques. Il est question,
parmi d’autres, d’une fiction chargée de romanesque au service d’une philosophie de
l’histoire, philosophie que le romantisme a imposée par ses plus poétiques voix, parmi
lesquelles, sans conteste, Victor Hugo.
La cathédrale n’est pas seulement un espace symbolique et un relais temporel, mais
surtout le personnage principal du roman, autour duquel tout évolue et prend sens.
« Roman archéologique » (Gérard Gengembre) à plus d’un titre, non seulement pour les
prestiges du chef-d’œuvre gothique qui permet une interrogation profonde et
polyphonique des couches temporelles et sociales de notre devenir, roman symbolique du
centre duquel irradie la question du savoir, roman des métamorphoses (ses personnages
sont pris dans des mutations plus ou moins évidentes), Notre-Dame de Paris demeure un
roman historique avant toute chose, par ce qu’il offre de plus proche et de plus visible à la
lecture, tout en dépassant de loin cette étiquette (hélas !, appauvrissante dans ce cas).
Sujet à des interprétations antithétiques, qui ont accentué tantô t ses aspects
fatalistes, tantô t l’idée d’un renouvellement nécessaire qui suivra au sacrifice, Notre-Dame
de Paris ne cesse de fasciner et d’attirer le public lecteur et l’on peut croire que c’est le plus
connu et le plus affectionné roman historique français. On a dit que par son pessimisme
(dans l’Avant-propos du livre, Hugo avait écrit : « La fatalité !, c’est sur ce mot qu’on a fait ce
livre ») qui entraîne également les êtres et les choses, parce que l’histoire se fait seule, en
écrasant tout sur son passage, le roman hugolien est « un produit du désenchantement »,
qui suit la mode romantique de cet état d’â me et de conscience.

Alexandre Dumas est le maître incontesté de ce type de roman, auquel il adapte,


grâ ce à son succès et aux moyens de publication, des méthodes de production
« industrielles » (des fragments de romans historiques sont publiés dans des quotidiens de
grand succès, comme « La Presse » et « Le Siècle », ce qui est à l’origine du roman-
feuilleton).
De 1842 à 1848 il publie onze romans historiques, dont Les trois mousquetaires
(1844) et Vingt ans après (1845) demeurent les plus célèbres. Il renouvelle à son tour du
cô té de la situation des personnages : les personnages imaginaires et les personnages
historiques occupent le même plan de la narration (ont la même importance). Dumas
travaille aussi du cô té de la présentation des faits, en proposant l’incipit in medias res (en
pleine action), qui sera suivi par de nombreuses analepses (figures de construction
consistant dans des retours en arrière).
« Commencer par l’intérêt, au lieu de commencer par l’ennui ; commencer par
l’action au lieu de commencer par la préparation ; parler des personnages après les avoir
fait paraître, au lieu de les faire paraître après avoir parlé d’eux » (Dumas, Mémoires de mes
bêtes) – voici un fragment qui expose quelques principes de poétique narrative qui sont
pour beaucoup dans le succès que le roman historique de Dumas a connu à travers le
temps.
Si ce type de roman a été l’objet de vives critiques, c’est surtout à cause de son
infidélité à l’histoire et de l’utilisation de l’histoire comme prétexte à des aventures, sans
véritable intention de la peindre dans ce qu’elle a d’authentique. Mais on reconnaît tout de
même le caractère éminemment romantique de ses romans par l’intrigue, les caractères et
les sentiments des personnages.
D’autres romans historiques de Dumas : Le Comte de Monte-Cristo, Le Vicomte de
Bragelonne, La Reine Margot, La Dame de Monsoreau, etc.

***
En relation serrée avec le roman historique, la chronique sera une modalité littéraire
affectionnée aussi par Stendhal. Le Rouge et le Noir est sous-intitulé Chronique du XIX-e
siècle ; il a encore écrit les Chroniques italiennes. La Chartreuse de Parme peut également
être lue comme une chronique (faite à la Cour de la Principauté de Parme sous le règne
d’Ernest V). Le récit commence « à Milan en 1796 », mais les 20 premières années sont
passées sous le silence de beaucoup d’ellipses.
Adopter le temps et la modalité de la chronique, c’est, pour Stendhal une possibilité
d’adhérer à une conception de l’Histoire qui, nivelant les événements, place les destinées
individuelles avant le sort des Etats. Chez Stendhal, « un instant de bonheur compte plus
qu’un régicide » (P.-L. Rey). Dans le récit de la bataille de Waterloo, où se jouait le sort de
l’Europe, le lecteur est plutô t intéressé par le danger que court Fabrice (l’innocent enrô lé),
que par l’importance du combat. Ce n’est donc pas l’événement majeur qui focalise le récit
(la bataille de Waterloo), mais les faits qui composent la destinée du protagoniste,
d’habitude chez Stendhal « être d’exception qui va en liberté là où le porte le cœur » (P.-L.
Rey).
Dans la Préface à son roman historique Quatre-vingt-treize (qui se rapproche des
Chouans de Balzac), Hugo écrit : « La légende est aussi vraie et aussi fausse que l’histoire.
C’est la légende que j’écris ».
Au lieu d’authentifier un récit où les personnages historiques doivent passer dans
« cette vapeur des lointains qui grandit tout et semble l’auréole du mystère » (comme le dit
Barbey d’Aurevilly), les écrivains font plutô t appel à des moyens et des techniques à même
de conférer au récit (à son cadre, aux mœurs, etc.) la couleur locale, ou bien tout ce qui
participe de la couleur de la légende.
Comme Marguerite Yourcenar le précisait dans les Mémoires d’Hadrien, « pour donner
à un personnage fictif une consistance réelle (du type réaliste, c’est-à -dire ancré dans un
espace et dans un temps), conditionné par le temps et le lieu, « faute de quoi le roman
historique n’est qu’un bal costumé réussi ou non, l’écrivain n’a à son service que les faits et
les dates de la vie passée, c’est-à -dire l’histoire ».
La forte influence de W. Scott en France se matérialise en une impressionnante
floraison du roman historique dans la période allant de 1820 à 1850. L’influence scottienne
a été déterminante en France surtout parce qu’elle a amené les romanciers à réfléchir sur
leur art et à en modifier considérablement les techniques.
Un premier résultat de ces réflexions concerne le lecteur et vise à le déplacer dans le
temps et dans l’espace, dès l’incipit.
Exemples :
Dans les premiers jours de l’an VII, au commencement de vendémiaire, ou, pour se
conformer au calendrier actuel, vers la fin du mois de septembre 1799, une centaine de
paysans [...] partis le matin de Fougères pour se rendre à Mayenne gravissaient la
montagne de la Pèlerine... (Balzac, Les Chouans)

Vers le milieu du mois de juillet 1838, une voiture [...] cheminait rue de l’Université,
portant un gros homme de taille moyenne, en uniforme de la garde nationale. (Balzac, La
Cousine Bette)

Le quinze mai 1796, le général Bonaparte fit son entrée dans Milan à la tête de cette jeune
armée qui venait de passer le pont de Lodi et d’apprendre au monde qu’après tant de
siècles César et Alexandre avaient un successeur. (Stendhal, La Chartreuse de Parme)
Le récit se trouve donc dès l’incipit ancré dans une réalité datable et localisable,
clairement pourvu de connotations historiques facilement repérables par le lecteur. Ce
type d’incipit caractérise non seulement le roman historique, mais tout le roman réaliste
qui se développe à l’époque, et pour lequel le souci de précision et de vérité (« l’illusion
vraie ») est encore plus grand.
Un autre aspect qui parle de la spécificité du roman historique concerne le destin des
personnages. Ceux-ci sont immanquablement déterminés par un temps et un milieu ; le
cadre et les événements où ils vivent, ou bien qu’ils traversent, déterminent et articulent
leur devenir plus ou moins héroïque.

Liliana Foşalău

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