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L es systèmes de mobilité
de l a P réhistoire
au M oyen  ge
Sous la direction de
Nicolas Naudinot, Liliane Meignen,
Didier Binder, Guirec Querré
CULTURES ET ENVIRONNEMENTS.
ÉDITIONS APDCA PRÉHISTOIRE, ANTIQUITÉ, MOYEN ÂGE
VILLE D’ANTIBES
Les systèmes de mobilité
de la Préhistoire au Moyen Âge
ASSOCIATION POUR LA PROMOTION ET LA DIFFUSION
DES CONNAISSANCES ARCHÉOLOGIQUES
T2, 357 Boulevard Delmas
F-06600 Antibes
Illustrations de couverture
Sabine Sorin
Argilos, Grèce (© J.-Y. Perreault)
La préhistoire à petits pas de Colette Swinnen et illustré par Loïc Méhée © Actes Sud, Inrap, 2008
Tapisserie :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Tapisserie_de_Bayeux#mediaviewer/File:Tapisserie_bato1.jpg
Chasseurs-collecteurs :
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b2/Hadazbe_returning_from_hunt.jpg
Caravane :
http://desert-maroc.com/wordpress2012/wp-content/uploads/meharee-FlickR-_Sylvain_Bourdos-980x681.jpg
ISBN 2-904110-56-2
XXXVe RENCONTRES INTERNATIONALES D’ARCHÉOLOGIE ET D’HISTOIRE D’ANTIBES
Sous la direction de
Nicolas Naudinot, Liliane Meignen, Didier Binder, Guirec Querré
Avec le concours
du CEPAM : Cultures et Environnements. Préhistoire, Antiquité, Moyen Âge (UMR 7264)
(Centre national de la recherche scientifique et Université de Nice-Sophia Antipolis),
de la Maison des Sciences de l'Homme et de la Société – Sud-Est,
de la ville d'Antibes,
et de la Direction régionale des affaires culturelles, région PACA
Comité scientifique
—— Didier Binder (UMR 7264 CEPAM)
—— Eric Delaval (Musée d’Archéologie d’Antibes)
—— Robert L. Kelly (University of Wyoming)
—— Liliane Meignen (UMR 7264 CEPAM)
—— Nicolas Naudinot (UMR 7264 CEPAM)
—— Guirec Querré (UMR 6566 CReAAH)
Comité de lecture
—— Catherine Baroin, UMR 7041, ARSCAN, MAE Nanterre
—— Alain Beeching, UMR 5133 – Archéorient, MOM, Université Lyon 2, Lyon
—— Sylvie Beyries, UMR 7264 CEPAM, UNS, Nice
—— Didier Binder, UMR 7264 CEPAM, UNS, Nice
—— François Bon, UMR 5608 TRACES, Université UT2J, Toulouse
—— Philippe Jansen, UMR 7264 CEPAM, UNS, Nice
—— Michel Lauwers, UMR 7264 CEPAM, UNS, Nice
—— Vanessa Léa, UMR 5608 TRACES, Université UT2J, Toulouse
—— Liliane Meignen, UMR 7264 CEPAM, UNS, Nice
—— Nicolas Naudinot, UMR 7264 CEPAM, UNS, Nice
—— Guirec Querré, UMR 6566 CReAAH, Université Rennes 1, Rennes
—— Caroline Renard, UMR 5608 TRACES, Université UT2J, Toulouse
—— Martine Regert, UMR 7264 CEPAM, UNS, Nice
Secrétariat d’édition
—— Antoine Pasqualini (CNRS, UMR7264 CEPAM, Nice, France)
Remerciements
Les organisateurs scientifiques de ces XXXV e Rencontres tiennent à exprimer leur plus
vive gratitude aux personnes et organismes qui, par leur soutien, ont rendu possible
l’organisation de ce colloque, puis sa publication.
Tous nos remerciements donc à la ville d’Antibes-Juan les Pins, au Musée d’Archéologie
d’Antibes et à son directeur, Eric Delaval, à l’Association pour la diffusion et la
connaissance de l’archéologie (APDCA), au CNRS et au CEPAM (UMR 7264), à
la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société Sud-est et au Service régional de
l’Archéologie (Direction régionale des Affaires Culturelles), région PACA.
Un grand merci à Myriam Benoumechiara et Anne-Marie Gomez qui ont assuré aussi
bien l’organisation préalable que le bon déroulement sur place de ces Rencontres, ainsi
qu’aux étudiants pour leur contribution à l’accueil et à la logistique durant tout le
colloque.
Nos plus vifs remerciements vont également aux collègues qui ont accepté de faire
partie du comité scientifique et surtout du comité de lecture en assurant l’expertise des
contributions.
Sommaire
13 Nicolas Naudinot, Liliane Meignen, Didier Binder, Guirec Querré
Avant-propos
9
Les systèmes de mobilité de la Préhistoire au Moyen Âge
10
Sommaire
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Les systèmes de mobilité de la Préhistoire au Moyen Âge
XXXV e rencontres internationales d’archéologie et d’histoire d’Antibes
Sous la direction de N. Naudinot, L. Meignen, D. Binder, G. Querré
Éditions APDCA, Antibes, 2015
Avant-propos
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Les systèmes de mobilité de la Préhistoire au Moyen Âge
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Avant-propos
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Les systèmes de mobilité de la Préhistoire au Moyen Âge
XXXV e rencontres internationales d’archéologie et d’histoire d’Antibes
Sous la direction de N. Naudinot, L. Meignen, D. Binder, G. Querré
Éditions APDCA, Antibes, 2015
Ça bouge au Magdalénien :
mobilité et circulation à travers
l’exemple des campements de Monruz
et Champréveyres (Suisse)
Marie-Isabelle Cattina
Résumé
Les sites de Monruz et Champréveyres révèlent l’introduction d’une grande diversité de
matières siliceuses d’origine allochtone provenant de gîtes parfois très éloignés (jusqu’à
200 km). La composition des assemblages permet d’observer la forme d’arrivée de ces
matières, mais révèle parfois aussi l’emport de nucléus et d’outils. D’autres matières
sont géolocalisables, tels le jais, les coquillages fossiles et l’ambre, et témoignent elles
aussi de circulations parfois à très longues distances (supérieures à 200 km). Si les silex
suggèrent des régions directement fréquentées par les Magdaléniens ou la pratique
d’échanges, les autres matières ont dû vraisemblablement être obtenues uniquement
par échange de biens ou de personnes. Elles révèlent des relations qui vont au-delà du
territoire directement parcouru.
Mots clés : Magdalénien, circulation, mobilité, matières premières, technologie lithique.
Abstract
The sites of Monruz and Champréveyres show the introduction of a high proportion
of good quality flint from sometimes very distant (up to 200 km) regions. Through the
composition of these lithic assemblages we can identify the form these raw materials
arrived in, but also that cores and tools were taken away. As well as flint, other materials
have a geo-localisation, such as jet, fossil mollusc shells and amber and imply that there
was a very long distance circulation (over 200 km from Neuchâtel). If flints suggest
regions directly visited by the Magdalenian groups and/or the practice of exchanges,
the other raw materials were likely obtained through exchanges of goods and/or indi-
viduals. Thus, they reveal links and contacts between regions beyond the territory of the
groups living in Monruz and Champréveyres.
Keywords : Magdalenian, Circulation, Mobility, Raw material, Lithic technology.
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Marie-Isabelle Cattin
Le contexte
Installés sur la rive nord du lac de Neuchâtel au pied du Jura, à un endroit où
une bande de terre isolait un petit lac du grand lac, les campements magdaléniens
de Monruz et Champréveyres sont très proches l’un de l’autre, un kilomètre uni-
quement les séparent. Plusieurs zones d’occupations datées d’environ 13 000 BP
(c. 15 500 cal. BP) ont été individualisées sur ces sites, respectivement trois secteurs
à Champréveyres et deux à Monruz (Leesch, 1997 ; Bullinger et alii, 2006 ; Leesch
et alii, 2004). Nous nous attacherons ici aux trois secteurs reliés entre eux par des
remontages de lames de silex, à savoir les secteurs 1 et 2 de Champréveyres et le
secteur 1 de Monruz. Le secteur 1 de Monruz, fouillé sur 300 m2, est le plus riche
avec un matériel lithique (44 771 pièces de silex) et osseux se regroupant autour
de 40 foyers. Le secteur 1 de Champréveyres, qui s’étend sur 200 m2, montre des
vestiges (dont 5 858 pièces de silex) se regroupant autour de 12 foyers, alors que
le secteur 2, d’environ 60 m2, ne comporte que deux structures de combustion
autour desquelles ne se répartit que peu de matériel (dont 1 325 pièces de silex).
Tous ont été fréquentés à diverses reprises à la belle saison, mais surtout du prin-
temps à l’été et moins à l’automne. D’après l’étude du fonctionnement des foyers,
une vingtaine d’occupations ont été estimées pour le secteur 1 Monruz, et six pour
le secteur 1 de Champréveyres (Leesch, 1997 ; Bullinger et alii, 2006 ; Müller
et alii, 2006 ; Plumettaz, 2007). Les deux remontages de lames, qui relient pour
l’un les secteurs 1 et 2 de Champréveyres et pour l’autre le secteur 1 de Monruz
au secteur 1 de Champréveyres, suggèrent l’occupation quasi simultanée de ces
zones, voire le déplacement des campements sur cette portion du rivage (Cattin,
2002 : 339-342 ; Cattin, 2004 : 95 ; Cattin, 2012 : 268-271).
Perceptible à travers les saisons et la multiplicité d’occupation, la mobilité
des groupes magdaléniens est certainement principalement motivée par la
recherche de leur subsistance (Costamagno, 2005 ; Fontana, 2005 ; Fontana,
2012 : 85-108). Les lieux choisis pour une installation devaient donc être riches
en ressources cynégétiques. Outre le gibier, d’autres facteurs incitent les humains
à s’installer à un endroit, telle la présence d’eau courante et de combustible.
L’épuisement ou la raréfaction de ces ressources constituent aussi un facteur
de mobilité auquel s’ajoute l’accès à des matières comme le bois (utilisé pour
les hampes de projectiles notamment, mais aussi peut-être pour les perches des
habitations), tout particulièrement dans les régions dépourvues d’arbres. Les
campements neuchâtelois confirment cependant que la rareté ou l’absence de
ressources en matières premières siliceuses ne constitue pas un frein au choix
du lieu d’installation (Cattin et alii, 2009). Sur place, le silex d’origine locale du
niveau hauterivien présente un grain grossier. Il a pourtant été largement débité,
notamment pour la production de lames, malgré sa qualité médiocre. Pour pal-
lier ce défaut, les Magdaléniens ont exploité une grande proportion (entre 45
et 75 %) de silex au grain fin dont les gîtes se répartissent principalement tout
au long de la chaîne du Jura du Bugey (France) au Jura souabe (Allemagne).
Quelques matières originaires des Préalpes suisses indiquent également la fré-
quentation de cette région (Affolter, 2012 ; Affolter, 2002a ; Affolter, 2002b).
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Ça bouge au Magdalénien : mobilité et circulation
Circulation et mobilité
Dans ce contexte, nous réserverons le terme de circulation au déplacement
des objets entre leur lieu d’origine et le site où on les retrouve et à celle inhérente
aux individus, alors que la mobilité fera plutôt référence aux déplacements des
personnes à travers des constats (absence de fréquentation d’un lieu à une saison)
ou des faits indirects (raréfaction des ressources alimentaires, du combustible)
(Bracco, 2005 ; Kelly, 1995 : 111-160).
Les matières premières tel le silex et les objets de parure en lignite, coquil-
lages fossiles ou ambre constituent des témoins privilégiés pour appréhender
les circulations préhistoriques. Dès lors, identifier leur provenance permet de
tracer une relation entre le point d’approvisionnement et les campements. La
circulation identifiée est bien sûr celle des objets, ce sont pourtant des humains
qui les ont transportés, mais est-ce que le groupe avec qui les objets sont arri-
vés est le même que celui qui les a récoltés ? Autrement dit, obtenaient-ils des
matériaux par échange ou par approvisionnement direct ? Pour le moment, rien
ne permet d’identifier la façon d’obtenir une matière première, un matériau.
Pourtant, il semble évident que des matériaux de provenance particulièrement
lointaine arrivent par échange de proche en proche : c’est vraisemblablement le
1. Par exemple, les Evenks de Sibérie, qui vivent dans des conditions climatiques proches de
celles qui prévalaient au Magdalénien, se déplacent aisément et sur de longues distances, même
lorsque le terrain est spongieux. Les ethnologues constatent qu’il s’agit d’une question d’habitude
(Alexandra Lavriller, comm. pers., 27es Rencontres d’Antibes-Juan-les-Pins 2006).
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Marie-Isabelle Cattin
Le silex raconte
Comment circule le silex, quels objet sont apportés et emportés sont les ques-
tions qui nous ont guidée dans l’étude du matériel lithique des campements
neuchâtelois. L’état d’introduction des nucléus, la composition des ensembles
de matières premières, de même que l’introduction d’objets déjà débités associée
ou non à des remontages permettent d’observer sous quelle forme sont arrivés les
nucléus, les opérations réalisées sur place ainsi que l’emport d’objets. La grande
quantité et diversité de silex allochtones introduits tant à Champréveyres (61 %
du nombre pour 17 matières sur le secteur 1 et 77 % et 13 matières sur le sec-
teur 2) qu’à Monruz (45 % pour 38 matières) permettent d’observer différents
comportements à l’égard de ces matières, de dégager des préférences, mais aussi
d’échafauder des hypothèses de circulation (Cattin, 2002 : 107-133 ; Cattin,
2012 : 58-193 ; Cattin, 2004).
Parmi les silex allochtones introduits, une partie circule exclusivement sous la
forme d’outils ou de produits bruts de débitage (entre 44 et 57 %), et l’autre partie
sous la forme de nucléus généralement mis en forme ou au moins testé et au plus
partiellement débité, accompagné ou non de pièces brutes de débitage ou d’outils
(entre 43 et 56 % ; fig. 1). Lorsque l’on observe plus en détail certains nucléus,
certaines matières ainsi que les objets présents, il devient possible de matérialiser
les manques. C’est ce jeu de présence/absence qui va nous aider à comprendre
les circulations des objets.
Un silex originaire du mont Pèlerin au bord du lac Léman, gîte éloigné d’envi-
ron 90 kilomètres des campements neuchâtelois, est ainsi introduit à Monruz
sous la forme de trois lamelles à dos qui se raccordent entre elles (Cattin, 2012 :
182-183). On sait donc qu’elles sont issues du même nucléus, débité ailleurs
qu’à Monruz, et qu’elles sont probablement arrivées insérées dans une sagaie,
mais elles ont aussi pu être transportées non emmanchées dans les bagages des
Magdaléniens. Sur la base des données archéozoologiques, on a posé l’hypothèse
que les Magdaléniens installent leur campement autour du grand gibier chassé,
des chevaux en l’occurrence (Müller et alii, 2006 ; Müller, 2013 : 188-189). Si
cette sagaie est arrivée emmanchée, elle pourrait nous indiquer qu’elle a été uti-
lisée lors de cette première chasse et réarmée ensuite dans le campement pour
être à nouveau fonctionnelle. Ce cas de figure nous permet de nous interroger
sur la circulation des sagaies ; ici, on se trouve en présence de lamelles à dos qui
arrivent d’un gîte éloigné d’une centaine de kilomètres de Monruz. Est-ce à dire
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Ça bouge au Magdalénien : mobilité et circulation
Rhin
Haut-Danube
Singen / Petersfels
région d’Istein/Ferette/ abe
sou
Montbéliard Jura
Lägern
ne
Doubs
région d’Olten
Saô
Champréveyres Moosbühl
Monruz
ra
Ju
du
Préalpes
ne
aî
Ch
Le Bugey région de
Bellegarde/Seyssel
Lames brutes / outils / armatures
Nucléus
Grotte des Lames brutes / outils / armatures à Monruz et nucléus à Champréveyres
Rhône
Romains Lames brutes / outils / armatures à Champréveyres et nucléus à Monruz
100 km
Fig. 1. État d’introduction des matières premières siliceuses sur les campements de Monruz
et Champréveyres.
que la sagaie n’a pas été utilisée tout au long de ce trajet ? Et est-ce que les sagaies
sont réarmées après chaque utilisation ? Un exemple de Champréveyres nous
montre le débitage de lamelles près d’un foyer et leur transformation en lamelles
à dos sur ce même poste, l’une des deux lamelles à dos raccordées au nucléus a
été retrouvée près d’un autre foyer éloigné de 10 mètres du lieu de production
(Cattin, 2002 : 324-325). Elle nous indique le lieu de démanchement de la sagaie
après son utilisation, et on peut raisonnablement penser que le temps d’au moins
une chasse sépare ces deux foyers. On pourrait en déduire que cette utilisation
d’une sagaie a nécessité son réarmement. D’après les expérimentations (Pétillon
et alii, 2011), les sagaies ne semblent pas devoir être réarmées après chaque tir,
mais aucun élément ne permet de connaître la pratique magdalénienne relative
au réarmement systématique ou non des sagaies après leur utilisation. Si l’on
revient au cas de Monruz, la sagaie aux lamelles à dos du mont Pèlerin n’aurait
pas ou peu été utilisée entre le lieu de son réarmement et Monruz, lieu de son
utilisation. Toutefois, on ne peut affirmer que son lieu de réarmement se situait
dans un campement près du gîte de silex. En effet, une grande quantité de silex
d’Olten (gîte situé à 80 km de Monruz et Champréveyres) est introduite dans
les campements neuchâtelois sous la forme de petits nucléus prêts au débitage
et constitue la réserve de lamelles destinées à être transformées en lamelles dos
(Cattin, 2002 : 139-142 ; Cattin, 2012 : 58-65). Par conséquent, d’un gîte éloigné
de 80 km arrivent des nucléus servant à réarmer les sagaies utilisées à Monruz et
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Marie-Isabelle Cattin
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Ça bouge au Magdalénien : mobilité et circulation
Rhin
Singen / Petersfels
région d’Istein/Ferette/ abe
sou
Montbéliard Jura
Lägern
ne
Doubs
région d’Olten
Saô
Champréveyres
Monruz
ra
Ju
du
Préalpes
ne
aî
Ch
Le Bugey région de
Bellegarde/Seyssel
Introduction de lames brutes / outils et emport de lames brutes / outils
Introduction de nucléus et emport de nucléus
Introduction de nucléus et emport de nucléus et de lames brutes / outils
Rhône
Introduction de nucléus et emport de lames brutes / outils
Emport non constaté et non constatable 100 km
Fig.2. Circulation, apport et emport des différents types de silex pour le campement de Monruz.
matières d’origine très lointaines circulent au-delà de Monruz. C’est par exemple
le cas du silex de Rothenburg ob der Tauber (Allemagne), dont le gîte est situé à
près de 500 km de Monruz. Il a été introduit sous la forme de lames brutes, d’outils
et d’armatures et des burins ont été emportés ailleurs qu’à Champréveyres où ce
silex n’est pas représenté (Cattin, 2012 : 119-120). Il en est de même pour le silex
du Mâconnais (à environ 280 km de Monruz) également introduit sous la forme
de quelques outils et lames brutes où des burins sont emportés de Monruz vers
un autre campement qui n’est pas Champréveyres, puisque ce silex n’y est pas
représenté (Cattin, 2012 : 78-80).
Les raccords inter-sites montrent la circulation de grandes lames en silex
d’Olten entre les campements de Monruz et Champréveyres secteur 1, mais aussi
entre les deux secteurs de Champréveyres. Si, à Champréveyres, aucun nucléus
ne correspond à ces lames, un nucléus débité à Monruz montre une apparence
très similaire à ces grandes lames remontées et suggère leur production sur le
campement de Monruz. La relation entre les deux campements semble unidirec-
tionnelle. Cette « unidirectionnalité » transparaît à travers la circulation d’autres
lames, celles en silex de Lampenberg (Cattin, 2012 : 268-271). Ce silex est en effet
largement débité à Monruz, alors qu’à Champréveyres il n’est présent que sous
la forme de lames brutes et d’outils sur lames (10 pièces sur le secteur 1 et 2 sur le
secteur 2). En dépit de l’absence d’un second remontage entre les campements,
l’apparence de la matière et le style de débitage des pièces de Champréveyres nous
conduisent à considérer que la production de ces objets s’est déroulée à Monruz.
215
Marie-Isabelle Cattin
maximum
maximum du
du glacier
glacierWeichselien
Wechselien
Gönnersdorf
Andernach
Bassin de Mayence
Bassin parisien Rothenburg ob der Tauber
Étiolles
Pincevent Bassin de Steinheim
Kleinkems Haut-Danube
Isteiner Klotz Petersfels
Champréveyres
Monruz Moosbühl
Mâconnais
Bugey
Grotte des Romains
Ambre
100 km Coquillages fossiles
Silex
Fig. 3. Circulation des éléments de parure en ambre et coquillages fossiles ainsi que des silex
d’origine très lointaine.
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Ça bouge au Magdalénien : mobilité et circulation
Le jais qui a servi à la confection des objets de parure sur les campements
de Monruz et Champréveyres pourrait provenir, quant à lui, du pourtour du
Bassin parisien, du Jura souabe, des Préalpes médianes romande ou de la côte du
Yorkshire (Ligouis, 2006), établissant à nouveau une relation avec des régions
situées principalement au nord des campements neuchâtelois. Ces objets, plus
particulièrement les petites figurines féminines stylisées, montrent en outre une
ressemblance saisissante avec ceux du site de Petersfels (Engen, Allemagne),
au point que l’on pourrait penser qu’ils ont été réalisés par le même groupe,
d’autant plus que le jais utilisé au Petersfels montre une provenance similaire à
celle des pièces de Monruz (Bullinger, 2006 ; Ligouis, 2006). Cette forme de
représentation est toutefois commune à cette période et correspond au « principe
de représentation de Gönnersdorf » (Bosinski, Fischer, 1974), ou « figurines
féminines schématiques de type Lalinde-Gönnersdorf », qui couvre une aire de
distribution allant de l’Europe centrale au sud-ouest de la France (Sentis, 2005).
La question reste de savoir où se situe la limite entre tradition culturelle commune
à plusieurs groupes et tradition d’un même groupe (pour la circulation des cou-
rants, voir : Valentin, 2011a : 56-59 ; Valentin, 2011b).
L’ambre recueilli à Champréveyres (secteur 1) montre la signature caracté-
ristique du succin de la Baltique (Beck, 1997). Ce cas n’est pas unique pour le
Plateau suisse, car deux fragments d’ambre balte ont été identifiés sur le campe-
ment magdalénien de Moosbühl, à environ 50 km au sud-est de Champréveyres
(Beck, 1983/1984). Cette matière établit la relation la plus lointaine et, à nou-
veau, en direction du nord, puisque la mer Baltique se situe à environ 1 000 km du
lac de Neuchâtel (fig. 3). Au Magdalénien, le glacier Weichselien qui recouvrait
la mer Baltique commençait de se retirer, laissant libre de glace une petite por-
tion du futur rivage balte (Eriksen, 1996). L’ambre recueilli à Champréveyres
a donc pu être récolté dans ces zones, mais aussi dans les moraines du nord de
l’Allemagne, suggérant ainsi un contact avec les groupes magdaléniens de ces
régions. Les Magdaléniens de Gönnersdorf et Andernach (Rhénanie, Allemagne)
se sont d’ailleurs approvisionnés en silex baltique issu des moraines (Floss, 1994 :
203-205 et 228) et pourraient aussi avoir collecté de l’ambre à cette occasion. En
outre, les Magdaléniens de Gönnersdorf avaient dans leurs bagages, comme les
Magdaléniens de Monruz, du silex de Kleinkems Isteiner Klotz (Floss, 1994 :
233), ce qui suggère un lieu possible de contacts, de rencontres et d’échanges
entre groupes.
217
Marie-Isabelle Cattin
Conclusion
Si la mobilité des groupes magdaléniens est évidente, la durée de leurs séjours
en un lieu, le temps qui sépare la réoccupation d’un même lieu, la fréquence et la
distance de leurs déplacements ainsi que les régions réellement parcourues sont
plus difficiles à connaître. La saisonnalité fournit des indices quant au moment de
l’année concerné par une occupation, la superposition des activités, le fonction-
nement des foyers quant à la réoccupation d’un lieu. En revanche, les matières
premières mettent principalement en évidence des lieux fréquentés et des cir-
culations entre diverses régions. Les matières premières siliceuses ont pu être
obtenues par approvisionnement direct ou par échange, voire les deux. On peut
émettre l’idée que les artisans préhistoriques appréciaient de choisir eux-mêmes
les nodules de silex dans le gîte : dans ce cas, un approvisionnement direct répond
à ce besoin. Pour Monruz, les matières premières indiquent des gîtes éloignés
218
Ça bouge au Magdalénien : mobilité et circulation
d’au plus 200 km d’où circulent des nucléus préparés, alors que ce ne sont que
des objets débités qui proviennent de gîtes plus lointains. En revanche, idées et
menus objets (sans doute à haute valeur symbolique) circulent sur des distances
beaucoup plus longues au-delà de 300 km et approchant 1 000 km dans le cas de
l’ambre. Il convient d’envisager une réalité relativement complexe alliant dépla-
cements courts et longs sur un parcours annuel de campements résidentiels en
campements résidentiels, circulation de groupes familiaux et d’individus, trans-
ports et échanges de matières débitées ou non et acquisition directe de nodules
de silex sur les gîtes, échanges d’objets, d’idées, de techniques, de procédés. Pour
appréhender plus en avant circulations et mobilités préhistoriques, plusieurs
pistes s’offrent à nous. Parmi elles : réunir des données concernant les matériaux
d’une même région, isoler des particularités techniques, stylistiques que l’on va
confronter aux données d’autres sites, mais aussi identifier ces autres sites où
nucléus, lames, outils et armatures exploités et utilisés dans les campements neu-
châtelois ont également servis et où le silex, ici local, devient allochtone.
Bibliographie
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Hauterive-Champréveyres, 13 : Un campement magdalénien au bord du lac de Neuchâtel : exploita-
tion du silex (secteur 1), Neuchâtel, Service et Musée cantonal d’archéologie, Archéologie
Neuchâteloise, 26 : 32-53.
Affolter J., 2002b.– Provenance des silex préhistoriques du Jura et des régions limitrophes,
Neuchâtel, Service et Musée cantonal d’archéologie, Archéologie Neuchâteloise, 28,
341 p.
Affolter J., 2012.– Origine des matériaux siliceux. In : M.-I. Cattin (éd.), Le site magdalénien
de Monruz 4. La vie quotidienne à travers le travail du silex, Neuchâtel, Office du patrimoine
et de l‘archéologie, 51 : 37-51.
Beck C., 1983/1984.– Gagat und Bernstein auf dem Rentierjägerhalt Moosbühl bei
Moosseedorf (Kanton Bern). In : R. Fellmann, G. Germann, K. Zimmermann (éd.),
Jagen und Sammeln. Festschrift für Hans-Georg Bandi zum 65. Geburtstag, Bern, Jahrbuch
des Bernischen Historischen Museums : 259-266.
Beck C. W., 1997.– Détermination de la provenance des résines fossiles par l’analyse spec-
trale en infrarouge. In : D. Leesch (éd.), Hauterive-Champréveyres, 10. Un campement mag-
dalénien au bord du lac de Neuchâtel. Cadre chronologique et culturel, mobilier et structures,
analyse spatiale (secteur 1), Neuchâtel, Musée cantonal d’archéologie, Archéologie neu-
châteloise, 19 : 105-107.
Bosinski G., Fischer G., 1974.– Die Menscherdarstellungen von Gönnersdorf des Ausgrabung von
1968, Wiesbaden, Franz Steiner, Der Magdalenien-Fundplatz Gönnersdorf 1, 131 p.
Bracco J.-P., 2005.– De quoi parlons-nous ? Réflexions sur l’appréhension des territoires
en préhistoire paléolithique. In : J. Jaubert, M. Barbaza (éd.), Territoires, déplacements,
mobilité, échanges pendant la préhistoire. Terres et hommes du Sud, 126e Congrès national des
sociétés historiques et scientifiques, Toulouse, 2001, Paris, Éditions du CTHS : 13-15.
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Marie-Isabelle Cattin
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Ça bouge au Magdalénien : mobilité et circulation
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Marie-Isabelle Cattin
222
ACTES DES XXXVe RENCONTRES INTERNATIONALES D’ARCHÉOLOGIE ET D’HISTOIRE D’ANTIBES
M oving, transporting, exchanging… These behaviors, their place and their organization
have always been and, at a time of globalization, are maybe more than ever at the
center of socioeconomic systems. Mobility represents therefore a central perspective in
Anthropology. The term “mobility” includes highly diversified behaviors at multiple spatial
and temporal scales. Papers presented in this book are organized around themes dealing
with a long term perspective and expressing these various scales of mobility : 1) major
settlement dynamics, 2) organization of territories or 3) transfers and interculturality.
What are the available elements to apprehend mobility systems at their different scales ?
Are these approaches also different according to the period studied ? This collective work
is essentially organized around these broad topics and this chronological, disciplinary and
methodological diversity.
université RV
SE AN D E L
EX E M P UM
F I DEI
181 5
APDCA
Prix : 35 €
ISBN 2-904110-56-2