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Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais né en 1732, est appelé par l’un de ses biographes
« le Voltigeur des Lumières », il justifie sans doute cette épithète à la fois par sa vie
romanesque et foisonnante. En effet, il mène une vie personnelle et professionnelle
trépidante, faite d’un tourbillon d’activités, d’affaires et d’intrigues. En 1775 il se lance dans
la comédie avec « Le Barbier de Séville » et connait un immense succès. Le public attendra
longtemps la suite de cette pièce, en effet bien que prête à être mise en scène par les
comédiens en 1778, « Le Mariage de Figaro » sera censuré pendant 6ans. C’est le 27 avril
1784 que la pièce sera jouée pour la première fois après que la censure royale ait cédé.
L’action s’ouvre le jour du mariage de Figaro avec Suzanne. Figaro, ancien barbier de
Séville, est devenu le valet et le concierge du comte. Or, le comte, grand coureur de jupons
essaye de séduire Suzanne et d’obtenir d’elle qu’elle lui cède. Suzanne aime Figaro et ne veut
pas lui être infidèle. Quand commence cette scène 3 du dernier acte, Figaro vient d’épouser
Suzanne. Mais elle et la comtesse mise dans la confidence ont imaginé de tendre un piège au
comte ; au moment même du mariage, Suzanne a fait semblant d’accepter un rendez-vous
avec le comte à la nuit tombée. Figaro a surpris leur échange et croit que Suzanne va le trahir.
Il s’est rendu au lieu du RDV pour les attendre et compte les prendre sur le fait. Commence
alors un long monologue du personnage de Figaro.
LECTURE
Comment Beaumarchais fait-il du théâtre une tribune pour l’égalité sociale?
Tout d’abord nous verrons l’opposition entre le comte et Figaro, puis nous parlerons du bilan
satirique de sa destinée.
C) auto-portait de Figaro
L’opposition entre les deux hommes est ici affirmée par l’idée d’égalité mais également par
l’idée d’une supériorité intellectuelle et de force du valet.
La situation et la tension du personnage sont toute fois rappelé par une réaction vive de ce
dernier lorsqu’il entend un bruit « on vient… c’est elle… ce n’est personne »(l.8). Cette
interruption brise l’élan pugnace que l’on remarque avec l’emploi du verbe « s’asseoir » dans
la didascalie, tous se passe alors comme si Figaro avait, pour rassembler ses atouts dans sa
lutte contre le comte, tiré sur un fil de son passé qu’il va ensuite dérouler.
Le tour d’horizon auquel va se livrer Figaro est annoncé par le mot un peu étonnant dans le
contexte qui est « destinée »(l.8), l’emploi de ce mot permet de montrer que Figaro a beau
être un homme du peuple, il peut avoir lui aussi une destinée comme les nobles.
Figaro partage en effet avec le personnage espagnol traditionnel du Picaro quelques traits
caractéristiques comme la naissance obscure , ici expression doublement justifiée car Figaro
ne connaissait pas ses parents « Fils de je ne sais pas qui »(l.9). Mais aussi comme les
mauvaises fréquentations « volé par des bandits, élevé dans leurs mœurs » (l.9). Mais dès la
ligne 9, contrairement au Picaro sans réelle énergie et toujours balloté par le sort, il exprime
de manière imagée et vive grâce au présent de narration ,un autre choix « je m’en dégoûte »
où, cette fois, « je » est sujet c’est Figaro qui a repris le contrôle de sa destinée, il exprime
une volonté opposée à ces conditions de premières années. Cependant cette énergie et ce
désir d’honnêteté ont rencontré des obstacles. En effet il y a chez Figaro une volonté de
s’instruire soulignée par cette énumération de tout ce qu’il a appris (l.11) et en cela c’est un
personnage des Lumières. Mais avant même que cela soit affirmé, on sait qu’il n’a pas pu
mettre en pratique toutes ces connaissances car l’énumération est encadrée entre
l’exclamation amère « Et partout, je suis repoussé ! » et « lancette vétérinaire » (alors que
c’est médecin ou scientifique qu’il voulait être et qu’à cette époque, le métier de vétérinaire
n’est pas valorisé, la métonymie « me mettre à la main une lancette vétérinaire » rend là
encore un son amer et produit un effet de chute).Ainsi comprend-on que cette société de
l’Ancien Régime est très inégalitaire sur le plan professionnel ne répartit pas équitablement
les charges, qu’elle reste verrouillée aux gens du peuple, même instruits et même soutenus
par un aristocrate.Non seulement, c’est critiquable sur le plan moral mais on voit bien ici que
l’injuste inégalitarisme de cette société gaspille talents et énergie.
Figaro s’y lance avec son énergie coutumière qui est bien soulignée par la métaphore
hyperbolique « je me jette à corps perdu dans le théâtre »(l.13) et on retrouve bien ici ce
« je » comme sujet acteur de sa destinée. Mais là encore, immédiatement on sait que le
résultat n’a pas été à la hauteur de ses attentes par l’exclamation déplorative « Me fussé- je
mis une pierre au cou ! » D’où deux sombres conclusions annoncées par les deux points ( : )
« Ne pouvant avilir l’esprit, on se venge en le maltraitant » : un aphorisme amer et lapidaire
expliquant la critique et la censure dont il a été l’objet. Mais aussi, de manière plus concrète,
la faim et la pauvreté là encore narrées avec beaucoup de vivacité: la faim est concrètement
désignée par sa conséquence physique « mes joues creusaient » ; la pauvreté à travers la
petite scène satirique de l’arrivée de « l’affreux recors ». Pour autant , notre Figaro ne se
laisse pas encore abattre et cette accumulation de sursauts d’énergie ne peut que le rendre
admirable aux yeux du spectateur. (« En frémissant, je m’évertue » : énergie de la peur sans
doute (« en frémissant ») bien soulignée par le terme «m’évertue». Nouvelle réaction,
nouvelle expérience cette fois, manifestement il ne s’agit plus seulement de censure mais de
répression par l’emprisonnement désigné par la périphrase ironique à chute amère « baisser
pour moi le pont d’un château-fort, à l’entrée duquel je laissais l’espérance et la liberté ». Où
il n’est pas indifférent que Beaumarchais parle d’un « château-fort » , qui suggère le Moyen
Âge, et donc que ces méthodes sont désormais archaïques et rétrogrades. Puis un sursaut de
colère, d’indignation et de révolte est suggéré théâtralement par la gestuelle (didascalie « il se
lève ») critique des « puissants de quatre jours » expression familière qui renvoie à des gens
dont le pouvoir est éphémère. Ici Beaumarchais par la bouche de Figaro sous-entend que
moins le pouvoir est établi, plus l’arbitraire et le manque de sérieux sévissent. D’où le souhait
de Figaro de leur parler une fois qu’une « bonne disgrâce » leur aurait rendu l’esprit, qu’elle
les aurait métaphoriquement fait « cuver « l’ivresse » de l’orgueil que donne le pouvoir.
CONCLUSION: