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Introduction
« La tortue et les deux canards» est une fable extraite du livre X des fables de Jean de La Fontaine, paru
en 1678.
Le fabuliste a vécu sous le règne de Louis XIV, en pleine période de monarchie absolue alors que le
classicisme s'impose dans les arts. Il est particulièrement connu pour avoir mis en scene des animaux
anthropomorphes afin d'illustrer et de dénoncer les mœurs de la cours du roi Louis XIV
Le second recueil (livres 7 à 11 ) est plus critique sur les défaux de l homme et de la société, sur les dérives
de la cour et de la justice. On y trouve des apologues plus longs et des morales souvent plus sombres.
La Fontaine mets en scène dans cette fable une tortue qui rêve de voyage.Nous allons voir dans quelle
mesure le personnage de la tortue est représentatif des risques qu'il y a à se laisser emporter par une
imagination déraisonnable. Ce texte nous présente d'abord le rêve de voyage de la tortue ainsi que son
projet porté par les deux canard V 1 à 1(), puis nous avons le récit de l’envolée proprement dite de la tortue
(v 15 à 32) et de sa chute prévisible qui se conclue sur une morale concise de 4 vers. (V25 à 36)
1ermouvement: -Comme toujours, La Fontaine campe en un trait le portrait d’un personnage ani-
mal. «Une tortue à la tête légère». Il y a là, un contraste amusant et à la teinte satirique. Une tor-
tue est un animal affublé d’une lourde carapace qui semble pesante quand on le regarde se dé-
placer. Mais notre tortue a la tête légère: c’est une litote pleine de sous-entendus, pour dire
qu’elle ne réfléchit pas assez, qu’elle n’est pas raisonnable ni rationnelle et que son imagination
bat un peu la campagne. -Le contraste entre sa condition et ses rêves est souligné ensuite par le
contraste entre le« trou» qu’elle habite et le «pays» qu’elle rêve de voir tout entier. -Dans les
deux vers suivants, La Fontaine interrompt un moment son récit et énonce une petite maximeren-
due frappante, chantante et un peu ironique par l’anaphore de l’adverbe volontiers. («Volontiers
on fait cas d’une terre étrangère / Volontiers gens boiteux haïssent le logis»).Cette petite maxime
rappelle au lecteur que cette tortue à la tête légère est bien l’allégorie d’un comportement hu-
main: le pronom indéfini et le présent permettent cette généralisation. Nous aussi, nous ne sa-
vons pas nous satisfaire de notre condition, et notre imagination nous abreuve de rêves. Par le
groupe nominal «gens boiteux» La Fontaine donne une dimension satirique à sa maxime. -Puis
le récit reprend. Deux canards vont proposer un plan à la tortue. En un mot(«la commère»), La
Fontaine croque l’attitude de la tortue: bavarde, pas très intelligente, sûre d’elle et il manie l’ironie
par l’antiphrase «beau dessein» pour désigner ses ambitions. -Les promesses des canards sont
énoncées au discours direct. Là encore on voit l’art de La fontaine de distraire le lecteur en va-
riant les manières et en introduisant dans son récit une certaine théâtralité. Les canards pro-
mettent «L’Amérique», «mainte république, maint royaume, maint peuple». L’énumération et la
répétition du déterminant indéfini «maint», montrent la démesure de ces promesses. On peut
même se demander si La Fontaine ne choisit pas cet adjectif indéfini parce qu’il rappellerait le
bruit du canard. Pour donner du relief à leur promesse, ils évoquent la figure d’Ulysse. Entendre
cette référence dans la bouche des canards donne une dimension héroïcomique au propos des
canards, ce dont La Fontaine se moque explicitement «on ne s’attendait guère / De voir Ulysse
en cette affaire».
2èmemouvement:-La tortue n’est pas difficile à convaincre. Son accord n’est même pas évoqué
comme s’il avait été immédiat: «Marché fait, les oiseaux forgent une machine / Pour transporter
la pèlerine». Le terme de pèlerine est amusant et ironique pour désigner cette tortue un peu trop
curieuse. -Puis vient la description du stratagème tout à fait grotesque pour faire voyager la tor-
tue. Les recommandations des canards, énoncées au discours direct sont amusantes car leur sé-
rieux contraste avec le grotesque de la situation
L’envol de la tortue est évoqué dans une longue phrase sur 4 vers, dont le rythme semble
presque mimer le vol des canards, avec un alexandrin marqué par une césure à l’hémistiche,
puis le balancement des deux octosyllabes et l’ampleur ensuite plus grande de l’alexandrin sans
césure. Ce prodige suscite une un «étonnement» universel, ce que montre l’emploi du pronom
«on «et de l’adverbe «partout». Le mot «étonnement» est assez neutre. Il peut-être une manière
euphémistique de suggérer une certaine moquerie et on se demande si l’exclamation qui suit
n’est pas teintée d’ironie «Miracle... Venez voir dans les nues / Passer la reine des tortues». Le
vocabulaire grandiloquent et laudatif («la reine des tortues») est un indice de l’ironie. La tortue
elle-même perçoit l’ironie puisqu’elle dira «Ne vous en moquez point».-Mais elle est si aveuglée
par ses illusions et ses rêves de grandeur, qu’elle va revendiquer son triomphe: «La reine,
vraiment oui, je le suis en effet». La mise en relief de «La Reine» en tête de phrase met en valeur
la force de sa certitude. Et comme souvent, La Fontaine, sans transition, avec ironie, et en
commençant par un sous-entendu, va donner la leçon à l’animal un peu trop vaniteux: «Elle eut
beaucoup mieux fait / De passer son chemin sans dire aucune chose». Puis il décrit sa mort: sa
chute est brutale comme le suggère la juxtaposition des verbes «Elle tombe, elle crève». La
Fontaine est sévère avec la tortue ce que montre l’emploi du terme «crever»: Elle s’est prise pour
une reine et crève comme une bête insignifiante.
3èmemouvement:Vient ensuite la morale. On peut dire que cette fable est à large spectre....La
fontaine tire d’abord une leçon restreinte de la fable «Son indiscrétion de sa perte fut cause».
L’ordre des mots rapproche les termes «indiscrétion» et «perte» pour bien montrer le rapport
inéluctable de l’un à l’autre. Elle a eu tort de se vanter de son exploit. Mais il élargit ensuite le
spectre de son propos et associe dans une même réprobation des défauts voisins que sont
l’imprudence, la vantardise, la curiosité, la bêtise. Il les associe par la métaphore filée de la
filiation pour bien montrer que ce sont des défauts qui s’alimentent les uns les autres.
Conclusion Une fable très amusante qui révèle une fois de plus la fantaisie savoureuse de La
Fontaine. Comme souvent dans ce 2èmerecueil de fables, il se livre à une critique de l’homme.
D’une manière générale, on peut dire qu’il y fait la critique d’une certaine imagination, non pas
l’imagination créatrice mais celle dont parle Pascal, celle qui nous trompe sur nous-mêmes, celle
qui nous distrait de notre condition et celle qui est en réalité «maîtresse d’erreur et de fausseté».