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Cahiers de Mariemont
40
Directrice
Marie-Cécile BRUWIER, Directrice du Musée royal de Mariemont
Directrice de la publication
Marie-Cécile BRUWIER, Directrice scientifique du Musée royal de Mariemont
Comité de rédaction
Marie DEMELENNE, Gilles DOCqUIER, Bertrand FEDERINOv,
Sofiane LAGhOUATI, Catherine NOppE, Arnaud qUERTINMONT,
Ludovic RECChIA, Annie vERBANCk-pIÉRARD
Secrétaire de rédaction
Bertrand FEDERINOv
Impression
Imprimerie hayez, Bruxelles
ISSN : 0776-1317
ISBN : 978-2-930469-57-7
Dépôt légal : D/2016/0451/164
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Sommaire
Préface 7
Agnès ROUvERET,
professeur émérite à l’Université paris Ouest Nanterre La Défense
Tableaux chronologiques 45
- Faits historiques
- Arts
Maria NOUSSIS,
Master en histoire de l’Art et Archéologie de l’Université libre de Bruxelles
Annexe
patrick DEGRYSE,
professor of Archaeometry at the department of Earth and Environmental Sciences, Division of Geology,
katholieke Universiteit Leuven, and director of the Centre for Archaeological Sciences, kUL
Annexe 1
Dominique ROBCIS,
Chef de travaux d’art au Département Restauration du C2RMF
Annexe 2
Nathalie BALCAR,
Ingénieur d’études en analyse physico-chimique du Département Restauration du C2RMF
Les armes d’Achille : une évocation de l’Iliade sur un vase apulien du peintre de Baltimore 148
au Musée royal de Mariemont
Annie vERBANCk-pIÉRARD,
Conservatrice de la Section Grèce-Rome, Musée royal de Mariemont
Trésor de Mariemont
Rencontre inattendue entre Minerve, Hercule, étis et Éris. 174
L’énigme du miroir étrusque Inv. B.206 du Musée royal de Mariemont
paul FONTAINE,
professeur d’histoire et Archéologie de l’Antiquité, Université Saint-Louis − Bruxelles
VIE Du MuSÉE
Choix d’acquisitions 2009 181
Chronique des expositions 2009 187
Prêts aux expositions 2009 199
PREMIERES PAGES ET SOMMAIRE_int2. 21/03/16 11:15 Page61
Inscription achetée à un antiquaire parisien en 1904. D’après F. von Bissing, cité par H. von Prott, la pierre
proviendrait peut-être de Memphis (voir ina).
Bloc de calcaire rectangulaire. Haut. 31 cm; long. 54 cm; ép. 7,5 cm. Haut. des lettres: 2 cm; interligne 2 cm.
L’inscription est très soignée; la surface gravée bien préparée et lissée, les lettres régulières et précises.
Lettres à apices 4 (fig. 1c). Les parois latérales et les lits de pose et d’attente sont travaillés grossièrement à la
pique (fig. 1d-g).
Le nombre de lettres par ligne varie entre 21 et 29; à la troisième ligne, les lettres sont plus petites et
ont été davantage serrées pour éviter la césure d’un mot.
Bibliographie
H. VOn PROtt, « Funde », in Mitteilungen des Deutschen archäologischen Instituts. Abteilung Athen, t. xxIII,
1898, p. 367 d’après une copie de F. von Bissing qui a vu l’inscription dans le commerce des antiquités en
égypte. [H.n. FOWLeR (éd.), « Archaeological news », in American Journal of Archaeology, t. III, 1899,
p. 244; M.L. StRACk, « Inschrien aus Ptolemäischer zeit I », in Archiv für Papyrusforschung, t. I, 1900, p.
203, no 10; F. BILABeL, Sammelbuch Griechischer Urkunden aus Ägypten, vol. 5, Heidelberg, 1934, no 8772,
p. 324-325; OGIS, no 64].
[F. CUMOnt], Collection Raoul Warocqué. Antiquités égyptiennes, grecques et romaines, Mariemont, 1904,
p. 44, no 181 (éd. de 1916: p. 102, no 181); P. LÉVÊQUE, «Dédicace en l’honneur de Ptolémée III et sa famille»,
in G. FAIDeR-FeytMAnS et al., Les antiquités égyptiennes, grecques, étrusques, romaines et gallo-romaines du
Musée de Mariemont, Bruxelles, 1952, p. 107 (G.125) et pl. 40 (FRASeR, PA II, p. 428, n. 679) 5.
P. LéVêqUe et G. DOnnAy, L’art grec du Musée de Mariemont, Bordeaux, 1967, p. 137-138, no 77 et photo
p. 208 [rééd. Grandeur de la Grèce (catalogue d’exposition. Musée de Mariemont, 4 mai - 31 octobre 1968)
(Trésors inconnus du Musée de Mariemont, 3), p. 61-61, no 60]; La Gloire d’Alexandrie (catalogue d’exposition.
Paris, Musée du Petit Palais, 7 mai - 26 juillet 1998), p. 246, no 185.
Fig. 1a-1g. Inscription, pierre calcaire, Alexandrie ?, 243-222/1 av. J.-C. Dédicace pour Sarapis et Isis en l’honneur de Ptolémée III et Bérénice II Évergètes.
Musée royal de Mariemont, inv. B.181.
Fig. 1a. Face principale.
Fig. 1b. Face arrière.
W. HUSS, « Die zu ehren Ptolemaios’ III. und sei- op. cit. (supra n. 10), p. 1-54, et ID., «Current Problems Concerning the early History of the Cult of Sarapis»,
ner Familie errichtete Statuengruppe von thermos in Opuscula Atheniensia, t. VII, 1967, p. 23-45; FRASeR, PA I, p. 116-117, 252-276, 297-298; M. MALAISe,
(IG Ix, 1, 12, no 56)», in Chronique d’Égypte, t. C, Pour une terminologie et une analyse des cultes isiaques, Bruxelles, 2005, p. 128-139 avec une importante biblio-
1975, p. 316. graphie. Voir aussi F. DUnAnD, Le culte d’Isis dans le bassin oriental de la Méditerranée, t. I, Le culte d’Isis et les
14 Sur les épithètes des rois lagides, voir C. Ptolémées, Leyde, 1973, p. 51.
PRéAUx, Le monde hellénistique, vol. I, Paris, 1978, 16 FRASeR, PA II, p. 408-409 n. 684; F. DUnAnD, op. cit. (supra n. 15), p. 59-62.
p. 250-251; F. DUnAnD et C. zIVIe-COCHe, Hom- 17 F. DUnAnD, op. cit. (supra n. 15), p. 56-57. Sur le Sarapieion : J. MCkenzIe, S. GIBSOn et A. ReyeS,
mes et dieux en Égypte, Paris, 2006, p. 274-275. Sur «Reconstructing the Serapeum in Alexandria from the Archaeological evidence», in Journal of Roman Stu-
leur signification, voir L. kOenen, « the Ptolemaic dies, t. xCIV, 2004, p. 73-114; M. SABOttkA, Das Serapeum in Alexandria, Le Caire, 2008; k. SAVVOPOU-
king as a Religious Figure», in A.W. BULLOCH LOS, «Alexandria in Aegypto», in L. BRICAULt et M. J. VeRSLUyS, Isis on the Nile. Egyptian Gods in Helle-
et al., Images and Ideologies, Berkeley - Los Angeles - nistic and Roman Egypt, Leyde, 2010, p. 79-80.
Londres, 1993, p. 61-66. 18 IG Alexandrie, no13. L’inscription est gravée en pointillés au poinçon sur une plaquette en or.
Le culte d’Isis est beaucoup plus ancien et son succès en égypte, puis dans
le bassin méditerranéen, ne se dément pas au cours des périodes hellénistique et impé-
riale 20. Certaines reines lagides lui vouent un culte spécifique ou lui sont même
identifiées 21. Rapidement, Isis est associée à Sarapis et ce couple divin est perçu 19 G. HöLBL, op. cit. (supra n. 12), p. 100;
comme faisant pendant au couple royal régnant 22. P.M. FRASeR, op. cit. (supra n. 10), p. 11-12 et 17-
notre inscription appartient à un groupe de six dédicaces en l’honneur de 18, 41; M. MALAISe, op. cit. (supra n. 15), p. 137.
Voir aussi les références données infra n. 20 et 21.
Sarapis et Isis datant des règnes des quatre premiers Ptolémées. La majorité d’entre 20 La bibliographie au sujet d’Isis est énorme,
elles (quatre sur six) provient d’Alexandrie et est faite par des Alexandrins; l’inscrip- surtout en ce qui concerne son culte en-dehors de
tion étudiée ici est supposée venir de Memphis (?) et est dédiée par un Alexandrin; l’égypte. en ce qui concerne la déesse en égypte,
la sixième a été trouvée à Philae 23. Plusieurs de ces dédicaces sont faites par les mem- voir F. DUnAnD op. cit. (supra n. 15), et, tout
récemment, L. BRICAULt et M. J. VeRSLUyS, op.
bres d’une famille: des époux (comme sur l’inscription de Mariemont), des frères, le
cit. (supra n. 17), avec une importante bibliogra-
père et ses quatre fils 24. Un seul dédicant mentionne un titre: Archagatos est «épis- phie.
tate de Libye » 25. Il est d’ailleurs le seul, avec Apollonios, à préciser l’objet de sa 21 F. DUnAnD, op. cit. (supra n. 15), p. 35-
dédicace : un sanctuaire (temenos) 26. L’inscription de Philae se distingue des cinq 36, 38-45.
22 FRASeR, PA I, p. 260-264, et surtout p.
autres en ce que le dédicant, qui agit seul, est un Grec de Locres. Il ne mentionne pas
263 sur l’association entre le culte de ces deux divi-
non plus de fonction. tous ces éléments distinguent ce petit groupe, très cohérent, nités et celui de la maison royale. F. DUnAnD, op.
des autres textes du corpus 27. cit. (supra n. 15), p. 37-38, 59, 62, 79-80.
Selon des informations reçues par son inventeur, Friedrich von Bissing, notre 23 Pour les quatre inscriptions d’Alexandrie :
dédicace proviendrait peut-être de Memphis, sans plus de détails 28. elle s’insère IG Alexandrie, nos 1, 5, 19, 20 (les dédicants des nos
1, 19 et 20 indiquent soit un démotique soit un
cependant tellement parfaitement dans cet ensemble que je serais tentée de lui attri- ethnique alexandrin). Pour l’inscription de Phi-
buer plutôt une provenance alexandrine 29. L’écriture peut d’ailleurs être rapprochée lae: A. BeRnAnD et é. BeRnAnD, Les inscriptions
de celle d’une autre dédicace du groupe datant du règne de Ptolémée II 30. grecques et latines de Philae, Paris, 1969, no 5. J’ai
L’objet de cette dédicace n’est pas négligeable : un naos, à savoir un édifice repris dans ce décompte les inscriptions dédiées
uniquement à Sarapis et Isis (et non celles qui leur
cultuel, chapelle ou temple, dédié au couple divin, situé sur un terrain délimité par une associent d’autres divinités). Sur ce dossier, voir les
enceinte (peribolos) 31. La même formule peut recouvrir des réalités différentes, de la commentaires de FRASeR, PA I, p. 271-272.
modeste chapelle sur un petit bout de terre à la construction élaborée située sur un 24 Respectivement: no 5, 1, 20.
25 IG Alexandrie, no 5. Sur l’identité et la
terrain imposant: ce sont les mêmes mots qui figurent sur la plaque de fondation du
fonction de ce personnage (PP VIII, nos 375b et
temple de Sarapis à Alexandrie construit par Ptolémée III 32. Il s’agit en tout cas 14495), voir IG Alexandrie, p. 31.
d’une structure privée, sur un terrain privé, consacré dorénavant au culte d’une ou 26 IG Alexandrie, no 5, l. 6.
de plusieurs divinités 33. Aucune indication ne permet de connaître le coût du don. 27 Selon FRASeR, PA I, p. 273, les personnes
L’inscription très soignée (fig. 1c) a été gravée sur une plaque dont les parois laté- qui font des dédicaces à Sarapis sont des Grecs:
des fonctionnaires, des membres des classes supé-
rales sont seulement dégrossies (fig. 1d-g) et ne devaient donc pas être visibles:
rieures, ou des proches du milieu de cour. Presque
la pierre était insérée dans une structure, sans doute le mur du temenos (par exemple tous indiquent leur patronyme, ethnique ou
au-dessus de la porte) ou du naos 34. La dédicace rend publiques la destination du démotique. Les dédicants à Sarapis sont plus
sanctuaire et l’identité de ceux qui l’ont dédié. en revanche, elle n’évoque en aucune exclusivement grecs que ceux qui font des dédica-
ces aux dieux grecs !
manière le fonctionnement de ce sanctuaire privé : nous ignorons tout des rituels 28 Cité par H. VOn PROtt, «Funde», in
qui s’y déroulaient. Mitteilungen des Deutschen archäologischen Insti-
tuts. Abteilung Athen, 1898, p. 367.
29 Même s’il faut rester prudent, comme le
35 IG Fayoum, no 145 (Ptolémée xII-Cléopâtre). La dédicace de lieux de culte privés, évoqués par les termes naos, hiéron
36 OGIS, no 734; IG Fayoum, nos 69, 84, 105,
ou temenos (désignant dans ce cas le mur de limite et le lieu de culte qu’il abrite), est
106, 107, 108, 115, 133, 158, 203; SEG, t.xxxIII,
no 1359; t.xL, no 1573; IG Alexandrie, no 34. attestée durant toute la période hellénistique. Ainsi, dans l’inscription la plus récente
37 Sur les dédicaces privées à Sarapis, et leurs du corpus qui précise l’objet de la dédicace, c’est un Iseion, un lieu de culte consacré
relations avec les honneurs accordés aux souverains, à Isis, qui est offert 35. toutefois, à partir du règne de Ptolémée VI (180-145), les
voir FRASeR, PA I, p. 270-272.
dédicants font plutôt don d’embellissements pour des sanctuaires existants : propylon
(entrée monumentale), portes, allées et routes 36… Il semblerait donc qu’il y ait eu une
certaine évolution dans la nature des dons faits aux divinités.
L’inscription a été acquise au Caire par Franz Cumont. elle entre dans les collections du musée le 17
septembre 1907. Selon le marchand, elle proviendrait du Fayoum (voir ina).
Pierre carrée, entourée d’un encadrement en biseau orné d’une ligne gravée, en calcaire lité présentant
des inclusions (rognons de silex ? galets ?). Haut. 29,4 cm; long. 29,3 cm; ép. 7,5 cm. Haut. des lettres
1,7 à 1,5 cm.
Inscription complète, bien lisible. L’inscription est gravée sur une surface à l’origine lissée. Les faces laté-
rales et arrière sont soignées, présentent des traces d’outils bien visibles, mais sont très usées. Les trous de
fixation percés dans les parois supérieure (un trou) et inférieure (deux trous) sont tous modernes.
Des lignes de mise en place étaient tracées au-dessus et en-dessous des lignes d’écriture (fig. 2). Les lettres
sont gravées assez profondément, sauf certains y; elles sont plus larges à gauche et plus étroites et serrées
à droite, surtout à la première ligne.
Depuis son acquisition, la surface de l’inscription s’est fortement dégradée. L’épiderme originel n’est plus
guère conservé sur la face inscrite et la surface se soulève en de nombreux endroits, l’angle inférieur droit
étant particulièrement abîmé (fig. 3) 38. Plusieurs lettres à droite, bien visibles sur une photo ancienne
(fig.2), ne sont plus lisibles aujourd’hui.
Bibliographie
F. CUMOnt, Catalogue des sculptures et inscriptions antiques des Musées royaux du Cinquantenaire, 2e éd.,
Bruxelles, 1913, no 146, p. 175-177 (photo) (P. ROUSSeL, «Bulletin épigraphique », in Revue des études
grecques, t. xxVII, 1914, p. 475 (avec une faute de frappe : ἀρχισωματοφύλανος); J. IJSeWIJn, De sacerdotibus
sacerdotiisque Alexandri Magni et Lagidorum eponymis, Bruxelles, 1961, p. 97; SEG, t. xx, 1964, no 641,
p. 158; e. kIeSSLInG, Sammelbuch Griechischer Urkunden aus Ägypten, Wiesbaden, 1967, no 10163, p. 245;
FRASeR, PA II, p. 325, n. 12); é. BeRnAnD, Recueil des Inscriptions grecques du Fayoum, t. III, Le Caire, 1981,
no 197, p. 117-119 (photos) 39.
38 elle a été traitée une première fois en 1951-
Ὑπὲρ βασιλέως Πτολεμαίου 1953 par le Laboratoire central des Musées de Bel-
gique (ACL), puis en 2010 par Isabella Rosati dans
καὶ βασιλίσσης Κλεοπάτρας les ateliers de restauration des Musées royaux d’Art
θεῶν φιλομητόρων et d’Histoire. Il est possible que cette forte dégrada-
Ἀστερία καὶ Τιμάριον αἱ tion soit liée à l’incendie qui a ravagé l’aile «Anti-
Σωτίωνος τοῦ ἀρχισωματο- quité» du musée de Bruxelles en 1946.
39 Les légendes des deux photos ne sont pas cor-
φύλακος καὶ στρατηγοῦ rectes. La photo de la pl. 28 correspond à l’état de la
θυγατέρες Βουβάστε[ι] pièce au moment où elle est entrée au musée; celle de
la pl. 29 à son état dans les années 1950, après traite-
«en l’honneur du roi Ptolémée et de la reine Cléopâtre, les dieux Philomètors, ment du soulèvement de l’épiderme. Cette inscrip-
tion porte le no 6181 sur le site Internet Trismegistos
Astéria et timarion, les filles de Sôtiôn, l’archisômatophylax (chef des gardes du corps)
(supra n. 5).
et stratège, (ont dédié ceci) à Boubastis». 40 J. BInGen, «Compte rendu de J. IJSeWIJn,
Comme dans l’inscription précédente, le titre des souverains est indiqué. reprise dans la PP.
42 Sôtiôn = PP I, no 00335 et no 04322.
La dédicace est faite par deux sœurs, Astéria et timarion 41, filles d’un haut fonc- 43 L. MOORen, The Aulic Titulature in Ptole-
tionnaire lagide dont l’inscription précise certains titres. Sôtiôn 42 était en effet archi- maic Egypt, Bruxelles, 1975, p. 2 et 8.
sômatophylax, «chef des gardes du corps», et stratège. Le premier titre désigne à l’o- 44 Voir L. MOORen, La hiérarchie de cour pto-
rigine une fonction à la cour du roi mais, à partir du début du 2e siècle, devient lémaïque, Louvain, 1977, p. 74-134 sur les gouver-
un titre honorifique, attribué à des hauts fonctionnaires 43. Le stratège est un gouver- neurs des différents nomes et provinces et leur hié-
rarchie. Pour une brève description de la fonction de
neur de province ou de nome(s) 44. La circonscription dont Sôtiôn était stratège a fait stratège, voir n. LeWIS, Greeks in Ptolemaic Egypt,
l’objet de discussions. Son titre aulique d’archisômatophylax est très élevé et, dans la Oxford, 1986, p. 56-57.
première moitié du 2e siècle, il n’est pas accordé aux stratèges d’un seul nome 45. Sôtiôn 45 L. MOORen, op. cit. (supra n. 44), p. 74, 84-86.
devait donc être responsable d’une entité géographique plus grande. L’Arsinoïte serait
une possibilité, mais Léon Mooren l’écarte car il considère que Sôtiôn est en fonction
46 Ibid., p. 90-91; L. MOORen, op. cit. (supra au moment où Astéria et timarion font la dédicace; or le stratège de l’Arsinoïte
n. 43), p. 220, no 0046-0052a. Voir déjà J. IJSeWIJn, durant cette période est connu, il s’agit d’un certain Ptolémaios. Léon Mooren
De sacerdotibus sacerdotiisque Alexandri Magni et conclut: «il est indiqué de considérer Sotion comme un gouverneur compétent pour
Lagidorum eponymis, Bruxelles, 1961, p. 97.
47 Papyrus démotique du Musée de Brooklyn,
plusieurs nomes et, plus précisément, comme un stratège dont d’autres stratèges, e.a.
inv. 37, 1781 (provenant de Memphis). P. PeSt- celui de l’Arsinoïte, sont les subalternes» 46. Son raisonnement chronologique serait
MAn, Recueil des textes démotiques et bilingues, t. I, valable si Sôtiôn était un des dédicants de l’inscription, puisque ceux-ci signalent seu-
Leyde, 1977, no 1, l. 2, p. 6 et t. II, p. 8 et 13 n. h; W. lement les fonctions qu’ils exercent au moment de faire la dédicace, mais ce n’est pas
CLARySSe et G. VAn DeR Veken, The Eponymous le cas. Il n’est donc pas certain qu’il occupe la fonction de stratège en 175-170 : il a pu
Priests of Ptolemaic Egypt, Leyde, 1983 (Papyrologica
Lugduno-Batava, 24), no 110a, p. 22-23. l’occuper précédemment.
48 J. IJSeWIJn, op. cit. (supra n. 46), p. 97. Un autre document peut être versé à ce dossier. Un papyrus en démotique, daté
49 Ibid., p. 136; voir M. MInAS, «Die Kane-
par des prêtres éponymes, fait en effet connaître une canéphore du nom d’Astéria,
phoros, Aspekte des ptolemäischen Dynastiekults», fille de Sôtiôn 47. Jozef Ijsewijn l’avait déjà identifiée comme la première dédicante de
in H. MeLAeRtS, Le culte des souverains dans
l’Égypte ptolémaïque au III e siècle avant notre ère,
notre inscription 48. en 181/0, Astéria était donc canéphore, c’est-à-dire la prêtresse
Louvain, 1998, p. 43-60. éponyme annuelle du culte dynastique d’Arsinoé II Philadelphe instauré par son
50 Voir J. IJSeWIJn, op. cit. (supra n. 46), p. 140- frère et époux Ptolémée II. Ce culte se maintient tout au long de l’époque hellénis-
157, en particulier le tableau « Sacerdotium liberis» tique 49. Il s’agit d’une fonction prestigieuse : les prêtres et prêtresses des cultes dynas-
p. 150 et le tableau p. 154-155; C. PRéAUx, Le
monde hellénistique, t. I, Paris, 1978, p. 268-269;
tiques sont le plus souvent issus de familles grecques de hauts fonctionnaires 50,
F. DUnAnD et C. zIVIe-COCHe, op. cit. (supra comme c’est le cas ici. Or, comme le fait remarquer Léon Mooren, Sôtiôn devait déjà
n. 14), p. 322. occuper une fonction très élevée dans les années 180 pour que sa fille soit choisie
L’objet de la dédicace n’est pas précisé, ce qui est courant. Le don à la divinité se 59 Sur ces dédicaces, voir G. WAGneR, «Une
réduit-il pour autant à la seule inscription 63 ? Certains indices semblent indiquer que nouvelle dédicace à Bubastis», in Annales du service
des Antiquités de l’Égypte, t. LxIx, 1983, p. 247-
ce n’est pas nécessairement le cas. La plupart de ces documents sont gravés sur des 252; J. qUAeGeBeUR, op. cit. (supra n. 58), p. 117-
pierres étroites (ép. environ 5 cm), qui ne peuvent pas tenir seules à la verticale, et ne 127. Sur les liens de Boubastis avec Isis, voir aussi M.
présentent ni tenon ni trous de fixation. Peter Marshall Fraser déjà s’était interrogé MALAISe, op. cit. (supra n. 15), p. 51-59.
60 é. BeRnAnD, op. cit. (supra n. 6), no 16.
sur les modalités de présentation de ces plaques 64. Vu leurs dimensions, mais égale-
61 IG Fayoum, no 2. Voir P. IOSSIF, op.cit. (supra
ment le caractère parfois grossièrement travaillé des faces latérales et arrière, les
n. 3), p. 246. Les dédicaces grecques en l’honneur
pierres devaient être le plus souvent insérées dans une structure bâtie. Cela se conçoit de thouéris sont encore plus rares que celles pour
aisément lorsque c’est une construction qui est dédiée (naos, temenos, hiéron, propy- Boubastis; j’en connais une seule autre, SEG, t.xL,
lon…). Ces inscriptions ont cependant également pu être intégrées dans des autels 65. no 1573.
62 Voir les références données dans P.M. FRA-
en effet, si l’inscription est directement gravée sur l’objet dédié ou une partie de celui-
SeR et A. RUMPF, op. cit. (supra n. 33), p. 67 et n. 3.
ci (base de statue, autel, linteau, etc.) 66, l’information visuelle fournie par le support 63 C’est l’interprétation de é. Bernand, op. cit.
n’est pas nécessairement répétée dans le texte. Or, pour peu que la pierre inscrite ait (supra n. 6), p. 54, au sujet d’une autre dédicace à
été destinée à être insérée dans la paroi d’un autel aujourd’hui disparu, l’objet complet Boubastis: «l’objet dédié n’est pas précisé, parce
aurait fait immédiatement comprendre ce qui était dédié sans qu’il soit nécessaire de qu’il s’agit d’un ex-voto». Cependant la formu-
lation est similaire à celle des autres dédicaces du
le dire dans l’inscription. et, dans un pays où la pierre est onéreuse, il est bien com- corpus.
préhensible que seule l’inscription ait été dans un tel matériau 67. 64 FRASeR, PA II, p. 323 n. 6. Voir aussi P.M.
Cette dédicace présente une série de traits peu courants. elle est faite par des fem- FRASeR et A. RUMPF, op. cit. (supra n. 33), p. 66-67.
65 Sur des plaques inscrites insérées dans des
mes seules (trois exemples, dont un hors égypte), pour Boubastis (une dizaine d’exem-
autels, voir L. ROBeRt, «Un décret d’Ilion et un
ples étalés sur six siècles); elle mentionne le titre et la fonction du père des dédicantes, papyrus concernant des cultes royaux», in Essays
ce qui est unique. Cette dernière information semble être donnée en partie pour jus- in Honor of C. Bradford Welles, new Haven, 1966,
tifier la démarche de ses filles. C’est en effet en tant que membres d’une famille de p. 206-207.
66 Par exemple: IG Alexandrie, no 2 (base de
hauts fonctionnaires qu’elles honorent les souverains régnants.
statue – signature du sculpteur, mais la dédicace
Cette période de l’histoire lagide est très troublée: Ptolémée V meurt assassiné en ne mentionne pas l’objet dédié), 22 (autel), 60 (sans
180 alors que son fils aîné, Ptolémée VI, n’a que six ans. Sa mère régnera comme doute – inscription incomplète – autel), 109
régente jusqu’à son propre assassinat en 176. Deux courtisans prennent alors sa place (colonne votive), 132 (linteau; voir les commentai-
comme régents. Ils renforcent les apparences royales du jeune souverain, en lui res p. 94-95), 143, 144 (les deux: architrave ou
corniche).
octroyant le titre de «theos» et en le mariant à sa sœur, Cléopâtre, qui est encore plus 67 Comme parallèle, on peut proposer l’inscrip-
jeune que lui 68. C’est dans cette ambiance difficile et troublée qu’Astéria et timarion tion IG Fayoum, no 13. Il s’agit de la dédicace d’une
font leur dédicace en honorant les monarques récemment montés sur le trône et en statue, gravée sur une pierre très semblable à notre
rappelant les bons services de leur père. Cette précision donne un caractère politique inscription, avec un cadre surélevé autour du texte
(H. 43; L. 62; ép. 6). La pierre a dû être insérée dans
à la dédicace. Pour autant, le choix de la divinité honorée est très personnel: Boubas-
une base construite.
tis est une déesse qui protège les femmes et les enfants. Seul Sarapis peut d’ailleurs être 68 Sur ces événements, voir G. HöLBL, op. cit.
considéré comme une divinité à caractère politique, car créé et encouragé directement (supra n. 12), p. 143.
par les souverains.
3. Dédicace pour Isis, une divinité non identifiée, Horus (?) et Anchoris
en l’honneur de Cléopâtre III, Ptolémée IX et Cléopâtre Sélénè (116-
107 av. J.-C.) (fig. 4)
Bibliographie
M.L. StRACk, «Inschrien aus Ptolemäischer zeit», in Archiv für Papyrusforschung t. II, 1903, no 34,
p. 552-553; F. CUMOnt, Catalogue des sculptures et inscriptions antiques des Musées royaux du Cinquantenaire,
2e éd., Bruxelles, 1913, no 147 p. 177-178 avec photo 70.
que sa mère est connu par des papyrus (par ex. «en l’honneur de la reine Cléopâtre, du roi Ptolémée, et de la reine Cléopâtre, sa
t. ReInACH, Papyrus grecs et démotiques, Paris, sœur, dieux Philométors Sauveurs, et de leurs enfants, pour Isis, la très grande déesse,
1905, nos 9, 10, 14, 15, 16 et 20) et des inscriptions
[Sarapis ?, Ho]rus, Anchoris et les dieux qui partagent leur temple […], Ptolémaios,
(A. BeRnAnD, Les portes du désert, Paris, 1984,
no 104; IG Fayoum, no 157); voir W. OttO et fils de Poseidônios, [(…)] un des hipparques des (cavaliers) colons et un de [ceux tenus
H. BenGtSOn, Zur Geschichte des Niederganges des en réserve du nome du (haut?) Sebennytos?] et de sa métropole […]».
Ptolemäerreiches, Munich, 1938, p. 175-176 et n. 1;
P. PeStMAn, op. cit. (supra n. 12), p. 150-151. l.1-3 : Restitutions de M.L. Strack d’après des propositions de S. de Ricci. La restitution des noms et des
72 Par ex. dans deux dédicaces de Philae : titres des souverains ne pose pas de difficulté 71. Les titres royaux, portés par Cléopâtre III, sont adoptés
A. BeRnAnD, op. cit. (supra n. 11), no 318, l. 5 et par son fils Ptolémée Ix lorsqu’il partage le pouvoir avec elle (116-107). Cléopâtre Séléné, sœur et
no 320, l. 6. La première est restituée d’après la seconde épouse de Ptolémée Ix, est également nommée, ce qui est très rare. Ces restitutions permettent
seconde, où l’on trouve les dieux suivants: Isis, Sara- de connaître la longueur des lignes ainsi que leur découpe: il manque environ vingt lettres à gauche et
pis, Horus et les dieux de l’Abaton. On trouve le cinq lettres à droite. Comme vingt lettres sont conservées ici, on peut penser que la dédicace a été décou-
couple Isis – Sarapis (dans cet ordre) par ex. dans les pée en deux plaques de taille similaire, de longueur égale ou supérieure à ± vingt lettres : celle-ci et une
inscriptions IG Fayoum, nos 112 et 113. autre, à gauche, où était gravée la première moitié des lignes.
73 La formule θεοῖς πᾶσι καὶ πάσαις (ou τοῖς
l.4 : καὶ Σαράπιδι καὶ Ὥ]ρωι: Strack. Les noms de divinités se terminant par -ros sont rares, et Horus
ἄλλοις θεοῖς πᾶσι καὶ πάσαις), attestée par ex. dans les
semble être un bon candidat, même s’il est rarement nommé dans des dédicaces grecques 72, le nom
inscriptions OGIS, no 97 et A. BeRnAnD, op. cit.
d’Harpocrate étant plus fréquent. La restitution proposée est un peu courte (quinze lettres au lieu de
(supra n. 8), no 86, ne se combine normalement pas
vingt). Le qualificatif μεγίστηι pourrait être répété (J. Bingen, communication personnelle) mais, dans
avec τοῖς συννάοις θεοῖς.
74 A. BeRnAnD, op. cit. (supra n. 8), no 69. ce cas, Σαράπιδι est trop long.
75 Universita cattolica di Milano, inv. 71.38. l.5 : Après συννάοις θεοῖς, on attendrait l’objet de la dédicace. M.L. Strack a restitué τοῖς συννάοις θεοῖς πᾶσι
A. DI BItOntO, «Papiri documentari dell’Univer- καὶ πάσαις, mais, à ma connaissance, cette formule n’est pas attestée 73. L’expression τοῖς συννάοις θεοῖς
sita cattolica di Milano. Petizione», in Aegyptus, πᾶσι est attestée, mais très rare 74.
t. LIV, 1974, p. 34-36, l. 4 (SB 14, 11273). Je remer- l.5-6: les titres que porte Ptolémaios ne suivent pas la formulation la plus courante. Strack: τῶν παρὰ τοῖς
cie A. D’Hautcourt d’avoir attiré mon attention sur τοῦ Περιθήβας κατοί]κοις ἱππάρχων, sans justification. La formule restituée ici, τῶν ἐν τοῖς κατοίκοις ἱππάρχων,
ce papyrus. est connue par un papyrus 75. Si on l’adopte, il reste encore la place pour environ neuf lettres entre la fin
76 Voir I. S AVALLI -L eStRADe , Les philoi du patronyme et ce titre. On attendrait soit un ethnique, soit un titre. Cependant, dans ce cas, le premier
royaux dans l’Asie hellénistique, Genève, 1998, titre doit être plus élevé que celui d’hipparque pour respecter l’ordre hiérarchique 76 et doit être articulé par
p. 383. καὶ avec ce qui suit, ce qui laisse la place pour un titre d’environ six lettres, ce qui est très peu. Le personnage
Fig. 4. Inscription, pierre calcaire. Fayoum ?, 116-107 av. J.-C. Dédicace pour Isis, une divinité non identifiée, Horus (?) et Anchoris en l’honneur de Cléopâtre III, Ptolémée IX
et Cléopâtre Séléné.
Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’histoire, inv. E.493. (© Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire).
qui porte le même titre dans le papyrus susmentionné est également stratège. Mais «στρατηγός καὶ»
semble trop long (de même que τῶν φίλων καὶ). Je verrais donc plutôt un ethnique juste après le nom.
l.6 fin : καὶ τῶν τ[… doit être le début d’un autre titre. Une possibilité est: τῶν τοῦ ἐπιταγμάτος 77. Strack :
τῶν τ[εταγμένων ὑπ᾽αὐτὸν τοῦ Παθυρί]του. Mais je ne connais pas de parallèles pour l’expression τῶν
τεταγμένων.
l.7 : Seule la moitié supérieure des lettres est conservée, mais elles sont bien lisibles. Strack: τῆς
μητρο[πόλεως. L’autre possibilité de restitution serait μητρὸς. Cependant, je ne vois pas comment ce mot
trouverait sa place à cet endroit du texte. La lacune qui précède se termine par un génitif en -του suivi de
καὶ. Si l’on accepte la restitution de Strack, τῆς μητρο[πόλεως, ce premier génitif pourrait contribuer à 77 L’expression la plus proche se trouve dans
définir la circonscription géographique dont Ptolémaios est responsable (dans une fonction qui nous l’inscription A. BeRnAnD et é. BeRnAnD, op. cit.
échappe en grande partie), il pourrait s’agir d’un nom de nome. Parmi les nomes dont le nom au génitif (supra n. 23), no 13: Mnasis porte les titres suivants:
se termine en -του, on compte Sebennytos 78. Or il s’agit d’un des plus importants lieux de culte d’Onu- τῶν διαδόχων καὶ ἱππάρχης ἐπ’ ἀνδρῶν καὶ τῶν τοῦ
ris, dont Anchoris (l.4) pourrait être la transcription du nom égyptien (voir ina). Cependant, je ne ἐπιτάγματος καὶ φρούραρχος Φιλῶν.
78 R.S. B IAnCHI , « Sebennytos », in W.
connais pas de parallèle pour la formulation «du nome x et de sa métropole».
HeLCk et W. WeStenDORF, Lexikon der Ägyptolo-
gie, t. V, Wiesbaden, 1984, col. 766-768.
Malgré son état lacunaire, cette inscription présente un grand intérêt. La pre- 79 On peut être sûr qu’il s’agit de la première
mière ligne 79 montre qu’il s’agit d’une dédicace en l’honneur de personnages royaux. ligne de l’inscription puisque le haut du bloc est
Contrairement aux deux inscriptions précédentes, c’est le nom d’une reine qui est conservé.
80 e. VAn’t DACk, « toujours le testament
donné en premier. Cette pratique est attestée dans la deuxième moitié du 2e siècle, d’un Ptolémée Alexandre», in e. VAn’t DACk, W.
quand la reine-mère, tenant les rênes du pouvoir, se fait nommer avant son fils CLARySSe et al., The Judean-Syrian-Egyptian conflict
dans l’énumération des noms des souverains régnants 80. L’inscription cite ainsi dans of 103-101 B.C., Bruxelles, 1989, p. 154.
l’ordre la reine Cléopâtre (III), son fils, Ptolémée Ix, et sa sœur épouse, soit Cléo-
pâtre IV, soit, plus probablement, Cléopâtre (V) Séléné. en effet, au début du règne
de Ptolémée Ix (116-107), sa mère l’oblige à divorcer de Cléopâtre IV et à épouser
Cléopâtre Séléné. Des enfants sont mentionnés dans ce document; or on sait que,
lorsque Ptolémée Ix est chassé d’Alexandrie, en 107, il laisse derrière lui son épouse et
ses deux fils 81. Cette inscription montre que Cléopâtre Séléné, en tant qu’épouse de
Ptolémée Ix, porte les mêmes titres que sa mère. Les inscriptions datant de ce règne
sont très rares et celles mentionnant l’épouse de Ptolémée Ix encore plus 82.
81 JUStIn 39, 4. Sur ces événements, voir G. La dédicace célèbre Isis, qualifiée de «très grande déesse». Cette épiclèse
HöLBL, op. cit. (supra n. 12), p. 206-207. Il est est de loin la plus attestée et reflète, selon Françoise Dunand, «la puissance attribuée
possible qu’au moins un fils de Ptolémée Ix et de
à la déesse et la vénération dont elle est entourée» 83. Après Isis sont nommées
Cléopâtre IV (le futur Ptolémée xII) soit considéré
par les sources comme fils de Cléopâtre Séléné, voir plusieurs divinités: le nom de l’une a disparu dans la lacune – il pourrait s’agir de Sara-
C. Bennett, «Cleopatra V tryphaena and the pis, mais on ne peut en être certain. Horus viendrait ensuite; ce dieu, fils d’Isis, figure
Genealogy of the later Ptolemies », in Ancient rarement dans les dédicaces grecques 84. Aucune inscription n’offre de parallèle qui
Society, t. xxVIII, 1997, p. 46, et C. Bennett,
pourrait aider à déterminer le groupe de divinités honorées. Le dernier nommé est
Egyptian Royal Genealogy, [tyndale House, Cam-
bridge, Mass.], 2011. http://www.tyndalehouse. Anchoris, dieu non attesté par ailleurs dans l’épigraphie de l’égypte lagide. Il pourrait
com/egypt/ptolemies/selene_i_fr.htm (note 2), cependant s’agir d’Anhur, plus connu sous le nom d’Onuris, une divinité de la
consulté le 14 mars 2011. guerre 85. Ce dieu reçoit un culte à Sebennytos, dans le Delta. en raison de la rareté des
82 Voir W. OttO et H. BenGtSOn, op. cit.
mentions du culte d’Onuris/Anhur, et du fait que le seul temple du dieu connu à
(supra n. 71), p. 175-176.
83 L. B RICAULt , Myrionymi. Les épiclèses l’époque ptolémaïque se dressait à Sebennytos (la capitale du nome du même nom),
grecques et latines d’Isis, de Sarapis et d’Anubis, Stutt- j’ai proposé de restituer ce nom dans l’inscription. Ainsi, Ptolémaios aurait choisi
gart-Leipzig, 1996, p. 45-50; F. DUnAnD, op. cit. d’honorer Anchoris en raison de son lieu de résidence, où se trouve un temple à cette
(supra n. 15), p. 100; voir aussi p. 158. divinité, et peut-être également en raison de sa profession militaire. en outre, d’après
84 Il figure ainsi dans deux dédicaces de Philae,
Les dédicaces par des soldats sont peu nombreuses : on peut citer un
chiliarque (officier d’infanterie) du nom d’Hôros, sous Ptolémée VI, et Agathodôros,
de la 2e hipparchie, puis hipparque, qui fait deux dédicaces au dieu Pnephoros avec sa
famille, sous Ptolémée VIII, ainsi qu’un laarque (officier des troupes indigènes) dont
le nom est perdu et qui dédie un Iseion sous Ptolémée xII 92. Ces quatre inscriptions
ont été retrouvées dans le Fayoum. La plupart des officiers de la cavalerie comme de
l’infanterie sont grecs, comme le note Willy Peremans au sujet des 77 hipparques
répertoriés dans la prosopographie ptolémaique 93. Les dix chiliarques repris dans le
même volume le sont également : l’officier du nom d’Horos mentionné ci-dessus
représente un cas isolé. Les dédicaces en l’honneur des souverains sont faites unique-
ment par des officiers, parfois avec leurs soldats mais qui figurent alors comme un
groupe anonyme («x et les soldats sous ses ordres»).
Cette inscription présente le cas d’une dédicace tardive, par un officier grec,
à un groupe de divinités associées à Isis et dont l’une appartient à un panthéon très
local. Ce document se situe à une période difficile, où le pouvoir central du royaume
se perd dans des luttes intestines violentes. Pourtant, malgré cette fragilisation de la
royauté lagide, les dédicaces en l’honneur des souverains se perpétuent jusqu’à la fin
de la dynastie.
tie régnante. Cependant, ce lien, loin de se renforcer, s’affaiblit rapidement : dès le taire; le chiliarque est peut-être associé à un hip-
règne de Ptolémée IV ou V, le choix de la divinité apparaît surtout personnel, comme parque); 107-108 et 145.
93 W. PeReMAnS, « égyptiens et étrangers
le montre la dédicace d’Astéria et timarion en l’honneur de Boubastis. La ou les dans l’armée de terre et dans la police de l’égypte
divinités sont préférées pour des raisons variées (circonstances, localisation…), liées ptolémaïque», in Ancient Society, t. III, 1972, p. 72.
au parcours du dédicant. 94 P. IOSSIF, op. cit. (supra n. 3), p. 241, 248-249.
P. IOSSIF, op. cit. (supra n. 3), p. 242-244. en effet, protection du roi et bénéficier de son bon vouloir. Dans certains cas, il est également
l’auteur a identifié comme égyptiens des noms qui possible que les honneurs rendus au souverain servent de remerciements, comme le
ne le sont pas (nos 17, 41, 69…); il a considéré les suggère Joseph Mélèze-Modrzejewski au sujet des dédicaces de synagogues dont
couples mixtes (no 65) ou des sœurs d’ascendance la construction a dû, à tout le moins, être autorisée par le roi.
mixte (no 15) comme égyptiens, ce que je ne fais pas,
et il n’a pas identifié les juifs (nos 33, 35, 69) comme
tels. Que des dédicaces comme celle de Mariemont constituent un authentique acte
98 Voir J. BInGen, op.cit. (supra n.7), p. 31-32; religieux se manifeste par les objets dédiés : autels, chapelles, embellissement
H. HAUBen, «Aspects du culte des souverains à de lieux de culte existants. Honorer les souverains se fait dans un cadre clairement
l’époque des Lagides», in L. CRISCUOLO et G.
GeRACI, Egitto e storia antica dell’ellenismo all’età
cultuel. en ce sens, il est possible que le succès de cette pratique soit lié au développe-
araba, Bologne, 1989, p. 447 et n. 38; P. IOSSIF, ment et à la popularisation du culte royal. Les dimensions religieuses de la royauté
op. cit. (supra n. 3), p. 239. lagide ont contribué à la diffusion de cette manière d’honorer la famille régnante.
Ces dédicaces ne constituent cependant pas à proprement parler un acte de culte 99 Le texte de cet article a été soumis en mars
Remerciements
Je remercie très chaleureusement Alexis D’Hautcourt dont la relecture et les commentaires furent très précieux.