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Cahiers de Mariemont

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MUSÉE ROYAL DE MARIEMONT – 2016


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En hommage à notre amie Claudine Werquin-Lacroix,


qui a initié la composition de ce numéro des Cahiers
avec courage, compétence et enthousiame

Les Cahiers de Mariemont sont publiés par


le Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles
avec le concours de l’ASBL « Cercle royal des Amis de Mariemont »

Directrice
Marie-Cécile BRUWIER, Directrice du Musée royal de Mariemont

Directrice de la publication
Marie-Cécile BRUWIER, Directrice scientifique du Musée royal de Mariemont

Comité de rédaction
Marie DEMELENNE, Gilles DOCqUIER, Bertrand FEDERINOv,
Sofiane LAGhOUATI, Catherine NOppE, Arnaud qUERTINMONT,
Ludovic RECChIA, Annie vERBANCk-pIÉRARD

Secrétaire de rédaction
Bertrand FEDERINOv

Coordinatrice de la première partie : Trésors hellénistiques


Annie vERBANCk-pIÉRARD

Conception et mise en page


Claudine WERqUIN-LACROIx (†),
Justine pERIAUx

Photographies et traitement d’images


Michel LEChIEN

Impression
Imprimerie hayez, Bruxelles

Sauf indication contraire, les illustrations sont la propriété


du Musée royal de Mariemont

© Musée royal de Mariemont, 7140 Morlanwelz (Belgique)

ISSN : 0776-1317
ISBN : 978-2-930469-57-7
Dépôt légal : D/2016/0451/164
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Sommaire

Trésors hellénistiques de Mariemont

Préface 7
Agnès ROUvERET,
professeur émérite à l’Université paris Ouest Nanterre La Défense

Introduction. Le monde hellénistique, entre tradition et modernité 14


Annie vERBANCk-pIÉRARD,
Conservatrice de la Section Grèce-Rome, Musée royal de Mariemont

Tableaux chronologiques 45
- Faits historiques
- Arts
Maria NOUSSIS,
Master en histoire de l’Art et Archéologie de l’Université libre de Bruxelles

Interprétations et malentendus : la tête dite «d’Alexandre » à Mariemont 51


Dimitris DAMASkOS,
Associate professor of Classical Archaeology, University of patras

Annexe
patrick DEGRYSE,
professor of Archaeometry at the department of Earth and Environmental Sciences, Division of Geology,
katholieke Universiteit Leuven, and director of the Centre for Archaeological Sciences, kUL

Ganôsis et réfections antiques de polychromie. 64


Enquête sur le portrait en marbre «de Bérénice II» au Musée royal de Mariemont
Brigitte BOURGEOIS,
Conservateur général du patrimoine, chargée de mission sur l’histoire de la restauration, Centre de recherche et de
restauration des musées de France (C2RMF)

Annexe 1
Dominique ROBCIS,
Chef de travaux d’art au Département Restauration du C2RMF

Annexe 2
Nathalie BALCAR,
Ingénieur d’études en analyse physico-chimique du Département Restauration du C2RMF

Trois inscriptions ptolémaïques : dédicaces en l’honneur des souverains lagides 86


Natacha MASSAR,
Conservatrice des Antiquités grecques aux Musées royaux d’Art et d’histoire de Bruxelles
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Les ors hellénistiques et romains de Mariemont 104

I. Analyse stylistique et datation


véronique LAMY,
Licenciée en histoire de l’Art et Archéologie de l’Université catholique de Louvain-la Neuve,
Cyril ThIAUDIèRE, Corinne BESSON,
Experts en bijouterie antique, cabinet Aurum Antiquum
et Annie vERBANCk-pIÉRARD

II. Matériaux, techniques et savoir-faire des orfèvres antiques


Maxime CALLEWAERT,
Master in Archaeological Science, University of Oxford, docteur en histoire de l’Art et Archéologie de
l’Université libre de Bruxelles,
véronique LAMY,
Licenciée en histoire de l’Art et Archéologie de l’Université catholique de Louvain-la Neuve,
César DUMORA,
Chercheur au Centre européen d’Archéométrie (CEA) de l’Université de Liège,
François MAThIS,
physicien, chercheur au CEA-Liège,
David STRIvAY,
Directeur du CEA-Liège,
helena CALvO DEL CASTILLO,
Géochimiste, chercheur au CEA-Liège,
Cyril ThIAUDIèRE, Corinne BESSON,
Experts en bijouterie antique, cabinet Aurum Antiquum,
et Annie vERBANCk-pIÉRARD

Les armes d’Achille : une évocation de l’Iliade sur un vase apulien du peintre de Baltimore 148
au Musée royal de Mariemont
Annie vERBANCk-pIÉRARD,
Conservatrice de la Section Grèce-Rome, Musée royal de Mariemont

Trésor de Mariemont
Rencontre inattendue entre Minerve, Hercule, étis et Éris. 174
L’énigme du miroir étrusque Inv. B.206 du Musée royal de Mariemont
paul FONTAINE,
professeur d’histoire et Archéologie de l’Antiquité, Université Saint-Louis − Bruxelles

VIE Du MuSÉE
Choix d’acquisitions 2009 181
Chronique des expositions 2009 187
Prêts aux expositions 2009 199
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TRÉSORS HELLÉNISTIQUES DE MARIEMONT


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Carte des principaux sites de l’Égypte ancienne.


(© J. Dahi et B. Saint-Pol [https://commons.wikimedia.org/wiki/]).

86 Trois inscriptions ptolémaïques: dédicaces en l’honneur des souverains lagides


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Trois inscriptions ptolémaïques :


Natacha massar dédicaces en l’honneur des souverains lagides

L es collections publiques belges contiennent trois dédicaces en l’honneur de


souverains lagides 1. L’une est conservée au Musée royal de Mariemont, les
deux autres aux Musées royaux d’Art et d’Histoire à Bruxelles 2. Ces documents, gra-
vés sur pierre, annoncent un don à une ou des divinité(s) et honorent en même temps
la famille régnante. Ils mettent ainsi en relation trois entités: dédicant, roi, divinité. Ils
ont été publiés anciennement, sans commentaire développé. Depuis lors, les travaux
sur ce type de dédicace, sur les pratiques cultuelles et sur la société de l’égypte lagide
se sont multipliés, justifiant une nouvelle étude de ces inscriptions. elles appartien-
nent à un corpus d’environ 75 dédicaces de même type trouvées en égypte et réparties
sur toute la période hellénistique 3.
Cette étude se concentre sur les trois documents susmentionnés, abordés dans
l’ordre chronologique, en les mettant en relation avec l’ensemble du corpus pour
mieux mettre en valeur leurs apports respectifs.

1 toutes les dates citées dans l’article s’enten-

dent avant J.-C.


2 Pour le présent article, les deux inscriptions

du Musée de Bruxelles ont été nettoyées et, dans le


cas de l’inscription A.1484, restaurée, par Isabella
Rosati, restauratrice aux Musées royaux d’Art et
d’Histoire, à qui j’exprime ma gratitude.
3 Huit inscriptions qui honorent les Lagides

ont été trouvées en dehors de l’égypte. Sauf indica-


tion contraire, je n’en tiens pas compte ici. Doréna-
vant, lorsque je parle de dédicaces, il s’agit de celles
qui comportent une formule de type hyper + génitif
en l’honneur des souverains régnants. Sur ce corpus,
voir P. IOSSIF, «La dimension publique des dédica-
ces «privées» du culte royal ptolémaïque», in V.
DASen et M. PIéRARt, Ἰδίᾳ καὶ δημοσίᾳ. Les cadres
Abréviations «privés» et «publics» de la religion antique, Liège,
FRASeR, PA I-II = P.M. FRASeR, Ptolemaic Alexandria, Oxford,t. I-II, 1972. 2005 (Kernos, suppl. 15), p. 235-258 qui propose la
IG Alexandrie = é. BeRnAnD, Inscriptions grecques d’Alexandrie ptolémaïque, Le Caire, 2001. seule étude d’ensemble sur ce sujet. Les tableaux qui
IG Fayoum = é. BeRnAnD, Recueil des inscriptions grecques du Fayoum, t. I, Leyde, 1975; t. II-III, Le Caire, figurent à la fin de son article m’ont été très utiles
1981. pour approfondir l’analyse de ces inscriptions. Il faut
OGIS = W. DIttenBeRGeR, Orientis Graeci Inscriptiones Selectae, Leipzig, 1903. cependant les utiliser avec prudence car ils contien-
PP = W. PeReMAnS, e. VAn’t DACk et al., Prosopographia Ptolemaica, Louvain, t. I-Ix, 1950-1981. nent un certain nombre d’erreurs. On verra égale-
SEG = J.J.e. HOnDIUS et al., Supplementum Epigraphicum Graecum, La Haye, puis Amsterdam, puis Leyde, ment avec profit FRASeR, PA I, p. 226-227, et II,
1923-. p. 374-376, n. 297-299.

Trois inscriptions ptolémaïques: dédicaces en l’honneur des souverains lagides 87


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1. Dédicace en l’honneur de Ptolémée III et Bérénice II Évergètes


(243-222/1 av. J.-C.) (fig. 1, a-g)

Morlanwelz, Musée royal de Mariemont, inv. B.181.

Inscription achetée à un antiquaire parisien en 1904. D’après F. von Bissing, cité par H. von Prott, la pierre
proviendrait peut-être de Memphis (voir ina).
Bloc de calcaire rectangulaire. Haut. 31 cm; long. 54 cm; ép. 7,5 cm. Haut. des lettres: 2 cm; interligne 2 cm.
L’inscription est très soignée; la surface gravée bien préparée et lissée, les lettres régulières et précises.
Lettres à apices 4 (fig. 1c). Les parois latérales et les lits de pose et d’attente sont travaillés grossièrement à la
pique (fig. 1d-g).
Le nombre de lettres par ligne varie entre 21 et 29; à la troisième ligne, les lettres sont plus petites et
ont été davantage serrées pour éviter la césure d’un mot.

Bibliographie
H. VOn PROtt, « Funde », in Mitteilungen des Deutschen archäologischen Instituts. Abteilung Athen, t. xxIII,
1898, p. 367 d’après une copie de F. von Bissing qui a vu l’inscription dans le commerce des antiquités en
égypte. [H.n. FOWLeR (éd.), « Archaeological news », in American Journal of Archaeology, t. III, 1899,
p. 244; M.L. StRACk, « Inschrien aus Ptolemäischer zeit I », in Archiv für Papyrusforschung, t. I, 1900, p.
203, no 10; F. BILABeL, Sammelbuch Griechischer Urkunden aus Ägypten, vol. 5, Heidelberg, 1934, no 8772,
p. 324-325; OGIS, no 64].
[F. CUMOnt], Collection Raoul Warocqué. Antiquités égyptiennes, grecques et romaines, Mariemont, 1904,
p. 44, no 181 (éd. de 1916: p. 102, no 181); P. LÉVÊQUE, «Dédicace en l’honneur de Ptolémée III et sa famille»,
in G. FAIDeR-FeytMAnS et al., Les antiquités égyptiennes, grecques, étrusques, romaines et gallo-romaines du
Musée de Mariemont, Bruxelles, 1952, p. 107 (G.125) et pl. 40 (FRASeR, PA II, p. 428, n. 679) 5.
P. LéVêqUe et G. DOnnAy, L’art grec du Musée de Mariemont, Bordeaux, 1967, p. 137-138, no 77 et photo
p. 208 [rééd. Grandeur de la Grèce (catalogue d’exposition. Musée de Mariemont, 4 mai - 31 octobre 1968)
(Trésors inconnus du Musée de Mariemont, 3), p. 61-61, no 60]; La Gloire d’Alexandrie (catalogue d’exposition.
Paris, Musée du Petit Palais, 7 mai - 26 juillet 1998), p. 246, no 185.

Ὑπὲρ βασιλέως Πτολεμαίου καὶ


βασιλίσσης Βερενίκης θεῶν
εὐεργετῶν καὶ τῶν τέκνων Σαράπιδι
῎Ισιδι τὸν ναὸν καὶ τὸν περίβολον
Ἀποώνιος Φιλίωνος Ἀμμωνιεὺς
4 L’inscription IG Alexandrie, no 5 et pl. 2, καὶ ἡ γυνὴ αὐτοῦ Δημητρία
datée du règne de Ptolémée II (283-279) à cause du
formulaire, présente une écriture fort semblable. Il «en l’honneur du roi Ptolémée et de la reine Bérénice, les dieux évergètes, et de
s’agit également de la dédicace d’un temenos pour leurs enfants, à Sarapis (et) Isis, Apollonios, fils de Philiôn, du dème d’Ammon, et son
Sarapis et Isis en l’honneur de la famille royale.
5 Cette inscription porte le no 6365 sur le site
épouse Démétria (ont dédié) ce temple et son péribole ».
Internet Trismegistos consacré aux sources sur l’égypte
gréco-romaine (http://www.trismegistos.org). La dédicace adopte la structure la plus courante pour ce type d’inscription: les
6 À ma connaissance, deux inscriptions font
souverains honorés figurent en premier lieu, bien mis en évidence. Viennent ensuite le
exception à cette règle : une des plus anciennes
nom de la ou des divinité(s), l’objet de la dédicace (lorsqu’elle est précisée) et enfin les
inscriptions du corpus (règne de Ptolémée I),
é. BeRnAnD, Inscriptions grecques d’Égypte et de noms (et parfois les titres) des dédicants. L’ordre des rubriques peut varier, sauf la
Nubie au Musée du Louvre, Paris, 1992, no 7, et une mention des souverains qui figure toujours en première place 6. La formulation distin-
dédicace provenant d’Amathonte à Chypre, SEG, gue clairement entre les dieux, au datif, et les souverains, introduits par la préposition
t.xxxVIII no 1501. hyper suivie du génitif 7. Cette expression est utilisée dans des dédicaces plus anciennes:
7 Sur le sens de hyper + nom du roi, voir J. BIn-

Gen, « normalité et spécificité de l’épigraphie


elle précise dans ce cas les personnes sur lesquelles l’attention de la divinité est attirée
grecque et romaine de l’égypte», in L. CRISCUOLO spécialement («Untel fait une dédicace à telle divinité pour [hyper] lui-même, son
et G. GeRACI, Egitto e storia antica dell’ellenismo épouse, ses enfants »). Parfois un mot vient préciser ce qui est souhaité par le dédicant
all’età araba, Bologne, 1989, p. 31-32. Voir aussi (la santé, le salut…). Cette habitude se poursuit durant l’époque hellénistique. La for-
P. IOSSIF, op. cit. (supra n. 3), p. 238-239.
8 A. BeRnAnD, Pan du désert, Leyde, 1977, mule sera également utilisée pour honorer les empereurs romains. Dans ce cas, le dédi-
nos 42, 44, 87; é. BeRnAnD, Inscriptions grecques et cant précise aussi parfois ce qu’il souhaite que la divinité lui apporte 8. en d’autres
latines d’Akoris, Le Caire, 1988, nos 10, 13; etc. termes, la formule hyper + génitif sert à mettre en évidence les personnes que l’on

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Fig. 1a-1g. Inscription, pierre calcaire, Alexandrie ?, 243-222/1 av. J.-C. Dédicace pour Sarapis et Isis en l’honneur de Ptolémée III et Bérénice II Évergètes.
Musée royal de Mariemont, inv. B.181.
Fig. 1a. Face principale.
Fig. 1b. Face arrière.

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recommande à la protection de la divinité. Vu l’uniformité de cet usage, lorsque la


personne introduite par cette formule est un souverain lagide, la signification doit
être similaire. Le dédicant recommande le roi et sa famille à la divinité. Il honore le
souverain tout en exprimant un souhait en sa faveur 9.
La dédicace a été faite par Apollonios, fils de Philiôn, du dème d’Ammon, et par
son épouse Démétria. Le démotique d’Apollonios indique qu’il s’agit d’un citoyen
grec d’Alexandrie 10. Les noms des dédicants, tirés de noms de divinités grecques
(Apollon et Déméter), et la manière de les donner (patronyme, démotique) sont
conformes à la tradition grecque. Aucun titre ne permet de connaître les fonctions
ou les activités d’Apollonios et il n’est pas attesté par d’autres documents. La plupart
des dédicaces où l’épouse et/ou les enfants sont nommés ne mentionnent d’ailleurs
pas les fonctions du dédicant 11. Il semble y avoir une certaine incompatibilité entre
une dédicace de type familial et une dédicace à titre professionnel.
Fig. 1c. Détail de la gravure des lettres.
Les noms des souverains, Ptolémée et Bérénice, ainsi que leur titre, dieux évergètes
(c’est-à-dire bienfaiteurs), permettent de reconnaître Ptolémée III et son épouse Béré-
nice (II), fille de Magas, roi de Cyrène. Ptolémée III monte sur le trône et se marie la
même année, en 246. Le couple adopte le titre de eoi Euergetai à partir de 243 12.
9 Voir les commentaires de FRASeR, PA II,
L’ordre et les dates de naissance de leurs enfants sont des questions disputées 13. La
p. 375, n. 298. présence du titre et la mention des enfants, au pluriel, indiquent qu’Apollonios et
10 Pour ce dème (division administrative et

territoriale d’Alexandrie) : P.M. FRASeR, « two


Démétria ont fait leur dédicace après 243. Ptolémée III meurt au tournant des années
Studies on the Cult of Sarapis in the Hellenistic 222/1. L’inscription doit donc dater des décennies 243-222/1.
World», in Opuscula Atheniensia, t. III, 1960, p. 16 Dans ces inscriptions, le plus souvent, comme ici, c’est la famille régnante qui est
n. 5. PA I, p. 42-44. Sur l’origine du nom «Ammo- honorée: le roi, son épouse et leurs enfants. Les parents du roi sont rarement nommés.
nieus» comme démotique à Alexandrie, voir aussi
W. CLARySSe et W. SWInnen, «notes on some
Les titres des souverains, à savoir leurs épithètes divines, sont toujours donnés 14.
Alexandrian Demotics», in Alessandria e il mondo Viennent ensuite les noms des divinités en l’honneur desquelles la dédicace est
ellenistico-romano. Studi in onore di Achille Adriani, faite: Sarapis et Isis. Sarapis est une figure divine nouvelle, créée au début de l’ère lagide,
t. I, Rome, 1983, p. 15. sans doute par Ptolémée I et son entourage 15. Son nom dérive de celui d’Osiris-Apis et
11 Sur les dix-sept dédicaces qui mentionnent
son culte mêle des éléments grecs et égyptiens. Sarapis est surtout attesté à Alexandrie
l’épouse et/ou les enfants du dédicant, trois seule-
ment précisent sa fonction : IG Alexandrie, n°5; IG au 3e siècle et, dans une moindre mesure, dans le Fayoum au 2e siècle. Son culte décline
Fayoum, no 107; A. BeRnAnD, De Thèbes à Syène, ensuite avant de connaître un vif succès à l’époque impériale 16. Divers témoignages
Paris, 1989, no 319. Les quatorze inscriptions où attestent le rôle des premiers souverains lagides dans la construction et l’agrandisse-
aucun titre n’est mentionné sont les suivantes: IG
ment du sanctuaire de Sarapis à Alexandrie. Ainsi, Ptolémée III, honoré dans l’ins-
Alexandrie, nos 20, 22; IG Fayoum, nos 69, 72, 105,
111, 115, 133, 158, 203; é. BeRnAnD, op. cit. (supra cription qui nous occupe, y a initié la construction d’un nouveau temple avec des
n. 6), no 16; OGIS, no 64 (= la nôtre), 101, 734. annexes 17. La plaque de fondation bilingue de cette construction, en grec et en égyp-
12 G. HöLBL, A History of the Ptolemaic Empire
tien, a été retrouvée 18. elle ne mentionne pas Isis, dont le culte n’était pas officielle-
(traduit de l’allemand par t. SAAVeDRA), Londres - ment célébré dans le Sarapeion d’Alexandrie. Des statues des Ptolémées III et IV
new york, 2001, p. 49; P. PeStMAn, Chronologie
égyptienne d’après les textes démotiques, Leyde, 1967 furent érigées dans le sanctuaire, témoignant du lien étroit de Sarapis avec le culte
(Papyrologica Lugduno-Batava, 15), p. 134-135; dynastique. D’autres indices confirment également cette association 19.
J. BInGen, «Le décret du synode sacerdotal de
243 avant notre ère », in Chronique d’Égypte,
t. CxxxIV, 1992, p. 326.
13 Les noms des enfants sont donnés par 15 Je ne peux donner ici une bibliographie complète sur Sarapis. Pour mon propos, je note: P.M. FRASeR,

W. HUSS, « Die zu ehren Ptolemaios’ III. und sei- op. cit. (supra n. 10), p. 1-54, et ID., «Current Problems Concerning the early History of the Cult of Sarapis»,
ner Familie errichtete Statuengruppe von thermos in Opuscula Atheniensia, t. VII, 1967, p. 23-45; FRASeR, PA I, p. 116-117, 252-276, 297-298; M. MALAISe,
(IG Ix, 1, 12, no 56)», in Chronique d’Égypte, t. C, Pour une terminologie et une analyse des cultes isiaques, Bruxelles, 2005, p. 128-139 avec une importante biblio-
1975, p. 316. graphie. Voir aussi F. DUnAnD, Le culte d’Isis dans le bassin oriental de la Méditerranée, t. I, Le culte d’Isis et les
14 Sur les épithètes des rois lagides, voir C. Ptolémées, Leyde, 1973, p. 51.
PRéAUx, Le monde hellénistique, vol. I, Paris, 1978, 16 FRASeR, PA II, p. 408-409 n. 684; F. DUnAnD, op. cit. (supra n. 15), p. 59-62.

p. 250-251; F. DUnAnD et C. zIVIe-COCHe, Hom- 17 F. DUnAnD, op. cit. (supra n. 15), p. 56-57. Sur le Sarapieion : J. MCkenzIe, S. GIBSOn et A. ReyeS,

mes et dieux en Égypte, Paris, 2006, p. 274-275. Sur «Reconstructing the Serapeum in Alexandria from the Archaeological evidence», in Journal of Roman Stu-
leur signification, voir L. kOenen, « the Ptolemaic dies, t. xCIV, 2004, p. 73-114; M. SABOttkA, Das Serapeum in Alexandria, Le Caire, 2008; k. SAVVOPOU-
king as a Religious Figure», in A.W. BULLOCH LOS, «Alexandria in Aegypto», in L. BRICAULt et M. J. VeRSLUyS, Isis on the Nile. Egyptian Gods in Helle-
et al., Images and Ideologies, Berkeley - Los Angeles - nistic and Roman Egypt, Leyde, 2010, p. 79-80.
Londres, 1993, p. 61-66. 18 IG Alexandrie, no13. L’inscription est gravée en pointillés au poinçon sur une plaquette en or.

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Le culte d’Isis est beaucoup plus ancien et son succès en égypte, puis dans
le bassin méditerranéen, ne se dément pas au cours des périodes hellénistique et impé-
riale 20. Certaines reines lagides lui vouent un culte spécifique ou lui sont même
identifiées 21. Rapidement, Isis est associée à Sarapis et ce couple divin est perçu 19 G. HöLBL, op. cit. (supra n. 12), p. 100;

comme faisant pendant au couple royal régnant 22. P.M. FRASeR, op. cit. (supra n. 10), p. 11-12 et 17-
notre inscription appartient à un groupe de six dédicaces en l’honneur de 18, 41; M. MALAISe, op. cit. (supra n. 15), p. 137.
Voir aussi les références données infra n. 20 et 21.
Sarapis et Isis datant des règnes des quatre premiers Ptolémées. La majorité d’entre 20 La bibliographie au sujet d’Isis est énorme,
elles (quatre sur six) provient d’Alexandrie et est faite par des Alexandrins; l’inscrip- surtout en ce qui concerne son culte en-dehors de
tion étudiée ici est supposée venir de Memphis (?) et est dédiée par un Alexandrin; l’égypte. en ce qui concerne la déesse en égypte,
la sixième a été trouvée à Philae 23. Plusieurs de ces dédicaces sont faites par les mem- voir F. DUnAnD op. cit. (supra n. 15), et, tout
récemment, L. BRICAULt et M. J. VeRSLUyS, op.
bres d’une famille: des époux (comme sur l’inscription de Mariemont), des frères, le
cit. (supra n. 17), avec une importante bibliogra-
père et ses quatre fils 24. Un seul dédicant mentionne un titre: Archagatos est «épis- phie.
tate de Libye » 25. Il est d’ailleurs le seul, avec Apollonios, à préciser l’objet de sa 21 F. DUnAnD, op. cit. (supra n. 15), p. 35-

dédicace : un sanctuaire (temenos) 26. L’inscription de Philae se distingue des cinq 36, 38-45.
22 FRASeR, PA I, p. 260-264, et surtout p.
autres en ce que le dédicant, qui agit seul, est un Grec de Locres. Il ne mentionne pas
263 sur l’association entre le culte de ces deux divi-
non plus de fonction. tous ces éléments distinguent ce petit groupe, très cohérent, nités et celui de la maison royale. F. DUnAnD, op.
des autres textes du corpus 27. cit. (supra n. 15), p. 37-38, 59, 62, 79-80.
Selon des informations reçues par son inventeur, Friedrich von Bissing, notre 23 Pour les quatre inscriptions d’Alexandrie :

dédicace proviendrait peut-être de Memphis, sans plus de détails 28. elle s’insère IG Alexandrie, nos 1, 5, 19, 20 (les dédicants des nos
1, 19 et 20 indiquent soit un démotique soit un
cependant tellement parfaitement dans cet ensemble que je serais tentée de lui attri- ethnique alexandrin). Pour l’inscription de Phi-
buer plutôt une provenance alexandrine 29. L’écriture peut d’ailleurs être rapprochée lae: A. BeRnAnD et é. BeRnAnD, Les inscriptions
de celle d’une autre dédicace du groupe datant du règne de Ptolémée II 30. grecques et latines de Philae, Paris, 1969, no 5. J’ai
L’objet de cette dédicace n’est pas négligeable : un naos, à savoir un édifice repris dans ce décompte les inscriptions dédiées
uniquement à Sarapis et Isis (et non celles qui leur
cultuel, chapelle ou temple, dédié au couple divin, situé sur un terrain délimité par une associent d’autres divinités). Sur ce dossier, voir les
enceinte (peribolos) 31. La même formule peut recouvrir des réalités différentes, de la commentaires de FRASeR, PA I, p. 271-272.
modeste chapelle sur un petit bout de terre à la construction élaborée située sur un 24 Respectivement: no 5, 1, 20.
25 IG Alexandrie, no 5. Sur l’identité et la
terrain imposant: ce sont les mêmes mots qui figurent sur la plaque de fondation du
fonction de ce personnage (PP VIII, nos 375b et
temple de Sarapis à Alexandrie construit par Ptolémée III 32. Il s’agit en tout cas 14495), voir IG Alexandrie, p. 31.
d’une structure privée, sur un terrain privé, consacré dorénavant au culte d’une ou 26 IG Alexandrie, no 5, l. 6.

de plusieurs divinités 33. Aucune indication ne permet de connaître le coût du don. 27 Selon FRASeR, PA I, p. 273, les personnes

L’inscription très soignée (fig. 1c) a été gravée sur une plaque dont les parois laté- qui font des dédicaces à Sarapis sont des Grecs:
des fonctionnaires, des membres des classes supé-
rales sont seulement dégrossies (fig. 1d-g) et ne devaient donc pas être visibles:
rieures, ou des proches du milieu de cour. Presque
la pierre était insérée dans une structure, sans doute le mur du temenos (par exemple tous indiquent leur patronyme, ethnique ou
au-dessus de la porte) ou du naos 34. La dédicace rend publiques la destination du démotique. Les dédicants à Sarapis sont plus
sanctuaire et l’identité de ceux qui l’ont dédié. en revanche, elle n’évoque en aucune exclusivement grecs que ceux qui font des dédica-
ces aux dieux grecs !
manière le fonctionnement de ce sanctuaire privé : nous ignorons tout des rituels 28 Cité par H. VOn PROtt, «Funde», in
qui s’y déroulaient. Mitteilungen des Deutschen archäologischen Insti-
tuts. Abteilung Athen, 1898, p. 367.
29 Même s’il faut rester prudent, comme le

souligne FRASeR, PA II, p. 428, n. 679: «von Bis-


sing may have had good reasons for his view and
we cannot lightly reject it». Mais H. von Bissing
ne semblait pas très affirmatif, selon H. von Prott :
«eine nach seiner (= von Bissing) Angabe viel-
leicht aus Memphis stammende Ptolemäische
Bauinschrift».
30 IG Alexandrie, no 5 et pl. 2, datée plus pré-

cisément de 283-279 d’après le formulaire.


31 FRASeR, PA I, p. 227 et 263-264 (avec
33 On en trouvera une liste dans P.M. FRASeR et A. RUMPF, «two Ptolemaic Dedications», in The notes). Sur le sens de naos, voir M. CASeVItz,
Journal of Egyptian Archaeology, t. xxxVIII, 1952, p. 68-69. Sur les fondations cultuelles privées, voir «temples et sanctuaires: ce qu’apprend l’étude
A. PURVIS, Singular Dedications. Founders and Innovators of Private Cults in Classical Greece, new york - lexicologique», in G. ROUx, Temples et sanctuai-
Londres, 2003, en particulier p. 121-122. Je remercie V. Pirenne de m’avoir signalé cette référence. res, Lyon, 1984, p. 87-88.
34 FRASeR, PA II, p. 323-324, n. 6. 32 IG Alexandrie, no 13, l. 3.

Trois inscriptions ptolémaïques: dédicaces en l’honneur des souverains lagides 91


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Fig. 1d. Lit d’attente. Fig. 1f. Paroi latérale gauche.

Fig. 1e. Lit de pose. Fig. 1g. Paroi latérale droite.

35 IG Fayoum, no 145 (Ptolémée xII-Cléopâtre). La dédicace de lieux de culte privés, évoqués par les termes naos, hiéron
36 OGIS, no 734; IG Fayoum, nos 69, 84, 105,
ou temenos (désignant dans ce cas le mur de limite et le lieu de culte qu’il abrite), est
106, 107, 108, 115, 133, 158, 203; SEG, t.xxxIII,
no 1359; t.xL, no 1573; IG Alexandrie, no 34. attestée durant toute la période hellénistique. Ainsi, dans l’inscription la plus récente
37 Sur les dédicaces privées à Sarapis, et leurs du corpus qui précise l’objet de la dédicace, c’est un Iseion, un lieu de culte consacré
relations avec les honneurs accordés aux souverains, à Isis, qui est offert 35. toutefois, à partir du règne de Ptolémée VI (180-145), les
voir FRASeR, PA I, p. 270-272.
dédicants font plutôt don d’embellissements pour des sanctuaires existants : propylon
(entrée monumentale), portes, allées et routes 36… Il semblerait donc qu’il y ait eu une
certaine évolution dans la nature des dons faits aux divinités.

Cette inscription est représentative des dédicaces alexandrines du 3e siècle. Les


dédicants sont grecs, citoyens d’Alexandrie. Ils offrent un sanctuaire privé en l’hon-
neur d’une divinité nouvelle, créée par le pouvoir en place et dont le culte est encou-
ragé par le souverain qu’ils honorent. Apollonios fait la dédicace avec sa femme, sans
mentionner ses fonctions. L’insistance est donc sur le couple, la structure familiale,
mais la dédicace honore une divinité étroitement liée à la personne royale et au culte
dynastique, en un double témoignage de loyauté aux souverains. C’est sous les quatre
premiers Ptolémées que le sanctuaire de Sarapis à Alexandrie est régulièrement
embelli et agrandi par les souverains et que le dieu est également honoré par des
monuments et des chapelles offerts par des privés, en des manifestations individuelles
de respect pour cette nouvelle divinité 37.

92 Trois inscriptions ptolémaïques: dédicaces en l’honneur des souverains lagides


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2. Dédicace pour Boubastis en l’honneur de Ptolémée VI


et Cléopâtre II (175-170 av. J.-C.) (fig. 2 et 3)

Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire, inv. A.1484.

L’inscription a été acquise au Caire par Franz Cumont. elle entre dans les collections du musée le 17
septembre 1907. Selon le marchand, elle proviendrait du Fayoum (voir ina).
Pierre carrée, entourée d’un encadrement en biseau orné d’une ligne gravée, en calcaire lité présentant
des inclusions (rognons de silex ? galets ?). Haut. 29,4 cm; long. 29,3 cm; ép. 7,5 cm. Haut. des lettres
1,7 à 1,5 cm.
Inscription complète, bien lisible. L’inscription est gravée sur une surface à l’origine lissée. Les faces laté-
rales et arrière sont soignées, présentent des traces d’outils bien visibles, mais sont très usées. Les trous de
fixation percés dans les parois supérieure (un trou) et inférieure (deux trous) sont tous modernes.
Des lignes de mise en place étaient tracées au-dessus et en-dessous des lignes d’écriture (fig. 2). Les lettres
sont gravées assez profondément, sauf certains y; elles sont plus larges à gauche et plus étroites et serrées
à droite, surtout à la première ligne.
Depuis son acquisition, la surface de l’inscription s’est fortement dégradée. L’épiderme originel n’est plus
guère conservé sur la face inscrite et la surface se soulève en de nombreux endroits, l’angle inférieur droit
étant particulièrement abîmé (fig. 3) 38. Plusieurs lettres à droite, bien visibles sur une photo ancienne
(fig.2), ne sont plus lisibles aujourd’hui.

Bibliographie
F. CUMOnt, Catalogue des sculptures et inscriptions antiques des Musées royaux du Cinquantenaire, 2e éd.,
Bruxelles, 1913, no 146, p. 175-177 (photo) (P. ROUSSeL, «Bulletin épigraphique », in Revue des études
grecques, t. xxVII, 1914, p. 475 (avec une faute de frappe : ἀρχισωματοφύλανος); J. IJSeWIJn, De sacerdotibus
sacerdotiisque Alexandri Magni et Lagidorum eponymis, Bruxelles, 1961, p. 97; SEG, t. xx, 1964, no 641,
p. 158; e. kIeSSLInG, Sammelbuch Griechischer Urkunden aus Ägypten, Wiesbaden, 1967, no 10163, p. 245;
FRASeR, PA II, p. 325, n. 12); é. BeRnAnD, Recueil des Inscriptions grecques du Fayoum, t. III, Le Caire, 1981,
no 197, p. 117-119 (photos) 39.
38 elle a été traitée une première fois en 1951-

Ὑπὲρ βασιλέως Πτολεμαίου 1953 par le Laboratoire central des Musées de Bel-
gique (ACL), puis en 2010 par Isabella Rosati dans
καὶ βασιλίσσης Κλεοπάτρας les ateliers de restauration des Musées royaux d’Art
θεῶν φιλομητόρων et d’Histoire. Il est possible que cette forte dégrada-
Ἀστερία καὶ Τιμάριον αἱ tion soit liée à l’incendie qui a ravagé l’aile «Anti-
Σωτίωνος τοῦ ἀρχισωματο- quité» du musée de Bruxelles en 1946.
39 Les légendes des deux photos ne sont pas cor-
φύλακος καὶ στρατηγοῦ rectes. La photo de la pl. 28 correspond à l’état de la
θυγατέρες Βουβάστε[ι] pièce au moment où elle est entrée au musée; celle de
la pl. 29 à son état dans les années 1950, après traite-
«en l’honneur du roi Ptolémée et de la reine Cléopâtre, les dieux Philomètors, ment du soulèvement de l’épiderme. Cette inscrip-
tion porte le no 6181 sur le site Internet Trismegistos
Astéria et timarion, les filles de Sôtiôn, l’archisômatophylax (chef des gardes du corps)
(supra n. 5).
et stratège, (ont dédié ceci) à Boubastis». 40 J. BInGen, «Compte rendu de J. IJSeWIJn,

De sacerdotibus sacerdotiisque Alexandri Magni et


Le roi Ptolémée et la reine Cléopâtre portent le titre de «dieux Philomètors» Lagidorum eponymis», in Chronique d’Égypte, t.
(qui aiment leur mère). Il s’agit de Ptolémée VI et de sa sœur, qu’il épouse en 175; la LxxIII, 1962, p. 211. Voir aussi é. BeRnAnD,
Recueil des Inscriptions grecques du Fayoum, t. III, Le
même année, il reçoit le titre de « theos ». Selon Jean Bingen, l’écriture et Caire, 1981, p. 119 commentaire sur la l. 1-4.
l’absence d’enfant suggèrent une date au début de leur mariage, entre 175 et 170 40. 41 Astéria = PP III, no 5050; timarion n’est pas

Comme dans l’inscription précédente, le titre des souverains est indiqué. reprise dans la PP.
42 Sôtiôn = PP I, no 00335 et no 04322.
La dédicace est faite par deux sœurs, Astéria et timarion 41, filles d’un haut fonc- 43 L. MOORen, The Aulic Titulature in Ptole-
tionnaire lagide dont l’inscription précise certains titres. Sôtiôn 42 était en effet archi- maic Egypt, Bruxelles, 1975, p. 2 et 8.
sômatophylax, «chef des gardes du corps», et stratège. Le premier titre désigne à l’o- 44 Voir L. MOORen, La hiérarchie de cour pto-

rigine une fonction à la cour du roi mais, à partir du début du 2e siècle, devient lémaïque, Louvain, 1977, p. 74-134 sur les gouver-
un titre honorifique, attribué à des hauts fonctionnaires 43. Le stratège est un gouver- neurs des différents nomes et provinces et leur hié-
rarchie. Pour une brève description de la fonction de
neur de province ou de nome(s) 44. La circonscription dont Sôtiôn était stratège a fait stratège, voir n. LeWIS, Greeks in Ptolemaic Egypt,
l’objet de discussions. Son titre aulique d’archisômatophylax est très élevé et, dans la Oxford, 1986, p. 56-57.
première moitié du 2e siècle, il n’est pas accordé aux stratèges d’un seul nome 45. Sôtiôn 45 L. MOORen, op. cit. (supra n. 44), p. 74, 84-86.

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Fig. 2 et 3. Inscription, pierre calcaire, Fayoum ?, 175-170


av. J.-C. Dédicace pour Boubastis en l’honneur de
Ptolémée VI et Cléopâtre II.
Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’histoire, inv. A.1484.
Fig. 2. État de la pierre au moment de son entrée au
musée.
(© Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire).

devait donc être responsable d’une entité géographique plus grande. L’Arsinoïte serait
une possibilité, mais Léon Mooren l’écarte car il considère que Sôtiôn est en fonction
46 Ibid., p. 90-91; L. MOORen, op. cit. (supra au moment où Astéria et timarion font la dédicace; or le stratège de l’Arsinoïte
n. 43), p. 220, no 0046-0052a. Voir déjà J. IJSeWIJn, durant cette période est connu, il s’agit d’un certain Ptolémaios. Léon Mooren
De sacerdotibus sacerdotiisque Alexandri Magni et conclut: «il est indiqué de considérer Sotion comme un gouverneur compétent pour
Lagidorum eponymis, Bruxelles, 1961, p. 97.
47 Papyrus démotique du Musée de Brooklyn,
plusieurs nomes et, plus précisément, comme un stratège dont d’autres stratèges, e.a.
inv. 37, 1781 (provenant de Memphis). P. PeSt- celui de l’Arsinoïte, sont les subalternes» 46. Son raisonnement chronologique serait
MAn, Recueil des textes démotiques et bilingues, t. I, valable si Sôtiôn était un des dédicants de l’inscription, puisque ceux-ci signalent seu-
Leyde, 1977, no 1, l. 2, p. 6 et t. II, p. 8 et 13 n. h; W. lement les fonctions qu’ils exercent au moment de faire la dédicace, mais ce n’est pas
CLARySSe et G. VAn DeR Veken, The Eponymous le cas. Il n’est donc pas certain qu’il occupe la fonction de stratège en 175-170 : il a pu
Priests of Ptolemaic Egypt, Leyde, 1983 (Papyrologica
Lugduno-Batava, 24), no 110a, p. 22-23. l’occuper précédemment.
48 J. IJSeWIJn, op. cit. (supra n. 46), p. 97. Un autre document peut être versé à ce dossier. Un papyrus en démotique, daté
49 Ibid., p. 136; voir M. MInAS, «Die Kane-
par des prêtres éponymes, fait en effet connaître une canéphore du nom d’Astéria,
phoros, Aspekte des ptolemäischen Dynastiekults», fille de Sôtiôn 47. Jozef Ijsewijn l’avait déjà identifiée comme la première dédicante de
in H. MeLAeRtS, Le culte des souverains dans
l’Égypte ptolémaïque au III e siècle avant notre ère,
notre inscription 48. en 181/0, Astéria était donc canéphore, c’est-à-dire la prêtresse
Louvain, 1998, p. 43-60. éponyme annuelle du culte dynastique d’Arsinoé II Philadelphe instauré par son
50 Voir J. IJSeWIJn, op. cit. (supra n. 46), p. 140- frère et époux Ptolémée II. Ce culte se maintient tout au long de l’époque hellénis-
157, en particulier le tableau « Sacerdotium liberis» tique 49. Il s’agit d’une fonction prestigieuse : les prêtres et prêtresses des cultes dynas-
p. 150 et le tableau p. 154-155; C. PRéAUx, Le
monde hellénistique, t. I, Paris, 1978, p. 268-269;
tiques sont le plus souvent issus de familles grecques de hauts fonctionnaires 50,
F. DUnAnD et C. zIVIe-COCHe, op. cit. (supra comme c’est le cas ici. Or, comme le fait remarquer Léon Mooren, Sôtiôn devait déjà
n. 14), p. 322. occuper une fonction très élevée dans les années 180 pour que sa fille soit choisie

94 Trois inscriptions ptolémaïques: dédicaces en l’honneur des souverains lagides


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Fig. 3. Même inscription que la figure 2. État actuel.


Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’histoire, inv. A.1484. (© Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire).

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comme canéphore en 181/0. était-il déjà stratège à ce moment-là ? en l’état actuel de


51 L. MOORen, op. cit. (supra n. 43), p. 97, la documentation, rien ne permet d’en être assuré. Il paraît également difficile de
no 064, suggère que Sôtiôn était, e.a., stratège du déterminer de quelle circonscription Sôtiôn était stratège 51.
nome Boubastite, mais cette proposition repose sur Par ailleurs, un Alexandrin du nom de Sôtiôn était connu comme philosophe
la suggestion de F. CUMOnt, Catalogue des sculp- péripatéticien, auteur d’une Succession des philosophes, et certains ont suggéré d’identi-
tures et inscriptions antiques des Musées royaux du
Cinquantenaire, 2e éd., Bruxelles, 1913, p. 176, selon
fier les homonymes. Pour autant qu’on puisse l’établir, les deux Sôtiôn étaient
laquelle la pierre viendrait de Bubastis, ce qui est contemporains puisque l’auteur était actif durant la période 200-170 52, ce qui accroît
incertain (voir infra). la crédibilité de l’identification. en outre, ce nom est plutôt rare en égypte gréco-
52 PP VI, n° 16957. L’ethnique est donné par
romaine (douze occurrences dans la PP en ligne) 53. Cependant, en l’absence d’autres
AtHénée, Les Deipnosophistes, IV, 162e. La chrono-
logie est établie par le fait que Sôtiôn a donné une
informations, cela doit rester une hypothèse.
biographie du Stoïcien Chrysippe (280-207) dans Conformément à l’habitude de ne mentionner que les fonctions qu’on occupe au
son œuvre (DIOGène LAëRCe, Vies des philosophes, moment de la dédicace, Astéria ne précise pas qu’elle fut canéphore. Pour autant, les
VII, 183) et que son traité fut résumé par Héraklei- deux sœurs ont choisi de faire connaître leur appartenance au milieu des hauts fonc-
dès Lembos (DIOGène LAëRCe, Vies des philosophes,
tionnaires lagides en précisant la fonction et le titre aulique de leur père. Cette
V 79). Or on sait par la notice de la Souda, s.v. Hera-
kleides, que celui-ci vécut sous le règne de Ptolémée manière de procéder est unique. Cependant, elles ne sont pas les seules représentantes
VI (180-145). Sur Sôtiôn le philosophe, voir D.t. de ce milieu social à avoir fait une dédicace de ce type. Au moins huit autres dédicants
RUnIA, «Sotion no 2», in Der neue Pauly, vol. 11, portent des titres auliques ou exercent des fonctions très élevées (parent du roi, un des
Stuttgart-Weimar, 2001, col. 755 avec une biblio-
premiers amis du roi, archisômatophylax, navarque, stratège…) 54.
graphie récente.
53 W. CLARySSe et al. (dir.), Prosopographia Pto- Les dédicaces en l’honneur des souverains faites seulement par des femmes sont
lemaica, s.v. Sotion, [katholieke Universiteit Leuven], très rares. Outre celle-ci, une seule inscription provenant d’égypte commémore le don
2009. http://ldab.arts.kuleuven.be/prosptol/popup.p fait à la déesse ouéris par deux sœurs cyrénéennes, filles d’un Grec et d’une égyp-
hp?mode=simple&q_id=7125, site consulté le 14 tienne, en l’honneur de Ptolémée III et Bérénice 55. Faire une dédicace pour un souve-
mars 2011.
54 A. BeRnAnD, Le Delta égyptien d’après les rain semble donc être l’apanage des hommes, éventuellement accompagnés de leur
textes grecs, Le Caire, 1970, no 232 (navarque); A. épouse et de leurs enfants.
BeRnAnD, op. cit. (supra n. 11), no 224 (très frag- La dédicace honore Boubastis, la déesse chatte appelée Bastet en égyptien. Bou-
mentaire; parent du roi), 246 (un des premiers amis, bastis protège les femmes enceintes et les enfants. Son culte est bien attesté, en particu-
…?), 303 (archisômatophylax et stratège), 319 (un
des premiers amis, stratège, intendant des finances);
lier dans la ville de Boubastis, dans le Delta, où s’élève un important sanctuaire de la
é. BeRnAnD, op. cit. (supra n. 6), no 13 (archisôma- déesse 56. Cela pose la question de la provenance de notre inscription. en effet, selon le
tophylax et stratège de Pharbaithite); A. BeRnAnD, marchand, elle aurait été trouvée dans le Fayoum. Cette affirmation a été mise en doute
op. cit. (supra n. 8), no 86 (archisômatophylax); SEG, par Franz Cumont qui a suggéré, en raison de la divinité honorée, qu’elle proviendrait
t. xLIx, no 2251 (archisômatophylax, archithurôros
et eisaggeleis, chambellan).
plutôt de la ville de Boubastis, dans le Delta 57. Cependant, le culte de la déesse chatte
55 IG Fayoum, no 2 (Ptolémée III, Bérénice et était également pratiqué dans le Fayoum 58 et aucun élément de l’inscription ne permet
leurs enfants). Dans une inscription d’Ilion, en Asie de préférer l’une ou l’autre provenance. J’aurais dès lors tendance à accepter la seule
mineure, une Pergaménienne honore Ptolémée IV information que nous possédions à ce sujet, celle provenant du vendeur.
et son épouse Arsinoé dans une dédicace à la déesse
Revenons à la déesse chatte. Une dizaine de dédicaces grecques à Boubastis sont
syrienne: P. FRISCH, Die Inschriften von Ilion, Bonn,
1975, no 44. connues, datant du 4e siècle av. J-C au 2e siècle ap. J.-C. 59 La plupart sont
56 H. keeS, «Bastet», in H. BOnnet, Real- d’époque ptolémaïque et l’une est faite en l’honneur de Ptolémée VIII et des deux
lexikon der Ägyptischen Religiongeschichte, Berlin, reines Cléopâtre 60. toutes sauf une sont faites par une femme seule ou par un couple.
1952, p. 80-82; e. OttO, «Bastet», in W. HeLCk
en outre, tous les dédicants portent des noms grecs. Ces inscriptions, très codifiées,
et W. WeStenDORF, Lexikon der Ägyptologie, t. I,
Wiesbaden, 1975, col. 628-630; C. LeItz (éd.), semblent relever d’une pratique grecque, rarement adoptée pour célébrer Bastet/
Lexikon der ägyptischen Götter und Götterbezeich- Boubastis, qui est plus souvent honorée par l’offrande de figurines de chats. La dédi-
nungen, t. II, Louvain, 2002, p. 739-743; e. LAnGe cace d’Astéria et de timarion s’intègre bien dans ce corpus où les femmes jouent un
et D. ROSenOW, «kultzentrum der katzengöttin: rôle prépondérant. L’inscription mentionnée ci-dessus, dans laquelle deux sœurs de
Bubastis», in Kemet, t. III, 2006, p. 11-18. Voir
aussi M.-O. JenteL, «Bastet», in LIMC, t. III, Cyrène honorent les souverains Ptolémée III et Bérénice, s’inscrit dans un schéma
1986, p. 81-83, et F. DUnAnD, «Boubastis», op. similaire puisque ces femmes célèbrent ouéris, la déesse hippopotame protectrice
cit. (supra n. 15), p. 144-145. des femmes en couches 61.
57 F. CUMOnt, op. cit. (supra n. 51), p. 176.
58 J. qUAeGeBeUR, « Le culte de Boubastis-
L’inscription, de taille réduite, présente un cadre en relief. Cet encadrement est
Bastet en égypte gréco-romaine», in L. DeLVAUx
assez fréquent en égypte ptolémaïque 62. Les bords, où les traces de travail sont encore
et e. WARMenBOL, Les divins chats d’Égypte, Lou- bien visibles, et l’absence de tenons ou de mortaises suggèrent que la pierre a dû être
vain, 1991, p. 125-126. insérée dans une structure.

96 Trois inscriptions ptolémaïques: dédicaces en l’honneur des souverains lagides


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L’objet de la dédicace n’est pas précisé, ce qui est courant. Le don à la divinité se 59 Sur ces dédicaces, voir G. WAGneR, «Une

réduit-il pour autant à la seule inscription 63 ? Certains indices semblent indiquer que nouvelle dédicace à Bubastis», in Annales du service
des Antiquités de l’Égypte, t. LxIx, 1983, p. 247-
ce n’est pas nécessairement le cas. La plupart de ces documents sont gravés sur des 252; J. qUAeGeBeUR, op. cit. (supra n. 58), p. 117-
pierres étroites (ép. environ 5 cm), qui ne peuvent pas tenir seules à la verticale, et ne 127. Sur les liens de Boubastis avec Isis, voir aussi M.
présentent ni tenon ni trous de fixation. Peter Marshall Fraser déjà s’était interrogé MALAISe, op. cit. (supra n. 15), p. 51-59.
60 é. BeRnAnD, op. cit. (supra n. 6), no 16.
sur les modalités de présentation de ces plaques 64. Vu leurs dimensions, mais égale-
61 IG Fayoum, no 2. Voir P. IOSSIF, op.cit. (supra
ment le caractère parfois grossièrement travaillé des faces latérales et arrière, les
n. 3), p. 246. Les dédicaces grecques en l’honneur
pierres devaient être le plus souvent insérées dans une structure bâtie. Cela se conçoit de thouéris sont encore plus rares que celles pour
aisément lorsque c’est une construction qui est dédiée (naos, temenos, hiéron, propy- Boubastis; j’en connais une seule autre, SEG, t.xL,
lon…). Ces inscriptions ont cependant également pu être intégrées dans des autels 65. no 1573.
62 Voir les références données dans P.M. FRA-
en effet, si l’inscription est directement gravée sur l’objet dédié ou une partie de celui-
SeR et A. RUMPF, op. cit. (supra n. 33), p. 67 et n. 3.
ci (base de statue, autel, linteau, etc.) 66, l’information visuelle fournie par le support 63 C’est l’interprétation de é. Bernand, op. cit.

n’est pas nécessairement répétée dans le texte. Or, pour peu que la pierre inscrite ait (supra n. 6), p. 54, au sujet d’une autre dédicace à
été destinée à être insérée dans la paroi d’un autel aujourd’hui disparu, l’objet complet Boubastis: «l’objet dédié n’est pas précisé, parce
aurait fait immédiatement comprendre ce qui était dédié sans qu’il soit nécessaire de qu’il s’agit d’un ex-voto». Cependant la formu-
lation est similaire à celle des autres dédicaces du
le dire dans l’inscription. et, dans un pays où la pierre est onéreuse, il est bien com- corpus.
préhensible que seule l’inscription ait été dans un tel matériau 67. 64 FRASeR, PA II, p. 323 n. 6. Voir aussi P.M.

Cette dédicace présente une série de traits peu courants. elle est faite par des fem- FRASeR et A. RUMPF, op. cit. (supra n. 33), p. 66-67.
65 Sur des plaques inscrites insérées dans des
mes seules (trois exemples, dont un hors égypte), pour Boubastis (une dizaine d’exem-
autels, voir L. ROBeRt, «Un décret d’Ilion et un
ples étalés sur six siècles); elle mentionne le titre et la fonction du père des dédicantes, papyrus concernant des cultes royaux», in Essays
ce qui est unique. Cette dernière information semble être donnée en partie pour jus- in Honor of C. Bradford Welles, new Haven, 1966,
tifier la démarche de ses filles. C’est en effet en tant que membres d’une famille de p. 206-207.
66 Par exemple: IG Alexandrie, no 2 (base de
hauts fonctionnaires qu’elles honorent les souverains régnants.
statue – signature du sculpteur, mais la dédicace
Cette période de l’histoire lagide est très troublée: Ptolémée V meurt assassiné en ne mentionne pas l’objet dédié), 22 (autel), 60 (sans
180 alors que son fils aîné, Ptolémée VI, n’a que six ans. Sa mère régnera comme doute – inscription incomplète – autel), 109
régente jusqu’à son propre assassinat en 176. Deux courtisans prennent alors sa place (colonne votive), 132 (linteau; voir les commentai-
comme régents. Ils renforcent les apparences royales du jeune souverain, en lui res p. 94-95), 143, 144 (les deux: architrave ou
corniche).
octroyant le titre de «theos» et en le mariant à sa sœur, Cléopâtre, qui est encore plus 67 Comme parallèle, on peut proposer l’inscrip-
jeune que lui 68. C’est dans cette ambiance difficile et troublée qu’Astéria et timarion tion IG Fayoum, no 13. Il s’agit de la dédicace d’une
font leur dédicace en honorant les monarques récemment montés sur le trône et en statue, gravée sur une pierre très semblable à notre
rappelant les bons services de leur père. Cette précision donne un caractère politique inscription, avec un cadre surélevé autour du texte
(H. 43; L. 62; ép. 6). La pierre a dû être insérée dans
à la dédicace. Pour autant, le choix de la divinité honorée est très personnel: Boubas-
une base construite.
tis est une déesse qui protège les femmes et les enfants. Seul Sarapis peut d’ailleurs être 68 Sur ces événements, voir G. HöLBL, op. cit.

considéré comme une divinité à caractère politique, car créé et encouragé directement (supra n. 12), p. 143.
par les souverains.

Trois inscriptions ptolémaïques: dédicaces en l’honneur des souverains lagides 97


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3. Dédicace pour Isis, une divinité non identifiée, Horus (?) et Anchoris
en l’honneur de Cléopâtre III, Ptolémée IX et Cléopâtre Sélénè (116-
107 av. J.-C.) (fig. 4)

Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire, inv. E.493.

L’inscription a été acquise à Gizeh en décembre 1900 par Jean Capart.


Bloc rectangulaire. Dimensions maximum: haut. 26 cm; long. 40,5 cm; ép. 4 cm. Haut. des lettres
entre 2,8 et 2,0 cm (lettre la plus petite = omicron). À la 6e ligne, deux lettres ont été retaillées dans
un éclat de la pierre 69.
Inscription fragmentaire. La pierre a été retaillée de tous les côtés sauf la face supérieure. Les deux parois
latérales et le lit de pose présentent des traces de travail similaires, remontant peut-être à une époque
ancienne. L’arrière a été scié à l’époque moderne. Restes de ciment sur l’angle inférieur droit de la
face inscrite.

Bibliographie
M.L. StRACk, «Inschrien aus Ptolemäischer zeit», in Archiv für Papyrusforschung t. II, 1903, no 34,
p. 552-553; F. CUMOnt, Catalogue des sculptures et inscriptions antiques des Musées royaux du Cinquantenaire,
2e éd., Bruxelles, 1913, no 147 p. 177-178 avec photo 70.

Ὑπὲρ βασιλίσσης Κλεοπ]άτρας καὶ βασιλέως Πτολ[εμαίου


καὶ βασιλίσσης Κλεοπάτ]ρας τῆς ἀδελφῆς θεῶν [Φιλο-
μητόρων Σωτήρων καὶ τῶ]ν τεκνῶν ῎Ισιδι θεᾶι μεγ[ίστηι
69 Ces lettres étaient cachées sous de la saleté καὶ Σαράπιδι ( ?) καὶ Ὥ]ρωι καὶ Ἀγχορῖνι καὶ τοῖς συν[νάοις
et ne sont pas visibles dans la photo publiée par θεοῖς … (±14 l.) … Π]τολεμαῖος Ποσειδων[ίου … (2 l. ?)
F. Cumont. elles sont restituées par M.L. Strack. (±6 l.) … τῶν ἐν τοῖς κατοί]κοις ἱππάρχων καὶ τῶν τ[οῦ ἐπι-
70 Cette inscription porte le no 43960 sur le site

Internet Trismegistos (supra n. 5).


ταγμάτος ? ἄνω ou τοῦ Σεβεννύ ?]του καὶ τῆς μητρο[πόλεως…
71 que Ptolémée Ix porte les mêmes titres

que sa mère est connu par des papyrus (par ex. «en l’honneur de la reine Cléopâtre, du roi Ptolémée, et de la reine Cléopâtre, sa
t. ReInACH, Papyrus grecs et démotiques, Paris, sœur, dieux Philométors Sauveurs, et de leurs enfants, pour Isis, la très grande déesse,
1905, nos 9, 10, 14, 15, 16 et 20) et des inscriptions
[Sarapis ?, Ho]rus, Anchoris et les dieux qui partagent leur temple […], Ptolémaios,
(A. BeRnAnD, Les portes du désert, Paris, 1984,
no 104; IG Fayoum, no 157); voir W. OttO et fils de Poseidônios, [(…)] un des hipparques des (cavaliers) colons et un de [ceux tenus
H. BenGtSOn, Zur Geschichte des Niederganges des en réserve du nome du (haut?) Sebennytos?] et de sa métropole […]».
Ptolemäerreiches, Munich, 1938, p. 175-176 et n. 1;
P. PeStMAn, op. cit. (supra n. 12), p. 150-151. l.1-3 : Restitutions de M.L. Strack d’après des propositions de S. de Ricci. La restitution des noms et des
72 Par ex. dans deux dédicaces de Philae : titres des souverains ne pose pas de difficulté 71. Les titres royaux, portés par Cléopâtre III, sont adoptés
A. BeRnAnD, op. cit. (supra n. 11), no 318, l. 5 et par son fils Ptolémée Ix lorsqu’il partage le pouvoir avec elle (116-107). Cléopâtre Séléné, sœur et
no 320, l. 6. La première est restituée d’après la seconde épouse de Ptolémée Ix, est également nommée, ce qui est très rare. Ces restitutions permettent
seconde, où l’on trouve les dieux suivants: Isis, Sara- de connaître la longueur des lignes ainsi que leur découpe: il manque environ vingt lettres à gauche et
pis, Horus et les dieux de l’Abaton. On trouve le cinq lettres à droite. Comme vingt lettres sont conservées ici, on peut penser que la dédicace a été décou-
couple Isis – Sarapis (dans cet ordre) par ex. dans les pée en deux plaques de taille similaire, de longueur égale ou supérieure à ± vingt lettres : celle-ci et une
inscriptions IG Fayoum, nos 112 et 113. autre, à gauche, où était gravée la première moitié des lignes.
73 La formule θεοῖς πᾶσι καὶ πάσαις (ou τοῖς
l.4 : καὶ Σαράπιδι καὶ Ὥ]ρωι: Strack. Les noms de divinités se terminant par -ros sont rares, et Horus
ἄλλοις θεοῖς πᾶσι καὶ πάσαις), attestée par ex. dans les
semble être un bon candidat, même s’il est rarement nommé dans des dédicaces grecques 72, le nom
inscriptions OGIS, no 97 et A. BeRnAnD, op. cit.
d’Harpocrate étant plus fréquent. La restitution proposée est un peu courte (quinze lettres au lieu de
(supra n. 8), no 86, ne se combine normalement pas
vingt). Le qualificatif μεγίστηι pourrait être répété (J. Bingen, communication personnelle) mais, dans
avec τοῖς συννάοις θεοῖς.
74 A. BeRnAnD, op. cit. (supra n. 8), no 69. ce cas, Σαράπιδι est trop long.
75 Universita cattolica di Milano, inv. 71.38. l.5 : Après συννάοις θεοῖς, on attendrait l’objet de la dédicace. M.L. Strack a restitué τοῖς συννάοις θεοῖς πᾶσι
A. DI BItOntO, «Papiri documentari dell’Univer- καὶ πάσαις, mais, à ma connaissance, cette formule n’est pas attestée 73. L’expression τοῖς συννάοις θεοῖς
sita cattolica di Milano. Petizione», in Aegyptus, πᾶσι est attestée, mais très rare 74.
t. LIV, 1974, p. 34-36, l. 4 (SB 14, 11273). Je remer- l.5-6: les titres que porte Ptolémaios ne suivent pas la formulation la plus courante. Strack: τῶν παρὰ τοῖς
cie A. D’Hautcourt d’avoir attiré mon attention sur τοῦ Περιθήβας κατοί]κοις ἱππάρχων, sans justification. La formule restituée ici, τῶν ἐν τοῖς κατοίκοις ἱππάρχων,
ce papyrus. est connue par un papyrus 75. Si on l’adopte, il reste encore la place pour environ neuf lettres entre la fin
76 Voir I. S AVALLI -L eStRADe , Les philoi du patronyme et ce titre. On attendrait soit un ethnique, soit un titre. Cependant, dans ce cas, le premier
royaux dans l’Asie hellénistique, Genève, 1998, titre doit être plus élevé que celui d’hipparque pour respecter l’ordre hiérarchique 76 et doit être articulé par
p. 383. καὶ avec ce qui suit, ce qui laisse la place pour un titre d’environ six lettres, ce qui est très peu. Le personnage

98 Trois inscriptions ptolémaïques: dédicaces en l’honneur des souverains lagides


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Fig. 4. Inscription, pierre calcaire. Fayoum ?, 116-107 av. J.-C. Dédicace pour Isis, une divinité non identifiée, Horus (?) et Anchoris en l’honneur de Cléopâtre III, Ptolémée IX
et Cléopâtre Séléné.
Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’histoire, inv. E.493. (© Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire).

qui porte le même titre dans le papyrus susmentionné est également stratège. Mais «στρατηγός καὶ»
semble trop long (de même que τῶν φίλων καὶ). Je verrais donc plutôt un ethnique juste après le nom.
l.6 fin : καὶ τῶν τ[… doit être le début d’un autre titre. Une possibilité est: τῶν τοῦ ἐπιταγμάτος 77. Strack :
τῶν τ[εταγμένων ὑπ᾽αὐτὸν τοῦ Παθυρί]του. Mais je ne connais pas de parallèles pour l’expression τῶν
τεταγμένων.
l.7 : Seule la moitié supérieure des lettres est conservée, mais elles sont bien lisibles. Strack: τῆς
μητρο[πόλεως. L’autre possibilité de restitution serait μητρὸς. Cependant, je ne vois pas comment ce mot
trouverait sa place à cet endroit du texte. La lacune qui précède se termine par un génitif en -του suivi de
καὶ. Si l’on accepte la restitution de Strack, τῆς μητρο[πόλεως, ce premier génitif pourrait contribuer à 77 L’expression la plus proche se trouve dans
définir la circonscription géographique dont Ptolémaios est responsable (dans une fonction qui nous l’inscription A. BeRnAnD et é. BeRnAnD, op. cit.
échappe en grande partie), il pourrait s’agir d’un nom de nome. Parmi les nomes dont le nom au génitif (supra n. 23), no 13: Mnasis porte les titres suivants:
se termine en -του, on compte Sebennytos 78. Or il s’agit d’un des plus importants lieux de culte d’Onu- τῶν διαδόχων καὶ ἱππάρχης ἐπ’ ἀνδρῶν καὶ τῶν τοῦ
ris, dont Anchoris (l.4) pourrait être la transcription du nom égyptien (voir ina). Cependant, je ne ἐπιτάγματος καὶ φρούραρχος Φιλῶν.
78 R.S. B IAnCHI , « Sebennytos », in W.
connais pas de parallèle pour la formulation «du nome x et de sa métropole».
HeLCk et W. WeStenDORF, Lexikon der Ägyptolo-
gie, t. V, Wiesbaden, 1984, col. 766-768.
Malgré son état lacunaire, cette inscription présente un grand intérêt. La pre- 79 On peut être sûr qu’il s’agit de la première

mière ligne 79 montre qu’il s’agit d’une dédicace en l’honneur de personnages royaux. ligne de l’inscription puisque le haut du bloc est
Contrairement aux deux inscriptions précédentes, c’est le nom d’une reine qui est conservé.
80 e. VAn’t DACk, « toujours le testament
donné en premier. Cette pratique est attestée dans la deuxième moitié du 2e siècle, d’un Ptolémée Alexandre», in e. VAn’t DACk, W.
quand la reine-mère, tenant les rênes du pouvoir, se fait nommer avant son fils CLARySSe et al., The Judean-Syrian-Egyptian conflict
dans l’énumération des noms des souverains régnants 80. L’inscription cite ainsi dans of 103-101 B.C., Bruxelles, 1989, p. 154.

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l’ordre la reine Cléopâtre (III), son fils, Ptolémée Ix, et sa sœur épouse, soit Cléo-
pâtre IV, soit, plus probablement, Cléopâtre (V) Séléné. en effet, au début du règne
de Ptolémée Ix (116-107), sa mère l’oblige à divorcer de Cléopâtre IV et à épouser
Cléopâtre Séléné. Des enfants sont mentionnés dans ce document; or on sait que,
lorsque Ptolémée Ix est chassé d’Alexandrie, en 107, il laisse derrière lui son épouse et
ses deux fils 81. Cette inscription montre que Cléopâtre Séléné, en tant qu’épouse de
Ptolémée Ix, porte les mêmes titres que sa mère. Les inscriptions datant de ce règne
sont très rares et celles mentionnant l’épouse de Ptolémée Ix encore plus 82.
81 JUStIn 39, 4. Sur ces événements, voir G. La dédicace célèbre Isis, qualifiée de «très grande déesse». Cette épiclèse
HöLBL, op. cit. (supra n. 12), p. 206-207. Il est est de loin la plus attestée et reflète, selon Françoise Dunand, «la puissance attribuée
possible qu’au moins un fils de Ptolémée Ix et de
à la déesse et la vénération dont elle est entourée» 83. Après Isis sont nommées
Cléopâtre IV (le futur Ptolémée xII) soit considéré
par les sources comme fils de Cléopâtre Séléné, voir plusieurs divinités: le nom de l’une a disparu dans la lacune – il pourrait s’agir de Sara-
C. Bennett, «Cleopatra V tryphaena and the pis, mais on ne peut en être certain. Horus viendrait ensuite; ce dieu, fils d’Isis, figure
Genealogy of the later Ptolemies », in Ancient rarement dans les dédicaces grecques 84. Aucune inscription n’offre de parallèle qui
Society, t. xxVIII, 1997, p. 46, et C. Bennett,
pourrait aider à déterminer le groupe de divinités honorées. Le dernier nommé est
Egyptian Royal Genealogy, [tyndale House, Cam-
bridge, Mass.], 2011. http://www.tyndalehouse. Anchoris, dieu non attesté par ailleurs dans l’épigraphie de l’égypte lagide. Il pourrait
com/egypt/ptolemies/selene_i_fr.htm (note 2), cependant s’agir d’Anhur, plus connu sous le nom d’Onuris, une divinité de la
consulté le 14 mars 2011. guerre 85. Ce dieu reçoit un culte à Sebennytos, dans le Delta. en raison de la rareté des
82 Voir W. OttO et H. BenGtSOn, op. cit.
mentions du culte d’Onuris/Anhur, et du fait que le seul temple du dieu connu à
(supra n. 71), p. 175-176.
83 L. B RICAULt , Myrionymi. Les épiclèses l’époque ptolémaïque se dressait à Sebennytos (la capitale du nome du même nom),
grecques et latines d’Isis, de Sarapis et d’Anubis, Stutt- j’ai proposé de restituer ce nom dans l’inscription. Ainsi, Ptolémaios aurait choisi
gart-Leipzig, 1996, p. 45-50; F. DUnAnD, op. cit. d’honorer Anchoris en raison de son lieu de résidence, où se trouve un temple à cette
(supra n. 15), p. 100; voir aussi p. 158. divinité, et peut-être également en raison de sa profession militaire. en outre, d’après
84 Il figure ainsi dans deux dédicaces de Philae,

A. BeRnAnD et é. BeRnAnD, op. cit. (supra n. 23),


la légende, Isis serait originaire du nome de Sebennytos 86. Un culte à cette déesse y est
nos 318 et 320, et une inscription d’Hermoupolis d’ailleurs attesté. Une dédicace où figure Isis et Anchoris/Anhur/Onuris pourrait
Parva; e. BReCCIA, Iscrizioni greche e latine. Cata- donc fort bien y trouver sa place.
logue général des Antiquités égyptiennes du Musée L’énumération se termine par les sunnaoi theoi, les dieux qui partagent le sanc-
d’Alexandrie, no 1-568, Le Caire, 1911, p. 18, no 36.
85 Une hypothèse que je dois à W. Claes que je
tuaire avec les divinités nommément citées. Cette expression, qui concerne les temples
remercie vivement. elle est renforcée par le fait que égyptiens, peut recouvrir un grand nombre de divinités, y compris les souverains
le nom d’Onuris se transcrit (A)nhoure en copte: régnants et leurs ancêtres divinisés 87.
H. RAnke, «keilschriftliches», in Zeitschrift für Le dédicant, Ptolémaios, fils de Poseidônios 88, porte un nom grec courant en
Ägyptische Sprache und Altertumskunde, t. LVI,
égypte lagide, calqué sur celui des souverains. Ses fonctions étaient précisées mais,
1920, p. 72, cité par J. OSInG, Die Nominalbildung
des Ägyptischen, t. II, Mayence, 1976, p. 608, n. 596. en l’état de l’inscription, et vu que les expressions utilisées ne suivent pas un formu-
Sur Onuris, voir aussi H. JUnkeR, Die Onurisle- laire courant, elles sont difficiles à compléter. Il était hipparque, c’est-à-dire le chef
gende, Vienne, 1917; H. BOnnet, «Onuris», in d’une unité de cavalerie, une fonction militaire élevée 89. Dans l’armée lagide, la cava-
H. BOnnet, op. cit. (supra n. 56), p. 545-547;
lerie occupe une position hiérarchique supérieure à l’infanterie. Parmi les soldats, on
J. qUACk, «Onuris», in Der neue Pauly, t. VIII,
Stuttgart-Weimar, 2000, col. 1225-1226. compte un recrutement régulier de non indigènes et d’indigènes, ainsi que de merce-
86 F. DUnAnD, op. cit. (supra n. 15), p. 120 naires qui constituent des corps distincts. Les non indigènes de l’armée, les clérouques,
(culte à Isis), p. 11-12. sont payés en terres, des clérouchies, dont ils bénéficient de l’usufruit (et qui devien-
87 A.D. nOCk, « Σύνναος θεός », in Harvard
nent progressivement héréditaires). Cependant, dans le courant du 2e siècle, pour
Studies in Classical Philology, t. xLI, 1930, p. 3-16;
L. kOenen, op. cit. (supra n. 14), p. 54; G. HöLBL, diverses raisons, un nouveau terme désigne dorénavant le soldat clérouque non indi-
op. cit. (supra n. 12), p. 110-111. gène, katoikos (c’est-à-dire « colon ») 90.
88 PP, n° 02236.
Les officiers supérieurs de la cavalerie lagide sont les hipparques (ἱππάρχης
89 Sur la fonction d’hipparque, voir J. LeS-
ou ἱππάρχης ἐπ’ἀνδρῶν) qui dirigent une hipparchie désignée par un numéro ou par
qUIeR, Les institutions militaires de l’Égypte sous les
Lagides, Paris, 1911, p. 83-87; L. MOORen, op. cit.
un ethnique 91. Ptolémaios dirige donc une hipparchie de cavaliers colons (jouissant
(supra n. 44), p. 122-123, 125, 165-166. des bénéfices d’une clérouchie) non indigènes. Cependant, la manière de désigner
90 Voir J. LeSqUIeR, op. cit. (supra n. 89), p. 8- sa fonction ne suit pas le formulaire traditionnel : on attendrait ἱππάρχης ἐπ’
9, 11-21, 48-50; voir aussi les commentaires de ἀνδρῶν τῶν κατοίκων ἱππέων. La suite de l’inscription est trop inhabituelle pour se
n. LeWIS, op. cit. (supra n. 44), p. 20-21, 24-25, 29-
31.
comprendre facilement. Il semble être question d’une autre fonction occupée par
91 J. LeSqUIeR, op. cit. (supra n. 89), p. 83-88; Ptolémaios qui s’exerce dans une circonscription géographique bien définie, mais il est
L. MOORen, op. cit. (supra n. 44), p. 166. difficile d’aller plus loin.

100 Trois inscriptions ptolémaïques: dédicaces en l’honneur des souverains lagides


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Les dédicaces par des soldats sont peu nombreuses : on peut citer un
chiliarque (officier d’infanterie) du nom d’Hôros, sous Ptolémée VI, et Agathodôros,
de la 2e hipparchie, puis hipparque, qui fait deux dédicaces au dieu Pnephoros avec sa
famille, sous Ptolémée VIII, ainsi qu’un laarque (officier des troupes indigènes) dont
le nom est perdu et qui dédie un Iseion sous Ptolémée xII 92. Ces quatre inscriptions
ont été retrouvées dans le Fayoum. La plupart des officiers de la cavalerie comme de
l’infanterie sont grecs, comme le note Willy Peremans au sujet des 77 hipparques
répertoriés dans la prosopographie ptolémaique 93. Les dix chiliarques repris dans le
même volume le sont également : l’officier du nom d’Horos mentionné ci-dessus
représente un cas isolé. Les dédicaces en l’honneur des souverains sont faites unique-
ment par des officiers, parfois avec leurs soldats mais qui figurent alors comme un
groupe anonyme («x et les soldats sous ses ordres»).
Cette inscription présente le cas d’une dédicace tardive, par un officier grec,
à un groupe de divinités associées à Isis et dont l’une appartient à un panthéon très
local. Ce document se situe à une période difficile, où le pouvoir central du royaume
se perd dans des luttes intestines violentes. Pourtant, malgré cette fragilisation de la
royauté lagide, les dédicaces en l’honneur des souverains se perpétuent jusqu’à la fin
de la dynastie.

Conclusion : l’intérêt des dédicaces en l’honneur des souverains lagides


Une dédicace sur pierre vise à donner une publicité durable à son contenu. Dans
le corpus qui nous occupe, il s’agit non seulement de montrer sa piété et son dévoue-
ment à une divinité, mais également de manifester certains sentiments vis-à-vis du
souverain régnant. L’inscription établit ainsi aux yeux de tous une relation triangu-
laire entre le dédicant, son souverain et une ou des divinité(s).
Ces inscriptions, par leur langue et les noms des dédicants, paraissent très
grecques au premier regard. Pourtant cette affirmation doit d’emblée être nuancée:
elles relèvent d’une pratique de l’égypte lagide. Rares sont, en effet, les dédicaces de
ce type trouvées en dehors du pays du nil, et, parmi elles, plusieurs honorent un
souverain lagide 94.
La pratique des dédicaces en l’honneur des souverains naît très tôt : les plus
anciennes remontent en effet au règne de Ptolémée I. Une inscription de cette époque
précise d’abord le nom de la divinité avant celui du souverain. elle fournit ainsi un
exemple unique de transition entre la formule traditionnelle des dédicaces, où le dieu
occupe toujours la première place, et celles qui honorent les souverains. La moitié
environ des inscriptions datées des trois premiers souverains proviennent de la région
du Delta et principalement d’Alexandrie. elles sont fréquemment le fait de citoyens
de la capitale et célèbrent le plus souvent soit Sarapis et Isis, soit des dieux grecs.
Durant ces premières décennies de la dynastie, le nombre de dédicaces pour Sarapis,
une divinité élaborée par les souverains lagides au service de leur pouvoir et associée
à leur propre culte, montre que certains dédicants établissent un lien entre le choix
de la divinité et la volonté d’honorer le ou les souverain(s). en optant pour la célébra-
tion d’un dieu dont le culte est encouragé par le roi, ils révèrent par là-même la dynas- 92 IG Fayoum, no 83 (inscription très fragmen-

tie régnante. Cependant, ce lien, loin de se renforcer, s’affaiblit rapidement : dès le taire; le chiliarque est peut-être associé à un hip-
règne de Ptolémée IV ou V, le choix de la divinité apparaît surtout personnel, comme parque); 107-108 et 145.
93 W. PeReMAnS, « égyptiens et étrangers
le montre la dédicace d’Astéria et timarion en l’honneur de Boubastis. La ou les dans l’armée de terre et dans la police de l’égypte
divinités sont préférées pour des raisons variées (circonstances, localisation…), liées ptolémaïque», in Ancient Society, t. III, 1972, p. 72.
au parcours du dédicant. 94 P. IOSSIF, op. cit. (supra n. 3), p. 241, 248-249.

Trois inscriptions ptolémaïques: dédicaces en l’honneur des souverains lagides 101


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Qui sont les dédicants ? Il s’agit principalement d’hommes, parfois de couples et


très rarement de femmes seules. Dans plusieurs cas, une personne fait une consécra-
tion avec les membres d’un groupe, soit les gens sous sa responsabilité (soldats, ceux
travaillant sous ses ordres), soit des membres d’une confrérie religieuse 95. Lorsqu’un
groupe familial fait l’offrande, la fonction du mari/père est très rarement précisée.
Les ethniques mentionnés sont variés (macédonien, cyrénéen, gortynien, thrace,
etc.). Les égyptiens représentent environ un quart des dédicants. Un couple mixte
(mari grec, épouse égyptienne) et deux sœurs d’ascendance mixte (père grec, mère
égyptienne) figurent également dans le corpus. Dans trois cas, des juifs dédient une
synagogue ou offrent son embellissement 96. Les origines ethniques sont donc variées,
avec une prépondérance grecque 97.
Lorsque les dédicants précisent leur fonction, ils occupent le plus souvent
soit des postes administratifs ou militaires de haut niveau, soit des fonctions religieuses.
Dans un nombre réduit de cas, ils exercent des fonctions dans une komè, un village
(chef ou agent de police, oikonomos de l’impôt du blé) ou une magistrature civique
grecque (agonothète, gymnasiarque). Ainsi, les dédicants qui précisent leur situation
professionnelle occupent majoritairement des fonctions dirigeantes du royaume.
Les dédicaces aux souverains s’expliquent d’autant mieux que ces personnes font
partie d’une structure chapeautée par le roi. en dernier recours, leur poste dépend
du souverain.

Quelles sont la signification et la fonction de ces inscriptions ? La plupart des


auteurs y voient surtout une manifestation de loyauté au souverain, mais Panagiotis
Iossif a récemment proposé d’interpréter les figures royales mentionnées dans ces
inscriptions comme des intercesseurs entre le dédicant et les divinités qu’il évoque 98.
95 A. BeRnAnD, op. cit. (supra n. 8), no 85 (sol-
Qu’en est-il ?
dats); OGIS, no 97 (membres du thiase); IG Fayoum,
Ces dédicaces constituent clairement une manifestation de loyauté envers les
nos 70 et 71 (oikonomos des impôts du blé et ceux tra- souverains. J’en prendrai pour preuve deux éléments: tout d’abord, la famille royale
vaillant sous ses ordres), etc. Je n’ai pas repris ici les est toujours mise en évidence au début de l’inscription; ensuite, la famille régnante est
dédicaces faites uniquement par des groupements de détaillée (roi, reine, enfants) – mais leurs ancêtres sont très rarement mentionnés; on
personnes (corps militaires, membres d’une associa-
tion religieuse, corps de métier, etc.) comme IG
ne se situe donc pas dans le cadre du culte dynastique.
Fayoum, nos 6 et 7; IG Alexandrie, no 24. en utilisant la formule hyper + génitif, le dédicant recommande le roi et sa famille
96 Sur ce groupe particulier, voir les remarques à la divinité. Il honore le souverain tout en exprimant un souhait en sa faveur. Comme
de J. MéLèze MODRzeJeWSkI, « Le judaïsme je l’ai dit plus haut, la plupart des dédicants, lorsqu’ils précisent leur fonction, appar-
alexandrin », in J. LeCLAnt, Alexandrie: une méga-
tiennent aux cadres dirigeants du royaume. Dans plusieurs cas, cet hommage aux sou-
pole cosmopolite, Paris, 1999, p. 133 «les dédicaces
de synagogues sous les auspices des souverains verains régnants s’exprime dans le cadre de leur fonction: ainsi un officier associe les
régnants (…) impliquent une autorisation officielle soldats sous ses ordres à son geste, un oikonomos de l’impôt du blé mentionne ses
sinon le soutien matériel du pouvoir royal pour le subalternes dans l’inscription et offre du grain au sanctuaire. Dans ce cas cependant,
culte synagogal». implicitement, le dédicant espère en retour recevoir, ou continuer à recevoir, la
97 Mon décompte est différent de celui de

P. IOSSIF, op. cit. (supra n. 3), p. 242-244. en effet, protection du roi et bénéficier de son bon vouloir. Dans certains cas, il est également
l’auteur a identifié comme égyptiens des noms qui possible que les honneurs rendus au souverain servent de remerciements, comme le
ne le sont pas (nos 17, 41, 69…); il a considéré les suggère Joseph Mélèze-Modrzejewski au sujet des dédicaces de synagogues dont
couples mixtes (no 65) ou des sœurs d’ascendance la construction a dû, à tout le moins, être autorisée par le roi.
mixte (no 15) comme égyptiens, ce que je ne fais pas,
et il n’a pas identifié les juifs (nos 33, 35, 69) comme
tels. Que des dédicaces comme celle de Mariemont constituent un authentique acte
98 Voir J. BInGen, op.cit. (supra n.7), p. 31-32; religieux se manifeste par les objets dédiés : autels, chapelles, embellissement
H. HAUBen, «Aspects du culte des souverains à de lieux de culte existants. Honorer les souverains se fait dans un cadre clairement
l’époque des Lagides», in L. CRISCUOLO et G.
GeRACI, Egitto e storia antica dell’ellenismo all’età
cultuel. en ce sens, il est possible que le succès de cette pratique soit lié au développe-
araba, Bologne, 1989, p. 447 et n. 38; P. IOSSIF, ment et à la popularisation du culte royal. Les dimensions religieuses de la royauté
op. cit. (supra n. 3), p. 239. lagide ont contribué à la diffusion de cette manière d’honorer la famille régnante.

102 Trois inscriptions ptolémaïques: dédicaces en l’honneur des souverains lagides


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Ces dédicaces ne constituent cependant pas à proprement parler un acte de culte 99 Le texte de cet article a été soumis en mars

2011 et n’a pas pu être mis à jour. Parmi les études


qui s’adresserait au roi en tant que figure divine. elles n’en demeurent pas moins,
pertinentes parues entre-temps dont les résultats
de façon évidente, d’excellents témoins de pratiques cultuelles et de conceptions n’ont pas pu être pris en compte, on verra notam-
religieuses typiques de l’égypte lagide99. ment t. SUk FOnG JIM, « On Greek Dedicatory
Practices: the Problem of hyper», in Greek, Roman
and Byzantine Studies, t. LIV, 2014, p. 617-638 et e.
FASSA, «Sarapis, Isis, and the Ptolemies in Private
Dedications: the Hyper-style and Double Dedica-
tions», in Kernos, t. xxVIII, 2015, p.133-153.

Remerciements
Je remercie très chaleureusement Alexis D’Hautcourt dont la relecture et les commentaires furent très précieux.

Trois inscriptions ptolémaïques: dédicaces en l’honneur des souverains lagides 103

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