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UNIVERSITE D’ABOMEY-CALAVI

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FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES
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ECOLE DOCTORALE DES SCIENCES JURIDIQUES ET ADMINISTRATIVES
******************************************
CHAIRE UNESCO DES DROITS DE LA PERSONNE ET DE LA DEMOCRATIE
****************

LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITES


TERRITORIALES AU BENIN ET AU NIGER

THESE POUR LE DOCTORAT EN DROIT PUBLIC


Présentée et soutenue publiquement le 06 août 2016

par Cossoba NANAKO

devant le Jury composé de :

Président : Pr Djedjro F. MELEDJE, Université d’Abidjan-Cocody


Directeur de thèse : Pr Ibrahim D. SALAMI, Université d’Abomey-Calavi
Rapporteurs :
- Pr Augustin LOADA, Université de Ouaga II
- Pre Dandi GNAMOU, Université d’Abomey-Calavi
- Pr Ephiphane SOHOUENOU, Université d’Abomey-Calavi

i
AVERTISSEMENT
L’Université d’Abomey-Calavi n’entend donner aucune
approbation, ni improbation aux opinions émises dans cette thèse.
Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

ii
DEDICACE ET REMERCIEMENTS

DEDICACE
A mes enfants, Oloushègun, Morênikê, Kolawolé et Kayodé

In Memoriam, à mes Feus parents, Dorcas DEGLA et Pierre NANAKO

A Kawodjou et Bogan

REMERCIEMENTS

A Monsieur le Pr Ibrahim David SALAMI, Directeur du Centre de Droit Administratif et de


l’Administration Territoriale (CeDAT) et du Master «Administration des Collectivités Locales»,
pour sa disponibilité et son encadrement diligent ;

A Monsieur le Pr Marie Epiphane SOHOUENOU, Directeur de l’Ecole Nationale


d’Administration et de Magistrature (ENAM) pour ses observations et encouragements ;

A Abdou et Josiane (Niamey) et Mamour (St-Louis) pour leur hospitalité ;

A mes «frères dans la recherche», Félix, Hervé, Mouhamed et Patrick, pour tout le soutien ;

A Adjobi, Eliézer, Francis, Kotchikpa, Nathalie, Hilaire, Sourou et Victor pour les appuis ;

A toute l’équipe pédagogique de la faculté pour l’assistance ;

A tous mes maîtres, pour leurs contributions à ma formation.

iii
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

Structures

A.F.D. Agence Française de Développement


A.F.D.A. Association Française pour la Recherche en Droit Administratif
A.F.D.C.L. Association Française de Droit des Collectivités Locales
A.N. Assemblée Nationale
A.N.A.C.I.B. Association Nationale des Administrateurs Civils du Bénin
A.N.C. Assemblée Nationale Constituante (France)
A.N.C.B. Association Nationale des Communes du Bénin
A.N.D.L. Association Nationale pour la Démocratie Locale (France)
A.N.FI.C.T. Agence Nationale de Financement des Collectivités Territoriales (Niger)
A.P.A.D. Association euro-africaine pour l’anthropologie du changement social et du
développement
A.S.D.I. Agence Suédoise pour le Développement International
C.A.A. Cour Administrative d’Appel
C.A.D.H.P. Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
C.A.F.R.A.D. Centre Africain de Formation et de Recherche Administratives pour le
Développement (Maroc)
C.E.A. Commission Economique pour l’Afrique
C.E.D.E.A.O. Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
C.F.P.C. Centre de Formation Professionnelle Continue (France)
Ce.D.A.T. Centre de Droit Administratif et de l’Administration Territoriale (Bénin)
C.D.L.R. Comité européen sur la démocratie locale et régionale
C.R.E.D.I.L.A. Centre de Recherche, d’Etude et de Documentation sur les Institutions et
Législations Africaines (Sénégal)
Ce.F.A.L. Centre de Formation à l’Administration Locale (Bénin)
C.F.G.C.T. Centre de Formation en Gestion des Collectivités Territoriales (Niger)
C.E.RE.Q Centre d’Etudes et de Recherches sur les Qualifications (France)
C.E.T.E.L. Centre d’Etude, de Technique et d’Evaluation Législatives (Suisse)
C.N.R.S. Centre National de Recherche Scientifique (France)
CE.R.A.P. Centre de Recherche et d’Action pour la Paix
C.G.C.T. Code Général des Collectivités Territoriales
C.G.I. Code Général des Impôts

iv
C.N.F.P.T. Centre National de la Fonction Publique Territoriale (France)
CODESRIA Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en
Afrique
CO.NA.FI.L. Commission Nationale des Finances Locales (Bénin)
D.D.H.C. Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (France)
D.E.A. Diplôme d’Etudes Approfondies
D.E.S.S. Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées
D.U.D.H. Déclaration Universelle des Droits de l’Homme
E.N.A.M. Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (Bénin)
E.P.C.I. Etablissement Public de Coopération Intercommunale
F.K.A. Fondation Konrad Adenauer
G.A.R. Gestion Axée sur les Résultats
H.C.M.E. Haut-Commissariat à la Modernisation de l’Etat (Niger)
I.E.P. Institut d’Etudes Politiques (France)
I.G.A.A. Inspection Générale des Affaires Administratives (Bénin)
I.G.F. Inspection Générale des Finances (Bénin)
I.G.S.E.P. Inspection Générale des Services et Emplois Publics (Bénin)
I.I.E.D. Institut International pour l’Environnement et le Développement
I.R.D. Institut de Recherches pour le Développement
I.R.G. Institut de Recherche et débat sur la Gouvernance
LASDEL Laboratoire d’études et de recherches sur les dynamiques sociales et le
développement local
L.E.P.I. Liste Electorale Permanente Informatisée (Bénin)
L.O.L.F. Loi Organique relative aux Lois de Finances
M.D.G.L.A.A.T. Ministère de la Décentralisation, de la Gouvernance Locale, de
l’Administration et de l’Aménagement du Territoire (Bénin)
O.C.D.E. Organisation pour la Coopération et le Développement Economique
O.N.E.P.I. Office National d’Edition, de Presse et d’Imprimerie (Bénin)
O.S.I.W.A. Open Society Initiative for West Africa
P.D.M. Partenariat pour le Développement Municipal
P.T.F. Partenaire Technique et Financier
R.C.A. République Centrafricaine
R.O.C.A.R.E. Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche en Education
S.F.F.P. Société Française de Finances Publiques

v
S.N.U. Système des Nations Unies
S.P. Secrétariat (Secrétaire) Permanent
U.A.C. Université d’Abomey-Calavi (Bénin)
U.E.M.O.A. Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
U.N.E.S.C.O. Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture
U.S.A.I.D. United States Agency for International Development

Revues, éditions et abréviations juridiques

AJDA Actualité Juridique Droit Administratif


ANRT Atelier National de Reproduction des Thèses (France)
Art. Article
Cass. Cour de Cassation
CC Conseil Constitutionnel (France) ; Cour Constitutionnelle (Bénin, Niger)
CCC Cahiers du Conseil Constitutionnel (France)
CDP Les Cahiers du Droit Public
CE Conseil d’Etat
Col. Collection
Dir. Sous la direction de
Ed. Editions
GAJA Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative
Gaz. La Gazette des Communes
Ibid. Ibidem
JCP Juris Classeur Périodique
JO Journal Officiel
JORB Journal Officiel de la République du Bénin
JORF Journal Officiel de la République Française
L. Loi
LGDJ Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence
LPA Les Petites Affiches
NEA Nouvelles Editions Africaines
n° Numéro
op. cit. opere citato (précédemment cité)

vi
p. Page
PUAM Presses Universitaires d’Aix-Marseille
PUF Presses Universitaires de France
PUL Presses Universitaires de Lomé
Pr Professeur
RAJF Revue de l’Actualité Juridique Française
RBSJA Revue Béninoise de Sciences Juridiques et Administratives
Rec. Recueil des décisions
Rec. Leb. Recueil des décisions du Conseil d’Etat
RDP Revue de Droit Public
RFAP Revue Française d’Administration Publique
RFDA Revue Française de Droit Administratif
RFDC Revue Française de Droit Constitutionnel
RFFP Revue Française des Finances Publiques
RFSP Revue Française de Sciences Politiques
RGCT Revue Générale des Collectivités Territoriales
RGD Revue Générale de Droit
RIDC Revue Internationale de Droit Comparé
s. Suivant(e)s
T. Tome
Vol. Volume

vii
ABSTRACT

Benin and Niger wrote down the free administration of local governments in their
respective constitutions. This intention of the original constituent won't be translated into
infra constitutional norms in a shy way. The autonomy of local bodies is implicitly affirmed
in the texts but, it’s subtly emptied of its content by large powers of guardianship granted
to the representatives of the central government on the elected local authorities. The means
of action of the local governments are handled by the central State. National public
resources distribution between the central State and the local governments has not been
determined by previous costs assessment of the transferred competences. Concomitance
and sufficiency principles are not respected. The support of the central State to local
governments concerning staffing is not meaningful. Lack of suitable statute for local
authorities on the one hand and for territorial civil service on the other, constitute an
impediment to mobilization of qualified human resources at local level. Without fiscal
autonomy, the local government is self-financed only in a marginal way and depends on
subsidies, often conditioned by the central State and other partners. In spite of this little
flattering situation, the resolutions taken by administrative and constitutional jurisdictions,
following rare appeals don't reflect how critical local liberties are for democracy and
development. As suggested by recent evolutions of local constitutionalism, beyond the
proclamation of the principle, the essential criteria of local free administration known as
organic autonomy, human resources free management and financial autonomy should be
raised to constitutional level.

KEY WORDS: central State, centralization, decentralization, deliberating body,


effectiveness, free administration, guardianship, local autonomy, local democracy, local
government, local liberty, otherness, resources, territorial civil service.

viii
SOMMAIRE

Introduction générale 1

Première partie : Un pouvoir de décision restreint 39

Titre I : L’affirmation timide de l’autonomie des organes 41

Chapitre I : La reconnaissance de l’altérité 42

Chapitre II : La fragilité de la séparation 80

Titre II : Le caractère contraignant de la tutelle 118

Chapitre I : La tutelle sur les organes 119

Chapitre II : La tutelle sur les actes 157

Deuxième partie : Une liberté d’agir rétrécie 196

Titre I : L’hypothèque du cadre institutionnel 198

Chapitre I : Le cadre de gestion des ressources humaines 199

Chapitre II : L’état de l’administration étatique 236

Titre II : La prégnance de la dépendance financière 275

Chapitre I : La mainmise de l’Etat sur les ressources locales 276

Chapitre II : Les entraves à la liberté de dépenser 313

Conclusion générale 353

ix
INTRODUCTION GENERALE
Après avoir été marquée, plusieurs décennies durant, par le monolithisme et par la
centralisation, l’administration territoriale des Etats francophones d’Afrique de l’Ouest a
connu, dès le début des années 1990, un nouvel essor. En effet, le nouveau
constitutionnalisme a porté la démocratisation au cœur de l’administration territoriale et
bouleversé la conception antérieure de la décentralisation dans ces Etats unitaires1. En
reconnaissant l’existence, aux côtés de l’Etat, d’autres centres de décision dans le système
d’administration du territoire, les nouveaux constituants ouest africains ont restauré le
pluralisme territorial2. Emergeant de la crise de l’Etat de la fin des années 1980, ce
renouveau de l’administration du territoire est inspiré des préceptes de la séparation et de
la limitation des pouvoirs. En fait, il est «une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir
est porté à en abuser. Il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites»3. C’est ainsi que l’absolutisme royal
anglais a été à l’origine des premières limitations au pouvoir exécutif, détenteur initial de
tous les pouvoirs d’Etat4. Deux mouvements ont pu être distingués dans ce processus
d’encadrement5. Il s’agit initialement de la séparation des pouvoirs d’Etat et plus tard, de la
séparation verticale des pouvoirs entre Etat et collectivités territoriales6.

1CORNEVIN R., «Sous-développement et sous-administration : interférences et accélération», Revue française de science


politique, 11ème année, n° 3, 1961. pp. 684-690.
2 Polycentrisme décisionnel ou existence de multiples centres de décisions en matière d’administration territoriale, par
opposition à l’Etat unitaire centralisé (dont la «volonté se transmet sur le territoire à la manière à la manière d’un fluide
électrique» selon HAURIOU André et JICQUEL Jean, Droit constitutionnel et Institution politiques, 7e éd, Editions
Montchrestien, p.143). Pour plus de détails sur le concept de pluralisme territorial, voir SAEZ G., «Recompositions de
l'action publique et pluralisme territorial», Annuaire des collectivités locales, T. 19, 1999. pp. 17-26.

3 MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, Paris, Nathan, 1999, p. 104.


4LOCHAK D., Les droits de l’homme, Paris, La Découverte, 2005, p. 17 ; BREILLART D., Libertés publiques et droits de la
personne humaine, Paris, Gualino, 2003, pp. 77-82 ; MOURGEON J., Les droits de l’homme, Paris, PUF, 2003, p.24 ;
SAYEGH R., L’évolution millénaire des droits humains, Une approche de 5000 ans, Louvain-La-Neuve, Académia-Bruylant,
2000, p. 63 ; COHENDET M.-A., Droit constitutionnel, 2eme édition, Paris, Montchrestien, 2002, p.127 ; GREWE C.,
RUIZ FABRI H., Droits constitutionnels européens, Paris, 1995, pp. 22-25 et p. 204 ; RIVERO J., Les libertés publiques, Paris,
PUF, 1978, p. 52.
5 Le pouvoir royal se caractérisait par une certaine centralisation. EISENMANN Ch., Centralisation et décentralisation.
Esquisse d’une théorie générale, Paris, LGDJ, 1948, p.221 : «Si la décentralisation était nécessairement démocratique, ne semble-t-il pas
que la centralisation, son contraire, dut être, elle, par nature, autocratique?» ; FLANTZ G. H., «La signification de la séparation
des pouvoirs dans le développement du constitutionnalisme et dans les constitutions contemporaines», in SEURIN J.-
L. (dir.), Le constitutionnalisme aujourd’hui, Paris, Economica, 1984, p. 107 : «Chaque fois et partout où le constitutionnalisme a
échoué, cela s’est ordinairement accompagné d’une concentration des pouvoirs injustifiée…».

6Le débat sémantique sur la distinction entre collectivités territoriales et collectivités locales ne présente pas d’intérêt pour les
analyses. Les deux Etats concernés ont opté pour l’expression collectivités territoriales qui sera adoptée dans ce cadre-ci.

1
La décentralisation territoriale a été perçue comme un rempart contre les excès du pouvoir
central7 et son incapacité à produire le développement local. L’existence de plusieurs
échelons administratifs produit un effet de démultiplication de l’action publique au triple
plan juridique, politique et administratif8. En tout état de cause, la possibilité de se
représenter l’intérêt général en dehors du seul État central se trouve désormais ouverte. La
collectivité locale, en tant qu’administration distincte de celle de l’Etat, qui exerce sur son
territoire d’établissement certaines compétences propres, constitue une alternative9. Mais il
en faudra davantage pour tendre vers l’équilibre territorial des pouvoirs recherché. Il est
nécessaire d’élever l’autonomie de la collectivité territoriale au rang de norme suprême10.

A la suite du Bénin dès 1990, le Niger inscrira dans ses textes constitutionnels successifs
que les collectivités territoriales «s'administrent librement par des conseils élus»11. L’autonomie,
c’est-à-dire le droit de se donner ses propres règles, constitue la modalité la plus expressive
pour établir la séparation entre institutions. Appliquée à l’administration, cette dernière

Pour des raisons de commodité, tout le long du document, collectivités sera utilisée pour collectivités territoriales. Seront
également considérées comme synonymes, les appellations entités décentralisées et collectivités décentralisées.
7 LAVROFF D. G., «Conclusion» in PARIENTE A. (dir.), La séparation des pouvoirs. Théorie contestée, pratique renouvelée,
Paris, Dalloz, 2007, p. 150. La décentralisation territoriale favorise la participation (Charte africaine de la démocratie,
des élections et de la gouvernance signée à Addis-Abeba le 30 janvier 2007, art. 2 -objectif n° 10, art.3 -principe n° 7),
la prise en compte d’intérêts territoriaux particuliers (TROPER M., La séparation des pouvoirs et l’histoire constitutionnelle
française, Paris, LGDJ, 1972, p. 123). Cette organisation devrait assurer la légitimité de l’Etat et des administrateurs
locaux. La légitimité désigne la qualité d’un pouvoir ou d’une institution d’être conforme aux aspirations des
gouvernés/administrés et qui suscite de leur part une obéissance spontanée fondée sur leur investiture. V. Lexique de
politique, 7ème éd., Paris, Dalloz, 2001, p. 239 ; MABILEAU A., «Séparation des pouvoirs et rapport de légitimité» in
SEURIN J.-L. (dir.), Le constitutionnalisme aujourd’hui, op. cit., pp. 108-116.

8L’histoire française renseigne que, sous l’Ancien Régime, le monarque absolu concentrait tous les pouvoirs et ne doit
rendre de compte à personne sur la façon dont il exerçait sa fonction. Pour des détails, v. IGPDE, «L'État territorial
en France : hier, aujourd'hui et demain», Les Cahiers de la fonction publique et de l'administration, n° 296, Janvier 2010, pp.
7-26 ; MARCOU G., «L'Etat et les collectivités territoriales : où va la décentralisation ?», AJDA, n° 27, 29 juillet 2013,
pp. 1556-1563 ; Cour des comptes, L’organisation territoriale de l’État. Rapport public thématique, Juillet 2013, Paris, 294 p.
BLAIRON K., op. cit., p. 5 : «La répartition des compétences, horizontale ou territoriale, est la traduction moderne de la séparation des
pouvoirs, nationaux et territoriaux».

9
La décentralisation est, dans sa conception initiale, un transfert de l'autorité, initialement concentrée. Par suite, elle
participe des réflexions et pratiques que véhiculent les revendications du droit à l’autonomie des groupes humains
constituant la communauté nationale. Elle constitue une réponse à la nécessité d’un système d’empêchement mutuel
contre les usurpations, entre Etat et collectivités, dans la gouvernance territoriale. La décentralisation de l’appareil
public permet de donner aux citoyens la possibilité de gérer leurs affaires et d’adapter l’action publique aux spécificités
de leurs territoires.

10Avec une certaine charge symbolique : dans les textes constitutionnels, un titre, aussi court fut-il, est exclusivement
réservé aux collectivités territoriales (Bénin, Titre X ; Niger, Titre IX).

11 Const. Bénin du 11 décembre 1990, art. 151 ; Const. Niger du 25 novembre 2010, art. 164.

2
donne naissance à une «administration propre»12 ou libre administration qui constitue le centre
d’intérêt de la présente recherche dont les contours méritent d’être précisés.

I. L’intérêt d’une étude sur la libre administration

Après avoir réglé les préalables définitionnels (A), l’intérêt d’une recherche sur le sujet sera
justifié (B).

A. La libre administration en administration territoriale

Même dans le champ restreint de la décentralisation territoriale, il y a une difficulté à cerner


le concept de libre administration. Cette difficulté découle la multitude de conceptions13.
La variété peut être relevée aussi bien dans le discours politique que dans la doctrine
juridique, pourtant censée être plus exigeante. A l’effet d’éviter les confusions que génère
souvent le discours14, il sied de distinguer la libre administration des notions voisines mais
également dégager les synonymies15 qui seront établies dans le cadre de cette réflexion-ci16.

Le concept de liberté a fait et continue de faire l’objet de maints débats et réflexions


philosophiques et théologiques. Mais il y a une constance qui résulte de son étymologie17.
Elle est relative à la capacité de choisir. La liberté suppose une absence de contraintes
exorbitantes18. Plusieurs définitions mettent en valeur la relativité du concept 19. En

12SOLA J., «Autonomie» in de ROUGEMONT D. (dir.), Dictionnaire international du fédéralisme, Bruxelles, Bruylant,
1994, pp. 22-23.
13Libre administration des collectivités territoriales (pour le constituant), libertés locales (pour une partie de la doctrine)
et décentralisation (pour les non juristes), constituent autant d’expressions utilisées pour désigner ce même objet.

14 FAURE B., «Réforme constitutionnelle et décentralisation : des slogans font loi», RDP, 2003, p. 122.

15 FOURNIE F., Recherches sur la décentralisation dans l’œuvre de Maurice Hauriou, Paris, LDGJ, 2005, p. 95 : «…l’objet de la
science du droit étant, en partie du moins, de préciser la définition des termes juridiques afin de rendre lisible et donc intelligible la production
des textes législatifs et règlementaires».

16 CAMUS A., Discours de Stockholm à l’occasion de la réception du prix Nobel de littérature 1957 : «Mal nommer les
choses, c’est ajouter au malheur du monde».
17 Liberté vient du mot latin liber qui signifie libre.

18Toute vie en société requiert un minimum de contraintes qui se justifie par la présence d’autrui. La liberté ne peut
donc être ce que Georges BIZET fit dire à Carmen dans l’opéra éponyme : «Ce que je veux, c’est d’être libre et faire ce qui
me plaît…avoir pour pays l’univers et pour loi ma volonté».

19 KANT E. [Critique de la raison pratique, Flammarion, 2003, p. 473] par exemple affirme que la liberté ne signifie pas
indépendance mais autonomie, c’est-à-dire capacité à se donner à soi-même (autos) ses propres lois (nomos).

3
définitive, peut être considérée comme libre, toute activité pour laquelle aucune condition
préalable n’est imposée, outre le respect des textes.

Dans la sphère de l’administration publique, la première utilisation du concept de liberté


remonte à l’an 1266 et signifiait immunités, franchises20. En 1355, le mot a été utilisé pour
désigner le «degré le plus élevé d'indépendance reconnu à un groupe social». C’est en 1787 que
l’expression liberté individuelle verra le jour comme un emprunt au latin, libertas-atis pour
signifier plusieurs situations, «état de celui qui n'est pas esclave», «état de celui qui jouit de ses droits
de citoyen», «état d'un peuple qui n'est pas soumis à une autorité arbitraire (ou extérieure)», «pouvoir de se
déterminer soi-même» et «indépendance de quelqu'un dans son comportement et ses paroles» 21. Le mot
administration quant à lui est emprunté au latin administratio dont le sens, à la fin du XIIe-
début XIIIe siècle, était «action de s'occuper de». Ainsi, dans les constitutions françaises du
XIXème siècle, il était écrit : «Seul le préfet administre». Au XVIIIème siècle, le terme a pris son
sens organique. On parlera, à partir de 1787, d’administration de département qui désigne un
«corps constitué chargé d'administrer un département». Cette expression sera employée en 1790
pour signifier «ensemble des personnes chargées d'administrer». En 1794, apparut administration
publique pour nommer la fonction publique22.

Sur le fondement de ces rappels, plusieurs définitions de la libre administration peuvent


être construites. S’administrer librement serait donc conduire sans contraintes excessives
les opérations de ses compétences dans le cadre fixé par la loi et sous le contrôle du juge.
Aussi pertinente que puisse paraître cette définition, elle replonge dans une
ambiguïté lexicale interne à l’expression que BACOYANNIS a relevée. L’adjectif épithète
libre exprime une situation se définissant comme contraire à la soumission. Or, lorsqu’il
qualifie administration, il désigne une activité qui se caractérise par sa soumission au droit 23.

20 TUETEY, Étude sur le droit municipal en Franche Comté, p. 189 où il a été question de la Charte de franchise octroyée à
la ville d’Orgelet.
21DE LOLME, Constitution d'Angleterre, T. 1, p. 33 in BRUNOT, Histoire de la langue française, des origines à 1900, Paris,
Armand Colin, T. 6, p. 128.

22 BRUNOT F., Histoire de la langue française, des origines à 1900, Paris, Armand Colin, T. 9 (La Révolution et l’Empire),
p. 1018 ; consultez http://www.cnrtl.fr/etymologie/administration

23 BACOYANNIS C., Le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales, Paris, Economica, 1993,
p. 75.

4
Un rappel du contexte historique et des prétextes qui ont justifié les textes fondateurs de la
libre administration s’avère utile et permet de saisir pour quel besoin le concept de libre
administration a été forgé24.

En effet, de la révolution française de 1789 à la fin du XIXème siècle, la libre administration,


qui apparaissait alors comme une revendication parce que «l’emprise du pouvoir central était
fortement ressentie»25, a été très présente dans les débats politiques et universitaires qui ont été
abondamment relayés par la presse26. François BURDEAU lui consacre la majeure partie
de son ouvrage Liberté, libertés locales chéries27. Pour les pourfendeurs de la centralisation, «la
disparition de toute vie locale» a été l’une des causes de la «destruction de l’esprit public». Le retour à
la «stabilité des institutions» passerait par le rétablissement des liens qui unissent les habitants
à leurs terroirs28. Devant l’Assemblée Constituante de 1848, Ferdinand BECHARD fait
échos de cette exigence : «Le droit des habitants d’administrer par des mandataires élus leurs intérêts
est un droit primordial, naturel, imprescriptible…le droit de l’Etat se borne à l’administration des intérêts
généraux et à la surveillance des empiètements que les administrations locales pourraient se permettre sur la
politique et sur l’administration générale»29. Dans les années 1890, cette revendication va
transcender les clivages politiques pour devenir le projet de toutes les obédiences
politiques30. De l’examen des travaux des commissions de la Constitution française, il
ressort une constance. L’affirmation constitutionnelle du principe de libre administration
est une nécessité pour la démocratie. A cet égard, le député COT déclarait : «c’était la

24Le mot est apparu pour la première fois en 1946 «sans que l’on sache d’ailleurs d’où la commission de la Constitution, qui avait
proposé le concept, avait tiré l’expression et la notion» (FAVOREU L., «Libre administration et principes constitutionnels» in
MOREAU J., DARCY G., op. cit., p. 64.). BACOYANNIS C., op. cit., pp. 77-127, apporte également quelques
clarifications historiques.
25 MOREAU J., DARCY G., op. cit., p. 48.

26 BASDEVANT B., GAUDEMET Y., La Commission de décentralisation de 1870, Paris, PUF, 1973 cité par MOREAU
J., DARCY G., La libre administration des collectivités locales. Réflexion sur la décentralisation, Paris, Economica-PUAM, 1984,
p. 47, rapportent qu’un quotidien lyonnais s’y est tellement consacré qu’il a pris le titre «Décentralisation».

27 BURDEAU F., Liberté, libertés locales chéries, Paris, Cujas, 1984, 288 p.
28 MOREAU J., DARCY G., op. cit., p. 49.
29 MOREAU J., DARCY G., op. cit., p. 50.

30 BURDEAU F., op. cit., p. 221.

5
démocratie elle-même qui avait souffert de cette centralisation et (…) la Constitution doit organiser la
démocratie, ce qui implique toutes les mesures de nature à intéresser la vie de la démocratie…»31.

C’est donc par la volonté d’inscrire les libertés locales dans la loi fondamentale que la libre
administration s’est retrouvée dans la constitution française de 194632. Par conséquent,
pour BACOYANNIS, la libre administration est «l’affirmation constitutionnelle selon laquelle des
communautés humaines qui sont définies par leur rattachement à une portion du territoire par rapport
auquel est définie la communauté nationale ont vocation à maîtriser tout ce qui constitue leur propre vie»33.
Dans son ouvrage consacré au sujet, BACOYANNIS a d’ailleurs suggéré de s’en tenir à la
notion «telle que conçue par le constituant et interprétée par le juge»34. A s’en tenir à la seule lettre de
la disposition constitutionnelle, le terme libre administration n’aurait pas suffisamment de
référence35, les constitutions étant des actes fondamentaux, énonçant essentiellement des
concepts politiques36.

La décentralisation est souvent assimilée à l’autonomie locale ou à la libre administration.


Cette étude propose de s’y consacrer pour au moins deux raisons : d’une part, la notion
apparaît expressis verbis dans la constitution nigérienne37 et d’autre part, elle est entrée dans
le bloc de constitutionnalité des Etats ouest africains par le truchement du protocole de la

31 Séances de la deuxième Commission de la Constitution, Comptes rendus analytiques, Séance du 5 septembre 1946,
p. 157, cité par BACOYANNIS, op. cit., p. 96.

32BACOYANNIS C., op. cit., p. 99 : «Le constituant de 1946 a donc voulu affirmer une liberté ; il n’a pas voulu constitutionnaliser
un principe d’organisation administrative».

33 BACOYANNIS C., op. cit., p. 130.

34 BACOYANNIS C., op. cit., p. 130.

TROPER M., «Libre administration et théorie générale du droit du droit. Le concept de libre administration», in
35

MOREAU J., DARCY G. (dir.), La libre administration des collectivités territoriales, Paris, Economica, p. 62.
36 Le constituant ne détermine ni ce qu’il met dans l’adverbe librement, ni ce qu’il faut entendre par s’administrer. Le
constituant n’utilise pas un substantif mais plutôt un verbe réfléchi s’administrer ; ce qui sous-entend que les collectivités
seraient alors des organismes qui définissent les normes de leurs actions. Les débats au moment de l’adoption de la
constitution de 1946 (1ère apparition du mot, art.87 al.1) ne permettent pas d’appréhender l’origine de la notion
(FAVOREU L. in MOREAU J., DARCY G. (dir.), La libre Administration des collectivités locales. Réflexion sur la
décentralisation, Economica, 1984, p.63). Les polémiques conceptuelles que la notion a suscitées ont fait dire à TROPER
que la libre administration est un terme vague et vide (privé de référence) dont la fonction est de transposer dans la
sphère administrative l’idéologie politique de la démocratie représentative (TROPER M., in «La libre administration et
théorie générale du droit. Le concept de libre administration», in MOREAU J. et DARCY G. (dir.), op. cit., p. 62).

37 Const. du 25 novembre 2010, art. 164.

6
CEDEAO de 2001 dont l’article 1er d) dispose que la «décentralisation du pouvoir à tous les
niveaux de gouvernement» constitue un principe constitutionnel38.

Il faut faire constater que la décentralisation, en tant que concept générique, est susceptible
de s’appliquer à plusieurs matières39. Spécifiquement en matière administrative, la
décentralisation a nourri la plume de maints juristes et a fait l’objet de nombreux travaux
parmi lesquels certains ont été consacrés à la clarification du concept en lui-même40. Les
définitions de la notion ne manquent donc pas, au plan aussi bien lexicologique que
doctrinal41. Il n’est pas possible d’en présenter ici toutes les tentatives et références
bibliographiques. Une sélection de quelques-unes, parmi les plus suggestives, s’est imposée.

La décentralisation est un système d’administration consistant à permettre à une collectivité


humaine (décentralisation territoriale) ou à un service (décentralisation technique) de
s’administrer eux-mêmes sous le contrôle de l’Etat en les dotant de la personnalité juridique,
d’autorités et de ressources propres42. En science politique, elle se définit généralement
comme un «mode d’organisation administrative selon lequel l’Etat transfère des pouvoirs de décision à des
organes locaux indépendants du pouvoir central»43. Pour HAURIOU, la décentralisation est «une
manière d’être de l’Etat caractérisée par le fait que l’Etat se résout en un certain nombre de personnes
administratives qui ont la jouissance de droits de puissance publique et qui assurent le fonctionnement des
services publics en exerçant ces droits c’est-à-dire en faisant des actes d’administration»44. Henri

38Protocole A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance, additionnel au protocole relatif au mécanisme
de prévention, de gestion et de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité ratifié par le Bénin le 04
février 2005.

39BOURDON J., PONTIER J.-M., RICCI C., Droit des collectivités territoriales, 2ème éd. mise à jour, Paris, PUF, 1998, pp.
5-6 ; BAGUENARD J., La décentralisation, 7ème éd. mise à jour, Paris, PUF, 2004, pp. 8-12.

40 DEBBASCH Ch. (dir.), La décentralisation pour la rénovation de l’Etat, Paris, PUF, 1976, 247 p. ; FLOGAÏTIS S., La
notion de décentralisation en France, en Allemagne et en Italie, Paris, LGDJ, 1979, 281 p. ; BENOIT J., Théorie juridique de la
décentralisation administrative en France, Thèse, Paris 2, 1990, 2 T., 758 p. ; FOURNIE F., Recherche sur la décentralisation dans
l’œuvre de Maurice HAURIOU, Paris, LGDJ, 2005, 629 p.

41 DIAGNE M., Droit administratif local, Saint-Louis, IGS, 2003, p.11, souligne qu’il y en a autant que d’auteurs ; AUBY
J.-B., La décentralisation et le droit, Paris, LGDJ, 2006, p. 13, écrit que «la décentralisation ne souffre…pas d’une pénurie de
définition».

42 CORNU G., Vocabulaire juridique, Paris, 10ème édition mise à jour, PUF, 2014, p. 298.
43 Lexique de politique, 7ème éd., Dalloz, 2001, p. 129.

44 HAURIOU M., Etudes sur la décentralisation, Paris, Paul Dupont, 1892, cité par BOURJOL M., BODARD S., Droits et
libertés des collectivités territoriales, Paris, Masson, 1984, p. 33.

7
BERTHELEMY y voit «le principe suivant lequel chaque ville et chaque région sont libres de choisir
par les représentants de la majorité de ses citoyens les règles auxquelles elles obéiront et par lesquelles il sera
donné satisfaction aux intérêts du plus grand nombre»45. Selon René CHAPUS, la décentralisation
se traduit «par le transfert d’attributions de l’Etat à des institutions (territoriales ou non) juridiquement
distinctes de lui et bénéficiant, sous la surveillance de l’Etat, d’une certaine autonomie de gestion»46. Le Pr
AUBY la définit comme «une forme d’aménagement de l’Etat unitaire dans laquelle des autorités
administratives non étatiques gèrent des affaires administratives particulières dans un certain rapport
d’indépendance vis-à-vis des administrations d’Etat»47. Pour le Pr Demba SY, la décentralisation
est un système d’organisation administrative «qui reconnaît une existence juridique à des collectivités
secondaires qui sont dotées de la personnalité morale et qui sont appelées à gérer leurs propres affaires par
l’intermédiaire d’organes issus d’elles-mêmes»48. Enfin, au plan régional, la Charte africaine des
valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement
local (art. 1er) définit la décentralisation comme «le transfert des pouvoirs, des responsabilités, des
capacités et des ressources du niveau national à tous les niveaux sous-nationaux de gouvernement afin de
renforcer la capacité des gouvernements sous-nationaux à promouvoir la participation des populations et la
fourniture de services de qualité»49.

Malgré leur clarté, certaines des définitions sus exposées ne sont pas toujours «satisfaisantes
pour l’esprit juridique, friand de précision et de concision»50. En raison de leur généralité, nombre
d’entre elles conduisent à des confusions entre décentralisation administrative,
décentralisation technique et décentralisation territoriale. Celle que propose le Pr Epiphane
SOHOUENOU vise à éviter tout amalgame. La décentralisation est le «mécanisme juridique

45 BERTHELEMY H., Traité élémentaire de droit administratif, 13ème éd., Paris, Rousseau et Cie édit., 1933, p. 112.
46 CHAPUS R., Droit administratif général, T. 1, 15ème éd., Paris, Montchrestien, 2004, p. 403.

47 AUBY J.-B., La décentralisation et le droit, Paris, LGDJ, 2006, p. 13.


48SY D., Droit administratif, 2ème éd. revue, corrigée et augmentée, Dakar, CREDILA et L’Harmattan Sénégal, 2014, p.
171.

49Adoptée le 27juin 2014 à Malabo par la 23ème session ordinaire de la conférence des Chefs d’Etat de l’Union
Africaine. Le niveau sous-national signifie tous les échelons de décentralisation.

50SOHOUENOU M. E., «Contribution à l’élaboration d’une échelle de la décentralisation territoriale en Afrique noire
francophone», Revue béninoise des sciences juridiques et administratives, n° 22, 2009, p. 148.

8
par lequel l’Etat crée de nouvelles personnes publiques pour leur transférer une partie de ses compétences»51.
Elle est dite technique quand elle «porte sur une tâche déterminée par sa nature particulière et
individualisable» et donc consisterait «à détacher d’une collectivité un service ou un ensemble de services
spécialisés»52 et à en faire assurer la gestion par une institution spécialisée. La décentralisation
est territoriale lorsqu’elle se met en œuvre dans le cadre de l’administration du territoire.
Sauf quelques rares exceptions, le législateur n’en donne pas une définition 53. Au nombre
de celles proposées par la doctrine, celle suivant laquelle «Elle consiste à individualiser une
collectivité humaine circonscrite sur une partie du territoire et à la charger de gérer l’ensemble de ses affaires
propres»54 paraît suggestive. En raison de son insertion dans les dynamiques démocratiques,
cette décentralisation transcende le caractère administratif55. Elle comporte une dimension
politique mise en exergue par HAURIOU et de TOCQUEVILLE56. C’est cette
décentralisation que BACOYANNIS nomme décentralisation-liberté qui sera examinée57.

Jusqu’en 1990, et à la suite des constituants français de 1946 et de 1958, la majeure partie
de la doctrine française a utilisé l’expression décentralisation comme synonyme au concept
de libre administration des collectivités territoriales. En effet, la décentralisation a été

51 SOHOUENOU M. E., op. cit., p. 150.

52 SY D., op. cit., p. 172.

53Au Gabon, la Loi organique n° 15-96 du 06 juin 1996 relative à la décentralisation la définit comme le «transfert des
compétences et des moyens à une collectivité locale» placée sous la tutelle de l’Etat.

54 SY D., ibidem.
55BARTHELEMY J., «Les tendances de la législation sur l’organisation administrative depuis un quart de siècle», RDP,
1909, p. 150, écrivait : «Le point qu’il ne faut jamais perdre de vue, c’est que la décentralisation est une liberté». Dans le monde
politique, la Déclaration Universelle sur la Démocratie adoptée au Caire le 16 septembre 1997 par le Conseil
Interparlementaire dispose en son point 23 que «Les institutions et processus démocratiques doivent aussi favoriser la
décentralisation du gouvernement et de l'administration, qui est un droit et une nécessité, et qui permet d'élargir la base participative».

56 HAURIOU M., Précis de droit administratif, 12ème éd., Paris, Librairie du Recueil Sirey, p. 86 : «Les raisons de la
décentralisation territoriale ne sont point d’ordre administratif mais bien d’ordre constitutionnel. S’il ne s’agissait que du point de vue
administratif, la centralisation assurerait au pays une administration plus habile, plus impartiale, plus intègre et plus économe que la
décentralisation. Mais les pays modernes n’ont pas besoin seulement d’une bonne administration, ils ont besoin aussi de liberté politique».
De TOCQUEVILLE A., De la démocratie en Amérique, 1835, 1ère partie, chap. 5. : «C’est dans la commune que réside la force
des peuples libres. Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du
peuple ; elles lui en font goûter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir. Sans institutions communales, une nation peut se donner un
gouvernement libre, mais elle n’a pas l’esprit de la liberté». V. aussi, REGOURD S., «De la décentralisation dans ses rapports
avec la démocratie. Genèse d’une problématique», RDP, 1990, p. 961 et s.
57 Par défaut, décentralisation sans aucun qualificatif sous-entend décentralisation territoriale. Voir ROUQUETTE
R., Dictionnaire du droit administratif, Paris, Ed. du Moniteur, 2002, pp. 224-225. BACOYANNIS C., op. cit., p. 77 : «la
liberté de la localité de maîtriser tout ce qui constituait sa propre vie grâce à la détention de moyens juridiques et matériels suffisants».

9
toujours comprise et associée à l’expression «s’administrer soi-même» qui est synonyme de
«s’administrer librement»58. Dès 1906, Léon MICHOUD avait déjà défini la décentralisation
comme le «droit d’un groupe de s’administrer lui-même», en prenant pour référence le système
allemand (Selbstverwaltung)59. Cette position a été reprise par Raymond CARRE de
MALBERG et Roger BONNARD même si quelques distinctions mineures peuvent être
opérées entre leurs conceptions60.

Pour cerner la distinction entre libre administration et décentralisation, BACOYANNIS a


proposé une démarcation des deux dimensions de la décentralisation territoriale ; celle
politique qui l’appréhende comme une liberté et celle administrative qui en fait un principe
d’organisation administrative61. La décentralisation en tant que liberté vise un but, celui de
permettre à l’entité territoriale bénéficiaire de «maîtriser sa propre vie, gérer tout ce qui la
concerne»62. Selon l’analyse de BACOYANNIS, la décentralisation a été très souvent désignée
par le vocable le plus convenable, la liberté63. Aussi ROLLAND avait-il déjà parlé de «liberté
d’administrer»64 en 1926 et en 1933, BERTHELEMY de «s’administrer librement»65 . Le

58 BACOYANNIS C. op. cit., p. 84.

59MICHOUD L., La théorie de la personnalité morale et son application au droit public français, Paris, LGDJ, 1906, p. 310 cité
par BACOYANNIS C., ibid.

60 CARRE DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l’Etat, Paris, Sirey, 1920, p. 170, note 14 : «Le mot
Selbstverwaltung est à la fois plus expressif et plus exact que celui de décentralisation». BONNARD R., «Les actes constitutionnels
de 1940», RDP, 1940, p. 367, cité par BACOYANNIS C., op. cit., p. 84.

61HAURIOU M., Précis de droit constitutionnel, Paris, Sirey, 1923, p. 246, utilise les expressions «école
de liberté», «élections politiques», «jeu politique» ; à la suite de de TOCQUEVILLE, ROLLAND
L., «La démocratie et la décentralisation en France» cité par BACOYANNIS C., op. cit., p. 86 écrivait
«décentralisation-école de démocratie». Le Conseil d’Etat français a souligné, dans un avis du 10 octobre 2002, que le
terme de décentralisation est un terme administratif dépourvu de signification normative. Voir VERPEAUX M., «Une
République décentralisée, un Sénat renforcé, la région consacrée, la démocratie directe locale instituée», J.C.P.
Administrations et Collectivités territoriales, 28 octobre 2002, p. 96.

62 BACOYANNIS C., op. cit., p. 89. V. aussi BURDEAU F., Liberté, libertés locales chéries, Paris, Cujas, 1983, pp. 7 et 8 :
«Restituer aux individus la liberté de leur vie en cantonnant l’Etat…Transférer, de la capitale qu’ils congestionnent (…) les moyens de
s’épanouir (…), rendre aux organes qui représentent les citoyens du lieu le droit de se prononcer sur leurs intérêts (…), de gérer leurs
affaires…».

63 BACOYANNIS C., op. cit., p. 90-92.


64 ROLLAND L., op. cit., p. 141.

65 BERTHELEMY H., Traité élémentaire de droit administratif, 13ème éd., Paris, Ed. Rousseau et Cie, 1933, p. 210.

10
Constituant français de 1946 a pu s’inspirer de ces expressions pour instituer la libre
administration.

Le débat lexicologique sur la décentralisation et la libre administration ne peut être


davantage approfondi dans le cadre de cette étude. Il paraît suffisant de constater qu’à la
différence du concept de décentralisation dont l’acception la plus familière renvoie à un
procédé d’organisation administrative, la libre administration est une liberté publique dont
le but ultime est de conférer l’autonomie à la collectivité bénéficiaire66. Or, le concept
d’autonomie locale a été rarement utilisé en droit positif en France et en Afrique noire
francophone67, à la différence d’autres pays européens et américains et des organisations
internationales68. Une partie de la doctrine qui y a consacré ses réflexions aboutit à la
conclusion que la notion est difficile à cerner69. L’examen de la loi constitutionnelle
française sur l’organisation décentralisée de la République en offre quelques illustrations70.

66 BOURJOL M., BODARD S., Droit et libertés des collectivités territoriales, Paris, Masson, 1986, p. 24 ; JICQUEL J., Droit
constitutionnel et institutions politiques, Paris, Montchrestien 2002, p. 65 («la décentralisation… s'analyse en un principe de liberté») ;
v. également BENOIT J., «La liberté d’administration locale», RFDA, 2002, p. 1065 et CHAPUISAT L.-J., «Libertés
locales et libertés publiques», A.J.D.A., 1982, p. 349.

67 JOYAU M., «Décentralisation, adaptation, autonomie», in FABERON J.-Y. (dir.), L'outre-mer français : la nouvelle donne
institutionnelle, Paris, La Documentation française, 2004, pp. 83-97.

68 Contrairement à la dynamique autonomiste en cours dans certains pays européens. L’Italie, dès 1948 a créé des
régions fortement autonomes, d’abord au profit des minorités linguistiques et aux îles mais seront étendues à l’ensemble
du territoire (Const., art. 5 : «La République, une et indivisible, reconnaît et favorise les autonomies locales; réalise dans
les services qui dépendent de l’État la plus large décentralisation administrative; adapte les principes et les méthodes
de sa législation aux exigences de l’autonomie et de la décentralisation.» ; voir également art.119, disposition transitoire
et finale IX). Le même mouvement peut être observé en Espagne où la pression sécessionniste des minorités basque
et catalane a abouti à la création des communautés historiques largement autonomes (Const., art. 2 : «La Constitution
a pour fondement l’unité indissoluble de la Nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols.
Elle reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent et la solidarité entre
elles» ; art. 137 : «L’État, dans son organisation territoriale, se compose de communes, de provinces et des
Communautés autonomes qui se constitueront. Toutes ces entités jouissent d’autonomie pour la gestion de leurs
intérêts respectifs» ; art. 140 : «La Constitution garantit l’autonomie des communes…»). Le phénomène a atteint la
Belgique en 1970 qui est passée d’un Etat centralisé inspiré du modèle français à un système fédéral. Sur le continent
américain, l’autonomie est l’expression préférée ainsi que l’atteste la charte ibéro américaine d’autonomie municipale
(adoptée en Septembre 2008). Sur l’utilisation du terme par les organisations internationales, v. le rapport du Comité
d’Experts de l’administration publique intitulé Gouvernance et administration publique locales axées sur les résultats présenté à
sa onzième session (New York, 16-20 avril 2012) au Conseil Economique et Social des Nations Unies et qui fait
abondamment référence au concept d’autonomie.

FAURE B., «Réforme constitutionnelle et décentralisation : des slogans font loi», RDP, 2003, p. 122 ; De VILLIERS
69

M., Droit public général, Paris, Litec, 2002, p. 160 ; PACTET P., Institutions politiques. Droit constitutionnel, Paris, Dalloz-A.
Colin, 2003, p. 48.
70A l’occasion, le député Michel BUILLARD concluait son discours à l'Assemblée Nationale en déclarant qu'il voyait
dans l'autonomie «une variante de la décentralisation» (Les Nouvelles de Tahiti, éd. du 21 novembre 2002). Pour son collègue,
Pascal CLEMENT, Président de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration
générale, l’autonomie «C’est au-delà de la décentralisation» (Les Nouvelles de Tahiti, éd. du 30 août 2003, p. 4).

11
Si pour JOYAU, l’autonomie réfère au pouvoir normatif des collectivités, pour AL
WARDI, GOHIN, de LAUBADERE par exemple, elle désignerait une répartition
exceptionnelle des compétences entre le pouvoir central et les autorités locales71. La
définition que le Conseil de l’Europe donne de l’autonomie locale est à la fois simple,
précise et détaillée. Il la conçoit comme «le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de
régler et de gérer dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leur population, une
part importante des affaires publiques»72. Tout en préférant au concept d’autonomie locale le
vocable décentralisation, la Charte africaine des valeurs et des principes de la
décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local s’inscrit dans une
perspective similaire73. En effet, la décentralisation y est définie (art. 1er) comme «le transfert
des pouvoirs, des responsabilités, des capacités et des ressources du niveau national à tous les niveaux sous-
nationaux de gouvernement afin de renforcer la capacité des gouvernements sous-nationaux à promouvoir la
participation des populations et la fourniture de services de qualité».

Il se dégage, de ses multiples appréhensions, que l’autonomie locale s’exprime sous forme
de liberté. Dans la plupart des Etats francophones, c’est sous la forme du principe de libre
administration que l’autonomie locale trouve sa garantie constitutionnelle74. En outre,
comme à ses origines, la commune est consubstantielle au concept d’autonomie, de façon
générale, la doctrine assimile libre administration et autonomie locale75. A cet effet,

71 JOYAU M., De l’autonomie des collectivités territoriales françaises. Essai sur la liberté du pouvoir normatif local, Paris, LGDJ.,
«Bibliothèque de droit public», T. 198, 1998, p. 15. AL WARDI S., Tahiti et la France, le partage du pouvoir, Paris,
L’harmattan, Logiques juridiques, 1998, p 305. Pour d’autres conceptions, v. BIDEGARAY C., «Avant-propos» in
BIDEGARAY C. (dir.), L’État autonomique : forme nouvelle ou transitoire en Europe ?, Paris, Economica, 1994, p. 5 ; GOHIN
O., «Les formes de l’État français depuis 1958», Politeia, n° 12, Paris, 2007, p. 223 ; MARCOU G., «L’autonomie
communale : étude comparée», Pouvoirs, n° 95, 2000, p. 69 ; De LAUBADERE A., «La loi d'orientation de
l'enseignement supérieur et l'autonomie des Universités», A.J.D.A., 1969, p. 3 ; MOYRAND A., De l'autonomie
administrative à l'autonomie politique, Le statut du territoire de Polynésie française. Bilan de dix ans d'application : 1984-1994,
Economica-PUAM, 1996, p. 148.
72 Charte européenne de l’autonomie locale, 15 octobre 1985, art. 3.
73 Adoptée par la 23ème session ordinaire de la conférence des Chefs d’Etat tenue à Malabo le 27 juin 2014.
74 En Europe, sauf dans quelques pays qui ont préféré une référence directe à l’autonomie (Italie-art. 5 de la Const.,
Espagne-art. 140 de la Const. et Portugal art. 6 de la Const.), dans tous les autres cas, y compris en Europe de l’est
(sauf la Roumanie), l’expression employée correspond littéralement à l’expression allemande Selbstverwaltung, laquelle
est définie à l’article 28.2 de la loi fondamentale allemande comme «le droit de régler, sous sa propre responsabilité, toutes les
affaires de la communauté locale», ce qui correspond bien à la notion de «libre administration» de la constitution française,
comme à la notion anglaise de self-government». MARCOU G., op. cit., p. 70.
75
NGONO TSIMI L., L’autonomie administrative et financière des collectivités territoriales décentralisées : l’exemple du Cameroun,
Thèse, Droit Public, Paris-Est Créteil Val-de-Marne, 2010, p. 12.

12
KELSEN écrivait que l’autonomie est la forme parfaite de décentralisation 76.
Spécifiquement pour les juristes financiers dont PHILIP Loïc, l’autonomie est indissociable
de la libre administration77.

Le Conseil constitutionnel français ne distingue pas libre administration et autonomie pas


plus qu’elle ne le fait pour autonomie et liberté78. Le Conseil d’Etat utilise aussi les deux
expressions comme synonymes79. Sur le continent africain et particulièrement en Afrique
de l’Ouest francophone, la même tendance à la synonymie peut être relevée par exemple
dans l’exposé des motifs du code sénégalais des collectivités locales 80. La loi n° 055-
2004/AN portant Code général des collectivités territoriales au Burkina-Faso renferme
cette synonymie que reprend également l’article 4 de l’Ordonnance n° 2010-54 portant
Code des collectivités territoriales au Niger81. En admettant que l’étymologie du mot
autonomie est «se gouverner par sa propre loi», la collectivité autonome serait donc celle qui
détermine elle-même les règles qui la régissent, sans pour autant être dans une situation de
totale indépendance comme un Etat souverain. Bien qu’il existe d’autres perceptions qui
seront abordées plus amplement dans la suite des analyses, la synonymie entre libre
administration et autonomie sera adoptée dans le cadre de cette réflexion qui se propose
d’apporter une contribution aux réflexions que soulève l’effectivité des libertés locales dans

76
KELSEN H., Théorie générale du droit et de l’Etat, Bruxelles, Bruylant, 2001., p. 354 et s. ; v. aussi TROPER M., «La
libre administration et théorie générale du droit. Le concept de libre administration», in MOREAU J. et DARCY G.
(dir.), La libre Administration des collectivités locales. Réflexion sur la décentralisation, Economica, Presse universitaire d’Aix-
Marseille, 1984, p. 62 ; DARNANVILLE H. M. , op. cit., p. 671 ; BERTHON C., Décentralisation et Conseil constitutionnel,
La Documentation Française, 1996, pp. 17-19 ; se référer aux rapports n° 183 à 187, 205, 226 et 239 à 247 des travaux
préparatoires et débats parlementaires de 1945 -1946.

77PHILIP L., «L’autonomie financière des collectivités territoriales», in Les Cahiers du Conseil Constitutionnel, N° 12/2002,
p. 96 ; v. également BOUVIER M., «De l’autonomie financière et de la libre administration des collectivités locales»,
JCP, 28 octobre 2002, n° 1097.
78 Dans sa décision 84-174 DC du 25 juillet 1984, alors que la saisine des députés invoquait une atteinte au «principe
d’autonomie des collectivités territoriales posé par l’article 72, alinéa 2 de la Constitution», le Conseil constitutionnel utilise le terme
liberté pour désigner l’autonomie.
79 CE, 25 janvier 1980, Lebon, p. 43 : le Commissaire du Gouvernement utilise dans ses conclusions l’expression
autonomie des collectivités locales en lieu et place du principe de libre administration.

80Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013, art. 27 al. 2 : «Le département a compétence pour promouvoir le développement économique
(…) dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des autres collectivités locales».

81 Art. 14 : «Les collectivités territoriales s’administrent librement dans le respect strict de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale, de
l’identité et de l’autonomie de chaque collectivité».

13
des Etats historiquement marqués par les partis uniques d’une part et ayant eu, en héritage
de la colonisation, le modèle d’Etat unitaire, d’autre part82.

La libre administration est consacrée par la plupart des constitutions des Etats d’Afrique
francophone83. L’affirmation de ce principe n’est d’ailleurs pas une nouveauté. Il s’agit plus
d’une restauration après des décennies d’évolution à rebours. En effet, en dehors des
expériences faites sous la période coloniale, les toutes premières constitutions post
indépendances avaient instauré des libertés locales. Il suffit d’évoquer quelques rappels
historiques pour s’en apercevoir.

La libre administration existait en Afrique subsaharienne précoloniale84. En se référant à


l’anthropologie juridique du continent, les facteurs explicatifs peuvent être mieux
appréhendés. Dans les États précoloniaux -États dans ce sens où ils étaient composés d’un
territoire, d’une population et d’un gouvernement- la décentralisation était la règle et la
centralisation, l’exception. L’organisation des pouvoirs faisait une place importante à la
proximité. En effet, les gouvernements fortement centralisés n’étaient pas légion en Afrique
noire sub-saharienne85.

L’autonomie a été souvent au cœur des relations entre administration locale et pouvoir
central colonial. La toute première expérience de la période coloniale remonte précisément
à 1872, année à laquelle Dakar, la capitale est devenue commune de plein exercice. Mais,

82 NGONO TSIMI L., op. cit., p. 130 et s.


83Burkina-Faso, art. 143 et 145, Const. 1997 (Loi n° 002/97/ADP du 27 janvier 1997) ; Côte d’Ivoire, art. 119, Const.
2000 ; Mali, art. 98, Const. 1992 ; Maroc, art. 136, Const. 2011 ; Sénégal : art. 102, Const. 2001 ; Tchad, art. 205, Const.
2005.

TSHIYEMBE M., «L’Etat en Afrique : crise du modèle importé et retour aux réalités. Essai sur la théorie de l’Etat
84

multinational », in Mélanges F. Borella : Etat, société et pouvoir à l’aube du XXIème siècle, Nancy, Presses universitaires de
Nancy, 1999, pp.485-519.
85 AYITTEY G., «La démocratie en Afrique précoloniale», Africa 2000, n° 2, août 1990, p.52 : «Du fait de la pauvreté des
moyens de communication, il était impossible d’empêcher les États de se morceler et il n’est pas étonnant que les plus stables et les plus
durables aient été ceux qui disposaient de voies navigables, en particulier les royaumes du Soudan occidental desservis par le Niger. Et, là
où l’on tenta la centralisation au moyen de la force militaire, l’effondrement fut aussi rapide que l’édification. Ainsi s’effondrèrent l’empire
Oyo, au cours de la première moitié du XIXème siècle, l’empire Akwamu de la Côte de l’Or, au XVIIIème et l’empire Zoulou dans la
seconde moitié du XIXème siècle. Il est assez instructif de noter que les facteurs qui compromirent le gouvernement fort et centralisé restent
encore valables aujourd’hui : leçon amère pour les dirigeants actuels».

14
les remises en cause ne tarderont pas à se manifester86. Plusieurs décrets seront pris pour
imposer des restrictions aux pouvoirs locaux87. La marginalisation des élus locaux qui en a
résulté a accru le clientélisme et le patronage, exacerbé les luttes ethno-politiques et les
manipulations des ressources financières ; travers sur lesquels l’administration coloniale a
été permissive pour, sans doute, éviter les crises à connotation raciale et surtout pour se
donner une certaine prise sur les leaders politiques locaux. Finalement, les communes
seront présentées comme des modèles de contreperformance. La gestion désastreuse des
communes ainsi que la complicité des administrateurs coloniaux ont servi de levier pour le
renforcement de la tutelle du pouvoir central et le resserrement de l’autonomie locale88.

Pour la première fois après les indépendances, c’est à l’article 98 de la Constitution


dahoméenne du 11 janvier 1964 qu’on retrouve l’affirmation de la libre administration des
collectivités territoriales89. Il dispose que «Les collectivités territoriales sont les communes, les
départements. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi. Ces collectivités sont administrées
librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi». La charte du 1er septembre
1966 fixant les règles fondamentales de la République consacre un recul 90. L’article 100 de
la Constitution du 08 avril 1968 adoptée par référendum le 31 mars 1968 rétablit la libre
administration qui fut à nouveau retirée du texte constitutionnel de 1969 ainsi que de celui
de 197091. Sous le Gouvernement Militaire Révolutionnaire à partir de 1974, l’organisation

86 Archives Nationales du Sénégal, Décret portant création d’institutions municipales au Sénégal et dépendances, 10
juillet 1872. Pour la suite, v. BENGA N. A., L’évolution politique de la ville de Dakar de 1924 à 1960, Mémoire de maîtrise,
Université Cheikh Anta Diop, 1989, 205 p. ; ZUCCARELLI F., «La vie politique dans les quatre communes du
Sénégal», Ethiopiques, n° 12, 1977, pp. 34-35 ; DIOP M. C., DIOUF M., «Pouvoir central et pouvoir local. La crise de
l’institution municipale au Sénégal» in JAGLIN S., DUBRESSON A., Pouvoirs et cités d’Afrique Noire. Décentralisations en
questions, Paris, Karthala, 1993, pp. 101-125 ; LEGIER H. J., «Institutions municipales et politique coloniale», Revue
française d’histoire d’Outre-Mer, T. LV, n° 201, 1968, pp. 448-449.
87Les décrets du 06 mai 1918 et du 25 janvier 1927 ont retiré aux communes leurs compétences en matière d’hygiène
et de salubrité. Ils seront suivis par le décret du 15 novembre 1927 en ce qui concerne la petite voirie et la police
municipale.
88 DIOP M. C., DIOUF M., op. cit., pp. 106-107.

89 En effet, la constitution du 26 novembre 1960, la toute première du Bénin indépendant, s’était juste limitée à disposer
en son article 68 que «Les collectivités territoriales de l’Etat sont créées par la loi. La loi détermine les principes fondamentaux de
l’administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources».

90 Art. 46 : «Les collectivités territoriales sont : les circonscriptions urbaines, les départements. Toute collectivité territoriale est créée par
ordonnance. Ces collectivités sont administrées librement par des conseils nommés et dans des conditions prévues par ordonnance».

91 Charte du 26 décembre 1969 portant Charte du directoire, article 39 : «Les collectivités territoriales sont : les circonscriptions
urbaines, les départements…» ; Ordonnance du 07 mai 1970 portant charte du Conseil Présidentiel, article 52 : «Les
collectivités territoriales sont les circonscriptions urbaines et les départements…».

15
administrative fit relever la gestion des affaires locales d’organes locaux du pouvoir d’Etat
qui ne jouissaient pas de la libre administration, concept que le texte n’évoque d’ailleurs
pas92. La Loi constitutionnelle du 13 août 1990 portant organisation des pouvoirs durant la
période de transition tout en reconnaissant l’existence des collectivités n’instituera pas leur
libre administration, prudence ou insuffisance qui sera levée quelques mois plus tard par la
constitution du 11 décembre 199093.

Il apparaît ainsi que, pour tout Etat moderne, la libre administration constitue un indicateur
de démocratisation du pouvoir d’Etat et un instrument de développement équilibré du
territoire94. En effet, le modèle d’Etat centralisé qui a promu l’interventionnisme et le
dirigisme comme fondement de l’action publique n’est plus approprié pour répondre aux
exigences objectives et aux revendications de participation politique consubstantielles à
toute vie en société. Il l’est moins pour la fourniture efficace de services publics de qualité
qui ne peut s’accommoder d’un système administratif centralisé et concentré 95. Ces
exigences ont justifié la nécessité d’un nouvel aménagement de l’Etat96. Même si le lien
démocratie-décentralisation-développement fait débat en doctrine, il est confirmé par la
législation dans plusieurs pays d’Afrique de l’ouest francophone 97. Ainsi décliné, le sujet
présente un intérêt certain pour la recherche.

92Ordonnance du 18 novembre 1974 portant structure du pouvoir sous le Gouvernement Militaire Révolutionnaire,
articles 77 à 103.

93 Loi constitutionnelle du 13 août 1990 portant organisation des pouvoirs durant la période de transition, art. 45 : «Les
collectivités territoriales de la République s’administrent suivant les conditions fixées par la loi» ; art. 46 : «La loi détermine le nombre, la
compétence des collectivités territoriales ainsi que le mode de désignation de leurs responsables» ; Constitution du 11 décembre 1990,
Titre X, art. 150 à 153.

94 Bénin, Const. : art. 153 ; Niger, Const. : art. 165 ; Tchad, Const. : art. 209.

95 VANDELLI L., «Formes et tendances des rapports entre Etats et collectivités territoriales», Revue française
d'administration publique, 2007/1, n° 121-122, pp. 19-34.
96 Le nouvel Etat territorial devrait être caractérisé par, entre autres, «moins de structures et plus d’efficacité», une «nouvelle
organisation pour répondre aux nouveaux besoins» (v. par exemple, Conseil de Modernisation des politiques publiques
(France), Compte rendu de la session du Mercredi 11 juin 2008).
97 Si HAURIOU M. [Traité de Droit constitutionnel, Sirey 1929, rééd. C.N.R.S. 1965, p.190] a affirmé que «la démocratie et
la souveraineté nationale vont à la décentralisation et à l’élection locale comme un fleuve suit sa pente», Christophe CHABROT
démontrera plus tard que le «lien entre la démocratie et la décentralisation ne semble pas si évident à affirmer, ni administrativement
ni même constitutionnellement» (V. à ce sujet, sa communication, «Démocratie et Décentralisation : un couple platonique?»
au Vème Congrès de l’Association Française des Constitutionnalistes (Toulouse, 6-7-8 juin 2002) publiée dans Civitas
Europa, n° 11, septembre 2003) ; v. également REGOURD S., «De la décentralisation dans ses rapports avec la
démocratie, genèse d’une problématique», RDP, 1990, p. 978. Bénin, Loi n° 97-029 du 15 janvier 1997 portant
organisation des communes en République du Bénin, art. 2 : «La commune constitue le cadre institutionnel pour l'exercice de la

16
B. L’intérêt du sujet

Il est admis qu’il y a un lien de causalité entre libre administration et bonne gouvernance,
entre autonomie et développement98. Le constituant originaire a confié aux collectivités
territoriales le mandat de s’administrer qui implique nécessairement celui de combler les
déficits de services essentiels. La réalisation de cette vision dépend de la garantie que lui
offrent les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire qui concourent à l’exercice de la
souveraineté juridique. En effet, une liberté n’a de sens que si elle peut être exercée en droit
et en fait.

A partir des années 1990, comparativement à l’époque des partis uniques, il a pu y avoir des
avancées au plan des libertés publiques y compris les libertés locales en Afrique de l’Ouest
francophone. Mais pour le scientifique, il ne convient pas de continuer à seulement
s’extasier sur ces succès de la révolution démocratique. Un quart de siècle après, et pendant
que la rhétorique de l’Etat de droit s’est installée avec force, il ne sied plus de se satisfaire
de ce que les choses s’améliorent globalement et continuer à se donner bonne conscience
en arguant que les choses vont mieux ici qu’ailleurs. Il n’est pas estimable, notamment pour
le juriste publiciste, de minimiser ou de dissimuler les failles par lesquelles commencent par
se réintroduire subrepticement dans l’action administrative des pratiques illégales. Bien au
contraire, il lui faut prendre note de ce que «le droit applicable à l’administration apparaît dans un
nombre trop élevé d’hypothèses, comme un droit sans obligation ni sanction et que le spectre du déni de justice
est loin d’être totalement banni…»99. En réalité, le soupçon classique de privilège continue de
peser sur l’administration100.

démocratie à la base. Elle est l'expression de la décentralisation et le lieu privilégié de la participation des citoyens à la gestion des affaires
publiques locales» ; Niger, Ord. n° 2010-54 portant code des collectivités territoriales du Niger, art. 3, al. 5 : «Les communes
et les régions constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la vie locale». V. également pour le Sénégal, les articles
6 et 7 de la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités locales, au Burkina Faso la Loi
n°055-2004/AN du 21 décembre 2004 portant Code général des collectivités territoriales, art. 11 et 12.

98 KI-ZERBO J., Repères pour l’Afrique, Dakar, Panafrika, 2007, p. 107 : «On ne développe pas, on se développe. Il n’y a pas de
développement clés en main. Le seul développement viable et valable, est le développement clés en tête».
99 LOCHAK D., «Le droit administratif, rempart contre l’arbitraire ?», Pouvoirs, n° 46, 1988, p. 44.

100 CHEVALLIER J., «Droit administratif, droit de privilège?», Pouvoirs, n° 46, 1988, pp. 57-70.

17
Au-delà de certaines explications facilement servies, il n’échappe pas à l’observateur qu’il
existe encore des prérequis essentiels qui ne sont pas réunis dans la mise en place des
réformes territoriales. Or, au plan immatériel, l’ineffectivité des normes et réformes est une
menace à la stabilité politique et à la sécurité juridique101. L’ineffectivité s’explique, dans la
plupart des cas par l’inapplicabilité mais surtout par l’inapplication des législations 102.
Souvent, la tentation est forte de supposer une inadéquation des textes en vigueur et
d’inciter à la prise d’autres, souvent sans évaluation préalable sérieuse. Ainsi se cristallise
une sorte d’inflation normative qui rend très peu accessible et moins intelligible la loi.

Hormis le simple constat d’effectivité ou d’ineffectivité, il serait utile, à partir des


expériences, bilans et enseignements tirés de la mise en œuvre des politiques de
décentralisation, de s’interroger sur la réalisation ou non des conditions essentielles à la
garantie de la libre administration. L’intérêt d’une telle recherche est évident lorsqu’on sait
que la décentralisation et par ricochet son corollaire, la libre administration, constituent des
leviers importants de démocratisation qui devraient créer les conditions pour l’éclosion
d’une administration qui accompagne le développement socio-économique. Thierry
MICHALON dans son ouvrage, Quel Etat pour l’Afrique?, entrevoit deux itinéraires
possibles pour lesquels les prix à payer diffèrent. Ou à travers la concentration et la
centralisation, les institutions étatiques entreprennent de changer les mentalités et de
détruire les réalités locales, ou elles optent pour utiliser et valoriser au mieux ces énergies
locales spécifiques. Dans ce dernier cas, les dirigeants acceptent la décentralisation et la
subsidiarité103 qui leur vaudront le consensus populaire qui seul peut vite libérer ces énergies
bloquées et créer les conditions de préservation de l’intérêt général104.

101 PORTALIS J.-E-M., Discours préliminaire du premier projet de code civil prononcé le 21 janvier 1801 : «Il ne faut point de
lois inutiles ; elles affaibliraient les lois nécessaires ; elles compromettraient la certitude et la majesté de la législation» ; la loi ne doit point
être vue comme acte de puissance mais plutôt comme acte «de sagesse, de justice et de raison».
102 Il ne faut guère «perdre de vue que les lois sont faites pour les hommes, et non les hommes pour les lois ; qu’elles doivent être adaptées
au caractère, aux habitudes, à la situation du peuple pour lequel elles sont faites» (PORTALIS, ibidem). Dans ce sens, René
SABATIER avertit qu’«une norme sociale même rendue obligatoire par un texte juridique, ne s’appliquera que si elle est sociologiquement
praticable» (SABATIER R., «Les creux du droit positif au rythme des métamorphoses d’une civilisation», Le problème des
lacunes en droit, Bruxelles, Bruylant, 1986, p.534).

103La subsidiarité est un principe d’organisation politique et sociale suivant lequel la responsabilité d’une action
publique doit être confiée à la plus petite entité proche disposant des capacités pour l’accomplir. Voir CORNU G.,
Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2011, p. 984.

104 MICHALON Th., Quel Etat pour l’Afrique?, Paris, L’Harmattan, 1984, 190 p.

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Un autre attrait de cette réflexion réside dans son actualité. Certes, de multiples travaux de
recherche et ouvrages ont été consacrés à la libre administration105. Cet intérêt s’explique.
En effet, comme ce fut le cas pour de nombreux principes consacrés par les premières
constitutions en Afrique, la libre administration est demeurée pendant longtemps dans
l’ordre du symbole106. En ces moments de revendication que les pouvoirs politiques
s’acharnaient à étouffer, l’autonomie locale a fait l’objet de réflexions dans le monde
scientifique africaniste107. Mais depuis l’organisation d’élections locales dans ces pays, les
travaux sur le sujet ne sont plus légions108. Il y en a relativement moins sur la 3ème génération
de décentralisation, celle qui a cours depuis le début des années 1990. Peu de travaux
s’appesantissent particulièrement sur la libre administration en tant que liberté publique.
Les libertés locales ne bénéficient plus que d’une place congrue dans les recherches et
colloques universitaires aussi bien en droit qu’en science politique, comme si les chantiers
y afférant étaient achevés ou que la décentralisation n’était pas en prise directe avec les

105 CHAPUISAT L.-J., La notion d’affaires locales en droit administratif français, Thèse, Paris II, 1972, 545 p. ; BÉNOIT J.,
Théorie juridique de la décentralisation administrative en France, Thèse, Paris II, 1990, 2 T., 758 p., BACOYANNIS C., Le
principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, Paris, Economica-PUAM, 1993, 319 p. ; MARCEAU
A., Les règles et principes constitutionnels relatifs au contrôle des collectivités territoriales : étude sur l’article 72 alinéa 3 de la Constitution
française du 4 octobre 1958, Thèse, Lille, ANRT, 2000, 545 p. ; CASTANIÉ S., La parlementarisation des assemblées délibérantes
des collectivités territoriales, Thèse, Université de Pau et des Pays de l’Adour, 2002, 2 T., 538 p. ; FOURNIE F., Recherches
sur la décentralisation dans l’œuvre de Maurice HAURIOU, Paris, LGDJ, 2005, 629 p.

106 Du BOIS de GAUDUSSON J., «Le constitutionnalisme en Afrique», Les Constitutions africaines publiées en langue
française, Paris, La documentation française, 1978, p. 3 : «L’étendue des droits africains, en ce domaine (constitutionnel) comme en
droit public en général, serait de peu d’intérêt, car ils ne représenteraient que de simples prolongements des droits des pays industrialisés et
plus spécialement des anciennes métropoles. Ces droits ne seraient en outre que le produit d’une influence générale et omniprésente de modèles
et conceptions élaborés ailleurs, en ce sens qu’ils auraient la caractéristique d’être sans réel impact, le mimétisme contribuant à leur ineffectivité,
leur principal office étant de remplir des fonctions purement symboliques».

107 PARIS D., Abidjan : la municipalité et ses problèmes, Mémoire de DES, Droit public, Abidjan, 1974 ; GOUHIRI TITIRO
M., L'organisation administrative territoriale de la Côte d’Ivoire de 1893 à nos jours, Thèse, Droit, Strasbourg, 1979 ; DEGNI
SEGUI A., L'administration locale ivoirienne, Thèse, Droit, Aix-en-Provence, 1982 ; APPIA K., Recherche sur le contenu de
l’autonomie des organes décentralisés. Etude appliquée à l’expérience ivoirienne, Thèse, Doctorat de 3ème cycle de Droit Public,
Aix-Marseille, 1985, 404 p. ; HOLO Th, «La décentralisation au Bénin : mythe ou réalité?», Revue béninoise des sciences
juridiques et administratives, n° 7, décembre 1986 ; NLEP R. G., L'administration publique Camerounaise : Contribution à l'étude
des systèmes africains d'administration publique, Paris, LGDJ., 1986. En dehors du continent, v. AUDAT P. L., Décentralisation
et développement : l'exemple de l'Afrique de l'ouest, CAFRAD, déc. 1968.
108 On peut toutefois citer OUATTARA S., Gouvernance et libertés locales pour une renaissance de l’Afrique, Paris, Karthala,
2007, 242 p. ; TOTTE M. et al. (dir.), La décentralisation en Afrique de l’Ouest : entre politique et développement, Paris, Cota-
Karthala-ENDA GRAF, 2003, 408 p. ; MEDE N., «L’autonomie «retenue» : Etude sur le principe de libre
administration des collectivités territoriales en Afrique de l’Ouest francophone», Revue juridique et politique des Etats
francophones, vol. 62, n° 2, pp. 188-208 ; METODJO A. K. A., Décentralisation, démocratisation et pouvoir local au Bénin.
Logiques de construction de la notabilité de maire, Mémoire, Master Recherche, Science Politique, Paris I, 2007, 157 p. ;
NSAKANI J., «Décentralisations congolaises : un processus inachevé», Revue congolaise de droit et de notariat, n° 22,
Janvier-Juin 2008, pp. 3-25.

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questions majeures de développement socio-économique des Etats109. Cette atonie
contraste avec les enjeux de gestion publique que soulève la décentralisation, la protection
des libertés locales au profit des communautés et le développement. Même si la plupart des
ouvrages de droit administratif réservent des développements à la décentralisation
territoriale, une réflexion sur l’effectivité de la libre administration dans les années post
renouveau démocratique en Afrique de l’ouest francophone est d’un intérêt scientifique
certain ainsi qu’en attestent ses orientations110.

II. Les orientations de la recherche

Il s’avère utile de présenter d’abord les éléments substantiels de contenu de la libre


administration et exposer l’état des débats majeurs sur le sujet (A) avant d’exposer la
problématique et l’organisation du travail (B).

A. La libre administration en question

Des multiples travaux que la libre administration a cristallisés, il convient de retenir qu’elle
ne devient effective que pour autant que lui sont créés des cadres juridique, institutionnel
et financier adéquats. Autrement dit, la libre administration n’est garantie que lorsque les
organes locaux ont «la maîtrise juridique de leur activité» 111 . Ce qui exige au moins trois
préalables. D’abord, le bénéfice de la personnalité juridique, ensuite l’élection des dirigeants
et enfin, l’autonomie financière112 .

109Le Centre de Droit Administratif et de l’Administration Territoire, a organisé en janvier 2015, sous la direction du
Pr Ibrahim SALAMI, un colloque sur l’effectivité de la décentralisation au Bénin.

110 V. entre autres, RIVERO J., WALINE J., Droit administratif, Paris, Dalloz, 21ème éd., 2006, pp. 70-160 ; CHAPUS
R., Droit administratif général, Paris, Montchrestien, 15ème éd., pp. 389-435 ; SY D., Droit administratif, Dakar, CREDILA,
L’Harmattan Sénégal, éd. revue corrigée et augmentée, pp. 197-243 ; SALAMI I. D., Droit administratif, Cotonou,
CeDAT, 2015, pp. 78-84.
111Au Bénin, l’organe délibérant est dénommé conseil communal pour les communes de droit commun et conseil
municipal pour les communes à statut particulier (Loi n° 97-029, art. 11 ; Loi n° 98-005, art. 6). Au Niger, il s’agit du
conseil municipal pour toutes les communes (Ord. n°2 010-54, art. 22 et 23) et du conseil régional pour les régions
(Ord. n° 2010-54, art. 97 et 98). EISENMANN Ch., «Les structures de l’administration» in Traité de science administrative,
Paris, Ed. Mouton, 1966, p. 229.

112VEDEL G., Droit administratif, Paris, PUF, p. 641. : «L’élection est par excellence la technique qui assure l’autonomie des organes
chargés de la gestion des intérêts en question».

20
La personnalité juridique fait de la collectivité territoriale décentralisée une personne
morale, un sujet de droit, distinct de l’Etat central. Ce statut confère à celle-ci une aptitude
à la vie juridique. Cette condition est si essentielle qu’elle est souvent incluse dans la
définition de la décentralisation113 ainsi que le reflète celle qu’en donne PACTET114. La
libre administration apparaît ainsi comme une liberté de nature essentiellement
organique115. Il n’y a qu’à considérer les textes constitutionnels pour s’en convaincre. Bien
qu’étant habilité à déterminer les conditions de la libre administration, le législateur trouve
une limite à son intervention, «celle qui résulte de l’existence nécessaire de conseils élus»116. Pour
garantir l’autonomie de la collectivité territoriale, le procédé le plus convenable et le plus
efficace est celui de l’élection de l’organe chargé de l’administrer auquel elle est censée
assurer une relative indépendance117. Encore faut-il que lesdits organes soient dotés de
compétences couvrant l’ensemble des affaires essentiellement locales.

La collectivité bénéficie d’une clause générale de compétence qui lui donne vocation à gérer
ses propres affaires118. C’est le sens qu’il convient d’accorder à la Décision n° 85-196 DC,
Loi sur l’évolution de la Nouvelle-Calédonie, du 8 août 1985 du Conseil constitutionnel français
qui a estimé que, pour s’administrer librement, une collectivité locale doit disposer d’un
conseil élu «doté d’attributions effectives»119. Il ne peut toutefois en être déduit que tout

113V. à ce sujet, SCHÖNDORF-HAUBOLD B., «L'émergence d'un droit commun de l'autonomie territoriale en
Europe», Revue française d'administration publique, 2007/1, n° 121-122, p. 203 ; CORNU G., op. cit., p. 296 ; DEBBASCH
Ch. et al., Lexique de politique, 7ème éd., Paris, Dalloz, 2001, p. 129.

114 PACTET P., Institutions politiques. Droit constitutionnel, Paris, Dalloz - A. Colin, 2003, pp. 48-49 : «en dehors et en marge
de l’Etat personne morale… des collectivités territoriales… dotées elles aussi de la personnalité morale, habilitées à s’administrer elles-
mêmes dans des conditions d’une relative autonomie par rapport aux gouvernants et aux organes centraux».

115 CHAPUISAT L.-J., «Libertés locales et libertés publiques», AJDA, 1982, p. 354.
116BOULOUIS J., «Une nouvelle conception institutionnelle de l'administration territoriale. Commentaire des
décisions du Conseil Constitutionnel», AJDA., 1982, p. 304.
117 De VILLIERS M., Le DIVELLEC A. la définissent comme la «procédure par laquelle un corps électoral confère un mandat
à une ou plusieurs personnes qu’il choisit par son vote». De VILLIERS M., Le DIVELLEC A., Dictionnaire du droit constitutionnel,
Paris, Dalloz|Sirey, 7ème éd. 2009, p. 142. PACTET P., ibidem. JICQUEL J., op. cit., p. 65. L'élection constituerait «la
pierre de touche de la décentralisation».
118 Ce qui la différencie des établissements publics qui obéissent au principe de spécialité.

119 Dans une perspective développementaliste, cette conception reste valide ainsi que l’affirme Alpha Omar KONARE
pour qui «Le postulat de tout développement possible me semble basé sur la décentralisation. Principe fondé sur une morale de l’humilité
de l’Etat et sur la conviction qu’il ne saurait y avoir de meilleur avocat que les populations elles-mêmes pour déterminer leurs propriétés et
gérer leur cause. La décentralisation n’est pas la panacée mais la seule alternative à l’exclusion et aux abus de tous genres...». Voir
KONARE, A.O., Discours prononcé au colloque international sur «L’Afrique et les nouvelles technologies de
l’information», Genève, 17 octobre 1996.

21
aménagement législatif des compétences ou une spécialisation soit contraire à la
constitution120. Il est même nécessaire notamment lorsque l’organisation territoriale prévoit
plusieurs échelons de collectivités territoriales. Il importera seulement que soit préservé
l’esprit qui est à l’origine de la clause de compétence121. Mais la question des compétences
locales est en prise directe avec une difficulté, celle de la délimitation des affaires locales
que la dynamique de la vie locale ne permet guère d’enfermer dans une énumération et que
la nécessaire collaboration entre personnes territoriales ne permet pas de barricader 122.

Au plan des moyens, la libre administration suppose une liberté d’organisation qui se
manifeste à travers la libre mobilisation et l’autonomie de gestion des moyens financiers,
matériels et humains123. Le conseil délibérant est responsable de la définition en quantité et
en qualité desdits moyens que l’exécutif de la collectivité met en œuvre124. Or, la collectivité
est un employeur singulier125. Elle est autonome, administrée par un conseil doté d’un
exécutif, tous élus pour un mandat limité mais gérant des ressources publiques. Cette
spécificité induit la nécessité pour le législateur d’instaurer un régime qui, quoique
nécessairement libéral, assure une bonne utilisation des ressources publiques.

Une collectivité ne peut être autonome sans moyens propres d’action. En France, depuis
les lois de 1871 sur le département et de 1884 sur la commune, décentralisation et
autonomie financière sont demeurées liées126. En ce sens, le pouvoir budgétaire local peut

120 PASTOREL J.-P., «Collectivité territoriale et clause générale de compétence», RDP, 2005, pp. 51-80. V. aussi
PONTIER J.-M., «Semper manet. Sur une clause générale de compétence», RDP, 1984, pp. 1443-1472 et BÉNOIT F.-
P., Collectivités locales, Dalloz, T. 1, pp. 322-412.

121Art. 4 de la Charte européenne de l’autonomie locale : «Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour
exercer leur initiative pour toute question qui n’est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité».

BERNARD P., «La coopération entre l’Etat et les collectivités territoriales. Réflexions sur la co administration» in
122

CURAPP, La loi du 28 pluviôse an VIII, PUF, 2000, pp. 123-128.

123 Bénin : Loi n° 97-029, art. 108 ; Niger : Ord. n° 2010, art. 3, al. 3.
124Niger, Ord. n° 2010-54, art. 86 : «Le maire crée et organise, par arrêté, les services propres de la commune après délibération du
conseil municipal» ; art. 87, al. 2 : «Toute création de poste d’emploi doit être autorisée par le conseil municipal et inscrite au budget».
Bénin : Loi n° 97-029, art. 48 : «Le maire est le premier responsable de la commune. Il est le chef de l'administration communale».
125BOURDON J., «La fonction publique territoriale, 20 ans d’évolution permanente», AJDA, 2004, p.122 ;
FIALAIRE J., «Droit de la fonction publique territoriale et management des ressources humaines», RGCT, 2004, p.
847 ; THOENIG J.-C., PIN J.-F., «Où va la fonction publique territoriale?», Pouvoirs locaux, 2003/IV, n° 59, p. 9.
126 MUZELLEC R., «Qu’est-ce que l’autonomie financière des collectivités territoriales», LPA, n° 7, 1991, pp. 19-25.

22
être considéré comme un principe fondamental en matière de libre administration127. Ceci
implique que la collectivité dispose de marges suffisantes en matière de mobilisation et
d’affectation de ses ressources d’une part et de programmation des dépenses, d’autre part128.
La doctrine dominante et la jurisprudence font de l’autonomie financière une condition
essentielle de la libre administration129 car «avoir un patrimoine, avoir des agents, avoir des ressources
financières suffisantes, voilà qui est déterminant pour l’autonomie ainsi entendue»130. L’autonomie
financière se révèle être le point de convergence des différentes lignes directrices en matière
de libre administration.

Il demeure cependant que la notion d’autonomie financière n’est pas clairement définie par
le législateur. Même pour la doctrine, l’exercice paraît délicat. Le Pr Robert HERTZOG
souligne à ce propos que «si l’autonomie financière constitue un objectif politique faisant consensus, elle
devient insaisissable et pétrie de contradictions dès qu’on veut l’enfermer dans une définition juridique apte
à produire des effets normatifs»131. Elle peut néanmoins s’entendre, en définitive, comme étant
«la situation d’une collectivité locale disposant d’un pouvoir propre de décision et de gestion de ses recettes et

Le Conseil constitutionnel français l’admet implicitement lorsqu'il déclare que les modalités dérogatoires d'adoption
127

du budget régional, loin de porter atteinte au principe de libre administration des collectivités locales, tendait, au
contraire, à le rendre plus effectif. V. Déc. 397 DC du 6 mars 1998, consid. 12.

128ZELLER A., La France enfin forte de ses régions. Glossaire engagé de la décentralisation, Paris, Gualino Editeur, 2002, pp. 43-
45.

129 HOLO Th., «La décentralisation au Bénin : mythe ou réalité?», Revue béninoise des sciences juridiques et administratives,
n° 7, décembre 1986, p. 1. : «Sans autonomie financière, la décentralisation n’est que mirage» ; ESSONO EVONO A.,
«L’autonomie financière des collectivités locales en Afrique noire francophone. Le cas du Cameroun, de la Côte-
d’Ivoire, du Gabon et du Sénégal» (disponible en ligne via le lien URL: http://afrilex.u-
bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/4_L_autonomie_financiere_des_collectivites_locales_en_Afrique_noire_franc
ophone_-_le_cas_du_Cameroun_de_la_Cote_d_Ivoire_du_Gabon_et_du_Senegal.pdf ), p.6 : «il ne peut y avoir une libre
administration des collectivités locales sans une véritable autonomie fiscale locale» ; GAUDEMET P.-M. et MOLINIER J. affirment
aussi que « la décentralisation est purement apparente lorsque la collectivité locale n’a pas de liberté financière réelle, même si elle a des
compétences juridiques étendues... En fait, le degré d’autonomie, et par là même la mesure de la décentralisation, dépendent de l’aménagement
des finances locales, plus que de l’ampleur des matières qui relèvent de la compétence des autorités locales ou du statut juridique de ces
autorités», Finances Publiques, Editions Montchrestien, Paris, T. I, Budget/Trésor, 1996, p. 176. V. aussi, ROUX A., Droit
constitutionnel local, op. cit., p. 47 : «la libre administration peut aussi se trouver mise en cause par une réduction excessive des ressources
affectées aux collectivités» ; PILONE C., «L’autonomie financière des collectivités locales et le juge constitutionnel», Revue
du Trésor, 85e année, nº 10, Octobre 2005, p. 513 : «L’autonomie financière se révèle donc être un point de convergence des différentes
lignes directrices de la décentralisation». Le juge constitutionnel français ne contredit pas ce lien de causalité : Décisions n°
168 DC du 20 janv. 1984, consid. 10; 291 DC du 6 mai 1991, consid. 13; 397 DC du 6 mars 1998, consid. 5 et 6 ; 405
DC du 29 déc. 1998, consid. 50. Le juge constitutionnel qualifie toute réduction excessive des marges de liberté des
collectivités territoriales comme attentatoire à la libre administration.
130HERTZOG R., «L’autonomie en droit : trop de sens, trop peu de signification», Mélanges Paul AMSELLEK,
Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 468.

131 HERTZOG R., «L’ambigüe constitutionnalisation des finances locales», AJDA, mars 2003, p. 548.

23
de ses dépenses, regroupées en un budget, nécessaire pour l’exercice de ses compétences»132. Pour Guy
GILBERT, l'autonomie financière suppose une capacité, non seulement juridique mais
aussi économique, de réunir des ressources à hauteur des besoins de dépenses induits par
les compétences assumées133. Paul-Marie GAUDEMET et Joël MOLINIER trouvent en
l’autonomie financière un impératif. C’est pourquoi ils précisent que «l’autonomie n’est réelle
que si la collectivité a des recettes propres abondantes…et que si elle dispose d’une grande liberté dans ses
dépenses sans être entravée par des dépenses obligatoires ou par des dépenses interdites ou soumises à
approbation»134. L’autonomie financière peut être plus longuement décrite : «Elle est à la fois
la liberté de choisir les dépenses, celle de les décider et de les exécuter, la liberté de fixer le régime des recettes
ou certains aspects de certaines recettes (le tarif des prix, les taux des impôts ou aussi leur assiette), la
possibilité de choisir les modes de gestion, la capacité de déterminer librement le niveau et les types
d’endettement, l’existence de ressources suffisantes grâce à des transferts justement calculés»135. Elle
comporte au moins trois points d’application que sont la gestion, le budget et la fiscalité.

La question de la «suffisance» des ressources propres pour couvrir les charges que requiert
l’exercice des compétences est critique136. Or, l’autonomie fiscale ne correspond pas à
l’organisation unitaire de l’Etat, fut-elle décentralisée137. Dans la tradition française dont les
deux Etats béninois et nigérien sont héritiers, l’État unitaire demeure marqué par la doctrine
politique de l’égalitarisme républicain qui trouve son aboutissement juridique, en matière de

132 DUSSART V., L’autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels, Paris, Cnrs Editions, 2000, pp.12-13.

133 GILBERT G., «L'autonomie financière des collectivités locales est-elle en question ?», Quel avenir pour l'autonomie des
collectivités locales ?, Les 2è Entretiens de la Caisse des dépôts, Paris, Éd. de l'Aube, 1999, pp. 159-190.

134GAUDEMET P.-M. et MOLINIER J. Finances Publiques, Editions Montchrestien, Paris, T. I, Budget/Trésor, 1996,
p. 176.

135 HERTZOG R., «L’ambiguë constitutionnalisation des finances locales», op. cit. p. 550.
136 V. ROUX A., «L’autonomie financière des collectivités territoriales dans les constitutions européennes», Mélanges en
l’honneur de J. Jicquel. Constitutions et pouvoirs, Paris, Montchrestien, 2008, p. 483 : «L’autonomie financière revêt une double
dimension. En premier lieu, c’est la reconnaissance d’une capacité juridique de décision qui, en matière de recettes, implique un véritable
pouvoir fiscal, le pouvoir de créer et de lever l’impôt et, qui en matière de dépenses implique la liberté de décider d’affecter les ressources à telle
ou telle dépense. En second lieu, c’est la possibilité pour les collectivités régionales ou locales d’assurer le financement de leurs dépenses par
des ressources propres en volume suffisant» ; BAZIADOLY S., «La Charte européenne de l’autonomie locale et l’autonomie
financière des collectivités locales françaises», Revue générale des collectivités territoriales, n° 29, mai-juin 2003, p. 721 : ««dont
le montant dépend d’une décision prise par les collectivités locales : elles peuvent les instituer ou non et moduler leur assiette, elles en fixent le
tarif ou le taux».

137 BOUVIER M., «Le Conseil constitutionnel et l’autonomie fiscale des collectivités territoriales : du quiproquo à la
clarification», Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 33 (Dossier : le Conseil constitutionnel et l’impôt), Octobre
2011 ; «L'autonomie financière locale : illusion ou refondation?», in revue Pouvoirs locaux, n° 87, 2010.

24
décentralisation, dans une autonomie financière très limitée138. Au demeurant, le concept
de ressources propres n’est pas un concept juridique ayant un contenu rigoureusement bien
délimité par le législateur.

Les réflexions doctrinales sur le contenu de l’autonomie financière locale sont aussi
nombreuses que contradictoires139. Mais il est une constance. On s'explique mal que les
collectivités territoriales soient dispensées des rigidités que l'Etat supporte pour son propre
compte pour assurer les mêmes activités. De leur côté, les collectivités «voient dans l’Etat un
monstre froid, peu efficace, qui les submerge de normes inutiles et ne les consulte que lorsque ça l’arrange»140.
Cet environnement contraint les collectivités à la revendication chaque fois qu’il est
nécessaire que soient prises des mesures pour assurer l’effectivité de leur autonomie. C’est
souvent à l’occasion de l’examen des projets de loi de finances au parlement que les
associations des pouvoirs locaux ont l’occasion de faire connaître leurs positions et
propositions141 sur les nombreuses modifications que l’Etat ne cesse d’introduire chaque
année à travers la nomenclature et les règles comptables, l’assiette et les taux d’imposition,
les subventions à travers décrets, arrêtés ou simples circulaires et dont la véritable portée
n’est bien appréhendée qu’à la mise en œuvre.

Le dessein constitutionnel pour la collectivité territoriale est essentiellement libéral. En tant


que liberté, c’est le maximum qui devrait être recherché. Y sont donc contraires, toutes
contraintes excessives tendant à annihiler ses possibilités de choix. Mais ceci ne signifie pas
qu’aucun contrôle ne doit être exercé sur celles-ci. La doctrine et la jurisprudence admettent
des limites à la liberté de s’administrer des collectivités comme juridiquement et

BESSON E., L’encadrement constitutionnel de l’autonomie financière des collectivités infra-étatiques, Thèse, Droit public, Paul
138

Cézanne Aix-Marseille III, 2009, notamment pp. 72-96, 98-153.


139V. par exemple TULARD J.-M., «L’autonomie financière des collectivités locales », Regards sur l’actualité, dec. 2002,
n° 286, pp. 37 et s. ; DRAGO G., «La nécessaire consécration constitutionnelle d’un pouvoir fiscal des collectivités
territoriales, Mélanges Jacques Moreau, Paris, Economica, 2002, pp. 125-137 ; HERTZOG R., «L’ambiguë
constitutionnalisation des finances locales», AJDA, 2003, nº spécial (nº 11), pp. 548 et s.

140COTTEN M., TROSA S., «Solidarité et performance : les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales. Un
rapport de Pierre RICHARD», La Revue du Trésor, vol. 87.2007, 5, p. 466.
141 V. dans ce sens les documents de plaidoyer élaborés par l’Association Nationale des Communes du Bénin à
l’attention de la Commission des Finances et des Echanges du parlement béninois à l’occasion de l’examen des projets
de loi de finances 2012, 2013.

25
politiquement nécessaires142. Il est toutefois essentiel que ledit pouvoir de tutelle ne fasse
pas retomber la décentralisation dans la quasi hiérarchie qu’il a consacrée à ses débuts en
France par exemple143.

Il n’y a de véritable décentralisation que si et dans la mesure où les autorités locales reçoivent
le pouvoir de poser des règles ou des normes d’espèce avec la liberté que leur laisse la
législation sans être soumises à aucune volonté d’une autorité administrative d’Etat si ce
n'est en matière de contrôle de la légalité144. Du côté de l’Etat, un contrôle sur les actes des
collectivités est nécessaire à la préservation de la légalité et de la forme unitaire de l’Etat.
Pour les administrés qui peuvent avoir besoin d’être protégés contre les abus de l’autorité
locale, ce contrôle constitue une garantie et ne devrait donc pas justifier des atteintes
exorbitantes à cette liberté considérée comme fondamentale145 dans les démocraties
contemporaines. Dans les lois sur la décentralisation au Bénin et au Niger, ce contrôle prend
la forme d’une tutelle administrative146 et d’un contrôle juridictionnel.

Parlant de tutelle, Roland MASPETIOL et Pierre LAROQUE la définissent comme


«l’ensemble des pouvoirs limités accordés par la loi à une autorité supérieure sur les agents décentralisés et
sur leurs actes dans un but de protection de l’intérêt général»147. La tutelle administrative consiste

142 BAGUENARD J., «La décentralisation territoriale», Que sais-je ? Paris, PUF, 1980, p.14. Pour MASPETIOL R. et
LAROQUE P., La tutelle administrative, Sirey. Paris, 1930, p. 9, «la tutelle…trouve tout à la fois son origine et sa fin dans la
décentralisation».
.
143 BURDEAU F., «1789, l’administration territoriale et nous», Annuaire des collectivités locales, T. 9, 1989, pp. 11-12. A la

base de la pyramide, les municipalités sont sous la coupe des districts et départements. Autorités de tutelle en ce qui
concerne la gestion de leurs affaires propres, ils sont leurs supérieurs hiérarchiques quant à leurs tâches relevant de
l'administration générale. Les districts sont «entièrement subordonnés aux administrations de département…Les délibérations des
organes départementaux pour être exécutoires doivent être approuvées…Plus tard, la loi des 15-27 mars 1791 renforça l'autorité du pouvoir
central, en lui accordant le droit d'annuler leurs arrêtés et de suspendre leurs administrateurs».

144 EISENMANN C. «Les structures de l’administration», Traité de Science administrative, Paris, Mouton, 1966, p. 298 et
299 : «la primauté ou simplement le caractère obligatoire de la loi pour l'autorité administrative ne constitue en aucune façon une
subordination quelconque de l'autorité administrative locale à l'administration de l'Etat ; elle ne la fait nullement dépendre de celle-ci ; les
interventions de légalité et les pouvoirs correspondants de l'administration d'Etat ne restreignent point le degré de décentralisation... puisqu'ils
en font simplement respecter la mesure».
145FAVOREU L., ROUX A., «La libre administration des collectivités territoriales est-elle une liberté fondamentale ?»,
Les cahiers du Conseil Constitutionnel, n° 12, 2002, pp. 88-92.

146CORNU G., op.cit., p. 1036, définit la tutelle comme l’«ensemble des contrôles auxquels sont soumises les personnes
administratives décentralisées».

147 MASPETIOL R., LAROQUE P., La tutelle administrative, le contrôle des administrations départementales, coloniales et des
établissements publics, Paris, Sirey, 1930, p. 10.

26
alors pour l’Etat à soumettre les actes pris par les collectivités territoriales à un contrôle a
priori par le représentant de l’Etat qui a le pouvoir de les réformer et même de les annuler.
Dans le cas du contrôle juridictionnel, l’illégalité des actes est constatée et sanctionnée par
le juge administratif. En définitive, les conditions essentielles à l’effectivité de la libre
administration se résument en l’habilitation à l’exercice de pouvoirs et en la disponibilité de
capacités ; d’une part le pouvoir juridique de prendre toutes les décisions concernant les
affaires locales et d’autre part, la capacité matérielle de les réaliser148. De telles conditions
ne peuvent être remplies que dans un environnement institutionnel approprié. La
décentralisation est considérée comme un vecteur de démocratisation149 ou, tout au moins,
elle lui est nécessaire150. La libre administration est susceptible de prospérer dans un
environnement politique marqué par la culture démocratique151. A cette étape, quelques
rappels terminologiques paraissent utiles quant aux concepts de démocratie et de culture
démocratique. Pour cerner la démocratie, le recours à l’étymologie grecque (dêmos et kratos
signifiant pouvoir du peuple) ne suffit pas. Au-delà de la traduction littérale, il faut
s’intéresser à ce que l’expression désigne dans le vécu, à la situation qu’elle décrit ou qualifie.
Beaucoup d’auteurs ont abordé le thème152. Il n’est point question, pour les besoins de
notre analyse, de s’y étendre particulièrement. La caractérisation proposée par Alain

148 Ainsi se justifie la dévolution de pouvoirs budgétaires aux institutions autonomes. V. à ce sujet, l’analyse de CAMBY
J.-P., «L’autonomie fonctionnelle des pouvoirs publics» in PARIENTE A. (dir.), La séparation des pouvoirs. Théorie contestée
et pratique renouvelée, op. cit., p. 85.

149 Ce lien est contesté par certains auteurs dont EISENMANN qui a déclaré que «Contrairement à ce qu'a avancé Tocqueville,
et que des cohortes de "suiveurs" politiques ou juristes, ne cessent depuis lors de répéter à qui mieux mieux, de façon bien plus banale, il n'y
a aucun lien nécessaire entre démocratie et décentralisation…» (v. EISENMANN Ch., Intervention au Colloque, L'objet local,
1977). C’est également le cas pour CHANTEBOUT B., «Décentralisation et démocratie : l’anti-modèle français », in
Mélanges en l’honneur de Slobodan Milacic, Bruylant, 2008, pp.773-786. Pour de plus amples développements sur la
problématique, se référer également à ROLLAND L., «La démocratie et la décentralisation en France», RDP, 1926, p.
144 ; REGOURD S., «De la décentralisation dans ses rapports avec la démocratie. Genèse d’une problématique»,
RDP, 1990, p. 961.
150Préambule de la Charte européenne de l’autonomie locale : «Considérant que les collectivités locales sont l’un des principaux
fondements de tout régime démocratique» ; v. dans le même sens, CAILLOSSE J., «Le savoir juridique à l'épreuve de la
décentralisation ?», Annuaire des collectivités locales, T. 8, 1988, p. 7.
151 BADIE B., SMOUTS M.C., Le retournement du monde, Paris, Presses de Sciences Po, 1992, p.25, définissent la culture
comme «un système de signification communément partagée par les individus membres d’une même collectivité» ; REGOURD S., «De
la décentralisation dans ses rapports avec la démocratie. Genèse d’une problématique», RDP, 1990, p. 964 : «On n’imagine
guère de progrès de la décentralisation sans démocratie…».

SARTORI G., Théorie de la démocratie [Traduction de Christiane Hurtig], Paris, Arman Colin, 1973, p. 24 ;
152

SCHMITTER P. C., KARL T. L., «What democracy is…and is not», Journal of democracy, 2 (3), 1991, pp. 75-88 ;
BOBBIO N., Libéralisme et démocratie [Traduit de l’italien par Nicola Giovannini], Paris, CERF, 1996, pp. 11-12.

27
TOURAINE fournit des paramètres importants à prendre en compte pour la désignation
de citoyens chargés de la gestion de la cité153. Elle décrit la démocratie comme un système
politique dans lequel les gouvernés (administrés) choisissent librement leurs gouvernants
(administrateurs) qui les représentent. Pour ne s’être pas focalisée seulement sur la
dimension élective, la signification suggérée par Seymour Martin LIPSET mérite d’être
citée. La démocratie serait «un mécanisme social qui permet au plus grand nombre possible de la
population d’influer sur les décisions importantes les concernant à travers des représentants des partis
politiques dûment et librement choisis par eux»154. Le modèle proposé par STORM met l’accent
sur la capacité des élus à «gouverner sans contraintes d’entités non élues»155.

La décentralisation part de l’Etat. Elle part de la centralisation étatique qui est desserrée au
profit des collectivités territoriales. Pour y parvenir avec succès, il faut un Etat réformé, un
Etat de type nouveau qui renouvelle à fonds la conception même de l’action publique.
Réformer, selon Gérard CORNU, «c’est modifier…l’existant»156. Or entre l’Etat et ce terme, il
y aurait, tout au moins dans le vocabulaire, une contradiction. Georges BURDEAU écrivait
de l’Etat qu’il «permet de construire la permanence, la pérennité, la stabilité du pouvoir politique»157. Le
changement ne lui est donc pas naturel158. Plusieurs pays en Afrique subsaharienne dont le
Bénin et le Niger ont démarré cette expérience de réforme de l’administration au milieu des
années 1990, en tant que composante utile des réformes politiques. Historiquement, les
processus de décentralisation tels qu’ils se mettent en œuvre depuis la décennie 1990
notamment en Afrique de l’Ouest francophone résultent non d’une revendication
spontanée d’entités territoriales préexistantes159 mais procèdent plutôt de la dynamique de

153 TOURAINE A., Qu’est-ce que la démocratie ?, Paris, Fayard, 1994, p. 18.

154 LIPSET S. M., The Indispensability of Political Parties, Journal of Democracy, 11 (1), 2000, p. 48.
155
V. à ce sujet SOUARE I., Les partis politiques de l’opposition et leur quête pour le pouvoir d’Etat : les cas du Bénin, du Ghana et
de la Guinée, Thèse, Sciences Politiques, UQAM, 2010, pp. 21-31.

156 CORNU G., op. cit., p. 867.


157 BURDEAU G., L’Etat, Paris, Seuil, 1970, p. 48.

158 HERACLITE D’EPHESE, VIème siècle av. J-C : «Rien n’est permanent, sauf le changement».
159 Comme ce fut le cas dans beaucoup de démocraties occidentales (exception faite de la France) où la décentralisation
est rattachée au mouvement d’émancipation des villes au Moyen Age, un mouvement qui tendait à «une parcellisation du
pouvoir, les villes voulant devenir leur propre seigneur». Voir BENOIT F.-P., «Les structures administratives territoriales devant
l’exigence de la décentralisation», in DEBBASCH Ch. (dir), op. cit., p. 102.

28
libéralisation économique et politique portée par la démocratisation des Etats et des
systèmes de gouvernance.

A la suite des mesures de libéralisme économique prises au lendemain des conférences


nationales dans ces pays, la décentralisation devrait, à son tour, contribuer à parachever la
rationalisation des missions de l’Etat en vue de le transformer en un Etat régulateur, stratège
et pro actif160. Le pilotage161 d’une réforme explique la portée de même que les limites de
ses avancées. La réforme décentralisatrice est par essence transversale, multisectorielle et
donc, forcément multi acteurs. La différence des intérêts en jeu, les rapports des forces
initialement en place et le nouvel équilibre relatif qu’elle tend à établir dans le jeu des acteurs
imposent une démarche participative. En réalité, aucun changement de fond162 ne peut être
obtenu lorsqu’il est compris par seulement certaines parties prenantes ou est transformé en
délibérés d’experts163.

En plus de la réorganisation des administrations d’Etat164, l’accent devrait être mis sur les
services déconcentrés chargés, entre autres, de l’assistance conseil aux collectivités. On
attribue la paternité de la notion de déconcentration à Léon AUCOC, membre du Conseil
d’Etat français, qui eut le souci, dans ses conférences à l’Ecole des Ponts et Chaussées, de
distinguer cette notion de celle de décentralisation, ce dernier terme recouvrant jusqu’alors
deux situations qu’il estimait, à juste titre, très différentes. Le Doyen HAURIOU en fera

160Les contours proposés à l’Etat-stratège sont les suivants : être visionnaire en concertation avec la société civile, être
garant de l’intérêt général (services publics, régulation des activités, utilisation des fonds publics), assurer la cohésion
sociale par une décision publique rationnelle et transparente, s’organiser pour atteindre ses objectifs (adaptation des
structures administratives) et rendre l’initiative aux citoyens (démocratie participative). V. à ce sujet, PICQ J. (dir.),
L’Etat en France. Servir une nation ouverte sur le monde, Documentation Française, Paris, 1995, 218 p.
161 Expression utilisée en navigation, elle désigne l’action de diriger à l’entrée, pendant tout le cours de la navigation et à la
sortie des ports. Piloter revient à amorcer et garder le cap jusqu’à l’atteinte du but poursuivi.

Compris comme un changement qui n’est pas ad minima, qui répond à ses justifications et parvient à créer un état
162

nouveau, plus satisfaisant que le précédent.

163CROZIER M., Comment réformer l’Etat ? Trois pays, trois stratégies : Suède, Japon, Etats-Unis, Paris, La Documentation
Française, 1988 a démontré que «la réforme technocratique de l’État aboutit nécessairement à l’échec».

164 Au plan organique, l’administration d’Etat désigne l’appareil de gestion des affaires publiques «dont la compétence envers
la collectivité étatique (nationale) n’est limitée par aucun élément d’ordre territorial» (EISENMANN Ch., Cours de droit administratif,
T. I, Paris, LGDJ, 1982, p. 210). C’est cette administration «qui traite toutes les affaires relevant de n’importe quelle partie du
pays» (v. DIOP M., L’administration d’Etat au Sénégal, Dakar, Ed. Clairafrique, 2011, p. 16). De ce fait, elle est constituée
aussi bien de services centraux que de services dits extérieurs qui la représentent sur l’ensemble du territoire national
et dont certains assurent pour son compte la tutelle ou le contrôle des collectivités territoriales.

29
quelques années plus tard une formulation plus claire165. Selon lui, le terme déconcentration
désigne «l’aménagement des structures administratives consistant pour une personne publique, surtout
l’Etat, à confier à ses agents ou représentants, dans des circonscriptions administratives des pouvoirs qu’ils
exerceront en son nom»166. Elle découle de l’apparition de nouvelles personnes publiques
territoriales au sein l’Etat et qui lui impose à adapter ses modes d’intervention. Dans les
deux systèmes sous examen, de nouveaux textes ont été adoptés pour régir l’organisation
et le fonctionnement des représentations de l’Etat sur le territoire national. Il demeure que
la réforme territoriale ne sera effective que si un dispositif de suivi et de contrôle 167 de
l’application desdites normes l’accompagne. Le contrôle de l’administration publique est
essentiel au respect de l’autonomie locale et ce d’autant plus que l'arbitraire administratif est
souvent plus redoutable et plus secret que l’arbitraire politique et se prête moins à
protestation.

Le contrôle politique sur le pouvoir exécutif et par ricochet, sur l’administration publique,
est assuré principalement par le pouvoir législatif dont c’est l’une des missions 168. Sous le
vocable contrôle, il faut entendre à la fois le contrôle strito sensu qui porte sur la mise en
œuvre et l’évaluation qui consiste en une appréciation qualitative des effets produits par la
législation169. La volonté d’une protection constitutionnelle des droits et libertés fut une
préoccupation des Etats africains francophones dès leur naissance170. Elle a été étouffée par
ce que le Pr Théodore HOLO appelle «la pandémie du présidentialisme négro-africain» 171 pour ne

165 V. à ce sujet, BOURJOL M., BODARD S., Droit et libertés des collectivités territoriales, Paris, Masson, 1984, p. 18.
166Cité par KOMBILA-IBOANGA F., «L’influence de la constitution française de 1958 en matière de territoire en
Afrique : l’exemple de la politique nationale de décentralisation au Gabon», Communication au VIIème Congrès français
de droit constitutionnel, Paris, Septembre 2008.
167 CORNU G., op. cit., p. 263. Le contrôle est «une opération consistant à vérifier si un organe public, un particulier ou un acte
respectent ou ont respecté les exigences de leur fonction ou des règles qui s’imposent à eux».
168 Selon AVRIL P., JICQUEL J., Droit parlementaire, Paris, Montchrestien, 2004, p. 160, les parlements ont
classiquement deux fonctions, voter la loi et contrôler l’action du pouvoir exécutif.

169Appliquée à la loi, CORNU définit l’évaluation comme étant «une appréciation qualitative de l’application d’une loi» ou
plus précisément, «l’appréciation a posteriori des choix et des résultats d’une loi…». CORNU G., op. cit., p. 421.

170 Elle était déjà présente dans la plupart de leurs constitutions. L’article 47 de la Constitution du 15 février 1959,
première constitution adoptée après la proclamation de la République le 4 décembre 1958, prévoit qu’ «il est créé un
tribunal d’État comprenant […] une section constitutionnelle». Celle du 26 novembre 1960, consécutive à l’indépendance du
1er août 1960, dispose dans son article 57 : «la Cour suprême comprend […] la chambre constitutionnelle».

171 HOLO Th., «Emergence de la justice constitutionnelle», Pouvoirs, n° 129, 2009/2, p. 102.

30
renaître que dans les années 1990, après la faillite des régimes monolithiques 172. La
constitutionnalisation du pouvoir politique vise plus souvent à l’encadrer en le soumettant
à la norme suprême173. Dans cette perspective, les nouveaux constituants africains ont été
imaginatifs174. En outre, en ce qui concerne la soumission de l’administration au droit, les
bilans faits de l’institutionnalisation en Afrique de la juridiction administrative ne sont pas
élogieux175. Ces dysfonctionnements de la justice administrative ont été préjudiciables à
l’Etat de droit et à l’efficacité de l’action publique176. A cela, il a pu y avoir une excuse. En
effet, le contexte politique était alors marqué par les partis uniques et la dictature. Ces
difficultés ont justifié la lente marche et, dans certains cas, les reculs ou les rejets de la
décentralisation dans plusieurs pays d’Afrique francophone.

Mais avec l’adoption de la Charte européenne de l’autonomie locale, des Lignes directrices
internationales sur la décentralisation et le renforcement des autorités locales177, de la Charte

172 KEUTCHA TCHAPNGA C., «Le juge constitutionnel, juge administratif au Bénin et au Gabon ?», Revue française
de droit constitutionnel, n° 75, 2008/3, p. 551. V. aussi HOLO Th., «Emergence de la justice constitutionnelle», Pouvoirs,
n° 129, 2009/2, p. 101 : «La justice constitutionnelle est consubstantielle au constitutionnalisme triomphant à nouveau sur le continent
africain depuis l’effondrement dans la dernière décennie du XXème siècle des différents régimes autoritaires qui avaient fleuri au lendemain
de la décolonisation».

173 Les constituants originaires l’affirment en des termes suffisamment forts pour être expressifs. Const. Niger,
Préambule : «Résolu à bâtir un État de droit garantissant, d'une part, l'exercice des droits collectifs et individuels, la liberté, la justice, la
dignité, l'égalité, la sûreté et le bien-être comme valeurs fondamentales de notre société et, d'autre part, l'alternance démocratique et la bonne
gouvernance» ; […] «Réaffirmons notre opposition absolue à tout régime politique fondé sur la dictature, l'arbitraire, l'impunité, l'injustice,
la corruption, la concussion, le régionalisme, l'ethnocentrisme, le népotisme, le pouvoir personnel et le culte de la personnalité» ; Const.
Bénin, Préambule : «Réaffirmons notre opposition fondamentale à tout régime politique fondé sur l'arbitraire, la dictature, l'injustice, la
corruption, la concussion, le régionalisme, le népotisme, la confiscation du pouvoir et le pouvoir personnel» ; […] «Affirmons solennellement
notre détermination par la présente Constitution de créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste, dans lequel les droits fondamentaux
de l'Homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine et la justice sont garantis, protégés et promus…». V. également
HAURIOU A., Droit constitutionnel et Institutions politiques, Paris, Montchrestien, 1970, 4ème éd., p. 73.

174AHADZI-NONU K., «Préface», KPODAR A., Commentaire des grands avis et décisions de la Cour constitutionnelle togolaise,
PUL, Lomé, 2007, p. 8 : «Le constituant africain a institué des mécanismes sophistiqués, en vue de la garantie effective de l’État de
droit. Le plus significatif est l’institution des juridictions constitutionnelles indépendantes avec des attributions fort variées».

175 BOCKEL A., Le juge de l’administration en Afrique Noire francophone (introduction à l’étude du problème), Paris, Pedone, 1973,
p. 25 ; du BOIS de GAUDUSSON J., «Trente ans d’institutions constitutionnelles et politiques. Points de repère et
interrogations», Afrique contemporaine, n° 4, 1992, p. 57. V. également BRETON J.-M., «Le contrôle juridictionnel de
l’administration», Encyclopédie juridique de l’Afrique, T. IV, LGDJ/NEA, 1985 ; CONAC G., «Le juge et la construction
de l’Etat de droit», Mélanges G. Braibant, Paris, Dalloz, 1996.
176 BRETON J.-M., «Légalité et Etat de droit : statut et perception du juge de l’administration», Revue électronique Afrilex,
n° 03/2003, p. 70 : «Les effets constatés de la carence du contrôle juridictionnel de l’administration sont à la mesure de la nécessité qui
s’y attache».
177Adoptées par le Conseil d’administration du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU
Habitat) en avril 2007, elles sont le produit d’un consensus général entre les États qui ont pris part à leur élaboration
et ont pour vocation d’orienter des réformes législatives, le cas échéant. V. Introduction au texte officiel, Rubrique 3.
«Processus préparatoire», § 12 et 13.

31
ibéro-américaine de l’autonomie locale en 2009 et en 2014, de la Charte africaine des valeurs
et des principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local,
l’autonomie locale s’est hissée au rang des valeurs démocratiques universelles178. Les
évolutions enregistrées dans différentes parties du monde ces dernières années en sont une
illustration. En 2003, la France est devenue une République décentralisée179. Dans ce contexte,
il est utile d’interroger les trajectoires suivies par le principe en Afrique et particulièrement
en Afrique de l’Ouest francophone.

B. La problématique et l’organisation du travail

Il n’est pas suffisant que les textes constitutionnels reconnaissent l’existence des collectivités
territoriales et affirment leur libre administration180. Le principe doit être juridicisé pour
sortir de l’ambiguïté dans laquelle elle est susceptible d’évoluer du fait de sa relativité dans
l’Etat unitaire181. En tant que notion relative, il faut admettre que la libre administration «se
mesure plus qu’elle ne se définit»182. Il existerait ainsi un ensemble de critères minima à partir
desquels peut être appréhendée son effectivité.

Dérivée du latin effectivus qui signifie «actif» ou «qui produit», l’effectivité se définit comme
le «caractère d’une règle de droit qui produit l’effet voulu, qui est appliquée réellement»183. Elle équivaut
également au «degré de réalisation, dans les pratiques sociales, des règles énoncées par le droit»184. Pour

178SOHOUENOU M. E., «L’administration territoriale béninoise et le droit supranational de la décentralisation»,


Leçon inaugurale, Colloque international organisé par le CeDAT sur l’effectivité de la décentralisation au Bénin, 12
janvier 2015, p. 2.

179 La révision constitutionnelle de 2003 (Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation
décentralisée de la République, JO, 29 mars 2003, p. 5568) a reformulé l’article 1er de la Constitution. A l’affirmation
la France est une République indivisible, il s’ajoute que son «organisation est décentralisée». V. à ce sujet, GAUDEMET Y.,
GOHIN O. (dir.), La République décentralisée, Coll. Colloques, Editions Panthéon-Assas, 2004, pp. 25-41.

180 AUBY J.-M., in MOREAU J. et DARCY G. (dir.), La libre Administration des collectivités locales. Réflexion sur la
décentralisation, Economica, PUAM, 1984, p. 93 : «Les termes constitutionnels, bien qu’ils soient des documents politiques, ne sont
pas des textes froids. Ils sont chargés de résonances».
181La décentralisation territoriale dans l’Etat unitaire réalise une autonomie verticale de l’appareil administratif qui
consiste en une autonomie sous tutelle, sans jamais atteindre le degré d’autonomie plus poussée rencontrée dans les
Etats autonomiques ou fédérés.
182 DUSSART V., L’autonomie des pouvoirs publics constitutionnels, Paris, CNRS Editions, 2000, p. 13.

183 CORNU G., op. cit., p. 384.


184 ARNAUD A.-J. et al. (dir), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, Paris, LGDJ, 1993, p. 217.

32
l’appréhender, il est nécessaire d’opérer une «comparaison entre les modèles préformés dans les
moules légaux d’une part et ce que l’on peut observer, d’autre part» 185 en pratique. Il s’agit, en d’autres
termes, de «la façon d’appliquer le droit», «les faits de comportement, les attitudes, voire des dispositions
mentales (la soumission, l'influence, etc.), dans les domaines qui sont régis par les règles juridiques»186.
Empruntée à la sociologie juridique, la notion est utilisée pour mesurer le niveau
d’application du droit187. Les écarts relevés peuvent relever soit de lacunes de la loi soit de
l’inefficacité de la norme sur ses destinataires188. Dans cette perspective, plusieurs juristes
publicistes ont ressorti les critères essentiels constitutifs de l’autonomie, dotant ainsi la
théorie juridique d’une sorte de baromètre qui permet d’évaluer a posteriori le respect des
libertés locales ; non pas qu’il existe un modèle universellement et invariablement applicable
mais parce qu’il est possible de s’accorder sur certaines conditions minimales sans la
réalisation desquelles on ne saurait parler de libre administration189.

Sur ces bases, la présente étude entend apporter une contribution fondée sur le
questionnement et le rapprochement entre la loi écrite et la loi appliquée. Elle vise à vérifier
si l’expression libre administration porte une réalité ou s’il s’agit simplement d’une
enveloppe ou d’un camouflage linguistique pour dissimuler la permanence du phénomène
de centralisme administratif. Il s’agira donc d’évaluer190 la libre administration des
collectivités territoriales telle qu’elle est internalisée et déclinée par les différents pouvoirs
en partant de la vision idéale qui la porte, celle d’une autonomie suffisamment large pour
permettre à la collectivité de prendre effectivement en charge les affaires de sa compétence
et servir de contrepoids administratif aux velléités hégémonistes de l’Etat. A cet égard, il

185PERRIN J.-F., Le droit face à son public. Résumé de l’exposé du 28 janvier 1983, Séminaire du Centre d'études
sociologiques, Unité de recherche et d'étude de sociologie juridique et judiciaire, Collège de France, p. 1.

186 CORNU G., op. cit., p. 777; PERRIN J.-F., op. cit., p. 6.
187 Les pionniers du concept sont ROUVIERE F., Des rapports entre le droit et la sociologie, 1904 ; CRUET J., La vie du droit
et l’impuissance des lois, 1908 ; RUSSO F., Réalité juridique et réalité sociale, 1942 ; CARBONNIER J., «Sociologie juridique :
effectivité et ineffectivité de la règle de droit», L’année sociologique, 1958, p. 3. Voir LASCOUMES P., SERVERIN E.,
«Théories et pratiques de l’effectivité du droit», Droit et société, n° 2, 1986, pp. 127-150.
188 Ignorance ou résistance au droit des destinataires de la norme, inaction des instances de contrôle (LASCOUMES
P., SERVERIN E., op. cit., pp. 136-145).
189V. par exemple, Comité européen sur la démocratie locale et régionale (CDLR), Outil d’analyse pour l’évaluation du degré
d’autonomie des collectivités locales de premier niveau, Conseil de l’Europe, Strasbourg, mars 2011, 46 p.

190Qui ici ne s’entend pas déterminer l’échec ou le succès du principe, entreprise qui non seulement ne relève pas des
objectifs de ce travail mais manquerait également de légitimité.

33
faudra rechercher des éléments de réponse à certaines interrogations majeures. Le corpus
juridique adopté par le législateur et le pouvoir règlementaire est-il propice pour garantir la
libre administration ? Certaines dispositions législatives ou règlementaires ne constituent-
elles pas au contraire des entraves aux libertés locales ? N’y a-t-il pas de limitations
exorbitantes qui remettent en cause l’esprit libéral dont est empreinte l’autonomie locale ?
Le dispositif institutionnel et financier qu’il prévoit est-il opérationnel ? Il s’agit de voir si
les conditions essentielles sont réunies pour rendre effective la libre administration. Les
éléments de réponse appropriés seront recherchés à travers une organisation
méthodologique construite dans une perspective critique.

L’hypothèse qui sous-tend ces interrogations est que l’esprit libéral -libérateur des énergies
et initiatives endogènes devant permettre à chaque territoire de prendre en charge ses
affaires- qui est à l’origine de la constitutionnalisation de la libre administration ne
prédomine, ni dans les textes infra constitutionnels, ni dans la jurisprudence dans les Etats
francophones ouest africains. En réalité, «La décentralisation peut, tout en étant instituée dans les
textes, n’avoir guère d’effectivité»191. Si les questions susvisées sont posées, c’est parce que les
modalités d’exercice de la libre administration ne correspondent pas toujours, en pratique,
aux principes qui la fondent192. Or, les droits n’existent pas pour réaliser l’idée de la volonté
juridique abstraite ; ils servent, au contraire, à garantir les intérêts de la vie, à aider à ses
besoins, à réaliser ses buts193.

Plusieurs travaux ont évoqué les échecs des réformes des administrations territoriales194. Ils
ont constaté que dans la plupart des pays qui se sont engagés dans le processus de
décentralisation dans la vague de démocratisation des années 1990, le processus était en

191 CHAPUS R., Droit administratif général, t. 1, 15ème éd., Montchrestien, 2004, p. 403.

192Les spécialistes de l’évaluation législative ne considèrent pas ce fossé comme un accident mais plutôt comme «une
propriété structurelle du fonctionnement du système légal». Voir DELLEY J.-D. et al. Le droit en action : étude de la mise en œuvre
d'une législation : rapport intermédiaire, Genève : CETEL, 1980, p. 1.

193von IHERING R., Esprit du droit romain [Traduit par Meulenaere], T. IV, 1877, pp. 315 et s. ; DUGUIT L., Traité de
droit constitutionnel, T. 1er , Paris, Fontemoing/Ed. de Boccard, 1927, p. 280.

OUATTARA S., Gouvernance et libertés locales. Pour une renaissance de l’Afrique, Paris Karthala, 2007 ; SAWADOGO,
194

R.A., L’Etat africain face à la décentralisation. La chaussure sur la tête, Paris, Karthala, 2001.

34
«panne»195 au fil du temps. Pour expliquer les timides avancées, beaucoup de thèses ont été
avancées. Le mimétisme196 juridique et institutionnel postcolonial abondamment développé
a été à nouveau indexé197. Il ne suffit pas à expliquer les difficultés d’application des textes
et de mise en place des institutions198.

L’influence de l’héritage historique sur les pratiques actuelles ne peut être niée. En effet, il
demeure vrai qu’au lendemain des indépendances, la plupart des Etats indépendants ont
opéré, en certaines matières, des «copier-coller» de textes en vigueur dans leur métropole.
Le même phénomène s’est reproduit pour les processus de démocratisation. Mais il ne s’agit
pas là d’un phénomène propre à l’Afrique. D’ailleurs, toutes les formes de régime politique
ont une histoire qui démarre toujours sur un territoire donné. Il en est ainsi de la démocratie.
C’est aussi le cas pour le parlementarisme. Le droit n’y échappe pas199.

En matière d’effectivité, deux positions peuvent être observées. Comme


MONTESQUIEU, on peut s’en tenir à ce qui est écrit ou au contraire, à l’image de Jacques
COMMAILLE, s’intéresser à ce qui se fait200. Bien qu’elle soit difficile à mettre en œuvre
en raison de ses exigences d’exhaustivité, cette dernière démarche, empirique, est rendue

195En illustration, le rapport alors présenté sur le Mali lors du Deuxième forum sur la gouvernance en Afrique à Accra,
25-26 juin 1998. V. aussi Système des Nations Unies au Bénin, Bilan commun de pays, Cotonou, Mai 2012, p. 3.
196Au sens commun, le mot signifie «la reproduction machinale des gestes, des sentiments d’autrui». En l’espèce, il désigne la
propension des anciennes colonies à copier les textes et institutions de pays du Nord, notamment les pays colonisateurs.
Bien qu’il décrive une certaine perception de la réalité, le concept soulève des polémiques. Sa signification comporte
des incertitudes : quels critères retenir ? A partir de quel degré de ressemblance ? V. à ce sujet, DARBON D., du BOIS
de GAUDUSSON J., La création du droit en Afrique, Paris, Karthala, 1997, 490 p.

197V., entre autres ouvrages, MENY Y. (dir.), Les politiques du mimétisme institutionnel. La greffe et le rejet, Paris, L’Harmattan,
1993, 286 p. ; MABILEAU A., MEYRIAT J. (dir.), Décolonisation et régimes politiques en Afrique noire, Paris, A. Colin, 278
p. ; BRETON J.-M., «Trente ans de constitutionnalisme d’importation dans les pays d’Afrique noire francophone.
Entre mimétisme et réception critique : cohérences et incohérences (1960-1990)», Communication présentée à
Heidelberg devant la Gesellschat für Afrikanisches Recht de l'Université de Bayreuth, Octobre 2002, 22 p. ; BOLLE S.,
«Des constitutions made in Afrique», Communication au VIème Congrès français de droit constitutionnel, Montpellier,
9, 10, 11 juin 2005.

198 Du BOIS de GAUDUSSON J., «Le mimétisme postcolonial, et après?», Pouvoirs, n° 129, 2009/2, p. 46.
199RIVERO J., «Les phénomènes d’imitation des modèles étrangers en droit administratif», Mélanges Walter Jean Ganshof
van der Meersch, Bruxelles, Bruylant, 1972, T. 3.
200 MONTESQUIEU, op. cit., Livre XI, chap. VI : «Ce n’est pas à moi à examiner si les Anglais jouissent actuellement de cette
liberté ou non. Il me suffit de dire qu’elle est établie par leurs lois et je n’en cherche pas davantage». COMMAILLE J., «Effectivité»,
in ALLAN D., RIALS S. (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Lamy PUF, 2003, p.583. Pour cet éminent juriste,
rien n’est plus au cœur de la relation entre droit et société que la question de l’effectivité.

35
nécessaire pour permettre de retracer les réalités juridiques telles qu’elles se mettent en
œuvre201. Inscrites dans cette perspective, les analyses combinent méthodes déductive et
inductive. La combinaison consistera à d’abord examiner et tirer de la doctrine et du
nouveau constitutionnalisme local une conception théorique de la libre administration en
tant qu’expression constitutionnelle de l’autonomie locale. Puisque le droit existe avant tout
dans l’ordre de la textualité et du discours, il s’agira ensuite d’examiner le langage des
constituants béninois et nigérien d’une part et celui des législateurs d’autre part en vue d’en
ressortir ce à quoi réfère le terme libre administration. Les pratiques enregistrées seront
alors confrontées aux références établies et permettront enfin de déterminer si «les mots qui
saisissent les choses» ont produit leur effet202.

L’analyse de la mise en œuvre d’une norme ne saurait faire l’économie de son histoire. A
cet effet, les rapports de travaux parlementaires et de différents documents de travail
élaborés par les administrations publiques et même des coupures de presse ont été exploités.
Le deuxième volet central de cette recherche a consisté à cerner, à partir des pratiques, les
contenus que les administrations attribuent aux normes et les stratégies extra légales qu’elles
développent. Pour ce faire, certaines données statistiques, certes en nombre limité, ont été
exploitées. Partie intégrante de la mise en œuvre, les jurisprudences constitutionnelle et
administrative ont fait l’objet d’analyse et permis d’une part, de connaître les actes élusifs et
d’autre part, d’appréhender la position des juges203. En définitive, ce sont ces différentes
sources qui ont nourri les analyses qui posent l’hypothèse que la collectivité constitue un
«autrui» dans l’Etat.

201En effet, il aurait pu paraître moins laborieux de considérer qu’il n’y a pour un terme juridique de signification que
celle de sa fonction et donc que la signification d’une disposition normative résulte non intrinsèquement de son auteur
mais de celle que les organes chargés de l’appliquer lui donnent à travers des normes de niveau inférieur. Toutes les
normes d’un droit positif donné seraient, en ce sens, valides quelles que soient les contradictions internes qui peuvent
y être découvertes, leur vraie signification ne devant être cernée que par induction à partir des normes d’application.
Mais puisque la consécration par la législation d’un droit ne vaut pas d’office son effectivité, c’aurait été une erreur
épistémologique de s’en limiter à de telles déductions simplificatrices.

202CORNU G., Linguistique juridique, Paris, Montchrestien, 1990, p. 43 : «Le droit attache au langage certains effets de droit.
Plus précisément, il dote les actes de langage de conséquences juridiques».

203Quelques emprunts ont été faits à la jurisprudence française en raison de la quantité infime de décisions rendues
sur la matière dans les deux pays étudiés.

36
L’entreprise soulève des préoccupations qui surpassent les frontières du droit et engagent
le juriste à sortir de sa science pour considérer d’autres optiques. Ainsi, bien qu’il s’agisse
d’une recherche qui s’inscrit principalement dans le champ du droit administratif et plus
spécifiquement dans celui des collectivités locales et que l’approche dominante sera
juridique, d’autres disciplines seront à la rescousse pour combler les limites de l’approche
normative : des concepts de sciences politique et administrative seront mobilisés.

En outre, bien que portant sur deux pays, il ne s’agit pas d’une recherche de droit comparé.
Les deux cas sont étudiés à titre illustratif 204. Le choix du Bénin et du Niger comme
situations d’illustrations n’est pas fortuit. Il se fonde aussi bien sur des ressemblances que
sur des différences. En effet, les deux pays ont une même structure étatique. Il s’agit d’Etats
unitaires. Leurs histoires et trajectoires politiques et administratives sont similaires. Ce sont
d’anciennes colonies françaises, dirigées par des partis uniques et régimes militaires après
les indépendances et dont les premières tentatives de décentralisation ont échoué205. Dans
les années 1990, la tenue de conférences nationales ont débouché sur des périodes
transitoires et l’organisation d’élections démocratiques206. Les systèmes politiques sont
semblables et les constitutions se ressemblent sur de nombreux points. La renaissance de
la décentralisation a été consacrée par l’organisation des premières élections locales dans les
années 2000 (2003 pour le Bénin et 2004 au Niger) 207. Les deux Etats sont frontaliers et
membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) qui voit

204Même si «On ne peut en effet totalement s'abstraire de ses propres opinions et, bien souvent, les comparaisons sont appelées à l'appui
du jugement que l'on porte sur les structures de son propre pays». DELCAMP A., «Le modèle français de libre administration
face aux autres modèles européens», Annuaire des collectivités locales, T.17, 1997. pp. 73-74.

205 A la différence du Sénégal et de la Côte d’Ivoire par exemple.

206 Pour une description factuelle de la transition béninoise, v., entre autres, ADAMON A., Le renouveau démocratique au
Bénin la Conférence nationale des forces vives et la période de transition, Paris, L'Harmattan, 1995 ; BANEGAS R., «Retour sur
une transition modèle les dynamiques du dedans et du dehors de la démocratisation béninoise», in DALOZ J.-P.,
QUANTIN P. (dir ), Transitions démocratiques africaines, Paris, Karthala, 1997, pp. 23-94 ; EBOUSSI-BOULAGA F., Les
Conférences nationales en Afrique noire : une affaire à suivre, Paris, Karthala, 1993 ; DOSSOU R., «L’expérience béninoise de
la Conférence nationale», in Organisation internationale de la Francophonie, Bilan des conférences nationales et autres processus
de transition démocratique, Cotonou, 19-23 Février 2000, Paris, Pedone, Bruxelles, Bruylant. Sur la période de transition
démocratique au Niger, v. IDIMAMA K., Transition à la nigérienne, Niamey, INN, 1994 ; MAIGNAN J.-C., La difficile
démocratisation du Niger, Paris, Centre des hautes études sur l’Afrique et l’Asie modernes, 2000,192 p ; NIANDOU
SOULEY A., «Crise des autoritarismes militaires et renouveau politique en Afrique de l’ouest. Étude comparative :
Bénin, Mali, Niger, Togo », Thèse de doctorat en Science politique, Université de Bordeaux, 1992.

207Contrairement à certains Etats de la sous-région (Côte d’Ivoire, Sénégal) qui ont bénéficié d’une stabilité politique
relative qui leur a permis de maintenir une certaine décentralisation du pouvoir d’Etat depuis leur indépendance et au
Togo qui a adopté et révisé successivement des textes sans opérationnaliser le processus.

37
émerger une législation commune, notamment en matière de finances locales. A l’inverse,
il s’agit de deux pays qui ne jouissent pas de la même stabilité politique. Si depuis 1990 le
Bénin n’a enregistré que des changements démocratiques de pouvoirs, au Niger, l’ordre
constitutionnel a été interrompu à plusieurs reprises208. Les textes fondamentaux y ont
connu plusieurs révisions. La constitution nigérienne en vigueur date du 25 novembre 2010
alors que celle du Bénin date du 11 décembre 1990. De même, le code nigérien des
collectivités territoriales a été adopté le 17 septembre 2010 pendant que les lois sur la
décentralisation au Bénin datent des années 1999-2000. Enfin, au plan géographique, le
Bénin est un petit Etat de 114.763 km² contrairement au Niger qui est vaste de 1.267.000
km².

La diversité des problèmes que le libellé du thème laisse deviner impose une sélection. Au
plan temporel, les analyses concerneront la période consécutive aux conférences nationales,
soit à partir de 1990. La focalisation sur certains aspects a été arbitrée par l’étroitesse de
leur lien avec les questions majeures auxquelles il faut répondre pour établir l’effectivité des
libertés locales. La condition primordiale de l’autonomie d’une personne réside dans sa
capacité à décider (première partie). Puisque le pouvoir sans les moyens équivaut à
l’impuissance, les capacités d’actions des collectivités territoriales seront également évaluées
(deuxième partie).

208 V. DECOUDRAS P.-M. et GAZIBO M., 1997, «Niger, la démocratie ambiguë : chronique d’un coup d’État
avancé», L’Afrique politique, pp.155-189 ; GAZIBO M., 1999, «Niger : l’usure progressive d’un régime militaire», Afrique
contemporaine, n° 191, pp.29-42 ; ISSA ABDOURHAMANE B., 1999, «Alternances militaires au Niger», Politique
africaine, n° 74, pp. 85-94.

38
Première partie : Un pouvoir de décision restreint

39
Il ne peut y avoir de liberté sans pouvoir de décider209. Dès ses origines, la nécessité de ne
pas faire dépendre la commune de l’Etat a été affirmée210. Il s’avère, dès lors, nécessaire que
l’institution communale dispose de ses propres organes211. Cette conception a bénéficié
d’une certaine adhésion durant le XIXème siècle, marqué par une idéologie libérale212. Elle a
été particulièrement présente dans le débat politique213. L’institutionnalisation d’organes
locaux autonomes vis-à-vis de ceux étatiques, procède de cette tendance214. Mais, les
transcriptions juridiques de cette vision de l’autonomie locale, au travers des textes de loi
sur la décentralisation, n’organisent pas de véritables tempéraments au pouvoir étatique pas
plus qu’elles ne renforcent les implications organiques d’une telle acception (Titre I). La
collectivité territoriale ne jouit pas de garanties véritables quant à son statut, son
organisation et son fonctionnement, notamment dans l’Etat unitaire. En effet, même
constitutionnellement décentralisé, l’Etat unitaire demeure l’unique véritable pouvoir qui
irradie l’ensemble du système politico administratif sur son territoire 215. Cette suprématie
transparaît dans le caractère centralisateur du régime de tutelle auquel sont soumises les
collectivités territoriales décentralisées (Titre II).

209CALAFERTE L., Traversée, Carnets XII, Paris, Gallimard, «L’Arpenteur», 2006, p. 248 : «L’essentiel de la liberté est un
pouvoir».
210 CONSTANT B., «Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs et particulièrement à
la Constitution actuelle de la France (1815)», in CONSTANT B., La liberté chez les modernes. Ecrits politiques, Paris,
Hachette, 1980, p. 362 : «L’on a considéré jusqu’à présent le pouvoir local comme une branche dépendante du pouvoir exécutif : au
contraire il ne doit jamais l’entraver mais il ne doit point en dépendre». Alexis de TOCQUEVILLE a abondamment théorisé sur
les vertus de l’institution communale pour la démocratie. V. à cet effet, BACOT G., «L’apport de TOCQUEVILLE
aux idées décentralisatrices» in GUELLEC L., TOCQUEVILLE et l’esprit de la démocratie, Paris, Les Presses de Sciences
Po, 2005, p. 208.
211HENRION DE PANSEY J.-B., Du pouvoir municipal et de la police intérieure des communes, Paris, Th. BARROIS Père,
1824, p. 4 : «Si le pouvoir municipal est de l’essence de toutes les corporations d’habitants, les lois ne pouvant rien contre la nature des
choses, il faut dire qu’elles ne peuvent ni supprimer les corps municipaux ni priver les communes du droit de les élire». Il en est ainsi «parce
qu’il impossible que les habitants d’une même enceinte, qui consentent à faire des sacrifices d’une partie de leurs moyens et de leurs facultés
pour se créer des droits et des intérêts communs, soient assez imprévoyants pour ne pas donner des gardiens à ce dépôt, pour ne pas charger
quelques-uns d’entre eux de veiller à sa conservation et d’en diriger l’emploi» (p. 37).
212 PROTIERE G., La puissance territoriale. Contribution à l’étude du droit constitutionnel local, Thèse, Université Lumière Lyon
II, 2006, p. 18.

213BASDEVANT-GAUDEMET B., La commission de décentralisation de 1870. Contribution à l’étude de la décentralisation en


France au XIXème siècle, Paris, PUF, 1973, 162 p. ; BURDEAU F., Liberté, libertés locales chéries, Paris, Cujas, 1983, pp. 169-
174.

214CONSTANT B., op. cit., p. 361 : «Ce qui n’intéresse qu’une fraction doit être décidé par cette fraction…L’on ne saurait trop répéter
que la volonté générale n’est pas plus respectable que la volonté particulière, dès qu’elle sort de sa sphère».

215 CARRE DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l’Etat. Spécialement d’après les données fournies par le droit
constitutionnel français, Paris, Dalloz, 2004 (1ère éd. 1920), T.1, p. 177 : «Le pouvoir de domination étatique sur la province
et la commune est juridiquement illimité…».

40
Titre I : L’affirmation timide de l’autonomie des organes
En matière de libre administration, les analyses ont souvent tôt fait de s’intéresser à
l’autonomie financière sans s’être, au préalable, préoccupé de la réalité des compétences et
pouvoirs dont jouissent les organes des collectivités décentralisées. Or, cette question est
au cœur du débat sur l’autonomie216. Autant que celle de l’existence même des collectivités
territoriales, la question de la désignation de leurs organes d’administration est
formellement réglée par le constituant originaire217.

Le présent vaut impératif en droit. Le constituant a donc entendu faire de l’existence même
des collectivités territoriales non une faculté mais une obligation. La constitution française
de 1946 a utilisé en son article 85 le vocable reconnaître, expressif à ce sujet218. A juste titre
donc, l’altérité219 et la différenciation organique entre l’Etat et les collectivités constituent
une condition essentielle de la libre administration220. Par conséquent, tous les pouvoirs
assujettis à la norme constitutionnelle sont astreints à concourir à la garantie de l’existence
de collectivités autonomes (Chapitre 1). L’histoire de l’administration territoriale dans les
deux Etats recèle d’institutions qui n’ont jamais pu fonctionner suivant la volonté du
législateur. Dans la plupart de ces cas, le refus du partage des pouvoirs politiques et
administratifs par l’Etat central constitue la raison foncière. La libre administration sera une
perspective lointaine si les organes des collectivités territoriales ne bénéficient pas d’une
liberté réelle de fonctionner (chapitre 2).

APPIA K., Recherche sur le contenu de l’autonomie des organes décentralisés. Etude appliquée à l’expérience ivoirienne, Thèse,
216

Doctorat de 3ème cycle, Droit Public, Aix-Marseille, 1985, p. 77.

217 Const. Bénin, art. 150 : «Les collectivités territoriales de la République sont créées par la loi» ; Const. Niger, art. 164 : «Les
collectivités territoriales sont créées par une loi organique».
218 Une telle appréhension procède de l’ancienneté et de la présence constante dans le paysage administratif de
l’institution communale qu’aucune remise en cause n’est parvenue à effacer.
219 L’altérité vient du latin «alter» qui signifie autre, c’est le caractère de ce qui est autre, la reconnaissance de l’autre qui
a le droit d’être lui-même.

220Elles se manifestent d’une part par l’élection par le groupement humain de son organe d’administration et d’autre
part par l’auto désignation par celui-ci de son exécutif.

41
CHAPITRE I : LA RECONNAISSANCE DE L’ALTERITE
La condition première de l’autonomie d’une personne, c’est sa capacité juridique, pleine et
entière. Pour une personne morale de droit public, une telle capacité est garantie si elle est
dotée d’organes propres. Le législateur prévoit que les collectivités territoriales, pour
s’administrer librement, se dotent de conseils élus. Pour concrétiser la charge psychologique
que véhicule cette terminologie juridique qui renvoie à l’idée de rejet de l’unicité
d’administration221, d’autres garanties sont nécessaires. C’est une nécessité qu’illustrent
l’histoire et l’évolution de la libre administration en France222. C’est aussi vrai en Afrique
francophone où l’Etat est perçu comme ayant pour raison d’être sa seule survie et où «il est
suspecté systématiquement» d’inefficacité223.

La préexistence d’un Etat centralisé et les crises qui ont généré les réformes
décentralisatrices fondent la nécessité d’un régime libéral suffisamment protégé. A cet
égard, les lois de décentralisation disposent que les collectivités territoriales bénéficient de
la personnalité morale et de l’autonomie financière. Faut-il en déduire qu’il leur est conféré
une entière autonomie organique ? Bien que souhaitée, une réponse entièrement affirmative
paraît difficile à admettre. Pour en convaincre, il suffira de montrer que l’autonomie des
organes des collectivités territoriales paraît encore insuffisamment consacrée (Section 2)
alors même que l’ancienneté singulière de l’institution communale justifie que lui soient
reconnues son utilité intrinsèque et une existence autonome de ses organes (Section 1).

SECTION 1 : UNE JUSTIFICATION HISTORIQUE

L’institutionnalisation de l’Etat moderne résulte d’un processus d’organisation et de


soumission des différentes entités sociales de son espace géographique. Par essence, l’Etat
est enclin à se centraliser pendant qu’il s’impose à lui de prendre en compte la préexistence

221 Décentraliser, c’est enlever du centre ; transfert et répartition de compétences et de ressources supposent que celles-
ci étaient concentrées et non réparties entre Etat et entités décentralisées.
222 Dossier «La décentralisation (1789-2010)» disponible sur www.assemblee-nationale.fr.

223 SAWADOGO R. A., L’Etat africain face à la décentralisation, Paris, Karthala et Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest,
p.55 ; v. aussi SY O., Reconstruire l’Afrique. Vers une nouvelle gouvernance fondée sur les dynamiques locales, Paris, Ed. Charles
Léopold Mayer, 2009, p. 146 pour qui «La crise en Afrique est avant tout celle de l’Etat-nation centralisé et arrogant qui a été mis
en œuvre après les indépendances formelles» et SAVONNET-GUYOT C., Etat et sociétés au Burkina-Faso. Essai sur le politique
africain, Paris, Karthala, 1986, p. 141 : «La crise de l’Etat (…) met en relief la difficulté d’intégrer à l’Etat national des formations
sociales et des systèmes politiques qui lui préexistaient».

42
naturelle de collectivités locales224. Ainsi s’explique historiquement la création de personnes
territoriales décentralisées (Paragraphe 1). L’Etat ouest africain, après son accession à
l’indépendance, a poursuivi l’expérimentation de la décentralisation commencée par le
colonisateur. Mais il va très rapidement y renoncer pour plusieurs raisons. Il n’a pas daigné
rétablir les groupements humains quasi naturels, imprégnés du vouloir vivre ensemble225 qui
devraient constituer le substrat de son organisation territoriale 226. Au contraire, il a entrepris
des artifices politico administratifs qui aboutiront à une forte centralisation, génératrice de
crises à répétitions dont le terme fera renaître la décentralisation territoriale (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La permanence de la collectivité locale

L’Etat moderne en tant que pouvoir organisé a émergé de la soumission de tous les groupes
humains préexistants sur le territoire de son emprise. Cependant, il demeure que ces
groupes jouissaient de certaines libertés quasi naturelles qui ne pouvaient leur être déniées
(A). Au terme de son institutionnalisation, l’Etat a créé des entités administratives. Même
s’il a doté certaines de la personnalité morale, il conserve sa prééminence (B).

A. Une institution préexistante à l’Etat

Une collectivité se définit comme «un groupe de personnes ayant des intérêts communs»227. La
collectivité territoriale est un «ensemble d’habitants d’une même partie, d’un territoire national ayant
des intérêts communs gérés par des organes administratifs»228 qui ne sont pas nécessairement
étatiques. C’est pourquoi BACOYANNIS a pu décrire les collectivités territoriales comme

224 A l’appui d’une telle considération, les démonstrations ne manquent pas dans la pensée juridique. NEMERY J.-C.,
«Les institutions territoriales françaises à l’épreuve de l’Europe», in NEMERY J.-C., WACHTER S., (dir.), Entre
l’Europe et la décentralisation, les institutions territoriales françaises, DATAR-Editions de l’Aube, 1993, pp. 11-17, écrit que la
commune était considérée comme faisant partie de notre «patrimoine génétique institutionnel» ; elle constitue «l’un des
fondements de l’idée républicaine». Pour BOURJOL M., «Statut constitutionnel-Sources», Juris-Classeur Collectivités territoriales,
Fasc. 20, § 2, la commune est un «fondement constitutif de la Nation». V. également ROUSSILLON H., Les structures
territoriales des communes, Réformes et perspectives d’avenir, LGDJ, 1972, pp. 222-225.
225
RENAN E. parle, au cours de sa célèbre conférence à la Sorbonne le 11 mars 1882, du «vouloir vivre collectif» qui pour
lui est «une âme constituée de deux choses : l’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel,
le désir de vivre ensemble».
226
En Afrique noire, un tel sentiment d’appartenance renvoie explicitement à une structure sociale différente de la
nation personnifiée par l’Etat central, lointain. C’est à un espace micro national et infra étatique que l’on se réfère,
souvent l’ethnie. Ici réside une différence majeure avec le concept de nation dans le monde occidental.

227 CORNU G., op. cit., p. 190.


228 CORNU G., ibidem.

43
des «groupements naturels territoriaux vivant indépendamment de l'existence et de la volonté de l'État»229.
S’il existe une institution publique qui peut se targuer d’un enracinement historique et d’un
degré élevé de légitimité auprès des citoyens, c’est bien la commune 230. Il en est ainsi dans
le monde occidental qui en fournit les traditions les plus anciennes (1) de même que dans
différents contextes géographiques et juridico administratifs en Afrique précoloniale (2).

1. La commune dans la civilisation occidentale

L’histoire de la décentralisation en Occident montre d’une part que la commune résulte de


l’évolution de communautés de base que sont les paroisses, bourgs, villes et les chefferies
et d’autre part que l’existence desdites communautés de base devenues collectivités
territoriales est antérieure à celle de l’Etat dans sa forme actuelle de pouvoir politique
organisé231.

En France par exemple, le Moyen-âge a connu des «communes libres» et des «villes
franches» qui se sont développées surtout aux XIIème et XIIIème siècles. A l’origine de ces
communes, se trouvaient, des associations religieuses, des corporations d’artisans, des
alliances de familles aristocrates, des amitiés, fraternités, confréries en raison des liens forts
qui unissaient leurs membres. Le bourg, endroit fortifié, devint alors une commune munie
d’un corps municipal -du latin municipe- comprenant généralement un maire et des adjoints
appelés échevins, consuls, jurats, capitouls ou encore syndics. Les premières municipalités
étaient connues sous le nom d’échevinage, de consulat, de jurade et de magistrat. Les
premières communes se sont donc constituées en vue de défendre les intérêts de
groupements de personnes. En effet, jusqu'au XIème siècle, les habitants des villes, les
paysans, les artisans, etc. étaient sous l’autorité d’un seigneur. Avec la renaissance
économique, les citadins ont eu la volonté de défendre leurs propres intérêts avec de

229 BACOYANNIS C., op. cit., p. 29.


230
VANDELLI L., «La cellule de base de toutes les démocraties», Pouvoirs, n° 95, 2000, p. 7, affirmait : «La commune
représente la première ligne des institutions publiques, c’est le terminal le plus proche du citoyen, il maintient avec lui un contact direct et
constant, accompagnant sa vie depuis son commencement (en établissant l’acte de naissance) à sa fin (en établissant l’acte de décès et en
attribuant une concession dans un cimetière qui relève lui aussi de la compétence communale)».
231
BACOYANNIS C., op. cit., pp. 19-34, a démontré que l'expression «collectivité territoriale», employée par DUGUIT
L. dès 1903, par MICHOUD L. en 1906, CARRE de MALBERG R. en 1920 et ROLLAND L. à partir de 1935,
désignait initialement un ensemble formé par tous les groupes humains, défini par leur rattachement à un certain
territoire.

44
nouvelles normes plus égalitaires devant leur permettre de se libérer de tout tribut féodal232.
Ils s’associent entre eux et conclurent un pacte «commun» qui fixait des règles autonomes
d’exercice direct par la commune des fonctions de gouvernement. Suivant les pays, les
libertés obtenues ont varié. Là où le pouvoir central était fort (Angleterre, France, Royaume
Normand dans le sud d'Italie), les communes se sont vu concéder des droits limités à l’effet
d’élire ses propres magistrats, d’édicter quelques règlements internes à la cité, de déterminer
la charge fiscale. Par contre, là où l'État était quasi-absent (Italie du Nord, Germanie par
exemple), les communes acquirent une autonomie bien plus large. Elles pouvaient avoir
une armée, élire un gouvernement local, battre monnaie.

En Amérique, la commune a été aussi, dès ses origines, une entité de proximité. Elle
réunissait des habitants ayant les mêmes intérêts233. De la commune américaine, Alexis de
TOCQUEVILLE pense qu’elle «est la seule association qui soit si bien dans la nature, que partout
où il y a des hommes réunis, il se forme de soi-même une commune»234. Quant aux libertés locales, il
soutient qu’elles se développent en résistant à la volonté de l’homme 235. Il idéalise236
l’institution communale au point qu’il trouve en Dieu sa source237. Une telle appréhension
accrédite l’existence de collectivités locales en Afrique précoloniale.

2. La collectivité locale en Afrique précoloniale

Les libertés locales imprégnaient le fonctionnement des royaumes même si les préceptes
juridiques conceptualisés y étaient encore inconnus. L’organisation territoriale dans
beaucoup de royaumes était déjà décentralisée. Maurice AHANHANZO-GLELE l’a
démontré en ce qui concerne le royaume d’Abomey (Bénin)238. Jacques LOMBARD ne le

232Gestion des terres autour de l'habitat, gestion du patrimoine épiscopal, construction de nouveaux immeubles,
approvisionnements en marchandises.
233 De TOCQUEVILLE A., De la démocratie en Amérique I, p. 65.

234 De TOCQUEVILLE A., De la démocratie en Amérique I, p. 63.


235 De TOCQUEVILLE A., ibidem : «La liberté communale échappe donc, pour ainsi dire, à l’effort de l’homme».

236De TOCQUEVILLE A., ibidem : «Dans la commune, comme partout ailleurs, le peuple est la source des pouvoirs sociaux, mais
nulle part il n’exerce sa puissance plus immédiatement».
237 De TOCQUEVILLE A., ibidem : «…la commune paraît sortir directement des mains de Dieu».

AHANHANZO-GLELE M., Le Danxomè. Du pouvoir Aja à la nation Fon, Paris, Nubia, 1974, pp. 150-151 : «Il y avait
238

quatre provinces principales, subdivisées en canton : Agbomè, Allada, Glehue et Agbomè-Kalavi. Le royaume était

45
contredit pas dans son appréciation sur le royaume de Nikki dans le Nord Bénin 239. Mieux,
il constate que la souveraineté du royaume de Nikki était altérée par l’autonomie réelle de
différentes chefferies. Partant desdites autonomies, Djibril MAMA DEBOUROU240
assimilera ce royaume à une confédération. Soungalo OUATTARA a relevé l’existence de
libertés locales dans les empires mandingues241. La même tendance a été notée en Afrique
centrale où des systèmes sociopolitiques de gouvernance traditionnelle sont organisés sur
une base de forte décentralisation du pouvoir, au Cameroun ou en RCA242.

François ZUCARELLI dira des royaumes Wolof du Sénégal que «leur existence en tant que
collectivités politiques ne fait pas de doute de même que leur organisation administrative féodale et
décentralisée»243. Dans ces différents systèmes traditionnels, l’éveil des communautés,
l’éloignement géographique, le sous équipement en infrastructures de communication, etc.
ont rendu insupportables l’absolutisme centralisateur du pouvoir royal.

B. Une entité essentielle à l’Etat

A l’époque contemporaine, la création de la collectivité territoriale décentralisée est l’œuvre


de l’Etat en tant que pouvoir politique organisé244, centralisé par essence. Sans que les

donc divisé en provinces ou régions, elles-mêmes subdivisées en cantons formés de plusieurs villages…Dans chaque
centre ou village, il y avait une maison de commandement «Agoli», siège du chef de village ou de région. Le Agoli était
en fait la salle de délibération ; c’est ici que les chefs et leurs collaborateurs discutent des affaires publiques. «Quelle
que soit la nature des affaires traitées, ils (les chefs et leurs collaborateurs) y prennent tous part, émettent leur avis,
formant ainsi un véritable conseil… Les représentants du roi (autorité centrale) sur chaque territoire avaient pour
principales missions : le maintien de l’ordre public, la justice, le recouvrement de l’impôt (kuzu) et de toutes autres
contributions, le payement de tribut au roi, l’aide militaire au roi sous forme de levée en masse de contingent… Les
administrés payent l’impôt (Kuzu : impôt en nature) au chef. L’impôt est prélevé sur les revenus des champs. Une
partie de cet impôt est destinée au chef et l’autre partie au roi».

239 LOMBARD J., «La vie politique dans une ancienne société de type féodal : les Bariba du Dahomey», Cahier d’études
africaines, vol.1, n° 3, 1960, pp. 5-45.

240 MAMA DEBOUROU D., La société Baatonou du Nord-Bénin : son passé, son dynamisme, ses conflits et ses innovations, des
origines à nos jours. Essai sur l’histoire d’une société de l’Afrique Occidentale, Thèse de lettres et sciences humaines, Abomey-
Calavi, 2009, pp. 466-480.

241 OUATTARA S., Gouvernance et libertés locales pour une renaissance de l’Afrique, Paris, Karthala, 2007, pp. 27-36.
242Commission Economique pour l’Afrique, L’optimisation du rôle des institutions traditionnelles dans la gouvernance en Afrique
Centrale, 2006, pp. 8-10.

ZUCARELLI F., «De la chefferie traditionnelle au canton : évolution du canton colonial au Sénégal - 1855-1960»,
243

Cahier d’études africaines, vol.13, n° 50, 1973, pp. 214-215.

244 HAURIOU M., Principes de droit public, Paris, Dalloz, 2010, p. 230 : «Après s’être équilibré pendant un certain temps avec les
institutions politiques primaires auxquelles il s’est superposé, le régime d’Etat tend à les subordonner et même à les éliminer, c’est pendant

46
fondements socio-économiques et les visions ne soient nécessairement les mêmes245, la
constance historique notée en France (1) est en cours de reproduction en Afrique
francophone (2).

1. L’expérience de la France

C’est la loi du 14 décembre 1789 portant sur l’organisation municipale qui pour la première
fois a installé une municipalité dans chaque paroisse, chaque bourg et chaque ville 246. La
constitution française de 1791 sera la première à esquisser l’autonomie des collectivités
locales. Elle dispose que «Les administrateurs n’ont aucun caractère de représentation. Ils sont les
agents élus à temps par le peuple pour exercer…les fonctions administratives»247. A l’époque
contemporaine, la constitution française du 27 octobre 1946 consacrera, pour la première
fois, un titre entier aux collectivités locales. Le mérite de ce texte est d’avoir fait de ces
collectivités un sujet du droit constitutionnel. En effet, l’article 87 de ce texte proclame
pour la première fois248 le principe de libre administration249 des collectivités locales même
si le choix de communaliser ces groupements s’expliquerait, entre autres, par l’auto-
organisation qui y a existé depuis l’Ancien Régime250.

cette période que naît le régime administratif. Quand les institutions primaires sont totalement éliminées, le régime d’Etat est obligé de
reconstituer avec sa propre substance un équilibre de superposition, en décentralisant au-dessous de lui».
245Le constituant (de 1990 au Bénin, de 2010 au Niger) a institué la libre administration en conformité avec sa vision
libérale (cf. préambule). Il a également entendu en faire un outil de promotion d’un développement solidaire et
équilibré (Bénin : Const. 11 décembre 1990, art. 153 et Niger, Const. du 25 novembre 2010, art. 165).
246Pour plus de détails sur l’histoire de la décentralisation en France, v. BEAUD O., Fédéralisme et fédération en
France : histoire d’un concept impensable?, Annales de la faculté de droit de Strasbourg, Nouvelle série, n° 3, Presses
universitaires de Strasbourg, 1999, pp. 7-82 ; BURDEAU F., «Affaires locales et décentralisation : évolution d’un
couple de la fin de l’Ancien Régime à la Restauration», Le pouvoir, Mélanges Georges Burdeau, Paris, LGDJ, 1977, pp. 765-
788 ; BODINEAU P., VERPEAUX M., Histoire de la décentralisation, Coll. Que sais-je ?, Paris, PUF, 2ème éd., 1997 ;
BOUET J.-B., L’administration décentralisée du territoire : choix et perspectives ouverts sous la cinquième république, Thèse, Droit
Public, Angers, 2006, pp. 2-20.
247 Titre III, chapitre IV, section 2, art. 2.

248Avant avril 1946, ni la doctrine ni la jurisprudence ou autres textes à caractère législatif ou réglementaire ne faisait
usage de ce terme.

249 Art. 87 : «Les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus au suffrage universel. L'exécution des décisions de
ces conseils est assurée par leur maire ou leur président».
250Le développement des institutions locales remonte au XII ème siècle, avant même l’affirmation du pouvoir royal qui,
sous le Consulat et l’Empire, a instauré un centralisme exacerbé qui s’est manifesté par l’adoption et la mise en œuvre
de la loi 28 pluviôse An VIII du 17 février 1800 qui créa la fonction préfectorale et supprima le principe électif des
assemblées locales.

47
Cette confiance en cette capacité à gérer les intérêts locaux est perceptible dans la loi
municipale française du 05 avril 1884 qui dispose en son article 61 que «Le conseil municipal
règle par ses délibérations les affaires de la commune». Le même constat de confiance aux capacités
locales peut être relevé dans la loi fondamentale luxembourgeoise de 1815 qui n’a même
pas daigné fixer de règles pour l’organisation des administrations locales mais s’est bornée
à disposer en son article 154 que «les administrations des seigneuries, districts et villages seront
organisées de la manière qui sera trouvée la plus convenable aux circonstances et aux intérêts locaux».
Cette confiance en l’institution communale justifie la constitutionnalisation constante de
l’existence251 et de la libre administration des collectivités252 depuis 1946. Son renforcement
a fait l’objet de la réforme constitutionnelle au terme de laquelle la France est devenue une
république décentralisée253, une phase qui reste une perspective pour les Etats d’Afrique
noire francophone qui ont restauré, dans les années 1990, la décentralisation territoriale.

2. La pratique en Afrique noire francophone

La colonisation a brutalement bouleversé l’évolution envisageable des systèmes de


gouvernance territoriale décrite précédemment. En effet, les nécessités de contrôle des
ressources par les puissances colonisatrices ont imposé, au moyen de la force militaire, une
fin brusque à l’organisation territoriale préexistante. Les impératifs de l’unité politique et
administrative l’ont emporté sur les libertés locales. Dans les territoires, notamment ceux
colonisés par la France, toutes les institutions pré coloniales ont été supprimées et
remplacées par une organisation adaptée aux besoins de la métropole. Au lieu
d’institutionnaliser les groupements territoriaux pré existants et caractérisés par une
communauté d’intérêts et le vouloir vivre ensemble, des espaces administratifs ont été

251Const. 27 octobre 1946, art. 85 : «La République française, une et indivisible, reconnaît l'existence de collectivités territoriales».
En retenant cette expression, le Constituant de 1946 renvoie à une conception des collectivités territoriales empreinte
de naturalisme qui suggère que l’inscription constitutionnelle n’en est pas le fondement, mais simplement ce qui la fait
exister en droit. Les Constituants français, à partir de 1958, se sont détachés de cette conception naturaliste. L’État fait
désormais figure de seule réalité tangible, tandis que les collectivités territoriales n’existent que dans la mesure où le
droit étatique les admet, les consacre.
252 Const. du 27 octobre 1946, art. 87 : «Les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus au suffrage
universel».
253 Au terme de la Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la
République, le nouvel art 1er de la Constitution française dispose : «La France est une République indivisible, laïque,
démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte
toutes les croyances. Son organisation est décentralisée».

48
artificiellement créés. A l’inverse du mouvement d’élargissement des libertés locales à
travers la communalisation alors en cours en Europe, en Afrique noire francophone, la
période coloniale a été marquée par une centralisation outrancière.

Louis DE CLERCK résume bien cette situation faite d’une présence directe au niveau local
de l’administrateur territorial nommé par la colonie 254. Il a fallu attendre la veille des
indépendances pour assister à un rétablissement timide des libertés locales, non plus en
faveur des groupements territoriaux quasi naturellement constitués mais au profit d’espaces
administratifs taillés sur intérêt par la puissance colonisatrice. La loi n° 55-1489 du 18
novembre 1955 relative à la réorganisation municipale en Afrique occidentale française, en
Afrique équatoriale française, au Togo, au Cameroun et à Madagascar a créé des communes.
L’article 6 de ladite loi étend aux communes ainsi créées les dispositions de la loi municipale
française du 05 avril 1884. Malgré ses infortunes périodiques, l’administration territoriale
demeure présente dans les réformes successives en raison des échecs répétés des différentes
formes de centralisation expérimentées.

Paragraphe 2 : La décadence de la centralisation administrative

En réponse à la balkanisation de l’Afrique, issue de la Conférence de Berlin de novembre


1884 à février 1885, les nouvelles élites dirigeantes, prenant conscience du risque
d’implosion, se sont assignées la mission de construire des Etats unitaires. Pour ce faire,
elles ont opté pour un centralisme étatique255. Cette forte centralisation a consacré un retour
au modèle colonial d’administration directe de toutes les affaires depuis la capitale. En effet,
les libertés locales inspiraient prudence, méfiance et rejet. La décentralisation territoriale
avait été alors perçue comme une réforme inadaptée au contexte256. Mais, comme «Il n’y a
pas de protection que la force assure en permanence»257, il en a résulté, à terme, une crise de l’action

DE CLERCK L., «L'administration coloniale belge sur le terrain au Congo (1908-1960) et au Ruanda-Urundi (1925-
254

1962)», in Annuaire d’Histoire administrative européenne, n° 18, 2006, pp. 193-199.

255 Bénin, Proclamation du 26 octobre 1972 : «L’unité nationale n’a jamais été aussi dangereusement compromise».
256CLEMENT J.-P., Aux sources du libéralisme français : Boissy d’Anglas, Daunou, Lanjuinais, Paris, LGDJ, 2000, pp. 161-
162.

257 DJOGBENOU J., Publication sur Facebook partagée le 14 janvier 2014.

49
publique258. Le constat est valable aussi bien pour les régimes démocratiques des premières
années après les indépendances (A) que pour les régimes militaires et de parti unique qui
leur ont succédé (B).

A. Les proclamations formelles des premières années des indépendances

Après les indépendances des années 1960, les premières constitutions au Bénin 259 et au
Niger260 ont proclamé l’existence et la libre administration des collectivités locales. Mais ces
textes ne furent guère appliqués, les dirigeants ayant excipé de la construction de l’unité une
absolue priorité qui a occulté la valeur ajoutée de la diversité261. Le Bénin n’aura pu essayer
qu’une semi décentralisation vite remise en cause (1) pendant que le Niger a enregistré un
début d’effectivité qui sera interrompu (2).

1. Le Bénin entre semi décentralisation et centralisation (1960-1972)

Dans la gamme variée de systèmes politiques et de régimes produits dans la période 262, des
tentatives de concrétisation ont été faites au Bénin en 1960, 1964263 et 1974264 sans succès

258 SY O., Reconstruire l’Afrique. Vers une nouvelle gouvernance fondée sur les dynamiques locales, Paris, Ed. Charles Léopold
Mayer, 2009, p. 152 : «La crise de l’action publique est le premier signe visible de la panne des Etats postcoloniaux africains (…) ces
crises présentent de multiples visages mais toutes puisent à la même source : la conception et les pratiques qui fondent ces Etats construits
par le colonisateur …n’ont pas été remises en cause lors de l’accession à l’indépendance».

259 Constitution de 1959 : article 51 ; Constitution de 1960 : article 68 ; Constitution de 1964 : article 98 ; Constitution
de 1966 : article 46 ; Constitution du 11 avril 1968 : article 100 ; Ordonnance 69-53 du 26 décembre 1969 portant
Charte du directoire : article 39 ; Ordonnance 70-34-CP du 07 mai 1970 portant Charte du Conseil Présidentiel :
article 52 ; Loi fondamentale du 26 août 1977 : articles 77 à 103 ; Loi constitutionnelle n° 90-022 du 13 août 1990
portant organisation des pouvoirs durant la période de transition : articles 45 et 46 ; Constitution du 11 décembre
1990 : articles 150 à 153.
260Constitution du 08 novembre 1960 : art. 68, Constitution du 24 septembre 1989 : art. 99, Constitution du 26
décembre 1992 : art. 115, Constitution du 12 mai 1996 : article 116 ; Constitution du 18 juillet 1999 : article 127 ;
Constitution du 13 mai 2004 : article 127 ; Constitution de 2009 : article 127 ; Constitution de 2010 : article 164.
261 SY O., Reconstruire l’Afrique, op. cit., p. 154.

262Au régime présidentiel de 1960-1963 a succédé un régime parlementaire entre 1964-1965. La période 1965-1970 a
été marquée par des coups d’Etat à répétition qui ont abouti à la mise en place d’un Conseil Présidentiel de trois
personnalités qui a été renversé par les militaires le 26 octobre 1972.

263 Loi n° 64-17 du 11 août 1964 sur l’organisation municipale, art. 5 : «Le corps municipal comprend une assemblée délibérante :
le Conseil municipal au sein duquel est élu un maire assisté d’un ou de plusieurs adjoints» ; art. 46 : «Le Conseil municipal règle par ses
délibérations les affaires de la commune».

264 Ordonnance n° 74-7 du 13 février 1974.

50
en raison de l’instabilité politique265. Ces échecs en matière de mise en œuvre de la
décentralisation ont pour cause commune la volonté centralisatrice du pouvoir politique.
Elle est manifeste dans la rédaction de l’article 68 de la Constitution du 26 novembre
1960 au terme duquel «Les collectivités territoriales de l’Etat sont créées par la loi. La loi détermine les
principes fondamentaux de l’administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs
ressources». Contrairement à l’article 51 de la Constitution du 28 février 1959 à laquelle elle
succède, la libre administration n’est plus évoquée. En outre, l’expression collectivités
territoriales de l’Etat met en exergue l’idée de possession et donc les liens de forte dépendance
entre l’Etat et lesdites entités. La première expérience post indépendance de
décentralisation a été une semi décentralisation.

En effet, après son indépendance, le Bénin n’avait pas immédiatement adopté une
législation propre sur la décentralisation. Sur le fondement de la loi française n° 55-1489 du
18 novembre 1955, le Décret n° 291/PCM/MI du 21 octobre 1960 divise le territoire du
Dahomey en 28 cercles et fixe leur ressort territorial et chef-lieu. Le même jour, le Décret
n° 292/PCM/ MI fut pris par le gouvernement pour réorganiser l’administration
territoriale. En plus des cinq communes266 de plein exercice qui demeurent, les six régions
du pays ont été transformées en départements267 et dotées de conseils élus au suffrage
universel direct. L’assemblée départementale délibérait sur, entre autres, le budget et les
comptes administratifs du département proposés par le Préfet, président de l’assemblée
départementale élue, était nommé par le gouvernement.

Par la Loi n° 62-13 du 26 février 1962 portant institution et organisation de circonscriptions


urbaines, cette expérience de semi décentralisation fut arrêtée. Les communes de plein
exercice ont été transformées en circonscriptions urbaines. Les assemblées locales ont été

265 IGUE J., dans «Le bilan des cinquante années d’indépendance au Bénin», Promesses, bienfaits et mécontentements du
développement postcolonial, Série de l’IDEP, Documents de réflexion pour le cinquantenaire de l’Afrique 2, pp. 2-3,
explique cette instabilité par le cloisonnement du jeu politique et sa fixation autour de trois pôles régionaux d’influence
farouchement opposés que sont Porto-Novo (qui a servi de base à la puissance coloniale pour organiser la conquête
du reste du pays), Abomey (qui refusait de se soumettre à l’impérialisme français) et Parakou (qui représentait les
populations du Nord qui s’estimaient laissées pour compte dans la mise en valeur du pays) et autour desquels les
premiers partis politiques ont été créés.
266 Porto-Novo, Cotonou, Ouidah, Abomey et Parakou.

267 Décret n° 292/PCM/MI du 21 octobre 1960, art. 1 er.

51
dissoutes. Des conseils urbains ont été créés et ses membres nommés par le gouvernement.
A partir de 1964 et avec la Loi n° 64-17 du 11 août 1964 sur l’organisation municipale,
l’organisation administrative de 1960-1962 fut remise en vigueur268 pour être arrêtée de
nouveau en 1965. De 1965 à 1972, le Bénin a connu un centralisme fort dans lequel les
citoyens n’étaient pas significativement associés à la gestion des affaires publiques locales.
La période a enregistré trois types de pouvoir dont une succession de régimes militaires269
entre 1965-1968, un régime pseudo démocratique et politiquement instable entre 1968 et
1970 et le Conseil Présidentiel entre 1970 et 1972 qualifié de centralisme démocratique 270
auquel un coup d’Etat militaire mettra fin le 26 octobre 1972.

Durant cette période, le sort fait à la libre administration par les textes constitutionnels a
varié. La Constitution du 26 novembre 1960 en son article 68 passe sous silence l’adjectif
libre et l’article 41 évite d’évoquer parmi les attributions du législateur, la détermination des
principes fondamentaux de la libre administration. L’article 100 de la Constitution du 11
avril 1968 revient à la formule initiale et pose le principe de la libre administration.
L’Ordonnance n° 70-34-CP du 07 mai 1970 portant Charte du Conseil Présidentiel, en son
article 39, dispose que sont déterminés par ordonnance les principes fondamentaux
concernant la libre administration des collectivités locales, leurs compétences et leurs
ressources alors même qu’à l’article 52 consacré aux collectivités territoriales, elle n’affirme
pas explicitement le principe de leur libre administration.

2. Le Niger entre proclamation et ineffectivité (1960-1974)

La toute première constitution adoptée par le Niger indépendant en 1960 posait déjà le
principe de la libre administration des collectivités territoriales271. En application desdites
dispositions constitutionnelles, la Loi n° 61-50 du 31 décembre 1961, portant organisation

268 Loi n° 65-20 du 23 juin 1965 fixant les règles relatives à l’organisation générale de l’administration publique.

26929 novembre 1965 : démission de Sourou Migan APITHY, formation d’un nouveau gouvernement confiée au
président de l’Assemblée Nationale, Tahirou CONGACOU ; 22 décembre 1965 : prise du pouvoir par le Général
SOGLO ; 17 décembre 1967 : coup d’Etat militaire mené par le commandant Maurice KOUANDETE, un
gouvernement, avec à sa tête le Lieutenant-colonel ALLEY, est constitué.
270ADJAHO R., Décentralisation au Bénin, en Afrique et ailleurs dans le monde. Etat sommaire et enjeux, 1ère éd., Cotonou, 2002,
p.30.

271 Constitution nigérienne du 08 novembre 1960, art. 68.

52
des collectivités territoriales fut promulguée272. Les élections des conseils de circonscription
ont été organisées les 02 et 03 décembre 1962. Mais il ne s’agissait que d’un simple placage
de l’organisation territoriale coloniale. En effet, les anciens cercles unitaires et subdivisions
ont été nominalement transformés en collectivités territoriales sans aucun changement
fondamental dans le processus décisionnel.

La réforme de 1964, plus ambitieuse, introduite par la Loi n° 64-023 du 17 juillet 1964
portant création de circonscriptions administratives et de collectivités territoriales va
permettre la première expérience réelle de décentralisation même si elle n’était que
partielle273. Trois autres textes de loi viendront enrichir le cadre juridique 274. Sous le règne
de ces textes, les arrondissements et les communes auront été dotés de conseils
délibérants275. Les élections municipales ont été organisées le 30 août 1966 pour les
communes de Niamey, Maradi et Zinder et le 15 octobre 1967 à Tahoua. Les élections pour
les conseils d’arrondissements ont eu lieu le 22 mars 1968. Ce processus sera interrompu
par le coup de force militaire du 15 avril 1974 qui met en place un système dit de démocratie
populaire dont les limites contribueront à la crise de l’Etat à la fin des années 1980.

B. Les procédés chimériques expérimentés sous les régimes militaires

Les régimes militaires se sont distingués par la volonté de contrôler, dans les moindres
détails, l’action publique, même au niveau local. Prenant référence sur le mouvement en

272 Cette loi a créé des collectivités territoriales dénommées circonscriptions dotées de la personnalité morale et de
l’autonomie financière.

273 Les collectivités territoriales étaient certes dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière mais elles
étaient placées sous la responsabilité d’autorités (sous-préfets pour les arrondissements et maires pour les communes)
nommées par le Président de la République. Les arrondissements et communes étaient à la fois des collectivités
territoriales décentralisées et des circonscriptions administratives. Cette dualité juridique créait une confusion à tous
les niveaux : confusion en ce qui concerne les personnes (le maire ou le sous-préfet agissent à la fois au nom de l’Etat
et de la collectivité territoriale), confusion en matière budgétaire et financière, les administrations et les effectifs servent
à la fois l’intérêt général et l’intérêt local, confusion de compétences et de la nature des interventions (locale ou
nationale).
274
Loi n° 65-005 du 8 février 1965, déterminant l’organisation des collectivités territoriales, leurs compétences ainsi
que les attributions de leurs organes de délibération et d’exécution ; Loi n° 65-006 du 8 février 1965, déterminant
l’administration des arrondissements et des communes, les règles d’aliénation et de gestion de leur domaine public et
privé ainsi que leurs ressources ; Loi n° 65-007 du 8 février 1965, déterminant le régime de tutelle applicable aux
arrondissements et aux communes.

275Ceci ne garantit pas que les élections et le fonctionnement desdits organes aient été démocratiques. En effet, les
élections ont été organisées sur la base de listes uniques présentées par le parti unique au pouvoir.

53
cours en Europe de l’Est276, les organes dits de participation populaire mis en place ne
délibéraient pas et les exécutifs locaux étaient nommés et aux ordres du gouvernement. Le
début des années 1990 voit la décentralisation renaître progressivement des cendres de la
démocratie populaire au Bénin (1) et de la société de développement au Niger (2).

1. La démocratie populaire au Bénin

Le concept de démocratie populaire277 a émergé avec la révolution russe de 1917. En 1974,


le Bénin a adhéré à l’économie socialiste de type marxiste-léniniste. Cette option sera
constitutionnalisée avec la loi fondamentale du 26 août 1977 278. Malgré le réquisitoire qu’il
a dressé contre le centralisme étatique dans son discours programme du 30 novembre 1972,
le gouvernement révolutionnaire n’a pu installer une réelle décentralisation 279. Certes,
l’Ord. n° 74-7 du 13 février 1974 portant réforme de l’administration territoriale a créé des
collectivités territoriales dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière280.
Mais celles-ci étaient dirigées par des fonctionnaires nommés par le pouvoir central 281. En
lieu et place d’une démocratie participative respectueuse des libertés locales, le régime
marxiste-léniniste a plutôt institué une pseudo-démocratie dite populaire282. Il s’agit en effet
d’un régime de parti unique dont le chef est en même temps Président de la République et
Chef du gouvernement283.

276 Le temps des démocraties populaires s’y est étendu de 1948 à 1989.

277 Il désigne, à partir de 1947 et au sens restreint du terme, les pays d’Europe centrale et orientale qui ont été soumis
à la domination de l’URSS au moment où Staline, fort du prestige de sa victoire contre le nazisme, a décidé que le
communisme devait «sortir de sa forteresse» et conquérir le monde. On en a décompté 8 en son temps : Albanie, RDA,
Bulgarie, Hongrie, Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie. Par la suite, certains Etats communistes se
sont attribué la notion de démocratie populaire (la République Populaire de Chine, le Cuba, le Laos, le Vietnam ou la
Corée du Nord).

278 Loi fondamentale du 26 août 1977, art. 4.

279 «Sur le plan organisationnel, le système reste de type napoléonien, vestige de la période coloniale. La centralisation des structures
qu’implique un tel système étouffe les initiatives et l’esprit de responsabilité. Elle éloigne le pouvoir des citoyens…Il faut rapprocher, par la
décentralisation, le pouvoir du citoyen…».

280 Ord. n° 74-7, art. art. 4, 5 al.2 et art. 9 al. 2.


281 Ord. n° 74-7, art. 6.

282 LENINE dans son ouvrage L’Etat et la révolution, paru en 1917 écrivait que «La dictature du prolétariat est un élargissement
considérable de la démocratie, devenue pour la première fois démocratie pour les pauvres, démocratie pour le peuple et non pour les riches»
soulignant ainsi la différence entre les démocraties libérales occidentales, qui n’étaient que des démocraties de façade
et le futur régime qu’il allait imposer, fondé sur une démocratie réelle et non formelle.
283 Stéphane BOLLE l’appelle «démocrature». Voir http://la-constitution-en-afrique.org/article-13784862.html

54
Pourtant, la Loi fondamentale de 1977 annonçait garantir au peuple le droit de participer à
la gestion des affaires publiques284. Pour ce faire, elle prévoyait une organisation
hiérarchisée285 descendante du pouvoir d’Etat en créant des conseils qui étaient à la fois
organes du parti et organes d’administration du territoire 286. Dans ce contexte, aucun
pluralisme n’était toléré. Les organes locaux n’étaient pas délibérants mais assistaient 287 les
représentants du pouvoir central dans l’administration du territoire. En définitive, il
s’agissait plus de circonscriptions administratives que de collectivités territoriales. En
dehors du nombre de districts qui a varié288, le cadre juridique et institutionnel de
l’administration ne s’est pas s’amélioré jusqu’à la fin du système marxiste-léniniste289, le 07
décembre 1989 et à la suspension de la loi fondamentale, en février 1990.

2. La société de développement au Niger

Le pouvoir militaire issu du coup d’Etat de 1974 a dissout les conseils municipaux et
d’arrondissements antérieurement élus290. Le Décret n° 74-207/PCMS/MI du 13 août 1974
a été pris pour organiser «à titre provisoire la participation des populations à la gestion des affaires
publiques en attendant le renouvellement des conseils d’arrondissements et municipaux». Des
commissions consultatives provisoires ont été instituées puis remplacées par les Comités
Techniques d’Arrondissements (COTEAR) et les Comités Techniques Communaux
(COTECOM) comme organes délibérants. Lesdits comités étaient composés des chefs des
services déconcentrés de l’Etat, des chefs de canton ou leurs représentants, des
représentants de projets et de délégués d’associations socioprofessionnelles 291 sous la

284 Loi fondamentale du 26 août 1977, Préambule.


285 Loi fondamentale du 26 août 1977, art. 85 : «Les conseils révolutionnaires des divers échelons ont le droit de modifier ou d’annuler
les décisions mal fondées du conseil révolutionnaire de l’échelon immédiatement inférieur et de son organe exécutif…».
286 Loi fondamentale du 26 août 1977, art. 77 et 78.

287 Ord. 74-7, art. 6 al.2.


288 ADJAHO R., op. cit., p. 36.

289Au terme d’une réunion conjointe spéciale du Comité Central du Parti, du Comité Permanent de l’Assemblée
Nationale Révolutionnaire et du Conseil Exécutif National (Gouvernement), il a été rendu public un communiqué qui
annonçait que «le marxisme-léninisme n’était plus l’idéologie officielle de l’État».
290
Le 30 août 1966 pour les communes de Niamey, Maradi et Zinder et le 15 octobre 1967 à Tahoua.
291 Désignés par leurs structures et non élus par la population.

55
présidence du sous-préfet ou du maire nommés par le gouvernement du Conseil Militaire
Suprême. Théoriquement, les COTEAR et les COTECOM se réunissaient pour voter le
budget et pour statuer sur les questions de développement socio-économique local. Mais le
dispositif en place ne pouvait assurer une gestion démocratique292.

L’ordonnance n° 83-26 du 04 août 1983, portant organisation de la «Société de


Développement», crée au niveau de chaque unité administrative un organe délibérant : le
Conseil de Développement. L’objectif poursuivi par cette réforme était l’avènement d’une
démocratie participative basée sur «la consultation, la concertation et la participation». C’est
finalement en 1988 que lesdits conseils ont été mis en place ; les membres ont été désignés
par consensus au sein des différentes corporations (chefferie, syndicats, samaria,
coopératives, associations socioprofessionnelles, etc.). Les conseils étaient présidés soit par
les autorités coutumières (chefs de tribu, chefs de village, etc.) soit par les autorités
administratives (préfets, sous-préfets, maires). Le fonctionnement de ces conseils a été
compromis par la confiscation de l’expression démocratique. Ils seront dissouts par la
Conférence Nationale à travers l’Acte n° 3 en date du 9 août 1991.

Au terme de trois décennies d’histoire de centralisation politico-administrative, la


décentralisation sera rétablie dans la foulée des renouveaux démocratiques en Afrique
subsaharienne. Les constituants ont, à nouveau, affirmé le principe de libre administration
des collectivités territoriales qui emporte inéluctablement, l’autonomie des organes. Le
principe, même constitutionnalisé, sera-t-il suffisamment internalisé pour que son
effectivité soit garantie293 ? La réponse doit être recherchée dans l’acception, la normativité
et les conditions d’effectivité attachées à l’idée d’autonomie organique.

292 MAMAN S., Historique de la décentralisation au Niger, Document de travail, Direction Générale de l’Administration
Territoriale et des Collectivités Locales, Niamey, Mai 2008, p. 5 : «Les COTEAR et les COTECOM n’étaient que des
chambres d’enregistrement des décisions préparées par les autorités administratives. Ils n’étaient pas des organes actifs de décision et de
contrôle des actes des autorités exécutives, notamment le sous-préfet et le maire étaient toujours nommés par le pouvoir central. Pour
conséquence, les collectivités territoriales étaient réduites au statut de simples circonscriptions administratives avec une responsabilisation et
une participation des populations limitée».

293Le phénomène décentralisateur est considéré comme une mesure de libéralisme politique et administratif. La
tendance des législations est d’évoluer vers le maximum de libertés locales. Or selon K. APPIA [op. cit., pp. 3-4], cet
esprit ne se manifeste pas encore dans le cadre africain : «l'idée de liberté traditionnellement attachée au concept même
de décentralisation n'est pas ici de celles qui sont admises sans réserve (…) Le fondement des contraintes tient sans
doute aux rigueurs du problème du développement, ou encore aux exigences souvent invoquées de l'unité nationale».

56
SECTION 2 : UNE GARANTIE INSUFFISANTE

L’autonomie des organes des collectivités décentralisés n’a pas semblé avoir retenu
l’attention, ni du constituant originaire ni du législateur294. Ce silence rend malaisée la
juridisation du concept d’autonomie organique dont la portée demeure pourtant essentielle
(Paragraphe 1). Certaines perceptions socio culturelles295 et les remises en cause
précédemment enregistrées plaident pour l’élévation du principe au rang des libertés
fondamentales placées sous la garde du juge constitutionnel. La consécration
constitutionnelle est acquise. Mais par défaut d’audace du juge, elle ne suffira pas pour servir
de rempart contre la banalisation des libertés locales (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’autonomie organique, un critère essentiel

Etymologiquement, autonomie signifie le «droit de se doter de ses propres règles». Son usage dans
le vocabulaire juridique ne s’éloigne pas de cette signification générique. Pour Georg
JELLINEK, elle consiste dans la faculté d'avoir des lois propres, mais aussi dans celle
d'obéir conformément à ces lois, dans les limites qu'elles imposent296. En ce qui concerne
l’autonomie locale, socle et condition de l’existence d’une autonomie des organes locaux,
l’expression est curieusement297 très peu usitée dans le vocabulaire juridique des Etats
francophones. L’expression autonomie est absente298 du vocabulaire constitutionnel local

294La loi est un intermédiaire impératif pour permettre l’action des collectivités territoriales, celles-ci ne bénéficiant pas
d’un pouvoir réglementaire autonome sur le fondement direct de la Constitution.

295En illustration, la déclaration de l’ancien président Zaïrois, Feu Mobutu Sese Seko selon laquelle «La démocratie n’est
pas pour l’Afrique. Le Chef africain ne partageait pas son pouvoir. Ce qu’il nous faut au Zaïre, c’est l’unité », Wall Street Journal, 14
octobre 1985.

296 JELLINEK G., L'Etat moderne et son droit, T. II, Théorie juridique de l'Etat, Paris, 1913, p. 152.

297La conception autonomique de la décentralisation est la plus largement partagée par les auteurs. Ainsi, déjà à la fin
du XIXème siècle, E. FONTAINE, Décentralisation et déconcentration, Paris, éd. H. DE LAGADEC, 1899, p.7, a écrit que
«décentraliser c'est rendre aux pouvoirs locaux les libertés nécessaires à leur développement normal, c'est réaliser le gouvernement du pays
par le pays, le self government». Cette conception est partagée par DEBBASCH Ch., Institutions et droit administratif, Paris,
PUF, 1982, p. 203, qui a écrit que «si la démocratie représente dans l'ordre politique, suivant la formule consacrée "le pouvoir du peuple
par le peuple et pour le peuple", la décentralisation représente, dans l'ordre administratif, l'application des principes démocratiques». Dans
le même sens, v. HAURIOU M., Etude sur la décentralisation, Paris, 1892, p. 10 ; DUGUIT L. Traité de droit constitutionnel,
rééd. T. 3, Paris, E. DE BOCARD, 1930, p. 90.

298Cette attitude commune aux constituants en Afrique de l’Ouest diffère de la pratique récente dans d’autres parties
du continent. En effet, des textes constitutionnels adoptés dans les années 1990 en Afrique centrale utilisent
expressément le mot autonomie avec ou sans qualificatif. C’est le cas au Cameroun (Loi constitutionnelle du 18 janvier
1996, art. 55, al. 2, au Congo (Acte fondamental du 24 octobre 1997, art. 170) et au Tchad (Loi constitutionnelle du
14 avril 1996, art. 203).

57
au Bénin et au Niger comme celui de la France dont ces deux législations sont largement
inspirées. Un tel silence ne put être gratuit. Il a induit l’usage précautionneux que le
législateur a entendu faire d’un concept difficile à cerner (A) mais dont le caractère
fondamental est reconnu par toutes les sources du droit moderne (B).

A. Un concept essentiel à clarifier

Contrairement à l’autonomie financière, l’autonomie organique des collectivités territoriales


n’a jamais été explicitement affirmée par les législateurs béninois et nigérien. Ce silence est
sans nul doute inspiré par la méfiance du constituant français précolonial à l’égard du
concept d’autonomie (1). Toutefois, cette situation ne saurait faire obstacle à la recherche
d’une définition à cette notion cruciale pour l’effectivité des libertés locales (2).

1. Un terme rarement utilisé par le législateur

Avant leur constitutionnalisation en France, les libertés locales ont dû leur reconnaissance
d’abord au règlement et à la loi. Ce fut le décret des 22 décembre 1789 et 7-8 janvier 1790
relatif à la constitution des assemblées primaires et des assemblées administratives. La loi
du 18 juillet 1837 reconnaît la personnalité civile de la commune. La loi du 18 juillet 1866
et la loi du 24 juillet 1867 habilitent respectivement les départements et les communes à
statuer définitivement sur les matières exclusivement départementales et communales avec
un contrôle a posteriori. Sous la IIIème République, à travers la loi du 10 août 1871, il s’est agi
de séparer autant que possible la gestion des affaires départementales de celle des affaires
de l’Etat. Deux statuts de l’autonomie locale seront adoptés, celui de la loi du 10 août 1871
sur les départements et celui qu’établit la loi du 05 avril 1884 sur les communes.

Ces textes consacreront le renouveau et l’élargissement des libertés locales 299. La clause
générale de compétences s’accompagne d’une évolution de la tutelle et conséquemment du
degré d’autonomie des communes. Nonobstant ces développements, on ne retrouvera pas
trace du mot autonomie dans ce texte. L’expression ne figurera pas non plus dans la loi du
02 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des

299
En son article 61, la loi du 05 avril 1884 dispose : «Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune».

58
régions300. Finalement, c’est indirectement que l’autonomie locale a fait son entrée dans la
Constitution française par la ratification de la Charte européenne de l’autonomie locale et
qui, en plus, a le mérite de définir la notion301.

Il est utile de mentionner l’importante thèse de l'école eisenmannienne pour laquelle tout
le problème de la décentralisation est dans la distinction entre des autorités centrales et des
autorités non centrales, les unes ayant une compétence personnelle territorialement
illimitée, les autres ayant une compétence personnelle limitée à une «fraction de la collectivité
étatique»302. K. APPIA, établit un lien de causalité entre l'autonomie des organes
décentralisés et l'autonomie de leurs représentants, qui signifierait elle-même
l'indépendance de ces derniers à l'égard des autorités centrales303. De tels développements
doctrinaux auraient dû influencer les choix législatifs.

En Afrique francophone, la première loi municipale fut la Loi n° 55-1489 du 18 novembre


1955 relative à la réorganisation municipale en Afrique Occidentale Française, en Afrique
Equatoriale Française, au Togo, au Cameroun et à Madagascar. Bien qu’étant déjà instituée
dans la Constitution de 1946 en France métropolitaine, on ne retrouve pas dans ce texte
législatif le principe de libre administration. L’expression autonomie n’y figure pas. Après
les indépendances, la plupart des textes de lois sur la décentralisation adoptés en Afrique
de l’Ouest francophone reconnaissent à la collectivité territoriale «la personnalité morale et
l’autonomie financière»304. Mais comme au Bénin et au Niger305, ils restent silencieux sur les

300C’est seulement dans l’exposé des motifs qui a accompagné le texte que l’expression ressort. V. Doc. AN n° 105,
annexe, PV séance du 21 juillet 1981, p. 2 : «La faiblesse des ressources des collectivités territoriales réduit leur autonomie…».

301 Charte européenne de l’autonomie locale, art. 3.

302 EISENMANN Ch., «Centralisation et décentralisation : principes d'une théorie juridique», RDP, 1947, p.27 ;
Centralisation et décentralisation : esquisse d'une théorie générale, Paris, LGDJ, 1948 ; «Les structures de l'administration», Traité
de science administrative, Paris, Mouton, 1966, p. 261. On consultera aussi, avec intérêt, la contribution de STIROPINAS
D. G., «Aspects des problèmes de la centralisation et de l’autonomie administrative», Mélanges SEFERIADES, Athènes,
1961, p.733.
303 APPIA K., op. cit., p. 16.

304Burkina-Faso : art. 8 de la Loi n° 055-2004/AN portant Code Général des Collectivités Territoriales au Burkina-
Faso ; Mali : art. 1er de la Loi n° 93-008 du 11 février 1993 déterminant les conditions de la libre administration des
collectivités territoriales ; Sénégal : art. 1er de la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des
collectivités locales.

305Bénin : Loi n° 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin, art. 1 er ; Ord.
n° 2010-54 du 17 septembre 2010 portant Code Général des Collectivités Territoriales de la République du Niger, art.
3.

59
autres dimensions non moins essentielles de l’autonomie, notamment l’autonomie
organique. A l’opposé, les législations nationales d’Etats francophones d’autres régions
seront plus précises306. Au regard du silence, déjà évoqué, du constituant originaire, il
convient de s’interroger sur la compréhension qu’il sied d’avoir du même silence de la part
des législateurs béninois et nigérien. Faut-il en déduire que les composantes de l’autonomie
locale non expressément évoquées par les textes ne sont pas reconnues aux collectivités?
Une réponse affirmative ne saurait être donnée avant un examen de la doctrine et de la
jurisprudence.

2. Essai de définition de l’autonomie organique

La jurisprudence ne sera pas d’une utilité significative dans la caractérisation de l’autonomie


locale307. Ceci est la conséquence de la quasi absence de la notion du droit positif qui lui
préfère l’expression constitutionnellement consacrée de libre administration.
Comme pour l’autonomie locale dont elle constitue une composante, les doctrinaires ne
s’appesantissent point sur la définition de l’autonomie organique. Ils en abordent le plus
souvent les conditions et manifestations. Cette caractérisation n’assimile pas l’autonomie
organique à l’autonomie administrative308 qu’elle définit par opposition à l’autonomie
politique309. Les caractéristiques de l’autonomie administrative que la doctrine définit

306
Rwanda : Loi n° 08/2006 du 24 février 2006 portant organisation et fonctionnement du district, art. 2 : «Le District
est une entité administrative autonome dotée de la personnalité juridique et de l'autonomie administrative et financière». Loi n° 1/02 du
25 janvier 2010 portant révision de la Loi n° 1/016 du 20 avril 2005 portant organisation de l’administration
communale, article 1 : «La commune est une collectivité territoriale décentralisée dotée de la personnalité juridique, de l’autonomie
organique et financière».
307
Rarement les arrêts ou décisions rendues aussi bien par le Conseil d’Etat que le Conseil Constitutionnel français se
rapportent expressément à l’autonomie. C’est en lisant entre les lignes des différents «considérant» qu’on y retrouve
par endroits le mot «autonomie». Sont plutôt fréquemment usités les termes «libre administration», «liberté» suivi de la
référence à l’article 72 de la constitution. Cette quasi méfiance vis-à-vis du concept d’autonomie et la préférence du
terme «libre administration» sont confirmées par la jurisprudence constitutionnelle nigérienne qui, dans la presque totalité
de ses arrêts, s’alignant sur ce point à la lettre de la constitution, fait plutôt recours au principe de libre administration
ou «liberté d’administration» et non à celui d’autonomie. Les arrêts n° 03/06/CC/MC du 19 juillet 2006 et n°
05/08/CC/MC du 30 juillet 2008 en comportent des illustrations.
308
NGONO TSIMI L., L’autonomie administrative et financière des collectivités territoriales décentralisées : l’exemple du
Cameroun, Thèse, Paris Est, p. 168, affirme que, «Lorsqu’elle est administrative, l’autonomie désigne la faculté pour l’organe qui
en bénéficie de créer ses propres normes dans le domaine de son administration». C’est l’autonomie normative de Jean-Bernard
AUBY : «les mesures dans lesquelles les collectivités ont le pouvoir de s’organiser et de déterminer les modalités de leur propre action».

309
D’abondants développements doctrinaux existent à ce sujet. MODERNE F., «Les expériences régionales en
Espagne et au Portugal, analyse comparative» in WALINE J., Gouverner, administrer, juger, Liber amicorum, Paris, Dalloz,
2002, pp. 321-322, présentant les Etats autonomes du Portugal, affirme que ceux-ci «bénéficient officiellement d’une autonomie

60
indiquent que celle-ci couvre un spectre plus large que le seul aspect organique310. Il a déjà
été démontré que les textes de loi ne prescrivent pas expressément l’autonomie organique.
Pour autant, le chercheur en droit n’est pas dispensé d’un exercice d’esquisse de cette
notion. Pour ce faire, la démarche consistera à partir de ce que l’autonomie organique n’est
pas pour en déduire ce qu’elle pouvait signifier réellement.

Les législations béninoise et nigérienne disposent que la collectivité territoriale est librement
administrée par des organes propres311. Pour la jurisprudence nigérienne, ceci implique que
«le pouvoir de décision est exercé par des organes propres agissant librement»312. Cependant, dans l’Etat
unitaire, l’autonomie d’un organe ne saurait lui conférer des pouvoirs propres
d’autoréglementation. L’entité territoriale décentralisée reste sous une certaine surveillance
de l'État qui prend, tantôt la forme d’un contrôle de légalité, tantôt celle de tutelle
administrative. Quel que soit le vocable utilisé pour la désigner, l’autonomie dont
bénéficient ces organes ne saurait remettre en cause l’unité de l’ordre juridique.
Pareillement, le fait que les organes d’État déterminent les conditions d’existence des
organes locaux ne signifie pas que ceux-ci expriment le pouvoir central. Au contraire, tant
la doctrine que la législation admettent que la collectivité territoriale puisse permettre au
peuple de s’exprimer dans un autre cadre que celui de l’État.

A partir de ces considérations, l’autonomie organique peut être définie comme le droit
d’exister, exclusif de toute menace de dissolution arbitraire, dont disposent les organes
d’administration d’une entité territoriale décentralisée en vue du libre exercice, par ceux-ci,
de leurs compétences, dans le cadre prescrit par les textes de loi.

politique et non seulement administrative». Voir BON P., «Espagne, l’Etat des autonomies», in BIDEGARY C. (dir), L’Etat
autonomique : forme nouvelle ou transitoire en Europe ? Paris, Economica, 1994.
310LACHAUME J.-F., Grands services publics, Paris, éd. Masson, 1989, p. 54 et s. évoque l’existence d’organes de gestion
distincts de ceux de la collectivité de rattachement pour ce qui concerne les établissements publics. DUSSART V.,
l’Autonomie financière des pouvoirs publics constitutionnels, Thèse, CNRS Editions, Paris, 2000, p. 130, quant à lui a mentionné
comme paramètres importants, un personnel propre et une administration qui s’organise comme elle l’entend.
311 Bénin : Loi n° 97-028, art. 21 et 23, Loi n° 97-029, art. 1 et 3 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 3 et 8.

312Arrêt n° 03/06/CC/MC du 19 juillet 2006.

61
B. Une condition majeure

Le principe de libre administration est motivé par la nécessité d’une individualisation et de


la protection des intérêts locaux. Sur ce point, les textes de lois sur la décentralisation au
Bénin et au Niger se sont conformés à la position dominante dans la doctrine en
reconnaissant l'existence autonome desdits intérêts. L'entité administrative chargée de leur
administration a été dotée d’une personnalité autonome et d’une capacité juridique (1),
condition essentielle pour la liberté de l’administration locale (2).

1. L’attribution de la personnalité morale à la collectivité territoriale

En raison du contexte de création artificielle des communes dans la plupart des pays
africains, il est légitime de s’interroger sur le mode d’attribution de la personnalité à cette
institution. Une fois un parti pris, il pourra être appliqué à l’espèce.

Traditionnellement, deux hypothèses de dévolution de la personnalité peuvent être


envisagées. Il peut s’agir d’une attribution implicite ou d’une attribution explicite. La
dévolution implicite se fonde sur deux hypothèses. Ou il existe des indices d’attribution ou
il est supposé d’acquisition coutumière. Pour rechercher des indices d’attribution, la
doctrine et la jurisprudence ont suggéré des critères. La démarche proposée par la doctrine
administrativiste consiste à procéder par analogie. Le procédé paraît simple313. Il s’agit de
vérifier que l’institution à qualifier bénéficie de l’autonomie décisionnelle ; si oui, en tirer la
conclusion qu’elle est dotée de la personnalité juridique. La solution de la jurisprudence 314
consiste en une reconstitution de la personnalité juridique qui n’a pas été explicitement
attribuée, à partir des droits et obligations de l’institution. Il est en effet établi que le droit
de posséder des biens et celui d’agir en justice ont toujours constitué des indices de la
personnalité juridique315.

313
CONNOIS R., La notion d’établissement public en droit administratif français, Paris, LGDJ., 1959, 244 p.

314 CE, 10 décembre 1887, Verginaux, R. 778 ; CE, 20 janvier 1905, Paternoster, note G. JEZE ; CE, 22 octobre 1954,
Conseil Départemental des Sages-Femmes de la Gironde, R. 551 ; CE, 7 mai 1971, Institut des Etudes de Développement Economique
et Social, R. 349 ; TA Clermont-Ferrand, 23 octobre 1986, Concl. Bonnet, AJDA, 1987, p. 407.
315
GILLET P., La personnalité juridique en droit ecclésiastique : spécialement chez les décrétistes et les décrétalistes et dans le Code de
droit canonique, Th. Louvain, Godenne Ed., 1927, p. 240.

62
La thèse de l’acquisition coutumière est résumée par Marcel PLANIOL pour qui «La
personnalité de l’Etat… quoique vieille n’est pas le plus ancien exemple du genre, le premier rang comme
ancienneté appartient vraisemblablement aux communes…sans qu’on puisse savoir à quelle époque l’origine
en remonte»316. Il ne fait pas de doute que la dévolution implicite reflète bien le processus de
communalisation dans la tradition française et traduit le souci de la reconnaissance d’un
phénomène collectif et des libertés locales qui s’y attachent. Cependant, cette théorie de
l’acquisition coutumière qui prétend que la collectivité territoriale est un sujet de droit
naturellement constitué et dont la reconnaissance s’impose aux pouvoirs publics peut être
écartée, tout au moins partiellement.

De droit comme de fait, les collectivités territoriales ne se sont pas toujours imposées au
législateur. En effet, celui-ci a toujours accordé ou retiré la personnalité morale à des entités
territoriales, qu’elles soient anciennement établies ou artificiellement créées 317. Par
conséquent, la validité d’une reconnaissance implicite de la personnalité morale, quelle
qu’en soit la modalité, est difficilement admissible en droit public dominé par le principe de
légalité. L’attribution explicite paraît s’imposer.

La doctrine fait de la dévolution de la personnalité morale un critère de toute


décentralisation territoriale318. Les collectivités territoriales n’existent que parce que la
constitution et les lois les ont consacrées. Dans l’Etat moderne, la personnalité morale est
explicitement attribuée à la collectivité territoriale décentralisée. L’identification de l’autorité
compétente permet d’en vérifier l’existence. Même si la question de l’attribution de la

316 PLANIOL M., Traité élémentaire de droit civil, Paris, Ed. F. Pichon et Durand Auzias, 1911, T. I, p. 954.

317Le législateur français a pu créer, en dehors de la commune qui correspond à un groupement territorial ayant une
existence de fait préalable, d’autres types de collectivité territoriale (le département et la région) qui sont des créations.
En ce qui concerne la commune, la Convention avait décidé d’en «faire de simples circonscriptions administratives
dépourvues de personnalité morale, de nationaliser leurs actifs» (v. BERTHELEMY H., Traité élémentaire de droit
administratif, 10ème éd., 1926, p.30). En outre, les arrondissements dont les origines remontent à la loi du 22 décembre
1789 n’ont jamais acquis le statut de collectivité territoriale. Les lois de décentralisation, au Niger et au Mali par exemple,
ont créé plusieurs niveaux de décentralisation qui ne reflètent pas souvent l’existence d’une réalité historique, d’une
communauté d’intérêts ou de liens de solidarité. Au Niger, en 2010, la qualité de collectivité territoriale a été retirée aux
départements réduisant ainsi à deux au lieu de trois le nombre de niveaux de décentralisation.

318 HAURIOU M., Précis de droit administratif et de droit public, Larose, 7ème éd., 1911, p. 146. ; de LAUBADERE A.,
Traité élémentaire de droit administratif, Paris, LGDJ, 5ème éd., 1970, pp. 85 et s. ; RIVERO J., WALINE J., Précis de droit
administratif, Paris, Dalloz, 4ème éd., 1970, pp. 85-120 ; AUTEXIER Ch., «L’ancrage constitutionnel des collectivités de
la République», RDP, 1981, p. 581 : «L’attribution de la personnalité morale constitue le support de reconnaissance de la collectivité
territoriale» ; v. également LINDITCH F., op. cit. p. 172 pour qui la personnalité morale constitue même «le préalable de
toute décentralisation».

63
personnalité morale aux institutions publiques n’y a pas été abordée, l’examen des
dispositions constitutionnelles permet d’identifier l’autorité compétente.

En disposant clairement que les collectivités territoriales «s’administrent librement» par des
conseils élus, les constituants ne pouvaient que viser des personnes morales 319. En effet,
une organisation non dotée de la personnalité ne peut faire aucun acte de la vie juridique.
Elle ne peut disposer de capacités juridiques (compétences) ni de patrimoine (ressources)
nécessaires pour administrer. Mieux, les mêmes constitutions prévoient que les collectivités
territoriales sont créées par la loi. Une lecture combinée de ces deux dispositions320 autorise à
comprendre que le constituant originaire a plutôt entendu laisser au législateur le soin de
tirer la seule et unique conclusion qui s’impose sur la nature juridique de la collectivité
territoriale. Elle ne peut être qu’une personne, une personne morale.

D’autres dispositions constitutionnelles prescrivent que la loi détermine les principes


fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs
ressources321. La compétence législative ainsi définie couvre l’ensemble des règles de création
au rang desquelles figure en bonne place la dévolution de la personnalité morale. Ainsi, les
législations nationales sur la décentralisation règlent dans les tous premiers articles la
question de la personnalité juridique de la collectivité territoriale322.

2. L’intérêt de l’attribution de la personnalité morale : l’autonomie organique

La personnalité juridique se définit comme l’«aptitude à être titulaire de droits et assujetti à des
obligations qui appartient à toutes les personnes physiques et dans des conditions différentes aux personnes
morales»323. En droit, une personne est un sujet de droit et d’obligations 324. Les personnes

319 Bénin : Constitution du 11 décembre 1990, art. 151 ; Niger : Constitution du 25 novembre 2010, art. 164.
320 Matériellement, les énoncés se suivent dans les textes constitutionnels. Dans la constitution béninoise, cette
disposition figure à l’article 150 et dans le texte du Niger au même art. 164 mais au deuxième alinéa.
321 Art. 98 de la Constitution du Bénin ; art. 100 de la Constitution du Niger.

322 Bénin : Loi n° 97-029, art. 1er : «La commune est une collectivité territoriale dotée de la personnalité juridique et de l'autonomie
financière» ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 3 : «Les Collectivités Territoriales s'administrent librement par des conseils élus. Elles sont
dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière».
323 CORNU G., Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 9ème éd., 2011, p. 752.

324 MAZEAUD H., Les personnes : la personnalité, Paris, Montchrestien, 6ème éd., T.1, vol.2, p. 505 : «La personne juridique
est celle qui peut jouer un rôle sur la scène juridique».

64
juridiques sont soit des personnes physiques soit des personnes morales. Dans le droit
moderne325, tout être humain né viable accède à la personnalité juridique. La notion de
personnalité juridique des personnes morales est moins évidente. Le moins qui puisse être
convenu est qu’avant de pouvoir agir juridiquement, il faille d’abord que le groupement
humain considéré fût une personne326. Malgré cette évidence, le concept de la personnalité
morale a suscité beaucoup de discussions dans la doctrine. Le débat sur la notion a
enregistré quatre positions différentes327 qui pourraient être regroupées en deux328. Il s’agit
d’un côté des thèses de la fiction (théorie de la fiction et position négatrice du concept) et
des thèses de la réalité (théorie de la réalité et théorie de la réalité technique) de l’autre.

Les thèses de la fiction postulent que seul l’homme a la personnalité, seul l’homme a des
droits. Les ardents défenseurs de cette thèse sont Friedrich Karl von SAVIGNY, Rudolf
von IHERING et Marcel PLANIOL329. Ils considèrent le concept de personnalité morale
comme un «masque» qui permet au droit de voiler la copropriété entre les membres d’un
groupement et de «ne pas accepter des notions en contradiction avec ses règles fondamentales»330. La
plupart des auteurs qui nient la réalité de la personnalité morale la présentent comme une
faveur du législateur qui, arbitrairement et fictivement, octroie la personnalité de l’être
humain, à des groupements qu’il veut bien appeler à la vie juridique. Les tenants de cette
thèse posent un constat, celui que la personnalité morale entre dans la liste des fictions
juridiques331. En effet, le recours à la fiction par les juristes est très ancien et a contribué à

325 Dans le monde antique, certains hommes n’avaient pas la personnalité. C’est le cas des esclaves, des étrangers.

326 En effet, il paraît évident que pris isolément et seul, l’être humain ne peut mener à bien les tâches auxquelles l’invite
sa vie en société. Mais la question reste comment devrait être juridiquement organisé ce «vivre ensemble». Faudra-t-il que
toute réalisation d’intérêt collectif soit approuvée par chacun des membres du groupe considéré ? Dans quel patrimoine
inscrirait-on les biens collectifs du groupement ? Pour permettre de conférer une existence cohérente et pérenne aux
groupements, il s’est avéré indispensable qu’un centre d’intérêts appelé personnalité morale, distincte de la personnalité
individuelle de ses membres, soit créé. En outre, le droit ne connaissant pas de patrimoine sans une personne, il faut,
si l’on désire, affecter une masse de biens au but ainsi poursuivi par lesdits groupements, qu’une personne juridique
soit créée.

327 LINDITCH F., Recherche sur la personnalité morale en droit administratif, Paris, LGDJ, 1997, pp.11-21.
328 MAZEAUD H., op. cit., pp. 654-657.

329 LINDITCH F., op. cit., p. 12.


330 SAVIGNY F. C., Traité de droit romain, trad. Charles Guenoux, Firmin-Didot, t.2, 2ème éd., 1860, p.233.

331PASCAL B., Pensées, éd. CRES, 1928, art.1, n° 18, décrivait la fiction ainsi qu’il suit : «Lorsqu’on ne sait pas la vérité
d’une chose, il est bon qu’il y ait une erreur commune qui fixe l’esprit des hommes».

65
construire des solutions juridiques plausibles dans plusieurs espèces332. C’est aussi un
procédé bien connu en droit moderne. Il se définit comme un artifice de technique
juridique, un mensonge-bienfait de la loi ou de la doctrine, qui consiste à supposer un fait
inexistant dans la réalité en vue de «produire un effet de droit»333. Philippe JESTAZ parle d’ «une
dérogation délibérée de la réalité»334.

Pour les partisans de la thèse de la réalité dont Léon MICHOUD, Raymond SALEILLES,
Maurice HAURIOU et Marcel WALINE, un groupement est fait à l’image de l’être humain
et par conséquent, a une volonté propre distincte de celle des membres pris
individuellement335. C’est cette volonté propre qui fonde sa personnalité, distincte de celle
de ses membres. Ils fondent par ailleurs leur argumentation sur les fins poursuivies. Pour
ces juristes, l’homme reçoit la personnalité pour la poursuite de ses fins. Le but collectif
poursuivi par un groupement fait naître automatiquement, en dehors de toute intervention
du législateur, la personnalité. Cette thèse fait d’une éventuelle intervention en
reconnaissance du législateur une opération subsidiaire. Elle tend à assimiler personnalité
morale et liberté d’association.

Cette thèse très libérale et restrictive de l’interventionnisme étatique336 se comprend


lorsqu’elle est replacée dans le contexte qui l’a vu naître, celui de la reconquête de la liberté
d’association. En effet, après des remises en cause337, le législateur a finalement adopté
l’autorisation et la dévolution de la personnalité morale aux syndicats en 1884 et proclamé

332 Dans la Rome antique, «La fiction était utilisée fréquemment pour expliquer les difficultés juridiques que soulevaient les cas
d’espèce…Elle était abandonnée aussitôt qu’elle cessait de présenter un intérêt d’explication, pour un retour à la réalité concrète». V.
GUYENOT J., La responsabilité des personnes morales publiques et privées, Paris, LGDJ, 1959, p.80.

333 CORNU G., op. cit., p. 454.


334 JESTAZ Ph., Le droit, Paris, Dalloz, 1991, p.83.

335 LINDITCH F., op. cit., pp. 14-18.


336 RIVERO J., WALINE J., Droit administratif, Paris, Dalloz, 21ème éd., 2006, p. 41 : «Si les personnes morales sont des
réalités, en effet, l’Etat n’est pas libre de les créer ou de les supprimer : elles s’imposent à lui».

337 En France, sous la Révolution, bien que la liberté d’association a été proclamée, les groupements ne bénéficiaient
pas automatiquement de la personnalité morale. Sous l’Empire, la liberté d’association a été supprimée par Napoléon
et tout groupement de plus de vingt personnes doit être autorisé ; cette première autorisation ne confère pas à
l’association la personnalité morale, c’est une reconnaissance d’utilité publique qui confère la personnalité. Pour plus
de détails sur l’histoire de la personnalité morale en France, v. MAZEAU H., op. cit., p. 651.

66
la liberté d’association en 1901. C’est dire que le débat sur la caractérisation juridique (fiction
ou réalité) de la personnalité morale soulève un enjeu idéologique, celui de l’hégémonie de
l’Etat qui tenterait de contrôler toute velléité de diversification des centres de pouvoir et de
maîtriser toutes formes d’autonomie dans l’espace public338. On comprend dès lors
pourquoi ces doctrinaires classiques abordaient l’autonomie locale moins sous l’angle
définitionnel qu’en tant que condition d’effectivité ou paramètre caractéristique de la
décentralisation339.

Charles EISENMANN fonde la décentralisation sur l’indépendance des autorités locales vis-
à-vis du pouvoir central. André de LAUBADERE aborde l’autonomie sous le même
angle340. Poussant l’analyse plus loin, ces auteurs feront du mode électif la principale
garantie d’une telle autonomie. La participation directe du corps électoral à la nomination
des autorités administratives locales est donc essentielle pour l’effectivité de leur
autonomie341. La jurisprudence française confirme ce postulat342. L’utilité intrinsèque de
l’acquisition de la personnalité morale réside dans les effets juridiques qu’elle est susceptible
de produire. La plus immédiate est la capacité juridique dont jouit désormais le groupement
humain qui en est bénéficiaire.

338 RIVERO J., Droit administratif, 15ème éd., 1994, p. 32, affirme que si les personnes morales «sont de pures fictions, l’Etat
en est le maître». WALINE M., Traité de droit administratif, 9ème éd., 1963, p. 280, relève que la thèse de la fiction a pour
conséquence de «faire reconnaître au législateur un pouvoir absolu, une sorte de droit de vie ou de mort sur les personnes morales».

339 HAURIOU M., Précis de droit administratif et de droit public, 9ème éd., Paris, Sirey, 1979, p. 171, caractérise la
décentralisation par «la création de centres d’administration publique autonomes où la nomination des agents provient du corps électoral
de la circonscription et où ces agents forment des agences collectives ou des assemblées». Pour DUGUIT L., Transformation du droit
public, Armand colin, Paris, 1993, p.33, la décentralisation territoriale est celle qui aboutit à la création des personnes
morales de droit public dotées d'une autonomie organique et de gestion.

340de LAUBADERE A., Traité de droit administratif, T. I, 9ème éd, Paris, LGDJ, 1984, p. 92, affirme, au sujet des affaires
locales, que «La gestion de ces intérêts confiée à des organes disposant d'une certaine indépendance par rapport au pouvoir central : les
autorités locales sont souvent élues par les membres de la collectivité, leur nomination ou leur révocation ne dépend pas du pouvoir central.
C'est l'autonomie organique». V. aussi FLOGAÏTIS S., La notion de décentralisation en France, en Allemagne et en Italie, Paris,
LGDJ, 1979, pp. 20-21.
341
de LAUBADERE A. et al., Traité de droit administratif, T.1, 14è éd., Paris, LGDJ, 1996, p.96, souligne que «la qualité
des autorités locales et singulièrement leur mode de désignation traduisent la réalité politique de cette décentralisation».

342 Décision n° 85-197 DC du 23 août 1985, consid. 35 : «Considérant que le congrès, dont le rôle comme organe délibérant d'un
territoire d'outre-mer ne se limite pas à la simple administration de ce territoire doit, pour être représentatif du territoire et de ses habitants
dans le respect de l'article 3 de la Constitution, être élu» ; Décision n° 85-196 DC du 08 août 1985, consid. 10 : «Considérant
(…) qu'il résulte, d'autre part, de l'article 72 que, pour s'administrer librement, le territoire doit, dans les conditions qu'il appartient à la
loi de prévoir, disposer d'un conseil élu doté d'attributions effectives» ; Décision 2010-618 du 09 décembre 2010, consid. 23 :
«Considérant que, si le principe selon lequel les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus implique que toute
collectivité dispose d’une assemblée délibérante élue dotée d’attributions effectives…».

67
Paragraphe 2 : L’autonomie organique, une nécessité réfutée

Dans un Etat de droit, les libertés fondamentales bénéficient d’une protection particulière.
Pour attacher à l’autonomie organique des collectivités territoriales une importance à la
mesure du caractère indispensable qu’elle revêt, il aurait fallu en faire une liberté
fondamentale (A). Puisque telle ne semble pas avoir été l’intention du constituant,
l’attention qu’il accorde à l’institution communale paraît en deçà de la protection requise
pour un contrepouvoir, fut-il administratif (B).

A. Une nécessité indéniable

De façon classique et en matière de liberté, le constituant se limite à l’affirmation343. L’état


actuel des lieux au Bénin et au Niger est conforme à cet esprit (1). Mais la libre
administration est une liberté de nature institutionnelle. Comme telle, ses fondamentaux
auraient pu être davantage précisés ainsi que le reflètent les tendances du nouveau
constitutionnalisme local (2).

1. La fragilité de la libre administration

Au Bénin, ni les débats de la Conférence des forces vives de la Nation de février 1990, ni
les réflexions de la Commission constitutionnelle n’ont été particulièrement animés sur la
question de la décentralisation. La conférence nationale s’est limitée à renvoyer l’examen
approfondi de la question aux états généraux de l’administration territoriale. Dans
l’intervalle, la Constitution du 11 décembre 1990 a prévu la création des collectivités
territoriales et consacré, en leur faveur, la libre administration. S’agissait-il d’un simple
mimétisme ou de la sacralisation d’un engagement pour un rétablissement véritable des
libertés locales ?

La lettre du texte constitutionnel ne fournit pas la réponse. En effet, comme toutes les
autres libertés, la libre administration sera «placée sous la garde du législateur»344, compétent pour
en fixer l’étendue et les conditions d’exercice. Mais la garde législative en cette matière ne

343 Titre II des Constitutions du Bénin et du Niger.

344 AUTEXIER Ch., «L'ancrage constitutionnel des collectivités de la République », RDP, 1981, p. 605.

68
constitue qu’une garantie relative345. Le constituant béninois l’a si bien compris qu’il en a
confié l’ultime garantie au juge constitutionnel346 qu’il oblige à se prononcer dans un délai
plus contraint, soit huit jours. Si l’approche d’énonciation du constituant nigérien diffère,
elle devrait permettre d’obtenir une protection similaire des droits et libertés 347. C’est dire
que par-delà la consécration constitutionnelle, c’est le juge constitutionnel qui est appelé à
encadrer le contenu de la libre administration et tracer les limites de l’intervention législative
et règlementaire en la matière348.

Certes, le constituant n’écarte pas les personnes morales du bénéfice ou de l’exercice des
libertés et droits fondamentaux. Les dispositions y afférentes ne distinguent pas entre
personnes physiques et personnes morales349. La jurisprudence fait état de recours en
violation de droits fondamentaux de la part de personnes morales 350. Mais, en ce qui
s’applique à la libre administration, le juge constitutionnel béninois a semblé s’enfermer
dans une lecture restrictive. L’unique opportunité351 qui lui a été offerte pour fixer la
compréhension qu’il conviendrait d’avoir de cette liberté n’a pas été saisie. Se fondant sur
les articles 114 et 117 de la Constitution qui fait d’elle juge de la constitutionnalité et non
juge de la légalité «sauf en cas de violation des droits de la personne humaine» d’une part et sur l’article
151 in fine d’autre part, la haute juridiction s’est déclarée incompétente pour contrôler la
constitutionnalité du «non transfert de compétences et de ressources aux communes»352.

ROUX A., «Constitution, décentralisation et libre administration des collectivités territoriales», Mélanges Francis
345

DELPEREE, p. 8.
346 Bénin : Const. art. 114, art. 117, art. 121 al.2.

347 Niger : Const. art. 126 al.2. Le juge constitutionnel nigérien est compétent «pour statuer sur toute question d'interprétation
et d'application de la Constitution». Il est, dès lors, compétent pour garantir le respect de toute liberté constitutionnellement
reconnue.

348 FAVOREU L., «Libre administration et principes constitutionnels», in MOREAU J. et DARCY Gilles (dir.), La
libre administration des collectivités locales, Economica-PUAM, 1984, p. 68 ; v. également décision nº79-104 DC du 23 mai
1979, Territoire de Nouvelle-Calédonie devenue une norme de référence pour le contrôle de constitutionnalité des lois en
France.
349 Bénin : Const., art. 7 à 40 ; Niger : Const., art 10 à 45.

350 Décision DCC


n° 04-019 du 29 janvier 2004 sur requête 2350/126/REC enregistrée le 03 novembre 2003 ; Décision
DCC n° 01-021du 16 mai 2001 sur requêtes n° 127-C et 1809 respectivement du 16 octobre et du 26 novembre 2008 ;
Décision DCC n° 01-010 du 11 janvier 2001 sur requête n° 1221/0074/REC enregistrée le 12 août 2000.

351 Requête n°2094/152/REC introduite par le sieur Frédéric DOVOEDO.


352 Décision DCC n°05-108 du 06 septembre 2005.

69
Trois constations rendent cette décision surprenante. Les deux premières figurent dans le
dispositif et la troisième dans la décision. Le juge constitutionnel béninois a semblé s’être
mépris sur le recours. Dans le 1er considérant, il résume que «le requérant expose que le
gouvernement, en continuant à gérer les compétences et les ressources dévolues aux communes, a violé l’article
151 de la Constitution…». Le juge a considéré que le recours vise à faire contrôler «la
constitutionnalité du non transfert des compétences…». Une autre lecture non moins pertinente peut
en être faite, à savoir que la requête tend plutôt à faire constater que le non transfert des
compétences et des ressources constitue une atteinte répréhensible à la libre administration
consacrée à l’article 151 de la Constitution. En outre, la Cour a, dans son argumentaire
(consid. 3), restreint le champ du troisième point du premier tiret de l’article 117 au seul cas
de violation des droits de la personne humaine faisant abstraction des libertés publiques
dont fait partie la libre administration. Or, sa jurisprudence révèle des espèces dans
lesquelles la Cour s’est prononcée d’office en se fondant sur la présomption de violation
d’une liberté publique353. Enfin, la délibération du haut juge soulève une difficulté majeure,
celle de la constitutionnalité de son incompétence déclarée alors même qu’elle se trouve
saisie d’une violation présumée d’un article de la constitution. Quelle autre institution peut,
mieux que cette Cour, garantir que les dispositions de l’article 151 sont respectées par les
lois, règlements et pratiques ? Faudrait-il saisir la Cour Suprême pour constater la violation
d’un article de la Constitution ? Le légicentrisme que le juge constitutionnel béninois a
semblé consacrer par cette décision rend témoignage de ce qu’il n’a pas entendu élever la
libre administration au rang de liberté publique, susceptible d’être placée sous sa garde.

L’évocation de la libre administration-liberté fondamentale ne figure pas encore dans la


jurisprudence de la Cour constitutionnelle du Niger. Par contre, le juge constitutionnel
nigérien a affirmé son engagement à limiter les empiètements dont peut être l’objet la libre
administration. Ainsi, par son Arrêt n° 05/08/CC/MC du 30 juillet 2008, le juge a-t-il statué
que seul le pouvoir législatif peut prévoir des «restrictions de nature à affecter» le principe
constitutionnel de libre administration. A été considérée comme telle, la prise d’un décret
en Conseil des ministres pour déterminer «les mesures applicables à la commune qui, au terme de

353
Décision DCC n° 01-010 du 11 janvier 2001, 2ème consid. : «Considérant que le recours pose cependant un problème de
violation des libertés publiques ; qu'il y a donc lieu, en application de l'article 121 alinéa 2 de la Constitution, de se prononcer d'office».

70
deux (02) mandats consécutifs n’a ni été en mesure de respecter ses obligations légales en matière
d’investissement, ni fait face à ses charges minimales de fonctionnement». Mais cette prise de position
historique a été remise en cause avec l’adoption de l’Ord. n° 2010-54. Par exemple, la mise
en œuvre du transfert des compétences est à la discrétion du pouvoir réglementaire. De
même, le mandat des assemblées locales peut être prorogé par décret354.

2. La nécessité d’un renforcement

Ainsi que révèle son appellation courante de démocratie à la base, la démocratie locale
devrait constituer le soubassement de l’édifice démocratique 355. Au fondement de la libre
administration et de la démocratie, il y a la liberté. Il est symptomatique que les régimes
autoritaires sont foncièrement centralisateurs pendant que les régimes démocratiques ont
été plutôt décentralisateurs. La démocratie locale est si essentielle qu’elle a intéressée
l’Europe qui lui a consacrée une charte356. Les pays africains en ont, eux aussi, fait une
préoccupation à travers la Charte africaine de la Démocratie, des Elections et de la
Gouvernance357.

Même si, en doctrine, l’unanimité n’est pas faite au sujet du lien entre décentralisation et
démocratie358, telle qu’elle s’est développée dans le monde depuis des décennies, la
décentralisation a contribué à rendre la démocratie plus effective et l’exercice du pouvoir

354 Ord. n°2010-54, art. 7, al. 2 : «Le transfert des compétences aux communes et aux régions s'opère selon un plan graduel, fixé par
décret pris en Conseil des Ministres» ; art. 23 : «Le conseil municipal est l’organe délibérant de la commune. La durée de son mandat est
de cinq (5) ans. En cas de nécessité, il peut être prorogé de six (6) mois au plus, par décret pris en Conseil des ministres».

355 Même si la liaison entre décentralisation et démocratisation ne fait pas l’unanimité, elle est largement acceptée. Par
exemple, K. APPIA indiquait sans ambages que «la participation démocratique des administrés telle que proposée est à vrai dire
l'exercice par eux-mêmes d'une manière de pouvoir normatif, leur permettant de choisir librement les normes de gestion de "leurs affaires"».
V. APPIA K., op. cit., p. 11.
356La Charte européenne de l’autonomie locale a été ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l’Europe,
en tant que convention, le 15 octobre 1985 et est entrée en vigueur le 1er septembre 1988. Au 1er janvier 2010, la
Charte a été ratifiée par 44 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe.
357 Art.34 : «Les Etats parties procèdent à la décentralisation en faveur des autorités locales démocratiquement élues conformément aux
lois nationales».
358 A ce propos, EISENMANN s’en prend à la thèse de de TOCQUEVILLE et a soutenu qu’il n’y a aucun lien
nécessaire entre démocratie et décentralisation et que la démocratie est également compatible avec la centralisation
administrative. V. à cet effet le rapport du colloque dirigé par Lucien SFEZ publié dans L’objet local, 10/18, 1977, pp.67-
68.

71
politique à bien meilleure portée du citoyen359. Les contextes dans lesquels éclot la libre
administration suggèrent un lien étroit entre les deux concepts360. Ces constatations font de
la libre administration, soit un critère361 de la démocratie, soit une liberté consubstantielle à
la démocratie362.

Selon Alexis de TOCQUEVILLE et John Stuart MILL, les institutions locales devraient
fonctionner comme des «écoles de démocratie»363 et devraient par conséquent constituer des
cadres de formation à la citoyenneté. Suivant cette conception, un aspect central de la
démocratie demeure la participation politique au niveau local. Selon lui, les «town meetings»
auxquels la plupart des citoyens participaient étaient de véritables écoles pour la
démocratie364. Cette position de de TOCQUEVILLE a été largement épousée à l’occasion
du débat des années 1990 sur le capital social 365. MILL fait abondamment référence à l’école
de la participation qui permet le développement chez l’individu d’un sens des
responsabilités et d’une personnalité démocratique. MILL inspirera d’autres chantres de la

359 CAILLOSSE J., «Eléments pour un bilan juridique de la démocratie locale en France», in CRAPS, La démocratie
locale : représentation, participation et espace public, PUF, 1999, pp.74-75. Dans la même optique, JOSSELIN C., JO, Débats
A.N, séance du 27 juillet 1981, p. 314, rapportait : «Grande, en effet, est l’impatience des populations, de la plupart des responsables
économiques, des partenaires sociaux et des élus de voir s’instaurer à tous les niveaux des collectivités territoriales de base une gestion
démocratique».
360 Comme dans beaucoup de pays occidentaux, en Afrique subsaharienne, les libertés locales ont été restaurées dans
la foulée des revendications démocratiques de la fin des années 1980 apaisées par la tenue de conférences nationales.
Voir BENON N., «Le processus de décentralisation au Bénin : enjeux et perspectives» in La décentralisation en Afrique
de l’Ouest, conduite du processus dans les pays francophones et lusophones, Séminaire de Ouagadougou, 5-8 avril 1994, Cotonou,
PDM/CEDA, 1995, pp.68-69.

COT P. : «L’une des marques essentielles de la démocratie est la forte organisation du pouvoir local», déclaration à l’Assemblée
361

Nationale Constituante, 5 septembre1946, in JORF, Débats ANC élue le 2 juin 1946, p. 3559.

362A l’ouverture des travaux des Etats généraux de l’administration territoriale tenus à Cotonou du 07 au 10 janvier
1993, Nicéphore SOGLO, alors Président de la République, déclarait : «La démocratie doit chercher sa validité et son
épanouissement dans une décentralisation authentique. Autrement dit, la démocratie sera à la base ou ne sera pas».

363 Lire l’article de TALPIN J., «Des écoles de démocratie ? Formation à la citoyenneté et démocratie participative» disponible en
ligne via le lien URL : www2.univ-paris8.fr/scpo/talpin.doc
364 de TOCQUEVILLE A., op. cit., pp. 112-113 : «Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la
science ; elles la mettent à la portée du peuple; elles lui en font goûter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir…».
365Ce concept amplement développé par Pierre BOURDIEU, James COLEMAN et Robert PUTNAM est, à l’origine,
relativement simple puisqu’il n’avance qu’un seul axiome : les relations comptent. En se rencontrant et en interagissant
les agents sociaux seraient capables d’obtenir des résultats qu’ils n’auraient jamais pu atteindre seuls. Les relations
sociales (les «contacts» et les «réseaux») constituent donc une ressource, une forme de capital pour les individus qui en
sont dotés.

72
démocratie participative américaine tels Carole PATEMAN, Dennis THOMSON et
Benjamin BARBER qui indiquaient que l’activité civique entraîne à la citoyenneté366.

Le constituant ne devrait pas s’embarrasser de préciser dans la loi suprême les conditions
essentielles de la libre administration. Le faire n’est pas s’encombrer de détails inutiles. C’est
d’ailleurs la pratique dans quelques pays jugés les mieux décentralisés du continent367. La
Constitution marocaine de 2011 consacre douze articles aux collectivités territoriales. Elle
aborde les points critiques de leur régime juridique que sont le régime électoral, la
répartition des compétences et le régime financier368. En outre, toutes les questions
essentielles relatives à la décentralisation sont réglées par des lois organiques369. La
Constitution sud-africaine du 11 octobre 1996 comporte quatorze (14) articles traitant des
collectivités. Ici aussi, l’intention du constituant de protéger les libertés locales est bien
perceptible. Par exemple, l’article 151 (4) interdit formellement aux autorités nationales ou
provinciales d’empiéter sur les compétences des collectivités territoriales370. Les articles 158
et 159 règlent le régime électoral. S’inspirer de ces dispositions qui élèvent au rang
constitutionnel les principes fondamentaux de la libre administration aurait renforcé les
libertés locales ou tout au moins ferait obstacle à leur banalisation.

B. Une précarité établie

Pour la plupart des auteurs contemporains ayant abordé la question, la libre administration
est une liberté fondamentale. Malgré sa pertinence, ce parti pris de la doctrine n’a pour

366 MILL J. S., On Liberty (1859), New York: Appleton-Century-Crofts, 1947, p. 112 : «L’activité civique entraîne les individus
à penser en termes publics, en citoyens, et leur statut de citoyens les dote d’un sens utile de la collectivité et de la justice. La politique devient
sa propre université, la citoyenneté son terrain pratique, et la participation son guide» ; BARBER B., Strong democracy, participatory
politics for a new age, Berkeley : University of California Press, p.172
367Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique & Cities Alliance, L’environnement institutionnel des collectivités locales en
Afrique, Septembre 2013, 122 p.
368Const. du 1er juillet 2011, art. 135 : «Les collectivités territoriales du Royaume sont les régions, les préfectures, les provinces et les
communes. Elles constituent des personnes morales de droit public et gèrent démocratiquement leurs affaires. Les Conseils des régions et des
communes sont élus au suffrage universel direct…».
369 Const. du 1er juillet 2011, art.146.

370Art. 151 (4) : “The national or a provincial government may not compromise or empede a municipality’s ability or right to exercise its
powers or its functions”.

73
l’instant pas convaincu les constituants béninois et nigérien (1) qui n’ont pas fait de ses
conditions essentielles, des principes à valeur constitutionnelle (2).

1. La libre administration : une liberté non fondamentale

Deux interrogations préalables nécessitent d’être résolues. D’une part, les personnes
morales peuvent-elles être titulaires de libertés fondamentales au même titre que les
personnes physiques et d’autre part, la libre administration répond-elle aux critères
classiques d’une liberté fondamentale ?

Le Conseil Constitutionnel français a répondu sans équivoque à la première interrogation


depuis 1980 à travers plusieurs décisions. Il a jugé que les personnes morales, que ce soit
de droit privé (syndicats, sociétés) ou de droit public (établissements publics371, collectivités
territoriales372), peuvent être bénéficiaires de libertés et droits fondamentaux. Le haut juge
français a fondé sa décision sur le fait que les personnes morales se composent de personnes
physiques qui en bénéficient. Ainsi en est-il de l’égalité373 et de la liberté d’entreprendre374.
La libre administration peut-elle être considérée comme une véritable liberté ? Pour la
commune française, la réponse est affirmative ainsi qu’en témoignent les rapports des
débats parlementaires375 de l’Assemblée Nationale Constituante de 1945-1946. Cette
position adoptée par le constituant de 1946 est justifiée par le député Jacques ARRES-
LAPOQUE : «La commune est une cellule sociale dont la vie est tellement évidente qu’il n’est pas
nécessaire d’instaurer un long débat pour conclure qu’elle devait effectivement posséder les moyens de

371Décision n° 79-112 DC du 09 janvier 1980, Loi portant aménagement de la fiscalité directe locale, 2ème consid : «Considérant
qu'il est soutenu que cette disposition établit une discrimination au détriment des établissements d'Electricité de France, en méconnaissance
du principe d'égalité devant la loi, lequel a valeur constitutionnelle».

372 Décision n°82-138 DC du 25 février 1982, Loi portant statut particulier de la région de Corse, consid. 10 et 11.
373V. Décision n° 81-132 DC du 16 janv. 1982, Rec. p. 18 ; FAVOREU L. et PHILIP L., Les grandes décisions du Conseil
constitutionnel, Dalloz, 11e éd., 2001, n° 31.

374Décision n° 98−401 DC du 10 juin 1998, Loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, Rec. p.
258. Dans le même sens, les constitutions allemande (art. 19-3) et portugaise (art. 12-2) intègrent les personnes morales,
pour autant que leur nature permette l’exercice ou le bénéfice374 desdits droits et libertés.

375 BACOYANNIS C., op. cit., pp. 94-98. Nombre de parlementaires ont justifié la nécessité d’inscrire les libertés
locales dans la loi suprême après avoir fait le constat que le législateur ne les as pas constamment protégées ; André
PHILIP déclarait à cet égard : «J’estime… qu’il est bon d’inscrire les libertés locales dans la loi suprême» ; Pierre COT : «Nous
n’avons actuellement aucune liberté, ni municipale ni départementale». Voir JORF, Débats ANC élue le 02 juin 1946, Séance du
05 septembre 1946, Compte rendu analytique, p. 157.

74
s’administrer et de se gérer d’une façon autonome»376. La même compréhension a été maintenue
lors de la constituante de 1958 où les expressions libertés locales, libertés communales, libertés des
collectivités locales et libre administration ont été utilisées comme synonymes, une synonymie que
la doctrine, dans sa majorité, ne conteste pas.

Pour BACOYANNIS, le constituant de 1946 avait voulu affirmer, au profit de la


collectivité, une liberté377. Avant lui, BARTHELEMY avait déjà écrit que la décentralisation
est une liberté qui «a toujours suivi le sort des autres libertés…»378. BOURJOL aussi a reconnu en
la libre administration, «une liberté publique, parmi les plus anciennes, les libertés locales»379. Louis
FAVOREU et André ROUX aboutissent à la même conclusion que la libre administration
est une liberté constitutionnellement reconnue et garantie dont le respect s’impose au
législateur380. A l’opposé de ces développements doctrinaux, ni le constituant béninois, ni
son homologue nigérien n’érige la libre administration en liberté fondamentale pas plus
qu’ils n’ont constitutionnalisé les conditions essentielles de son effectivité.

2. La libre administration : des critères essentiels non constitutionnalisés

Le législateur a reçu mandat à l’effet de prévoir les conditions381, de déterminer les principes
fondamentaux suivant lesquels les libertés locales doivent s’exercer et de définir le régime
électoral des assemblées locales382. Maintenues au rang législatif malgré leur caractère

376JORF, Documents de l’ANC élue le 21 octobre 1945, doc. N°885, 5 ème annexe : Rapport supplémentaire
«Collectivités Locales», p.881.

377BACOYANNIS C., op. cit., pp. 94-99 démontre, entre autres, que le vocable collectivité territoriale employé par
DUGUIT dès 1903, par MICHOUD en 1906, CARRE de MALBERG en 1920 et ROLLAND à partir de 1935,
désignait initialement un ensemble formé par tous les groupes humains qui se définissent par leur rattachement à un
certain territoire. Initialement, c’est à cette collectivité que les libertés locales ont été accordées.

BARTHELEMY J., «Les tendances de la législation sur l'organisation administrative depuis un quart de siècle»,
378

RDP, 1909, pp. 150-151.


379 BOURJOL M., Juris-classeur Collectivités locales, n°46.

380FAVOREU L., ROUX A., «La libre administration des collectivités territoriales est-elle une liberté fondamentale ?»,
Cahiers du Conseil Constitutionnel n°12, Mai 2002 ; p.3. V. également, CE, Sect., 18 janv. 2001, Commune de Venelles c/ M.
Morbelli, concl. Laurent Touvet, RFD adm., n° 2-2001, pp. 378-388. Une dissonance est introduite par Michel
VERPAUX pour qui la libre administration, qu’il compare à la séparation des pouvoirs, n’est pas un droit mais plutôt
une garantie (voir RFDA, nº 3, 2001, p. 684 ; Note sous CE, 18 janvier 2001, Commune de Venelles). Ce dernier reconnait
toutefois qu’elle est un moyen constitutionnellement nécessaire pour l’affirmation de libertés et de droits substantiels.
381 Bénin : Const., art. 151 ; Niger : Const., art. 164.

382 Bénin : Const., art. 98 ; Niger : Const., art. 99 et 100.

75
critique pour la libre administration, le juge constitutionnel ne consacre pas leur sacralité.
L’exemple des reports successifs des élections locales au Bénin en constitue une illustration
probante.

Par l’adoption383 de la Loi n° 2013-07 du 04 juin 2013 portant dispositions transitoires


dérogatoires à l’article 86 de la loi n° 98-006 du 9 mars 2000 et aux articles 4 et 6 de la loi
n° 2007-28 du 23 novembre 2007, le parlement a reporté sine die la tenue des élections
locales qui devraient avoir lieu au plus tard le 30 mai 2013, soit un (1) mois avant la fin du
mandat384. Ce report sine die signifie que les organes concernés disposent de la permission
légale pour organiser les élections quand ils le pourront385. Commentant cette disposition,
Joël AIVO dira que le parlement béninois a commis «une faute politique grave»386. La presse,
dans sa majorité, y a vu un signe de recul démocratique387. Les attitudes des acteurs et les
délais observés ultérieurement dans le processus électoral confortent ces appréhensions388.

383 La loi a été adoptée le 22 avril 2013.

384 Les élections locales pour les mandats alors en cours avaient eu lieu les 20 avril et 1er mai 2008 et les conseils
communaux, municipaux et locaux installés courant juin 2008. La Loi n°2007-28 du 24 septembre 2007 fixant les règles
particulières applicables aux élections des membres des conseils de village ou de quartiers de ville en République du
Bénin, art. 6, dispose : «Le vote pour le renouvellement des conseils communaux ou municipaux doit intervenir trente (30) jours au plus
tard avant la fin du mandat». V. Loi n°2013-07 du 25 novembre 2013, art. 391.
385
L’article 1er de la loi adoptée dispose que «le mandat des conseillers communaux, municipaux et locaux élus en 2008 prend fin
après l’élection des nouveaux conseillers et leur installation».

386Déclaration faite le 24 avril 2013 sur la chaîne de télévision privée Canal3 et relayée par le quotidien La Presse du
Jour du 25 avril 2013.

387Quotidien Adjinakou du 18 mars 2013, «Report des communales : la démocratie béninoise est-elle en panne ?».
L’article écrit qu’il s’agit d’une «perte de vitesse pour la démocratie béninoise», d’«atteinte aux principes démocratiques». La Nouvelle
Tribune évoque dans sa parution du 12 mars 2013 «un recul du Bénin qui semble contenter tout le monde». Le Matinal du 06
février 2014 titre, «Retard dans l’organisation des élections communales : un coup contre la décentralisation».

388 En réponse aux mesures d’instruction d’un recours dont a été saisie la Cour Constitutionnelle au sujet de la non
organisation dans les délais des élections locales, municipales et communales, le Président du Conseil d’Orientation et
de Supervision de la Liste Electorale Permanente Informatisée (COS/LEPI) qui est une émanation du Parlement ayant
adopté la loi reportant sine die l’organisation desdites élections, affirme que «la Loi n° 2012-43 du 05 février 2013 portant
apurement, correction, mise à jour et actualisation du fichier électoral national et de la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI)
n'a pas fixé une échéance pour la fin de la correction de la LEPI». Le Président de l’Assemblée Nationale se défend en répondant
que «l'Assemblée Nationale a joué sa partition en fixant le cadre légal devant déboucher sur l'organisation des élections libres, transparentes
et crédibles». Quant au Président de la République dont la majorité à l’Assemblée Nationale a introduit et fait voter la
proposition de loi susvisée, il fait observer qu’avant que «le Gouvernement puisse convoquer le corps électoral, il faut que la
Représentation Nationale prenne une loi électorale qui indique la durée du mandat en cours des élus et la période du vote pour le
renouvellement dudit mandat». Le juge constitutionnel béninois ne put que constater que «les Institutions de la République n’ont
pas violé la Constitution» (Décision DCC 14-103 du 27 mai 2014). L’incertitude durera jusqu’à ce que la haute juridiction
fixe par elle-même la date des élections (Décision DCC 15-001 du 09 janvier 2015).

76
Certes, il n’est pas dénié au législateur la prérogative de proroger le mandat des conseils. Le
reproche qui lui est fait, c’est de le faire de façon inintelligible. Puisqu’il plonge la démocratie
locale dans l’incertitude389, ce texte soulève un problème de qualité de la loi et de sécurité
juridique, le législateur étant resté en deçà de la compétence que lui confère la
Constitution390. Une loi de qualité suppose, clarté, accessibilité et intelligibilité que le juge
constitutionnel français considère comme objectif à valeur constitutionnelle391. Dans plusieurs
décisions, la haute cour béninoise a rejoint cette position392.

Le règlement d’une espèce similaire au Gabon légitime les interrogations soulevées par le
choix du législateur béninois. Dans sa décision du 29 avril 2013, le juge constitutionnel
gabonais a fixé la date des élections locales393. La décision de la Cour béninoise qui déclare
un report sine die d’une élection conforme à la constitution reste singulière394. A défaut d’une
disposition constitutionnelle, il peut être appliqué à l’occurrence le Protocole A/SP1/12/01
sur la démocratie et la bonne gouvernance signé le 21 décembre 2001 à Dakar 395. Ledit
protocole, en son article 2, al. 1er, dispose qu’«Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne
doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des

Pour HOLO Th., Communication introductive à la conférence internationale Les défis de l’alternance Démocratique,
389

Cotonou du 23 au 25 février 2009, «un vote régulier est…un vote organisé à terme échu».

390Le Conseil d'Etat français, dans son Rapport public 2006, Sécurité juridique et complexité du droit, définit ainsi qu’il suit
la sécurité juridique : «Le principe de sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts
insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est défendu par le droit applicable. Pour parvenir à ce résultat, les normes
édictées doivent être claires et intelligibles, et ne pas être soumises, dans le temps, à des variations trop fréquentes, ni surtout imprévisibles».
391 Décision n° 98-401 DC du 10 juin 1998, Loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail,
consid. 7 : «…rendre ainsi le "contenu de la règle qui devra s'appliquer incertain", serait en outre "de nature à faire naître dans l'esprit
des destinataires de la loi, l'idée erronée que les éléments de la loi sont d'ores et déjà fixés", ce qui contrevient, selon les requérants, à
l'"exigence constitutionnelle de clarté de la loi"» ; v. aussi Décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, Décision n° 2005-
530 DC du 29 décembre 2005.

392 Décision DCC n°98-026 du 13 mars 1998, consid. 11.


393 Le juge constitutionnel gabonais, après avoir fait observer que «ni le gouvernement, ni les représentants des partis politiques
de la majorité et de l’opposition, entendus à l’instruction et invoquant tous les cas de force majeure pour obtenir le report desdits élections
locales, n’ont pu justifier d’un évènement extérieur, imprévisible et irrésistible dont la survenance a empêché le gouvernement d’effectuer les
opérations de la phase préparatoire des élections contenues dans la loi électorale, notamment l’enrôlement des électeurs, la collecte effective des
données biométriques» a jugé que «Le mandat en cours des membres des assemblées locales arrivant à expiration le 5 mai 2013, et pour
permettre […] au peuple d’exercer son pouvoir souverain de désignation de ses représentants, l’organisation des élections des membres des
conseils départementaux, municipaux et d’arrondissements urbains est fixée au plus tard au 23 novembre 2013».
394 Décision DCC 13-056 du 30 mai 2013.

395 Ratifié par le Bénin par Décret n° 2003-264 du 31 juillet 2003.

77
acteurs politiques. Les élections à tous les niveaux doivent avoir lieu aux dates ou périodes fixées par la
Constitution ou les lois électorales».

La modification opérée par la Loi n° 2013-07 tombe sous le coup du délai dudit protocole
que les Pr Ismaïla Madior FALL et Alioune SALL ont appelé la «constitution régionale»396. En
effet, la proposition de loi a été introduite au parlement le 23 mars 2013, soit moins de six
mois avant le terme du mandat. Certes, le protocole de la CEDEAO n’interdit pas
formellement la relecture des lois électorales dans ce délai. Il la conditionne au
consentement d’une large majorité des acteurs politiques. La prorogation de mandat peut-
elle être interprétée comme une réforme substantielle ? Il convient de répondre par la
négative, la prolongation étant une opération ponctuelle liée à une circonstance particulière.
Mais une nuance mérite d’être faite en cette espèce atypique. Ce qui est en jeu, c’est le
principe même de renouvellement desdits mandats puisqu’aucun terme n’y était désormais
fixé. En outre, le débat s’est limité au parlement qui ne constitue pas la «large majorité des
acteurs politiques»397.

A l’évidence, si le mandat des élus locaux était initialement constitutionnalisé, le juge


constitutionnel béninois, conformément à sa jurisprudence, aurait certainement abouti à
une décision différente398. Il peut lui être rappelé que, par l’article 1er du protocole, la tenue
régulière d’élections à tous les niveaux est devenue un principe constitutionnel 399. L’issue
du recours intenté par le Parti Alternative Citoyenne devant la Cour de Justice de la
CEDEAO est attendue pour enrichir la jurisprudence400.

396FALL I. M., SALL A., «Une constitution régionale pour l’espace CEDEAO : le protocole sur la démocratie et la
bonne gouvernance de la CEDEAO» disponible sur le lien URL ci-après : http://jaga.afrique-
gouvernance.net/_docs/pr_sentation_et_analyse_du_protocole_sur_la_d_mocration_de_la_cedeao.pdf consulté le
15 août 2015.
397Au sens de l’article 2 du protocole et de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle béninoise (v. DCC 10-049 du
05 avril 2010, la haute cour a jugé «qu’en matière électorale, le consensus doit autant que possible être constamment recherché»).

Décision EP n°11-024 du 04 mars 2011 autorisant le report de la date de l’élection présidentielle au 13 mars 2011,
398

consid. 5.

399 Const. Bénin, art. 147 ; Protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, art.
1er points c) et d).
400Par ce recours daté du 27 juin 2014, il est demandé à la Cour de Justice de la CEDEAO de constater que la Cour
Constitutionnelle, l’Assemblée Nationale, le Gouvernement béninois et le COS/LEPI ont violé les dispositions du
Protocole additionnel A/SP1/12/01 de la CEDEAO ratifié par le Bénin.

78
CONCLUSION DU CHAPITRE I

Se référant à son existence quasi naturelle et à sa permanence dans le paysage institutionnel,


le constituant a fait de l’institution communale une entité que la république doit reconnaître.
En l’état actuel des normes constitutionnelles au Bénin et au Niger, la décentralisation de
l’administration territoriale constitue un impératif. L’existence, la mise en place et la
reconnaissance des collectivités territoriales et de leurs organes deviennent pour les
pouvoirs constitutionnellement établis une obligation.

La seule existence et reconnaissance ne suffisent pas. L’autonomie des organes des


collectivités territoriales est indispensable à leur libre administration. Même si le concept
autonomie organique est soigneusement évité par le législateur, il demeure une condition
essentielle : seule l’autonomie d’un organe confère à ses membres la liberté de choix. Même
si, ni la lettre des textes ni leur pratique ne garantissent explicitement cette autonomie
spécifique constitutive de la libre administration, en recherchant au-delà, on découvre que
le constituant ne peut pas avoir entendu l’exclure tout en instituant la libre administration.

Il est donc nécessaire que soit renforcée la normativité du concept d’autonomie organique.
En Afrique, certains pays comme le Maroc et l’Afrique du Sud montrent le chemin à suivre
en développant un certain constitutionnalisme local. Sur ces nouvelles voies de la
démocratie locale, le législateur devrait également se préoccuper de renforcer la séparation
entre les organes d’Etat et ceux des collectivités territoriales.

79
CHAPITRE II : LA FRAGILITE DE LA SEPARATION

La distinction entre autorité locale et autorité centrale est au cœur de toute idée de
décentralisation imprégnée du principe d’autonomie et d’équilibre des pouvoirs401. La
séparation verticale devrait générer un équilibre des pouvoirs entre le sommet et la base de
l’Etat402. L’autonomie concédée aux collectivités décentralisées permettrait de limiter 403 le
pouvoir central. Conséquemment, la distinction entre intérêt local et intérêt national devrait
fonder une répartition claire des compétences entre affaires locales et affaires nationales
d’une part et une séparation des organes en charge desdits intérêts. Aussi bien juridiquement
que matériellement, une telle différenciation s’avère délicate à établir.

L’Etat central, détenteur du monopole de la puissance publique dans l’Etat, s’octroie


subrepticement des pouvoirs et prérogatives lui permettant d’imposer sa primauté ; ce que
ne peut contester juridiquement la collectivité territoriale qui, tout en s’administrant
librement, demeure confinée dans une dépendance ontologique par le législateur. Du coup,
ce sont les fondements théoriques du pluralisme territorial qu’il convient d’interroger. En
effet, l’Etat n’a pas doté la collectivité territoriale qu’il a créée des attributs d’un réel pouvoir
qui puisse le concurrencer (Section 1). A l’inverse, la primauté de l’Etat en son propre sein
est formellement affirmée par le constituant originaire et abondamment confirmée par le
législateur, même dans le contexte libéral qui consacre la libre administration des
collectivités. Cette forte hiérarchisation souligne la nécessité d’une nette démarcation
fonctionnelle entre collectivités territoriales et Etat central (Section 2).

SECTION 1 : UN POUVOIR ETATIQUE FORCEMENT PREEMINENT

Pour que l’altérité fonctionnelle entre Etat et collectivité territoriale fût rigoureuse, il aurait
fallu que ces deux personnes territoriales constituent des pouvoirs autonomes. Ce n’est

401
PONTIER J.-M., L’Etat et les collectivités locales. La répartition des compétences, Paris, LGDJ, 1978, p. 26 affirmait que
«La décentralisation représente la différenciation, l’individualisation, la séparation».

HAURIOU M., Principes de droit public, Paris, Dalloz, 2010, p. 368 : «Il y a séparation juste assez pour constituer un équilibre,
402

mais pas assez pour provoquer une mutilation ou un déchirement de l’Etat».


403
Il appartient aux Américains d’avoir compris que la préservation de la liberté des individus exigeait qu’une séparation
des pouvoirs n’existe pas seulement qu’au sommet de l’Etat. D’autres «balances» devaient être mises en place
notamment entre le pouvoir central et des pouvoirs décentralisés.

80
réellement pas le cas, même si par idéalisme la collectivité territoriale décentralisée est
qualifiée de pouvoir local. Il est donc utile d’examiner le concept classique de pouvoir à
travers ses éléments constitutifs (Paragraphe 1). Si quelques similitudes peuvent être établies
entre l’Etat et la collectivité, c’est parce que, exception faite de la souveraineté, les critères
d’un véritable pouvoir se trouvent réunis et justifient sa qualité de pouvoir, fut-il
essentiellement administratif (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’unicité du pouvoir politique de l’Etat

Le vocable pouvoir se prête à plusieurs usages suivant le champ auquel on l’applique. En


l’espèce, il s’agit du pouvoir politique qui postule un certain contenu définitionnel et des
caractères précis (A) exclusifs de toute concurrence dans l’ordre interne (B).

A. Le pouvoir politique : un pouvoir à contenu précis

Le pouvoir n’est pas un concept récent créé pour l’administration. Dans toutes les sociétés,
quel que fut leur niveau d’organisation administrative, il a toujours existé une forme ou une
autre de pouvoir politique. Malgré les polémiques404 que la notion soulève, il est possible
de dégager quelques éléments qui permettent d’approcher une définition (1) et de
caractériser le pouvoir (2).

1. Essai de définition

Le concept de pouvoir est ambivalent. Il recouvre à la fois le phénomène, la capacité et


l’organe qui en est le détenteur. Le pouvoir politique, c'est la domination exercée par une
personne ou un groupe de personnes dans une société, dans le but d'organiser celle-ci. Max
WEBER le définissait comme «le monopole de la violence légitime»405. Robert DAHL406 l’assimile
à la capacité de mener des actions efficaces. Bertrand RUSSELL ne s’éloigne pas de cette
position. Pour lui, le pouvoir, c’est la faculté de produire des effets recherchés soit sur des

404MARCH G. J., The Power of Power, in David Easton (ed.), Varieties of Political Theory, Englewood Cliffs, N. J.,
Prentice-Hall, 1966, p. 70, trouve «décevant» le concept de pouvoir. BERGERON G., «Pouvoir, contrôle et régulation»,
Sociologie et sociétés, vol. 2, n°2, Novembre 1970, pp. 227-248, découvre trois tares qui le rendraient impropre à tout
usage scientifique : il est trop vague, il est ambigu et il est chargé de toutes sortes de préjugés et de passions idéologiques.
405 WEBER M., Le Savant et le Politique, Plon, 1959, p. 125.

406 DAHL A. R., Qui gouverne, 1961, trad. fr., Armand Colin, 1971.

81
choses soit sur des personnes407. Maurice HAURIOU, dans les Principes de droit public le
conçoit comme «une libre énergie qui […] assume l’entreprise du gouvernement d’un groupe humain par
la création continue de l’ordre et du droit». Tout en prenant en compte les autres apports,
l’approche du doyen de Toulouse, exprime clairement l’objet du pouvoir (l’entreprise du
gouvernement d’un groupe humain) et les moyens pour y parvenir (création de l’ordre et
du droit) et aboutit à une définition du pouvoir beaucoup plus exploitable par le juriste.

En d’autres termes, c’est la capacité de fixer les règles qui s'appliquent à la population sur
un territoire donné. Il permet de distribuer plus ou moins équitablement les droits et devoirs
entre les citoyens. Ce qui passe par l'acceptation collective d'une autorité qui exerce cette
violence légitime, c'est-à-dire cette possibilité de fixer des limites à ceux qui dépassent les
règles et empiètent sur la liberté d'autrui. L’examen des caractères du pouvoir politique
permet d’en motiver l’établissement.

2. Eléments de caractérisation

La doctrine dégage au moins trois principaux caractères du pouvoir politique. Il s’agit


d’abord d’un phénomène naturel. La nécessité du pouvoir est si naturelle qu’une société
sans pouvoir paraît totalement inconcevable408 pour l’être humain. Ceci pourrait
raisonnablement s’expliquer par le désordre, préjudiciable à tous, qui résulterait de l’absence
d’un pouvoir. Plusieurs autres explications ont été tirées de l’application à l’ordre politique
de préceptes de psychologie et de psychanalyse notamment le principe freudien suivant
lequel «l’enfant est le père de l’homme». L’homme étant conditionné par son enfance, la
dépendance parentale habitue l’homme à ne pouvoir se passer de pouvoir de domination.

Le pouvoir est ensuite un phénomène de force. Toutes les conceptions du pouvoir font
intervenir l’idée de contrainte. La justice, l'armée, la police, sont les principaux instruments
de cette violence légitime, qui permet d'empêcher ou de punir les cas de violence individuelle.
L’acceptation collective de cette contrainte suppose une certaine croyance. Ainsi, pour être

407 RUSSELL B., Le pouvoir, Editions Syllepse et Les Presses de l'Université Laval (Québec), 2003, 230 p.

408 DUVERGER M., cité par LEROY Paul, Les régimes politiques du monde contemporain : I – Les régimes politiques des États
libéraux, Grenoble, P.U.G., 2003, p. 10 : «Dans la société, le pouvoir apparaît comme un phénomène aussi naturel que l’eau, le feu,
la grêle dans l’univers physique».

82
pouvoir politique, toute forme de domination doit être légitime. Le peuple doit se gouverner
par lui-même à travers les représentants qu’il désigne. Enfin, le pouvoir politique est un
phénomène territorial, toute domination étant circonscrite dans un espace géographique
donné.

Dans l’hypothèse qu’il existe, le pouvoir local est très peu exploré par la doctrine publiciste.
Le substantif pouvoir est surchargé de significations et de controverses 409. L’adjectif local
est lui aussi diversement interprété. Il soulève une interrogation relative à la source d’un tel
pouvoir. Ce pouvoir tirerait-il sa source de la localité ou plus précisément de la population
locale ? Deux positions s’affrontent. La première, d’inspiration sociologique considère que
chaque territoire génère en son sein, un pouvoir propre issu directement de la population
locale. Pour la deuxième position, un peu plus positiviste, le qualificatif local viendrait plutôt
de ce que le pouvoir s’exprime localement. Certains auteurs qui perçoivent en la collectivité
un pouvoir local appréhendent celui-ci comme la capacité, reconnue à des collectivités
territoriales de bénéficier d’une existence juridique propre, d’élaborer et de mettre en œuvre
des décisions et des actions dans des domaines variés qui concernent directement la vie
quotidienne de leurs habitants410. La collectivité territoriale serait par conséquent un
pouvoir constitutionnalisé susceptible de revendiquer l’exercice des fonctions étatiques
essentielles411. Or, le pouvoir étatique se montre jaloux de sa suprématie. Il est exclusif de
toute concurrence sur son espace de souveraineté.

B. Le pouvoir étatique : un pouvoir exclusif

Malgré l’ancienneté412 des mouvements décentralisateur et fédéraliste, la dimension


verticale de la séparation des pouvoirs n’a pu s’établir et n’a donc pas eu la même influence
sur l’organisation politique des Etats contemporains, comparée à la séparation horizontale.
L’organisation verticale de l’Etat est bien hiérarchisée. Elle est constituée à la base par les
collectivités territoriales au sommet desquelles trône le pouvoir étatique. La doctrine a

409 BRAUD Ph., Sociologie politique, 8ème éd., LGDJ, Paris, 2006, p. 21.

410 RANGEON F., Le pouvoir local, Encyclopédie Universalis.


411 Définition déduite des explications de CORNU Gérard, op. cit., pp. 775-776.

412Les Américains ont adopté le premier pacte fédéral en 1787. Avant eux, les Anglais ont intégré la nécessité d’une
répartition territoriale des pouvoirs par l’adoption de la charte de 1215.

83
abondamment dressé ce constat qui procède de la volonté du souverain (1) que la légitimité
des organes locaux issus d’une élection au suffrage universel ne remet pas en cause (2).

1. Le pouvoir étatique, un pouvoir suprême

La constitution, loi suprême de l’Etat, prévoit l’existence de la collectivité territoriale. Elle


fait de l’Etat la collectivité territoriale supérieure 413. Le constituant originaire s’est en outre
préoccupé de dresser les principes fondamentaux de fonctionnement du pouvoir politique
pendant qu’il a préféré laisser le soin au législateur de préciser les conditions
d’administration des collectivités territoriales414. Ce traitement différencié n’est pas gratuit.
Il situe l’ordre d’importance politique de chacune des institutions susvisées.

Les dispositions constitutionnelles sus évoquées font de la loi un intermédiaire


indispensable à l’existence matérielle et à l’action de la collectivité territoriale. C’est
pourquoi, en la matière, le juge constitutionnel désapprouve l’inaction du législateur415.
Dans certaines occurrences, l’intervention préalable du pouvoir règlementaire 416 est aussi
juridiquement nécessaire à l’action de la collectivité. C’est dire que pour le souverain, toute
décentralisation tire sa source de l’Etat qui en détermine la mesure, les moyens et la portée.
L’existence matérielle de la collectivité décentralisée est tributaire de sa mise en œuvre par
l’Etat. Elle est donc un construit de la collectivité étatique qui conserve sa suprématie.

Au départ du concept de souveraineté, en 1283, «Chaque baron était souverain dans sa baronnie
mais le roi est souverain par-dessous tous»417. C’est par la suite que la souveraineté a pris sa forme
moderne en se revêtant d’une conception absolue de sorte que déjà en 1608, LOYSEAU a

413Const. du Niger, art. 165 : «L’Etat veille au développement harmonieux de toutes les collectivités territoriales…Le représentant de
l’Etat veille au respect des intérêts nationaux».
414 Bénin : Const., art. 150 ; Niger : Const., art. 164.

415 Déc. n°94-358 DC du 26 janvier 1995. Le Conseil Constitutionnel censure le renvoi par le législateur à une
convention passée entre les collectivités territoriales de l’organisation du dispositif de la collectivité chef de file. La
juridiction constitutionnelle rappelle ainsi au législateur son devoir de légiférer sur l’organisation et le fonctionnement
du pouvoir local.

416Les lois sur la décentralisation ont prévu des décrets d’application. Par exemple, Bénin : Loi n°97-029, art. 14, 81
et 181 ; Loi n°98-007, art. 36.

417 deBEAUMANOIR Ph., Coutumes de Beauvaisis, cité par RIGAUDIERE A., «L’invention de la souveraineté», Pouvoirs,
n°67, 1993, p. 9.

84
pu alors écrire que «la souveraineté consiste en puissance absolue»418. Pour DUGUIT, la primauté
de l’Etat tire son origine de la souveraineté de la nation419.

Le Doyen HAURIOU analysera les quatre étapes du phénomène d’étatisation 420 des
communautés primitives pour déduire qu’il est dans la logique du pouvoir d’Etat de tout
recouvrir entièrement421. Guillaume PROTIERE justifie la toute-puissance de l’Etat par
son caractère unitaire422. En effet, dès lors que la souveraineté est unifiée, des communautés
locales ne peuvent plus y prétendre. Les dispositions constitutionnelles sont suffisamment
claires. La souveraineté appartient au peuple423. En contrepoint, il peut être objecté que
l’élection des organes locaux est l’expression autonome du pouvoir de la population, la
même qui constitue la collectivité nationale.

2. La légitimité électorale locale, un critère insuffisant

Pour défendre la position selon laquelle la collectivité territoriale est aussi un pouvoir dans
l’Etat, il est loisible de tirer argument de l’élection au suffrage universel de ses organes. Un
tel raisonnement, logique à vue de profane, ne saurait prospérer. En effet, la commune ne
dispose pas d’un ordre juridique propre. Les populations de la collectivité territoriale ne
définissent pas les règles électives. La loi nationale en constitue la source. Pris dans le cadre

418 LOYSEAU Ch., Traité des seigneuries, Chapitre II, n°4 à 9, cité par CUBERTAFOND Bernard, «Souverainetés en
crise ?», RDP, 1989, p. 1275.

419 DUGUIT L., Les transformations du droit public, Paris, La Mémoire du droit, 1999 (1ère éd., 1913), p. 21 : «La nation
étant une personne et sa volonté étant la puissance politique souveraine, elle concentre en elle tout ce qu’il y a de pouvoir et il ne peut y avoir
sur le territoire national d’autres groupes ayant une part quelconque de souveraineté».

420 HAURIOU M., «Police juridique et fond du droit», Aux sources du droit. Le pouvoir, l’ordre et la liberté, Caen, Centre de
philosophie politique et juridique, 1986, (Rééd. Cahiers de la nouvelle journée n°23, 1933), p. 183 : «L’organisation
rationnelle de l’Etat ne se réalise pas par la destruction violente des organisations antérieures, elle s’édifie, au contraire, par la superposition
d’un pouvoir de contrôle au-dessus des jurisprudences primitives. Au sortir du Moyen-âge, l’Etat s’est reconstitué par le rétablissement du
contrôle politique du roi au-dessus des pouvoirs politiques des barons féodaux et par l’établissement du contrôle des justices royales au-dessus
des justices seigneuriales. L’idée mère de l’Etat est celle d’un contrôle rationnel politique et juridique de tous les pouvoirs sociaux primaires
d’une nation».

421 HAURIOU M., Précis de droit constitutionnel, 1ère éd., Sirey, p. 183 : «Comme il est essentiellement une centralisation politique,
il est dans son principe de centraliser tout le droit et toute la justice».

422PROTIERE G., La puissance territoriale : contribution à l’étude du droit constitutionnel local, Thèse, Lumière, Lyon II, 2006,
p. 51: «Selon la conception traditionnelle de l’Etat unitaire, le pouvoir politique originaire est monopolisé par la collectivité étatique, le
pouvoir local apparaît comme second, voire subalterne».

423 Bénin : Const., art. 3 ; Niger : Const., art. 4. De façon quasi constante, les textes constitutionnels ont toujours
affirmé ce principe (cf. pour le Bénin par exemple, Const. du 28 février 1959, art. 3 ; Const. du 26 novembre 1960, art.
3 ; Const. du 11 janvier 1964, art. 3 ; Const. 11 avril 1968, art. 3 ; Loi fondamentale du 26 août 1977, art. 5).

85
restreint de la collectivité, l’acte électif local ne saurait être considéré comme une
participation à l’expression d’un pouvoir politique autonome. Cette prérogative appartient
à la communauté nationale dans son entièreté.

Certes, les élections locales sont considérées comme des scrutins politiques mais elles n’ont
aucun lien direct avec la souveraineté nationale424. Il est admis que la collectivité territoriale
est un cadre d’expression du peuple. En consacrant le principe de libre administration, le
constituant confère aux citoyens, à travers leurs organes élus, les moyens de constituer un
«contre-pouvoir»425 pour l’action étatique en faisant entendre la voix locale dans le dialogue
institutionnel.426. En définitive, à l’occasion des élections locales, c’est l’ensemble du peuple
qui s’exprime, faisant de l’échelon local une composante de la démocratie politique. C’est
sans doute ce qu’exprimaient, d’une part, les premières constitutions adoptées par quelques
pays ouest africains après les indépendances et d’autre part, quelques pratiques
circonstancielles en France. La Loi n° 59-003 du 24-01-1959 portant Constitution de la
République du Sénégal énumérait les collectivités publiques comme institutions de la
République427. Il en est de même de la Constitution béninoise du 28 février 1959428.

En l’absence de toute justification expresse, il peut être fait l’hypothèse que ces constituants
ont pu vouloir s’aligner sur la position du constituant français de 1946 qui entendait intégrer

424 En effet, les organes territoriaux ainsi élus n’interviennent pas dans la formation de la volonté générale dont la
mission incombe, constitutionnellement, au pouvoir législatif. Tous autres aménagements législatifs qui donnent
l’impression d’un pouvoir d’autodétermination de la collectivité territoriale ne forment pas la reconnaissance d’autres
pouvoirs politiques autonomes dans l’Etat. Ils doivent plutôt être vus comme la reconnaissance d’une capacité
d’empêcher qui permet de garantir l’existence desdites collectivités.

425 Les débats des constituants de 1946 font référence au concept américain «checks and balances» d’équilibre des
pouvoirs. ARRES-LAPOQUE Jacques déclarait : «Il convenait d’imprégner de démocratie chacun des centres nerveux de la nation.
D’autre part, nous avons voulu, en affermissant considérablement les pouvoirs des collectivités locales, réaliser un des éléments du système
«contrepoids et équilibres» qui caractérisera notre Constitution.», Séance du 16 avril 1946, JORF, ANC élue le 21 octobre 1945,
Débat n°49, Mercredi 17 avril 1946, p. 1914.
426 LAVROFF D.-G., «Conclusion», in PARIENTE A. (dir.), La séparation des pouvoirs : théorie contestée et pratique renouvelée,
op. cit., p.150 : «Le fédéralisme, au stade supérieur et la décentralisation, dans une certaine mesure, sont des moyens qui peuvent protéger
contre les excès du pouvoir centralisé, même s’il est démocratique».
427 Art. 17 : «Les institutions de la République du Sénégal sont le Gouvernement, l’Assemblée Législative et les collectivités publiques».

Art. 5 : «Les institutions de la république sont : le gouvernement, l’Assemblée législative, l’Autorité judiciaire, le Tribunal d’Etat, le
428

Conseil Economique et Social et les collectivités publiques».

86
le pouvoir local à l’expression démocratique429. Il s’en suit que, de jure, les collectivités
territoriales, dans la plupart des nouvelles démocraties ouest africaines, ne disposent ni de
prérogatives ni d’organes leur permettant de participer à l’expression du pouvoir d’Etat430.
Le Doyen HAURIOU pour qui «Tout conspire à ce que la souveraineté nationale se localise»431 aurait
préféré le contraire comme ce fut le cas en France où des collectivités territoriales
notamment des conseils généraux, ont pu suppléer l’action du pouvoir législatif. En 1815,
une ordonnance royale les convoquait extraordinairement pour «prendre toutes les mesures de
salut public que les circonstances et les localités pourraient leur suggérer». En 1855, un projet de loi432
prévoyait que «dans le cas où, par l’effet d’une force majeure quelconque, les pouvoirs constitutionnels de
l’Etat seraient mis dans l’impossibilité d’exercer leur action légale, les conseils généraux des départements
devront immédiatement se réunir»433.

Eu égard à ces développements, la collectivité territoriale pourrait être un pouvoir politique


mais un pouvoir suppléant. Encore, faudra-t-il que le droit positif en dispose ainsi. A ce
sujet, les pouvoirs constituants béninois et nigérien n’ont pas utilisé l’expression pouvoir
dans le titre relatif aux collectivités territoriales tel qu’ils l’ont fait pour ce qui concerne les
autres institutions434. Leur intention est sans équivoque. Ils n’ont pas entendu faire des
collectivités territoriales des pouvoirs politiques autonomes dans l’Etat. Leur régime
juridique a été élaboré dans cette perspective.

429 Guy MOLLET qui a produit un rapport sur les collectivités locales affirmait : «La souveraineté du peuple ne saurait
s’exercer dans le cadre seul de la nation» (JORF, ANC élue le 21 octobre 1945, Séances de la Commission de la Constitution,
Rapport adopté le 23 janvier 1946, p. 508) ; Jacques ARRES-LAPOQUE déclarait : «Nous affirmons ici et nous entendons
affirmer dans la Constitution que les pouvoirs publics comprennent le pouvoir local. Nous affirmons qu’à la base du pouvoir politique
démocratique, il y a le pouvoir local démocratique. Nous en posons le principe» (cf. JORF, ANC élue le 21 octobre 1945, Débat
n°49, Mercredi 17 avril 1946, p. 1922).

430 Le Mali qui aurait pu faire une exception (Constitution du 25 février 1992, art. 25 : «Le Haut Conseil des collectivités
territoriales est une institution de la République ; il assure la représentation des collectivités territoriales») n’a pu opérationnaliser de
façon concluante la représentation des collectivités territoriales dans la vie politique.

431 HAURIOU M., Précis de droit constitutionnel, 2ème éd., p. 192.


432 Initié par M. VAISSE alors Ministre de l’intérieur et adopté le 15 février 1872.

433FOURNIER H., Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner les propositions, relatif à la proposition de M. le vicomte
de Tréveneuc, Annexe n°656, JORF, Chambre des députés, débats, n°262, mercredi 20 septembre 1871, p. 3588.

Const. du Bénin : Titre III : Du pouvoir exécutif, Titre IV : Du pouvoir législatif, Titre VI : Du pouvoir judiciaire ;
434

Const. du Niger : Titre III : Du pouvoir exécutif, Titre IV : Du pouvoir législatif, Titre VI : Du pouvoir judiciaire.

87
Paragraphe 2 : La relativité de la démarcation des compétences

Les exercices intellectuels de clarification conceptuelle déployés par la doctrine ainsi que
l’abondante jurisprudence française disponible sur le sujet (A) n’ont pu clarifier la
répartition et empêcher, dans les faits, l’enchevêtrement des compétences locales et
nationales (B).

A. Les apports de la doctrine et de la jurisprudence

Les controverses dans la doctrine (1) et la variété des solutions jurisprudentielles (2)
illustrent la difficulté qu’il y a à distinguer nettement les affaires locales435 des affaires
nationales.

1. Les affaires locales dans la doctrine

Traditionnellement, les publicistes admettent la distinction entre affaires locales et affaires


nationales, différenciation elle-même fondée sur celle entre les intérêts locaux et les intérêts
nationaux. Jean RIVERO affirmait à cet effet que la «reconnaissance d’une catégorie des affaires
locales, distincte des affaires nationales, est la donnée première de toute décentralisation»436. Beaucoup
d’autres auteurs437 l’ont précédé ou suivi dans ce sens. Selon HAURIOU par exemple,
«L’essence même de la décentralisation consiste en ce que la population d’une circonscription décide elle-même
des affaires locales»438. Nul n’aura, mieux que de TOCQUEVILLE, formulé cette distinction
lorsqu’il affirme que «Certains intérêts sont communs à toutes les parties de la nation tels que la
formation des lois générales et les rapports du peuple avec les étrangers. D’autres intérêts sont spéciaux à

435 L’idée d’affaires locales a commencé par poindre à partir de la Constitution française du 3 septembre 1791 dont
l’article 9 dispose que les officiers municipaux «sont chargés de gérer les affaires particulières de la commune». On retrouve les
affaires locales dans la Constitution allemande de 1949, art. 28, al. 2 qui dispose que «Le droit doit être garanti aux communes
de régler sous leur propre responsabilité, dans le cadre des lois, toutes les affaires de la communauté locale».

436 RIVERO J., Précis de droit administratif, Paris, Dalloz, 4ème éd., 1970, p. 286.

437 BENOIT F.-P., Le droit administratif français, Paris, Dalloz, 1968, §. 206 et ss., DEBBASCH Ch., Droit administratif,
1ère éd., p. 69 ; de LAUBADERE A., Traité élémentaire de droit administratif, T.II, éd. 1973, §. 123 et ss. ; PONTIER J.-
M., L’Etat et les collectivités locales. La répartition des compétences, Paris, LGDJ, 1978, p. 76.

438 HAURIOU M., «Etude sur la décentralisation», Répertoire du droit administratif, §. 26, pp. 12-13.

88
certaines parties de la nation tels par exemple que les entreprises communales»439. On retrouve une telle
suggestion dans la pensée de ROUSSEAU440.

D’autres doctrinaires ne partagent pas l’idée d’une démarcation possible entre affaires
locales et nationales. Pour CHAPUISAT, la notion d’affaires locales n’existe vraiment pas
en droit administratif français et la clause générale de compétence des collectivités locales
n'est qu'un mythe commode dans la mesure où l'Etat conserve, le plus souvent, la haute main
sur l'essentiel441. Quant à MONTAGNIER, il affirme que «Délimiter le champ de ce qui est
proprement local de ce qui intéresse l’ensemble de la collectivité devient aujourd’hui une recherche de plus en
plus vaine»442. BAGUENARD souligne que les affaires locales n’ont jamais été clairement
explicitées, ni par le droit, ni par la doctrine. Elles n’auraient donc pas «d’existence juridique
objective», l’absence de clarification étant «relayée par une subjectivité des appréciations au regard de
l’abondante jurisprudence en la matière»443.

En France, avec l’adoption de la loi du 07 janvier 1983, la doctrine publiciste a continué


d’être divisée sur la survivance de la règle générale de compétence et par ricochet du concept
d’intérêt local qui en est l’origine. Pour certains comme de LAUBADERE 444 et
CHAPUISAT445, cette loi a annoncé la fin du règne de la clause générale de compétence.
Pour d’autres dont Francis-Paul BENOIT446 et Jean-Marie PONTIER447 par contre, cette
clause a été plutôt maintenue et étendue aux autres niveaux de collectivités territoriales.

439 de TOCQUEVILLE A., De la démocratie en Amérique, Livre I, Chap.5.

440ROUSSEAU J.-J., Du contrat social, Livre III, Chap. IV : «: «Il n'est pas bon que celui qui fait les lois les exécute, ni que le corps
du peuple détourne son attention des vues générales pour la donner aux objets particuliers».
441
CHAPUISAT L.-J., «Libertés locales et libertés publiques», AJDA, 1982, p. 352.

442
MONTAGNIER G., «Vingt années d’évolution du régime communal», AJDA, 1966, I, p. 210.

443
BAGUENARD J., La décentralisation, PUF, Paris, 2004,7ème éd., p. 30.

444
de LAUBADERE A., Traité de droit administratif, Paris, LGDJ, 9ème éd.,, 1984, p. 93.
445
CHAPUISAT L.-J., «La répartition des compétences, AJDA, 1983, p. 81.
446
BENOIT F.-P. (dir), Encyclopédie Dalloz. Collectivités locales, T.I, p. 322.
447
PONTIER J.-M., «Semper Manet. Sur une clause générale de compétence», RDP, 1984, pp. 1140 et s.

89
Contrairement à certaines interprétations qui laissent penser qu’est d’intérêt local, seul ce
que la loi reconnaît comme tel, la position défendue par F.-P. BENOIT résume l’actualité
de la clause générale de compétence. C’est dire que la notion d’intérêt local constitue
toujours un critère, tout au moins supplétif448, qui permet de compléter la liste des
compétences explicitement attribuées aux collectivités.

Au-delà même de la pertinence du concept d’affaire locale, les débats doctrinaires se sont
étendus à sa portée sur les rapports entre collectivités territoriales et Etat. L’intérêt local
doit-il servir d’instrument de délimitation et de séparation entre l’action publique locale et
l’intervention étatique ? La doctrine dominante accrédite la coopération. Le Doyen
HAURIOU a posé le constat que depuis qu’il a été réalisé un peu de décentralisation, la
plupart des services publics sont gérés en commun par plusieurs administrations 449. Au-
delà de l’autonomie, la dimension coopérative est cruciale pour garantir l’intérêt général,
critère essentiel pour la jurisprudence.

2. Les apports de la jurisprudence

Pour la jurisprudence du Conseil d’Etat français, est affaire locale, toute affaire d’intérêt
local qui n’a pas été explicitement attribuée par la loi à l’Etat ou à une autre personne
publique450. Par conséquent, le juge administratif reconnaît «que le conseil municipal est de plein
droit compétent pour régler les affaires de la commune, en l’absence de dispositions législatives attribuant
expressément compétence à une autre autorité»451 et s’il agit «dans les limites de l’exercice des compétences

448 FOURNIE F., Recherches sur la décentralisation dans l’œuvre de Maurice Hauriou, LGDJ, 2005, p. 252.

449 HAURIOU M., La gestion administrative. Etude théorique de droit administratif, Paris, Larose, 1899, p. 31, note 1.
PONTIER J.-M., «Nouvelles observations sur la clause générale de compétence», La profondeur du droit local, Mélanges en
l’honneur de Jean-Claude Douence, Dalloz, 2006, p. 375, notera que «si l’on peut dire que telle catégorie intervient de manière privilégiée
dans tel domaine, ce sont toutes les catégories de collectivités qui sont sollicitées dans un domaine déterminé». FORTIER J.-C., «Vers la
régionalisation de l’éducation nationale ?», La profondeur du droit local, Mélanges en l’honneur de Jean-Claude Douence, Dalloz,
2006, p. 227, fait la même analyse pour conclure que «ni la loi ni le règlement n’ont organisé de césure juridique en répartissant les
rôles par blocs de compétences, et la dialectique de la décentralisation a installé sur tout le territoire national une collaboration avec l’Etat
qui s’approfondit chaque jour selon une conception élargie -interinstitutionnelle- du service public…».

450 CE, 29 juin 2001, Mons -en- Baroeul : «Considérant que selon l'article L. 121-26 du code des communes en vigueur à la date de la
délibération contestée et qui reprend des dispositions dont l'origine remonte à l'article 61 de la loi du 5 avril 1884 : "Le conseil municipal
règle par ses délibérations les affaires de la commune" ; que ce texte, qui figure présentement à l'article L. 2121-29 du code général des
collectivités territoriales, habilite le conseil municipal à statuer sur toutes les questions d'intérêt public communal, sous réserve qu'elles ne
soient pas dévolues par la loi à l'Etat ou à d'autres personnes publiques».
451 BOUET J.-B., op. cit., p. 325.

90
du conseil municipal et dans un but d’intérêt général»452. Cette jurisprudence du prétoire
administratif est analogue à celle du juge constitutionnel français453.

L’application relativement aléatoire qui a été faite par le juge de la clause générale de
compétence explique les positions de plus en plus réservées du législateur et de la doctrine
sur le sujet. En effet, en l’absence d’une définition légale claire et d’une répartition explicite
des compétences, les marges d’interprétation du juge demeurent très larges. Du coup, la
diversité des espèces a débouché sur des jurisprudences très controversées454.

La présence renouvelée dans des textes constitutionnels et législatifs de la clause générale


de compétence et l’exploitation jurisprudentielle qui est faite de la notion d’intérêt local ont
consacré toute leur valeur juridique. A cette valeur juridique se rattachent des effets qui ne
sauraient se produire que si les organes locaux en charge de l’intérêt local disposent d’une
autonomie organique qui leur permettent de décider, à l’abri de toute interférence
intempestive de la part de l’Etat central.

B. L’enchevêtrement des compétences

Comme conséquence de la difficile démarcation entre affaires locales et nationales, il est


apparu extrêmement problématique de maintenir une clause générale de compétence au
profit de la collectivité. Certains textes de loi la consacrent explicitement mais ses limites au
plan opérationnel sont si manifestes que sa portée juridique est peu perceptible (1), ce qui
justifie les tentatives de répartition plus explicite des compétences par le législateur (2).

452CE, 30 octobre 1996, Société Henri Herrmann, Rec. Leb, p. 416. V. également, GLASER E., SENERS F., «Le Conseil
d’Etat précise la notion d’intérêt public local», note sous CE, 23 juin 2004, Commune de Dunkerque, et CE, 7 juillet 2004,
Commune de Celoux, Administration et collectivités territoriales, n° 32-36, 2004, pp. 1102-1105.

453 Déc. 2010-618 DC du 9 décembre 2010, consid. 55 : «les dispositions critiquées permettent au conseil général ou au conseil
régional, par délibération spécialement motivée, de se saisir respectivement de tout objet d'intérêt départemental ou régional pour lequel la loi
n'a donné compétence à aucune autre personne publique ; que, par suite, doit être écarté le grief tiré de ce que les dispositions critiquées
seraient contraires au principe de libre administration des collectivités territoriales».

454 FOURNIE F., op. cit., p. 251.

91
1. Les limites de la clause générale de compétences

La clause générale de compétence peut être définie comme la capacité d’initiative reconnue
à une collectivité territoriale dans un domaine de compétences au-delà même de celles qui
lui ont été expressément attribuées. Le concept traduit une approche finaliste qui permet
l’élargissement des compétences des collectivités territoriales, sur la base d’un intérêt
territorial. La clause accorde donc aux collectivités territoriales une capacité générale
d’intervention qui dispense d’énumérer, de façon exhaustive, toutes leurs attributions. En
matière de compétence, cette clause générale distingue les collectivités territoriales des
établissements publics caractérisés par le principe de spécialité.

Aucun texte constitutionnel ou législatif au Bénin ou au Niger n’utilise littéralement


l’expression. Toutefois, ces textes reconnaissent implicitement la clause générale de
compétence. La Constitution du Niger reconnaît indirectement l’existence d’affaires locales.
En son article 165, elle fait mention d’intérêts nationaux 455. Ceci suppose qu’à l’opposé, il
existe d’autres intérêts, communaux ou régionaux. Cette reconnaissance sera constamment
réaffirmée au plan législatif456. Les textes de loi sur la décentralisation, y compris les
ordonnances récemment adoptées, en font mention à plusieurs reprises457.

Même si le constituant et le législateur béninois n’utilisent ni le terme intérêt local ni celui


d’affaires locales, il n’en demeure pas moins qu’il reconnaît à la commune des compétences
qui lui sont propres458. Or, il ne saurait y avoir de compétence propre sans intérêt propre,
donc sans intérêt local. Les formulations utilisées dans le chapitre III de la Loi n° 97-029
en portent l’illustration. Un rapprochement entre les dispositions de ce chapitre et celles de
la loi française du 07 janvier 1983 permet d’esquisser une analyse du vocabulaire choisi par

455 Art. 165 : «L'État veille au développement harmonieux de toutes les collectivités territoriales sur la base de la solidarité nationale, de
la justice sociale, des potentialités régionales et de l'équilibre inter - régional.
Le représentant de l'Etat veille au respect des intérêts nationaux».
456 Art.6 al.2 : «La commune est la collectivité territoriale de base. Elle est chargé des intérêts communaux…» ; Art.5 : «La commune et
la région règlent par délibérations les affaires relevant de leurs compétences. Elles ont pour missions, la conception, la programmation et la
mise en œuvre des actions de développement économique, éducatif, social et culturel d’intérêt communal et régional».
457Niger : Loi n° 2002-012, art. 3 al.2, 31, 65 et 97 ; Loi n° 2002-013, art. 2 ; Ord. n° 2010-53, art. 6 al.2 ; Ord. n° 2010-
54, art. 5.

458 Loi n° 97-029, art.82 : «La commune dispose de compétences qui lui sont propres en tant que collectivité territoriale décentralisée».

92
le législateur béninois. En effet, la troisième phrase459 du tout premier article du chapitre
III (art. 82) de la loi béninoise est presque une copie conforme de l’alinéa 2 de l’article 1 er
de la loi française du 07 janvier 1983. Il peut être déduit que le contenu de l’alinéa 1er dudit
article 1er relatif à la clause générale de compétence460 n’a pas séduit le législateur béninois
qui a évité de l’emprunter. La méfiance à l’égard de la clause générale de compétence se
justifierait. Une partie de la doctrine lui reproche son imprécision qui s’est manifestée dans
la diversité des solutions jurisprudentielles.

Malgré cette volonté de précision, le législateur béninois n’a pas pu définir et encadrer, de
façon exhaustive, les compétences des collectivités territoriales. C’est cette difficulté qui
explique l’usage de formules ouvertes du genre «la commune prend toutes mesures de nature à
faciliter…encourager…»461, «la commune initie toutes les mesures de nature à favoriser…à
promouvoir….»462. Ces tournures produisent le même effet que la clause générale de
compétence. Nonobstant l’effet d’élargissement des libertés locales reconnu à la clause
générale de compétence, ses performances sont remises en cause par des élus locaux et
autorités gouvernementales de divers horizons463. Conséquemment, le droit positif et la
jurisprudence tendent plutôt à en restreindre le champ d’application en clarifiant davantage
les compétences de chaque personne publique territoriale.

459 «Elle concourt avec l'État et les autres collectivités à l'administration et à l'aménagement du territoire, au développement économique,
social, sanitaire, culturel et scientifique ainsi qu'à la protection de l'environnement et à l'amélioration du cadre de vie».

460 «Les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence».
461 Loi n° 97-029, art. 106.

462 Loi n° 97-029, art. 98.


463 ALAGBE S. [Président de l’Association Nationale des Communes du Bénin], La Territoriale, n° 25, Octobre 2013,
p. 39, plaide : «Il faut … la séparation étanche de compétences entre l’Etat et les communes, les compétences partagées créent des flous».
Le Président Nicolas SARKOZY en a fait une priorité dans ses réformes ; v. Lettre de mission en date du 30 juillet
2007 du Président de la République française à Mme MICHEL-ALLIOT Marie, Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-
Mer et des Collectivités Territoriales : «Nous vous demandons de rechercher, dans la concertation avec les collectivités, les moyens de
clarifier les compétences des différents niveaux de collectivités locales…». FILLON F. [Premier Ministre Français], Discours de
clôture du 90ème Congrès des Maires et des Présidents de communautés de France, le 22 novembre 2007 : «Nous souffrons
tous…de l’enchevêtrement des compétences».

93
2. Les vaines tentatives d’une meilleure clarification des compétences

Les textes de loi sur la décentralisation tendent à être plus explicites en matière de
répartition des compétences, entre l’Etat et les collectivités territoriales d’une part et entre
les différents niveaux de collectivités territoriales d’autre part. Le chapitre III (art. 82 à 108)
de la Loi n° 97-029 au Bénin a été entièrement consacré aux compétences de la
commune464. Le livre III (art. 158 à 165) et le livre VII (art. 304 à 324) de l’Ordonnance
nigérienne n° 2010-54 disposent pour les transferts de compétences et les relations entre
l’Etat et les collectivités territoriales. En France, la loi du 16 décembre 2010465 dispose que,
pour compter du 1er janvier 2015, les conseils généraux et régionaux règleront les affaires
de leurs collectivités respectives «dans les domaines de compétence que la loi [leur] attribue» et qu’ils
pourront «se saisir de tout objet d’intérêt départemental [ou régional] pour lequel la loi n’a donné
compétence à aucune autre personne publique» (art. L3211-1 et L4221-1).

En pratique, il est encore plus ardu de définir et de délimiter lesdites compétences, l’intérêt
local étant évolutif dans le temps et dans l’espace et fonction de la taille de la collectivité et
de son niveau de développement. En outre, la superposition de plusieurs niveaux de
collectivités territoriales rend encore plus difficile la répartition géographique des
compétences. En effet, les limites territoriales des collectivités locales ne constituent pas
nécessairement la limite de leur intérêt. C’est pourquoi, le juge administratif français
contribue à son identification, au cas par cas et avec une certaine souplesse.

Ainsi, pour être locale, une intervention doit-elle résulter soit de l’existence d’un intérêt
public par nature466 soit par suite d’une carence de l’initiative privée. C’est ainsi que le juge
administratif français n’autorise les collectivités territoriales à ériger des entreprises en
services publics communaux que pour autant qu’en raison des circonstances de temps et de lieu, un
intérêt public justifie leur intervention467. C’est dans le même sens que, par l'Arrêt Ville de Nanterre

464 Art. 82 al 1 : «La commune dispose de compétences qui lui sont propres en tant que collectivité territoriale décentralisée».

465Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, JORF n° 0292 du 17 décembre
2010, p. 22146.
466Par opposition à la satisfaction d'un intérêt privé : les collectivités doivent tout d’abord respecter l’initiative privée, au nom
de la liberté du commerce et de l’industrie.
467 CE, 30 mai 1930, Chambre syndicale de commerce en détail de Nevers, Leb., p. 583.

94
du 20 novembre 1964, le Conseil d'Etat légitime la création d'un service municipal gratuit
de médecine dentaire au regard des besoins de la population locale qui, composée en grande
majorité de salariés modestes, ne peut accéder, dans de bonnes conditions, aux soins
dentaires.

L’intérêt local s’entend intérêt direct pour la population concernée468. Les collectivités ne
peuvent donc pas intervenir dans un domaine qui n’est pas local. Par exemple, une
collectivité ne peut pas s’engager pour une cause politique internationale. Le juge
administratif a sanctionné le soutien à un peuple en lutte469. Elle ne peut non plus
s’immiscer dans les affaires nationales. Le juge a censuré un appel à voter Non à un
référendum national470. Les collectivités territoriales ne peuvent pas non plus empiéter sur
les compétences attribuées par la constitution ou la loi à un autre niveau d’administration,
qu’il s’agisse d’un autre niveau de collectivité décentralisée ou de l’État central 471.
L’appréciation de cette limite est aisée lorsque la compétence est attribuée de manière
exclusive. Elle paraît davantage complexe dans le cas de compétences concurrentes ou
partagées, ce qui est presque toujours le cas, in concreto472. Pour permettre à la collectivité
d’exister, il s’avère utile de la doter des attributs d’un pouvoir, ne fut-ce que, subsidiaire.

SECTION 2 : UN POUVOIR ADMINISTRATIF LOCAL INELUCTABLEMENT SUBSIDIAIRE

Il ne peut être institué de libertés locales que pour autant qu’existent des affaires locales.
Les affaires locales se situent au fondement de la libre administration. Mais dans presque
tous les domaines, la collectivité ne peut agir qu’en rapport avec l’Etat central. La
coopération entre les deux personnes territoriales est inéluctable rendant délicate toute
démarcation entre compétences locales et compétences nationales. Il demeure que ces

468 CE, Ass., 25 octobre 1957, Commune de Bondy, Leb., p. 552 S. 1958-III-66.

469 CE, 23 octobre 1989, Commune de Pierrefitte-sur-Seine, Rec. Leb., p. 209.


470
CE, 25 avril 1994, Président du conseil général du territoire de Belfort, AJDA, 1994, p. 595.
471 CHAPUISAT L.-J., «Les affaires communales», AJDA, 1976, p. 472, fit remarquer à ce sujet : «Il est indiscutable qu’il
existe bien des besoins locaux. Mais il suffit que la place du marché soit classée pour qu’elle cesse d’être d’intérêt local, de même pour la
circulation urbaine dès lors que les routes sont à grande circulation».
472 BALLADUR E., «Il est temps de décider», Rapport au président de la République, Comité pour la réforme des collectivités
locales, 5 mars 2009, p. 12 : «A quelques exceptions près, aucune compétence n’est spécialisée par niveau d’administration territoriale
et la plupart sont partagées entre les collectivités territoriales ou encore entre elles et l’Etat».

95
concepts fondateurs sont toujours valides (Paragraphe 1), justifiant la nécessité de conforter
la collectivité territoriale dans le rôle d’un pouvoir local473 à caractère administratif dont les
moyens sont encore réduits (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Des concepts confirmés

Pendant longtemps, l’intérêt local a été l’aulne auquel sont distinguées les affaires locales.
Mais les évolutions socio-économiques et les solutions jurisprudentielles ont complexifié
une telle qualification. Le législateur s’est alors préoccupé de clarifier les compétences.
L’ampleur du recours au concept d’intérêt local s’en trouve réduite (A). Parallèlement, la
répartition a révélé qu’il n’existait pas quasiment de compétences entièrement et strictement
locales (B).

A. L’intérêt local, levier de l’établissement des compétences locales

La volonté du législateur d’opérer une claire répartition des compétences entre les
différentes personnes territoriales est manifeste. Néanmoins, l’exercice s’est avéré peu
porteur, confirmant le caractère irrémédiablement central du concept d’intérêt local (1) dans
la protection du libre exercice par la collectivité territoriale de ses compétences (2).

1. Les tentatives de remise en cause de la notion d’intérêt local

Que l’on considère la commune-groupement naturel ou la commune-produit de l’Etat,


l’importance de l’intérêt local, en tant que déterminant le champ de couverture des
compétences locales, s’est réduit avec la constitution et la modernisation de l’Etat. Dans un
premier mouvement, l’intérêt local a été à la base d’un pouvoir, d’une puissance qui a permis
l’affermissement de l’autorité royale au Moyen-Age. Mais une fois installé, ce pouvoir royal
-et plus tard, le pouvoir étatique-, a abaissé sa puissance. Le fondement de ce pouvoir local
-l’intérêt communal- a été mis entre parenthèses. Dans la seconde phase de son évolution,

473 Le pouvoir est dit local parce qu’il s’agit d’un pouvoir exprimé localement, c'est-à-dire à travers un prisme territorial.
Il n’empêche que son origine se trouve dans l’État, qui lui donne les moyens de son existence. Le pouvoir local apparaît
ainsi comme un construit de l’État. Ses caractéristiques s’établissent à partir de notions plus connues des juristes, telles
que la décentralisation ou la libre administration des collectivités territoriales. Voir PROTIERE G., «Le pouvoir local,
expression de la puissance de l'Etat ?», Communication aux XIIèmes Rencontres juridiques, 12 Déc. 2008, Lyon, France.

96
l’idéal de construction nationale474 d’Etats sous menace de dislocation475 ou balkanisés ne
permet pas d’accorder des libertés locales aux collectivités qui, au demeurant, n’ont pas été
si souvent constituées sur la base du vouloir vivre ensemble.

Dans l’une et l’autre perspective, naissent des contextes dans lesquels la notion d’intérêt
local et son corollaire, la clause générale de compétence, commençaient par perdre
progressivement de sa reconnaissance et de sa portée. Un obstacle de nature essentielle
réside dans la souveraineté de l’Etat. Que ce soit en accordant une certaine initiative dans
le cadre de la clause générale de compétence ou en opérant un partage ou un transfert des
compétences, c’est toujours la loi qui définit la compétence des collectivités locales476.
L’Etat unitaire contemporain ne saurait admettre que ses principales composantes, les
groupements territoriaux qui constituent le substrat matériel de son existence, ne lui soient
rattachées qu’à leur bon vouloir et continuent de détenir un pouvoir entier et libre, quant à
la définition des affaires de leur compétence. Il n’est donc pas surprenant que l’intérêt local,
comme source de compétences locales, soit sciemment tu ou étroitement encadré par le
législateur477.

Le législateur nigérien de 2010 a utilisé le terme intérêt local à seulement deux (2) reprises478.
Il sera plus prolixe en ce qui concerne l’intérêt communal qui y apparaît à sept (7) reprises

474 MICHALON Th., Quel Etat pour l’Afrique, Paris, L’Harmattan, 1984, p.23.

475 Au sujet de l’histoire de la réalisation de l’unité de la France, AUCOC Léon in Introduction à l’étude du droit administratif,
Paris, 1865, pp. 61 et 62, déclarait : «Il n’y a qu’une France…, qu’une patrie commune à tous les Français…Vous savez par quels
efforts persévérants ce grand résultat a été obtenu ; comment nos rois y ont travaillé pendant six siècles, formant le territoire par des
conquêtes…puis organisant peu à peu les institutions…Si le travail de l’unité française n’a pas profité principalement à la liberté…Il a
conduit à fonder l’autorité sur une autre base que celle du droit de la propriété territoriale. Il a créé la puissance et la grandeur de la France
en face de l’étranger».

476LEMOUZY L., «Le rapport Caillosse sur la clause générale de compétence», Administrations et collectivités territoriales,
n° 27, 2006, p. 927 : «la clause générale de compétence est une création du droit positif et non pas le produit nécessaire de la nature des
choses».

477 ROUAULT M.-Ch., L’intérêt communal, Presses Universitaires Septentrion, 1991, pp. 55 et ss. C’est dans ce
mouvement que s’inscrit la loi du 16 décembre 2010 qui pose, en France, le principe de l’attribution exclusive, en
matière de répartition des compétences entre collectivités territoriales ; Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de
réformes des collectivités territoriales, JORF n° 0292 du 17 décembre 2010, p. 22146 ; art. 73, IV : «Les compétences
attribuées par la loi aux collectivités territoriales le sont à titre exclusif. Toutefois, la loi peut, à titre exceptionnel, prévoir qu'une compétence
est partagée entre plusieurs catégories de collectivités territoriales (…). Les compétences attribuées par la loi aux collectivités territoriales le
sont à titre exclusif. Toutefois, la loi peut, à titre exceptionnel, prévoir qu'une compétence est partagée entre plusieurs catégories de collectivités
territoriales».

478 Ord. n° 2010-54, art. 16 et 245.

97
et l’«intérêt régional» à trois (3) reprises. Si l’expression «intérêt local» ou «intérêt communal»
a été soigneusement évitée dans la législation béninoise, le contexte de son remplacement
par l’intérêt général479 n’a pu voiler la parfaite homonymie. En outre l’usage des mots intérêt
départemental et intérêt intercommunal480 confirme que l’intérêt général se territorialise et
que, par conséquent, l’existence d’un intérêt local ou communal ne fait aucun doute, qu’il
soit ou non ainsi désigné littéralement par le législateur. Au-delà de tout nominalisme, ce
qu’il importe d’analyser ici, c’est la conséquence que le législateur semble avoir entendu tirer
du rejet ou de l’acception du concept dans son vocabulaire juridique. A ce sujet, les
législateurs béninois et nigérien se rejoignent. En effet, ces deux législateurs ont fait le choix
d’une répartition formelle481 des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales.
Mais s’agit-il de compétences exclusives ? La réponse à cette interrogation doit, avant tout,
être puisée du droit positif. Contrairement à ce que pourraient laisser penser les dispositions
constitutionnelles482, les deux législations posent le principe de la collaboration et écartent
toute idée d’exclusivité483. Le Doyen HAURIOU a bien décrit le dispositif collaboratif
qu’impose toute décentralisation484. CARRE de MALBERG partage le constat que «La
collaboration est partout»485 au point de générer le concept de co administration486. S’il en est
ainsi, le concept d’intérêt local demeure-t-il d’actualité ?

479 Loi n° 97-029, art. 78 al.2.


480 Loi n° 97-028, art. 20 ; Loi n° 97-029, art. 176, Loi n° 2009-17, art. 3 et 4.
481 Loi n° 97-029, art. 83 : «La commune, à travers le conseil communal et le maire est compétente pour les affaires définies dans les
dispositions du présent chapitre» ; Ord. n°2010-54, art. 1er al. 1 : «Le Code Général des Collectivités Territoriales détermine les principes
fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, leurs compétences et leurs ressources».

482 Distinction des intérêts, art. 165 al. 2, Const. du Niger et séparation des moyens, art. 152, Const. du Bénin.

483 Loi n° 97-029, art. 82 et Ord. n° 2010-54, art. 5 al.3 indiquent expressément qu’excepté ses compétences propres,
la commune en exerce d’autres. Loi n° 97-029, art. 82 : «…Elle exerce en outre, sous le contrôle de l'autorité de tutelle, d'autres
attributions qui relèvent des compétences de l'État…» ; Ord. n° 2010-54, art. 29 al. 2 : «Il [le conseil municipal] exerce notamment des
compétences propres et des compétences qui lui sont transférées par l’Etat». Plusieurs cas de figure ont été envisagés. Il peut s’agir
d’une compétence relevant de l’Etat ou d’une autre collectivité ou d’une compétence que la collectivité territoriale
partage avec la collectivité étatique (Bénin, Loi n° 97-029, art. 82 ; Niger, Ord. n° 2010-54, art. al. 3). Autrement dit,
des questions d’intérêt local peuvent relever de la compétence de l’Etat et vice versa.
484 HAURIOU M., Précis de droit administratif, op. cit., p. 19 : «Depuis qu’il a été réalisé un peu de décentralisation, la plupart des
services publics sont gérés en commun par plusieurs administrations. Les contributions budgétaires, les subventions, les affectations de
bâtiments, les prêts de fonctionnaires sont les formes habituelles sous lesquelles se manifeste cette coopération».
485 CARRE de MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l’Etat, op. cit., p. VII.

BERNARD P., «La coopération entre l’Etat et les collectivités locales. Réflexions sur la co administration» in
486

CURRAP, La Loi du 28 pluviôse an VIII, PUF, 2000, pp. 123-128.

98
2. La confirmation du rôle protecteur de l’intérêt local

Avant les Constitutions françaises de 1946 et 1958, il y avait très peu de dispositions
constitutionnelles qui se rapportent à l’existence d’un intérêt local, distinctement
identifiable. L’expression intérêt local a été une déduction a contrario du terme intérêts
nationaux utilisé par le constituant487. En Belgique, le constituant a reconnu l’existence488
d’un intérêt local depuis 1831. Le constituant néerlandais de 1848 a non seulement reconnu
l’existence de l’intérêt local mais il a également évoqué l’éventualité de conflits entre intérêt
local et intérêt national. Mais à l’analyse, ces reconnaissances s’imposèrent aux constituants.

En effet, quelles que soient les conditions de leur formation, tous les groupements d’êtres
humains prennent conscience de leurs intérêts et unit ses membres pour les défendre489.
L’origine révolutionnaire de la commune l’atteste490. Originairement, la défense d’un intérêt
général local est à la base de l’existence de la commune-groupement territorial pendant que
l’intérêt général national fonde la collectivité étatique. L’intérêt local apparaît alors comme
un échelon vers la réception par le groupement territorial de l’intérêt général dans son ordre
interne. Or, une telle reconnaissance est nécessaire à la légitimité du souverain. Ainsi donc,
la compréhension de l’intérêt général appelle la médiation de l’intérêt local qui demeure très
proche et très présent dans les mentalités des membres de la collectivité locale.
Logiquement, le souverain n’aura autre possibilité que de les renforcer dans un premier
temps. Il laissera l’intérêt local s’élargir au point de recouvrer des fonctions régaliennes de
la puissance centrale. Mais les constituants n’avaient pas défini la notion. En établissant
ainsi, au profit des collectivités locales, une vocation de principe pour prendre en charge

487Const. de 1946, art. 88 : «La représentation des intérêts nationaux est assurée par des délégués du gouvernement» ; Const. de 1958,
art. 72 al.3 : «Le délégué du gouvernement a la charge des intérêts nationaux».
488 Art. 31 : «Les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux d’après les
principes établis par la Constitution».

489 ROUAULT M.-Ch., L’intérêt communal, Lille, Presses Universitaires Septentrion, 1991, p. 23.

FOUQUE V., Recherches historiques sur la Révolution communale au Moyen-Age et sur le système électoral appliqué aux communes,
490

Dupont, 1848, p. 48 cité par ROUAULT M.-Ch., op. cit., p. 25. Selon FOUQUE, la première «révolution communale»
connue qui se produisit au Mans en 1070 désigne le fait pour les habitants d’une agglomération d’élaborer une Charte
communale et de la faire reconnaître par le seigneur du lieu.

99
l’intérêt local491, ils ont consacré une sorte de libre détermination de son contenu. En effet,
ainsi qu’il est formulé, le concept permettait aux collectivités locales de se saisir de
compétences nouvelles, au fur et à mesure que surviennent de nouveaux contextes et
dépendamment de la spécificité desdits contextes492.

Au plan législatif, en France, c’est dans la loi municipale du 05 avril 1884493 que le concept
d’intérêt local a fait son apparition. Elle sera reprise par plusieurs autres textes relatifs à la
décentralisation jusqu’à l’adoption de la loi du 07 janvier 1983494. Sur ces bases, la
jurisprudence administrative française a régulièrement fondé le contrôle de légalité, en
matière de compétence, sur la conformité des actes querellés à l’intérêt local. Les solutions
adoptées par les juridictions administratives sont autant variées que les situations 495. Cette
instabilité révèle qu’il aurait été judicieux de délimiter de jure le contenu de l’intérêt local. Si
le malaise est patent, chaque fois qu’il s’agit de fixer les limites des compétences entre les
différentes personnes territoriales, il n’enlève rien à la portée historique du concept d’intérêt
local dans le développement de l’autonomie des collectivités décentralisées.

En effet, le contenu que revêt l’intérêt local varie suivant l’histoire politique, plus
précisément, en fonction de l’acceptation ou non de l’idée d’antériorité de la collectivité.
Dans l’une ou l’autre conception, on retrouve le rôle fondateur de l’intérêt local dans la

491 BOURJOL M., BODARD S., Droit et libertés des collectivités territoriales, Paris, Masson, 1984, p. 239 : «Il faut partir de
l’idée de commune, groupement naturel d’habitants résidant sur un territoire déterminé, menant une vie collective intense et possédant de
nombreux intérêts communs».
492PONTIER J.-M., «Semper manet : sur une clause générale de compétence», op. cit., p. 1462 : «Les textes relatifs aux
compétences des collectivités territoriales ne peuvent déterminer, une fois pour toutes, les compétences de ces collectivités».

493 Art. 61, al.4 : «Il [le conseil municipal] émet des vœux sur tous les objets d’intérêt local».

494Loi n° 83-8 du 07 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les
régions et l’Etat, JORF du 09 janvier 1983.
495 Empiètement de compétences clairement attribuées, existence concurrente de deux compétences : v. CE, 29 juin
2001, Mons-en-Baroeul : «les dispositions des articles 43-5 et 43-6 de la loi du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion,
issues de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1992, par lesquelles il est créé, en faveur des familles et des personnes éprouvant des difficultés
particulières du fait d'une situation de précarité, un dispositif national d'aide et de prévention pour faire face à leurs dépenses d'électricité et
de gaz (…) ne font pas obstacle à ce qu'une commune puisse également instituer, de sa propre initiative, une aide municipale visant à réduire
la charge de telles dépenses pour certains de ses administrés en difficulté…» ; incompétence du fait de l’inexistence d’un intérêt
local : v. CE, 11 juin 1997, Département de l’Oise : «…qu’en l’absence entre le département de l’Oise et la commune de Colombey-les-
Deux Eglises d’un lien particulier qui serait de nature à justifier la participation de ce département à une telle opération, celle-ci ne saurait
être regardée comme relevant d’un intérêt départemental pour le département de l’Oise…» ; CE, 29 mars 1901, Casanova, S.
1901.III.73 : «Il résulte de l’instruction qu’aucune circonstance de cette nature n’existait à Olmetto…qu’il suit de là que le conseil
municipal de ladite commune est sorti de ses attributions…».

100
quête par la commune-groupement territorial d’une altérité avec l’Etat. Dans le cas où il est
admis que l’Etat ne fait que constater son existence naturelle et antérieure 496, les libertés
locales sont consubstantielles à ladite existence. Dans l’autre, où c’est l’Etat qui crée
artificiellement les collectivités à qui il dénie toute existence préalable, celui-ci les dote de la
libre administration qui requiert la reconnaissance des libertés locales.

B. La compétence propre locale, une notion durablement encrée dans la doctrine

Les textes de loi sur la décentralisation évoquent des compétences qui sont propres aux
collectivités territoriales. Il conviendrait de chercher d’abord à cerner la définition du mot
«compétence» si abondamment utilisé et dont la diversité des circonstances d’utilisation
révèle la polysémie (1), avant d’en revenir à la validité juridique de l’expression
«compétences propres» (2).

1. Un concept ambigu

Des exemples existent et montrent que la doctrine n’a pas toujours fait un usage univoque
du concept de compétence. Henri BERTHELEMY, parlant de la justice, de la police, etc.
les désigne comme étant des «attributions de l’Etat»497. L’exemple le plus illustratif sera tiré
du rapport du congrès sur l’autonomie communale tenu à Huy en Belgique, en 1968. Dans
ledit rapport, il est aisé de noter, que d’une part, plusieurs auteurs ont utilisé différents
termes pour désigner la compétence et d’autre part, que le même auteur emploie différentes
expressions pour signifier «compétence». A l’occasion, Marcel GREGOIRE évoque
«l’érosion des compétences» des collectivités et cite à ce propos la police, l’enseignement, les
hôpitaux. Plus loin, il utilisera l’expression «sphère d’intervention du pouvoir local»498 comme
synonyme au mot compétence.

496 BANCAL DES ISSARTS J. H., Déclaration lue devant les représentants de la ville de Paris le 11 novembre 1789,
cité par BURDEAU F., Liberté Libertés locales chéries, Paris, éd. Cujas, 1983, p. 40 : «La constitution municipale prend sa source
dans l’association naturelle et indispensable qui existe entre des êtres de même nature… Cette association existe avant la grande société de
l’Etat qui n’est établie que pour la fortifier et la maintenir» ; HENRION de PANSEY, Du pouvoir municipal et de la police intérieure
des communes, Paris, Th. Barrois Père, 1824, p. 4 : «Le pouvoir municipal n’est pas une création de la loi, il existe par la seule force
des choses ; il est parce qu’il ne peut pas ne pas être».
497 BERTHELEMY H., Traité élémentaire de droit administratif, 12ème éd., Paris, 1930, p. 3.

498 Union des Villes et des Communes Belges, L’autonomie communale en droit belge, Bruxelles, 1968, pp. 23 et 27.

101
DUGUIT définit la compétence comme «Le pouvoir de faire légalement certains actes»499. La
définition de LAFERRIERE n’en diffère pas énormément500. Ces définitions rendent
compte de la notion, mais différemment. C’est ce que confirme CORNU dans son
Vocabulaire juridique501. Il définit la compétence comme un «ensemble de pouvoirs et de devoirs
attribués et imposés à un agent pour lui permettre de remplir sa fonction». De ces définitions, ressortent
les deux éléments juridique et matériel de la compétence.

Si certains auteurs502 ont pu rapprocher voire assimiler capacité et compétence, d’autres,


par contre, rejettent une telle assimilation503. Pour ces derniers, si compétence et capacité
véhiculent toutes deux l’idée d’aptitude à faire, les deux ne poursuivent pas les mêmes
finalités. En effet, au-delà de la capacité, la compétence est aussi pouvoir.

Dans les textes de loi, beaucoup de mots sont indifféremment employés à la place de
compétence. Il s’agit de prérogative504, attribution505, pouvoir506. Ces assimilations créent une
certaine confusion qui résulte de la difficulté à fixer son contenu conceptuel. Le sujet est si
d’actualité que l’Association Française pour la recherche en Droit Administratif lui a
consacré son deuxième colloque annuel en 2008 à Nancy 507. Mieux cerner le contenu et
l’étendue de la compétence constitue un préalable qui présente un intérêt certain pour toute
analyse sur les affaires locales. Or, comme exposé précédemment, il n’existe pas une
définition unanime du concept. Pour mieux l’appréhender, il serait utile d’évoquer au prime

499 DUGUIT L., Manuel de droit constitutionnel, Paris, Fontemoing, 1907, p. 440.

LAFERRIERE E., Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, 2ème éd., Paris, 1896, p. 496, définit la
500

compétence comme «l’aptitude légale d’une autorité administrative à prendre une décision ou à faire un acte».
501 CORNU G., op. cit., p. 210.

502SCELLE G., Cours de Droit international public, Les Cours de droit 1946-1947, Paris, 1948, p.15. ; JEZE G., «Essai de
théorie générale de la compétence pour l’accomplissement des actes juridiques en droit public français», RDP, 1923,
pp. 58 et ss.

503 WALINE M., Droit administratif, 9ème éd., Paris, Sirey, 1963, p. 452.
504 Bénin : Loi n° 97-028, art. 40 et 46.

505 Bénin : Loi n° 97-029, art. 71, 78 et 82 ; Loi n° 98-005, art. 15 et 17 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 5, 7, 17 et 19.
506 Bénin: Loi n° 97-029, art. 79 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 84.

507 AFDA, La compétence, Paris, Litec, 2008, 272 p.

102
abord l’acception générale et par la suite, de le distinguer des notions voisines. A terme,
l’exercice conduit à déduire que les compétences dont disposent les collectivités territoriales
au Bénin et au Niger sont partagées de facto.

2. Une ambiguïté favorable à l’exercice de la compétence locale

On peut convenir avec APPIA K. que la «compétence propre signifie, elle, que l'organe décentralisé a
un pouvoir spécifique, en particulier distinct de celui de l'Etat et donc qu'il agit pour son propre compte et
non en représentation de celui-ci. En somme, les compétences ne sont propres à l'organe considéré, que pour
autant qu'elles se traduisent par l'exercice d'un pouvoir dont le centre d'imputation juridique est la personne
même qui exerce ces compétences»508.

En tant que «manifestation de volonté d’un organe, soit par l’édiction d’actes juridiques, soit par
l’accomplissement d’actes matériels»509, le pouvoir peut être assimilé à la compétence, les deux se
recouvrant presqu’entièrement. En effet, le titulaire d’une compétence est doté du pouvoir
de prendre les actes nécessaires pour l’assumer. Toutefois, pour ce qui concerne les
collectivités territoriales, il existe une nuance. La manifestation de la volonté n’est pas
constitutive d’un pouvoir de faire. Le pouvoir d’un organe déterminé est défini par les
conditions dans lesquelles la puissance publique est mise à sa disposition pour obtenir, au
besoin par la contrainte, l’exécution de ses libres décisions510. Or, pour la plupart des actes
majeurs de la vie locale, la volonté de la collectivité ne peut s’exprimer si librement. Il lui
faut, au préalable, passer l’étape de l’approbation. De sorte que, in fine, c’est moins l’autorité
compétente qui est investie du pouvoir mais celle qui détient le pouvoir de contrôle et
d’approbation. Ainsi donc, la compétence est un «pouvoir à l’état potentiel»511, ce que
EISENMANN a appelé un «simple possible»512, auquel il convient de fixer des limites.

508 APPIA K., op. cit., p. 23.


509 PONTIER J.-M., op. cit., p. 32.

510 DEVOLVE J., Les «délégations de matière» en droit public, Thèse, Toulouse, 1930, p. 30.
511 DI QUAL L., La compétence liée, Thèse, Lille, Paris, LGDJ, 1964, p. 2.

512 EISENMANN Ch., Centralisation et décentralisation. Esquisse d’une théorie générale, Paris, LGDJ, 1948, p. 91.

103
Déterminer les limites des compétences d’un organe revient à en rechercher l’étendue. Cette
définition matérielle de la compétence a une lourde portée juridique en raison de son
incidence contentieuse513. Elle recouvre deux dimensions, l’une positive (domaine d’action)
et l’autre négative (limitation à ce domaine). Pour mieux la rendre, certains auteurs utilisent
l’expression «sphère d’action»514 pendant que le Conseil d’Etat français lui préfère «sphère des
attributions»515 ou plus simplement «attributions»516. Ce glissement dans la terminologie
replonge dans le débat lexical : les collectivités décentralisées sont-elles titulaires de
compétences-sphères d’action ou de compétences-attributions ?

Si l’hypothèse était faite qu’elles sont titulaires de compétences comprises comme sphères
d’action propres, ceci reviendrait à admettre que d’autres personnes publiques ne devraient
plus intervenir dans ces domaines. Ce qui ne semble pas être le cas. Contrairement à ce que
pourraient laisser croire la lettre de certains textes517, l’attribution d’un domaine de
compétences à une collectivité territoriale ne peut exclure l’intervention de la collectivité
étatique518. Les interventions attribuées à la collectivité décentralisée l’ont été afin qu’elle
«concourt avec l’Etat et les autres collectivités à l'administration et à l'aménagement du
territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique ainsi qu'à
la protection de l'environnement et à l'amélioration du cadre de vie» 519. En tant que
«concours», ces interventions ne sont pas suffisantes pour satisfaire les besoins d’intérêt
général et nécessitent celles d’autres collectivités publiques, notamment celles de l’Etat. En
l’état, elles ne peuvent donc constituer des sphères d’actions propres, «protégées» et donc
exclusives de toute autre intervention. En définitive, les collectivités territoriales sont plutôt

Un agent ou un organe ne sauraient outrepasser ses compétences. La règle de compétence a un caractère d’ordre
513

public. L’incompétence ouvre droit à un recours pour excès de pouvoir.

CONSTANT B., Principes de politique : applicables à tous les gouvernements (version 1806-1810), Paris, Hachette Littératures,
514

2006, pp. 56 et 83.

515 CE, Ass., 19 février 1943, Sieur Ricordel, Recueil Sirey, 1943, p.44.
516 CE, 29 mars 1901, Casanova, Recueil Sirey, 1901.III, p. 73.

517 Bénin : Loi n° 97-029, art. 82 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 20, al.2.
518
Par exemple, dans le domaine de l’enseignement primaire, les communes ont à charge la construction et
l’équipement des salles de classe. Pour autant, elles ne sont pas libres de fixer ni le plan ni les normes de qualité qui
relèvent de la compétence de l’Etat.

519 Bénin : Loi n° 97-029, art. 82 ; Niger : Ord. n° 2010, art. 5, al.3.

104
titulaires d’attributions. Dans une large mesure, lesdites attributions sont toujours partagées,
quelle que soit la qualification qu’en donnent les textes520.

Ces tentatives de clarifications n’épuisent pas le débat. Il sied de convenir que les ambiguïtés
qui entourent le concept clé d’intérêt local et la notion de compétence contribuent à
l’élargissement des marges d’intervention dont peuvent disposer les collectivités locales 521.
Ces marges ne peuvent être efficacement exploitées que si la collectivité est dotée d’un réel
pouvoir.

Paragraphe 2 : Des moyens incomplets

En sus des arguments qui peuvent être tirés de l’histoire française522, la définition donnée
du pouvoir par HAURIOU fournit de la substance intéressante pour démontrer la nécessité
d’un pouvoir local. Pour le Doyen de Toulouse, le pouvoir est «une libre énergie qui (…) assume
l’entreprise du gouvernement d’un groupe humain par la création continue de l’ordre et du droit». Cette
définition véhicule l’idée de puissance contraignante mais en plus, présente l’intérêt
d’exprimer à la fois l’objet du pouvoir et les moyens pour le réaliser notamment la création
du droit et le maintien de l’ordre. La collectivité territoriale au Bénin et au Niger remplit les
critères matériels (A). En vue de son fonctionnement, il lui est nécessaire de disposer d’un
certain pouvoir normatif (B).

A. Des critères matériels remplis

Est pouvoir, toute organisation capable de faire plier toute résistance sur son territoire et à
y faire régner son ordre. Même s’il ne s’agit pas d’un territoire de souveraineté, la collectivité
territoriale dispose de son territoire propre (1) sur lequel elle devrait disposer, dans les

Ordinairement, les collectivités territoriales exercent trois types de compétences : les compétences propres, les
520

compétences partagées et les compétences déléguées.

521 APPIA K., op. cit., p. 201: «La clause générale apparaît d'abord intéressante parce que, sur le plan politique, elle donne véritablement
l'initiative aux élus locaux. C'est donc un moyen juridique concret de réaliser l'idéal de la participation, qui sous-tend toute décentralisation
territoriale…La clause est un moyen de responsabiliser les pouvoirs locaux. Ce sont eux qui devront en effet imaginer les solutions lorsqu'elles
n'ont pas été étudiées par le pouvoir central. Et même lorsque c'est le cas, ils pourront en inventer d'autres, tant que le droit positif ne
l'interdit pas».
522 A cet égard, Jacques ARRÈS-LAPOQUE déclare, lors de la séance du 16 avril 1946 : «nous affirmons ici et nous entendons
affirmer dans la Constitution que les pouvoirs publics comprennent le pouvoir local. Nous affirmons qu’à la base du pouvoir politique
démocratique, il y a le pouvoir local démocratique. Nous en posons le principe». ARRÈS-LAPOQUE J., Séance du 16 avril 1946,
JORF ANC élue le 21 octobre 1945 débats, n° 49, mercredi 17 avril 1946, p. 1922.

105
conditions prévues par la loi, des instruments et exercer la violence légitime indispensable
pour administrer (2).

1. La collectivité territoriale, une entité avec un territoire propre

Le mot territoire est bien présent dans le droit positif523 mais les textes n’en donnent la
moindre définition. Le droit administratif général s’en préoccupe relativement très peu524.
Quant aux auteurs des ouvrages de droit de la décentralisation, ils se limitent à poser le
constat que le territoire est l’un des trois éléments constitutifs de la collectivité territoriale 525.
Enfin, le recours à la jurisprudence n’est pas de meilleure utilité pour répondre à la question
de savoir si la collectivité territoriale dispose d’un territoire propre.

Pour mieux appréhender le sujet, il paraît indiqué d’apprécier le rapport du territoire avec
l’Etat, son référent classique en droit. Sur le sujet, deux principales théories s’affrontent. Il
s’agit de celle du territoire-objet portée par, entre autres, FAUCHILLE526 et DONATI527
qui défendent l’idée que l’Etat, comme le propriétaire sur sa chose, exerce un droit réel 528
sur son territoire529. La critique qui est faite à cette conception est de présenter le territoire
comme quelque chose de détachable de la personnalité de l’Etat à l’instar d’un individu qui,
peut céder une chose sans que sa personnalité en soit affectée. Considérer la relation entre

523Il est utilisé à quatorze (14) reprises dans la Constitution nigérienne (2010) et dix-sept (17) fois dans le Code Général
des Collectivités Territoriales du Niger aussi bien pour les collectivités territoriales décentralisées que pour les unités
non décentralisées.

524La doctrine juridique ne se préoccupe pas de définir le territoire. Par contre, les travaux ne manquent pas en ce qui
concerne l’aménagement dudit territoire (urbanisme), sa propriété (domaine), son découpage (circonscription). C’est
plutôt le droit constitutionnel et la science politique qui fournissent abondamment des définitions de la notion de
territoire. V. cependant, les développements enrichissants faits par FOURNIE François, Recherches sur la décentralisation
dans l’œuvre de Maurice Hauriou, Paris, LGDJ, 2005, pp. 93-105.
525BOURDON J., PONTIER J.-M., RICCI J.-C., Droit des collectivités territoriales, Paris, Thémis, PUF, 2ème éd., 1998, p.
67 et s. ; AUBY J.-B. et AUBY J.-F., Droit des collectivités locales, Paris, Thémis, PUF, 1ère éd., 1990, p. 39 ; MOREAU J.,
Administration régionale, départementale et municipale, Paris, Mémento Dalloz, 13ème éd., 2002, p. 4. ; VERPEAUX M., Les
collectivités territoriales en France, Paris, Dalloz, 2002, p. 19.
526 FAUCHILLE P., Traité de droit international public, 8ème éd., Paris, 1922, T.1, p. 450.

527 DONATI D., Stato et territorio, Roma, 1934, pp. 16-123.


528 Ce droit réel est un dominium qui suppose un rapport de sujet à objet.

529 FAUCHILLE P., ibidem ; LABAND P., Droit public de l’empire allemand, éd. française, 1900, T.1, p. 287.

106
l’Etat et son territoire comme un droit réel ne serait pas conforme à la réalité juridique 530.
Selon les défenseurs de la thèse du territoire-sujet dont FRICKER531 et JELLINEK532,
l’Etat exerce son empire sur ses ressortissants dans un espace donné qui représente son
territoire. Le territoire n’est pas un objet mais plutôt un élément constitutif de l’Etat533. Le
territoire est l’espace dans lequel l’Etat exerce son pouvoir 534. L’Etat ne peut donc exister,
en tant que pouvoir politique, sans cet espace. Le territoire est une «condition nécessaire de
l’Etat»535. En 1906, s’était produit un changement de perspective avec l’analyse faite par
Ernst RADNITZKY qui exprime une position médiane, celle du territoire-limite. Pour lui,
la définition du territoire ne doit pas être recherchée dans le monde réel mais plutôt au plan
normatif. Par conséquent, il conçoit le territoire comme le domaine spatial du pouvoir de
l’Etat. KELSEN précisera cette conception en écrivant que le territoire de l’Etat est le
domaine spatial de validité des normes d’un ordre juridique de l’Etat536. DUGUIT et
CHANTEBOUT s’inscriront dans cette perspective537. Cette conception du territoire-
limite est largement adoptée par les auteurs en droit international public538. Il existe d’autres
conceptions539 qu’il n’est pas aisé de classer dans les catégories sus évoquées.

530 BARBERIS J., «Les liens juridiques entre l’Etat et son territoire : perspectives théoriques et évolution du droit
international», Annuaire français de droit international, vol. 45, 1999, p. 138.

531 FRICKER K. V., Gebiet und Gebietshoheit, Tübingen, 1901, réimprimé en 2010, Bibliobazaar, 124 p.

532JELLINEK G., in L’état moderne et son droit, 1911, p. 16, définit le territoire comme «un élément constitutif de l’Etat
en tant que sujet juridique».
533 FOURNIE F., op. cit., p. 108 : «Le territoire devient un élément de l’être et non plus de l’avoir étatique».

534Pour ces auteurs, la domination exercée par l’Etat sur son territoire serait de l’ordre de l’imperium entendu comme
puissance de commandement.

FORTI H., op. cit., p. 4. V. également CARRE de MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l’Etat, Paris, Sirey,
535

1920, rééd. CNRS, 1962, T.1, p. 4.


536 KELSEN H., Principles of International Law, New York, 1952, p. 209.

537DUGUIT L., Traité de droit constitutionnel, 3ème éd., E. de Boccard, 1930, T. II, p.51 ; CHANTEBOUT B., Droit
constitutionnel et science politique, Paris, Dalloz, 20ème éd., 2003, p. 13.

538 SCELLE G., Manuel élémentaire de droit international public, Domat-Montchrestien, 1943, pp. 66-67 ; BASTID S., Droit
international public. Principes généraux, Les cours de droit, 1966-67, p. 45.
539BURDEAU G., Traité de science politique, 3ème éd., T. II, Paris, LGDJ, 1980, p. 97 développe que le territoire est à la
fois cadre de compétence et moyen d’action de l’Etat. BEAUD O., La puissance de l’Etat, PUF, 1994, p. 129, considère
que le territoire est la projection spatiale de la souveraineté.

107
Dès lors, il incombe au juriste d’opter pour la conception la plus juridique possible et
d’adopter celle qui reflète le rapport de pouvoir entre les personnes publiques. A cet égard,
le parti peut être logiquement pris pour la conception du territoire-limite. Il reste à en
élucider la transposabilité aux personnes territoriales. En effet, comme l’Etat, les
collectivités locales ont leur territoire. Pour expliquer et ordonner cette coexistence,
EISENMANN suggère de dématérialiser le concept de territoire 540. BEAUD quant à lui
propose de faire appel à la souveraineté541. Les institutions pratiquent, vis-à-vis des citoyens
et entre elles, une réelle imposition de territorialité542. L’Etat est l’unique personne
territoriale disposant originairement du territoire national et de la souveraineté. La
collectivité territoriale dispose d’un pouvoir dérivé sur son territoire543. Si elle ne saurait
l’opposer à l’Etat, elle est fondée, à l’encontre des citoyens et des autres collectivités, à y
imposer sa légitime violence.

2. La collectivité territoriale, une entité dotée d’une capacité limitée d’exercice


de la «violence légitime»

Toute organisation s’impose par sa capacité à faire respecter sa volonté par un certain
pouvoir de contrainte. Ce postulat est vérifiable dans la plupart des groupements
humains544. Au-delà de quelques nuances545, il est largement admis que l’apparition de
l’Etat, en tant que pouvoir institutionnalisé, est corrélée à l’utilisation de la violence pour
éviter que se réalise la maxime «homo homini lupus».

540EISENMANN Ch., «Les fonctions des circonscriptions territoriales dans l’organisation de l’administration»,
Mélanges Waline, LGDJ, T. II, p.422.

541 BEAUD O., op. cit., p. 129 : «En tant que manifestation spatiale de la souveraineté, le territoire étatique comprend les territoires
intra-étatiques sur lesquels s’exerce le pouvoir d’autres personnes juridiques».
542Etymologiquement, le territoire, c’est le jus terrendi, le droit de terrifier. Voir RAFFESTIN C., Pour une géographie du
pouvoir, Paris, Litec, 1980, 250 p.
543 VERPEAUX M., Les collectivités territoriales en France, Paris, Dalloz, 2002, p. 19 : «Le territoire de la République est en
quelque sorte la somme des territoires des collectivités territoriales. En même temps, le territoire de chaque collectivité est aussi celui des autres
collectivités territoriales plus grandes» ; FORTI H., op. cit., p. 8 : «Le territoire [communal] est toujours une partie de celui de l’Etat».
544WEBER Max, op. cit., p. 125 : «Les groupements politiques les plus divers -à commencer par la parentèle- ont tous tenu la violence
physique pour le moyen normal du pouvoir».

545 En effet, certains phénomènes contemporains dont par exemple la globalisation ont affecté le monopole de la
violence légitime. Voir à cet effet, la contribution de DELCOURT Barbara, «La question du monopole de la violence
légitime dans un monde globalisé» parue dans Revista de Estudios Juridicos, n° 7, 2006, pp. 385-405 ; cf. également,
COLLIOT-THELENE C., «La fin du monopole de la violence légitime ?», Revue d’études comparatives Est-Ouest, vol. 34,
2003, pp. 5-31.

108
HOBBES546, LOCKE547, ROUSSEAU548 ont démontré à suffisance, chacun suivant sa
logique propre, la nécessité d’un pouvoir légitime de domination549. Le pouvoir étatique
moderne s’est construit et fonctionne sur ce fondement que WEBER et ELIAS ont
davantage explicité à travers la théorie du monopole de la violence légitime550. C’est grâce
à cette monopolisation qu’un pouvoir a pu se centraliser et s’incarner dans l’Etat551.

L’une des fonctions majeures de l’Etat réside dans l’établissement de la justice dont la
finalité est l’attribution des droits et devoirs et la répartition des avantages économiques et
sociaux552. L’organisation du pouvoir judiciaire relève de l’Etat, notamment du pouvoir
législatif553. Dans l’Etat unitaire moderne, le pouvoir judiciaire est exercé par les tribunaux
et cours régulièrement créés554. Ses décisions s’imposent à tous555. Le pouvoir judiciaire est
indépendant des autres pouvoirs556 et a fortiori, des collectivités territoriales. Toutefois, le
maire intervient dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire. Au nombre des
compétences qui lui sont déléguées par l’Etat, figure celle de police judiciaire557.

546 HOBBES Th., Léviathan, trad. G. Mairet, Gallimard, 2000, chap. 17, pp. 287 et ss.

547 LOCKE J., Le second traité du gouvernement, trad. J.-F. Spitz avec la collaboration de C. Lazzeri, PUF, 1994, p. 93 et s.
548 ROUSSEAU J.-J., Du contrat social, Librairie Générale de France, 1996, Livre I, pp. 45-60.

549WEBER M., Le savant et le politique, traduit de l’allemand par Julien FREUND, révisé par E. FLEISCHMANN et
Eric de DAMPIERRE, Paris, Plon, p. 124 : «S’il n’existait que des structures sociales d’où toute violence serait absente, le concept
d’Etat aurait disparu et il ne subsisterait que ce qu’on appelle, au sens propre du terme, l’anarchie».

550WEBER M., op. cit., pp. 123-222 [p. 123 : «Il faut concevoir l’Etat contemporain comme une communauté humaine qui, dans les
limites d’un territoire donné (…) revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime».] ; ELIAS
N., La dynamique de l’Occident, Pocket, 320 p.

551 Le pouvoir étatique se constitue donc lorsqu’une institution, différenciée des autres, parvient à monopoliser les
activités de gestion d’un territoire à travers, entre autres, la production des lois, la justice, l’ordre public, la protection
des frontières et la fiscalité.

552 RAWLS J., Théorie de la justice, trad. par C. Audard, Ed. du Seuil, 1993, pp. 91-92.
553 Const. du Bénin, art. 98. ; Const. du Niger, art. 99.

554Const. du Bénin, art. 125 al. 2, Const. du Niger, art. 116. ; Loi n° 2001-37 portant organisation judiciaire en
République du Bénin, art. 7.

555 Const. du Niger, art. 117 : «La justice est rendue sur le territoire national au nom du peuple (…). Les décisions de justice s’imposent
à tous, aux pouvoirs publics comme aux citoyens…».
556 Const. du Niger, art. 116 ; Loi n° 2001-37 (Bénin), art. 2.

557 Bénin, Loi n° 97-029, art. 69 et 82 ; Niger, Ord. n° 2010-54, art. 77 et 91-92.

109
L’exécution des décisions de justice est assurée par le pouvoir exécutif 558. DUGUIT note
que l’idée de l’Etat souverain s’oppose à ce que toute autre collectivité soit titulaire de la
puissance publique attachée à la souveraineté559. CARRE de MALBERG assimile
souveraineté et puissance publique560. WEBER a fait de l’utilisation de la violence, pour
maintenir l’ordre, un criterium essentiel du pouvoir étatique. Sachant que toute entreprise de
domination exige que son initiatrice dispose des matériels nécessaires pour, au besoin, la
réaliser par la force physique561, la constitution et l’utilisation de forces publiques de sécurité
et de défense relèvent de la compétence de l’Etat562. Même si le maintien de l’ordre est
assuré par la collectivité territoriale, personnel et matériel de maintien de l’ordre relèvent du
pouvoir exécutif563. L’autorité locale y recourt, dès que nécessaire564.

B. Des moyens normatifs insuffisants

Le recours à évolution historique de la commune et à la répartition des compétences dans


l’Etat permet de cerner l’étendue du pouvoir normatif de la collectivité territoriale. En effet,
à l’opposé de l’autonomie normatrice originaire dont disposait historiquement la commune,
la collectivité locale dans l’Etat contemporain, ne peut, créer le droit strito sensu (1). Le
pouvoir normatif dont il est susceptible de disposer ne peut être autonome. Il est cependant
nécessaire qu’il en dispose autant qu’exigent les nécessités des compétences qui lui sont
dévolues et de la posture de contre-pouvoir565 qui lui est prêtée (2).

558 Const. du Bénin, art. 59.

559 DUGUIT L., Traité de droit constitutionnel, T.1, Boccard, 1927, pp. 626 et ss.

560 CARRE de MALBERG R., Contribution à la théorie de l’Etat, op. cit., p. 141 : «Il ne peut être question d’exercice de la
souveraineté qu’autant que celle-ci est identifiée avec la puissance publique».
561 WEBER M., op. cit., p. 129.

562 Const. du Bénin, art. 62 et Const. du Niger, art. 63.


563 Bénin : Loi n° 97-029, art. 76 et 77 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 81 et 82 ; WEBER M., op. cit., p. 129 : «…elle
n’accorde à tous les autres groupements, ou aux individus, le droit de faire appel à la violence que dans la mesure où l’Etat le tolère : celui-
ci passe pour être l’unique source du «droit» à la violence» ; Const. du Bénin, art. 54 : «Il [Le Président de la République] dispose de
l'Administration et de la Force armée» ; Const. du Niger, art. 63 : «Le Président de la République est le Chef suprême des armées».

564 Bénin : Loi n° 97-029, art. 108 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 82 : «Dans le cadre de l’exercice de ses compétences en matière
de police administrative, le maire sous l’autorité et le contrôle du représentant de l’Etat peut disposer des forces nécessaires pour le maintien
de l’ordre et la tranquillité publics. L’Etat met à sa disposition les forces et moyens nécessaires à cette fin dans les conditions prévues par
la loi» ; Bénin : Loi n° 97-028, art. 11 al. 2.

ARRÈS-LAPOQUE J., Séance du 16 avril 1946, JORF, ANC élue le 21 octobre 1945 débats, n° 49, mercredi 17 avril
565

1946, p. 1914 : «Il convenait d’imprégner de démocratie chacun des centres nerveux de la nation. D’autre part, nous avons voulu, en

110
1. Le pouvoir normatif de la collectivité territoriale, un pouvoir non originaire

La commune des XIème et XIIème siècles disposait de pouvoirs dans plusieurs domaines
régaliens. A travers l’octroi de Chartes, le seigneur et le roi leur reconnaissaient une véritable
indépendance qui leur permettait de développer un véritable système juridique propre 566.
En effet, elle disposait du pouvoir de police, des prérogatives de gestion des biens collectifs.
Elle fixait localement le droit des personnes et assurait la justice et la défense. Ce qui a fait
dire à FAURE, qu’elle jouissait d’un «pouvoir législatif et constituant originaires»567. Cette
description contraste avec les systèmes administratifs modernes fondés sur la légalité et
mâtinés des concepts de souveraineté et d’unité. Ces principes fondamentaux impliquent la
prééminence de l’Etat chargé de créer un continuum juridique qui consacre l’unité de la loi568.

En outre, ainsi que le fait remarquer JEZE, «En droit public, la première condition pour qu’un acte
juridique produise ses effets juridiques est que l’agent public soit compétent pour accomplir l’acte»569. La
compétence apparaît comme le fondement de tout pouvoir. Telle que théorisée par
MONTESQUIEU570 et mise en œuvre dans les démocraties représentatives modernes,
l’organisation politique de l’Etat repose sur trois pouvoirs -la trias politicas- que sont le
législatif, l’exécutif et le judiciaire. Le constituant originaire a chargé le législateur de voter
la loi571. Pour WEBER, l’Etat s’affiche comme «unique source de droit» en ce qu’il possède «le
monopole de la contrainte physique légitime». BODIN dira que «La puissance de donner loi à tous en
général, et à chacun en particulier» ne peut être partagée572. Dans l’Etat unitaire, il n’y a de

affermissant considérablement les pouvoirs des collectivités locales, réaliser un des éléments du système "contrepoids et équilibres" qui
caractérisera notre Constitution».

566 FOUQUE V., Recherches historiques sur la Révolution communale au Moyen-Age et sur le système électoral appliqué aux communes,
Dupont, 1848, p. 157 cité par ROUAULT M.-Ch., L’intérêt communal, Lille, Presses Universitaires Septentrion, 1991, p.
26 : «Les communes, outre les privilèges attachés aux bourgeoisies, possédaient des droits et des immunités qui étaient propres à leur état de
commune. Les villes de commune et de municipe…avaient le droit de faire des statuts et des règlements en matière civile, criminelle et de
police…».
567 FAURE B., Le pouvoir réglementaire des collectivités locales, Paris, LGDJ, 1998, p. 11.

568 HAURIOU M., Répertoire administratif, Paris, 1892, pp. 1, 9.


569 JEZE G., «Théorie générale de la compétence», RDP, 1928, p. 58.

570 De L’esprit des lois, Paris, Flammarion, 1993, 486 p.


571Const. du Bénin, art. 97 ; Const. du Niger, art. 90. Le peuple exerce sa souveraineté à travers le pouvoir législatif
(art. 4, Const. du Bénin ; art.6, Const. du Niger).
572 BODIN J., Les six livres de la République, Paris, Ed. Gérard Mairet, Librairie générale française, 1993, p. 160.

111
pouvoir politique originaire que le pouvoir national573. Ceci explique que pour s’imposer,
même le droit international, réputé supra national, passe par l’entremise de l’ordre juridique
étatique. KELSEN le reconnaît en des termes non équivoques574. A fortiori, il en va ainsi
pour la collectivité infra-étatique. CARRE de MALBERG rappelle à ce sujet que la volonté
étatique est nécessaire pour intégrer les droits locaux dans le droit positif national, condition
nécessaire à leur efficacité juridique575. Il va s’en dire que la collectivité décentralisée ne peut
élaborer discrétionnairement ses propres règles de droit576. En ce sens, son pouvoir
normatif relève plus de la mise en œuvre de la loi que de l’auto-détermination577.

N’étant pas représentée, en tant que corps, au sein du pouvoir législatif, la collectivité ne
contribue pas à l’élaboration de la loi. Elle n’a, ni le droit initiative 578, ni celui
d’amendement579. Mais l’ordre juridique national n’est pas formé que de la norme législative.
Y figure également le règlement pour lequel le législateur donne compétence à la collectivité.

2. Le pouvoir normatif de la collectivité, un pouvoir nécessaire

La doctrine admet majoritairement que la collectivité territoriale dispose d’un pouvoir


normatif. BOURJOL affirmait que «la libre administration implique en effet pouvoir de prendre des
actes administratifs et parmi ces actes, des règlements»580. TROPER a pu définir la libre
administration en émettant l’hypothèse d’un pouvoir normatif de la collectivité

573 PROTIERE G., op. cit., p. 131 : «La nation est la seule source du pouvoir politique dans l’Etat».

574 KELSEN H., Théorie pure du droit, Paris, Dalloz, 1962, p. 426 : «Le droit international n’oblige ni habilite des individus de
façon directe, mais de façon indirecte, en passant par l’intermédiaire de l’ordre juridique étatique».

575 CARRE de MALBERG R., Contribution à la théorie générale du droit, T.1, Sirey, 1920, p. 183.
576 FAVOREU L., «La loi, le règlement et les collectivités territoriales», ADJA, 2002, p. 561.

577 Const. Bénin, art. 153 ; Const. Niger, art. 164, al.3.
578Const. du Bénin, art. 105 et Const. du Niger, art. 109 al 1er : l’initiative des lois appartient concurremment au
Président de la République et aux membres de l’Assemblée Nationale.
579 Const. du Bénin, art. 103 ; Const. du Niger, art 109 al. 2.

580BOURJOL M., «Libre administration et statut de la fonction publique locale», Actes du colloque d’Angers, Cahiers
du CFPC, n° 13, Octobre 1983, p. V.

112
territoriale581. Partant du principe que la loi détermine les principes fondamentaux de la
libre administration des collectivités territoriales, il revient au législateur de reconnaître et
de borner tout pouvoir normatif qui puisse leur être attribué.

Au Bénin, la Loi n° 97-029 en son article 73 reconnaît au maire la prérogative de prendre


«des dispositions à l'effet d'ordonner les mesures et règlements nécessaires à l'exercice de ses prérogatives». Ce
pouvoir est confirmé par l’art. 74 de la même loi582. En utilisant le terme arrêté pour l’acte
susvisé, le législateur a ipso facto attribué au maire le pouvoir d’édicter des normes583. Ce
pouvoir est circonscrit à l’exercice des compétences locales et les modalités de son exercice
varient suivant qu’il s’agit de compétences propres ou de compétences déléguées.

Lorsqu’il s’agit de compétences déléguées584, le pouvoir normatif s’exerce sous le contrôle


de l’autorité de tutelle. Les mesures nécessaires à l’exercice des autres prérogatives locales
peuvent n’avoir pas été préalablement l’objet de règlements nationaux. Elles peuvent
consister en des dispositions locales nouvelles qui ne relèvent point de l’application de
mesures règlementaires initialement prises au niveau national. La collectivité décentralisée
peut disposer même si le pouvoir réglementaire national s’est abstenu. Il suffit que les
nécessités locales l’exigent et qu’elles s’inscrivent dans les compétences locales. En outre,
à l’image de la prérogative de «veiller à l’application des lois et règlements de la République», certaines
compétences locales paraissent à la fois si spécifiques et si étendues que la question du
caractère autonome de ce pouvoir normatif local devient légitime. Le débat doctrinal y
afférent a été très animé585.

581 TROPER M., «Libre administration et théorie générale du droit. Le concept de libre administration» in DARCY G.,
MOREAU J. (dir), La libre administration des collectivités locales, Paris, Economica, PUAM, 1984, p. 62 : «la libre administration
serait un système…dans lequel un organisme énonce les normes dont il est le destinataire».

582«Les arrêtés du maire, lorsqu'ils contiennent des dispositions générales, sont exécutoires dès qu'ils sont portés à la connaissance des
populations par affichage ou toute autre voie de publication».

583 CORNU G., Vocabulaire juridique, p. 84, le définit comme «décision d’une autorité exécutive non suprême» ; dans le Lexique
des termes juridiques, l’arrêté est «une décision exécutoire à portée générale ou individuelle émanant… d’autorités administratives».
584 Bénin, Loi n° 97-029, art. 68, al. 2 : «Sous le contrôle de l'autorité de tutelle, il est également chargé de la diffusion et de l'exécution
des lois et règlements» ; Niger, Ord. n° 2010-54, art. 91 : «En sa qualité de représentant de l'Etat, le maire est chargé, sous l'autorité
hiérarchique du préfet ou du gouverneur selon le cas de : - publier les lois et règlements de la République ; - veiller à leur application ; -
assurer l’ordre et la salubrité publique».

585Il a opposé les partisans de l’autonomie du pouvoir réglementaire (BECET J.-M., La commune dans le système
administratif français, CFPC, 1983, pp. 140 et ss. ; HECQUARD-THERON M., Essai sur la notion de réglementation, Paris,
LGDJ/Montchrestien, 1977, pp. 90 et ss. ; JOYAU M., De l’autonomie des collectivités territoriales françaises. Essai sur la liberté

113
Pour le Doyen HAURIOU, la question ne vaut pas d’être posée. La mission de tout exécutif
d’une personne publique est double : assurer la marche de l’administration et l’exécution
des lois. Le Doyen de Toulouse s’est même permis une priorisation : «d’abord gouverner et
administrer ; ensuite exécuter la loi»586. Pour lui, «le pouvoir réglementaire est inhérent à tout pouvoir de
commandement»587. Il en tire comme conséquence le rejet de toute idée d’unité du pouvoir
réglementaire588. A sa suite, BOURJOL589 relève que le pouvoir normatif local est spécial,
distinct et autonome du pouvoir réglementaire national590.

L’efficacité juridique d’un tel pouvoir normatif dans l’espace fait l’objet de questionnement.
Abordant la question de l’insertion du pouvoir normatif local dans l’ordre juridique,
KELSEN appréhende la collectivité infra étatique comme «la collectivité juridique dont l’ordre se
compose de normes qui ne valent que pour une fraction du territoire»591. Avec EISENMANN, il établit
une subordination entre la norme non centrale (locale) et la norme centrale (nationale) 592.
Il en est de même pour FAURE593, FAVOREU594 et dans une certaine mesure, AUBY595
et DOAT596.

du pouvoir normatif local, LGDJ, 1998, pp. 121 et ss.) aux défenseurs d’un pouvoir subordonné (FAVOREU L., PHILIP
L., Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, 2ème éd., pp. 336 et ss., FAURE B., «Existe-t-il un pouvoir réglementaire
local en droit constitutionnel français, RDP, 1996, p. 1542 ; FRIER P.-L., «Le pouvoir réglementaire local : force de
frappe ou puissance symbolique ?», AJDA, 2003, pp. 559 et ss.).

586 HAURIOU M., Note sous CE, 28 juin 1918, Heyriès, t.1 du recueil des notes d’arrêts p. 82.
587 HAURIOU M., Précis de droit administratif, 11ème éd., p. 451.

588 HAURIOU M., Précis de droit administratif, op. cit., p. 252 : «Il n’y a pas d’unité du pouvoir réglementaire».
589Se référer à son intervention à l’occasion du colloque Administration et société organisé par l’Institut français des
sciences administratives en Janvier 1983. V. Cahiers du secteur public, n° 9, Janvier 1983, p. 20.

590 En ce qu’il se rapporte aux affaires locales.

591 KELSEN H., op. cit., p. 413.

THALINEAU J., Essai sur la centralisation et la décentralisation. Réflexion à partir de la théorie de Ch. Eisenmann, Thèse,
592

Tours, 1994, pp. 38 et ss.

FAURE B., Le pouvoir réglementaire des collectivités locales, Thèse, Université du Pau et des Pays de l’Adour, 1992, p. 311 :
593

«On imagine mal …un règlement local contrevenir à un règlement national légalement édicté».

594FAVOREU L., Note sous CC, 248 DC, 17 janvier 1989, RDP, 1989, p. 447 admet que le pouvoir réglementaire
local est un «pouvoir subordonné et second par rapport au pouvoir réglementaire national».
595 AUBY J.-M., «Le pouvoir réglementaire des autorités des collectivités locales», AJDA, 1984, p. 468.

596 DOAT M., Recherche sur la notion de collectivité locale en droit administratif français, Paris, LGDJ, 2003, p. 225.

114
Le principe de la hiérarchie des normes suggère un autre argumentaire. En effet, au moins
deux frontières encadrent le pouvoir normatif local : d’une part, respecter la répartition
constitutionnelle des compétences entre le législateur et l’exécutif et d’autre part, se
conformer aux principes, et dispositions contenus dans les lois et règlements 597 . Puisque le
règlement national partage des domaines de compétences avec le règlement local, un
ordonnancement se dégage : «Il est de principe que la valeur d’une norme juridique est en relation avec
le rang de l’organe qui l’édicte»598. Conséquemment, le droit positif, au Bénin et au Niger, affirme
expressément la subordination du pouvoir normatif local au pouvoir réglementaire
national599.

Dès lors que le législateur a déterminé le contenu du pouvoir normatif local, il devient
constitutif de la libre administration et n’est plus susceptible d’être violé, ni par le règlement
national, ni par le règlement local. Il en découle qu’en l’état actuel du droit positif au Bénin
et au Niger, le pouvoir réglementaire de la collectivité territoriale, en tant que moyen
d’exercice de ces compétences, tire sa source de la loi. C’est donc un pouvoir dérivé par
rapport au pouvoir réglementaire national, constitutionnellement constitué. Ce qui ne
devrait pas empêcher que la collectivité soit réellement «en possession d’un pouvoir
d’administration propre…»600.

Il serait donc réducteur de s’en limiter aux seules considérations sus évoquées. Ces limites
ayant été relevées, il s’impose de confirmer la nécessité pour la collectivité territoriale de
créer l’ordre. A cet égard, plus ses capacités seront renforcées, plus librement et plus
efficacement fonctionnera l’administration locale.

597 Les domaines de compétence du pouvoir réglementaire autonome sont fixés par le constituant (Const. du Bénin,
art. 100 et Const. du Niger, art. 103: «Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire»).
598BRUNET P., «Les principes généraux du droit et la hiérarchie des normes», L’architecture du droit. Mélanges en l’honneur
de Michel Troper, Paris, Economica, 2006, pp. 207-221.
599 Bénin, Loi n° 97-029, art. 149 ; Niger, Ord. 2010-54, art. 9 : «Les collectivités territoriales exercent leurs compétences sous le
contrôle de l'Etat, dans le respect des lois et règlements ainsi que des conventions et accords internationaux régulièrement ratifiés».

600 CARRE DE MALBERG R., Contribution à la théorie générale de l’Etat, spécialement d’après les données fournies par le droit
constitutionnel français, Sirey, 1920, pp. 178-179.

115
CONCLUSION DU CHAPITRE II

La liberté de fonctionner des organes des collectivités que suppose leur libre administration
est menacée par l’unicité et la prééminence du pouvoir étatique, exclusif de toute
concurrence en son sein. Il en découle une difficile démarcation entre les affaires locales et
les intérêts nationaux.

Nonobstant les apports de la doctrine et de la jurisprudence étrangère notamment française,


les législateurs béninois et nigérien n’ont pu empêcher l’enchevêtrement des compétences
devenu un phénomène inéluctable en raison de la souveraineté de l’Etat qui «a la
compétence de ses compétences».

Or, seule la division du pouvoir réduit la tendance à l’abus de son détenteur ; d’où la
nécessité d’avoir en face de l’Etat central, un véritable contre-pouvoir, tout au moins
administratif, au niveau local. D’ailleurs, les concepts clés qui fondent l’importance de la
décentralisation territoriale sont toujours plus que d’actualité. L’intérêt public local continue
d’être le socle à partir duquel s’établissent les compétences des collectivités. Il en est de
même du principe de compétence générale dont l’ambiguïté contribue à l’élargissement des
compétences des organes locaux.

En l’état actuel de la législation dans les deux Etats, les organes des collectivités ne
constituent pas de réels pouvoirs administratifs. Si les conditions matérielles semblent
mieux réunies, les moyens normatifs à disposition demeurent insuffisants et méritent d’être
renforcés en vue de d’accroître les perspectives d’effectivité de la libre administration.

116
CONCLUSION DU TITRE I

La collectivité territoriale n’est pas véritablement un «autrui» dans l’Etat, même si les textes
de loi lui en donnent l’air. Certes, son existence multiséculaire et les échecs des politiques
centralisatrices à maints endroits de la planète ont fait de la collectivité territoriale une
institution presque indispensable dans le paysage politico-administratif de toute démocratie
moderne. Les proclamations décentralisatrices sans effet des lendemains des indépendances
et l’échec des pseudo-démocraties populaires instaurées par les régimes militaires au Bénin
et au Niger en constituent une illustration autant qu’elles fondent les réformes
décentralisatrices.

Bien que la libre administration des collectivités ait été formellement affirmée, à la mise en
œuvre, l’autonomie dont sont dotés leurs organes demeure insuffisante. Non seulement la
libre administration n’est jusque-là pas élevée au rang des libertés fondamentales601 pour
bénéficier de la protection liée à une telle qualification, mais également, ses principes
fondamentaux, essentiels à son effectivité, ne sont pas constitutionnalisés.

La séparation organique entre l’Etat et les collectivités territoriales n’est pas entièrement
garantie. Elle est largement limitée par l’unicité du pouvoir politique que détient l’Etat et la
difficulté essentielle de démarquer affaires locales et intérêts nationaux. Quoi qu’il en soit,
il demeure que l’existence d’un pouvoir administratif autonome de proximité est inéluctable
pour la bonne administration et le développement de chaque entité territoriale, détentrice
d’intérêts spécifiques dont la défense lui incombe. Doter les organes de la collectivité de
moyens normatifs et matériels à cet effet contribuerait à réaliser le dessein du constituant
de voir chaque groupement humain territorialisé s’administrer librement. Dans cette
perspective, un regard nouveau devra également être jeté sur le régime tutélaire applicable
aux collectivités.

601Libertés et droits proclamés comme tel par diverses sources juridiques (constitutions et conventions internationales)
qui sont au fondement de l’ordre social et politique et dotés d’une valeur intrinsèque et d’une prééminence naturelle.
Voir CORNU G., op. cit., p. 462.

117
Titre II : Le caractère contraignant de la tutelle
Pour répondre aux aspirations sociales légitimes et se conformer aux valeurs universelles,
de nombreux pays en Afrique subsaharienne ont adopté, à la fin des années 1980, des textes
qui libéralisent la gestion des affaires publiques602. La pratique confirme que ce n’est pas
parce qu’elle est proclamée ou inscrite dans une constitution qu’une liberté devient
effective603. Les libertés locales n’y échappent pas. En effet, «Parmi toutes les libertés, celle des
communes, qui s'établit si difficilement, est aussi la plus exposée aux invasions du pouvoir»604.

Respecter le principe de libre administration, c’est accepter l’administration locale comme


corps autonome ayant un statut et des devoirs comparables à ceux de l’administration
centrale. Dans cette perspective, il prévaudrait un pluralisme territorial qui instituerait plutôt
une collaboration entre Etat et collectivités territoriales décentralisées dont les cadres
juridique et institutionnel sont organisés par le législateur. Ainsi, la décentralisation pourra-
t-elle signifier que l’autorité locale décide et que l’Etat central lui met à disposition les
moyens de toute la nation en vue de lui faciliter l’exécution desdites décisions605.

Ce n’est pas pour autant justifier l’indépendance de la collectivité territoriale vis-à-vis de


l’Etat. Il est largement admis que les limitations et les contrôles sont consubstantiels à toute
notion de liberté. Par contre, est préjudiciable à son autonomie, toute tutelle trop étroite
sur les organes (chapitre 1) ou les actes des collectivités territoriales (chapitre 2)

602
Instauration de l’Etat de droit impliquant entre autres, démocratie pluraliste, décentralisation du pouvoir d’Etat,
libéralisme économique et respect des libertés syndicales.

603 Pour FELDMAN J.-P., «Un régime parlementaire pour les pays d’Afrique», www.audace-afrique.net, certaines
constitutions africaines «ont souvent rempli un rôle publicitaire destiné aux bailleurs de fonds internationaux en couvrant du voile
pudique de la démocratisation et du multipartisme la concentration et la personnalisation du pouvoir», confirmant ainsi que «La liberté
n’est…pas naturelle, elle est une conquête».

604 de TOCQUEVILLE A., De la démocratie en Amérique 1, p. 64.

605 La collectivité territoriale ne dispose pas par exemple de la puissance publique ; il lui faudra, en cas de nécessité,
solliciter délégation ou appui de l’Etat. Il en est de même de certaines compétences techniques nécessaires à la mise en
œuvre de son plan de développement (Loi n° 97-029, art. 108).

118
CHAPITRE I : LA TUTELLE SUR LES ORGANES
La collaboration à l’offre de services publics entre l’Etat et les collectivités locales est
nécessaire autant que le défi de la non confusion et de la délimitation des compétences est
pressant606. L’enchevêtrement massif des compétences complexifie davantage l’action
publique607. En sus, il hypothèque l’autonomie des organes des collectivités à travers les
coopérations informelles qu’il occasionne (Section 1).

Le droit positif, se conformant à la doctrine dominante, reconnaît, les collectivités


territoriales comme autrui par rapport à l’Etat même si dans les faits, la non confusion que
devrait impliquer une telle reconnaissance peine à prospérer. L’institution d’un contrôle
serré de l’Etat sur leurs organes en est une des causes. Les débats parlementaires ayant
précédé l’adoption des textes de loi sur la décentralisation ne fournissent pas d’éclairage
approprié sur les réelles intentions des législateurs à ce propos. Toutefois, les prérogatives
relativement exorbitantes attribuées au pouvoir exécutif dans l’installation et le
fonctionnement des institutions locales ne créent pas un environnement favorable à
l’expression et à l’approfondissement des libertés locales (Section 2).

SECTION 1 : L’INTEGRATION A L’ORDRE ETATIQUE, VECTEUR D’UNE TUTELLE IMPLICITE

La réalisation de l’idéal de démocratisation des administrations locales et d’autonomie des


organes locaux demeure un énorme défi. En effet, les organes locaux ont vocation à exercer
des compétences qu’ils partagent inéluctablement avec des acteurs étatiques préexistants et
prééminents. Dans cette cohabitation inter institutionnelle inégalitaire, les rapports
d’altérité entre Etat et collectivités ne peuvent s’exprimer distinctement (Paragraphe 1). La
non confusion prescrite reste un vœu commode, tellement les acteurs eux-mêmes ont
conscience de leur interdépendance qui, pour la collectivité décentralisée, débouche sur une

606 ATTALI J., Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française, remis au Président de la République le 23
janvier 2008, p. 201 : «La décentralisation est devenue un facteur de confusion, tellement les compétences partagées sont nombreuses,
paralysantes et génératrices de coûts supplémentaires, notamment de fonctionnement. Les redondances et chevauchements de compétences (…)
créent à la fois un éclatement de la responsabilité, la paralysie de la décision et la déroute de l’administré».

607NGONO TSIMI L., op. cit., p. 250 : «…la concurrence peut être source d’abandon manifeste de responsabilité, de même qu’elle
pourrait constituer des doubles emplois dans le cadre de la dépense publique».

119
systématisation des participations locales que les interférences ou les substitutions acceptées
favorisent (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Une intégration favorable à la confusion organique

Les similitudes organisationnelles entre Etat et collectivités confirment que celui-ci s’est
inspiré de sa structure et de son mode de fonctionnement pour concevoir l’organisation de
celles-là608 dont les compétences demeurent de «nature étatique»609. Le droit positif n’échappe
pas à cette survivance de l’histoire centralisatrice (A) entretenue par les hauts fonctionnaires
des administrations centrales et acceptées par les collectivités locales (B).

A. Une confusion permise par les textes

La non dépendance des collectivités vis-à-vis du pouvoir central est un déterminant clé de
la libre administration. Plusieurs moyens juridiques permettent d’assurer une telle
autonomie. Pourtant, l’analyse des textes suscite une impression de parfaite contradiction.
Pendant que le droit prétend affranchir610 les organes locaux de l’emprise de
l’administration centrale, la réalité donne à voir une confusion flagrante dont les
manifestations peuvent être relevées au double plan structurel (1) et politique (2).

1. La collectivité territoriale, une reproduction de la structure étatique

La doctrine promeut la perception que la collectivité est une reproduction en miniature de


l’Etat. Pour MAZERES, l’Etat «tend à réduire le pluralisme originel à une représentation
institutionnelle du local qu’il génère»611. FOURNIE, dans le même sens, fait le constat que «tous
les éléments qui spécifient aujourd’hui les collectivités locales se trouvent déterminés juridiquement par l’Etat
qui les produit»612. Il n’y a donc pas de fonction décentralisée par essence613.

608 FOURNIE F., Recherches sur la décentralisation dans l’œuvre de Maurice Hauriou, op. cit., p. 303.
609 PONTIER J.-M., op. cit., p. 309.

610APPIA K., op. cit., p. 31 : «Aucun organe détenteur d'un pouvoir normatif au sein de l'ordre juridique peut évidemment échapper au
contrôle de l'Etat, qui est l'assise juridique de la souveraineté».

MAZERES J.-A., «Les collectivités locales et la représentation. Essai de problématique élémentaire», RDP, 1990, p.
611

613.
612 FOURNIE F., Recherches sur la décentralisation dans l’œuvre de Maurice Hauriou, op. cit., p. 302.

613 BURDEAU G., «Remarque sur la classification des fonctions étatiques», RDP, 1945, p. 202 ; GOURNAY B.,
Introduction à la science administrative, Paris, Armand-Colin, 1966, p. 17.

120
Plusieurs éléments permettent d’illustrer la mesure dans laquelle la collectivité territoriale
constitue une reproduction de la structure étatique. Sera examinée, l’organisation
administrative, notamment le modèle représentatif et le fonctionnement des organes.

Les évolutions suivies dans la constitution et l’articulation des organes d’administration


locale sont semblables à celles connues par l’Etat central. Au départ, les communes étaient
administrées par les assemblées générales des habitants. Progressivement, s’est mis en place
le système représentatif avec l’élection de conseils municipaux par les habitants 614. La
similitude avec l’organisation de l’Etat peut être notée dans le couple délibérant-exécutif.
La collectivité territoriale devant s’administrer elle-même, il lui fallait un conseil qui délibère
et un organe exécutif pour mettre en œuvre lesdites délibérations615. Les règles de
fonctionnement interne sont pareilles : adoption d’un règlement intérieur, débats publics,
délibération en sessions ordinaires et extraordinaires, quorum de validité des délibérations.
Les principes majeurs applicables au service public s’y imposent616. La typologie et la
morphologie des actes des autorités administratives centrales sont adoptées au niveau
local617. Le modèle étatique envahit aussi le domaine fondamental des finances locales618.

Cette reproduction systématique du modèle étatique n’est pas nécessairement


bénéfique pour la libre administration619. L’Etat a intégré la collectivité locale à son ordre
interne620. Ainsi, celle-ci se meut dans un cadre juridique préétabli par l’Etat qui structure

HAURIOU M., «La souveraineté nationale», Recueil de législation de Toulouse, T.VIII, p. 89 ; v. également, Const.
614

Bénin : art. 151, Const. Niger : art. 164.

615En France, à l’occasion de l’examen de la Constitution de 1848, BECHARD déclarait : «Le pays ne sera plus administré
par des agents du pouvoir exécutif, mais il s’administrera lui-même» ; HAURIOU M., «La souveraineté nationale», op. cit., p. 63 :
«Les administrations locales, qui reproduisent au petit pied l’organisation de l’Etat, ont-elles aussi un organe délibérant». Bénin : Loi n°
97-029, art. 3 ; Niger: Ord. n° 2010-54, art. 22.

Ils ont été dégagés en 1938 par le Professeur Louis ROLLAND. La doctrine postérieure les appelle les Lois de
616

Rolland. Il s’agit de la continuité, de l’égalité et de la mutabilité.


617Jean-François LACHAUME [La hiérarchie des actes administratifs exécutoires en droit public français, Paris, LGDJ, 1966, p.
40] note par exemple que «L’arrêté, mode de décision habituelle du ministre, du préfet, est aussi la forme habituelle des actes du maire».

618 Il est fait obligations aux collectivités décentralisées de se doter d’un budget dont les modalités d’exécution sont
celles de l’Etat. V. Bénin : Loi n° 98-007, art. 4 à 6, 34 et 35 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 211.

619 PONTIER J.-M., op. cit., p. 305 : «Ce qui est satisfaisant à l’échelon national ne l’est pas toujours à l’échelon local».
620 Bénin : Loi n° 97-029, art. 84 ; Niger Ord. n° 2010-54, art. 9.

121
une sorte de hiérarchie administrative621. Tout leur venant de l’Etat, DUGUIT rejette l’idée
que les collectivités disposent de pouvoirs propres, décentralisés par nature 622. Pouvoir
local, compétences locales seraient des appellations commodes. Ils ne sont pas déterminés
par le groupement territorial auquel la libre administration est accordée. Or, pour
BURDEAU, «une activité est dite décentralisée lorsque les règles qui la commandent sont édictées par des
autorités émanant du groupe qu’elle concerne»623. HAURIOU, l’ardent défenseur du pluralisme
territorial, ne le contredit pas lorsqu’il définit aussi bien la centralisation que la
décentralisation comme «une manière d’être de l’Etat». Ceci postule qu’au niveau des
collectivités, c’est toujours l’Etat qui est à l’œuvre624. Il impose son modèle d’organisation,
ne voulant pas que le pluralisme territorial débouche sur une l’altérité que vise l’élection des
organes locaux

2. L’élection, une garantie insuffisante de séparation organique

Le procédé électif arrive en tête, parmi les moyens de garantir l’autonomie d’un organe
décentralisé. Cette position confirmée par le droit positif semble n’avoir pas bénéficié de la
part de la jurisprudence de la fermeté nécessaire.

La doctrine a abondamment justifié la séparation de l’Etat central et des collectivités


territoriales. HAURIOU s’est insurgé contre l’unité de la personnalité morale de l’Etat : «On
a beau affirmer qu’elles en sont des démembrements, ce n’est qu’une formule vide de sens, car une personne
subjective ne se démembre pas, elle est par définition indivisible». Pour lui, «la vérité est donc que les
personnes morales décentralisées sont autrui par rapport à l’Etat»625. Il y a donc entre l’Etat et les
collectivités territoriales un rapport d’altérité. BAGUENARD souligne l’importance
particulière de cette altérité : «La décentralisation suppose l’existence d’une pluralité de centres

621 CHAPMAN B., «L’administration locale en France», Cahiers de la FNSP, n° 66, Armand-Colin, Paris, 1955, p. 28.
622 DUGUIT L., L’Etat, les gouvernants et les agents, T.II, Paris, 1901, pp. 654-701. Dans «Le syndicalisme», Revue politique
et parlementaire, T.II, 1908, p. 488, il a critiqué le modèle français en des termes non équivoques : «Ce n’est certainement pas
dans le sens de la décentralisation communale et départementale que s’oriente notre organisation administrative».
623
BURDEAU G., Traité de science politique, Paris, LGDJ, 1967, T.II, p. 369.

624V. l’analyse faite par MAZERES J.-A., «Les collectivités locales et la représentation. Essai de problématique
élémentaire», op. cit., pp. 615 et 616, qu’il conclut avec un célèbre jeu de mots : «L’autre est le même, il demeure dans le
multiple».
625
HAURIOU M., Principes de droit public, Sirey, 1ère éd., 1910, p. 321.

122
autonomes de décisions, exige que des organes locaux aient la maîtrise juridique de leur activité c'est-à-dire
qu’ils soient libres de prendre, dans le respect des lois et règlements, la décision qu’ils veulent»626. MBACK
considère la désignation démocratique des organes locaux comme un critère d’existence de
la collectivité décentralisée et de la démocratie locale. Elle lui paraît être une garantie contre
«les incursions défavorables du pouvoir central dans l’administration des collectivités» 627.

Le constituant établit un lien de causalité entre le mode de désignation des organes des
collectivités et la libre administration de celles-ci. Au terme des dispositions
constitutionnelles, les organes d’administration des collectivités sont élus au suffrage
universel628. Le mode électif de désignation, privilège réservé629 aux collectivités
décentralisées, est donc garanti par la constitution, même si le régime électoral local est
défini par la loi. Dans son œuvre normative, le législateur distingue deux organes, le
délibérant (conseil) et l’exécutif (maire ou président du conseil), dont les modalités de
désignation diffèrent630. Si l’organe délibérant est élu au suffrage universel direct, l’élection
de l’exécutif se déroule sous le suffrage indirect. Dans tous les cas, les possibilités
d’interférence existent mais elles diffèrent en fonction du type de suffrage.

Si théoriquement, le représentant de l’Etat dans les départements a très peu de chance de


pouvoir influencer directement l’élection des membres des conseils locaux, il n’en est pas
de même de la désignation du maire et des chefs des unités infra communales. En
témoignent les nombreuses contestations élevées contre des ingérences et qui ont fait
intervenir, à maintes reprises, le juge administratif béninois631.

626
BAGUENARD J., La décentralisation, PUF, Paris, 2004, 7ème édition, p 12.

627 MBACK NACH Ch., Démocratisation et décentralisation. Genèse et dynamiques comparés des processus de décentralisation en
Afrique subsaharienne, p. 347 ; voir également p. 33: «La notion de démocratie locale…est avant tout, l’idée d’un système de gestion
politique qui…trouve sa traduction juridique dans l’institution du procédé électoral, au suffrage universel, comme mode désignation des
instances dirigeantes des collectivités locales».
628 Const. du Bénin, art. 153 ; Const. du Niger art. 164.

629Cour Constitutionnelle du Bénin, Décision DCC n° 98-036 du 08 avril 1998, 8ème consid. ; la haute juridiction a jugé
que l’article 5 de la loi soumise à son examen viole la constitution en ce qu’il dispose que le chef d’arrondissement est élu
alors que d’une part l’arrondissement ne jouit ni de la personnalité juridique ni de l’autonomie financière et que d’autre
part, selon l’article 151 de la Constitution, les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus.
630Bénin, Loi n° 97-029, art. 3, 11, 38, 48 et 63 ; Niger, Ord. n° 2010-54, art. 22, 50, 51, 98, 124 et 125.

631 Coursuprême (Bénin), Contentieux des élections locales. Décembre 2002 et Janvier 2003. Recueil des arrêts, Cotonou, Direction
de la Documentation et des Etudes, Juillet 2007.

123
La Loi n° 2013-06 du 25 novembre 2013 portant Code électoral en République du Bénin
(art. 2) définit l’élection comme «le choix libre par le peuple du ou des citoyens appelés à conduire, à
gérer ou à participer à la gestion des affaires publiques». Elle indique (art. 13) que les élections sont
gérées par un organe administratif autonome. Le dispositif est similaire au Niger632. La
composition dudit organe et les incompatibilités prévues ne permettent pas à l’exécutif ou
à ses représentants d’interférer dans le processus électoral 633. Le processus de désignation
du maire, des adjoints au maire et des chefs des entités infra communales tend également à
tenir à l’écart des opérations, l’autorité de tutelle. En effet, même si les dispositions légales
prévoient que l’organe délibérant est installé par l’autorité de tutelle634, les opérations de
vote sont supervisées par un bureau d’âge mis en place à cet effet qui transmet les résultats
à l’autorité de tutelle qui les constate par arrêté635. L’élection des adjoints au maire se déroule
dans les mêmes conditions que celle du maire636. Dans tous les cas, il apparaît clairement
que le législateur a entendu éviter toute interférence du représentant de l’Etat dans les
opérations de désignation des autorités communales. Faut-il en déduire que l’autorité de
tutelle ne doit pas être présente ou représentée lors des opérations de vote ? La pratique
au Bénin fournit une réponse négative. La présence ou représentation quasi généralisée d’un
représentant de l’Etat a été instituée par la circulaire n° 0163/MISD/DC/SG/DGAT du
17 janvier 2003.

En tant que principe d’organisation démocratique, la séparation organique devrait s’analyser


comme une conséquence de la séparation des pouvoirs637. A l’origine, ce principe avait été

632 Ord. n° 2010-96, art. 3, 5 al. 2, 9 al. 2 et 3.

633 Bénin : Loi n° 2013-06, art. 13 et 19 ; Niger : Ord. n° 2010-96, art. 11.
634 Bénin : Loi n° 97-029, art. 14, 41 et 42 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 53.

635Bénin : Décret n° 2001-414 du 15 octobre 2001 fixant le cadre général du Règlement Intérieur du conseil communal,
art. 6, al. 1 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 53, al. 3.
636 Bénin : Loi n° 2013-06, art. 403 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 54, al. 2 : pour le Niger, la différence réside dans le
fait que c’est le Maire (et non plus le conseiller le plus âgé) qui préside la réunion et supervise les opérations de vote.
637 Cette compréhension a été relayée par la doctrine classique du droit public français de la fin du XIXème siècle et
du début du XXème siècle. Il s’agit de ESMEIN A., Eléments de droit constitutionnel français et comparé, vol.2, Paris, Sirey,
1927, 648 p. ; DUGUIT L., «La séparation des pouvoirs et l’Assemblée Nationale de 1789», Revue d’économie politique,
Vol.7, 1893 ; CARRE DE MALBERG R., Contribution à l’étude de la théorie générale de l’Etat, T.1, Paris, Sirey, 1920, p. 65
et s. ; HAURIOU M., Précis de Droit administratif et de Droit public, 6ème éd., Paris, Sirey, 1907, p. 11 et s.

124
d’abord compris comme une séparation rigide638. Il a fallu vivre quelques blocages
institutionnels pour déduire que MONTESQUIEU suggérait plutôt la non confusion des
pouvoirs639. Selon DUGUIT, «Il ne peut donc exister une véritable séparation des pouvoirs : chaque
fonction étatique exige l’intervention simultanée de tous les organes de la personne Etat»640. La séparation
verticale des pouvoirs au sein de l’Etat s’étant inspiré de la séparation horizontale, il
convient d’en avoir la même compréhension, empreinte de souplesse et de complémentarité
qui ne saurait déboucher sur une confusion des organes et compétences641.

B. Une confusion entretenue par les acteurs

Par le jeu de la délégation des compétences, l’Etat central manœuvre subrepticement pour
maintenir les collectivités sous sa subordination (1) que la défaveur des rapports de force
oblige celles-ci à accepter (2).

1. Des manœuvres étatiques pour tenir les collectivités dans des liens de subordination

Généralement, seul un infime nombre de compétences peut être strictement lié à «un niveau
territorial précis»642, l’intérêt local qui fonde l’action des collectivités territoriales étant

638 Dans sa compréhension initiale, le principe de séparation de pouvoirs a pu être interprété comme un système
politique «dans lequel des organes spécialisés et indépendants se font équilibre». Tout le pouvoir législatif appartient au congrès et
tout le pouvoir exécutif au président, aucun ne pouvant agir sur l’autre. Historiquement, ce principe tire son origine de
la Grande-Bretagne qui a été le pays à expérimenter le partage du pouvoir politique (Déclaration des droits de 1689, §1
et §2) qui initialement était détenu par une seule personne, le Roi. Mais c’est au XVIIIème siècle que les penseurs
politiques français (dont Montesquieu) et américains ont théorisé et popularisé ce principe selon lequel une seule et
même autorité ne doit pas concentrer entre ses mains tous les pouvoirs au sein de l’Etat. Montesquieu en a distingué
3 : celui de légiférer, celui d’exécuter les lois (gouverner) et celui de juger. MONTESQUIEU pense que «tout serait perdu
si le même homme ou le même corps de principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs». La compréhension rigide
avait été appliquée par les constitutions révolutionnaires françaises (1791 et 1795) et américaine de 1787. Mais l’on
s’apercevra que telle n’était ni l’intention de MONTESQUIEU ni l’objectif desdites constitutions. Ces textes
n’instaurent ni une spécialisation des pouvoirs (le Roi pouvant intervenir dans la fonction législative en invitant le corps
législatif à voter une loi : chap. III, Section 1, article 1) ni l’indépendance des organes (le Roi dispose d’un droit de
véto). Ainsi, les blocages institutionnels résultant de l’application rigide de la séparation imposeront-ils une lecture
renouvelée du principe. EISENMANN Ch., L’Esprit des lois et la séparation des pouvoirs, Mélanges Carré de Malberg, p.
179, affirmait que «l'idée de séparer les autorités étatiques est complètement absente de l'Esprit des Lois : elle n'y est ni réalisée, ni
formulée». Pour cet auteur, spécialiste de MONTESQUIEU, la compréhension qu’il convient d’avoir de la théorie de la
séparation des pouvoirs est «qu'il ne faut pas que deux quelconques des trois fonctions soient réunies entre les mêmes mains» (p. 178).

639 HAMON F., TROPER M., BURDEAU G., Droit constitutionnel, 27ème éd., Paris, LGDJ, 2001, p. 89.
640 PISIER-KOUCHNER E., Le service public dans la théorie de l’Etat de Léon Duguit, Paris, LGDJ, 1972, p. 69.

641 PONTIER J.-M., op. cit., p. 302.


642Selon GROSHENS J.-C. et WALINE J., «À propos de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003», in Mélanges Paul
Amselek, Bruylant, 2005, pp. 375-429 : «…le principe est plutôt celui des compétences partagées pour un seul et même domaine…».
Pour PONTIER J.-M., «Les contrats de projet État-régions 2007-2013», in La Revue administrative, n° 359, septembre
2007, p. 527, vouloir clarifier les compétences, «c’est une illusion ou un mirage». SAVY R., «Vingt ans après, ou les régions

125
dynamique643. En outre, pour les gouvernements, «les communes ne peuvent avoir une existence
absolument séparée»644. Comme suite à la longue période de centralisation, il est devenu une
tradition pour l’Etat de considérer les administrations locales comme de simples «agents
administratifs»645 chargés de mettre en œuvre des mesures qu’il prend, souvent d’autorité. Il
en a résulté une accoutumance à diriger les communes qui tend à survivre aux réformes
décentralisatrices. Plusieurs manifestations l’illustrent aux plans politique et administratif.

Dans le cas où les conseils élus émanent majoritairement de la mouvance politique qui
gouverne l’Etat, l’intérêt de la séparation organique entre la collectivité et l’Etat devient
difficilement perceptible. Dans la plupart des cas, lesdits conseils se comportent comme un
appendice de l’exécutif national. A l’analyse, c’est une telle situation qui est souhaitée par
l’exécutif étatique qui, dans la plupart des cas, véhicule une perception quasi paranoïaque
de la réforme décentralisatrice qui l’incite à vouloir contrôler, politiquement, les organes
élus et à défaut, manœuvrer pour en limiter l’expression de la légitimité et de la crédibilité 646.
En effet, la mise en place d’organes locaux élus au suffrage populaire est perçue comme
une menace à la popularité et antinomique à tout messianisme du chef de l’exécutif
national647.

françaises au milieu du gué», Mélanges en l’honneur de Jean-François Lachaume, Paris, Dalloz, 2007, p. 973, conclut que pour
l’ensemble des compétences des collectivités locales, «…leur exercice est toujours partagé, au moins avec l’Etat».

643Assemblée Nationale (France), Rapport d’information n° 1153 sur la clarification des compétences des collectivités territoriales,
08 octobre 2008, p. 9.

644 TENCE U., Annuaire historique universel pour 1837, Paris, 1838, p. 79.
645 PONTIER J.-M., op. cit., p. 325.

646Cette crainte a retardé la mise en œuvre de la décentralisation dans plusieurs pays africains ; v. IROKO F., «La
politique et le gouvernement avant et pendant l’ère coloniale en Afrique de l’ouest : l’exemple du Bénin», in Wihelm
Hofmeisteret Ingo SCHOLZ (éd), Formes traditionnelles et temporaires de participation locale et d’autonomie en Afrique, Berlin,
Ed. Konrad Adenauer Stiffung, 1997, p. 120.
647 L’on notera qu’au Bénin, les gouvernements successifs de SOGLO (1991-1996, 1er quinquennat de la période du
renouveau démocratique) ont proclamé et miroité les vertus de la décentralisation sans la concrétiser. Les
gouvernements de KEREKOU (1996-2006) ont aussi mis du temps pour finalement organiser uniquement 647 les
consultations communales et municipales au cours du deuxième quinquennat, en 2002-2003. C’est en 2008, qu’ont été
organisées, pour la première fois, les élections des conseils et chefs de village de la période post renouveau
démocratique. Malgré cette longue période de préparation, il a fallu attendre l’exercice budgétaire 2009 pour voir
s’effectuer les tous premiers transferts de ressources aux communes, comme suite à l’opérationnalisation du Fonds
d’Appui au Développement des Communes (FADeC).

126
Prenant conscience de cette tendance, les élites politiques locales en tirent les implications
dans la négociation des alliances politiques, pour le contrôle du pouvoir local. Il ressort des
résultats des deux consultations électorales locales de 2002-2003 et de 2008 au Bénin que
les organes locaux sont majoritairement contrôlés par la coalition politique au pouvoir.
L’option faite par le législateur béninois d’ouvrir l’accès aux conseils communaux à des
indépendants n’a pas dépolitisé la composition des conseils communaux 648. Les élections
locales sont politiques et servent de rampe pour la conquête des autres pouvoirs, législatif
et exécutif649. Ainsi que l’illustre le tableau en annexe 1, la configuration politique des
organes locaux élus reflète l’assise géographique des «familles politiques». Ces statistiques
expriment la mesure dans laquelle les élites nationales, le pouvoir exécutif national et par
ricochet la mouvance politique au pouvoir, s’impliquent et influencent la constitution des
organes locaux650. Les partis au pouvoir et particulièrement leurs chefs interviennent de
façon pesante dans la sélection des candidats, le positionnement sur les listes et l’élection
des maires et des chefs des unités infra communales. Cette mobilisation s’explique par la
crainte qu’ont les partis au pouvoir de devoir partager la gestion des affaires publiques avec
l’opposition.

Le messianisme qui caractérise les autorités politiques centrales débouche, souvent, sur une
confusion de compétences qui se manifeste par une substitution dans la mise en œuvre de
certaines interventions. Le phénomène est particulièrement manifeste dans les domaines
où les compétences ne sont pas suffisamment bien délimitées et ceux où l’action de l’Etat
est susceptible d’avoir des retombées politiques. On peut évoquer, à titre illustratif,
l’assistance sociale. Bien que les textes de lois précisent clairement qu’elle relève de la
compétence des collectivités territoriales, les gouvernements résistent à tout transfert dans

648
Loi n° 2007-28, art. 48 : «Les candidatures des Conseillers communaux ou municipaux sont présentées par les partis politiques ou
alliances de partis politiques et les candidats indépendants». Il a pu être supposé que les élites qui exercent les mandats nationaux
ne seraient pas intéressées par les fonctions locales qui seraient alors exercées par des citoyens ordinaires. A la sortie
des élections communales de 2008, 43 maires sur 77 (55, 84%) proviennent des Forces Cauris pour un Bénin Emergent
(FCBE), l’alliance de partis au pouvoir. Parmi ces élus, on dénombre d’anciens ministres, d’anciens députés et même
un ancien président de la République (SOGLO, Maire de Cotonou).

649 Niger : Ord. 2010-96, art. 1er, al. 2.

650 Ces chiffres évoluent en fonction de l’agenda politique. Si à la date du 28 août 2013, le nombre de maires qui se
réclament de la mouvance présidentielle est estimé à 60 sur 77 (Le Municipal n° 559 du 02 au 08 septembre 2013, p.6),
l’alliance au pouvoir n’a obtenu la majorité absolue nécessaire pour proposer le maire que dans 22 communes après les
élections du 28 juin 2015 qui interviennent à moins d’un an de la fin du dernier mandat de l’actuel Chef de l’Etat.

127
ce domaine et ce, au mépris de toute considération d’efficacité 651. C’est également le cas
dans le secteur de l’approvisionnement en eau potable au Bénin652.

Le dédoublement fonctionnel de l’autorité locale, institué par l’Etat, constitue un autre


manège qui lui permet de mieux contrôler l’autorité locale653. En effet, rien n’empêche l’Etat
de mettre en place un dispositif propre lui permettant de réaliser les tâches qui relèvent de
sa compétence. L’argument de recherche d’économie et d’efficacité souvent brandit reste
éminemment contestable. En outre, dans une perspective de «théorie pure», il ne paraît pas
logique de placer sous subordination une personne à qui l’on demande un service. Or, telle
est, de façon caricaturale, la situation des collectivités territoriales qui, dans l’exercice des
compétences de l’Etat, se retrouvent sous l’autorité du représentant de l’Etat654.

2. Des rapports de subordination admis par les collectivités décentralisées

A certaines occurrences, l’attitude des élus locaux laisse bien penser qu’ils ont préféré la
subordination655 à une réelle autonomie organique vis-à-vis de l’Etat central. Il ne fait pas
de doute que la dévolution réelle des charges ne correspond pas à la répartition des
compétences pas plus que cette dernière n’aboutit pas nécessairement au transfert effectif
des ressources correspondantes. Cette situation de déséquilibre est en défaveur de la
collectivité qui hérite de charges dont les moyens d’exercice sont retenus au niveau central.

651Bénin : Loi n° 97-029, art. 101 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 30. Dans l’exposé des motifs du décret français du 28
mars 1852, Louis-Napoléon Bonaparte écrivait : «Si on peut gouverner de loin, on n’administre bien que de près». En effet, la
proximité géographique des autorités locales permet une intervention rapide et amoindrit les coûts de transaction.

652 Bien que la loi fasse relever l’approvisionnement en eau potable de la compétence des communes (Loi n° 97-029,
art. 90), la stratégie nationale, à laquelle les communes sont aussi tenues de se conformer (Loi n° 97-029, art. 108), fait
relever la mise en œuvre des investissements des services centraux et déconcentrés de l’Etat.

653L’expression est utilisée pour décrire la situation des autorités, notamment locales, qui accomplissent certains actes
au nom de la collectivité locale et d’autres au nom de l’Etat.

654Bénin : Loi n° 97-029, art. 68 et 69 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 82. La confusion est plus perceptible lorsqu’on
prend en compte les tâches accomplies par les personnels locaux pour le compte de l’Etat. Dans certaines collectivités
territoriales, surtout à caractère rural, le rapprochement du temps consacré aux compétences locales de celui dédié aux
affaires de l’Etat révèle des proportions préoccupantes.

François BURDEAU parle de subalternisation ; voir BURDEAU F, «1789, l’administration territoriale et nous»,
655

Annuaire des collectivités locales, T. 9, 1989, p. 14.

128
Face à ce tableau, il paraît tout de même curieux que l’unique recours devant un juge contre
une telle situation émane, non pas d’un élu, mais plutôt d’un citoyen ordinaire656. C’est dire
combien les élus sont très peu enclins à se défendre contre les manœuvres de contrôle
hiérarchique des administrations centrales. En effet, les collectivités locales étant quasiment
transformées en autorités d’exécution, acceptent toutes les demandes de l’Etat, même les
plus manifestement irrégulières. Elles attendent l’aide de l’Etat pour acquérir le moindre
équipement657. Certaines communes délaissent certaines des compétences mises à leur
charge par la loi. Un tel abandon et la tendance à demander à l’Etat de prendre en charge
leurs compétences constituent un assentiment au rôle d’agent d’exécution que l’Etat
centralisateur tente de leur faire jouer. Ainsi, au motif d’avoir opté pour des relations
apaisées avec l’Etat, «les élus choisissent le plus souvent volontairement, mais sans en avoir peut-être
réellement conscience, d’adopter la relation de subordination avec le pouvoir central»658.

Au lieu des appels à l’aide -qui relèvent d’une faveur- ou des marches de remerciement659
au chef de l’exécutif, le raisonnement devrait être inversé et s’orienter vers une
revendication forte de responsabilité doublée d’une quête d’accroissement des ressources
propres des collectivités locales. L’affirmation de M. d’ARCHICOURT au 51ème congrès
de l’Association des Maires de France en 1968 suivant laquelle «Le Maire doit accepter plus de
responsabilité et revendiquer plus d’autonomie» demeure d’actualité.

Les fautes de gestion constituent un autre argument pour les partisans d’un encadrement
rigide des autorités locales. En raison des espoirs placés dans la décentralisation, espoir de

656 L’infortune réservée à cette saisine par le juge constitutionnel béninois est tout autant surprenante, la haute
juridiction s’étant déclarée incompétente au motif qu’elle est juge de la constitutionnalité et non de la légalité. V.
Décision DCC 05-128 du 06 septembre 2005.
657 Au Bénin, l’ANCB fait de l’accroissement des subventions que l’Etat accorde aux collectivités et à leurs associations,
un point de ses recommandations à l’Assemblée Nationale à l’occasion des auditions organisées pour l’examen en
commission du projet de budget général de l’Etat. L’appel à l’aide du Président de l’ANCB qui intervient après une
décennie de mise en œuvre de la décentralisation, en constitue une autre illustration : «Les moyens de déplacement des maires
nécessitent un effort de la part de l’Etat en vertu de ce que la situation de certains maires affecte négativement l’image de la commune et de
la fonction de l’élu local» ; voir ALAGBE S., Magazine La Territoriale, n° 25, Octobre 2013, p. 39.
658 PONTIER J.-M., op. cit., p. 319.

659Au Bénin, s’est instaurée une pratique de marche de remerciement organisée par certains Maires chaque fois qu’une
réalisation de l’Etat est annoncée. Cette pratique donne l’impression qu’une faveur est accordée à la commune
bénéficiaire, à la discrétion du Chef de l’Etat.

129
correction des défaillances du pouvoir central, les organes locaux n’ont pas droit à l’erreur,
du moins pas à celle reprochée à l’Etat central.

Au total, les attitudes des acteurs ainsi passées en revue affaiblissent les collectivités pendant
qu’elles renforcent la légitimité de l’Etat central. L’enjeu ici est celui de la re légitimation ou
non de la centralisation. En effet, ainsi que l’affirme, bien à propos, de TOCQUEVILLE,
«Il faut bien se persuader que les affections des hommes ne se portent en général que là où il y a de la force.
On ne voit pas l'amour de la patrie régner longtemps dans un pays conquis. L'habitant…s'attache à sa
commune, non pas tant parce qu'il y est né que parce qu'il voit dans cette commune une corporation libre et
forte dont il fait partie, et qui mérite la peine qu'on cherche à la diriger»660. La pratique contra legem,
devenue courante, des participations locales, manifeste la confusion organique.

Paragraphe 2 : Une intégration opportune pour les participations locales

Conséquence du rapport de force qui leur est défavorable, les collectivités locales
participent plus qu’il n’en faut à la réalisation des fonctions étatiques. Non seulement, cette
participation leur est imposée (A) mais aussi, elle coûte aux collectivités des contributions
financières que l’Etat ne compense pas, érodant ainsi la situation financière déjà critique
desdites collectivités (B).

A. Les participations locales, manifestation du contournement de la répartition des


compétences

Certes, aucune collectivité territoriale fut-elle étatique ne peut assurer à elle seule l’ensemble
des services publics. Mais il est nécessaire que la collaboration et la complémentarité entre
personnes publiques territoriales soient bien encadrées par le législateur pour éviter que le
tout puissant Etat central impose aux collectivités décentralisées de participer à la réalisation
de ses fonctions régaliennes (1) sans que celui-ci s’oblige à mettre en place les ressources
correspondantes (2).

660 TOCQUEVILLE Alexis (de), De la démocratie en Amérique I, p. 70.

130
1. La participation aux fonctions étatiques imposée à la collectivité locale

Le droit positif prévoit que la collectivité locale participe à certaines fonctions de nature
étatique. Par exemple, une collectivité territoriale est compétente pour mener des actions
de coopération internationale661. Dans l’ordre interne, elle intervient dans la formulation de
l’intérêt général en se prononçant sur les interventions étatiques sur sa portion de
territoire662. Les textes disposent qu’elle assure, en temps de paix, la protection civile, la
police administrative et la police des routes663. Mais il demeure que les compétences
étatiques ne sont pas négligeables, qu’il s’agisse de la définition des politiques, de la
réalisation des infrastructures d’envergure que de la mise en place des ressources humaines
qualifiées et en effectif suffisant dans les domaines de l’éducation, de la santé, etc. La prise
en charge diligente de ses compétences est indispensable à la bonne administration et au
développement équilibré du territoire national.

Face à la défaillance de l’Etat central, certaines collectivités territoriales se retrouvent dans


l’obligation de prendre en charge des compétences étatiques pour assurer, à leurs citoyens,
la fourniture de certains services, notamment dans les domaines sociaux. Ces «intrusions»
peuvent trouver leur justification dans la clause générale de compétence qui favorise
l’enchevêtrement des compétences ainsi que le note Jacques CAILLOSSE selon qui «la
clause générale de compétence peut abriter des lectures juridiques généreuses (ou, si l’on préfère, constructives)
du pouvoir des collectivités territoriales»664. Cette clause légalise l’initiative de la collectivité, au-
delà d’une liste possible de compétences.

De façon un peu plus négociée, l’Etat incite les collectivités territoriales à contribuer à
assumer ses charges à travers la mise à disposition d’immeubles pour l’installation de ses
services déconcentrés et ce, même dans ses domaines régaliens (justice, défense nationale,
enseignement supérieur) où il est difficile d’identifier un intérêt essentiellement local 665.

661 Bénin : Loi n° 97-029, art. 178 et 179.


662
Bénin : Loi n° 97-029, art. 82 et 86 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 29, al.3 et 33.

663 Bénin : Loi n° 97-029, art. 76, 77 et 101 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 81.

664CAILLOSSE J., «Repenser les responsabilités locales», Cahiers de l’Institut de la Décentralisation, 2006, n° 8, p. 16 ; voir
aussi PONTIER J.-M., «Semper manet. Sur une clause générale de compétence», Revue de droit public, n° 6, 1984.
665 Par exemple, la Mairie de Parakou a construit une infirmerie au profit de l’Université de la ville.

131
Dans le même temps et en sens inverse, l’Etat peut s’arroger aussi les compétences des
autorités locales. Maints rapports d’étude établissent l’ineffectivité des transferts de
compétences et de ressources dans la plupart des pays africains. Une évaluation 666 effectuée
en 2013 conclut qu’au Bénin de même qu’au Niger, les transferts de ressources pour exercer
les compétences transférées par la loi sont inexistants, erratiques ou irréguliers. Dans la
pratique, des pans entiers des politiques et actions de développement local continuent d’être
mises en œuvre par les administrations centrales667, au mépris de l’efficacité que postule la
subsidiarité territoriale. La rétention des ressources à transférer rend encore plus
inéquitables les participations locales qui impliquent, pour la collectivité territoriale, des
charges financières.

2. Des participations financières comme implication de l’enchevêtrement des compétences

La diversité des contextes et des modalités révèle qu’il n’y a pas une doctrine générale en
matière de participation financière des collectivités territoriales aux fonctions étatiques.
L’Etat n’a non plus adopté une politique ou une stratégie à ce sujet. Ne s’inscrivant pas
dans un cadre contractuel668 formalisé entre l’Etat et les collectivités, les conditions
d’expression de telles demandes et les modalités de mobilisation de telles participations sont
laissées à la pleine discrétion des structures centrales. A juste titre, PONTIER a fait le
constat qu’ «aucun critère ne rend compte de l’ensemble des charges supportées par les collectivités
décentralisées dans des domaines qui ne relèvent pas de leur compétence»669. Il en résulte inéluctablement

666Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique, Cities Alliance, L’environnement institutionnel des collectivités locales en
Afrique, Septembre 2013, 122 p.
667
Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique, Cities Alliance, op. cit., pp. 26-27, pp. 84-85.

668 Selon MARCOU G., «Les contrats entre l’État et les collectivités territoriales », in AJDA, 19 mai 2003, p. 985 : «Le
contrat constitue l’un des moyens de maintenir ou de créer de la cohérence dans l’action publique même dans un système où l’on a assez
largement décentralisé les compétences». Il n’empêche que la contractualisation soit perçue comme une pratique qui brouille
la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales (GROSHENS J.-C. et WALINE J., «À propos
de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003», in Mélanges Paul Amselek, Bruylant, 2005, pp. 425 et 427).

669 PONTIER J.-M., op. cit., p. 242.

132
des financements croisés670. La légitimité et la légalité de telles pratiques de participation
locale sont discutables671.

Le constituant béninois de 1990 proscrit expressément la prise en charge des dépenses de


souveraineté de l’Etat par les collectivités locales672. En outre, en constitutionnalisant la
libre administration et en renvoyant au législateur la définition de ses principes
fondamentaux, il devient évident que seule la loi peut imposer des obligations aux
collectivités territoriales. Dans leur jurisprudence, les juges constitutionnel et administratif
français convergent sur ce point. La juridiction constitutionnelle française a jugé que «le
principe d’une participation des collectivités territoriales aux dépenses de l’Etat doit être posé par la loi»673.
Quant au Conseil d’Etat, il a constamment réitéré cette position674.

Il est plausible de faire l’hypothèse que le concept de dépenses obligatoires a été institué à
cette fin. La catégorisation des dépenses locales en dépenses obligatoires et facultatives n’est
pas récente. La loi communale du 18 juillet 1837 disposait déjà en son article 30 que «Les
dépenses des communes sont obligatoires ou facultatives…». M. Ariste BOUÉ, Avocat à la Cour
Royale de Paris a commenté cet article en des termes évocateurs : «On sait ce qu’il faut entendre
par dépenses obligatoires et dépenses facultatives. Les premières sont celles que l’administration supérieure
peut imposer aux communes, si celles-ci refusent de les faire…»675.

670 Le financement croisé peut être défini comme la possibilité pour un même projet d’être financé par plusieurs
collectivités territoriales à la fois et souvent aussi par l'État. Les acteurs locaux, notamment les élus se plaignent de
cette pratique qui allonge les délais dans la prise de décision et la mise en œuvre des projets, de la perte d’efficacité qui
s’ensuit. En France, la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a souhaité
encadrer et réguler la pratique des financements croisés, sans pour autant les prohiber. La circulaire NOR :
IOCB1203166C en date du 5 avril 2012 du Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de
l’immigration en explicite les modalités.
671 Pour autant, il n’est pas aisé pour un élu de ne pas y répondre positivement.

672Les dépenses de souveraineté sont celles qui permettent à l’Etat d’exister en tant que structure indépendante vis-à-
vis des autres Etats et organisations, aussi bien internes qu’externes. Leur liste n’est pas limitativement fixée. Au
Sénégal, sont considérés comme services de souveraineté, les organes législatifs (assemblée nationale), les organes
exécutifs (présidence et primature), les organes de contrôle juridictionnel (conseil constitutionnel, cour de cassation,
cour des comptes), la grande chancellerie des ordres nationaux, les affaires étrangères et autres services de souveraineté
non classés ailleurs (voir http://www.minfinances.sn/nombudg3.html).

673 CC n° 71-70 L, 23 avril 1971.

CE, sect. 14 mai 1971, Fasquelle, Rec. 360 ; CE, Ass. 19 avril 1981, Ordre des Architectes, Rec. 198 ; CE, Ass. 21 juillet
674

1972, Singery, Rec. 555 ; CE, 24 février 1992, Ministre du budget et Ministre de l’Intérieur c/Darmuzey, Rec. 761.

675BOUÉ A., «Obligations des communes envers les fabriques», Journal historique et littéraire, T.VII, Liège, 73ème livraison,
1er mai 1840, pp. 63-67.

133
Le concept répond donc à la rigoureuse obligation pour la collectivité d’assurer la continuité
du service public. Si l’Etat ne peut être obligé que par lui-même, la collectivité territoriale
peut être contrainte par l’Etat pour assurer le fonctionnement continu du service public.
En réalité, il s’agit du transfert subtil d’un devoir -étatique à l’origine- à l’administration
locale, vu que l’Etat «mettra plus de zèle à peser sur les départements et sur les communes qu’il n’en
mettrait à organiser lui-même le service s’il était mis à sa charge»676. A ce sujet, la longueur et le
contenu des dépenses locales obligatoires sont suffisamment suggestifs677. Non seulement,
elles comportent des dépenses dont il est difficile d’établir le caractère intrinsèquement local
(protection civile, sécurité publique, etc.), mais également, elle intègre des dépenses que les
textes ont omis de mettre expressément à la charge d’autres personnes678. En outre, comme
démontré précédemment, l’intérêt local est très élastique. Par conséquent, dans la majorité
des cas, un certain intérêt local, perçu non pas au plan strictement juridique mais davantage
comme l’existence de besoins exprimés par les citoyens, peut être invoqué pour justifier
une participation locale à la fourniture d’un service. En tant que première destinataire de la
demande sociale, la collectivité locale, n’a très souvent pas le choix679.

C’est pourquoi, les administrations nationales, en sollicitant la participation locale, en


donnent une allure de bienfaisance subtilement enrobée de chantage. Le message est clair :
ou bien la collectivité accepte de contribuer et le service est réalisé sur son territoire, ou elle
refuse et il est transféré dans une autre commune. Dans d’autres cas, en face du déficit de
services étatiques, c’est plutôt la collectivité locale qui prend l’initiative et «démarche»
l’intervention de l’administration centrale680. C’est ainsi qu’on en vient à légaliser, à

676 HAURIOU M., Etudes sur la décentralisation, op. cit., p. 39.

Au Bénin, l’énumération comporte 17 tirets. Au Niger, on en dénombre 9. Bénin : Loi n° 98-007, art.17 ; Niger :
677

Ord. n° 2010-54, art.244.


678 Loi n° 98-007, art. 17, 14ème tiret : «les dépenses d'entretien et de nettoiement des rues, chemins de voirie urbaine et places publiques
situés sur le territoire de la commune et n'ayant pas fait l'objet d'un décret ou d'un arrêté de classement les mettant à la charge d'un budget
autre que celui de la commune».
679Il est certain que le citoyen imputera la carence du service aux autorités locales, les plus proches, sans se soucier
d’une quelconque répartition légale des compétences entre les personnes publiques chargées d’en assurer la livraison.
A supposer qu’il soit conscient que la fourniture dudit service relève des autorités nationales, le citoyen ne comprendrait
pas non plus que ses élus ne fassent rien, en cas de défaillance.

680A l’occasion, elle propose sa contribution à la prise en charge partielle de la réalisation ou accepte une telle modalité
sur proposition de l’administration centrale.

134
systématiser et à «couvrir d’une justification théorique ce qui ne résulte que de pratiques condamnables»681
puisqu’à l’origine de ces appels à partager les coûts de réalisation, se trouvent, soit de
difficultés financières, soit des incohérences dans la programmation budgétaire de l’Etat. Il
ne put en être autrement dès lors que l’Etat rechigne à s’adapter au nouveau contexte de
décentralisation.

B. Les normes techniques, instruments de tutelle étatique déguisée

La normalisation se définit comme «une activité propre à établir face à des problèmes réels ou
potentiels, des dispositions destinées à un usage commun et répété, visant à l’obtention du degré optimal
d’ordre dans un contexte donné»682. Plus précise est la définition française qui la considère
comme un processus qui «a pour objet de fournir des documents de référence comportant des solutions
à des problèmes techniques et commerciaux concernant des produits, biens, services qui se posent de façon
répétée dans des relations entre partenaires économiques, scientifiques, techniques et sociaux»683. Il paraît
évident que les collectivités locales feront face à ces normes techniques à plusieurs titres et
occasions : en tant que maîtres d’ouvrage lorsqu’elles passent des marchés publics, en tant
qu’employeurs ou lorsqu’elles fournissent des prestations à leurs administrés ou lorsqu’elles
agissent en tant qu’acheteurs ou investisseurs. Très nombreuses et de source exclusivement
étatique (1), elles s’imposent à elles, réduisant ainsi leurs marges d’initiatives et d’actions
dans tous les secteurs (2).

1. La prolifération de normes unilatéralement imposées par l’Etat

Le terme de normes techniques regroupe des notions qu’il convient de distinguer 684. Il
existe globalement trois régimes juridiques de normes. Il s’agit d’abord des règles techniques
de portée obligatoire, prévues par un texte à caractère législatif ou réglementaire. Il y a

681 PONTIER J.-M., op. cit., p. 263.

682 Décret n° 2002-310 du 11 juillet 2002 portant institution du système national de normalisation et de gestion de la
qualité au Bénin, art. 3. V. aussi Loi n° 2002-028 du 31 décembre 2002 instituant la normalisation, la certification et
l'accréditation au Niger.

683 Décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 fixant le statut de la normalisation en France, art. 1 er.
684 Document «établi par consensus et approuvé par un organisme reconnu qui fournit, pour des usages communs et répétés, des lignes
directrices ou des caractéristiques, pour des activités ou leur résultats, garantissant un niveau d’ordre optimal dans un contexte donné»
(Décret n° 2002-310 du 11 juillet 2002 portant institution du système national de normalisation et de gestion de la
qualité au Bénin, art. 3).

135
ensuite les normes dites professionnelles adoptées au sein des instances de normalisation
qui n’ont en principe qu’une valeur indicative et enfin les règlements techniques
discrétionnaires, édictés par exemple par les fédérations sportives.

Dans tous les secteurs de la vie nationale, l’édiction de normes et prescriptions techniques
est devenue inéluctable685. En vertu de la réglementation, il revient à l’Etat de poser les
orientations et conditions dans lesquelles les compétences locales vont s'exercer686. Ce qui
soulève nécessairement, au regard de la libre administration, la question de la source et de
l’opposabilité desdites normes.

Il faut d’emblée relever qu’il y a une confusion qui entoure la portée juridique exacte des
différentes catégories de normes techniques. En principe, l'influence des normes devrait
être fonction de la nature des actes juridiques qui les établissent. Les normes sont
impératives lorsque ces actes rentrent dans la catégorie des actes qui s'imposent
juridiquement : constitutions, traités internationaux, lois et dans une certaine mesure, actes
réglementaires. En revanche, lorsque ces actes ont un caractère infra règlementaire,
l'obligation de les observer n'est en principe pas nécessairement acquise d'un point de vue
juridique. Il faut cependant reconnaître que dans la pratique, leur influence est plus grande
que ne le laisse supposer le raisonnement juridique. Le phénomène des actes-types en est
une illustration687.

Les collectivités territoriales sont non seulement soumises aux règles techniques de façon
générale, mais également et dans certains cas, aux normes professionnelles, dans la mesure
où elles ont obligation d’y faire référence dans le cadre de leurs marchés. De surcroît et
pour répondre à la demande sociale de sécurité et de sûreté, les élus sont amenés à

685Le champ couvert par les normes continue de s’étendre pour des raisons diverses tenant non seulement à la
standardisation liée au développement des échanges commerciaux, mais aussi à la sécurité des personnes, à la protection
de l’environnement ou encore à la santé publique, etc.
686Bénin : art. 54 de la Const., Loi n° 97-029, art. 84, 108 ; Niger : art.76 de la Const., Ord. n° 2010-54, art. 6, art. 165.
Les Etats renvoient de plus en plus aux normes pour fixer le détail des dispositions qu’ils entendent appliquer,
notamment en matière de sécurité, d’environnement, de protection des travailleurs et des consommateurs. Sont de
plus en plus touchés, le tourisme, les transports, l’aménagement urbain, etc.

687 Selon RONGERE P., Le procédé de l’acte type, Paris, LGDJ, 1968, p.1, c’est «L’hypothèse dans laquelle l’auteur d’un acte
juridique, qu’il soit une autorité administrative ou privée, est invité, pour la rédaction de cet acte, à reproduire le texte d’un modèle établi
par un tiers».

136
s’entourer du plus grand nombre possible de garanties. Par conséquent, ils cherchent
volontiers à satisfaire à des normes et références techniques qui ne leur sont pas opposables
en droit. Cette modalité dite de tutelle technique et les procédés qu’elle recouvre se
développent, presque en marge du droit688. Il est remarquable que, malgré leur importance
dans l’action publique, plusieurs documents considérés comme sources de normes
administratives ne sont souvent pas codifiées689. C’est inférer que de telles orientations
sectorielles et normes techniques ne sont pas des actes véritablement juridiques. Pour
autant, elles ne constituent pas moins, de fait, des instruments de mise en œuvre des
prérogatives de l’Etat. Or, la libre administration ne saurait s’accomplir au préjudice de
celles-ci690.

Au-delà d’être souvent contenues dans de simples documents non revêtus de portée
juridique véritable, ces normes sont unilatéralement établies par l’administration d’Etat alors
même que ce sont les collectivités qui en assurent la mise en œuvre et en supportent les
incidences financières691. L’omission de l’implication des collectivités est symptomatique de
leur exclusion de l’établissement des normes auxquelles est soumise l’action publique692. On

688Le concept de tutelle technique s’appréhende comme un ensemble de procédures qui résultent d’une «génération
spontanée de normes…auxquelles les services sont tentés de donner une valeur identique à celle des textes à caractère réglementaire» (v.
BOUZELY J.-C., «L’allègement des tutelles techniques sur les collectivités locales», Monit. trav. publ., 3 mai 1982).
689C’est le cas des politiques et stratégies nationales qui sont considérées comme de simples documents techniques et
qui ne sont souvent pas revêtue de la force juridique qui les rendent opposables à des organismes décentralisés.

690 Conseil Constitutionnel français, Décision n° 82-137 DC du 25 février 1982 : «Si la loi peut fixer les conditions de la libre
administration des collectivités territoriales, c’est sous la réserve qu’il respecte les prérogatives de l’Etat qui ne peuvent être ni restreintes ni
privées d’effets, même temporairement».
691Les collectivités supportent les coûts de la mise aux normes, sans avoir ni contribution ni prise sur le processus de
décision. L’effet inflationniste des normes pèse sur les finances locales. En France par exemple, la Commission
Consultative d’Evaluation des Normes (CCEN) a estimé le coût cumulé pour les collectivités des textes qui lui sont
soumis de septembre 2008 à décembre 2012 à 3,92 Mds € contre seulement 1,05 Mds € d’économies. Partant, la
normalisation administrative constitue un enjeu de soutenabilité des finances locales. Faisant suite aux
recommandations du rapport de MM. LAMBERT et BOULARD sur la lutte contre l’inflation normative, le
gouvernement a décidé que les évaluations préalables à l’ensemble des textes règlementaires seraient généralisées et
renforcées pour mieux prendre en compte l’impact financier des textes sur les collectivités territoriales.
692Le Décret n° 2002-310 du 11 juillet 2002 portant institution du système national de normalisation et de gestion de
la qualité au Bénin ne mentionne nulle part une participation quelconque des collectivités aux différentes instances
prévues.

137
peut en dire autant du processus de programmation du développement693. Les normes de
construction des édifices publics n’y échappent pas694.

Ce procédé subtil de reprise en main par l’Etat des affaires locales, à travers la normalisation,
compromet l’autonomie des organes et l’efficacité que celle-ci est supposée imprimer aux
administrations locales.

2. La remise en cause de la séparation et de l’autonomie des organes

Des structures étatiques sont créées avec pour mission l’élaboration des politiques et
stratégies et l’accompagnement des processus de décentralisation 695. Cet ensemble
d'organismes a, certes, une mission d'assistance aux collectivités territoriales décentralisées
mais, ils sont aussi devenus le reflet d'une véritable tutelle. En effet, par le truchement de
sa mission permanente d'assistance et de coordination, l'Etat se réserve un droit de regard
sur les aspirations des populations locales dont il devient juge de l'opportunité. Dans la
pratique, la mission d'assistance et d'information qui est assignée à ces organisations se
transforme subrepticement en un pouvoir d'instruction. Souvent, elles s’ingèrent dans la
définition des orientations et l’établissement par le biais de canevas. Les administrations
d’Etat prirent ainsi l’habitude d’intervenir sous la forme de circulaires, directives, guides,
etc. qui, sans dessaisir, au moins en théorie, les autorités locales, contribuent à limiter leurs
pouvoirs de manière significative.

Cette tutelle technique génère des contraintes qui peuvent peser sur les élus locaux de façon
insidieuse et qui sont susceptibles d’aboutir à un véritable dessaisissement des autorités

693 Les notes méthodologiques pour l’élaboration de la stratégie béninoise de croissance pour la réduction de la pauvreté
et de son plan d’actions prioritaires révèlent que l’implication des collectivités territoriales est superficielle. (BENIN,
Stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté 2010-2015. Note conceptuelle, Août 2009, p. 18 ; Orientations
pour l’élaboration du programme d’actions prioritaires (PAP) de la SCRP 3, Août 2010, p. 6).

694Dans certaines communes notamment dans le département de l’Alibori, le respect de ces normes dites EQF (école
de qualité fondamentale) ne conviennent pas au climat surtout en saison sèche, en raison des températures
extrêmement élevées.

695Au Bénin, on peut citer, entre autres, le Comité Interministériel de Pilotage de la Politique Nationale de
Décentralisation, la Direction Générale de la Décentralisation et de la Gouvernance Locale, la Commission Nationale
des Finances Locales, la Commission Nationale de Coopération Décentralisée, la Commission de Transferts des
Compétences, Le Centre de Formation à l’Administration Locale (CeFAL), le Programme de Micro-projets à Impact
Local dans les communes.

138
locales au profit de techniciens de l’Etat696. Il en résulte une récupération technocratique
qui fait courir le risque de vider de tous leurs contenus les compétences et l’autonomie
locales, au nom de la coordination stratégique et de la compétence technique des services
de l’Etat. C’est un phénomène connu et dénoncé de longue date. HAURIOU avait déjà
critiqué cette pratique qu’il a appelée «tutelle réglementaire»697. GREMION l’explique par la
tendance qu’a l’Etat de vouloir tout régir698. En France, le rapport GUICHARD dénonçait,
dès 1976, la prolifération incontrôlée des normes techniques auxquelles devraient se
soumettre les autorités locales et les identifiaient comme «l’une des causes les plus certaines -encore
que la moins connue- de la dépendance des collectivités locales» et conclut que l’administration centrale
peut ainsi «vider de tout contenu réel des mesures de déconcentration et de décentralisation»699. Il s’agit
donc de manifestations d’une tutelle indirecte qui représente «une des formes les plus insidieuses
du centralisme bureaucratique»700.

Si au plan technique, une norme convient, elle peut se trouver financièrement inadaptée.
En effet, le coût d’une norme comporte plus que les charges directes liées à sa production.
Il inclut également la dépense liée à la mise aux normes de l’existant -et c’est ce qui interpelle
les collectivités locales701- qui peut comprendre l’équipement, la formation des agents, etc.
L’entrée en vigueur d’une norme nouvelle engendrera inéluctablement des coûts
d’adaptation pour les collectivités locales. Il est de bonne méthode qu’un délai leur soit
laissé pour se mettre aux normes. En ménageant du temps pour la réflexion et la

Les achats des collectivités locales se concentrent à environ 80 % sur les branches du bâtiment, du génie civil, du
696

matériel électrique et électronique.

697 HAURIOU A., Précis de droit administratif, Paris, Sirey, 1933, 12ème éd., p.66.
698 GREMION P., WORMS J.-P., «L’Etat et les collectivités locales», Esprit, Janvier 1970, p.23 : «Chaque fois qu’une
initiative paraît localement, dans quelque domaine que ce soit, l’Etat n’a de cesse, soit de la faire rentrer dans le cadre de la réglementation
existante, soit de créer une nouvelle réglementation destinée à canaliser toutes les initiatives analogues dans un moule commun».
699 SENAT (France), Vivre ensemble, Paris, La documentation française, 1976, p. 10. En des termes suffisamment
expressifs, le rapport expose que «La situation d’aujourd’hui, c’est d’abord un Etat qui a absorbé en lui presque toute la substance
administrative ; l’Etat en effet s’est englué dans le quotidien. Ainsi pris, l’Etat n’a souvent ni le temps ni le recul suffisant pour jouer le jeu
que la collectivité attend de lui : surveiller les grands équilibres, poser les règles de la vie en société, en contrôler le respect. En revanche, il
s’est substitué au rôle normal des collectivités locales».

700 AUBY J.-F., «La commune et la loi du 2 mars 1982», AJDA, 20 mai 1982, p. 310.
701 Il aété par exemple révélé que «les dépenses liées aux investissements environnementaux sont fortement concentrées sur les collectivités
locales, notamment dans le secteur de l’eau et des déchets». Voir LITVAN David, «Les coûts de la réglementation
environnementale», Regards sur l’actualité, mai 1997, La documentation française, pp. 41-53.

139
concertation en amont, l’acceptation des investissements à effectuer sera facilitée et la
sensibilité fiscale de telles dépenses, atténuée. Dans un Etat décentralisé, un tel processus
ne peut être concluant sans qu’y soient associés les organes autonomes de proximité qui en
sont les destinataires.

SECTION 2 : L’HYPER PRESENCE DE L’ETAT, REMISE EN CAUSE DE L’AUTONOMIE ORGANIQUE

Le contrôle est un élément de définition de la décentralisation702. Le Pr Pascal


COMBEAU fait constater que, «Le contrôle, c’est ce qui reste quand l’administration recule»703. C’est
son existence, dans les rapports entre Etat et collectivités locales, qui distingue la
décentralisation des formes avancées d’autonomie telle que la fédération. Le principe de
contrôle ne suscite donc pas pour autant de polémique 704. Il en est autrement de la tutelle
administrative, souvent mise en œuvre a priori. L’usage massif et la préférence de
l’expression tutelle au terme contrôle dans les textes de lois n’est pas innocent705. Le législateur
a semblé vouloir échapper à la confusion relevée par Pierre GUIDONI, alors 1er Vice-
Président de l’Assemblée Nationale française, qui affirmait : «La tutelle est une chose et le contrôle
administratif en est une autre…Nous tenons à établir une distinction entre des deux aspects d’une même
réalité, certes, mais qui ont été trop longtemps confondus»706. Le législateur, dans l’exercice du mandat
constitutionnel de détermination des principes fondamentaux de la libre administration, a
institué la tutelle qui comporte une tutelle sur les organes. Cette tutelle organique consacre
un certain interventionnisme étatique dans le fonctionnement des organes locaux
(Paragraphe 1) qui peut prendre la forme d’une sanction administrative (Paragraphe 2).

702 de LAUBADERE A. le retient parmi les trois critères de la décentralisation.

703 COMBEAU P., Le contrôle de l’Etat sur les collectivités territoriales aujourd’hui, op. cit., p.1.
704 COMBEAU P., ibidem. Chacun s’accorde à y voir «le dernier rempart de protection et d’identification de l’Etat unitaire».

705Le mot tutelle a été utilisé à 81 reprises (contre 31 pour «contrôle») dans le Code Général des Collectivités
Territoriales du Niger et à 44 reprises (contre 11 pour «contrôle») dans l’ensemble des six lois régissant la
décentralisation au Bénin.

706 GUIDONI P., J.O., Débats, Assemblée Nationale, 27 juillet 1981, p.328.

140
Paragraphe 1 : L’interventionnisme de l’Etat dans le fonctionnement des organes
locaux

KELSEN affirmait que la décentralisation ne pouvait exister dans un ordre juridique donné
que sous la condition d’un minimum de centralisation 707. Ceci justifie un certain
encadrement législatif de l’organisation et du fonctionnement des collectivités qui devrait
garantir le respect du principe constitutionnel de libre administration. L’application
règlementaire tolère une certaine présence de l’autorité de tutelle dans le processus de mise
en place (A) et le fonctionnement des organes locaux (B) qui soulèvent des inquiétudes liées
à leur impact sur leur autonomie organique.

A. Une présence suspecte dans la mise en place des organes

Le pouvoir d’installation conféré à l’autorité de tutelle ne paraît pas être un bon présage
pour l’autonomie des organes élus (1). En outre, se fondant sur la nécessité d’une présence,
ne fut-ce que passive, au cours de l’élection des organes en vue de permettre au représentant
de l’Etat de remplir convenablement son mandat tutélaire, le ministère béninois en charge
de la décentralisation a pris la circulaire n° 0163/MISD/DC/SG/DGAT du 17 janvier
2003 qui est manifestement illégale même si les directives qu’elles instituent ne seraient pas
de nature à faire obstacle au déroulement transparent des votes (2).

1. Le pouvoir d’installation, un présage à la hiérarchisation des rapports

Les conseils des collectivités territoriales sont installés par le représentant de l’Etat, autorité
de tutelle708. Au Niger, c’est lui qui en dresse même le procès-verbal. Mais une fois le conseil
installé, sa mission devrait être terminée. L’élection du maire est conduite par le bureau
d’âge du conseil709. Mais la réalité diffère. En effet, l’autorité de tutelle assiste ou se fait
représenter à l’élection du maire et de ses adjoints. Dans certains cas, l’autorité en a même
supervisé le déroulement et a apposé sa signature sur le procès-verbal du vote. C’est là que
pourraient se manifester les interférences : demandes intempestives de suspension, menaces

707
KELSEN H. cité par EISENMANN Ch., Centralisation et décentralisation, Paris, LGDJ, 1948, p. 161.
708 Bénin : Loi n° 97-029, art. 14 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 53.

709Bénin : Loi n° 97-029, art. 17 et Décret n° 2001-414 du 15 octobre 2001 fixant le cadre général du Règlement
Intérieur du conseil communal au Bénin ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 53, al. 3.

141
de non approbation de l’élection, etc. Le juge béninois en a reconnu l’illégalité en des termes
non équivoques : «Considérant…qu’il ressort en effet du procès-verbal établi que Monsieur …, Préfet
des Départements…y a apposé sa signature en qualité de superviseur, contrairement aux dispositions de
l’article 41, alinéa 3 de la Loi n° 97-029 du 15 janvier 1999 et…qui réservent cette qualité au seul
bureau d’âge ; qu’il s’agit là d’une violation flagrante desdites dispositions…» 710.

Une fois le conseil installé, son fonctionnement est assuré par son président. C’est l’exécutif
qui convoque et qui en préside les sessions711. Il convoque les sessions soit de sa propre
initiative et conformément aux dispositions légales y afférentes ou sur demande de la
majorité absolue du conseil. Le législateur béninois prévoit que l’exécutif communal
convoque la session «en cas de prescription de l'autorité de tutelle»712.

En outre, l’autorité de tutelle joue un rôle dans la résolution des cas de démission,
d’incompatibilités et de destitution du maire et de ses adjoints 713. Or, en administration, il
est une coutume établie que c’est le supérieur qui installe, qui démet ou qui reçoit démission.
Les dispositions susvisées pourraient constituer un conditionnement psychologique qui
prépare l’élu local à une certaine subordination plutôt qu’à la libre administration, voulue
par le constituant. Ainsi, des Préfets ont pu se permettre, sans raison objective et en
violation des textes, de bloquer la destitution d’un maire en ne convoquant pas la session
extraordinaire devant connaître de la motion de défiance entravant ainsi le bon
fonctionnement de l’organe délibérant714. De même, usant de la faculté que lui accorde le
législateur, le pouvoir central s’est refusé à dissoudre un conseil communal non fonctionnel
pour plus de six mois, laissant l’administration de la commune au bon gré du seul exécutif715.

710 Arrêt n° 002/CA/ECM du 05 février 2004, Cour Suprême (Bénin), op. cit., p. 836.
711 Bénin : Loi n° 97-029, art. 15 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 78.

712 Bénin : Loi n° 97-029, art. 17, al. 2.


713 Bénin : Loi n° 97-029, art. 50 à 52 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 41.

714Bénin : Loi n° 97-029, art. 53 ; Décret n° 2005-376 du 23 juin 2005 fixant les modalités de destitution du Maire, art.
7 et 8 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 67.

715Bénin : Loi n° 97-029, art. 154. Le conseil communal de Natitingou (Bénin), en raison d’une crise interne, ne s’est
pas réuni entre 2006 et 2008.

142
2. Une interférence tolérée par le juge administratif béninois

Plusieurs contestations ont été élevées contre de prétendues interférences des autorités de
tutelle dans les opérations de désignations internes des autorités par les organes locaux. En
conséquence, la partialité de l’autorité de tutelle a été incriminée par plusieurs requérants
qui ont pu solliciter l’annulation de l’élection d’exécutifs communaux au motif que la
présence de représentants de l’autorité de tutelle dans la salle de vote a «affligé les conditions
d’un vote libre et secret»716. L’occasion a été ainsi donnée au juge de la sincérité du scrutin local
au Bénin d’indiquer, dans l’Arrêt n° 002/CA/ECM du 05 février 2004, que même si «les
directives contenues dans la Circulaire n° 0163/MISD/DC/SG/DGAT du 17 janvier 2003 et
partant, les divers comportements fondés sur elles, sont radicalement illégaux», une telle illégalité
résultant par exemple de la simple présence passive de l’autorité de tutelle ou de ses
représentants «ne présente pas de caractère substantiel» qui puisse «porter atteinte à la sincérité du
vote»717.

En l’espèce, la solution du juge administratif, juge du contentieux des élections


communales, paraît discutable. Un recours à l’énoncé de l’argumentaire autorise une telle
analyse. Pour expliquer le rejet du moyen tiré de l’illégalité reconnue par elle de la circulaire
du 17 janvier 2003, la Chambre administrative de la Cour suprême béninoise argumente
qu’elle «n’est pas juge, à proprement parler, de la légalité, mais plutôt juge de la sincérité du scrutin».

Cet argumentaire paraît curieux d’autant plus que c’est justement parce que le juge
administratif est juge de la légalité administrative qu’il lui est confié le contentieux des
élections locales qui sont, à la différence des autres scrutins, plus administratives que
politiques. Ayant reconnu qu’en limitant le rôle de l’autorité de tutelle à la seule installation
du conseil communal, le législateur a entendu «créer les conditions d’une élection transparente,
honnête et sans influence de la part de qui que ce soit», le juge aurait pu être plus ferme en écartant
la présence, fut-elle passive, de l’autorité de tutelle ou de son représentant au cours des
opérations de vote.

716Arrêt n° 349/CA/ECM du 31 juillet 2003, Cour Suprême (Bénin), Contentieux des élections locales, Décembre 2002 et
Janvier 2003, Recueil des arrêts, Direction des Etudes et de la Documentation, Cotonou, 2007, pp. 769.
717 Cour Suprême (Bénin), op. cit., pp. 836 et 837.

143
Etant à une première expérience d’élections locales démocratiques, le contexte était propice
et offrait au juge l’opportunité de contribuer à la réalisation du projet décentralisateur du
constituant. Au-delà de la lettre des dispositions légales, un arrêt du juge tendant à proscrire
la présence ou la représentation de l’autorité de tutelle, aurait renforcé l’esprit des textes qui
demeure l’autonomie des organes d’administration des collectivités territoriales vis-à-vis de
l’exécutif et de ses démembrements. Les décisions rendues par le juge administratif béninois
à ce sujet n’apportent ni l’éclairage juridique attendu ni l’assurance nécessaire à la protection
judiciaire de la libre administration.

B. Le pouvoir de substitution de l’autorité de tutelle au Bénin

Gérard CORNU définit la substitution comme une «forme de tutelle dans laquelle l’autorité chargée
de celle-ci peut se substituer à l’autorité décentralisée, préalablement mise en demeure, pour prendre à la place
de cette dernière une décision qu’elle s’est refusé à prendre alors qu’elle y était légalement tenue»718. Le
législateur a fixé les conditions dans lesquelles l’autorité de tutelle est autorisée à se
substituer à la collectivité territoriale (1). Il aurait pu être pensé qu’elle n’est applicable
qu’aux domaines de compétences déléguées. Les dispositions législatives ouvrent son
champ d’application à l’ensemble des compétences communales (2).

1. Les conditions de substitution de l’autorité de tutelle

Le législateur donne au représentant de l’Etat le pouvoir de se substituer à l’autorité locale


sous certaines conditions719. Si le souci d’encadrer l’exercice du pouvoir de substitution
semble transparaître, il demeure qu’un tel pouvoir, fut-il exceptionnel, conféré à une
autorité de tutelle qui est avant tout une autorité politique non élue et non judiciaire peut
constituer une menace à la libre administration des collectivités territoriales720.

718
CORNU G., op. cit., p. 985.

719
Loi n° 97-029, art.149 : «En cas d’inexécution par les autorités communales des mesures prescrites par les lois et règlements, l’autorité
de tutelle, après mise en demeure restée sans suite, se substitue à elles et prend toutes mesures utiles».
720
Contrairement à la pratique dans certains pays, les Préfets ne constituent pas un corps d’administration, avec des
exigences de formation et de déontologie. Le projet de loi devant instituer le corps des préfets n’est pas encore examiné
par l’Assemblée Nationale. Contrairement aux textes en vigueur, au 31 décembre 2013, seulement 2/6 préfets sont des
Administrateurs Civils contre une norme de 4/5.

144
Il résulte de la définition qu’au moins quatre (4) conditions doivent être cumulativement
réunies avant tout recours à la substitution :

- elle doit être prévue explicitement par la loi ;


- il doit y avoir eu mise en demeure préalable de l’autorité substituante ;
- l’autorité substituée doit être en situation de compétence liée ;
- il doit avoir refus d’agir de la part de l’autorité substituée.

Nonobstant ces précautions, pour René CHAPUS, «c'est un pouvoir remarquable parce qu'il
permet à l'autorité de tutelle de s'ingérer de façon particulièrement marquée dans les affaires de l'institution
décentralisée, et en même temps de faire beaucoup plus que ce qui est permis au supérieur hiérarchique»721.
Dans le même sens, Martin FINKEN y voit «l'étape suprême de l'exercice de la tutelle»722. Le
contexte d’apparition de ce pouvoir révèle sa vraie nature de pouvoir particulier qui n’est,
ni d’ordre hiérarchique, ni d’ordre tutélaire. Pour Benoît PLESSIX, le pouvoir de
substitution d’action ne tire son fondement, ni de la déconcentration, ni de la
décentralisation. En tant que tel, il ne doit pas être compris comme une limite à la libre
administration723.

Le rapport sur la loi du 18 juillet 1837 qui institua pour la première fois le pouvoir de
substitution724 motivait en ces termes : «Le principe de l’article est juste…Si un maire refuse de faire
un acte, en cas de refus ou de négligence, il faut que l’autorité supérieure puisse y procéder à son défaut ;
l’exécution des lois ne peut être suspendue par la résistance d’un simple fonctionnaire…»725. Les
substantifs utilisés illustrent bien qu’à cette époque, le législateur était encore loin
d’institutionnaliser la libre administration au profit des collectivités territoriales.

721 CHAPUS R., Droit administratif général, t. 1, 13ème éd, Paris, Montchrestien, Août 1999, p. 390.
722 FINKEN M., Commune et gestion municipale au Cameroun : Institutions municipales, Finances et budget, Gestion locale,
Interventions municipales, Yaoundé, Presse du Groupe Saint François, 1996, p. 108.

723PLESSIX B., «Le pouvoir de substitution d’action» in COMBEAU P., op. cit., p. 67 : «Il n’est pas davantage un moyen du
pouvoir hiérarchique qu’il n’est une modalité du pouvoir de tutelle».

724 Pascal COMBEAU, Les contrôles de l’Etat sur les collectivités territoriales aujourd’hui, p. 68, indique que la teneur de cet
article 15 «fut reprise presque mot pour mot par la loi municipale de 1884». L’article 85 de ladite loi dispose : «Dans le cas où le
maire refuserait de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi, le Préfet peut, après l’en avoir requis, y procéder d’office par lui-même
ou par un délégué spécial».

725 Cité par VARANGOT A., La substitution du préfet ou du sous-préfet au Maire, Thèse, Paris, Monchrestien, p. 11.

145
2. Une prérogative insuffisamment clarifiée

Il a été démontré que le pouvoir de substitution vise à parer au déni d’administration 726.
Mais là où subsiste une certaine confusion, c’est de charger les représentants du pouvoir
exécutif d’assurer la bonne exécution des lois et règlements sans délimiter clairement le
champ de cette intervention. Au Bénin, par-delà les dispositions des articles 78, 162 et 170
de la Loi n° 97-029, les articles 149 et 152 de la même loi ouvrent le champ d’intervention
du recours au pouvoir de substitution à toutes les matières. Aussi bien les délibérations du
conseil que les actes de l’exécutif sont concernés. En outre, le législateur ne prescrit pas de
délai entre la mise en demeure et la substitution. Enfin, compte ne semble pas être tenu de
l’intérêt local.

Le postulat qui préside à ce mécanisme tend à faire du représentant de l’Etat le gardien


vertueux de la légalité républicaine et de l’intérêt général. Certes, la lecture du Décret n°
2005-373 pourrait laisser penser à la délimitation du champ d’application de la substitution.
Puisqu’un décret ne peut modifier une loi, il devient clair que ledit décret n’a fait que
préciser les modalités d’exercice du pouvoir de substitution du Préfet dans des domaines
pour lesquels il a été jugé nécessaire de le faire727. De telles stipulations comminatoires sont
fondées sur l’hypothèse qu’en face de l’inaction de l’administration locale, l’administration
d’Etat constitue le recours le plus approprié, ce qui reste largement discutable. En effet, il
arrive que les intérêts politiques du pouvoir exécutif soient trop vite assimilés à l’intérêt
général et qu’un refus d’agir, objectivement légal et bénéfique pour le citoyen et la
collectivité soit à dessein interprété par le représentant de l’exécutif comme une violation
de la légalité ou une méconnaissance de l’intérêt général.

726LAFERRIERE F., Cours théorique et pratique de droit public et administratif, Paris, Cotillon, 4ème éd., 1854, T.II, pp. 670-
671 cité par Pascal COMBEAU, op. cit., p. 68. ; VEDEL Georges, DEVOLVE P., Droit administratif, Paris, PUF, 12ème
éd., T.I, p. 29.

727 Décret n° 2005-373 du 25 juin 2005 fixant modalités d’exercice du pouvoir de substitution du Préfet s’est appesanti
sur trois matières : police administrative, recours d’un contribuable de la commune et budget communal. Mais l’article
1er dispose que «Conformément aux dispositions de l’article 149 de la loi n° 97-029 du 15 janvier 1999, l’exercice du pouvoir de
substitution intervient d’une façon générale en cas de non-exécution, par les autorités communales, des mesures prescrites par les lois et
règlements».

146
En raison du pluralisme territorial et de l’altérité entre l’Etat et la collectivité, il peut advenir
que les représentations de l’intérêt général, par les autorités locales d’une part et par les
autorités nationales d’autre part, diffèrent sans qu’il n’y ait nécessairement violation des
textes de loi. Ceci peut simplement procéder de la divergence d’intérêts728. Le respect de la
libre administration des collectivités territoriales commande que ce soit une partie non
«intéressée», en l’occurrence le juge, qui assure la garde et départage, surtout qu’il est de son
office de dire le droit. Ainsi dispose le législateur nigérien. Au cas où le conseil communal
rejette ou ne réagit pas à la demande de retrait d’une délibération ou d’un acte , la juridiction
administrative compétente est saisie729.

Paragraphe 2 : Le pouvoir inattendu de sanction de l’autorité étatique

Ce qui caractérise une collectivité décentralisée, c’est son affranchissement vis-à-vis du


pouvoir central. Un tel affranchissement n’est envisageable que si les organes échappent à
toute tutelle pesante susceptible de les menacer dans l’exercice de leurs prérogatives. Le
pouvoir de sanction administrative conféré au pouvoir central et, dans une certaine mesure,
à l’autorité de tutelle sur les organes locaux élus n’a donc pas manqué d’alimenter des
controverses. Cerner la vraie nature d’une telle compétence (A) constitue un préalable à
l’appréciation de sa compatibilité avec l’esprit libéral dont procède le principe
constitutionnel de la libre administration (B).

A. Le pouvoir de sanction, un pouvoir ambigu

La sanction est «une punition, une peine infligée par une autorité à l’auteur d’une infraction». Elle est
dite administrative lorsqu’elle «réprime l’inexécution de lois ou de règlementations»730. Les organes
délibérants et exécutifs des collectivités territoriales peuvent être sanctionnés. L’exécutif
peut être révoqué ; le conseil peut être dissout731. Les conseillers peuvent aussi être démis732.
Est-ce l’exercice du pouvoir de contrôle de légalité qui s’étend à la sanction ou s’agit-il d’un

728 LABOULAYE E., Questions constitutionnelles, Paris, Charpentier, 1873, pp. 61-62 : «Il existe en tout Etat un certain nombre
de pouvoirs distincts de leur nature, parce qu’ils représentent des forces diverses ; leur confusion est fatale à la liberté parce qu’elle entraîne le
sacrifice injuste et violent de quelqu’un des grands intérêts de la société».

729 Ord. n° 2010-54, art. 314 et 315.


730 CORNU G., op. cit., p. 933.

731 Bénin : Loi n° 97-029, art. 54 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 42, 48 ; Bénin : Loi n° 97-029, art. 154.
732 Bénin : Loi n° 97-029, art. 26 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 42.

147
pouvoir distinct, voire hiérarchique? Les positions de la doctrine distinguent hiérarchie et
tutelle (1). Le législateur semble vouloir nuancer les deux compétences : le pouvoir indirect
de sanction conféré à l’autorité de tutelle n’est pas lié à sa prérogative de contrôle de la
légalité mais à celle de régulation du fonctionnement des organes locaux (2).

1. Les positions convergentes de la doctrine

Il paraît surprenant de prévoir qu’une autorité élue ayant pour mandat d’assurer la libre
administration de sa collectivité territoriale puisse être soumise à une sanction de nature
administrative de la part de l’autorité étatique. A l’appui de cette disposition, il a été mis en
avant, le double statut d’élu et de représentant de l’Etat du maire. Dans ses fonctions de
représentant de l’Etat, le maire devient un fonctionnaire dont le responsable hiérarchique
est le Préfet. Si l’argumentaire ne manque pas de logique, il convient de s’interroger sur
l’impératif de rendre prépondérant le statut de responsable administratif plutôt que celui
d’élu. HAURIOU fournit une justification. A propos de la tutelle des communes, il écrivait :
«le contrôle est très énergique ; à certains points de vue, il a été aggravé par la loi de 1884, et c’est un peu
la conséquence de ce que le maire n’est plus choisi par le gouvernement, il faut bien assurer d’une façon ou
d’une autre la subordination de la commune à l’Etat»733.

L’examen de la doctrine dominante révèle que le pouvoir disciplinaire rend plus compte
des pouvoirs de sanction que détiennent les autorités étatiques sur les collectivités
décentralisées. WALINE avait prévenu que «le domaine d'application du pouvoir disciplinaire est
donc plus large que celui du pouvoir hiérarchique»734. En effet, le pouvoir de sanction se manifeste
dans toute institution, abstraction faite de sa nature hiérarchique ou tutélaire. Il vise à
«assurer le maintien de la discipline en son sein»735, la discipline se définissant comme «l'ensemble
des obligations auxquelles les membres d'une institution sont assujettis conformément aux exigences de ses
finalités et pour en permettre l'accomplissement»736. La compréhension que suggère DUGUIT ne
manque pas d’intérêt ; il considérait le pouvoir disciplinaire comme «la sanction du pouvoir de

733 HAURIOU M., Précis de Droit administratif et de droit public, Dalloz, Paris, 2004 12ème éd.), p. 221 et suivantes.
734
WALINE M., Droit administratif, Sirey, 1957, 7e éd., n° 1419.
735 MOURGEON J., La répression administrative, LGDJ, 1967, BDP, T. 75.

736 MOURGEON J., op. cit., p. 53 ; v. aussi CORNU Gérard, op. cit., p. 348.

148
surveillance qui appartient à l'administration supérieure sur les fonctionnaires subordonnés pour garantir
l'accomplissement par eux de leurs obligations fonctionnelles». Il s’est en outre empressé de préciser
qu’une telle surveillance «peut s'exercer sur tous les agents sans distinction, quel que soit leur mode de
nomination, quelles que soient la nature et l'étendue de leurs attributions, sur les agents nommés et les agents
élus»737. La discipline est indispensable pour le fonctionnement de toute institution, peu
importe qu’elle soit centrale, déconcentrée ou décentralisée. Conséquemment, le pouvoir
de sanction n’est pas lié à «l’opposition classique entre les pouvoirs hiérarchique et de tutelle»738.

La question rejoint celle de la nature des rapports entre l’Etat et les collectivités
décentralisées. Pour André de LAUBADERE : «L’agent soumis au pouvoir hiérarchique est
constamment et pour la totalité de son activité, placé sous le contrôle de son supérieur. Il n’y a pas de zone
d’activité pour laquelle celui-ci ne puisse imposer son point de vue sur le sens des mesures à prendre». Pour
lui, la différence fondamentale entre hiérarchie et tutelle réside dans le caractère de droit
commun de la hiérarchie, opposé au caractère exceptionnel de la tutelle. VEDEL aussi
perçoit en la hiérarchie un pouvoir inconditionnel alors que la tutelle met en œuvre un
pouvoir conditionné.

Sur les procédés de mise en œuvre, la tutelle exclut les pouvoirs d’instruction et de
réformation. A ce sujet, deux positions se sont exprimées dans la doctrine. Pour certains,
c’est la réformation qu’il faut exclure car elle «est incompatible avec l’idée de décentralisation et
lorsqu’elle se rencontre, on ne saurait plus parler de tutelle mais de hiérarchie»739. Telle semble être la
position de HAURIOU pour qui le droit de réformation constitue une différence
caractéristique entre le pouvoir de tutelle et le pouvoir hiérarchique740. D’autres auteurs
épousent cette conception741.

Cette thèse concède que les instructions préalables, les approbations et les annulations sont
des procédés normaux de mise en œuvre du pouvoir de tutelle. Lesdits procédés ne

737 DUGUIT L., Traité de droit constitutionnel, De Boccard, 1930, t. 3, 3ème éd., p. 272.

738 SEILLER B., «Le pouvoir disciplinaire sur les maires», AJDA, 2004, p.1637.
739
MASPETIOL R., LAROQUE P., La tutelle administrative, Paris, Sirey, 1930, p. 270.

740 HAURIOU M., op. cit., p. 38.

741 JEZE G., ROLLAND, BOULOUIS.

149
constituent-ils pas des moyens subtils de réformation ? Une réponse affirmative n’est pas
moins pertinente, le résultat étant le même quant au fond, c’est-à-dire, faire prévaloir la
prétention de l’autorité de tutelle, sans l’intervention d’un juge.

2. Les interprétations divergentes de la présentation matérielle des textes

Les ambigüités proviennent de l’ordre dans lequel certaines dispositions sont présentées
dans la loi. Ainsi, dans la Loi n° 97-029, les sanctions prévues à l’encontre de l’exécutif
communal et des conseillers se retrouvent dans le Titre 2 relatif à l’organisation, au
fonctionnement et aux compétences des communes (chapitre 2 consacré au statut et aux
attributions du maire et de ses adjoints) 742. Il en est ainsi de l’Ord. n° 2010-54. La question
y est abordée dans la partie relative au fonctionnement du conseil743. Il pourrait être conclu
que le pouvoir de sanction ne relève pas directement de l’exercice du pouvoir de tutelle.
Une telle conclusion est sous-tendue, d’une part par les articles 142 et 143 de la Loi n° 97-
029 au terme desquels la tutelle comporte deux fonctions et d’autre part, par la limitation
de la compétence de l’autorité de tutelle qui ne peut prononcer d’office, la suspension ou la
révocation744. En effet, la loi l’oblige à rendre compte au ministre en charge des collectivités
territoriales.

La confusion peut s’expliquer par le positionnement dans les textes des articles relatifs aux
sanctions à l’encontre du conseil élu. Le législateur béninois l’insère dans le Titre V relatif à
la tutelle administrative (Chapitre III consacré à la suspension et à la dissolution de tout le
conseil). Le code nigérien des collectivités territoriales l’évoque à son article 321 tout en
renvoyant au livre II (Des collectivités territoriales et de leurs organes) notamment les
articles 42 et 43. S’il n’est pas strictement de nature tutélaire, ce pouvoir disciplinaire ne
demeure pas moins «un pouvoir de domination du gouvernement central…» sur les collectivités
territoriales745.

742 Bénin : Loi n° 97-029, art. 54 à 57.


743 Ord. n° 2010-54, art. 42, 63 et 64.

744 V. aussi Ord. n° 2010-54, art. 305.

745 HAURIOU M., Principes de droit public, Paris, Dalloz, 2010, pp. 229, 709.

150
La jurisprudence constitutionnelle béninoise souscrit à la compréhension que la tutelle ne
doit pas emporter le pouvoir de faire injonction. Dans sa Décision DCC n° 11-064 du 30
septembre 2011, 17ème consid. : «La tutelle, qui ne s’exerce que dans les cas et sous les formes prévus
par la loi, ne comporte pas la possibilité de donner des ordres». A ce niveau de l’argumentation, il
devient nécessaire d’examiner ce qu’est un ordre. Gérard CORNU le définit comme un «acte
unilatéral par lequel une personne dotée d’un pouvoir de commandement…fait obligation à une personne
qui y est tenue, de se conformer à la volonté qui y est exprimée…»746. Est-ce le caractère impératif qui
fait l’ordre ou est-ce celui dont il émane ? En droit, les deux caractères objectif et subjectif
doivent cumulativement être réunis. Une question se prête à l’esprit : comment qualifier un
acte impératif qui émane d’une autorité qui n’est, ni hiérarchique, ni judiciaire ? Il s’agit d’un
ordre, tout au moins, de facto.

B. Le pouvoir de sanction, un pouvoir antinomique à la libre administration

De façon générale, le contrôle de l’Etat sur les collectivités territoriales, sous quelque forme
qu’elle soit, n’est juridiquement valide que s’il se concilie avec la consécration
constitutionnelle de la libre administration. Si au Niger autant la libre administration que le
contrôle747 sont constitutionnalisés, au Bénin où le régime de tutelle paraît plus strict, le
principe d’un tel contrôle n’a, au contraire, pas été posé par le constituant originaire. Dans
un cas comme dans l’autre, le législateur encadre la mise en œuvre d’un tel pouvoir (1)
même si ces mesures soulèvent de sérieuses préoccupations quant à son entière
compatibilité avec l’autonomie organique (2).

1. Un pouvoir encadré par le législateur

La structure compétente pour initier ou prendre des sanctions varie en fonction de l’espèce.
Il peut s’agir du ministre en charge de l’administration territoriale (suspension de l’exécutif
ou du conseil) ou du conseil des ministres748 (révocation de l’exécutif ou la dissolution de
l’organe délibérant). Il demeure constant que l’initiative de la sanction est prise par l’autorité
de tutelle.

746 CORNU G., op. cit., p. 713.

747 Const. du Niger, art. 165, al. 2 : «Le représentant de l'Etat veille au respect des intérêts nationaux».
748
Niger : Ord. n° 2010-54, art. 63.

151
Le législateur a précisément indiqué les cas où des sanctions peuvent être prises à l’encontre
des organes communaux et les procédures à suivre. Il faut d’abord un acte répréhensible
qualifié comme tel par la loi749. En dehors des cas de «refus de convoquer et de réunir le conseil,
de signer ou de transmettre à l’autorité de tutelle une délibération du conseil», les autres situations
évoquées par le législateur portent sur des délits ou crimes dont la qualification juridique et
le règlement relèvent des juridictions compétentes. La législation est claire. Seuls les faits
dûment établis sont constitutifs de faute lourde. Le soupçon ne devrait donc pas suffire en
raison du droit à la présomption d’innocence750. Le juge constitutionnel béninois l’a
réaffirmé dans sa décision DCC n° 06-144 du 06 octobre 2006751. Pour le législateur, la
révocation de l’exécutif et la dissolution du conseil752 ne s’imposent pas au pouvoir central.
Il s’agit d’une faculté753.

Il est courant de présenter le pouvoir de suspension et de révocation que détiennent le


ministre en charge des collectivités locales et le Conseil des Ministres comme une
manifestation de la tutelle sur les personnes ou les organes754. Une telle appréciation paraît
réductrice de l’étendue du pouvoir disciplinaire.

2. Un pouvoir disciplinaire menaçant pour l’autonomie des organes

Le pouvoir de sanction constituerait la conséquence de l’indispensable lien de cohérence et


d’unité entre l’Etat et les personnes territoriales qui la composent. Il permet d’«empêcher les

749 Bénin : Loi n° 97-029, art. 54 et 55 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 63.
750 Const. du Bénin, art. 17 et Const. du Niger, art. 20 : «Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à
ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public durant lequel toutes les garanties nécessaires à sa libre défense lui
auront été assurées».

751 «…qu’en conséquence, la mention expresse dans la motion de destitution des membres de phrases ci-dessus cités, sans qu’une décision
devenue définitive sur la culpabilité de Monsieur Rachidi GBADAMASSI n’ait été prononcée par une juridiction compétente, constitue
une violation du principe de la présomption d’innocence dont il bénéficie…».
752
Loi n° 97-029, art. 154 : «Tout conseil communal peut être dissous…».

753 Bénin, Loi n° 97-029, art. 54 : «Le maire ou l'adjoint qui commet une faute lourde peut être révoqué de ses fonctions…» ; Niger,
Ord. n° 2010-54, art. 63 : «Sans préjudice des sanctions pénales, le maire et le ou les adjoint(s) peuvent, en cas de faute grave, être
révoqués par décret pris en Conseil des ministres».

754 CHAPUS R., Droit administratif général, T.1, Précis Domat, 15e éd., LGDJ, 2001, n° 412.

152
corps autonomes de devenir nuisibles à l'intérêt général»755. Le pouvoir disciplinaire ne recouvre pas
seulement des décisions punitives. Il vise également à garantir le bon fonctionnement et à
éviter la paralysie et la décrédibilisation de l’institution locale756. D’autre part, il s’agit moins
de punir les autorités locales que d’ «empêcher le maintien à la tête de l'administration municipale
d'un individu qui risquerait de compromettre la réalisation de la finalité de l'institution»757. En effet, «la
sanction administrative ne fait pas obstacle aux poursuites judiciaires»758.

La jurisprudence administrative française a confirmé la légalité du pouvoir de suspension


et de révocation d’un maire et lui a même fourni un champ d’application et une portée très
larges759. Il demeure cependant que l’existence même d’une tutelle sur les organes est
largement contestable, surtout dans les contextes de forte politisation des administrations
et des rapports entre Etat et collectivités locales. Une première difficulté qu’elle soulève
réside dans la confusion qu’elle peut instaurer. Les acteurs au quotidien de la
décentralisation ne sont pas nécessairement des juristes. Comment peuvent-ils distinguer
des concepts aussi similaires que la hiérarchie et la tutelle et en cerner la portée juridique ?
MASPETIOL et LAROQUE avaient prévenu que «rien ne serait plus faux que d'opposer trop
brutalement tutelle et hiérarchie, car de l'une à l'autre la transition est insensible»760 confirmant ainsi
l’inquiétude de HAURIOU qui, quelques années auparavant, se demandait si, parfois, en
voulant distinguer la tutelle «du pouvoir hiérarchique, et dans une certaine mesure la lui opposer, on ne
s'en est pas fait une idée un peu inexacte»761. Quelle que soit la catégorisation qui en est faite, le
pouvoir de sanction constitue un levier d’influence de l’action de celui à l’encontre de qui il
s’exerce762.

755 MASPETIOL R. et LAROQUE P., op. cit., p. 276.

756 CE, 19 janvier 1990, Mme Bodin, Lebon, p. 605, AJDA, 1990, p. 93.

757 REGOURD S., op. cit., p.113.

758 Bénin, Loi n° 97-029, art. 57.


759Dans son Arrêt Camino, le Conseil d’Etat admet sa mise en œuvre dès lors que l'attitude de l’exécutif communal est
«de nature à rendre impossible le maintien de l'intéressé à la tête de l'administration communale» (CE, 14 janvier 1916, Camino, Lebon
p. 15 ; RDP, 1917, p. 463, note JEZE).
760
MASPETIEL R., LAROQUE P., op. cit., p. 9.

761
HAURIOU M., Note sous CE du 20 novembre 1908, Chambre de Commerce de Rennes, S. 1910, III, p. 12.
762
EISENMANN Ch., Problèmes d'organisation de l'administration, Cours de droit administratif, T.1, LGDJ, 1982, p. 273.

153
Le Pr Michel TROPER à beau penser que «l’indépendance d’un organe n’était pas attachée au fait
d’être à l’abri d’une révocation mais résultait seulement de ce qu’il ne devait pas sa nomination à un autre
organe»763, il n’empêche qu’un tel pouvoir de l’Etat sur les collectivités décentralisées se situe
à contre-courant des évolutions contemporaines de la décentralisation : «Comme le pouvoir de
nommer, le pouvoir de révoquer et, d'une façon générale, de sanctionner est généralement rattaché au pouvoir
hiérarchique. Il existe, en effet, une grande ressemblance entre la révocation prononcée par l'autorité de tutelle
et une sanction disciplinaire de la fonction publique»764. Par ce truchement, il y a un risque
significatif à ainsi mettre, indirectement fut-il, les collectivités territoriales sous la hiérarchie
de représentants de l’Etat.

La politisation à outrance de l’administration publique peut générer des interférences et


accointances porteuses de dérives765. Le risque le plus récurrent est la violation de la
présomption d’innocence, une autorité politique étant investie du pouvoir de constater qu’il
y a «faute lourde», «faute grave» ou que le comportement d’un élu «met gravement en cause les intérêts
de la collectivité»766. Des élus ont déjà été sanctionnés par des Préfets au motif qu’ils ont eu
un comportement déviant qui les rendait «incapable d’exercer leurs fonctions» alors qu’aucune
décision de justice rendue définitive ne les a reconnus coupables des faits dont ils sont
prévenus767. Un maire a même été arrêté et contraint manu militari à passer service768. Le
juge constitutionnel béninois a sanctionné de telles violations, confirmant que les faits pour

763
TROPER M., «Les nouvelles séparations des pouvoirs», in S. Baume et B. Fontana (dir) Les usages de la séparation des
pouvoirs, Paris, Ed. M. Houdiard, 2008, p. 26.

764 RICHER L., «La notion de tutelle sur les personnes en droit administratif», RDP. 1979, p. 971.
765
Dans un entretien accordé au journal Le Label, Joël AIVO constate que «Plus de cinquante (50) ans après l’indépendance
et vingt-deux (22) ans après la conférence nationale, nous donnons encore l’impression de ne pas avoir d’administration, avec des pratiques,
des règles de gestion et des modalités bien rodées» (http://www.lanouvelletribune.info/index.php/actualite/une/13260-
interview-joel-aivo-constitution).
766
Ord. n° 2010-54, art.63.
767
V. à titre d’illustration, l’Arrêté préfectoral n° 4/064/PDZ/SG-STC du 21 septembre 2004 par lequel le Préfet des
départements du Zou et des Collines a révoqué un Chef d’Arrondissement à qui il justifie avoir infligé «une sanction
purement administrative pour une faute grave commise par un chef d’arrondissement» et qui vise à «corriger des défiances…et à servir de
sanction exemplaire» alors même que l’intéressé qui a fait l’objet d’un mandat de dépôt a bénéficié d’une mise en liberté
provisoire.
768
Décision DCC n° 08-010 du 17 janvier 2010, 4ème considérant : «si la prévention d’atteinte à l’ordre public, notamment
d’atteinte à la sécurité des personnes est nécessaire à la sauvegarde des principes et des droits ayant valeur constitutionnelle, elle ne peut
justifier dans le cas d’espèce, l’arrestation et la conduite sous escorte de Monsieur Rachidi GBADAMASSI aux fins de passation de
service à la mairie de Parakou».

154
lesquels un élu peut être sanctionné doivent avoir été préalablement et définitivement
qualifiés comme tel par la juridiction compétente769.

Au Niger, la révocation le 30 septembre 2013 du maire central de Niamey -à qui le Conseil


des Ministres reprochait d’avoir hypothéqué les biens publics (le garage municipal et la
résidence officielle du maire central de Niamey) pour bénéficier de prêts bancaires au niveau
de la BSIC-a été perçue comme un règlement de comptes politiques puisqu’il intervenait au
moment où son parti, principal allié du Président de la République, a claqué la porte de la
majorité présidentielle770. La suspicion était telle que l’Assemblée Nationale a interpellé le
gouvernement à ce sujet771. Le même sentiment de politisation a été exprimé à la révocation
le 31 juillet 2014 du maire de Maradi décidée par le gouvernement dans la foulée d’un bras
de fer sur la gestion du marché de la ville. Les interprétations relayées dans la presse
insinuent une sanction politique772. Parce qu'elle porte sur des autorités décentralisées élues,
il sied de soumettre la sanction disciplinaire des élus, à l’office du juge administratif.

769Décision DCC n° 05-115 du 20 septembre 2005, 4ème consid. : «Le Préfet des départements du Zou et des Collines ne peut,
sans un jugement rendu par un tribunal et devenu définitif, prendre des actes de nature à sanctionner le requérant».
770Le Conseil d’Etat, saisi en recours d’urgence par le maire central de Niamey, a rejeté le recours pour excès de pouvoir
intenté par ce dernier contre l’Etat du Niger.
771Session du 19 octobre 2013, réponse du gouvernement à l’interpellation du député Bakari Séidou du Groupe
parlementaire Lumana (Opposition).

772 «On connaît les relations tendues entre le maire de la ville d’une part et l’exécutif et le PNDS de l’autre. Et le moins que l’on puisse
dire, c’est que la tension couvait depuis un bon bout de temps. L’étincelle qui a fait exploser la cocotte-minute est l’affaire dite du marché
central de Maradi […]. Pour le gouvernement, il s’agit de faire respecter la hiérarchie et exécuter les instructions du Président de la
République, qui seraient très fermes à ce propos. C’est sans doute pour le punir pour tout cela que la décision de révocation du maire a
finalement été prise». Voir un article publié à ce sujet sur http://radiogarkuwa.com/politique/23/08/2014/revocation-
du-maire-moctar-kassoum-les-dessous-dune-affaire/

155
CONCLUSION DU CHAPITRE I

En favorisant la confusion organique, l’intégration de la collectivité territoriale à l’ordre


étatique consacre une tutelle implicite qui est admise par les acteurs. En effet, pendant que
les manœuvres étatiques visent à maintenir les collectivités dans une certaine subordination,
certaines postures que celles-ci adoptent renforcent la position de l’Etat qui multiplie les
occurrences de participations locales, les normes techniques unilatéralement élaborées qui,
à terme, constituent des instruments d’une hiérarchie déguisée.

Le contrôle sur les organes offre à l’Etat des occasions de remise en cause de l’autonomie
locale. L’interventionnisme étatique dans leur mise en place ainsi que le pouvoir de sanction
sur lesdits organes en constituent des manifestations. En effet, la présence suspecte et contra
legem de l’Etat lors des opérations de vote pour l’élection des exécutifs locaux et le pouvoir
de substitution de l’autorité de tutelle d’une part, l’ambiguïté du pouvoir de sanction dont
est investi le représentant de l’Etat central d’autre part, paraissent antinomiques au principe
constitutionnel de libre administration. Les jurisprudences administrative et
constitutionnelle béninoises ont révélé les dérives auxquelles de tels pouvoirs peuvent
donner lieu.

Il sied, dès lors, de mener les mêmes analyses en ce qui concerne la tutelle sur les actes des
collectivités territoriales en vue d’établir si celui-ci est apte à protéger les libertés locales que
le nouveau constitutionnalisme local tend à renforcer.

156
CHAPITRE II : LA TUTELLE SUR LES ACTES
Il n’échappe à personne qu’il n’y a pas de liberté sans contrôle773. Le Doyen HAURIOU
justifie l’existence d’autorités déconcentrées par cette nécessité774. Les questions essentielles
que soulève le contrôle portent donc, non sur sa pertinence, mais sur sa nature et son
étendue. En effet, tout mécanisme de contrôle dans lequel, comme c’est le cas pour la
tutelle, l’approbation préalable constitue la règle, présente une menace importante pour la
libre administration. De tels pouvoirs conférés à une autorité politique sont redoutables
parce qu'ils impliquent l'exercice par celle-ci d'une véritable compétence décisionnelle dont
la portée supplante le pouvoir de décision des organes locaux élus. En la matière, aucune
norme ne permet de limiter efficacement le champ et les bases d'appréciation de l'autorité
de tutelle775. Dès lors, l’on admettra qu’un tel régime est inapte à protéger les libertés locales
(Section 1). Pendant que les pratiques des collectivités infirment les suspicions qui fondent
le contrôle a priori, les leçons apprises suggèrent de s’orienter vers des perspectives plus
libérales (Section 2).

SECTION 1 : UN REGIME INAPTE A PROTEGER LES LIBERTES LOCALES

Il faut, d’entrée de jeu, souligner que l’utilisation du substantif tutelle peut bien paraître
anachronique, placée dans une perspective libérale776. Assurément, la perception la plus

773KOKOROKO D., Les grands thèmes du droit administratif, Lomé, PUL, 2014, p. 156 : «Aucune liberté ne peut prétendre à
une jouissance absolue et exclusive».

774 HAURIOU M., Précis de Droit administratif et de droit public, Dalloz, Paris, 2004 (12ème édition), pp. 168-169. Il
est en effet impérieux que «des représentants du pouvoir central soient présents au niveau local pour tenir en respect les administrations
locales et même les citoyens». Il s’agit aussi de garantir le maintien «de l’harmonie entre les services administratifs des diverses hiérarchies
qui, à cause de leur spécialisation et de leur esprit de corps, ne sont que trop disposées à contrecarrer au grand détriment des affaires de
l’Etat». Ainsi, les contrôles constituent-ils le complément indispensable des responsabilités confiées aux collectivités.
Dans sa décision du 25 février 1982, sur la loi relative aux droits et libertés des communes, des départements et des
régions, le Conseil Constitutionnel affirme que «Si la loi peut fixer les conditions de la libre administration des collectivités locales,
c’est sous réserve qu’elle respecte les prérogatives de l’Etat». Ce principe a été affirmé par le Conseil d’Etat français (CE, 18
novembre 2005, Société fermière de Campoloro et autres).

775 Certes, il n’y a pas de tutelle au-delà des textes et l’autorité de tutelle ne détient que les pouvoirs dont elle est investie
par les textes (CE, 17 janvier 1913, Congrégation des sœurs de Saint-Régis) mais un tel principe ne peut être effectif
lorsqu’une autorité politique est dotée du pouvoir de remédier par elle-même aux supposées défaillances de l’action et
de l’inaction d’une autorité élue placée sous sa tutelle. En définitive, tout dépendra donc de l'attitude qu'elle adoptera :
soit elle respectueuse du dynamisme local, soit au contraire elle veille simplement à faire prévaloir le point de vue de
l'administration centrale, peu en importe la validité juridique.
776La notion est particulièrement controversée et de longue date. V. à ce sujet, MASPETIOL R. et LAROQUE P.,
La tutelle administrative, Paris, Sirey, 1930, 430 p. ; REGOURD S., L’acte de tutelle en droit administratif français, Paris, LGDJ,
1982, 539 p.

157
courante, qui fixe les esprits, c’est la tutelle en droit civil qui s’entend un «régime de protection
institué par la loi pour sauvegarder dans leur personne et leurs biens certains individus incapables de pourvoir
eux-mêmes à leurs intérêts…»777. En définitive, l’expression a pour effet psychologique de
présenter les collectivités territoriales comme des personnes mineures778. Certes, il est admis
que les perspectives et les fonctions diffèrent779. Mais on ne saurait réfuter qu’il existe une
espèce de «paternité par antériorité» entre la conception en droit civil et celle du droit
administratif. Encore que, en droit administratif, la tutelle diffère du contrôle780. Dans ce
sens, l’exposé des motifs de la Loi n° 96-06 du 22 mars 1996 portant code des collectivités
locales au Sénégal, suggère que «La notion de tutelle doit désormais disparaître et faire place à celle de
contrôle». Une telle proposition advient lorsque le contrôle a priori est dominant (Paragraphe
1) et contrarie l’efficacité de l’action publique locale (Paragraphe 2) qui fonde l’instauration
de la libre administration.

Paragraphe 1 : Un contrôle a priori dominant

Ainsi qu’elle se met en œuvre dans les deux Etats, la tutelle présente une double facette faite
de deux étapes successives781. Elle comprend aussi bien l’assistance-conseil qui s’accomplit
à la conception (A) que le contrôle de légalité qui intervient après la formation de l’acte (B).

A. L’assistance conseil négligée

Le contenu et l’intérêt de l’assistance conseil de l’Etat aux collectivités ne semblent pas avoir
été bien saisis par le législateur (1) qui n’en a pas précisé les modalités qu’il a fait relever du
pouvoir règlementaire (2).

777 CORNU G., op. cit., p. 1036.

778 On retrouve des insinuations de ce genre, par exemple, dans l’exposé des motifs de la loi sénégalaise 96-06 où
l’adjectif majeur a été utilisé pour qualifier les collectivités locales [Considérant les collectivités locales comme majeures] et
justifier la suppression du contrôle a priori de leurs actes. Voir FALL I. M., «Le contrôle de légalité des actes des
collectivités locales au Sénégal», Afrilex, n° 5, p. 67.
779 CHAPUS R., Droit administratif général, op. cit., p. 408 : «…la tutelle civile a pour fonction la protection de l’incapable, alors que
la tutelle administrative tendrait à sauvegarder l’intérêt général plus que celui de l’institution décentralisée».

780Il convient de retenir que la tutelle véhicule un degré de surveillance plus élevé que le contrôle administratif que les
constitutions françaises ont toujours préféré (Const. de 1946, art. 88 ; à partir de 1958, art. 72). En témoigne la
suppression de la tutelle par la loi française du 02 mars 1982 dont le but était d’élargir les droits et libertés des collectivités
territoriales.
781 Bénin : Loi n° 97-029, art. 142 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 305.

158
1. Une vision et une utilité mal cernées

En disposant que l’Etat a pour mission de veiller au développement harmonieux de


l’ensemble des collectivités territoriales, le constituant a consacré à sa charge un devoir
d’assistance et, en faveur des collectivités, un droit au conseil782. Une telle disposition est
conforme à l’évolution historique des Etats béninois et nigérien qui préexistaient aux
collectivités783. Elle répond en outre à l’esprit de co-administration que requiert la
décentralisation784. La loi aura d’ailleurs insisté sur sa nécessité785. Cette prescription
implique nécessairement des diligences de la part de l’Etat 786. A ce droit-créance de la
collectivité correspond une obligation pour l’Etat, celle d’assister et de conseiller.

Il convient de constater, utilement, que c’est ce même mot [veiller] qui a été utilisé par le
constituant nigérien pour fonder le contrôle de légalité des actes des collectivités
territoriales787 . Contrairement à ce qui a pu être observé en ce qui concerne le contrôle de
légalité, les législateurs ont été curieusement avares en détails sur cette compétence étatique.
La législation béninoise se contente de formules génériques788. Quant à la loi nigérienne,
elle en confie explicitement les modalités au pouvoir exécutif 789. Ces deux traitements
trahissent une méprise du législateur quant à l’intérêt crucial de l’assistance conseil.

782 Veiller signifie faire attention à et a pour synonymes, entre autres, s’assurer, avoir soin de, se soucier de (LAROUSSE, Le
dictionnaire des synonymes et des contraires, p. 1022). CORNU va plus loin en précisant : «porter attention à…et en tirer les
conséquences» (CORNU G., op. cit., p. 1054). Const. Bénin, art. 153 ; Const. Niger, art. 165 ; HASTINGS-
MARCHADIER A., La performance des contrôles de l’Etat sur les collectivités locales, Paris, LGDJ, 2011, p. 13.

783 Dans certaines trajectoires, comme celle des états fédéraux, l’Etat naît souvent de la volonté de collectivités
territoriales (principautés, royaumes, etc.). L’Etat n’est donc pas central mais tend plutôt à être résiduel. Voir
BERNARD P., «La coopération entre l’Etat et les collectivités locales. Réflexion sur la co-administration», CURAPP,
La loi du 28 pluviôse An VIII, Paris, PUF, 2000, p. 124.

784 Bénin, Loi n° 97-028, art. 1er : «L'Administration territoriale de la République est assurée par les autorités et services déconcentrés
de l'Etat et par les collectivités territoriales décentralisées…» ; Niger, Ord. n° 2010-54, art. 5, al. 3 : «Elles [les communes et les
régions] concourent avec l’Etat à l’administration et à l’aménagement du territoire…».
785Bénin : Loi n° 97-029, art. 108 : «La commune exerce ses compétences en conformité avec les stratégies sectorielles,
les réglementations et normes nationales en vigueur» ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 165.
786 Bénin : Loi n° 97-029, art. 108 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 165.

787 Const. Niger, art. 165, al. 2 : «Le représentant de l'Etat veille au respect des intérêts nationaux».

788 Loi n° 97-029, art.142, 1-.


789 Niger, Ord. n° 2010-54, art. 308, al. 3 : «Il exerce les fonctions d’appui conseil et d’assistance auprès des autorités communales
décentralisées» ; art. 322 : «Les fonctions d’appui conseil et d’assistance s’exercent dans les conditions définies par décret pris en Conseil des
ministres».

159
Même en l’absence desdites prescriptions, il aurait été possible d’esquisser quelques
nécessités qui la motivent. Assurément, il s’agit d’anticiper les interrogations que pourrait
susciter l’application des textes, de plus en plus nombreux et enchevêtrés790. L’assistance
conseil devrait offrir le cadre pour la concertation et la coordination des actions publiques,
nécessaires pour donner sens et contenu à la solidarité nationale et à l’aménagement
conséquent du territoire national. Il paraît en outre restrictif de cantonner l’assistance
conseil de l’Etat à la commune, en tant qu’administration. La collectivité, c’est avant tout le
groupement humain qui la constitue791. Le silence du législateur à ce sujet est
symptomatique du regard anodin qu’il porte sur le sujet792.

L’intégration par le législateur de l’assistance à l’exercice de la tutelle peut paraître


curieuse793. Le lien entre assistance conseil et contrôle paraît putatif, à l’image d’un cumul
des fonctions de conseiller et d’auditeur. Au plan déontologique, il faut reconnaître avec
BRISSON que «La conjonction des fonctions de contrôle et de conseil ajoute à l'ambiguïté du contrôle»794.
En pratique, elle conduit les services et les élus locaux à requérir, en amont, l’avis de services
étatiques appelés à apprécier, en aval, leurs décisions. Ainsi mis en œuvre, «Le conseil peut
créer une situation de connivence incompatible avec l'idée de contrôle qui suppose la «mise à distance» du
contrôlé par rapport au contrôleur»795. De toute évidence, il existe un risque d'instrumentalisation
de la fonction de conseil au service de la fonction de contrôle par les administrations d'Etat.
Par conséquent, celle-ci devrait être soumise à des modalités spécifiques.

790 En effet, avec la complexification de l’action publique et l’enracinement progressif dans l’opinion de l’Etat de droit,
les collectivités locales se trouvent exposées à un risque contentieux plus élevé. Il leur arrive d’être attrait devant les
tribunaux. A ce besoin grandissant de sécurité juridique devrait correspondre la disponibilité d’une expertise suffisante.
L’assistance devrait recouvrer le conseil juridique.

Doivent alors être compris sous ce vocable, les autres acteurs (unités de production et organisations professionnelles
791

dans différents domaines relevant de la compétence des collectivités territoriales).


792 Le peu d’intérêt pour l’assistance conseil se révèle dans la mauvaise organisation de l’Etat. La mise en œuvre d’une
telle fonction suppose que soit créée une nouvelle dynamique qui transcende la sectorialité pour inscrire l’action
publique dans la territorialité.
793 On s’interroge, à bon droit, si elle ne confirme pas la référence du dispositif au droit civil qui conçoit l’assistance
comme la «présence, auprès d’un incapable, d’une personne chargée par la loi de le conseiller, de le contrôler ou de l’habiliter pour les actes
de la vie civile» (CORNU G., op. cit., p. 91).

BRISSON J.-F., «Le contrôle de légalité dans la loi du 13 août 2004. A la recherche des illusions perdues», AJDA,
794

2005, p. 134.

795 BRISSON J.-F., op. cit., p. 135.

160
2. Des modalités à la discrétion du pouvoir règlementaire

En décidant de confier la définition des modalités de l’assistance au pouvoir règlementaire,


le législateur a inexorablement ouvert le chemin à des interprétations qui ont altéré la
perception et la qualité de sa mise en œuvre796. Les errements sont une conséquence logique
de cette incompétence négative du législateur qui a pu échapper au juge.

Juridiquement, au moins deux raisons motivent la nécessité pour le législateur de préciser


les contours de l’assistance conseil. La première tient au fait qu’elle relève des rapports entre
Etat et collectivités, matière sur laquelle le législateur dispose d’une compétence générale
de principe. Le second fondement, non moins important, est le choix fait par le législateur
d’intégrer l’assistance conseil à la tutelle. Il eut fallu en tirer la portée juridique, puisqu’il n’y
a pas de tutelle en dehors des textes797. Or, hormis l’énonciation, la loi ne s’y est pas attardée798.

Au Bénin, des précisions ont été apportées à travers le Décret n° 2007-629 du 31 décembre
2007 portant définition et modalités de mise en œuvre de l’assistance conseil aux
Communes. Le Décret n° 2003-176/PRN/MI/D du 18 juillet 2003 déterminent les
modalités de mise à disposition des collectivités des services techniques déconcentrés de
l’Etat au Niger. Il importe de retenir que l’initiative appartient concurremment à l’Etat et à
la collectivité territoriale799. Rien de fondamentalement nouveau ne semble apparaître800.
Tout rapprochement bien fait, les formulations utilisées ne paraissent pas plus
opérationnelles que celles du législateur801. Par contre, dans son œuvre de clarification, le

796La situation est similaire dans plusieurs pays francophones ouest africains. Au Mali, la Loi n° 95-034 du 12 avril
1995 modifiée portant CCT, en son article 230 pose le principe de l’assistance conseil de l’Etat aux Collectivités
Territoriales mais elle n’en définit pas, de façon explicite, le contenu et les modalités de mise en œuvre.
797
Décision DCC 11-064 du 30 septembre 2011, 17ème considérant : «la tutelle, qui ne s’exerce que dans les cas et sous les
formes prévus par la loi…».

798 Dans la Loi n° 97-029 (Bénin), 1 seul article en traite ; quant à l’Ord. 2010-54 (Niger), elle lui en consacre 2.
799 Bénin : Décret n° 2007-629 du 31 décembre 2007 portant définition et modalités de mise en œuvre de l’assistance
conseil aux Communes, art. 6 : «Les actions en assistance conseil peuvent être initiées soit à la demande d’une commune, soit à
l’initiative de la Préfecture ou d’un service déconcentré de l’Etat».
800
Une lecture croisée des dispositions constitutionnelles et légales pertinentes dégage une telle évidence.

801Loi n° 97-029, art 142, al 1er : «…soutien des actions de la commune et d'harmonisation de ses actions avec celles
de l'État».

161
pouvoir règlementaire a précisé que l’assistance peut être gratuite ou payante. Ceci soulève
une question de principe : au sens où le législateur l’entendait, l’assistance conseil pouvait-
elle être payante ?

Dérivé du latin adsistere, l’assistance se définit comme la mission de conseil et de contrôle auprès
d’une personne qui n’a pas le pouvoir d’agir seule802. L’expression a pour synonymes aide, secours,
appui, main forte, etc. Le devoir constitutionnel d’assurer le développement harmonieux de
toutes les collectivités territoriales et la possibilité pour lesdites collectivités de recourir aux
services de l’Etat ne laissent aucunement penser que le législateur ait entendu organiser
l’assistance de l’Etat, sous la forme de prestation aux communes803. Au contraire, il devrait
s’agir d’une assistance-aide puisqu’elle vise à répondre à des nécessités de conformité, de
cohérence et de solidarité. L’esprit de coopération qui sous-tend la décentralisation, la co
responsabilité qui en découle, interdisent en principe toute prestation payante804 entre Etat
et collectivités territoriales. L’article 11 du Décret n° 2007-629 confirme la connotation
lucrative qui venait de s’introduire dans l’assistance conseil805. Mieux, elle s’y installe comme
la modalité principale. Argument peut être tiré des détails. Le décret énumère plus de cas
d’assistance payante que gratuite806. Le dispositif résultant de ce décret éloigne l’assistance
du registre de l’aide et du concours pour la rapprocher de celui d’une prestation. La formule
de contractualisation instituée au Niger prend des allures similaires. Logiquement, les
évaluations révèlent que le niveau de mise en œuvre de l’assistance conseil n’est pas
satisfaisant807. Il ne fait pas de doute, qu’à terme, la faiblesse de l’assistance conseil fera
appel à davantage de contrôle.

802 CORNU G., op. cit., p. 91.

803 Loi n° 97-029, art. 108 in limine : «La commune exerce ses compétences en conformité avec les stratégies sectorielles, les réglementations
et normes nationales en vigueur. Elle peut, dans ce cadre, solliciter en cas de besoin, le concours des services techniques de l'État».

804 L’expression signifie «qui rapporte de l’argent» et a comme synonyme lucratif.

805Décret n° 2007-629, art. 11, al. 2 : «Un arrêté conjoint du Ministre en charge de l’Administration Territoriale et du Ministre
chargé des Finances précisera les conditions de rémunération des prestations des services déconcentrés».

806 Art. 9 et 10. Certes, la liste n’est pas exhaustive.


807Bénin : MDGLAAT, Rapport d’évaluation d’étape de la politique nationale de décentralisation et de déconcentration, Cotonou,
Décembre 2013, p. 52 : «Les plans d’assistance conseil 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013 sont élaborés et validés par les CAD, mais
on note un faible taux d’exécution faute de financement» ; Niger : LASDEL/Observatoire de la décentralisation au Niger, «Les
communes du canton de Birnin Lallé», Etudes et travaux, n° 72, Décembre 2008, p. 26.

162
B. Le contrôle a priori préféré

Expression vigoureuse de la nécessaire présence de l’Etat, le contrôle de la légalité des actes


pris par les organes des collectivités territoriales est une exigence constitutionnelle ou
législative consubstantielle à l’exercice même des libertés locales (1). Toutefois, il devient
peu libéral dès lors qu’il se met en œuvre a priori (2).

1. Le contrôle comme exigence consubstantielle à la libre administration

Historiquement instituée par les constitutions françaises de 1946 et 1958, la mission du


représentant de l’Etat est constituée de trois volets : la charge des intérêts nationaux, le
contrôle administratif, le respect des lois qui trouvent leur justification dans la nécessité de
préserver l’ordre sur l’ensemble du territoire national808. Le Conseil Constitutionnel français
précisera le caractère impératif dudit contrôle809.

Le Bénin n’a constitutionnalisé explicitement, ni le contrôle administratif, ni la tutelle


administrative. Une justification peut être trouvée dans la différence des contextes810. Les
positions de la doctrine varient et portent aussi bien sur la tutelle que sur le contrôle.
Relativement au contrôle, Pascal COMBEAU y trouve un répondant logique à la libre
administration811. PIERRE-CAPS abonde dans le même sens812. PAGNOU situera sa vertu

808
BURDEAU F., «1789, l’administration territoriale et nous», Annuaire des collectivités locales, T. 9, 1989, p. 15 : «La
démocratie sans doute doit s'étendre à l'administration locale et régionale ; elle ne peut être réglée en l'absence d'agents du pouvoir central,
dotés des moyens suffisants pour faire respecter la prévalence de l'ordre juridique national».
809 Décision n° 137 DC du 25 février 1982 relative aux lois de décentralisation, 4 ème consid. : «Considérant qu'il résulte des
dispositions précitées de l'article 72 de la Constitution que, si la loi peut fixer les conditions de la libre administration des collectivités
territoriales, c'est sous la réserve qu'elle respecte les prérogatives de l'Etat énoncées à l'alinéa 3 de cet article ; que ces prérogatives ne peuvent
être ni restreintes ni privées d'effet, même temporairement ; que l'intervention du législateur est donc subordonnée à la condition que le contrôle
administratif prévu par l'article 72 (...) permette d'assurer le respect des lois et, plus généralement, la sauvegarde des intérêts nationaux ...».

810 La France a constitutionnalisé le contrôle dans un contexte où il fallait réaffirmer l’autorité de l’Etat et consolider
l’unité nationale ; le Bénin élève au rang constitutionnel la libre administration à un moment où il fallait rétablir les
libertés démocratiques. Le juge constitutionnel béninois éclaire sur la notion. Elle écrit : «…la notion de tutelle n’implique
pas une subordination entre l’autorité attributaire du contrôle et l’organe contrôlé, à la différence du contrôle hiérarchique qui se fonde sur
une subordination… ; que la tutelle, qui ne s’exerce que dans les cas et sous les formes prévus par la loi, ne comporte pas la possibilité de
donner des ordres ; qu’elle organise plutôt des relations de collaboration ; que les délibérations de l’organe sous tutelle sont juridiquement
valables, même si leur mise en œuvre suppose l’approbation, dans le cadre de la défense de l’intérêt général». Décision DCC n° 11-064
du 30 septembre 2011.

811 COMBEAU P., Le contrôle de l’Etat sur les collectivités territoriales aujourd’hui, Paris, L’Harmattan, 2007, p.1 : «Le contrôle,
c’est ce qui reste quand l’administration recule».

812 PIERRE-CAPS S. in COMBEAU P., Le contrôle de l’Etat sur les collectivités territoriales aujourd’hui, op.cit., p. 138 : ««Le
principe du contrôle n’a de sens que rapporté à l’inscription constitutionnelle de la décentralisation».

163
dans la bonne gouvernance813. Par contre, en ce qui concerne la tutelle, HAURIOU y relève
une vicissitude : «La tutelle n’est autre que l’histoire de la centralisation persistante des moyens
d’exécution»814 puisque «Non seulement l’administration centrale subsiste, mais elle conserve un contrôle
étendu sur les administrations décentralisées, contrôle qui porte le nom de tutelle administrative. Ainsi on
peut dire que la centralisation reste la règle et que la décentralisation est l’exception»815.

Quelle que soit la terminologie considérée, c’est le législateur qui en constitue la source. En
France par exemple, le même législateur avait d’abord institué la tutelle administrative et,
plus tard, instauré en remplacement et en allègement, le contrôle administratif. Il existe
donc une différence de contenu qu’il convient de préciser. L’utilisation faite des deux
termes par les législateurs béninois et nigérien diffère. La législation nigérienne évoque
constamment le contrôle de légalité816. La loi béninoise alterne contrôle de tutelle et
contrôle de légalité qu’elle confond par endroits817. Les deux appellations réfèrent au même
objet mais traduisent deux options différentes de contrôle. Le droit béninois instaure un
régime de contrôle a priori avec approbation préalable pendant que le législateur nigérien lui
préfère un contrôle a posteriori avec obligation de transmission818 . Dans la forme, une
similitude mérite d’être relevée dans les deux législations. Il s’agit de l’accent particulier mis

813PAGNOU S., «La place du contrôle de légalité dans les processus de bonne gouvernance liés à la décentralisation.
Le cas du Togo», Revue internationale des sciences administratives, Vol. 79, 2013/3, p. 605 : «Le contrôle de légalité des actes
des collectivités locales constitue l’encadrement nécessaire à la réussite du processus de décentralisation dans la mesure
où il permet une conciliation du principe de légalité et du principe de la libre administration se présentant, en outre,
comme des éléments de la bonne gouvernance».

814 HAURIOU M., Précis de droit administratif et de droit public, Sirey, 11ème édition, 1927, p. 63.

815 HAURIOU M., Précis de droit administratif et de droit public, Sirey, 12ème édition, 1933, rééd. Dalloz, 2002, pp.85.

816 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 308 : «Le préfet, représentant de l’Etat dans le département, assure le contrôle de légalité sur les actes
des organes délibérant et exécutif de la commune».

817 Bénin : Loi n° 97-029, art. 142, 2. «…de contrôle de la légalité des actes pris par le conseil communal et le maire ainsi que le budget
de la commune» ; art. 143 : «Le contrôle de tutelle s'exerce par voie : 1. d'approbation; 2. d'annulation; 3. de substitution» ; Loi n° 97-
028, art. 14 : «Dans les conditions fixées par la loi, le préfet exerce la tutelle des collectivités territoriales et le contrôle de la légalité de leurs
actes». Ainsi rédigé, le texte semble insinuer que la tutelle et le contrôle de légalité constituent des exercices distincts ;
ce qui n’est pas le cas, comme le confirment d’ailleurs les articles 141 et s. de la Loi n° 97-029.
818 Bénin : Loi n° 97-029, art. 144 : «Les actes des autorités communales ne sont soumis à approbation que dans les cas ci-dessous :…» ;
art. 145 : «Les délais d'approbation des actes ci-dessus sont les suivants…». Niger : Ord. n° 2010-54, art. 312 : «Les actes pris par
les autorités des collectivités territoriales sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux
intéressés ainsi qu’à leur transmission à l'autorité de tutelle. Le maire ou le président du conseil régional certifie sous sa responsabilité le
caractère exécutoire des actes».

164
sur les modalités du contrôle819. Sur les douze (12) articles que compte le Chapitre 1er du
Titre V de la Loi n° 97-029, dix (10) ont été entièrement consacrés au contrôle contre un
(1) seul article pour l’assistance conseil. Le législateur nigérien traite le contrôle en deux (2)
chapitres totalisant seize (16) articles pendant qu’il n’aborde l’assistance conseil qu’en un
seul article d’un chapitre, également unique820.

2. Le contrôle a priori comme modalité principale d’exercice de la tutelle

Pour préserver la libre administration, l’exécution de plein droit des actes pris devrait être
le principe et l’approbation préalable, l’exception. Dans tous les cas, le représentant de l’Etat
doit être mis en capacité de veiller sur les intérêts nationaux par la transmission. En droit
béninois, le contrôle est, en principe, a priori tandis qu’au Niger il se réalise a posteriori, sous
réserve de quelques exceptions. Dans les deux cas, les actes soumis à approbation préalable
sont limitativement énumérés par la loi821. Mais à bien lire les dispositions légales, le champ
d’application du contrôle a priori est largement extensible et son contenu glissant.

A l’inverse de ce que pourrait laisser croire la figure de style dont a fait usage le législateur
béninois822, la majorité des actes pris par les autorités locales sont soumis à approbation823.
Au-delà des énumérations textuelles, le législateur dote l’autorité de tutelle d’un pouvoir
général de constat de nullité sur tous les actes pris824. L’obligation générale de transmission
qui résulte des articles 144 et 147 de la Loi n° 97-029 permet à l’autorité de tutelle d’opérer
le contrôle avant l’entrée en exécution de l’acte. Même au Niger où la législation paraît plus

819Comparé à l’assistance conseil qui découle de la même prescription constitutionnelle. Les détails ont été si suffisants
qu’il n’était plus nécessaire d’élaborer un décret d’application sur la matière.

Pour certains acteurs de la décentralisation, il semble apparent que les parlements ont légiféré plus dans l’hypothèse
820

que les collectivités territoriales voudraient frauder ou résister à la loi. Celle qu’elles pourraient manquer de ressources
pour bien appréhender et respecter les textes a été négligée.
821 Bénin : Loi n° 97-029, art. 144 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 316.

822 Bénin : Loi n° 97-029, art. 144 in limine : «Les actes des autorités communales ne sont soumis à approbation que dans les cas ci-
dessous :…».
823 Sont exclus par exemple : l’élection du Maire et de ses Adjoints, l’adoption du règlement intérieur (dont le cadre est
préalablement fixé par décret pris en Conseil des Ministres), les actes d’administration courante que le Maire tient de
l’article 67 de la Loi n° 97-029 (conserver et administrer les propriétés de la commune, pourvoir aux mesures relatives
à la voirie communale, faire assurer la direction des travaux communaux, etc.).

824 Bénin : Loi n° 97-029, art. 148 : «Lorsque le conseil délibère illégalement, l'autorité de tutelle, par arrêté motivé, constate la nullité
des actes concernés et demande au conseil communal de statuer à nouveau en toute légalité».

165
libérale825, quelques formulations ouvrent, à l’infini, le pouvoir d’annulation dont dispose
l’autorité de tutelle826. Il devrait découler de l’article 314 qui limite la compétence de
l’autorité de tutelle au déféré, que seul le juge est compétent pour qualifier et sanctionner
des illégalités827. Paradoxalement, «La nullité de droit est constatée par l’autorité de tutelle»828. Or,
ainsi que formulé, l’al.2 de l’art. 318 susvisé intègre toute délibération supposée prise en
violation des textes en vigueur829. Il s’agit manifestement d’une contradiction entre la lettre
du texte et l’esprit du législateur.

Le contrôle porte exclusivement sur la légalité en son sens étendu de «bloc de légalité» 830.
Elle comprend aussi bien la constitution, les accords internationaux, les lois, les décrets, les
arrêtés, les actes antérieurement pris par la collectivité elle-même que les décisions de justice
devenues définitives. Elle intègre aussi les politiques et les normes nationales, vocables
«valises» qui peuvent recouvrir une infinité de situations que le contrôle a priori permet
d’assimiler831. En effet, l’acte n’étant pas en exécution, il est moins embarrassant d’en
demander un réexamen, même si les motivations se situent à la limite de l’opportunité 832.
Dans ce cas, l’autorité de tutelle outrepasse ses pouvoirs et empiète sur ceux des
collectivités. Du coup, il n’y aurait plus véritablement libre administration833.

825Niger : Ord. n° 2010-54, art. 312. Les actes pris par les collectivités sont exécutoires de plein droit dès
publication/notification et transmission à l’autorité de tutelle.

826 Ord. n° 2010-54, art. 318, al. 2 : «Sont nulles de plein droit les délibérations portant sur un objet étranger aux attributions des
organes délibérants des collectivités territoriales ou prises en violation de la législation et la réglementation en vigueur».
827 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 314, al. 2 : «S'il n'est pas fait droit à sa demande [le retrait ou la modification] dans un délai de
deux (2) mois, elle défère l'acte devant la juridiction administrative dans les deux (2) mois qui suivent le refus écrit de la collectivité ou le
silence gardé par elle durant deux (2) mois».
828 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 318, al. 3 in limine.

829Une lecture attentive des articles 312 et 313 de l’Ord. n° 2010-54 révèle que l’obligation de transmission s’applique
à toutes les délibérations.

830 Niger : Ord. n°2010-54, art. 309, al. 1 et 3 : «Le contrôle porte sur la conformité de l’acte aux lois et règlements en vigueur…Il
ne doit en aucun cas porter sur une appréciation d’opportunité à l’exception des cas prévus à l’article 316 du présent code».
831Bien souvent, en violation des textes. En effet, ne devraient être opposables aux collectivités territoriales, que les
normes techniques prises par une loi ou un décret pris en vertu d’une loi.
832Ainsi en est-il de refus d’approbation pour risque de troubles à l’ordre public invoqué par certaines autorités de
tutelle.

EISENMANN Ch., Cours de droit administratif, T. 1 (Problème d’organisation de l’administration), Paris, LGDJ, 1967,
833

pp. 265 et ss.

166
Paragraphe 2 : Un contrôle a priori handicapant

De par sa portée inhibitrice sur les initiatives locales, le contrôle a priori devient une entrave
à l’efficacité de l’action publique locale. Certes, nul ne peut mieux que le représentant de
l’Etat sur le territoire constater et prévenir les violations de la loi et les tendances ou
pratiques «centrifuges» de la part des organes locaux. Mais, même dans cette hypothèse, sa
mission devrait être axée sur la prévention de l’illégalité. En négligeant l’assistance conseil
en amont ainsi que démontré précédemment, le législateur a sur concentré l’action de la
tutelle autour du contrôle a priori au point que celui-ci est devenu un obstacle pour la mise
en œuvre par les collectivités de leurs compétences (A). Autant étendu, les administrations
déconcentrées de l’Etat n’ont pu disposer des moyens pour s’acquitter efficacement de cette
mission de tutelle (B).

A. Des obstacles à la mise en œuvre des compétences par les collectivités

Pour convaincre d’une telle appréciation, il faut sûrement exposer l’étendue du contrôle a
priori, essentiellement à travers son champ d’application et les prérogatives que la loi
confère à l’autorité de tutelle dans ce cadre (1) avant d’exposer dans quelles mesures un
contrôle autant resserré sur certains actes et avec de longs délais impacte la mise en œuvre
des initiatives locales (2).

1. L’étendue considérable du contrôle

Les actes soumis à l’approbation préalable par l’autorité étatique couvrent tous les domaines
clés de la vie locale834. Il peut s’agir de délibérations des assemblées locales ou d’actes pris
par les exécutifs. En principe, l’approbation relève de l’autorité de tutelle et dans certains
cas limitativement évoqués, de l’autorité gouvernementale835. En plus de ces cas,
l’intervention de l’autorité de tutelle peut faire suite à sa saisine par tout contribuable inscrit
au rôle de la commune836. En précisant que l’examen par les autorités de tutelle porte sur

834Au Bénin dix (10) cas sont évoqués à l’article 144 et deux (2) autres cas (création d’une intercommunalité et
coopération décentralisée et affiliation à organisme international) aux articles 177 et 179 de la Loi n° 97-029. Le code
nigérien des collectivités territoriales cite cinq (5) situations (Ord. n° 2010-54, art. 316) auxquelles s’ajoute la signature
de convention avec des collectivités territoriales étrangères ou leurs organismes (Ord. n°2010-54, art. 327).
835 Bénin : Loi n° 97-029, art. 177, al. 2.

836 Bénin : Loi n° 97-029, art. 161.

167
la légalité externe et la légalité interne, le législateur entend prévenir toute dérive. La légalité
externe s’intéresse à la compétence de l’auteur, aux procédures d’élaboration et à sa forme.
La légalité interne apprécie l’applicabilité et l’application qui est faite des textes837.

L’étendue des pouvoirs conférés à l’autorité de tutelle en manifeste la portée. Dans la


perspective d’un contrôle de «tutelle à la béninoise», trois suites peuvent être faites :
l’approbation, l’annulation ou la substitution. Par son approbation formelle, l’autorité de
tutelle certifie la conformité à la légalité et confère à l’acte initialement pris, la force
exécutoire838. La latitude novatrice dont fait preuve le représentant de l’Etat dans l’exercice
de cette prérogative révèle que les marges dont il dispose sont importantes. Il existe Bénin,
la pratique extralégale des observations. Elle consiste, avant l’approbation et dans une
situation où elle est considérée comme non compromise, pour l’autorité de tutelle à inviter
la collectivité à corriger quelque irrégularité non substantielle y relevée.

Sujet à polémique, le pouvoir d’annulation correspond au refus d’approbation qui oblige à


la reprise de l’acte dans la mesure elle fait «disparaître rétroactivement les décisions de l’autorité
décentralisée»839. A cette étape, deux concepts auxquelles réfèrent les libellés des articles 148
et 168 de la Loi n° 97-029 d’une part et des articles 318 et 319 de l’Ord. n° 2010-54 d’autre
part, appellent une clarification. Il s’agit de l’annulation et du constat de nullité. Dans le
premier cas, c’est l’acte pris par l’autorité de tutelle qui crée la situation juridique de nullité
alors que dans le second, la nullité est préexistante à l’acte qui intervient pour l’enregistrer.
Si la différence est établie, rien ne permet d’affirmer que le constat de nullité ne s’applique
qu’aux situations limitativement énumérées, comme suggéré par certaines explications 840.
En effet, disposer que «lorsque le conseil délibère illégalement, l'autorité de tutelle, par arrêté motivé,
constate la nullité des actes concernés et demande au conseil communal de statuer à nouveau en toute légalité»
laisse penser à une disposition d’ordre général841. Autrement dit, en l’état actuel de son

837 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 310.


838 Bénin : Loi n° 97-029, art. 145, in fine. Elle est réputée acquise au terme du délai légal prescrit à cet effet.

839 Bénin : Loi n° 97-029, art. 148. Voir également CHAPUS R., op. cit., p. 409.

840Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation (Bénin), Guide de contrôle de légalité des actes des autorités
communales, Cotonou, Juin 2005, p. 47.

841 Bénin : Loi n° 97-029, art. 148 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 138.

168
libellé, la disposition est applicable à l’ensemble des délibérations du conseil. Dans tous les
cas, s’il y a résistance à la demande de l’autorité de tutelle, celle-ci se substitue à la collectivité
et prend les mesures qu’il juge utiles842. Au Niger, le contrôle de légalité débouche sur deux
décisions que sont la demande de retrait ou de modification de l’acte ou le déféré 843.
Toutefois, en vertu de son mandat général de veille sur l’intérêt national, l’autorité de tutelle
peut sanctionner certaines illégalités alors même qu’il ne s’agit pas d’acte soumis à
approbation844. En tout état de cause, il ne peut y avoir substitution qu’en cas de menaces
ou de troubles graves à l’ordre public845.

Le pouvoir de substitution d’action heurte les libertés locales846. Il permet à l’autorité de


tutelle de «s’ingérer de façon particulièrement marquée dans les affaires de l’institution décentralisée»847
avec comme risque, d’aller au-delà de ce qui est nécessaire à la préservation de l’intérêt
national. Même s’il est présenté comme une réponse à une inaction préjudiciable à l’intérêt
général, la prééminence de l’Etat devrait inciter le législateur à faire examiner par le juge,
toute résistance d’une autorité locale à une demande de l’autorité de tutelle. La substitution
est un dénouement d’autant plus inquiétant qu’il pose, en filigrane, un problème de
responsabilité848. L’on peut se satisfaire de ce que la collectivité territoriale est recevable à
demander l’annulation de l’acte de l’autorité de tutelle et, le cas échéant, réparation de
préjudice849. Dans l’intervalle, l’action publique locale est en attente.

842 Bénin : Loi n° 97-029, art. 149.


843 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 314 et 315.
844 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 318 et 319.

845 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 83 et 84.


846 FINKEN M., Commune et gestion municipale au Cameroun : institutions municipales, finances et budget, gestion locale, interventions
municipales, Yaoundé, Presse du Groupe Saint François, 1996, p. 108, l’appréhende comme «l'étape suprême de l'exercice de
la tutelle».
847 CHAPUS R., op. cit., p. 410.

848
La commune demeure responsable de la décision prise par substitution par l’autorité de tutelle.

849 Bénin : Loi n° 97-029, art. 58, 146. ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 311.

169
2. Des modalités génératrices de lenteur

La transmission constitue un préalable essentiel à l’exercice, par l’autorité de tutelle, du


contrôle. Le contrôle et tous les actes subséquents y prennent leur source. Ainsi, des
délais850 sont-ils définis par le législateur. C’est à partir de ces éléments qu’il convient
d’apprécier l’impact du contrôle a priori sur l’efficacité de l’action publique locale.

Les délais d’approbation fixés par le législateur béninois varient de 15 jours à 2 mois 851. A
partir de quand doit se faire la computation ? Dès lors qu’il y a la distance, deux possibilités
peuvent être envisagées. Le décompte peut se faire à partir de la prise de l’acte ou à partir
de la réception par l’autorité d’approbation. La première doit être écartée dans la mesure
où, il est de principe général qu’un acte ne peut être opposable qu’à partir du moment où il
est porté à connaissance, par notification ou publication. Le délai ne peut donc courir qu’à
partir de la réception par l’autorité de tutelle de l’acte concerné852.

Le mode de transmission des actes est une question essentielle. Il constitue un moyen de
preuve et permet de garantir intégrité et durabilité. Ces considérations ont des implications
matérielles. L'écrit est le mode d'expression normal de l'administration. De même, la
procédure devant le juge administratif est écrite853. La nécessité d’un accusé de réception, à
titre de preuve, oblige les administrations locales à se déplacer pour déposer la version
papier des actes. Ceci coûte la mise à disposition d’une ressource humaine et un
déplacement. Il se pose légitimement la question de savoir si l’écrit signifie exclusivement
l’écrit sur support papier ou si, par contre, l’écrit dématérialisé peut faire foi.

850Le délai est un paramètre d’une portée juridique majeure. Il désigne la durée de temps qui sépare deux instants. Il
intervient aussi bien dans le processus de l'acquisition des droits que dans celui de leur extinction. A son échéance
une partie se trouve privée d'un recours.

851 Bénin : Loi n° 97-029, art. 145.


852 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 312, al. 4 : «L'autorité de tutelle en délivre immédiatement accusé de réception. A défaut, la preuve
de la réception de l'acte peut être apportée par tous moyens» ; Bénin : bien que la loi n’ait rien prescrit à ce sujet, il est plausible
de partir de la situation de notification prévue à l’article 74 de la Loi n° 97-029 pour inférer que le délai d’approbation
court à compter de la réception de l’acte.

853 Bénin : Loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les formations
juridictionnelles de la cour suprême, art. 2.

170
Il ne fait aucun doute que pour les rédacteurs du Code civil français de 1804, l’écrit ne
pouvait être que celui matérialisé sur un support papier 854. Toutefois, cela n’impose pas
pour autant qu’il faille s’en tenir à cette perception restrictive ad vitam aeternam855. Pendant
longtemps il n’a pas existé une définition légale de la notion d’écrit. C’est encore le cas au
Bénin au Niger. Mais on peut se permettre un emprunt au droit français qui a enregistré
l’adoption de la loi du 13 mars 2000 dont l’article 1316, introduit au Code civil français,
définit le concept d’écrit comme «une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes
ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support ou leurs modalités de
transmission». A s’en tenir à cette compréhension, un document électronique constitue un
écrit, au sens juridique, dès lors qu’il remplit les trois fonctions traditionnellement attachées
à l’écrit qui sont la lisibilité, la stabilité et l’immutabilité 856. La tendance actuelle est donc à
la neutralité technologique857. Cependant, pour les nécessités d’archivage indispensable
pour l’administration, la communication en son sein et avec elle devrait se faire à l’aide de
supports durables858. Il demeure que la dématérialisation de la transmission de certains actes
serait une source d’économie de moyens notamment, le temps859.

Les délais d’approbation du budget et des conventions relatives aux marchés publics
permettent d’illustrer cette nécessité. Si au Niger, le budget, sous le régime de l’Ord. n°

854WILMS W., «De la signature au «notaire électronique». La validation de la communication électronique», Mélanges
Jean Pardon, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 568 : «Dans un système basé sur du papier, le message est fixé sur un support d’information
matériel».

855RIPERT G., Les forces créatrices du droit, 2e éd., Paris, LGDJ., 1994, p.39 : «Ce qui assure la stabilité du droit c’est la
plasticité des règles générales, qui peuvent toujours être étendues à des objets nouveaux».

856 La notion de lisibilité suppose qu’il soit possible d’accéder et de lire aisément le contenu de l’écrit. La
stabilité implique l’idée de durée, de constance voire de permanence auxquelles doit également être associée à la notion
de conservation à long terme. L’immutabilité réfère au caractère définitif du contenu de l’écrit qui n’est plus susceptible
d’être modifié. L’inaltérabilité du support y est liée.
857 France, Cas., Com., 2 décembre 1997, D.1998, p.192, note Martin.

858Un support est dit durable «s’il garantit le stockage, la consultation et la reproduction exacte des informations qu’il
contient». Ici réside l’inconvénient de l’écrit électronique ou du «flux d’électrons» : la vulnérabilité des transactions qu’il
permet de mettre en œuvre ainsi que la vie éphémère de ses supports qui sont relativement vite dépassés en raison des
évolutions technologiques.

859En France, elle a été autorisée par la Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
En plus du caractère instantané de la transmission, elle l’application informatique ACTES développée à cet effet permet
l’émission automatique de l’accusé de réception, le calcul des délais de recours, le dénombrement statistique des actes,
etc. Des contingences techniques, telle que par exemple la taille maximale transmissible par envoi, peuvent limiter sa
généralisation à tous les actes.

171
2010-54, est soumis à transmission860, au Bénin, le régime d’approbation est appliqué. Le
délai fixé est d’un (1) mois861. Il en est de même pour les conventions relatives aux
marchés862 dont le délai d’approbation est de deux (2) mois. Ces longs délais interpellent
surtout que la Loi n° 2009-02 du 07 août 2009 portant code des marchés publics et de
délégation de service public impose également des délais non moins importants. On peut
légitimement s’interroger sur le temps restant à réellement consacrer, dans l’année civile, à
la concrétisation des initiatives locales863.

B. Des difficultés à la mise en œuvre du contrôle par les autorités de tutelle

Le contrôle a priori tel qu’il est défini par le législateur nécessite, pour sa mise en œuvre,
d’importants moyens que l’Etat ne parvient pas à mettre en place (1). Au plan institutionnel,
la réorganisation qu’appellent les nécessités d’efficacité du contrôle n’a pu être mise en
œuvre (2).

1. L’indisponibilité des moyens

Malgré le nombre relativement réduit de collectivités territoriales 864, le contrôle de légalité


génère une masse importante de travail qui résulte de la transmission systématique de
presque tous les actes à l’autorité de tutelle qui est tenu d’exercer son contrôle dans un
certain délai, légalement déterminé865. Si pour les collectivités, omettre de transmettre, c’est

860 L’Ord. n°2010-54 consacre une évolution par rapport à la Loi n°2002-012 du 11 juin 2002 (abrogée) dont les
articles 139 à 141 soumettaient le budget au contrôle de la tutelle. Mais, même dans les cas de simple transmission,
l’acte doit être transmis à l’autorité de tutelle avant son entrée en exécution. Dans une espère, le Conseil d’Etat français
a considéré que «l’absence de transmission de la délibération autorisant le maire à signer un contrat avant la date à laquelle le maire
procède à sa conclusion entraîne l’illégalité dudit contrat, ou s’agissant d’un contrat privé, de la décision de signer le contrat» (CE, avis, 10
juin 1996, req. n°176873) à moins que les conditions de la transmission n’aient pas privé le préfet de sa capacité à
exercer le contrôle de légalité et dès lors que cette délibération a été prise avant la signature du contrat (CE, 09 mai
2012, req. n°355665).

861 Lorsqu’il y a demande de complément d’information, le délai est suspendu jusqu’à leur réception.
862 Au Niger, elles sont soumises à transmission (Ord. n°2010-54, art. 313.).

863 C’est ce qui explique que les collectivités territoriales ne transmettent pas tous leurs actes (MDGLAAT (Bénin),
Revue sectorielle Décentralisation, Déconcentration et Aménagement du Territoire, Avril 2012, p. 5) faisant ainsi échec
à l’exercice du contrôle et au droit de l’Etat à l’information sur les décisions locales (HASTINGS-MARCHADIER A.
(dir.), Les performances des contrôles de l’Etat sur les collectivités locales, Paris, LGDJ, 2011, p. 9).
864Au Bénin 77 communes (niveau unique de décentralisation) soit une moyenne d’environ 13 par Préfecture. Au
Niger, on dénombre, comme collectivités territoriales, 255 communes et 7 régions.

865 Bénin : Loi n°97-029, art. 147 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 312 et 313.

172
ne pas mettre le représentant de l’Etat en capacité de veiller sur les intérêts nationaux, pour
l'Etat, ne pas dégager les moyens nécessaires pour les examiner, serait ne pas se donner les
moyens d’assurer le respect de la légalité et la garantie des libertés locales.

Un dispositif formel assiste le Préfet dans l’examen des actes locaux866. L’importante
quantité des actes transmis explique certaines difficultés. Les moyens affectés au contrôle
de légalité sont maigres, quantitativement et qualitativement. En 2009, le gouvernement
béninois reconnaissait que les ressources humaines des préfectures et services déconcentrés
de l'Etat ne suivaient pas les transferts financiers867. Le constat est persistant et s’est aggravé
en raison des départs à la retraite868. C’est seulement à partir de 2011 que, par exemple, le
nombre de Chargés de Mission a pu atteindre deux (2) par Préfecture, chacun couvrant
ainsi en moyenne six (6) communes au lieu de trois (3)869.

Le contrôle est un métier. Il ne peut être exercé efficacement que moyennant l’acquisition
de compétences techniques spécifiques. Or, beaucoup de fonctionnaires, de plus en plus
jeunes, sans les moindres formations et expériences spécifiques, interviennent dans le
contrôle de légalité. La rareté de l’expertise juridique spécialisée en administration
territoriale est aussi frappante. Ces dysfonctionnements peuvent nuire à la qualité du
contrôle. L’impression générale qui se dégage est qu’il y a «un profond décalage entre l’importance
objective de ce contrôle dans la théorie de la décentralisation et la place secondaire qu’on lui accorde…» dans
les faits870. Dans un tel environnement, instituer un contrôle exhaustif est un leurre 871. Les

866 Il est composé du Secrétaire Général de la Préfecture (anime et coordonne les activités de l’administration
préfectorale et remplace le Préfet en cas d’absence), des Chargés de Mission (Appelés collaborateurs du Préfet au terme
de l’article 141 al. de la Loi n°97-029, le Décret 2002-376 du 22 août 2002 portant organisation et fonctionnement de
l’administration départementale, art. 65 leur confère le titre de Chargé de Mission), du Haut Fonctionnaire chargé de
la Sécurité (Loi n°98-005, art. 19, al. 3 ; Décret 2002-376 du 22 août 2002 portant organisation et fonctionnement de
l’administration départementale, art. 59. Ce Haut fonctionnaire n’a jamais nommé. Le gouvernement a préféré nommer
des délégués militaires au niveau des préfectures) et du Délégué du Contrôle Financier.
867 MDGLAAT, Aide-mémoire, Revue sectorielle Décentralisation, Déconcentration et Aménagement du Territoire, 2009, p. 4.

868 MDGLAAT, Aide-mémoire, Revue sectorielle Décentralisation, Déconcentration et Aménagement du Territoire, 2014, p. 12.
869 Décret n°2002-376, art. 65.

870 COMBEAU P., op. cit., p. 1.


871 En réalité, la tutelle essaye d’effectuer au mieux de ses capacités un contrôle dont il n’a pas les moyens. Nombreux
sont les cas pour lesquels l’intervention de la tutelle sur l’acte transmis se résume à accuser réception, cacheter, affecter
et classer. Et pourtant, ces activités improductives ont un coût. La question de l’utilité de la transmission systématique,
pour certains actes et de l’approbation pour d’autres, se pose légitimement.

173
enjeux, pour chaque catégorie d’actes, méritent donc d’être examinés872. En confiant aux
représentants de l’Etat la préservation des intérêts nationaux, le constituant et le législateur
ne pouvaient avoir pour objectif une analyse de légalité mécanique, indépendante de toute
appréciation des réalités propres à chaque contexte. L’adéquation et l’efficacité du dispositif
de contrôle dépendent de la prise en compte de ces spécificités.

2. L’inadéquation du dispositif de contrôle

Une série de considérations liées à l'organisation mise en place, expliquent les faiblesses du
contrôle de légalité. Certes, la fonction est essentiellement déconcentrée. Mais à ce niveau
déconcentré, elle est centralisée au seul niveau du représentant unique de l’Etat. En effet,
le dispositif formel d’exercice du contrôle ne vise pas les services déconcentrés de l’Etat.
En ne les responsabilisant pas formellement, le législateur a pu vouloir éviter la diffusion
du pouvoir dont pourrait résulter une telle multiplicité de centres de décision. Il n’en
demeure pas moins certain qu’une analyse et appréciation préalables desdits services sont
nécessaires à la décision de l’autorité de tutelle. Dans la pratique, des comités qui les
intègrent sont mis en place pour examiner les actes soumis par les collectivités.

Ainsi qu’il se déploie, le dispositif présente au moins deux insuffisances. Premièrement, il


ne met pas en première ligne les services déconcentrés qui en constituent la cheville
ouvrière873. En second lieu, son organisation n’est pas normalisée. Il n’est pas établi une
démarche technique qui garantisse fiabilité, objectivité et transparence874 et ne paraît pas
adapté au nécessaire développement des capacités. La faible proportion de responsables de
services départementaux connaissant le contenu de la politique nationale de décentralisation
dont ils ont pour mission d’accompagner la réalisation en porte témoignage875.

872Paraîtrait par exemple d’importance limitée tout acte dont le contenu ne présenterait aucun intérêt majeur ou risque
de remise en cause de l’intérêt général, de l’ordre public ou des engagements internationaux de l’Etat. Dans un tel
exercice, l’intérêt des citoyens contribuables, particuliers et agents de la collectivité et leur inclinaison à attaquer
systématiquement ce type d'actes devant le juge devraient également être pris en considération.

En dehors des textes de loi, les orientations, normes techniques, etc. sont élaborées par les ministères sectoriels
873

dont relèvent lesdits services déconcentrés.

874
De tels outils permettraient aux collectivités territoriales d’auto évaluer en avance la légalité de leurs actes.

875MDGLAAT (Bénin), Rapport d’évaluation d’étape de la politique nationale de décentralisation et de


déconcentration, op. cit., p. 55 : «…seules 57% des autorités départementales connaissent la PONADEC».

174
Le contrôle de la gestion financière locale souffre aussi de déficit de coordination et
d’orientations stratégiques. Il est prévu une succession de contrôles qui font penser à des
doublons et à une présence excessive de l’Etat, particulièrement au Bénin 876. En plus de la
nomination du comptable de la commune par le ministre des finances et la soumission à
approbation de l’autorité de tutelle du budget et du compte administratif, d’autres jalons de
contrôle a priori et a posteriori sont institués877. Ces multiples prescriptions n’ont toutefois
pas suffi à éviter à la commission parlementaire d’information, d’enquête et de contrôle du
Fonds d’Appui au Développement des Communes de relever une «utilisation inappropriée des
fonds, dans bien des cas»878. La question de l’efficacité des contrôles se pose.

Sans être la justification primordiale, la qualité des ressources humaines au niveau des postes
comptables constitue une préoccupation souvent soulevée par les élus. La situation a pu
être occasionnée par le silence de la loi qui, contrairement au poste de chef du service
financier de la commune, ne fixe aucun profil. Quant aux audits annuels des communes, ils
sont conduits, au Bénin, par les corps de contrôle notamment l’Inspection générale des
finances et l’Inspection générale des affaires administratives. Malgré la connaissance que les
services financiers départementaux ont des collectivités, ils ne sont pas associés à l’audit,
pas plus que ne sont exploités les innombrables rapports de mission et arrêtés préfectoraux.
Un tel déficit de coordination entre contrôles de tutelle et inspections et le défaut
d’évaluation de l’ensemble des contrôles menés par l’Etat sur les collectivités ne permettent
pas une mise en commun des constats et conclusions aux fins de dégager des orientations
et des axes de concentration des contrôles.

Les dysfonctionnements sus évoqués révèlent que cette tutelle qui consiste en un contrôle
a priori étendu n’est pas apte à produire les résultats escomptés. Non seulement, elle
contraste avec le niveau de responsabilité des collectivités locales mais elle se situe en retrait
des évolutions récentes en la matière.

876 Bénin : Loi n°98-007, art. 46 et 49.

877 L’exécutif communal est tenu de communiquer «trimestriellement sa comptabilité des dépenses engagées à l'autorité de tutelle»
(Bénin : Loi n°98-007, art. 44.). La liste des projets d’investissements est transmise à la tutelle et un point est supposé
lui être fait au 31 mai et au 30 novembre de chaque année (Bénin : Loi n°98-007, art. 23).

878Bénin, Commission Parlementaire d’information, d’enquête et de contrôle relative à la gestion du Fonds d’Appui
au Développement des Communes (FADeC), Rapport général, juin 2014, p. 16.

175
SECTION 2 : UN REGIME DISSONANT PAR RAPPORT AUX PRATIQUES ET PERSPECTIVES

La conception suivant laquelle la suprématie de l’Etat et l’étroite dépendance des


collectivités territoriales constituent les seules gages de l’unité d’une république est
largement contestable et ce, pour au moins deux raisons. D’une part, la libre administration,
se met en œuvre dans les conditions fixées par la loi et d’autre part, la décentralisation, à
travers la responsabilisation locale et la prise en charge des spécificités des territoires,
contribue, plus que cela n’y paraît, à l’unité de la nation879. En témoigne l’état des lieux qui
ne révèle pas de dérives particulières imputables à la libre administration (Paragraphe 1).
Les suspicions paranoïaques soulevées pour justifier la mise en œuvre d’un régime de
surveillance rapprochée ne se sont pas vérifiées. En contrepoint, la relative stabilité de
l’institution communale plaide pour un nouveau constitutionnalisme local mâtiné d’un
esprit libéral (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’état des lieux du respect de la légalité

Il sied de rappeler d’emblée que les constitutions ouest africaines des années 1990 sont
considérées comme refondatrices des libertés démocratiques. En effet, conçues pour être
des remparts contre l’arbitraire, elles reflétaient le rejet des pratiques administratives
inadaptées auxquelles l’avènement de collectivités territoriales, s’administrant librement,
devrait remédier880. Deux perspectives majeures marquent les politiques de
décentralisation : faire progresser la démocratie locale et offrir un meilleur service public,
adapté aux réalités locales881. L’état des lieux, établi sur la base d’un bilan rétrospectif, révèle
que l’ordre constitutionnel n’est pas menacé du fait de la réforme décentralisatrice (A)
pendant que la partialité des autorités de tutelle constitue une redoutable entrave à
l’effectivité de la libre administration (B).

BURDEAU F., op. cit., p. 12. L’autonomie locale suppose de ne pas faire du système d’administration décentralisé,
879

une «chaîne d'exécution des prescriptions» lointaines du chef de l'exécutif.

880 Une analogie peut être établie avec la situation dans les années de révolution (1789). V. BURDEAU F., «1789,
l’administration territoriale et nous», Annuaire des collectivités locales, T. 9, 1989, p. 10 : «Au nom du droit des citoyens à avoir
la maîtrise de leurs propres affaires, ils exigeaient l'établissement à tous les niveaux du royaume d'assemblées représentatives qui viendraient
se substituer aux agents du monarque pour la gestion des affaires collectives».

881 Bénin : Loi n°97-029, art. 2 et 82 ; Niger : Ord. n°2010-54, art.3, al.5 et art. 4.

176
A. Le respect de l’ordre constitutionnel par les collectivités

Les risques de défiance vis-à-vis de l’Etat ont été abondamment invoqués pour justifier une
tutelle resserrée sur les collectivités territoriales. En pratique, les dispositifs de protection
semblent bien fonctionner. A l’appui de ce constat, seront invoqués le respect de la
compétence législative, du principe de légalité et des libertés fondamentales que le
constituant, le législateur et le juge garantissent contre toute atteinte d’où qu’elle puisse
provenir (1). Les déviances provenant des collectivités territoriales ne sont pas légion (2).

1. Le respect des libertés et principes constitutionnels

Le principe d’indivisibilité de la souveraineté interdit à la collectivité locale toute


revendication et au pouvoir législatif tout transfert de compétences qui investirait une
autorité locale d'un pouvoir concurrent, de même nature882. Le droit français, dont s’inspire
largement le droit administratif au Bénin et au Niger, rejette tout système qui consacrerait
la coexistence de pouvoirs normatifs autonomes883. Au demeurant, la libre administration
des collectivités territoriales s’exerce nécessairement dans le respect de la loi. Tout acte
règlementaire pris au niveau local doit s’y conformer.

Bertrand FAURE a écrit que «La loi est le soutien obligé de leur activité normative»884 dérivée. Les
lois sur la décentralisation le précisent formellement885. Ce qui ne revient pas à dénier aux
collectivités territoriales tout pouvoir normatif. Afin que les collectivités territoriales soient
suffisamment autonomes pour remplir leur mandat, elles disposent du pouvoir de prendre
des actes administratifs autonomes. Elles ne sont pas, en principe, soumises au principe de
hiérarchie, comme c’est le cas pour les administrations déconcentrées, lesquelles doivent

882 Const. Bénin, art 79 : «Le parlement est constitué par une Assemblée unique dite Assemblée Nationale dont les membres portent le
titre de député. Il exerce le pouvoir législatif et contrôle l’action du gouvernement» ; Const. Niger, art. 90 : «L'Assemblée nationale vote
la loi et consent l'impôt».

883 C'est ce que rappelle, entre autres, la décision du Conseil constitutionnel français rendue le 25 février 1982 à propos
de la loi du 02 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. Décision 82-
137 D.C., Rec, p. 38 ; AJDA, 1982, p. 303 : «Le principe de légalité exige à la fois le respect des attributions du législateur et celui
des règles supérieures du droit par lesquelles la Constitution adoptée par le peuple français a proclamé l'indivisibilité de la République,
affirmé l'intégrité du territoire et fixé l'organisation des pouvoirs publics».

884 FAURE B., Le pouvoir réglementaire des collectivités locales, Paris, LGDJ, 1998, p. 332.
885
Bénin : Loi n°97-029, Art. 108 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 9.

177
respecter les injonctions faites par le pouvoir central. Les organes locaux ont des pouvoirs
normatifs dans plusieurs domaines : circulation routière, maintien de l’ordre, police des
funérailles, etc.886. Mais l’étendue desdits pouvoirs et leur objet restent limités.

En jurisprudence, le Conseil constitutionnel français a reconnu que «si le principe de libre


administration des collectivités territoriales a valeur constitutionnelle, il ne saurait conduire à ce que les
conditions essentielles d'application d'une loi organisant l'exercice d'une liberté publique dépendent de
décisions des collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l'ensemble du territoire»887.
Il s’en suit que l’autonomie locale ne saurait justifier la moindre dérogation, de la part d’une
autorité locale, au traitement égalitaire auxquels ont droit les citoyens. Le principe d’égalité
demeure le gardien de l’unité de la République notamment en matière de respect et de
protection des droits fondamentaux. En effet, pour toutes les collectivités territoriales,
abstraction faite de leur statut ou catégorie, la garantie des libertés publiques constitue une
limite constitutionnelle à la libre administration. L’examen des jurisprudences béninoise et
nigérienne ne révèle pas de violations répétées de la constitution par les collectivités locales.
Ces efforts de conformité s’étendent à la légalité strito sensu.

2. Le respect des textes de loi sur la décentralisation

Si les élus locaux prennent spontanément leur part dans la gestion publique, nul n’aura
besoin d’une tutelle de marquage. Pour le Bénin, les statistiques sur la gouvernance ne sont
pas affolantes888. Le taux de conformité des actes communaux est un indice révélateur, à ce
sujet. Ce taux est en constante évolution889. Une analyse des actes annulés révèle que les

886 Bénin : Loi n°97-029, art. 73 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 81.

887 Décision n°84-185 DC du 18 janvier 1985, Loi modifiant et complétant la Loi n°83-663 du 22 juillet 1983 et portant
dispositions diverses relatives aux rapports entre l’État et les collectivités Territoriales. Sur ce fondement, il sanctionne toute atteinte
aux droits politiques (Décision n°91-290 DC du 9 mai 1991, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse, Rec., p.
50, § 23), à la liberté de l’enseignement (Décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994, Loi relative aux conditions de l’aide
aux investissements des établissements d’enseignement privés par les collectivités territoriales, Rec., p. 9.
888 Bénin, Audit de la gestion des ressources du Fonds d’Appui au Développement des Communes (FADeC) au titre des exercices 2010
et 2011. Synthèse nationale, Cotonou, Décembre 2012, pp. 36-40. Par exemple, 77,27% des communes ont tenu 4 sessions
ordinaires légalement requises (Loi n°97-029, art. 16). 92,85% de communes ont adopté leur budget primitif et 82,85%
leur compte administratif, dans les délais légaux (Loi n°98-007, art. 28 et 50). Il demeure que la situation appelle à des
actions dans certains domaines dont notamment le fonctionnement des commissions permanentes des conseils
(seulement 37,61% des commissions ont tenu au moins une réunion en 2011), la reddition de compte et
corrélativement le contrôle interne (moins de la moitié des maires rendent compte par écrit de leurs activités au conseil).

Il est passé de 76% en 2007 à plus de 90% en 2013. Cette amélioration est corrélée à la mise en place des moyens
889

pour l’assistance conseil.

178
illégalités sont plus récurrentes en matière de gestion des ressources humaines et de
procédures. Ces difficultés ne sont pas surprenantes. Elles résultent, entre autres, de la
situation de «sans statut» qui est faite aux personnels des collectivités, en l’absence d’une loi
sur la fonction publique territoriale.

En matière de gestion des ressources, les dysfonctionnements relevés justifieraient le


maintien d’un contrôle approprié ou la prise de mesures nouvelles. Dans le champ de la
passation des marchés, c’est surtout la non création des cellules de contrôle (dans 44% des
communes) qui empêche qu’advienne le contrôle interne a priori que prescrit la loi. La tenue
des principaux registres comptables requis n’est pas à jour. En matière de capacité
d’autofinancement, les performances interpellent sur la capacité des collectivités à assumer
leur autonomie. En effet, alors qu’en 2010, leurs recettes propres ont connu un
accroissement moyen de 28,6% par rapport à 2009, cette augmentation n’est plus que de
12,3% entre 2010 et 2011. La même tendance baissière est enregistrée en ce qui concerne
les efforts propres de financement (excédent de fonctionnement capitalisé) qui passent de
3,2% en 2010 à -0,5% en 2011.

B. La partialité des autorités de tutelle

Le représentant de l’Etat dans les départements ou régions est désigné par le pouvoir
exécutif890. La soustraction à la norme législative de cette catégorie de personnel a permis à
la politisation, qui opère par une sélection par l’argent et le pouvoir, de s’y installer891. Dans
l’exercice de la fonction, les variables extra juridiques, en tête d’affiche desquelles figurent
les interférences politiques, deviennent prépondérantes au point que les autorités de tutelle
sont perçues plus comme émissaire du pouvoir politique (1) que comme un fonctionnaire
exerçant une fonction républicaine, celle de commissaire à la légalité et à la défense de
l’intérêt national (2).

890Qui rechigne à organiser ces hauts fonctionnaires en corps avec, à défaut d’un statut particulier, un cadre d’emploi
juridiquement encadré.
891
Ici apparaît une difficulté énorme bien connue : remettre en cause une culture établie.

179
1. Le représentant de l’Etat, émissaire du pouvoir politique

L’historique de la fonction est instructif. Au commencement était la Loi française du 28


pluviôse an VIII (17 février 1800). Elle prescrivait que le Préfet serait «seul chargé de
l’administration»892. Il ne s’agissait alors pas de créer ou de consolider un pouvoir mais
d’assurer une mission précise que BONAPARTE, Ministre de l’Intérieur, définissait
comme l’établissement d’un trait d’union entre la révolution et la paix entre les Français :
«Le gouvernement ne veut plus, ne connaît plus de partis et ne voit en France que des Français»893. La
justification et la légitimité de la fonction préfectorale étaient fondées sur les principes de
primauté de l’intérêt général et d’impartialité vis-à-vis des citoyens894. D’ailleurs les tous
premiers nommés à ce poste par NAPOLEON étaient des conseillers d’Etat895. Mais les
mutations ont vite transformé la fonction. L’accroissement des services fit suite à un
redéploiement des ministères896. Le promoteur du régime républicain devrait devenir
l’administrateur professionnel, avec toutefois, comme principes clés, la loyauté au
gouvernement et l’impartialité vis-à-vis de toutes les composantes de la société897.

En contrepoint du discours sus évoqué, le régime napoléonien a inscrit la fonction


préfectorale, supposée républicaine et impartiale, dans une perspective partisane qui exigeait
un engagement politique. Cette dynamique explique les purges successives du corps
préfectoral par différents régimes des XIXème et XXème siècles898. Intronisés comme

892
Loi française du 28 pluviôse an VIII, art. 3.
893
Lucien BONAPARTE, ministre de l’Intérieur, aux préfets de département. Instruction du 21 ventôse an 8.
Voir LALLEMENT G., Choix de rapports, opinions et discours prononcés à la Tribune Nationale de 1789 à ce
jour, T. XVII, 1er vol. p.150.

894 La formule sacramentelle de prestation de serment est : «Je jure d'être fidèle à la République une et indivisible,
fondée sur l'égalité, la liberté et le système représentatif» ; v. SAVANT J., Les préfets de Napoléon, Paris, Hachette, 1958,
p. 20.

895Napoléon avait créé le Conseil d’Etat qui avait à ses origines pour mission de préparer les lois. Il ne voulait y voir
que des compétences. En outre, pour lui, seul l’intérêt général réunit toutes les différentes tendances politiques. A cet
effet, le Conseil avait une totale liberté de parole. Il en a fait la «pépinière» de l’administration.

896En 1802, Napoléon prescrit aux préfets de diligenter une enquête sur la situation administrative au terme de laquelle
est intervenu une réorganisation des ministères hérités et qui étaient au nombre de sept seulement. Cette réforme au
sommet de l'Etat toucha le corps préfectoral qui sera rattaché à un ministère de l'intérieur tout puissant. V. GERAUD-
LLORCA E., «L’universalité des compétences préfectorales», La Loi du pluviôse An VIII, Paris, PUF, 2000, p. 31.
897Le Préfet Paul BERNARD parle de «comportement d’ouverture œcuménique» qui ne requiert pas une inféodation
ou une appartenance au parti au pouvoir. Les vicissitudes de la vie politique marquée par des alternances électorales et
par moment, par des cohabitations ont pu fonder cette exigence.
898 Hautes études médiévales et modernes, Les épurations administratives, Genève, Droz, 1997, n°29, 236 p.

180
émissaires du gouvernement, les préfets avaient alors pour rôle majeur d’assurer la maîtrise
gouvernementale de l’électorat899. La Loi du 28 pluviôse An VIII renforce leur
positionnement politique en leur confiant la nomination des conseillers municipaux, des
maires et adjoints des communes de moins de 5 000 habitants900. Un tel niveau de confiance
exige discipline, fidélité et loyauté. Dans une circulaire en date du 24 Germinal An VIII,
Lucien BONAPARTE, le Ministre de l’Intérieur a stipulé que le Préfet avait pour rôle de
faire prévaloir la ligne politique que le gouvernement a déterminée901. Il ne devrait donc pas
avoir d’opinion personnelle mais être «l’homme du gouvernement»902. A cet effet, il était chargé
des missions de mise en condition de la population à travers des campagnes de propagande
gouvernementale903. Le temps n’a pu totalement triompher de cette perception de la
fonction préfectorale904.

L’hyper présidentialisme continue d’imprimer à l’action administrative la rationalité


politique905. Il y a le risque qu’une telle option vienne légaliser et conforter la tendance

Pour des détails sur l’histoire de la fonction préfectorale, V. REGNIER J., Les Préfets du Consulat et de l'Empire, Paris,
899

Edition de la Nouvelle Revue, 1907, p. 19 et s. ; HENRY P., Histoire des préfets. Cent cinquante ans d'administration provinciale
1850-1950, Paris, Nouvelles Editions latines, 1950, p. 25 et s. ; SAVANT J., Les préfets de Napoléon, Paris, Hachette,
1958, p. 20 et s.

900 Loi du 28 pluviôse An VIII, § 4. Des nominations, art. 20 : «Les préfets nommeront et pourront suspendre de leurs
fonctions les membres des conseils municipaux ; ils nommeront et pourront suspendre les maires et adjoints dans les
villes dont la population est au-dessous de cinq mille habitants. Les membres des conseils municipaux seront nommés
pour trois ans : ils pourront être continués».

901Dans la circulaire du 6 floréal An VIII, il insistait : «Il devient simple citoyen, quand, au lieu de se borner à exécuter, il a une
pensée qui n'est pas celle du gouvernement, et surtout quand il la manifeste». V. THUILLIER G., Témoins de l'administration, Berger-
Levrault, 1967, pp. 65-66 cité par PRETOT X., «Institution préfectorale, rupture ou continuité ?», La Loi du pluviôse
An VIII, Paris, PUF, 2000, p. 120.
902 SAVANT J., Les préfets de Napoléon, op. cit., p. 28 et s.

903GERAUD-LLORCA E., «L’universalité des compétences préfectorales», La Loi du pluviôse An VIII, Paris, PUF,
2000, p. 30.

904Figure locale de la présence gouvernementale à qui il est directement rattaché et dont il prolonge l’action politique
dans les départements.
905 Par exemple, la nouvelle mouture de l’article 56 de la Constitution proposée par la Commission dite
GNONLONFOU (Commission chargée de l’élaboration des avant projets de loi dans le cadre des réformes politiques
et institutionnelles créée par Décret 2011-502 du 25 juillet 2011) préconise que le Préfet soit directement nommé par
le Président de la République mais que le statut de ce corps soit réglé par le législateur (art. 97 nouveau). Le rapport
explicatif ne motive pas cette proposition. On peut supputer qu’il s’agirait de lui conférer une émanation supra
ministérielle vu qu’il représente l’ensemble du gouvernement. Un tel argument est discutable vu que sous le régime
juridique encore en vigueur, même s’il est proposé par le ministre en charge de l’administration territoriale, il est nommé
par décret pris en conseil des ministres, organe présidé par le Président de la République. Il ne serait pas exagéré de

181
actuelle d’extrême politisation. En effet, les conditions de qualification requises et
légalement définies pour la nomination des préfets sont peu respectées906. Quelle légitimité
et quelle autorité pour un «dépositaire de l'autorité de l'État»907, chargé d’exécuter les lois,
règlements et «décisions du pouvoir exécutif dans sa circonscription administrative»908 mais qui est
nommé en violation de la légalité?

N’ayant pas en toutes circonstances pour visée de faire respecter uniquement le droit, le
représentant de l’Etat se montre par moment partial, sanctionnant des actes et des agents
pour des motifs qui n’ont que trop à voir avec d’autres calculs, électoraux ou patrimoniaux.
La pratique est devenue si banale que même les discours ne reflètent plus la neutralité
républicaine, encore moins les actes. Les rivalités politiques interfèrent fréquemment dans
les rapports institutionnels entre autorités de tutelle et élus locaux909.

2. Le représentant de l’Etat, un commis partial

L’expression commis réfère à celle de grand commis de l’Etat employée pour «désigner certains
hauts fonctionnaires se signalant par un sens exceptionnel de l’intérêt public»910. C’est à juste titre que
la fonction préfectorale -ou plus largement celle de représentant de l’Etat- est la seule
fonction publique que le Constituant français911 de 1958 a voulu définir avec précision en
lui confiant «la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif, du respect des lois».
Conceptuellement, l’autorité de l’Etat dont le Préfet est dépositaire, doit être exercée
comme un service et non comme un pouvoir de domination. Doit donc prévaloir, l’esprit

supposer que la différence logique que pourrait introduire un tel changement devrait plutôt résider dans le critère
prépondérant des considérations politiques.

906Les administrateurs civils ne remplissent pas toujours les critères d’appartenance ou d’activisme politique que
recherchent les pouvoirs politiques.
907
Bénin, Loi n°97-028, art. 9 et 1 ; Niger, Loi n°2008-42, art. 16 et Décret n°2013-035/MI/SP/D/AR du 1er février
2013, art. 13 et 34.
908
Décret n°2013-035/MI/SP/D/AR du 1er février 2013, art. 13 et 34.

909Des acteurs en témoignent : «Le préfet est du MNSD et sur les 5 communes que nous observons, 4 sont dirigées par des maires
du MNSD, ce qui explique que les relations sont relativement bonnes». Voir, LASDEL/Observatoire de la décentralisation au
Niger, «Les commune du canton de Birnin Lallé», Etude et travaux, n°72, Décembre 2008, p. 25.
910 CORNU G., op. cit., p. 198.

911 Et à sa suite, le Constituant nigérien de 2010 (art. 165).

182
de l’étymologie du mot autorité -auctoritas- : «Pouvoir donné pour l’exercice d’une fonction»912 qui
diffère de l’imperium, pouvoir d’ordonner une astreinte913.

Mais, puisque dans l’esprit napoléonien «administrer doit être le fait d’une seule personne», le préfet
est devenu le détenteur exclusif de la fonction administrative914. Ainsi, l’administration a
«pris sens de pouvoir unique, unilatéral, à tous les degrés administratifs en vertu d'une hiérarchie
rigoureuse»915. Il naît de cette organisation administrative résultant de la Loi du 28 pluviôse
an VIII, un esprit monarchique. Ce monopole administratif a fait naître une autorité
hiérarchique presqu’absolue. Il n’y avait même pas à distinguer entre intérêt national et
intérêt local. La crainte révérencielle a installé une atonie généralisée des conseils et des
sous-préfets relégués dans un rôle d'agents de transmission des directives préfectorales et à
celui d'agents d'information et de renseignement916. Le préfet était investi de larges
prérogatives tutélaires917. Vis-à-vis de la collectivité locale, il s’affirmait fermement918 Au
plan de la communication, et ainsi que déclarait CHAPTAL lors de l’examen de la Loi de
pluviôse an VIII, «le préfet ne connaît que le ministre, le ministre ne connaît que le préfet»919. Par
conséquent, celui-ci doit être bien au fait des réalités du département qu’il administre de
sorte que, instruit de ses besoins, il puisse en rendre compte au gouvernement. La tournée

912 V. CORNU G., op. cit., p. 108.

913 CORNU G., op. cit., p. 520.

914 Le Conseil Général et le Conseil de Préfecture qu’instituent l’article 3 de la Loi de pluviôse ne constituent qu’une
infime inflexion du centralisme exacerbé.
915
GERAUD-LLORCA E., op. cit., p. 34.

916 V. à ce sujet, REGNIER J., op. cit., pp. 106-108.

917 En plus du pouvoir de nommer les autorités municipales, le recrutement de l’ensemble du personnel municipal
relevait du Préfet. L’emprise préfectorale est plus prononcée dans les communes rurales en raison des circonstances
particulières : démissions en cascade des élus, incapacité notoire, apathie des conseils municipaux, etc. (pour plus de
détails sur la situation des communes rurales, voir GODECHOT J., Les institutions de la France sous la Révolution et l'Empire,
Paris, PUF, 3e éd., 1985, p. 595 et s.).
918 Nonobstant que lui était reconnue une certaine liberté et des intérêts propres puisque la Loi de pluviôse an VIII
(art. 15) a habilité la commune à délibérer sur les besoins particuliers et locaux de la municipalité.
919 Cité par GERAUD-LLORCA E., op. cit., p. 37.

183
annuelle lui en offre une occasion. La réception faite de la fonction dans les administrations
territoriales modernes reflète certaines permanences920.

Si pour d’aucuns il est le plus politique des administrateurs, pour d’autres, il est plutôt le
plus administratif des politiques. Mais il est également et surtout technique. Et cette
technicité se fait davantage ressentir dans le contexte de décentralisation. En principe, il y
a une dialectique d’entraînement entre décentralisation et déconcentration qui, comme un
couple de forces, doivent évoluer de façon solidaire. Ainsi, plus le pouvoir d’Etat est
décentralisé pour faire progresser les libertés locales, plus il devrait aussi être déconcentré
pour permettre au représentant de l’Etat de mener un dialogue centre-périphérie. Se situant
ainsi en première ligne de l’action publique sur son territoire, le Préfet devient ainsi un
homme de la nation, trait d’union entre les citoyens, les élus et le gouvernement. Dans cette
posture, il est également régulateur, chargé qu’il est d’assurer «la compatibilité de décisions
multiples et la conformité de tous à la logique de l’action publique»921.

Son statut d’homme politique ne le met pas souvent en capacité de le faire avec impartialité.
Ainsi que l’affirme JEZE, «en politique, il n’y a pas de justice»922. Une limite non moins
considérable réside dans la faiblesse de son pouvoir financier. Même s’il est, de jure,
l’ordonnateur secondaire unique des budgets sectoriels délégués, de facto, il a une faible
maîtrise des activités des services déconcentrés qui continuent de fonctionner sous l’étroite
direction administrative, technique et financière de leurs ministres923. Le mandat républicain
prêté au représentant de l’Etat est une perspective qu’un nouveau constitutionnalisme local
devrait contribuer à concrétiser.

920 Il dirige et coordonne les services déconcentrés de l’Etat ; il a autorité directe sur les responsables des services
départementaux ; il gère les ressources humaines, le patrimoine immobilier et mobilier des services déconcentrés de
l’Etat (Décret n°2002-376 du 22 août 2002 portant organisation et fonctionnement de l’administration départementale.
Pour le Niger, v. Décret n°2013-035/MI/SP/D/AR du 1er février 2013, art. 34-41). Il demeure le relais de l’action
gouvernementale sur son territoire, quel qu’en soit le domaine (Bénin, Décret n°2002-376 du 22 août 2002, art. 22 :
«Le préfet veille à l’application de la politique de la Nation, déterminée et conduite par le chef du gouvernement. Il veille à l’application des
lois et règlements et apporte son concours à l’exécution des décisions judiciaires. Il prend par voie réglementaire les mesures propres à assurer
la police, le maintien de l’ordre public et la protection civile»).
921 BERNARD P., «L’actualité et l’avenir du corps préfectoral», disponible en ligne via le lien URL :

http://www.asmp.fr/travaux/communications/2000/bernard.htm

922 JEZE G., «Les libertés individuelles», op.cit. p. 180.

923Bénin : Décret n°2002-376 du 22 août 2002 portant organisation et fonctionnement de l’administration


départementale, art. 23 ; Niger : Décret n°2013-035/MI/SP/D/AR du 1er février 2013, art. 40.

184
Paragraphe 2 : Les perspectives d’un nouveau constitutionnalisme local

La théorie et la pratique convergent vers la nécessité d’un raffermissement de la démocratie


locale nécessaire à la consolidation d’une unité nationale intelligible purgée de relents
idéologiques (A). Toutefois, cette hypothèse ne se vérifierait que si l’efficacité de l’action
publique est corrélativement améliorée à travers l’assistance conseil et la sollicitation des
prétoires (B).

A. Le renforcement de la démocratie locale

Pour être un procédé de promotion de la participation du citoyen à la gestion des affaires


publiques, la libre administration est réputée constituer une marque de démocratisation du
pouvoir d’Etat (1). En outre, les disparités socio-économiques peuvent constituer une
menace à l’unité nationale. Or, l’Etat n’a ni le besoin ni les moyens d’être présent partout
sur le territoire pour répondre aux demandes spécifiques de tous les espaces géographiques,
historiques, culturels, économiques, etc. que recouvre son territoire. Pour se montrer
responsable924, il lui faut doter les autres personnes territoriales des moyens leur permettant
de suppléer à sa carence (2).

1. La libre administration, un outil de «localisation» de la démocratie

A la fin des années 1980, la peur d’une dislocation des Etats sous la poussée de velléités
fédéralistes qui a conduit à opter pour un centralisme étatique, n’avait plus sa raison d’être.
Le modèle de l’Etat-nation centralisé avait fait sa crise. Au Bénin, l’instabilité politique fut
criante925 et a culminé avec la crise économique de 1987-1988 qui suscita des remous
sociaux. En 1989, une grève générale obligea le pouvoir à suspendre la loi fondamentale, à
renoncer au marxisme léninisme et à convoquer la conférence nationale qui s’est tenue en
du 19 au 28 février 1990. La question de la décentralisation n’y a pas été abordée à fond.
Elle a été réservée aux états généraux de l’administration territoriale que la conférence
nationale a recommandés d’organiser. La nouvelle constitution adoptée par référendum le

924 MAUROY P., Déclaration de politique générale, 08 juillet 1981 : «Une France responsable, c’est aussi un pays qui doit
désormais enraciner l’unité de la République dans la diversité et la responsabilité de ses collectivités locales. Il s’agit donc de faire disparaître
l’image d’une France centralisée à l’extrême, enfermée dans la rigidité de ses textes, de ses règlements et de ses circulaires».
925
Huit révisions constitutionnelles et une succession de coups d’état militaires (1963, 1965, 1967, 1969, 1972).

185
02 décembre 1990 institue un régime multipartiste. La libre administration y est affirmée
(Titre X).

L’histoire politique nigérienne n’est pas moins tumultueuse926. Le présidentialisme ayant


marqué ce régime de parti unique a été vécu comme une dictature. L’aspiration à plus de
démocratie sera étouffée par un coup d’état militaire intervenu le 15 avril 1974. Ce régime
d'exception durera jusqu’en 1987. Entre 1989 et 1991, le Niger a été gouverné sous un
régime de parti-état, fondé sur le principe de l’unité et de la complémentarité entre l’Etat et
le parti unique au pouvoir. La crise économique et financière va bousculer l’agenda
politique927. Le pouvoir évite l’affrontement928. La poussée démocratique finira par prendre
le dessus avec la tenue de la conférence nationale (juillet-octobre 1991).

Cette conférence aborde la question de l’organisation territoriale de l’Etat, en lien avec la


question Touareg929. Aucune mesure significative930 n’ayant été prise, les militants touaregs,
frustrés, réclament le fédéralisme931. La conférence n’accèdera pas à cette demande de
fédéralisme, préférant la formule d’une décentralisation administrative dans un état unitaire.
Au terme de la conférence, comme au Bénin, un Haut Conseil de la République a été mis

926 Entre le 12 mars 1959 (adoption de la première constitution) et la conférence nationale en 1991, deux types de
régimes politiques ont été expérimentés : régime d’assemblée (1959-1960), régime présidentiel (1960 à 1974 ; 1989-
1991). Mais le régime présidentiel vécu par le Niger entre 1960 et 1974 a été exercé par un parti unique, le PPN-RDA
(Le Président de la République est président du conseil des ministres, chef des armées, chef de l'administration, premier
et magistrat suprême. Il n’avait aucun contre-pouvoir réel en face dans l'exercice de ses fonctions).
927
1989-1990, l’économie nigérienne est exsangue et les caisses de l’Etat sont vides. Il fallait négocier un second
ajustement structurel avec les institutions de Bretonwoods. Ceci implique la prise de mesures d’austérité auxquelles
s’opposent les syndicats d’étudiants et de travailleurs à l’occasion de la fête du travail le 1 er mai 1990. Ceux-ci profitent
pour réclamer le multipartisme.

928 En Juin 1990, des commissions internes au parti unique au pouvoir élaborent un rapport qui propose le
multipartisme après une période de transition. Le principe d’ouverture politique (révision de la constitution et de la
charte nationale) est adopté le 16 juin 1990 par le Conseil Suprême d’Orientation Nationale (CSON) du parti. Le 18
septembre 1990, un comité chargé d’étudier les nouvelles institutions a été mis en place. Il a remis le rapport de ses
travaux au CSON six semaines plus tard. En Octobre 1990, un médiateur a été nommé pour améliorer le dialogue
entre les syndicats et le pouvoir. Le 15 novembre le président Ali Saïbou annonce aux députés l’adoption du
multipartisme. Le 04 décembre, il invite les partis à déposer leur demande d’agrément. Le 16 janvier 1991, le pouvoir
accède à la demande pressante de convocation d’une conférence nationale. Du 13 mai au 07 juillet 1991, se tient une
conférence préparatoire à la conférence nationale qui sera convoquée pour le lundi 29 juillet 1991.

En effet, en mai 1990, des soulèvements touaregs à Tchin-Tabaraden avaient été réprimés par le pouvoir. Les leaders
929

demandent que la conférence nationale prenne des sanctions.

930 Pour toute sanction, la conférence a mis à la disposition de la justice militaire, le capitaine Maliki Boureïma ;
l’intéressé aura simplement à passer devant un conseil de discipline.

931 Pendant que la conférence nationale était toujours en cours, ils mènent plusieurs actions de harcèlement : création,
le 19 octobre 1991, du Front de libération de l'Aïr et de l'Azawad (FLAA), assassinat de cinq gardes républicains à In
Gall.

186
en place avec pour entre autres attributions, l’élaboration d’un projet de constitution. La
nouvelle constitution qui rétablit la décentralisation sera adoptée, par référendum, le 26
décembre 1992.

Cette dynamique sera poursuivie et confirmée à l’échelle régionale par la Charte Africaine
de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance, adoptée le 30 janvier 2007 à Addis-
Abeba et ratifiée par le Niger et qui, en son article 34, dispose que «Les Etats parties procèdent
à la décentralisation en faveur des autorités locales démocratiquement élues conformément aux lois
nationales». La tonalité normative de rédaction -présent de l’indicatif- souligne la nécessité
pour les Etats parties de garantir l’effectivité932. Plus récemment, dans le même sens mais
de façon spécifique, a été adoptée la Charte africaine des valeurs et des principes de la décentralisation,
de la gouvernance locale et du développement local933 à travers laquelle les Chefs d’Etat et de
Gouvernement reconnaissent «que les gouvernements locaux ou les autorités locales sont les piliers de
tout système de gouvernance démocratique»934.

2. La libre administration : une transaction favorable à l’unité de l’Etat

Les différents espaces d’un territoire national n’ont pas les mêmes réalités935. Dans ce
contexte, un traitement uniforme de l’ensemble du territoire sera inadéquat et s’avère
d’ailleurs difficilement réalisable pour les Etats. Cet inégal traitement constitue une source
de différences de réactions dans la perception et l’acceptation de la norme républicaine. Un
manque de réponses aux attentes des personnes et collectivités territoriales crée une certaine
distance entre ceux-ci et l’Etat central. Cette distance génère une désaffection et du coup,
le communautarisme peut supplanter le sentiment d’appartenance à la même nation. Cet
état de fait constitue une menace à la cohésion et donc à l’unité de la république. Pour y
parer, le constituant a disposé que l’Etat promeuve un développement équilibré936. C’est

932La charte prévoit des mécanismes de mise en application (art. 44 et 45) et habilite la Conférence et le Conseil de
Paix et de Sécurité à adopter des mesures contre tout Etat partie qui en viole les prescriptions.

Vingt troisième session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement, tenue à Malabo le 27 juin
933

2014.

934 Préambule.
935 Inégal peuplement, accès inégal à l’infrastructure économique de base, intégration différenciée à l’économie
nationale, accès inégal aux services sociaux de base, à l’emploi, aux technologies, etc.
936 Const. du Bénin, art. 153 ; Const. du Niger, art. 165.

187
donc un impératif constitutionnel de combattre et de contenir la désaffection envers les
institutions publiques. L’exigence de cohésion sociale appelle des actions de proximité 937.
Ainsi se justifie l’existence de collectivités territoriales, plus proches des administrés et
dotées de pouvoirs propres d’actions938.

D’apparition relativement récente, la présence expressis verbis de la décentralisation dans les


textes constitutionnels des Etats unitaires est un fait non négligeable. En effet, elle répond
à la nécessité pour l’Etat de trouver le mécanisme institutionnel le plus approprié pour
désamorcer les velléités potentiellement sécessionnistes des différents espaces socio
culturels qui le constituent. Cette exigence est plus prégnante pour l’Etat africain post
Berlin, dans lequel les entités territoriales étatiques et infra étatiques n’ont pas été
constituées sur la base du vouloir vivre ensemble ou d’une certaine compatibilité aux plans
économique et socio-culturel939. A cette déstructuration territoriale s’ajoute les défaillances
de l’Etat post colonial qui n’a pas souvent su apporter des réponses efficaces aux
préoccupations socio-économiques des citoyens. Certes, l’Etat était très présent, mais il
était «trop ailleurs»940. Il s’est souvent montré incapable de mobiliser et concentrer l’énergie
de ses organes et fonctionnaires, trop nombreux à la capitale, sur l’offre de services publics
de qualité aux citoyens. Il collecte la quasi-totalité des ressources nationales pendant que
ses fonctions régaliennes sont en déshérence.

Le souverainisme pur, défini par Bodin et Rousseau ne fait plus recette941. Que ce soit par
le haut (intégration régionale) ou par le bas (décentralisation territoriale), l’unité et

937 Proximité qui permet d’avoir des citoyens plutôt que des administrés, proximité qui permet de mobiliser la
citoyenneté et de libérer de l’emprise d’un pouvoir central les initiatives susceptibles de relever les défis spécifiques qui
se posent différemment aux citoyens des différents espaces géographiques du territoire national.
938Art. 2, Loi 97-029 (Bénin) : «La commune constitue le cadre institutionnel pour l'exercice de la démocratie à la base.
Elle est l'expression de la décentralisation et le lieu privilégié de la participation des citoyens à la gestion des affaires
publiques locales ; art. 3, al. 5 Ord. 2010-54 (Niger) : «Les communes et les régions constituent le cadre institutionnel
de la participation des citoyens à la vie locale».

939 En référence à la conférence de Berlin qui a consacré la balkanisation de l’Afrique.

RUFFAT J., Reconstruire l'Etat en Haïti. Réflexions sur "l'Etat basique", Politiques et management public, vol. 9, n° 1,
940

1991. p. 104.

Pour BODIN J. (v. MENDRAS Henri, Le « mal de Bodin ». A la recherche d’une souveraineté perdue, Le Débat, Ed.
941

Gallimard, n°105, mai-août 1999, pp. 71-89), «la souveraineté n’est parfaite que si elle est entière (…) c'est-à-dire qu’elle ne peut

188
l’indivisibilité de la république admettent des aménagements qui n’entravent pas l’exercice
par l’Etat de sa souveraineté. Ainsi, les constitutions adoptées après les conférences
nationales au Bénin et au Niger ont-elles énoncé à la fois, le caractère unitaire et indivisible
de l’Etat et le principe de décentralisation942.

La formulation du texte constitutionnel nigérien présente un intérêt particulier. Elle évoque,


dans le même article et successivement, la décentralisation et la déconcentration, deux
modalités centrifuges. La formulation met en exergue l’intention du constituant de
renforcer les pouvoirs de la «périphérie»943. La dévolution de l’autonomie à des entités
territoriales infra étatiques constitue un moyen de gestion administrative et politique des
particularités locales et de maîtrise d’éventuelles poussées autonomistes. De façon
caricaturale, le contrat entre l’Etat et les collectivités se libelle ainsi qu’il suit : l’Etat central
offre des libertés locales aux espaces territoriaux infra étatiques qui le constituent ; en retour,
celles-ci reconnaissent et contribuent à renforcer la légitimité de l’Etat et renoncent à
stimuler tout micro nationalisme périphérique et sécessionniste contre lui 944. Une telle
«manière d’être de l’Etat» permet de tendre vers un développement équilibré945.

B. L’accroissement de l’efficacité de l’action publique locale

Il est crucial pour l’appréciation de la valeur ajoutée qu’apporte la libre administration


d’améliorer la sécurité juridique et financière des interventions des organes locaux. Ceci

être ni divisée, ni partagée (…) ni enfin se heurter à la résistance de ses sujets» ; voir ROUSSEAU J. J., Le contrat social, Livre II,
Chap. I p. 62 : «par la même raison que la souveraineté est inaliénable, elle est indivisible».

942 Const. Bénin du 11 décembre 1990, art. 2 ; toutes les constitutions du Niger après 1991 (1996, art. 4 ; 1999, art.
4 ; 2009, art. 4 ; 2010, art. 3. Si le Bénin n’a pas encore utilisé le mot décentralisation dans ses textes constitutionnels,
il n’en demeure pas moins que l’art. 151 de la constitution du 11 décembre 1990 qui institue «la libre administration des
collectivités territoriales» l’a fondée. Le Niger dans sa constitution dès 1996 a posé le principe selon lequel l’administration
de son territoire est régie par le principe de décentralisation (Const. du Niger du 12 mai 1996, art. 116).
943 L’expression ici s’entend collectivités territoriales et services déconcentrés de l’Etat.

944 Const. du Bénin, art. 32.

945 Au plan du développement socio-économique, les collectivités ne s’égalent point. C’est pourquoi, au plan financier,
l’exigence d’égalité implique que le législateur définisse un mécanisme de péréquation à finalité redistributive dans le
but de réduire les inégalités et tendre vers l’équité territoriale. C’est à cette nécessité que répondent l’article 56 de la loi
98-007 du 15 janvier 1999 portant régime financier des communes en République du Bénin et l’article 226 de l’Ord.
2010-54 portant CGCT au Niger.

189
adviendrait si l’assistance conseil de l’Etat est améliorée (1) et si l’impartialité dans le
contrôle de leurs actes est garantie par l’intervention du juge administratif (2).

1. Le renforcement de l’assistance conseil

Il serait illusoire d’attribuer le petit nombre d’actes rejetés par la tutelle, au caractère
juridiquement irréprochable des actes locaux ou à la qualité de l’assistance conseil délivrée
en amont par l’administration préfectorale. L’identification des illégalités n’a pas souvent
été facilitée en raison de la brièveté des délais impartis aux services de contrôle, de leur
impréparation initiale, de la modicité des moyens notamment humains disponibles. Ni le
contrôle a priori, largement inefficace et souvent attentatoire aux libertés locales, ni
l’accroissement du contentieux ne paraissent être des solutions pertinentes. Il est préférable
de les éviter et de prévenir les illégalités à travers une assistance conseil de qualité, délivrée
à temps.

Mieux que le contrôle a priori, l’assistance conseil rend plus crédible la bonne foi de l’autorité
de tutelle et son orientation vers l’efficacité. Se situant dans la phase précontentieuse, le
dialogue préalable qu’elle promeut permet de déboucher sur la légalité. En plus, elle se met
en œuvre dans un esprit de compromis, conforme au dessein collaboratif qui sous-tend la
décentralisation territoriale.

L’environnement juridique de l’action publique locale est complexe et mouvant946. Les


contrôles de l’Etat sur les collectivités territoriales devraient contribuer à sa sécurisation947.
A cet égard, il faut, soit disposer des services juridiques étoffés, soit recourir aux services
de conseil d’avocats ou de consultants spécialisés. La professionnalisation de l’assistance
conseil devrait donc être envisagée aussi bien dans le secteur public que privé. Enfin, le
dispositif d’encadrement doit éviter de créer un environnement permissif susceptible de
«favoriser les tentations de comportements délictueux, notamment dans des secteurs sensibles comme

946
SENAT (France), Rapport d’information sur les contrôles de l’État sur les collectivités territoriales, n°300 (Rapport MEZARD,
Sénat 2011-2012), Janvier 2012, p. 17.

947En effet, avec la profusion de textes règlementaires, notamment les décrets et circulaires pris en application des lois
par les nombreux ministères sectoriels et qui font bloc de légalité, les autorités locales ne maîtrisent plus nécessairement
le corpus de textes applicables à leurs actions. L’assistance conseil des services déconcentrés de l’Etat leur donne
l’occasion d’anticiper la correction des irrégularités évitant ainsi des annulations ou des procédures contentieuses
coûteuses.

190
l’urbanisme, les marchés publics et les délégations de services publics »948. L’efficacité de l’action de la
tutelle se trouve renforcée si sa démarche économise les préjudices qui peuvent résulter des
modifications d’actes administratifs qui, dans certaines espèces, ont commencé par produire
des effets juridiques. Dans cette perspective, il s’avère utile de changer de paradigme à
l’action de tutelle. En effet, plutôt qu’il s’agisse de contrôler la légalité, l’intervention de
l’autorité de tutelle devrait viser la sécurisation juridique des actes des collectivités territoriales,
quoi que dans certaines circonstances, il devient inévitable de s’en référer au juge
administratif.

2. La judiciarisation du contentieux des actes locaux

La doctrine reconnaît dans le juge l’ultime protecteur et l’architecte principal de relations


normalisées et équitables entre administrés et administrateurs949. Pour JEZE par exemple,
«le contrôle juridictionnel est le seul qui présente des garanties sérieuses»950. C’est, d’une part, ce
mécanisme qui permet d’opérer le redressement des irrégularités administratives et d’autre
part, le moyen d’obliger les diverses autorités administratives au respect des règles951. Le
droit s’illumine et se consolide à partir du prétoire. Mais, l’Etat de droit n’est pas réductible
à l’intervention du juge et ne saurait être apprécié à l’aulne de la masse des contentieux.

Le contrôle préfectoral de la légalité des actes locaux se résout parfois en des tractations
débouchant sur des transactions. Il est manifeste que le débat représentant de l’Etat-élu
local qui s’instaure à l’occasion du contrôle des actes ne bénéficie pas de la même
transparence qu’offrent le prétoire et les échanges formalisés de mémoires entre parties à
une instance. Sachant que les personnalités politico-administratives ne sont pas toujours en

948 Conseil d’Etat (France), Rapport Public, n° 45/1993, Décentralisation et ordre juridique, p. 77.
949 CHABANOL D., «Décentralisation et juge administratif», AJDA, 20 février 1983, p. 73.

950JEZE G., Les principes généraux du droit administratif, t. I, Paris, Dalloz, 2005, p. 340 ; Les principes généraux du droit
administratif, t. III, Paris, Dalloz, 2004, p. 514.

951 Pour Jean-Marie AUBY et Roland DRAGO, «le contentieux administratif remplit donc une fonction de protection des administrés
contre l’administration. Il met les individus à même de préserver, dans la mesure prévue par la règle de droit, leurs droits et intérêts à
l’encontre des exigences de l’action administrative» (AUBY J.-M., DRAGO R., Traité de contentieux administratif, Paris, LGDJ, 3e
éd. 1984, vol. 1 p. 15). LOCHAK en magnifie l’un des procédés : «Le juge administratif, de son côté, garantit l'effectivité de ce
dispositif d'encadrement de l'activité administrative par le droit, en annulant les actes illégaux qui lui sont déférés par le biais du recours
pour excès de pouvoir, largement ouvert et gratuit» (LOCHAK D., «Le droit administratif, rempart contre l’arbitraire ?», Pouvoirs,
n°46, 1988, pp. 44-55).

191
capacité d’assurer, de façon impartiale, le respect de la légalité, il s’impose de conférer aux
juridictions, la mission de sanction de l’illégalité de l’action publique territoriale952. Tel est
d’ailleurs la mission du juge administratif953. Formé à l’application du droit, le juge est bien
plus qualifié que les politico-administratifs pour apprécier la réponse juridique appropriée
aux situations de divergences ou de conflits entre personnes territoriales autonomes.

Le contrôle juridictionnel est externe à l’administration. Le juge dispose de


l’indépendance954 nécessaire pour faire prédominer le droit sur d’éventuelles intrigues
politiciennes955. Comme l’écrivait bien à propos MASLARSKI D., «en justice, il n’y a pas de
politique ou du moins, il ne doit pas y avoir de politique»956. Rendue par des juges qui ne sont
soumis qu’à l’autorité de la loi, la justice a pour mission unique et exclusive de dire le droit.
JEZE a tellement vanté les vertus de la juridiction administrative qu’il a fini par proposer
d’offrir au juge administratif le pouvoir de donner des injonctions et la faculté de prononcer
des astreintes contre l’administration lorsqu’il y a un risque que cette dernière n’exécute pas,
avec célérité, les décisions de justice957. Certes, le législateur n’avait pas écarté l’intervention
du juge958. En effet, les actes pris par l’autorité de tutelle dans l’exercice du contrôle de
légalité sont des actes administratifs. Comme tels, ils sont justiciables devant la juridiction
administrative. La différence à intégrer ici consisterait en ce que la saisine ne soit pas
allongée par l’étape administrative au niveau de la tutelle.

952 MONTESQUIEU (L’esprit des lois, livre VI, chapitre VI) a laissé entendre combien il est dangereux et néfaste pour
la liberté que la puissance de juger soit donnée au peuple en corps ou au monarque ou à ses ministres. Il a par contre
placé le juge hors du jeu politique.

JEZE G., «Préface» in ANDREADES S., Le contentieux administratif des États modernes, Sirey, 1934, p. I ; «Préface», in
953

MIRKINE-GUETZEVITCH B., Théorie générale de l’État soviétique, Giard, 1928, p. I : «Le contentieux administratif,
dans les États contemporains, est l’ensemble des recours juridictionnels organisés pour la protection des individus
contre les excès de pouvoir de l’Administration».

954 Const. Bénin : art. 125-130 ; Const. Niger : art. 117-119.

955
MASLARSKI D., «La conception de l’Etat de Gaston Jèze» en ligne via http://www.juspoliticum.com/La-
conception-de-l-Etat-de-Gaston.html

956 MASLARSKI D., op. cit.

957 JEZE G., Les principes généraux du droit administratif, T. I, Dalloz, 2005, p. 294 : «Si l’on permet à un juge de paix d’ordonner
à un maire d’inscrire un individu sur les listes électorales, si l’on décide même que cette sentence vaut inscription […], je ne vois pas pourquoi
le Conseil d’État ne pourrait pas ordonner à un préfet d’inscrire d’office au budget communal une dépense obligatoire, à un Ministre de
réintégrer dans les cadres un fonctionnaire irrégulièrement révoqué, etc.».
958 Bénin : Loi n°97-029, art. 146 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 311.

192
CONCLUSION DU CHAPITRE II

Au Bénin comme au Niger, la tutelle sur les actes se met en œuvre de deux manières :
l’assistance conseil et le contrôle de légalité. Alors même que la logique prescrirait que
l’assistance conseil prime -la décentralisation étant à ses débuts-, le législateur a choisi
d’insister sur le contrôle de tutelle pour lequel il a, du reste, préféré un contrôle a priori,
explicite ou implicite.

Les nombreux obstacles liés à la déconcentration des moyens humains et financiers et au


non renouvellement de la conception de l’action publique par les administrations centrales
de l’Etat empêchent les autorités de tutelle de s’acquitter au mieux, aussi bien de l’assistance
conseil que du contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales. Le champ
relativement étendu desdits contrôles, ajouté aux dysfonctionnements sus évoqués
débouchent sur des lourdeurs qui handicapent l’efficacité de l’action de celles-ci.

L’intensité de la tutelle doit être modulée en fonction du niveau de risque projeté. L’état
actuel des lieux suggère une revue des modalités d’exercice de la tutelle. En effet, les
pratiques des collectivités locales ne se sont pas révélées pour autant prédatrices de la
légalité républicaine. Le taux relativement élevé et en constante amélioration de conformité
des actes à la légalité en constitue une éloquente illustration. Dans le même temps, la
partialité des autorités de tutelle -qui, par le fait de la politisation extrême de l’administration
sont davantage des politiques plutôt que des technocrates républicains- est regrettée. Ces
éléments de contexte recommandent de s’orienter vers les tendances du nouveau
constitutionnalisme local caractérisé par le renforcement de la démocratie locale et
l’accroissement de l’efficacité de l’action publique locale qui passent par, entre autres, la
priorisation de l’assistance conseil en amont et une plus grande judiciarisation du
contentieux Etat-collectivités territoriales.

193
CONCLUSION DU TITRE II

Dans la mesure où il permet de garantir l’intérêt national et l’unité de l’ordre juridique


interne, le contrôle de l’Etat sur les collectivités territoriales est consubstantiel à la
décentralisation. Pour autant, son exercice ne saurait être laissé à la discrétion des autorités
de tutelle. Au contraire, en tant que limite au principe constitutionnel de libre
administration, il doit être rigoureusement borné aux seules nécessités qu’imposent la
garantie de l’intérêt général et le respect des autres principes constitutionnels.

Aussi crucial qu’il est pour l’effectivité de leur libre administration, le régime de tutelle
mérite un dosage singulier. En effet, plus il est libéral et mieux sont garanties les libertés
locales. A cet égard, la tutelle sur les organes, surtout lorsqu’elle emporte la possibilité pour
le pouvoir exécutif, sans l’intermédiation de la justice, de prononcer des sanctions à
l’encontre des organes des collectivités, constitue une menace pesante susceptible de
restreindre leurs marges d’initiatives et d’actions. Le même constat peut être relevé et
regretté en ce qui concerne le contrôle dit de tutelle sur les actes, surtout lorsqu’il s’exerce
a priori et comporte des pouvoirs d’approbation préalable et d’annulation par la tutelle.

Les griefs formulés contre une tutelle si pesante portent aussi bien sur leur champ
d’application qui crée des lenteurs et ne laissent que des marges très réduites aux
collectivités. En effet, les détenteurs desdits pouvoirs de tutelle, bien qu’étant les
représentants de l’Etat dans leur ressort territorial ne sont pas moins des acteurs plus
politiques qu’administratifs. Dans une telle posture, des interférences politiques qui
parasitent, par moment, leurs interventions remettent inéluctablement en cause leur
impartialité. En ce sens, la libre administration n’en est qu’à ses débuts au Bénin et au Niger.
Mais un regard rétrospectif permet de constater que les hypothèses qui ont pu justifier une
certaine conception craintive de l’autonomie locale ne se sont pas vérifiées. Au terme de
l’analyse, il apparaît clairement que les libertés locales sont encore très réduites.

194
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

L’affirmation de l’autonomie des organes des collectivités vis-à-vis de ceux de l’Etat est
timide. L’altérité entre Etat et collectivité territoriale, formellement reconnue par les textes,
est fragilisée par la nature nécessairement administrative et secondaire du pouvoir local
confiné dans l’exécution de la législation et des orientations nationales à l’élaboration
desquelles elle n’est point véritablement impliquée.

Si l’unité et l’indivisibilité de la République constituent des principes fondamentaux au


Bénin et au Niger, Etats unitaires, la libre administration des collectivités territoriales ne
l’est pas moins. La conciliation de ces principes constitutionnels devrait permettre d’éclore
et rendre effectives les libertés locales sans préjudicier de l’unité nationale. Le contrôle de
l’Etat sur les collectivités se justifie par cet impératif.

Les rapports de l’Etat avec les collectivités territoriales relèguent au second plan l’assistance
conseil. Ils se caractérisent par un contrôle a priori invasif qui s’étend à presque tous les
domaines de la vie locale. L’exercice de la tutelle ne se limite pas uniquement aux actes ; il
comporte également une surveillance de leurs organes qui peuvent être sanctionnés par
l’Etat dont la prééminence se manifeste par les larges pouvoirs d’appréciation conférés à
ses représentants.

Assurément, il faut mieux pour assurer à la libre administration toute son effectivité. Au
nombre des multiples autres défis, figure l’adéquation de l’environnement institutionnel et
la disponibilité suffisante des moyens d’action.

195
Deuxième partie : Une liberté d’agir entravée

196
Si le Constituant a proclamé le principe de libre administration, il n’en a pas expressément
évoqué les implications juridiques et matérielles qu’il fit relever de la compétence législative.
Pour y parer, le juge constitutionnel intervient par moment afin d’en préciser les
implications concrètes de mise en œuvre. Ainsi qu’il a été démontré en ce qui concerne
l’autonomie des organes, le législateur et le juge se sont montrés timorés et ont adoptés une
conception «essentiellement fonctionnelle» de la collectivité territoriale959. L’autonomie dans la
mobilisation, l’organisation et la mise en œuvre des moyens se trouve strictement restreinte
à une portion congrue960.

Le cadre de mise en œuvre de l’action publique locale est un facteur essentiel de son
autonomie qui se trouve souvent oublié dans les analyses. En effet, comme dans le règne
animal ou les espèces ont leur milieu de vie, à chaque système d’administration correspond
un environnement institutionnel propice. Pour la collectivité, ledit environnement est
constitué de l’administration d’Etat auquel il est intégré. Il s’étant également au dispositif
de sélection et d’utilisation des ressources humaines (Titre I). En ce qui concerne le pouvoir
financier local, l’on sait désormais que dans l’autonomie financière, il faut distinguer
l’autonomie de gestion et l’autonomie de décision961. Ainsi donc, la réalité de l’autonomie
financière de la collectivité sera mesurée à travers l’étendue des pouvoirs de gestion de ses
finances et sa capacité fiscale (Titre II).

959 Voir à ce sujet, PROTIERE G., La puissance territoriale. Contribution à l’étude du droit constitutionnel local, op. cit., p. 404.
960 La même tendance est observée en France ; ce qui a obligé le pouvoir constituant dérivé à intervenir à travers la
révision constitutionnelle de 2003 pour donner plus de contenu à l’autonomie financière des collectivités territoriales
et les protéger de la «toute puissance» de l’Etat. Ont donc été inscrits dans le corps de la Constitution, les moyens dont
doivent bénéficier celles-ci (PROTIERE G., La puissance territoriale. Contribution à l’étude du droit constitutionnel local, op. cit.,
pp. 404-405).

961 BOUVIER M., «De l’autonomie et de la libre administration des collectivités territoriales», JCP Administrations et
collectivités territoriales, 28 octobre 2002, n°1097, p. 100 : «Il est indispensable de ne pas confondre autonomie de gestion et autonomie
de décision. Dans le premier cas, des transferts financiers de l’Etat (dotation ou produit partagé ou transféré d’impôts d’Etat) suffisent à
définir l’autonomie financière, étant entendu qu’ils doivent être substantiels et d’une libre utilisation. Dans le second cas, c’est une telle
capacité financière élargie au pouvoir de maîtriser certaines sources de financement, telles que l’emprunt mais surtout la fiscalité, qui est la
véritable mesure de l’autonomie».

197
Titre I : L’hypothèque du cadre institutionnel
La mise en œuvre de la décentralisation consacre l’entrée dans la scène de l’action publique
de nouveaux acteurs, des collectivités territoriales autonomes. Elle consacre une rupture de
l’unicité dans l’appréciation de l’intérêt général, l’exécution des lois et la gestion des services
publics. Si par endroits, elle suppose un recul de la présence des acteurs étatiques, ailleurs
elle suggère son renforcement, des réorganisations ou remises en cause962. En effet, la libre
administration ne peut être effective que pour autant que l’environnement institutionnel
dans lequel il se déploie lui est propice.

Selon EDELMAN, les lois fonctionnent, comme une assurance, lorsque les forces
menaçantes de l'environnement sont sous contrôle 963. Les éléments constitutifs dudit
environnement sont multiples. Il s’agit d’une part du cadre juridique et institutionnel
permettant de mobiliser et de gérer les ressources humaines chargées d’administrer la
collectivité territoriale. Le caractère stratégique des moyens humains pour la libre
administration n’est plus à démontrer964. Les pouvoirs dont jouit la collectivité en la matière
mérite d’être analysés (chapitre 1). La subsidiarité est un principe clé de gouvernance
administrative965. En administration territoriale, elle se met aussi en œuvre par la
déconcentration en permettant à des services extérieurs de bénéficier de certains pouvoirs
décisionnels. Mais l’effectivité de la libre administration requiert de l’Etat plus que sa
déconcentration. Elle exige qu’il se transforme et qu’il renouvelle son approche de
conception et de mise en œuvre de l’action publique (chapitre 2).

962 Même si «les évolutions issues de la décentralisation ne sont jamais un jeu à somme nul» (AUST J., Permanences et mutations dans
la conduite de l’action publique, Thèse, Université Lumière, Lyon II, 2004, p. 62). Voir CAGNINA C., L’Europe et la
décentralisation sous l’éclairage des exemples français et italien, Thèse, Droit public, Université Jean Moulin, Lyon, 2007, p. 8 :
«La décentralisation semble s’accompagner de la déconcentration dans le même objectif de rapprocher les lieux de décision des citoyens».

Cité par DELLEY, J.-D. et al., Le droit en action : étude de la mise en œuvre d'une législation : rapport intermédiaire, Genève,
963

CETEL, 1980, p.1.

964 Ceci explique, qu’à partir de la loi municipale de 1884 (art. 88), «Le maire nomme à tous les emplois communaux, il suspend
et il révoque», rompant avec les pratiques antérieures marquées par les interventions des préfets et ministres (Voir
THOENIG J.-C., «La politique de l’Etat à l’égard des personnels des communes (1884-1939)», RFAP, n° 23, 1982,
pp. 487-517, pp. 488-490).
965 ROBESPIERRE, «Discours sur la Constitution prononcé devant la Convention le 10 mai 1793», Le Moniteur
universel, 13 mai 1793, p. 363 : «Fuyez la manie ancienne de vouloir trop gouverner ; laissez aux individus, laissez aux familles le droit
de faire ce qui ne nuit pas à autrui ; laissez aux communes le pouvoir de régler elles-mêmes leurs propres affaires en tout ce qui ne tient point
essentiellement à l’administration de la République ; rendez à la liberté individuelle tout ce qui n’appartient pas naturellement à l’autorité
publique et vous aurez laissé d’autant moins de prise à l’ambition et à l’arbitraire».

198
CHAPITRE I : LE CADRE DE GESTION DES RESSOURCES
HUMAINES
La fin poursuivie par l’adoption d’un statut est de permettre à l’institution ou la personne à
qui il s’applique de s’acquitter de son mandat avec efficacité, sérénité et éthique. En
conséquence, le statut recouvre aussi bien les conditions d’entrée en fonction que les droits
et obligations qui y sont attachés. Les règles relatives à la sélection et à l’emploi des
ressources humaines des collectivités territoriales constituent un déterminant de leur libre
administration. Si pour les élus, le statut devrait convenir à l’esprit d’indépendance que
nécessite un exercice responsable de leur mandat, pour le personnel, l’autonomie appelle
l’édiction de règles appropriées de recrutement, d’emploi et de rémunération. Bien qu’elle
ne soit pas la seule à déterminer l’effectivité de l’autonomie locale, il ne sera évoqué ici que
la situation des effectifs des collectivités territoriales. Elle révèle que d’une part, les élus se
trouvent dans des conditions inconfortables (Section 1) et d’autre part, que la gestion des
personnels des collectivités est calquée sur le modèle étatique (Section 2).

SECTION 1 : UN STATUT INAPPROPRIE POUR LES ORGANES ELUS

La liberté d’action des organes des collectivités territoriales paraît fragile. Pour conforter
cette hypothèse, il suffira d’examiner les conditions d’éligibilité et d’exercice des fonctions
de leurs conseils délibérants (Paragraphe 1) et organes exécutifs (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les organes délibérants

L’exercice efficace du mandat d’administration locale suppose des prérequis que la loi n’a
pas érigés en exigences (A) et que la configuration socioprofessionnelle des organes élus ne
permet pas de réunir (B).

A. Le défaut d’articulation entre profil et attributions

L’assemblée locale doit constituer un cadre d’orientation de la gestion des affaires publiques
locales (1), ce qui suppose la présence en son sein de certaines compétences (2).

199
1. L’étendue des attributions des conseils élus

Deux missions fondamentales incombent aux organes des collectivités territoriales. Il s’agit,
d’une part, d’administrer et d’autre part, de développer leur territoire966. Sur cette base, le
conseil élu est appelé à délibérer sur deux types d’affaires locales : celles qui relèvent de sa
compétence pour lesquelles il décide et celles relevant d’autres organes sur lesquelles il
donne son avis967. Les compétences des conseils couvrent divers domaines968. Il y en a qui
sont propres aux collectivités autant qu’ils exercent d'autres qui leur sont déléguées par
l'État969. Dans ce cadre, le conseil de la collectivité élabore son plan de développement970.
Il adopte le budget et les comptes administratifs, suit et évalue la mise en œuvre du plan de
développement, contrôle l’action du maire971.

L’organe délibérant de la collectivité donne son avis «conformément aux obligations imposées par
les lois et règlements»972. C’est le cas «sur la tranche communale du plan national de développement ainsi
que sur les projets concernant les investissements publics à caractère régional ou national à réaliser sur son
territoire»973 et chaque fois qu’il est envisagé «la création sur son territoire, de tout projet susceptible
de porter atteinte à l'environnement»974. Il est préalablement consulté sur des «décisions à prendre

966 Bénin : Loi n°97-029, art. 82 : «Elle [la commune] concourt avec l'État et les autres collectivités à l'administration et à l'aménagement
du territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique ainsi qu'à la protection de l'environnement et à
l'amélioration du cadre de vie» ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 5, al. 3 : «Elles concourent avec l’Etat à l’administration et à
l’aménagement du territoire, au développement économique, social et culturel ainsi qu’à la protection de l’environnement, à la mise en valeur
des ressources naturelles et à l’amélioration du cadre de vie».

967 Bénin : Loi n°97-029, art. 83 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 5, al.1.

968Au Bénin : développement local, aménagement, habitat et urbanisme ; infrastructures, équipement et transport ;
environnement, hygiène et salubrité ; enseignement primaire et maternel ; alphabétisation et éducation des adultes ;
santé, action sociale et culturelle ; services marchands et investissements économiques (v. Loi n°97-029, art. 84-107).
Au Niger, les domaines de compétences de la commune portent sur la politique de développement ; la création et la
gestion d'équipements collectifs ; la création de services d'intérêt communal ; l’hygiène publique et l’assainissement ; la
gestion domaniale et foncière, l’aménagement du territoire et l’urbanisme ; la gestion administrative et financière de la
commune (v. Ord. n°2010-54, art. 30).

969 Bénin : Loi n°97-029, art. 82 et 83 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 5, 31.
970 Bénin : Loi n°97-029, art. 84 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 5 al.2 et 30.1.

971 Niger : Ord. n°2010-54, art. 36.


972 Niger : Ord. n°2010-54, art. 33.

973 Bénin : Loi n°97-029, art. 86.


974 Bénin : Loi n°97-029, art. 96.

200
par d’autres organes et autorités sur des questions intéressant la commune ou engageant la responsabilité de
celle-ci»975. Il en est ainsi de «tous les travaux sur son domaine public»976 et de «tout aménagement
relatif aux sites miniers se trouvant sur son territoire» 977.

En matière d’organisation, le conseil constitue des commissions permanentes au sein


desquelles s’inscrivent les conseillers.978 Les conseils constituent des instances de
délibération979. Par conséquent, pour chacun des membres, il faut en plus de la légitimité
populaire, un minimum de capacités dans l’un des domaines de compétence de la
collectivité980. Nonobstant cette évidence, le législateur n’en fait pas une condition.

2. L’absence d’exigence de qualification

Les législateurs béninois et nigérien n’exigent pas des candidats aux postes de conseillers
communaux ou municipaux un niveau minimum précis d’instruction ou de qualification
professionnelle. Au Bénin, il est juste requis du candidat de savoir lire et écrire le français981.
Tel n’est pas le cas au Niger. Dès lors, il y a lieu de s’interroger sur la contribution que peut
apporter un illettré -et même quelqu’un qui sait simplement lire et écrire le français- dans
l’administration d’une collectivité.

Il est évident que l’accomplissement efficace des attributions évoquées supra impose un
minimum de savoirs. Or ces savoirs et les contributions susceptibles d’être mobilisés à
travers les délibérations du conseil sont, pour l’essentiel, produits et véhiculés dans la langue

975 Niger : Ord. n°2010-54, art. 34.


976 Bénin : Loi n°97-029, art. 91.

977 Bénin : Loi n°97-029, art. 94.


978 Le législateur béninois en prévoit trois (3) obligatoires. Il s’agit des commissions des affaires économiques et
financières, des affaires sociales et des affaires environnementales. Son homologue nigérien en prescrit deux (2) pour
lesquelles les regroupements et les dénominations sont laissés à la discrétion du conseil. V. Bénin : Loi n°97-029, art.
36 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 200.

Délibérer pour une assemblée représentative, c’est confronter publiquement les opinions et décider par vote. Voir
979

DE VILLIERS M., LE DIVELLEC A., Dictionnaire du droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 7ème éd., 2009, p. 113.
980 La réussite élective ne traduit pas nécessairement la capacité à administrer efficacement la collectivité.

981 Loi n°2013-06, art. 393.

201
officielle982 : le français983, une langue étrangère. On n’en maîtrise le maniement que pour
autant qu’on y soit suffisamment instruit. Or cette maîtrise est indispensable pour
administrer convenablement les affaires locales.

En effet, si le constituant dispose que la langue officielle est le français, tout citoyen est en
droit de ne se prévaloir que du français dans ses rapports avec l’administration, au nom du
principe d’égalité984. Il paraît donc tout à fait logique qu’il soit requis, de toute personne
devant administrer les affaires publiques, fut-il au niveau local, une maîtrise
raisonnablement acceptable de cette langue985. Toute autre option équivaudrait à,
indirectement, autoriser des conseillers à travailler dans une autre langue ou à administrer
en permanence par procuration ou par l’intermédiaire d’un interprète986. Il est regrettable
qu’il n’y ait pas de jurisprudence sur le sujet dans les deux Etats987.

La nécessité de respecter le droit de tout citoyen à prendre part à la direction des affaires
publiques n’empêche pas le législateur de prévoir des conditions spécifiques de qualification
comme c’est le cas pour toute fonction administrative988. Ne pas le faire, pourrait créer une

982Pour De VARENNES F., «Langues officielles versus droits linguistiques : l’un exclut-il l’autre ?», Droit et cultures [En
ligne], 63 | 2012-1, consulté le 20 novembre 2014. URL : http://droitcultures.revues.org/2880, le choix d’une langue
officielle ne doit pas constituer une limite à la liberté d’expression, un droit fondamental.
983 Const. Bénin du 11 déc. 1990, art. 1er ; Const. Niger du 25 nov. 2010, art. 5.

984Il ne s’agit pas ici de faire l’apologie de l’usage de la langue étrangère comme langue officielle ; il est crucial, en vue
de rapprocher véritablement l’administration du citoyen, que soit envisagé l’usage des langues locales, tout au moins,
par l’administration locale.

985Même dans le cas du Bénin où il est exigé de savoir parler et lire le français, le législateur n’a pas semblé exiger une
connaissance suffisance. Il est remarquable que le législateur n’a pas fait usage d’un adverbe, par exemple bien ou
couramment. Maîtriser une langue, c’est mieux que simplement pouvoir la parler ou écrire. C’est la domestiquer, la
dompter.
986Plus exactement, pour ceux d’entre eux qui se retrouveraient dans une situation de connaissance insuffisante de la
langue officielle.

987En France, dans une décision du 29 juillet 1994, le juge constitutionnel a même admis que l’usage d’une terminologie
officielle peut être imposé «aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une
mission de service public».

988Bénin : Loi n°97-029, art. 2 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 3 ; Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, art.
21 ; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 25 ; Convention sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination à l’égard des femmes, art. 7 & 14 ; Charte africaine de la démocratie, des élections et de la
gouvernance, art. 4. 2. Pour les administrations préfectorales, v. Bénin, Décret n°2002-376 du 22 août 2002 portant
organisation et fonctionnement de l’administration départementale et Niger, Ord n°2011-21 du 21 février 2011
déterminant la classification des emplois supérieurs de l’Etat et fixant les conditions de nomination de leurs titulaires.

202
certaine ascendance des administrations d’Etat sur celles des collectivités 989 ainsi que le
laisse entrevoir la configuration socioprofessionnelle de certains conseils.

B. Des profils peu adéquats

Les statistiques exploitées990 montrent que la formation de base de certains conseillers est
faible (1) alors même que le droit à la formation ne leur est pas garanti (2).

1. Le faible niveau d’instruction et de qualification

Certaines assemblées délibérantes comptent en leur sein des analphabètes ou quasi


analphabètes991. En outre, la proportion d’élus ayant le niveau secondaire et plus est très
variable992. Le constat s’étend à la représentation des groupes socioprofessionnels993. Dans
tous les cas, le faible niveau d’instruction des élus a été souligné par plusieurs études994 au
point qu’il a été identifié comme un des défis majeurs que pose la gouvernance locale 995.
Nonobstant la position du législateur, la question du niveau d’instruction des

989
COQUART Ph. et al., «Décentralisation et financement des collectivités locales en Afrique subsaharienne : le cas
de l’Afrique de l’Ouest», Techniques financières et développement, n°100, Septembre 2010, p. 152 : «L’analphabétisme des
élus ne facilite pas leur tâche et risque de perpétuer une certaine fragilité dans les négociations…».

Configurations issues des élections locales de 2008 au Bénin et de 2011 au Niger. A défaut de disposer de statistiques
990

consolidées au niveau national, ces données ont été collectées dans quelques collectivités à des fins d’illustration.

991Analphabètes ou niveau primaire. Statistiques de quelques communes béninoises : Boukoumbé 5,88% ; Natitingou
5,26% ; Toucountouna 0% ; Bopa 0% et Comé 0% et nigériennes : Attantané 64,29% ; Guida Amoumoune 50% ;
Issawane 80% ; Maireyrey 57,14% et Mayahi 26,32%. A la première mandature 2004-2009 des conseils municipaux
nigériens, 1 620 conseillers municipaux élus sur les 3 747 étaient analphabètes, soit un taux de 43,23%.

992Elle paraît relativement élevée au Bénin. Par exemple Boukoumbé 94,12% ; Natitingou 94,74 % ; Toucountouna
100% ; Bopa 100% et Comé 100%. Elle apparaît faible dans certaines communes du Niger : Attantané 35,71% ; Guida
Amoumoune 50% ; Issawane 20% ; Maireyrey 42,86% et Mayahi 73,68%.
993 Au Bénin, le conseil communal de Boukoumbé compte 17,65% d’élus paysans (catégorie 1), 5,88% d’artisans,
transporteurs et commerçants (catégorie 2) et 64,71% de cadres moyens et supérieurs (catégorie 3). La distribution
dans ces différentes catégories est respectivement de : 5,26%, 10,53% et 78,95% à Natitingou ; pour Toucountouna :
9,09%, 0,00%, 72,73% ; Bopa : 5,88%, 5,88%, 58,82% et Comè : 6,67%, 0,00% et 80%. Les mêmes tendances peuvent
être observées au Niger : Attantané 71,43%, 0,00% et 28,57% ; Guida Amoumoune 68,75%, 0,00% et 31,25% ;
Issawane 70%, 10% et 20% ; Maireyrey 50 %, 21,43% et 28,57% ; Mayahi 26,32%, 0,00% et 73,68%.
994 Bénin : Plan stratégique 2012-2016 du Ministère de la Décentralisation, de la Gouvernance Locale, de
l’Administration et de l’Aménagement du Territoire, p. 13 («Le faible niveau intellectuel de certains élus ne leur permet pas de
s’approprier aisément les objectifs de la décentralisation») ; Niger : Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de la
Décentralisation et des Affaires Religieuses, Document cadre de politique nationale de décentralisation, Mars 2012, pp. 25-26 ;
Plan national de formation des acteurs de la décentralisation du Niger, Décembre 2011, 66 p.

995COQUART Ph. et al., «Décentralisation et financement des collectivités locales en Afrique subsaharienne : le cas
de l’Afrique de l’Ouest», op. cit., pp. 152-153.

203
administrateurs communaux ne saurait être banalisée. Elle est peu ou prou liée à la
formation de base et à la qualification professionnelle996.

Les formations sont un moyen de renforcement des capacités des élus. Mais généralement,
elles prennent davantage en compte les maires et les personnels communaux 997.
Lorsqu’elles concernent l’ensemble des élus, c’est à peine qu’ils y prennent part avec
assiduité998. Or, les décisions les plus importantes de la vie communale doivent être initiées,
examinées et prises par son organe délibérant. Dans la constitution de celui-ci, il est
indispensable que le critère de représentation démocratique des différentes composantes de
la société locale soit mixé avec la nécessité d’une disponibilité de capacités de
compréhension, de conception et de mise en œuvre d’actions dans les domaines de
compétence de la collectivité territoriale. En définitive, administrer est un métier. Pour
reprendre l’expression de Jacques CHEVALLIER, il existe un «art d’administrer»999. Sa
domestication peut être assurée par la formation.

2. L’inexistence d’une garantie de formation en cours de mandat

L’importance du mandat local requiert que son exercice soit accompagné par la mise à
disposition des élus des connaissances requises. Bénédicte HALBA affirmait à ce sujet que
«L’exercice de leur mandat est devenu un véritable métier qui nécessite des connaissances et des
compétences»1000. Dans le contexte sus décrit, il paraît paradoxal que le législateur se soit tu
sur le droit à une formation continue des élus locaux1001. Une disposition dans ce sens

996Autant il est évident qu’un élu ayant une formation de base d’économiste pourra plus aisément lier plan de
développement et budget annuel, autant il est illusoire de s’attendre à ce qu’un conseiller, ouvrier charpentier, puisse
examiner et faire des propositions éclairées sur un dossier de création d’une zone franche économique.
997
Même lorsqu’elles sont ouvertes à d’autres membres du conseil, ne peuvent en profiter que ceux d’entre eux qui
disposent d’un niveau d’instruction de base qui leur permettent d’assimiler. L’effet reste donc très largement limité.

998 DERBOULLES L., «De la libre formation des élus locaux», AJDA, 2000, p. 773.

999 CHEVALLIER J., Science administrative, op. cit., p. 552.


1000
HALBA B., «D’un mandat électif au marché du travail», Pouvoirs locaux, n°85, 2010, p. 132.

Les centres de formation des personnels des collectivités territoriales ciblent également les élus locaux. Voir, par
1001

exemple, Décret n°2011-886 du 30 décembre 2011 portant création, attributions, organisation et fonctionnement du
Centre de Formation à l’Administration Locale en République du Bénin, art. 3.

204
aurait une fonction adaptative1002, les élus ne l’étant pas de métier. L’enjeu d’une telle
consécration serait principalement d’accroître les compétences des élus aux fins d’assurer
la conformité de leurs actes aux règles en vigueur et conforter ainsi l’efficacité et la légitimité
de leur pouvoir.

Cependant, même dans l’hypothèse que ce droit a été consacré, la formation continue en
cours de mandat ne remplacerait pas la formation de base. En effet, plusieurs études ont
révélé que, de façon générale, le taux d’accès à la formation continue s’élève en même temps
qu’augmente le niveau de diplôme obtenu en formation initiale1003. En outre, l’envergure et
les incidences financières diffèreraient selon que les élus disposent ou pas d’un background
significatif. Il est certain qu’un régime de formation à l’intention des élus ne peut qu’être
«léger» pour tenir compte de leur situation professionnelle1004. Dans l’intérêt de la bonne
administration, il est désirable que l’assemblée délibérante soit constituée de ressources
humaines de qualité. Cette exigence est encore plus critique pour l’organe exécutif.

Paragraphe 2 : Les organes exécutifs

Le maire ou le président de conseil1005 constitue l’organe exécutif de la collectivité. Les


conditions de son autonomie devraient être clairement définies par le législateur. Au
nombre de celles-ci figurent la qualification qui permet de conférer une certaine légitimité
professionnelle (A) ainsi que les avantages financiers et matériels susceptibles de lui garantir
le rang social auquel l’élève la fonction (B).

A. Une légitimité professionnelle nécessaire

La complexité et l’importance de la fonction exécutive requiert de son titulaire une légitimité


professionnelle. L’analyse des multiples attributions qui en font une double fonction

GERARD, F.M., LAVENDHOMME, É., ROEGIERS, X., «Les fonctions de la formation continue», in
1002

ROEGIERS, X. Analyser une action d'éducation ou de formation, Bruxelles, De Boeck Université, 1997, pp. 237-241.
1003 MARION L. et al., Quand la formation continue, Paris, CEREQ, 2009, p. 52 : «Les plus diplômés à la sortie du système
scolaire sont aussi ceux qui se forment le plus au cours de leur vie active et qui déclarent les besoins de formation les plus importants».
1004Ils doivent nécessairement obtenir une autorisation préalable de leur employeur qui du reste, peut objecter en
fonction des nécessités de service.

1005 Bénin : Loi n°97-029, art. 63 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 22.

205
politique et technique (1), montre que le minimum requis par le législateur s’avère nettement
insuffisant pour un exercice efficace (2).

1. Les exigences astreignantes de la fonction

En tant que chef de l’administration locale1006, le maire exerce des compétences


communales et étatiques. Au titre des compétences communales, il met en œuvre deux
catégories d’attributions. Il s’agit, d’une part, des attributions d’organe exécutif, exercées
sous le contrôle de l’organe délibérant et d’autre part, des attributions propres qui s’exercent
hors du contrôle de l’assemblée locale1007. Organe d’opérationnalisation, le maire est investi
des pouvoirs les plus étendus en vue de la mise en œuvre des décisions prises par le
conseil1008 dans ses domaines de compétence1009. Il représente la collectivité dans la vie
juridique et gère les moyens humains, financiers et matériels de la commune 1010.
Concomitamment à sa fonction d’exécutif communal, le maire est également représentant
de l’Etat sur son territoire1011. Par conséquent, il assure dans son ressort territorial, les
fonctions d’officier d’état civil, de diffusion et d’exécution des lois et règlements, de police
administrative, etc.

Mais la décentralisation n’a pas que des motivations techniques et administratives. A la suite
de Maurice HAURIOU pour qui les raisons de la décentralisation territoriale ne sont point
que d’ordre administratif mais également d’ordre politique 1012, René CHAPUS note que

Bénin : Loi n°97-029, art. 48 : «Le maire est le premier responsable de la commune. Il est le chef de l'administration
1006

communale» ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 87.

1007Ce sont des attributions qui découlent soit de son statut de président de l’assemblée soit de l’exécution
opérationnelle des décisions de l’organe délibérant. Il peut s’agir de prérogatives que la loi lui confère à titre
exclusif comme l’administration locale, la police administrative. V. Bénin : Loi n°97-029, art. 62 à 79 ; Niger : Ord.
n°2010-54, art. 77 à 93.

1008 Bénin : Loi n°97-029, art. 63 ; Niger : Ord. n°2010, art. 79.

1009Elaboration et exécution des plans, programmes et projets de développement, identification et mobilisation des
ressources, préparation et exécution du budget, etc.

1010 Pour les détails des attributions du Maire, v. Bénin : Loi n°97-029, art. 63-80 et Niger : Ord. n°2010-54, art. 77-89.
1011 Bénin : Loi n°97-029, art. 68-70 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 77 : «Le maire est à la fois autorité communale et représentant
de l'Etat dans la commune».
1012 HAURIOU M., Précis de droit administratif et de droit public, op. cit., p. 86.

206
l’existence des «démocraties administratives importe à la démocratie politique»1013. En des termes
similaires, Alexis de TOCQUEVILLE souligne combien l’institution communale est
cruciale pour la démocratie1014.

Dans cette perspective, le maire, président de l’assemblée locale gère et concilie des
antagonismes politiques internes et externes1015. Il assure l’animation de la vie locale aux
fins de garantir l’accès à l’information et la participation des citoyens à l’action publique.
Cette dimension vient à la fois ennoblir et complexifier l’exercice du mandat exécutif local.
L’étendue des attributions et responsabilités et la délicatesse qui en découlent font que son
dépositaire est vulnérable1016. En effet, l’exécutif local est appelé à rendre compte sur les
plans politique, civil et pénal d’une part, managérial, administratif et financier d’autre
part1017. Ce rappel descriptif fait de l’exécutif local une haute fonction, certes locale, mais
républicaine. L’impact attendu de son exercice requiert des compétences dont «l’acquisition
suppose à la fois du temps et des acquis antérieurs à l’entrée en politique»1018.

2. Les prérequis insignifiants du législateur

Au Bénin, pour toute exigence en matière de profil au Bénin, il s’agit de simplement savoir
lire et écrire le français1019. Il est vrai que l’exigence d’un profil professionnel peut paraître

1013 CHAPUS R., Droit administratif général, T. 1, op. cit., p. 406.

1014de TOCQUEVILLE A., De la démocratie en Amérique, op. cit., v. chap. 5. (1) : «Sans institutions communales, une nation
peut se donner un gouvernement libre, mais elle n’a pas l’esprit de liberté».

1015 La collectivité territoriale constitue un contrepoids institutionnel «voué à contrebalancer le poids de l’appareil central». Il
arrive que des antagonismes politiques interfèrent dans les rapports administratifs entre les représentants de l’Etat et
les autorités locales. Il sied donc que ces dernières «soient garanties contre le risque de désinvestiture arbitraire ou trop aisée par les
autorités d’Etat» et soient protégées d’éventuels abus. V. Bénin : DCC 06-144 du 06 octobre 2006 et DCC 08-010 du 17
janvier 2008 ; MELIN-SOUCRAMANIEN F., PACTET P., Droit constitutionnel, 33ème éd., Paris, Sirey, 2014, p. 12 ;
CHAPUS R., Droit administratif général, T. 1, op. cit., p. 404.

Il peut être destitué par le conseil : Bénin : Loi n° 97-029, art. 38, 53 et Loi n°2013-06, art. 400 ; Niger : Ord.
1016

n°2010-54, art. 51, 68 et Ord. n°2010-96, art. 143.

Le verdict de l’affaire Xynthia en France en est une illustration. Des élus ont été condamnés à des peines de prison
1017

ferme pour avoir délivré des permis de construire dans une zone jugée impropre à l’habitation.

1018 KOEBEL M., «Elus professionnels et élus bénévoles dans l’espace politique local», Communication au 2 ème congrès
de l’Association Française de Sociologie sur le thème Dire le monde social : les sociologues face aux discours politiques, économiques
et médiatiques, Bordeaux, 5-8 septembre 2006, p. 4.

1019Loi n°97-029, art. 38, al. 2 : «Le maire et ses adjoints doivent savoir lire et écrire le français» ; cette disposition a été confirmée
par l’article 393 de la Loi n°2013-06.

207
inappropriée pour un poste politique et électif qui, a priori, n’est pas une profession1020.
Aucune formation professionnelle ne conduit au métier de maire élu. Mais en déduire que
savoir lire et écrire le français suffirait pour son exercice diligent paraît extrêmement
illusoire. L’examen des attributions révèle que la fonction politique se double d’une
fonction éminemment technique, celle d’administrer les affaires locales. Une sagesse enseigne
qu’«un roi sans formation, c'est la ruine du peuple». Le profil du maire constitue donc un enjeu
qui n’est pas anodin1021.

Le législateur a toutefois entendu tempérer les implications de la banalisation de l’exigence


de qualification du maire en exigeant, pour le secrétaire général de mairie, un niveau de
qualification professionnelle1022. Le raisonnement aura donc consisté à supposer que le
maire n’a nécessairement pas besoin d’être bien instruit et qu’il pourrait lui suffire de se
faire assister d’un secrétaire général qualifié1023. C’est méconnaître qu’à terme, la
responsabilité personnelle du maire peut être engagée, puisqu’il ne peut invoquer son
ignorance1024. Dans la perspective béninoise, l’exigence constitutionnelle de compétence
pourrait lui être opposée1025. Il est souvent mis en avant l’argument du libre accès à la
fonction politique locale qu’est supposé promouvoir la démocratisation de l’administration
locale. Mais la démocratie locale n’est pas l’unique fin poursuivie par la libre administration.
Elle constitue un moyen de construire une administration de qualité et d’atteindre le
développement socio-économique, autres résultats aussi importants1026.

1020CORNU G., op. cit., p. 806 : la profession est une «activité habituellement exercée par une personne pour se procurer les ressources
nécessaires à son existence».

1021CORNU G., op. cit., p. 807 : appliqué à l’activité professionnelle, le profil se définit comme «l’ensemble des aptitudes
requises (formation technique, connaissances théoriques, qualités humaines) pour exercer une fonction ou occuper un emploi donné».

1022 Malgré le niveau d’instruction généralement élevé, dans 80% des pays européens, une formation à l’entrée en
fonction est proposée ; v. à ce sujet, Conseil des Communes et Régions d’Europe, Statut des élus locaux en Europe,
Décembre 2010, 25 p. Bénin, Loi 97-029, art. 81, al. 2 : «Le maire nomme le secrétaire général de la mairie parmi les cadres du
corps des administrateurs, les cadres de qualification équivalente ou à défaut, parmi les attachés administratifs».

1023Encore faudrait-il, avant cette nomination, rechercher et trouver la personne ayant le bon profil. Sans avoir un
certain niveau d’instruction, comment un maire qui ne sait que «lire et parler français», peut-il s’assurer qu’il dispose de
la personne qualifiée ?

1024 Loi 97-029, art. 175 ; v. aussi Ord. 2010-54, art. 12.
1025 Etre compétent, c’est avoir des capacités reconnues dans un domaine ; «c’est avoir de l’aptitude pour» ; v. Dictionnaire
Larousse des synonymes et des contraires, Ed. 2009, p. 211. Const. Bénin : art. 35 : «Les citoyens chargés d'une fonction publique ou
élus à une fonction politique ont le devoir de l'accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté…».

1026 Loi n°97-029, art. 2 et 82 ; Ord. n°2010-54, art. 3, al. 5 et art. 5, al. 2 et 3.

208
Pour exercer efficacement une fonction, les aptitudes du titulaire doivent être proches des
attributions qui y sont liées. Pour être maire, il «faut montrer des capacités réelles de compréhension
des enjeux de pouvoir, des enjeux économiques et sociaux d’un territoire, savoir gérer la complexité, savoir
gérer des équipes de fonctionnaires et d’élus et les faire travailler ensemble…»1027. A juste titre,
KERROUCHE parle de «technicisation» de la fonction politique1028. Seul le niveau
d’instruction autorise à raisonnablement présumer de l’existence de telles capacités
techniques1029. Au Bénin, cette nécessité s’applique seulement aux postes de responsabilité
dans l’administration territoriale d’Etat1030. Le législateur nigérien a une position différente.
Pour lui, l’exécutif communal doit justifier du niveau du Brevet d’Etudes du Premier
Cycle1031. Quelques rétorsions peuvent être faites à ce choix1032 mais la condition garantit
que le titulaire de la fonction exécutive locale dispose d’un minimum d’aptitudes pour en
cerner les enjeux et responsabilités et les assumer1033. L’autonomie locale sera également
réduite, si l’engagement des élus n’est pas total et bien rétribué.

B. Un régime rémunératoire précaire

Les marges d’action se réduisent davantage en l’absence d’un statut favorable à


l’indépendance1034. Les éléments constitutifs du statut du maire devraient constituer les

1027 KOEBEL M., op. cit., p. 9.

1028KERROUCHE E., «Les maires français, des managers professionnels ?», Annuaire des collectivités locales, T. 26, 2006,
pp. 83-98.
1029 La catégorie socio professionnelle de provenance de la majorité des maires illustre cette nécessité. Ils sont des
cadres et exercent des professions intellectuelles. En illustration, 13 des 14 maires des départements du Borgou et de
l’Alibori au Bénin sont détenteurs d’un diplôme de l’enseignement supérieur.

Ainsi en est-il des fonctions de Préfet et de Secrétaire Général de département. Le pouvoir règlementaire est allé
1030

dans le même sens pour ce qui concerne les chargés de mission du Préfet. V. Loi n°97-028, art. 9 et 15 ; Décret n°
2002-376 du 22 août 2002 portant organisation et fonction de l’administration départementale, art. 68.
1031 Ord. n°2010-96, art. 143, al. 3: «Nul ne peut exercer les fonctions de maire ou d’adjoint au maire s’il n’est détenteur du brevet
d’études du premier cycle (BEPC) de l’enseignement secondaire au moins ou d’un diplôme équivalent». V. aussi Ord. n°2010-54, art.
52.
1032Exclusion d’une frange de citoyens de la participation à la gestion des affaires publiques locales, inadéquation dans
certaines communes rurales où le niveau moyen d’instruction est relativement faible.
1033CHAPUS R., Droit administratif général, T. 1, op. cit., p. 405 : «L’autonomie d’une commune ne peut être que plus limitée qu’elle
devrait l’être si elle doit faire appel aux techniciens de l’Etat pour la préparation et l’exécution de divers projets…».

Par exemple, les indemnités des conseillers sont fixées par le conseil mais dans une fourchette de la loi des finances
1034

(Bénin : Loi n°97-029, art. 29) ou par décret pris en conseil des ministres (Niger : Ord. n°2010-54, art., al. 4).

209
fondements de son indépendance1035. Dès lors que ses attributions requièrent un
engagement à plein temps (1), le régime rémunératoire doit être attrayant (2).

1. Un engagement inéluctablement à plein temps

Ayant éludé l’option de la coexistence sur un même territoire d’une autorité déconcentrée
nommée et d’une autorité locale élue, les législateurs béninois et nigérien ont fait de
l’exécutif local l’unique responsable de son territoire sur lequel il représente en même temps
l’Etat. Il assure l’ordre, la sécurité et la tranquillité dans son ressort territorial. Il est attendu
de lui qu’il assure la continuité du service public local. A ces différents titres, il lui est fait
obligation d’y résider1036. Au surplus, l’étendue et la portée de ses attributions prouvent à
suffisance que la fonction ne peut être efficacement exercée à temps partiel. Un parallèle
entre l’administration locale et celle d’une entreprise privée1037 éclaire à ce sujet. S’il est
admis que l’organe d’administration ne se réunisse que périodiquement pour statuer sur des
questions stratégiques, il ne convient pas que le directeur général soit un intermittent. La
conception classique1038 de l’administration publique, instance lointaine et prudente,
chargée de veiller au respect de la loi a vécu. En tant que manager1039, compris comme un
professionnel de la «bonne gestion» et de la «gestion efficace», l’exécutif local remplit une
fonction à finalité clairement opérationnelle1040 justifiée par les contextes sociaux qui
demandent présence et efficacité.

Le besoin d’une présence permanente1041 de l’administrateur est à la base de la


décentralisation territoriale qui investit celui-ci de prérogatives d’animation et

1035Par exemple, la Charte européenne de l’autonomie locale en son article 7, al. 2 dispose : «Le statut des élus locaux doit
assurer le libre exercice de leur mandat».

1036 Bénin: Loi n°97-029, art. 42. ; Niger : Ord. n°2010, art. 56.
1037 Nuance faite de sa dépendance de l’autorité politique et de sa soumission au droit public qui limitent
significativement ses capacités de réflexion et d’actions stratégiques, sa flexibilité.
1038 V. à ce sujet, CHEVALLIER J., op. cit., p. 557.

1039 Les états généraux de l’administration territoriale béninoise de Janvier 1993 avaient reconnu que «les conseils…doivent
être de véritables managers, prendre des initiatives, avoir une crédibilité vis-à-vis des partenaires au développement…» (v. Actes, p. 59).
1040 CHEVALLIER J., Science administrative, 5ème éd., Paris, PUF, p. 31.

1041La loi française reconnaît à certains élus locaux exerçant des fonctions exécutives le droit de cesser leur activité
professionnelle afin de se consacrer entièrement à leur mandat. V. articles L. 2123-9 CGCT pour les élus municipaux,
L. 3123-7 CGCT pour les élus départementaux et L. 4135-7 CGT pour les élus régionaux.

210
d’encadrement du développement local. Dans cette perspective, l’exécutif local est dans une
position d’agent de transformation socio-économique. En définitive, c’est sur le fondement
des résultats de son action que l’administration sera légitimée. Elle se trouve soumise à une
obligation de réactivité et d’efficacité1042. Ce leitmotiv de l’efficacité que véhicule le néo
management public incite l’administration locale à la culture de la performance qui repose
sur la gestion axée sur les résultats. Cette évolution paradigmatique a été endossée par le
législateur qui prescrit les bonnes pratiques de gestion que constituent la planification, le
suivi évaluation, la reddition de comptes, la concertation, l’autofinancement, etc.1043.

Ainsi, le mandat de l’exécutif local se voit flanqué d’une nouvelle dimension, celle d’un
agent de changement. La libre administration résulte de la réforme décentralisatrice,
porteuse de pratiques nouvelles, de modèles et normes de comportement qu’elle promeut
mais qui doivent encore être inculqués aux fonctionnaires locaux afin de créer un habitus
qui ne peut être acquis sans un engagement continu du chef de l’administration locale1044.
A ces exigences sied une rémunération convenable.

2. Un régime de rémunération essentiellement indemnitaire

Du point de vue du législateur, la fonction d’exécutif local ne constitue pas une activité
salariée1045 ; ce qui explique qu’elle ne soit pas rémunérée1046. Cette disposition s’inspire du
droit français1047. Une telle perception paraît défendable pour des collectivités territoriales
de très petite taille, comme c’est le cas en France1048. Elle ne semble plus plausible lorsqu’il

1042 Si pour le fonctionnaire, la responsabilité peut être limitée à la rigueur scientifique et à la régularité juridique des
choix qu’il préconise, pour l’organe politique que constitue l’exécutif, ce sont les chiffres qui doivent le légitimer et
prouver la justesse et l’efficacité des solutions proposées et actions mises en œuvre ainsi que la fiabilité des méthodes
utilisées.
1043 Bénin : Loi n°97-029, art. 84 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 16, 36, 80, 215.

1044 CHEVALLIER J., op. cit., p.565.


1045 CORNU Gérard définit l’activité salariée comme tout «travail dépendant, effectué pour autrui, moyennant rémunération, en
vertu d’un contrat de travail». CORNU G., op. cit., p. 28,

1046 Loi n°97-029, art. 49 ; Ord. n°2010-54, art. 73 : «Le maire n’a pas de salaire…».
1047 HALBA B., op. cit., p. 133 : «Dans la tradition républicaine française, l’exercice d’un mandat local est fondé sur le bénévolat».

1048 La France compte 36 782 communes avec 514 519 élus soit en moyenne 85 élus pour 10 000 habitants.

211
s’agit de communes de grande taille. La nécessaire permanence et la complexité toujours
croissante de l’action publique locale n’autorisent pas à présumer qu’elle puisse s’accomplir
à temps partiel. Certaines dispositions législatives tirent des conséquences de cette tendance
à la professionnalisation de la fonction exécutive communale. Lorsqu’un fonctionnaire est
élu au poste de maire, il est considéré comme mis à disposition1049. Dans le même sens,
d’autres fonctions sont jugées incompatibles avec le mandat de maire. Enfin, il est exigé du
maire et ses adjoints d’avoir leur domicile dans la commune 1050. Dans ces conditions où le
titulaire d’un poste politique ne peut mener son activité professionnelle antérieure, il
s’impose de lui prévoir une rémunération fixe pour le soustraire aux éventuels vices
auxquels le besoin peut l’exposer.

Historiquement, un tel raisonnement se trouve conforté par l'article 32 de la loi du 19


octobre 1946 portant premier statut général des fonctionnaires en France après la
Libération. Elle disposait que le traitement fixé pour un fonctionnaire nommé à un emploi
de début ne devait pas être inférieur à 120 % du minimum vital ; ce seuil vital étant compris
comme la somme au-dessous de laquelle des besoins de la personne humaine, considérés
comme incompressibles, ne peuvent plus être satisfaits. Le salaire du fonctionnaire situé à
l'échelon le plus bas de la hiérarchie devait être supérieur d’au moins 20% de celui des agents
de même niveau dans le secteur privé. Il est clair que «L'on entendait donc faire de la rémunération
du fonctionnaire non la simple contrepartie d'un service rendu mais un moyen de tenir un rang social»1051.

Pour un exécutif local, s’en tenir à des indemnités de fonction et de représentation, au


remboursement des frais engagés dans l’accomplissement de ses missions, etc. paraît
insuffisant1052. En outre, les bases de calcul desdites indemnités posent quelques difficultés.
Au Niger, c’est la taille de la population qui détermine les indemnités 1053. Au Bénin, le

1049 Ord. n°2010-54, art. 73, al. 3 : «Par dérogation aux dispositions de l’article 93 du statut général de la fonction publique de l’Etat,
le fonctionnaire de l’Etat devenu maire est placé en position de mise à disposition auprès de la commune…».

Loi n°97-029, art. 46.


1050

TIMSIT G., «Les principes généraux du droit français de la fonction publique», Les Cahiers de droit, Vol. 19, n° 2,
1051

1978, pp. 339-358.


1052 Bénin : Loi n°97-029, art. 173 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 73 al. 1er et 2, art. 74.

1053 Le montant correspondant à chaque tranche est fixé par le gouvernement. Ord. 2010-54, art. 73 : «Le maire n’a pas
de salaire. Il perçoit cependant, une indemnité de fonction basée sur le chiffre de la population de la commune dont le montant est déterminé
par décret pris en Conseil des ministres». Il s’agit manifestement d’une incompétence négative du législateur qui, en la matière,

212
législateur définit des fourchettes en fonction du montant des recettes effectives de l’année
précédente1054. Ces techniques sont singulières, comparées aux modes classiques de
détermination des avantages accordés aux titulaires de fonctions électives. Alors que s’est
établie en la matière la pratique de comparateurs, le législateur n’y a pas recouru1055. Ces
modalités consacrent une certaine instabilité de l’allocation compensatoire que tire l’exécutif
communal de son engagement au service de la collectivité. Enfin, il ne faut pas occulter que
les avantages renforcent le symbolisme d’une fonction1056.

A terme, ce régime de gratuité peut dissuader le citoyen de s’engager pour un mandat électif.
En dehors des fonctionnaires de l’Etat qui bénéficient d’une mise en disponibilité d’office,
l’exercice d’un mandat électif constitue une prise de risque. En effet, le retour à la vie
professionnelle n’est pas garanti1057, les cotisations pour la sécurité sociale sont
suspendues1058, etc. En définitive, beaucoup parmi ceux qui s’y engagent ne s’y consacrent
que partiellement, le régime indemnitaire applicable ne leur laissant autre choix que de se
trouver une source de revenus complémentaires1059. Or il existe des similitudes dans la
perception, les sujétions, la charge et la permanence des tâches avec les autres fonctions

a manqué de tirer les conséquences de sa charge de définir les principes fondamentaux de la libre administration.
Conférer une telle prérogative au pouvoir exécutif, c’est lui conférer la compétence de pouvoir restreindre la libre
administration, pouvoir réservé uniquement au pouvoir législatif.

1054 Loi n°97-029, art. 49 ; Loi de finances 2015, art. 17 et 18.

1055 Les salaires des maires sont indexés sur ceux des parlementaires (Norvège), du Président de la République
(Portugal) ou calculés suivant un indice pondéré du coût de la vie (Luxembourg et Flandre). Bénin : Loi n°2001-30 du
11 décembre 2001 portant détermination des indemnités parlementaires et autres avantages dus aux députés, membres
de l’Assemblée Nationale, art. 4 : «Le Député perçoit une indemnité mensuelle égale au traitement à l'indice maximum des cadres
supérieurs de la hiérarchie des administrations publiques civiles ou militaires de l'Etat affecté d'un coefficient correcteur égal à 2» ; les
article 2 [«Les éléments constitutifs des indemnités parlementaires sont : 1- l'élément permanent de rémunération, 2-
les indemnités relevant de l'exercice de la fonction parlementaire, 3- les indemnités spécifiques en rapport avec la
fonction exercée au sein de l'institution parlementaire»] et 3 [qui prévoit un ensemble d’indemnités : installation,
sécurité sociale et couverture médicale, vestimentaire, etc.] fournissent davantage de précisions sur ces avantages. V.
également le Décret n°90-359 du 23 novembre 1990 portant traitements de base indiciaire de personnalités politiques
et administratives en République du Bénin modifié par le décret n°92-311 du 23 novembre 1992.

1056 GUEYE A. K., Inspections générales d’Etat d’Afrique. Réalités, perspectives et enjeux, Dakar, Jangal, 2010, p. 21.
1057Aucun dispositif de facilitation de la réinsertion professionnelle (bilan de compétences, formation de remise à
niveau, etc.) n’est prévu au profit des élus en fin de mandat.

1058Une telle interruption peut avoir pour effet de différer le terme exigibilité et de réduire les montants des pensions
de retraite dus.

1059 Même si ce n’est pas absolu, le niveau de revenus garanti à une autorité politico-administrative peut avoir une
influence sur ses efforts en matière d’engagement, de transparence et de respect des règles d’éthique.

213
électives républicaines dont les titulaires bénéficient de salaires politiques ou avantages
déterminés par la loi1060. Les enjeux au plan local ne sont pas moins importants. La situation
suscite des appels à la suppression de cette gratuité1061.

SECTION 2 : L’ADMINISTRATION DEPENDANTE DES PERSONNELS LOCAUX

Les collectivités territoriales tiennent la compétence de gestion de leur personnel de


l’autonomie de gestion des moyens qui leur est conférée. Mais le domaine n’est pas «en
friches». Il est balisé par les normes supra légales qui résultent des constitutions et accords
internationaux qui déterminent les principes fondamentaux (Paragraphe 1). Sur la base du
droit positif et du projet de loi en discussion à l’Assemblée Nationale béninoise, il peut être
relevé que les collectivités territoriales n’auront qu’une infime maîtrise de la gestion de leurs
effectifs (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’applicabilité du droit de la fonction publique générale

Le droit positif recèle de multiples règles constitutionnelles et législatives d’ordre général


applicables à la fonction publique territoriale (A). Néanmoins, la situation administrative
des personnels des collectivités demeure juridiquement indéterminée (B).

A. Une applicabilité certaine

Les collectivités territoriales participent aux côtés de l’Etat à l’administration du territoire.


Les personnels des collectivités territoriales sont des agents publics1062. Les clauses de
différents traités et les dispositions constitutionnelles qui tracent les bornes des
interventions publiques leur sont par conséquent applicables (1). S’y ajoutent quelques
principes généraux consacrés par le législateur (2).

1060 Il en est de même pour les élus locaux dans plusieurs pays dont le Danemark, les Pays-Bas, l’Espagne et le Portugal.

1061Assemblée Nationale (France), Rapport n°1161 de la mission d’information sur le statut de l’élu, 19 juin 2013, pp.
31-32 : «…il faut en finir avec le mythe de la gratuité des fonctions électives locales. L’exercice d’un mandat exige beaucoup de temps et
d’énergie. Les élus doivent se conformer aux prescriptions de la loi en des matières de plus en plus techniques».

1062 CE, 13 décembre 1889, Cadot, rec., p. 1148, Concl. Jagerschmidt.

214
1. Des principes constitutionnels du droit de la fonction publique

Certains principes généraux limitent la libre administration des collectivités. Il en est ainsi
de l’indivisibilité et de l’égalité. Il découle de l’indivisibilité de la République que, malgré
l’option décentralisatrice, les Etats béninois et nigérien demeurent unitaires 1063. Leurs
organes n’ont pas la compétence première pour s’auto organiser ni déroger à la loi1064. Le
principe d’unité qui implique l’unicité du peuple gomme toute différence entre composantes
de la nation1065. Cette homogénéité du peuple sous-tend l’homogénéité du corps politique
qui, à son tour, motive l’interdiction du mandat impératif. L’unité de la république
impliquait un centralisme juridique et administratif que met en relief la description que
Alexis de TOCQUEVILLE fait de l’Etat unitaire : «…la concentration dans un même lieu et dans
une même main, de la capacité de diriger les intérêts propres à chacune des parties de la nation ; et, pour ce
faire, à se rapporter non aux mœurs, aux habitudes et aux convenances locales, mais à un système élaboré
au siège du gouvernement et partout appliqué par ses agents»1066. Ainsi, même s’il est permis aux
assemblées locales de créer des organes de concertation sur des questions d’intérêt local, le
mandat desdits organes ne peut outrepasser les compétences reconnues aux collectivités.
Ces dispositifs ne sauraient non plus remplacer les conseils élus en délibérant1067.

1063Const. Bénin du 11 décembre 1990 : art. 2 ; Const. Niger du 25 novembre 2010 : art. 3. Dans la doctrine, il y a eu
une polémique sur la distinction ou la synonymie entre indivisibilité et unité. Pour certains auteurs, ces deux concepts
sont distincts ; v. FLAUSS J.-F., « Droit local alsacien-mosellan et Constitution», RDP, n°6, 1992, p.1629 ; LAMPUE
P., Droit d’outre-mer et de la coopération, Précis Dalloz, 4e éd., Dalloz, 1969, p.5. Pour d’autres par contre, les deux principes
posent une seule et même prescription, l’indivisibilité visant à garantir l’unité ; v. DEBBASCH R. et ROUX A., op. cit.
pp.75 et 77 ; FABRE M.-H., « L’unité et l’indivisibilité de la République, réalité ? Fiction ? », RDP, 1982, p.608 ;
MARCOU G., «Le principe d’indivisibilité de la République», Pouvoirs, n°100, 2002, p.46.
1064
Même s’il est reconnu aux collectivités une certaine «clause de compétence générale», elle ne les autorise pas à
intervenir dans un domaine déjà attribué à une autre collectivité par le constituant. V. à ce sujet, CE, 29 juin 2001,
Commune de Mons-en-Baroeul. La doctrine contemporaine relève sans équivoque la portée juridique du principe sur
l’organisation et la distribution des pouvoirs au sein de l’Etat, ce dernier exerçant la suprema potestas. Pour Léon
DUGUIT, il en résulte «qu’aucune collectivité ne peut être investie d’une quote-part de la souveraineté…». V. DUGUIT L., Traité
de droit constitutionnel, T. 2, 3e éd., Ed. E. Broccard, 1928, p. 120. Miche-Henri FABRE estime que l’unité et l’indivisibilité
interdisent «de diviser la souveraineté nationale, à la fois dans son contenu interne et dans son assise territoriale». V. FABRE M.-H.,
«L’unité et l’indivisibilité de la République, réalité ? fiction ? », RDP, 1982, p. 607.

1065 C’est la position adoptée par le Conseil Constitutionnel français depuis le 09 mai 1991 dans sa décision Statut de la
Corse (J.O. du 14 mai 1991, p. 6350) dans laquelle la haute juridiction juge que la Constitution «ne connaît que le peuple
français composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion». Cette jurisprudence
est confirmée par la décision DC 99-412 du 15 juin 1999 relative à la Charte européenne des langues régionales ou
minoritaires dans laquelle elle a jugé que «le principe d’unicité du peuple français, dont aucune section ne peut
s’attribuer l’exercice de la souveraineté nationale, a valeur constitutionnelle».
1066 De TOCQUEVILLE A. cité par OZOUF Mona, «Fortunes et infortunes d’un mot», Le Débat, n° 13, 1981, p. 40.

1067 Bénin : Décret n°2001-414 du 15 octobre 2011 fixant le cadre général du règlement intérieur du conseil communal,
art. 64-66 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 16.

215
L’égalité implique une uniformité dans les modalités d’exercice et de jouissance des droits
et libertés garantis par la constitution. Ce principe fondamental est posé par l’article 1er de
la Déclaration des Droits du Citoyen de 1789 d’après lequel «tous les individus sans distinction…
ont la même vocation juridique au régime des charges et droits que la loi établit»1068. C’est à juste titre
que certains auteurs, dont Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN, estiment que l’égalité
n’est pas un droit fondamental classique. En effet, elle offre des garanties directes pour la
jouissance de droits subjectifs. Mais elle revêt également une dimension de droit objectif
dans la mesure où elle constitue une condition d’exercice de plusieurs autres droits
fondamentaux1069. Les textes constitutionnels lui donnent raison et à ce titre, l’égalité
bénéficie d’une protection particulière1070.

Mis en rapport avec le contexte de l’emploi public, le principe d’égalité emporte au moins
deux conséquences liées. La première, d’ordre général, est l’égalité en droit et donc devant
le service public1071. La deuxième, plutôt spécifique, consiste en l’égal accès des citoyens à
la fonction publique. La Déclaration française des Droits de l’Homme et du Citoyen de
1789 a clarifié les implications dudit principe en des termes non équivoques. La loi «doit être
la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont

1068 CORNU G., op. cit., p. 386. Historiquement, le processus de «sacralisation» de l’égalité a commencé le 04 juillet
1776 avec la déclaration d’indépendance des Etats-Unis d’Amérique qui mentionnait «Nous tenons pour évidentes pour
elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux…», v. Déclaration d’indépendance des Etats-Unis, p. 1, §.2
(Traduction de Thomas Jefferson. Il s’est poursuivi en France dans la nuit du 04 août 1789 (Maurice HAURIOU
affirme que l’égalité a représenté «la force agissante dans la Révolution» ; v. HAURIOU M., La science sociale traditionnelle,
Paris, Larose, 1896, p. 80) avec l’adoption du décret d’abolition des privilèges qui ouvrit la voie à l’adoption, quelques
semaines plus tard, de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ; v. Art. 1er : «Les hommes naissent et demeurent
libres et égaux en droits».

1069 Elle a d’ailleurs été qualifiée «de droit-tuteur afin de souligner qu'une des dimensions du principe d'égalité est d'être un support
sur lequel peuvent s'épanouir les autres droits fondamentaux» ; v. MELIN-SOUCRAMANIEN F., Le principe d'égalité dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, Paris, Economica, PUAM, 1997, pp. 251 et s.

1070La Constitution béninoise du 11 décembre 1990 évoque abondamment ce droit : égalité de suffrage (art.6), égalité
dans l’accès à la santé, à l’éducation, etc. (art.8), égalité devant la loi (art. 26, al.1), égalité entre hommes et femmes (art.
26, al.2). Plusieurs articles de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples qui fait partie intégrante de
ladite constitution proclame le principe d’égalité : égal accès aux fonctions publiques (art. 13, al.2), égal droit d’usage
des biens et services publics (art. 13, al.3), égalité de salaire à travail égal (art.15). La même insistance est relevée dans
la Constitution nigérienne : §.2 du préambule, article 8, al.2 (égalité devant la loi), article 10 (égalité en droits et devoirs),
article 26 (égalité de chances en faveur des personnes handicapées). L’exigence d’égalité interdit toute discrimination ;
v. art.36, Const. du Bénin et art.33, Const. du Niger. Etant un droit fondamental : (i) le juge constitutionnel dont les
décisions «s’imposent à tous les pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles» peut s’autosaisir en cas
de violation (art. 124 de la constitution béninoise) ; (ii) des limitations ne sont admises que pour autant que celles-ci
sont nécessitées par «l’ordre public établi par la loi et les règlements» (art. 23, Const. du Bénin).

1071CE, 15 avril 2003, Compagnie Nationale Air France. V. commentaire fait dudit arrêt par KOKOROKO D., Les grands
thèmes du droit administratif, Lomé, PUL, 2014, pp. 120-128.

216
également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction
que celle de leurs vertus et de leurs talents»1072. Les formulations adoptées par les Constitutions
béninoise et nigérienne1073 , la DUDH1074, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples1075 et la Charte Africaine sur les Valeurs et les Principes du Service Public et de
l’Administration1076 sont autant expressives.

En jurisprudence, le principe d’égalité a fait l’objet de multiples décisions du juge


constitutionnel béninois. Il le définit comme «un principe général selon lequel la loi doit être la
même pour tous et ne doit comporter aucune discrimination injustifiée»1077. Le juge constitutionnel
nigérien se montre aussi intransigeant sur son respect tout en admettant des dérogations
motivées par l’intérêt général1078. Ainsi l’égalité et la non-discrimination impliquent qu’il ne
saurait y avoir de différence de traitement selon que l’on habite une partie ou une autre du
territoire national. Dans le même ordre d’idées, les garanties ou restrictions apportées à

1072 Art. 6.
1073 Const. Bénin : art. 26 ; Const. Niger : art. 10.

1074 Art. 21 «2. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays».
1075 Art. 3 : «Toutes les personnes bénéficient d'une totale égalité devant la loi» ; art. 13 : «2.Tous les citoyens ont également le droit
d'accéder aux fonctions publiques de leurs pays. 3. Toute personne a le droit d'user des biens et services publics dans la stricte égalité de tous
devant la loi».

1076Adoptée à Addis-Abéba le 31 janvier 2011, elle a été signée par le Bénin le 27 janvier 2012 et par le Niger le 22
octobre 2013. Sur les 15 ratifications attendues pour son entrée en vigueur, seulement 7 sont acquises à fin 2014. Ni le
Bénin ni le Niger ne l’ont encore ratifiée.

1077 Il n’empêche que la haute juridiction admet la discrimination positive puisqu’elle estime que «le législateur peut déroger
au principe d’égalité en ce qui concerne les personnes handicapées en matière de droit de la fonction publique pour des raisons d’intérêt général
et de continuité de service public…quitte à prendre en leur faveur des mesures spécifiques» ; v. Décision DCC 96-067 du 21 octobre
1996, Recueil des décisions et avis, 1996, p. 582 ; Décision DCC 01-005 du 11 janvier 2001, Recueil des décisions et avis, 2001,
p. 30 ; v. également Décision n° 2007-550 DC du 27 février 2007, consid. 3 : «le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le
législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général» ; Décision
DCC n°08-151 du 23 octobre 2008, 6ème consid. : «…qu’il découle de cette disposition et de la jurisprudence constante de la Cour,
que le principe d’égalité s’analyse comme une règle selon laquelle les personnes de la même catégorie doivent être soumises au même traitement
sans distinction…».
1078 Arrêt n° 12/CC/MC du 24 décembre 2013 relatif à la loi modifiant et complétant l’ordonnance n° 2010-96 du 28
décembre 2010 portant Code électoral. Arrêt n°008/08/CC/MC du 12 décembre 2008 relatif à la Loi n° 61-33 du 14
août 1961 portant institution du code de procédure pénale : «le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce qu'une loi
établisse des règles non identiques à l'égard de catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes, dès
lors que cette non-identité est justifiée par la différence de situation et n'est pas incompatible avec la finalité de la loi» ;
Arrêt n°001/CC/MC du 13 juin 2008 relatif à la loi portant statut du député : «le principe d’égalité ne fait certes pas dans
certains cas obstacle à ce que le législateur déroge à l’égalité pour des motifs d’intérêt général de nature à fonder des différences de traitement».

217
l’autonomie de gestion en matière de ressources humaines doivent de jure être les mêmes
pour toutes les collectivités1079.

2. Du statut général de la fonction publique

L’unité de l’ordre normatif est une marque de l’Etat unitaire. Le vote de la loi relève
exclusivement du législateur et le principe d’indivisibilité de la souveraineté interdit à celui-
ci tout transfert de pouvoir qui investirait une autorité locale d'un pouvoir concurrent de
même nature1080. La liberté de gestion des collectivités territoriales s’exerce nécessairement
dans le respect de la loi. Bertrand FAURE écrivait au sujet des collectivités que «La loi est le
soutien obligé de leur activité normative» dérivée1081. Les lois sur la décentralisation le précisent
expressément1082. Ainsi, les principes de continuité, d’égalité et d’adaptabilité dits «Lois de
Rolland», entérinés par les législations nationales, limitent les pouvoirs dont peuvent
disposer les collectivités en matière de gestion de leur personnel1083.

L’obligation de neutralité découle de la laïcité de l’Etat1084 et de l’égalité dont elle constitue


un corollaire. Pratique peu courante, le Niger a opté pour sa constitutionnalisation et en fait
derechef un impératif pour la fonction publique territoriale1085 . Elle emporte pour

1079La nature publique de la personne morale ne fait pas obstacle à sa reconnaissance comme titulaire de droits
constitutionnels ; v. Décision n° 79-112 DC du 9 janvier 1980, Loi portant aménagement de la fiscalité directe locale, dans
laquelle le juge constitutionnel fait application du principe d’égalité à des établissements publics.

1080 V. Const. Bénin du 11 décembre 1990, art 79 ; Const. Niger du 25 novembre 2010, art. 90. Décision 82-137 DC
du 25 février 1982, Rec, p. 38 : «Le principe de légalité exige à la fois le respect des attributions du législateur et celui des règles
supérieures du droit par lesquelles la Constitution adoptée par le peuple français a proclamé l'indivisibilité de la République, affirmé l'intégrité
du territoire et fixé l'organisation des pouvoirs publics» ; v. aussi AJDA, 1982, p. 303.

1081 FAURE B., Le pouvoir réglementaire des collectivités locales, Paris, LGDJ, 1998, p. 332.
1082
Bénin, Loi n°97-029, art. 108 : «La commune exerce ses compétences en conformité avec (…) normes nationales en vigueur» ;
Niger, Ord. n°2010-54, art. 9 : «Les collectivités territoriales exercent leurs compétences sous le contrôle de l'Etat, dans le respect des
lois et règlements ainsi que des conventions et accords internationaux régulièrement ratifiés». Ce qui ne revient toutefois pas à dénier
aux collectivités territoriales tout pouvoir d’édiction de normes. Elles disposent du pouvoir de prendre des actes
administratifs autonomes et ne sont pas soumises au principe hiérarchique, même si dans la hiérarchie des normes,
leurs actes sont conditionnés par une intervention normative centrale (lois, règlements) préalable dont ils en constituent
une application.

1083Bénin : Loi n°86-013 portant statut des agents permanents de l’Etat et Projet de loi sur la fonction publique incluant
la fonction publique territoriale ; Niger : Loi n°2007-26 du 23 juillet 2007 portant statut général de la fonction publique
d’Etat au Niger

1084Const. Bénin, art. 2 : «La République du Bénin est une et indivisible, laïque et démocratique» ; Const. Niger, art.3, al. 2 : «Ses
principes fondamentaux sont… -la séparation de l'État et de la religion».

En France, c’est par voie prétorienne qu’elle est devenue un principe fondamental à valeur constitutionnelle.
1085

Décision n°86-217 DC du 18 septembre 1986, JORF du 19 septembre 1986, p. 11294, consid. 15 : «…aux principes

218
l’administration et donc pour l’agent public, «l’obligation de réserve et de neutralité politique,
religieuse et commerciale dans leurs relations avec les usagers»1086. Elle garantit l’expression de toutes
les opinions et la liberté de conscience mais fait obstacle à la manifestation des croyances
religieusesou à l’exercice d’une activité privée lucrative «de nature à compromettre son
indépendance»1087.

La condition essentielle de la continuité de l’Etat, du fonctionnement régulier des pouvoirs


publics et du maintien de l’ordre public que l’arrêt Winkell1088 englobe dans la formule de
«continuité essentielle de la vie nationale» réside dans la continuité du service public1089. Dans une
importante mesure, cette nécessité justifie que soit applicable aux agents publics un régime
exorbitant du droit commun1090. En vue d’assurer la conciliation de la continuité du service
public avec les principes constitutionnels dont principalement le droit de grève, il est
considéré qu’elle «impose le fonctionnement régulier et ponctuel des services publics, ponctualité et
régularité dont les exigences varient en fonction de l'objet même de ces activités»1091.

fondamentaux du service public et notamment au principe d'égalité et à son corollaire le principe de neutralité du service». Const. Niger,
art. 62 : «Le Président de la République est le Chef de l'administration. Il veille à la neutralité de l'administration et au respect des textes
qui consacrent sa dépolitisation».

TAILLEFAIT A., «Constitution et fonction publique», Nouveaux cahiers du Conseil Constitutionnel, n°37. Dossier : Le
1086

Conseil constitutionnel et le droit administratif, Octobre 2012, p. 2.

1087CE, avis, 3 mai 2000, Mlle Marteaux. V. aussi Cass., 19 mars 2013, Crèche Baby Loup ainsi que le commentaire proposé
par KOKOROKO D., Les grands thèmes du droit administraif, Lomé, PUL, 2014, pp. 152-166. Voir Loi n°86-013, art. 44.

1088CE, 07 août 1909 : «par son acceptation de l'emploi qui lui a été conféré, le fonctionnaire s'est soumis à toutes les obligations dérivant
des nécessités mêmes du service public et a renoncé à toutes les facultés incompatibles avec une continuité essentielle à la vie nationale».

1089 Le juge constitutionnel français a érigé la continuité du service public en un principe à valeur constitutionnelle.
Décision n°79-105 DC du 25 juillet 1979, Loi modifiant les dispositions de la Loi n° 74-696 du 7 août 1974 relatives à
la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail, Consid. 1 : «la
continuité du service public…, tout comme le droit de grève, a le caractère d'un principe de valeur constitutionnelle» ; v. aussi CE, 7 juillet
1950.

1090 L’arrêt Winkell est suggestif à cet égard : «…par son acceptation de l'emploi qui lui a été conféré, le fonctionnaire s'est soumis à
toutes les obligations dérivant des nécessités mêmes du service public et a renoncé à toutes les facultés incompatibles avec une continuité
essentielle à la vie nationale». D’ailleurs, à un moment donné de l’histoire de la fonction publique française, la gravité et la
noblesse de la charge imposaient aux fonctionnaires de prêter serment. Au terme de la Loi du 12 thermidor an VII, il
fallait réciter la formule : «Je jure fidélité à la République et à la Constitution de l'an III» ; elle sera simplifiée par un arrêté du
7 nivôse an VIII : «Je promets fidélité à la Constitution».
1091Si le service public de la santé et celui de lutte contre les incendies doivent être assurés en permanence, il en est
autrement des services de l'éducation qui adopteront un rythme différent. Il est du mandat du législateur de prévoir les
limites à ces exigences. Ainsi, le Conseil d'État français considère le fait pour le législateur de ne pas prévoir un service
minimum dans certains services comme une impéritie à laquelle il revient aux chefs de service de suppléer. V.
FOULQUIER N., ROLIN F., «Constitution et service public», Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 37. Dossier
: Le Conseil constitutionnel et le droit administratif, Octobre 2012, p. 7. CE, 17 mars 1997, Fédération nationale des
syndicats du personnel des industries de l'énergie électrique, nucléaire et gazière ; CE, 11 juin 2010, Syndicat sud RATP.

219
Faisant application du principe d’adaptabilité, le législateur confère aux collectivités le
pouvoir de créer leurs services et de décider des modes d’exécution des travaux 1092. En
effet, le principe vise à aménager l’offre de service public en fonction des besoins collectifs
et de l’intérêt général qui, du reste, est fonction des différents changements économiques,
technologiques, etc. Il ne fallait donc pas qu’il y ait d’obstacles juridiques aux rectifications
ou transformations susceptibles d’améliorer la pertinence et la qualité de l’action publique.
Cette obligation justifie qu’il n’y ait pas un droit acquis au maintien d’un quelconque régime
du service public. L’adaptabilité devrait imprimer une souplesse à la gestion des effectifs
locaux. En réalité, il n’en est pas ainsi. Autant que pour la fonction publique d’Etat1093, le
législateur a entendu que les agents des collectivités soient dans une situation statutaire1094
en se fondant sur la spécificité du lien à l’intérêt général. Dès lors, les administrations locales
constituent elles aussi une fonction publique. La relation contractuelle fondée sur le droit
commun ne sera donc pas la règle. A l’image de la fonction publique d’Etat, la fonction
publique territoriale dans les deux Etats est appelée à être une fonction publique de
carrière1095 peu propice à l’adaptabilité déjà hypothéquée par la situation des agents
territoriaux hérités des circonscriptions administratives.

B. Une application problématique

Les effectifs actuels des collectivités se caractérisent par une pluralité de situations
administratives (1). La question de l’étendue et de l’effet juridique des spécificités locales
sur le régime d’emploi des fonctionnaires locaux n’étant jusque-là pas réglée par le
législateur, les positions théoriques continuent d’alimenter des approximations (2).

1092Dans ce cadre, plusieurs possibilités lui sont ouvertes : créer ses propres services techniques, solliciter le concours
des services techniques de l'État, déléguer, se faire assister, concéder, affermer, sous-traiter ou passer contrat. v. Bénin :
Loi n°97-029, art 63 et 108 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 17, 86 et 88.

1093 Const. Bénin : art. 98 ; Const. Niger : art. 99 : «La loi fixe les règles concernant… le statut général de la Fonction publique».
1094 Le législateur utilise à l’égard de leur personnel l’expression statut ; v. Niger : Ord. n°2010-54, art.3, al. 5 : «La loi
détermine le statut du personnel des collectivités territoriales».
1095La fonction publique de carrière qui se définit par opposition à la fonction publique d’emploi (modèle anglo-saxon)
se caractérise par, entre autres critères, la nomination unilatérale du fonctionnaire ou l’établissement d’un contrat de
droit public, un système de rémunération statutaire par avancement selon l’ancienneté, la soumission à des règles de
discipline spécifiques, un régime de pension de retraite spécifique dont le cadre est fixé par le législateur qui est la
source principale du droit de la fonction publique.

220
1. Des situations administratives plurielles

Historiquement et à l’image de la réforme décentralisatrice elle-même, le statut du personnel


des collectivités territoriales a été instable. Au Niger, la Loi n° 59-6 du 03 décembre 1959
définissant le tout premier statut de la fonction publique a été appliquée à toutes les
catégories d’agents, ceux des administrations centrales, services extérieurs et établissements
publics. Aucune distinction n’était alors faite entre fonction publique d’Etat et fonction
publique locale. Entre temps, l’Ordonnance n° 89-18 du 8 décembre 1989 modifiée par
l’Ordonnance n° 97-008 du 27 février 1997 est intervenue pour restreindre le champ
d’application de la Loi n° 59-6 aux seuls agents de l’Etat. Dès lors, les agents locaux
devraient être régis par des statuts spéciaux. C’est dans ce sens qu’a été prise l’Ordonnance
n° 99-52 du 22 novembre 1999 portant statut général des fonctionnaires des collectivités
territoriales. Faute de décrets d’application, elle ne sera pas mise en œuvre.

Au Bénin, les communes ont hérité de trois catégories de personnels des circonscriptions
administratives1096. Il s’agit des Agents Permanents de l’Etat, des permanents et des
contractuels1097. Leur gestion est marquée par des approximations et des
dysfonctionnements notamment en ce qui concerne les avancements et le régime de
retraite. Ainsi que le concluait le gouvernement béninois en 2012, leur carrière est «gérée
sur la base des textes dont la teneur les confine dans une situation hybride et précaire» 1098.
Si les textes disposent que la gestion du personnel de la collectivité relève du maire1099, le

1096 Sur l’effectif de 4 066 agents, seulement 8,21% sont agents permanents de l’Etat (APE). Le reste, qui relève de la
collectivité, est réparti entre les permanents (72,31%), les contractuels (12,44%) et les occasionnels (7,03%). Il s’agit
majoritairement d’agents d’exécution et sans qualification particulière dont environ 94% d’agents d’exécution (agents
des catégories C et D) et moins de 7 % d’agents d’encadrement et de conception (agents des catégories A et B). Les
charges de personnel pesaient énormément sur les budgets des collectivités. Pour les plus petites communes, la prise
en charge de ce personnel peut représenter jusqu’à 60% des recettes. V. Ministre de l'Intérieur, de la Sécurité et de la
Décentralisation (Bénin), Politique nationale de gestion des ressources humaines communales, Cotonou, Novembre 2005, pp. 9-
10 (document adopté par le Décret n°2005-746 du 30 novembre 2005) ; DEMANTE M.J., Décentralisation et gouvernance
locale en Afrique, IRAM, Etudes et méthodes, février 2008, 40 p.
1097
Les APE sont conjointement gérés par les ministères de la fonction publique, de l’administration territoriale et des
finances. Les agents permanents des collectivités locales, les plus nombreux, étaient recrutés et gérés par les chefs de
circonscriptions administratives sous la supervision des préfets. Quant aux contractuels et occasionnels, ils relevaient
entièrement de chaque circonscription administrative qui les recrute et est supposée gérer leur carrière.

Décret n°2012-368 du 29 octobre 2012 portant transmission à l’Assemblée Nationale du projet de loi portant statut
1098

général de la Fonction Publique, p. 16.


1099 Bénin : Loi n°97-029, art. 80 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 79.

221
statut applicable aux agents territoriaux devrait être déterminé par le législateur1100. Malgré
la prescription constitutionnelle1101, les statuts de la fonction publique territoriale ne sont
toujours pas promulgués1102. Au demeurant, l’article 1er de la Loi béninoise n° 86-013 qui
rendait applicables ses dispositions aux personnels des collectivités locales était devenu
caduc avec toutes les conséquences de droit. Au Niger, la Loi n° 2007-26 du 23 juillet 2007
portant Statut Général de la Fonction Publique de l’Etat, en son article 41 exclut les
personnels des collectivités territoriales de son champ d’action. Les collectivités se trouvent
confrontées à une série d’inconnues qu’impose une conciliation entre la nécessité de gérer
cet héritage pesant et l’impératif de se doter d’agents mieux qualifiés pour l’exercice des
nouvelles compétences.

En disposant que l’Etat transfère aux collectivités les ressources nécessaires à l’effet de
mettre en œuvre leurs compétences, le législateur n’a pas distingué entre celles-ci. Il
entendait certainement que soit pris en compte l’ensemble des ressources, qu’il s’agisse de
ressources financières, matérielles ou humaines1103. En l’état actuel du droit positif, aucune
disposition ne peut être interprétée comme excluant du champ des ressources à transférer,
les ressources humaines. Bien au contraire, le principe de concomitance devrait conduire
l’Etat à transférer les agents dont les attributions auront été transférées1104. Il n’en a pas été
ainsi. L’Etat n’est pas allé plus loin que la formation et la mise à disposition des communes,
pour utilisation comme Secrétaires Généraux, de quelques fonctionnaires qui se sont portés

1100 Bénin : Loi n°97-029, art. 109. Niger : l’Ord. n°2010-54, art. 3, al.6 dispose que «La loi détermine le statut du personnel
des collectivités territoriales».

1101La Constitution béninoise dispose en son art. 98 que le législateur est compétent pour déterminer «les principes
fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources», y compris donc les
ressources humaines.

1102 Plus de 20 ans après les états généraux de l’administration territoriale béninoise qui recommandaient son adoption
dans les plus brefs délais : «Il est nécessaire et indispensable de mettre en place dans les plus brefs délais, un statut régissant le personnel
territorial» (Actes des Etats généraux de l’administration territoriale, p. 60). Le texte adopté par le parlement après une
deuxième lecture attend d’être promulgué.

1103Le législateur béninois a, par exemple, étendu le champ du patrimoine communal à son personnel : «La gestion du
patrimoine de la Commune couvre le domaine communal, les biens, les dons et legs, les travaux communaux et toutes autres activités
patrimoniales relevant de la compétence de la commune. Elle couvre en outre la gestion du personnel communal». V. Loi n°97-029, art.
109.
1104 Niger : Ord. n°2010-54, art. 159 : «Les transferts de compétences doivent être accompagnés de transfert concomitant de ressources
et de mise à disposition de tout ou partie des services correspondants à la date de leur prise d’effet. Toute charge nouvelle incombant aux
collectivités territoriales du fait de la modification par l’Etat des règles relatives à l’exercice des compétences transférées doit être compensée
par un transfert approprié de moyens».

222
volontaires. Le législateur nigérien a envisagé le transfert des ressources humaines sauf qu’il
le limite aux agents contractuels de l’Etat1105. En définitive, en l’absence d’une législation
appropriée, la question de fond, celle relative à l’unité ou à la dualité statutaire demeure.

2. Une unité statutaire discutable

Le règlement de la question de savoir s’il ne faut pas une loi particulière pour la fonction
publique territoriale ne paraît pas déterminant1106. L’uniformisme quant aux orientations
continue à faire débat. Les positions révèlent une tension entre la solution statutaire et la
soumission des personnels des collectivités au droit privé 1107. Mais au plus profond de ce
débat, il y a le problème sous-jacent du cadre général de la gestion publique marqué, entre
autres, par l’insuffisance de la logique managériale, la routine, l’extrême politisation que
l’approche carrière -caractéristique de la fonction publique d’Etat- est accusée d’entretenir.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il ne fait aucun doute qu’en soumettant
intégralement la fonction publique territoriale au même régime, son efficacité s’en
trouverait réduite. Sont également à considérer, les besoins de souplesse en vue d’une
adaptation régulière qu’impose la dynamique qui caractérise les compétences locales et donc
les métiers au sein des administrations locales.

Toutefois, fixer le débat de la fonction publique territoriale sur l’opposition statut-contrat,


c’est oublier qu’il ne s’agit là que du contenant, moins crucial que le contenu. Le Pr Gérard
MARCOU démontre que le statut n’est pas un instrument de gestion des personnels. Il est
le garant des principes constitutionnels auxquels doit répondre le régime d’emploi des
agents publics et de ce fait, il n’est pas en lui-même incompatible avec la recherche de

1105 Loi n° 2007-26 du 23 juillet 2007 portant Statut Général de la Fonction Publique de l’Etat, art. 186 : «Le transfert de
compétences est la conséquence du désengagement de l’Etat de la gestion de certains emplois au profit des collectivités territoriales. En cas de
transfert de compétences aux collectivités locales, les agents contractuels commis à l’exécution des missions y relatives sont transférés auxdites
collectivités en cas de besoin exprimé par celles-ci pour la durée restante du contrat». Le transfert des ressources humaines n’a pas
été effectué par l’Etat. Quelques rares communes urbaines disposaient d’un minimum de personnel (Secrétaire Général,
Receveur municipal, agent d’Etat Civil). Le Décret n°2003-176/PRN/MI/D du 18 juillet 2003 autorisant et fixant les
conditions d’utilisation des services techniques de l’Etat par les collectivités locales ne règle pas le problème dans la
mesure où ces services ne disposent pas d’un personnel suffisant en quantité et en qualité pour faire face aux besoins.

1106 Si le Bénin a opté pour un statut général incluant des dispositions particulières à la fonction publique territoriale
(Avis motivé n°004-C/PCS/DC/CAB/SP du 13 octobre 2006 de la Cour Suprême), le Niger a préféré se doter d’une
loi spécifique.

1107 V. DUPUY F., «Pour le retour de la fonction publique dans le droit commun, JCPA, 10 mars 2003, p. 320.

223
l’efficacité1108. Partant, il formule la thèse que «Le statut n’implique ni privilège ni discrimination
et il ne s’oppose pas à la validation des compétences ni à la prise en compte des métiers»1109. Pour Hugues
PORTELLI, malgré la forte tendance à l’assimilation, tout sépare les administrations d’Etat
et les collectivités locales «quant à leurs fonctions et quant à leur assiette territoriale et humaine»1110.
Très souvent, l’Etat est employeur unique de dizaines de milliers d’agents pendant que
seulement quelques dizaines d’agents territoriaux sont employés par plusieurs dizaines voire
même des centaines de collectivités hétérogènes. Dans leur fonction d’employeur, les règles
statutaires ne sauraient avoir les mêmes implications pour une commune de petite taille1111
en milieu rural et une grande commune en milieu urbain. Les besoins ne sont pas les mêmes,
les moyens financiers disponibles et les modalités de fourniture des services1112 non plus.
Les profils susceptibles d’être mobilisés et les corps de métiers ne sont guère pareils1113.
L’attractivité limitée de certains métiers et localités victimes des inégalités socio-
économiques1114 constitue également une épreuve pour l’unité et l’égalité. Dans de telles
conditions, uniformiser les statuts et les normes aboutit à une hypocrisie masquée qui
s’exprime par un contournement des règles.

En sus du prisme juridique, la question du régime applicable peut être abordée sous l’angle
téléologique. Le statut de la fonction publique territoriale doit non seulement être
respectueuse de la libre administration mais également garantir aux agents des collectivités
leurs droits fondamentaux. Si ceci suppose qu’ils bénéficient des droits et libertés que l’Etat
garantit à tout citoyen, il n’implique pas nécessairement que ceux-ci doivent «bénéficier d’un
déroulement de carrière dans les mêmes conditions que les agents de la fonction publique

1108MARCOU G., «Quelle place pour le statut et le régime de la carrière dans la fonction publique territoriale ?» in La
gazette des communes, Dossier L’avenir de la fonction publique territoriale, Cahier détaché n°2-2/1916 du 14 janvier 2008,
p. 238.
1109 Ibidem.

PORTELLI H., «Pour une autonomie de gestion du personnel par les collectivités territoriales» in La gazette des
1110

communes, Dossier L’avenir de la fonction publique territoriale, Cahier détaché n°2-2/1916 du 14 janvier 2008, p. 230.
1111 Aux plans démographique et financier.

1112 Plus une collectivité délègue les services moins il aura besoin de personnel permanent.

Avec une telle dynamique, les métiers territoriaux sont en permanente mutation avec l’émergence rapide de
1113

nouvelles spécialisations qu’un statut n’a pu raisonnablement prévoir.


1114 Par exemple, les collectivités de petite taille, rurales ou enclavées.

224
d’Etat»1115. La déduction d’un décalque entre les deux fonctions publiques paraît être
réfutable1116.

En effet, la décentralisation est intervenue dans la foulée d’autres réformes dont le


renouveau du management public qui y a promu quelques inflexions, telle la
contractualisation. Longtemps considérée comme une modalité exceptionnelle, la
contractualisation a fait son entrée dans l’emploi public au Bénin par la fonction publique
d’Etat1117 au début des années 2000. Par le Décret n° 2008-377 du 24 juin 2008, l’Etat s’est
doté d’un régime juridique d’emploi des agents contractuels 1118. Les situations dans
lesquelles il peut être fait recours à ce régime d’emploi correspondent aux défis actuels
qu’imposent la dynamique des besoins d’une part et la référence au résultat et à la
performance1119 d’autre part.

Les défis futurs seront encore plus exigeants pour les personnes publiques territoriales1120.
Il faut y ajouter les situations récurrentes de crise qui nécessitent une réaction rapide. Les
réalités économiques et sociales appellent un recours plus fréquent à l’administration locale.
Pour y répondre, il faut des personnels de qualité, motivés, engagés et dotés de capacités
d’intervention qui inspirent confiance aux citoyens. Dans cette perspective, il importera
d’accorder aux collectivités des marges pour manœuvrer entre les différentes exigences. Ce
ne signifie pas que la fonction publique territoriale doive se déconnecter entièrement des

MUSCAT H., «La décentralisation des personnels en France et le statut général de la fonction publique», in
1115

GUIHEUX G. (dir.), La mise en œuvre de la décentralisation : étude comparée France, Belgique, Canada, Bruxelles,
Bruylant|LGDJ, 2006, p. 235.

En France où la question s’est posée dès l’acte I de la décentralisation en 1982, la symétrie n’a pas été établie. V.
1116

Décision 83-168 DC du 20 janvier 1984.

Dans la Loi n°86-013, art. 1, 2 et 11, il n’y avait que deux catégories d’agents prévus dans la fonction publique : les
1117

agents permanents et les agents nommés à la discrétion du gouvernement.

En méconnaissance de l’esprit et de la lettre de la loi, ses titulaires occupent, dans bien des cas, des emplois
1118

permanents.

1119 Inexistence
d’un corps d’APE pouvant assurer les fonctions, nécessité de recruter alors que les plans et programmes
adoptés ne le permettent pas dans l’immédiat, etc.
1120 Edgar MORIN les évoque en termes de menaces globales : «La prolifération des armes nucléaires, le déchaînement des
conflits ethnico-religieux, la dégradation de la biosphère, le cours ambivalent d’une économie mondiale incontrôlée, la tyrannie de l’argent…».
V. MORIN E., «Si j’avais été candidat», Le Monde du Mercredi 25 avril 2007, p. 25.

225
principes de la fonction publique d’Etat1121. Quelle qu’en soit l’échelle, tout emploi public
présente suffisamment de spécificités qui justifient sa soumission à des règles particulières.
Certaines règles applicables aux agents de l’Etat pourraient avoir vocation à s’appliquer à
ceux des collectivités1122. Mais toute systématisation serait contre performante.

Paragraphe 2 : L’exorbitance de l’encadrement de la fonction publique locale

Pour être valides, les principes de gestion applicables devraient être légalement consacrés.
A défaut d’un texte de loi en vigueur, les développements qui suivront se réfèrent au projet
de loi portant Statut Général de la Fonction Publique béninoise1123 dont la troisième partie
est consacrée à la fonction publique territoriale1124. Le projet du gouvernement entend
conférer aux collectivités un statut d’employeur encadré (A) pendant qu’il accorderait à
l’autorité de tutelle des pouvoirs exorbitants (B).

A. Les pouvoirs limités de la collectivité territoriale

Le projet de nouveau statut général de la fonction publique semble marqué par une absence
de volonté de séparer nettement la fonction publique territoriale de la fonction publique
générale. Il soumet la collectivité à un régime peu libéral calqué sur celui de l’Etat (1) et
dont la démarche quasi exclusive d’élaboration et le contenu voilent très peu une tendance
à la recentralisation (2).

1. Un régime fortement unifié

Le législateur fait relever du maire, toute nomination à un emploi communal 1125. Quant au
projet de loi susvisé, il confirme dans sa forme les spécificités de la fonction publique

1121 Conseil d’Etat (France), EDCE n°54, Perspectives pour la fonction publique, La Documentation française, 2003, p. 300 :
«la fonction publique dans son ensemble est au service de la nation et …qu’on ne saurait préjuger définitivement de la répartition future des
compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales».

1122 MUSCAT H., op. cit., p. 248.


1123Le statut général de la fonction publique nigérienne exclut de son champ d’application les collectivités locales.
L’adoption d’une loi relative à la fonction publique territoriale est attendue.

1124 Transmis à l’Assemblée Nationale par le Gouvernement par le Décret n° 2012-368 du 29 octobre 2012.
1125 Bénin : Loi n°97-029, art. 80 : «Le maire nomme à tous les emplois communaux pour lesquels la réglementation ne fixe pas un
droit spécial de nomination…» ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 87 : «Le maire est le chef hiérarchique du personnel municipal. Il nomme
aux différents emplois de la commune conformément aux lois et règlements en vigueur».

226
territoriale en lui consacrant une partie entière parmi les quatre qu’il compte. Sur le fond, il
ne la soustrait pas au régime général de la fonction publique 1126. Le projet gouvernemental
consacre à l’agent permanent des collectivités territoriales une appellation suggestive, celle
de fonctionnaire territorial1127 qui le distingue de l’agent contractuel de droit public,
deuxième catégorie d’agents1128. La situation statutaire et règlementaire1129 est réaffirmée1130
pour les premiers alors que le recrutement des seconds doit être «constaté par un contrat
écrit»1131. Est également confirmée la structuration en corps et grades, alignée en cela sur
celle de la fonction publique d’Etat1132. Les dispositions se conforment aux principes
constitutionnels. Les recrutements sont ouverts à égalité de droit à tout béninois
remplissant les conditions requises dans le respect du principe de l’égal accès 1133. La
neutralité de l’administration est affirmée1134 de même que la non-discrimination1135.

Le processus de recrutement est enclenché par le conseil qui prévoit l’emploi et budgétise
les ressources correspondantes1136. Les conditions d’accès aux emplois des collectivités sont
identiques à celle des agents permanents de l’Etat1137, se conformant ainsi au principe

1126 Art. 2 : «Aux termes de la présente loi, le concept de fonction publique s’entend comme l’ensemble des personnes physiques recrutées et
affectées pour assurer, à titre permanent ou temporaire, directement et personnellement, une mission de service public dans les services centraux
ou déconcentrés des ministères et des institutions de la République exceptée l’Assemblée Nationale, dans les services des collectivités
territoriales décentralisées et dans les établissements publics à caractère administratif, social, scientifique ou culturel de l’Etat ou des
communes».

1127 Art. 308, 309, 327, 333 du projet de loi.


1128 Art. 353 du projet de loi.

1129Cette option permet de protéger l’usager et le fonctionnaire. Le statut est une garantie de transparence, d’égalité
d’accès et de neutralité. Le statut assure l’interface entre les choix politiques des employeurs territoriaux et la nécessaire
indépendance des hommes et la neutralité du service public et permet d’éviter les pratiques clientélistes.

1130 Art. 308 du projet.


1131 Art. 353, al. 2 du projet de loi.

1132 Art. 309 et 317 du projet de loi.


1133 Art. 11, 15, 318 et 319 du projet de loi.

1134 Art. 25 du projet de loi.


1135 Art. 66 du projet de loi.

1136 Art. 321 du projet de loi : «Les emplois à pourvoir sont déterminés, chaque année, par chaque commune en fonction des emplois
organiquement prévus et autorisés par le vote du budget de chaque commune». V. art. 354 et 365 du projet de loi en ce qui conerne
les agents contractuels de droit public des collectivités.

1137 Art. 318 du projet de loi : «Les conditions générales d’accès aux emplois publics des collectivités locales sont celles prévues au chapitre
1er du titre 2 de la première partie de la présente loi».

227
d’égalité. Pour cette même raison, la modalité du concours, voie d’accès de droit commun
à la fonction publique, est maintenue pour la sélection des candidats. Le concours, en tant
que «procédé tendant à la désignation, par un jury, à la suite d’épreuves appropriées du ou des candidats
aptes à être nommés», oblige à ne tenir compte que des critères de «vertus et talents»1138. En ne
prévoyant pas de dérogation, le projet laisse entrevoir que le concours constitue l’unique
modalité. Sans préjuger de ce qu’auraient pu être les positions des juges constitutionnels
béninois et nigérien, un recours à la jurisprudence du conseil constitutionnel français révèle
sans ambiguïté que la dérogation est envisageable1139. Toutefois et de façon constante, le
Conseil constitutionnel français considère que le concours est une garantie
fondamentale1140. Il y tient au point d’en étendre le champ d’application même aux postes
politiques1141. Le Conseil d’État français suit cette position1142.

La similitude entre les deux fonctions publiques est presque parfaite1143, sauf à distinguer
que le maire est l’autorité de notation1144, que les taux des primes et indemnités alloués aux
fonctionnaires des collectivités territoriales sont fixés par décision de l’organe délibérant de
chaque collectivité1145 ou qu’un fonctionnaire territorial révoqué ne peut plus être recruté
dans l’administration d’Etat1146.

1138 SCHWARTZ R., «Le statut de la fonction publique territoriale : vers plus d’unité et d’uniformisme?», La gazette,
Cahier détaché n°2-18/1692, 5 mai 2003, p. 216 : «Le maintien du principe du concours nous paraît tout à fait fondamental. C’est
la condition essentielle de la neutralité du service public et c’est l’élément qui permet d’éviter toute forme de clientélisme et de favoritisme».

1139Décision n°84-178 DC, 30 août 1984, Rec., p. 69 : «aucune règle ou principe de valeur constitutionnelle n’interdit au législateur
de prévoir que les statuts particuliers de certains corps de fonctionnaires pourront autoriser le recrutement d’agents sans concours...».

1140 Décision n° 63-23 l, 19 février 1963, Rec., p. 29 ; Décision n°91-165 l , 12 mars 1991, Rec., p. 36.

1141 Décision n° 2010-94 QPC du 28 janvier 2011, Nomination aux emplois supérieurs de la fonction publique, JORF du 29
janvier 2011, p. 1896, consid. 5 : «Si la disposition contestée réserve au Gouvernement un large pouvoir d'appréciation pour la
nomination aux emplois supérieurs dans la fonction publique, dont les titulaires sont étroitement associés à la mise en œuvre de sa politique,
elle ne lui permet pas de procéder à ces nominations en méconnaissant les dispositions de l'article 6 de la Déclaration de 1789, en vertu
desquelles son choix doit être fait en prenant en considération les capacités requises pour l'exercice des attributions afférentes à l'emploi».

1142 CE, 5 novembre 2003, Syndicat de la juridiction administrative : Rec. Leb., p. 823.
1143Les conditions de recrutement et de titularisation, les droits et obligations, la position, l’évaluation, la notation et
l’avancement, le régime de rémunération, la formation, les congés, la discipline et la cessation de fonction des
fonctionnaires territoriaux sont les mêmes que pour les fonctionnaires d’Etat. V. art. 318 à 352 du projet de loi.
1144 Art. 329, al. 2 du projet de loi.

1145 Art. 331, al. 2 du projet de loi.


1146 Art. 351 du projet de loi.

228
Il est souvent défendu que la parité entre les deux fonctions publiques est plus susceptible
d’assurer la conformité aux principes constitutionnels d’unité et d’égalité. La vérification
d’un tel postulat est aléatoire ou au moins, largement imparfaite. La mise en place par
département d’un organisme de gestion des personnels des collectivités qui sera compétent
pour tous les actes d’administration1147 porte des risques de rupture. Par exemple, en
matière de recrutement, l’égalité implique des corollaires pour les candidats et les
organisateurs. D’abord, celui de l’unicité de concours suivant lequel tous les candidats
doivent concourir aux mêmes épreuves en même temps1148. Ensuite, celui de l’unicité de
jury1149, égalité de traitement et égalité de chances obligent. Or, la fonction publique
territoriale est constituée d’une multiplicité d’employeurs qui seront rattachés à différents
centres de gestion. Il s’en suit qu’il est matériellement impossible de garantir les implications
sus évoquées. Il ne semble pas excessif de soupçonner que certaines de ces dispositions
soient mues par l’enthousiasme centralisateur de l’Etat.

2. Une gestion essentiellement centralisée

Il est symptomatique que le projet de loi renvoie, pour certaines matières cruciales, à des
décrets pris en conseil des ministres, sans que soient envisagés des mécanismes pour mitiger
le risque de reprise subtile par l’Etat central de la gestion des personnels des collectivités
territoriales1150. Ces omissions substantielles ont pu résulter du déficit d’implication
consistante des employeurs territoriaux aux discussions relatives au cadre général de la
fonction publique, applicable à leurs agents1151. L’illustre par exemple, l’évaluation du

1147Il s’agit de l’organisation des procédures de recrutement, des concours et examens professionnels, la formation et
les mises à disposition ; la confection et la mise en état, pour signature des actes par les maires, des dossiers de
nomination, de titularisation, des avancements d’échelon et de grade ; reclassement ; changement de corps ; révocation ;
mise à la retraite ; etc. V. art. 379 du projet de loi.
1148Dépendant de la nature des épreuves, des aménagements spécifiques peuvent être acceptés, par exemple pour les
personnes handicapées.
1149 Le principe ne fait pas obstacle à ce que le jury se constitue en groupe d’examinateurs.

1150Bénin : Loi n°97-029, art. 48, 81, 108 ; Niger : Ord. n°2010, art. 3, al. 3, 86, 87. V. également la Charte africaine des
valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local, art. 5.2. «Les
gouvernements locaux ou les autorités locales ont, conformément à la législation nationale, le pouvoir de gérer, de manière responsable et
transparente, leur administration et leurs finances…».

1151Bien que le processus d’élaboration de la loi ait démarré après la mise en place des communes et de leurs
associations (nationale et régionales), celles-ci n’y ont pas été associées. Elles auraient été invitées à faire leurs

229
personnel dont les collectivités pourtant employeurs et payeurs sont exclues de la
détermination des conditions et modalités de réalisation1152. Les conditions d’exercice du
droit à la formation sont soumises au même traitement1153. Sont tenus à l’écart, tout au
moins de jure, les employeurs devant prendre en charge leur financement. Il en est de même
des concours professionnels organisés en vue de la promotion d’agents d’une catégorie
inférieure à une catégorie immédiatement supérieure1154. La gestion des agents contractuels
de droit public des collectivités n’échappe pas à cette tendance recentralisatrice 1155.
L’exécutif, en proposant la possibilité de recruter des agents contractuels sur décision du
conseil communal et d’y pourvoir par recrutement sur poste et par concours pourrait
reprendre le contrôle à travers la définition des modalités à laquelle ne seraient pas impliqués
les employeurs territoriaux alors même que la contractualisation a été longtemps présentée
comme la panacée pour se libérer du cadre statutaire et réglementaire jugé très rigide1156.

Il faut pour la fonction publique territoriale des règles «qui garantissent les agents publics contre
l’arbitraire et le favoritisme, de façon à ce qu’ils puissent assumer leurs tâches en toute impartialité, dans le
seul souci de l’intérêt général…»1157. Ces règles doivent être compatibles avec le principe
constitutionnel de libre administration. Les étapes et processus sus évoqués aboutissent à
la prise d’actes ayant une incidence financière à la charge des collectivités. Ne pas les mettre

observations sur le projet de loi alors qu’il était déjà arrêté pour être transmis à l’Assemblée Nationale. A l’étape de
l’examen en commission, le parlement a convié l’association nationale des communes à un échange qui n’aurait pu se
tenir en raison de l’ambiance peu cordiale -exacerbée en raison de l’approche des élections-entre certains Maires et la
Présidente de la Commission des Lois.

1152 Art. 329, al.3 du projet de loi : «Les conditions générales d’évaluation et de notation ainsi que les divers éléments à prendre en
compte pour l’appréciation du travail et du comportement du fonctionnaire territorial sont fixés par décret pris en Conseil des Ministres
sur proposition des ministres en charge de la décentralisation et de la fonction publique».

1153 Art. 334 du projet de loi : «Les conditions à remplir par les fonctionnaires des collectivités territoriales ainsi que les modalités
d’organisation des formations professionnelles sont fixées par décret pris en Conseil des Ministres sur proposition des ministres en charge de
la décentralisation et de la fonction publique».

1154 Art. 336 et 337.


1155 Art. 366 et 367.

1156 Art 372 du projet de loi : «La classification des emplois et les qualifications correspondantes, les conditions de conclusion et
d’exécution du contrat, sont fixées par décret pris en Conseil des Ministres et portant cadre de gestion des emplois et des agents contractuels
de droit public des collectivités territoriales décentralisées».

POCHARD M., «Quelles perspectives pour la fonction publique» in La gazette des communes, Dossier L’avenir de la
1157

fonction publique territoriale, Cahier détaché n°2-2/1916 du 14 janvier 2008, p. 237.

230
en capacité de prendre part à la décision est attentatoire à leur autonomie1158. Il est singulier
d’en arriver à prescrire à des entités autonomes comment récompenser leur personnel !

A l’inverse, l’économie de certains détails manifeste une certaine incompétence négative.


L’observation porte sur l’organe départemental de gestion des personnels des collectivités
dont la composition est renvoyée à un décret pris en conseil des ministres1159. Un enjeu
fondamental, dont le législateur ne peut se débiner, y est lié. Il s’agit de la conservation par
les collectivités de leur pouvoir de décision. Or, rien n’indique que le décret d’application
ne les exclurait pas de cet organe. Le soupçon est pertinent. Le projet de loi ne prescrit
même pas de soumettre ledit décret au Conseil Consultatif de la Fonction Publique
Territoriale dont, du reste, les attributions, l’organisation et le fonctionnement sont aussi à
déterminer par décret pris en conseil des ministres1160. Un risque non moins significatif se
retrouve dans les dispositions transitoires au terme desquelles, «En attendant la mise en place
de l’organe de gestion des personnels des collectivités territoriales décentralisées, l’Etat met en place une cellule
technique placée sous la tutelle du Ministère en charge de la décentralisation pour appuyer la gestion des
personnels des collectivités locales» (art. 385). Il est à craindre que cette disposition prétendue
transitoire consacre la gestion pendant longtemps par l’Etat des personnels des
collectivités1161. Le renvoi à un décret pour la définition des attributions, de l’organisation
et du fonctionnement de ladite cellule suscite les mêmes préoccupations (Art. 385, al. 2).

Enfin, il est légitime de s’interroger sur l’intérêt qu’il y a pour l’Etat central à s’ingérer dans
la création d’un centre pour gérer des compétences communales. En effet, même à
supposer que chaque commune prise isolément ne puisse l’assumer, la situation est réglée

1158 A cet égard, la Charte africaine des valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du
développement local (art. 5.4.) prescrit que «Les gouvernements locaux ou les autorités locales sont consultés conformément à des
règlements clairement définis, sur les instruments juridiques nationaux ou sous-nationaux, les politiques, programmes ou projets sectoriels
qui affectent directement ou indirectement leurs capacités d’améliorer les vies des populations locales».

1159 Art 378 : «Les attributions, l’organisation, le fonctionnement de l’organisme ainsi que les modalités d’exercice par celui-ci de ses
attributions sont déterminées par décret pris en Conseil des Ministres sur proposition conjointe du Ministre en charge de la fonction publique
et du Ministre en charge de la décentralisation».

1160 Art. 380, al. 5 : «Les attributions, l’organisation et le fonctionnement du Comité Consultatif de la Fonction Publique Territoriale
sont définis par décret pris en Conseil des Ministres sur proposition du Ministre en charge de la fonction publique et du Ministre en charge
de la décentralisation».

Pour se convaincre d’une telle probabilité, il suffit de rappeler que deux mandatures de conseil sont passées sans
1161

que la loi sur la fonction publique territoriale soit votée.

231
par le législateur qui a prévu la modalité de l’intercommunalité à cette fin1162. Le projet de
loi n’hésite d’ailleurs pas à utiliser l’adjectif intercommunal pour qualifier lesdits centres1163.
Ces centres de gestion apparaissent comme des intercommunalités forcées d’autant plus
que la décision de leur création proviendrait, non des collectivités titulaires de la
compétence mais de l’Etat qui, en outre, dote ses représentants de pouvoir d’approbation
sur tous les actes relatifs à la gestion des personnels locaux.

B. Les prérogatives exorbitantes de l’autorité de tutelle

L’interventionnisme de l’autorité de tutelle n’est pas moins manifeste dans la gestion des
personnels des collectivités. Le projet de loi relatif à la fonction publique béninoise en
fournit quelques illustrations en ce qu’il tend à accroître le contrôle du représentant de
l’Etat qui s’impose aussi bien à l’occasion des recrutements (1) qu’à la prise des actes de
gestion de carrière des fonctionnaires territoriaux (2).

1. En matière de recrutement

Au Bénin, les conditions de recrutement des fonctionnaires territoriaux sont celles prévues
aux articles 11 à 14 du projet de loi pour le recrutement des fonctionnaires d’Etat 1164. Dès
lors, tout recrutement devra se faire par voie de concours, suivant ses différentes
modalités1165. Dans le processus de recrutement et du point de vue des opérations
matérielles, aucune intervention de l’autorité de tutelle n’est prévue. Par contre, elle est
susceptible d’exercer son contrôle avant et après la sélection. En amont, il le fait à travers
l’examen préalable du budget1166. A cette étape du processus, et à partir de l’examen des

1162Bénin : Loi n°97-029, art. 176 : «Plusieurs communes peuvent décider de s'associer en vue de la réalisation et de la gestion
d'équipements et de la création de services d'intérêt et d'utilité intercommunaux. Dans ce cas, une convention détermine les droits et obligations
de chacune des parties» ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 325 : «Les collectivités territoriales peuvent s’associer pour l’exercice de leurs
compétences en créant des organismes publics de coopération».
1163 Art. 369 du projet de loi.

1164 Pour les secrétaires généraux de mairie, les dispositions du projet de loi, une fois adoptées devront remplacer celles
pertinentes du décret n°2001-412 du 15 octobre 2001 portant statut du Secrétaire général de mairie dont l’art.
1er dispose : «En attendant l’élaboration et l’adoption d’une loi régissant la fonction publique territoriale, le régime administratif commun
applicable au secrétaire général de mairie est celui prévu dans la loi n°86-013 du 26 février 1986 portant statut général des agents
permanents de l’Etat».
1165 Concours direct (après un test ou sur titre), concours externe ou concours interne (art. 320 du projet de loi).

1166En effet, aucun recrutement ne devrait être lancé si l’organe délibérant de la collectivité, détenteur du pouvoir
d’autorisation budgétaire n’exprime son accord à travers le vote de dotations conséquentes (Loi n°98-007, art. 24). Or

232
différentes dotations financières, il lui est loisible d’obtenir et d’examiner toutes les
informations sur les recrutements. En aval, avant que soit prononcée la nomination, son
approbation est à nouveau requise1167.

En ce qui concerne les agents contractuels de droit public des collectivités, leur recrutement
se ferait sur poste et leur sélection «sur titre, par concours, sur test de sélection parmi les titulaires de
la qualification professionnelle exigée» ou par combinaison de ces modes1168. A la différence des
fonctionnaires dont le recrutement est constaté par la nomination, celui des agents
contractuels est constaté par un contrat écrit1169. Il s’agit d’une différence essentielle
puisqu’ils ne peuvent se prévaloir de la qualité de fonctionnaires territoriaux et ne peuvent
être titularisés dans un grade de la hiérarchie des corps de l’administration territoriale1170.
Nonobstant cette distinction, les décisions individuelles des agents contractuels sont-elles à
soumettre à l’approbation de la tutelle ? Un premier constat peut être fait. L’article 144 de
la Loi n° 97-029 réfère au terme agent, sans distinction1171. Un second constat à mentionner
réside dans le fait que le législateur leur aménage un régime disciplinaire spécial1172. Certains
actes administratifs relatifs à leur emploi sont donc à soumettre à approbation par l’autorité
de tutelle. C’est le cas des sanctions. D’autres, ne nécessitent pas d’approbation. Il devrait
en être ainsi de la signature du contrat1173. Mais il ne peut en être déduit que la
contractualisation ainsi conçue offre plus de souplesse. En effet, comme dans le cas des
fonctionnaires territoriaux, l’acte budgétaire -soumis à approbation- peut toujours être saisi
par la tutelle comme un instrument de régulation de la gestion du personnel ; les choix

le budget fait partie des actes soumis à approbation (Loi n°97-029, art. 144, point 4). En outre, les charges de personnel
constituent pour la collectivité des dépenses obligatoires. L’autorité de tutelle y exerce un droit de regard.

1167 Loi n°97-029, art. 144, point 3.


1168 Art. 366 et 367 du projet de loi.

1169 Art. 353 al. 2 du projet de loi.


1170Art. 355 du projet de loi.
1171Il faut relever que certains actes ne pourraient être pris en ce qui concerne les contractuels puisqu’ils ne sont pas
des fonctionnaires titularisés.
1172 Art. 374-376 du projet de loi.

1173Celui-ci ne constitue pas une convention au sens de l’article 144, point 10 de la Loi n°97-029 ou de l’article 313,
4ème tiret de l’Ord. n°2010-54.

233
techniques opérés par la collectivité y ont leur traduction financière, qu’il s’agisse du
recrutement ou de décisions individuelles relatives à la carrière.

2. En matière de gestion de carrière

Toutes les décisions individuelles relatives aux agents des collectivités sont soumises à
approbation (Bénin) ou à transmission (Niger)1174. Les collectivités sont littéralement
exclues de plusieurs décisions ayant d’incidence financière, à leur charge. De sérieuses
réserves peuvent être élevées sur la nécessité et la compatibilité de telles prescriptions avec
la libre administration. L’encadrement des mesures disciplinaires et de la fonction de
Secrétaire Général de mairie au Bénin permet de l’illustrer.

En effet, malgré toutes les garanties visant à prévenir tout arbitraire en cette matière1175, le
législateur béninois institue une approbation préalable. En outre, une part importante de la
gestion de la carrière des Secrétaires Généraux de mairie échappe à l’autorité locale. Par
exemple, la liste et la fourchette des indemnités est fixée par arrêté conjoint des ministres
en charge des finances et de la tutelle des collectivités. Ici, le reproche qui est fait ne porte
pas sur la responsabilisation de l’autorité gouvernementale mais plutôt sur l’exclusion
entière de l’employeur territorial. Aucun cas n’est fait de l’avis des collectivités1176. Or, ces
paramètres de base sont suffisamment déterminants pour ne pas être soumis à l’analyse par
les employeurs1177. Avec une telle propension à tout régir, l’Etat finit par absorber «en lui
presque toute la substance administrative» locale1178.

1174Niger : Ord. n°2010-54, art. 313 : «…les décisions relatives au personnel (nomination, avancement et sanction)» sont soumises
à transmission au représentant de l’Etat.

1175 En effet, pour toute sanction de second degré, le Maire est astreint à une consultation préalable de la commission
administrative paritaire communale siégeant en matière disciplinaire. En outre, sa décision doit être motivée. Enfin,
l’agent dispose de garanties pour organiser sa défense : le droit à communication intégrale de son dossier disciplinaire,
possibilité de présenter devant la commission des observations écrites ou verbales, de citer des témoins et de se faire
assister d’un défenseur de son choix. Il dispose en outre des droits ordinaires de recours. V. art. 343, 347 du projet de
loi.
1176 Décret n°2001-412, art. 11.

1177La liste que les fourchettes de montants sont susceptibles d’avoir, directement ou indirectement, une répercussion
plus ou moins énorme sur les budgets locaux.

Ainsi que le remarquait Olivier GUICHARD en 1976 dans son rapport «Vivre ensemble». V. Revue administrative, 29è
1178

année, n°173, Septembre-Octobre 1976, pp. 534-537.

234
CONCLUSION DU CHAPITRE I

La dotation en effectifs de qualité, suffisants et bien motivés constitue une condition


essentielle de la bonne et libre administration des collectivités territoriales. Paradoxalement,
elle demeure l’une des questions essentielles non réglées de la décentralisation aussi bien au
Bénin qu’au Niger.

Il est nécessaire que les organes d’administration locale soient démocratiquement élus.
Autant, il est contre indiqué de ne pas tenir compte des exigences techniques et financières
que requiert un exercice responsable de leur mandat. Une telle omission paraît préjudiciable
à l’efficacité recherchée et en contradiction avec l’esprit autonomique.

Les personnels des circonscriptions administratives, majoritairement des agents d’exécution


ont été transférés aux collectivités territoriales. De nouveaux agents ont été recrutés en
l’absence d’une loi sur la fonction publique territoriale. Le mélange des genres qui en a
résulté a fait de ces fonctionnaires territoriaux personnels des «sans statut». Les dispositions
du projet de loi du Bénin paraissent bien minimalistes en termes d’autonomie. Elles
enferment la gestion du personnel local dans une sorte de décalque de l’administration
d’Etat. Elles établissent au profit de l’autorité de tutelle des prérogatives exorbitantes et
font des organes d’Etat les organes de pilotage stratégique de la fonction publique
territoriale pendant que les collectivités territoriales sont confinées dans un rôle d’exécution.

En l’état actuel des législations en vigueur au Bénin et au Niger, les collectivités territoriales
ne gèrent pas de façon autonome leurs ressources humaines. Le relever ne signifie pas que
la gestion du personnel leur échappe entièrement ou qu’aucune compétence ne leur a été
transférée en la matière. C’est simplement constater que la part qui leur est soustraite est
substantielle et cruciale pour la pleine effectivité de la libre administration qui du reste,
demeure contingentée par les dysfonctionnements de l’administration d’Etat.

235
CHAPITRE II : L’ETAT DE L’ADMINISTRATION ETATIQUE
Les changements politiques consécutifs à la restauration de l’Etat de droit impactent autant
l’agencement des différents pouvoirs dans l’Etat que son organisation administrative. C’est
dans cette dynamique que s’inscrit la renaissance de la décentralisation 1179. Ce nouveau
contexte1180 impose à l’Etat de se réformer1181. A cette fin, plusieurs formules
institutionnelles ont été essayées. La mise en place d’administrations de mission1182 a été
renforcée par la création d’un ministère dédié à la réforme1183. Au bilan, les «…les impacts des
mesures engagées n’ont pas été à la hauteur des améliorations escomptées»1184. Plusieurs raisons
expliquent cette insuffisance de résultats. Elles tiennent aux textes mais davantage au
contexte. L’exercice de la libre administration ne peut échapper aux écueils dont recèle un
tel environnement dans lequel il s’insère. Au nombre des facteurs susceptibles d’en
restreindre la garantie, il paraît nécessaire d’examiner l’organisation de l’administration
d’Etat (Section 1) sans omettre de s’interroger sur le renouvellement de la conception et
des modalités de l’action publique étatique (Section 2).

SECTION 1 : LA REFORME EN TROMPE L’ŒIL DE L’ADMINISTRATION D’ETAT

La libre administration ne peut advenir qu’autant que la «manière d’être de l’Etat»


l’internalise1185. Le respect de la répartition des compétences ne peut être garanti que si

1179 LAFORTE D. considère la décentralisation comme le premier acte de la modernisation de l’Etat. Ainsi conçue,
elle doit être suivie et accompagnée par d’autres réformes. V. «France, réformes horizontales et sectorielles 1982-1998»,
Observatoire de l’administration publique, ENAP, vol. 5, n°2, 1998, p. 7.

1180 Plusieurs facteurs caractérisent ce nouvel environnement : crise des finances publiques, perte de confiance des
citoyens et partenaires dans les institutions publiques, émergence de nouveaux centres de pouvoir (collectivités
territoriales, organisations d’intégration régionale, société civile), révolution des technologies de l’information.

1181Comme l’indique HOEFFEL Daniel, JCP Administrations et Collectivités territoriales, 4-11 novembre 2002, p. 160, «La
décentralisation ne saurait être un prétexte pour l’Etat de renoncer à sa propre réforme».

Ce fut le cas au Niger avec la mise en place par Décret n°1995-133 du 15 août 1995 du Haut-Commissariat à la
1182

Réforme Administrative et à la Décentralisation.


1183 Le Bénin, après avoir longtemps opté pour un ministère chargé à la fois de la fonction publique et de la réforme
administrative (1990-2006), les deux missions ont été séparées et un ministère a été chargé de la réforme administrative
et institutionnelle à partir de 2006 (v. Décret n°2006-178 du 08 avril 2006 portant composition du Gouvernement).

Haut-Commissariat à la Modernisation de l’Etat (Niger), Politique Nationale de Modernisation de l’Etat, Niamey, Juillet
1184

2013, p. 16.

1185CROZIER M. : «Si l’Etat central ne change pas, la décentralisation perd l’essentiel de sa vertu», cité par Journal officiel des débats
du Sénat, Séance du 29 octobre 2002, p. 3213. Pour Paul BERNARD, la réforme de l’Etat-institution politique devrait
constituer le préalable à la réforme de l’administration.

236
l’Etat consent de mettre en place un appareil administratif de type nouveau qui lui permette
d’une part, d’assumer ses missions propres, recadrées et d’autre part, d’apporter aux
collectivités locales l’assistance conseil nécessaire prescrite par le législateur1186. Loin de ces
attentes, l’organisation de l’administration d’Etat n’a pas été suffisamment repensée
(Paragraphe 1) de sorte qu’au lieu de rationaliser son action, elle demeure un opérateur, au
mépris des compétences des entités territoriales décentralisées (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La caducité de l’organisation générale

La réforme territoriale implique nécessairement la multiplication des centres de décision et


de nouvelles modalités pour l’action publique1187. Les nouveaux rapports centre-périphérie
portent un risque de dispersion et de mésintelligence administrative qu’il faut mitiger à
travers un encadrement juridique et institutionnel approprié aussi bien au niveau central (A)
qu’au niveau des représentations territoriales de l’Etat (B).

A. L’organisation inappropriée de l’administration centrale

Pour décentraliser réellement, la réorganisation de l’administration est inéluctable (1). Dans


les deux Etats, les bonnes intentions ont débouché sur une adaptation ad minima (2).

1. La réforme nécessaire de l’administration centrale

Outre les récriminations pertinentes couramment faites1188, la nécessité de réformer


l’administration découle aussi de la prescription constitutionnelle du soutien de l’Etat aux
collectivités territoriales. Le respect du principe de libre administration demande de la part
de l’Etat central une sorte de «loyauté résignée»1189 qui n’implique pas son retrait. Même

1186Paul BERNARD parle d’un Etat essentiel, c’est-à-dire en charge en charge des responsabilités dont il ne peut pas
s’exonérer. COLSON A., «La conduite du changement au sein du secteur public : une contribution pour l’action»,
Cahiers du plan, n°13, Septembre 2005, p. 13 : «La pérennité du service public implique le changement au sein du secteur public».

1187AGNAMA-EBOUMI P., La décentralisation territoriale et le développement local au Gabon, Thèse de Droit, Université des
sciences sociales de Toulouse, 2004, p. 269 : «Engager une politique de décentralisation (…) nécessite qu’il y ait un minimum de
coordination verticale et horizontale des orientations».

1188 Au nombre de celles-ci figure en bonne place le mimétisme abordé par, entre autres, DUBOIS de GAUDUSSON
J., L’administration malgache, coll. «Encyclopédie administrative de l'Institut international d'administration publique»,
Paris, Berger-Levrault, 1976, 115 p. ; BUGNICOURT J., «Le mimétisme administratif en Afrique», Revue française de
sciences politiques, 1973, p. 1253 et s. ; DURUPTY M., «Transposition et mutations du modèle administratif français»,
Bulletin U.A.P., n° 33, pp. 106-107. Voir Bénin : Const, art. 153 ; Niger : Const, art. 165.
1189 VIÉ J.-E., Les sept plaies de la décentralisation, Paris, Economica, 1986, 98 p.

237
décentralisé, l’Etat détient toujours des compétences qu’il est seul habilité à exercer sur
toute l’étendue de son territoire. A ce «nouveau système politique doit correspondre une organisation
territoriale appropriée»1190. L’Etat ne doit plus s’accommoder de «ses vieux habits»1191.
L’administration ayant vocation à modeler l’environnement national et à le rendre propice
au développement par la manière dont elle mobilise les ressources et dont elle rend le
service public, elle est appelée à se transformer1192 en adoptant les outils du nouveau
management public qui mettent en valeur, entre autres, l’excellence, la performance et
l’efficacité1193. Ceci appelle impérativement à la rationalisation des structures et des
procédures1194.

La satisfaction de cet impératif de changement doit être conjuguée avec une autre réalité,
celle de la complexité de toute entreprise de réforme de l’administration centrale. Jacques
CHEVALIER a écrit à ce sujet que «L’administration centrale est sans nul doute l’un des éléments
de l’architecture administrative auquel il est le plus difficile de toucher : on est en effet ici au cœur de
l’appareil d’État, là où se rejoignent traditions administratives, contraintes politiques, pesanteurs
organisationnelles, stratégies corporatives et trajectoires de carrière»1195. Il est rejoint sur ce point par

1190 SOGLO Nicéphore, Allocution d’ouverture des Etats Généraux de l’Administration Territoriale. V. Ministère de
l’Intérieur, de la Sécurité et de l’Administration Territoriale, Etats généraux de l’Administration Territoriale, p. 17.

Ayant été pendant plusieurs décennies l’instrument de régimes politiques centralisateurs, l’administration est perçue
1191

comme inefficace, loin des préoccupations des citoyens, minée par la corruption et le clientélisme.

1192 Réformer l’administration demeure préoccupation universellement partagée. A la fin des années 1980, les
administrations publiques africaines étaient caractérisées par une concentration et une politisation excessive, une
organisation gouvernementale peu performante avec des découpages ministériels peu compréhensibles, instables et
dont la cohérence paraissait faible. Voir IGUE J., op. cit., p. 4. ; DOSSOU R., «Le Bénin : du monolithisme à la
démocratie pluraliste : un témoignage», in CONAC G., L’Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica,
1992, p. 179. V. également BARILARI A., La modernisation de l’administration, Paris, LGDJ, 1994, p. 11 : «La survie d’un
organisme biologique ou social est fonction de sa capacité d’adaptation à son environnement» ; PONTIER J.-M., «La décentralisation
et le temps », Revue du droit public, 1991, p. 1232 : «S’adapter ou disparaître n’est pas seulement une loi applicable aux êtres vivants
mais aussi aux structures administratives».
1193 V. par exemple la Déclaration d’Helsinki rendue publique le 04 décembre 2006 par les Directeurs Généraux
d’Administration Publique de l’Europe : «Les administrations publiques jouent un rôle essentiel dans la promotion de la croissance,
en tant que consommateur et fournisseur des biens et des services, ainsi que pour la définition d’un cadre général du fonctionnement du reste
de la société. Les agents publics sont responsables de la promotion de l’intérêt général à long terme. Dès lors, un excellent management et
leadership dans l’administration publique est d’une importance cruciale».

1194AYOUN N’DAH P., «Doit-on et peut-on réformer l’administration publique en Afrique Noire?», Conférence
publique, Vendredis du CERAP, 15 février 2008, p. 4 : «Il s’agit là d’une exigence, d’une urgence, d’un défi à relever, en tout cas,
d’une ardente obligation pour donner aux Etats la stabilité et la légitimité indispensables…».

CHEVALLIER J., «La reconfiguration de l’administration centrale», Revue française d’administration publique, 2005/4,
1195

n°116, p. 716.

238
Pierre AYOUN N’DAH qui, évoquant la situation en Afrique subsaharienne, a relevé que
«L’administration publique est, en effet, inhibée par des pesanteurs socioculturelles notamment tribales ou
ethniques et par des interférences politiques intempestives. Ces phénomènes entraînent inévitablement une
instabilité administrative, une désadministration au cœur des institutions publiques et une
déprofessionnalisation des agents au service de l’Etat…»1196.

Cet état de fait justifie les échecs répétés et fait conclure à l’incapacité pour l’Etat de se
réformer1197. L’administration centrale est constituée de structures et personnes qui, au fil
des années, ont acquis un certain prestige et même une identité au point de constituer «des
forteresses»1198. Dans ces conditions, toute mesure de dé(re)structuration se heurte à des
résistances exprimées par moment mais souvent voilées et donc plus subtiles de sorte que
réformer finit par équivaloir à «Ne jamais remettre en cause les finalités du système mais de le gérer
avec virtuosité ou de le critiquer avec la même virtuosité (…) mais sans jamais toucher à ses postulats»1199.

2. Les mesures modiques de réorganisation

Quelques observations préliminaires sont nécessaires sur le cadre juridique. Les textes
constitutionnels font relever de la loi, l’organisation générale de l’administration 1200. Au
Bénin, la Loi n° 97-028 règle l’organisation de l’administration territoriale. Quant à
l’administration générale, elle continue d’être régie par la Loi n° 65-20 du 23 juin 1965 fixant
les règles relatives à l’organisation générale de l’administration publique, dont la plupart des
dispositions sont devenues caduques. A défaut d’une nouvelle loi, ce sont des décrets fixant
la structure type des ministères qui comblent le vide. Au Niger, la question a été réglée une
première fois par l’Ord. n° 99-56 du 22 novembre 1999 déterminant l’organisation générale
de l’administration civile de l’Etat et fixant ses missions, modifiée par l’Ord. n° 2011-20 du
23 février 2011 du même objet. Le champ d’application de cette loi a été étendu aux

1196 AYOUN N’DAH P., op. cit., p. 3.

FAUROUX Roger, SPITZ Bernard (dir.), Notre Etat. Le livre de vérité de la fonction publique, Paris, R. Laffont, 2000,
1197

816 p.
1198 Expression empruntée à AYOUN N’DAH P., op. cit., p. 3.

1199 GARAUDY R., Il est encore temps de vivre, Paris Stock, 1980, p.156.
1200 Bénin, Const. 11 décembre 1990, art. 98 ; Niger, Const. 25 novembre 2010, art. 99.

239
collectivités territoriales1201 occasionnant une confusion qui ne permet pas de clarifier les
principales missions de l’administration d’Etat et de les distinguer de celles des collectivités
locales1202. Or le constituant nigérien a clarifié que «le représentant de l'Etat veille au respect des
intérêts nationaux»1203. Au demeurant, le principe de subsidiarité impose à l’Etat une sorte de
devoir de non-ingérence dans les affaires locales. Ce principe est affirmé à l’art.10 de l’Ord.
2011-20 qui spécifie que les administrations centrales ne doivent pas être en charge de la
réalisation des compétences conférées à un autre échelon territorial1204.

Les dispositions sus évoquées n’ont pas été appliquées et la décentralisation n’a pu
provoquer les réaménagements organiques escomptés1205. Au niveau des ministères
sectoriels, les remodelages opérés relèvent davantage de la réforme des finances publiques
que de la prise en compte de la libre administration1206. Les réformes effectivement mises
en œuvre sont en deçà des nécessités. Une revue effectuée, une décennie après, relève le
«maintien d’un modèle administratif suranné»1207. Ce résultat révèle une insuffisante volonté de
réformer que le caractère peu inclusif du pilotage de la réforme peut expliquer1208.

1201 Ord. n°2011-20, art. 3 al 2 : «Les dispositions de la présente ordonnance s’appliquent à toutes les institutions de l’Etat et aux
collectivités territoriales, à l’exception de l’Assemblée Nationale, des Cours et Tribunaux, des Forces armées nigériennes, de la Gendarmerie
nationale et de la Garde nationale».
1202 L’article 6 de ladite ordonnance énonce à la fois les fonctions de souveraineté (la défense, la diplomatie, la justice
et la sécurité publique), les fonctions de prospective et de cadrage macroéconomique qui recouvrent la gestion des
grands équilibres économiques et financiers mais également l’équipement en infrastructures de base, d’hydraulique par
exemple qui relève, pour l’essentiel des collectivités territoriales. Il en est de même de certaines fonctions sociales. V.
art. 6, 3ème et 4ème point.

1203 Art. 165, al. 2. C’est reconnaître que, dans la république, toutes les affaires ne sont pas d’intérêt national.
1204 Art. 10, al. 2 et 3 : «Sont confiés aux administrations centrales des ministères, les missions qui présentent un caractère national ou
dont l’exécution, en vertu de la loi, ne peut être concédée à un échelon territorial. L’administration centrale d’un ministère a pour fonction
de préparer, d’élaborer et d’exécuter les actes et décisions politiques, économiques, administratifs et techniques liés aux prérogatives de
direction, d’orientation, de régulation, de planification et de contrôle du ministre à l’égard du secteur dont il a la charge».

1205 Pour certains, l’existence de ministères spécifiquement chargés de la décentralisation a pu contribuer à cette
situation. En effet, cette organisation gouvernementale a pu faire de la décentralisation et de l’administration du
territoire «un secteur». En tant que tel, ledit ministère se concentre sur la mise en œuvre de la politique nationale dans
ce domaine sans qu’il soit véritablement en mesure d’assurer la prise en compte des implications institutionnelles de la
réforme par les autres ministères et institutions qui demeurent presque figés.
1206Au niveau de certains ministères, les structures centrales continuent d’intervenir directement au niveau des
départements et communes. Les autres dysfonctionnements concernent particulièrement la politisation des
administrations, la faiblesse de la pratique évaluative, etc.
1207 MDGLAAT (Bénin), Document cadre de politique et plan d’actions prioritaire, Cotonou, Septembre 2010, p. 24.

Plan stratégique 2012-2016 du MDGLAAT, Cotonou, Juin 2012, p. 12 ; Système des Nations Unies au Bénin, op. cit.,
1208

Cotonou, Mai 2012, p. 3 , 26.

240
B. Le pilotage de la réforme territoriale par l’Etat central

La conduite de certaines étapes clés de la réforme de l’administration a été


presqu’exclusivement assurée par les cabinets et administrations des ministères en charge
de la décentralisation (1). Il convient également d’explorer les mesures dans lesquelles la
réforme a été encadrée par un dispositif idoine de gestion de changement (2).

1. Une mise en œuvre cloisonnée

Les Etats généraux de l’administration territoriale béninoise se sont tenus à Cotonou du 07


au 10 janvier 1993 avec pour objectif majeur «de penser et de proposer au gouvernement qui les
soumettra au parlement, les orientations et les structures de la nouvelle administration territoriale»1209. Y
ont pris part des représentants des parties prenantes à la réforme territoriale1210. Un Comité
de Suivi des Etats généraux a été mis en place et a eu pour mission essentielle la préparation
des textes de loi. L’exécutif s’est engagé et a mis en place les structures
d’accompagnement1211. Le ministère en charge de l’administration territoriale a changé
d’appellation1212. Sur le fond, la coordination de la réforme a été insuffisante. Les
différentes structures n’ont pas toujours pu disposer de ressources humaines et financières
adéquates1213. Au sein de l’appareil gouvernemental et de l’administration centrale, la vision
n’aura pas été suffisamment partagée1214.

1209Le Bénin a adopté l’expression réforme de l’administration territoriale qui recouvre les deux piliers, la
décentralisation et la déconcentration. V. à cet égard Loi n°97-028, art.1er ; Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de
l’Administration Territoriale, Etats généraux de l’Administration Territoriale, Cotonou, 1993, p. 18.

1210Représentants des ministères, anciens administrateurs ayant exercé au commandement territorial, députés, sous-
préfets et chefs de circonscription urbaine et leurs secrétaires généraux en fonction, des maires des communes d’alors
(arrondissements), des représentants de la société civile (notables, associations de développement, syndicats,
associations de femmes) et des partenaires techniques et financiers. V. Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de
l’Administration Territoriale, Etats généraux de l’Administration Territoriale, pp. 197-203.

Discours sur l’Etat de la Nation du Président Mathieu KEREKOU, 31 décembre 1997. Au nombre de ceux-ci, la
1211

Direction Générale de l’Administration Territoriale par décret n° 97-176 du 21 avril 1997 portant attributions,
organisation et fonctionnement du MISD, la Mission de Décentralisation par décret n°97-254 du 23 mai 1997, la
Maison des Collectivités Locales par Décret 97-272 du 09 juin 1997.

1212Au terme du Décret n°2001-170 du 07 mai 2001 portant composition du gouvernement, il est devenu le Ministère
de l’Intérieur, de la Sécurité et de la Décentralisation.

Ministère de la Décentralisation, de la Gouvernance Locale, de l’Administration et de l’Aménagement du Territoire,


1213

Guide juridique de la Réforme de l’Administration Territoriale, T. I, Cotonou, 2009, p. 15.


1214 COLSON A., op. cit., p. 33 : «…on ne change pas des habitudes, on ne heurte pas des traditions, on ne déplace pas des hommes et
des femmes, sans le moteur qu’offre une vision motivée et motivante, laquelle doit être partagée aussi largement que possible, voire coproduite
et en tout cas adossée au dialogue social».

241
Subséquemment, les implications de la réforme n’ont pas été intégrées aux politiques,
stratégies et à la structuration des ministères sectoriels1215. La réforme n’a pas été cernée
sur la base d’une programmation pluriannuelle pour permettre d’en inscrire la mise en
œuvre dans la durée1216. Il a fallu attendre le forum bilan organisé en novembre 2007 pour
recommander l’élaboration d’une politique nationale de décentralisation 1217.

Malgré l’importante partition à jouer par les collectivités territoriales, le pilotage du


processus de décentralisation et de déconcentration a continué d’être assuré par la seule
administration d’Etat1218. En effet, le Décret n° 2009-709 du 31 décembre 2009 dispose en
son article 3 que la PONADEC «est mise en œuvre par le Ministère en charge de l’administration
territoriale appuyé par un comité interministériel qu’il préside». Le Décret n° 2012-133 du 07 juin
2012 portant création, attributions, organisation et fonctionnement dudit comité
interministériel n’accorde qu’une seule place de simple membre (sur les 17) à l’Association
Nationale des Communes du Bénin1219. Des légitimités socialement très enracinées par leur
acceptation et leur longévité ont été très peu impliquées1220. Il s’agit notamment de la
chefferie traditionnelle1221. Dans ces conditions, la voix de ceux qui mettent en œuvre au
quotidien la libre administration ne peut être entendue1222.

Ministère de la Décentralisation, de la Gouvernance Locale, de l’Administration et de l’Aménagement du Territoire,


1215

Guide juridique de la Réforme de l’Administration Territoriale, T. I, Cotonou, 2009, p. 15. Il y est évoqué, au titre des difficultés
rencontrées dans la mise en œuvre de la réforme, la «non prise en compte par les départements ministériels sectoriels des réflexions
menées au sein de la Mission de Décentralisation où siègent leurs représentants».

1216La Loi organique n°2013-14 relative aux lois de finances (Bénin) prescrit l’élaboration d’un Document de
Programmation Pluriannuelle des Dépenses (art. 1, 49, 56).

1217Adoptée par Décret n°2009-709 du 31 décembre 2009 portant approbation du document de politique nationale de
décentralisation et de déconcentration (PONADEC). L’objectif poursuivi est de «créer les conditions institutionnelles et
organisationnelles d’un développement territorial durable et équilibré, reposant sur une gouvernance locale concertée et sur la valorisation des
potentialités des collectivités territoriales…». V. Décret n°2009-709 du 31 décembre 2009, art. 2.

1218L’article 6 du Décret n°2009-709 du 31 décembre 2009 prévoit par exemple que la mise en œuvre de la PONADEC
sera financée par, entre autres, les ressources des collectivités territoriales.

1219 Décret n°2012-133 du 07 juin 2012, art. 2. Le comité compte dix-sept (17) membres.
1220 Etymologiquement, le mot vient du latin implicare qui résulte de deux expressions in-plico qui signifie plier dans ou
envelopper, emmêler ; impliquer va donc au-delà de la simple information ou sensibilisation ; il suppose des échanges qui
sont intégrés à la prise de décision.
1221 A cette date, aucun statut ne leur est légalement reconnu ; un projet de loi a été introduit au parlement.

L’unique organe véritablement paritaire dans le secteur est la Commission Nationale des Finances Locales créé par
1222

Décret n°2008-274 du 19 mai 2008. Dans son fonctionnement actuel, il intervient en fin de processus et notamment
dans la répartition des ressources entre les différentes collectivités.

242
Au Niger, la Loi n° 2002-012 du 11 juin 2002 déterminant les principes fondamentaux de
la libre administration des régions, des départements et des communes avait prévu la
création d’un Haut Conseil des Collectivités Territoriales dont la mission consistait à «étudier
et de donner des orientations sur toutes les questions de politique de décentralisation» et à établir «par an
le bilan de l’application des règles de la décentralisation» 1223. La dénomination dudit conseil laissait
entrevoir un organe contrôlé par les collectivités territoriales. Il n’en a pas été ainsi. Sa
présidence est assurée par le Chef de l’Etat et sa composition, son organisation et son
fonctionnement «déterminés par décret pris en conseil des ministres»1224. Le Haut-Commissariat à
la Réforme Administrative et à la Décentralisation, une administration de mission a été
placée auprès du Premier Ministre1225. Il sera transformée en Haut-Commissariat à la
Modernisation de l’Etat avec mandat «de concevoir, de superviser, de coordonner, de suivre et d'évaluer
toutes les actions tendant à moderniser l'Etat et les Collectivités Territoriales conformément aux orientations
définies par le gouvernement»1226. Ici aussi, à partir de 2001, le ministère en charge de l’intérieur
est chargé de la décentralisation. Le ministère de l’aménagement du territoire chargé du
développement communautaire assure l’accompagnement de la planification du
développement local et celui de la gestion urbaine1227. Ce cadre institutionnel éclaté
n’intègre en définitive qu’un seul acteur, le pouvoir exécutif à travers ses différents
ministères. Il n’est point contesté à l’Etat central son rôle d’organisateur en chef de la
réforme. Mais la compréhension et l’adhésion des bénéficiaires des libertés locales lui sont
nécessaires. Pour les obtenir, il est historiquement établi qu’il faut adopter une démarche
participative, accompagnée de la pédagogie appropriée1228. Une meilleure implication des
entités décentralisées est d’autant plus nécessaire qu’il n’y a pas, dans l’organisation des
pouvoirs dans les deux Etats, une institution du genre sénat qui représente les collectivités

1223 Dont la plupart des dispositions ont été intégrées à l’Ord. n°2010-54 portant Code des collectivités territoriales.
1224 Art. 176.

1225 Décret n°1995-132/PRN/PM du 15 août 1995.


1226 Décret n°361/PRN/PM du 30 décembre 2005.

1227 Ces chevauchements et superpositions d’attributions entre plusieurs administrations centrales entrainent des
conflits stériles et au mieux, des gaspillages de ressources et une concurrence institutionnelle. Voir à ce sujet, Ministère
de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de la Décentralisation et des Affaires Religieuses (Niger), Document cadre de politique
nationale de décentralisation, Niamey, Mars 2012, pp.24-27.

1228 Sur le management participatif, v. CHEVALLIER J., Science administrative, op. cit., pp. 394-402.

243
territoriales dans le processus législatif. Un environnement institutionnel favorable ne peut
advenir sans que toutes les structures concernées ne comprennent et ne partagent les
enjeux1229.

Cette faible implication dérive d’un déficit d’humilité de la part des «grands commis» de
l’Etat et a pu handicaper, sur certains aspects, l’efficacité de la mise en œuvre de la réforme
territoriale1230 . Elle procède aussi d’un problème de méthode. L’Etat a semblé se satisfaire
de la simple mise en œuvre d’indications générales éparpillées dans plusieurs documents
tels que les déclarations de politique générale du gouvernement, le document de la stratégie
de réduction de la pauvreté, etc., sans s’en référer à une vision partagée et clairement
exprimée de résultats attendus1231. Cette absence d’une véritable gouverne a impacté
négativement l’appropriation ; «les acteurs agissent en «piquets de clôture», chacun en fonction de sa
propre vision du processus»1232.

2. Un processus de changement insuffisamment maîtrisé

S’il est nécessaire de savoir bien identifier le changement à effectuer, «il importe aussi de
proposer les moyens de le gérer et de l’orienter»1233. Il n’échappe pas à l’observation que, de façon
générale, les réformes n’enthousiasment pas. En effet, toute réforme vise à induire des
changements et fait donc appel à de nouvelles connaissances et compétences, à des
attitudes, comportements et pratiques conformes aux valeurs en promotion. Ainsi perçu,

1229Selon BASSANINI Franco, ancien ministre italien de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, «la participation
d’une grande variété d’acteurs élargit le consensus et facilite la mise en place de la réforme». Voir LACASSE F., VERRIER P.-E., 30
ans de réforme de l’État. Expériences françaises et étrangères : stratégies et bilans, Dunod, 2005, p. 65. En effet, on ne peut parvenir
à l’inclusion sans un partage de vision qui fait changer au citoyen ses paradigmes. Ainsi se trouve posée la question de
l’appropriation sociale qui suppose d’abord la compréhension et l’intériorisation par les citoyens, au plan individuel et
collectif, des objectifs de la réforme, ceci devant se traduire par une amélioration significative de la conscience civique
et citoyenne qui fait évoluer l’habitant de la collectivité territoriale du statut d’administré à celui de citoyen motivé,
incité à se comporter en véritable acteur d’un changement co-produit.
1230 BRUNHES B., Futuribles, n° 287, juin 2003, p. 29 : «les réformes pensées en haut ne sont pas appropriées par le terrain parce
que les hauts fonctionnaires, brillants concepteurs de la réforme, n’ont pas assez de considération à l’égard des cadres qui vont la traduire et
la réaliser sur le terrain, pour accepter de passer des heures et des jours à travailler avec eux, à les écouter, à leur faire partager les projets, à
adapter les idées aux réalités».

C’est finalement par Décret n° 2012-104/PRN/MI/SP/D/AR du 30 mars 2012 que le gouvernement a adopté le
1231

document-cadre de politique nationale de décentralisation.

1232Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de la Décentralisation et des Affaires Religieuses (Niger), Document
cadre de politique nationale de décentralisation, Niamey, Mars 2012, p.23.

1233 BOUVIER M., «Contrôle systémique et transparence de la gestion locale», RFFP, n° 34, 1991, p. 4.

244
tout changement fini par être personnalisé, avec une tendance à reléguer à l’arrière-plan les
questions de fond et à prioriser les aspects de valorisation individuelle et de
patrimonialisation.

Les résistances au changement ont été abondamment évoquées comme facteur majeur
d’échec des réformes publiques. Elles sont justifiées par, entre autres, la peur de l’inconnu,
les corporatismes1234. Or, aucune institution ne peut se soustraire de la réforme que le temps
exige1235. L’équation cruciale demeure la compréhension et la maîtrise du processus de
changement. On ne peut réformer si on ne comprend pas comment et pourquoi un
changement advient. Plus que le contenu de la réforme, ce sont souvent ses conditions de
mise en œuvre qui posent problème. Lesdites conditions sont, à leur tour, influencées par
la perception que les acteurs affectés ont de la réforme. En l’espèce, les administrations
d’Etat qui en sont débitrices de la libre administration, vivent la réforme comme une perte
de pouvoir et des avantages qui s’y attachent. L’analyse systémique de ces paramètres devrait
précéder la procédure législative1236.

Au surplus, «le changement dans le secteur public a besoin d’être porté par une volonté politique»1237.
L’administration publique est un système unique mais complexe. L’État fonctionne dans un
contexte constitutionnel et un cadre juridique unifié et cohérent. Les résultats qu’il produit sont
déterminés par l’interaction d’un nombre de leviers qui s’inscrivent dans une culture politico
administrative. Une intervention sur l’un des leviers joue inévitablement sur les autres. Envisager
de la transformer par petites touches est illusoire et contre performant 1238. Le déficit d’une
vision articulée et d’un dispositif de gestion du changement ont limité les succès de la
réforme territoriale1239. L’Etat central continue de se positionner comme opérateur.

1234 CORNU G., op. cit., p. 553 : HAURIOU définit l’institution comme étant l’«organisation sociale établie en relation avec
l’ordre général des choses dont la permanence est assurée par un équilibre de forces ou par une séparations de pouvoirs…».

1235MONNET J., «Nous n’avons que le choix entre les changements dans lesquels nous serons entraînés, et ceux que nous aurons su
vouloir et accomplir».

Ce ne fut pas le cas pour les lois sur la décentralisation. D’ailleurs, l’exercice d’évaluation législative ex ante n’est
1236

souvent pas pratiqué par les administrations publiques africaines.

1237 COLSON A., op. cit., p. 44.


1238 MATHESON A., 30 ans de réforme de l’État, Dunod, 245 p.

1239
COLSON A., op. cit., p. 41 : «Le changement conduit (…) sans vision ni moyens, ne tiendra pas sur le long terme».

245
Paragraphe 2 : La subsistance de l’Etat opérateur

Face à la rigidité des politiques sectorielles, les implications de la décentralisation au plan


organique ne sont que très partiellement couvertes par les nouveaux textes (A). En plus de
ses insuffisances, ce nouvel arsenal juridique n’est pas respecté (B).

A. L’actualisation partielle des textes

La déconcentration demeure la technique qui permet à la personne étatique d’être présente


aux côtés des entités situées à sa périphérie (1). Pour s’adapter efficacement au contexte,
l’Etat a besoin de plus qu’un lifting organisationnel. Elaborés par la même administration
caractérisée par la centralisation1240, les textes régissant la matière n’auront pris que très
partiellement en compte les exigences qu’impose à l’Etat le respect des libertés locales (2).

1. Une déconcentration indispensable

La déconcentration, en tant que «modalité d’aménagement du pouvoir central»1241, a «pour objet


d’aménager les rapports entre les administrations centrales et leurs échelons territoriaux dans le sens d’une
plus grande délégation de responsabilité consentie à ces derniers»1242 ; elle «caractérise le processus de
transfert, au sein d’une même institution, du pouvoir de décision détenu par les autorités les plus élevées à
des autorités moins élevées dans la hiérarchie interne de l’institution»1243. Elle procède donc d’une
distribution des pouvoirs de décision à l’intérieur de la même institution en vue de réduire
la concentration au sommet1244. Certes, la déconcentration a toujours été manifeste, d’une
certaine manière, dans l’organisation politique et administrative des Etats béninois et
nigérien1245. Mais au-delà, la décentralisation suggère à l’Etat de repenser ses rapports avec

1240 CHAPTAL la décrivait comme «une chaîne d’exécution qui descend sans interruption du ministre à l’administré avec la rapidité
du fluide électrique». Voir GERAUD-LLORCA E., «L’universalité des compétences préfectorales», CURAPP, La loi du
pluviôse An VIII, Paris, PUF, 2000, p. 28.
1241 SY D., Droit administratif, op. cit., p. 170 : «La déconcentration permet d’éviter l’engorgement du pouvoir central».

1242 ALBERTINI J-B, La déconcentration : l’administration territoriale dans la réforme de l’État, Paris, Economica, 1997, p. 1.
1243V. Assemblée Nationale (France), Rapport d’information n°2881 sur l’équilibre territorial des pouvoirs, déposé le
22 février 2006.

1244Ainsi qu’a su le caricaturer Odilon BARROT, Premier Vice-Président du Conseil d’État sous la IIIème République
au sujet des Préfets, «C’est le même marteau qui frappe, seulement, on en a raccourci le manche». CHAPUS R., op. cit., p. 391
rapporte l’exposé des motifs d’un décret de 1852 : «On peut gouverner de loin, mais on n’administre bien que de près».

1245Loi n°65-20 du 23 juin 1965 fixant les règles relatives à l’organisation générale de l’administration publique (art. 3,
11 et 12) ; Ord. N°74-7 du 13 février 1974 portant réorganisation de l’administration territoriale (art. 1 et 2).

246
le territoire et de se reconstruire en vue de mieux assumer les missions stratégiques qui lui
sont dévolues1246. La déconcentration ne saurait donc plus être perçue comme une
alternative ou un substitut à la décentralisation mais plutôt une de ses composantes ou
conséquences indispensables1247, ce qui fait dire de celle-ci qu’elle est devenue la «tunique de
Nessus»1248 de celle-là.

Au Niger par exemple, tout comme la décentralisation, la déconcentration est une exigence
constitutionnelle1249. En disposant ainsi, le constituant nigérien a, ne fut-ce
qu’indirectement, établi un lien qui fait de la décentralisation et de la déconcentration les
deux composantes de son dessein en matière d’administration territoriale1250. L’Etat
moderne décentralisé devrait, à l’image d’un temple grec, reposer sur ces deux piliers 1251. A
cet égard, toute politique nationale doit faire des administrations déconcentrées «le pivot des
compétences de l’État» et leur accorder des marges de manœuvres adéquates pour la mise en
œuvre des politiques nationales1252.

1246 BRISSON J.-F., «La France est une République indivisible… son organisation est décentralisée», Revue du droit
public, 2003 (n° 1), pp. 111-114 ; DOAT M., «Vers une conception acentralisée de l’organisation de la France», Revue du
droit public, 2003, pp. 115-117 ; CAILLOSSE J., «Comment le "centre" (se) sort-il des politiques de décentralisation ?
Éléments de réponse du droit français», Pouvoirs locaux, n°63, 2004, pp. 43-53.

1247MOUSSA O., Réformes de l’administration publique des pays membres de l’UEMOA : impacts et perspectives, Document de
travail n°2, Programme d’administration et d’inspection du travail, Bureau International du Travail, Genève, 2009, p.
11 : «Quelle que soit la portée de la décentralisation, il apparaît nécessaire de l’accompagner d’un véritable programme de déconcentration».

1248 Expression utilisée pour désigner quelque chose dont il est difficile de se défaire.

1249 Const. Niger, art. 164 : «L'administration territoriale repose sur les principes de la décentralisation et de la déconcentration».

Si la décentralisation permet de satisfaire la demande sociale de participation et de démocratisation de la gestion


1250

publique devenue trop bureaucratique, la déconcentration réaménage et assouplit le processus de prise de décision et
de mise en œuvre de l’action étatique pour l’adapter aux diverses situations socio-culturelles dont recèle la nation. Voir
OLIVIER de SARDAN J.-P., «État, bureaucratie et gouvernance en Afrique de l’Ouest francophone. Un diagnostic
empirique, une perspective historique», Politique africaine, n°96, 2004, p. 139-162.
1251La Loi n°2001-476 du 9 août d’orientation sur l’organisation générale de l’administration territoriale de la Côte
d’Ivoire affirme aussi que l’administration du territoire est structurée selon les principes parallèles et complémentaires
de la déconcentration et de la décentralisation.
1252 Bénin, Document cadre de politique nationale de décentralisation et de déconcentration, Cotonou, Juin 2009, p. 9. : «Le processus
de déconcentration doit être accéléré car l’administration publique ne peut être efficace que si elle s’organise sur la base d’un échelon déconcentré
disposant de capacités suffisantes pour lui permettre d'exécuter les politiques et les stratégies sectorielles en tenant compte des spécificités et
des potentialités des territoires».

247
Le contenu définitionnel que le Pr Demba SY donne à la déconcentration 1253 suggère que
le principe de subsidiarité s’applique à l’organisation de l’Etat1254. Il devient par conséquent
nécessaire de créer un cadre juridique et institutionnel qui permette aux responsables des
administrations déconcentrées d’exercer effectivement «un pouvoir d'orientation de l'activité…»
de leur circonscription territoriale, «dans le domaine de la mise en œuvre des politiques nationales et
communautaires concernant le développement économique et social et l'aménagement du territoire»1255.
Ainsi, la déconcentration servirait de levier à la modernisation de l’Etat. Cette nécessité a
bien été appréhendée par le droit de la décentralisation au Bénin et au Niger où des textes
ont été pris dans le but d’approfondir la déconcentration de l’administration.

2. Une déconcentration superficielle

Au Niger, l’article 16 de la loi n° 2008-42 du 31 juillet 2008 relative à l’organisation et à


l’administration du territoire de la République du Niger, modifiée par l’ordonnance n° 2010-
53 du 17 septembre 2010 renvoie la répartition des compétences entre administrations
centrales et services déconcentrés de l’Etat à une autre loi. Mais au lieu d’un texte législatif,
c’est un décret, celui n° 2013-035/PRN/MI/SP/D/AR du 1er février 2013 fixant les règles
relatives à la déconcentration qui a été adopté pour préciser «les attributions de l’administration
centrale et de l’administration déconcentrée de l’Etat»1256. Au terme dudit décret, l'administration
déconcentrée de l'Etat assure au niveau territorial, la mise en œuvre des politiques et
stratégies définies par les administrations centrales, leur adaptation aux exigences locales et
les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales1257. Dans cette même perspective, au
Bénin, l’administration départementale a fait l’objet d’un décret1258. L’administration
territoriale par l’Etat s’effectue dans le cadre du département qui est l’unique circonscription

1253SY D., Droit administratif, op. cit., p. 170 : «Elle consiste à confier le pouvoir de décision à une autorité compétente sur une portion
du territoire national appelé circonscription administrative».
1254 TROSA, S., «Moderniser l’administration: comment font les autres?», Paris, Les éd. d’organisation, 1995, p. 42 : «Le fondement
de la modernisation française a été de reconnaître que seuls les responsables opérationnels proches des usagers, du terrain, sont en mesure de
définir des objectifs opérationnels».
1255 Sénat (France), Rapport d’information n°679 du 28 juin 2011, Contribution à un bilan de la décentralisation, p.25.

1256 Décret n°2013-035/PRN/MI/SP/D/AR du 1er février 2013, art. 1er.


1257 Décret n°2013-035/PRN/MI/SP/D/AR du 1er février 2013, art. 7, 26 et 28.

1258 Décret n°2002-376 du 22 août 2002 portant organisation et fonctionnement de l’administration départementale.

248
administrative au Bénin1259. Le Préfet administre le département et à ce titre coordonne
l’activité des services déconcentrés de l’Etat présents sur son territoire1260. Les pouvoirs du
préfet sur les services déconcentrés de l’Etat ont été renforcés1261. Nonobstant ces
clarifications, la question de la déconcentration reste presqu’entière1262.

C’est sur la question des moyens que les dispositions légales paraissent insuffisantes,
rapportées aux objectifs1263. Quelques dispositions illustrent ces limites. L’organisation, les
attributions et le fonctionnement des services déconcentrés relèvent toujours des ministères
sectoriels1264. L’administration préfectorale n’y intervient pas alors que le préfet est
l’ordonnateur secondaire unique du budget national dans son département1265. Il est, dès
lors, difficile au préfet de suivre et évaluer les performances et de noter les agents1266. Les
quelques réorganisations initiées s’effectuent en silos. Les moyens humains ne sont pas
disponibles en quantité et qualité suffisantes1267. Les profils souhaités n’existaient pas sur le
marché de l’emploi et la politique de formation de l’Etat n’a pas intégré cette donne. Ces
dysfonctionnements traduisent le hiatus entre la déconcentration telle qu’elle est
conceptuellement envisagée et sa transposition aux plans budgétaire et financier1268.

1259 Décret n°2002-376, art. 4 et 5.


1260 Décret n°2002-376, art. 9 et 11.

1261Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité et de l’Administration Territoriale, Etats généraux de l’Administration Territoriale,


Annexe 1, p. 133 : «A partir du moment où naîtront des collectivités territoriales autonomes, tout affaiblissement du pouvoir du Préfet à
travers des comportements indépendantistes des Chefs des Services extérieurs affaiblirait l’Etat face aux nouveaux pouvoirs locaux, puisqu’à
ce moment-là, le pouvoir de l’Etat serait émietté et s’exprimera localement à travers le bien vouloir de chaque Directeur Départemental».

1262En effet, le cadre juridique existant reste très insuffisant. La loi n°97-028 a déterminé les unités qui concourent à
l’administration du territoire. Le Décret n°2002-376 du 22 août 2002 s’est largement étendu sur l’administration
préfectorale. Sur les 73 articles dudit décret, seulement 4 ont été dédiés aux services déconcentrés de l’Etat (art. 15 à
18) et en termes de contenu, lesdits articles restent liminaires et n’abordent pas les questions de fonds relatives à la
restructuration, la mobilisation et la mise en œuvre des moyens, etc.

1263Les textes n’indiquent pas comment et dans quelles mesures les besoins exprimés par les administrations
déconcentrées sont pris en compte dans les prévisions budgétaires.
1264Bénin : Décret n°2002-376 du 22 août 2002, art. 15 ; Niger : Décret n°2013-035/PRN/MI/SP/D/AR du 1er
février 2013, art. 71 à 73.
1265 Bénin : Décret n°2002-376 du 22 août 2002 art. 23.

1266 Bénin : Décret n°2002-376 du 22 août 2002, art. 15 et 16.


1267 Bénin : Décret n°2002-376 du 22 août, art. 3 ; Niger : Décret n°2013-035, art. 29 et 50.

1268 OLIVIER de SARDAN J.-P., «Gouvernance locale et biens publics au Niger», Working paper n°10, APP, Juillet
2010, p. 18 : «Les signes extérieurs d’Etat sont nombreux, mais cette présence est en fait peu efficace, avec des agents souvent démobilisés,
frustrés, peu motivés».

249
B. La réorganisation insuffisante de l’Etat

Au niveau central, la rhétorique réformatrice (1) n’a pas été suivie des effets emblématiques
attendus (2).

1. Les immenses chantiers de la réforme

Les réformes de l’Etat portent sur plusieurs axes à savoir, politique, économique,
institutionnel, administratif et financier. En raison des besoins de l’analyse, les réformes
politiques ne seront pas abordées ici1269.

Au Bénin, les Etats Généraux de la Fonction Publique et de la Modernisation


Administrative tenus du 12 au 16 décembre 1994 ont établi un bilan diagnostic qui avait
relevé les dysfonctionnements majeurs du secteur public et conclu que ces bases fragiles
et instables ne permettaient pas à l’Etat d’assumer ses missions fondamentales 1270. Entre
1990 et 1997, la réforme administrative a été focalisée sur l’assainissement de la fonction
publique1271. La Présidence de la République et onze ministères ont subi un audit
organisationnel1272. Le diagnostic a été approfondi et les champs de la réforme
administrative ont été retenus1273. Le gouvernement a priorisé la réforme de la fonction

1269Pour un bilan à ce sujet, v. CODESRIA et OSIWA, Etat de la gouvernance en Afrique de l’Ouest : Bénin, Dakar, 2011,
pp. 30-50 ; également AÏVO J., Mensuel Le Label, n°7 du 10 janv. au 06 fév., pp. 2-6.

1270 Il s’agit notamment de la non définition claire des objectifs et missions des entités et aux agents de l’Etat, de la
lourdeur des procédures, de la faible productivité, de l’absence de critères d’évaluation des résultats et des
performances, de la culture administrative fondée sur le «patronage» et non sur le mérite, de l’organisation
administrative qui présente de nombreuses lacunes et qui sont autant de sources de gaspillage et de
contreperformances. Dans les détails, il s’agit de : une insuffisance d’orientation client c’est-à-dire de pression en
faveur d’une prise en compte prioritaire de l’intérêt général, de l’intérêt du citoyen y compris des entreprises qui sont
la source essentielle de création des richesses et donc des recettes de l’Etat ; un sous-management notoire caractérisé,
entre autres, par un encadrement qui n’exerce pas assez le leadership, l’orientation, la supervision et encore moins, le
contrôle et la sanction ; le non alignement des structures, des processus, de l’allocation des ressources et des décisions
sur les choix stratégiques ; une administration d’activités, de procédures et de consommation de moyens ; une culture
organisationnelle marquée par une forte politisation, une logique de prédateur et une absence notoire de transparence,
d’imputabilité et de reddition des comptes (voir CAFRAD, L’expérience du Bénin en matière de Gestion Axée sur les Résultats,
Séminaire de haut niveau à l’intention des décideurs politiques et administrateurs sur la gestion axée sur les résultats,
Tanger, 28-30 janvier 2013, pp. 3-4).
1271Entre autres actions majeures, il convient de mentionner le contrôle de l’authenticité des diplômes, l’harmonisation
des fichiers des agents de l’Etat tenus par les ministères de la fonction publique et des finances, la mise à la retraite des
agents qui en remplissent les conditions, la clarification des agents en stage.
1272 Séminaire atelier sur le diagnostic de l’environnement institutionnel, tenu du 29 au 31 octobre 1996.

Il s’agit de : 1.clarification des missions de l’Etat, 2. rationalisation et stabilisation des structures et de l’organisation
1273

administrative, 3. mise en place, stabilisation et application des règles, normes et procédures, 4. décentralisation et

250
publique et de l’administration d’Etat, en tant qu’outil de pilotage et principal point
d’application de la modernisation de l’Etat. Sous l’impulsion des partenaires et notamment
de la Banque Mondiale, a été amorcée, la réforme de l’emploi des ressources publiques en
vue d’atteindre, plus efficacement, les résultats de développement1274.

La réforme comporte un volet budgétaire et un volet administratif. A terme, il s’agissait


d’allier la budgétisation à la programmation et de passer, progressivement, d’une gestion
budgétaire basée sur les moyens à une gestion budgétaire axée sur les résultats, à travers
une plus grande responsabilisation des ministères dépensiers dans la préparation,
l’exécution et le suivi évaluation de leur programmes, projets et budgets.

Des chantiers de réformes similaires ont été lancés au Niger en vue de redéfinir les missions
de l’Etat, de rationaliser les structures administratives et les effectifs 1275. Elles visaient
également la dépolitisation de l’administration, l’amélioration de ses performances en vue
d’en faire une administration de développement1276. La réforme budgétaire a également
constitué une priorité mais les résultats ont été en deçà de ceux escomptés.

2. Les infimes résultats de la mise en œuvre

Les délais de mise en route des réformes ont été particulièrement longs1277. Ils sont
révélateurs du manque d’enthousiasme politique1278. Ce qui ne sous-entend pas qu’il faille
aller trop vite. Le rythme d’une réforme est fonction de l’étape. Si la préparation requiert

déconcentration, 5. renforcement des capacités nationales, 6. développement d’une nouvelle culture administrative, 7.
Instauration d’une gestion rationnelle de l’information, 8. valorisation des ressources humaines et renforcement des
capacités nationales de gestion.

1274 Sur le modèle du Planning Programming Budgeting System (PPBS) américain et de celui introduit par la loi organique du
1er août 2001 relative aux lois des finances, en France. Voir MEDE N., «La nouvelle gestion budgétaire», Afrilex, n°4,
p. 58.

1275Les mesures prises portaient essentiellement sur la mise en œuvre du principe d’accès aux emplois publics par voie
de concours, la création d’un fichier intégré fonction publique/solde en vue d’une meilleure gestion des effectifs de la
fonction publique, la réforme du système de retraite des agents de l’Etat, la contractualisation de certains emplois
notamment au niveau de l’éducation et de la santé.

1276 HCME (Niger), Politique nationale de modernisation de l’Etat, Niamey, 2013, p. 18.

Par exemple, c’est seulement en 2005 que le Décret n°2005-250 du 06 mai 2005 portant création, organisation et
1277

fonctionnement des structures de concertation, de coordination et de gestion de la réforme administrative a été adopté.
1278 Le temps est «un ingrédient clé de la conduite du changement» (COLSON A., op. cit., p. 55).

251
traditionnellement plus de temps1279, la mise en œuvre devrait se faire plus rapidement afin
que les premiers résultats galvanisent les acteurs et nourrissent la confiance 1280. Le défaut
d’une démarche appropriée fait persister de nombreuses lacunes qui révèlent les limites des
actions entreprises1281.

Les mesures d’assainissement de la fonction publique ont permis de réduire les effectifs et
la masse salariale mais n’ont pas eu d’impact significatif sur la gestion des ressources
humaines dans l’administration publique. La forte rotation du personnel politique
(gouvernement et cabinets ministériels) et l’absence de structures fonctionnelles de
coordination n’ont permis, ni la mise en œuvre cohérente des réformes, ni le suivi de celles
qui ont été lancées. Au Niger, un nouveau statut général de la fonction publique a été adopté
en 2007. Il a introduit un nouveau système d’évaluation des performances des
fonctionnaires et améliore leur rémunération1282. Après une expérimentation des budgets
programmes par cinq (05) ministères pilotes1283, par Décret n° 2005-789 du 29 décembre
2005 portant Cadre de Réforme de la Gestion Budgétaire Axée sur les Résultats (CAR
GBAR), le gouvernement béninois a généralisé la réforme1284. Au plan législatif, quelques

1279 Pour poser les bons diagnostics, se fixer une vision et la partager avec les parties prenantes, identifier les leviers de
la réforme, écouter, négocier et rassurer les acteurs directement affectés par les changements, etc.

1280 COLSON A., op. cit., p. 56 : «Si les premiers résultats du changement arrivent dans un délai court, ils aident à générer un “cercle
vertueux de la réforme”».

1281 HCME (Niger), Politique nationale de modernisation de l’Etat, op. cit., p. 44 : «La gestion des réformes de l’Etat au cours
des deux dernières décennies n’a pas été soutenue par un dialogue social efficace d’où le développement d’une forte résistance aux changements
qui a largement contribué à la faiblesse des impacts et des effets escomptés». Il s’agit, entre autres, de la résistance aux changements,
de l’absence d’une culture administrative orientée vers l’atteinte des résultats et performances, la difficulté d’intégrer
les initiatives sectorielles dans un cadre harmonisé malgré l’existence des orientations politiques générales, l’insuffisance
de collaboration et de synergie entre les institutions impliquées dans la conception et la mise en œuvre des réformes
de l’Etat, la lourdeur et la lenteur administratives, le déficit de civisme chez certains citoyens, l’instabilité institutionnelle
et la forte mobilité des cadres à tous les niveaux. Voir HCME, Politique nationale de modernisation de l’Etat, op. cit., p. 48.
1282 Niger : Loi n°2007-26 du 23 juillet 2007 portant statut général de la fonction publique de l’Etat.

12831999-2000 : Adhésion du Bénin à la réforme de Gestion Axée sur les Résultats (GAR) et mise en place du Crédit
de Réforme des Dépenses Publiques (PERC) ; 2002-2004 : signature d’un protocole d’engagement entre le
Gouvernement du Bénin et la Banque Mondiale, introduction du Cadre de Dépenses à Moyen Terme (CDMT) dans
la programmation budgétaire (budget programme 2002-2004) ; 2005 : confirmation de la GAR comme approche de
gestion dans la déclaration de Paris sur l'Aide au développement (le 02 mars 2005), approbation du Cadre de Réforme
de la Gestion Budgétaire Axée sur les Résultats par Décret n°2005-789 du 29 décembre 2005 ; 2006 : généralisation
des budgets-programmes à tous les ministères. Voir CAFRAD, op. cit., p. 5.

1284Le Ministère des Travaux Publics et des Transports (MTPT), le Ministère de la Santé Publique (MSP), le Ministère
de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (MAEP), le Ministère de l’Education Nationale (MEN) et le Ministère de
l’Environnement, de l’Habitat et de l’Urbanisme (MEHU).

252
avancées ont été enregistrées1285. Mais en définitive, l’exécution du budget programme «n’est
que théorique, car le Bénin n’exécute que le budget classique»1286. Cet état de chose s’explique, entre
autres, par le fait que la nouvelle Loi Organique relative aux Lois de Finances qui en
consacre les principes, n’est pas encore opérationnelle1287. Au plan institutionnel, les
programmes ne coïncident pas nécessairement avec les unités administratives de mise en
œuvre, de sorte que «les flux de l’autorité administrative entrecroisent ceux de la gestion de programme
sans les épouser»1288. Les aléas de financement, la présence des partenaires extérieurs
engendrent une fragmentation institutionnelle des structures de pilotage et la dispersion des
crédits budgétaires qui ne favorisent pas «la dynamique unitaire nécessaire à l’appréciation des
performances»1289. La politisation reste une donnée majeure qui affecte négativement le
fonctionnement de l’administration publique1290. Par exemple, les affectations et
nominations ne sont pas souvent effectuées suivant les nécessités de service. Elles
transforment l’administration publique en un lieu de rente et d’enrichissement illicite.
OLIVIER de SARDAN, au terme d’une analyse rétrospective sur l’administration publique
nigérienne a conclu que «Les maux dont souffrent nos administrations sont plus profonds et se
reproduisent (ou même s’aggravent) depuis des décennies»1291.

Au total, le sort fait à la réforme varie très peu, d’un gouvernement à l’autre. Revendiquée
et promise par l’opposition, elle ne bénéficie plus de la même attention une fois que ses
chantres accèdent au pouvoir. Les mesures formelles sont relativement plus aisées à
prendre. L’audace nécessaire pour redresser en profondeur les dysfonctionnements et
instituer une nouvelle culture de l’action publique manque encore.

Adoption de la Loi organique n°2013-14 du 27 septembre 2013 et du Décret n°2015-035 du 29 janvier 2015 portant
1285

code de transparence dans la gestion des finances publiques en République du Bénin.

1286 CAFRAD, op. cit., p. 6.


1287 Bénin : Loi organique n°2013-14 du 27 septembre 2013.

1288 MEDE N., «La nouvelle gestion budgétaire», Afrilex, n°4, p. 70.
1289 MEDE N., «La nouvelle gestion budgétaire», Afrilex, n°4, p. 73.

1290 OLIVIER de SARDAN J.-P., La routine des comportements non-observants au sein des services publics nigériens. Connaître la
culture bureaucratique pour la réformer de l’intérieur, op. cit., p. 13 : «La possession de la carte du bon parti est bien souvent le passeport
nécessaire pour obtenir tel ou tel poste».

1291 OLIVIER de SARDAN J.-P., La routine des comportements non-observants au sein des services publics nigériens. Connaître la
culture bureaucratique pour la réformer de l’intérieur, Niamey, HCME, 2014, p.8.

253
SECTION 2 : LE RENOUVELLEMENT FRAGMENTAIRE DE L’ACTION PUBLIQUE

L’environnement politique est un déterminant crucial pour la libre administration. En


d’autres termes, un contexte politique miné par la corruption électorale constitue une
menace pour les libertés locales (Paragraphe 1). En outre, pour garantir une liberté, il ne
suffit pas de l’avoir consacrée par un texte. Il est nécessaire d’en assurer le contrôle et en
sanctionner le non-respect (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L’environnement politique

Le cadre d’action de la collectivité territoriale est fait de textes de loi mais surtout d’un
système de valeurs que portent les acteurs, créanciers de droits et débiteurs d’obligations.
A cet égard, le niveau de démocratisation constitue un paramètre important (A). Les
impérities enregistrées au niveau national sont susceptibles de se décentraliser et de
compromettre l’autonomie et la prise en charge conséquente de l’intérêt local (B).

A. La culture démocratique, entre avancées et reculs

L’hypothèse est faite que le retour à des régimes démocratiques en Afrique devrait
déboucher sur l’émergence d’une culture démocratique (1). L’évolution n’est pas linéaire1292
et les pratiques monopolistiques des régimes de parti unique ressurgissent (2).

1. L’instauration formelle de régimes démocratiques

Partant des approches définitionnelles, une compréhension de ce que pourrait recouvrir


l’expression «culture démocratique» peut être construite1293. Elle est faite de quelques acquis
qui se sont manifestés par le rejet de la pensée et du parti uniques, la fin de ce qui est appelé

SINDJOUN L., Science politique réflexive et savoirs sur les pratiques politiques en Afrique noire francophone, Dakar,
1292

CODESRIA, 1999, p.16 : «on ne passe pas de manière linéaire de la culture autoritaire à la culture démocratique».
1293 Le concept n’a évidemment pas un contenu universellement homogène, les valeurs qui le constituent étant insérées
dans des environnements historiques, sociologiques divers qui les influencent. Ainsi par exemple, ALMOND G. A. et
VERBA S. The civic culture, political attitudes and democracy in five nations, Princeton, Princeton University Press, 1963, ont
identifié des différences entre pratiques démocratiques en Grande-Bretagne et USA même si ces deux démocraties
sont caractérisées certaines constantes. Dans le même sens, Marc PENOUIL, «La démocratie : le mythe idéologique
et les réalités dans le monde contemporain», La constitution et les valeurs. Mélanges en l’honneur de Dmitri Georges LAVROFF,
Paris, Dalloz, 2005, p. 554, a écrit que «La démocratie est une réalité diverse, évolutive, fragile imbriquée dans un contexte de réalités
économiques, culturelles et sociales, elles-mêmes en perpétuel mouvement».

254
«le monopole partisan»1294 ou «unanimisme politique»1295 en 1990 au Bénin et 1991 au Niger. Il en
a résulté la consécration de la compétition électorale comme mode de conquête,
d’acquisition et d’exercice des fonctions de direction de l’Etat1296.

Le déroulement régulier de consultations électorales promeut le développement d’un


comportement démocratique ainsi que le note Samuel HUNTINGTON1297. A ce titre,
plusieurs élections ont été organisées et soldées par des alternances au pouvoir1298. Le
fonctionnement normal des institutions et l’existence de contre-pouvoirs illustrent ce
renouveau à l’épicentre duquel se trouve le nouveau constitutionnalisme qui sacralise la
protection des droits de la personne humaine et l’Etat de droit, institutionnalise le contrôle
de constitutionnalité des lois, la régulation du fonctionnement des institutions et le
pluralisme territorial. L’existence de partis d’opposition animant la vie politique et critiquant
l’action gouvernementale constitue un indicateur de démocratisation1299. Historiquement et

SINDJOUN L. (dir), La révolution passive au Cameroun : Etat, société et changement, Paris & Dakar, Karthala CODESRIA,
1294

2000, p. 269.

1295LALEYE M., «La régularité des élections majeures au Bénin : effectivité ou fiction ?» http://afrilex.u-
bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/Moise_Olade_Elections_au_Benin---.pdf, p.3.

1296Cf. Préambule de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 et celui de la Constitution nigérienne de 2010
dont l’un des paragraphes stipule clairement : «Réaffirmons notre opposition absolue à tout régime politique fondé sur
la dictature, l'arbitraire, l'impunité, l'injustice, la corruption, la concussion, le régionalisme, l'ethnocentrisme, le
népotisme, le pouvoir personnel et le culte de la personnalité».

1297 HUNTINGTON S. P., Troisième vague ; les démocratisations de la fin du XXème siècle, Nouveaux Horizons, 1996, p.265 :
«elles permettent de forcer une équipe dirigeante à se retirer et à en promouvoir une autre ; la démocratie s’en trouve consolidée dans la mesure
où ces réactions qui font partie du système deviennent institutionnalisées»

1298Depuis 1991, sous le régime de la même Constitution de décembre 1990, le Bénin a organisé régulièrement les
élections législatives, au total 5 (1991, 1996, 2001, 2006 et 2011) qui ont vu se succéder trois présidents (SOGLO :
1991-1996 ; KEREKOU : 1996-2001 ; YAYI : 2006-2016). La situation politique a été moins stable au Niger qui a
connu quelques interruptions anti constitutionnelles, des changements de constitutions et de régimes politiques (semi
présidentiels et présidentiels). Il s’y est déroulé des élections présidentielles jugées démocratiques (1993 : élection de
M. OUSMANE, 1999 : TANDJA M. est élu, 2004 : réélection de TANDJA, 2011 : ISSOUFOU M.).

1299 TRAORE Bakary, «Les partis politiques» in GONIDEC P.-F., AHANHANZO-GLELE M. (dir.), Encyclopédie
juridique de l’Afrique, T.I, L’Etat de droit, Abidjan, NEA, 1982, p. 137 : «A gouverner sans critique, on administre sans talent».
Voir également GUEYE B., «La démocratie en Afrique : succès et résistance», Pouvoirs, n°129, Avril 2009, p. 11 ;
KELSEN H., La démocratie, Paris, Dalloz, éd. 2004, p. 19. Il n’empêche que l’histoire recèle de partis politiques qui ont
précipité leur pays dans un certain chaos. Pour résumer cet état des lieux, KHEITMI a écrit : «Deux faits sont certains :
une démocratie ne peut vivre sans partis organisés, elle peut mourir du fait des partis» (KHEITMI M.-R., Les partis politiques et le droit
positif français, Paris, LGDJ, 1964, p.312). Cette ambivalence a été régulièrement relevée par d’abondants travaux
scientifiques (BOURMAUD D., La politique en Afrique, Paris, Montchrestien, 1997, 160 p. ; BOUTIN Ch., ROUVILLOIS
F, Partis politiques et démocratie. Inséparables mais incompatibles ?, Paris, Ed. François-Xavier de Guibert, 2005, 345 p. ;
GAZIBO M., Partis politiques d’Afrique. Retour sur un objet délaissé, Paris, Karthala, 2007, 194p. ; MICHELS R., Les partis
politiques : essai sur les tendances oligarchiques des démocraties, Paris, Flammarion, 1971, 313 p ; DIOP E.H.O., Partis politiques
et processus de transition démocratique en Afrique noire. Recherches sur les enjeux juridiques et sociologiques du multipartisme dans quelques
pays de l’espace francophone, Paris, EPU, 2006, xxxp. ; Institute for Democraty and Electoral Assistance (IDEA), Partis
politiques en Afrique de l’Ouest. Le défi de la démocratisation dans les Etats fragiles, Stockholm, 2007, 64 p. ; SOUARE I., Les

255
en raison des pratiques subversives ou peu orthodoxes dont ont été soupçonnés les tous
premiers partis politiques, ceux-ci se trouvèrent disqualifiés pour porter ou incarner l’intérêt
général1300. Après les indépendances en Afrique subsaharienne, les partis, mouvements ou
personnalités qui s’opposèrent aux partis uniques ont été considérés comme des «fauteurs de
trouble» et traités comme tels1301. La tendance se maintient encore, mais de façon plus
insidieuse1302. Les oppositions sont dorénavant formellement dotées de statut1303. Il doit
être cependant relevé que cet embelli est teinté de fragilité1304 . Certaines pratiques
partisanes soulèvent des interrogations. Certes, l’activité partisane obéit très rarement à des
considérations juridiques. Ce n’est pas pour autant que le juriste ne doive pas s’intéresser à
son impact sur l’enracinement de la démocratie locale.

partis politiques de l’opposition et leur quête pour le pouvoir d’Etat : les cas du Bénin, du Ghana et de la Guinée, Thèse, Sciences
Politiques, UQAM, 2010, 302 p ; Voir aussi MEDE Nicaise, «Les partis politques au Bénin : essai d’approche
fonctionnaliste», African Journal of Political Science, vol. 9 (2), Décembre 2004 ; KOUGNIAZONDE Ch., «Historique
des partis politiques au Bénin des indépendances à nos jours», in ENGELS J.N., STROH A., WANTCHECON L.
(dir), Le fonctionnement des partis politiques au Bénin, Cotonou, Ed. COPEF/Friedrich Erbert Stiftung, 2008, pp. 23-51 ;
SOUMAH M., Guinée : la démocratie sans le peuple, Paris, L’Harmattan, 2006, 256 p ; QUANTIN P. (dir.), Voter en Afrique :
comparaisons et différenciations, Paris, L’Harmattan, 2004, pp. 105-128).

1300 Les partis politiques ont «toujours suscité de la méfiance, y compris dans les grandes démocraties occidentales où ils ont vu le jour
sous la forme qu’on leur connaît actuellement» (SEILER D.-L., Les partis politiques, Paris, Arman Colin, 1993, p.5). De
GAULLE a mis en garde contre le «pouvoir des partis». WASHINGTON a dénoncé le danger que constitue «l’esprit de
parti» (WASHINGTON G., «Adresse d’adieu», in WILSON W., Georges Washington, Payot, 1927, p. 324). Au XVIIIème
siècle, cette perception était si négative au point qu’ils étaient considérés comme des factions, étaient soit interdites soit
soumises à d’énormes tracasseries (AVRIL P., Essais sur les partis, Paris, LGDJ, 1986, p. 31). HUME D. Essais et traités
sur plusieurs sujets, I, Vrin, 1999, p. 114, écrivit, à leur sujet, qu’ils «renversent les gouvernements, rendent les lois impuissantes et
suscitent les animosités les plus cruelles entre les hommes d’une même nation».

1301 Le multipartisme a été présenté par plusieurs leaders africains comme une menace susceptible de «fragiliser l’unité
nationale» et «créer le désordre dans un jeune pays en proie à des nombreuses difficultés» (SINDJOUN L, Construction et déconstruction
locales de l’ordre politique au Cameroun. Sociogenèse de L’Etat, Thèse, Yaoundé II, 1994). Au Bénin, la situation était si
préoccupante que le Pr AHANHANZO-GLELE a cru devoir proposer un bipartisme constitutionnel qui ressemble
bien à un parti unique : l’instauration d’un parti fortement dominant «bien structuré, ayant une doctrine, du moins un programme,
sachant où il va…» assoupli d’un second parti d’opposition minoritaire avec un statut légal de «garde-fou» (Naissance d’un
Etat Noir: l’évolution politique et constitutionnelle du Dahomey, de la colonisation à nos jours, Paris, LGDJ, 1969, 359 p.).

1302Luc SINDJOUN démontre que l’habitus autoritaire a eu une influence durable sur les dirigeants (retour au
commandement arbitraire, violent et irresponsable) et les citoyens (passivité, délégation sans exigence de compte
rendu) et même les institutions (centralité du pouvoir présidentiel, etc.).

1303 C’est le cas par exemple au Burkina Faso (Loi n°009-2009 du 14 avril 2009 portant statut de l’opposition politique),
au Mali (Loi n°00-47 du 13 juillet 2000 portant statut des partis politiques de l’opposition), au Bénin (Loi n°2001-36
du 14 octobre 2002 portant statut de l’opposition) et au Niger (Ordonnance n°2010-85 du 16 décembre 2010 portant
Statut de l’opposition). Le Pr Théodore HOLO, in «Démocratie revitalisée ou démocratie émasculée ? Les constitutions
du renouveau démocratique dans les Etats de l’espace francophone africain : régimes juridiques et systèmes politiques»,
Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives, n°16, 2006, p.22, perçoit en ces statuts une consécration de la
«légitimité de l’opposition qui n’est plus présentée comme l’ennemi de la Nation…».

1304SOHOUENOU E., «Le statut juridique de l’opposition politique dans les nouvelles démocraties africaines»,
RBSJA, n°25, 2011, p. 224 : «Le rôle e l’opposition politique reste théorique car la reconnaissance et surtout l’acceptation de cette
opposition par la majorité au pouvoir sont loin d’être véritablement acquises».

256
2. La résurgence fréquente de pratiques monopolistiques

Très souvent, la décentralisation et la démocratie se mettent en œuvre concomitamment.


Conséquemment, les fraudes et atteintes diverses à la démocratie déteignent également sur
le respect des libertés locales1305 . Plusieurs analyses de politistes sur la démocratie et les
élections en Afrique ont présenté les dysfonctionnements récurrents 1306. Il faut en retenir
principalement le clientélisme, le patrimonialisme, la corruption, l’ethnorégionalisation 1307
et l’achat des votes1308.

Plusieurs travaux ont été consacrés à la problématique au Bénin1309. «L’achat des consciences, et
plus largement, la relation clientélaire tirent d’abord leur légitimité de leur banalité quotidienne, de leur
inscription dans un continuum d’échanges sociaux monétarisés1310 qui confère leur caractère enchanté»1311.
Dans un tel contexte, le candidat à une élection doit être riche. Accumuler de richesses et
être capable de les distribuer est une condition substantielle dans l’appréciation du candidat.
L’accumulation et la redistribution deviennent un déterminant, le plus important de la
réputation.

1305LOADA A., «Le droit de suffrage en Afrique francophone : sens et usages sociaux», Revue burkinabè de droit, 2006,
pp. 41-44.
1306Voir à cet effet Politique africaine, n°43, Octobre 1991 titrée «Chemins de démocratie» ainsi que la Revue internationale
de politique comparée, 2006/4, vol. 13.

1307KAKAÏ S. H. F., Le vote ethnique au Bénin. Contribution à une étude sociopolitique de l’élection, Thèse, Abomey-Calavi, 2011,
pp. 287-386.

1308AKEREKORO H., Opposition et démocratie au Bénin et au Togo de 1990 à nos jours, Thèse, Abomey-Calavi, 2010, pp.
323-370 ; AKINDES F., Les mirages de la démocratie en Afrique subsaharienne francophone, Dakar, CODESRIA,
1995, p. 182 et s ; BLUNDO G. (dir.), Monnayer les pouvoirs. Espaces, mécanismes et représentations de la corruption,
Paris, Genève, PUF, IUED, 2000, pp. 21-46 ; MEDARD J.-F., «Clientélisme politique et corruption», Revue Tiers-Monde,
n°161, Janvier-Mars 2002, pp. 75-87 ; BAYAR J.-F., L’Etat en Afrique : la politique du ventre, Paris, Fayard, 1996, 439 p.
1309ADOUN W.H., AWOUDO F. K., Bénin : une démocratie prisonnière de la corruption, Cotonou, COPEF/Friedrich Ebert
Stiftung, 2007, 388 p ; BLUNDO G., OLIVIER de SARDAN, J.-P. , «La corruption quotidienne en Afrique de
l’Ouest», Politique africaine, n°83, Octobre 2001, pp. 8-37 ; TIDJANI ALOU M., «La justice au plus offrant. Les
infortunes du système judiciaire en Afrique de l’Ouest (autour du cas du Niger)», Politique africaine, n°83, Octobre 2001,
pp. 59-78.

1310BANEGAS R., «Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin», Politique Africaine,
n°69, mars 1998, pp 75-87, démontre que, contrairement aux attentes, l’avènement de la démocratie n’a pas permis de
mettre fin à la «politique du ventre». Ainsi donc, le renouveau démocratique aura fait naître une logique : accumulation
redistributrice, distribution clientélaire. Les campagnes électorales sont vécues comme une occasion de revanche du
bas peuple sur les élites : c’est le moment de récupérer «l’argent qu’ils nous ont volé». La marchandisation du vote semble
ne déranger personne, ni les candidats, ni les électeurs. V également, OLIVIER de SARDAN J.-P., «L’économie morale
de la corruption en Afrique », Politique africaine, n° 63, octobre 1999, pp. 97-116).

1311 OLIVIER de SARDAN J.-P., op. cit., p. 110.

257
La situation ne diffère pas au Niger où l’argent s’est enraciné dans les consultations
électorales. Les critères d’instruction et de culture politique ne prédominent point1312. Si le
vote ethnique est aussi dénoncé, un autre phénomène décrié, surtout en zone nomade, est
le vote multiple. Oumarou BAWA a conduit une analyse sociopolitique du fait électoral au
Niger1313 qui confirme les conclusions sus exposées1314. Les moyens déployés pour la
mobilisation de l’électorat sont les mêmes. Il s’agit principalement de l’argent, de la
proximité ethnique et religieuse1315. La fraude est favorisée par la mauvaise distribution des
cartes d’électeurs1316. La banalisation du phénomène s’exprime par une formule de
disculpation selon laquelle «Les élections ce n’est pas une religion»1317. Le niveau local n’échappe
pas à ces pratiques.

B. L’intérêt local compromis par la corruption électorale

Une fois les pratiques sus évoquées reproduites au plan local (1), l’esprit d’indépendance de
l’élu local peut s’en trouver vicié. A terme, l’autonomie de la collectivité et l’intérêt local en
pâtissent (2).

1. Les avatars de l’Etat décentralisés

Une analyse des pratiques corruptives dans le contexte des élections locales au Bénin a été
faite par METODJO1318. A partir d’arguments tirés d’études menées dans trois communes,
l’auteur démontre que pour se faire élire, le candidat doit posséder un «droit à la parole» dans

1312 En 2009, seulement environ 30% des députés nigériens étaient véritablement lettrés. V. Organisation Internationale
de la Francophone, Elections présidentielle et législatives des 31 janvier et 12 mars au Niger. Rapport de la mission francophone
d’information et de contacts, p. 8.

1313BAWA O. M., « «Saï Kaayi» ou comment se faire élire au Niger. Analyse des stratégies électorales d’un candidat
aux législatives 2009», Etudes et travaux du LASDEL, n°103, Septembre 2012, 57 p.

1314Pour mobiliser l’électorat, il faut être du parti qui contrôle politiquement votre circonscription, souvent de la
majorité au pouvoir. Plus important, il faut être ressortissant du groupe ethnique localement dominant ou de la famille
régnante (v. BAWO O. M., op. cit., p. 11).

1315 «Je suis votre enfant. Je suis né ici…Si je suis élu, je vais parler de vous à l’Assemblée». V. BAWO O. M., op. cit., p. 29.
1316 En raison de la dispersion de l’habitat et du nomadisme, les cartes sont considérées comme distribuées dès lors
qu’elles sont confiées au chef du village/hameau alors que souvent, un stock important est gardé par devers celui-
ci soit parce qu’il n’a pu déchiffrer les noms (analphabétisme) soit qu’il n’a pas voulu les remettre à leurs titulaires à des
fins de représailles (ses opposants) ou de corruption (vente à des candidats).
1317 V. http://ader.mondoblog.org/2011/03/17/les-dessous-des-elections-au-niger/

1318 METODJO K., Devenir maire en Afrique. Décentralisation et notabilités locales au Bénin, Paris, L’Harmattan, 2008, 159 p.

258
le terroir qu’il se doit ensuite de «labourer électoralement»1319. Le droit à la parole dans le
terroir est conféré par le caractère de fils de terroir et le comportement de l’individu dans
la communauté. Le choix porté sur le fils du terroir s’explique par le clientélisme et la
corruption1320. Il est également motivé par un souci de confiance. Le lien de sang est
considéré comme un gage de confiance1321. Les résultats de toutes les élections organisées
au Bénin depuis les indépendances le démontrent de façon proverbiale. Chaque candidat
obtient les meilleurs scores dans sa région d’origine1322.

L’idéologie du terroir ne suffit pas à elle seule pour garantir le droit à la parole. Il est capital
d’avoir de bonnes pratiques comportementales1323. Ici, les bonnes mœurs ont pour noms
sociabilité, assistance matérielle, organisation de funérailles convenables. Les labours
électoraux du terroir se matérialisent par des pratiques clientélistes et l’infiltration ou la
connexion aux réseaux locaux. Les pratiques clientélistes recouvrent aussi bien le
patronage1324 que le patrimonialisme1325. Elles prévalent sous deux formes à deux
périodes différentes. La modernisation du terroir avant les élections et l’achat direct des

1319 Ouidah (Département de l’Atlantique, Grand Popo (Département du Mono) et Malanville (Département de
l’Alibori).

La politique est faite pour s’enrichir, autant donc y envoyer son frère, ou tout au moins, celui qui vous semble plus
1320

proche car celui qui a son fils sur le manguier ne mangera pas la pomme verte.

1321La prise en compte de l’origine ethnique/régionale prévaut dans la formation des gouvernements. Ceci permettrait
d’assurer la représentation des différents groupes ethniques et donc un certain équilibre interrégional, gage d’unité
nationale. Il en a été ainsi également dans la sélection des participants à l’historique conférence des forces vives de la
nation et après. D’ailleurs beaucoup de partis politiques post transition sont des émanations des associations de
développement.

1322 A titre d’illustrations, voir les résultats des élections présidentielles du 11 décembre 1960 analysés par le Pr
AHANHANZO-GLELE dans son ouvrage Naissance d’un Etat Noir: l’évolution politique et constitutionnelle du Dahomey, de
la colonisation à nos jours, Paris, LGDJ, 1969 et la répartition des voix par département pour les quatre (4) candidats
arrivés en tête au premier tour des élections présidentielles de 2006 présentée par HOUNKPE M. dans sa contribution
à l’étude Organes de gestion des élections en Afrique de l’Ouest : une étude comparative de la contribution des commissions électorales au
renforcement de la démocratie, Johannesburg, Open Society Fundations, 2011, p. 19. V. également KAKAÏ S. H. F., op. cit.
1323 Lecomportement de l’individu dans la communauté doit respecter l’ethos communautaire qui réprime toute velléité
d’individualisation contraire aux valeurs de solidarité, de partage et d’identité collective.

Pour Jean-François BAYART, c’est distribution d’emplois publics contre des services rendus. V. «L’Etat au
1324

Cameroun», Revue française de science politique, Année 1979, Vol. 29, N°6, pp. 1108-1111.

1325L’expression désigne la confusion des biens publics et privés en raison de la faible institutionnalisation de l’Etat.
Jean-François MEDARD utilise le mot néo patrimonialisme pour désigner les pratiques diverses et multiformes,
contraires à l’éthique et à l’orthodoxie administrative et financière (népotisme, corruption, régionalisme, etc.).
V. Médard J.-F., «L’État néo-patrimonial », in J.-F. Médard (dir.), États d’Afrique, Karthala, 1991 ; MEDARD J.-F., «La
crise de l’État patrimonial et évolution récente de la corruption en Afrique sub-saharienne», Mondes en développement,
1998, T.26, 102, p. 55-57.

259
consciences au moment des élections1326. Quant à la connexion aux réseaux du terroir, elle
peut concerner la filière partisane ou traditionnelle. Le labour électoral correct du terroir
passe par l’affiliation au parti localement dominant1327. En contrepoint des apparences, le
retour au terroir des cadres n’a pas dépourvu les notabilités traditionnelles de leur influence
dans le choix des dirigeants. Leur médiation est toujours cruciale1328.

Le «vote de solidarité»1329 et la corruption électorale ainsi aidant, la sélection de l’élite dirigeante


locale s’en trouve biaisée ; ce qui peut induire un déficit de liberté. Or, il faut être
suffisamment libre pour administrer librement la collectivité.

2. L’intérêt local hypothéqué

L’idéal démocratique suppose qu’à l’occasion des élections, il y ait de «libres candidatures en
compétition pour des votes libres»1330. Si la perversion de l’élection est susceptible de bloquer
toute alternance démocratique au pouvoir, ainsi que le démontrent le Pr Théodore
HOLO1331 et Hilaire AKEREKORO1332, au niveau local, l’effet redouté est la remise en
cause de l’autonomie des organes vis-à-vis soit du pouvoir central soit de groupes de
pression. Il n’est pas courant de se soustraire de l’influence de forces politiques ou de

1326
Dans la mesure où les rapports sociaux quotidiens (familiales, conjugales, religieuses) sont rythmés par le matériel
et l’argent et que les électeurs expliquent que c’est leur moyen de prendre la revanche sur les hommes politiques qui
ont «volé» leur argent.

1327
Souvent financé et géré comme une entreprise personnelle par son président fondateur qui prend, seul, les grandes
décisions.

1328
L’élection des conseillers et du maire de Grand Popo a été portée par l’association Nonvitcha ; le maire de Ouidah
a été proposé par les notabilités traditionnelles ; dans le même sens, Saley, maire de Malanville, a obtenu le soutien de
l’imam de Malanville et du candidat le plus sérieux au trône de Malanville-Karimama.

ENGUELEGUELE M., «Le paradigme économique et l’analyse électorale africaniste : piste d’enrichissement ou
1329

sources de nouvelles impasses ?, Communication au colloque Voter en Afrique : comparaisons et différenciations, Association
Française de Sciences Politiques, 7-8 mars 2002, p. 5.
1330 GUENIFFEY P., «La difficile invention du vote : l’expérience révolutionnaire et ses apories», Le Débat n°116,
Septembre-octobre 2001, p. 17 : «Je ne veux pas mettre en doute le fait que des consultations électorales régulières sont un critère décisif
de l’appartenance à l’univers démocratique - à la double condition que la liberté du vote soit respectée et que les électeurs aient la faculté de
faire un choix réel - : sans élections, sans liberté de vote, sans pluralisme et sans convocation régulière du corps électoral, il n’y a pas, en effet,
de vraie démocratie, seulement un simulacre de démocratie» ; voir aussi SCHUMPETER J., Capitalisme, socialisme et démocratie,
Paris, Payot, 1972, p. 357.
1331HOLO Th., «Démocratie revitalisée ou démocratie émasculée ? Les constitutions du renouveau démocratique dans
les Etats de l’espace francophone africain : régimes juridiques et systèmes politiques», op. cit., pp. 34-39.

1332 AKEREKORO H., Opposition et démocratie au Bénin et au Togo de 1990 à nos jours, op. cit., pp. 327-329.

260
pouvoirs financiers avec l’appui desquels on s’est fait élire1333. La différence des intérêts
suffit à l’expliquer1334. La fréquence des destitutions des maires au Niger est expressive à
cet égard1335. La même tendance se développait au Bénin où, pour réduire la facilité de la
procédure de destitution, le gouvernement a adopté le Décret n° 2005-376 du 23 juin 2005
portant modalités de destitution du Maire 1336.

Tout parti au pouvoir a tendance à étendre son hégémonie à toutes les institutions. C’est
une des justifications à la «transhumance» politique1337. Dans le même sens, les notabilités
politico-administratives se méfient de tout organe qui n’est pas sous leur emprise. La suite
réservée aux premières élections locales organisées au Niger en février 1999 confirme cette
appréhension. En effet, le parti au pouvoir avait perdu ces élections et les a annulées1338. A
nouveau et comme au début des indépendances, le statu quo administratif a pu être invoqué
comme la garantie de la république, une et indivisible. Sur le chantier des réformes, des
reculs persistent. L’insuffisance des contrôles y contribue.

Paragraphe 2 : L’exercice des contrôles

Historiquement et dans les Etats d’héritage juridique français, le principe du contrôle de


l’action publique a été posé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui
dispose que «tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la

1333 Selon Robert HERTZOG, «l’autonomie locale…se mesure directement aux progrès du suffrage universel et à la perte d’influence
de l’appareil d’Etat dans la désignation des maires et conseils municipaux». Voir HERTZOG R., «L’autonomie en droit : trop
de sens, trop peu de signification ?», op. cit., p. 463.

1334 Un parti politique a pour objet la conquête et l’exercice du pouvoir d’Etat. Un opérateur économique s’établit pour
réaliser des bénéfices, notamment financiers. Si ces derniers s’intéressent à des positionnements à la tête et au sein des
organes d’administration locale, c’est dans la perspective de la promotion ou de la protection de ces intérêts. Du coup,
l’intérêt local n’est prioritaire que pour autant qu’il n’entre pas en conflit avec les intérêts desdits groupes.

1335 OLIVIER de SARDAN J.-P., Gouvernance locale et biens publics au Niger, op. cit., p. 27 : «Dans près des deux-tiers des
communes, il y a eu des tentatives de destitution des maires, dans près d’un tiers des cas elles ont abouti. Ceci témoigne à la fois de l’importance
des luttes de faction locales…».

1336Le décret a introduit une étape de conciliation. Il n’y a désaccord grave et crise de confiance, au sens de la loi, que
lorsque la médiation a échoué. V. art. 2-5.

1337 AKINDES F., TOPANOU V., Le contrôle parlementaire de l’action gouvernementale au Bénin. Une lecture
sociologique, Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social, Document du programme n°18,
Genève, 2005, p. 25 : «A l’Assemblée Nationale, la transhumance en direction du parti qui contrôle le pouvoir tend à s’institutionnaliser
et finit d’ailleurs par transcender la logique ethnique».

1338Additionnée à d’autres remous, cette annulation provoquera une crise politique. Peu après, le gouvernement est
renversé par un coup d’Etat militaire.

261
nécessité de la contribution publique (…) et d’en suivre l’emploi (…)» et que «la société a le droit de
demander compte à tout agent public de son administration»1339. Selon une distinction établie par
Alain BOCKEL, il existe globalement quatre modalités de contrôle. Le contrôle inorganisé
ne sera pas examiné ici1340. Seront donc abordés, les contrôles politique et administratif (A)
ainsi que le contrôle juridictionnel (B).

A. Des contrôles politique et administratif inconsistants

Nonobstant le double pouvoir d’évaluation législative et de contrôle de l’action


gouvernementale, les parlements béninois et nigériens n’ont pas assez interpellé les
gouvernements sur la mise en œuvre du principe de la libre administration et n’en ont
jusque-là pas évalué les résultats (1). Les nombreux organes de contrôle de l’administration
centrale ne s’y sont pas intéressés (2).

1. La rareté des contrôles parlementaires

Le pouvoir de contrôler l’action du pouvoir exécutif se met en œuvre suivant les modalités
définies par le règlement intérieur1341. Les législateurs y recourent1342. Mais au Bénin, en
plus d’une décennie de décentralisation, une seule mission d’enquête parlementaire aura été
créée dans le domaine, avec pour objet, la vérification de l’utilisation faite des ressources du
Fonds d’Appui au Développement des Communes par les autorités locales 1343. Une
situation qui paraît paradoxale, à considérer la récurrence de rapports et de déclarations
politiques dénonçant le refus de l’Etat de se décentraliser réellement. Dans le cas d’espèce,

1339 DDHC, art. 14 et 15.

1340 Il est l’œuvre de la presse, les partis politiques, les groupes de pression. C'est un contrôle de portée variable selon
l'état de la conscience collective et des libertés publiques existantes.

1341 Const. Bénin : art. 89, 3ème tiret ; Const. Niger : art. 94, 3ème tiret. Le contrôle de l’action gouvernementale s’effectue
par voie d’interpellation, de questions écrite ou orale (avec ou sans débat), de missions d’information ou de
commissions parlementaires d’enquête et de contrôle. En ce qui concerne spécifiquement l’exécution de la loi de
finances, la Constitution nigérienne prévoit que «L'Assemblée nationale peut demander à la Cour des comptes de mener toutes
enquêtes et études se rapportant à l'exécution des recettes et des dépenses publiques». (Const. Bénin : art. 113, al.2 ; Const. Niger :
art. 94, al.2).
1342 Lafréquence dépend du côté où se situe la majorité parlementaire. Lorsqu’elle soutient le gouvernement, le contrôle
de l’action gouvernementale devient dynamique. Quand c’est le contraire, il devient irrégulier soit parce qu’il n’est pas
mis en œuvre soit parce qu’une suite favorable n’est pas réservée aux initiatives prises dans ce sens, souvent par
l’opposition minoritaire.

1343Résolution n° R. 2013-03/AN/PT portant création de la Commission parlementaire d’information, d’enquête et


de contrôle relative à la gestion du Fonds d’Appui au Développement des Communes (FADeC) et décision n° P.2013-
014/AN/PT du 16 juillet 2013.

262
doit-on conclure, comme CARCASONNE, que «ce qui manque à l’Assemblée Nationale, ce ne
sont pas les pouvoirs, mais les députés pour les exercer»1344 ou au contraire y voir la conséquence
d’un manque de moyens ? Les tentatives d’explication ne devraient pas être limitées à la
volonté des parlementaires ou au rapport des forces en présence. La portée des moyens du
contrôle doit également être évoquée.

A ce sujet, les Pr AKINDES et TOPANOU avaient relevé que les rédacteurs de la


constitution béninoise de 1990, s’inspirant de l’histoire politique du Bénin, ont plutôt
institué des «contre poids» et non de véritables contre-pouvoirs. Cette option permet d’éviter
à l’action gouvernementale des perturbations susceptibles de créer une instabilité politique,
somme toute handicapante1345. Tout en prévoyant au profit du parlement, un pouvoir de
contrôle dont l’objet est de limiter «les risques potentiels d’un présidentialisme», le constituant a
aménagé des mécanismes au terme desquels «l'Exécutif finit toujours par l'emporter»1346. Ce qui
n’équivaut pas à conclure d’office à l’inefficacité du contrôle parlementaire souvent porté
par l’opposition qui y a plus intérêt1347. Du coup, l’efficacité du contrôle de l’action
gouvernementale par le parlement dépend des droits garantis à l’opposition parlementaire
quels que soient l’effectif de députés qui la constituent ou leur positionnement au sein des
instances qui arrêtent les ordres du jour des sessions. En ce sens, l’accès aux différents
moyens de contrôle par les députés ou leurs groupes parlementaires est déterminant1348.

1344 CARCASONNE G., Préface au livre L’argent caché de l’Elysée, Paris, Seuil, 2007.
1345Comme ce fut le cas avec le régime parlementaire adopté et mise en œuvre par le Niger entre 1993 et 1996. En
effet, le 27 janvier 1996, après une longue crise entre le Chef de l’Etat Mahamane Ousmane et le Premier Ministre
Hama Amadou issu de l’opposition, l’armée a repris le pouvoir, mettant fin à cette expérience de cohabitation qui avait
bloqué le fonctionnement régulier de l’Etat (non tenue des Conseils de Ministres, annulation par le Chef de l’Etat de
nominations prononcées par le Chef du Gouvernement, etc.). Certes, la crise ne résulte pas de la mise en œuvre du
contrôle parlementaire. Elle révèle les risques d’un équilibre des forces entre pouvoir et contre-pouvoir.
1346
AKINDES F., TOPANOU., Le contrôle parlementaire de l’action gouvernementale au Bénin. Une lecture sociologique, Institut
de recherche des Nations Unies pour le développement social, Document du programme n°18, Genève, 2005, pp. 9-
11.
1347
JEZE G., «Les libertés individuelles», AIIDP, 1929, p. 179 : «L’expérience de tous les peuples a montré que ce moyen de
défense politique [le contrôle parlementaire sur le gouvernement] était à peu près dénué de valeur pratique. Il n’est ni facile, ni rapide, ni
efficace» ; HOUNKPE M., «Statut de l’opposition : le contrôle parlementaire de l’action gouvernementale», dans La
Croix du Bénin du 15 janvier 2009 a écrit : «…c’est de l’intérêt de l’opposition, qui doit normalement se positionner en alternative…,
que le peuple soit informé des insuffisances de ceux qui gèrent le pouvoir Exécutif». V. aussi, JAN P., «Les oppositions», Pouvoirs,
n°108, 2004, pp. 23-43 ; PIMENTEL C-M, «L’opposition ou le procès symbolique du pouvoir», Pouvoirs, n°108, 2004,
pp. 45-61.
1348
Les points d’attention sont par exemple la programmation (ordre du jour des travaux en commissions et sessions
plénières) les conditions et modalités de mise en place de commissions d’information/enquête, les délais (enrôlement,

263
Quelle que soit la configuration politique des parlements, l’objectif devrait être de permettre
l’éclosion et l’expression d’opinions divergentes, de critiques et d’alternatives1349.

L’évaluation législative a pour but d’analyser la mise en œuvre d’une législation 1350.
L’exercice devrait permettre d’apprécier les performances de l’ordre juridique et par
conséquent d’ «évaluer scientifiquement la fréquence des situations qui correspondent ou ne correspondent
pas au modèle posé par la norme juridique»1351. La norme juridique doit être perçue comme un
moyen d’atteindre un but1352. Sous cet angle, l’évaluation permettrait d’établir si les moyens
choisis sont en adéquation avec les fins poursuivies1353. L’évaluation est devenue si
importante dans l’amélioration de la qualité de la production législative que certains pays en
sont arrivés à en faire une exigence légale ou constitutionnelle1354. De la lecture combinée
de certaines dispositions pertinentes du droit béninois de la décentralisation, il ressort
qu’une évaluation était prescrite pour se dérouler après cinq (5) ans de mise en œuvre 1355.
Un tel exercice est a priori informatif et ne devrait pas déboucher sur une sanction

réaction de l’exécutif, dépôt et examen de rapports, etc.), la disponibilité d’expertise et de capacités d’analyse au sein
du parlement, etc.

1349V. à ce sujet, les propositions de Mathias HOUNKPE dans La Croix du Bénin du 15 janvier 2009, rubrique Res
publica titrée «Statut de l’opposition : le contrôle parlementaire de l’action gouvernementale» ; AVRIL P., «Statut de
l’opposition, un feuilleton inachevé?», Les petites affiches, n°254, 2008 ; DELCAMP A., «La perception du contrôle
parlementaire. Comment le rendre plus attractif ?», Pouvoirs, n°134, 2010, pp. 109-122.

1350L’évaluation en matière législative est sous-tendue par l’hypothèse de l’existence d’un fossé entre le droit écrit et le
droit en action. En effet, la loi remplit une fonction de régulation. Elle crée un espace d’action pour lequel elle définit
les acteurs, attribue des compétences, détermine des procédures, prescrit des comportements, etc. Dans la plupart des
cas, elle exprime une injonction positive ou négative. Comme telle, elle ne constitue qu’une préfiguration, une
représentation de ce qui devrait se produire dans la réalité. Son évaluation permet de déterminer dans quelles mesures
les menaces au bon fonctionnement de cet espace d’action qu’elle a créé ont été maintenues sous contrôle.

1351 PERRIN J.-F., Introduction à la sociologie empirique du droit, Genève, Travaux du CETEL n°29, 1987, p. 29.

C’est d’ailleurs ce qui justifie, dans la pratique législative, l’élaboration pour chaque loi à examiner d’un exposé des
1352

motifs qui situe le contexte et la fin poursuivie.

1353 Le décret français n°90-82 du 22 janvier 1990 relatif à l’évaluation des politiques publiques qui s’inscrit dans cette
dynamique en précise l’objet : «rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en œuvre permettent de produire les
effets attendus et d’atteindre les objectifs assignés».

1354 C’est le cas de la Suisse. L'article 170 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 prévoit que «l'Assemblée fédérale
veille à ce que l'efficacité des mesures prises par la Confédération fasse l'objet d'une évaluation».

Const. art. 150, Loi n°97-029, art. 7, 8, 186 et 187. Celle-ci ne saurait se borner à la seule dimension juridique.
1355

Entre autres aspects importants, figure les politiques publiques dont le droit assure la mise en œuvre.

264
punitive1356. Il consiste en une analyse rétrospective conduite suivant une méthodologie
presque consacrée, étayée par des chiffres, actes et faits objectivement vérifiables. Ainsi
comprise, l’intervention parlementaire devrait être mieux acceptée. L’élargissement du
champ de compétence des parlements à l’évaluation des politiques publiques conforte ce
postulat1357. La mollesse de l’activité parlementaire dans le domaine de l’administration
territoriale suscite des doutes sur sa volonté d’y faire évoluer les textes et les pratiques 1358.

2. L’inadéquation du suivi et du contrôle internes

De façon générale, trois types de contrôle interne peuvent être relevés dans l’administration
publique1359. Le contrôle hiérarchique est «celui qui est exercé par le supérieur hiérarchique sur les
actes de ses subordonnées»1360. Quant à l’inspection, elle désigne l’action d’examiner avec
attention ce que l’on a la fonction de surveiller. Si ces deux modalités sont bien implantées
dans l’administration, le concept de suivi ne jouit pas de la magnificence qu’il requiert. Le
suivi se définit comme «une vérification persévérante et vigilante impliquant pour celui qui en est chargé,
la mission de surveiller le déroulement d’une opération et de veiller à l’accomplissement des actes qui en
assurent la bonne fin»1361. Il s’agit d’une opération continue qui tend à éviter toute errance dans
l’action. Pour être efficace, il nécessite permanence et proximité. L’exécutif béninois ne
prévoit ou n’impose pas de prévoir, au sein des ministères, une structure de suivi de la mise
en œuvre de la décentralisation et de la déconcentration1362. Il reste à vérifier si les ministères

1356Décision 581 DC du 25 juin 2009, Règlement de l’Assemblée Nationale du Conseil Constitutionnel français. Une telle
évaluation qui diffère du contrôle parlementaire classique susceptible de mettre en jeu la responsabilité de l’exécutif,
peut aboutir à une relecture des textes ou à une révision de politiques.

1357 En France par exemple, le comité Balladur a recommandé qu’une révision constitutionnelle définisse «les voies et
moyens d’un contrôle parlementaire digne d’une démocratie moderne». La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 est allée
dans ce sens en adoptant une nouvelle formulation à l’article 24 : «Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement.
Il évalue les politiques publiques».

1358La mise en œuvre de la décentralisation est un important sujet du débat politique en France. Chaque année, des
rapports de mission d’information sur différents aspects des libertés locales sont rendus au niveau deux chambres
constitutives du pouvoir législatif.

1359 Le contrôle hiérarchique, l’inspection et le contrôle financier.

1360 CORNU G., op. cit., 264.


1361 CORNU G., op. cit., p. 989.

1362 Bénin : Décret n °2012-191 du 03 juillet 2012 fixant la structure type des ministères.

265
et autres nombreuses structures impliqués dans la réforme de l’Etat ou les organes
d’inspection existants sont susceptibles de remplir efficacement ce mandat1363.

Au niveau gouvernemental, le dispositif de suivi de la réforme décentralisatrice ressemble


bien à un «capharnaüm»1364 institutionnel pendant qu’au niveau des administrations centrales
sectorielles, c’est pratiquement le désert1365. L’IGAA n’est plus une inspection à
compétence nationale. Le Décret n° 2006-699 définissant le cadre général des attributions,
de l’organisation et du fonctionnement des Inspections Générales des Ministères dispose
qu’elles ont pour mission «d’assister le Ministre dans son rôle de contrôle du fonctionnement régulier et
des performances des structures du ministère» (art. 3 et 4). Ces attributions couvrent les volets
technique, administratif et financier. Si les deux derniers volets sont théoriquement
couverts, il est par contre rare de diligenter des contrôles de performance1366.

L’IGSEP est dédiée à la fonction publique et l’IGF est focalisée sur les finances publiques.
Quant au Comité Interministériel de Pilotage de la PONADEC, au moins deux réserves
peuvent être portées1367. D’abord, une telle tâche confiée à un comité qui ne dispose pas de
relais opérationnels au sein des ministères sectoriels ne peut être efficacement accomplie.
Ensuite, le dispositif relève plus de l’action que du contrôle. Il ne permet pas d’apprécier
les performances ainsi que le requiert la gestion axée sur les résultats promue par le nouveau

1363Bénin : le Décret n°2006-627 du 04 décembre 2006 portant réorganisation des organes de contrôle et d’inspection
de l’Administration publique en République du Bénin a institué deux catégories d’organe d’inspection : les inspections
à compétence nationale et les inspections à compétence sectorielle (inspections générale de ministère et inspections de
services des administrations financières).
1364Au nombre des nombreuses structures qui en sont chargées, figurent 1° le ministère en charge de l’administration
territoriale (Décret n°2007-448 du 02 octobre 2007, art. 1er, 42) ; 2° le ministère de la réforme administrative et
institutionnelle (Décret n°2006-618 du 23 novembre 2006 art. 2) ; 3° le comité interministériel de pilotage de la
politique nationale (Décret n°2012-133 du 07 juin 2012, art.3).

1365 Au terme du Décret n° 91-288 du 23 décembre 1991 portant création, attributions, organisation et fonctionnement
de l’Inspection Générale des Affaires Administratives, celle-ci, placée sous l’autorité du ministère en charge de
l’administration territoriale, «exerce une action permanente de contrôle et d’inspection sur la gestion administrative, technique, financière
et comptable des circonscriptions administratives, des collectivités territoriales décentralisées, des Services Centraux et des Etablissements
Publics relevant du Ministère». Le Décret n°2006-627 du 04 décembre 2006 portant réorganisation des organes de contrôle
et d’inspection de l’Administration publique en République du Bénin dispose que des contrôles administratifs externes
peuvent être effectués par des organes à compétence nationale (art.3) dont «les activités s’étendent à tous les services publics et
aux structures autonomes sous tutelle de tous les ministères et Institutions de l’Etat» (art.6). Sont ici visées, les inspections d’Etat,
des finances, des services et emplois publics (art.7).
1366 Bénin : Décret n°2006-699, art. 4.

1367Il est chargé, entre autres, de «suivre et évaluer la mise en œuvre de la PONADEC» et de faire le point de l’état
d’avancement de la Décentralisation et de la Déconcentration au Conseil des Ministres une fois par trimestre. V. Décret
n°2012-133 du 07 juin 2012 portant création, attributions, organisation et fonctionnement du CIP.

266
management public1368. Au Niger, le HCME est chargé du suivi des réformes de l’Etat et
des collectivités territoriales1369. Ici aussi, les réalisations ne sont pas très élogieuses. En
outre, l’Observatoire National de la Décentralisation et des Collectivités Territoriales créé
par le code des collectivités territoriales n’est pas encore opérationnel1370. Alors que les
contrôles politique et administratif étalent leurs limites, le contrôle juridictionnel est le seul
qui devrait présenter des «garanties sérieuses»1371.

B. Des contrôles juridictionnels peu efficaces

La libre administration étant prescrite par la loi fondamentale, le juge constitutionnel devrait
en assurer la garantie (1). Mise en œuvre dans les conditions prévues par la loi, elle relève
aussi de la justice administrative dont l’accessibilité demeure limitée (2).

1. Un contrôle de constitutionnalité infléchi

Le contrôle de la constitutionnalité de la loi par le juge constitutionnel ne souffre d’aucune


ambiguïté1372. Une telle affirmation paraît être discutable en ce qui concerne les actes
administratifs. Tout en convenant avec le Pr MOUDOUDOU que «La justice constitutionnelle
n’est pas, par principe, chargée de contrôler la constitutionnalité des actes administratifs»1373, il sied de
noter que les juges constitutionnels béninois et nigérien sont dotés de larges pouvoirs1374

1368Le nouveau management public vise à intégrer dans la pratique administrative les standards d’économie, d’efficacité
et d’efficience qui gouvernent le secteur privé. L’Etat voulu, c’est un Etat-organisateur, un Etat-stratège. V. BARTOLI
A., Le management des organisations publiques, Paris, Dunod, 4è ed. 2015, pp. 111-181.

1369 Décret n°361/PRN/PM du 30 décembre 2005, art 3, 2ème tiret : «Elaborer et assurer le suivi de la mise en œuvre des
mesures de réforme visant à renforcer les capacités institutionnelles et organisationnelles de l'Etat et des collectivités territoriales ; 7ème
tiret : «Proposer et suivre la mise en œuvre des transferts de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales pour d'éventuelles corrections
des textes, des processus et des procédures» ; 12ème tiret : «Suivre et évaluer la mise en œuvre de la décentralisation et de la déconcentration».
1370 Ord. n°2010-54, art. 19.

1371 JEZE Gaston, Les principes généraux du droit administratif, T. 1, Dalloz, 2005, p. 340.
1372Const. Bénin, art. 114 : «Elle [La Cour constitutionnelle] est juge de la constitutionnalité de la loi» ; Const. Niger, art. 120 :
«Elle est chargée de statuer sur la constitutionnalité des lois».

MOUDOUDOU P., «Réflexions sur le contrôle des actes de l’exécutif par le juge constitutionnel africain : cas du
1373

Bénin et du Gabon», Jus politicum, n°13, 2014, p.4.

1374 Bénin, Const. du 11 décembre 1990, art. 114 : «La Cour constitutionnelle est la plus haute juridiction de l'Etat en matière
constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés
publiques. Elle est l'organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l'activité des pouvoirs publics» ; Niger, Const. du 25
novembre 2010, art. 126 : «La Cour constitutionnelle est compétente pour statuer sur toute question d'interprétation et d'application de
la Constitution».

267
dont la finalité est d’assurer «la suprématie juridique de la constitution»1375 dans l’unité de l’ordre
juridique1376. La doctrine fait un large échos de cette conception normativiste. Ainsi
VERPAUX entend-il, par contrôle de constitutionnalité, le «contrôle du respect par l’ensemble
des normes juridiques de la constitution»1377. La même acception est défendue par GREWE et
RUIZ-FABRI pour qui, il «consiste à confronter une norme à la Constitution»1378, peu importe le
juge qui l’exerce1379. La finalité est de ne laisser échapper au contrôle du juge constitutionnel
aucun acte susceptible de porter préjudice aux droits et principes que la constitution
consacre1380. En dehors de la loi strito sensu, sont ici concernés, les actes du pouvoir exécutif,
des collectivités locales, des établissements publics ou de toute autre personne publique ou
même de personnes privées gérant des services publics1381. Sont visés, tous les actes
juridiques1382. La liste est donc particulièrement longue1383.

1375BADET G., Les attributions originales de la Cour Constitutionnelle du Bénin, Cotonou, Friedrich Ebert Stiftung, 2013, p.
19. ; FAVOREU L., «Justice constitutionnelle», in Olivier DUHAMEL, Yves MENY (dir.), Dictionnaire constitutionnel,
Paris, PUF, 1992, p. 556 et 557 ; KELSEN H., «La garantie juridictionnelle de la Constitution (La justice
constitutionnelle)», RDP, 1928, n°35, p. 198.

1376 Tout au long de la IIIème République en France, il était exclu que le juge administratif se réfère à la norme
constitutionnelle en vue d’y soumettre l’action administrative. C’est ce qui explique que le Conseil d’Etat ait développé
sa jurisprudence en s’inspirant remarquablement de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cette
séparation va s’estomper dans les années 1990. Le juge administratif peut statuer sur le fondement de normes
constitutionnelles. V. à ce sujet, MERCUZOT B., L'intégration de la jurisprudence constitutionnelle à la jurisprudence
administrative, in Le droit administratif en mutation, Paris, PUF, CURRAP, 1993, p. 175 et s ; FAVOREU L., «Dualité ou
unité de l’ordre juridique : Conseil constitutionnel et Conseil d’État participent-ils de deux ordres juridiques différents
?», in Conseil constitutionnel et Conseil d’État, Colloque de l’Université Paris II, LGDJ, Montchrestien, 1998, p. 145 ; C., 29
mai 1992, Association amicale des professeurs du Muséum national d’histoire naturelle, Rec.855 ; CE, Ass., 10 septembre 1992,
Galland, Rec.342 ; CE, Ass., 30 octobre 1998, Sarran, Levacher et autres, GAJA, 18ème éd., n° 100 ; CE, Ass. 18 déc. 1998,
SARL du parc d’activités de Blotzheim, Rec. 483).

1377 VERPAUX M., La Constitution, Paris, Dalloz, 2008, p. 40.


1378 GREWE C., RUIZ-FABRI H., Droits constitutionnels européens, Paris, PUF, 1995, p.68.

1379 BADET G., op. cit., p. 20. : «Même dans les Etats qui disposent de juridictions spécialisées sur les questions constitutionnelles, il
peut exister d’autres juges, statuant, plus ou moins accessoirement, sur telle ou telle question de conformité à la Constitution ou même de
contrôle de constitutionnalité ». Voir CE, Ass., 30 octobre 1998, Sarran, Levacher et autres, GAJA, 15ème éd., n° 106.

1380Pour Guillaume DRAGO, «La justice constitutionnelle est l’activité de contrôle de la conformité à la constitution des actes qui lui
sont subordonnés ainsi que des actions et décisions des pouvoirs publics qui ont une dimension constitutionnelle». Voir DRAGO G,
Contentieux constitutionnel français, 2ème édition refondue, Paris, PUF, 2006, p.30.

1381OULD BOUBOUTT A. S., «Les actes administratifs unilatéraux des organismes privés gérant un service public
administratif. Encore des propos sur l’arrêt Hechter!», in Mélanges en l’honneur de J.-F. Lachaume, Le droit administratif :
permanences et convergences, Paris, Dalloz, 2007, p. 793.

1382 Compris comme toute «opération juridique consistant en une manifestation de la volonté ayant pour objet et pour effet de produire
une conséquence juridique (établissement d’une règle, modification d’une situation juridique, création d’un droit, etc.)» ; voir CORNU G.,
op. cit., p. 19.

1383En plus des lois, il peut s’agir d’ordonnances, de décrets, d’arrêtés, de circulaires et directives et plus généralement
toutes «les dispositions impératives à caractère général … faisant grief». CE, 29 janvier 1954, Institution Notre-Dame du Kreisker,

268
En disposant ainsi qu’ils l’ont fait, les deux constituants ont créé des cours
constitutionnelles «à la fois juge de la constitutionnalité de la loi et des normes juridiques inférieures»1384.
Or, étant investi de compétences d’attributions, on pourrait croire que certains contentieux
ne ressortissent pas du juge constitutionnel1385. C’est «se faire une fausse idée de celle-ci, car il y a
cohérence entre les contentieux [que sont] : veiller à l’authenticité des manifestations de volonté du peuple
souverain ; vérifier le respect des perceptions constitutionnelles relatives aux répartitions horizontale et
verticale des pouvoirs ; enfin assurer la protection des droits fondamentaux»1386.

Le champ d’intervention du juge constitutionnel embrasse tout acte pris par des autorités
publiques ou privées gérant un service public1387. En effet, il n’est pas automatique qu’un
acte pris en application d’une loi jugée conforme à la constitution le soit aussi. C’est
pourquoi, tout en se défendant de ne pas être le juge de légalité, le juge constitutionnel
béninois a été amené à déclarer contraires à la constitution, des actes pris par le pouvoir
règlementaire1388. La Cour Constitutionnelle nigérienne en a fait de même dans certaines
espèces1389. Quant à protéger la libre administration avec des moyens tirés de l’inapplication
des textes de loi, la haute cour béninoise s’est constamment déclarée incompétente1390. Ces
décisions paraissent curieuses lorsqu’on se réfère aux multiples décisions que le même juge

RDP, 1955, p. 175, note Waline : dans ses conclusions dans l’arrêt, le Commissaire du Gouvernement, M. TRICOT,
disait que «la circulaire est un pavillon qui peut recouvrir toutes sortes de marchandises : ordres du jour, conseil, recommandations, directives
d’organisation et de fonctionnement, règles de droit…» ; CE, 18 décembre 2002, Mme Duvignères, Rec. 463, GAJA, n° 112. En
l’espèce le juge a considéré que «les dispositions impératives à caractère général d’une circulaire ou d’une instruction doivent être
regardées comme faisant grief».
1384 HOLO Th., «Préface», in BADET G., Les attributions originales de la Cour Constitutionnelle du Bénin, op. cit., p. 10.

1385 DELVOLVE P., Droit administratif, Paris, Dalloz, 1998, 2e éd., p. 91. : «Le seul ordre de juridiction dont la compétence soit
clairement déterminée est le juge constitutionnel, grâce aux dispositions de la constitution».

1386 FAVOREU L., P. GAÏA et al., Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 1998, p. 245.

ONDOUA J. Z., «La répartition du contentieux des actes juridiques entre les juges constitutionnel et administratif
1387

au Gabon», Afrique Juridique et Politique, vol. 3, n° 1 et 2, Janvier-Décembre 2008, p. 93.

V. les décisions DCC 96-049 du 12 août 1996 et DCC 03-008 du février 2003 ; Décision DCC 95-047 du 28 mars
1388

1995 ; Décision DCC 96-025 du 2 mai 1996 ; DCC 03-90 du 28 mai 2003.

1389 Arrêt n° 04/CC/ME du 12 juin 2009 ; Arrêt n°2002-16/CC du 06 septembre 2002.

Décision DCC 05-108 du 06 septembre 2005, Rec. pp. 221-223 (contrôler de la constitutionnalité du «non transfert
1390

de compétences et de ressources aux communes» par le gouvernement) ; DCC 13-105 du 03 septembre 2013 (pour
apprécier les conditions d’application de l’Arrêté préfectoral n° 2/406/DEP-ATL-LIT/SG/SPAT du 19 décembre
2012 qui s’ingèrerait dans la gestion d’affaires domaniales).

269
a prises afin que le principe de transfert des ressources soit légalement affirmé1391. A défaut
de se fonder sur l’article 151 relatif à la libre administration, la haute juridiction aurait pu
recourir à d’autres dispositions constitutionnelles ou même au préambule1392. C’est une telle
technique que le juge constitutionnel gabonais utilise pour exercer son contrôle sur les actes
de l’exécutif1393. Elle fait primer le fond sur la forme, tendant vers le perfectionnement, au
sens où l’entendent Georges VEDEL et Francis WODIE1394.

Au Niger, plusieurs dispositions législatives, jugées non conformes à la constitution pour


leur atteinte à la libre administration, ont été réintroduites dans l’Ordonnance n° 2010-54.
Par exemple, la Cour constitutionnelle avait jugé que le mandat des élus ne peut être «prorogé
par décret»1395. Elle avait aussi indiqué que toutes mesures pouvant s’analyser en sanctions
ou en restrictions, et donc de nature à affecter la libre administration des collectivités
territoriales, relèvent de la loi1396. Sur ces questions, l’ordonnance susvisée renvoie à un
décret pris en conseil des ministres ou un arrêté1397. L’action protectrice de la juridiction
constitutionnelle en matière de libre administration paraît être d’une portée limitée. Elle
demeure, toutefois, plus visible que celle du juge administratif.

1391 Bénin : Décisions DCC 98-036 des 13,31 mars et 8 avril 1998, DCC 98-080 des 07, 14 et 20 octobre 1998.

1392Par exemple, art. 35 : «Les citoyens chargés d'une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de l'accomplir avec
conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans l'intérêt et le respect du bien commun» ; art. 114 : «…Elle est l'organe régulateur
du fonctionnement des institutions et de l'activité des pouvoirs publics». D’ailleurs, DRAGO G. notait à juste titre que «le champ
d’application du contrôle de conformité à la constitution ne connaît pas d’autres bornes que celles que le [juge constitutionnel] définit lui-
même» ; Voir «Le contentieux constitutionnel des lois, contentieux d’ordre public par nature», in Mélanges en l’honneur de
Roland Drago, L’unité du droit, Paris, Economica, 1996, p. 10.
1393Décision n° 2/93/CC du 28 janvier 1993, Rec. des décisions et avis, 1992-1995, p. 93 ; Décision n° 6/94/CC du 15
septembre 1994, Rec. des décisions et avis, 1992-1995, p. 217.

1394 VEDEL G., Droit administratif, Paris, PUF, Coll. «Thémis», 1980, p. 110 : «C’est dans les droits primitifs que l’on centre
l’attention sur le point de savoir quel juge sera saisi (...). Un droit perfectionné attache plus d’importance au fond des litiges qu’aux
complications de compétence» ; WODIE F., «Le Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire», Les Nouveaux Cahiers du Conseil
constitutionnel, 2013, n° 40, p. 141 : «Rapportée à la suprématie de la constitution, la question des actes soumis au contrôle de
constitutionnalité paraît quelque peu artificielle, en ce qu’elle devrait concerner tous les actes au sein de l’État».

1395 Arrêt n° 04/08/CC/MC du 22 juillet 2008 : «la détermination du mandat des conseillers est du domaine de la loi organique»
versus Ord. 2010-54, art. 23 : «Le conseil municipal est l’organe délibérant de la commune. La durée de son mandat est de cinq (5)
ans. En cas de nécessité, il peut être prorogé de six (6) mois au plus, par décret pris en Conseil des ministres».

1396 Arrêt n° 05/08/CC/MC du 30 juillet 2008.


1397 art. 73 : «Un arrêté du Ministre chargé de la tutelle des collectivités territoriales détermine la nature et les limites de ces missions» ; art.
95 : «Les conditions de nomination, les attributions et les avantages du secrétaire général sont fixés par décret pris en Conseil des ministres» ;
art. 164 : «Chaque domaine de compétence cité à l’article précédent fait l’objet de décret de transfert pris en Conseil des Ministres sur
proposition du ministre en charge de la tutelle des collectivités territoriales en rapport avec les ministères sectoriels».

270
2. Une justice administrative inaudible

Sans surprise, les constitutions ouest africaines des années 1990 sont marquées par une
certaine prudence dans la dévolution des pouvoirs. Les pouvoirs exécutifs sont justiciables
devant la juridiction administrative. Depuis lors, des mesures de renforcement de
l’indépendance et de la réorganisation du système judiciaire ont été prescrites. Toutefois, la
timidité de leur mise en œuvre ne facilite pas l’accès du citoyen au juge de
l’administration1398. Au plan organisationnel, la carte judiciaire du Bénin a été revue en
profondeur1399. Elle a pris en compte l’existence des collectivités territoriales et le nouveau
découpage territorial. La loi donne compétence aux tribunaux de première instance en
matière administrative. Elle crée des chambres administratives et des comptes au niveau
des cours d’appel1400. Depuis lors, de nouveaux tribunaux et cours d’appel ont été mis en
service mais sans les nouvelles chambres administratives et des chambres des comptes non
encore installées. La Cour Suprême demeure compétente en vertu des dispositions
transitoires prévues par le législateur1401.

Plus de dix (10) ans après l’adoption de la Loi n°2001-37 du 27 août 2001 portant organisation
judiciaire en République du Bénin, la nouvelle carte judiciaire n’est que très partiellement
déployée. Le peu d’enthousiasme de l’administration pourrait s’expliquer. Elle est la
principale justiciable devant lesdites chambres. Ce qui paraît plus surprenant, c’est qu’aucun
acteur intéressé n’aie saisi une juridiction à ce sujet. A supposer qu’elles aient été en place,
il reste à apprécier le respect de leurs décisions.

1398La notion d’accès à la justice, bien que comportant plusieurs dimensions, peut être résumée comme étant «le passage
d’un état formel à un état réel du droit de voir sa cause entendue par les cours et les tribunaux» (v. ARNAUD A.-J. (dir.), Dictionnaire
encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, Coll. Droit et société, 2ème éd., LGDJ, Paris, 1993, p. 331). Elle comporte
au moins deux aspects liés : l’accès au juge et l’accès au droit, le premier étant le moyen d'atteindre le second (v.
GUINCHARD S., L’impartialité du juge et de l’arbitre-Etude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p.199). PORTALIS
exprime son importance par la célèbre formule «la Justice est la première dette de la Souveraineté» (PORTALIS J.-E-M.,
Discours préliminaire du premier projet de code civil prononcé le 21 janvier 1801). Plusieurs instruments internationaux et s
constitutions reconnaissent l’accès à la justice comme un droit fondamental (v. Déclaration Universelle des Droits
l’Homme du 10 décembre 1948 (art. 8) ; Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ; Const. Bénin : art. 17 ; Const. Niger : art. 20).

1399 Loi n°2001-37 du 27 août 2001 portant organisation judiciaire en République du Bénin.
1400 Loi n°2001-37, art. 21, 36, 49, 59, 61.

1401 Loi n°2001-37, art. 84.

271
La Loi n° 2004-20 du 17 août 2007 fixant les règles de procédures applicables devant les
formations juridictionnelles de la Cour Suprême béninoise prévoit des moyens de
contrainte de l’administration, notamment sous forme d’astreintes et d’amendes1402 à verser
au trésor public, c’est-à-dire entre les mains de l’administration qui peut être en même temps
opposée à l’exécution de la décision ; ce qui limite la portée réelle de cette condamnation et
de l’effet dissuasif qu’une condamnation pourrait avoir sur le comportement de
l’administration.

Au Niger, la mise en œuvre partielle de la Loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant
l’organisation et la compétence des juridictions n’a pas amélioré significativement l’accès à
la justice. En dehors des facteurs classiques qui portent atteinte aux garanties
d’indépendance et d’impartialité1403, des contraintes particulières, d’ordre géographique,
réduisent l’accès à la justice. Il y a le contraste entre le nombre de juridictions et l’immensité
de l’étendue du territoire1404. La concentration des juridictions dans les grands centres prive
des citoyens de leur droit à la justice. Quelques statistiques en portent témoignage1405. Les
allocations en faveur de la justice représentent moins de 1% du budget national. Ces
insuffisances ont généré d’importants dysfonctionnements relevés par les Etats
généraux1406. Il n’est pas exagéré de conclure que l’accès à la justice administrative reste
encore très problématique1407.

1402 Loi n° 2004-20, art. 23 et 126.


1403V. à ce sujet, FALL A. B., «Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place
du juge dans les systèmes politiques en Afrique» disponible via http://afrilex.u-bordeaux4.fr/le-juge-le-justiciable-et-
les.html.
1404On dénombre au total trente (30) tribunaux d’instance (T.I.) sur les trente-six (36) départements et 10 Tribunaux
de Grande Instance (T.G.I.) répartis entre les huit (8) régions, deux (2) Cours d’Appel (Niamey et Zinder) et les
juridictions de dernier ressort (Cour Suprême, Conseil d’Etat, Cour des Comptes) siégeant à Niamey.

Le nombre d’affaires entrées à la chambre administrative de la Cour Suprême en 2008-2009 était de seulement 84.
1405

A défaut des chiffres spécifiques en ce qui concerne les juridictions administratives, les données d’ensemble sont
expressives. En 2009, il y avait seulement 284 magistrats soit un ratio d’environ un magistrat pour 51 732 habitants.
Ce chiffre est passé à 360 pour un ratio de 1 magistrat pour 41 667 habitants en 2012 (la norme prescrite par les
Nations-Unies est de 1 magistrat pour 20 000 habitants)

1406Au nombre desquels figure la non installation de la plupart des juridictions spécialisées et des chambres prévues
par la loi sur l’organisation judiciaire (v. Ministère de la Justice, op. cit., p. 15).

1407BALLA KALTO A., «La problématique de l’accès à la justice au Niger», p. 1. (voir Afrilex http://afrilex.u-
bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/ThA_me_corrigA_c_la_problA_c_matique_de_laEUR_accA_s_A_la_justice_
au_Niger.pdf)

272
CONCLUSION DU CHAPITRE II

Les administrations centrales ne paraissent pas enthousiastes pour déléguer, sur la base des
besoins d’efficacité de l’action publique, leurs attributions à leurs services déconcentrés. En
2012, seulement 2 % des crédits de l’Etat ont été délégués aux administrations
déconcentrées. Les profils et les effectifs n’ont pas été adaptés. La libre gestion par les
collectivités de leurs ressources humaines est en attente de l’adoption par les parlements
d’un statut pour la fonction publique territoriale. Les dispositions du projet en discussion
au parlement béninois présentent une inclination plutôt centralisatrice.

En tant que principe constitutionnel, la libre administration mérite une veille. Dans certains
pays comme la France, elle est assurée par le Sénat qui représente les collectivités
territoriales au sein de l’organe législatif. Le Niger a prévu1408 un Observatoire National de
la Décentralisation et des Collectivités Territoriales dont les modalités de fonctionnement
seront définies par un décret non encore pris. Le Bénin ne prévoit ni Sénat ni dispositif à
composition mixte -Etat et collectivités territoriales- de suivi de la mise en œuvre de la
décentralisation. Dans un cas comme dans l’autre, le succès des réformes dépendra de la
garantie du respect des textes. Tel est l’office du juge dont l’audace en matière de protection
des libertés locales mérite d’être réarmé.

1408 Ord. 2010-54, art. 19.

273
CONCLUSION DU TITRE I

Toute modernisation est dépendante du contexte. Aucune transformation véritable ne peut


advenir tant que la réforme qui la porte n’intègre les contingences de son environnement.
Les succès encore limités qu’enregistre la réforme décentralisatrice au Bénin et au Niger en
constituent une preuve probante. L’environnement institutionnel est souvent négligé dans
l’appréciation des blocages à l’effectivité de la réforme décentralisatrice. Dans les deux
Etats, il y demeure crucial. Au nombre des déterminants dudit environnement figurent en
bonne place le cadre de sélection, de mobilisation et de gestion des ressources humaines.
En ce domaine, la libre administration-autonomie est encore une perspective et son
effectivité dépendra des marges qui seront offertes aux employeurs territoriaux sans
toutefois les soustraire des liens des principes fondamentaux qui encadrent le service public.

Il est aussi évident qu’une autonomie locale, aussi large soit-elle, ne produirait ses effets
escomptés que si l’administration d’Etat au sein de laquelle elle se déploie et avec laquelle
elle interagit la comprend et l’accepte comme une modalité pour mieux satisfaire l’intérêt
général. La libre administration doit être construite sur le couplage déconcentration-
décentralisation. Au-delà du pouvoir exécutif, l’internalisation du concept et de ses
implications par les autres institutions de la république n’est pas moins importante. Le
contrôle parlementaire de l’action gouvernementale et le contrôle juridictionnel de l’action
administrative s’en trouveront renforcés. Un tel renouvellement conceptuel de l’action
publique impactera assurément les pouvoirs financiers des collectivités territoriales.

274
Titre II : La prégnance de la dépendance financière
Point n’est besoin de passer en revue toutes les définitions proposées de l’autonomie
financière pour conclure qu’elles mettent en évidence au moins trois aspects
complémentaires que sont les ressources, les emplois et l’équilibre entre les deux.
L’autonomie financière implique l’existence de marges suffisantes d’action en matière
budgétaire et de gestion1409.

La doctrine et la jurisprudence dominantes font de l’autonomie financière une condition


essentielle de la libre administration. Les législateurs béninois et nigérien affirment
l’autonomie financière des collectivités1410. Mais il est illusoire d’envisager des situations
idéales dans la mise en œuvre de ladite autonomie1411. La différence réside dans les degrés
atteints. Ainsi que le relève GUENGANT, l'autonomie financière ne relève pas du «tout ou
rien» mais du «plus ou moins»1412.

Le contrôle de l’Etat sur les finances locales est un corollaire de la décentralisation. Ce n’est
donc pas le principe qui sera interrogé mais son ampleur. Sous cette réserve, peut-on
démontrer que les habilitations proclamées par les textes de loi renferment effectivement
une véritable autonomie qui autorise la collectivité territoriale à librement mobiliser et
allouer une part déterminante de ses ressources pour couvrir ses charges légales ? Pour y
répondre, il est essentiel d’examiner l’étroitesse des pouvoirs de décision de la collectivité
en matière de mobilisation de ressources (chapitre 1) et d’apprécier les marges de manœuvre
dont elle dispose quant à l’exécution de ses dépenses (chapitre 2).

1409 Le législateur béninois établit un lien de causalité entre mise en œuvre des compétences, budget propre et
autonomie financière. V. Loi n°98-007 du 15 janvier 1997 portant régime financier des communes en République du
Bénin, art. 2 : «Pour la mise en œuvre de son autonomie financière et l'accomplissement de sa mission de développement, la commune est
dotée d'un budget propre».
1410 Bénin : Loi n°97-029, art. 1er ; Loi n°98-007, art. 1er ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 3, al. 2.

1411En effet, dans les décentralisations les plus formelles, il ne peut être établi une indépendance financière entière des
collectivités territoriales de même qu’il a toujours existé, même dans les systèmes les plus centralisés, des prérogatives
financières assumées localement.

GUENGANT A., UHALDEBORDE J.-M., «Economie et finances locales», Annuaire des collectivités locales, T. 23,
1412

2003. pp. 425-449.

275
CHAPITRE I : LA MAINMISE DE L’ETAT SUR LES RESSOUCES
LOCALES
Il est une évidence que disposer d’un réel pouvoir de décision implique d’avoir à sa portée,
les moyens, notamment financiers, devant permettre de concrétiser les décisions prises1413.
Perçue sous l’angle des ressources, l’autonomie financière suppose d’avoir une certaine
prise sur les origines, les montants des ressources et leur répartition entre ces différentes
sources. Si elle doit exister, cette maîtrise des ressources doit avoir été affirmée et garantie
par le constituant ou le législateur1414. Du BOIS de GAUDUSSON avait prévenu qu’en
l’absence d’une telle garantie, «la décentralisation risque de n’être qu’un transfert d’obligations…»1415.
Une telle protection requiert une répartition précise des ressources entre les niveaux
national et local, proportionnellement aux compétences attribuées. Or, la question de la
proportionnalité n’a pas bénéficié de l’attention due de la part des législateurs. En la matière,
le mode de détermination des ressources paraît inadéquat (Section 1). Au lieu de doter les
collectivités d’un pouvoir fiscal leur permettant de mobiliser plus librement leurs
ressources, les textes et les pratiques ont renforcé la prépondérance des transferts financiers
de l’Etat qui, à l’opposé, limitent leur maîtrise de leurs recettes (Section 2).

SECTION 1 : UNE DETERMINATION INAPPROPRIEE

Il est admis que «l'existence de ressources propres suffisantes est un élément indispensable»1416 de la libre
administration. C’est un enjeu critique qui requiert plus que la simple attribution de la
compétence de mobilisation de ressources à la collectivité territoriale (Paragraphe 1). Pour
garantir à l’autorité locale une part suffisante de ressources, le législateur doit fonder sa
répartition des ressources sur une bonne connaissance desdites recettes et de

1413 ADELOUI J., Observations sur la décision DCC 10-144 du 14 décembre 2010, Annuaire béninois de justice
constitutionnelle, I-2013, p. 387.
1414
La préexistence de la personne étatique et son hégémonie à l’intérieur de ses frontières commandent qu’une telle
affirmation fût suffisamment ferme pour soustraire les collectivités territoriales à une trop grande dépendance
financière vis-à-vis de l’Etat central.

du BOIS de GAUDUSSON J., «La décentralisation en Afrique : nouvelles perspectives», Encyclopédia Universalis,
1415

Symposium, 1990, pp. 1631-1636.

1416 PHILIP L., «L'autonomie financière des collectivités territoriales», op. cit., p.2.

276
l’environnement économique et financier dans lequel elles sont appelées à se développer
(Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le pouvoir de mobilisation de ressources

Si l’habilitation juridique constitue un préalable acquis (A), elle ne suffira pas. L’étendue de
son champ d’application n’intègre pas le volume de ressources nécessaire pour exercer les
compétences locales (B).

A. Une habilitation formelle de la collectivité

Les textes de loi font de la collectivité territoriale une autorité budgétaire (1) tout en
l’intégrant à l’architecture financière nationale (2).

1. La compétence de mobilisation de ressources

Pour mettre en œuvre son autonomie financière, la collectivité territoriale a été dotée de
prérogatives d’autorité budgétaire1417. A partir de 2003, quelques préceptes financiers
découlant de la libre administration des collectivités territoriales ont été dégagés par le
constituant français pour constituer des indicateurs pertinents pour apprécier la maîtrise
par les collectivités de leurs ressources. Il s’agit du principe de fixation de l’assiette et des
taux des impositions de toutes natures sur autorisation de la loi, du principe de libre
disposition des ressources, du principe de proportionnalité des recettes propres par rapport
à l’ensemble des recettes, du principe de compensation des transferts de charges mais aussi
des créations et extensions de compétences et enfin du principe de péréquation1418.

Les législations béninoise et nigérienne ont aménagé le principe de la légalité fiscale pour
ouvrir aux collectivités la possibilité de mobiliser des ressources fiscales même si
constitutionnellement, seul le législateur peut créer l’impôt1419. Ainsi, dans les limites du
cadrage législatif, la collectivité territoriale jouit d’une certaine liberté pour fixer des taux

1417 Elle élabore et adopte son propre budget, «l'acte par lequel est prévu et autorisé pour chaque année l’ensemble des ressources et
des charges de la collectivité territoriale». V. Bénin, Loi n°98-007, art. 2 et 3 ; Niger, Ord. n°2010-54, art. 210.
1418 On doit ces principes à l’article 72-2 adoptée après la réforme constitutionnelle de 2003 en France.

1419 Bénin, Const. du 11 décembre 1990, art. 96 et 98 ; Niger, Const. du 25 novembre 2010, art. 90 et 99.

277
d’imposition1420. En ne fixant que des maxima, le législateur a entendu laisser quelques
marges à l’organe délibérant d’adapter les taux d’imposition aux réalités économiques et
financières locales1421. Même s’il ne s’agit pas d’un pouvoir plein, une telle habilitation est
un progrès1422. Au-delà, il faudra appréhender dans quelles mesures les aménagements
législatifs garantissent aux collectivités des ressources propres suffisantes pour garantir leur
autonomie.

A cet égard, la loi offre un large éventail de ressources que la collectivité est susceptible de
mobiliser1423. En outre, la collectivité est habileté à lever des ressources sur le marché
financier1424. Par l’emprunt, la collectivité peut, sur la base de ses performances projetées,
mobiliser des ressources1425. Le législateur nigérien l’autorise même à y effectuer des
placements surtout si l’opération permet une réduction de la pression fiscale1426. La question
demeure le réel pouvoir de décision dont dispose la collectivité dans ces processus. La part
que représentent les ressources propres en donne une idée.

Le vocable ressources propres n’est pas utilisé par les législateurs béninois et nigérien. Un
recours aux textes français auxquels ce terme juridique est emprunté s’impose. L’article 3
de la loi organique française du 29 juillet 2004 modifie le Code général des collectivités

1420 Bénin, Loi n°98-007, art. 8 al. 2 : «Le Conseil communal, par sa délibération, en fixe le taux dans la limite du plafond déterminé
par la loi de finances» ; Niger, Ord. n°2010-54, art. 227 : La loi définit les matières sur lesquelles peuvent porter les impôts et taxes
fiscales propres aux collectivités territoriales. La loi de finances fixe leurs taux maxima. Dans ces limites, le conseil municipal ou le conseil
régional peut créer tout impôt ou toute taxe fiscale».

1421Potentiel fiscal, structure démographique, capacités institutionnelles et organisationnelles, différences de besoins,


inégalité des dotations nationales, préférences politiques, etc.

1422 GUENGANT A., UHALDEBORDE J.-M., «Economie et finances locales», Annuaire des collectivités locales, T. 23,
2003, p. 430 relevaient à cet effet que «le pouvoir de voter les taux d'imposition, généralement considéré comme l'attribut essentiel de
l'autonomie fiscale et par extension financière, ne garantit pas mécaniquement la possibilité de mobiliser suffisamment de ressources pour
offrir un niveau jugé satisfaisant de services publics. Le rendement peut être très insuffisant si par exemple les bases d'imposition sont étroites
ou en régression».
1423Elles proviennent de son fonctionnement ou de ses investissements. Il peut s’agir de ressources fiscales (impôts
directs et indirects, les taxes locales prévues par le code général des impôts, ristournes sur certains impôts d’Etat) ou
non fiscales (redevances perçues sur les prestations de services, les produits du patrimoine et des activités,
subventions).V. Bénin, Loi n°98-007, art. 9 à 15 ; Niger, Ord. n°2010-54, art. 224-240.

1424 Bénin, Loi n°98-007, art. 15 ; Niger, Ord. n°2010-54, art. 238.
1425BIRD R., VAILLANCOURT F., «Décentralisation financière et pays en développement : concepts, mesure et
évaluation», L'Actualité économique, vol. 74, n° 3, 1998, p. 349.

1426 Niger : Ord. n°2010-54, art. 266, al. 2.

278
territoriales et insère un nouvel article L.O. 1114-2 qui dispose que : «Au sens de l'article 72-
2 de la Constitution, les ressources propres des collectivités territoriales sont constituées du produit des
impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle
détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette, des redevances pour services rendus, des
produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs». Cette
clarification ne diffère pas de la définition que fournit le Conseil de l’Europe 1427. Malgré le
silence des législateurs, le concept est fréquemment utilisé dans les finances locales au Bénin
et au Niger. La Commission Nationale des Finances Locales du Bénin en a donné une
définition. Pour ses analyses, elle considère, comme ressources propres, l’ensemble
constitué des «recettes réelles de fonctionnement sans les recettes partagées et les transferts de fonctionnement
reçus»1428. De façon plus précise et plus comptable, il s’agit de l’ensemble des recettes de
fonctionnement de la commune qui proviennent des ressources fiscales et non fiscales liées
au territoire de la commune et dont les autorités locales peuvent avoir la maîtrise1429. Cette
conception est largement partagée par la doctrine1430.

Rapporté à l’ensemble des recettes de fonctionnement des communes béninoises, cet


indicateur a évolué en dents de scie, avant d’amorcer une tendance baissière1431, depuis
2008. Elle demeure toutefois au-delà des 50%. Il s’agit d’une performance moyenne

1427Conseil de l’Europe, «Limites de la fiscalité locale, péréquation financière et méthodes de calcul des dotations»,
Communes et régions d’Europe, n°65, Novembre 1998, p. 7 : «On désigne comme ressources propres d'une collectivité locale les ressources
dont cette collectivité contrôle, dans les limites fixées par la loi, le niveau (…). L'idée de ressources propres évoque ainsi un double élément
d'appartenance de ces ressources à une collectivité, en même temps qu'elle implique l'existence d'une certaine marge de manœuvre».

1428 CONAFIL, Les communes du Bénin en chiffres (2003-2010), 2013, p.4.

1429Elles comprennent les recettes fiscales (enregistrés au compte 71, abstraction faite des éléments du 713
«Reversement et restitution sur impôts et taxes» que nous appelons ici «recettes partagées») et les recettes non fiscales
enregistrés au compte 70 de la nomenclature (v. CONAFIL, op. cit., p. 15). Une telle définition rejoint l’interprétation
qu’en ont les élus locaux et notamment l’Association des Maires de France pour qui «une ressource propre est exclusivement
constituée par une ressource dont l’assemblée délibérante peut faire varier librement le montant, par l’assiette et/ou le taux». v. Maires de
France, n° 177, juin 2004, p. 1.

1430 Pour Sophie BAZIADOLY, «La Charte européenne de l’autonomie locale et l’autonomie financière des
collectivités locales françaises», Revue générale des collectivités territoriales, n° 29, mai-juin 2003, p. 721, les ressources propres
sont celles «dont le montant dépend d’une décision prise par les collectivités locales : elles peuvent les instituer ou non et moduler leur
assiette, elles en fixent le tarif ou le taux». Quant au Pr Jean-Marie PONTIER, «Sur les notions controversées : Ressources
propres, Ensemble de ressources, Part déterminante», Revue administrative, n° 340, 1er juillet 2004, p. 397, «du point de
vue des principes, en effet, on voit mal comment il est possible de considérer un impôt d’Etat comme une ressource propre, sauf à enlever
l’essentiel de son sens à cette expression, tout au moins si l’on se place du point de vue des collectivités territoriales».

1431 64% en 2006, 66% en 2008 et 52% en 2010. v. CONAFIL, ibidem.

279
comparée à d’autres pays de la sous-région1432. La tendance baissière est une préoccupation.
Si elle n’est pas contenue, l’autonomie des collectivités pourrait s’en trouver compromise.

Le principe de compensation1433 des transferts de charges est posé par le législateur qui a
prévu des transferts financiers compensatoires1434. Enfin, les lois prévoient la création de
fonds pour financer le développement équilibré et harmonieux des collectivités, sur la base
d’un système de péréquation 1435. Elle permet de concilier le principe de liberté avec celui
d’égalité1436. Mais il s’agit de promesses législatives dont la réalisation demeure
hypothétique.

2. Le contrôle sur les ressources mobilisées

On ne peut être responsable d’un objet dont on n’a pas la garde. A travers l’unité de caisse
qui oblige les collectivités territoriales à domicilier leurs recettes auprès du comptable de la
collectivité1437, le législateur réduit significativement la portée du pouvoir financier des
organes locaux même si cette mesure offre des avantages à la collectivité. En effet, elle
l’épargne des coûts récurrents d’opération qu’aurait nécessités la mise en place d’un poste
comptable propre et d’autre part, elle lui permet, en cas de tension de trésorerie, de
bénéficier d’avances1438.

Dans le même esprit, le recouvrement des recettes fiscales est assuré par les services
étatiques notamment l’administration fiscale. L’importance relative desdites recettes dans

1432 En 2010, Mali, 46% et Sénégal, 90%.

Dans un Arrêt n° 56946 du 6 juin 1986, Département du Finistère, 1er consid., le Conseil d’État a précisé que la
1433

compensation devait être intégrale.


1434 Bénin : Loi n°98-007, art. 97, 100.

1435 Bénin : Loi n°98-007, art. 56 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 226. La péréquation consiste en une correction des
inégalités de ressources entre des collectivités dont les niveaux de charges obligatoires sont comparables. Il en existe
deux variantes : d’une part la péréquation horizontale qui consiste à prélever sur les ressources des collectivités
territoriales les plus «riches» pour en redistribuer le produit à celles qui sont défavorisées ; d’autre part, la péréquation
verticale à travers laquelle l’Etat alloue aux collectivités des dotations globales et non affectées dont le niveau est
d’autant plus élevé que leurs ressources propres sont faibles.

1436C’est l’un des objectifs que le Décret n°2008-276 du 19 mai 2008 assigne au Fonds d’Appui au Développement
des Communes (art. 2).
1437Il assure cumulativement les fonctions de comptable de la commune et comptable direct du trésor. Voir, Bénin,
Loi n°98-007, art. 35 ; Niger, Ord. n°2010-54, art. 226 et 248.
1438 Bénin : Loi n°98-007, art. 36.

280
les deux perspectives fonde quelques analyses. Vues du côté de l’Etat, les recettes fiscales
locales sont très infimes et n’enregistrent pas régulièrement d’évolutions significatives. En
effet, rapportées à l’ensemble des recettes fiscales, elles n’ont guère dépassé la moyenne de
2% depuis 20031439. Prenant en compte cette modicité de la fiscalité locale, l’option faite
par le législateur d’en confier le recouvrement à l’administration fiscale nationale présente
un avantage économique. Elle évite de faire grever les charges des collectivités territoriales
par la mise en place d’une administration fiscale qui leur soit propre1440.

La diversité des sources de financement est un indicateur pertinent pour apprécier la


consistance du financement local en tant qu’elle permet de réduire sa vulnérabilité. De ce
point de vue, le législateur offre un large éventail de possibilités aux collectivités
territoriales1441. Abstraction faite du rendement et des marges de décision pour chacune de
ces sources, cette diversité peut être saisie comme l’opportunité d’une meilleure maîtrise
des recettes. Mais elle n’est pas suffisante. Un certain niveau devrait être garanti pour assurer
à l’offre de service public local, suffisance, qualité et continuité.

B. L’omission préjudiciable de la part déterminante

Il est établi notamment en Afrique de l’Ouest que les ressources financières locales sont
insignifiantes1442. Pour apprécier dans quelle mesure la collectivité dispose des moyens de
son autonomie, il faudra non seulement établir qu’elle est libre quant à la détermination de
ses ressources mais également que celles-ci sont suffisantes au regard des compétences.
Cette dernière dimension n’a pas mobilisé l’attention du législateur (1) et elle n’est pas assez
revendiquée par les collectivités territoriales (2).

1439 CONAFIL, Les communes du Bénin en chiffres (2003-2010), 2013, pp.11-16.


1440Le faible rendement de la fiscalité locale renforce la crainte que les coûts de sa «localisation» soient élevés à tel
point qu’ils ne puissent pas être équilibrés par les recettes additionnelles qui en résulteraient.

1441 Bénin, 46 sources de recettes et Niger, 74.


1442 VERGNE C., Décentralisation fiscale en Afrique francophone : note sur les transferts intergouvernementaux, Banque Mondiale,
Région Afrique, AFTPR, Septembre 2009, p. 4 : «Pour les pays de l’UEMOA, la situation est encore plus difficile, les ressources
locales ne représentant en moyenne que 0.7% du PIB».

281
1. La part déterminante

Pour Jean-Eric SCHOETTL, «on peut regarder comme déterminante la part de ressources propres qui
permet à la collectivité territoriale de faire face à des besoins nouveaux ou imprévus, d’assurer en toutes
circonstances la continuité des services publics locaux et de ne pas aliéner son indépendance»1443. Selon
Loïc PHILIP, l’effectivité de la libre administration «implique que les collectivités territoriales
puissent disposer de ressources suffisantes pour exercer effectivement leurs responsabilités…»1444. C’est
donc à juste titre que la Charte européenne de l’autonomie locale s’y appesantit1445 et que
le constituant français en a finalement1446 fait une exigence constitutionnelle dont la mise
en œuvre est précisée par une loi organique1447. A l’inverse, les législateurs béninois et
nigérien n’ont pas mis l’accent sur cette nécessité.

Les débats des parlementaires béninois, préalables à l’adoption du régime financier des
communes le montrent à suffisance. Le gouvernement a entendu se réserver la prérogative
d’en décider1448. En revanche, le projet de régime financier avait davantage insisté sur les
aspects procéduraux du vote du budget communal1449. Le parlement n’a pu éviter d’être

1443 SCHOETTL J.E., «L’autonomie financière des collectivités territoriales devant le Conseil constitutionnel», Les
petites affiches, 13 août 2004, n° 162, p. 12.
1444PHILIP L., Question n°15 : «La place des collectivités locales dans la Constitution de 1958», Dossier La Constitution
de 1958 a quarante ans, disponible sur le site www.conseil-constitutionnel.fr

1445Charte européenne de l’autonomie locale, art. 9 : «1. Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique
nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l’exercice de leurs compétences. 2. Les ressources
financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi».

1446 La prise de cette loi a été motivé par un bilan de la mise en œuvre de l’autonomie financière des collectivités qui
ressortait que la décentralisation a été marquée par des manquements au principe «de compensation intégrale et concomitante
des charges», qu’il s’est produit une «recentralisation des ressources» et qu’enfin les collectivités territoriales pourraient devenir
«assistées et dépendantes». V. à ce sujet, Exposé des motifs, Proposition de loi constitutionnelle relative à la libre
administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières, présentée par C. PONCELET,
J.-P. DELEVOYE, J.-P. FOUCARDE, J. PUECH et J.-P. RAFFARIN, Doc. parl. Sénat, 22 juin 2000, nº 432. V.
également, GUENGANT A. et UHALDEBORDE J.-M., «Economie et finances locales», Annuaire des collectivités locales,
T. 23, 2003, p. 427 pour cette constitutionnalisation «concrétise la stratégie défensive engagée par les élus pour endiguer le recul passé
et prévenir un éventuel recul futur de l'autonomie financière locale. Le principe de libre administration s'est en effet révélé trop imprécis pour
contrer l'érosion continue des recettes d'origine locale…».

En effet, aux termes du troisième alinéa de l’article 72-2 inséré dans la Constitution par la révision constitutionnelle
1447

du 28 mars 2003, «La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre».

1448Au cours des débats, le Ministre de l’Intérieur a renseigné sur la conception du gouvernement : «L’Etat ne veut pas
transférer des compétences sans les ressources en conséquence. Mais il est évident qu’on ne peut pas ici faire un compte d’épicier et savoir
combien c’est, on ne peut que dégager des principes généraux». Pour le gouvernement, demander à disposer des données chiffrées
pour établir des simulations, c’est du détail, impertinent en l’espèce.

1449C’est une tendance historique qui perdure. Sur la réforme des finances locales en France, le Professeur HERTZOG
R., «Introduction», in ISAIA H et SPINDLER J., Histoire du droit des finances publiques, vol. III, Les grands thèmes des finances

282
entraîné dans cette logique malgré la clarté de certaines interventions1450. La législation
nigérienne est restée silencieuse sur la question du transfert des ressources et se borne à
prescrire la progressivité du transfert de compétences. L’échelle de la graduation et son
évolution dans le temps sont laissées à la discrétion du pouvoir réglementaire 1451. En ayant
ainsi transféré au pouvoir réglementaire une prérogative qui lui est dévolue par le
constituant, le législateur a retardé l’effectivité de ses propres prescriptions.

Le juge constitutionnel béninois n’a pas été saisi de la question en ce qui concerne les
communes. Toutefois, à l’occasion de sa Décision DCC 10-144 du 14 décembre 2010
rendue sur l’autonomie financière de l’Assemblée Nationale, il a précisé la compréhension
qu’il convient d’avoir du concept. Dans son œuvre interprétative, la haute juridiction après
avoir défini l’autonomie financière comme la «situation d’une collectivité ou d’un organisme
disposant d’un pouvoir propre de gestion de ses recettes et de ses dépenses, regroupées en un budget ou dans
un document équivalent …», partage l’avis que «pour être complète, l’autonomie financière suppose
l’existence de ressources propres à la collectivité dont il s’agit…; qu’il s’ensuit que seuls les démembrements
de l’Etat que sont les collectivités locales, et les organismes publics pouvant disposer de ressources propres en
quantité suffisante pour exercer sans difficultés financières majeures les compétences qui leur sont dévolues
bénéficient réellement de l’autonomie financière».

De même que les législateurs n’ont pas insisté pour garantir à la collectivité un niveau
déterminant de ressources propres, autant ils ne l’ont pas fait pour ce qui concerne les
subventions de l’Etat. Ils se sont contentés d’une formulation presque lapidaire dénuée de
toute effectivité immédiate1452. Or, un niveau élevé de subventions garanti par la loi pourrait

locales, p. 10, fait remarquer que les grands textes qui ont jalonnée la décentralisation financière «ne contiennent guère des
dispositions financières significatives si ce n’est sur la procédure budgétaire ou les modalités de la tutelle : la loi du 14-22 décembre 1789
…, la loi du 28 pluviôse an VIII…, les lois municipales de la Monarchie de Juillet (1837) ou du Second Empire (1867), la Charte
départementale du 10 août 1871, la Charte communale du 5 avril 1884, la loi du 31 décembre 1970…, la loi du 2 mars 1982…».
1450 Rigobert LADIKPO : «…la loi que nous allons étudier à partir d’aujourd’hui va être le sous-bassement essentiel de la
décentralisation. Si les communes n’ont pas les ressources nécessaires pour faire face à leurs responsabilités, elles vont échouer (…) Elle est
la plus importante et de loin, parce que sans argent, l’honneur n’est qu’une maladie» ; Albert CHINKOUN : «…le projet de loi portant
régime financier des communes…est d’une importance capitale» ; Nathaniel BAH : «…la réforme des finances locales constitue le plus
important pilier de la décentralisation». V. Assemblée Nationale (Bénin), 2ème législature, Débats parlementaires, Compte
rendu intégral de la séance du 06 février 1998, p. 2-6.
1451 Niger : Ord. n°2010-54, art 7, al. 2 : «Le transfert des compétences aux communes et aux régions s'opère selon un plan graduel,
fixé par décret pris en Conseil des Ministres».

1452 Bénin, Loi n°98-007, art. 56 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 226 confient la définition des attributions, de
l’organisation, du fonctionnement et des modes de financement au pouvoir règlementaire.

283
offrir à la collectivité territoriale une certaine assurance quant à la prévisibilité, la
disponibilité et la stabilité de cette part de ressources. L’égalité est également en jeu. Ainsi
que le constate, bien à propos, Alain GUENGANT, «L’inégale distribution spatiale des activités
économiques et de la population favorise l’apparition de disparités de pouvoir d’achat des collectivités
territoriales en services publics locaux» rendant «impossible toute égalité des usagers et des contribuables
devant la dépense publique et l’impôt»1453. Une intervention de l’Etat central, par le moyen d’une
redistribution financière, constituerait une réponse appropriée.

2. La résignation des collectivités

Le juge constitutionnel est intervenu à plusieurs reprises sur le transfert des ressources
pour rappeler au législateur qu’il ne saurait transférer aux communes des compétences
mises à la charge de l’Etat par le constituant sans prévoir sa contribution à leur
financement1454. Cette perche tendue n’a pas été suffisamment saisie par les organes
communaux. Ils n’ont pas assez souvent mis en œuvre les voies de recours qui leur sont
ouvertes pour revendiquer une part déterminante de ressources correspondant aux charges
qui leur ont été transférées. En effet, l’unique recours, introduit auprès du juge administratif
par la Mairie de Cotonou, a été retiré1455.

Le tout premier recours en inconstitutionnalité contre l’ineffectivité du transfert des


ressources financières aux communes fut introduit par un citoyen, le sieur DOVOEDO, le
15 octobre 2004. A l’appui de sa requête, il a invoqué l’article 151 de la Constitution relatif
à la libre administration et les articles 82 et 97 de la Loi n° 97-029. Dans sa décision DCC
05-108 du 06 septembre 20051456, la haute juridiction s’est déclarée incompétente. Les

1453 GUENGANT A., «Egalité des collectivités territoriales et péréquation», Communication à la XLème colloque de
l’Association de Science Régionale de Langue Française, Convergence et disparités régionales au sein de l’espace européen. Les
politiques régionales à l’épreuve des faits, Bruxelles, 1er au 03 septembre 2004, p. 2.
1454
Décisions DCC 98-036 des 13,31 mars et 8 avril 1998, DCC 98-080 des 07, 14 et 20 octobre 1998.

1455La requête introductive d’instance forme un recours en annulation pour excès de pouvoir contre «la décision
implicite de refus de l'Etat Béninois représenté par le Chef de l'Etat, Chef du Gouvernement, Président de la
République, de faire mettre à la disposition de la Commune de Cotonou l'entretien et la gestion du marché Dantokpa
conformément aux dispositions des articles 104 et 120 de la loi n° 97-029 du 15 janvier 1999 portant Organisation des
Communes en République du Bénin». Après plusieurs échanges de mémoires, la Mairie de Cotonou, par lettre datée
du 25 juillet 2006, saisit de son désistement d’instance la juridiction administrative qui par Arrêt n° 05-70/CA du 10
août 2006 lui en a donné acte. V. Cour Suprême, Arrêt n° 05-70/CA du 10 août 2006, visa n°1.
1456 Qui intervient près d’un an après l’introduction du recours.

284
mêmes argumentations et délibération seront relevées dans la Décision DCC 13-105 du 03
septembre 2013 rendue sur requête du Maire de Cotonou, tendant à voir déclaré
inconstitutionnel, l’Arrêté n° 2/406/DEP-ATL-LIT/ SG/SPAT du 19 décembre 2012
portant création d’une commission départementale chargée d’identifier, de répertorier et de
contrôler les parcelles disponibles et les réserves administratives issues des opérations de
lotissement dans certaines communes des Départements de l’Atlantique et du Littoral au
motif que ledit arrêté viole le bloc de constitutionnalité constitué par l'article 151 de la
Constitution du 11 décembre 1990 et les articles 82, 83 et 84 et 142 de la Loi n° 97-029 du
15 Janvier 1999 portant organisation des Communes en République.

La réponse que fournit le juge constitutionnel béninois est discutable. En effet, «dans la
philosophie du constitutionnalisme, le texte suprême est toujours une barrière contre les entreprises des
gouvernants contre les gouvernés»1457. En l’espèce, la haute juridiction aurait pu se fonder sur le
concept de fraude à la constitution1458 pour hisser au rang constitutionnel le principe
d’autonomie financière des collectivités territoriales. Par sa position en cette matière, la
haute juridiction béninoise se met en réserve des évolutions des décennies 1990 et 2000
dans d’autres pays africains francophones1459.

Cette jurisprudence constitutionnelle a pu émousser les ardeurs des justiciables. Le silence


continu des autorités locales face au refus évident de l’Etat de transférer les ressources est
surprenant. Plusieurs justifications y sont trouvées. Mais les élus locaux en présentent plus
fréquemment deux. Il y a d’abord leur préférence pour un exercice collaboratif de leur
mandat,1460 ensuite, l’environnement politique et socio-culturel y contribue ; qu’il s’agisse

COSTE Ch., La violation de la Constitution. Réflexions sur les violations constitutionnelles relatives aux pouvoirs publics en France,
1457

Thèse de droit public, Paris II, 1981, p.115.

Le concept de fraude à la constitution rend compte de situations dans lesquelles la Constitution est vidée de son
1458

contenu sans qu’elle ait été formellement violée. V. à ce sujet, LIET-VEAUX G., Essai d’une théorie juridique des révolutions,
Thèse, Droit, Sirey, 1942 ; «La Fraude à la Constitution», RDP, 1943, p. 116-150.

1459 Le Cameroun (article 55 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996), le Congo (article 170 de la loi
constitutionnelle du 15 mars 1992), le Tchad (article 204, Loi constitutionnelle du 14 avril 1996) et le Madagascar
(articles 2 et 125 de la Loi constitutionnelle du 18 septembre 1992) ont constitutionnalisé l’autonomie financière.

1460 En effet, le non déploiement entier de l’appareil judiciaire issu de la Loi n°2001-37 maintient l’éloignement du
justiciable de la juridiction administrative et pourrait aussi expliquer la rareté des recours.

285
de la jeunesse et la fragilité relative de l’Etat de droit1461 ou de la toute-puissance que confère
à l’exécutif la détention matérielle des ressources publiques.

Paragraphe 2 : Les incertitudes de la détermination des ressources

Le constituant établit un lien entre compétences et ressources1462. Cette perspective


suppose la définition de critères non équivoques dont une application objective permettra
aux collectivités de disposer d’un volume de ressources proportionnel aux compétences qui
leur sont dévolues. Pour relever le défi de l’équité, il faut disposer de repères objectifs (A).
Toute imprécision est préjudiciable au plus faible, la collectivité territoriale (B).

A. Une répartition aléatoire

L’examen des rapports des débats parlementaires au Bénin révèle l’absence d’études
préalables (1) rendant aléatoire la répartition telle qu’opérée par le législateur (2).

1. L’absence d’études préalables

Il est indéniable que «La justice que poursuivent les règles de droit à partir d’un système de valeurs doit
toujours être accompagnée d’une étude…»1463. L’élaboration, l’examen et l’adoption du régime
financier des collectivités territoriales n’ont pas été sous-tendus par une étude préalable. Au
cours des débats parlementaires, plusieurs députés ont souligné avec instance1464 la nécessité
de tendre vers un équilibre entre les ressources les compétences. Ils ont demandé à disposer
des informations qui ont servi de support aux préconisations contenues dans le projet de

1461 Le bilan des deux dernières décennies révèle alternativement, avancées et reculs. Le Pr Adama KPODAR en fait
une analyse dans son article «Bilan sur un demi-siècle de constitutionnalisme en Afrique noire francophone» dans
lequel il établit «qu’à l’espoir d’une démocratie revitalisée, succède la réalité d’une démocratie émasculée, ce qui donne l’image d’un va et
vient entre acquis et rejets, entre rejet des acquis et retour aux acquis» ; accessible en ligne via http://afrilex.u-bordeaux4.fr/bilan-
sur-un-demi-siecle-de.html

1462 Bénin, Const.: art. 98 ; Niger, Const. : art. 100.


1463SABATIER R., «Les creux du droit positif au rythme des métamorphoses d’une civilisation», Le problème des lacunes
en droit, Bruxelles, Bruylant, 1986, p.534.
1464 La session d’examen du projet de loi a dû être suspendue à plusieurs reprises pour cette raison.

286
loi1465. Le député Raymond AHOUANDJINOU s’était alors désolé de la démarche1466.
Malgré cette insuffisance majeure, le texte a été examiné et adopté 1467 en cet état. Plus de
quinze années après, il n’a pas été encore entrepris une analyse globale des finances locales
qui intègre à la fois la vision libérale qui est à l’origine de la décentralisation, l’environnement
institutionnel de l’Etat, les compétences et les modes de leur financement1468. L’inaction du
parlement dans ce domaine est paradoxale1469. La fortune connue par les rapports financiers
entre l’Etat et les collectivités territoriales en porte les séquelles.

2. Les incertitudes de la répartition légale

En présence d’un transfert ou d’une extension de compétences, une compensation s’avère


nécessaire. Le principe est constitutionnalisé en France1470 mais le concept demeure encore
quelque peu ambigu1471, plusieurs interrogations n’étant pas encore résolues, ni par voie
législative ni par voie prétorienne. La jurisprudence constitutionnelle française ne définit

1465 Député Rigobert LADIKPO: «Si nous ne savons pas de quelles ressources les communes vont disposer, il est difficile d’être entrain
de mettre à la charge des communes un certain nombre de responsabilités (…). Il y a des inconnues et si ces inconnues ne sont pas connues
avant le vote de la loi, j’ai bien peur que nous ayons adopté un texte qui se révélerait rapidement inapplicable». Il faut «savoir combien
coûtaient à l’Etat les responsabilités dont il veut se décharger sur les communes». Dans le même registre, le député Albert
CHINKOUN a déclaré : «C’est nécessaire que nous sachions la clé de répartition du budget de l’Etat en direction des communes». La
même préoccupation a été soulevée par le député Jean AVOCE : «…nous n’avons pas les documents (…) pour apprécier la
justesse de tout ce que nous avons mis dans cette loi». V. Assemblée Nationale (Bénin), 2ème législature, Débats parlementaires,
Compte rendu intégral de la séance du 06 février 1998, p. 5.

1466Assemblée Nationale (Bénin), 2ème législature, Débats parlementaires, Compte rendu intégral de la séance du 06
février 1998, p. 7 : «…ce projet de loi à notre étude ne me semble pas avoir un support, une fondation».

1467 Assemblée Nationale (Bénin), ibidem.


1468En 2010, l’Association Nationale des Communes du Bénin a initié une étude qui aurait dû précéder l’examen de la
loi portant régime financier.

1469 Il a été noté qu’en France par exemple, chaque législature initie au moins une analyse sur les finances locales (v.
par exemple, 1965 : Rapport de la Commission d’étude des finances locales présidée par M. V. BOURREL, Paris, Imprimerie
Nationale, 1965, 126 p. ; 1968 : Commission ayant examiné les problèmes posés par la répartition des charges et des
responsabilités entre l’Etat et les collectivités locales présidée par M. MONDON ; 1975 : la Commission de
développement des responsabilités locales présidée par M. GUICHARD dont le rapport «Vivre ensemble» fut déposé
en septembre 1976). L’activité parlementaire a été aussi dense dans les années 2000 sur le sujet. V. à cet effet le rapport
René GARREC sur le projet de Loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République, le rapport
Patrice GELARD sur la proposition de Loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités
territoriales et ses implications fiscales et financières.

1470 La notion de compétence compensée a pour origine la réforme constitutionnelle de 2003 qui introduit à l’art. 72
un alinéa 4 qui impose que «tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de
ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence
d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi».

1471 HERTZOG R., «L'ambiguë constitutionnalisation des finances locales », AJDA, 2003, p. 548.

287
pas la notion de compétence nécessitant compensation financière. Elle la lie au caractère
obligatoire1472 de la compétence, qui pourtant s’avère lui-même incertain1473. En outre, les
compensations financières «ne visent, en ce qui concerne les créations et extensions de compétences, que
celles qui présentent un caractère obligatoire ; (…) dans cette hypothèse, il n'est fait obligation au législateur
que d'accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d'apprécier
le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de libre administration des collectivités territoriales»1474.

Quant au montant de la compensation financière, sa détermination relève de la loi de


finances1475. En effet, elle ne peut que se fonder sur une évaluation du coût de l’exercice
par l’Etat de la compétence. Quatre critères se dégagent de la constitution et de la
jurisprudence des juges administratif et constitutionnel français : la concomitance,
l’intégralité, le contrôle et la durabilité1476.

Au Bénin comme au Niger, les dispositions légales en vigueur ne mettent l’accent ni sur le
principe de concomitance ni sur celui de l’intégralité. A la différence du législateur malien
qui a expressément1477 prescrit la concomitance, le législateur béninois utilise une formule

1472Décision 2003-474 DC du 17 juillet 2003, Rec. p. 389, consid. 17 ; Décision 2003-480 DC du 31 juillet 2003, Rec.
p. 424, consid. 17 ; Décision 2003-482 DC du 30 juillet 2003, Rec. p. 414, consid. 10.

1473Le juge français n’en donne pas une définition explicite. Selon la décision n° 2009-591 du 22 octobre 2009, Loi
tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association
lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence, Recueil, p. 18, pour qu’une compétence
soit obligatoire et donc juridiquement opposable à la collectivité, elle doit émaner du législateur. La position du juge
administratif est nuancée mais produit les mêmes effets. Il limite le principe de compensation financière aux seules
dépenses obligatoires. CE, 28 mai 1997, Commune de la Courneuve ; CE, 9 mars 2007, Département de la Vendée.
1474 Décision n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005, Loi de programmation pour la cohésion sociale, Rec., p. 33.

1475Décision n° 2004-511 DC du 29 décembre 2004 Loi de finances pour 2005, Rec., p. 236, JORF du 31 décembre 2004,
p. 22571.

1476 La concomitance signifie que la compensation a lieu au même moment que le transfert de compétences (Décision
n° 2004-509 DC du 29 décembre 2004). L’intégralité implique que la compensation prenne en compte aussi bien les
coûts directs qu’indirects. Elle n’implique pas une compensation glissante, actualisable chaque année aux coûts réels.
Pour le juge constitutionnel français, la compensation est à faire «au coût historique du transfert», sauf si la ressource
de compensation venait à diminuer (CE, 6 juin 1986, département du Finistère ; Décision 2003-487 DC du 18 décembre
2003, Rec. p. 473, Consid. 13 ; Décision 2003-489 DC du 29 décembre 2003, Rec. p. 487, Consid. 23 : «si les recettes
départementales provenant de la TIPP venait à diminuer, il appartiendrait à l’État de maintenir un niveau de ressources équivalent à celui
qu’il consacrait à l’exercice de cette compétence avant son transfert». Il demeure toutefois que la compensation au simple coût
historique est une illusion (v. l’analyse faite par Raphaël DECHAUX sur le RMI, «L’encadrement constitutionnel des
concours financiers de l’Etat vers les collectivités : quelle effectivité de l’autonomie locale ?», Communication au
VIIème congrès français de droit constitutionnel, 25-27 septembre 2008, pp. 10-11). Le contrôle impose une évaluation
objective pendant que la durabilité suggère que le niveau de compensation soit maintenu dans le temps.

1477 Mali : Loi n°93-008 du 11 février 1993 déterminant les conditions de la libre administration des collectivités
territoriales, art. 4 : «… Tout transfert de compétences à une collectivité doit être accompagné du transfert concomitant par l'Etat à celle-
ci, des ressources et moyens nécessaires à l'exercice normal de ces compétences».

288
générique1478 qui n’induit pas d’office une compensation concomitante et intégrale. Il est
resté muet sur le contrôle et la durabilité. Dans la pratique, la décision est laissée à l’Etat
central. Le juge constitutionnel béninois n’impose la compensation que pour les
compétences transférées que le constituant a mises expressément à la charge de l’Etat. Il
s’agit de l’éducation et de la santé1479. Dans tous les autres cas1480 où le législateur ne l’a pas
prévue et pour lesquelles le juge constitutionnel n’a pas sanctionné cette omission,
l’appréciation de la nécessité et des modalités est derechef conférée à l’exécutif.

Les transferts de ressources aux collectivités territoriales sont timides. Estimé à 1,83% en
2010 au Bénin1481, ce taux a progressé et avoisiné 3% du total des dépenses du Budget
Général de l’Etat en 2012 loin des 9,18% que révèle une étude1482. En outre, seulement 2%
du budget des ministères sectoriels est délégué aux services déconcentrés.

B. Des imprécisions réductrices

L’examen du processus d’élaboration du régime financier des collectivités territoriales ne


fournit aucune assurance quant à la clarté des critères de répartition des ressources. Certains
principes fondamentaux déterminés par le législateur sont peu explicites (1). Le juge
constitutionnel a sanctionné certaines imprécisions pendant que d’autres ont pu échapper
à sa vigilance (2).

1478 «A cet effet, l'État lui transfère les ressources nécessaires». Loi n°97-029, art. 97 et 100.

1479 Bénin, Const. du 11 décembre 1990, art. 8 et 13.


1480A titre d’illustration, voir pour le domaine de l’environnement, art. 27 de la Constitution et art. 93-95 de la Loi
n°97-029 ; dans le domaine de la culture, art. 10 de la Constitution et art. 100 de la Loi n°97-029 ; l’alphabétisation et
la promotion des langues nationales, art. 11 de la Constitution et art. 99 de la Loi n°97-029.

Ministère de l’Economie et des Finances, Cellule de Suivi des Programmes Economiques et Financiers, Aide-
1481

mémoire de la revue conjointe, Juin 2013.


1482 Association Nationale des Communes du Bénin, Calcul du coût des compétences transférées aux communes par la loi, Juillet
2010, p.3. Les ministères sectoriels développement des astuces pour contourner les prescriptions légales. Ainsi, «au lieu
de transférer les sommes supprimées dans les domaines à compétence communale, les ministères ont créé de nouvelles dépenses sur des rubriques
entrant dans les domaines autres que ceux devant faire l’objet de transfert aux communes».

289
1. Les principes posés par le législateur

S’il a pu fournir des détails sur les compétences1483, le législateur devait observer le même
niveau de clarté, en matière de ressources. Au contraire, il s’en est remis, pour certaines
questions essentielles relevant de sa compétence, au pouvoir règlementaire qui, dans
certains décrets d’application, se limitera à une énumération rapide et vague avant de
conclure, à leur tour, par des formules de renvoi1484. Sur d’autres décrets, les imprécisions
ne manquent pas1485.

Le caractère peu précis des dispositions financières est la conséquence logique de l’absence
d’analyses évaluatives qui devraient précéder l’élaboration, l’examen et l’adoption de textes
d’une telle importance. Ce faisant, le législateur a méconnu l’obligation qui lui est faite de
bien légiférer. Le fait de renvoyer à des organes, l’édiction de règles dont la définition relève
de sa compétence, l’inscription imprécise ou insuffisante de règles, la mention du renvoi à
une décision à prendre par des autorités publiques ou privées, la faculté discrétionnaire
laissée à une quelconque autorité de décider, d’apprécier, ou d’adapter pour une situation
donnée sont constitutives d’incompétence négative1486.

1483 Bénin : Loi n°97-029, art. 82 à 107 ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 30.

1484Décret n°2005-370 du 23 juin 2005 fixant les modalités de restitution aux communes des ristournes sur les recettes
recouvrées par les institutions centrales. Ce décret reconduit une centralisation instituée depuis 1992. Toutes les recettes
doivent d’abord être versées au trésor public qui assure la répartition des ristournes aux communes (Loi n°92-008 du
1er juillet 1992 portant loi de finances pour la gestion 1992, art. 1 er). Quant aux taux de répartition, ledit décret charge
les ministres en charge de la décentralisation et des finances de les déterminer. Quant au décret relatif à la part des
recettes de fonctionnement à capitaliser pour l’investissement, il n’est pas encore pris (Loi n°98-007, art. 23, al. 4).

1485Le Décret n°2005-371 du 23 juin 2005 ne fait pas état des informations relevant du développement agricole, de la
foresterie, de l’eau, etc. indispensables pour l’établissement du budget de la commune ; le décret n°2001-413 du 15
octobre 2001 relatif aux modalités d’avance de trésorerie aux communes comporte par exemple un renvoi à un arrêté
interministériel qui n’est pas pris.

1486 On parle d’incompétence négative lorsqu’un organe refuse d’exercer sa compétence ou l’exerce «en deçà» de ce qui
est prescrit qu’il accompagne d’une subdélégation à un autre organe. (sur le sujet, v. LAFERRIERE D., Traité de la
juridiction administrative et des recours contentieux, Berger-Levrault, Paris, 1896) qui fut plus tard appliqué au droit
constitutionnel (v. ROUSSEAU D., Droit du contentieux constitutionnel, Paris, Monchrestien, 2001, p.136 ; SCHMITTER
G., «L’incompétence négative du législateur et des autorités administratives», Annuaire Internationale de Justice
Constitutionnelle, vol. V, Aix-en-Provence, 1989, pp. 137-176 ; MIATTI F., «Le juge constitutionnel, le juge administratif
et l’abstention du législateur», LPA, n°52, 1996, pp. 4-11, VEDEL G., «Excès de pouvoir législatif et excès de pouvoir
administratif», Les cahiers du Conseil constitutionnel, n°1, 1996, p. 57 et s., n°2, 1997, p. 77 et s.). Pour Louis FAVOREU,
RDP, 1984, p. 687, des dispositions législatives trop imprécises sont contraires à la Constitution.

290
En ce qui concerne particulièrement la détermination des principes de la libre
administration, le Conseil constitutionnel français a jugé contraires à la constitution de tels
renvois au pouvoir règlementaire1487 ou à une convention entre collectivités territoriales1488.
Le juge constitutionnel béninois ne s’est pas toujours montré intransigeant.

2. Les imprécisions tolérées par le juge constitutionnel

Le juge constitutionnel, dans sa fonction de régulation, veille au respect de la délimitation


des domaines de compétences entre les pouvoirs publics1489. Dans le même sens, le
constituant béninois impose à tout citoyen un devoir de compétence qui emporte
inéluctablement, pour le législateur, l’obligation de bien légiférer1490. Ainsi, dans sa décision
DCC n° 98-026 du 13 mars 1998, la Cour constitutionnelle a jugé, d’une part, «que la
compétence attribuée au Conseil des ministres pour déterminer les chefs-lieux des départements ainsi que les
modalités de leur mise en place est contraire à l'article 98 - 14ème tiret de la Constitution ; qu'en effet, le
législateur ne saurait, sans renoncer à ses prérogatives, renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation des
chefs-lieux des départements»1491 et, d’autre part, «que l'article (…) attribue au pouvoir réglementaire la
compétence pour créer ou pour modifier un arrondissement ; que, selon l'article 98 de la Constitution, cette
matière relève de la compétence du législateur (…) ; qu'en conséquence, l'article 37 doit être déclaré contraire
à la Constitution»1492.

1487Décision n° 87-238 DC du 05 janvier 1988 ; Déc. n° 2004-500 DC, consid. n° 13 ; n° 2004-503 DC, 12 août 2004,
Loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, consid. n° 26. La formule demeure la même : le législateur ne
doit pas «reporter sur les autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par
la Constitution qu’à la loi».

1488 Décision n°94-358 DC du 26 janvier 1995, JO, 1er février 1995, p. 1707.

1489 Const. du Bénin, art. 114 ; Const. du Niger, art. 126 ; v. FAVOREU L., «Le Conseil constitutionnel, régulateur de
l’activité normative des pouvoirs publics», RDP, 1987, pp. 4-20 ; KNAUB G., «Le Conseil constitutionnel et la
régulation des rapports entre les organes de l’État», RDP, 1983-II, pp. 1149-1168 ; GALLETTI F., «Existe-t-il une
obligation de bien légiférer. Propos sur «l’incompétence négative du législateur» dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel», Revue française de droit constitutionnel, 2004/2 (n° 58), p. 392. A plusieurs occurrences, le Conseil
Constitutionnel français a jugé que l’inobservance de l’«obligation de bien légiférer» entraîne une inconstitutionnalité.
V. par exemple, Décision n° 67-31 DC du 26 juillet 1967, Indépendance et inamovibilité des magistrats, Rec, p. 19.

Const. du Bénin, art. 35 : «Les citoyens chargés d'une fonction publique ou élus à une fonction politique ont le
1490

devoir de l'accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté…».

1491 Décision DCC n° 98-026 du 13 mars 1998, 13ème consid.


1492 Décision DCC n° 98-026 du 13 mars 1998, 21ème consid.

291
Dans son appréciation de l’exigence de bien légiférer, le juge constitutionnel béninois a
même pu juger que certains «termes… prêtent à équivoque ; qu'il y a lieu de les expliciter»1493 ou de
les «reformuler»1494. L’exigence de précision de la loi venait ainsi d’être constitutionnalisée1495.
Le juge constitutionnel béninois n’exprime pas la même fermeté en ce qui concerne la
proportionnalité des ressources1496. Elle aurait pu saisir l’occasion de la récidive du
législateur1497 pour préciser les conditions dans lesquelles doivent se réaliser les transferts
de ressources pour être conformes à la libre administration.

En effet, il ne devrait échapper à la haute juridiction, que le législateur manifestait une


certaine résistance. Dès lors, la formule évanescente introduite dans la loi1498 n’était pas de
force suffisante pour mettre en exergue le caractère déterminant du transfert d’une part
suffisante de ressources aux collectivités territoriales dont les compétences fiscales sont
limitées.

SECTION 2 : UNE FISCALITE MARGINALE

Il est incontestable que l'autonomie financière ne peut exister sans un certain pouvoir
budgétaire. On ne peut en dire autant du pouvoir fiscal local. Pourtant, la pratique dans
différents pays révèle qu’une réelle autonomie financière ne peut être envisagée que pour
autant que son titulaire maîtrise ses moyens d’actions. Par conséquent, toute la
problématique de l’autonomie financière réside dans «l’étendue et la qualité du pouvoir
fiscal local»1499. Lorsque les compétences fiscales de la collectivité territoriale sont élargies,

1493 Décision DCC n° 98-026 du 13 mars 1998, 11ème consid.

1494 Décision DCC n° 98-026 du 13 mars 1998, 20ème consid.


1495 Décision DCC n° 98-026 du 13 mars 1998, 8ème consid. : «au regard de ces dispositions constitutionnelles, la matière
légiférée…doit l'être par fixation de règles précises et non par détermination de principes fondamentaux».
1496 Décision DCC n° 98-036 du 08 avril 1998, 8ème consid : «la Constitution en ses articles 8, 12 et 13 confie à l'État la
responsabilité première en matière d'éducation, de culture, d'information, de santé et de formation professionnelle ; dès lors et au regard des
articles 152 et 153 de la Constitution, il ne saurait être opéré de transfert de charges sans indiquer la contribution de l'État».
1497 Décision DCC n° 98-080 du 20 octobre 1998, 9ème consid. : «Les observations contenues dans la DCC 98-036 n’ont pas
été prises en compte lorsqu’il est écrit : La commune initie toutes les mesures de nature à favoriser et promouvoir l’éducation de la jeunesse ;
le texte ne dit pas à qui incombe les charges financières…».
1498 Bénin : Loi n° 97-029, art. 97 et 100 : «A cet effet, l’Etat lui transfère les ressources nécessaires».

1499BOUVIER M., «Autonomie fiscale locale et libre administration des collectivités locales», Revue française de finances
publiques, n° 81, mars 2003, pp. 31-32.

292
les marges d’autonomie seront plus grandes. Dans l’espace ouest africain francophone, tel
n’est pas encore le cas, le législateur n’ayant pas osé l’équilibre nécessaire entre la tendance
centralisatrice de l’Etat unitaire et la véritable autonomie financière synonyme d’une
certaine autonomie fiscale qui devrait caractériser la libre administration dans l’Etat
décentralisé (Paragraphe 1). A l’opposé, il a préféré prévoir des transferts financiers dont
les modalités sont unilatéralement déterminées par l’Etat central (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le pouvoir fiscal local

Les développements de la doctrine juridique et l’expérience française qui tendent à faire de


l’autonomie fiscale le déterminant principal de l’autonomie financière locale (A) n’ont pas
reçu échos favorable de la part des législateurs béninois et nigérien qui n’ont accordé à la
collectivité territoriale que de simples compétences de tarification encadrées qui ne
sauraient être assimilées à un véritable pouvoir fiscal vecteur d’autonomie (B).

A. Une autonomie fiscale nécessaire

L’idée de pouvoir en ce qui concerne la collectivité territoriale est discutable. Parler de


pouvoir fiscal local est aussi équivoque (1). Il n’empêche que les faits plaident pour un
changement de paradigme. La nécessité de consacrer une autonomie fiscale au profit des
collectivités locales est criante (2).

1. L’acception du pouvoir fiscal local

Le pouvoir fiscal peut être défini comme la prérogative juridique et matérielle de procéder
au prélèvement d’impositions. Certains auteurs évoquent même l’idée de souveraineté
fiscale1500. Ce qui ne dispense pas de s’interroger s’il est juridiquement acceptable de parler
de pouvoir fiscal local.

1500
Pour GUILLET Nicolas, «L’avenir de l’autonomie financière des collectivités territoriales après la loi organique
du 29 juillet 2004», RGCT, janvier-février 2005, n° 32, p. 45, la souveraineté fiscale peut être définie comme «la
compétence pour une collectivité d’exercer la totalité du pouvoir en matière d’imposition : création de l’impôt, fixation de l’assiette et des
taux, recouvrement et suppression de l’impôt».

293
Pour Loïc PHILIP, en raison du principe de consentement à l’impôt, seul le parlement
détient le pouvoir en cette matière1501. Dans le même sens, Marie-Christine STECKEL-
MONTES constate que «La souveraineté fiscale appartient à l’État dans la mesure où le pouvoir
central crée librement des impositions de toutes natures et utilise librement leur produit»1502. C’est le même
constat que pose André ROUX lorsqu’il affirme que «Les collectivités territoriales ne disposent
donc pas d’un véritable pouvoir fiscal. Elles ne peuvent ni créer des impôts, ni en déterminer l’assiette ou les
modalités de recouvrement»1503.

Un bref rappel historique permet de mieux cerner les enjeux de la fiscalité locale. En effet,
la compétence locale en matière de fiscalité en France tire son origine de la crise financière
des années 1910 qui a obligé l’Etat à se doter d’une «fiscalité plus adaptée à la vie économique
moderne»1504 et à transférer aux collectivités territoriales ses vieux impôts issus de la
révolution et assis sur des bases devenues obsolètes1505. Sans intérêt majeur pour l’Etat, cet
embryon de fiscalité locale1506 obsolète restera sans modification profonde jusqu’aux années
1970. Les réformes introduites entre temps et qui ont pu renforcer la fiscalité locale seront
remises en cause par les multiples allègements et exonérations effectués en riposte à la crise
économique de la fin des années 1970. En compensation partielle, l’Etat a remplacé les
produits de la fiscalité locale par des dotations.

1501
PHILIP L., «Les finances locales et l’impératif de décentralisation : bilan et perspectives» in DEBBASCH Ch.
(dir.), La décentralisation pour la rénovation de l’Etat, Paris, PUF, 1976, p. 162.

1502STECKEL-MONTES M.-Ch., «Un pouvoir fiscal local en trompe-l’œil», Revue française de droit constitutionnel, 2005/1
n° 61, p. 19. Cette souveraineté fiscale est entendue par Nicolas GUILLET, «L’avenir de l’autonomie financière des
collectivités territoriales après la loi organique du 29 juillet 2004», RGCT, janvier-février 2005, n° 32, p. 45, comme «la
compétence pour une collectivité d’exercer la totalité du pouvoir en matière d’imposition : création de l’impôt, fixation de l’assiette et des
taux, recouvrement et suppression de l’impôt».
1503 ROUX A., Droit constitutionnel local, op. cit., p. 48.

1504 ALDUY J.-P., GRAU R.,


1505 Il s’agit des contributions foncières, mobilière et des patentes créées comme impôts d’Etat par la Constituante en
1790. Elles sont devenues ce qui est appelé, dans le jargon fiscal local francophone contemporain «les quatre vieilles» :
la taxe d’habitation, la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties ainsi que la
plus jeune des quatre vieilles, la contribution économique territoriale (CET), créée en remplacement de la taxe
professionnelle, elle-même créée au milieu des années 1970 en remplacement de la patente.

1506La loi du 31 juillet 1917 a consacré la fiscalité locale en France avec le transfert de la contribution des patentes et
de la contribution mobilière aux collectivités territoriales.

294
Avec les crises des finances publiques, l’Etat sera plus considéré «comme un problème et les
collectivités locales comme la solution»1507. L’engouement pour la décentralisation qui a caractérisé
la fin des années 1970 en France en est une illustration. Cette dynamique a abouti à une
plus grande responsabilisation des acteurs financiers locaux et à la mise en place progressive
d’une autonomie financière locale1508. Depuis lors, un mouvement de remise en question
de l’autonomie fiscale est amorcé.

Pour soutenir l’économie, l’Etat procède régulièrement à des allègements d’impôts. Les
exonérations et des désarmements fiscaux se sont démultipliés et ont conduit à la réduction
drastique ou à la disparition de certains prélèvements fiscaux locaux. Michel
BOUVIER voit dans ce développement un recul de l’autonomie fiscale locale1509. Les
innovations de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 avaient pour, entre autres objectifs,
le renforcement du pouvoir fiscal des collectivités territoriales. Le nouvel article 72 en a
l’air. Mais lorsqu’il s’est agi de définir le concept de recettes fiscales propres, le législateur
organique1510 français y a inclus des impôts dont le produit est partagé entre l’Etat et les
collectivités territoriales1511. Au lieu du renforcement constitutionnellement proclamé, c’est
la remise en cause de l’autonomie fiscale locale qui aura été consacrée.

Il sera d’ailleurs appuyé en cela par le juge constitutionnel qui, confirmant sa jurisprudence
constante1512, a jugé «qu’il ne résulte ni de l’article 72-2 de la Constitution ni d’aucune autre disposition
constitutionnelle que les collectivités territoriales bénéficient d’une autonomie fiscale»1513. Elles ne
disposent pas non plus d’un pouvoir discrétionnaire pour fixer les taux des impôts

1507 BOUVIER M., «La question de l’autonomie financière locale», article paru dans Les Echos du 7 juillet 2012, p. 1.
1508Création en 1979 de la dotation globale de fonctionnement dans le but de moderniser les modalités d’attribution
des subventions de l’Etat, compétence de voter les taux des quatre impôts locaux (Loi du 10 janvier 1980).
1509BOUVIER M., «La question de l’autonomie financière locale», op. cit., p. 3 : «il n’en demeure pas moins que l’impôt
local a été progressivement transformé en dotation et que la décadence de l’autonomie fiscale a été bien réelle».

1510 Loi organique 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à
l'autonomie financière des collectivités territoriales, JORF n° 175 du 30 juillet 2004, p.13561.

1511 BOUVIER M., «La question de l’autonomie financière locale», op. cit., p. 4.

Décision 98-402 DC du 25 juin 1998 (Rec. p. 269) : suppression de la part salaires de la taxe professionnel ; décision
1512

2000-442 DC du 28 décembre 2000 (Rec. p.. 211) : suppression de la vignette automobile.

1513 Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009.

295
locaux1514. Conséquemment, le législateur peut supprimer une recette fiscale locale1515 ou
décider à titre exceptionnel d’affecter une partie du produit d’un impôt d’une collectivité
territoriale à une autre1516. S’appuyant sur ces positions, le Conseil des Prélèvements
Obligatoires1517 résume que «En droit comme en pratique, il ne résulte pas du principe de libre
administration des collectivités territoriales qu’elles bénéficient d’une autonomie fiscale»1518. Cette
tendance majeure de l’autonomie financière à la française1519 ne s’observe pas dans les autres
pays européens1520.

A l’opposé de cette tendance, l’Afrique francophone a continué de renforcer la légalité


fiscale1521 qui s’avère plutôt formelle. En réalité, l’essentiel du pouvoir fiscal est d’essence
règlementaire. En effet, la fiscalité constitue un instrument de politique économique qui

1514 Décision n° 90-277 DC du 25 juillet 1990, Rec. p. 70 : «le législateur n’est pas tenu de laisser à chaque collectivité territoriale
la possibilité de déterminer seule le montant de ses impôts locaux» ; le législateur «peut déterminer les limites à l’intérieur desquelles une
collectivité territoriale peut être habilitée à fixer elle-même le taux d’une imposition établie en vue de pourvoir à ses dépenses».
1515 Décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991, Rec. p. 82. Le Conseil constitutionnel avait également jugé que «les règles
posées par la loi, (…), ne sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d’entraver leur
libre administration» (Décision 98-405 DC, 29 décembre 1998, Loi de finances pour 1999, JORF, 31 décembre 1998, p.
20138) même s’il n’a pas fixé un seuil à partir duquel ce principe serait violé. V. également, la décision n° 2000-432 DC
du 12 juillet 2000 (Rec. p. 104).

1516 Décision n° 91-291 DC du 06 mai 1991, Rec. p. 40.


1517Au terme de la Loi n° 2005-358 du 20 avril 2005, le Conseil des Prélèvements Obligatoires est chargé d'apprécier
l'évolution et l'impact économique, social et budgétaire de l'ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi que de
formuler des recommandations sur toute question relative aux prélèvements obligatoires.
1518 Conseil des Prélèvements Obligatoires, La fiscalité locale, 2010, p. 32.

1519La jurisprudence du Conseil Constitutionnel révèle un genre de piétinement qui a d’ailleurs motivé la révision
constitutionnelle de 2003. En effet, le juge constitutionnel français a constamment jugé que le législateur ne saurait
réduire les ressources fiscales des collectivités territoriales dans des proportions qui porteraient atteinte à leur libre
administration mais il n'avait ensuite jamais jugé qu'une telle atteinte avait été portée par les lois contestées devant lui.
Voir HERTZOG R., «La constitution financière de l'Etat décentralisé», Annuaire des collectivités locales, T. 24, 2004, p.176.
1520GUIBARD B., Les finances locales en Europe : Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, IAURIF, Septembre
2006, p. 11 : «dans l’ensemble des pays étudiés une tendance à l’augmentation de la part des recettes fiscales propres au détriment des
transferts et une tendance à la disparition des transferts conditionnés…L’importance des dotations a été significativement diminuée au profit
du développement d’une fiscalité propre».

Art. 9 de la Directive n° 01/2011/CM/UEMOA portant régime financier des collectivités territoriales au sein de
1521

l’UEMOA.

296
relève du pouvoir exécutif1522. Mieux que n’importe quelle autre institution, il en ressent les
contraintes1523.

La classe des impôts partagés1524 instaure un degré conséquent de dépendance fiscale


constitutive de la «néo-étatisation fiscale»1525. Malgré ces constructions politiques et
institutionnelles peu favorables, l’accroissement de l’autonomie fiscale demeure un passage
important pour approfondir la libre administration.

2. La nécessité de l’autonomie fiscale

Dans sa perspective finaliste, la libre administration se conçoit comme la prise en charge


par les collectivités territoriales de leur propre développement. L’autonomie dont elles sont
parées suggère de ne pas s’en remettre entièrement au financement de l’Etat. Le
développement local se définit comme «un processus de diversification et d'enrichissement des activités
économiques et sociales sur un territoire, à partir de la mobilisation et de la coordination de ses ressources et
de ses énergies»1526. Il repose essentiellement sur la volonté, les aspirations et l’action locales.
Le pendant financier de cette responsabilisation locale semble devoir être l’autonomie
fiscale.

C’est donc bien à propos que Jean-Claude RICCI constate que «L’autonomie fiscale des
collectivités locales paraît commander leur autonomie financière»1527. Pour Jacques BOURDON, «les
systèmes fiscaux locaux reposant sur des ressources fiscales directes semblent favoriser l’autonomie des
collectivités locales»1528, ce que confirme ESSONO EVONO lorsqu’il écrit qu’«Une autonomie

1522 Bénin : Const., art. 54


; Niger : Const, art. 76. Sur le rôle du parlement dans ce domaine, voir VANDENDRISSCHE
X., «Le Parlement entre déclin et modernité », Pouvoirs, n° 99, 2001, p. 61.

BOUVIER M., «Experts et politiques face à la gouvernance des sociétés complexes», in FAVOREU L.,
1523

HERTZOG R., ROUX A. (dir.), Constitution et Finances publiques, Etudes en l’honneur de Loïc PHILIP, op. cit., p. 296.
1524 Bénin : Loi n° 98-007, art. 10 d.

Expression empruntée à Marie-Christine STECKEL-MONTES, «Le pouvoir fiscal local, objet nouveau du droit
1525

constitutionnel», AJDA n° 42, 2004, p. 2316.


1526 RANGEON F., Introduction in CURAPP, Le financement du développement local, Paris, PUF, 1995, p.5.

1527RICCI J.-C. et al., «Tableau de répartition de la masse fiscale entre l’Etat et les collectivités locales dans les
principaux pays» in DEBBASCH Ch. (dir.), La décentralisation pour la rénovation de l’Etat, Paris, PUF, 1976, p. 175.

1528BOURDON J. et al., «Tableau de répartition de la masse fiscale entre l’Etat et les collectivités locales dans les
principaux pays» in DEBBASCH Ch. (dir.), La décentralisation pour la rénovation de l’Etat, Paris, PUF, 1976, p. 182.

297
financière pleine et entière des collectivités locales en Afrique noire francophone passe donc aussi par la
consécration constitutionnelle d’un pouvoir fiscal local»1529. HERTZOG R., dit de l’
l’autonomie financière qu’elle «implique un véritable pouvoir fiscal, celui de créer et de lever
l’impôt…»1530. Après avoir affirmé qu’il n’est pas de pouvoir politique autonome sans
pouvoir fiscal1531, Michel BOUVIER interroge «si l’on peut encore parler d’autonomie financière
locale», «dès lors que la liberté de gestion des fonds alloués n’est plus associée à un réel pouvoir fiscal»1532.
Répondant par la négative, Guillaume DRAGO a souhaité une réforme qui aboutisse à «la
définition d'un véritable pouvoir fiscal qui serait conféré aux collectivités territoriales par la constitution»1533.
Il est d’avis qu’en l’absence d’une véritable autonomie fiscale locale, la libre administration
devient largement compromise1534.

Les progrès en matière d’efficacité de la dépense locale plaident pour l’élargissement des
compétences fiscales locales1535. L’octroi d’un pouvoir fiscal à la collectivité territoriale est
un facteur d’approfondissement de la démocratie. Il «donne un fondement à la démocratie locale
en créant un lien entre les citoyens et les collectivités locales (…) le pouvoir fiscal conféré aux collectivités
locales leur permet en principe de lier le montant des impôts qu’elles prélèvent à celui des services publics
qu’elles offrent»1536.

ESSONO EVONO A., «L’autonomie financière des collectivités locales en Afrique noire francophone. Le cas du
1529

Cameroun, de la Côte-d’Ivoire, du Gabon et du Sénégal», disponible en ligne via le lien URL: http://afrilex.u-
bordeaux4.fr/sites/afrilex/IMG/pdf/4_L_autonomie_financiere_des_collectivites_locales_en_Afrique_noire_franc
ophone_-_le_cas_du_Cameroun_de_la_Cote_d_Ivoire_du_Gabon_et_du_Senegal.pdf

1530 PHILIP L., Le contrôle des actes budgétaires in ISAIA H. et SPINDLER J., op. cit., p. 127.

BOUVIER M., HERTZOG R., «Réforme des finances publiques : réforme de l’Etat», RFFP, n° 73, 2001, p. 3. :
1531

«Les finances publiques fondent la substance des pouvoirs politiques».

1532 BOUVIER M., «La question de l’autonomie financière locale», Les Echos, 7 juillet 2012.

1533DRAGO G., «La nécessaire consécration constitutionnelle d'un pouvoir fiscal des collectivités territoriales», Les
Collectivités locales, Mélanges en l'honneur de Jacques Moreau, Paris, Economica, 2002, p. 125 ; v. aussi DARNAVILLE
H.-M., «L’autonomie financière et fiscale des collectivités locales passe par une réforme de leur fiscalité», AJDA, 2002,
p. 670 ; LOGEAT C., «L’autonomie fiscale des collectivités locales, un combat perdu ?», in LPA, n° 253, 19 décembre
2002, p. 4.
1534 Ibidem.

1535Par exemple, en 2010, les transferts de ressources en faveur des communes béninoises représentaient seulement
3% des recettes encaissées par l’Etat. Avec ces ressources, les communes ont réalisé 10% du volume total des
investissements publics. Voir SP/CONAFIL, Les communes en chiffres, op. cit., p. 11.

1536ESSONO EVONO A., «L’autonomie financière des collectivités locales en Afrique noire francophone. Le cas du
Cameroun, de la Côte-d’Ivoire, du Gabon et du Sénégal», op. cit.. Dans le même sens, v. CARREZ G., «L’autonomie
fiscale des collectivités locales», Revue française de finances publiques, n° 103, 2008, p. 67.

298
B. Une autonomie fiscale inexistante

Dans les deux Etats, l’autonomie fiscale ne fait l’objet d’aucune disposition. Le concept ne
fait l’objet d’aucune définition légale pas plus qu’elle ne bénéficie de garantie. Toutefois, le
législateur a doté les collectivités de compétences de modulation des taux d’imposition (1).
L’étendue limitée desdites compétences indique qu’elles ne sont pas constitutives d’un réel
pouvoir de décision, vecteur d’autonomie (2).

1. Les compétences fiscales des collectivités

Le constituant prévoit que «Sont du domaine de la loi, les règles concernant l'assiette, le taux et les
modalités de recouvrement des impositions de toute nature»1537. Il ne s’agit pas de principes
fondamentaux mais de règles qui concernent les prélèvements de toute nature, peu
importent donc le rattachement territorial de la matière imposable, le destinataire des
produits collectés, etc.

Une compréhension rigide aurait conduit à déduire de ces dispositions une incompétence
des collectivités territoriales à prendre des décisions en matière fiscale. Il n’en a pas été ainsi
en France. Au contraire, le conseil constitutionnel a jugé que le législateur peut fixer les
limites à l'intérieur desquelles une assemblée territoriale est habilitée à déterminer le taux
d'une imposition1538. La législation béninoise s’aligne sur cette option. Ainsi, l’organe
délibérant de la collectivité territoriale fixe «le taux dans la limite du plafond déterminé par
la loi de finances»1539. Le législateur nigérien de 2010 paraît conférer davantage de marges à
la collectivité territoriale. Il se limite à simplement définir «les matières sur lesquelles
peuvent porter les impôts et taxes fiscales propres aux collectivités territoriales» et à fixer
«les taux maxima» et permet ainsi collectivités, dans ces limites, de «créer tout impôt ou
toute taxe fiscale»1540.

1537 Bénin, Const., art. 98 ; Niger, Const., art. 99.

1538 Décision n° 90-277 du 25 juillet 1990.


1539 Bénin : Loi n° 98-007, art. 8.

1540 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 227.

299
La compétence de la collectivité territoriale se limite à la tarification. Le reste des opérations
de la chaîne fiscale demeure sous l’entière responsabilité des administrations financières de
l’Etat1541. En dehors des règles générales fixées par le législateur, les modalités de
recouvrement sont déterminées par voie règlementaire1542. Dans ces conditions, seul l’Etat
maîtrise réellement les leviers de la fiscalité locale.

2. La limitation des compétences locales

La doctrine a suffisamment attiré l’attention sur les limites qui encadrent les libertés locales
en matière de fiscalité. HERTZOG a prévenu qu’en matière financière locale, «la
décentralisation n’est pas le fédéralisme»1543. De son point de vue, parler d’autonomie financière
en France relèverait même du contre-sens. Pour Loïc PHILIP, l’autonomie fiscale accordée
aux collectivités ne peut être raisonnablement qu’une simple «compétence fiscale»1544. Une large
autonomie fiscale des collectivités territoriales porterait incidemment des limites au principe
d’égalité devant l’impôt1545. Il a pu donc être conclu que «L’indétermination du principe de libre
administration en matière financière et la souveraineté fiscale de l’État aboutissaient à relativiser les
compétences des collectivités territoriales en matière fiscale»1546.

1541 Niger : Ord. 2010-54, art. 257.

1542La situation en France diffère. Le principe de légalité fiscale implique que le législateur détermine les règles de
recouvrement de l’impôt de manière suffisante, même s’il peut confier à la collectivité locale le soin d’assurer ce
recouvrement. Voir CC, Décision 98-405 DC du 29 décembre 1998, Rec., p. 326.

1543HERTZOG R., «Système financier local en France : la décentralisation n’est pas le fédéralisme», RIDC, n° 2, 2002,
pp. 613 à 638.
1544 PHILIP L., «Les garanties constitutionnelles du pouvoir financier local», RFDA, 1992, p. 461.

1545 PHILIP L., «Liberté et spécificité locales face au principe d'égalité fiscale», in Le POURHIET A.-M., Droit
constitutionnel local, Economica, PUAM, 1999. Sur le principe d’égalité devant les charges publiques, consulter Les grands
arrêts de la jurisprudence fiscale, Paris, Dalloz, 2003, 4ème éd., n° 7, § 1 à 8.

1546 STECKEL-MONTES M.-Ch., op. cit., p. 29.

300
Le conseil constitutionnel français a conforté1547 l’étendue des pouvoirs du législateur1548.

Quel que soit le cadre conceptuel considéré, il ne saurait exister, dans un Etat unitaire, de
fiscalité locale sans une certaine régulation qui garantisse l’unité et l’indivisibilité de la
république. Cette régulation devrait porter sur deux aspects au moins. Il s’agit du niveau de
pression qui doit tenir compte de l’existence de la fiscalité nationale1549. Le budget de l’Etat,
au-delà de sa valeur financière et comptable, exprime les points d’application des
orientations économiques faites par l’Etat. Puisqu’elles sont l’objet d’une loi, elles
s’imposent. Le second paramètre de régulation est l’équité. Le fonctionnement de la fiscalité
locale doit empêcher que «les collectivités pauvres ne s’appauvrissent encore plus»1550. Cette double
régulation ne saurait être confiée à chaque collectivité. Elle ne peut être que le fait de l’Etat,
territorialement englobant et juridiquement garant de l’intérêt national.

Il n’est pas certain que ces principes ont influencé la législation béninoise1551. A la pratique,
l’autonomie financière demeure encore hypothétique et la fiscalité locale a subi, de la part
de l’Etat central, des limitations consistantes. Les communes béninoises ont enregistré
plusieurs amputations unilatérales des ressources fiscales1552. Ces suppressions d’impôt

1547Jusqu’à la révision constitutionnelle de 2003, le juge constitutionnel français a toujours rejeté l’argument de certains
requérants suivant lequel le principe de libre administration impliquerait qu'une commune puisse déterminer seule le
montant de ses impôts locaux et la destination des fonds ainsi prélevés (Déc. 291 DC du 6 mai 1991, cons. 27 et 29).
Par conséquent, il n’a condamné aucune mesure législative supprimant une recette fiscale locale ou réduisant
l'importance de la fiscalité locale même si par ailleurs et à plusieurs reprises, il a jugé que les règles posées par la loi ne
sauraient avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales «au point d'entraver leur libre
administration». ROUSSEAU Dominique a pu en déduire que la Constitution ne dotait les collectivités territoriales
d’aucun pouvoir fiscal (Le POURHIET, op. cit., p. 229).

1548Décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991, Loi instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes
de la région d’Ile-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et
modifiant le code des communes, Rec. 50, Consid. 28 et 29.

Pour le citoyen-contribuable, l’impôt reste un prélèvement public obligatoire peu importe qu’il soit local ou d’Etat.
1549

Pour qu’elles n’induisent donc pas une pression insoutenable, les deux fiscalités, locale et nationale, doivent être
coordonnées. La politique économique de l’Etat impose à la fiscalité locale des contraintes.

1550 RICCI J.-C. et al., op. cit., p. 176.


1551La question du pouvoir fiscal des communes n’a pas fait l’objet de discussions particulières lors de l’examen du
projet de la Loi n° 98-007 relatif au régime financier des communes.

1552Il s’agit en 2006 de la suppression de la taxe de voirie pour les marchandises à destination du Burkina Faso et du
Niger, en 2009 de la suppression de l’outillage industriel dans le calcul de la patente et du foncier bâti (Art. 997 al. 2 et
1005 du Code Général des Impôts supprimés par la loi de finances pour la gestion 2009) ; la suppression du paiement
de la patente par les nouvelles entreprises (Art. 1084 du CGI dont certains alinéas ont été supprimé et d’autres modifiés
par la loi de finances pour la gestion 2009) et l’élargissement de la suppression de la taxe de voirie perçue au cordon
douanier à d’autres pays (Mali et autres pays de l’hinterland). Les pertes de ressources induites par lesdites suppressions

301
n’ont pas été compensées malgré les plaidoyers1553. Parallèlement, les transferts de
ressources non affectées ont connu un début timide d’effectivité.

Paragraphe 2 : Les transferts financiers unilatéraux

Les transferts de ressources financières de l’Etat en faveur des collectivités territoriales


s’opèrent par le biais d’un mécanisme national de financement1554. L’appréciation de la
conformité de ces transferts à la libre administration nécessite d’examiner les modalités de
mise en œuvre (A) avant d’en mesurer la portée sur l’autonomie financière (B).

A. Un mécanisme de financement peu maîtrisé par le législateur

Bien qu’étant prévus par le législateur, c’est très rarement que celui-ci en détermine
précisément les modalités (1) de sorte que les mécanismes et les critères d’allocation sont
entièrement sous le contrôle du pouvoir réglementaire (2).

1. Les modalités d’opérationnalisation

Dans son sens général, le mot transfert tire son origine du mot latin transferre qui signifie
transporter. Au plan juridique, il désigne l’ «attribution à une personne de fonctions jusque-là exercées
par une autre». En matière financière, il désigne une «opération réalisant un mouvement de
capitaux…»1555. Différents vocables sont utilisés en droit positif pour désigner cette
opération. Les plus courants sont transfert1556, dotation ou subvention1557, concours

pour l’ensemble des 77 communes au titre des années 2008 et 2009 sont estimées à 10,8 milliards pour la taxe de voirie ;
ce montant est évalué à 2,1 milliards pour le foncier bâti et les contributions des patentes. Voir ANCB, Actualisation de
l’évaluation de l’incidence des mesures fiscales de la loi des finances 2009 sur les finances locales, Cotonou, 2010, 22 p.
1553Ces pertes représentent environ 20% de l’ensemble des recettes des communes sur les deux dernières années
(2006 et 2007) évalué à 50,7 milliards.
1554 Bénin : Loi n° 98-007, art. 56 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 226.

1555 CORNU G., op. cit., p. 1025 et 1026.


1556 Bénin : Loi n° 97-029, art. 97, 100. La Commission Nationale des Finances Locales du Bénin le définit comme
«l’ensemble des ressources externes allouées à la communes et qui ne sont pas des emprunts» (voir SP/ CONAFIL,
Les communes en chiffres, op. cit., p.4).
1557 Bénin : Loi n° 98-007, art. 15, 2ème tiret. Le terme signifie «versements faits par un organisme public à un autre organisme
public ou privé, ou à des particuliers de façon plus ou moins gratuite et aléatoire, à charge pour le bénéficiaire d'utiliser les fonds versés de
façon plus ou moins déterminée par directives ou conventions» (BLOCH-LAINE Fr., «Avant-propos», Revue française de finances
publiques, n° 23, 1988, p. 1).

302
financiers1558. Une telle variété d’appellations et de cas de figure n’exclut pas en pratique
des assimilations, ce qui rend malaisé et vain tout essai de classification. A l’opposé, il est
constant que, dans le cadre de la décentralisation, une telle opération de transfert répond à
une double nécessité. D’abord, celle de doter la collectivité de ressources nécessaires à
l’accomplissement de son mandat de développement puis ensuite, celle de réduire les
déséquilibres entre collectivités du même Etat. Dans le premier cas, il s’agit de la
compensation1559 des transferts de compétences et dans le second, de la péréquation
nécessitée par les inégalités entre collectivités1560.

En droit1561 comme en pratique, au moins deux modalités majeures s’offrent au législateur.


Le transfert de fiscalité perçu comme favorisant véritablement l’autonomie financière des
collectivités et le versement de dotations ou subventions1562 soupçonné d’instituer une
tutelle «rampante» de l’Etat sur les collectivités locales1563. Pour cette dernière modalité,
deux formules peuvent être adoptées. Une première consisterait en une suppression des
dotations budgétaires au niveau des ministères et autres structures publiques exerçant
antérieurement lesdites compétences et leur regroupement au sein d’une dotation globale à
transférer aux collectivités territoriales. Dans le second terme de l’alternative, il s’agirait de
dotations affectées qui maintiennent les allocations dans les lignes budgétaires des
ministères sectoriels qui les transfèreront aux collectivités.

1558 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 241.

1559La compensation c’est l’ «extinction totale ou partielle de deux obligations réciproques entre les mêmes personnes ayant pour objet
une somme d’argent ou une certaine quantité de choses fongibles de même espèce». CORNU G., op. cit., p. 209.

1560 ESSONO EVONO A., op. cit., p. 7.

Art. 37, Code Général des Collectivités Territoriales du Burkina Faso, Art. 180, Code des Collectivités Territoriales
1561

du Mali. Hors UEMOA, voir art. 22, Loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation au
Cameroun.

1562 Selon HERTZOG, les subventions sont des «versements faits par un organisme public à un autre organisme public ou privé,
ou à des particuliers de façon plus ou moins gratuite et aléatoire, à charge pour le bénéficiaire d'utiliser les fonds versés de façon plus ou moins
déterminée par directives ou conventions» (HERTZOG R., «Linéament d'une théorie des subventions», Revue française de finances
publiques, n° 23, 1988, p. 1.). Pour COUPAYE, «une subvention constitue, en principe, un transfert monétaire alloué
discrétionnairement et dans un but précis par une personne publique à un bénéficiaire quelconque» (v. COUPAYE P., JOSSE P., «Les
subventions aux collectivités locales», RFFP, n° 23, 1988, pp. 56 à 82).
1563HERTZOG R., «Linéament d'une théorie des subventions», Revue française de finances publiques, n° 23, 1988, p. 6 : la
subvention implique donc l'idée «d'aide, de secours financier accordé de façon unilatérale et sans contrepartie, mais néanmoins
conditionnelle et grevée à tout le moins d'une affectation».

303
Quant au montant à transférer, sa détermination doit avoir une valeur de référence. Dans
les pays en voie de développement, au moins trois cas de figure ont été répertoriés 1564. Il
peut s’agir d’un pourcentage fixe de l’ensemble des recettes nationales ou d’impôts et taxes
spécifiques. Il peut être constitué soit d’un montant fixe annuellement déterminé soit d’un
montant variable déterminé par une formule. Ainsi donc, certaines modalités s’établissent
sur des références objectives pendant que d’autres fonctionnent à la discrétion des autorités
gouvernementales. En l’absence d’une doctrine claire en la matière1565, le choix entre
transfert de fiscalité et versement de dotations devrait donc dépendre des objectifs visés et
à l’aulne des réalités1566. Dans l’intérêt de la libre administration, il est souhaitable que la
compétence législative s’affirme davantage1567. Dans la plupart des pays d’Afrique noire
francophone, le législateur se limite à simplement poser le principe de création des
mécanismes et laisse à l’exécutif, le soin d’en déterminer, et à son rythme, les ressources et
le fonctionnement1568. Il en résulte que le régime juridique des transferts financiers est
essentiellement de source réglementaire.

2. La prépondérance du pouvoir règlementaire

La pratique révèle deux dysfonctionnements majeurs que sont les délais et l’imprévisibilité.
Entre l’adoption des lois portant régime financier et la mise en place effective des
mécanismes de transfert de ressources, il s’est écoulé un temps anormalement long qui
révèle les réticences et résistances de l’administration centrale 1569. En n’adoptant pas la

1564
BIRD R., VAILLANCOURT F., «Décentralisation financière et pays en développement : concepts, mesure et
évaluation», L'Actualité économique, vol. 74, n° 3, 1998, p. 343-362.

1565 BIRD R., VAILLANCOURT F., ibidem.

Géographiques (développement équilibré), économiques (valorisation des potentialités), politiques (niveau


1566

souhaité d’autonomisation des collectivités) et administratives (nombre, taille et capacités des collectivités).
1567Théoriquement, plus élevé est le niveau d’un texte dans la hiérarchie des normes, mieux son effectivité est
susceptible d’être garantie.
1568C’est également le cas au Burkina Faso avec le Fonds Permanent pour le Développement des Collectivités
Territoriales (FPDCT) créé par l’article 141 de la loi n° 055-2004/AN du 21 décembre 2004 portant Code Général des
Collectivités Territoriales, au Mali avec l’Agence Nationale des Investissements des Collectivités Territoriales (ANICT)
qui met en œuvre les deux fonds (de solidarité et de péréquation) créés par les articles 249 et 250 de la Loi n° 95-034
modifiée par la Loi n° 98-010 du 19 juin 1998 portant Code des Collectivités Territoriales.

1569Au Bénin, la loi a été promulguée le 15 janvier 1998. Au Niger, la loi n° 2002-017 déterminant le régime financier
des régions, départements et communes a été promulguée le 11 juin 2002.

304
formule burkinabè qui a fixé un délai impératif de trois ans (art. 77, CGCT.), les législateurs
béninois et nigérien ont indirectement autorisé les pouvoirs exécutifs à se donner du
temps1570. Dans les deux cas, les modalités de mise en œuvre des mécanismes de
financement relèvent du pouvoir réglementaire1571. Dans leur œuvre de concrétisation, les
gouvernements ont fait des choix qui font apparaître des variations non négligeables 1572.

Dans la mise en œuvre desdites dispositions, le gouvernement béninois a créé un fonds


unique, le Fonds d’Appui au Développement des Communes (FADeC) dont la formule
d’allocation des ressources intègre différents paramètres qui recouvrent à la fois la
dimension compensation des charges transférées et péréquation. En effet, ledit fonds
prévoit deux types de dotations, les unes dédiées au fonctionnement et les autres à
l’investissement1573. Le FADeC-Fonctionnement béninois peut être rapproché de la
dotation générale de fonctionnement en France1574. Le FADeC-Investissement est
constitué de deux types de dotations, les ressources non affectées et les ressources affectées.
Trois sous dotations permettent de meubler la dotation non affectée 1575. Annuellement, la

1570C’est en mai 2008 que les décrets relatifs au Fonds d’Appui au Développement des Communes (FADeC) ont été
pris. La Commission Nationale des Finances Locales (CONAFIL) a été installée le 04 décembre 2008. Les délais sont
similaires au Niger : l’Agence Nationale de Financement des Collectivités Territoriales (ANFICT) a été créée en Juillet
2008. Avec la crise politique intervenue en 2010, c’est en 2014 que des décrets modificatifs et complémentaires seront
pris et le Conseil d’Administration de l’Agence nommé et installé.
1571 Bénin : Loi n° 98-007, art. 56 et 57 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 225 et 226.

1572Les législateurs béninois et nigérien ont prévu deux instruments financiers. Pour le Bénin, le premier vise la
«promotion économique et socioculturelle des communes» (Loi n° 98-007, art. 57) et devrait être constitué sur les
ressources de la coopération et d’une institution de financement à créer1572 et le second leur «développement équilibré» pour
lequel est institué un fonds (Loi n°98-007, art. 56)1572. Le Niger a aussi envisagé un fonds d’appui à la décentralisation
(Ord. n° 2010-54, art. 225) et un fonds de péréquation (Ord. n° 2010-54, art. 226). Les modalités de fonctionnement
desdits instruments sont fixées par voie règlementaire.

1573 Bénin : Décret n° 2008-276 du 19 mai 2008, art. 3.


1574 Créée en 1979 et dont le but est de contribuer à couvrir les dépenses de fonctionnement des collectivités
territoriales. De même au Bénin, les dotations de ce guichet d’appui au fonctionnement «viennent en complément aux
ressources propres communales destinées au fonctionnement» (Bénin : Décret n°2008-276 du 19 mai 2008, art.8).
1575D’abord, la dotation de structure qui tient compte de l’effectif de la population, de la superficie et du nombre
d’arrondissements ; ensuite la dotation de péréquation dont les paramètres discriminants portent sur le niveau de
pauvreté, le taux d’urbanisation ; enfin, une dotation de performance dont l’objectif est d’inciter les communes à une
meilleure gouvernance. Pour ce dernier critère, sont pris en compte dans l’appréciation, le nombre de sessions
ordinaires tenues par le Conseil communal ou municipal et par les commissions permanentes du conseil, le respect des
délais pour l’adoption du budget primitif et la transmission du compte administratif, l’accroissement des ressources
propres de la commune, le ratio dépenses d’entretien du patrimoine/dépenses de fonctionnement, l’excédent de
fonctionnement capitalisé.

305
CONAFIL décide de la pondération à affecter à chaque sous dotation 1576. Quant aux
dotations affectées, elles visent à financer des réalisations de compétence communale «en
fonction de destinations prédéfinies par secteur»1577. Le mécanisme béninois consiste en
une allocation globale contenue dans la loi de finances et qui est répartie entre les différentes
communes par la CONAFIL, organe paritaire administration centrale-communes1578.

Le Niger ayant opté pour la mise en place d’une agence de type établissement public1579. Au
terme de ces dispositions, l’ANFICT a pour mandat de «gérer et de répartir les ressources
attribuées aux collectivités territoriales aux fins d’appui à leur fonctionnement et à la
réalisation de leurs investissements sous leur maîtrise d’ouvrage» et «dans le strict respect de la
libre administration…»1580. La loi a également précisé les ressources que sont susceptibles de
gérer l’agence, le financement du fonctionnement de l’agence et les structures de tutelle 1581.
Toutes les autres questions substantielles relatives à l’organisation et au fonctionnement de
l’agence sont renvoyées, conformément aux dispositions de l’Ord. n°2010-54, à des décrets
Conseil des Ministres.

Le Décret n°2014-136/PRN/MISD/D/ACR/MF du 07 mars 2014 fixant les modalités de


fonctionnement du Fonds d’Appui à la Décentralisation concrétise l’art. 225 de l’Ord.
n°2010-54. Il consiste en des dotations de fonctionnement1582. Le montant de la dotation
globale est fixé par la loi des finances puis elle est répartie en subventions aux collectivités

SP/CONAFIL, Compte rendu de la première session ordinaire au titre de l’année 2013. Les dotations non affectées
1576

sont calculées suivant la pondération ci-après : une dotation fixe de 30 millions à laquelle a été affectée une pondération
de 14% et une dotation variable de 84% répartie entre les paramètres population (35%), pauvreté (35%), superficie
(15%) et performance (15%).
1577Décret n° 2008-276 du 19 mai 2008, art. 9.

1578Décret
n° 2008-276 du 19 mai 2008, art.7. La CONAFIL comprend 18 membres dont 9 représentant l’Etat et 9,
les communes. Voir Décret n° 2008-274 du 19 mai 2008, art. 2, 3.

Créée par la Loi n° 2008-38 du 10 juillet 2008 portant création d’un établissement public à caractère administratif
1579

dénommé «Agence Nationale de Financement des Collectivités Territoriales», ANFICT et ses statuts approuvés par
Décret n° 2008-360/PRN/MI/SP/D/ME/F du 06 novembre 2008 modifié par le Décret n° 2012-
072/PRN/MI/SP/D/AR/MF du 06 mars 2012.

1580 Niger : Loi n° 2008-38, art. 3 et 4.


1581 Niger : Loi n° 2008-38, art. 6, 7 et 11.

1582 Décret n° 2014-136, art. 2.

306
territoriales1583. Quant aux modalités de répartition, leur détermination est renvoyée à un
arrêté conjoint du ministre en charge de la tutelle des collectivités territoriales et de celui en
charge des finances1584. Le Décret n°2014-137/PRN/MISD/D/ACR/MF du 07 mars
2014 fixe les modalités d’alimentation et de gestion du Fonds de Péréquation 1585 objet de
l’art. 226 de l’Ord. n°2010-54. La définition de la dotation tient compte des compétences
transférées. Les modalités de répartition sont aussi fixées par un arrêté conjoint du ministre
en charge de la tutelle des collectivités territoriales et de celui en charge des finances. Les
critères de péréquation, dynamiques, portent sur la population, la superficie, l’accès aux
ressources minières, les équipements existants mais également la «performance dans la
mobilisation des impôts et taxes» 1586, une pourtant assurée par l’administration fiscale, une
administration d’Etat.

Les dispositions susvisées révèlent que les déterminants essentiels d’une ressource devenue
prépondérante pour les collectivités échappent presqu’entièrement au contrôle du
législateur. Par cette maîtrise du régime juridique et des leviers opérationnels de ses
concours financiers, l’Etat transfère s’il le désire et en temps favorable.

B. Des transferts réducteurs de l’autonomie financière locale

Dans un contexte où très peu de place a été faite à l’autofinancement, les subventions
étatiques présentent indubitablement un intérêt particulier pour les collectivités
territoriales1587. L’autonomie ainsi construite s’apparente à une subordination, lesdits
concours financiers pouvant constituer un instrument de contrôle indirect 1588. Pour s’en

En tenant compte de leurs charges de fonctionnement (art. 3 et 4) et du déficit entre leurs charges obligatoires de
1583

fonctionnement et leur capacité de mobilisation de ressources budgétaires (art. 6).


1584 Décret n° 2014-136, art. 7.

Ledit fonds est dédié aux investissements relevant des compétences des collectivités «en vue de veiller à leur
1585

développement harmonieux sur la base de la solidarité nationale» (art. 2, 11 et 12).


1586 Décret n° 2014-137/PRN/MISD/D/ACR/MF du 07 mars 2014, art. 3, 7, 8 et 19.

1587Pour l’année budgétaire 2012, les recettes propres d’investissement des collectivités territoriales sont de FCFA
970 549 311 contre FCFA 15 657 608 672 au titre des transferts soit 6,20% d’autofinancement.

Puisque l’État resterait maître de la détermination et de l’évolution des ressources qu’il se trouve en mesure de leur
1588

apporter.

307
convaincre, il faudra démontrer que les défauts attribués à ce mode de financement (1) sont,
pour une large part, confirmés par les tendances enregistrées dans les faits (2).

1. Les griefs théoriques

La critique majeure qui est faite aux subventions étatiques porte sur leur caractère unilatéral
et donc peu confortatif pour la libre administration. Ce reproche provient aussi bien de la
doctrine que d’hommes politiques.

Pour Loïc PHILIP, les subventions constituent le «type même d’une situation de dépendance ; des
subventions sont généralement versées pour un objet précis et par conséquent l’autonomie des décisions des
collectivités se trouve réduite»1589. ESSONO EVONO déplore aussi leur caractère unilatéral
puisque «Les collectivités locales n’ont aucune prise sur ces concours financiers : ils sont attribués
unilatéralement par l’Etat, selon des critères qui ne sont pas objectifs»1590. Daniel HOEFFEL, alors
président de l’Association des Maires de France et Rapporteur de la loi organique relative à
l’autonomie financière des collectivités territoriales au Sénat, fait remarquer que dotations
étatiques et ristournes sur les impôts d’Etat sont pareilles et ne sauraient conforter
l’autonomie financière locale1591. Le Conseil économique et Social français a également fait
part de son opposition à cette technique de financement qui «ménage peu de place pour
l’autonomie»1592.

Les subventions générales1593 sont certes plus adéquates mais il ne faut toutefois pas en
déduire que les transferts étatiques, même ceux qui sont affectés, sont contraires à la libre
administration. Au lendemain de la révision constitutionnelle, la question s’est à nouveau
posée «de savoir si cet article [72-2 al. 1] avait seulement pour objet de prévoir que certaines des ressources

1589 PHILIP L., «Les finances locales et l’impératif de décentralisation : bilan et perspectives» in DEBBASCH Ch.
(dir.), La décentralisation pour la rénovation de l’Etat, Paris, PUF, 1976, p. 162. V. également, «L’autonomie financière des
collectivités territoriales », CCC, n° 12, 2002, p. 96.

1590 ESSONO EVONO A., op. cit., p. 7.


1591Cité par HERTZOG R., «La loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales : précisions
et complications», AJDA, 25 octobre 2004, p. 2006.

1592 Avis du CES du 13 juin 2001, p. 9.


1593Dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au
financement de projets spécifiques. L’octroi de subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la
politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.

308
des collectivités territoriales devaient être d’emploi libre, ou s’il interdisait toutes les ressources affectées à des
objets déterminés, telles que les dotations versées par l’État, ou les subventions spécifiques»1594.

Le juge constitutionnel français sollicité sur ce sujet a évité une lecture littérale du nouvel
article 72-2. Il a affirmé, dans sa Décision 2003-474 DC, que le principe de libre disposition
des ressources prévu à l’alinéa 1er n’interdisait pas au législateur de verser des dotations à
but déterminé aux collectivités territoriales1595. Par contre, il avait déjà, dans une
jurisprudence antérieure, limité les possibilités de réduction des ressources versées aux
collectivités1596. A contrario, cela signifie qu'une baisse significative des ressources non
compensée pourrait être jugée inconstitutionnelle. La question sous-jacente est de savoir à
partir de quelle proportion il pourrait être considéré qu'il y a entrave à la libre
administration. En réponse, dans la même décision, le Conseil considère que le prélèvement
effectué sur les ressources fiscales de certaines communes de la région d'Ile-de-France, au
profit d'autres communes, ne peut être jugé contraire à l'article 72 de la Constitution du fait
que le montant ne pourra excéder 5 % des dépenses réelles de fonctionnement de la
commune. On pourrait donc légitimement penser qu'il y a là un seuil qui ne peut être
franchi1597.

2. Les effets enregistrés

La situation des concours financiers de l’Etat aux communes béninoises est présentée en
annexe 3. L’année 2008 au cours de laquelle les transferts d’investissements sont devenus
effectifs constitue la référence. En 2010, les transferts de ressources en faveur des
communes représentaient 34% des recettes locales mais seulement 3% des recettes
encaissées par l’Etat. Pour cette même année, les transferts de fonctionnement constituaient

1594 JANICOT L., in LPA, n° 133, 5/07/2004, p.10.

1595C’est la raison pour laquelle le juge constitutionnel français ne censure pas le remplacement des ressources fiscales
par des dotations. Décision 2001-456 DC du 27 décembre 2001, Rec. p. 180, consid. 23.

1596A propos d'une disposition réduisant, pour certaines catégories de communes, la garantie de progression minimale
des attributions de la dotation globale de fonctionnement, il a estimé que ses conséquences ne pouvaient être regardées
comme constituant une entrave à la libre administration, cette disposition n'étant susceptible d'entraîner, même dans
l'hypothèse la plus défavorable, qu'une diminution minime de la progression de leur dotation, laquelle ne constitue
d’ailleurs qu'une partie des recettes de fonctionnement des communes. Déc. 291 DC du 6 mai 1991, consid. 13.
1597 PHILIP L., «L’autonomie financière des collectivités territoriales», CCC, n° 12, 2002, p. 98.

309
8% des recettes de fonctionnement des communes. Quant aux transferts d’investissements
qui ne représentaient que 5% des recettes d’investissements en 2003, ils sont passés à 56%
en 2010. Parallèlement, les prélèvements sur les recettes de fonctionnement qui étaient de
95% en 2003 ne sont plus que de 2% en 20101598.

Si l’accroissement des dotations d’une année à l’autre est manifeste, il importe de


s’interroger sur sa justification. Il n’obéit pas à des objectifs fixés sur la base d’une analyse
des besoins et déclinés en indicateurs dynamiques et objectivement vérifiables. Autant il
n’est pas aisé d’établir un lien entre les différents guichets du mécanisme, non affecté versus
affecté et leur utilisation. Tout au plus, il peut être fait l’hypothèse que les dotations non
affectées représentent un appui à la mise en œuvre des compétences générales
d’administration locale alors que les dotations affectées constituent une compensation des
compétences antérieurement gérées par les ministères sectoriels.

Dès lors, une variation de montants d’une année à l’autre ne peut ni être prévue1599 ni sous-
tendue par une justification intelligible. Par exemple, les dotations de fonctionnement n’ont
pas varié entre 2008 et 2011 alors même que l’accroissement des ressources
d’investissement implique nécessairement une augmentation des charges de
fonctionnement. Comme les montants initiaux, l’accroissement d’environ 10% intervenu
en 2012 est subjectivement décidé par l’Etat. Il en est ainsi des contributions de l’Etat aux
dotations non affectées qui n’ont pas significativement varié depuis 20091600.

Le montant des subventions à envoyer à chaque collectivité territoriale est inconnu de la


Loi des Finances qui l’autorise, la répartition étant faite après l’adoption du budget de l’Etat
par la CONAFIL. Or, pour éviter des fluctuations faciles1601, et «Quelle que soit leur forme,

1598 Cette moyenne cache de fortes disparités départementales : 4,4% dans l’Atlantique et 19% dans l’Atacora.

1599La nouvelle structure présentation des lois de finances imposée par la LOLF ouvre de nouvelles perspectives. Cette
structure présente d'évidents avantages : lecture immédiate dans la loi de finances du montant total des crédits attribués
à chaque programme, souplesse d'exécution, responsabilisation du gestionnaire, aptitude à l'évaluation. Dans la mesure
où beaucoup de missions et de nombreux programmes d'État auront une interface avec les activités des collectivités
territoriales, les gestionnaires locaux pourraient tirer profit de cette plus grande lisibilité du budget national.

1600 Les accroissements nets notés s’expliquent essentiellement par les contributions en forte et régulière croissance des
partenaires techniques et financiers. La contribution des PTF au FADeC non affecté a, par exemple, été de 50,78% au
titre de l’exercice budgétaire 2013.

1601 Entre 2009 et 2010 il a été enregistré une baisse de 200 millions. La baisse observée en 2011 (30% des prévisions)
fait suite à des difficultés de trésorerie éprouvées par l’Etat en fin d’année. Cette part a été compensée en 2012.

310
tous les concours financiers de l’Etat aux organismes publics doivent être approuvés par une loi de
finances»1602. Les échéances de mise en place des ressources sont rarement respectées1603.
Dans un registre beaucoup plus psychologique, l’effet des subventions est néfaste sur les
efforts de mobilisation de ressources intérieures. Dans la mesure où les compétences sont
très enchevêtrées et les transferts des ressources très timides d’une part et ayant été
accoutumés à la centralisation financière d’autre part, il est embarrassant pour les élus de
décider, sans recourir à l’Etat. Une telle posture est à l’opposé de l’esprit de
responsabilisation locale qui sous-tend la libre administration. Elle se transforme en
handicap. Concluant l’analyse de cette situation dans les pays de l’Afrique de l’Ouest et du
Centre, Christian FOURNIER et Maurice HOUNTONDJI énoncent que «les transferts
financiers qui se présentent en général sous la forme de dotations ou de subventions sont très souvent soit
ineffectifs, soit insuffisants ou aléatoires (…), leur modicité et leur irrégularité handicapent les collectivités
locales dans l’exercice de leurs compétences»1604.

1602 V. art. 55, Directive n° 06/2009/CM/UEMOA portant Lois de Finances au sein de l’UEMOA.
1603 Par exemple, pour la 3ème tranche au titre de l’année budgétaire 2013, un retard de quatre (4) semaines a été observé
à l’étape de mandatement.

1604 HOUNTONDJI M.M., FOURNIER C., Pour une gestion et un développement durable des collectivités locales : le SAFIC, un
instrument d’aide à la décision, Fonds d’Equipement des Nations Unies, 2006, p. 16.

311
CONCLUSION DU CHAPITRE I

Les principes fondamentaux édictés par le législateur en matière de mobilisation des


ressources par les collectivités n’ont pas été fondés sur une analyse préalable des
compétences et des moyens nécessaires à leur mise en œuvre. Par-delà la reconnaissance
formelle du pouvoir de mobilisation de ressources propres, le législateur ne s’est pas assuré
de garantir une part suffisante de ressources à celles-ci.

Le caractère marginal de la fiscalité locale en constitue une justification. Bien que nécessaire,
l’attribution d’un pouvoir fiscal à la collectivité territoriale demeure une vue de l’esprit,
tellement l’Etat est imprégné de son unité et indivisibilité. En vue de remédier à
l’insuffisance notoire de ressources qu’occasionne cette situation, la modalité de transferts
ou de subventions a été préférée.

Si celle-là permet aux collectivités de disposer de ressources plus importantes, elle ne


renforce pas l’autonomie locale. Mal cernés par le législateur, imprévisibles et conditionnés
dans certains cas, les transferts financiers de l’Etat aux collectivités créent plutôt une
certaine dépendance qu’exaspèrent les entraves à la liberté de dépenser de la collectivité
territoriale.

312
CHAPITRE II : LES ENTRAVES A LA LIBERTE DE DEPENSER

Sous la pression de la demande sociale1605, les dépenses des collectivités croissent à un


rythme plus élevé que celui de l’activité économique1606. Un tel accroissement entraîne un
recours au levier fiscal, national ou local1607. L’absence de maîtrise des dépenses locales peut
donc impacter négativement l’ensemble des finances publiques. Ainsi se justifie la nécessité
de leur encadrement qui devrait épargner les libertés locales. Tel ne fut toujours pas le cas.
Le contrôle déborde sur l’appréciation de l’opportunité, entravant l’autonomie financière
(Section 1). L’hyper réglementation et l’inflexibilité dans l’application de certaines normes,
originellement étatiques, interpellent quant à l’utilité intrinsèque et à l’efficacité des règles
budgétaires appliquées aux collectivités territoriales (Section 2).

SECTION 1 : UNE LIBERTE RESTREINTE

Contrairement à l’idée première qui résulte de l’autonomie financière, la collectivité se voit


prescrire de nombreuses dépenses obligatoires auxquelles (Paragraphe 1). De même, le
caractère républicain de la personne publique territoriale lui interdit de financer certaines
activités étrangères à l’intérêt général (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les dépenses obligatoires

La loi dresse une liste de dépenses qu’elle juge obligatoires 1608 pour la collectivité
territoriale. La détermination n’a pu être exhaustive, ce qui rend son contenu extensible (A).
La portée de la distinction réside dans les conséquences juridiques qu’elle produit
notamment l’élargissement du contrôle tutélaire (B).

SAOUDI M., «Typologie des dépenses locales : problématique et enjeux», La Revue du Trésor, vol. 87.2007, 5, p.
1605

472.

Au Bénin, ce chiffre est passé de 27,9 milliards en 2008 à 45,7 milliards en 2012, soit un accroissement de plus de
1606

63% en cinq ans seulement. Par tête d’habitant, la moyenne de dépense des collectivités a été multipliée par 2,3 entre
2003 et 2010. Voir SP/CONAFIL (Bénin), Les communes du Bénin en chiffres : 2003-2010, p. 10.
1607 SAOUDI M., op. cit., p. 472 : Tout «accroissement des dépenses conduit les collectivités territoriales à capter une part importante
des ressources nationales…».

1608 Bénin : Loi n° 98-007, art.17 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 243 et 244.

313
A. De l’exception pertinente à la généralisation

Sont considérées comme obligatoires, des dépenses résultant soit de la loi, soit d’un contrat
ou d’une décision de justice et dont la mise en œuvre est inévitable à l’existence même et à
l’exercice des compétences (1). Il demeure cependant que la longueur de la liste et le
caractère imprécis de certaines formulations peuvent donner lieu à des pratiques
attentatoires à l’autonomie financière locale (2).

1. Une justification pertinente

Toutes les dépenses publiques locales ne peuvent revêtir la même importance1609. Certaines,
obligatoires, sont impérativement mises à la charge de la collectivité territoriale par la loi.
Par leur définition initiale et à leur examen, il s’agit de dépenses qui permettent de couvrir
les charges existentielles de l’institution communale1610. Même si le concept de dépense
obligatoire remonte à l’Arrêté du 17 Germinal An XI relatif aux dépenses des
communes1611, la plupart des auteurs1612 partagent la définition qui en est donnée par
Alexandre-François Auguste VIVIEN, Rapporteur de la loi du 18 juillet 1837 en France1613.

Suivant certaines justifications, la démarcation a pu viser, à l’origine, le renforcement des


libertés locales. A ce sujet, Edouard DETHAN affirmait que «la tendance était de mettre à la
charge des départements le plus de dépenses obligatoires possibles ; on croyait ainsi faire œuvre de
décentralisation : les conseils généraux auraient au moins le droit de contrôle sur les dépenses autrefois
uniquement réglées par l’Etat»1614. Cette hypothèse a été aussi avancée par MASPETIOL et

1609Pour le Pr HERTZOG, «La constitution financière de l'Etat décentralisé», Annuaire des collectivités locales, T. 24, 2004,
p.180, la disposition constitutionnelle suivant laquelle «Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent
disposer librement dans les conditions fixées par la loi» (art. 72-2), jugée assez plate, «n'impose pas que toutes les ressources soient
d'emploi libre».

1610ORSONI G., «Dépenses obligatoires», in ISAIA H., SPINDLER J., op. cit., p. 491 ; Science et législation financières,
Paris, Economica, 2005, p. 498.

1611Arrêté du 17 Germinal An XI, Rec. Duvergier, T. 14, p. 183. Cet arrêté oppose dépenses fixes et dépenses variables.
Ces dépenses fixes (abonnements de journaux, registres d’état civil, entretien de la maison commune) seront
ultérieurement appelées dépenses obligatoires dans les lois de 1837 et de 1884.

1612CATHELINEAU J., Le contrôle des finances communales en France, T.II, Paris, LGDJ, 1963, p. 43. ; MELLERAY G.,
La tutelle de l’Etat sur les communes, Paris, Sirey I, 1981, p. 248.
1613 Sont considérées comme obligatoires, toutes les dépenses «qui ont pour objet l’exécution d’une loi, l’accomplissement d’une
obligation publique ou privée ou qui touchent essentiellement à l’existence même de la commune». V. Rec. Duvergier, T. 37, p. 227.
1614 DETHAN E., Les dépenses obligatoires des budgets départementaux et communaux, Thèse, Paris, 1914, pp. 14-15.

314
LAROQUE1615. L’institutionnalisation d’une catégorie de dépenses obligatoires visait à
garantir l’exercice par la collectivité territoriale le plus de compétences possibles qui lui
étaient dévolues. Il n’est pas exclu d’y voir des astuces pour l’Etat de faire assurer le service
public sans en payer directement le prix, ce qui lui permettrait de contenir ses déficits1616.

Inscrite dans la loi municipale française du 05 avril 18841617, la notion de dépenses


obligatoires a été introduite en Afrique Occidentale dès la création de collectivités
territoriales de plein exercice par la Loi n°55-1489 du 18 novembre 1955 relative à la
réorganisation municipale en Afrique Occidentale Française, en Afrique Equatoriale
Française, au Togo, au Cameroun et à Madagascar. Elle y refit surface avec le renouveau de
la décentralisation1618. Au terme des législations nationales1619, les dépenses obligatoires
sont celles qui permettent de garantir, en dépit de l’affirmation constitutionnelle de la libre
administration, l’intérêt général1620. Le code sénégalais des collectivités motive
explicitement ce caractère obligatoire1621. Ainsi, la plupart desdites dépenses correspondent
à des charges récurrentes de fonctionnement et d’offre de services clés aux populations. Il
en est ainsi pour les dépenses de personnel, des frais de loyer et d’entretien des locaux
abritant les services de la collectivité territoriale, etc.1622. C’est également pour l’essentiel,

1615 MASPETIEL, LAROQUE, La tutelle administrative, Paris, Sirey, 1950, p. 73.

Historiquement, la décentralisation financière a souvent connu des accélérations en temps de crise. V. aussi
1616

DETHAN E., op. cit., p. 14 ; CATHELINEAU J., op. cit., p. 45 ; MELLERAY G., op. cit., p. 253.

1617 Art. 136.


1618 En effet, l’institution communale est avant tout une administration délivrant le service public et est, en tant que
telle, soumise aux principes fondamentaux applicables à tout service public dont notamment la continuité.

1619 Bénin : Loi n° 98-007, art. 17 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 244.

1620 Par décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000 (Rec. p. 176, Consid. 12), le Conseil Constitutionnel français
affirmait que «si le législateur peut, sur le fondement des dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités
territoriales ou leurs groupements à des obligations ou à des charges, c'est à la condition que celles-ci répondent à des exigences constitutionnelles
ou concourent à des fins d'intérêt général».

1621 Sénégal : Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013, art. 202 : «Les dépenses obligatoires sont celles qui doivent nécessairement
figurer au budget :
- soit parce que la loi l'impose à toutes les collectivités locales ou seulement à celles qui remplissent certaines conditions;
- soit parce que, tout en laissant un caractère facultatif à la création de certains services publics ou à la fixation des programmes de
développement, la loi fait obligation aux collectivités locales d'inscrire à leur budget les dépenses correspondantes, dès lors que ces services ont
été créés ou que ces programmes ont été inscrits au plan de développement».

1622C’est le cas pour les frais de registre de l'état civil et des actes de l'état civil à la charge de la commune ; les frais
d'émission et de perception de taxes communales et des revenus communaux, etc.

315
des dépenses dont l’occurrence et l’exigibilité sont certaines1623. Finalement, il s’agit d’une
catégorie dont la liste est très longue.

2. Une liste «ouverte»

Sur cette liste, il apparaît des dépenses qui, soit, devraient relever de l’Etat central, soit ne
sont objectivement pas obligatoires, tout au moins en les liant à l’intérêt local. C’est par
exemple le cas de l’abonnement au journal officiel. En effet, si le Maire est chargé de la
diffusion et l’exécution des lois et règlements1624, il l’est pour le compte de l’Etat central
qu’il représente sur son territoire. Mettre à la charge de la commune, les frais induits par
l’exercice d’une compétence étatique ne semble ni logique ni équitable1625. On peut en dire
autant de certaines charges liées à l’élaboration des documents de programmation
spatiale1626. Le maintien dans la liste, en particulier au Bénin, de certaines dépenses
inadaptées résulte certainement de la reconduction presqu’intégrale de l’article 29 de la Loi
n°55-1489 susvisée.

Le législateur nigérien a fait le choix d’une certaine équité en affectant le caractère


obligatoire de certaines dépenses de la réserve d’un «transfert concomitant de ressources»1627
même si cette disposition soulève quelques difficultés opérationnelles. Il est établi que le
budget de la collectivité s’adopte et s’approuve soit antérieurement soit parallèlement à la
loi des finances qui autorise les transferts de ressources.

Etant une limite à une liberté, il est essentiel que les dépenses obligatoires soient bien
circonscrites pour ne pas constituer une source de remise en cause astucieuse de la libre

1623 Intérêts sur emprunts et autres dettes, frais résultant de décisions de justice exécutoires.

1624 Bénin : Loi n° 97-029, art. 68 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 91.
1625Faire obligation à l’Etat d’approvisionner systématiquement et obligatoirement en journaux officiels les collectivités
territoriales aurait été plus juste. Si tel ne peut être le cas, il s’impose un transfert de ressources pour permettre à la
collectivité territoriale.
1626Les frais d'élaboration du schéma directeur d'aménagement de la commune (SDAC) et les frais d'établissement et
de conservation des plans d'alignement et de nivellement.

1627 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 244, point 9.

316
administration1628. Au Bénin, la Loi n°98-007 consacre 17 tirets à l’énumération des
dépenses obligatoires. A la longueur de cette liste s’ajoute des imprécisions qui laissent
penser que le caractère obligatoire ne pourra être apprécié que circonstanciellement, vu qu’il
peut s’agir de situations plus complexes et moins évidentes1629. C’est par exemple, «les
dépenses d'entretien et de nettoiement des rues, chemins de voirie urbaine et places publiques situés sur le
territoire de la commune et n'ayant pas fait l'objet d'un décret ou d'un arrêté de classement les mettant à la
charge d'un budget autre que celui de la commune». Sont également obligatoires, les dépenses
résultant des actions exécutées d'office par l'autorité de tutelle pour le compte d'une
commune en raison du refus ou de la négligence du Maire1630. Le caractère non exhaustif
de la liste des dépenses obligatoires est confirmé des lors que le législateur offre la possibilité
qu’elles puissent être créées par décret ou arrêté1631.

B. La tutelle, entre contrôle budgétaire et substitution d’office

Le souci de sauvegarde de l’intérêt général justifie que le législateur prévoie un pouvoir


d’inscription d’office au profit de la tutelle (1), un pouvoir grave de conséquences pour la
liberté de dépenser de la collectivité (2).

1628 En France, les possibilités pour le législateur d’imposer des nouvelles dépenses obligatoires aux collectivités
territoriales n’ont été acceptées par le Conseil, qu’à la condition qu’elles soient «définies avec précision quant à leur objet et à
leur portée» et ne pas «méconnaître la compétence propre des collectivités territoriales ni entraver leur libre administration» (Décision 90-
274 DC du 29 mai 1990, cons. 16 Loi visant à la mise en œuvre du droit au logement, Rec. p. 61). La jurisprudence du juge
constitutionnel est demeurée constante. V. Décision 91-298 DC du 24 juillet 1991, Rec. p. 82 ; Décision 91-291 DC
du 6 mai 1991, Rec. p. 41 ; Décision 98-405 DC du 29 décembre 1998, Rec. p. 326.
1629
Pour le Conseil d’Etat français, présentent le caractère obligatoire, 1) le reversement par la commune de la Chapelle-
en-Serval de sommes versées par le réalisateur d’un lotissement à titre de participation forfaitaire aux équipements
communaux d’infrastructure imposés par l’urbanisation, alors que le lotissement envisagé n’a pas été autorisé par arrêté
préfectoral et que le paiement effectué doit de ce fait être regardé comme dépourvu de cause (CE, 2 octobre 1992,
Ministre des finances et du budget, Rec. Leb. p. 351) ; 2) les cotisations communales au budget du service départemental
d’incendie et de secours, qui ne sont pas le paiement du prix d’un service dont les communes seraient les usagers, mais
une charge qui leur incombe pour le bon fonctionnement d’un service public dont elles ont la responsabilité en vertu
de la loi. Cette cotisation échappe par sa nature même au champ d’application de la réglementation sur le prix (CE, 28
octobre 1992, Commune de La Gaude) ; 3) les cotisations dues à une caisse de mutualité sociale agricole par une commune
qui a employé une personne pour effectuer des travaux forestiers (CE, 17 juin 1996, Commune de Fontenay).

1630 Bénin : Loi n° 98-007, art 17, al. 2.

1631Bénin : Décret n° 2001-412 du 15 octobre 2001 portant statut du Secrétaire Général de Mairie, art. 11 et 12 ; c’est
également le cas des arrêtés de classement des rues et voiries urbaines (Loi n° 98-007, art 17).

317
1. Le pouvoir d’inscription d’office du représentant de l’Etat

L’existence de dépenses obligatoires a pour conséquence juridique la mise en place d’un


contrôle particulier, le contrôle budgétaire étendu1632 doublé d’un pouvoir de substitution ;
en somme, une sorte de voie d’exécution forcée à l’encontre de la collectivité territoriale.
Pour y recourir, il doit être établi que les dotations ne sont pas inscrites ou le sont en
montants suffisants. Si tel n’était pas le cas et en cas de résistance de l’autorité locale, le
législateur autorise la tutelle à procéder par lui-même aux rectifications nécessaires. Dans la
perspective béninoise, il s’agirait même d’une inscription d’office, «sans formalité spéciale»1633.
Pour aboutir à la même finalité, la procédure prévue par l’ordonnance nigérienne de 2010
peut paraître empreinte de pédagogie1634 dans son énoncé. Mais, contrairement au régime
ordinaire de contrôle de légalité dans lequel l’autorité de tutelle saisit le juge, en matière
financière, il se substitue à l’organe délibérant de la collectivité.

Le législateur ne laisse aucune marge à l’ordonnateur de se soustraire à un engagement pris


au nom de la collectivité, fut-il par le représentant de l’Etat. A cet effet, il est astreint à
produire et transmettre trimestriellement à la tutelle un état des dépenses engagées1635. Tous
les reports de crédit d’investissement doivent également lui être signalés1636. Dans le cas

1632 Bénin, Loi n° 97-029, art. 144 et Loi n° 98-007, art. 29 ; Niger, Ord. n° 2010-54, art. 219. C’est ce qui justifie que
le législateur exige de la collectivité de joindre certains documents explicatifs tels que le «rapport de présentation expliquant
toutes les caractéristiques du nouveau budget ; un commentaire détaillé en recettes et en dépenses et toutes les pièces justificatives
nécessaires» (Niger : Ord. n° 2010-54, art. 219, al.2), la production de données trimestrielles sur l’exécution du
budget (Bénin : Loi n° 98-007, art. 32 et 44) ou que l’autorité de tutelle se fasse assister du Délégué du Contrôleur
Financier dans le département pour l’examen du budget (Bénin : Loi n° 98-007, art. 29).

1633Loi n° 98-007, art. 20 : «Les dépenses facultatives sont d'office réduites ou supprimées par l'autorité de tutelle, sans formalité spéciale,
quand cette mesure est nécessaire pour inscrire les crédits attachés à la couverture des dépenses obligatoires ou pour réaliser l'équilibre du
budget». La brutalité d’une telle disposition (inscription d’office) semble devoir être mise en parallèle avec l’esprit du régime
de tutelle caractérisé par une approbation préalable. Elle est cependant nuancée par la procédure décrite à l’article 32
de la Loi n° 98-007.

1634En effet, la non inscription ou l’inscription insuffisante de dépenses obligatoires d’une part, la non inscription ou
la minoration de l’autofinancement brut local d’autre part, impliquent la demande d’une seconde lecture qui ne peut
être refusée. Si après cette deuxième lecture, les observations de l’autorité de tutelle ne sont pas prises en compte, il
met en demeure la collectivité de le faire. Si une réaction positive n’est pas enregistrée dans les quinze jours de ladite
mise en demeure, le budget est réglé par la tutelle qui en adresse notification à l’ordonnateur et au comptable de la
collectivité (Niger : Ord. n° 2010-54, art. 221).

1635 Bénin : Loi n° 98-007, art. 44 : «Le Maire communique trimestriellement sa comptabilité des dépenses engagées à l'autorité de
tutelle».

Niger, Ord. n° 2010-54, art. 253. Le législateur sénégalais a même prévu en faveur de la tutelle un pouvoir de
1636

mandatement en cas de carence de l’autorité budgétaire locale.

318
particulier du Bénin où la liste des dépenses obligatoires est particulièrement longue1637,
c’est plus de la moitié1638 du montant total du budget de fonctionnement de la collectivité
territoriale qui est en jeu. Au Niger, la proportion paraît devoir être plus élevée en raison
du niveau relativement considérable de l’autofinancement brut local (45 %). En d’autres
termes, la liberté réelle de dépenser de la collectivité porte sur moins de la moitié de ses
ressources1639.

2. Une atteinte exorbitante à la liberté de dépenser

Deux préliminaires méritent d’être relevés. D’une part, la libre administration exprime la
volonté du constituant de démocratiser la gestion locale. Ceci devrait impliquer de
privilégier le contrôle politique exercé par les organes délibérants et les électeurs. D’autre
part, aucun niveau minimum de ressources n’est garanti à la collectivité.

Le caractère obligatoire de certaines dépenses affirmé par le législateur réduit davantage les
marges d’appréciation des collectivités. Plus longue est la liste, plus élevés sont les volumes
de financement en jeu et plus restreinte sera l’autonomie1640. Ce qui est ici source de plus
de réprobations, c’est la portée juridique attachée à cette catégorisation. En effet, non
seulement c’est au représentant de l’Etat -fonctionnaire nommé- d’apprécier mais
également de sanctionner l’omission ou l’inscription d’un montant qu’il juge insuffisant1641
par une inscription d’office et le cas échéant, une exécution d’office.

1637La même tendance aux détails s’observe dans le cas sénégalais qui les énumère en 18 points (Loi n° 96-06 du 22
mars 1996, art. 258) ainsi qu’au Burkina Faso où sont évoquées 20 situations (Loi n° 014-2006 du 9 mai 2006 relatives
aux ressources et charges des collectivités territoriales, art. 20).

1638 Compte non tenu de l’autofinancement brut local dont le décret d’application est toujours attendu et pour lequel
il n’existe donc pas encore un taux impératif.

1639Il ne s’agit pas d’une exception ; les dépenses obligatoires représentent environ 95% des dépenses des communes
belges. Voir FRIZON R. et al., La perception de l’autonomie financière des collectivités locales en Europe. Quels enseignements pour
la France ?, Paris, INET, 2001, p. 19.
1640
La loi béninoise les énumère en 17 tirets pendant que le législateur nigérien s’est limité à 8. Cela n’indique pas que
l’autonomie soit plus large dans un cas plus que dans l’autre puisque les deux législations prévoient une formule ouverte
qui intègre aux dépenses obligatoires les «dépenses des services que la loi met à la charge des communes» (Bénin) ou «dépenses que
la loi met à la charge de la commune» (Niger).

1641 Bénin : Loi n° 98-007, art. 20 ; art. 32.

319
Ce pouvoir d’intervention autorise l’autorité de tutelle à agir sur la répartition des ressources
dans la mesure où elle peut soit supprimer certaines dépenses facultatives pour inscrire
d’office une dépense obligatoire ou en accroître le montant. Même si le juge constitutionnel
français en a confirmé la constitutionnalité1642 et que son homologue administratif en a
précisé l’étendue en des termes peu équivoques1643, il n’empêche que «la notion même de
dépenses obligatoires paraît contraire au principe de libre administration»1644. L’étendue de la liste et le
pouvoir d’inscription d’office qu’il consacre constituent des limites manifestement
exorbitantes à l’autonomie financière, condition essentielle de la libre administration1645.

En instituant des dépenses obligatoires, il s’agissait, dans la conception originelle1646,


d’éviter des dysfonctionnements préjudiciables à la continuité du service public local. Or
cette appréciation n’est ni certaine ni univoque une fois insérée dans les spécificités de
l’intérêt local. C’est donc à juste titre que la doctrine attire l’attention sur les travers du
concept. L’inscription de dépenses obligatoires peut réduire et, dans certains cas, supprimer
le pouvoir budgétaire de la collectivité1647. Mal délimitée, «…l’existence des dépenses obligatoires
est en soi une atteinte à l’autonomie financière formelle des collectivités locales car, avec ces dépenses, le pouvoir
de décision des autorités locales disparaît»1648.

1642 Décision n° 90-274 DC du 29 mai 1990, Rec. p. 61.

1643 CE, 15 juin 1994, Département de la Marne, req. 137740, Rec. Leb. p. 319 : «dès lors qu’il s’agit de dépenses dont le montant
est arrêté par le préfet, la contestation par la personne publique de leur caractère obligatoire ne fait pas obstacle à l’inscription d’office au
budget de ces sommes».

1644HOND J. T., «Les ressources financières dans un système décentralisé. De l’autonomie financière des collectivités
territoriales décentralisées : l’expérience du Cameroun», Communication au séminaire de haut niveau sur les stratégies et politiques
innovantes de décentralisation dans les pays africains, Tanger, 27-29 janvier 2014, p. 5.

1645 Selon PHILIP L., Question n° 15 : «La place des collectivités locales dans la Constitution de 1958», Dossier La
Constitution de 1958 a quarante ans, la libre administration «implique que les collectivités territoriales puissent disposer de ressources
suffisantes pour exercer effectivement leurs responsabilités et que le nombre et le poids de leurs dépenses obligatoires ne soient pas excessifs».

1646En France, les origines des dépenses obligatoires remontent à l’arrêté du 17 germinal an XI relatif aux dépenses
des communes qui distinguait déjà des dépenses fixes (abonnements aux journaux, registres d’état civil, entretien de la
maison commune) qui ont préfiguré les dépenses obligatoires fixées par les lois ultérieures notamment celles de 1837
et de 1884.

1647 ORSONI G., «Les dépenses obligatoires », in ISAIA H., SPINDLER J., Histoire du droit des finances publiques, vol.
III, Economica, 1988 ; PHILIP L., «Les garanties constitutionnelles du pouvoir financier local», RFDA, Mai-Juin 1992,
p. 460.

1648 ESSONO EVONO A., op. cit., p. 11.

320
Certaines dispositions légales poussent loin la volonté de limiter les libertés locales. Pour
certaines dépenses obligatoires relevant de la compétence de la commune, non seulement
le législateur s’ingère mais il habilite le pouvoir exécutif à fixer les limites à l’autonomie
financière1649.

Une certaine iniquité peut être relevée dans l’attitude de l’Etat. Sans compensation
effective, il impose aux communes de supporter les frais d’exercice des compétences qu’il
leur a déléguées1650 et auxquelles il confère le caractère de dépense obligatoire1651, ne laissant
aucune marge d’appréciation aux collectivités territoriales. Il n’apporte pas non plus de
solutions aux collectivités dont les ressources ne permettent pas de couvrir les charges
obligatoires, tel que ce fut prévu, par exemple, par la loi municipale de 18841652. L’étau des
dépenses obligatoires est insuffisant pour révéler les réalités du strict bornage du pouvoir
dépensier des collectivités. Il y a aussi des dépenses interdites.

Paragraphe 2 : Les dépenses interdites

Interdire, c’est proscrire. C’est inviter impérativement à s’abstenir. Appliqué aux dépenses
locales, le terme renvoie à une proscription impérative. En vertu du pacte républicain, cadre
d’exercice de toutes les libertés que la constitution garantit, le législateur interdit à la
collectivité certaines dépenses. L’interdiction peut être formelle (A), ou conditionnelle (B).

A. Les interdictions imposées par des principes constitutionnels

Elles trouvent une certaine justification dans la préservation du caractère unitaire de l’Etat
(1), ou sont formellement déterminées par le constituant (2).

1649 Loi n° 98-007, art. 51 : «Les indemnités et primes visées à l'article 17-6 et leurs modalités d'attribution sont définies par décret pris
en Conseil des ministres». Il s’agit d’ «indemnités et primes accordées aux titulaires de certaines fonctions communales». S’inscrit aussi
dans ce registre au Bénin, la proportion des excédents de recettes de fonctionnement à reverser sur les recettes
d’investissements (Loi n° 98-007, art. 23, al. 4 : «Un décret pris en Conseil des Ministres détermine le pourcentage minimum des
ressources de la section de fonctionnement qui doit être dégagé et consacré chaque année aux investissements de la commune»).
1650 Etat civil, délivrance de divers certificats administratifs, etc.

1651 Bénin : Loi n° 97-029, art. 17 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 244, point 6.
1652 Loi du 05 avril 1884, art. 149 : «Si les ressources de la commune sont insuffisantes pour subvenir aux dépenses obligatoires inscrites
d'office en vertu du présent article, il y est pourvu par le conseil municipal ou, u, en cas de refus de sa part, au moyen d'une contribution
extraordinaire établie d'office par un décret, si la contribution extraordinaire n'excède pas le maximum à fixer annuellement par la loi de
finances, et par une loi spéciale si la contribution doit excéder ce maximum».

321
1. Une justification fondée sur une surexploitation de l’argument unitaire

Dans l’hypothèse idéale d’une liberté véritable, les choix démocratiquement opérés par
l’institution communale en tant que groupement humain ne devraient souffrir d’aucune
remise en cause tant ils sont sensés refléter sa volonté1653. Un tel raisonnement ne put
prospérer en certaines matières touchant aux fondamentaux de la forme républicaine de
l’Etat1654 puisqu’il comporte le risque d’une violation du contrat fondateur de la république,
une et indivisible1655. Placée dans un tel environnement, la liberté de dépenser des
collectivités ne peut qu’être restrictivement respectée. La défense du modèle unitaire de
l’Etat et donc des principes d’impartialité et de laïcité justifie donc que soient interdites aux
structures infra étatiques certaines catégories de dépenses. C’est le cas pour les financements
aux cultes1656.

Cependant, derrière cet argument objectif se dissimule une orientation centralisatrice qu’un
retour à l’histoire française permet d’élucider. Dans son rapport sur la loi communale du 5
avril 1884, le député de MARCERE justifie la perception qui prévalait de l’institution
communale : «la commune est une personne morale d’une nature particulière. Ses biens sont grevés d’une
substitution perpétuelle et elle est réputée mineure. Ce n’est donc pas par l’effet de la tyrannie de l’Etat que,
au point de vue de la disposition de son patrimoine, elle est soumise à certaines règles. C’est en raison de sa
nature même qu’on a dû lui enlever une part de sa puissance, dans l’intérêt des générations futures». Cette
lecture politique de la fin du XIXeme siècle demeure d’une certaine actualité. Transposée au
contexte post colonial en Afrique noire francophone, elle n’a pu être si profondément

L’institution communale étant fondée sur le principe représentatif et se définissant comme le cadre institutionnel
1653

de manifestation de la participation des citoyens à la gestion de leurs propres affaires (Bénin, Loi n° 97-029, art. 2 ;
Niger, Ord. n° 2010, art. 3).
1654 Pour le juge constitutionnel français, il est un considérant de principe que la libre administration «ne saurait conduire
à ce que les conditions essentielles d’application d’une loi organisant l’exercice d’une liberté publique dépende de décisions des collectivités
territoriales et ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l’ensemble du territoire» (v. Décision n° 84-185 DC, 18.01.1985, Loi modifiant
et complétant la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 et portant dispositions diverses relatives aux rapports entre l’État et les collectivités
territoriales).

1655C’est pourquoi les institutions communales sont établies par la loi qui leur confère un pouvoir statutaire encadré
et dont l’exercice est soumis à contrôle.

1656 Art. 2 de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l’Etat : «la République ne reconnaît, ne
salarie, ni ne subventionne aucun culte». V. également CE, 9 octobre 1992, Commune de Saint-Louis, Rec. p. 358.

322
modifiée par les réformes décentralisatrices1657. Les libertés locales sont demeurées
subtilement encadrées dans la perspective jacobine.

Il n’a été enregistré aucune décision du juge constitutionnel, ni au Bénin ni au Niger, qui
censure une quelconque violation de l’autonomie financière des collectivités territoriales.
Un tel état de la jurisprudence est analogue à la prudence du juge constitutionnel français
qui en est venu récemment à ne plus parler de violation mais plutôt de dénaturation 1658.
Ceci laisse présumer que les critères d’appréciation d’une violation doivent différer de ceux
d’une dénaturation. Dans cette hypothèse, un ordre de gravité de la méconnaissance des
principes constitutionnels serait ainsi tracé, fut-il en pointillés, à la défaveur de la libre
administration. Si le cœur de la libre administration se situe dans l’étendue des marges
attachées au pouvoir financier de la collectivité, l’on peut s’interroger sur son effectivité dès
lors que de larges pouvoirs de limitation impérative sont conférés au pouvoir législatif.
L’inquiétude est moindre lorsqu’il s’agit de restrictions originellement consacrées par la
constitution.

2. L’exception béninoise de l’interdiction constitutionnelle

Pour le Constituant béninois, «aucune dépense de souveraineté de l'Etat ne saurait être imputée…»1659
au budget des collectivités. Encore faut-il cerner juridiquement et limitativement ce qu’il
convient d’entendre par dépense de souveraineté1660. Il s’agit là d’une quasi exception dans
la sous-région ouest africaine1661 dont la justification devrait être recherchée dans la volonté

1657 Banque Mondiale, Décentralisation fiscale en Afrique francophone : note sur les transferts intergouvernementaux, Septembre
2009, p. 7 : «En Afrique francophone, les Etats gardent pour eux l’essentiel des ressources publiques et tentent de conserver un contrôle
strict sur la part qu’ils veulent bien affecter aux collectivités locales».
1658 Décision 2012-255/265 QPC, 29.06.2012, Départements de la Seine-Saint-Denis et du Var, consid. 7: «considérant (…)
que les règles fixées par la loi sur le fondement du dernier alinéa de l’art. 72-2 C ne doivent pas restreindre les ressources des collectivités
territoriales au point de dénaturer le principe de libre administration de ces collectivités».
1659 Const. Bénin, art. 152.

1660 Suivant la classification fonctionnelle des dépenses publiques, on distingue classiquement les dépenses
économiques, les dépenses sociales et les dépenses de souveraineté, cette dernière catégorie recouvrant les dépenses
qu’engendre les missions régaliennes qui manifestent la puissance publique de l’Etat (principalement sécurité, armée,
justice, relations extérieures).
1661Un esprit analogue peut être relevé dans une norme législative en Côte d’Ivoire. L’article 71 de la loi n° 2003-489
du 26 décembre 2003 portant régime financier, fiscal et domanial des collectivités territoriales pose le principe selon
lequel aucune dépense à la charge de l’Etat ou d’un établissement public national ne peut être imposée directement ou
indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu’en vertu d’une loi.

323
du constituant de 1990 d’infléchir les dérapages découlant de l’hyper centralité du pouvoir
exécutif et dans la nécessité de remédier à la carence généralisée qui caractérisait alors l’Etat.
En effet, avec la crise de l’Etat de la fin des années 1980, l’Etat était devenu financièrement
absent des territoires1662. Les actions de développement socio-économique étaient plutôt
portées par les communautés elles-mêmes, soutenues en cela par l’aide publique au
développement dont le drainage s’organisait désormais en dehors du circuit étatique jugé
prédateur des ressources1663.

Faisant suite à l’idéologie béninoise du «comptons sur nos propres forces» promue par le
gouvernement révolutionnaire à partir de 1972, ce nouveau contexte a fait éclore une
nouvelle approche et une pédagogie de la politique de développement cristallisée autour de
concepts tels le développement à la base, le développement par le bas1664 ou participatif1665
avec comme pilier fondamental l’autopromotion locale en contrepoint de la démarche
d’«Etat commando»1666 qui avait méconnu que «le contrôle local sur les ressources» réduit la
corruption et la pauvreté grâce «à une plus grande solidarité de proximité»1667. En un quinquennat
(1985-1990), il s’est développé une dynamique de développement communautaire grâce à

1662 Dès après les indépendances, la classe politique a assis le financement de l’action publique sur la taxation du
commerce notamment les importations et des transferts des fonds de l’aide au développement (qui a profité de la rente
géopolitique liée à la guerre froide) plutôt que de revenus générés à l’interne par l’activité économique. Avec la fin de
l’affrontement Ouest-Est et la généralisation de la mal gouvernance, les conditions d’octroi et de répartition de l’aide
au développement seront corsées et feront décliner les ressources mobilisables par l’Etat. Parallèlement, les activités
commerciales vont chuter sous l’effet conjugué d’un environnement des affaires défavorable et de la baisse continue
du pouvoir d’achat des consommateurs avec pour conséquence logique, la baisse des recettes fiscales, principale source
d’autofinancement de l’Etat.

1663BIERSCHENK Th. et al. (dir.), Courtiers en développement. Les villages africains en quête de projets, Paris, APAD-Karthala,
2000, p. 11 : «La «rente du développement» transite donc pour beaucoup par des réseaux d’intermédiaire nationaux, qui ne se confondent
pas avec les appareils administratifs et politiques classiques et par des circuits d’aide non gouvernementale…».
1664 GIRARD C., «Politiques publiques de coopération au développement et organisations paysannes africaines :
l’exemple des communautés européennes» in JACOB J.-P., LAVIGNE DELVILLE P., Les associations paysannes en
Afrique. Organisation et dynamiques, Paris, APAD-Karthala, 1994, pp. 235-253.
1665 CHAUVAU J.-P., «Participation paysanne et populisme bureaucratique. Essai d’histoire et de sociologie de la
culture du développement», in JACOB J.-P., LAVIGNE DELVILLE P., Les associations paysannes en Afrique. Organisation
et dynamiques, Paris, APAD-Karthala, 1994, pp. 25-60.
1666Suivant une expression de ELWERT G., Der Kommandostaat und seine Bauern, Contribution au 16ème congrès
européen de sociologie rurale, Giessen, 1990.

1667 BIERSCHENK Th., OLIVIER de SARDAN J.-P., Les pouvoirs au village. Le Bénin rural entre démocratisation et
décentralisation, Paris, Karthala, 1998, pp. 12-13.

324
laquelle d’énormes ressources ont été mobilisées localement1668 en vue de la réalisation des
infrastructures socio collectives nécessaires au mieux-être des citoyens1669. Parallèlement, il
s’est également enraciné des pratiques de contribution financière des organisations
professionnelles surtout agricoles au fonctionnement des services publics notamment
scolaires et sanitaires. Il fallait éviter, qu’avec l’avènement de la décentralisation, l’Etat
transférât ses propres charges aux nouvelles entités en création. Il s’agit donc d’une
interdiction positive pour la collectivité territoriale.

Son respect demeure hypothéqué sous l’effet conjoint de la carence de l’Etat1670 et de la


pression de la demande des citoyens1671. De fait, en vue de satisfaire cette demande, la
commune supporte des charges de l’Etat ainsi que le révèle l’annexe 4, suggestif à suffisance.

B. Les interdictions implicites1672

Le risque d’atteinte à l’autonomie financière locale consiste en ce que ces interdictions ne


sont ni formellement ni limitativement énumérées. Elles sont, pour l’essentiel, déduites d’un
large spectre de dispositions légales ou règlementaires (1), ce qui rend leur évidence
réfutable. C’est donc circonstanciellement, et à partir de l’intervention du représentant de
l’Etat ou du juge, que leurs contours peuvent être délimités (2).

1668
L’approche a continué de faire recette au point que la Conférence Economique Nationale de décembre 1996 a
retenu parmi les principales recommandations «la mise en œuvre d’une stratégie pour la satisfaction du Minimum Social Commun
(MSC) à travers la promotion des communautés à la base». Depuis lors, plusieurs programmes seront élaborés et mis en œuvre
suivant l’approche de développement communautaire.

1669V. l’exemple du village de Kidaroukpérou dans l’actuelle commune de Kalalé étudié par EDJA H., «Médiateurs
traditionnels à l’école du courtage en développement», in BIERSCHENK Th. et al. (dir.), op. cit., pp. 125-144.

Rapportés aux dépenses totales annuelles de l’Etat, ils ont été de 3,7% en 2009, de 3,16% en 2010, de 3,93 en
1670

2011 et de 3,35% (cf. MDGLAAT, Aide-mémoires des revues sectorielles de 2009, 2010, 2011 et 2012).
1671
L’Etat a de jure transféré les charges et donc la fonction de dépense qu’il a rapprochées des besoins. Ce faisant, il
soumet l’autorité budgétaire locale à l’influence plus immédiate de besoins et de citoyens plus proches. Se retrouvant
en première ligne face aux revendications des administrés, les collectivités territoriales enregistrent, par conséquent,
un accroissement continu des appels à dépenser.

1672 Expression préférée à celle de «dépenses conditionnelles» utilisée par certains auteurs qui laisse entrevoir que les
collectivités locales ont un pouvoir discrétionnaire d’appréciation de ce qui est interdit et de ce qui est possible. Ce qui
n’est justement pas le cas des collectivités territoriales béninoises et nigériennes qui n’ont pas acquis une pleine
autonomie vis-à-vis de l’Etat.

325
1. Une détermination éminemment tacite

Les dépenses facultatives -n’ayant pas un caractère obligatoire- des collectivités locales sont
celles qui peuvent être réalisées dans le silence de la loi. Un autre critère essentiel de la
légalité1673 d’une telle dépense est qu’elle corresponde à un intérêt public local 1674. Partant,
certaines actions ne sauraient être financées par la collectivité. Pour le juge administratif
français, c’est par exemple les activités politiques partisanes1675 ou des actions susceptibles
de créer des incidents diplomatiques entre Etats1676. A été également jugée illégale et
interdite une subvention communale à l’Association des élus pour un département Pays
Basque1677.

Certaines interdictions sont moins évidentes. En ce qui concerne l’abstention financière


des pouvoirs publics à l’égard des cultes, cette interdiction n’est pas absolue en France1678.
De même, l’interdiction n’empêche pas non plus de commémorer le souvenir d’un
ecclésiastique qui est également une personnalité locale1679.

1673
L’article 6 du Décret n° 00993/PR du 12 septembre 1972 portant régime financier et comptable des collectivités
secondaires au Gabon définit les dépenses interdites comme celles qui sont «contraires aux intérêts locaux ou à une disposition
formelle de la loi».

1674 Ord. n° 2010-54, art 245, al. 2 : «Une dépense facultative ne peut être inscrite au budget que lorsqu’elle présente un caractère
d’intérêt local». La même disposition figure au code sénégalais (art. 260) et dans la Loi n° 014-2006 du 9 mai 2006 portant
ressources et charges des collectivités territoriales au Burkina Faso (art. 21, al.2).

1675V. les lois relatives à la charte des partis politiques : Bénin, Loi n° 2001-21 du 21 février 2003 ; Niger, Ord. n° 2010-
84 du 16 décembre 2010 ; CE, 25 avril 1994, Président du conseil général du territoire de Belfort, AJDA, 1994, p. 595 (est
interdite une dépense destinée à financer une brochure appelant à voter «non» au referendum national du 10 septembre
1992), plus récemment CAA, Versailles, 31 mai 2007, Commune de Stains (absence d’intérêt local d’une subvention
communale à une association de soutien au peuple palestinien).
1676 A été interdite, en France, une dépense destinée à subventionner des associations politiques qui critiquent un Etat
étranger (CE, 23 octobre 1989, Commune de Pierrefitte-sur-Seine, Rec. p. 209) ou prenant en charge les frais d’autocar de
certains de ses habitants venus participer à Paris à une marche pour la Paix (CE, 19 novembre 1990, Commune de Blénod-
lès-pont-à-mousson).

CAA, Bordeaux 13 mars 2007, Commune d’Espelette c/Préfet des Pyrénées-Atlantiques. V. également CE, 16 juillet 1941,
1677

Syndicat de la défense des contribuables de Goussainville, Rec. p. 132 (affaire achat par la commune d’ambulances et de
médicaments pour l’Espagne républicaine).

1678Elle ne concerne ni le financement des travaux des églises faisant partie du domaine communal, ni la faculté de
participer aux dépenses d’entretien et de réparation des édifices du culte construits après l’entrée en vigueur de la loi
de séparation et dont les communes ne sont pas propriétaires.

1679Edification par la ville de Lille d’une statue en hommage au Cardinal Liénart. Voir CE, 25 novembre 1988, Dubois,
Rec. 1988, p. 422.

326
D’autres restrictions, non moins nombreuses, résultent de principes budgétaires. Par
exemple, le principe de l’équilibre budgétaire1680 interdit de faire les dépenses pour
lesquelles des ressources ne sont pas disponibles. Il n’y a, en principe, pas de plafonnement
de la dépense locale mais les collectivités territoriales sont tenues de n’inscrire en dépense
que des montants qu’elles sont susceptibles de budgétiser en ressources. Cette liberté n’est
pas totale. Une modalité indirecte de limitation réside dans les contrôles financiers. Dans
beaucoup de pays, ces contrôles se sont renforcés en changeant de nature. L’audit s’ajoute
au contrôle en amont de la régularité de la gestion. Il se nourrit de la comparaison des
performances sur la base d’indicateurs. La recherche de l’efficacité s’impose
progressivement comme la norme de référence dans les contrôles financiers. L’objectif de
l’amélioration de la gouvernance a fait émerger des nouvelles formes de contrôle qui
célèbrent la performance. Ainsi, pour le Fonds béninois d’Appui au Développement des
Communes, le mode de calcul des dotations aux communes intègre un critère de
performance1681. Comme le mode de calcul en est connu, chaque organe délibérant s’exerce
à anticiper ses propres performances qui sont sanctionnées, selon le cas, par un bonus ou un
malus. Finalement, les marges de manœuvre de la collectivité s’en trouvent réduites.

Un effet restrictif similaire est produit par la fixation par voie légale ou réglementaire d’un
taux d’autofinancement brut local qui s’avère difficile à mettre en œuvre1682. La lecture
combinée de certaines statistiques l’illustre1683.

Les cas sus évoqués sont moins insaisissables que la notion d’intérêt local. Dans sa portée
financière, c’est le représentant de l’Etat que le législateur charge de parer à cette
indétermination ; une habilitation potentiellement préjudiciable à l’autonomie locale.

1680 Bénin : Loi n° 98-007, art. 4 et 31 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 212.
1681 Décret n° 2008-276, art. 9.

1682Difficile à comprendre puisque la volonté de la collectivité ne semble guère compter. Ardu à mettre en œuvre, en
raison du faible niveau des ressources propres et du non transfert des ressources humaines et matérielles de l’Etat aux
collectivités d’une part, de l’accroissement des charges récurrentes de fonctionnement qu’appelle l’utilisation des
ressources d’investissement transférées, d’autre part.

Pendant que l’excédent de fonctionnement capitalisé a chuté à 6% en 2010 1683 (contre 22% en 2003), pour la même
1683

année, les dépenses d’investissements ont représenté 43% des dépenses totales1683 (contre seulement 24% en 2003).

327
2. Un pouvoir d’appréciation particulièrement exorbitant

L’inexistence d’un intérêt local interdit toute dépense dans le domaine considéré. Ce qui
complexifie la situation, c’est l’indétermination et le caractère mouvant de l’intérêt local,
particulièrement dans une tradition juridique de centralisation. Le pouvoir d’appréciation
attribué au représentant de l’Etat est en lui-même contestable autant que les solutions qu’il
pourrait adopter en l’absence de tout éclairage, ni du juge administratif ni du juge des
comptes. La position du représentant de l’Etat devient inconfortable surtout lorsque ses
jugements doivent porter sur des actions qui relèvent du «socialisme municipal». En effet,
l’analyse croisée des dispositions constitutionnelles et légales révèle une habilitation de
l’autorité budgétaire locale à intervenir dans certaines espèces pour lesquelles, par exemple,
le juge administratif français a adopté une position défavorable à la collectivité1684.

Les interventions de nature économique constituent un domaine où la légalité des dépenses


soulève des interrogations. En effet, l’Etat a la responsabilité de la conduite de la politique
économique et sociale ainsi que la défense de l’emploi. L’encadrement juridique ici est
particulièrement sévère1685, les collectivités locales devant agir dans un cadre limité par
l’initiative privée1686.

1684Le recours à la jurisprudence française s’explique par la pauvreté des prétoires administratifs et financiers béninois
et nigériens en ces matières. Ce qui ne signifie nullement que les juges béninois et nigériens auraient opté pour les
mêmes solutions.
1685CE, 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers. Le Conseil d’État rappelle que les entreprises ayant
un caractère commercial restent en règle générale réservées à l’initiative privée et que les collectivités publiques ne
peuvent intervenir dans le domaine économique que si, en raison de circonstances particulières de temps et de lieu, un
intérêt public justifie cette intervention.

1686 Par respect des principes de liberté de commerce et d’industrie, de la libre entreprise et de la libre concurrence. En
application de la loi des 2 et 17 mars 1791 proclamant la liberté du commerce et de l’industrie, le Conseil d’État
n’admettait l’intervention des collectivités locales en faveur des activités commerciales ou industrielles que si, en raison
d’une défaillance de l’initiative privée, il n’y avait aucun autre moyen de satisfaire les besoins de la population. Toute
intervention économique de la puissance publique est subordonnée à deux conditions : légitimité du besoin à satisfaire
et carence de l’initiative privée. Des assouplissements ont été apportés par le code général des collectivités territoriales
qui encadre les aides que peuvent consentir les collectivités locales aux entreprises (cf. art. L. 1521-1 à L. 1525-3 du
CGCT). Ce qui n’a pas empêché le Conseil d’Etat à maintenir la condition de défaillance de l’initiative privée (CE, 23
décembre 1994, Commune de Clairvaux-d’Aveyron et autres). Ce principe d’interdiction d’intervention de la personne
publique en l’absence de défaillance de l’initiative privée ne vaut pas pour les services qui ne sont pas industriels et
commerciaux (services administratifs ou tout autre service n’ayant pas un objet commercial. V. CE, Section 18
décembre 1959) et les activités de loisirs, de distraction et de spectacles (CE, 21 janvier 1944, Léoni, qui reconnaît la
légalité de l’exploitation d’un théâtre en régie par une commune qui a pour but principal «d’assurer un service permanent de
représentations théâtrales de qualité…en faisant prédominer les intérêts artistiques sur les intérêts commerciaux»).

328
Plus complexes sont les espèces dans lesquelles des dépenses interdites se sont muées en
dépenses obligatoires. Il en a été ainsi des frais occasionnés par une «cérémonie de fin de mandat»
décidée par un maire sortant avant l’entrée en fonction de la nouvelle équipe municipale.
Cette dépense, dont l’objet paraît plutôt politique a pu être considérée comme une dépense
obligatoire de la commune et justifier une mesure de mandatement d’office, par le
représentant de l’Etat, au profit des entreprises qui l’ont organisée1687.

Dans cette multitudes de situations inextricables pouvant mettre en jeu des intérêts
concurrents entre les représentants de l’Etat et les collectivités, il paraît peu conforme à
l’autonomie financière locale d’imposer l’interprétation de l’autorité de tutelle. En revanche,
il peut paraître plus judicieux de désarmer les interdictions formelles quitte à soumettre les
illégalités à l’arbitrage du juge compétent. La même souplesse peut être requise pour
l’application des procédures budgétaires et comptables.

SECTION 2 : DES PROCEDURES ENCADREES

Contrairement à ce qui peut être observé pour la loi de finances qui constitue l’expression
chiffrée de la politique financière de l’Etat mais aussi l’aménagement permanent de son
cadre juridique, le budget -et par ricochet les dépenses- de la collectivité traduit des choix
et ajustements opérés dans les limites d’un cadrage économique, financier et procédural qui
lui est imposé1688. Le raisonnement consiste à établir que les principes applicables aux
collectivités doivent être totalement alignés sur ceux de l'Etat en présumant que ce qui est
bon pour l'Etat l’est aussi pour les collectivités territoriales. Motivé par des considérations
techniques et politiques1689, cet alignement vaut pour les principes budgétaires et
comptables (Paragraphe 1) que pour les modalités de contrôle de l’exécution des dépenses
locales (Paragraphe 2).

1687 CAA Nantes, 6 mars 2007, Ville de Blois, AJDA, 2008, p. 300, note P. MOUZET.
1688 Pour la première fois depuis l’avènement de la décentralisation en 2003, le Bureau de l’Association Nationale des
Communes du Bénin a pu être reçu par le Ministère de l’Economie et des Finances dans la phase terminale de
l’élaboration du Budget Général de l’Etat, Gestion 2014.
1689 MUZELLEC R., «De la pertinence des principes budgétaires et comptables applicables aux collectivités
territoriales», Politiques et management public, vol. 6, n° 3, 1988, p. 6 : «Par-delà les procédures, subsiste le jeu relationnel complexe
Etat-collectivités territoriales : une fois de plus derrière la paille des mots, il ne faut pas oublier le grain des choses».

329
Paragraphe 1 : Les principes budgétaires et comptables

Sans qu’il les ait dotées des mêmes prérogatives et opportunités que l’Etat, le législateur a
rendu applicables aux collectivités territoriales les mêmes principes budgétaires et
comptables1690. Si dans certains, l’adaptation par rapport aux spécificités qu’impose l’action
publique locale préoccupe (A), dans d’autres, il s’agit de préserver la liberté de gestion (B).

A. Des principes budgétaires difficiles à respecter

Dans une démarche essentiellement illustrative, deux principes seront examinés. Il s’agit de
d’annualité (1) et de l’équilibre réel (2).

1. L’annualité formelle du budget local

Le budget est un acte de prévision et d’autorisation. La dépendance des budgets des


collectivités vis-à-vis du budget général de l’Etat est évidente. Les antériorités qu’impose
une telle dépendance n’ont pas été intégrées au timing d’élaboration des budgets des
collectivités. Suivant le principe, «l'année budgétaire commence le 1er janvier et se termine le 31
décembre de la même année»1691, coïncidant avec l’année civile. Puisque le budget ne peut devenir
exécutoire qu’après l’approbation préalable du représentant de l’Etat1692, les budgets locaux
doivent être adoptés suffisamment tôt afin qu’il soit disponible au 1er janvier de l’année
d’exécution. Le législateur nigérien a prescrit le 31 octobre1693 alors que la commune
béninoise y est tenue au cours de la session budgétaire qui doit se tenir au mois de
novembre1694. Quant au budget de l’Etat, il doit être obligatoirement adopté au 31
décembre1695.

1690Niger : Ord. 2010-n° 54, art. 211 : «Le budget est élaboré, adopté et géré conformément aux principes budgétaires et règles de
comptabilité publique applicables à l’Etat». V. pour le Bénin : Loi n° 98-007, art. 4.

1691 Bénin : Loi n° 98-007, art. 4 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 213.

Diligence pour laquelle le législateur a fixé un délai d’un mois ; v. Bénin : Loi n° 98-007, art. 29 ; Niger : Ord. n°
1692

2010-54, art. 220.

1693 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 212.


1694 Bénin : Loi n° 97-029, art. 16.

1695 Bénin : Const., art. 110 ; Niger : Const., art. 114.

330
Les recettes fiscales perçues par l’administration fiscale pour le compte des collectivités
locales et les ressources transférées1696 constituent l’essentiel des recettes des collectivités
territoriales. Les impôts et taxes de toutes natures sont déterminés par la loi1697. Quant à la
fiscalité locale, la loi des finances «fixe leurs taux maxima». C’est dans ces limites que l’organe
délibérant de la collectivité «peut créer tout impôt ou toute taxe fiscale»1698. C’est dire qu’au
moment d’adopter le budget primitif de la collectivité, les informations concernant
plusieurs postes de recettes devant être alimentés par l’Etat ne sont pas encore
disponibles1699. Or ces informations sont relatives à des postes de dépenses très
importants1700.

Si le budget de l’Etat n’est pas voté, lesdites informations ne peuvent être communiquées
aux collectivités. Après avoir expérimenté ces décalages temporels, et sous la pression et les
récriminations des organes locaux1701, il s’est instauré une solution palliative1702. Elle
consiste à communiquer des informations provisoires à confirmer une fois le budget de
l’Etat adopté. Sans être conforme à la loi, elle permet d’éviter des blocages. Mais le budget
primitif de la collectivité est plutôt provisoire et ne devient définitif et réaliste qu’après le

1696Inscrites dans la loi des finances ; v. Bénin : Loi n° 97-029, art. 188 et Loi n° 98-007, art. 56 ; Niger : Ord. n° 2010-
54, art. 225 et 226).
1697Niger : Ord. n° 2010-54, art. 227 : «La loi définit les matières sur lesquelles peuvent porter les impôts et taxes fiscales propres
aux collectivités territoriales».

1698 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 227, al. 2 et 3.

1699Certes, le législateur béninois a défini un délai de deux mois avant le vote du budget pour cette communication
(Loi n° 98-007, art. 26). Il a fourni la liste desdites informations (Décret n° 2005-371 du 23 juin 2005 fixant la liste des
informations relevant des services de l’Etat indispensables à l’établissement du budget de la commune). Mais dans les
deux Etats, la pratique révèle que le budget de l’Etat est souvent adopté dans la dernière décade de décembre.

1700Décret n° 2005-371 du 23 juin 2005, art. 3 : il s’agit de : la subvention salariale, la subvention de substitution à la
taxe civique, la subvention à l’équilibre du budget de fonctionnement, la subvention ou dotation d’investissement et
d’équilibre, le Fonds de solidarité des communes, les dispositions nouvelles relatives à certains impôts perçus au profit
des communes, les dépenses de transfert et toutes autres informations nécessaires à l’établissement du budget.
1701A juste titre d’ailleurs parce que l’adoption dans les délais légaux des budgets primitifs constitue un critère de
performance susceptible d’impacter les dotations allouées par l’Etat.

1702 L’entente a été acceptée par les représentants de l’Etat et les autorités locales qui, dans ce jeu, arrivent à se
conformer aux prescriptions légales (obligation de transmission d’informations pour les services de l’Etat et pour les
collectivités, obligation d’adopter le budget au cours de la session budgétaire). Les mêmes gymnastiques matérielles
ont été enregistrées en France. V. TOUSSAINT J., «L'assouplissement du principe de l'annualité dans les budgets
locaux», Revue du Trésor, 1984 p. 307.

331
vote d’un rectificatif1703 devenu presque systématique pour les collectivités. Il en résulte
quelques préoccupations d’efficacité. La fixation des taux des impôts en est une illustration.

En principe, en matière fiscale, le vote des taux est une opération annuelle qui se fait au
moment du vote du budget primitif. Une fois les taux fixés, on ne devrait plus y revenir. Or
la loi des finances de l’année n’est pas disponible en cette période. Au plan strictement
juridique, il se fera qu’il n’y aurait, sur une certaine période, aucune autorisation de
recouvrer, d’autant plus que l’impôt n’existerait même pas dans le budget primitif de la
collectivité qui est incompétente pour créer ab initio une ressource fiscale1704. L’inverse,
c’est-à-dire la suppression de recettes fiscales peut également se produire et obliger la
collectivité à un abattement de ses prévisions de recettes et de dépenses. En effet, Les
collectivités doivent s'incliner sans compensation devant des exonérations de taxes attribuées à
certains assujettis même si elles avaient déjà budgétisé ces recettes dans leur budget primitif de
l’année.

Le principe d'annualité1705 implique celui d’indépendance des exercices pour la mise en


œuvre duquel il compte de connaître avec précision le résultat de chaque exercice
budgétaire. De celui-ci découle un autre principe comptable, la continuité des exercices
dont l’application se fait au travers de la procédure d’affectation du résultat1706. Or, dans la
réalité, certaines opérations comptables de l’année en cours se prolongent, tout au moins,
dans les deux mois de l’année suivante1707. Le législateur nigérien accorde d’ailleurs «une
période complémentaire ne pouvant excéder deux (02) mois (…) afin de permettre le paiement des dépenses
ordonnancées avant la clôture de l’exercice et non payées»1708.

1703 Appelé budget supplémentaire (Niger) ou collectif budgétaire (Bénin).

1704 MUZELLEC R., Les finances publiques, Paris, Sirey, 15ème éd., 2009, p. 142.

1705 Le principe s’applique plus rigoureusement au budget de fonctionnement. Pour les opérations d'investissement, il
l’est moins, l’horizon temporel d’exécution étant souvent pluriannuel et les reports de crédits autorisés.

1706 Intégration du résultat de l’année n au budget de l’année n+1.


1707Le rythme de mobilisation et de mise à disposition des ressources révèle une forte concentration sur le dernier
trimestre de l’année.

1708 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 213.

332
Dans un tel système, la détermination du résultat dans le cadre du budget primitif consiste
à projeter un calcul sommaire et aboutit à y inscrire un résultat provisoire1709. Le résultat
juridiquement et définitivement valide ne peut être dégagé qu’après l’adoption du compte
administratif1710. Suivant l’esprit initial1711 des dispositions légales, la collectivité devrait
commencer par voter le compte administratif et assurer la reprise du résultat dans le budget
primitif. C’est ainsi qu’elle peut mieux suivre et contrôler l’évolution de ses dépenses.

La programmation et la gestion des dépenses d’investissement posent des défis de


conciliation entre la pluri annualité des opérations et l'annualité des financements qui du
reste, sont très contingentés. Le choix de la réalisation d’équipements sur une longue durée
est insuffisamment éclairé sous la double contrainte des aléas de financement et d’une
trésorerie peu maîtrisée.

Il découle de ces dysfonctionnements que l’alignement de l’année budgétaire de la


collectivité sur celle de l’Etat mérite d’être interrogée et revue. On peut en dire autant du
principe d’équilibre réel.

2. Le principe théorique d’équilibre réel

C’est un principe que la législation impose aux collectivités1712. C’est au législateur sénégalais
que l’on doit une définition détaillée du principe1713. Au moins quatre conditions
cumulatives sont requises. D’abord, la section de fonctionnement et la section
d'investissement sont respectivement votées en équilibre. Ensuite, les recettes et les

1709 Niger : Ord. n°2010-54, art. 216.


1710 Dont le délai d’adoption court jusqu’au 1er juillet de l’année suivante (Bénin : Loi n° 98-007, art. 50).

1711 Loi municipale du 05 avril 1884, art. 151 : «Les comptes du maire, pour l'exercice clos, sont présentés au conseil municipal avant
la délibération du budget».

1712Bénin : Loi n° 98-007, art. 4 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 212. Plus récemment, la LOLF béninoise (Loi n° 2013-
14 du 27 septembre 2013) a disposé que les budgets de fonctionnement des organismes publics doivent être équilibrés
sans recours à l’emprunt (art. 58).

1713 Loi n° 2013-10 portant code général des collectivités locales, art. 255 : «Le budget d'une collectivité locale est en équilibre
réel lorsque la section "fonctionnement" et la section "investissement" sont respectivement votées en équilibre, les recettes et les dépenses ayant
été évaluées de façon sincère, et lorsque le prélèvement sur les recettes de la section "fonctionnement" au profit de la section "investissement",
ajouté aux recettes propres de cette section, à l'exclusion du produit des emprunts, et éventuellement aux dotations des comptes d'amortissement
et de provision, fournit des ressources suffisantes pour couvrir le remboursement en capital des annuités d'emprunt à échoir au cours de
l'exercice».

333
dépenses sont évaluées de façon sincère. En outre, le prélèvement sur les recettes de la
section de fonctionnement au profit de la section d'investissement, ajouté aux recettes
propres de cette section à l'exclusion du produit des emprunts, fournit des ressources
suffisantes pour couvrir le remboursement de l'annuité d'emprunt en capital à échoir au
cours de l'exercice. Enfin, lorsque l’exécution du budget du dernier exercice connu a fait
apparaître un déficit, l’équilibre du budget n’est assuré que s’il prévoit les mesures
nécessaires pour apurer ce déficit.

Pour obtenir l’équilibre ainsi défini, il est inéluctable que les prévisions soient évaluées de
façon sincère pour éviter que les recettes soient artificiellement gonflées ou les dépenses
sous estimées. Cruciale pour l’équilibre réel, la sincérité du budget a été érigée en principe1714
et est devenue un élément de définition de l’équilibre budgétaire. Autant elle suppose une
évaluation correcte1715, autant elle est conditionnée par l’unité budgétaire 1716. Il n’a pas
existé de contentieux juridictionnel sur le sujet, ni au Bénin ni au Niger. Mais le juge
administratif français a considéré qu’une sous-évaluation du budget de fonctionnement de
3% ne peut être constitutive d’insincérité1717.

L’une des fins que poursuit le principe est d’empêcher la collectivité d’être déficitaire et de
financer, le cas échéant, s’agissant de la section investissement1718, le remboursement de
l’annuité en capital des emprunts par le produit de nouveaux emprunts. Le principe
implique que les collectivités territoriales ne peuvent dépenser que dans la limite de leurs
ressources. L’Etat leur interdit de faire comme lui1719. Cette exigence est la traduction

1714 Décision 79-110 DC du 24 décembre 1979.

1715 MUZELLEC R., Finances publiques, op. cit., p. 161 : «Le budget n’est pas un masque, un habillage […] Il convient d’opérer une
évaluation correcte de l’ensemble des charges et des produits et de traduire la totalité des engagements afin de ne pas fausser les résultats à la
clôture de l’exercice».
1716 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 212: «Le budget est présenté dans un document unique retraçant l’ensemble des ressources et des
charges». V. également LANDBECK D., Les principes budgétaires locaux, Aix-en-Provence, PUAM, 2001, p. 183 : «La
sincérité d’un budget ne repose que sur les qualités d’exhaustivité des documents budgétaires, donnant une vision véritable de la réalité locale».
1717 CAA de Douai, Arrêt Dosière, 23 juin 2000.

1718Le remboursement du capital emprunté préalablement est une dépense d’investissement qui doit être couverte par
des recettes d’investissement présentant un caractère définitif, ce qui n’est pas le cas pour l’emprunt.
1719Le budget de l’Etat est presque systématiquement déficitaire. L’emprunt n’y apparaît pas comme une recette, car
bien que devant couvrir ses besoins de financement, il ne constitue pas une recette définitive et de ce fait, n’apparaît
pas au budget comme une recette. Or, dans le budget des collectivités locales (section Investissement), l’emprunt est
considéré comme une recette.

334
budgétaire du respect par les collectivités des règles du plan comptable général. Celui-ci
repose sur le principe de la comptabilité en partie double, qui fait correspondre, au bilan,
un élément d’actif que l’on possède (les investissements que l’on réalise) à un élément de
passif (dépense, emprunt et endettement) que l’on a mobilisé pour son acquisition. Ainsi,
le bilan est forcément équilibré. Dans la pratique, la violation du principe est quasi
systématique. Certes, le principe étant prescrit, il devient un élément de légalité de la
délibération budgétaire. Mais, contrairement aux dépenses obligatoires, le législateur ne
prévoit explicitement aucune procédure de redressement comme c’est le cas par exemple
en France1720.

L’appréciation de la sincérité du budget, est souvent aléatoire. En dehors de la vérification


de la sincérité des dotations, des dépenses de personnel et des dépenses sociales, etc., un
des obstacles majeurs à cette appréciation de la sincérité demeure la justification des restes
à réaliser. Ainsi que le rapportait la Cour des Comptes française, «L’insincérité des comptes se
manifeste par le recours abusif aux restes à réaliser dans le seul but de présenter des comptes en équilibre
fictif»1721.

En l’état actuel des dotations en moyens humains dans les deux pays, le représentant de
l’Etat n’est pas souvent en capacité de déceler des prévisions budgétaires fantaisistes. Au
Bénin, sur plus de cinq années consécutives, soit entre 2009 et 2014, le taux moyen
d’exécution budgétaire n’a jamais franchi les 60%. Il aura fallu une analyse extérieure pour
se rendre compte que la pratique était entraînée par la modalité de détermination des primes
des élus qui étaient indexées sur les montants des budgets primitifs.

En définitive, l’exercice paraît formaliste et peu efficace. L’Etat légifère pour proscrire les
déficits. Pour se conformer à la légalité et obtenir l’approbation de leurs budgets, les

1720Au vu du compte administratif qui doit être transmis au préfet au plus tard le 1er juillet, ce dernier saisit sans délai
la CRC, si un déficit supérieur aux valeurs indiquées [10% des recettes de la section de fonctionnement s'il s'agit d'une
commune de moins de 20 000 habitants et à 5 % dans les autres cas] apparaît. Dans le mois qui suit sa saisine par le
préfet, la CRC propose à la collectivité territoriale, des mesures permettant de rétablir l’équilibre. Le budget primitif
suivant sera alors automatiquement transmis à la CRC. Lors de l’examen du budget primitif suivant, la CRC est à même
de constater si ses propositions ont été suivies ou non. S’il apparaît que le déficit n’est pas résorbé, la Chambre formule
des propositions au préfet. Sur la base de celles-ci, il réglera et rendra exécutoire le budget. Art. L.1612 du CGCT.

1721 Cour des Comptes, Rapport au Président de la République, 1994, p. 219.

335
collectivités masquent, le cas échéant, le caractère déséquilibré de leurs budgets. Au point
qu’il est légitime de se demander s’il n’aurait pas été plus judicieux de n’avoir pas imposé de
tels principes. Cette interpellation peut s’appliquer à certains principes comptables auxquels
sont assujetties les collectivités.

B. Les principes comptables antinomiques à la liberté de dépenser

La chaîne des dépenses locales est fermement tenue par les services financiers de l’Etat. A
travers le principe d’unité de trésorerie (1), le personnel de l’administration financière de
l’Etat assure la tenue des deniers des collectivités (2).

1. L’unité de trésorerie entre Etat et collectivités territoriales

L’historique de l’apparition de la règle1722 éclaire sur les raisons techniques qui sont, entre
autres, la nécessité d’une compensation immédiate des opérations financières entre les
personnes morales de droit public en vue de prévenir les ruptures de trésorerie, la
sécurisation des deniers publics et les faibles capacités de gestion des communes1723. Les
motivations politiques se rapportent à la maîtrise de l’ensemble des finances publiques, la
minimisation des risques de placement hasardeux et la soustraction des organismes publics
aux sujétions imposées par les établissements financiers classiques.

Sa première manifestation majeure est l’obligation de dépôt des fonds. Posée en France 1724
pour la première fois par un décret impérial en date du 27 février 1811, l’obligation de dépôt
au Trésor des fonds1725 des collectivités est une règle très ancrée qui a survécu à toutes les

1722
Sous l’Ancien Régime, il y avait une multiplicité de caisses : une caisse indépendante dans chaque circonscription
administrative. La centralisation des comptes et des ressources était quasiment impossible. Le système entretenait des
fonds inactifs : pendant que certaines caisses étaient excédentaires, d’autres étaient déficitaires. Sous l’Empire et en
1803, l’unification des caisses vit le jour avec la création d’un compte unique du Trésor à la Banque de France. Deux
catégories de justification sont à la base de la règle.

GLOUX O., «Les relations de trésorerie Etat-collectivités locales», Gestion et finances publiques, n° 11, Novembre
1723

2009, p. 864.
1724 L'unité de trésorerie telle que pratiquée en France présente un caractère unique au sein de l'Union européenne.

1725 La mise en œuvre de l’ordonnance n° 59-2 du 02 janvier 1959 (art. 15) a été à la base d’une jurisprudence qui
précise la portée de cette obligation concernant notamment la distinction entre fonds et disponibilités. Les fonds sont
à la fois les ressources et les charges de la collectivité. L’impôt local fait l’objet d’un recouvrement de l’Etat, puis son
produit est transféré du compte de l’Etat sur celui de la collectivité territoriale. Ce même compte est utilisé pour
exécuter les dépenses de celle- ci. Les disponibilités sont les excédents de trésorerie qui peuvent apparaître sur ce
compte unique. D’après un Arrêt du Conseil d’Etat (CE, 9 janvier 1995, Préfet de la région Rhône-Alpes), tout placement
sur un compte bancaire de ces excédents est interdit.

336
réformes et a été progressivement généralisée à tous les niveaux de décentralisation 1726. Elle
est demeurée un principe cardinal de la comptabilité publique en Afrique francophone.
Ainsi, «Les fonds des collectivités territoriales sont des fonds publics obligatoirement déposés auprès du
Trésor public»1727, sauf dérogation expresse du Ministre chargé des finances soit en vertu
d’une appréciation discrétionnaire1728 soit dans des cas légalement déterminés1729. Cette
obligation de dépôt est certes compensée par sa gratuité et l’octroi d’avances sur
trésorerie1730.

Du point de vue de l’Etat, il y aurait un certain équilibre. La gratuité et l'obligation des


dépôts constituent la contrepartie des avances fiscales gratuites consenties aux collectivités
territoriales1731. Celles-ci bénéficient gratuitement d’autres services de la part de l’Etat, dont
principalement, la tenue de leur comptabilité, le recouvrement des impôts 1732. Mais il ne
peut être écarté, l’hypothèse que l’unité de trésorerie est un moyen pour l'Etat de veiller sur

1726
Une ordonnance royale du 07 mars 1818 a confirmé la règle. Dans le même esprit, obligation est faite aux
départements de déposer l'ensemble de leurs disponibilités par la loi du 18 juillet 1892, en l’assortissant dès lors au
principe de non rémunération des dépôts, principe étendu aux communes par la loi du 14 septembre 1941. Par une
ordonnance organique du 02 janvier 1959 (art. 15), cette obligation sera explicitée imposée à tous les organismes
publics. Elle sera reprise par le décret du 29 décembre 1962 relatif au règlement général de la comptabilité publique
(art. 43).

1727 Bénin : Loi n° 98-007, art. 35 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 266.

C’est le cas au Bénin où les conditions dérogatoires ne sont pas fixées par le législateur (Loi n°98-007, art. 35). Ce
1728

qui ne manque pas de poser un problème de légalité. Normalement, et en conformité au principe de libre
administration, c’est dans la loi des finances que de telles dérogations doivent être accordées et encadrées.

1729 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 266, al. 3 : «Peuvent faire l'objet de placement dans les établissements bancaires les ressources
extérieures suivantes :
- les dons et legs non grevés de charge ;
- les emprunts dont l'emploi est différé pour des motifs indépendants de la volonté de la collectivité territoriale ;
- les produits d'aliénation d'éléments du patrimoine permettant d'alléger la fiscalité».
1730Bénin, Loi n° 98-007, art. 36 : «En fonction des prévisions de recettes, des avances de trésorerie peuvent être consenties aux
communes».

1731Des études menées en prélude à l’adoption de la LOLF de 2001 en France ont conclu à un certain équilibre entre
le coût pour l’Etat des avances gratuites sur les produits fiscaux votés versées aux collectivités territoriales et la perte
de produits financiers pour ces mêmes collectivités du fait de l’obligation de dépôts de leurs fonds au Trésor public
sans rémunération. Voir GLOUX O., op. cit., p. 865.

1732 GLOUX O., op. cit., p. 865.

337
les intérêts nationaux. L’unité constitue un instrument de régulation. Plus d’une fois en
France, l’Etat s’est opposé à sa remise en cause1733.

Même tempérée1734, l'obligation de dépôt au Trésor reste forte. La contrainte est réelle en
raison des interdictions qu'elle engendre1735. Le mécanisme limite le bénéfice par les
collectivités locales de services et produits offerts sur le marché financier. Elles ne peuvent
non plus tirer profit de la libre circulation des capitaux au sein de leur communauté
économique et monétaire1736. Inversement, les opérations financières des collectivités
peuvent être utilisées par l’Etat comme variable d’ajustement soit à son propre profit ou au
bénéfice d’autres collectivités1737. Certes, «les recettes de la commune sont exclusivement affectées aux
dépenses de la commune»1738 mais les mises à dispositions de trésorerie dépendent des
disponibilités. Malgré ces prescriptions légales, il arrive trop souvent que les demandes de
paiement de l’ordonnateur ne soient pas satisfaites, faute de trésorerie. D’où des contraintes

1733 Une directive européenne du 24 juin 1988 relative à la libre circulation des capitaux en Europe a fait renaître le
débat sur l’obligation de dépôt des fonds au Trésor. Le ministre français des finances d’alors fera valoir qu’elle a été
instituée par une ordonnance organique qui a valeur constitutionnelle qui ne saurait être remise en cause par une
directive, texte de valeur juridique inférieure. Cependant, le gouvernement n’a prévu aucune réforme dans ce sens, ce
qui exprime implicitement son opposition. Après une grande tempête en hiver 1999 qui obligea les communes
forestières à vendre les chablis qui leur ont procuré d’importantes recettes inattendues, des amendements législatifs
ont été tentés pour assouplir considérablement la règle de l’obligation de dépôt. Une fois de plus, le gouvernement
français s’y opposera en démontrant avec succès que les textes existants permettaient de gérer la situation. L’argument
de l’absence d’un intérêt financier a été utilisé pour rejeter l’amendement déposé par le député Jean-Jacques JEGOU
visant à supprimer l’obligation de dépôt, à l’occasion de l’examen de la LOLF de 2001 (art. 26).

1734 L’art. 26 de la LOLF française consacre une évolution. C’est une disposition expresse d’une loi de finances qui
peut autoriser une dérogation alors que l’ordonnance organique de 1959 conférait cette prérogative au ministre des
finances. La nouvelle LOLF béninoise relative aux lois de finances en confie la responsabilité au conseil des ministres
(art. 32).
1735
Interdiction corrélative d'ouvrir un compte dans les établissements financiers classiques (bancaire, ou postal ou
dans toute autre caisse d'épargne), interdiction d'avoir un compte débiteur, interdiction de faire une avance à une
autre collectivité, difficulté de suivre la trésorerie tenue par le comptable.

1736Même si la collectivité n’a pas pour vocation de mobiliser des ressources à des fins de placement ou de spéculation
sur le marché financier, il n’est pas contre indiqué qu’elle profite des avantages du marché financier pour le financement
des actions de développement. Il ne peut être nié qu’une totale liberté de placement des fonds des collectivités élargirait
en outre le champ d’intervention de l’autorité de tutelle qui se porterait dans un domaine plein de risque et bien
complexe pour être bien appréhendé par des fonctionnaires préfectoraux.
1737Par cette centralisation, l’Etat a la possibilité de profiter du solde créditeur des dépôts effectués par les
collectivités territoriales et autres établissements publics.

1738 Bénin : Loi n° 98-007, art. 35, al. 2.

338
additionnelles pour les collectivités. Depuis 2004 en France, l’information préalable1739
reconnue comme une mesure contribuant au bon usage des deniers publics, est une
exigence de valeur constitutionnelle1740.

2. La garde des deniers locaux par un agent de l’Etat

Le ton est bien annoncé par le législateur. Le budget de la collectivité «est élaboré, adopté et
géré conformément aux principes budgétaires et règles de comptabilité publique applicables à l’Etat»1741.
Sont aptes à cette gestion financière et comptable, les agents de l’Etat formés et assermentés
à cet effet. Du coup, le comptable de la collectivité territoriale ne pouvait être qu’un
comptable du Trésor public1742. En vue de ménager l’autonomie des collectivités
territoriales, plusieurs scénarii ont été imaginés pour la nomination de leur comptable. La
nomination par le seul exécutif local présente l’inconvénient de biaiser la portée de la règle
de la séparation de l’ordonnateur et du comptable. Une nomination à partir d’une liste de
propositions1743 peut déboucher sur des blocages. Ce pouvoir partagé entre l’exécutif local
et le ministre des finances eût conforté l'autonomie des collectivités locales sans que le
risque de conflit fût réel. Néanmoins, les législateurs béninois et nigérien ont préféré une
nomination par le chef de l’administration financière de l’Etat1744.

1739La loi de finances pour 2004 (art. 117) fait obligation aux collectivités locales d’informer, la veille avant 16 heures,
l’Etat de toute opération affectant le compte du Trésor. Un décret du 05 juillet 2004 fixe à 1 million d’euros le plancher
du montant unitaire de ces opérations en dépense.

1740 Saisi de l’article 117 de la loi de finances pour 2004 qui stipule que «Les collectivités territoriales et leurs établissements
publics informent l'État avant toute opération affectant le compte du Trésor. Les seuils et les conditions de mise en œuvre de cette obligation
d'information préalable sont fixés par décret en Conseil d'État», le Conseil constitutionnel français a rendu la Décision n° 2003-
489 DC du 29 décembre 2003 au terme de laquelle «L'obligation d'information préalable instituée par la loi déférée a pour objet,
grâce à une meilleure anticipation des opérations importantes affectant le compte du Trésor, d'améliorer la gestion de la trésorerie de l'État
en utilisant de façon plus active les fonds déposés auprès de lui par les collectivités territoriales et leurs établissements publics ; que, ce faisant,
elle participe au bon usage des deniers publics, qui est une exigence de valeur constitutionnelle ; qu'elle doit également permettre d'éviter que
le solde du compte du Trésor puisse être débiteur…».

1741 Ord. n° 2010-54, art. 211.


1742 Il est nommé par le ministre des finances dont il relève administrativement. Le retour à cette règle scellé au Niger
par l’Ord. n° 2010-54 en est une confirmation. Anciennement, le receveur était directement nommé par l’exécutif local
parmi les cadres remplissant certaines conditions de qualification professionnelle (Loi n° 2002-017 du 11 juin 2002,
art. 22 : «Le receveur régional, départemental ou municipal est nommé par arrêté du Président du conseil régional, départemental ou
municipal, après avis du conseil, parmi les cadres des Finances ou les agents des collectivités territoriales spécialisés en comptabilité publique
ou en administration publique dont le niveau de qualification correspond au moins à celui de la catégorie B de la fonction publique»).
1743 Loi du 05 avril 1884, art. 156 : «Ce receveur spécial est nommé sur une liste de trois noms présentée par le conseil municipal».

La France a adopté la même solution à la différence que les ordonnateurs sont informés préalablement de la
1744

nomination de leur comptable.

339
Le cantonnement du comptable dans un rôle de conseil financier 1745 à la collectivité et de
contrôle de régularité ainsi que la judiciarisation du contrôle de ses comptes devrait assurer
une garantie d'impartialité et d'indépendance par rapport à l'Etat1746. Mais, auréolé de son
double titre de comptable public et contrôleur de l’ordonnateur, certains receveurs en
arrivent à laisser croire qu’ils disposent d’un droit de véto, ce qui entraîne régulièrement des
conflits avec l’ordonnateur. Ici, la querelle est avant tout d’ordre psychologique. Dans la
pratique, le comptable, pris dans sa posture de contrôleur, est perçu comme un censeur
devant lequel les ordonnateurs sont présumés coupables.

René SAVATIER décrit la comptabilité comme un moyen «de la tutelle administrative exercée
par l'Etat sur les départements, communes et les établissements publics» et fustigeait «la minutie des
observances financières»1747. MUZELLEC fait remarquer que «l'accusation de contrôle pointilliste,
tatillon, vexatoire, subsiste encore essentiellement au sujet des pièces justificatives de paiement des
dépenses»1748. A l’appui de ces récriminations, il est évoqué que de nombreux pays du modèle
anglo-saxon, ignorent le réseau des comptables publics du Trésor sans que l'on ait jamais
constaté un laxisme quelconque dans la gestion des deniers publics.

Au Niger, pour tout cerner, le législateur encadre même la nomination du Secrétaire


municipal ou régional. Assistant financier de l’ordonnateur, il est nommé par celui-ci1749
mais seulement après avis du conseil et dans les conditions et modalités déterminées par

1745 Bénin : Loi n° 98-007, art. 46, al. 2.

1746 En effet, il ne peut subordonner ses actes à une appréciation de l'opportunité des décisions prises par l’ordonnateur.
Le cas échéant, il est susceptible d'être requis par l’ordonnateur (Loi n° 98-007, art. 48). La proscription de tout lien de
parenté entre comptable et ordonnateur vise la bonne utilisation des deniers de la collectivité (Loi n° 2013-14 du 27
septembre 2013, art. 68, al. 2 : «Les conjoints, les ascendants et les descendants des ordonnateurs ne peuvent être comptables des
organismes publics auprès desquels lesdits ordonnateurs exercent leurs fonctions»). Au plan technique et pour éviter tout arbitraire,
les règles et procédures auxquelles sont soumises ses opérations sont fixées par voie règlementaire (Ord. n° 2010-54,
art. 280, al. 2). Il en ainsi de la liste des pièces justificatives dont doit être assortie toute demande de payement (Bénin :
Loi n° 98-007, art. 47).
1747 SAVATIER R., Le droit au service de l'homme, Paris, Dalloz, 1969, n° 238, p. 421.

1748 MUZELLEC R., «De la pertinence des principes budgétaires et comptables applicables aux collectivités
territoriales», op. cit., p. 15.

Tirant leçon des difficultés de mise en œuvre, la condition de qualification [parmi les administrateurs ou les agents
1749

des collectivités territoriales spécialisés en comptabilité publique ou en administration publique dont le niveau de
qualification correspond au moins à celui de la catégorie B de la fonction publique] exigée par l’ancienne loi 2002-017
du 11 juin 2002 déterminant le régime financier des régions, des départements et des communes a été abandonnée.

340
arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales1750. Ainsi, la chaîne des dépenses peut
être aussi maîtrisée par l’Etat.

Paragraphe 2 : Le contrôle des dépenses locales

La mainmise de l’Etat sur la chaîne de dépenses des collectivités se matérialise à travers une
multitude de contrôles dont l’efficacité n’est pas probante (A) tant est négligée le suivi de la
qualité de la dépense (B).

A. Un contrôle de régularité inutilement pesant

Une telle déduction peut être faite du contrôle tatillon de l’Etat sur les opérations
financières des collectivités (1) ainsi que sur les processus d’acquisition de biens et services
(2).

1. Le contrôle de l’Etat sur les opérations financières de la collectivité

La limitation de l'autonomie financière des collectivités, par le biais du contrôle de leurs


finances, est utile. En effet, cette surveillance permet de préserver deux impératifs que sont
l'intérêt national et la protection des administrés. Contrepartie de l’autonomie et de la
responsabilité locales, le contrôle des finances locales permet d'assurer l'effectivité de la
législation budgétaire et comptable nationale sur tout le territoire. Le second impératif est
relatif à la protection des contribuables. En effet la gestion financière locale peut, à certains
égards, être préjudiciable1751 à une multitude d’acteurs1752. Le contrôle tutélaire a pour
finalité de garantir le bon et transparent emploi des ressources. A cet égard, le législateur a
prévu des vérifications spécifiques avant, au cours et après l’exécution du budget. En plus

1750 Ord. n° 2010-54, art. 247.


17511l en est ainsi lorsque les ressources sont utilisées à des fins qui ne cadrent pas avec l'autorisation initiale :
propagande politique de la majorité au pouvoir, détournements des deniers publics locaux à des fins privées, etc.
1752
Cette pluralité d'acteurs (les citoyens, les élus, l'Etat) a chacun sa logique. Les principes budgétaires et comptables
doivent être perçus en rapport avec chacun d'eux et en fonction de ses intérêts et préoccupations. Les citoyens doivent
pouvoir apprécier les services fournis (exigence d'informations compréhensibles et publiques) en vue d'exercer leur
contrôle citoyen ; les membres des organes délibérants doivent être à même de statuer sur le budget de manière éclairée ;
l’Etat ne peut être privé de ses moyens de régulation conjoncturelle des dépenses publiques.

341
des multiples garde-fous au titre du contrôle a priori1753, le contrôle concomitant et a posteriori
posent d’autres balises.

Un binôme à composition mixte, collectivité-Etat, assure la mise en œuvre du budget local.


Il s’agit de l’ordonnateur, un élu, exécutif de la collectivité et du comptable1754, un
fonctionnaire nommé par l’Etat, qui assure les opérations comptables et de trésorerie1755
sous sa responsabilité personnelle et pécuniaire1756. Pour les nécessités de reddition des
comptes, le Maire élabore le compte administratif1757 qu’il soumet à l’examen et à l’adoption
du conseil1758 puis à l’approbation de l’autorité de tutelle1759. Quant au comptable, il élabore
le compte de gestion1760 qu’il transmet au juge des comptes1761. Les opérations financières
sont soumises au contrôle de l’autorité de tutelle1762. Outre ces contrôles, «l’exécution du
budget des collectivités territoriales est soumise, à un contrôle administratif et un contrôle juridictionnel. Le
contrôle administratif est exercé par les corps de contrôle habilités»1763.

Si la préservation des deniers publics est un impératif constitutionnel1764, sa mise en œuvre


ne doit ni violer la libre administration ni méconnaître les nécessités d’efficacité qui

Proposition par l’exécutif et adoption par le conseil, dépenses obligatoires, interdiction et régulation de certaines
1753

dépenses, approbation préalable et pouvoir d’inscription d’office du représentant de l’Etat, etc.


1754 Bénin, Loi n° 98-007, art. 39-42, 46 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 262.

1755 Bénin : Loi n°98-007, art. 46 : «Le Receveur-Percepteur est chargé de procéder aux opérations de recettes et de dépenses correspondant
aux titres de recettes et mandats émis par l'ordonnateur qui les assortit des pièces justificatives dont la liste est déterminée par décret pris en
Conseil des ministres» ; Niger : Ord. n°2010-54, art. 267 : «Les opérations de trésorerie sont exécutées par le receveur sous l'autorité
de l'ordonnateur». V. aussi Niger : Ord. n°2010-54, art. 265 : «Sont définis comme opérations de trésorerie, tous les mouvements de
numéraires, de valeurs mobilisables, de comptes courants ainsi que ceux des comptes de créances et de dettes à court terme».

1756 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 248 et 256, al.3.


1757 Bénin : Loi n° 98-007, art. 42, 50 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 270-274. .

1758 Bénin : Loi n° 98-007, art. 50, al.2 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 272, al.2.
1759 Bénin : Loi n°98-007, art. 53 ; Ord. n° 2010-54, art. 273

1760 Bénin : Loi n° 98-007, art. 49 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 275.
1761 Bénin : Loi n° 98-007, art. 54 ; Niger : Ord. n° 2010-54, art. 278-280.

1762 Bénin : Loi n° 98-007, art. 44 et 52.


1763 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 278.

1764 Const. Bénin, art. 35 ; v. pour la France, la Décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003.

342
permettent d’assurer aux citoyens leurs droits économiques et sociaux. Les collectivités
devraient être affranchies de toute procédure qui réduirait l’efficacité de l’intervention
publique locale. La libre administration a été motivée, entre autres, par le souci d’une
efficacité que l’interventionnisme étatique n’a pu réaliser1765. Ni la «sur règlementation», ni
la trop grande multiplicité des contrôles1766 ne saurait être les leviers de son succès.

C’est insinuer que dans le cas typique des collectivités dont l’existence se justifie par la
recherche d’efficacité, la finalité devrait primer sur toute autre considération. Or le caractère
discontinu et partiel des contrôles externes effectués par l’Etat ne permet pas d'appréhender
la logique et les différentes composantes de l'activité locale. Cette approche fragmentaire se
limite à vérifier simplement la conformité aux procédures. L’on sait par contre que, palliant
aux carences que révèlent la pratique, de nombreuses innovations extra légales sont
expérimentées dans les communes en matière de gestion budgétaire et comptable, pratiques
que les directives et instructions ministérielles ne capitalisent pas. A défaut de se
contextualiser et s’adapter continuellement, le contrôle budgétaire par l’Etat s’installe dans
une routine intenable pour des autorités soucieuses de fournir le service pour lequel elles
ont été élues. Des stratégies de contournement sont alors mises en œuvre.

En définitive, la gestion financière locale présente un double visage. L'un formel à usage
externe et l'autre, réel, destiné à la gestion interne. Les mêmes constatations s’étendent à la
passation des marchés par les collectivités.

2. Le contrôle à multiple tours dans l’acquisition des biens et services

La passation, l’exécution et le contrôle de marchés et commandes publics conclus par la


collectivité territoriale pour travaux, fournitures ou services se font conformément au code

1765du BOIS de GAUDUSSON J., «La décentralisation menacée par la (bonne) gouvernance ? Interrogations sur de
récents rapports de la Banque mondiale à partir du cas africain», in Mélanges en l’honneur de Franck MODERNE, Paris,
Dalloz, p. 995.

1766A considérer les acteurs susceptibles d’y intervenir, on en dénombre presqu’une dizaine au Bénin : le conseil
communal, le Préfet, le citoyen-contribuable, le particulier-créancier, le comptable (receveur-percepteur), l’inspection
générale des affaires administratives, l’inspection générale des finances, l’inspection générale d’Etat, le juge
administratif, le juge des comptes. Classé suivant le moment auquel il intervient, on retrouve les trois étapes (a priori,
concomitant et a posteriori). A chaque étape et pour chaque acteur correspondent des délais et une mobilisation de
ressources humaines.

343
des marchés publics1767. Cette soumission est totale et il n’est pas possible pour la
collectivité d’y échapper à travers la création d’autres personnes publiques1768.

Au plan institutionnel, l’exécutif local est la personne responsable des marchés publics de
la collectivité1769. Quant à la composition, les attributions et modalités de fonctionnement
de la commission de passation des marchés, les mêmes textes renvoient à un décret pris en
Conseil des ministres. Il en est de même de la cellule de contrôle des marchés publics dont
la création s’impose également aux collectivités territoriales. Ces dispositions sont
contestables d’autant qu’elles ouvrent la brèche à l’instauration par l’exécutif de mesures
qui soit méconnaissent les réalités locales soit limitent de façon exorbitante à la fois la libre
administration et l’efficacité de l’action des collectivités territoriales1770.

Les compositions fixées par décret élucident et confirment ces craintes. La commission
communale de passation des marchés doit réunir en son sein, en plus de la personne
responsable des marchés publics, deux conseillers, le comptable de la commune et un
spécialiste en passation des marchés1771. La mobilisation de tels profils peu disponibles sur
le marché local du travail s’avère difficile. Les quelques rares cadres qui se sont spécialisés
en la matière par l’expérience ne sont pas attirés par les propositions d’une commune de
droit commun. Au Niger, c’est la mobilisation de l’auxiliaire de justice assermenté qui est
problématique en raison de l’insuffisance d’effectifs dans le secteur judiciaire. La même

Bénin : Loi n° 97-029, art. 125 ; Loi n° 2009-02 du 07 août 2009 portant code des marchés publics et des délégations
1767

de service public en République du Bénin, art. 2. V. pour le Niger, Ord. n° 2010-54, art. 264 et Décret n° 2013-
569/PRN/PM du 20 décembre 2013 portant Code des Marchés Publics et des Délégations de Service Public, art. 4.

1768 Loi n° 2009-02 du 07 août 2009 portant code des marchés publics et des délégations de service public en République
du Bénin, art. 2 ; Décret n° 2013-569/PRN/PM du 20 décembre 2013 portant Code des Marchés Publics et des
Délégations de Service Public, art. 4 : en effet, y sont également soumis, (1) les organismes publics que la collectivité a
créés pour satisfaire un besoin d’intérêt général et dont elle finance majoritairement l’activité ; (2) une association dont
elle est membre ; (3) les personnes morales de droit privé agissant pour son compte ou pour le compte d’une personne
morale de droit public (dont la collectivité est membre) ou de droit privé dans laquelle la collectivité est actionnaire
majoritaire ; (4) les personnes morales détentrices de droits spéciaux ou exclusifs au titre d’une délégation de service,
d’une concession ou autre convention de nature similaire.
1769
Bénin : Loi n° 2009-02, art. 9.

Au Niger, le Décret n° 2013-569/PRN/PM du 20 décembre 2013 (art. 51) prévoit des adaptations qui ne sont pas
1770

encore adoptées.
1771Décret n° 2010-496 du 26 novembre 2010 portant attributions, organisation et fonctionnement de la personne
responsable des marchés publics (PRMP), des Commissions de passation et des Cellules de contrôle des marchés
publics, art. 13.

344
difficulté de mobilisation des profils se pose en ce qui concerne la cellule de contrôle1772 au
Bénin. La situation explique la lenteur caractérisant la mise en place de ces cellules dans les
communes1773. L’état des lieux est similaire en ce qui concerne le secrétariat de la Personne
Responsable des Marchés Publics. Il était fonctionnel dans seulement 38% des
communes1774. Inéluctablement la qualité du travail devient insuffisante1775.

La trop grande multiplicité des contrôles mérite d’être signalée. En dehors des contrôles
exercés a priori et a posteriori par les organes susvisés, la garantie du respect des normes est
assurée par l’autorité de tutelle soit par l’approbation préalable1776 soit par l’obligation de
transmission1777. Or la recherche d’économie et d’efficacité -ce qui suppose également
économie du temps- constitue l’un des principes clés sur lesquels repose la passation des
marchés1778. Mais certains délais paraissent peu réalistes. Les plus symptomatiques
concernent l’évaluation des offres et l’information des adjudicataires 1779 ou la réaction des
cellules de contrôle1780. Les conditions de certaines pénalités telles celles relatives au retard
de paiement paraissent mal orientées, la disponibilité de trésorerie et l’opération matérielle
de payement n’étant pas sous la maîtrise de l’ordonnateur1781. Ces écarts suggèrent d’axer

1772Décret n° 2010-496, art. 31 et 32 : Non seulement elle doit être constituée de cadres de la catégorie A1, elle doit
par exemple comprendre un juriste ou un spécialiste des marchés publics et un ingénieur des travaux publics.

Moins de la moitié en décembre 2012. V. CONAFIL, Rapport d’audit du FADeC au titre de l’exercice 2012, Décembre
1773

2013, p. 28.
1774
CONAFIL, Rapport d’audit du FADeC au titre de l’exercice 2012, Décembre 2013, p. 28.

«L’exploitation des rapports de dépouillement a révélé que les commissions de passation des marchés fonctionnent
1775

sans la mise en place des sous-commissions d’évaluation des offres dans 60% des cas. De même, les travaux sont
généralement sanctionnés par des documents uniques intitulés «procès-verbaux d’ouverture, d’analyse et d’adjudication des offres»
en lieu et place des procès-verbaux d’ouverture, des rapports d’analyse et des procès-verbaux d’adjudication.
CONAFIL, Rapport d’audit du FADeC au titre de l’exercice 2012, Décembre 2013, p. 28.

1776 Bénin : Loi n° 97-027, art. 144.


1777 Niger : Ord. n° 2010-54, art. 313.

1778Niger : Loi n° 2001-37 du 28 octobre 2011 portant principes généraux, contrôle et régulation des marchés publics
et des délégations de service public au Niger, art. 3.
177972 h au Niger (art. 11 et 13, Arrêté n° 0034/CAB/PM/ARMP du 21 janvier 2014 fixant les délais dans le cadre de
la passation des marchés publics et délégations de service public).
1780 Au Bénin, 5 jours ouvrables à partir de la réception (art. 34, Décret n° 2010-496).

De plus de huit (8) jours, un intérêt moratoire est dû au profit du titulaire du marché et au taux annuel fixé par la
1781

Banque Centrale (Loi n° 2009-02, art. 135).

345
les contrôles sur d’autres aspects substantiels de la gestion pour la rendre plus efficace et
davantage axée sur les résultats.

B. Un contrôle de qualité manifestement insuffisant

Il devrait permettre d’obturer les failles du contrôle budgétaire traditionnel (1) aux fins
d’orienter progressivement les collectivités territoriales vers une gestion financière orientée
sur les performances (2).

1. Les limites de la logique classique

Le contrôle budgétaire traditionnel est essentiellement externe et porte sur la légalité


classique1782 et le contrôle de régularité budgétaire1783. Les performances suivies et
contrôlées sont celles relatives à l’exécution budgétaire avec comme points de mire les
dépassements budgétaires, les déficits, etc. Sont rarement examinés, les indicateurs de
vitalité économique et de viabilité financière tels le taux brut d’autofinancement local, le
niveau de la pression fiscale, la solvabilité, la gestion des risques, etc. qui du reste,
constituent des références cardinales pour apprécier les capacités de l’équipe dirigeante.
Sont rarement remises en question la pertinence et l’efficacité des activités.

En effet, à l’élaboration des budgets, c’est une course à l’accroissement des allocations. Ne
subissant aucune pression, les personnels communaux s’installent dans une logique
d’avantages acquis que perpétue la technique d’allocation par reconduction, affectée ou non
d’un pourcentage d’évolution1784. Il en résulte que de telles prévisions sont peu réalistes et
sans rapport étroit avec l’évolution de la demande et les objectifs. Raisonner par simple
report de crédits peut conduire à dépenser inutilement1785. De telles pratiques routinières
ne favorisent pas l’innovation et l’efficacité.

1782Auquel sont soumis les actes des collectivités territoriales : régularité du vote de l’organe délibérant, compétence
de la collectivité (intérêt local de la dépense), etc.

1783 Respect des délais, inscription des dépenses obligatoires, équilibre et sincérité, etc.
1784En dehors de cette modalité, il existe deux autres : la construction budgétaire par activité et l’allocation des
ressources par objectif. Voir DEMESTRE R., Le contrôle de gestion dans le secteur public, Paris, LGDJ, 2002, pp. 163-181.

1785 Des responsables ont tendance à dépenser tous leurs crédits pour éviter des coupes dans les budgets à venir.

346
Il peut être relevé que le législateur a opté pour une «dé judiciarisation» du contrôle
budgétaire des collectivités territoriales. En effet, c'est au seul représentant de l'Etat
qu'incombe la décision d'inscription d’office, de règlement et de mandatement d'office. Le
risque est élevé pour les collectivités de se retrouver «à la merci du zèle intempestif des
fonctionnaires préfectoraux»1786. Raymond MUZELLEC écrit, au sujet de cette intransigeance
outrancière des comptables publics, qu’ils «préféraient, à l'instar des médecins de Molière, voir leurs
malades mourir selon les règles que guérir hors des règles»1787. Trop encadrée et sans bornes bien
délimitées, la liberté d’action des collectivités tourne en une atmosphère d’insécurité
juridique d’autant plus que l’autorité locale ne peut anticiper quel traitement serait réservé
à sa décision. Le lien tutélaire assujettit entièrement la dépense locale au préfet1788.

L’émergence de nouveaux besoins, la complexité et la fragilité concomitante des finances


locales imposent aux collectivités de faire du budget un véritable instrument de
management. La gestion budgétaire locale ne se limiterait plus à un exercice annuel de
prévision et d’exécution de recettes et de dépenses suivant des procédures. De cette logique
comptable, elle devrait évoluer vers un pilotage pluriannuel, plus stratégique avec une
dimension analytique et une logique d’anticipation. Dans cette perspective, le meilleur
contrôle de gestion qui soit devrait d’abord être interne1789. Il devrait porter sur la pertinence
des choix opérés et sur l’utilité de la dépense et, par conséquent, incomber en premier chef
à l’organe délibérant1790 de la collectivité.

2. L’amélioration de la qualité de la dépense par le contrôle de gestion

Le contrôle de gestion se focalise sur le bon emploi des ressources et est orienté vers
l'efficacité de l'action, l'efficience et même la pertinence des choix. Le contrôle de gestion
en administration locale est souhaitable. Les élus en demandent d’autant qu’ils se veulent

1786 Expression de M. C. PONCELET, Rapport n° 177 au nom de la mission commune d’information chargée d’étudier le
déroulement et la mise en œuvre de la politique de décentralisation, Sénat, 19-12-1984, p. 92.
1787 MUZELLEC R., «La pertinence des principes budgétaires et comptables applicables aux collectivités territoriales»,
op. cit., p. 4. V. LALUMIERE P., Finances Publiques, Paris, A. COLIN, 1973, p. 320.

1788 CHAPUISAT L.-J., «La décentralisation cinq ans après», AJDA, 1987, pp. 139 et 218.
1789DDHC de 1789, art. 15 : «La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration».

1790 En tant que représentant des citoyens, il devrait attester de la «nécessité» de l’impôt (DDHC de 1789, art. 14).

347
chefs d’entreprise1791. M. RINGENBACH, Maire de Sceaux déclarait en 1986 qu’«Etant à
la fois maire et chef d'entreprise toujours en activité, je n'ai pas l'impression deux fois par jour de mettre les
pieds dans des domaines très différents et d'être écartelé dans mon mode de raisonnement»1792. L’intérêt
d’une telle assimilation est si manifeste que la question a fait l’objet d’un événement
scientifique dont les actes ont été publiés1793. Ceux qui se refusent à assimiler gestion de
l’entreprise et gestion de la collectivité locale conviennent qu’il faille tout au moins
introduire dans la gestion territoriale les méthodes de gestion privée. La tendance à la
transposition dans la gestion publique de techniques qui ont fait leur preuve dans le secteur
privé n’est pas nouvelle1794. L’ire des élus sur l’inadéquation des contrôles se nourrit de ce
rapprochement qu’ils opèrent entre commune et entreprise. La véritable finalité de la
commune est de «fournir aux habitants une bonne qualité de service au moindre coût», c'est-à-dire «la
recherche permanente du meilleur rapport qualité/prix»1795. Les nécessités de performance
autorisent donc un rapprochement entre les standards de gestion de l’entreprise privée et
ceux de l'administration publique locale qui doit se préoccuper de la rationalité des
méthodes qu’elle utilise.

En effet, la démarche de contrôle de la qualité de la dépense locale s’avère utile pour au


moins trois nécessités. D’abord en vue d’assurer l’efficacité de l’intervention publique
locale, ensuite aux fins d’éviter le gaspillage des ressources en réalisant des économies et
enfin pour affecter d’importants volumes de ressources à la satisfaction de la demande des
citoyens. Il est possible de mettre en œuvre une telle assurance qualité au cours de
l’élaboration et à l’exécution du budget. Avant l’adoption par l’organe délibérant, devraient
être réglées les cohérences substantielles entre d’une part les investissements communaux
et les compétences transférées et d’autre part entre les prévisions budgétaires et la tranche

1791 Ainsi en a-t-il été de SARKOZY N., Maire de Neuilly, v. Le Monde du 27-09-1985.
1792 Revue française de Finances Publiques, n° 13, 1986, p. 20.

1793Colloque des 26 et 27 septembre 1985, «Doit-on gérer une commune comme une entreprise ?» organisé sous l’égide
de la Revue Française de Finances Publiques (v. RFPP n° 13, 1986).

1794Ainsi R. LAMPS, pour gérer la ville d'Amiens, avec le souci premier des coûts des services a-t-il recouru à l'analyse
socio-économique des coûts cachés mise au point par l’Institut de Socio Economie des Entreprises et des
Organisations (ISEOR) expérimentée dans le secteur privé. V. Gazette des Communes, 15-31 décembre 1986, p. 79.

1795 LAUFER R., BUR LAUD A. Management public : gestion et légitimité, Dalloz, 1980, p. 24 cité par MUZELLEC R., op.
cit., p. 12.

348
annuelle du programme pluriannuel de développement de la collectivité. De même, il ne
paraît pas suffisant que la programmation de la trésorerie soit assurée seulement par
l’ordonnateur et le comptable. Y associer d’autres élus et responsables de l’administration
locale en vue d’en faire un comité local de trésorerie introduirait plus de transparence dans
la priorisation et garantirait une utilisation plus optimale des ressources disponibles 1796. Les
innovations de la LOLF françaises peuvent inspirer à cet égard.

Le contrôle partenarial de la dépense est un dispositif introduit dans les modalités de


contrôles par la LOLF1797. Il s’agit d’un nouveau rôle pour le comptable public, désormais
garant de la qualité comptable et ce, dès le fait générateur. Or le point de départ des
opérations comptables trouve sa source en amont de l’intervention du comptable, chez
l’ordonnateur. Ceci implique pour le comptable public, de pouvoir porter une appréciation
sur l’intégralité de la chaîne financière. Cette nouvelle dimension du contrôle a priori exercée
par le comptable permet d’agir sur les causes du risque et non plus sur ses seuls effets. Il
s’agit d’une évolution des rapports ordonnateur-comptable en même temps qu’un nouvel
instrument de promotion de la performance de la dépense publique. En effet, «Le contrôle
partenarial permet, par un audit conjoint préalable, de s’assurer que les risques d’irrégularité relatifs au
mandatement et au paiement des dépenses sont maîtrisés. A cet effet, il va s’agir d’évaluer et de fiabiliser les
procédures pour mettre fin aux éventuelles incohérences, redondances et insuffisances dans la chaîne des
contrôles, de l’ordonnateur jusqu’au comptable. La démarche vise donc à renforcer la qualité et la fluidité de
la chaîne de la dépense tout en permettant une réduction très significative des délais de paiement»1798.

1796
Le traitement fait de l’excédent de fonctionnement à capitaliser illustre bien la nécessité d’un cadrage précis par le
législateur. Certes, l’indicateur a été prévu par le législateur béninois mais l’exécutif qui devrait en déterminer la cible
annuelle (v. Loi n° 98-007, art. 23) ne l’a pas encore fait. Dans le même temps, il est noté une chute de l’effort
d’investissement des communes. Il était de 22% en 2003 et a chuté à 6% en 2010 (Cette moyenne voile la réalité. Dans
plusieurs départements, il n’y avait pas eu, certaines années, d’excédent de fonctionnement capitalisé). Il est vrai que
sous l’effet des transferts de ressources, les dépenses d’investissement se sont accrues. Elles représentaient 43% des
dépenses totales en 2010 contre seulement 24% en 2003. Il apparaît nécessaire que le législateur béninois stimule
l’autofinancement comme c’est le cas au Niger (v. Ord. n° 2010-54, art. 215).

1797 En son article 31, la loi dispose que le comptable «s’assure de la sincérité des enregistrements comptables et du respect des
procédures».

MARGEAULT B., «La rénovation du contrôle de la dépense publique locale : retour sur expérience à travers un
1798

contrôle partenarial sur les marchés publics de Sotteville-lès-Rouen», La Revue du Trésor, n° 2, Février 2008, pp. 134-
139.

349
CONCLUSION DU CHAPITRE II

En l’état actuel du droit positif et des faits, la liberté de dépenser des collectivités est une
liberté rigoureusement surveillée. En témoignent l’instauration de longues listes de
dépenses interdites et obligatoires. L’impression d’une présomption permanente de
mauvaise gestion à l’encontre des collectivités est patente. Si la nécessité de certaines
régulations est évidente parce que découlant des principes fondateurs de la République,
pour d’autres, elle est difficile à comprendre et à soutenir dans un Etat qui projette
promouvoir une «République de proximité».

A maints égards, les contrôles sont nécessaires. Ils ne peuvent être totalement supprimés
mais doivent être adaptés. En la matière, la continuité l'emporte sur le changement par
d’une part, le maintien et même le durcissement des exigences traditionnelles qui grèvent
les décisions financières et budgétaires des collectivités et d’autre part, la persistance de la
substitution d'action au profit du représentant de l'Etat.

L’obligation de dépôt des fonds au Trésor public ne semble plus être un sujet de grave
préoccupation pas plus que le principe du contrôle de régularité. L’ensemble des acteurs y
trouvent des avantages certains : facilités de trésorerie, sécurisation des deniers publics, etc.
Ce qui est à interroger, c’est plutôt leur efficacité en lien avec la justification technique et
politique de la libre administration. Plus que des contrôles pour la forme, il paraît plus
indiqué d’instaurer une approche systémique mais partenariale qui s’intéresse à l’ensemble
de la gestion locale pour en cerner les réalités particulières, s’orienter sur des résultats de
développement socio-économique, prévenir les causes de dysfonctionnements, réduire les
délais, etc. Dans cette perspective, les contrôles externes a posteriori devraient pouvoir être
allégés en les focalisant sur les niches de risque. Le renforcement de la liberté de dépenser
et l’amélioration de la qualité de la dépense locale devraient résulter de tels choix.

350
CONCLUSION DU TITRE II

Les modalités de mobilisation des ressources, -majoritairement des concours financiers de


l’État notamment les dotations et des impôts transférés- et les conditions d’exécution des
dépenses -limitées surtout par le poids des dépenses obligatoires en constante
augmentation- ne garantissent à la collectivité des marges suffisantes pour s’administrer
librement. La relative liberté de gestion dont elle bénéficie est autorisée à s’exprimer, sous
la garde des représentants de l’Etat et dans les limites prévues par la loi mais surtout par les
règlements. Sur toutes les matières financières, les modalités sont définies par décret pris
en Conseil des ministres, expression élégante pour signifier «comme le veut le pouvoir exécutif».

La répartition des recettes entre Etat et collectivités territoriales s’est faite presque ex nihilo,
sans véritable évaluation du coût des compétences transférées. Les transferts de ressources,
là où ils ont démarré sont partiels et pour des montants relativement insignifiants dont la
mise à disposition demeure soumise aux aléas et contingences de la chaîne des dépenses
publiques. Les compétences fiscales des collectivités sont marginales et le dispositif fiscal
demeure sous la maîtrise de l’administration fiscale d’Etat. Les dépenses sont cernées par
l’Etat de la prévision à la reddition des comptes, les deniers locaux étant sous la garde d’un
comptable direct du Trésor public. Il apparaît donc que l’autonomie budgétaire et
l’autonomie fiscale s’expriment ad minima. On peut en dire autant pour la gestion comptable.
La conclusion serait qu’il s’agit davantage d’une liberté de gestion financière plutôt que
d’une réelle autonomie financière des collectivités.

Les finances locales sont hyper contrôlées. Contrôles a priori et a posteriori, contrôles internes
et externes, contrôles administratifs, politiques et juridictionnels y trouvent leur champ
d’application. Pourtant, l’efficacité n’y est pas encore la qualité la mieux partagée. On ne
devrait donc plus se contenter du respect de la régularité formelle des budgets et des
comptes. Il faut s’interroger sur l’efficacité de la dépense publique locale. Un dispositif
interne et partenarial entre ordonnateur et comptable public et associant l’organe délibérant
est susceptible d’y contribuer plus substantiellement tout en se conformant à la libre
administration et à l’exigence constitutionnelle de bonne utilisation des deniers publics.

351
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

La liberté d’action des collectivités territoriales est restreinte par l’environnement


institutionnel dans lequel elles évoluent et par l’étroitesse des marges dont elles disposent
en matière financière.

Le cadre institutionnel est inapproprié. En effet, le cadre de gestion des ressources


humaines n’est que superficiellement saisi par le législateur. Ainsi, le statut des élus ne fait-
il pas une place importante à la qualification professionnelle, à la formation et à la
rémunération de la fonction élective locale, même pas pour les exécutifs locaux, dont
l’exercice performant du mandat requiert un niveau minimum de qualification et un
engagement à plein temps. L’alignement quasi systématique du statut de la fonction
publique territoriale sur le statut général de la fonction publique a empêché la prise en
compte suffisante des spécificités de l’employeur territorial dont les pouvoirs en matière de
gestion de ses effectifs ont été réduits en faveur soit de l’autorité de tutelle, soit d’organismes
de gestion dont la composition et le fonctionnement sont maintenus sous la direction des
ministères en charge de la fonction publique et de l’administration territoriale. Quant à
l’organisation générale de l’Etat central, elle est caduque et continue de manifester la
conception révolue de l’Etat-entité opérationnelle. L’environnement politique, marqué par
la corruption électorale et l’inefficacité des contrôles, n’est pas plus propice.

L’autonomie financière de la collectivité territoriale au Bénin et au Niger demeure encore


largement bornée par le législateur et le pouvoir règlementaire. La dépendance financière
de la collectivité territoriale se manifeste par le contrôle de l’Etat sur l’ensemble des
ressources publiques et la marginalité du pouvoir fiscal local. Les entraves à la liberté de
dépenser prennent plusieurs formes. S’il ne s’agit pas de dépenses obligatoires ou interdites,
elles procèdent plutôt d’une multitude de procédures de contrôle a priori qui entravent la
liberté d’action de la collectivité territoriale.

352
CONCLUSION GENERALE

Le principe de la libre administration des collectivités territoriales n’a pas pu être


fortuitement constitutionnalisé. Il répond à une nécessité, s’intègre et se complète avec
d’autres principes qui devraient faire de la République un espace dans lequel la diversité
contribue à l’unité et permet, dans une large mesure, aux différents ensembles territoriaux
de s’auto développer. En effet, tout groupement humain installé en communauté sur un
territoire donné s’est toujours épanoui en s’auto organisant sur la base des nécessités vitales,
sans attendre une quelconque intervention d’un acteur externe pour fixer et délimiter ses
intérêts. En Europe et particulièrement en France, cette auto organisation a pris la forme
d’associations privées pendant qu’en Afrique elle se cristallisait autour des chefferies
traditionnelles, institutions qui auraient pu se muer en de véritables collectivités territoriales
si leur évolution n’avait pas été bouleversée dans un cas par le fait colonial et dans l’autre
par l’avènement de l’Etat, pouvoir politique. En ce sens, la libre administration ne saurait
être perçue comme du mimétisme.

La collectivité -groupement humain préexistant à l’Etat, installé sur un espace et marqué


par une certaine identité culturelle et sociologique-a été absorbée et intégrée par celui-ci,
entre temps devenu un pouvoir organisé, prééminent et constitutionnalisé. Comme dans la
théorie de Hobbes sur l’Etat, ce passage de l’état de nature à celui de personnes publiques
de droit moral a réduit le degré d’autonomie dont peuvent bénéficier les collectivités.

La conception originelle de la libre administration assimilée à l’autonomie n’a pu résister


aux prétendues exigences de l’unité et de l’indivisibilité de la république notamment en
Afrique noire francophone après les indépendances. Passées les périodes d’intenses
inquiétudes pour la cohésion et l’unité nationale, le vocable refit surface dans le lexique
constitutionnel en réponse à la quête de libertés. Ce retour à l’affirmation des libertés locales
interpelle particulièrement le juriste publiciste quant à son effectivité ou par contre à la
répétition de l’histoire. Dans cette quête, il lui devient nécessaire de s’intéresser aux
conditions essentielles d’habilitation juridique et de capacité matérielle à travers lesquelles
peut être garantie aux collectivités leur libre administration sans que soient remises en cause
d’autres principes constitutionnels tout aussi essentiels. Les analyses ont pris appui sur la

353
doctrine, les textes législatifs et règlementaires, des pratiques extralégales et la jurisprudence
notamment constitutionnelle et administrative.

L’une des limites de ce travail aura été la très faible judiciarisation des rapports entre les
collectivités territoriales et l’Etat dans ces deux pays. Au motif d’une certaine collaboration
apaisée, les autorités locales assignent très rarement en justice, l’Etat. S’il faut regretter cette
situation qui rend quasi inexistante une jurisprudence significative en matière de droit de la
décentralisation, ce manque n’a pas empêché de réunir des matériaux pertinents pour
conduire à terme le travail.

Il a pu ainsi être relevé que la libre administration est marquée de la rigidité de l’unicité et
de l’uniformité de l’ordre juridique qui caractérisent l’Etat unitaire de type français. Si
l’altérité est théoriquement affirmée et que l’autonomie financière constitue un refrain,
l’expression autonomie organique n’est pas utilisée par les législateurs des Etats ouest
africains ; ce qui amène à s’interroger sur son sens réel et la juste compréhension qu’il faut
en avoir, en rapport avec la libre administration.

A cet égard, il aurait fallu que soit, par exemple, plus fortement affirmée et respectée
l’autonomie des organes locaux, ce que ne recouvre pas une simple reconnaissance d’altérité
qu’imposaient non seulement l’existence multiséculaire de l’espace territorial qui est devenu
l’institution communale mais également le besoin de proximité dans la conduite de l’action
publique. Les expériences non concluantes de centralisme étatique faites sous les régimes
de parti unique ou militaires en ont constitué un témoignage et un avertissement. Dès lors,
il ne peut qu’être admis que l’autonomie organique est une condition substantielle de la libre
administration. Il ne fait d’ailleurs aucun doute que c’est cette nécessité qui est à la source
de l’attribution à la collectivité territoriale de la personnalité juridique. Pourtant le concept
est trop rarement usité. Et c’est tout fatalement que la «liberté d’être» des organes locaux
s’en sort précaire sans que les prétoires constitutionnels puissent lui assurer la protection
nécessaire.

Subséquemment, l’Etat, détenteur unique d’un pouvoir politique exclusif de toute


concurrence en son sein, sans véritable contrepouvoir ni contrepoids administratif, devient
une menace insidieuse pour les libertés locales. L’enchevêtrement des compétences rend

354
presque inopérant en certaines matières, hélas nombreuses, la démarcation entre affaires
locales et affaires nationales et limite la portée de la clause générale de compétences que le
législateur tend de plus en plus à éluder. Il n’empêche qu’une analyse fine des principes
fondateurs que sont l’intérêt local et la compétence propre locale autorise à conclure à leur
actualité et, par conséquent, à la nécessité de l’avènement d’un véritable pouvoir
administratif local, pouvoir compris dans ses sens juridique et matériel et libéré de tout
encadrement tutélaire centralisateur.

Ainsi apparaît l’intérêt d’interroger le régime de tutelle de l’Etat sur les collectivités.
L’exercice fait découvrir une surveillance étroite des organes locaux et une tutelle pesante
sur les actes que ne requière pas le respect des autres principes constitutionnels. Un tel
positionnement de la collectivité résulte de son intégration entière à l’ordre étatique qui
procède d’une dépossession administrative que manifestent les participations locales -
révélatrices d’un contournement de la répartition des compétences- et l’instauration tous
azimuts de normes techniques, instruments déguisés de tutelle extralégale. Il a pu ainsi être
établi que le contrôle resserré de la tutelle sur les organes des collectivités constitue une
remise en cause de l’autonomie organique. En témoignent l’interventionnisme exacerbé de
l’Etat dans l’installation et le fonctionnement des organes locaux et le pouvoir de sanction
de l’autorité de tutelle nommée -pour qui il est trop laborieux d’être impartial- sur des
organes locaux résultant de suffrages populaires.

Les actes pris par les autorités décentralisées n’en sont pas moins encadrés. La charge
psychologique que véhicule le vocable tutelle préféré à celui de contrôle administratif y
participe. Si lesdits actes ne sont pas soumis à approbation, il faut tout au moins les
transmettre sous délai au représentant de l’Etat pour lui permettre d’exercer son devoir
constitutionnel de garantir les intérêts nationaux. Evidemment, il ne s’agit pas d’inférer que
la libre administration n’admet aucun contrôle sur les collectivités. Il s’est plutôt agi
d’apprécier si l’étendue et les modalités sont respectueuses dudit principe.

A ce stade de l’analyse des pratiques des administrations de tutelle, il a pu être constaté que
l’assistance conseil en amont est insignifiante et que le contrôle a priori en aval de la décision
locale est préférée. Dans cette perspective et en raison des moyens très limités disponibles
au niveau des autorités de tutelle, sans conteste, les contrôles deviennent paralysants pour

355
l’efficacité recherchée par la décentralisation territoriale. Dès lors, il devenait utile de
s’interroger si la qualité de la gouvernance locale justifiait une tutelle autant rigide. L’examen
des statistiques sur la légalité ne révèle pas de défiance particulière : les collectivités
territoriales se soumettent aux principes constitutionnels et le niveau de conformité de leurs
actes aux textes de loi sur la décentralisation est plutôt élevé. Par contre, l’examen de
certaines décisions des représentants de l’Etat met en relief une tendance à la partialité
favorisée par la forte politisation des fonctions de Préfet ou de Gouverneur. Mais s’en
limiter aux deux systèmes sous analyse paraîtrait restrictif. C’est pourquoi le nouveau
constitutionnalisme local a été interrogé.
L’exercice révèle que le nouveau constitutionnalisme local tend plutôt à l’élargissement des
libertés locales en vue d’une meilleure démocratisation de la représentation et de la
délibération locale à travers laquelle la diversité vient en renfort pour construire le vouloir
vivre ensemble et l’unité nationale parce que l’action publique locale est apte à se
coordonner utilement avec les orientations nationales pour apporter des réponses adaptées
à la demande locale. Une telle vision ne peut advenir que si elle peut être déployée dans un
cadre approprié. Ceci fait appel à l’examen du cadre institutionnel -trop souvent oublié- et
à l’appréciation des moyens humains et financiers dont peuvent disposer les collectivités.

L’analyse, en premier lieu, des ressources humaines n’est pas fortuite. Dans les deux pays,
il est notable que le statut des élus est très peu confortable, rapporté à celui des
fonctionnaires de l’Etat. L’absence de prérequis liés à la formation des élus y participe de
même que les moyens d’exercice de leur mandat. En face d’attributions particulièrement
exigeantes, il est requis un profil quelconque. Pour l’engagement à plein temps que requiert
la fonction exécutive locale, le régime rémunératoire préconisé par le législateur est plutôt
précaire. Quant aux personnels locaux, leur statut est toujours en discussion une décennie
après le démarrage effectif de la réforme de l’administration territoriale. Il en ressort des
prérogatives exorbitantes pour l’Etat et ses représentants qui cerneront la gestion des
effectifs locaux.

Il en est ainsi par ce que cadre étatique n’est pas suffisamment propice à intégrer et garantir
les libertés locales. La caducité de l’organisation générale de l’administration à laquelle le
législateur n’a pas remédié conforte l’administration centrale dans un rôle d’opérateur que

356
la libre administration est supposée lui enlever. Ainsi se justifie que les réflexions se soient
intéressées à l’environnement politique et à l’organisation administrative dont le
renouvellement n’aura été que très partiel. Les libertés locales se retrouvent coincées entre
une démocratie et des intérêts locaux menacés par la corruption banalisée et une
administration d’Etat dans laquelle, les contrôles, paraissant être une formalité,
n’aboutissent que très rarement à des redressements ou sanctions.

On ne saurait évoquer la libre administration sans évoquer l’autonomie financière. Au-delà


du pouvoir formel de mobilisation de ressources que le législateur a consacré, il sied de
relever que celui-ci a manqué de se préoccuper de garantir au profit de la collectivité un
minimum de ressources. Pire, il s’est autorisé d’établir une répartition des ressources entre
Etat et collectivités sans étude préalable, favorisant ainsi des imprécisions qui ont réduit la
part des ressources susceptibles d’être mobilisées par les collectivités alors même qu’il ne
les a pas dotées d’un pouvoir fiscal pourtant nécessaire et que les transferts financiers
unilatéraux -non maîtrisés par le législateur- sont préférés par les gouvernements.

L’autonomie financière emporte le pouvoir de dépenser des collectivités. L’analyse révèle


qu’il est restreint par des dépenses obligatoires et interdites dont l’étendue et la portée
accroissent les éventualités de substitution des organes élus par les représentants de l’Etat,
tendance impulsée par l’argument unitaire que ne contredisent pas l’encadrement
budgétaire et la tutelle financière particulièrement excessifs.

L’adoption de textes et d’un vocabulaire nouveaux ont permis de donner des impressions
qui se sont avérées n’être qu’illusions des mots1799. On retiendra donc que les collectivités
territoriales béninoises et nigériennes ne s’administrent pas encore librement. Les
expériences béninoise et nigérienne montrent que, tout au plus, lesdites collectivités
s’administrent par des conseils élus dans les conditions fixées par la loi et ce sans que les
juges constitutionnels n’aient pu venir au secours du principe et donner à l’adverbe librement
toute sa portée.

1799MENY Y., «Le débat politique et la décentralisation» in DEBBASCH Ch., La décentralisation pour la rénovation de
l’Etat, op. cit., pp. 35-45.

357
En effet, à date, aucune jurisprudence constitutionnelle au Bénin ou au Niger n’élève
explicitement la libre administration, et par ricochet les conditions essentielles de son
effectivité, au rang de principe fondamental que le constituant entend protéger. Cette
impression peut avoir été formée en raison de la mise en œuvre du contrôle préventif que
ledit juge est appelé à exercer en amont sur la législation. C’est avec une constance que le
juge constitutionnel, surtout béninois, se déclare incompétent, renvoyant ainsi l’examen de
toute question se rapportant à l’effectivité des mesures législatives censées garantir ce
principe au juge de la légalité de sorte qu’il est légitime de s’interroger si le contrôle de
constitutionnalité doit se concevoir comme une opération de contrôle de la norme
législative ou s’il doit s’étendre aux normes infra législatives (les règlements, actes
administratifs et décisions de justice). Or, à cette question, la constitution béninoise apporte
une réponse sans équivoque : «Toute loi, tout texte réglementaire et tout acte administratif contraires
à ces dispositions sont nuls et non avenus…» (art. 3). Si malgré une telle disposition, tel est l’état
de la jurisprudence, on peut tout au moins déduire que, pour l’heure, le juge constitutionnel
ne contribue pas à garantir l’effectivité de la libre administration des collectivités
territoriales.

Un retour sur les regards des praticiens révèle que, autant il est difficile de convaincre un
médecin de la guérison sans formules chimiques et biologiques, autant il semble bien
laborieux de convaincre les administrateurs des vertus d’une large autonomie locale.
Faudrait-il, sur ce, revenir à la formulation de la Constitution du 26 novembre 1960 (article 68)
qui fit abstraction de l’adjectif libre et suivant laquelle «La loi détermine les principes
fondamentaux de l’administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de
leurs ressources.» ? Deux perspectives s’offrent : soit la libre administration est maintenue
et les conditions essentielles de son effectivité sont garanties, soit la constitution se limite à
simplement poser le principe que les conditions d’administration des collectivités sont
fixées par le législateur.

N’étant pas prescriptive, l’analyse ne s’autorise pas de suggestions. Elle s’est limitée à
présenter les contreperformances du système actuel ainsi que les tendances du nouveau
constitutionnalisme local. C’est du ressort du législateur suprême d’opérer les choix qui
conviennent à l’histoire, au contexte socio politique et à la vision du développement. Dans

358
cette perspective, il est utile de rappeler la pensée de de TOCQUEVILLE selon laquelle,
tant que la liberté communale n'est pas entrée dans les mœurs, il est facile de la détruire, et
elle ne peut entrer dans les mœurs qu'après avoir longtemps subsisté dans les lois.
Cependant, quand un principe est profondément contredit dans sa mise en œuvre, il vaut
mieux en constater l’inadéquation à la réalité et le repenser au lieu de tenter des justifications
fondées sur des constructions hypothétiques. Le niveau actuel d’effectivité de la libre
administration au Bénin et au Niger appelle à un tel exercice.

359
ANNEXES
Annexe 1 : Variation de la configuration politique des organes communaux issus des
élections communales de 2008 et 2015 au Bénin………………………………….. p. 370

Annexe 2 : Point quantitatif des sources de recettes………………………………… p. 371

Annexe 3 : Transferts financiers de l’Etat béninois aux communes de 2008 à 2013……. p. 372

Annexe 4 : Effectif et masse salariale de personnels communaux en service dans les SDE
dans quelques communes béninoises en 2012………………………………………. p. 373

360
Annexe 1

Variation de la configuration politique des organes communaux issus des élections communales de 2008
et 2015 au Bénin
Département 2008 2015 Variation (sièges)
Alibori 75 (65,79%) 55 (46,61%) -20
Atacora 86 (58,50%) 79 (54,48%) -07
Atlantique 66 (42,31%) 54 (34,62%) -12
Borgou 127 (79,38%) 92 (57,50%) -35
Collines 80 (68,97%) 71 (60,17%) -09
Couffo 37 (30,83%) 26 (22,03%) -11
Donga 53 (71,62%) 43 (58,11%) -10
Littoral 9 (18,37%) 04 (08,16%) -05
Mono 55 (59,78%) 21 (22,83%) -34
Ouémé 40 (24,84%) 25 (15,53%) -15
Plateau 29 (29,90%) 30 (30,93%) +01
Zou 46 (31,72%) 29 (19,73%) -17
Total 703 (49,06%) 529 (36,86) -174
Source : Réalisé à partir des résultats proclamés par la CENA

Variation du nombre de sièges de Conseillers


Communaux/municipaux détenus par la mouvance
140
120
100
80
60
40
20
0

2008 2015

361
Annexe 2

Tableau n°1 : Point quantitatif des sources de recettes des communes au Bénin
N° Libellé Quantité Observations
1 Recettes de fonctionnement 39
1.1. Recettes fiscales 17
1.1.1 Impôts directs 5
1.1.2 Impôts indirects 8
1.1.3 Autres taxes locales prévues par le code général des impôts nd Variable
1.1.4 Ristournes aux communes sur certaines taxes 4
1.2. Prestations et services offerts par la commune 7
1.3. Produits du domaine 6
1.4. Recettes en matière d’hygiène et de salubrité publique 8
1.5. Subventions de fonctionnement 1 Variable
2. Recettes d’investissement 7
TOTAL 46
Source : Réalisé à partir des dispositions de la Loi 98-007, art. 9 à 15

Tableau n°2 : Point quantitatif des sources de recettes au Niger


N° Libellé Quantité Observations
1. Recettes fiscales 47
1.1.1 Fiscalité propre des collectivités territoriales 18
1.1.2 Fiscalité d’Etat concédée aux collectivités territoriales 5
1.1.3 Taxes indirectes locales 9
1.1.4 Taxes rémunératoires 15
2. Produits par nature 22
1.2.1 Revenus d’exploitation du domaine et du patrimoine 11
1.2.2 Produits d’aliénation des biens du domaine et du patrimoine 4
1.2.3 Produits divers 7
3. Ressources exceptionnelles 5 comprennent les
subventions et
fonds de
concours
TOTAL 74
Source : Réalisé à partir des dispositions de l’Ord. 2010, art. 224 à 240.

362
Annexe 3

Transferts financiers de l’Etat béninois aux communes de 2008 à 2013


2008 2009 2010 2011 2012 2013
FADeC 2.534.737 2.534.737 2.534.737 2.534.737 2.939.300 2.939.330
fonctionnement
FADeC 11.818. 274 13.330.962 13.739.608 24.111.369
Investissement
Non affecté 5.436.000 7.436.000 7.236.000 6.702.667 11.844.608 15.238.396
Affecté na na 4.582.274 6.041.000 4.821.526 8.008.513
Source : SP/CONAFIL, Les communes en chiffres 2010 et Aide-mémoires des revues sectorielles 2012, 2013, 2014.

363
Annexe 4

Effectif et masse salariale de personnels communaux en service dans les SDE dans quelques communes
béninoises en 2012
Commune Effectif Masse salariale (F CFA)
Total En service Proportion Total En service dans Proportion
dans les SDE (%) les SDE (%)
Bembèrèkè 49 12 24,48 42 181 567 10 242 037 24,28
N’Dali 39 10 25,64 34 129 876 7 183 104 21,04
Sinendé 36 09 25,00 29 142 408 6 238 044 21,40
Tchaourou 45 13 28,88 34 016 556 6 910 032 20,31
Source : A partir de données obtenues auprès des services financiers des communes

364
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401
IX. LOIS, ORDONNACES ET DECRETS

BENIN

Loi n°62-13 du 26 février 1962 portant institution et organisation de circonscriptions


urbaines

Loi n°64-15 du 11 août 1964 portant attributions et organisation des Conseils Généraux.

Loi n°64-17 du 11 août 1964 sur l’organisation municipale

Loi n°65-20 du 23 juin 1965 fixant les règles relatives à l’organisation générale de
l’administration publique

Ordonnance n°21/PR portant composition, organisation, fonctionnement et attributions


de la Cour Suprême, JORD, 01.06.1966, p. 2 et s.

Ordonnance n°74-7 du 13 février 1974 portant réorganisation de l’administration


territoriale

Ordonnance n°74-8 du 13 février 1974 portant création, organisation, attributions et


fonctionnement des Conseils Provinciaux de la Révolution et des Conseils Révolutionnaires
de District

Ordonnance n°74-9 du 13 février 1974 portant institution et organisation de la Commune

Loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, JORB,


1.1., 1991, p.2 et s.

Loi n°97-028 du 15 janvier 1999 portant organisation de l’administration territoriale de la


République du Bénin, JORB 3 bis, 01.02.1999, p. 3 et s.

Loi n°97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du


Bénin, JORB 3 bis, 01.02.1999, p. 7 et s.

Loi n°98-005 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes à statut particulier,
JORB 3 bis, 01.02.1999, p. 17 et s.

Loi n°98-006 du 09 mars 2000 portant régime électoral communal et municipal en


République du Bénin, JORB, 01.09.2002, p. 380 et s.

Loi n°98-007 du 15 janvier 1999 portant régime financier des communes en République du
Bénin, JORB, 01.05.1999, p. 348 et s.

Loi n° 2001-37 du 10 juin 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin.

402
Loi n° 2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition organisation fonctionnement et
attributions de la Cour Suprême

Loi n° 2004-20 du 17 août 2007 portant règles de procédures applicables devant les
formations juridictionnelles de la Cour suprême.

Loi n° 2007-28 du 15 novembre 2007 portant règles particulières applicables aux élections
des membres des conseils communaux ou municipaux et des membres des conseils de
villages ou de quartiers de villes en République du Bénin.

Loi n°2010-33 du 07 janvier 2011 portant règles générales pour les élections en République
du Bénin.

Loi n°2013-07 du 04 juin 2013 portant dispositions transitoires dérogatoires à l’article 86


de la loi n° 98-006 du 9 mars 2000 et aux articles 4 et 6 de la loi n° 2007-28 du 23 novembre
2007

Loi organique n°2013-14 du 27 septembre 2013 relative aux lois de finances

Loi n°2013-06 du 25 novembre 2013 portant Code électoral en République du Bénin

Décret n°291 PCM/MI du 20 octobre 1960 divisant le territoire de la République du


Dahomey en cercles et fixant leur ressort territorial.

Décret n°292 PCM/MI du 20 octobre 1960 donnant aux six régions de la République du
Dahomey le nom de «Département» et les divisant en sous-préfectures et arrondissements.

Décret n°2001-409 du 15 octobre 2001 portant composition, attributions et


fonctionnement de la Conférence administrative départementale.

Décret n°2001-411 du 15 octobre 2001 portant composition, attributions et


fonctionnement du Conseil Départemental de Concertation et de Coordination et fixant le
taux des indemnités de session et des frais de déplacement de ses membres.

Décret n°2001-412 du 15 octobre 2001 portant statut du Secrétaire Général de Mairie

Décret n°2001-414 du 15 octobre 2001 fixant le cadre général du règlement intérieur du


conseil communal.

Décret n°2002-042 du 04 février 2002 portant convocation du corps électoral pour les
élections communales et municipales.

Décret n°2002-310 du 11 juillet 2002 portant institution du système national de


normalisation et de gestion de la qualité au Bénin

Décret n°2002-376 du 22 août 2002 portant organisation et fonctionnement de


l’administration départementale.

403
Décret n°2002-365 du 22 août 2002 portant création de la Commission Nationale des
Finances Locales.

Décret n°2005-250 du 06 mai 2005 portant création, organisation et fonctionnement des


structures de concertation, de coordination et de gestion de la réforme administrative

Décret n°2005-370 du 23 juin 2005 fixant les modalités de restitution aux communes des
ristournes sur les recettes recouvrées par les institutions centrales

Décret n°2005-371 du 23 juin 2005 fixant la liste des informations relevant des services de
l’Etat indispensables à l’établissement du budget de la commune

Décret n°2005-373 du 25 juin 2005 fixant modalités d’exercice du pouvoir de substitution


du Préfet

Décret n°2005-376 du 23 juin 2005 portant modalités de destitution du Maire

Décret n°2005-746 du 30 novembre 2005 portant approbation de la Politique nationale de


gestion des ressources humaines communales

Décret n°2005-789 du 29 décembre 2005 portant Cadre de Réforme de la Gestion


Budgétaire Axée sur les Résultat

Décret n°2006-627 du 04 décembre 2006 portant réorganisation des organes de contrôle et


d’inspection de l’Administration publique en République du Bénin

Décret n°2006-699 définissant le cadre général des attributions, de l’organisation et du


fonctionnement des Inspections Générales des Ministères

Décret n°2007-629 du 31 décembre 2007 portant définition et modalités de mise en œuvre


de l’assistance conseil aux Communes

Décret n°2009-709 du 31 décembre 2009 portant adoption de la Politique Nationale de


Décentralisation et de Déconcentration (PONADEC)

Décret n°2010-496 du 26 novembre 2010 portant attributions, organisation et


fonctionnement de la personne responsable des marchés publics (PRMP), des
Commissions de passation et des Cellules de contrôle des marchés publics

Décret n°2011-886 du 30 décembre 2011 portant création, attributions, organisation et


fonctionnement du Centre de Formation à l’Administration Locale en République du Bénin

Décret n°2012-133 du 07 juin 2012 portant création, attributions, organisation et


fonctionnement dudit comité interministériel

404
Décret n°2012-368 du 29 octobre 2012 portant transmission à l’Assemblée Nationale du
projet de loi portant statut général de la Fonction Publique.

Décret n°2015-035 du 29 janvier 2015 portant code de transparence dans la gestion des
finances publiques en République du Bénin

405
NIGER

Constitution du 25 novembre 2010 (VIIe République).

Loi n°2000-10 du 14 août 2000 déterminant la composition, les attributions et le


fonctionnement de la Cour suprême.

Loi organique n°2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l'organisation et


la compétence des juridictions en République du Niger.

Loi organique n°2007-06 du 13 mars 2007 déterminant la composition, l’organisation, les


attributions et le fonctionnement du Conseil d’Etat.

Loi organique n°2007-22 du 02 juillet 2007, déterminant la composition, l’organisation, les


attributions et le fonctionnement de la Cour des comptes.

Loi n°2007-26 du 23 juillet 2007 portant Statut Général de la Fonction Publique de l’Etat.

Loi n°2008-38 du 10 juillet 2008 portant création d’un Etablissement public à caractère
administratif dénommé «Agence Nationale de Financement des Collectivités Territoriales
(ANFICT)».

Loi n°2008-42 du 31 juillet 2008 relative à l’organisation et à l’administration du territoire


de la République du Niger, modifiée par l’Ordonnance n° 2010-53 du 17 septembre 2010.

Ordonnance n°2010-54 du 17 septembre 2010 portant Code Général des Collectivités


Territoriales de la République du Niger.

Ordonnance n°2010-55 du 17 septembre 2010 portant statut des communes à statut


particulier ou villes.

Ordonnance n°2010-84 du 16 décembre 2010 portant Charte des partis politiques.

Ordonnance n°2010-85 du 16 décembre 2010 portant Statut de l’opposition.

Ordonnance n°2010-96 du 28 décembre 2010 portant code électoral au Niger.

Ordonnance 2011-20 du 23 février 2011 déterminant l’organisation générale de


l’administration civile de l’Etat et fixant ses missions.

Ordonnance 2011-21 du 23 février 2011 déterminant la classification des emplois


supérieurs de l’État et fixant les conditions de nomination de leurs titulaires.

Décret n°2003-176/PRN/MI/D du 18 juillet 2003 autorisant et fixant les conditions


d’utilisation des services techniques de l’Etat par les collectivités locales

406
Décret n°361/PRN/PM du 30 décembre 2005 portant organisation du Haut-Commissariat
à la Modernisation de l’Etat

Décret n°2008-360/PRN/MI/SP/D/ME/F du 06 novembre 2008 portant approbation


ses statuts de l’Agence Nationale de Financement des Collectivités Territoriales (ANFICT)

Décret n°2012-072/PRN/MI/SP/D/AR/MF du 06 mars 2012 portant approbation des


modifications aux statuts de l’Agence Nationale de Financement des Collectivités
Territoriales (ANFICT)

Décret n°2013-035/PRN/MI/SP/D/AR du 1er février 2013 fixant les règles relative à la


déconcentration au Niger

Décret n° 2013-233/PRN/MI/PS/D/AR du 28 juin 2013 portant répartition des produits


de certains impôts et taxes rétrocédés aux collectivités territoriales

Décret n°2013-249/PRN/PM/HCME du 12 juillet 2013 portant adoption du document


de Politique Nationale de Modernisation de l’Etat

Décret 2014-136/PRN/MISP/D/ACR/MF du 07 mars 2014 fixant les modalités de


fonctionnement du Fonds d’Appui à la Décentralisation

Décret 2014-137/PRN/MISP/D/ACR/MF du 07 mars 2014 fixant les modalités


d’alimentation et de gestion du Fonds de Péréquation

X. DECISIONS DE JUSTICE

BENIN

Cour Constitutionnelle

Décision DCC n°98-026 du 13 mars 1998 sur la Loi n°97-028 portant Orientation de
l’organisation de l’administration territoriale de la République du Bénin adoptée le 04 août
1997 et examinée en seconde lecture le 26 janvier 1998 par l’Assemblée nationale.

Décision DCC n°98-032 du 31 mars 1998 sur la Loi n°98-006 portant régime électoral
communal et municipal en République du Bénin adoptée le 05 février 1998 par l’Assemblée
nationale.

Décision DCC n°98-036 du 08 avril 1998 sur la Loi n°97-029 portant organisation des
communes en République du Bénin adoptée le 11 août 1997 et en seconde lecture le 26
janvier 1998 par l’Assemblée nationale.

Décision DCC n°98-038 du 09 avril 1998 sur la Loi n°98-007 portant régime financier des
communes en République du Bénin adoptée le 12 février 1998 par l’Assemblée nationale.

407
Décision DCC n°98-041 du 14 avril 1998 sur la Loi n°98-005 portant organisation des
communes à statut particulier adoptée le 27 janvier 1998 par l’Assemblée nationale.

Décision DCC n°98-079 du 20 octobre 1998 sur la Loi n°97-028 portant organisation de
l’administration territoriale relue le 24 juillet 1998 suite à la décision DCC n°98-026 du 13
mars 1998.

Décision DCC n°98-080 du 20 octobre 1998 sur la Loi n°97-029 portant organisation des
communes en République du Bénin relue le 24 juillet 1998 suite à la décision DCC n°98-
036 du 08 avril 1998.

Décision DCC n°98-082 du 21 octobre 1998 sur la Loi n°98-007 portant régime financier
des communes en République du Bénin votée le 24 juillet 2008 suite à la décision DCC
n°98-038 du 09 avril 1998.

Décision DCC n°98-083 du 21 octobre 1998 sur la Loi n°98-005 portant organisation des
communes à statut particulier votée le 24 juillet 1998 suite à la décision DCC n°98-041 du
14 avril 1998.

Décision DCC n°99-001 du 08 janvier 1999 sur la Loi n°97-028 portant organisation de
l’administration territoriale de la République du Bénin, adoptée le 04 août 1997, en
deuxième lecture le 26 janvier 1998 et réexaminée les 24 juillet et 24 décembre 1998 suites
aux décisions DCC n°98-026 du 13 mars 1998 et DCC n°98-079 du 20 octobre 1998.

Décision DCC n°99-005 du 13 janvier 1999 sur la Loi n°97-029 portant organisation des
communes en République du Bénin, après la mise en conformité à la Constitution par
l’Assemblée nationale, le 24 décembre 1998, suite à la décision DCC n°98-080 du 20
octobre 1998 par la Cour Constitutionnelle.

Décision DCC n°99-006 du 13 janvier 1999 sur la Loi n°98-005 portant organisation des
communes à statut particulier adoptée par l’Assemblée nationale le 24 décembre 1998 suite
à la décision DCC n°98-083 du 21 octobre 1998.

Décision DCC n°99-052 du 24 novembre 1999 sur la Loi n°98-006 portant régime électoral
communal et municipal en République du Bénin.

Décision DCC n°05-108 du 06 septembre 2005 (contrôle de constitutionnalité du non


transfert de compétences et de ressources aux communes par le gouvernement).

Décision DCC n°05-115 du 20 septembre 2005 (contrôle de constitutionnalité d’un arrêté


préfectoral révoquant un Chef d’Arrondissement).

Décision DCC n°05-131 du 26 octobre 2005 (contrôle de constitutionnalité d’une


correspondance préfectorale relative à la convocation d’une session de conseil communal
en vue d’un vote de défiance).

408
Décision DCC n°06-144 du 06 octobre 2006 (contrôle de constitutionnalité de la
destitution d’un Maire en violation de la présomption d’innocence).

Décision DCC n°08-010 du 17 janvier 2008 (contrôle de constitutionnalité de l’arrestation


et la conduite sous escorte d’un maire aux fins de passation de service).

Décision DCC n°08-027 du 03 mars 2008 (contrôle de constitutionnalité refus d’un maire
de convoquer la session extraordinaire devant statuer sur sa destitution).

Décision DCC n°08-145 du 23 octobre 2008.

Cour Suprême

Arrêt n°349/CA/ECM du 31 juillet 2003

Arrêt n°002/CA/ECM du 05 février 2004

NIGER

Cour Constitutionnelle

Arrêt n° 03/06/CC/MC du 19 juillet 2006 sur la loi portant modification de la loi n°2002-
012 du 11 juin 2002 déterminant les principes fondamentaux de la libre administration des
régions, des départements et des communes ainsi que leurs compétences et leurs ressources.

Arrêt n°001/CC/MC du 13 juin 2008 relatif à la loi portant statut du député

Arrêt n° 04/08/CC/MC du 22 juillet 2008 sur la loi portant modification de la loi 2002-12
du 11 juin 2002 déterminant les principes fondamentaux de la libre administration des
régions, des départements et des communes ainsi que leurs compétences et leurs ressources.

Arrêt n°05/08/CC/MC du 30 juillet 2008

Arrêt n°008/08/CC/MC du 12 décembre 2008 relatif à la Loi n° 61-33 du 14 août 1961


portant institution du code de procédure pénale
Arrêt n°12/CC/MC du 24 décembre 2013 relatif à la loi modifiant et complétant
l’ordonnance n° 2010-96 du 28 décembre 2010 portant Code électoral

FRANCE

Conseil Constitutionnel

Décision 79-104 DC du 23 mai 1979 sur la loi modifiant les modes d'élection de l'Assemblée
territoriale et du Conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et

409
dépendances et définissant les règles générales de l'aide technique et financière contractuelle
de l'État.

Décision n°79-105 DC du 25 juillet 1979, Loi modifiant les dispositions de la loi n° 74-696
du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en
cas de cessation concertée du travail

Décision n°79-112 DC du 09 janvier 1980, Loi portant aménagement de la fiscalité directe


locale

Décision n°81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation

Décision n°82-137 DC du 25 février 1982, Loi relative aux droits et libertés des communes,
des départements et des régions

Décision n°82-138 DC du 25 février 1982, Loi portant statut particulier de la région de


Corse

Décision n°82-149 DC du 28 décembre 1982, Loi relative à l'organisation administrative de


Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale

Décision n° 83-168 DC du 20 janvier 1984, Loi portant dispositions statutaires relatives à


la fonction publique territoriale

Décision n°85-196 DC du 08 août 1985, Loi sur l’évolution de la Nouvelle-Calédonie

Décision n°90-274 DC du 29 mai 1990, Loi visant à la mise en œuvre du droit au logement

Décision n°92-316 DC du 20 janvier 1993, Loi relative à la prévention de la corruption et


à la transparence de la vie économique et des procédures publiques

Décision n°2003-468 DC, 3 avril 2003, JORF du 12 avril 2003, p. 6493

Décision n°2003-474 DC, 17 juillet 2003, JORF du 22 juillet 2003, p. 12336

Décision n°2003-482 DC, 30 juillet 2003, JORF du 2 août 2003, p. 13303

Décision n°2003-487 DC, 18 décembre 2003, JORF du 19 décembre 2003, p. 21686


Décision n°2004-490 DC, 12 février 2004, JORF du 2 mars 2004, p. 4227

Décision n°2004-503 DC, 12 août 2004, JORF du 17 août 2004, p. 14648

Décision n°2004-506 DC, 2 décembre 2004, JORF du 10 décembre 2004, p. 20876

Décision n°2010−29/37 QPC du 22 septembre 2010, Commune de Besançon et autres


[Instruction CNI et passeports]

410
Décision n°2010-618 DC du 09 décembre 2010

Décision n° 2011-146 QPC, Département des Landes [Aides publiques en matière d’eau
potable ou d’assainissement

Décision 2011-210 QPC du 13 janvier 2012, M. Ahmed S., Révocation des fonctions de
maire.

Juridictions administratives (Conseil d’Etat, tribunaux et cours d’appel)

CE, 29 mars 1901, Arrêt Casanova

CE, 30 mai 1930, Arrêt Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers

CE, Ass., 27 février 1981, Arrêt Wahnapo

CE, 23 mars 1984, Arrêt Organisme de gestion des écoles catholiques de Couëron

CE, 16 janvier 1985, Arrêt Jean-Christophe Ballat

CE, 18 avril 1986, Arrêt Commissaire de la République de l’Ille et Vilaine

CE, 30 janvier 1987, Arrêt Département de la Moselle

CE, 13 janvier 1988, Arrêt Mutuelle générale du personnel des collectivités locales

CE, 10 février 1988, Arrêt Commune de Brives-Charensac


CE, 11 juin 1997, Arrêt Département de l’Oise

CE, Sect., 18 janvier 2001, Commune de Venelles

CE, 1er juin 2001, n°193716, Commune de Mons-en-Baroeul

CE, 23 juin 2004, n°3/8 SSR, Commune de Dunkerque et Communauté urbaine de Dunkerque

CE, 27 octobre 2008, Commune de Poilly-lez-Gien

CE, 21 novembre 2008, n° 293960, Arrêt Association Faste Sud Aveyron et autres
Jugement TA Clermont, 21 octobre 1983, M. Hugues Tay c/Préfet de l’Allier

Jugement TA Lyon, 06 février 1984, Commissaire de la République du département du Rhône


c/T.C.R.L.

Cour administrative d’appel de Nantes, 12 mars 2004, Commune de Montoir-de-Bretagne

Cour administrative d’appel de Marseille, 28 juin 2004, Société Cinéma G. Lamic SARL

411
XI. SITES WEB

http://www.cedat.org
http://gallica.bnf.fr
http://univgrenoble.wix.com/al-terr
http://pos.ugf.br/biblioteca/
http://tel.archives-ouvertes.fr/
http://halshs.archives-ouvertes.fr/
http://www.aidtransparency.org/
http://www.persee.fr/
http://diamena.sciencespobordeaux.fr/
http://afriquepluriel.ruwenzori.net/
http://www.uemoa.int/
http://www.cairn.info/
http://ebureau.univ-reims.fr/
http://ethiopiques.refer.sn/
http://espacepolitique.revues.org/
http://www.fasopo.org/publications/
http://www.le-politiste.com/
http://www.asmp.fr/
http://www.u-picardie.fr/labo/curapp/revues/
http://www.finance-publique.com/
http://chevaliersdesgrandsarrets.com
http://cour-constitutionnelle-niger.org/
http://www.memoireonline.com/
http://www.histoire-afrique.org/
http://www.droitenligne.com/
http://www.rajf.org/
http://www.juricaf.org/
http://www.unitedudroit.org/
http://www.droitconstitutionnel.net/

412
INDEX ANALYTIQUE

295, 297, 298, 299, 300, 301, 302, 303, 307, 308, 309,
312, 313, 314, 319, 320, 321, 323, 325, 327, 329, 339,
A 341, 351, 353, 354, 355, 357, 358, 371, 373, 374, 380,
382, 383, 386, 388, 389, 390, 391, 393, 395, 398, 401
absolutisme · 1, 46 autonomie administrative · 12, 59, 60
actes · ix, 8, 10, 26, 36, 56, 100, 102, 103, 112, 118, 121, autonomie financière · 13, 20, 22, 23, 24, 25, 41, 42, 53,
128, 136, 137, 145, 146, 155, 158, 159, 160, 163, 164, 54, 58, 59, 64, 123, 275, 276, 277, 279, 282, 283, 285,
165, 166, 167, 168, 170, 171, 172, 173, 174, 177, 178, 292, 293, 294, 295, 296, 297, 298, 300, 301, 302, 303,
182, 190, 191, 192, 193, 194, 205, 218, 229, 230, 232, 307, 308, 309, 313, 314, 319, 320, 321, 323, 325, 329,
233, 240, 265, 267, 268, 269, 270, 298, 315, 340, 346, 341, 351, 354, 357, 371, 380, 386, 388, 390, 393, 395,
348, 355, 356, 358, 374, 376, 386, 388, 390 398
action publique · 2, 16, 28, 31, 50, 53, 90, 119, 132, 137, autonomie fiscale · 23, 24, 278, 293, 295, 297, 298, 299,
158, 160, 167, 169, 170, 184, 185, 189, 190, 192, 193, 300, 351, 380, 383, 388
207, 212, 220, 236, 237, 253, 254, 261, 273, 324, 330, autonomie locale · 6, 12, 15, 19, 22, 24, 27, 30, 31, 34,
354, 356, 384, 386, 392, 395, 399, 400 36, 57, 58, 59, 60, 67, 71, 139, 178, 194, 199, 210,
action publique locale · 90, 137, 158, 167, 169, 170, 189, 261, 274, 279, 282, 288, 312, 327, 358, 380, 393
193, 212, 330, 356, 386 autonomie organique · 42, 56, 57, 58, 60, 61, 64, 67, 68,
administration centrale · 118, 120, 134, 139, 157, 164, 79, 91, 128, 140, 141, 151, 354, 355
198, 237, 238, 239, 240, 241, 248, 262, 305, 306, 356, autonomie territoriale · 21, 382, 395
383 autorité de tutelle · 98, 113, 124, 141, 142, 143, 144,
administration coloniale · 15, 49, 383, 385 145, 147, 148, 150, 151, 152, 154, 157, 164, 165, 166,
administration d’Etat · ix, 29, 137, 146, 228, 235, 236, 167, 168, 169, 170, 172, 174, 175, 190, 191, 192, 226,
237, 240, 242, 251, 274, 307, 357, 367 232, 233, 235, 317, 318, 320, 329, 338, 342, 345, 355
administration départementale · 173, 184, 202, 209, autorités locales · 12, 23, 26, 31, 67, 71, 128, 129, 132,
248, 403 134, 138, 139, 146, 153, 165, 187, 190, 207, 229, 231,
administration du territoire · 9, 55, 214, 240, 247, 248, 262, 279, 285, 320, 331, 354, 390
249, 406
administration préfectorale · 173, 190, 249
administration propre · 3, 115 B
administration publique · 4, 11, 19, 21, 30, 52, 67, 154,
210, 236, 237, 238, 239, 245, 246, 247, 252, 253, 265, bloc de constitutionnalité · 6, 285
339, 340, 348, 380, 383, 391, 394, 395, 397, 402 budget primitif · 178, 305, 331, 332, 333, 335
administration territoriale · 1, 3, 21, 26, 32, 41, 46, 49,
51, 54, 68, 72, 79, 95, 128, 151, 163, 173, 176, 181,
185, 209, 210, 221, 222, 233, 239, 241, 242, 246, 247, C
248, 265, 266, 356, 373, 377, 382, 395, 397, 401, 402,
407, 408 centralisation · 1, 5, 9, 14, 18, 20, 28, 43, 49, 50, 54, 56,
administrer · 4, 5, 6, 7, 10, 17, 21, 25, 42, 60, 64, 67, 75, 59, 71, 85, 114, 122, 126, 130, 141, 164, 246, 290,
106, 114, 117, 121, 165, 183, 200, 201, 202, 204, 208, 311, 328, 336, 338, 385, 387, 399, 400, 401
260, 351 centralisme administratif · 33
administrer librement · 4, 10, 21, 42, 67, 117, 260, 351 circonscription administrative · 182, 221, 248, 249, 336
affaires locales · 16, 19, 22, 27, 67, 80, 88, 89, 91, 92, 95, clause générale de compétence · 21, 58, 89, 90, 91, 92,
96, 102, 114, 116, 117, 138, 200, 202, 208, 240, 355, 93, 97, 100, 131, 355
390 collectif budgétaire · 332
allègements d’impôts · 295 collectivités territoriales · 1, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13,
altérité · ix, 41, 80, 101, 119, 122, 146, 354 15, 16, 17, 19, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30,
alternances démocratiques · 38 32, 33, 38, 41, 42, 44, 47, 48, 51, 52, 53, 54, 55, 56,
annualité · 330, 331, 332, 333 57, 58, 59, 60, 63, 64, 67, 68, 69, 72, 73, 74, 75, 79,
arbitraire administratif · 30 80, 83, 84, 87, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98,
assistance conseil · 29, 158, 159, 160, 161, 162, 165, 167, 100, 101, 103, 104, 105, 106, 108, 109, 113, 115, 118,
178, 185, 190, 193, 237, 355, 404 119, 122, 123, 125, 126, 127, 128, 131, 132, 133, 136,
autonomie · ix, 2, 3, 6, 8, 11, 12, 13, 14, 17, 19, 20, 21, 137, 138, 140, 141, 144, 145, 147, 150, 151, 154, 158,
22, 23, 24, 25, 27, 30, 31, 32, 33, 36, 41, 42, 45, 46, 159, 160, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 172, 174, 176,
47, 53, 54, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 64, 67, 68, 71, 177, 178, 187, 188, 189, 190, 193, 194, 199, 200, 204,
79, 80, 90, 91, 100, 101, 110, 113, 117, 118, 119, 120, 211, 214, 218, 220, 221, 222, 223, 224, 226, 227, 228,
122, 123, 126, 128, 129, 138, 139, 140, 141, 144, 151, 229, 230, 231, 232, 235, 236, 237, 240, 242, 243, 248,
152, 178, 179, 189, 194, 199, 205, 209, 210, 214, 218, 249, 266, 267, 270, 271, 273, 275, 276, 277, 278, 279,
224, 231, 235, 254, 258, 260, 261, 274, 275, 276, 277, 280, 281, 282, 284, 285, 286, 287, 288, 289, 291, 292,
278, 279, 280, 281, 282, 283, 285, 288, 292, 293, 294,

413
293, 294, 295, 296, 297, 298, 299, 300, 301, 302, 303, contrôle juridictionnel · 26, 27, 31, 133, 191, 192, 262,
305, 306, 307, 308, 309, 310, 313, 314, 315, 316, 317, 267, 274, 342, 376
319, 320, 321, 322, 323, 325, 326, 327, 328, 329, 330, Cour constitutionnelle · 31, 70, 78, 267, 270, 291
331, 334, 336, 337, 338, 339, 340, 341, 342, 344, 346, culture démocratique · 27, 254, 395
347, 351, 353, 354, 356, 357, 358, 362, 365, 370, 371,
372, 373, 374, 377, 378, 380, 385, 386, 387, 388, 391,
392, 393, 394, 395, 396, 397, 398, 399, 400, 401, 407 D
colonies françaises · 37
commune · 9, 11, 12, 14, 16, 22, 38, 43, 44, 45, 48, 50, décentralisation · 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
51, 57, 58, 60, 63, 64, 65, 70, 71, 74, 85, 88, 90, 92, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 27, 28, 29, 30,
93, 94, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 110, 111, 112, 113, 31, 32, 34, 37, 42, 43, 44, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 53,
120, 129, 130, 134, 139, 142, 146, 148, 159, 160, 161, 54, 56, 57, 59, 62, 63, 64, 67, 68, 69, 71, 72, 73, 75,
162, 164, 165, 167, 169, 175, 182, 183, 188, 200, 201, 76, 79, 80, 84, 86, 88, 89, 90, 92, 94, 96, 98, 100, 101,
206, 208, 209, 212, 218, 222, 224, 226, 227, 231, 270, 103, 105, 106, 114, 116, 118, 119, 120, 122, 123, 126,
275, 279, 280, 288, 290, 292, 301, 306, 309, 314, 315, 129, 134, 135, 138, 139, 140, 141, 145, 149, 153, 154,
316, 317, 319, 320, 321, 322, 325, 326, 328, 329, 330, 159, 162, 163, 164, 165, 172, 173, 174, 176, 177, 178,
331, 335, 338, 344, 347, 348, 362, 365, 371, 398, 400, 182, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 193, 194, 203,
404 206, 210, 218, 225, 229, 230, 231, 235, 236, 237, 238,
communes libres · 44 240, 241, 242, 243, 244, 245, 246, 247, 248, 250, 257,
compensation intégrale · 282 262, 264, 265, 267, 273, 274, 275, 276, 282, 283, 287,
compétences · 2, 4, 9, 12, 15, 21, 22, 23, 24, 41, 42, 51, 290, 294, 295, 297, 300, 303, 305, 308, 314, 315, 320,
52, 53, 61, 64, 69, 70, 73, 80, 88, 90, 91, 92, 93, 94, 324, 325, 329, 337, 343, 347, 354, 356, 357, 369, 370,
95, 96, 97, 98, 100, 101, 103, 104, 105, 109, 110, 113, 371, 372, 373, 374, 375, 376, 377, 378, 379, 380, 381,
115, 116, 118, 119, 120, 122, 125, 126, 127, 128, 129, 382, 383, 384, 385, 387, 388, 389, 390, 391, 392, 393,
131, 132, 134, 136, 139, 144, 150, 159, 162, 167, 173, 394, 395, 397, 398, 399, 400, 401
177, 180, 181, 199, 200, 204, 206, 207, 213, 215, 218, décentralisation technique · 7, 8
222, 223, 224, 226, 231, 232, 237, 238, 244, 246, 247, décentralisation territoriale · 2, 3, 7, 8, 9, 10, 20, 26, 32, 43,
264, 267, 269, 275, 276, 277, 281, 282, 283, 284, 286, 48, 49, 63, 67, 105, 116, 188, 190, 206, 210, 237, 356,
287, 288, 289, 290, 291, 292, 293, 298, 299, 300, 301, 382, 395
303, 307, 310, 311, 312, 315, 348, 351, 354, 358, 375, déconcentration · 29, 57, 139, 145, 162, 174, 184, 189,
377, 382, 392, 394, 401, 408, 409 193, 240, 241, 242, 246, 247, 248, 249, 251, 265, 267,
compétences communales · 144, 206, 231 274, 383, 391, 395, 407
compétences fiscales · 292, 298, 299, 351 démocratie locale · iv, 33, 71, 72, 77, 79, 123, 176, 185,
compétences locales · 22, 88, 95, 96, 97, 113, 122, 128, 193, 208, 256, 298, 374, 386
136, 223, 277, 300 démocratisation · 1, 16, 18, 19, 27, 29, 34, 35, 37, 71,
compétences propres · 98, 101, 105, 113 118, 119, 185, 208, 247, 254, 255, 324, 356, 370, 376,
compte administratif · 175, 178, 305, 333, 335, 342 396, 400
compte de gestion · 342 deniers locaux · 339, 351
conférence nationale · 68, 154, 185, 186, 375, 376 deniers publics · 336, 339, 340, 341, 342, 350, 351
conseil communal · 20, 98, 124, 141, 142, 143, 147, 152, dépense de souveraineté · 323
164, 165, 168, 203, 215, 230, 343, 403, 408 dépenses d’investissement · 327, 333, 349
conseil élu · 21, 67, 150, 200 dépenses facultatives · 133, 318, 320, 326
conseil municipal · 20, 22, 48, 58, 71, 90, 98, 100, 270, dépenses interdites · 24, 321, 326, 329, 350, 381
278, 321, 333, 339 dépenses locales · 133, 134, 313, 321, 329, 336, 341
constitution · 6, 12, 15, 16, 22, 30, 38, 41, 47, 52, 54, 58, dépenses obligatoires · 24, 133, 233, 288, 313, 314, 315,
60, 63, 64, 70, 77, 78, 84, 95, 96, 101, 110, 118, 121, 316, 317, 318, 319, 320, 321, 329, 335, 342, 346, 351,
123, 127, 154, 166, 178, 185, 186, 187, 189, 204, 216, 357
254, 263, 268, 269, 270, 285, 288, 291, 296, 298, 314, désarmements fiscaux · 295
321, 323, 358, 376, 389, 391, 396 développement locale · v, 8, 12, 32, 132, 187, 200, 211,
constitutionnalisme · 1, 2, 19, 31, 35, 36, 68, 79, 176, 229, 231, 237, 243, 297, 370, 372, 385
184, 185, 193, 255, 285, 286, 356, 358, 382 dotations · 232, 233, 278, 279, 280, 294, 296, 303, 304,
contraintes exorbitantes · 3 305, 306, 308, 309, 310, 311, 318, 327, 331, 333, 335,
contrôle a posteriori · 58, 164 351, 370, 398
contrôle a priori · 27, 157, 158, 163, 164, 165, 166, 167, dotations affectées · 304, 306, 310
170, 172, 175, 190, 193, 342, 349, 355
contrôle administratif · 140, 158, 163, 164, 182, 342, 355
contrôle de l’Etat · 7, 140, 151, 163, 194, 275, 341, 400
contrôle de légalité · 61, 100, 147, 158, 159, 160, 164,
E
168, 169, 172, 173, 174, 192, 193, 318, 371, 382, 386,
388, 393, 394 échelons administratifs · 2
contrôle de régularité · 340, 341, 346, 350 effectivité · 13, 18, 20, 25, 27, 32, 34, 35, 36, 50, 56, 58,
contrôle de tutelle · 164, 193 67, 75, 116, 117, 176, 187, 191, 194, 195, 199, 235,
255, 274, 282, 283, 288, 302, 304, 323, 341, 353, 358,
377, 390, 395

414
élections communales · 76, 127, 143, 360, 361, 403
élections locales · 19, 37, 76, 77, 86, 123, 127, 143, 144,
J
203, 258, 261
élus · 2, 5, 15, 21, 22, 28, 42, 47, 48, 51, 55, 64, 67, 72, juge administratif · 27, 31, 90, 94, 95, 123, 143, 144, 155,
73, 76, 78, 86, 93, 105, 123, 126, 127, 128, 129, 133, 170, 190, 191, 192, 268, 270, 284, 288, 290, 326, 328,
134, 136, 138, 141, 147, 149, 154, 155, 157, 160, 175, 334, 343, 389, 391, 400, 401
178, 182, 183, 184, 199, 203, 204, 205, 207, 208, 209, juge constitutionnel · 23, 31, 57, 69, 70, 76, 77, 78, 84,
210, 211, 213, 214, 215, 235, 270,279, 282, 285, 291, 91, 129, 152, 154, 163, 202, 216, 217, 218, 219, 267,
311, 326, 335, 341, 347, 349, 356, 357, 373, 389 269, 270, 283, 284, 285, 288, 289, 290, 291, 292, 295,
élus locaux · 78, 93, 105, 128, 138, 160, 178, 182, 204, 296, 301, 309, 317, 320, 322, 323, 358, 386, 389, 391,
208, 210, 214, 279, 285 393
environnement institutionnel · 27, 73, 132, 198, 244, justice administrative · 31, 267, 271, 272
250, 274, 287
équilibre réel · 330, 333, 334
Etat central · 11, 16, 21, 41, 42, 43, 80, 91, 95, 118, 121, L
122, 125, 128, 129, 130, 131, 187, 189, 229, 231, 236,
237, 241, 243, 276, 284, 289, 293, 301, 316, 379 légalité · 26, 63, 69, 111, 129, 133, 143, 146, 148, 153,
Etat unitaire · 8, 14, 32, 61, 85, 97, 109, 111, 140, 215, 159, 163, 164, 165, 166, 168, 173, 174, 176, 177, 178,
218, 293, 301, 354, 385, 394 179, 182, 190, 191, 193, 218, 269, 277, 296, 300, 326,
évaluation législative · 34, 245, 262, 264, 387 328, 335, 337, 346, 356, 358
exercice des compétences · 24, 90, 113, 128, 222, 314, libéralisme économique · 29, 118
321, 398 liberté · ix, 3, 4, 6, 9, 10, 11, 12, 13, 17, 19, 21, 22, 23, 24,
25, 26, 31, 35, 39, 41, 45, 56, 60, 62, 66, 68, 69, 70,
71, 72, 73, 74, 75, 79, 80, 82, 85, 94, 97, 113, 116,
F 118, 147, 154, 157, 178, 180, 183, 192, 196, 198, 199,
202, 207, 218, 219, 254, 260, 277, 280, 298, 308, 313,
fonction publique · 2, 4, 112, 154, 179, 182, 208, 212, 316, 317, 319, 322, 327, 328, 330, 336, 338, 347, 350,
214, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 225, 351, 354, 359, 373, 386, 388
226, 227, 228, 229, 230, 231, 232, 235, 236, 239, 244, liberté de dépenser · ix, 317, 319, 322, 336, 350
250, 251, 252, 266, 270, 273, 291, 339, 340, 381, 394, liberté fondamentale · 26, 68, 73, 74, 75, 308, 386
396, 410 liberté publique · 11, 19, 70, 75, 178, 322
fonction publique territoriale · 179, 214, 218, 220, 222, libertés locales · 3, 5, 6, 10, 13, 14, 17, 19, 20, 34, 45, 46,
223, 224, 225, 226, 227, 228, 229, 230, 231, 232, 235, 48, 49, 54, 56, 57, 58, 63, 68, 72, 73, 74, 75, 93, 95,
273, 410 97, 101, 118, 119, 157, 163, 169, 173, 184, 189, 190,
forme unitaire · 26, 387 194, 243, 246, 254, 257, 265, 273, 300, 313, 314, 321,
fragilité · ix, 68, 203, 256, 286, 347 323, 353, 354, 356, 374
franchises · 4 libre administration · 3, 4, 5, 6, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 26, 27, 32, 33, 34, 36,
37, 41, 42, 47, 48, 50, 51, 52, 56, 59, 60, 62, 64, 68,
69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 79, 80, 86, 91, 95, 96,
G 98, 101, 112, 113, 115, 116, 117, 118, 120, 121, 122,
123, 133, 136, 137, 140, 141, 142, 144, 145, 147, 148,
gouvernance locale · 8, 12, 32, 187, 203, 221, 229, 231, 151, 157, 158, 163, 164, 165, 166, 176, 177, 178, 185,
242, 356, 385, 390 186, 187, 189, 194, 198, 199, 208, 211, 213, 215, 222,
groupement humain · 2, 41, 65, 67, 117, 160, 322, 353 224, 230, 234, 235, 236, 237, 243, 254, 262, 267, 269,
270, 273, 274, 275, 276, 277, 282, 284, 287, 288, 291,
292, 293, 296, 297, 298, 300, 301, 302, 304, 306, 308,
H 309, 311, 315, 317, 319, 320, 322, 323, 337, 342, 344,
350, 351, 353, 354, 355, 357, 358, 370, 374, 379, 384,
héritage historique · 35 386, 388, 391, 396, 397, 409
lignes budgétaires · 304
loi municipale · 48, 49, 59, 100, 145, 315, 321
I
indépendances · 14, 35, 37, 42, 49, 50, 59, 86, 117, 256, M
259, 261, 324, 353
indivisibilité de la république · 189, 301, 353 Maire · 124, 127, 129, 142, 145, 165, 206, 234, 261, 285,
inscription d’office · 317, 318, 319, 320, 342, 347 316, 317, 318, 342, 348, 393, 394, 404, 409
intérêt général · 2, 18, 26, 29, 53, 90, 91, 98, 99, 104, mandatement d’office · 329
131, 146, 152, 158, 163, 169, 174, 180, 194, 217, 220, mécanisme de financement · 302
230, 238, 250, 256, 274, 313, 315, 317, 344 mimétisme · 19, 35, 68, 237, 353, 382, 385
intérêts nationaux · 84, 88, 92, 99, 116, 117, 151, 159, ministères sectoriels · 174, 190, 240, 242, 249, 266, 270,
163, 165, 173, 174, 182, 240, 338, 355 289, 304, 310

415
mobilisation des ressources · 206, 351 pouvoir politique · 28, 44, 46, 51, 72, 81, 82, 83, 84, 85,
86, 87, 105, 107, 112, 117, 125, 179, 180, 298, 353,
354, 397
N pouvoir règlementaire · 34, 84, 158, 161, 162, 209, 269,
283, 290, 291, 304
norme suprême · 31 Préfet · 51, 142, 145, 146, 148, 154, 155, 173, 180, 181,
normes · 6, 18, 25, 26, 30, 36, 45, 60, 71, 77, 79, 104, 182, 183, 184, 209, 249, 326, 336, 343, 356, 404, 411
107, 113, 114, 115, 135, 136, 137, 138, 139, 159, 162, présidentialisme · 30, 181, 186, 263
166, 174, 211, 214, 218, 224, 250, 268, 269, 304, 313, protection des contribuables · 341
345, 355, 358

R
O
recettes de fonctionnement · 279, 290, 309, 310, 321
organe délibérant · 20, 56, 67, 71, 121, 123, 124, 142, réforme administrative · 236, 250, 251, 266, 404
151, 200, 204, 206, 228, 232, 270, 278, 299, 318, 327, réforme de l’Etat · 236, 244, 266, 298, 371, 390
331, 346, 347, 348, 351 réforme territoriale · 30, 237, 241, 244, 245, 381
organe exécutif · 55, 121, 205, 206 réformes politiques · 28, 181, 250, 376
organes · ix, 7, 10, 16, 19, 20, 21, 26, 36, 41, 42, 43, 53, régimes militaires · 37, 50, 52, 53, 117
54, 55, 56, 57, 59, 61, 67, 76, 79, 80, 84, 85, 86, 87, régimes monolithiques · 31
91, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 125, 126, règlement intérieur · 121, 165, 215, 262, 403
127, 130, 133, 138, 140, 141, 143, 144, 147, 150, 152, renouveau démocratique · 20, 37, 126, 256, 257, 260,
153, 157, 163, 164, 166, 167, 178, 188, 189, 194, 199, 375, 377
200, 201, 205, 215, 235, 260, 261, 262, 266, 280, 284, répartition des compétences · 2, 73, 80, 88, 89, 94, 96,
290, 291, 319, 331, 341, 345, 354, 355, 357, 360, 361, 97, 100, 110, 128, 130, 132, 236, 248, 355, 393, 394,
404 400
organisation administrative · 6, 7, 9, 10, 11, 16, 19, 46, répartition légale · 134, 287
52, 75, 81, 121, 122, 183, 236, 250, 357, 410 représentant de l’Etat · 27, 84, 110, 123, 124, 128, 141,
organisation territoriale · 2, 11, 22, 43, 45, 48, 186, 238, 144, 146, 148, 163, 164, 165, 167, 168, 173, 179, 180,
394 182, 184, 191, 206, 232, 234, 318, 319, 325, 327, 328,
329, 330, 335, 342, 355
représentation · 47, 72, 87, 99, 103, 120, 122, 124, 144,
203, 204, 212, 259, 264, 356
P ressources financières · 15, 23, 222, 281, 282, 284, 302,
320, 373
parlementarisme · 35 ressources humaines · ix, 131, 173, 175, 179, 184, 198,
part déterminante · 275, 282, 284 199, 205, 218, 221, 222, 223, 235, 241, 251, 252, 273,
participation · 2, 8, 12, 16, 17, 54, 55, 56, 67, 71, 72, 73, 274, 327, 343, 356, 404
86, 100, 105, 126, 130, 131, 132, 133, 134, 137, 185, ressources locales · ix, 281
188, 207, 209, 244, 247, 317, 322, 377 ressources non affectées · 302, 305
participation locale · 126, 133, 134 ressources propres · 24, 129, 276, 278, 279, 280, 282,
partis uniques · 14, 17, 31, 37, 256 283, 305, 306, 312, 327
passation des marchés · 179, 343, 344, 345 ressources suffisantes · 24, 282, 320, 333, 334
personnalité morale · 8, 10, 21, 42, 43, 53, 54, 59, 62, 63,
64, 65, 66, 67, 122, 369
personne juridique · 64, 65
personne territoriale · 108
S
personnel · 31, 61, 110, 179, 183, 199, 208, 214, 218,
219, 220, 221, 222, 223, 224, 226, 230, 231, 233, 234, séparation des pouvoirs · 1, 2, 27, 75, 80, 83, 86, 124,
235, 255, 315, 335, 336, 411 125, 154, 370, 386, 397, 401
personnes publiques · 9, 30, 90, 104, 108, 130, 134, 225, séparation horizontale · 83, 125
344, 353 séparation verticale · 1, 80, 125
pluralisme politique · 238 service public · 90, 121, 125, 134, 172, 176, 202, 210,
pluralisme territorial · 1, 80, 118, 122, 146, 255, 395 216, 217, 219, 220, 227, 228, 237, 238, 268, 269, 274,
pouvoir administratif · 95, 117, 290, 355 281, 315, 317, 320, 344, 345, 369, 410
pouvoir de tutelle · 26, 145, 149, 150 services déconcentrés · 29, 55, 131, 159, 162, 173, 174,
pouvoir exécutif · 1, 30, 87, 110, 119, 121, 125, 127, 146, 184, 189, 190, 248, 249, 273, 289, 378
159, 179, 182, 194, 213, 243, 262, 268, 274, 297, 321, socialisme municipal · 328
324, 351 subsidiarité · 18, 132, 240, 248, 374, 380, 384, 385, 387,
pouvoir fiscal · 24, 25, 292, 293, 294, 295, 296, 297, 298, 394, 399
301, 312, 357, 382, 385, 396 substitution d’office · 317
pouvoir local · 15, 19, 72, 81, 83, 84, 85, 87, 96, 101, 105, subventions · 25, 98, 129, 278, 283, 295, 303, 307, 308,
127, 371, 372, 378, 400 310, 312, 362, 373, 384, 389
suivi évaluation · 211, 251

416
système d’administration · 7, 176 150, 151, 152, 153, 154, 157, 158, 160, 161, 163, 164,
165, 166, 167, 168, 169, 172, 173, 174, 175, 176, 177,
178, 179, 182, 190, 191, 192, 193, 194, 231, 233, 234,
T 266, 270, 283, 303, 306, 307, 314, 315, 317, 318, 340,
342, 355, 357, 374, 375, 398, 399
territoire · 2, 6, 9, 11, 12, 14, 16, 29, 30, 34, 35, 43, 44, tutelle administrative · 26, 61, 140, 149, 150, 157, 158,
46, 47, 51, 55, 67, 75, 82, 83, 85, 90, 93, 95, 97, 100, 163, 164, 315, 340, 374
104, 105, 106, 107, 108, 109, 114, 131, 134, 159, 160,
163, 167, 177, 178, 184, 185, 187, 188, 189, 200, 206,
210, 217, 218, 238, 243, 247, 248, 249, 272, 279, 297, U
316, 317, 322, 326, 341, 353, 365, 380, 383, 387, 390,
391, 403, 409 unité de trésorerie · 336, 337
textes fondamentaux · 38, 376, 378
transfert de ressources · 304, 316
transfert des compétences · 9, 70, 71, 97, 283 V
transferts financiers · 173, 276, 280, 293, 302, 304, 311,
312, 357 vie juridique · 21, 64, 65, 206
tutelle · ix, 9, 15, 26, 29, 32, 53, 58, 61, 118, 119, 124, villes franches · 44
135, 137, 138, 140, 141, 143, 144, 145, 147, 148, 149,

417
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION GENERALE ............................................................................................. 1


Première partie : Un pouvoir de décision restreint ............................................................. 39
Titre I : L’affirmation timide de l’autonomie des organes ................................................. 41
CHAPITRE I : LA RECONNAISSANCE DE L’ALTERITE ....................................... 42
Section 1 : Une justification historique ................................................................................ 42
Paragraphe 1 : La permanence de la collectivité locale.................................................... 43
A. Une institution préexistante à l’Etat ................................................................... 43
1. La commune dans la civilisation occidentale ....................................................... 44
2. La collectivité locale en Afrique précoloniale ...................................................... 45
B. Une entité essentielle à l’Etat ............................................................................. 46
1. L’expérience de la France..................................................................................... 47
2. La pratique en Afrique noire francophone ........................................................... 48
Paragraphe 2 : La décadence de la centralisation administrative ..................................... 49
A. Les proclamations formelles des premières années des indépendances ............. 50
1. Le Bénin entre semi décentralisation et centralisation (1960-1972) .................... 50
2. Le Niger entre proclamation et ineffectivité (1960-1974).................................... 52
B. Les procédés chimériques expérimentés sous les régimes militaires ................. 53
1. La démocratie populaire au Bénin ........................................................................ 54
2. La société de développement au Niger ................................................................. 55
Section 2 : Une garantie insuffisante .................................................................................... 57
Paragraphe 1 : L’autonomie organique, un critère essentiel ............................................ 57
A. Un concept essentiel à clarifier ........................................................................... 58
1. Un terme rarement utilisé par le législateur ......................................................... 58
2. Essai de définition de l’autonomie organique ...................................................... 60
B. Une condition majeure........................................................................................ 62
1. L’attribution de la personnalité morale à la collectivité territoriale ..................... 62
2. L’intérêt de l’attribution de la personnalité morale : l’autonomie organique....... 64
Paragraphe 2 : L’autonomie organique, une nécessité réfutée ......................................... 68
A. Une nécessité indéniable .................................................................................... 68
1. La fragilité de la libre administration ................................................................... 68
2. La nécessité d’un renforcement ............................................................................ 71
B. Une précarité établie ........................................................................................... 73
1. La libre administration : une liberté non fondamentale ........................................ 74
2. La libre administration : des critères essentiels non constitutionnalisés .............. 75

418
CHAPITRE II : LA FRAGILITE DE LA SEPARATION............................................. 80
Section 1 : Un pouvoir étatique forcément prééminent ........................................................ 80
Paragraphe 1 : L’unicité du pouvoir politique de l’Etat ................................................... 81
A. Le pouvoir politique : un pouvoir à contenu précis ............................................ 81
1. Essai de définition ................................................................................................ 81
2. Eléments de caractérisation .................................................................................. 82
B. Le pouvoir étatique : un pouvoir exclusif........................................................... 83
1. Le pouvoir étatique, un pouvoir suprême ............................................................. 84
2. La légitimité électorale locale, un critère insuffisant ........................................... 85
Paragraphe 2 : La relativité de la démarcation des compétences ..................................... 88
A. Les apports de la doctrine et de la jurisprudence................................................ 88
1. Les affaires locales dans la doctrine ..................................................................... 88
2. Les apports de la jurisprudence ............................................................................ 90
B. L’enchevêtrement des compétences ................................................................... 91
1. Les limites de la clause générale de compétences ................................................ 92
2. Les vaines tentatives d’une meilleure clarification des compétences .................. 94
Section 2 : Un pouvoir administratif local inéluctablement subsidiaire ............................... 95
Paragraphe 1 : Des concepts confirmés ............................................................................ 96
A. L’intérêt local, levier de l’établissement des compétences locales .................... 96
1. Les tentatives de remise en cause de la notion d’intérêt local .............................. 96
2. La confirmation du rôle protecteur de l’intérêt local ............................................ 99
B. La compétence propre locale, une notion durablement encrée dans la doctrine
101
1. Un concept ambigu ............................................................................................. 101
2. Une ambiguïté favorable à l’exercice de la compétence locale .......................... 103
Paragraphe 2 : Des moyens incomplets .......................................................................... 105
A. Des critères matériels remplis........................................................................... 105
1. La collectivité territoriale, une entité avec un territoire propre .......................... 106
2. La collectivité territoriale, une entité dotée d’une capacité limitée d’exercice de la
«violence légitime»................................................................................................. 108
B. Des moyens normatifs insuffisants ................................................................... 110
1. Le pouvoir normatif de la collectivité territoriale, un pouvoir non originaire ... 111
2. Le pouvoir normatif de la collectivité, un pouvoir nécessaire ........................... 112
Titre II : Le caractère contraignant de la tutelle ............................................................... 118
CHAPITRE I : LA TUTELLE SUR LES ORGANES .................................................. 119
Section 1 : L’intégration à l’ordre étatique, vecteur d’une tutelle implicite....................... 119
Paragraphe 1 : Une intégration favorable à la confusion organique............................... 120
A. Une confusion permise par les textes ............................................................... 120
419
1. La collectivité territoriale, une reproduction de la structure étatique ................. 120
2. L’élection, une garantie insuffisante de séparation organique ........................... 122
B. Une confusion entretenue par les acteurs ......................................................... 125
1. Des manœuvres étatiques pour tenir les collectivités dans des liens de
subordination .......................................................................................................... 125
2. Des rapports de subordination admis par les collectivités décentralisées .......... 128
Paragraphe 2 : Une intégration opportune pour les participations locales ..................... 130
A. Les participations locales, manifestation du contournement de la répartition des
compétences................................................................................................................ 130
1. La participation aux fonctions étatiques imposée à la collectivité locale........... 131
2. Des participations financières comme implication de l’enchevêtrement des
compétences............................................................................................................ 132
B. Les normes techniques, instruments de tutelle étatique déguisée .................... 135
1. La prolifération de normes unilatéralement imposées par l’Etat ........................ 135
2. La remise en cause de la séparation et de l’autonomie des organes ................... 138
Section 2 : L’hyper présence de l’Etat, remise en cause de l’autonomie organique .......... 140
Paragraphe 1 : L’interventionnisme de l’Etat dans le fonctionnement des organes locaux
........................................................................................................................................ 141
A. Une présence suspecte dans la mise en place des organes ............................... 141
1. Le pouvoir d’installation, un présage à la hiérarchisation des rapports ............. 141
2. Une interférence tolérée par le juge administratif béninois ................................ 143
B. Le pouvoir de substitution de l’autorité de tutelle au Bénin............................. 144
1. Les conditions de substitution de l’autorité de tutelle ........................................ 144
2. Une prérogative insuffisamment clarifiée .......................................................... 146
Paragraphe 2 : Le pouvoir inattendu de sanction de l’autorité étatique ......................... 147
A. Le pouvoir de sanction, un pouvoir ambigu ..................................................... 147
1. Les positions convergentes de la doctrine .......................................................... 148
2. Les interprétations divergentes de la présentation matérielle des textes ............ 150
B. Le pouvoir de sanction, un pouvoir antinomique à la libre administration ...... 151
1. Un pouvoir encadré par le législateur ................................................................. 151
2. Un pouvoir disciplinaire menaçant pour l’autonomie des organes .................... 152
CHAPITRE II : LA TUTELLE SUR LES ACTES....................................................... 157
Section 1 : Un régime inapte à protéger les libertés locales ............................................... 157
Paragraphe 1 : Un contrôle a priori dominant................................................................ 158
A. L’assistance conseil négligée ........................................................................... 158
1. Une vision et une utilité mal cernées .................................................................. 159
2. Des modalités à la discrétion du pouvoir règlementaire..................................... 161
B. Le contrôle a priori préféré .............................................................................. 163

420
1. Le contrôle comme exigence consubstantielle à la libre administration ............ 163
2. Le contrôle a priori comme modalité principale d’exercice de la tutelle .......... 165
Paragraphe 2 : Un contrôle a priori handicapant ........................................................... 167
A. Des obstacles à la mise en œuvre des compétences par les collectivités ......... 167
1. L’étendue considérable du contrôle .................................................................... 167
2. Des modalités génératrices de lenteur ................................................................ 170
B. Des difficultés à la mise en œuvre du contrôle par les autorités de tutelle....... 172
1. L’indisponibilité des moyens ............................................................................. 172
2. L’inadéquation du dispositif de contrôle ............................................................ 174
Section 2 : Un régime dissonant par rapport aux pratiques et perspectives ....................... 176
Paragraphe 1 : L’état des lieux du respect de la légalité ................................................ 176
A. Le respect de l’ordre constitutionnel par les collectivités ................................ 177
1. Le respect des libertés et principes constitutionnels ........................................... 177
2. Le respect des textes de loi sur la décentralisation ............................................. 178
B. La partialité des autorités de tutelle .................................................................. 179
1. Le représentant de l’Etat, émissaire du pouvoir politique .................................. 180
2. Le représentant de l’Etat, un commis partial ..................................................... 182
Paragraphe 2 : Les perspectives d’un nouveau constitutionnalisme local...................... 185
A. Le renforcement de la démocratie locale .......................................................... 185
1. La libre administration, un outil de «localisation» de la démocratie.................. 185
2. La libre administration : une transaction favorable à l’unité de l’Etat ............... 187
B. L’accroissement de l’efficacité de l’action publique locale ............................. 189
1. Le renforcement de l’assistance conseil ............................................................. 190
2. La judiciarisation du contentieux des actes locaux ............................................ 191
Deuxième partie : Une liberté d’agir entravée ................................................................... 196
Titre I : L’hypothèque du cadre institutionnel .................................................................. 198
CHAPITRE I : LE CADRE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ........... 199
Section 1 : Un statut inapproprié pour les organes élus ..................................................... 199
Paragraphe 1 : Les organes délibérants .......................................................................... 199
A. Le défaut d’articulation entre profil et attributions .......................................... 199
1. L’étendue des attributions des conseils élus ....................................................... 200
2. L’absence d’exigence de qualification ............................................................... 201
B. Des profils peu adéquats ................................................................................... 203
1. Le faible niveau d’instruction et de qualification ............................................... 203
2. L’inexistence d’une garantie de formation en cours de mandat ......................... 204
Paragraphe 2 : Les organes exécutifs ............................................................................. 205
A. Une légitimité professionnelle nécessaire ........................................................ 205

421
1. Les exigences astreignantes de la fonction ......................................................... 206
2. Les prérequis insignifiants du législateur ........................................................... 207
B. Un régime rémunératoire précaire .................................................................... 209
1. Un engagement inéluctablement à plein temps .................................................. 210
2. Un régime de rémunération essentiellement indemnitaire ................................. 211
Section 2 : L’administration dépendante des personnels locaux ........................................ 214
Paragraphe 1 : L’applicabilité du droit de la fonction publique générale ...................... 214
A. Une applicabilité certaine ................................................................................. 214
1. Des principes constitutionnels du droit de la fonction publique ........................ 215
2. Du statut général de la fonction publique ........................................................... 218
B. Une application problématique ......................................................................... 220
1. Des situations administratives plurielles ............................................................ 221
2. Une unité statutaire discutable............................................................................ 223
Paragraphe 2 : L’exorbitance de l’encadrement de la fonction publique locale ............ 226
A. Les pouvoirs limités de la collectivité territoriale ............................................ 226
1. Un régime fortement unifié ................................................................................ 226
2. Une gestion essentiellement centralisée ............................................................. 229
B. Les prérogatives exorbitantes de l’autorité de tutelle ....................................... 232
1. En matière de recrutement .................................................................................. 232
2. En matière de gestion de carrière ....................................................................... 234
CHAPITRE II : L’ETAT DE L’ADMINISTRATION ETATIQUE ........................... 236
Section 1 : La réforme en trompe l’œil de l’administration d’Etat ................................... 236
Paragraphe 1 : La caducité de l’organisation générale ................................................... 237
A. L’organisation inappropriée de l’administration centrale ................................ 237
1. La réforme nécessaire de l’administration centrale ........................................... 237
2. Les mesures modiques de réorganisation ........................................................... 239
B. Le pilotage de la réforme territoriale par l’Etat central .................................... 241
1. Une mise en œuvre cloisonnée ........................................................................... 241
2. Un processus de changement insuffisamment maîtrisé ...................................... 244
Paragraphe 2 : La subsistance de l’Etat opérateur .......................................................... 246
A. L’actualisation partielle des textes ................................................................... 246
1. Une déconcentration indispensable .................................................................... 246
2. Une déconcentration superficielle ...................................................................... 248
B. La réorganisation insuffisante de l’Etat ............................................................ 250
1. Les immenses chantiers de la réforme ................................................................ 250
2. Les infimes résultats de la mise en œuvre .......................................................... 251
Section 2 : Le renouvellement fragmentaire de l’action publique...................................... 254

422
Paragraphe 1 : L’environnement politique ..................................................................... 254
A. La culture démocratique, entre avancées et reculs ........................................... 254
1. L’instauration formelle de régimes démocratiques ............................................ 254
2. La résurgence fréquente de pratiques monopolistiques ...................................... 257
B. L’intérêt local compromis par la corruption électorale .................................... 258
1. Les avatars de l’Etat décentralisés ...................................................................... 258
2. L’intérêt local hypothéqué .................................................................................. 260
Paragraphe 2 : L’exercice des contrôles ......................................................................... 261
A. Des contrôles politique et administratif inconsistants ...................................... 262
1. La rareté des contrôles parlementaires ............................................................... 262
2. L’inadéquation du suivi et du contrôle internes ................................................. 265
B. Des contrôles juridictionnels peu efficaces ...................................................... 267
1. Un contrôle de constitutionnalité infléchi .......................................................... 267
2. Une justice administrative inaudible .................................................................. 271
Titre II : La prégnance de la dépendance financière ........................................................ 275
CHAPITRE I : LA MAINMISE DE L’ETAT SUR LES RESSOUCES LOCALES .... 276
Section 1 : Une détermination inappropriée ....................................................................... 276
Paragraphe 1 : Le pouvoir de mobilisation de ressources .............................................. 277
A. Une habilitation formelle de la collectivité ...................................................... 277
1. La compétence de mobilisation de ressources .................................................... 277
2. Le contrôle sur les ressources mobilisées ........................................................... 280
B. L’omission préjudiciable de la part déterminante ............................................ 281
1. La part déterminante ........................................................................................... 282
2. La résignation des collectivités........................................................................... 284
Paragraphe 2 : Les incertitudes de la détermination des ressources ............................... 286
A. Une répartition aléatoire ................................................................................... 286
1. L’absence d’études préalables ............................................................................ 286
2. Les incertitudes de la répartition légale .............................................................. 287
B. Des imprécisions réductrices ............................................................................ 289
1. Les principes posés par le législateur ................................................................ 290
2. Les imprécisions tolérées par le juge constitutionnel ......................................... 291
Section 2 : Une fiscalité marginale ..................................................................................... 292
Paragraphe 1 : Le pouvoir fiscal local ............................................................................ 293
A. Une autonomie fiscale nécessaire ..................................................................... 293
1. L’acception du pouvoir fiscal local .................................................................... 293
2. La nécessité de l’autonomie fiscale .................................................................... 297
B. Une autonomie fiscale inexistante .................................................................... 299

423
1. Les compétences fiscales des collectivités ......................................................... 299
2. La limitation des compétences locales ............................................................... 300
Paragraphe 2 : Les transferts financiers unilatéraux ....................................................... 302
A. Un mécanisme de financement peu maîtrisé par le législateur ........................ 302
1. Les modalités d’opérationnalisation ................................................................... 302
2. La prépondérance du pouvoir règlementaire ...................................................... 304
B. Des transferts réducteurs de l’autonomie financière locale .............................. 307
1. Les griefs théoriques ........................................................................................... 308
2. Les effets enregistrés .......................................................................................... 309
CHAPITRE II : LES ENTRAVES A LA LIBERTE DE DEPENSER ......................... 313
Section 1 : Une liberté restreinte ........................................................................................ 313
Paragraphe 1 : Les dépenses obligatoires ....................................................................... 313
A. De l’exception pertinente à la généralisation ................................................... 314
1. Une justification pertinente ................................................................................ 314
2. Une liste «ouverte» ............................................................................................. 316
B. La tutelle, entre contrôle budgétaire et substitution d’office ............................ 317
1. Le pouvoir d’inscription d’office du représentant de l’Etat ............................... 318
2. Une atteinte exorbitante à la liberté de dépenser ................................................ 319
Paragraphe 2 : Les dépenses interdites ........................................................................... 321
A. Les interdictions imposées par des principes constitutionnels ......................... 321
1. Une justification fondée sur une surexploitation de l’argument unitaire ........... 322
2. L’exception béninoise de l’interdiction constitutionnelle .................................. 323
B. Les interdictions implicites ............................................................................... 325
1. Une détermination éminemment tacite ............................................................... 326
2. Un pouvoir d’appréciation particulièrement exorbitant ..................................... 328
Section 2 : Des procédures encadrées................................................................................. 329
Paragraphe 1 : Les principes budgétaires et comptables ................................................ 330
A. Des principes budgétaires difficiles à respecter ............................................... 330
1. L’annualité formelle du budget local ................................................................. 330
2. Le principe théorique d’équilibre réel ................................................................ 333
B. Les principes comptables antinomiques à la liberté de dépenser ..................... 336
1. L’unité de trésorerie entre Etat et collectivités territoriales ............................... 336
2. La garde des deniers locaux par un agent de l’Etat ............................................ 339
Paragraphe 2 : Le contrôle des dépenses locales ............................................................ 341
A. Un contrôle de régularité inutilement pesant .................................................... 341
1. Le contrôle de l’Etat sur les opérations financières de la collectivité ................ 341
2. Le contrôle à multiple tours dans l’acquisition des biens et services ................. 343

424
B. Un contrôle de qualité manifestement insuffisant ............................................ 346
1. Les limites de la logique classique ..................................................................... 346
2. L’amélioration de la qualité de la dépense par le contrôle de gestion ................ 347
CONCLUSION GENERALE.............................................................................................. 353
ANNEXES ............................................................................................................................. 360
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 365
INDEX ANALYTIQUE ....................................................................................................... 413
TABLE DES MATIERES ................................................................................................... 418
RESUME ............................................................................................................................... 426

425
RESUME

Le Bénin et le Niger ont inscrit la libre administration des collectivités territoriales dans
leurs constitutions respectives. Ce dessein du constituant originaire ne sera traduit dans les
normes infra constitutionnelles que de façon timide. L’autonomie organique est
implicitement affirmée dans les textes mais elle est subtilement vidée de son contenu par
les larges pouvoirs de tutelle sur les personnes et les actes des collectivités exercés par les
représentants du pouvoir exécutif. Devant se déployer dans un environnement politique,
administratif et juridictionnel peu propice à l’expression effective des libertés locales, les
moyens d’actions des collectivités territoriales sont autant cernés par l’Etat central. La
répartition des ressources publiques nationales entre l’Etat et les collectivités n’a pas été liée
à une évaluation des coûts des compétences transférées. Les principes de concomitance et
de suffisance ne sont pas respectés. Bien que n’étant pas expressément exclues du champ
d’application du principe de transfert des ressources, l’accompagnement de l’Etat aux
collectivités en matière de personnel n’est pas significatif. L’inexistence de statuts
appropriés pour les élus locaux d’une part et pour la fonction publique territoriale d’autre
part, constitue un handicap à la mobilisation d’effectifs de qualité au niveau des
administrations locales. N’étant pas dotée d’autonomie fiscale, la collectivité ne
s’autofinance que de façon marginale et se retrouve dans une situation de dépendance vis-
à-vis des subventions, souvent conditionnées, de l’Etat et autres partenaires. Malgré ce
tableau peu flatteur, les sentences rendues par les juridictions administratives et
constitutionnelles, suite aux rares recours intentés, ne paraissent pas refléter les enjeux que
représentent les libertés locales pour la démocratie et le développement. Ainsi que le
suggèrent les récentes évolutions du droit constitutionnel local, au-delà de la proclamation
du principe, les critères essentiels de la libre administration que sont l’autonomie organique,
la libre gestion des ressources humaines et l’autonomie financière méritent d’être élevés au
rang constitutionnel. C’est assurément une des conditions pour garantir son effectivité.

Mots clés : Autonomie locale, altérité, centralisation, collectivité territoriale, compétences, décentralisation,
démocratie locale, Etat central, effectivité, fonction publique territoriale, liberté locales, libre administration,
organe délibérant, exécutif local, pouvoir local, ressources, séparation, tutelle.

426

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