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ÉCOLE DOCTORALE DE DROIT COMPARÉ DE LA SORBONNE

LE DROIT DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE


EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
À LA LUMIÈRE DES EXPÉRIENCES EUROPÉENNES ET FRANÇAISES

Doctorat en droit

Thèse présentée par

Kodjo NDUKUMA ADJAYI

Date de la soutenance : 16 novembre 2017

Sous la direction de

Monsieur William GILLES

Membres du jury

M. David CAPITANT,
Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

M. Jean-Jacques LAVENUE,
Professeur à l’Université Lille 2 Droit et Santé

M. Pablo GALLEGOS FEDRIANI,


Professeur à l’Université de Buenos-Aires (Argentine), rapporteur

M. SHAMUANA MABENGA,
Professeur à l’Université pédagogique nationale (Kinshasa/RDC), rapporteur

M. William GILLES
Directeur de thèse, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
2

Les vues et positions exprimées dans la présente thèse sont celles de l’auteur et ne reflètent pas la position de l’Université, ni ne doivent être considérées comme
telles. Les ouvrages, articles, citations et autres exemples mentionnés sont à titre de référence et d’information scientifiques .
3

À mes enfants :
Raïs, Koane, Marc-Andy et Isra,
pour ces années d’endurance à accomplir
le vœu de votre aïeule partie avant de le voir s’accomplir.
AMDG
kndukuma@hotmail.fr
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5

Mes remerciements :

à M. William Gilles pour sa direction de ma thèse durant toutes ces années ;

à M. David Capitant, M. Jean-Jacques Lavenue, M. Pablo Gallegos Fedriani, M. Shamuana


Mabenga pour avoir accepté de composer notre Jury de soutenance de thèse ;

à Mme Judith Rochfled pour son encadrement de nos premières années ;

à Mme Irène Bouhadana et Mme Marie-Odile Raynaud pour leur accompagnement ;

à M. Sougoumar Mayoura et Goraya Ranjit Singh, des inestimables rencontres ;

à M. Evariste Boshab pour l’initiation à la recherche et au sens de la méthode ;

à Mme Kwadeba N’Gahowaly pour sa présence ;

à Mme Bernadette et à M. Bony pour leurs soutiens ;

à Mme Annie Kithima et M. Antoine Ghonda pour l’inspiration professionnelle ;

à M. Pathy Kalayi pour la passion partagée des études scolaires et doctorales ;

à M. Kahumba Byanga pour les ateliers francophones et américains de haut niveau sur la
lutte contre la cybercriminalité ;

à Mme Josiane Riga, Mme Claire Flavigny et M. Hakim Bouchiker, pour leur travail
administratif au « sésame » de l’école doctorale de droit de la Sorbonne ;

à toutes les aides précieuses de ces dernières années : M. Néhémie Mwilanya, M. et Mme
Gauthier et la grande famille Unzola, M et Mme. Nsiatiti, M. Antoine et Mme Nadine Sueur,
Mlle Lio et mes neveux "Sueur", M. Patrick Shabani, M. Jean Tambu, M. Stéphane et son
père de Dacty Copies / Paris Ve, Mlle Dethy Longandjo, Me Christian Nduaya, M. Jordy
Panza, le jeune avocat Luzolo, M. Meschak, Me Ngoy Mwimbi Funakoshi, Mme Omba, M.
Kudela, M. Mutond., …

à l’équipe du Master 2 Pro (ex-DESS) en droit du cyberespace africain de l’université Gaston


Berger de Saint-Louis (Sénégal) ;

à l’Université Protestante au Congo et au Collège Boboto pour leurs formations de base ;

à l’Ambassade de la RDC en France et celle de la France en RDC ;

à l’Assemblée nationale et au Ministère des Postes, Télécoms et Nouvelles Technologies de


l’Information et de la Communication de la RDC ;

au Groupe virtuel « Le Panier » (Jessy et Serge) pour le délassement dans les heures de
lecture et d’écriture ;

à tous et à chacun pour sa contribution.


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« Le retard est un avantage !


Pourvu que les pays en retard sachent se doter du cadre intellectuel et
institutionnel approprié. Ceci en profitant de l’émulation fournie par
l’avance des dominants et la soif du développement. »
(Alexandre Gerschenkron)*

* Voir : Erik. S. REINERT, Comment les pays riches sont devenus riches, pourquoi les pays pauvres restent pauvres, traduit par Anne Guèye, revu, corrigé et annoté par Claude
rochet, édition du Rocher, Paris, 2012, p. 32.
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ABRÉVIATIONS USUELLES
AAI : Autorité administrative indépendante
ACP-UE : Afrique Caraïbes
ACSEL : Association pour le commerce et les services en ligne
ADPIC : Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle (OMC)
ADSL : Asymetric Digital Subscriber Line (Ligne Numérique à Paire Asymétrique)
Aff. : Affaire
AGCS/GATS : Accord général sur le commerce et les services /
General Agreement on Trade and Services
AGTC/GATT : Accord Général sur le Tarif et le Commerce /
The General Agreement on Tariffs and Trade
AHATI : Association pour l’histoire des télécommunications et de l’informatique
al : alter ou alii
al. : alinéa
AMPS : Advanced mobile phone system
ANFr : Agence nationale des fréquences (France)
ANSSI : Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information
ARCEP : Autorité de régulation des communications électroniques et de la Poste
ARJEL : Autorité de régulation des jeux en ligne
ARN : Autorités de réglementation nationales
ARPANET : Advanced Research Projects Agency Networks
ARPTC : Autorité de régulation des postes et des télécommunications de la République
Démocratique du Congo
ARPU : Average revenu par user (revenu moyen par utilisateur)
ART : Autorité de régulation des télécommunications
Art. : Article
AT&T : American Telegraph and Telecommunications Company (États-Unis)
AU/UA : African Union / Union africaine
B.O. : Bulletin officiel
BADGE : Brevet d’aptitude délivré par les grandes écoles
BEREC : The Body of European Regulators for Electronic Communications (ORECE, en
français)
BIRD : Banque internationale pour la reconstruction et le développement
BM : Banque mondiale
Bull. : Bulletin
C. : Constitution
C. consom. : Code de la consommation
c. ou c/ : contre
C.c.f ou CCF : Code civil français
C.civ : Code civil
C.civ.fr : Code civil français
C.eur.DH : Cour européenne des droits de l’homme
C.F. : Code français
CA : Cour d’appel
CAK : Communication Authority of Kenya (Autorité de la communication du Kenya)
Cass. : Cassation
CCC : Code civil congolais
CCE : Commission de la communauté européenne
CCJA : Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (OHADA)
CDR : Call detail record
CE : Communauté européenne
CEA/EAC : Communauté d’Afrique de l’Est / Eastern Africa Community
CEDEAO : Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest
CEDH : Convention européenne des droits de l’homme
CEE : Communauté économique européenne
CEEAC : Communauté économique des États d’Afrique centrale
CEMAC : Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale
CEPT : Conférence européenne des administrations des postes et télécommunications
CERT : Computer Emergency Response Team
Cf. : confères
CGM : Consumer Generated Media
CGU : Conditions générales d’utilisation
Ch. : chambre
10

Chap. : Chapitre
CIF : Cost Insurance Fret (Coût de fret et assurance)
CIRDI : Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements
Civ. : Civil
CJCE : Cour de justice de la Communauté européenne
CJUE : Cour de justice de l’Union européenne
CKT : Congo Korea Telecom
CLI : Caller Line Identity (Identité de la ligne appelante)
CMR : Conférence mondiale des radiocommunications
CNC : Centre national de cinéma et de l’image animée (France)
CNCL : Commission nationale de la communication et des libertés
CNIL : Commission Nationale Informatique et Liberté
CNN : Cable News Network (Chaîne câblée d’information des États-Unis)
CNRS : Centre national de recherche scientifique (France)
CNUDCI : Commission des Nations Unies pour le droit commercial international
col. : Colonne
Coll. : Collection
Collab. : avec la collaboration de
COMESA : Common Market for Eastern and Southern Africa
Comm. : Commerce
CONATEL : Conseil national des télécommunications d’Haïti
Consom. : Consommation
Conv. : convention
COPIREP : Comité de pilotage de la réforme des entreprises du portefeuille de l’État (RDC)
Cour eur. D.H. : Cour européenne des droits de l’homme
CPCE : Code des postes et des communications électroniques
CPST/FEC : Comité professionnel du secteur des Télécommunications de la Fédération des
entreprises du Congo
CPT : Code de la poste et des télécommunications
CRC : Commission de Régulation des communications de Bulgarie
CRDI : Centre canadien de recherche pour le développement international
CREC : China Railways Engineering
Crim. : Criminelle
CRTC : Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
CSA : Conseil supérieur de l’Audiovisuel (France)
CSAC : Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (au Congo)
CSCE : Centre de surveillance du commerce électronique
CSJ : Cour suprême de justice
CSPLA : Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique
DG : Directeur général ou direction générale
DG Connect : Directorate General for Communications Networks, Content and Technology
DG INFSO : Directorate General for information Society and Media
DGCCRF : Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des
fraudes (France)
DGP : Direction générale de la Poste (France Télécom)
DGRAD : Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et de
participation (RDC
DGT : Direction générale des télécommunications (France Télécom)
DILA : Direction de l’information légale et administrative
EAC/CEA : Eastern Africa Community / Communauté d’Afrique de l’Est
e-commerce : commerce électronique
e-communications : communications électroniques
éd. : édition(s)
EDGE : Enhanced Data Rates for GSM Evolution
EDI : Échange de données ou de documents informatisé(e)s
e-market : Electronic market (marché électronique)
ENST : École nationale supérieure des télécommunications (Paris)
EPA : Établissement public administratif
EPIC : Établissement public industriel et commercial (France)
EPIC : Entreprise publique industrielle et commerciale (RDC)
ESMT : École supérieure multisectorielle des télécoms (Dakar)
ETP : Emplois à temps plein
EU / UE : European Union / Union européenne
FAI : Fournisseurs d’accès à Internet
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FCC : Federal Communications Commission


FEVAD : Fédération des entreprises de vente en ligne
FRATEL : Réseau francophone de la régulation des télécommunications
FTC : Federal Trade Commission
GAFA : Google, Amazone, Facebook et Apple
GAFAM : Google, Amazone, Facebook, et Apple et Microsoft
GAFTAM : Google, Amazone, Facebook, Twitter, Apple et Microsoft
GAJA : Grands arrêts de la jurisprudence administrative (France)
GATS / AGTC : The General Agreement on Tariffs and Trade /
Accord général sur le tarif et le commerce (en français)
Gaz. Pal. : Gazette du palais
GPRS : General Packet Radio Service
GSM : Global System for mobile communication
GSMA : GSM Association (Réseau mondial des opérateurs de téléphonie mobile)
HADOPI : Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet
HSDP : High Speed Downlink Packet Access
IBA : Independent Broadcasting Authority (Autorité indépendante de la radiodiffusion
et de la télédiffusion, Tanzanie)
ICANN : Internet Corporation for Assigned names and numbers
ICASA : Independent Communications Authority of South Africa (Autorité indépendante
des communications de l’Afrique du Sud)
IDA : Association internationale de développement
IDH : Indice de développement humain
IETF : Internet Engineering Task Force
IFC : International Finance Company
IMODEV : Institut du Monde et du Développement
INS : Institut national des statistiques
IRJS : Institut de recherche juridique de la Sorbonne
ISP : Internet Service Provider (Fournisseurs d’accès à Internet)
JCP : Jurisguide Ŕ de la semaine juridique Ŕ Édition générale
JDI : Journal de droit international
JO : Journal officiel
JOCE : Journal officiel de la Communauté européenne
JORDC : Journal officiel de la République Démocratique du Congo
JORF : Journal officiel de la République française
JOUE : Journal officiel de l’Union européenne
JOZ : Journal officiel du Zaïre
KCA : Kenyan Communication Act (Loi kenyane des télécoms)
L. : Livre
LCEN : Loi pour la confiance en l’économie numérique
LCT (RDC) : Loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2016 sur les télécommunications en
République Démocratique du Congo
LEC : Loi sur les communications électroniques
LECE (RDC) : [Projet de] Loi sur les échanges et le commerce électronique en RDC
LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence
LMD : Licence, Master, Doctorat
LME : Loi pour la modernisation de l’économie
LNPA : Ligne Numérique à Paire Asymétrique (équivalent français d’ADSL, Asymmetric
Digital Subscriber Line)
M. : Monsieur
MCMC : Malaysian Communications and Multimedia Commission
Mél. : Mélange
MIGA : Agence multilatérale de garantie des investissements
Min. PTNTIC : Ministère des Postes, Télécommunications, Nouvelles Technologies de
l’information et de la Communication (RDC)
Min. PTT : Ministère des Postes, Téléphones et Télécommunications
Minitel : Medium interactif par numérisation d’information téléphonique
Monusco : Mission d’observation des Nations unies en RDC
MPA & OPA : Millennium African recovery Plan and Omega Plan for Africa (« Nouvelle
Initiative africaine »)
NASA : National Aeronautics and Space Administration
NEPAD : Nouveau partenariat pour le développement en Afrique
NTIC : Nouvelles Technologies de l’information et de la Communication
NTT : Nippon Telegraph and Telephone (La Japonaise du télégraphe et du téléphone)
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OCDE : Organisation pour la coopération et le développement


OCPT : Office congolais des postes et des télécommunications
OFCOM : Office of communications (Grande-Bretagne)
OFTEL : Office of telecommunications (Grande-Bretagne)
OHADA : Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique
OIC : Organisation internationale du Commerce
OIF : Organisation internationale de la Francophonie
OIT : Organization for the International Trade
O-L : Ordonnance-loi
OMPI : Organisation mondiale de la propriété intellectuelle
ONP : Open Network Provisions (fourniture d’un réseau ouvert de télécommunications)
ONPTZ : Office national de la poste et des télécommunications du Zaïre
op.cit : Opus citatum (ouvrage cité)
Ord. : Ordonnance
Ord.-lég. : Ordonnance-législative
ORECE : Organe de régulation européen et des communications électroniques (BEREC, en
anglais)
OTT : Over the top content (opérateur alternatif via internet)
OUA : Organisation de l’Unité africaine
p. ou pp. : page ou pages
P.E : Parlement européen
Parl. Eur. : Parlement européen
PAS : programme d’ajustement structurel
PH : Faisceaux hertziens
PME : Petites et moyennes entreprises
PNR : Passenger name record
préc. : précité(e)
Pro : professionnelle
PTT : Poste, Téléphone et Télécommunications
PUAM : Presses universitaires d’Aix-Marseille
PUC : Presses universitaires du Congo (RDC)
PUF : Presses universitaires françaises
PVD : Pays en voie de développement
R.E.D.C : Revue de l’école de droit comparé
RASCOM : Regional African Satellite Communications (Organisation africaine de
communication par satellite)
RCA : République Centrafricaine
RDC : République Démocratique du Congo
RDTI : Revue du droit des technologies de l’information
RENATELSAT : Réseau national de télécommunications par satellite
REZATELSAT : Réseau zaïrois de télécommunications par satellite
RF : République française
RIDE : Revue internationale de Droit économique
RIEJ : Revue internationale d’études juridiques
RJ : Revue de jurisprudence
RSA : République Sud-Africaine (ou Afrique du Sud)
RSS : Really simple Syndication (« souscription vraiment simple ») ou Rich Site
Summary (« résumé d’un site enrichi »)
RTD civ. : Revue trimestrielle de droit civil
RURA : Rwanda Utilities Regulatory Authority (Autorité de régulation des services
d’utilité publique du Rwanda)
s. ou ss. ou suiv. : suivant(s)
SADC : South African development community (Communauté de développement
d’Afrique australe)
SATRA : South African Telecommunications Regulatory Authority (Autorité sud-africaine
de Régulation des Télécommunications)
SAV : Services à valeur ajoutée
SCPT : Société congolaise des postes et des télécommunications
SICL : Institut suisse de droit comparé
SMS : Short message service
SMSI : Sommet mondial sur la société de l’information
sous la coord. : sous la coordination de
sous la dir. : sous la direction de
Spim : Spam over Instant Messaging
13

Spit : Spam over Internet Telephony


SSI : Services de la société de l’information
t. : tome
TBC : Tanzania Broadcasting Commission
TCC : Tanzania Communications Commission
TCE : Traité instituant la Communauté européenne
TCP/IP : Transfert Communications Protocol /Internet
TCRA : Tanzania Communications Regulatory Authority (Autorité de régulation des
communications de la Tanzanie)
TECE : Traité établissant une Constitution pour l’Europe
TFUE : Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
TGI : Tribunal de grande instance
Th. : Thèse
Th. Doct. : Thèse de doctorat
TLD : Top Level Domain
TMP : Télévision mobile personnelle
TNT : Télévision numérique terrestre
Tri.com. : Tribunal de commerce
Trib. ou Tri. : Tribunal
TSF : Téléphone sans fil
TVR : Télévision de rattrapage
U.C.C. : Uniform Commercial Code
UCC : User Created Content
UE : Union européenne
UE/EU : Union européenne / European Union
UEMOA : Union économique et monétaire ouest-africaine
UGC : User Generated Content
UIT : Union Internationale des Télécommunications
UIT-T : Union Internationale des Télécommunications Ŕ Secteur de la normalisation des
télécommunications
UMA : Union du Maghreb arabe
UMTS : Universal Mobile Telecommunications System
UNIKIN : Université de Kinshasa
Univ. : Université ou universitaire
UPC : Université Protestante au Congo
USA : United States of America (États-Unis d’Amérique)
V. : voir
v. ou vs : versus (contre)
VoD : Vidéo à la demande (video on demand)
VoIP : Voix sur Internet (Voice over Internet Protocol)
Vol. : Volume
VPM : Vice-Premier Ministre
vs : Versus (contre)
WACS : Westafrican cable system (système de câble transatlantique de la côte Ouest de
l’Afrique)
14
15

INTRODUCTION

01. Le monde se trouve à une époque de bascule historique à l’« ère numérique ».1 Du
télégraphe, au télex et au téléphone, l’« ère de l’analogique » a été celle du langage linéaire
des communications à distance sur le mode « point à point », donnant lieu à des relations
simplement « désensorialisées ».2 L’ère du numérique est la deuxième étape de simplification
à l’extrême du transport de l’information (son, image, texte), convertie en une suite de 0 et de
1, dans une écriture binaire circulant à travers les réseaux numériques à intégration des
services (RNIS). À cette « ère de la digitalisation », les techniques de numérisation et de
connexion à l’Internet ont changé la manière d’être, de vivre et de connaître dans le contexte
de la société de l’information.3 En réalité, « [l]e numérique a provoqué tout à la fois une
accélération, une simplification et une banalisation de la collecte, du transfert et du traitement
des données ».4 En plus, « "Le numérique a le don de l’ubiquité".5 En effet, le numérique
affranchit les objets culturels des contraintes de l’existence physique, en leur permettant d’être
répliqués à l’identique et à l’infini, sans restriction de temps ni de lieu ». 6 Avec l’expérience
grandissante des « objets connectés »7, certains voient une nouvelle révolution en l’Internet
des choses à l’« ère du tout connecté ».8
02. Cette « révolution numérique »9, portée par l’« intelligence inventive»10, est à la base
de plusieurs mutations sociétales, entrainant de profonds bouleversements dans plusieurs
directions pour le droit. Outre les domaines de la culture, de l’économie et du social, l’État et
son administration publique connaissent des influences considérables face aux opportunités et
défis du numérique. Tirant profit de l’écosystème numérique et de l’Internet, le cyberespace
s’est développé et offre une panoplie des services, des biens virtuels et d’autres activités
numériques protéiformes.11 Plusieurs innovations sont perceptibles dans la société de
1
V.-L. BENABOU et J. ROCHFELD, À qui profite le clic ? Le partage de la valeur à l’ère numérique, Coll. Corpus, éd. Odile
Jacob, Paris, 2015, p. 30. La terminologie « ère numérique » est choisie pour dire « ère du numérique ».
2
B. SALGUES, « Premier bilan et impasses procédurales du SMSI, vers de nouvelles pistes d’usage des TIC », chap.2, in M.
MATHIEN (sous la dir.), Le Sommet mondial sur la société de l’information et « après » ? Perspectives sur la cité globale,
Bruylant, Coll. Médias, Sociétés et Relations Internationales, Bruxelles, 2007, pp. 43-58.
3
Ibidem, p. 43 et s.
4
C. FÉRAL-SCHUHL, Cyberdroit, le droit à l’épreuve de l’Internet, 6è éd., Dalloz, Paris, 2011-2012, p. 34.
5
I. FALQUE-PIERROTIN, Présidente de la CNIL, « L’éducation au numérique, un défi majeur que nous devrons relever tous
ensemble », CCE, n°3, Entretien, 2014, p.7.
6
M. DALLE, « Réflexions sur l’éducation des internautes au respect du droit d’auteur », in E. NETTER et A. CHAIGNEAU (sous
la dir.), C. CASTETS-RENARD, J. CATTAN et al, Les biens numériques, Ceprisca, Coll. Colloques, diffusion PUF, Amiens,
2014, p. 87.
7
TH. PIETTE-COUDOL, Les objets connectés, sécurité juridique et technique, Lexis/Nexis, Coll. Actualités, Paris, 2015, pp. 1-
190, spéc. p. 1. Selon l’auteur citant le cabinet IDC, près de 19,2 millions d’équipements informatiques sont portables sur le
marché et pourraient atteindre le nombre de 112 millions en 2018. Dossier : « Les objets connectés, nouvelle passion
française », in Le Monde, 25 novembre 2014. La fiche de l’éditeur fait état de « [l]a révolution connectée ». Elle la présente
comme « la grande révolution de ce début de XXIème siècle », puisqu’elle « implique des bouleversements plus importants
encore que l’arrivée des Smartphones et des tablettes. "Mesurer", "calculer", "reporter", "contrôler" et finalement
"comprendre" et "corriger" deviennent des réflexes personnels au même titre que des branches d’activités d’entreprises… ».
8
B. SALGUES, op.cit., pp. 43-58.
9
E. SCHERER, La Révolution numérique, glossaire, Dalloz, Paris, 2009, p. VII-XXII. Cf. aussi F. CARON, « Internet, c’est la
troisième révolution industrielle », L’Express, 27 avril 2000. En effet, « grâce à l’électronique, l’informatique et Internet, la
révolution numérique intervient après la première, la révolution industrielle, marquée par la machine à vapeur et le chemin de
fer. La société en avait été bouleversée par l’effet induit de l’augmentation des capacités de production et de circulation des
biens, des personnes et des services. La deuxième révolution est symbolisée par l’électricité et le pétrole, qui a renforcé les
élans de la première révolution en y ajoutant le confort domestique grâce à l’électroménager et, partant, l’essor d’une société
de la consommation ».
10
R. RIEFFEL, Révolution numérique, révolution culturelle ?, Paris, Gallimard, p. 12. Cf. aussi M. SERRES, Petites Poucettes,
éd. Le Pommier, Paris, 2012.
11
A. BAMDÉ, L’architecture normative du réseau Internet. Esquisse d’une théorie, L’Harmattan, Coll. Le droit aujourd’hui,
Paris, 2015, pp. 13 et s. Le terme « cyberespace » a été inventé et défini par William Gibson, dans son livre Neuromancer
(1984), comme cet « espace planétaire sans frontière où les ordinateurs sont reliés entre eux par des réseaux ». Le droit ne
16

l’information12: diversification des pratiques commerciales (télé-achat, vente à distance,


commerce en ligne), extension de la sociabilité dans le réseautage de notre vie privée (réseaux
sociaux numériques), nouveaux modes de la vie professionnelle (télétravail) et des loisirs
(jeux en ligne, VoD), pour ne citer que ces cas.
Section I : Les aspects sociétaux des transformations du droit face à l’économie numérique
§1. Les enjeux juridiques de l’économie numérique mondiale
03. En termes d’enjeux, la vitesse des innovations technologiques pose à elle-seule un
défi au droit. Les types de supports numériques sont en perpétuelle évolution, avec
notamment : des ordinateurs de plus en plus puissants et miniaturisés, des téléphones
portables davantage intelligents, des applications et logiciels toujours plus performants, des
sites Internet à la fois informatifs, publicitaires et collaboratifs, des messageries instantanées,
convergentes et en réseaux. Il en est de même pour la télévision que l’on eut cru invention
ancienne, mais qui est aujourd’hui relookée aux goûts du Web Tv ou encore de la télévision
mobile personnelle (TMP). Ainsi, « la transformation numérique »13 concerne les techniques,
l’économie et la société dans son ensemble, amenant désormais le droit à évoluer avec les
usages du numérique qui sont associés aux propriétés des connexions à haut débit. Mais,
« [e]n pointant les acquis en la matière […], une révolution technologique telle que celle du
numérique est par essence instable et ambivalente, simultanément porteuse de promesses et
lourdes de menaces ».14
04. De même que chaque médaille a son revers, les réseaux numériques véhiculent aussi
de nombreux facteurs de risques. En effet, « les technologies numériques exercent, à ce titre,
des effets ambivalents : elles catalysent l’exercice des droits, mais elles synthétisent aussi des
risques inédits face auxquelles nos capacités juridiques et nos capacités d’intervention
apparaissent aujourd’hui inadaptées ».15 Les enjeux du droit concernent les avantages et
inconvénients sociétaux de la révolution numérique. Les défis liés à celle-ci sont devenus
majeurs dans le champ du droit, en raison des capacités automatisées, intrusives et anonymes,
des technologies numériques. La popularisation de leurs usages a rendu quasi-omniprésentes
l’informatique embarquée et l’hyper-connectivité dans notre environnement quotidien.16
Effectivement, plusieurs nouveaux aspects juridiques apparaissent par rapport aux activités
numériques et à leurs utilisations souvent pernicieuses à travers les réseaux formant le
système d’information planétaire et sans frontière. Très vite, des craintes ont vu le jour avec la
prolifération des nuisances informatiques : cybercriminalité, cyberarmes, cyberterrorisme,
menaces conjuguées dans la sphère des libertés individuelles et publiques, altération de

peut ignorer l’espace numérique, qui s’ajoute aux autres espaces (terre, mer, air, espace extra-atmosphérique). Mais,
l’Internet est un écosystème (comme en biologie), du fait de son architecture fonctionnelle, formée de trois couches : couche
logique (software : applications), couche sémantique (le support d’interaction) et « couche physique » (hardware : réseaux et
infrastructures de télécoms).
12
Ibidem. L’Internet est la toile d’araignée mondiale (WWW : Word Wide Web). Son expansion mondiale influence
profondément la vie sociale. L’Internet et la numérisation sont la base de la société de l’information.
13
WATIN-AUGOUARD, « Préface », in F. LORVO, Numérique : de la révolution au naufrage ?, éd. Fauves, Paris, 2016, p. 7.
« Cette transformation numérique est le fruit d’une succession d’avancées technologiques mises au point de façon souvent
empirique par des pionniers, bâtisseurs d’un nouveau monde, qui n’imaginaient sans doute pas la forme que prendrait leur
"cathédrale sans plan". »
14
R. RIEFFEL, op.cit, p.12, pp. 19-20.
15
J.-M. SAUVÉ, « séance d’ouverture », in Conseil d’État, La France dans la transformation numérique : quelle protection
des droits fondamentaux ?, un colloque organisé par le Conseil d’État le 6 février 2015, La documentation française, Coll.
Droit et débat, DILA/Conseil d’État, Paris, 2016, p. 10.
16
J. LIMNÉLL, « Le cyber change-t-il l’art de la guerre », in X. RAUFER (sous la coord.), La première cyber guerre mondiale ?,
MA éditions, Paris, 2015, pp. 29-46, spéc. p. 21.
17

l’identité personnelle, marchandisation des données personnelles, pratiques abusives,


agressives et déloyales en ligne, etc.
05. À titre d’exemple, déjà en 1978, une loi pionnière en France, dite « loi informatique
et libertés », fondait le principe que, si « l’informatique doit être au service de chacun », elle
« ne doit pas porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’Homme, ni à la vie
privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ».17 La liste des valeurs légitimes à placer
sous l’abri du droit est longue, au regard des enjeux transversaux du numérique. Ce sont de
tels facteurs qui ont amené entre autres le droit dans les pays industrialisés à traiter les risques,
enjeux et dangers induits par les technologies électroniques pour l’économie, les
consommateurs, les libertés, la sécurité publique et le bien commun.18
06. Comme les applications numériques de pointe induisent un transfert de pouvoir au
profit de ses utilisateurs et des groupements connectés, elles deviennent un enjeu pour les
États et donc pour le Droit.19 Cependant, le contrôle hiérarchique du cyberespace par les États
demeure encore une gageure, au point de considérer de nouveaux enjeux de la « souveraineté
numérique »20 et de l’« ordre public numérique ».21 En réalité, « [l]es pionniers de l’Internet,
qui n’avaient certainement pas envisagé son expansion mondiale, avaient conçu et présenté la
communication numérique comme un espace échappant à tout contrôle des pouvoirs publics,
autonome, décentralisé, transfrontalier et participatif ».22 Tant que le numérique efface les
clivages locateurs, il plonge les continents dans des échanges électroniques transfrontières,
avec une célérité sans précédent. Par conséquent, la problématique de l’État et du droit face au
cyberespace se place au cœur des réflexions sur les mécanismes appropriés de régulation, de
prévention et de sécurisation, en refondant la législation et la réglementation dans notre
société de l’information.23 Le réajustement des dispositifs juridiques et le réalignement des

17
Article 1er, loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, JO RF, 7 janv.1978, p. 227.
18
J. ROCHFELD (sous la dir.), L’acquis communautaire, le contrat électronique, Economica, coll. Études juridiques, n°34,
Paris, 2010, pp. 5-6 et pp. 8 et s. Cf. spéc. : « Les dangers de la technique électronique » ainsi que l’« objectif de législation ».
L’auteure a particulièrement orienté sa réflexion sur le « déficit de confiance du consommateur » à cause des craintes liées à
« toutes sortes de nouvelles malversations, propres à l’Internet ». Par ailleurs, les États européens ont assez tôt tiré profit des
avantages des technologies de communication, notamment à partir de 1989 dans le domaine du télé-achat pour faciliter la
vente et la circulation des biens et services dans les États et sur le continent européen. C’est au moyen de la construction du
marché intérieur que la « confiance » du consommateur s’est également construite.
19
P. BELLANGER, La souveraineté numérique, Stock, Paris, 2014, pp. 9,12-14. L’auteur développe l’idée selon laquelle
l’« Internet ne vient pas s’ajouter au monde que nous connaissons. Il le remplace. […] La souveraineté est, pour une nation
démocratique, l’expression sans entrave sur son territoire de la volonté collective des citoyens. […] Sauf pour les réseaux
numériques ! […] L’État est incapable de garantir ici à ses citoyens la protection de la vie privée, le secret de la
correspondance ou encore la loyauté de la concurrence économique. […] Les États sont des lieux, l’Internet est un lien. Les
souverainetés se définissent dans des espaces physiques délimités, l’Internet est une dimension qui relie tous les territoires
sans être un lui-même ».
20
A. BLANDIN-OBERNESSER (sous la dir.), Droits et souveraineté numérique en Europe, 1re éd., Bruylant, Bruxelles, 2016, pp.
1-216. À l’affiche, « sans définir la souveraineté numérique a priori, l’ouvrage en analyse les différents visages en mettant en
évidence les valeurs défendues par l’Europe, les enjeux économiques et territoriaux de l’Internet et enfin les enjeux de
sécurité-défense ».
21
C. PICCIO et PH. MOURON (sous la dir.), L’ordre public numérique, libertés, propriété, identités, PUAM, coll. « inter-
normes », Aix-en-Provence, 2015, 2015, p. 21. Les enjeux propriétaires et des libertés intéressent les questions d’ordre
public, soulevées par la technologie numérique. Sous l’ordre public numérique, les auteurs regroupent les questions de savoir
si le droit à la vie privée peut survivre à cette technologie ou encore comment concilier leur usage avec la liberté et la
sécurité, tant que l’identification et la surveillance par les agences publiques et privées de sécurité sont devenues des usages
numériques à part entière.
22
M. DE SAINT PULGENT, « Les besoins d’interrégulation engendrés par Internet. Propos introductifs », in M.-A. FRISON
ROCHE (sous la dir.), Internet, Espace d’interrégulation, Dalloz, Paris, 2016, p. 3.
23
A. BAMDÉ, op.cit, p. 13 et s.
18

politiques concernent toutes les composantes de notre « village planétaire »24 autour des
valeurs structurantes pour notre civilisation.25
07. Face aux enjeux juridiques de l’économie numérique, l’Europe et la France
présentent des modèles d’incubation des politiques publiques.26 À ce propos, elles disposent
d’instruments communautaires des plus aboutis.27 Dans leurs systèmes juridiques nationaux et
internationaux, les États comme la France organisent la manière dont les opportunités et les
défis du numérique peuvent être gérés au profit de l’intérêt général. Par exemple, l’initiative
« eEurope » est une politique lancée le 8 décembre 2009 et traduisant la vision des pays
membres autour de trois objectifs majeurs face à l’Internet : 1° en assurer l’accès rapide, sûr
et abordable ; 2°« investir dans les ressources humaines et les connaissances ; [3°] stimuler
l’utilisation de l’Internet dans les secteurs économiques et gouvernementaux ainsi que dans
certains secteurs spécifiques».28 Dans l’ordre des défis permanents de la gouvernance
publique, l’OCDE porte « une attention particulière aux institutions publiques et instruments
permettant aux gouvernants de répondre aux demandes et besoins des citoyens, mettant en
lumière les domaines nécessitant des changements supplémentaires, ou davantage de réflexion
sur la manière de mener les efforts de réforme ».29 Les politiques législatives déterminent des
objectifs stratégiques. Concrètement, le droit appréhende la valeur des phénomènes sociétaux,
en employant son instrumentalisme et son normativisme, selon son utilitarisme.30 En théorie
générale, le droit « se double de l’ambition d’améliorer les situations existantes. C’est là
qu’interviennent les valeurs. Au plan des valeurs (le normativisme), apparaît le jugement
quant à la désirabilité des faits établis par la démarche empirique. […] Est ainsi posé tout le
problème de l’effectivité de l’action du droit sur la société. […] On en arrive ainsi au plan de
l’action (l’instrumentalisme) ; le droit est mobilisé au service de la valeur ».31

08. À cet égard, l’expérience européenne a construit une « architecture des réponses »
juridiques32 adaptées face aux enjeux du cyberespace, qui devient un défi crucial pour les
États, sur l’axe normatif et institutionnel. Dans ses attributs régaliens, l’État doit d’abord
assurer l’encadrement juridique des personnes et des faits sur son territoire. Ensuite, il doit y

24
M. MCLUHAN, The Medium is the Message, 1967. PH. MOREAU DEFARGES, La mondialisation, un monde globalisé, 9ème
éd., Coll. « Que sais-je ? », n°1687, Droit-Politique, PUF, Paris, (1997) 2012, p. 3 et s.
25
S. TURGIS. « Les valeurs de l’Europe appliquées à Internet », in BLANDIN-OBERNESSER (sous la dir.), op.cit, pp. 17-30. »
Les valeurs défendues par le Conseil de l’Europe depuis sa création en 1949 Ŕ droits de l’homme, démocratie et prééminence
du droit Ŕ ont donc pour vocation à s’appliquer au nouvel environnement marqué par la prééminence prise par Internet ».
Comité des ministres, Gouvernance de l’Internet – Stratégie du Conseil de l’Europe 2012-2015, 15 mars 2012, CM(2011)175
final 2.Cf. pour un premier bilan : Stratégie du Conseil de l’Europe sur la gouvernance de l’Internet 2012-2015, Rapport à
mi-parcours du Secrétaire général du Conseil de l’Europe, SG/Inf(2014)7, 12 février 2014.
26
M. MULLER, Les politiques publiques, PUF, coll. « Que sais-je ? », n° 2354, Paris, 2015, p. 45.
27
N. THIRION (sous la dir.), C. CHAMPAUD, D. DANET, P. LE FLOCH, P. LE GALL, F. MARTIN, B. MONTELS, T. PENARD et P.
STEPHANTA, Libéralisations, privatisations, régulations, aspects juridiques et économiques des régulations sectorielles,
Larcier, Bruxelles, 2007, pp. 11 et s.
28
A. TROYE-WALKER, op.cit, pp. 1-20. Auparavant, le Conseil européen de Lisbonne avait approuvé les 23 et 24 mars 2000,
un Plan d’action visant à obtenir des résultats concrets pour l’échéance de 2002.
29
OCDE, « Défis actuels et futurs de la gouvernance publique », in Le Panorama des administrations publiques 2009, éd.
OCDE, p. 4-5.
30
L. DUGUIT, Le pragmatisme juridique, conférences prononcées à Madrid, Lisbonne & Coïmbre en 1923, éd. La Mémoire
du Droit, Coll. inédit, trad. Simon Gilbert, Paris, 2008, pp. 131-133. BENTHAM EN ESPAÑA, en face de (sic), L’utilitarisme, de
I. Sanchez de Rivera, Madrid, Reus, 1922, pp. XIV et XV. Léon Duguit signale l’origine utilitaire de sa doctrine, en référence
à Bentham : « en ce sens, l’utilitarisme est un mode de positivisme ethnico-juridique, plus de calcul du rendement… c’est un
pragmatisme juridique ».
31
O. MORÉTEAU et J. VADERLINDEN, La structure des systèmes juridiques, Bruylant, Académie internationale de Droit
comparé, XVIe Congrès de l’Académie internationale de droit comparé, Brisbane 2002, Bruxelles, 2003, pp. 17-85.
32
CH. AMIDOU KANE, L’aventure ambigüe, Paris, Julliard, 1971 [1961], p. 80. « La civilisation est une architecture de
réponses. Sa perfection se mesure au confort que l’homme y éprouve, à l’appoint de la liberté qu’elle lui procure. »
19

contrôler les activités à travers les mécanismes de coercition que sont la justice et les
prérogatives de puissance publique. Enfin, l’exercice de la souveraineté de l’État doit
s’exprimer par sa capacité à imposer son ordre juridique sans qu’aucun autre ne s’impose à
lui.33 En appréhendant les aspects pertinents de l’ère numérique, le droit intervient au regard
de son autonomie pour (faire) appliquer ses principes, règles et qualifications à la révolution
économique et industrielle postmoderne. Comme « le préfixe "post" associé à la "modernité"
emporte l’idée d’un dépassement du présent et d’une projection dans le futur »,34 les réformes
du droit et de l’État tiennent compte de l’aspect évolutif des technologies. Le droit établit son
régime et ses institutions au point de figer ce qui est encore en devenir mais suffisamment
perceptible.
09. Précisément, l’« économie numérique »35 est liée à l’utilisation des techniques
électroniques dans les différents domaines de l’économie postmoderne.36 Elle est synonyme
d’« économie de l’information »37 et se présente comme une véritable « économie de
systèmes » numériques mondialisés.38 Les télécoms sont la base des communications
électroniques,39 à travers lesquelles des prestataires techniques, dits « big infomédiaires »,
assurent l’intermédiation technique indispensable à la réalisation des activités économiques en
ligne.40 En effet, les « technologies numériques ont incontestablement été un moteur de la
croissance depuis le début des années 1990. […] À l’instar des révolutions industrielles
précédentes, la troisième révolution industrielle a également produit un ensemble d’objets et
d’industries spécifiques aboutissant, non seulement à l’émergence d’un secteur économique
nouveau mais aussi à une transformation des systèmes productifs et du comportement des
agents ».41 L’Internet et les réseaux de télécoms sont devenus le véhicule du commerce
électronique et le support de la « valeur du clic ».42 Ils constituent le socle technique de
l’économie numérique, car celle-ci est consubstantielle à « un monde dans lequel la relation
entre deux points suppose de multiples passeurs : l’opérateur de télécoms mettant à
disposition l’infrastructure, les fournisseurs d’accès, de cache et d’hébergement… tous sont
nécessaires au stockage et au transport de l’information ».43
10. Face à l’économie numérique, le contrôle du droit s’impose afin d’assurer la garantie
des règles étatiques, d’encadrer les activités en ligne, de protéger les individus et usagers
contre les désagréments, risques et dangers de type nouveau et particulier, liés à l’Internet.
L’État doit répondre à son devoir normatif et régulateur, tout en considérant des progrès

33
L. FAVOREU, P. GAÏA, R. GHEVONTIAN, J.-L. MESTRE, O. PFESMANN, A. ROUX et G. SCOFFONI, Droit constitutionnel, 18è éd.,
Dalloz, Coll. Précis, Paris, 2015, p. 57 et s. Ŕ Voir aussi L. FAVOREU, P. GAÏA et al., Droit constitutionnel, 7e éd., Dalloz, Coll.
Droit public-science politique, Paris, 2004, pp. 909.
34
J.-J. PLUCHART, « Vers un capitalisme post-moderne », in Magazine Panthéon Sorbonne, L’Art et le temps, n°20,
Université Paris 1, janv.-mars 2017, pp. 29-31.
35
M. DE SAINT PULGENT, op.cit., p. 3. « Définie strictement, l’économie numérique se compose de quelques secteurs
spécialisés tels que les télécommunications, l’édition des logiciels ou les sociétés des services et d’ingénieries informatiques
(SS21) ; mais elle se déploie aujourd’hui bien au-delà et tend à transformer la qualité des secteurs d’activité : industries
culturelles, presse, commerce et distribution, transport des personnes, services financiers… »
36
J.-J. PLUCHART, « Vers un capitalisme post-moderne », op.cit, pp. 29-31.
37
N. COUTINET, « Les technologies numériques et leur impact sur l’économie », in Cahiers Français, La société numérique,
n°372, La documentation française, Paris, janvier-février 2013, pp. 20 et s.
38
Ibidem, p. 23.
39
BANQUE MONDIALE, Les dividendes du numérique, Rapport sur le développement dans le monde 2016, Washington, avril
2016, pp. 1 et s. J. CATTAN, Le droit de l’accès aux communications électroniques, Coll. Droit de l’information et de la
communication, Univ. d’Aix-Marseille, PUAM, Aix-en-Provence, pp. 18 et s.
40
V.-L. BENABOU et J. ROCHFLED, op.cit, pp. 39 et s.
41
N. COUTINET, op.cit, p. 23.
42
V.-L. BENABOU et J. ROCHFLED, op.cit, p. 39.
43
Ibidem.
20

technologiques et de nouvelles tendances de l’économie 3.0, qui sont portées par les télécoms
et particulièrement les fonctionnalités du Web 2.0.44 En fait, « [a]u fur et à mesure que le
nombre d’utilisateurs de l’Internet augmente, l’utilisation de l’Internet a un impact réel dans
notre quotidien et sur nos modes de vie. […] Avec Internet, l’essor des réseaux d’information
est en train de créer le nouveau système nerveux de notre planète. Le monde change et la
société évolue et doit s’adapter au cyber univers ».45
11. Si l’émergence d’un « Droit 2.0 »46 se constate aujourd’hui, le préfixe « cyber-»
s’était déjà accolé au droit pour exprimer un « glissement des paradigmes » connus jusqu’ici :
il « émerge progressivement un paradigme concurrent, celui du droit en réseau, sans que
disparaissent pour autant des résidus importants »47 du droit commun. Les technologies de
l’information et de la communication (TIC) présentent de nouveaux enjeux pour le droit
devant régir l’économie inhérente à la « cybersociété ».48 Mais, si la révolution numérique a
impulsé une nouvelle économie, elle n’implique pas forcément la révolution du droit dans ses
fondements.49 Des réformes successives du cadre législatif et/ou simplement le « pragmatisme
juridique »50 marquent les points de passage, souvent intermédiaires, d’un ajustement des
institutions juridiques au regard des mutations que le droit s’impose à lui-même par rapport
aux [as]sauts du numérique. L’ère numérique marque un tournant décisif, non seulement pour
l’affirmation des droits et libertés des citoyens-internautes, mais aussi pour la matérialité du
Droit. L’économie numérique est en effet une des sources concrètes d’évolution de la norme
juridique.51 Plus globalement, l’économie numérique en tant qu’enjeu de droit, source du droit

44
J-J. PLUCHART, « Vers un capitalisme post-moderne », op.cit, p. 29-31. L’auteur, récipiendaire du prix Turgot 2017, décrit
l’existence de « l’économie 3.0 », celle se livrant au troc grâce à l’Internet et aux économies de péage. La plate-forme
numérique « Uber » n’a pas de voiture mais seulement un logiciel et gagne plus d’argent que les voituriers. Des activités
collaboratives dites 3.0 en réseaux sont perçues comme des pratiques trahissant une volonté de basculement vers un avenir
non-capitaliste du monde et une certaine nostalgie précapitaliste. L’économie numérique est non plus uniquement 2.0 mais
aussi 3.0. Les sites de covoiturage, de colocation, de coworking (travail collaboratif), de crowdfunding (mutualisation des
subventions) témoignent d’une « économie de partage » qui a cassé les schèmes de la possession individualiste. Ainsi, les
logiciels libres, les do-it-yourself on demand (fabrication individuelle sur manuel à la demande), le living labs (laboratoire de
production in vivo) et les wiki (encyclopédie à écriture mutualisée) démontrent la « production d’esprit mutualisée » grâce à
l’Internet. Dans les mêmes tendances, les partages des données sensibles, des résultats de découvertes ou des œuvres
créatives se déroulent sans être monétarisés. Cette économie 3.0 traduit les nouvelles règles du Net, avec des modèles conçus
par des nouvelles générations X et Y, dites des « natives numériques » selon Prensky.
45
M. QUÉMÉNER, Cybersociété entre espoirs et risques, L’Harmattan, Coll. Justice et démocratie, Paris, 2013, p. 9.
46
B. DONDERO, Droit 2.0, Apprendre et pratiquer le Droit au XXIe siècle, LGDJ., Lextenso-édition, Paris, pp. 512. L’auteur
souligne que « [l]e développement du numérique et de l’Internet joue bien sûr un rôle important, mais la manière dont
fonctionne aujourd’hui l’enseignement supérieur et la complexification du droit, sans oublier les nouvelles exigences des
clients des professionnels du droit, sont autant de phénomène qui transforment profondément la manière dont nous apprenons
le droit, la manière dont nous le pratiquons, et plus largement la manière dont nous le vivons. »
47
F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, Presses des facultés
universitaires, Saint-Louis, 2002, pp. 1-597.
48
M. QUÉMÉNER, Cybersociété entre espoirs et risques, op.cit, pp. 9 et s.
49
V. FAUCHOUX et P. DEPREZ, Le Droit de l’Internet : lois, contrats et usages, Lexis/Nexis, Litec, Paris, 2009, pp. 3-10.
Selon ces auteurs, l’automobile a été une révolution, mais il ne s’est pas fait suivre de la création du droit de l’automobile.
Internet de même ne le devrait pas logiquement.
50
L. DUGUIT, Le pragmatisme juridique, op.cit, pp. 131-133. Le sens à donner au pragmatisme juridique est aussi celui du
pragmatisme à l’américaine par le vecteur des « law and economics », traduit comme « loi et économie ». Il s’agit de l’idée
du droit rapproché des réalités de l’économie. Comme le souligne Léon Duguit, l’« homme a deux modes de connaissances :
la connaissance des faits matériels sur lesquels repose l’action de ses sens et la connaissance des concepts. Depuis que
l’homme a commencé à réfléchir, il s’est demandé si ces deux ordres de connaissances correspondent à la réalité. […] le
pragmatisme est une situation intermédiaire entre l’intellectualisme et le phénoménisme positiviste […] : "la vérité d’une
affirmation se juge à la valeur de ses conséquences". Cette doctrine pragmatiste […] a aussi été adoptée par des juristes
modernes, tout spécialement par Saleilles, Gény et Michoud ».
51
G. CORNU, Vocabulaire juridique, 11e éd., PUF/Quadrige, Paris, 2016 (1987), p. 980. Verbo « Source du Droit » : le terme
équivaut aux « forces d’où surgit le Droit (objectif) ; ce qui l’engendre. Ensembles des données morales, économiques,
sociales, politiques, etc. qui suscitent l’évolution du Droit, considérations de base, causes historiques, "forces créatrices" (G.
Ripert), sources brutes dites réelles que captent et filtrent les sciences auxiliaires de la législation pour alimenter la politique
législative ».
21

et creuset des droits, devrait donc finalement rester soumise au Droit, tant il est vrai que la
technologie à sa base demeure encore (et toujours !52) un instrument au service de l’homme.
12. Il est évident que le droit transcende le fonctionnement de l’« économie du Net » ou
« Net économie », puisqu’il en fait l’objet d’un « corpus juris » approprié. Ainsi, le cadre
juridique se remodèle, à l’épreuve de la révolution technologique de notre temps. Des
qualifications nouvelles, des régimes adaptés ou des ajustements réglementaires répondent
aux défis que l’économie numérique impose à l’ordre normatif et à la vie des États-nations.
C’est un mouvement réformateur pour le droit objectif et refondateur tant pour les politiques
publiques que pour les droits subjectifs. Nous avons choisi d’appeler ces mutations du droit la
« transition juridique ». La technologique électronique et les marchés présentent une réelle
dynamique des changements qui suscitent incontestablement des « transformations générales
du droit ».53 Les activités économiques de la révolution numérique influent sur le droit dans
ses branches, dans son contenu ou dans sa logique. Le droit de l’économie numérique doit
désormais couvrir des aspects précis des services de la société de l’information. Une
réorganisation des sources est ainsi nécessaire afin d’encadrer les usages protéiformes des
potentialités des télécoms.
13. Les sources formelles doivent être associées pour répondre aux multiples défis
juridiques liés à l’économie de l’Internet. Contrairement au mythe du vide juridique dans le
cyberespace, l’État doit orchestrer la pluri-normativité de ses règles prescriptives, malgré les
poly-centres des règles efficientes, techniques et déontologiques, produites par des internautes
ou des groupements non-étatiques.54 Le droit de l’Internet « est [lui-même] le droit "de tout".
[…] Face à [sa] dispersion et diversité [des sources], le constat devrait être qu’il ne saurait y
avoir de "droit de l’Internet". Pourtant, l’adaptation des règles de droit commun et surtout la
prolifération de règles spécifiques montrent que le droit de l’Internet est une réalité. Ce droit
n’en est plus au stade de l’émergence depuis [plus de] dix ans tant pour le législateur que pour
les juges ».55 L’Internet est le support et le véhicule de l’économie numérique. Par
conséquent, les adaptations des règles juridiques tiennent compte des spécificités des
communications électroniques sans changer radicalement l’ensemble de l’ordre juridique.
Néanmoins, certaines réformes peuvent aboutir à un bouleversement plus profond des
institutions juridiques classiques, sous la pression des phénomènes sociétaux d’une économie
adossée au cyberespace transfrontière. C’est ainsi que notre thèse tient compte de la double
dynamique créative et évolutive du (des) droit(s) face à l’économie numérique en considérant
les technologies électroniques comme le « moteur de la règlementation ».56

52
A. BENSOUSSAN et J. BENSOUSSAN, Droits des robots, Larcier, Minilex, coll. Lexing Technologies avancées, Bruxelles,
2015, pp. 10-11. La problématique des auteurs est de cerner les enjeux de l’activité robotique, notamment l’essor de la
robotique des services. Ils se posent la question si elle doit s’autoréguler ou s’il faut créer un cadre juridique approprié.
53
L. DUGUIT, Les transformations générales du droit privé depuis le Code Napoléon, éd. la Mémoire du Droit (Librairie
Félix Alcan), 2e éd. revue, 2e tirage, Paris, 2008 (1920), pp. 1-205.
54
L. BELLI, De la gouvernance à la régulation de l’Internet, éd. Berger Levrault, coll. « Au fil des études, les thèmes », Paris,
2016, p. 9. La gouvernance technique de l’Internet peut être transposée dans l’élaboration de modèles réglementaires pouvant
être adoptés par les législateurs et les régulateurs nationaux ou pouvant inspirer ces derniers, en vertu de leur efficacité.
55
C. CASTETS-RENARD, Droit de l’Internet, Montchrestien/Lextenso éd., Coll. cours LMD, 2010, Paris, pp. 141 et s. « S’il est
rattaché au droit de la communication pour ses modalités de mise en œuvre, il véhicule un contenu susceptible de concerner
toutes les branches du droit : droits des données personnelles, droits des contrats, de consommation, de la concurrence, de la
responsabilité, droit de la propriété intellectuelle, droit pénal, droit international privé… Quant au procédé, l’Internet s’insère
dans le droit de la communication et des médias. »
56
Cf. aussi J. CATTAN, op.cit., p. 20. L’auteur qualifie l’« innovation [de] moteur de la réglementation » en termes de
principes et de définitions du droit de l’accès aux communications électroniques.
22

§2. Les nécessités et les schèmes des transformations du droit international


et des droits comparés de l’économie numérique
14. Pour autant, la transition juridique est une nécessité de repositionnement du cadre
légal suivant les évolutions du secteur électronique et des activités en ligne. Les
transformations du droit traitent des enjeux de réglementation et de régulation afin d’organiser
le régime approprié à la nouvelle économie de l’Internet. Plusieurs sources interviennent dans
l’économie numérique dont le « curseur » des enjeux franchit différentes branches de la suma
divisio du droit.57 Vu la nécessité de fournir des réponses globales à l’étendue des défis du
numérique, il est certain que « [l]es sources du droit de l’Internet sont donc multiples et se
trouvent dans toutes les branches du droit, en droit national, communautaire et parfois
international ».58 La complémentarité des régimes de l’économie numérique confirme que
« les disciplines juridiques n’ont jamais de frontières tracées au cordeau ».59 Les défis du
numérique sont de ceux « qui transcendent les divisions traditionnelles » du droit.60 Tout en
mettant à contribution « la nature des règles » fondant les catégorisations classiques du droit,
l’Internet et ses activités économiques sont sources d’enjeux interpellant davantage « la
fonction de la règle juridique ».61
15. Par rapport aux particularités de l’économie numérique, la législation connait des
mises à jour fréquentes : comme source principale du droit en adoptant quelques fois des
logiques de « changements de paradigmes ».62 De ce point de vue, Léon Duguit est « de ceux
qui pensent [et nous aussi] que le droit est beaucoup moins l’œuvre du législateur que le
produit constant et spontané des faits. Les lois positives, les codes peuvent subsister intacts
dans leurs textes rigides : peu importe ; par la force des choses, sous la pression des faits, des
besoins, se forment constamment des institutions juridiques nouvelles ».63 Les réformes de
certaines institutions juridiques64 s’avèrent nécessaires pour accompagner, orienter et encadrer
le marché électronique ainsi que l’activité économique en ligne, car l’un et l’autre sont inclus
dans une « véritable révolution dans le domaine des technologies ».65 En Europe et en France,
des objets particuliers de droit ont été définis au regard des enjeux des technologies de
l’information et de la communication. En ce sens, leurs expériences législatives constituent
des cadres de référence pour des droits étrangers, précisément pour le droit comparé
congolais. Effectivement, les droits européens et français ont progressivement [ré]organisé
l’autorité de leurs ordres politiques au sein du marché intérieur de la communauté et ensuite

57
J. CARBONNIER, Droit civil, introduction, 8e éd., PUF, 1969, p. 47. Il est reconnu que « Tout droit se divise en deux parties :
droit public et droit privé. Le droit public a pour objet l’organisation de l’État et des personnes morales qui en dépendent,
ainsi que leurs rapports avec les particuliers […] Le droit privé a pour objet les rapport des particuliers (personnes privées)
entre eux ».
58
C. CASTETS-RENARD, op.cit, pp. 141.
59
J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation, Dalloz, 9e éd., Coll. Précis Droit privé, Paris, pp. 16 et 18.
60
Ibidem, p. 15.
61
Ibid.
62
J.-M. SAUVE, op.cit, p.15. L’auteur rappelle que « [l]e changement de paradigme ne saurait être présenté, d’une manière
offensive ».
63
L. DUGUIT, Les transformations générales du droit privé depuis le Code Napoléon, …op.cit., p. 3.
64
Ibidem. Au sens de Léon Duguit, nous préférons employer les termes « institution juridique » comme synonyme de
« paradigme » pour signifier ce que le droit a établi pour régir des espèces à sa portée selon la nature de ses règles ou selon la
fonction de celles-ci. Par exemple, le « contrat » est l’institution du droit civil qui est source d’obligations librement
consenties par des parties. En droit commercial, l’acte de commerce est l’institution fondant le critère objectif de la
commercialité d’une personne qui en fait profession ou non. En droit pénal, « crime », « délit » et « contravention » sont des
institutions qui déterminent les régimes des sanctions et la compétence judiciaire, en marquant la réaction de la société contre
des faits préalablement incriminés et donnant lieu à des poursuites dans les formes de la loi. Internet opère un changement
de paradigmes juridiques classiques. Dans les trois cas ci-retenus, Internet a laissé apparaître des paradigmes particuliers en
termes d’institutions juridiques nouvelles, à savoir : le contrat électronique, le commerce en ligne et la cybersécurité contre
les cybercrimes.
65
F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, op.cit., pp. 1-597.
23

de l’Union européenne. Leurs réformes de ces trente dernières années restent toujours axées
sur les phases (r)évolutionnaires des télécoms de base jusqu’à l’ascension de l’Internet et à
l’essor des activités numériques.66
16. Cependant, si l’économie numérique est globalisée, des décalages subsistent dans les
temps et les niveaux législatifs entre marchés européens et africains. C’est l’« enchainement
des parties du globe »67 qui a étendu au-delà de son marché intérieur la « géographie
juridique »68 de l’Europe, telle que pensée par elle et pour elle. La multinationalisation des
infomédiaires a induit, pour l’Afrique, les enjeux de transition juridique du même ordre qu’en
Europe, transbordés par la neutralité des réseaux numériques.69 Selon Mireille Delmas-Marty,
« la clôture des systèmes de droit est devenue illusoire à l’heure où la mondialisation multiplie
les interdépendances, mais sans adhérer pour autant à l’utopie de l’unité juridique du monde
au nom d’une sorte de pluralisme de fusion. Rien ne garantit le résultat mais les pratiques
montrent déjà la possibilité de relier par de multiples interactions, judiciaires et normatives,
spontanées et imposées, directes et indirectes, des systèmes, ou plus largement des ensembles
juridiques (nationaux ou internationaux), que l’histoire avait séparés et qui rejettent une fusion
synonyme d’hégémonie ».70 Aussi, les politiques législatives de l’Europe et de ses États
membres ont-elles construit un système de marché électronique intérieur, tout en influençant
d’autres marchés et d’autres ordres juridiques dans la société mondiale de l’information.71
17. En somme, depuis l’invention du télégraphe au XVIIIe siècle jusqu’à l’Internet des
XX-XXIe siècles, l’Europe et la France ont toujours refondé la structure de leurs systèmes
juridiques.72 Leurs institutions politiques ont légiféré graduellement les aspects inhérents aux
progrès technologiques. « Dans cette dernière situation, le droit devra se développer dans un
sens permettant d’assurer l’existence de certaines valeurs dans la communauté
sociopolitique ».73 La communautarisation a permis une harmonisation des règles de marché
entre États européens, tandis que l’Afrique n’a pas assuré la coordination de ses systèmes
nationaux. La RDC s’est ouverte à l’économie numérique, sans préparation suffisante de son
cadre juridique. Les degrés de réalisation des réformes diffèrent entre les ordres juridiques
français et congolais. Par conséquent, les phénomènes économiques de l’Internet aboutissent à
des confrontations des droits et des valeurs sous-jacentes entre États dans la société
numérique planétaire. En se basant sur la méthode comparatiste du droit, notre thèse ne se
limite pas à un catalogue des problématiques juridiques de l’économie numérique entre les
ordres européens et congolais. Elle évite le risque d’un simple mimétisme qui prendrait la

66
F. BENHAMOU, « L’irrésistible ascension de l’Internet », in Cahier français, La société numérique, n°372, op.cit., pp. 2-7.
67
PH. MOREAU DEFARGES, La mondialisation, op.cit, p. 5.
68
N. MALLET-POUJOL, « Le droit de l’Internet à l’épreuve de la mondialisation », Cahier français, La société numérique,
n°372, La documentation française, Paris, 2013, pp. 12-17, spéc., p. 12.
69
V. SCHAEFER, H. CROSNER et al. La neutralité de l’Internet un enjeu de communication, CNRS éditions, Coll. Les
essentiels d’Hermès, Paris, 2011, p. 11. La neutralité porte sur des fondements du réseau tant au plan technique qu’au niveau
des imaginaires sociaux. Selon Tim Wu, professeur à la Columbia Law School, dans ses travaux en 2003, la neutralité
« touche à la manière dont les paquets de données circulent dans les réseaux et au maintien du principe selon lequel ces
paquets d’information, quels qu’en soient la source et le destinataire, sont traités de façon égale ».
70
M. DELMAS-MARTY, « Le pluralisme ordonné et les interactions entre ensembles juridiques », conférence présentée le 26
janvier 2006, Université Bordeaux IV, sur l’invitation de M.-C. Ponthoreau, en référence à M. DELMAS-MARTY, Les forces
imaginantes du droit (II), Le pluralisme ordonné, Seuil, 2006, [http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/article_Dalloz.pdf] (consulté le
22 novembre 2012).
71
Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des
services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le
commerce électronique »), JOCE n°178, 17 juillet 2000, pp. 0001-0016.
72
O. MORÉTEAU et J. VADERLINDEN, La structure des systèmes juridiques, op.cit, p. 19.
73
Ibidem, pp. 17-19.
24

forme d’un « copier-coller » des dispositions légales françaises, dans le contexte de la RDC.
Nous procédons à des analyses exploratoires et à des recherches opérationnelles en droit
international, en droit européen, en droit français et en droit congolais pour analyser et
apprécier leurs régimes tels qu’adoptés face aux défis de l’économie numérique. De la sorte,
notre thèse entend modéliser des solutions de droit comparé, dans le but de proposer des
améliorations et des innovations appropriées au droit positif congolais.
18. Il est indéniable que les techniques de communications ont un impact sur l’économie,
dans la société et (donc) sur le droit. La réorganisation du cadre juridique congolais devient
nécessaire à l’ère numérique, afin de disposer d’un droit de l’économie numérique à la
lumière des expériences comparées qui sont plus en avance. À cet effet, l’Europe et la France
présentent des systèmes de protection juridique des plus élevés. Les développements de notre
thèse justifient les choix comparatistes autour des transformations du droit, en ce que « [l]e
phénomène est général […] dans tous les pays parvenus à un même degré de civilisation.
Mais il apparaît en France avec une intensité particulière. Notre pays [la France] jouit du
privilège redoutable d’être toujours à l’avant-garde dans l’évolution générale des institutions
et des idées ; il ouvre la voie par laquelle les autres passent ensuite. Aussi est-ce en France
qu’il convient d’étudier la transformation profonde qui s’accomplit dans le droit public »74 et
dans le droit privé.75 Le rapprochement des systèmes économiques et juridiques est un aspect
indispensable de mise en œuvre du Livre vert sur l’avenir des relations entre l’Union
européenne et les pays d’Afrique particulièrement, tel que publié en novembre 1996.76 Suite
aux défis et options du nouveau millénaire, l’accord de partenariat ACP-UE, signé en 2000 à
Cotonou (Bénin), encourage le dialogue partenarial entre États africains et européens. 77
L’accord, révisé à Luxembourg en 2005, veut assurer la cohérence des objectifs de
développement et d’intégration progressive des États « ACP-UE » dans l’économie
mondiale.78 Plus clairement, le parlement européen et le conseil considèrent que « [c]ompte
tenu de la dimension mondiale du service électronique, il convient toutefois d’assurer la
cohérence des règles communautaires avec les règles internationales […] sans préjudice des
résultats de discussions en cours dans les organisations internationales (entre autres, OMC,
OCDE, CNUDCI) ».79 Les institutions internationales sont appelées à jouer un rôle
incontournable dans l’action publique de l’économie mondiale, conduisant à mettre en
évidence le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM), l’Union
internationale des télécommunications (UIT), ainsi que diverses structures de négociations ou
des cadres multilatéraux de concertation, en particulier l’OMC et les groupes de régulateurs.80
Mais, d’importantes disparités juridiques persistent entre les marchés européens et congolais

74
L. DUGUIT, Les transformations du droit public, (Librairie Arman Colin) éd. la Mémoire du Droit, Paris, (1913) 1999, pp.
X-XI.
75
L. DUGUIT, Les transformations générales du droit privé depuis le Code Napoléon, …op.cit., pp. 1-205.
76
Commission européenne, Livre vert sur les relations entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des caraïbes et du
Pacifique (ACP) à l’aube du 21e siècle – Défis et options pour un nouveau partenariat, 21 nombre 2016, COM(96)0570 Ŕ
C4-0639/96, [Courrier (Bruxelles), 1997-03/04, n°162, p. 7-31].
77
Commission européenne, Accord de partenariat ACP-CE, signé à Cotonou le 23 juin 2000, révisé à Luxembourg le 25 juin
2005, Coll. développement, Office des publications officielles des CE, Luxembourg, 2006, pp.1-218 Ŕ Addendum, Acte final,
pp. 1-50.
78
G. BAKANDEJA WA MPUNGU, Le Droit du commerce international. Les peurs justifiées de l’Afrique face à la
mondialisation des marchés, De Boeck université, Coll. Droit/Économie, Bruxelles, 2001, pp. 88-90.En appui d’une telle
inspiration, l’Accord de partenariat Afrique ACP-UE a été le fruit d’intenses discussions entreprises depuis 1996, pour
partenariat est axé sur le développement économique, social et humain ainsi que l’intégration et la coopération régionale. Il
fonde la détermination des États-parties de réduire et, à terme, d’enrayer la pauvreté.
79
Considérant n°58, directive 2000/31/CE, préc.
80
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, Droit public économique, 8e éd., LGDJ, Coll. « manuel », Paris, 2016, p. 573.
25

des télécoms, malgré les efforts de lois-types avec la CNUDCI81 ou encore des processus
analogues de dérégulation réalisés dans ce domaine au sein de l’OMC depuis 1994-1997.82
19. À l’origine de l’Internet, les télécoms relevaient du régime des services publics de
droit administratif,83 avant qu’elles n’intègrent les régimes libéraux de l’économie des
marchés. Les mesures de libéralisation s’inscrivent dans « la mode de la modernisation
administrative » ou encore dans les fondements de la « réforme administrative de l’État »,84
en vue de réguler l’ouverture des marchés des télécoms autrefois monopolistiques.85 La
« déréglementation » ou « dérégulation » désigne la réforme des règles et des institutions
traditionnelles du droit public, ayant transformé les monopoles réglementaires en un système
de marché libéralisé, placé sous l’autorité d’un régulateur étatique.86 En 1970-1980, les États-
Unis ont été le précurseur de la dérégulation des télécoms avant qu’en Europe, le droit
communautaire adopte la même politique pour son marché intérieur.87 En Afrique et en RDC,
les accords de l’OMC de 1994 et 1997 ont servi de « passerelle multilatérale »88 pour
appliquer le même schéma de reconfiguration de l’intervention publique dans les marchés
électroniques libéralisés.89 Ainsi, la démonopolisation a entrainé le développement des
marchés numériques, tandis que la mondialisation et la globalisation ont porté à l’échelon
planétaire le principal objectif européen de diffusion des technologies à travers le jeu de
marché.90 En d’autres termes, l’internationalisation des réseaux électroniques a donné une
nouvelle ampleur au phénomène déjà ancien d’accélération des échanges économiques entre
États, d’autant mieux que les télécoms renforcent l’abaissement des frontières et contribuent à
l’accélération des échanges.91 Par ailleurs, l’économie numérique relève d’« un phénomène
radicalement nouveau, celui des échanges économiques sans aucune contrainte des temps et
des lieux, portant sur des biens sans corporalité puisqu’il s’agit d’informations ».92

81
É. A. CAPRIOLI, Droit international de l’économie numérique, les problèmes juridiques liés à l’internationalisation de
l’économie numérique, 2è éd., LexisNexis, Litec, coll. Pratique pro, 2007, pp. 81-85, 87-90, 91 et s. La CNUDCI a adopté sa
loi-type sur le commerce électronique le 12 juin 1996 et celle sur les signatures électroniques le 5 juillet 2001. L’assemblée
générale de la CNUDCI a adopté le 23 novembre 2005 la convention des Nations unies sur l’utilisation des communications
électroniques dans les contrats internationaux
82
C. GUERRIER, « Droit international et des pays étrangers : Droit et accords de l’OMC dans le domaine des
télécommunications : la problématique africaine », Droit de l’informatique et des télécoms, revue trimestrielle, 16e année,
Paris, 1999/1, pp. 92-97.
83
G. JÈZE, Les principes généraux du droit administratif, La notion de service public, les individus au service public, le statut
des agents publics, Dalloz, 3e éd., Paris, 2004, pp. 24 et s. P. AVRIL et J. GICQUEL, Lexique de droit constitutionnel, PUF, 4e
éd., PUF, Coll. « Que sais-je ? », Paris, 2014 (2003), p. 114. J. CHEVALLIER, Le service public, 10e éd., PUF, coll. « Que sais-
je ? », n°2359, Paris, 2015 (1987), p. 5. Les auteurs confirment que le service public est une activité d’intérêt général assurée
par les pouvoirs publics, pouvant faire l’objet d’une délégation à une personne privée. Cette notion apparaît en France
comme la pièce maitresse de la clé de voûte de la construction étatique. C’est elle qui permet de clôturer l’espace étatique sur
lui-même, en traçant une ligne ferme de démarcation entre public et privé, mais aussi d’intégrer les différents éléments de la
théorie de l’État ».
84
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, pp.198 et s.
85
Ibidem, pp. 472-475 et s.
86
Ibid.
87
M-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation, 1re éd., PUF, coll. « Que sais-je ? », 2011, pp. 67-69 et p.114-
115. Verbo : « Europe » et « Régulation ».
88
J. DO-NASCIMENTO, « La déréglementation du marché africain des télécommunications », in J.-J. GABAS (sous la dir.),
Société numérique et développement de l’Afrique, usage et politiques publiques, éd. Karthala, Paris, 2004, p. 123.
89
C. GUERRIER, op.cit, pp. 95-96.
90
J. CATTAN, op.cit, p. 19. Pour l’Europe, la diffusion des techniques de communications est l’objectif des réformes
politiques et juridiques pour insérer les télécoms dans l’économie de marché.
91
M.-A FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation, op.cit, pp. 75-76. Verbo : « mondialisation ».
92
Ibidem, pp. 93-94. Verbo : « globalisation » :
26

20. Actuellement, la révolution numérique est une réalité pour tous les États africains,93
depuis leur ouverture dans la décennie 1990 à l’économie des marchés et aux progrès
technologiques tant pour des causes économiques que juridiques. Ces causes ont été : les
poussées de la mondialisation des marchés étrangers et la régulation internationale de
l’économie. Le reste du monde a adopté en 1994 le modèle occidental de l’économie
néolibérale, tel que diffusé sous l’égide de l’OMC.94 Pour le domaine des télécoms, les États
du monde ont conclu un accord spécifique, consacré à ses services de base, à l’exception des
services à valeur ajoutée.95 C’est ainsi que le 4e protocole fut annexé le 15 février 1997 à
l’accord général sur le commerce des services (AGCS/OMC de 1994). Mais, en réalité c’est
par « mimétisme contraint »96 que finalement la RDC en 2002s’engage dans la tendance
générale de dérégulation des marchés des télécoms. Auparavant, l’ex-Zaïre (d’avant 199797)
faisait partie de ces grands États africains, comme le Nigéria et le Maroc, qui n’avaient pas
ratifié le protocole de l’OMC ou étaient restés en marge du processus.98
21. Ainsi sur le marché électronique en RDC, les « nouveaux entrants »99 ont précédé
depuis 1989 non seulement le cadre juridique de libéralisation décrétée en 2002, mais aussi le
fonctionnement des institutions étatiques appropriées. Une telle avance des techniques et du
marché sur les règles du jeu motive et complexifie davantage les réformes à mener pour
adapter la réglementation et la régulation au regard de l’économie numérique congolaise. Le
but est d’organiser une société de l’information à la fois démocratique (ouverte à tous) et non-
anomique (soumise au droit). « Sans idéalisme excessif », c’est là que le droit trouve « sinon
sa seule fonction, du moins sa principale » dans la « vie en société ».100 En exprimant la
souveraineté par le droit, tout en limitant les « abus de puissance » et « en protégeant les
93
ALINDAOU (Consulting international), La révolution numérique en Afrique : le saut qualitatif pour fournir les biens et
services, Étude présentée au Forum Forbes Afrique, Brazzaville, juillet 2015, pp. 45. Ces études publiées par Forbes Afrique
en 2015 attestent des taux d’utilisation des TIC en hausse sur le continent. En 2013, la téléphonie cellulaire enregistrait
617.279.080 personnes, dont nombreux utilisent une connexion Internet via des modes d’accès mobiles : USB data Internet,
box ou bornes wifi. Des réseaux nationaux à fibre optique sont installés. Mais, c’est surtout la téléphonie mobile 3G et 4G qui
assure les connexions pour une moyenne de 70% de la population africaine à l’Internet. L’Afrique compte 167 millions
d’utilisateurs d’Internet (sur les 3 milliards dans le monde). 160 opérateurs mobiles composent son « paysage télécom », soit
une moyenne de 3 opérateurs par pays. La contribution des TIC au PIB est estimée à 18 milliards de dollars américains.
Cependant, le taux d’accès à l’Internet haut débit reste encore faible en Afrique : seulement 2 pays africains dépassent le seuil
des 50% (Maroc et Seychelles). Ils sont suivis de l’Afrique du Sud, de l’Île Maurice, du Kenya et Nigéria, qui enregistrent
des taux compris entre 38 et 50%. Treize pays ont des taux compris entre 10 et 20% et le reste (dix-huit pays) comptent
moins de 10% de leur population ayant accès à Internet. Les études de Forbes Afrique citent également d’autres indicateurs
du secteur africain des télécoms. La téléphonie mobile est un marché qui produit 7% des recettes fiscales totales de l’Afrique
subsaharienne, soit près de 71 milliards de dollars entre 2000 et 2012, selon le rapport spécialisé de « Bearing point ». Pour
GSMA, « la croissance [de ce] secteur […] a eu un impact direct de 32 milliards USD, incluant le paiement de 12 milliards
USD de taxes et a généré environ 4,4% du PIB de la région (en incluant les effets de la technologie mobile sur le productivité
du travail) créant plus de 3,5 millions d’emplois temps plein (ETP) ».
94
C. GUERRIER, op.cit, pp. 92 et s. Il est à noter que « [l]es principales puissances, les États-Unis d’Amérique, Japon, Union
Européenne, avaient des intérêts divergents, qu’il fut nécessaire [de surmonter] pour parvenir à un compromis. Le 15 février
1997, soixante-neuf gouvernements, correspondant à plus de 90% des recettes induites par les télécommunications en 1996,
se sont engagés à appliquer [l’accord spécifique de l’OMC sur les télécoms] ».
95
Ibidem. Sous le couvert de cet accord spécifique de l’OMC, les services dits « télécoms de base » sont : la téléphonie
vocale, la transmission de données, le télex, le télégraphe, la télécopie, les services de circuits loués privés, les systèmes et
services par satellites, la téléphonie cellulaire, les services mobiles pour données, la radio-recherche, les systèmes de
communications personnelles.
96
J. Do-NASCIMENTO, op.cit, p. 140.
97
Avant la date du 17 mai 1997, la République Démocratique du Congo s’appelait le Zaïre qui fut sa dénomination au
moment des accords de l’OMC de 1994 et 1997.
98
C. GUERRIER, op.cit, p. 93. Les États ayant ratifié le 4e protocole de l’OMC en 1997 sont les suivants : deux pays du
Maghreb : le Maroc, la Tunisie ; parmi les nations d’Afrique noire : en Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le
Ghana, et en Afrique australe, l’Afrique du Sud.
99
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la Régulation, PUF, coll. « Que sais-je ? », Paris, 2011, p. 100. Verbo « nouvel
entrant ». Ce terme désigne un opérateur extérieur au secteur ou au marché mais qui vient d’y entrer.
100
J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, op.cit., p. 19-20.
27

faibles, la loi tend à organiser une société pacifique ».101 Même si les forces économiques et la
réglementation s’influencent mutuellement, l’encadrement juridique est la meilleure garantie
pour réguler le sens « réversif » des évolutions sociétales de l’économie numérique.102
22. Par conséquent, notre thèse analyse les expériences d’ajustements des règles
étatiques par rapport à l’économie numérique. Nous effectuons une mise en rapport des
similitudes, divergences et particularités des droits dans leurs mutations, au regard des progrès
technologiques. En nous basant sur l’objet identique des télécoms jusqu’à leurs activités en
ligne, l’approche de droit comparé a pour « objectif d’améliorer le dialogue portant sur le
droit dans la mesure où celui-ci devrait réaliser la validation du droit [à adopter ici ou ailleurs]
à travers un processus établissant que chacun des éléments, les faits, les valeurs et l’action, est
établi de manière convaincante ». 103 Le dynamisme du marché électronique et l’innovation
technologique peuvent placer le droit « dans un état d’instabilité quant à ses convictions » :
des défis nouveaux amènent à « remettre en question » certaines institutions juridiques.104 Les
systèmes juridiques se rapprochent « sans se laisser influencer par un quelconque tabou. En
ces sens, la démarche proposée peut s’apparenter au post-modernisme ».105
23. Analyser les évolutions des sources du droit dans le temps est un volet suffisant de
droit comparé ; rapprocher plusieurs droits étrangers est un autre apport majeur de la méthode
comparatiste. Les législations nationales présentent des facteurs de différenciation entre eux,
mais aussi des objectifs de changements similaires. Les convergences et les divergences à
dégager d’un ordre juridique à un autre permettent une synthèse de propositions pratiques et
théoriques en fonction des besoins d’efficacité juridique en RDC. Sans se confondre au droit
international ni l’ignorer, le droit comparé est propice pour apprécier l’état des législations
nationales face à l’économie numérique, surtout au regard de son caractère transfrontière.106
La globalisation des échanges numériques laisse fondamentalement « entendre l’altérité ».107
Par conséquent, « [l]’intervention comparative répond à une recherche du comparatiste à
l’affût d’un sens à donner à son itinéraire professionnel non seulement par rapport à la culture
juridique locale, mais eu égard au champ des études comparatives dans lequel il choisit de
s’inscrire, où il se situe relativement à ses prédécesseurs, aux recherches que ceux-ci ont
menées et aux enseignements qu’ils ont préconisés ».108
24. Dès lors, les facteurs de législation européenne et française servent de base de
comparaison sur la façon dont le droit congolais appréhende l’économie numérique. Le
« temps législatif » Ŕ dû à la démarche processuelle des institutions politiques Ŕ contraste avec
le « temps des réseaux » numériques, dont la vitesse d’évolution apporte une accélération aux
transformations sociales de notre ère.109 Aussi, un temps propre au droit participe-t-il de sa
« force instituante » afin de réaliser la construction sociale, à travers la fiction opératoire de la
« temporalisation ».110 En effet, les règles et institutions juridiques répondent d’une

101
Ibidem, pp. 19-20.
102
P. TORT, L’effet Darwin, éd. du Seuil, Paris, 2008, cité par J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, op.cit., p. 19. Après un ordre
empirique de sélection naturelle, il apparait progressivement la civilisation, qui organise au contraire la protection des faibles.
C’est l’effet réversif de l’évolution.
103
O. MORÉTEAU et J. VADERLINDEN, op.cit, p. 19.
104
Ibidem.
105
Ibid.
106
A. CAPRIOLI, op.cit, pp. 1 et 5.
107
P. LEGRAND, Le droit comparé, PUF, coll. « Que sais-je ? », Paris, 1999, pp. 50 et s.
108
Ibidem, p. 50
109
M. ROQUES-BONNET, Le droit peut-il ignorer la révolution numérique ?, éd. Michalon, Paris, 2010, p. 15 et s.
110
F. OST, Le temps du droit, éd. Odile, Jacob, Paris, 1999, pp. 4 et s.
28

temporalité sociale : « le législateur qui veut opérer de grands changements doit s’allier, pour
ainsi dire, avec le temps, ce véritable auxiliaire de tous les changements utiles… ».111 Le
temps imprègne l’évolution des techniques, le développement des marchés et également la
production du droit. Et pourtant, « [c]e n’est pas la même chose de changer une technique et
une loi ; la loi, en effet, pour se faire obéir n’a d’autre force que l’habitude, laquelle se
manifeste qu’après beaucoup de temps, de telles sorte que passer facilement des lois
existantes à d’autres lois nouvelles, c’est affaiblir la puissance de la loi ».112 Par conséquent,
l’historicité des phénomènes technologiques majeurs empreint notre étude juridique afin de
situer la comparaison des expériences du droit de l’économie numérique entre la France et la
RDC.
25. Le droit comparé doit apporter son normativisme et son instrumentalisme, afin
d’enrichir l’adaptation des normes étatiques congolaises. En appui de 17 contributions
nationales différentes, le rapport général de l’Académie internationale de droit comparé a
élaboré la théorie générale de la structuration des systèmes juridiques. 113 Dans une triple
dimension explicative, la théorie du droit a retenu en dernier lieu l’appréhension juridique des
faits, en plus du normativisme et de l’instrumentalisme du droit. Notre thèse adopte une
« approche phénoménologique »114 qui suscite trois formes possibles d’appréciation des faits
technologiques et économiques appréhendés dans le champ du droit. C’est ainsi qu’à l’égard
de certains faits nouveaux de l’économie numérique, le droit peut rester indifférent en
adoptant une « attitude de neutralité ».115 De même, en fonction de la pertinence de certains
autres, le droit peut leur réserver, selon son entendement, une « assertion normative » s’ils
sont bons ou une sanction s’il les répute « mauvais ».116
26. Toujours est-il que « [l]a transformation numérique est une transformation technique
et elle appelle désormais une transformation juridique qui doit être conduite, conformément
au principe de subsidiarité, à l’échelle nationale et européenne ».117 Les institutions et les
États de l’Union européenne réajustent périodiquement leur cadre réglementaire pour
atteindre des objectifs pratiques, au regard des transformations numériques du marché et de
l’économie. L’utilitarisme juridique Ŕ qui irrigue toujours le travail législatif Ŕ « n’a du reste
rien de fortuit. [...] L’homme, qui construit rationnellement son environnement politique et les
règles auxquelles il s’assujettit, ne peut le faire qu’en vue de ce qu’il sait être avantageux ».118
Les objectifs législatifs européens et français sont à comparer avec ceux de la RDC à travers
les ajustements de leurs cadres juridiques. Les éléments de comparaison découlent des aspects
des changements d’institutions juridiques par rapport aux enjeux de l’économie numérique.
Au niveau européen, les acquis communautaires sont marqués pas les objectifs législatifs
mettant en lumière les apports des transpositions françaises. Le secteur des télécoms connaît
en RDC la même transition numérique qu’en France et partage les mêmes objectifs politiques.

111
M. BENTHAM, De l’influence des temps et des lieux en matière de législation, Œuvres, éd. E. Dumont, Bruxelles, Coster,
1829, t. I, p. 194.
112
ARISTOTE, Politique, Livre II, trad. par J. Aubonnet et M.-L. Desclos, éd. Les belles lettres, Paris, 1998, p. 63.
113
O. MORÉTEAU et J. VADERLINDEN, op.cit, pp. 17-85. En résumé, « Les Institutions comme les mentalités évoluent. Les
structures dans lesquelles leur expression se moule sont, dans nombre de systèmes, presqu’éternelles. En tout cas, en ce qui
concerne les structures externes. En effet, divers phénomènes contemporains […] conduisent au développement accéléré de
structures internes fondamentales dont les formulations fort semblables en apparence se révèlent, à l’examen, propres à
chaque système ».
114
Ibidem, p. 62.
115
Ibid., p. 19.
116
Ibid.
117
J.-M. SAUVÉ, op.cit, p. 9.
118
ÉPICURE, « Maximes », in V. GOLDSHMIDT, La doctrine d’Épicure et le droit, éd. Vrin, 1977, p. 19-21.
29

Toutefois, le droit congolais se singularise quant au niveau de réalisation du processus des


réformes, quant aux résultats sur le marché et quant à la qualité des solutions de droit.
27. Suivant la méthode de droit comparé, notre thèse s’appuie sur le temps législatif
comme marqueur des transformations de l’économie et du droit sous le sceau des technologies
de l’information.119 Nous structurons donc notre analyse autour de deux grandes mutations du
marché électronique. D’abord, le processus de dérégulation qui s’est opéré en Europe a
permis « la modélisation des marchés des télécommunications ».120 La RDC a adopté les
mêmes politiques législatives résultant de la dérégulation mondiale des services publics des
télécoms. En démantelant leurs monopoles, les transformations du droit sont parvenues à
l’instauration du jeu de la concurrence, sans laquelle le développement des techniques et des
marchés n’aurait pas été possible, ni l’économie numérique. C’est par la suite que les défis
juridiques de l’Internet apparaissent comme l’étape supérieure ayant permis d’étendre le
champ du droit des télécoms aux communications électroniques et aux services de la société
de l’information.
28. À la lumière de ce qui précède, le questionnement ci-dessous engage la logique de
notre thèse dans une finalité non pas « descriptive »121, mais plutôt raisonnablement
« prescriptive »122, à travers une approche « comparative ».123 Sur les continents européen et
africain, il faut savoir quelles sont les sources matérielles du droit de l’économie numérique.
Quel est l’état des réponses de réglementation, face aux défis juridiques apparaissant de
manière analogue en France et en RDC en fonction des grands traits d’évolution des
techniques et des marchés numériques ? Comment schématiser les expériences de réforme
législative et modéliser les transformations du droit afin de répondre aux besoins présents et
futurs d’encadrement des secteurs congolais des TIC124? Quelle est la situation de l’État et de
l’effectivité de la puissance publique, face à la problématique que « l’on appelle parfois le
"non-droit" du cyberespace [perçu comme un] manque d’effectivité des lois et jugements
étatiques [face] au développement corrélatif d’un "alter-droit" plus ou moins spontané,
susceptible d’éviter le recours aux lois et tribunaux nationaux mais non de s’y substituer sans
leur autorisation »125? Comment assurer pour le marché numérique territorial, la durabilité des
dispositions nationales, tout en intégrant les règles supra- ou transnationales dans l’ordre

119
A. MBAUNEWA NKIERI, Droit congolais des télécommunications, état des lieux, analyse critique et comparative,
Juricongo, Kinshasa, 2012, p. 13. L’approche de cet auteur praticien du droit se limite au droit national congolais. Son
« questionnement juridique central […] se résume en un point : Le droit positif congolais des télécommunications a-t-il été
édicté en tenant compte des sources matérielles objectives et rencontre-t-elle les défis générés par les nouvelles technologies
de l’information et de la communication ? ».
120
N. SHUTOVA, op.cit, p. 21.
121
A. BAMDÉ, op.cit, p. 13 et s. L’approche descriptive est celle qui reste « de pure connaissance, de compréhension du réel
et, plus encore, de recherche d’une vérité universelle. ».
122
Ibidem. Notre thèse observe raisonnablement, après comparaison, une manière prescriptive pour contribuer à l’évolution
du droit en RDC. En revanche, dans sa manière d’étudier l’architecture de l’Internet, le docteur en droit, Aurélien Bamdé, a
choisi de ne pas en aborder l’objet sur le volet prescriptif et s’est limité à l’approche descriptive. Cette dernière est déjà
difficile, dans les analyses sur l’« architecture normative du réseau Internet : esquisse d’une théorie ». En effet, l’approche
prescriptive répond à une « action de prescrire repos[ant] sur des jugements des valeurs. [Cela] implique, par définition, une
appréciation délibérément subjective de ce sur quoi ils portent. Cela conduit, dès lors, à la construction d’une idéologie
laquelle se caractérise par son contenu, fait de propositions prescriptives, dont la fonction est d’indiquer ce qui doit être ».
123
PH. LEGRAND, op.cit., p. 50.
124
N. COUTINET, « Les technologies numériques et leur impact sur l’économie », Cahier français, La société numérique,
n°372, La documentation française, Paris, 2013, pp. 20-26, spéc. p. 21.Le secteur des TIC, tel qu’il a été défini en 2008 par
l’OCDE, comprend des secteurs producteurs des TIC (fabrication d’équipements informatiques), les secteurs distributeurs
des TIC (commerce de matériels informatiques) ainsi que le secteur des services de TIC (télécoms, services informatiques et
audiovisuels).
125
V. PIRONON, « Les nouveaux défis du droit international privé : site actif, site passif, activité dirigée », in J. ROCHFELD
(sous la dir.), Les nouveaux défis du commerce électronique, LGDJ, Lextenso éd., 2010, p. 94.
30

étatique ? Dans l’écosystème numérique transfrontière, comment assurer la singularité locale


des paradigmes du droit interne tout en s’ouvrant aux standards internationaux au regard de la
globalité des activités numériques en ligne ? Les deux grandes parties de notre thèse
répondent à toutes ces problématiques : l’Europe dispose d’un cadre des références juridiques
appropriées, grâce à la riche expérience de sa « communauté » des États.126

Section II : L’avènement d’un droit congolais de l’économie numérique


en référence aux droits européens et français
§1. Le cadre juridique européen et français de l’économie numérique
29. La première partie de thèse explore l’encadrement européen et français des aspects
juridiques de la société de l’information. Le vieux continent dispose d’une forte assise des
règles et d’une structure harmonieuse de son marché intérieur.127 Ainsi, en tant qu’ordre
politique et espace économique, l’Europe inspire les ordres juridiques étrangers et influence
leurs économies. En insérant les marchés nationaux dans un vaste ensemble, la mondialisation
nécessite également un rapprochement des expériences normatives entre États.128 Sous la
coordination de l’Union européenne, le droit français est un cadre tout aussi pratique
qu’original de transposition des acquis communautaires.129 Les politiques législatives, leurs
logiques et leurs objectifs sont des sources d’inspiration au-delà des frontières, car le modèle
juridique de la France inspire aussi les États de la Francophonie, dont la RDC compte le plus
grand nombre de locuteurs dans le monde.130 Aussi, notre thèse analyse-t-elle les références
des droits européens et français, dont les acquis servent à éclairer les transformations du droit
congolais sur le double volet des communications et du commerce électroniques. (Partie 1.)
30. Les activités économiques en ligne sont le contenu des transactions réalisées à
travers les réseaux de télécoms, car la voie électronique a pour finalité de donner accès aux
ressources numériques. Pour Éric Caprioli, « il est piquant d’observer que le commerce
électronique s’articule autour de deux grands axes […] : les communications électroniques
abrogent les distances et le temps entre les personnes, dans le cadre de leurs échanges et leurs
transactions sur les biens et les services […] sans situation géographique fixe. Mais les États,
conscients du phénomène, tendent à agir sur ces paramètres en localisant la responsabilité des
personnes […] il faut agir en amont, poser un cadre normatif ».131En ce sens, le commerce en
ligne est le paradigme d’étude, pour analyser les ajustements des règles ratione temporis et

126
[www.europa.eu] (consulté le 17 mars 2017). Au 1 er janvier 2016, l’Union européenne compte 28 États avec des cultures
juridiques variées, une population importante (plus de 510,1 millions d’habitants) et des stades de développement aux
minima dépassant bien ceux de l’Afrique.
127
J. BERGÉ et S. ROBIN-OLIVIER, Droit européen, Union européenne, Conseil de l’Europe, 2è éd. mise à jour, PUF, Coll.
Thémis droit, Paris, 2008, p. 366. Ŕ Cf. aussi pour l’ordre juridique de l’union européenne et l’effet direct du droit de
l’Union : A. BERRAMDANE et J. ROSSETTO, Droit de l’Union européenne, Institutions et ordre juridique, Coll. Cours, LMD,
éd. 2013, LGDJ, pp. 333-367. En effet, « le droit européen a sa propre "loi". Entendu au sens le plus large, le terme désigne
un ensemble de normes juridiques définies respectivement dans l’enceinte du Conseil de l’Europe et de l’Union
européenne ».
128
A. TROYE-WALKER, « Le cadre juridique du commerce électronique en Europe », première session : « le cadre juridique
international du commerce électronique », in J. RAYNARD (sous la dir.), Les premières journées internationales du droit du
commerce électronique, Actes du colloque de Nice des 23,24 et 25 octobre 2000, Litec, n°20, Coll. actualité de droit de
l’entreprise, Cahors (France), 2002, pp.1-20.
129
J. ROCHFELD (sous la dir.), L’acquis communautaire…op.cit, pp. 4-24. J. CATTAN, op.cit., pp. 17-27.
130
[www.francophonie.org/carto/html] (Consulté le 6 mars 2017). Depuis 1970 avec la création de l’agence de coopération
culturelle et technique (ACCT), la Francophonie d’aujourd’hui est un dispositif institutionnel voué à promouvoir la langue
française et les relations de coopération, sous le sigle « OIF ». Elle n’a pas pour objectif spécifique l’harmonisation des droits
entre ses 84 États et gouvernement membres répartis dans les 5 continents pour 274 millions de locuteurs de la langue
française, dont plus de 10 millions en RDC.
131
É. A. CAPRIOLI, op.cit, p. 5.
31

ratione materiae, dans un contexte d’amoncèlement des sources européennes. Mais, celles-ci
ne définissent pas le commerce électronique. L’acquis communautaire en fournit seulement
des critères généraux par renvoi aux services de la société de l’information. 132 En revanche, le
droit français donne une définition terminologique, qui souligne l’utilisation des techniques de
communication à distance comme le critère indispensable de fourniture des biens et services
du commerce électronique. La RDC ne dispose à ce jour ni d’une définition législative du
commerce électronique, ni d’un corpus juris pour son régime spécifique, alors que l’économie
numérique est une réalité dans le pays. Le droit comparé devrait servir d’inspiration de lege
ferenda. D’où le besoin de se référer aux institutions juridiques appropriées dans l’expérience
du (des) droit(s) positif(s) concernant l’économie numérique au sein de l’Union européenne et
en France. (Titre I.)
31. À propos, la directive 2000/31/CE fixe les règles européennes du commerce en ligne
par renvoi à d’autres directives complémentaires.133 L’objet de la législation s’appréhende à la
suite d’une recomposition des sources à travers le temps, depuis le téléachat en 1989134, le
contrat à distance en 1997,135 les services de la société de l’information en 1998136 et le
commerce électronique en 2000137. En France, la « territorialisation »138 des règles
européennes présente des singularités, en approfondissant au niveau national les objectifs
législatifs européens qui sont d’harmonisation minimale. En 2004, les lois de transposition
française apportent plus de clarté sur le commerce électronique, car l’article 14 de LCEN en
donne une définition terminologique.139 L’objectif de confiance des consommateurs irrigue la
législation française. Elle allège par ailleurs la responsabilité des opérateurs des télécoms, afin
d’encourager leurs rôles indispensables d’infomédiaires dans le commerce en ligne. Aussi, la
loi de modernisation de l’économie (LME) de 2008140 ou encore la « Loi Hamon » de 2014141
renforcent les aspects consuméristes dans les rapports entre sujets du commerce en
ligne.142(Chapitre 1.)

132
L. BOCHURBERG, Internet et commerce électronique, site web, Contrats, Responsabilité, contentieux, 2è éd., encyclopédie
Delmas, Dalloz, Paris, 2001, pp. 29-41. Sur le chapitre des facilités relatives de création des sites web, l’auteur schématise :
mutualisation des coûts de marketing, limitation des responsabilités par des clauses légales, partenariat avec des moteurs de
recherche pour l’accessibilité, mentions identitaires obligatoires et facultatives. Celles-ci offrent divers avantages aux
économies, notamment : dynamisme du marché, adaptabilité des offres, proximité et permanence des produits, large
ouverture à l’espace international, relativité des coûts d’accès, d’exposition et d’opportunité.
133
Directive 2000/31/CE, préc.
134
Directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 visant la coordination de certaines dispositions législatives,
réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle, JOCE, L
298, 17 octobre 1989, p. 23. Directive 97/36/CEE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 modifiant la directive
89/552/CEE, JOCE, L 202, 30 juillet 1997, p. 60.
135
Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en
matière des contrats à distance, JOCE, L 144, 4 juin 1997, p. 21.
136
Directive 98/48/CE du Parlement européen et du conseil du 20 juillet 1998 portant modification de la directive 98/34/CE
du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JOCE, L
204, 21 juillet 1998, p. 37), JOCE, L 217, 5 août 1998, p. 18 et s.
137
Directive 2000/31/CE, préc.
138
Conseil d’État, Le numérique et les droits fondamentaux, La documentation française, Étude du Conseil, Paris, 2014. La
pertinence de l’étude est liée à maintenir au cœur des transformations juridiques et numériques l’État de droit et la
souveraineté nationale. Pour mener à bien cette adaptation de notre droit, une réflexion doit être menée sur son champ
d’application territorial, dans un environnement marqué par la concurrence, sinon la rivalité, entre systèmes juridiques.
139
Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique [dite « LCEN »], JORF, n°143, 22 juin
2004. Loi n°2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication
audiovisuelle [dite « LCE »], JORF, 10 juillet 2004.
140
Loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie [dite « LME »], JORF, n°181, 5 août 2008, p. 12471 et s.
141
Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation [« loi Hamon »], JORF, n°0065, 18 mars 2014, p. 5400.
142
Les aspects du droit européen et français du commerce électronique sont rapprochés du drebnier chapitre de thèse sur le
droit congolais des échanges et du commerce électronique.
32

32. Cependant, le commerce électronique n’est pas toute l’économie numérique, car les
communications électroniques font partie de la même chaine de valeur. Aussi, les institutions
et les États européens ont opéré des ajustements ratione temporis du droit sur les deux volets
consubstantiels du marché numérique. D’une part, le commerce en ligne concentre les règles
d’offre, de fourniture et de consommation des biens et services en utilisant les techniques de
communications (électroniques) à distance. D’autre part, la dérégulation des télécoms de base
a organisé les « autoroutes de l’information » devant servir de « sang de la compétitivité » et
d’« artères du marché unique».143 Le droit de l’accès aux communications électroniques
regroupe les aspects d’organisation du marché numérique.144 Pendant longtemps, les
monopoles réglementaires avaient régi les télécoms, en tant que service public. En 1984,
l’« Europe des télécommunications »145 engage les États membres dans la libéralisation
successive des marchés des équipements, des services et des infrastructures des réseaux
numériques.146 Les réformes européennes faisaient suite au même processus de dérégulation
entreprise par les États-Unis entre 1970-1980 en vue de l’application des règles anti-trust à
l’encontre du monopole naturel de la firme AT&T.147 Ce processus a consisté à appliquer des
règles de concurrence dans les services publics. L’instauration de la régulation sectorielle est
l’aspect marquant de l’ouverture à la concurrence, voulue en principe sans discrimination
d’accès sur le marché pour les opérateurs économiques.148 (Chapitre 2.)
33. L’Europe et la France sont au creuset des transitions du droit des télécoms et des
communications électroniques « vers une économie européenne dynamique ».149 Les acquis
communautaires et nationaux doivent être analysés conjointement. La France n’avait pas
attendu la communautarisation pour adopter ses deux premières « lois dérégulatrices »150 des
télécoms, spécialement en détachant celles-ci en 1982 de la communication audiovisuelle et
en affirmant en 1986 la liberté de communication.151Au niveau européen, le livre vert de 1987

143
P. THIBAULT et C. MABI, « Le politique face au numérique : une fascination à hauts risques », La nouvelle revue de
science sociale, Dossier : 2015 : Le tournant numérique …et après ?, pp. 161-173 [https://socio.revues.org/1344?lang=fr]
(consulté le 12 juin 2017). En 1993, le vice-président des États-Unis, Al Gore, lance l’initiative « Informations
superhighways » (les autoroutes de l’information). Il s’en suivit l’ouverture de l’Internet au grand public et au commerce de
détail, grâce à la popularisation du Web. 10 ans auparavant, les universités et les fournisseurs militaires se servaient déjà de
l’Internet. En 1994, la Commission européenne fit écho de l’argumentation américaine en utilisant les termes ci-haut repris,
au travers du rapport dit Bangemann du nom de son auteur, commissaire européen.
144
J. CATTAN, op.cit, pp. 40-41. Ce droit concerne à la fois l’accès par les opérateurs au marché des communications
électroniques et l’accès par les utilisateurs aux services de ce marché.
145
M.-A. FRISON-ROCHE, op.cit, p. 67. Verbo « Europe ». R. GILARDIN, La « libéralisation » des télécommunications en
France (1981-1996), Mémoire 4e année, Séminaire : Histoire de la France XXe siècle sous la dir. Gilles Richard, Science Pô,
Rennes, 2009-2010, spéc., p. 64. Si la première auteure citée rappelle que « L’Europe est un projet politique », le deuxième
précise l’aspect de l’« Europe des télécommunications ». Face aux mouvements des réformes du marché libéral, les chefs
d’États européens s’étaient réunis en France le 20 juin 1984, au Sommet de Fontainebleau sur le thème de l’« Europe des
télécommunications ». Cette rencontre de chefs d’État a été suivie des mesures politiques et juridiques à la base des réformes
libérales des télécoms. Depuis le milieu des années 1980, des règles successives ont introduit la concurrence dans le secteur
des télécoms. Cette concurrence se renforce jusqu’à ce jour avec les communications électroniques.
146
D. POPOVIC, Le droit communautaire de la concurrence et les communications électroniques, LGDJ, Paris 2009, p. 11.
147
E. HOLSENDOLPH, « U.S. settles phone suit, drop I.B.M. case ; A.T. &T. to split up », New York Times, 8-9 janvier 1982.
Le ministre américain de la justice a intenté un procès contre la firme AT&T qui exerçait un monopole naturel sur les
télécoms nationales. L’affaire a commencé en 1974 et a connu son verdict le 8 janvier 1982, enjoignant la firme à
déconcentrer ses activités à ses Baby Bells. Elle obtenait également le droit de développer ses activités sur le marché
international.
148
M.-A. FRISON-ROCHE, op.cit, pp. 90-91, 114-117 et 102-103. Verbo « libéralisation », « régulation » et « opérateur ».
149
Commission européenne, Vers une économie européenne dynamique, Livre vert sur le développement du marché commun
des services et équipements des télécommunications, COM(87)290 final, 30 juin 1987.
150
A. GIRAUD, « Les prémisses de la déréglementation », Les cahiers de l’AHTI, n°9, janvier 2008, p. 7.
151
Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication [audiovisuelle], JORF, 1er octobre 1986, pp.
11755 et s. Loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, JORF, 30 juillet 1982, pp. 2431 et s. Cf.
aussi Loi n°81-994 du 9 novembre 1981 portant dérogation du monopole d’État sur la radiodiffusion, JORF, 10 novembre
1981, pp. 3070.
33

définit des objectifs ordo-libéraux pour le développement du marché commun des services et
équipements électroniques.152 La Commission européenne a aligné ses systèmes nationaux
dans les objectifs de concurrence, grâce à l’instrument du droit. Ainsi, ses directives ont
démantelé de manière graduelle entre 1986, 1988 et 1990 les monopoles territoriaux sur les
équipements et les services de télécoms.153 Le Conseil européen a adopté entre 1990 et 1997
des règles d’harmonisation de fourniture des réseaux ouverts, dans la série des directives dites
« ONP ».154 L’Europe a finalement supprimé les « droits réservés » des exploitants publics de
disposer de l’exclusivité sur les infrastructures de télécoms. Ainsi pour la France, ce sont les
lois de transposition de 1990155 et celles de 1996156 qui ont ouvert à la concurrence l’ensemble
des segments du marché français des télécoms de base. La transformation du droit français est
particulière en ce qu’elle a associé la réforme de son administration publique aux
changements réglementaires. Les jalons de la privatisation de « France Télécom » ont été
posés par des réformes successives de son statut : régie, EPIC comme exploitant public (1996)
et société anonyme (2003)...157
34. Depuis 2002, la réglementation européenne a reconsidéré les implications de la
convergence des télécoms, des médias et des technologies de l’information, tel que l’intitulé
du Livre vert le rappelle en décembre 1997.158 Même si les mutations numériques ont conduit
à l’acception officielle de « communications électroniques », l’Europe a regroupé ses
nouvelles règles dans un ensemble dit « paquet télécom ».159 L’architecture générale de la
nouvelle réglementation se recentre autour d’une directive définissant le cadre commun, avec
des directives sectorielles portant sur des enjeux précis. 160 L’objectif de législation a été de
renforcer les règles de concurrence dans le secteur de communications électroniques en les
conciliant avec la notion de service universel. Celle-ci marque l’influence de la norme

152
COM(87)290 final, 30 juin 1987, préc.
153
Notamment : directive 86/361/CEE du Conseil du 24 juillet 1986 concernant la première étape de la reconnaissance
mutuelle des agréments d'équipements terminaux de télécommunications (abrogée par la directive 91/263/CE) ; directive
88/301/CEE de la Commission du 16 mai 1988 relative à la concurrence dans les marchés des terminaux de
télécommunications ; directive 90/388/CEE de la Commission du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des
services de télécommunications (abrogée par la directive 2002/77/CE).
154
« ONP » de l’anglais « opened network provision » est traduit par « fourniture de réseau ouvert ». À titre d’illustration, on
peut citer la directive 90/388/CEE du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de
télécommunications, JOCEL 192 du 24 juillet 1990, pp.10 à 16. Cette directive allait de pair avec la directive 90/387/CEE du
28 juin 1990 relative à l’établissement du marché intérieur des services de télécommunications par la mise en œuvre de la
fourniture d’un réseau ouvert de télécommunications, JOCE L192 du 24 juillet 1990, pp. 1 à 9. La directive 90/388/CE a été
abrogée et remplacée par la directive 2002/77/CE du 16 septembre 2002 relative à la concurrence dans les marchés des
réseaux et des services de communications électroniques, JOCEL249 du 17 septembre 2002, pp. 21 à 26.
155
Loi n°90-1170 du 29 décembre 1990 sur la réglementation des télécommunications, JORF, n°303, 30 décembre 1990, p.
16439. Loi n°90-58 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public des postes et des télécommunications, JORF,
n°174, 08 juillet 1990, p. 8070 et s.
156
Loi n°96-659 du 26 juillet 1996 réglementation des télécommunications, JORF, n°174, 27 juillet 1996, pp. 11384 et s. Loi
n°96-660 du 26 juillet 1996 relative à l’entreprise nationale France Télécom, JORF, n°174, 27 juillet 1996, pp. 11398 et s.
157
Loi n°2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France
Télécom, JORF, n°1, 1er janvier 2004, pp. 9 et s.
158
Commission européenne, Livre vert sur la convergence des secteurs des télécommunications, des médias et des
technologies de l’information, et les implications pour la réglementation, COM(97) 623 final, 3 décembre 1997.
159
D. BOULAUD, Le nouveau cadre européen des communications électronique pour quels équilibres ?, Assemblée nationale,
Rapport d’information, n°3048, 11e législature, 2001, Paris, pp. 7 et s.Sans entrer dans les développements, les directives
spécifiques sont relatives aux enjeux suivants des communications électroniques : données à caractère personnel, autorisation
des réseaux, service universel, dégroupage boucle local, politique de spectre radioélectrique et concurrence. Tous ceux-ci
sont encadrés par la directive relative au cadre réglementaire commun.
160
Directive 2002/19/CE du 7 mars 2002 (directive « accès »), JOCE, L 108, 24 avril 2002, pp. 7-20. Directive 2002/20/CE
du 7 mars 2002 (directive « autorisation »), JOCE, L 108, 24 avril 2002, pp. 21-32. Directive 2002/21/CE du 7 mars 2002
(directive « cadre »), JOCE, L 108, 24 avril 2002, pp. 33-50. Directive 2002/22/CE du 7 mars 2002 (directive « service
universel »), JOCE, L 108, 24 avril 2002, pp. 51-77. Directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 (directive « vie privée et
communications électronique »), JOCE, L 201, 31 juillet 2002, pp. 37-47.
34

européenne par la « conception française du service public », car « elle a été forgée comme
contrepoids à la logique de la concurrence ».161 Les exigences qu’elle comporte font office de
« clause de sauvegarde » en cas d’insuffisance du marché à réaliser l’intérêt général.162
35. En France, plusieurs lois de 2004 ont transposé les règles européennes du « paquet
télécom » de 2002,163 tout autant que la directive 2000/31/CE sur le commerce
électronique.164 Désormais, les communications numériques sont insérées dans le commerce
en ligne au titre de prestations techniques offrant des plateformes d’accès à l’Internet en vue
de réaliser des activités numériques. Le réexamen du « paquet télécom » en 2009 considère
comme acquise la pleine concurrence du marché des communications électroniques afin d’en
rapprocher les mécanismes de « régulation transversale ».165 Les directives et règlements de
2009 renforcent les objectifs spécifiques d’accès universel et de coordination européenne des
autorités nationales de régulation.166 La France a transposé ces amendements du paquet
télécoms en 2009 et 2011 pour préciser les obligations des opérateurs sur la portabilité des
numéros, l’accès des utilisateurs handicapés aux services électroniques, les mécanismes de
notification par l’ARCEP de ses analyses de marchés aux institutions européennes.167
Actuellement, les réflexions sont en cours depuis 2015 sur le paquet télécom en vue de
l’établissement d’un véritable « code des télécoms » et de l’organisation d’une « société du
gigabit » à l’échelle européenne. En France, la loi pour la République numérique du 7 octobre
2016 engage la transition générale du pays vers une économie de la donnée et une économie
de la connaissance, avec la nécessité d’organiser un service public de la donnée. 168 Mais, les
objectifs de la loi débordent du champ de l’économie numérique, car sa finalité est
d’organiser la « société numérique » française.169 (Chapitre 2.)
36. Pour le reste du monde, les expériences européennes et françaises ci-dessus sont des
prémisses afin de comparer les transformations institutionnelles qui ont été engagées à
161
J. CHEVALLIER, Le service public, op.cit, pp. 98-100, spéc. p. 99.
162
D. BOULAUD, op.cit, pp. 7-60.
163
Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l’économie numérique [LCEN], JORF, 22 juin 2004, p. 11168. Loi
n°2004-669 du 9 juillet 2004 relatives aux communications électroniques et aux services de communications audiovisuelle
[LCE], JORF, 10 juillet 2004. Les textes cités sont ceux des versions initiales, car des versions consolidées sont aussi
publiées au JORF, suite aux modifications législatives.
164
En plus de la LCEN et de la LCE déjà citées supra note n°167 : loi n°2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des
personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n°78-17 du 6 janvier 1978
relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, JORF, n°182, 7 août 2004, pp. 14063 et s.
165
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, pp. 443 et 476. Pour distinguer la régulation sectorielle de la régulation transversale,
les auteurs citent notamment G. Marcou. Celui-ci soutient que « la régulation ne se confond pas avec la protection de la
concurrence » qui « peut être assimilée à une fonction plus administrative ». Ils soulignent que « la régulation est beaucoup
plus complexe en raison de la diversité des objectifs qu’elle poursuit ». Cf. G. MARCOU, « La notion juridique de la
régulation », AJDA 2006, p. 347. Également G. MARCOU, Droit de la régulation, service public et intégration régionale,
L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2005, 2 tomes.
166
Directive 2009/140/CE du Parlement et du Conseil du 25 novembre 2009 amendant trois directives existantes du paquet
télécom, à savoir : « directive accès » 2002/19/CE, directive « autorisation » 2002/20/CE et directive « cadre » 2002/21/CE
(JOCE, L 337, 18 décembre 2009, pp. 37-39). Directive 2009/136/CE du Parlement et du Conseil du 25 novembre 2009
amendant deux directives existantes : directive « service universel » 2002/22/CE et directive «vie privée et communications
électroniques » 2002/58/CE (JOCE, L 337, 18 décembre 2009, pp. 11-36). Règlement (CE) n°1211/2009 instituant l’Organe
des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) ainsi que l’Office (BEREC), (JOCE, L 337, 18
décembre 2009, pp. 1-10. Règlement 544/2009/CE du 18 juin 2009 modifiant le règlement 717/2007/CE concernant
l’itinérance sur les réseaux publics de téléphonie mobile à l’intérieur de la communauté et la directive 2002/21/CE relative à
un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, JOCE, L 167, 29 juin 2009, p.
12-23. Directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, JOCE, L 111,
5 mai 2009, p. 16-22.
167
Ordonnance n°2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques, JORF, n°197, 26 août 2011, p.
14473 et s. Loi n°2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, JORF, n°0293, 18
décembre 2009, p. 21825 et s.
168
Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique [« loi Axelle Lemaire »], JORF, 8 octobre 2016.
169
[http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-discussion/projet-loi-pour-republique-numerique.html]
35

l’échelon planétaire sous l’égide de l’OMC. Les États signataires de ses accords de 1994 et
1997 ont construit le nouvel ordre économique mondial, selon « le schéma qui fonde
l’intervention ex post des autorités de concurrence et ex ante des autorités de régulations
sectorielle ».170 La dérégulation a pour principe que les forces économiques exercent la libre
concurrence sur le marché électronique, placé néanmoins sous l’arbitrage d’une autorité
étatique indépendante. « Comme dans d’autres domaines de la vie économique et sociale
cependant, les situations d’inégalités de position et d’allocation de ressources rares, fréquentes
dans le monde numérique, justifient pleinement l’intervention des pouvoirs publics ».171 C’est
ainsi que les règles internationales du commerce des services sont devenues la source du
« droit de la régulation sectorielle », situé entre le droit de la concurrence et le droit des
services publics.172 Si le marché se délestait totalement de l’encadrement juridique et/ou de
l’intervention de l’État, la pleine liberté de la concurrence et la diversification des acteurs
économiques n’auraient pas toujours été favorables à la stabilité à long terme du marché.173
Elle transforme en État-régulateur l’État-entrepreneur qui exerçait autrefois le monopole de
service public, mais qui intervient maintenant avec des organes de régulation d’un État-
postmoderne.174
37. Suite à la multinationalisation des opérateurs et à l’internationalisation des réseaux,
ce schéma des réformes a été diffusé en dehors des marchés européens et américains, pour
s’imposer en Afrique, particulièrement en RDC. Une observation s’est confirmée : « [d]u fait
de la mondialisation, lorsqu’un État entame le processus de libéralisation, les autres États ne
peuvent pas l’ignorer ».175 Même si la « mixité des influences publiques et privés est
indéniable mais [au-delà] il faut aussi prendre en considération le rôle des institutions supra et
infra-étatiques, […] en termes de régulation de l’économie ».176 En droit, c’est l’OMC/AGCS
qui est à la base d’un « système commercial multilatéral intégré ».177 Auparavant le GATT
régissait uniquement les marchandises, mais l’OMC a opéré la réforme du droit international
en étendant ses règles néolibérales au commerce des services. Désormais, l’« un des enjeux
principaux de l’économie des télécommunications concerne l’efficience des mécanismes de
marché, et, lorsque cette efficience est prise en défaut, l’identification des modalités
d’interventions réglementaires optimales ».178 C’est le nouvel ordre mondial de l’OMC qui a
permis la mise en rapport des droits européens et congolais, à travers des négociations plus
approfondies entre États afin d’uniformiser notamment les régimes des télécoms.179 (Titre II)

170
L. BENZONI et P. DUTRU, « De l’accès aux infrastructures à l’accès aux moyens numériques : Nouvelles frontières pour la
régulation des communications électroniques », in M.-A. FRISON ROCHE (sous la dir.), op.cit., p. 17.
171
Ibidem.
172
WAEL EL ZEIN, Les aspects juridiques de la libéralisation des télécommunications (étude comparée), LDGJ / éd. Alpha,
Paris, 212, p. 16. Après avoir noté que la construction de l’Europe et la mondialisation sont « les instruments d’un retour vers
le marché » (ou l’ordre de marché), l’auteur conclut : « Le tournant du XXe siècle est donc marqué par cette pénétration du
principe de concurrence dans la sphère publique ».
173
M. DE SAINT PULGENT, op.cit., p. 3. « Appliquée à un marché, la régulation vise à créer et même à imposer un équilibre
entre des forces ou des règles, dont le jeu spontané ne permettrait pas un fonctionnement satisfaisant ».
174
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne, 4e éd., LGDJ, Lextenso-éditions, Coll. « droit et société », n°35, série politique,
Paris, 2003, p. 62 et s.
175
D. POPOVIC, op.cit, p. 28.
176
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, p. 549.
177
AGCS, Accord général sur le commerce et les services (OMC), institué par l’acte final de Marrakech du 15 avril 1994.
[www.wto.org] (consulté le 14 juin 2015).
178
N. SHUTOVA, Monopole naturel, marchés bifaces, différenciation tarifaire : trois essais sur la régulation de
télécommunications, th. Doct., sous la dir. Laurent Benzoni, Université Panthéon-Assas, Paris, 24 septembre 2013, p. 21.
179
Cf. 4e Protocole de l’AGCS/OMC du 17 février 1997. Ce protocole est issu du groupe des négociations sur les services
(GNS) ayant abouti à l’« accord spécifique sur les télécoms de base » (BATS).
36

38. Toutefois, la dérégulation n’a été qu’une étape intermédiaire et fondatrice pour
d’autres dividendes du numérique180, car« [l]a convergence et la digitalisation révolutionnent
l’offre, les contenus et les modes de consommations médiatiques entrainant les médias
historiques […] dans une phase de mutation profonde qui devrait conduire à la définition du
nouveau modèle de communication ».181 L’Internet a apporté avec lui d’autres types de défis
juridiques sur des aspects comme les données personnelles, la preuve et la signature
électroniques, la gouvernance du Net, la cybercriminalité, le commerce électronique, la
propriété intellectuelle ou encore les normes techniques, etc. Avec des modalités différentes
d’action, des « géants du net » disposent et exercent des pouvoirs substantiels sur le plan
technique et économique vis-à-vis des États et des internautes.182 L’économie de l’Internet est
empreinte de l’idéologie des forces économiques en présence et des acteurs techniques qui en
sont à la base. Ils « promeuvent l’autorégulation non contraignante et le contrat comme outil
juridique roi ».183
39. En premier lieu, la déclaration d’indépendance du cyberespace du 15 février 1996
fédère les « libertariens » autour de la liberté totale allant au-delà des libertés économiques,
d’expression ou d’entreprise.184 Ils prônent la régulation par le « code informatique »
(anonymat, pseudonymat et cryptographie), en rejetant toute entrave légale ou étatique de la
libre circulation de l’information. Ces « héritiers des fondateurs de l’Internet » ont pour crédo
la confiance aux technologies pour réguler le monde, selon l’expression popularisée « code is
Law ».185 En second lieu, les grandes entreprises de l’Internet croient dans le marché total
avec un minimum de régulation étatique ou pas du tout d’ailleurs. Elles sont désignées comme
GAFA pour dire Google, Amazon, Facebook et Apple, auxquels Microsoft et Twitter
s’ajoutent pour devenir GAFAM ou GAFTAM, sans oublier les plateformes de services
comme Uber ou Airbnb.186 Pour le droit, il n’en demeure pas moins que « même dans le
monde numérique, l’État est là et doit toujours être là ».187 Toutefois, l’enjeu du droit n’est
plus uniquement la régulation des télécoms, mais il concerne aussi la gouvernance
économique et technique de l’Internet.188 En conséquence, l’orientation de notre comparaison
prend deux directions parallèles pour la suite, à savoir : les enjeux juridiques concernant le
socle analogique des télécoms et ceux concernant l’ère (de l’économie) numérique. (Chapitre
3.)
40. Dans le premier temps de la dérégulation des télécoms de base, la RDC a
effectivement appliqué le modèle de l’OMC à travers ses deux lois de réformes des télécoms

180
BANQUE MONDIALE, Les dividendes du numérique, Rapport sur le développement dans le monde 2016, Groupe de la
Banque mondiale, Washington DC, 2016, pp. 1-41. Le Président du Groupe de la BM, Jim Yong Kim, relève que parmi les
États, « ceux qui complètent leurs investissements dans la technologie par des réformes économiques plus vastes récoltent les
dividendes du numérique qui se déclinent sous la forme d’une accélération de la croissance, d’un plus grand nombre
d’emplois et de services de meilleure qualité ». Les dividendes du numériques concernent les technologies numériques, mais
aussi l’économie numérique et plus largement encore l’impact de ces technologies divers aspects sociaux et administratifs.
181
M. HAMOT, « Nouveaux écrans, nouvelle régulation ? Prendre le tempo et le temps de la mutation », in P.-F. DOCQUIR et
M. HAMOT, Nouveaux écrans, nouvelles régulations, Larcier, Coll. « droit des technologies », Bruxelles, 2013, p. 8.
182
M. BÉHAR-TOUCHAIS, L'effectivité du droit face à la puissance des géants de l'Internet, Actes des journées du 20, 21 et 22
octobre 2015, IRJS éditions, t. 74, vol. 2, Paris, 2016, pp. 5 et s.
183
O. ITEANU, Quand le digital défie l’État de droit, Eyrolles, 2016, Paris, p. 27.
184
J. P. BARLOW, « A declaration of the independence of Cyberspace », 8 février 1996, [https://www.eff.org/fr/cyberspace-
independance] (consulté le 12 février 2017).
185
O. ITEANU, op.cit, p. 24-27. Lawrence Lessig, juriste américain, a popularisé en 2000 l’expression « Code is law »,
considérant la technique et la technologie d’Internet comme les gardiens de la liberté totale sur le réseau des réseaux.
186
Ibidem.
187
R. BISMUTH, « L’intervention régulatrice de l’État sur les flux transfrontaliers via Internet : un système de contrainte », in
M.-A. FRISON ROCHE (sous la dir.), op.cit., pp. 99-108.
188
L. BELLI, op.cit, p. 17. Cf. « Chapitre introductif : l’émergence de la gouvernance "multi-parties prenantes" ».
37

du 16 octobre 2002 : la loi-cadre n°013/2002 sur les télécoms (ci-après « LCT »)189et la loi
n°014/2002 sur l’autorité de régulation des télécoms (ci-après « loi n°014/2002 sur
l’ARPTC »).190 Quinze ans après, la concession des services publics191 est encore la
conception dominante dans le pays, d’autant que la législation de 2002 a conservé la
configuration du marché semi-ouvert et semi-monopolistique. Le législateur autorise la
concurrence sur les services des télécoms, tandis qu’il confère des droits exclusifs à
l’exploitant public pour les infrastructures du « réseau de base ».192 À plusieurs égards, la
réalité libérale du marché congolais contraste avec l’idéologie colbertiste que sa législation
entretient encore.193 L’inadéquation de la loi et des faits est source des défis d’une part pour le
marché et de l’autre pour la régulation étatique. D’un côté, la libéralisation du marché s’avère
totalement acquise de facto, alors que l’exclusivité est seulement de jure sur un segment
inactif. Les premiers opérateurs privés exploitaient déjà le marché congolais des services des
télécoms depuis 1989, avant leur libéralisation officielle par les lois de 2002. (Chapitre 4.)

§2. La refondation du droit congolais de l’économie numérique


sur le socle de la déréglementation mondiale des télécoms

41. Dans la deuxième partie de thèse, la dérégulation mondiale des télécoms est le pilier
de la refondation du droit congolais de l’économie numérique. Les analyses précédentes sont
des références pour comprendre et assurer la transition juridique face à l’Internet en RDC.
Malgré l’accession du pays à la société de l’information, la législation ne prévoit pas encore
de régime spécifique sur le commerce électronique. Étant en retard dans le processus de
libéralisation des télécoms, la réglementation nationale congolaise ne prévoit pas de
dispositions ni de mécanismes de régulation par rapport aux enjeux de l’Internet et de
l’économie numérique. Des solutions pragmatiques sont nécessaires pour le fonctionnement
actuel du marché numérique, tout autant que le parlement examine depuis le 19 avril 2017 les
projets de lois devant assurer le renouveau du cadre légal des télécoms étendues aux TIC. Les
défis législatifs en RDC sont ainsi liés à l’inachèvement des réformes sectorielles des
télécoms et aux carences des règles sur l’économie numérique. (Partie 2.)
42. À ce jour, l’« opérateur historique »194 ne dispose pas d’installation lui permettant
d’exercer son privilège légal de fourniture exclusive d’infrastructures de transmission. Pour
fournir les services relevant de leurs « droits de licences » (autorisation ou concession), les
opérateurs privés substituent les maillons manquants du réseau national, à défaut pour
l’exploitant public de disposer sur le marché du « réseau de référence ».195 En recourant à ses
propres installations alternatives, le marché offre au public l’accès à la fois aux infrastructures
de réseau et aux services de télécoms. D’un autre côté, la loi-cadre de 2002 organise

189
Loi n°014/2002 portant organisation et fonctionnement de l’autorité de régulation de la poste et des télécommunications,
ARPTC en sigle, JO RDC, idem, pp.47 et s.
190
Loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC [LCT], JO RDC, n° spécial, 44e année, 25
janv. 2003, pp. 17-46.
191
G. JÈZE, op.cit, p. 64.
192
« Exposé des motifs », loi-cadre 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications, préc., pp. 19 et s.
193
I. CROCQ, op.cit, p. 8. HAYEK, Droit, législation et liberté, PUF, coll. « Quadrige », Paris, 1995, p. 158-161. Le
colbertisme reste le fondement mercantile de l’État-entrepreneur, avec l’idée de contrôle et d’exploitation des secteurs
publics par l’État lui-même. Hayek est de ceux qui pensent que « le droit […] se prête de bonne grâce aux jeux de la politique
et de l’idéologie », et ce « aux antipodes de la neutralité scientifique que certains rêvent de lui conférer ».
194
M.-A. FRISON-ROCHE, Les100 mots de la régulation, op.cit., p.104. L’opérateur historique désigne l’opérateur d’État (le
plus souvent) qui est présent sur le marché avant son ouverture.
195
Article 38, loi-cadre sur les télecoms en RDC (LCT), préc.
38

l’intervention bicéphale de l’État-régulateur dans le secteur des télécoms en RDC : deux


autorités étatiques exercent la puissance publique dans le même secteur, avec des cas
récurrents de conflits de compétences. L’« intra-régulation » est le terme approché par le
président de l’ARPTC pour qualifier le défi de séparation organique des fonctions de
réglementation et de régulation dans le domaine.196 L’accès à l’économie numérique
comporte des défis quant au processus de transformation des services publics des télécoms et
quant aux défis d’ajustement des institutions juridiques face au marché électronique. (Titre
III.)
43. Ainsi, la RDC expérimente encore le schéma de dérégulation des télécoms de base.
Le processus d’ouverture législative accuse un grand retard par rapport aux droits de l’accès
aux communications électroniques en Europe et en France. Malgré l’application des lois de
réforme des télécoms de 2002, des erreurs de réglementation alimentent encore les enjeux de
collaboration entre le ministre des PTT en tant qu’administration classique197 et l’ARPTC en
tant que nouvelle autorité administrative devant réguler le marché électronique. Les droits
exclusifs de l’exploitant public renforcent les contraintes pour le régulateur d’assurer
l’équilibre du marché.198 La régulation devient complexe au regard de la multiplicité d’acteurs
du marché, ayant des statuts et des intérêts différents.199 (Chapitre 5)
44. Par ailleurs, « entre classicisme et innovation », les tendances nouvelles de la
régulation évoluent avec la « transition numérique ».200 De nouveaux défis de l’économie
numérique confrontent la législation conçue au départ pour les télécoms de base se trouvant
face aux multiplications d’« interfaces entre monde numérique et monde matériel ».201 Mais à
défaut d’ajustement du cadre légal au vu des activités numériques, les lois de télécoms de
2002 présentent de nombreuses carences de régime. En effet « cet objet de mutation, ces
transformations qu’entrainent digitalisation [numérisation] et convergence ont créé les
conditions qui s’apparentent à une nouvelle "dérégulation". Le modèle régulatoire des années
80 […] vacille car il ne répond plus (ou plus complètement) aux contenus, aux marchés et aux
besoins, … ».202 La convergence numérique et précisément l’Internet accroissent « la
complexité et l’incertitude, situation dans laquelle les opérateurs accroissent leur
puissance »,203 alors que la RDC garde inchangé son cadre légal désuet de 2002 et sa
régulation sectorielle. Dans la société de l’information, « [l]es secteurs régulés se croisent

196
O. MANIKUNDA MUSATA, La dynamique de la régulation des télécommunications en République Démocratique du
Congo : de la synergie intra-sectorielle à l’interrégulation, ENST Paris/ARTEL/ARCEP/FRATEL/ESMT/Word Bank
Institute, BADGErégulation des télécoms promo 2005, mars 2006, pp. 1-118.
197
L’approche des ministères des PTT a été supplantée par celle des ministères de l’économie numérique, car les PTT en tant
que marché des services libéralisés, sont insérés dans l’économie en s’écartant de plus en plus de la logique classique des
services publics monopolistiques. Cette nouvelle approche est consécutive à la dérégulation et aussi aux nouvelles règles de
l’OMC (ex-GATT) dans le commerce international des services.
198
L. BENZONI et P. DUTRU, op.cit. , p. 19. Pour les autres, la « microéconomie s’est fondée sur une conception du marché ou
la demande pour un bien ou un service donné rencontre une offre concurrentielle. Le point de croisement des courbes d’offre
et de demande détermine l’équilibre du marché, concurrentiel a priori ».
199
N. SHUTOVA, op.cit, p. 21. « Cette focalisation sur les questions de défaillance du marché et de systèmes d’intervention
hors-marché s’explique naturellement par les caractéristiques économiques du secteur des télécommunications : externalités
positives de consommation, intensité capitalistique de certains segments, progrès technique […], utilisation des ressources
« rares » (fréquences), fonction de coûts sous-additive, etc. »
200
N. CURIEN, « La régulation réflexive à travers le miroir de la transition numérique », in M.-A. FRISON ROCHE (sous la dir.),
op.cit., p. 99-108.
201
M.-A. FRISON ROCHE,op.cit., p. 5.
202
M. HAMOT, « Nouveaux écrans, nouvelle régulation ? Prendre le tempo et le temps de la mutation », in P.-F. DOCQUIR et
M. HAMOT, Nouveaux écrans, nouvelles régulations, Larcier, coll. « droit des technologies », Bruxelles, 2013, p. 14.
203
N. CURIEN, op.cit., pp. 99 et s.
39

grâce au numérique et dans le numérique ».204 Les défis d’accès à l’économie numérique
motivent de nouvelles formes possibles de régulation auxquelles l’expérience juridique de la
RDC commence à s’adapter. À l’épreuve de l’Internet, les autorités nationales de
réglementation (ARN) s’efforcent de répondre aux défis juridiques du cyberespace
planétarisé. Pour maintenir le bon fonctionnement du marché numérique, la régulation des
télécoms associe avec pragmatisme les normes juridiques et techniques, les règles nationales
et internationales, les lois du marché et les modes d’intervention publique. Les apports du
droit comparé européen et français sont nécessaires pour éclairer la faible expérience
juridique congolaise en matière d’économie numérique. (Chapitre 6.)
45. Dans le second temps de la révolution numérique, la popularisation de l’Internet et
des outils électroniques confirme l’accession réelle à l’économie numérique de la RDC.205
Dans ce contexte, les techniques de communications électroniques deviennent les artères de
l’économie et le moyen de connexion de plusieurs autres marchés au-delà des télécoms.
Cependant, « tant que les points de jonction et de convergence se multiplient » avec l’essor
des techniques numériques, des secteurs jadis étanches se décloisonnent.206 Les régulations
sectorielles s’exercent « assez généralement en "silo" », vu l’« objet technique » de chacun
des secteurs économiques.207 La convergence des médias et l’accès aux médias
numériques étendent et mélangent les champs d’action des acteurs économiques du Net,
opérant en principe dans des branches séparées.208 Le droit de l’économie numérique dépasse
nécessairement le cadre des télécoms, en suggérant la collaboration fonctionnelle à organiser
entre régulateurs. L’interrégulation correspond à ce rapprochement des modalités d’actions
entre les acteurs des régulations sectorielles.209 La régulation convergente équivaut à la
« convergence des réglementations »210 ou à la fusion des moyens de régulation sectorielle.211
Déjà dans la régulation des télécoms, la relation hiérarchique propre à l’État était associée aux
lois et tendances du marché, en vue d’assurer son encadrement « "par réflexivité", le secteur
trouvant dans le Régulateur son propre reflet ».212
46. En outre, il ne suffit plus seulement d’entendre la voix de l’opérateur et l’État, mais
aussi l’« "internaute-citoyen" […] dans un système participatif afin de produire des normes
adéquates ».213 En somme, « [l]a régulation devient ainsi interrégulée, plus globale et plus
politique ».214Afin d’assurer le renouveau du cadre juridique congolais, de lege ferenda le
gouvernement congolais a déposé au parlement en avril 2017 trois projets de loi concernant
conjointement les télécoms et les TIC, le commerce électronique et l’extension du champ

204
M. DE SAINT PULGENT, « Les besoins d’interrégulation engendrés par Internet. Propos introductifs », in M.-A. FRISON
ROCHE (sous la dir.), op.cit., 2016, p. 4.
205
Cf. Statistiques infra notes n°219, 220 et-221.
206
, M. HAMOT, op.cit., p. 8.
207
M. DE SAINT PULGENT,op.cit., 2016, p. 4. Notamment, les secteurs des télécoms, des finances et de l’audiovisuel utilisent
l’Internet mais disposent chacun d’un régulateur étatique spécifique : ARCEP/ARPTC, Banque centrale et CSA/CSAC.
208
Ibidem.
209
M.-A. FRISON ROCHE, « L’hypothèse de l’interrégulation », in Les risques de la régulation, Paris, Dalloz/Presse de
Science po, Coll. « Droit et Économie de la régulation », 2005, t. III, pp. 69-80.
210
M. JEUNEHOMME, « L’industrie innovante dans le secteur de l’e-santé face aux défis des régulations », in M.-A. FRISON
ROCHE (sous la dir.), op.cit., pp. 81-98.
211
M. DE SAINT PULGENT, op.cit, p. 4. « Le besoin d’interrégulation procède aujourd’hui d’un souci sinon d’unification, du
moins de mise en cohérence de différents niveaux qui ne peuvent plus demeurer dans une juxtaposition confinant à
l’ignorance. ».P. DUTRU, « De l’accès aux infrastructures à l’accès aux moyens numériques : Nouvelle frontière pour la
régulation des communications électroniques », in M.-A. FRISON ROCHE (sous la dir.), op.cit, p. 17-41.
212
N. CURIEN, op.cit., pp. 99 et s.
213
S. CHATRY, « La perspective d’une régulation participative », in M.-A. FRISON ROCHE (sous la dir.), op.cit., pp. 157-166.
214
Ibidem.
40

initial de la régulation des télécoms.215 L’économie numérique est donc une source matérielle
pour le renouveau du droit, transcendant celui de la régulation sectorielle. Les droits
européens et français sont en avance dans le régime à accorder aux aspects de la société de
l’information. L’expérience comparée éclaire nos analyses pour la refondation en RDC d’un
droit de l’économie numérique sur les bases de celui des télécoms. Le projet de loi sur
télécoms et les TIC est le premier volet de réforme au centre du futur cadre juridique. Son
architecture est renforcée par un deuxième volet des projets de lois spécifiques sur le
commerce électronique et sur la régulation des NTIC. (Titre IV)
47. Dans le premier volet, le renouveau de la législation nationale se justifie par
l’avènement de la société congolaise de l’information. Contrairement à l’Europe et à la
France, en RDC les étapes des mutations de l’économie et des changements du droit n’ont pas
traversé les révolutions sociales antérieures à la révolution numérique.216 Jusqu’à l’an 2000,
l’obsolescence du réseau analogique d’État avait réduit drastiquement l’offre des services
publics des télécoms.217 Suivant les estimations de l’UIT en 1996, la RDC comptait 0,08
lignes téléphoniques principales pour 100 habitants ou une télé-densité de 36.000 lignes
téléphoniques principales, pour ses 45 millions d’habitants à l’époque.218 Pour le passage au
XXIe siècle, l’UIT recommandait à tous les pays du monde de dépasser le seuil d’un
téléphone pour cent habitants, soit une télé-densité de 1%. Cependant, la RDC comptait
seulement 200.000 téléphones au passage de l’an 2000, avec une télé-densité d’un téléphone
portable pour 1.300 habitants, soit 0,07% du taux de pénétration de la téléphonie.219 Depuis
2002, il est constaté une ascension fulgurante du taux de pénétration des technologies de
communications numériques. En moins de quinze ans, le marché congolais a connu une
croissance spectaculaire de la téléphonie mobile et depuis ces cinq dernières années celle de
l’Internet mobile.
48. À l’horizon 2010, le nombre d’usagers des téléphones est ainsi passé de 158.000 en
2001 à plus de 9,45 millions en 2009 en RDC, soit un taux de pénétration de 0,3% à 18,6%.220
La croissance annuelle moyenne du nombre de clients actifs de téléphonie mobile était de près
de 50% entre 2005 et 2010, de même que celle du chiffre d’affaires sectoriel de l’ordre de

215
Lettre n°CAB/PM/CNTIC/PCK/2015/8005 du 17 décembre 2015 du Premier Ministre de la RDC, Mata Ponyo Mapon,
ayant pour « Objet: Relance de programmation en commission des lois des textes sur les télécoms et TIC […] Y faisant
suite, je vous informe que j’accède à votre demande d’examiner, en Conseil des Ministres, les projets de loi sur : (i) les
télécommunications et les technologies de l’information et de la communication, (ii) les échanges et le comme électroniques,
et (iii) la modification de la loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l’autorité de régulation de la poste et des
télécommunications du Congo ».
216
H. TORDJMAN, A. SINAÏ, N. MAMÈRE, H. KEMPF, F. JARRIGE, J.-F. HÉROUARD, A. GRAS, J. DECARSIN et D. BOURG, « "La
Troisième Révolution" de Rifkin n’aura pas lieu », Libération, Tribune, 21 octobre 2014, [www.liberation.fr] (consulté le 25
décembre 2016). « Comme la Première Révolution industrielle, qui serait née au XIX e siècle de la machine à vapeur et de
l’imprimerie, ou la Deuxième, qui aurait vu au XX e siècle la convergence du moteur à combustion électrique, la Troisième
Révolution industrielle devrait surgir naturellement de la "jonction de communication par Internet et des énergies
renouvelables". La thèse de la Troisième révolution industrielle et tous ceux qui vantent le capitalisme numérique restent
enfermés dans une vision simpliste des technologies et de leurs effets. Ils oublient de penser les rapports de pouvoir, les
inégalités sociales, les modes de fonctionnement de ces "macro-systèmes" comme enjeux de l’autonomie des techniques et
des techno-sciences, sans parler de la finitude des ressources et de l’ampleur des ravages écologiques réels de ce capitalisme
de l’immatériel. »
217
K. NDUKUMA ADJAYI, Cyberdroit Télécom, Internet, contrats de e-commerce, une contribution au Droit congolais,
Presses Universitaires du Congo (PUF), Kinshasa, 2009, pp. 82-94.
218
« Exposé des motifs », Loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC, JO RDC, n°
spécial, 44e année, 25 janv. 2003, pp. 17 et s.
219
Ibidem.
220
GOUVERNEMENT (RDC), Programme économique du Gouvernement (PEG), Kinshasa/RDC, 15 septembre 2011.
41

25% chaque année.221 La progression des abonnements de téléphonie mobile est restée
soutenue sur le marché congolais : 11,6 millions en 2010 ; 15,64 millions en 2011 ; 20,25
millions en 2012 ; 28,23 millions en 2013, avec une constance de 20% de taux de pénétration
mobile en dépit de la croissance démographique. Les projections de 2016 envisageaient le
dépassement du seuil de 35 millions d’abonnés au réseau de téléphonie sur les 70 millions
d’habitants estimés en RDC.222 L’observatoire du marché par l’ARPTC confirme ces
prévisions en raison de 39.746.740 d’abonnés pour 2015 contre 28.335.503 en 2016 à cause
de la déconnexion administrative de certains abonnés non-identifiés. Aujourd’hui, les
télécoms congolaises sont devenues high-tech, grâce à la disponibilité d’offre des réseaux à
fibre optique et des réseaux 4G/3G, sans jamais avoir traversé l’expérience intermédiaire de
l’ADSL ou du dégroupage de la boucle locale comme en Europe. En 2016, la souscription de
l’accès à l’Internet mobile a atteint 7.157.537 d’abonnés, 2.236.337 utilisant les services
mobiles de porte-monnaie électronique.223 La (r)évolution technologique est atypique en
RDC, mais elle a opéré le décloisonnement numérique du pays, en faisant des télécoms l’outil
de liaison et de commerce à distance entre plusieurs secteurs et marchés nationaux.224
49. En conséquence, « [d]ans tous ces secteurs, le numérique, qui permet la mise en
donnée du monde manifeste sa capacité à bouleverser les règles du jeu et les positions établies
et exige de repenser la régulation ».225 L’ouverture des télécoms à la concurrence avait déjà
engagé dans la décennie 2000, le service public vers son accession à l’économie des marchés.
Si le processus de dérégulation des télécoms n’est toujours pas parachevé en RDC, l’accès du
pays à la société de l’information implique des enjeux juridiques d’un genre nouveau.226 En
effet, « [l’] économie numérique suscite des questions qui ne touchent plus exclusivement les
marchés des services de communications électroniques, mais qui concernent des activités
économiques et des pratiques sociales de plus en plus diversifiées : administration
électronique, cybercriminalité, problématiques liées à la protection des données personnelles
ou aux territoires numériques, et, désormais, phénomènes d’"ubérisation du droit" de
l’économie ».227 Sur la question, les principales lois applicables en RDC sont celles sur les
télécoms de 2002.228 Cependant, elles sont inappropriées pour encadrer des défis juridiques
plurisectoriels de la société de l’information. Le retard de législation congolaise à rattraper
devient criant avec l’inclusion du pays à l’économie numérique mondialisée. Notamment, la
législation congolaise n’encadre pas la preuve et de la signature électroniques, ni les aspects

221
Ibidem. Il est à noter que les chiffres des sources gouvernementales peuvent contraster avec ceux d’autres institutions
étatiques en RDC, à savoir : l’Institut national de la statistique et l’Autorité de régulation des postes et des télécoms.
222
INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE, Annuaire statistique 2014, Ministère du plan et révolution de la modernité /
PNUD, Kinshasa, juillet 2015.
223
ARPTC, Observatoire du marché de la téléphonie mobile, Rapport du 3 e trimestre 2016, Direction de l’économie et de la
prospective, Kinshasa, p. 39.
224
Cf. pour abstract : K. NDUKUMA ADJAYI« Les enjeux législatifs de la transition post-conflit dans la société numérique
congolaise », Academic days on Open Government issues, IMODEV/ Univ. Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 5 et 6
décembre 2016. [http://cms.imodev.org/nos-activites/europe/france/academic-days-on-open-government-issues-december-5-
6th-2016-paris-France/conference-planning-internal-5th-december-2016-fracture-numerique-participation-citoyenne-open-
gov/] (consulté le 16 décembre 2016).
225
M. DE SAINT PULGENT, op.cit., p. 4.
226
Depuis 15 ans en RDC, les lois de télécoms du 16 octobre 2002 présentent les seules règles spécifiques se rapportant aux
aspects techniques de l’Internet et de ses services protéiformes. Il a fallu attendre 62 ans pour qu’elles abrogent l’ordonnance
législative n°254/TELEC du 23 août 1940 sur les télécoms coloniales.
227
M.-A. FRISON ROCHE, « Les besoins d’interrégulation engendrés par Internet. Propos introductifs », in M.-A. FRISON
ROCHE (sous la dir.), Internet, Espace d’interrégulation, Dalloz, Paris, 2016, p. 4.
228
Loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC, JO RDC, n° spécial, 44e année, 25 janv.
2003, pp. 17-46. Loi n°014/2002 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité de régulation de la poste et des
télécommunications, ARPTC en sigle, JO RDC, idem, pp. 47 et s.
42

juridiques de l’Internet et du commerce électronique. Dès lors, comment assurer la


gouvernance de l’écosystème numérique national ?
50. C’est à travers de nouveaux instruments du droit que les politiques publiques
encadrent et orientent les phénomènes nouveaux de l’Internet. En tenant compte des avancées
du droit comparé européen et français, le gouvernement congolais travaille à refonder
l’architecture centrale du droit des télécoms et des TIC à travers un projet de loi-cadre,
incluant les règles de protection des données personnelles et celles sur la « cybersécurité ».229
(Chapitre 7)
51. Sans aucun doute, les régimes préventifs et pénaux sont cruciaux pour l’économie
numérique. Les technologies numériques n’effacent pas la valeur centrale de l’homme, ni le
rôle indispensable de l’État : elles demeurent au service des personnes et doivent donc
demeurer sous le contrôle de l’ordre public, dans un système social organisé. La personne
humaine se situe au centre d’intérêt du cyberspace et au carrefour de tous les enjeux de
l’économie numérique. Ses droits fondamentaux et sa sûreté individuelle doivent être garantis
dans l’économie numérique. En effet, « les technologies numériques exercent des effets
ambivalents : elles catalysent l’exercice des droits, mais elles synthétisent aussi des risques
inédits face auxquels nos catégories juridiques et nos capacités d’intervention apparaissent
aujourd’hui inadaptées ».230 L’autre facette de la même réalité est que l’État demeure aussi le
seul à pouvoir garantir ces droits, puisqu’il dispose du monopole de « redistribuer les
responsabilités entre les différents acteurs numériques ».231
52. De lege ferenda pour la RDC, le droit de la personnalité et la protection des données
personnelles sont garantis en réseau et sanctionnés pénalement face aux techniques
numériques automatisées de l’État, des administrations, des infomédiaires et autres
utilisateurs.232 D’une part, la réforme législative en RDC prévoit des garanties en faveur de la
personne humaine et de sa vie privée quant aux usages du réseau électronique. Si le projet de
loi sur les TIC en RDC entend déterminer les principes de loyauté quant à la collecte, au
traitement des données à caractère personnel,233 il ne consacre cependant pas le droit à
l’« autodétermination informationnelle ».234 Il envisage la création d’une agence nationale des
TIC devant assurer, comme en France235, un minimum de « service public de la donnée »

229
X. LEONETTI, Guide de cybersécurité, Droit, méthodes et bonnes pratiques, L’Harmattan, Paris, 2015, p.13 et s.
230
J.-M. SAUVÉ, op.cit., p. 10.
231
Ibidem.
232
M.-L. LAFFAIRE, Protection des données à caractère personnel, tout sur la nouvelle loi « informatique et libertés »,
éditions d’organisation, coll. « guide pratique », Paris, 2005, p. 35. En France, La loi Informatique et liberté concerne les
traitements automatisés et non automatisés de données à caractère personnel connues ou appelées à figurer dans des fichiers,
à l’exception des traitements mis en œuvre pour l’exercice d’activités exclusivement personnelles, dans les conditions de la
loi.
233
J. EYNARD, Les données personnelles, quelle définition pour un régime de protection efficace ?, Michalon, Paris, 2013, p.
9 et s. Les technologies intrusives permettent insidieusement le contrôle des êtres humains, avec les risques sur les libertés
fondamentales et leur vie privée. Le concept « Big Brother » (de George Orwell, 1984, Gallimard, 1950) rencontre bien la
captation des informations « identifiantes », nominatives ou qui permettent l’identification de la personne humaine en ligne et
son profilage. Avec les techniques numériques en ligne, la massification des données devient une pratique courante dite « big
data », conduisant à un affaiblissement des principes garantissant la qualité des données ». Les « big data » sont des données
structurées ou non dont le très grand volume requiert des outils d’analyse adaptés.
234
CONSEIL d’ÉTAT, La France dans la transformation numérique : quelle protection des droits fondamentaux ?, un colloque
organisé par le Conseil d’État le 6 février 2015, La documentation française, n°16, Paris, 2016, p. 11. Étude du conseil d’État,
Le numérique et les droits fondamentaux, la Documentation française, 2014, p. 267. L’étude du Conseil d’État préconise à
cette fin d’inscrire dans notre droit positif le principe d’autodétermination informationnelle plutôt qu’un droit de propriété sur
les données à caractère personnel.
235
En France, le service public de la donnée est assuré grâce à des institutions comme la CNIL, la CADA, l’Etalab, le
SGMAP, etc.
43

comme en droit français et européen.236 Pour être satisfaisant, le niveau congolais de


protection tel qu’envisagé reste néanmoins inférieur aux récentes dispositions adoptées en
avril et octobre 2016 en Europe237 et en France.238 D’autre part, le législateur congolais
envisage des modalités de protection individuelle et collective des internautes contre les
facteurs de « cyberinsécurité »239 à l’instar de la France. L’ère numérique reste marquée par
une « délinquance économique et financière en croissance », dénotant une « criminalité
complexifiée par le recours au numérique », dans un « écosystème numérique vulnérable ».240
La cybersécurité désigne le dispositif matériel et intellectuel de lutte contre la
cybercriminalité.241 Elle prend en compte les « contenants »242 et les « contenus »243 des
réseaux numériques. La cybercriminalité est une transformation tant de la mentalité et de la
logique criminelles, que de l’expansion du phénomène Internet et de ses facilités d’action. La
réalité du « même Internet pour tous et partout »244 convainc d’avoir recours au droit comparé
pour bâtir un dispositif pénal renforcé. La confiance en l’économie numérique congolaise
nécessite un système de protection des données personnelles et de sécurisation pénale tenant
compte des « typologies des risques cybercriminels ».245
53. Pour le second volet des lois sur la régulation et l’e-commerce, l’économie
numérique est la « nouvelle économie »246 de l’Internet : elle ne cessera d’étonner par son

236
I. BOUHADANA et W. GILLES, « Rapport introductif », Academic days on Open Government issues, 5 et 6 décembre 2016,
IMODEV/ Univ. Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 2016 (Texte lu le 5/12/2016). Cf. [http://academicdays.imodev.org].
237
Règlement (UE) 2016/679 du parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes
physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la
directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), JOUE, L 119, 4 mai 2016, pp. 1 et s. L’article 99 du
règlement dispose qu’il est applicable à partir du 25 mai 2018.
238
Cf. Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour la République numérique, préc. Les objectifs de cette loi sont répartis en
trois volets : 1° circulation des données et du savoir (service public de la donnée et données aux fins d’intérêt général) ; 2°
protection des citoyens dans la société numérique (neutralité des réseaux, portabilités des données, droit de récupération de
ses données en toutes circonstances, nouveaux droits à l’autodétermination informationnelle : droit à l’oubli numérique pour
les mineurs, testament numérique pour donner des directives aux plateformes numériques, confidentialité des
correspondances privées ; 3° accès au numérique pour tous (couverture mobile, accessibilité aux services numériques publics,
accès des personnes handicapées aux services téléphoniques et aux sites Internet). Il convient d’ajouter sur ce dernier volet :
l’incrimination de la « revanche pornographique » passible de peine de prison (2 ans) et d’amende (60.000 euros) en cas de
mis en ligne des images d’une personne nue à son insu ou sans son consentement.
239
N. ARPAGIAN, La cybersécurité, mesurer les risques et organiser la défense, PUF, 2e éd., coll. Droit-politique, Que sais-
je ?, (2010) 2016, p. 111. Les États-Unis d’Amérique sont l’un des seuls pays à publier un baromètre de cybersinsécurité.
240
M. QUÉMÉNER, Criminalité économique et financière à l’ère numérique, Economica, coll. pratique du droit, Paris, 2015,
pp. 17-22.
241
N. ARPAGIAN, op.cit, p. 8. X. LEONETTI, Guide de cybersécurité, Droit, méthodes et bonnes pratiques, préc., p. 13 et s. La
cybercriminalité est un ensemble d’infractions portant atteinte aux technologies et aux réseaux numériques ou usant de ceux-
ci comme moyen de menacer ou d’attenter les valeurs juridiques et/ou légitimes à protéger.
242
Ibidem. Le contenant désigne « les moyens techniques (réseaux informatiques, téléphoniques, satellitaires…) utilisés pour
l’échange de données, qui peuvent faire l’objet d’opérations d’infiltration, d’altération, de suspension voire d’interruption ».
243
Ibidem. Le contenu désigne « l’ensemble des informations qui circulent ou sont stockées sur des supports numériques
(sites Internet, bases de données, messageries et communications électroniques, transactions dématérialisées…) ».
244
CH. TARDIEU, Internet et libertés, CNRS éd., Paris, 2010, p. 9. « À l’évidence, la facilité avec laquelle l’information
circule sur la Toile, la trace indélébile qu’il en demeure impliquent, selon une antique devise, de savoir "raison garder",
d’avancer avec mesure, prudence, vigilance. Et dans le respect mutuel. La nouvelle société mondiale de l’interconnexion
peut-elle être, en effet, autre chose que l’affaire de tous ? »
245
M. QUÉMÉNER ET Y. CHARPENEL, Cybercriminalité Droit pénal appliqué, Economica, coll. pratique du droit, Paris, 2010,
pp. 9. L’indication non-exhaustive des types des risques liés à la cybercriminalité sont : Sabotage, vol, intrusion, fraude,
piratage, atteinte à la vie privée, contenus illégaux. (Cf. Livre bleu des Assises de la Sécurité et des Systèmes d’information,
octobre 2009.)
246
I. CROCQ, Régulation et réglementation dans les télécommunications, Economica, coll. Nouvelles technologies de
l’information et de la communication, Paris, 2004, p. 4. Les auteurs situent cette économie entre l’économie publique et
l’économie industrielle. Elle fonde la régulation sur l’existence de défaillances du marché. Mais, à la différence de
l’économie publique traditionnelle, elle tient compte des défaillances de la régulation, dont la première qui est aussi la
principale, est l’asymétrie de l’information entre le régulateur et le réglementé. (À nous d’ajouter que c’est ce qui traduit bien
l’importance de l’information dans cette nouvelle forme d’économie ainsi que la nécessité de l’organisation mi-factuelle, mi-
44

inépuisable chaîne de valeur au bout du clic.247 Sa particularité est d’avoir assuré le recul de
l’exclusivité et de la rivalité des biens et des services. En d’autres termes, l’accès aux
ressources numériques par les uns n’entraîne ni épuisement pour les autres, ni empêchement
de consommation simultanée par tous.248 La théorie microéconomique standard a intégré le
fait que « l’Internet est un outil qui sait créer de nouvelles et puissantes interdépendances
entre individus ».249 De ce fait, ces interdépendances, dites les « externalités du réseau »250,
modifient la structure des marchés des services de l’Internet à travers le comportement des
internautes du Web 2.0. Un slogan est répandu à propos du business sur le Net et les réseaux
sociaux : si vous n’êtes pas le consommateur, vous êtes le produit.251 L’« homo economicus »
se transforme en « homo socialis » face aux externalités du réseau.252 Ces dernières servent
aussi bien comme modèles économiques que pour la structuration du marché de l’Internet.253
En effet, « l’apparition de nouveaux médias et les déclinaisons de plus en plus nombreuses
des modes de communications audiovisuelles, relancent aujourd’hui la question d’une
nouvelle dérégulation à laquelle devrait, en toute logique, répondre une rerégulation ».254
Réaliser l’équilibre du marché des télécoms demeure l’objectif du régulateur congolais, mais
les défis de lois d’économie numérique ne se suffisent plus du modèle de régulation « des
années 80 qui avait accompagné l’introduction de la concurrence signant la fin du monopole
d’État des premiers temps ».255
54. En 2002, la RDC a exécuté avec maladresses le schéma de dérégulation de l’OMC de
1997. Des correctifs sont nécessaires notamment en ce qui concerne l’indépendance
fonctionnelle de l’ARPTC et l’imprécision de son action au sujet de l’Internet. Un ajustement
des fonctions du régulateur est nécessaire à l’ère numérique, comme il en fût en France pour
le passage de l’ART au rôle de l’ARCEP. Aussi, le « projet de loi sur l’ARPTNTIC » entend-
il amender l’objet technique de la régulation sectorielle, au regard de la transformation
numérique de l’économie congolaise. Il faut également renforcer les anciens objectifs de
service universel assignés à la régulation des télécoms, car la lutte contre la fracture
numérique est indispensable pour l’accès au commerce électronique.256 Dans son expérience

réglementaire du système de marché (entendu comme la confrontation de l’offre et de la demande, cela rappelle bien le
visage de l’économie numérique).
247
V.-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, p. 30.
248
J.J. LAFFONT et TIROLE, A theory of incentives in procurement and regulation, Cambridge, MIT Press, 1993, cité par I.
CROCQ, op.cit, p. 4.
249
L. BENZONI et P. DUTRU, op.cit., p. 19.
250
N. COUTINET, op.cit, p. 21. Si les secteurs traditionnels sont dominés par les économies d’échelle de production,
l’économie de l’information évolue sous l’emprise des économies de réseau liées à la demande. Celle-ci dépend du nombre
d’agents qui l’achètent.
251
Ibidem, p. 19 et 22. Les préférences de consommation sur le marché se forment par routine et habitude en relation avec le
milieu social. Les interdépendances entre individus qui en découlent entre individus sont définies comme des externalités. Il
s’agit de « l’effet d’influences externes sur les décisions internes des individus ou des entreprises ». L’externalité devient le
moteur de comportement. Avec l’Internet, l’on assiste à un renforcement des « interdépendances, qu’il est de surcroît
possible de mesure et de capter pour mieux les exploiter à des fins commerciales ».
252
Ibid. Cf. aussi C. MANARA (sous la dir.), Réseaux sociaux : 100 questions juridiques à l’initiative de l’ADIJ, 2e éd,
diateino, coll. « questions », Paris, 2013, p.17 et s. Vie familiale, activités commerciales, justice, utilisations d’un réseau
social dans le cadre du travail, etc. sont quelques-unes des problématiques nouvelles retenues.
253
Pour le dicton du Net : « Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit » [http://citations.webscence.com/citations/anonyme/est-
gratuit-est-que-vous-etes-produit-2633] (consulté le 19 mai 2014).
254
M. HAMOT, S. PAÏMAN et V. STRAETMANS, « La compétence matérielle à l’épreuve juridique de la réalité des modèles
audiovisuels et des pratiques régulatoires », in Auteurs et Médias, n°6 : Les nouvelles frontières de la radiodiffusion, 2007, p.
540, cité par M. HAMOT, op.cit. , p. 14
255
M. HAMOT, op.cit. , p. 14.
256
Considérant n° 2, Directive 2000/31/CE, préc. Le législateur européen considère effectivement que le commerce
électronique « facilitera la croissance économique des entreprises européennes ainsi que leurs investissement dans
l’innovation, et il peut également renforcer [leur] compétitivité, pour autant que tout le monde puisse accéder à l’Internet ».
45

plus en avance que celle de la RDC, le droit européen et français insère l’accès aux
communications électroniques dans le régime du commerce électronique après avoir identifié
et catégorisé les infomédiaires des télécoms. Mais, la RDC ne dispose pas de ce type de
législation sur les activités numériques. Son projet de loi sur les échanges et le commerce
électroniques trace une perspective nouvelle, à confronter avec le droit comparé européen et
français. (Chapitre 8)
55. Définitivement, notre thèse effectue une démonstration des transformations des
droits européens et congolais : au bout de ces quarante dernières années, les évolutions des
techniques et des marchés ont donné lieu à l’économie numérique mondiale. Tout au long de
notre étude comparée, trois ordres juridiques sont confrontés en vue de modéliser leurs
ajustements des lois étatiques face aux défis auxquels les télécoms, l’Internet et leurs usages
économiques les confrontent. Le système juridique européen et français est indéniablement en
avance, mais en RDC les pouvoirs publics font preuve tantôt de pragmatisme et d’innovation,
tantôt d’immobilisme face à la nécessité de rattraper les retards ou de corriger les défaillances
législatives. La globalisation permet des échanges entre les marchés congolais et le monde
entier, mais le niveau de protection du système juridique européen est beaucoup plus élevé.
La RDC peut trouver en cette inégalité l’opportunité d’ajuster son droit positif dans la société
de l’information.257
56. Il s’annonce que le droit de l’économie numérique a pour base les droits des
télécoms, de l’Internet, de l’accès aux communications, du commerce électronique, auxquels
s’associe le droit des activités numériques.258 Toutefois, beaucoup de corrélations n’ont pas
été abordés particulièrement dans notre thèse, s’agissant d’autres aspects de droit spécifiques,
notamment : l’e-gouvernement, le droit des médias, le droit de propriété intellectuelle et des
marques, les libertés publiques, la fiscalité du numérique, le droit de la monnaie
électronique.259 Plusieurs nouvelles perspectives se profilent à l’échelon planétaire, au regard
d’autres mutations en cours de l’économie et de la diversification des usages de l’Internet :
« ubérisation du droit»260, objets connectés261, villes intelligentes, « droit des robots »262,
« darknet » ou « dark web », guerre électronique263. Mais, notre thèse analyse l’essentiel des

Cf. aussi en France : loi n°2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, JORF, n°0293, 18
décembre 2009, p. 21825.
257
K. NDUKUMA ADJAYI, Cyberdoit, télécoms, contrats de e-commerce, une contribution au droit congolais, préc., pp. 1-367.
258
L. GRYNBAUM, C. LE GOFFIC et L-H MORLET, Droits des activités numériques, Dalloz, coll. précis, 2014, pp. 5 et s. Pour
les auteurs, le droit matériel des activités numériques comprend : le contrat en ligne, les différents prestataires, leur
responsabilité. Leurs travaux appréhendent les règles de marché auxquels sont soumis les e-commerçants (concurrence et
consommation), la protection de leur nom de domaine ou de leurs bases de données. Ils abordent les questions de droit
applicable et de compétence judiciaire en cas de litige dans les échanges transfrontières.
259
P. STORRER, Droit de la monnaie électronique, RB édition, Paris, 2014, pp. 13-241. En RDC, les TIC ont permis
l’inclusion financière à l’aide du paiement électronique mobile (m-paiement) ou encore de la bancarisation via la technologie
mobile (m-banking). Avec des produits phares comme le « M-Pesa » du Kenya, la monnaie virtuelle mobile est écoulée dans
tous les réseaux africains du groupe Orange et Vodafone, y compris en RDC.
260
I. PARACHKEVOVA et M. TELLER, « L’ubérisation du droit », in M. DALLOZ (sous dir.), Variations juridiques et
sociologiques regards experts sur des grandes mutations du droit, L’Harmattan, Paris, 2016, pp.105-120
261
J. RIFKIN, La nouvelle société du coût marginal zéro : l’Internet des objets, l’émergence des communaux collaboratifs et
l’éclipse du capitalisme, éd. Les liens qui libèrent (LLL), 2014.
262
R. GELIN et O. GUILHEM, Le robot est-il l’avenir de l’homme ?, La documentation française, coll. « doc’ en poche place au
débat », Paris, 2016, pp. 3-156. « Les progrès de l’informatique et de l’électronique sont en passe de donner corps à un vieux
rêve de l’homme : créer un être à son image, polyvalent, capable d’interagir, d’apprendre et de prendre des décisions. Tout
indique en effet que le robot s’apprête à occuper une place de choix dans nos vies […] Notre modèle juridique doit-il leur
faire davantage de place ? ». Cf. aussi : A. BENSOUSSAN et J. BENSOUSSAN, Droit des robots, Larcier, Minilex, Bruxelles,
2015, p. 121. Dans la conclusion de leur étude, les auteurs laissent la perspective suivante : « La singularité du robot dans
l’espace juridique a vocation à s’accentuer ; symétriquement, tandis que la pertinence de la qualification des biens meubles
décroît, la nécessité de doter le robot intelligent d’un statut juridique inédit se fait plus pressante ».
263
X. RAUFER (sous la dir.), op.cit, pp. 1-205. X. LEONETTI, op.cit, pp. 87-99.
46

aspects juridiques se rapportant au marché des télécoms et des activités économiques en ligne.
Les sources européennes, françaises et internationales ont alimenté l’appréhension des défis et
la maturation des solutions nécessaires pour un droit de l’économie numérique en RDC à
travers le temps. Il s’avère que « [l]a révolution numérique n’aura d’intérêt que si elle conduit
à repenser nos modes de fonctionnement. À défaut la technique prendra le pas sur l’Homme,
pouvant conduire à une appropriation de nouvelles technologies au profit d’une société
totalitaire et liberticide dénoncée notamment par George Orwell dans 1984 ou encore par
Aldous Huxley dans le meilleur des mondes ».264 Un travail de veille technologique et
juridique doit être poursuivi, sur base de la méthodologie comparée et pratique de la présente
thèse. Le cadre juridique européen et français est la base des références pour examiner les
aspects juridiques de la révolution numérique en Afrique et en RDC.

264
W. GILLES, « Démocratie et données publiques : à l’ère des gouvernements ouverts : pour un nouveau contrat de
société ?», in I. BOUHADANA et W. GILLES (sous la dir.), Droit et gouvernance des données publiques et privées à l’ère
numérique, les éd. IMODEV, Paris, 2015, p. 16. (G. ORWELL, 1984, Gallimard, 1950. A. HUXLEY, le meilleur des mondes,
Plon, 2013)
47

PREMIÈRE PARTIE :
LES RÉFÉRENCES DU CADRE JURIDIQUE EUROPÉEN ET FRANÇAIS
FACE AUX ENJEUX ÉCONOMIQUES DE LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE
EN AFRIQUE ET EN RDC

57. En Europe, plusieurs « générations » de directives265 témoignent de l’appréhension,


dans le domaine du droit, des « évolutions technologiques profondes ».266 Celles-ci
s’apparentent à la révolution numérique267 selon les idées de la « troisième révolution
industrielle » et de la « société postindustrielle »268 qui ont pu être remises en question.269
Toutefois, les critiques ne nient pas la réalité de la société de l’information : l’activité
humaine est devenue numérique et immersive, sans rupture de faisceaux, plongée dans
l’information continuelle. Nous sommes dans le cybermonde, une « société de l’écran » à la
fois connective et externalisée, dans lequel le travail hypertextuel se fonde sur des documents
multimédias, circulant dans un espace numérique avec des médias convergents. Grâce à
l’essor des techniques numériques, de nouvelles formes de pensées émergent, d’économie et
de commerce aussi.270 Le phénomène est à l’échelon planétaire.
58. En effet, l’avènement de la société de l’information apporte une particularité
juridique, fondée sur l’utilisation des techniques de communication à distance et du réseau
électronique en vue d’assurer la fourniture des biens et des services. En Europe, l’« "initiative
pour le commerce électronique" adoptée le 16 avril 1997 orientait les objectifs de la
Commission dans trois directions essentielles de l’économie numérique : accès aux
infrastructures et disponibilité des technologies, développement d’un cadre commercial et
entrepreneurial encourageant le commerce électronique et cadre juridique et réglementaire
265
En l’occurrence, la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, dédiée au commerce électronique, est liée à une vingtaine
d’autres directives européennes applicables aux matières qui (se) recoupent (dans) le commerce électronique. Car cette
directive intervient « sans préjudice du niveau de protection existant » (Considérant n°11, Dir. 2000/31/CE, préc.). Elle
« complète le droit communautaire applicable aux services de la société de l’information » (Art. 1er, par. 3, Dir. 2000/31/CE,
préc.). L’ensemble des directives applicables constitue le « mille-feuille législatif européen », repris à l’intitulé du chapitre 1
du présent titre. L’intérêt d’analyse réside dans la finalité particulière de chacune d’elles, pour une recherche de cohérence
sur l’objet du commerce électronique européen.
266
B. SALGUES, op.cit, pp. 43-58. F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique
du droit, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 2002.
267
E. SCHERER, La révolution numérique, glossaire, Dalloz, Paris, 2009, pp. III à XXII, spéc. XVII. « Mais ces plateformes
technologiques des nouveaux moyens de communications. Elles modifient nos vies professionnelles en encourageant le
travail à distance, transforment radicalement les compétences, et y suppriment bien des obstacles à une vraie collaboration.
Ce qui n’était pas mesurable le devient ».
268
J. RIFKIN, La troisième révolution industrielle, comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le
monde, éd. Les liens qui libèrent (LLL), 2012. L’idée de l’auteur qui intéresse notre thèse est celle de la « jonction des
communications numériques dans les trajectoires énergétiques ». Dans son postulat perspectiviste, ce sont les lois de
l’énergie qui gouvernent l’activité économique. Les succès économiques des civilisations sont en cause, avec la crise actuelle
marquant l’essoufflement des trajectoires énergétiques du passé (épuisement de l’énergie fossile et des terres rares). Ainsi,
« cette situation grave nous force à réévaluer fondamentalement les postulats qui ont guidé notre conception de la
productivité ». La révolution numérique concerne les cycles de production, de distribution et de consommation de
l’économie.
269
H. TORDJMAN, A. SINAÏ, N. MAMÈRE, H. KEMPF, F. JARRIGE, J.-F. HÉROUARD, A. GRAS, J. DECARSIN et D. BOURG, « "La
Troisième Révolution" de Rifkin n’aura pas lieu », Libération, Tribune, 21 octobre 2014. Les auteurs soulignent que « [l]a
Troisième Révolution n’est pas sans rappeler la formule très à la mode dans les années 70, de "société postindustrielle" ».
Néanmoins, ils critiquent la jonction perspectiviste de Jérémy Rifkin entre les communications numériques de l’internet et
des trajectoires énergétiques dans la productivité économique. Cet aspect ne fait pas partie de nos choix de recherche.
[http://www.liberation.fr/terre/2014/10/21/la-troisième-revolution-de-rifkin-n-aura-pas-lieu-1126521]. (consulté le 25 décembre 2016).
270
O. KEMPF, Introduction à la Cyberstratégie, 2è éd., coll. « Cyberstratégie », Economica, Paris, 2015, pp.118 et spéc. p. 11.
Dans le domaine du numérique, un phénomène général reste observable, à savoir : l’émergence de l’anglicisme et une
américanisation du cyberespace. Cela semble la conséquence logique de la mondialisation de l’économie sous la férule des
États-Unis d’Amérique, car l’emprise des firmes américaines se ressent plus particulièrement dans le marché numérique. En
général, les grandes multinationales ont leur siège dans la baie de San Francisco, Sillicon Valley ; elles restent perçues comme
le pôle industriel des NTIC et donc comme moteur de l’innovation technologique. Mais, l’ère post-Snowden (juin 2013)
marque l’actuelle rupture stratégique à la base de la « balkanisation du cyberespace ».
48

favorable tout en poursuivant une politique de dialogue global notamment dans le cadre des
organisations internationales actives dans ce domaine telles que l’OMC, l’OMPI, l’OCDE ou
la CNUDCI ».271 L’économie numérique et le commerce électronique constituent donc deux
enjeux juridiques majeurs pour adapter les acquis législatifs antérieurs, face à la société de
l’information. Les télécoms servent de support de déroulement du commerce électronique, en
lui offrant un cadre marqué par la dématérialisation, le caractère transfrontière, l’ubiquité de
l’information, l’interactivité et la célérité des transactions. Ces caractéristiques inhérentes au
cyberespace répondent mieux au temps accéléré des réseaux, face au temps des réponses
(souvent décalé) de la part des instances législatives et gouvernementales en vue de régir les
activités numériques.
59. En Afrique, la RDC fait face à la révolution numérique, sans disposer du même
niveau d’expérience cognitive des technologies de base, ni avoir mis à jour son cadre
juridique à l’ère numérique. Les droits européens et français peuvent être employés comme
des références, dans le but de construire des paradigmes pour le commerce électronique
international. Ils servent aussi pour retracer les aspects politico-juridiques de la libéralisation
de l’accès aux communications électroniques, ayant permis l’enchainement des États dans
l’économie numérique mondiale. Les institutions et les pays européens ont adopté des règles
spécifiques d’ordre législatif, réglementaire et jurisprudentiel, à la hauteur des enjeux suscités
par les phénomènes (économiques) de l’Internet. Le droit de l’Union européenne répond aux
besoins de construction du marché intérieur, sans exclure le dialogue avec le droit
international.
60. Pour autant, l’objet du droit de l’économique numérique englobe les transactions
économiques réalisées à distance et par la voie électronique. Par ailleurs, les qualifications
juridiques se complexifient davantage dans le commerce en ligne, lorsque les destinataires
d’activités en deviennent eux-mêmes des prestataires. Il devient difficile de définir une
catégorisation des acteurs « transhumants » entre particuliers, et commerçants et de leur
associer les conséquences juridiques de la définition classique des consommateurs et des
professionnels (commerçants). Les rapports du public à l’information sur des réseaux ouverts
au public sont à la base de plusieurs pratiques commerciales nouvelles. Elles suscitent
également des enjeux de définition des fonctions nouvelles du droit, en situant ses règles entre
les droits de la presse, de la publicité, de la communications et des médias, des données, des
contrats, de la consommation et plus spécifiquement du commerce électronique. Au fur et à
mesure, un « millefeuille législatif européen » s’est constitué, en vue de couvrir les multiples
aspects juridiques des services de la société de l’information, notamment : le statut fluctuant
des infomédiaires et des particuliers sur les places de marché virtuelles, la nature variable des
services de communication informative ou publicitaire, la spécificité des biens numériques ,
les agents électroniques, vus comme des automates ou des porteurs de volition dans les
échanges en ligne ; les contrats électroniques, etc.
61. Effectivement, si le commerce traditionnel connait une liste d’actes de commerce par
nature272 et un binôme figé d’acteurs273, la nouvelle commercialité électronique ne connaît pas

271
A. TROYE-WALKER, op.cit., pp. 1-20.
272
Il s’agit de ceux limitativement énumérés dans les Codes de commerce en France ou en RDC. En droit français, c’est
l’ensemble des activités énumérées par les articles L. 110-1 et L. 110-2 du Code de commerce qui permettent aux richesses
de passer des producteurs aux consommateurs.
273
Selon les dispositions citées à la note précédente, le commerce classique concerne deux acteurs, à savoir : d’une part, le
professionnel ou le commerçant et le consommateur d’autre part. G. CORNU, op.cit, p. 198. Verbo « commerçant ».
49

une telle « clôture de raison juridique ».274 Le commerce électronique est aux prises avec le
droit européen du premier fait que ce dernier s’efforce d’en circonscrire l’objet, sans le
définir. Pour en dégager les critères généraux pertinents, il s’impose une nécessité de
théorisation à travers les multiples directives européennes, entre celle dédiée et celles
applicables au commerce électronique.275 La transposition française de l’acquis européen du
commerce électronique est intervenue dans un contexte d’éclatement des sources à travers le
temps. En outre, si les télécoms sont la voie d’accès et de réalisation du commerce en ligne,
elles constituent un secteur d’activités à part entière. Avant d’être un marché libéral, le régime
des services publics a été la base des télécoms. La restitution complète des références
juridiques européennes est effectuée dans le cadre de la communautarisation ainsi que des
systèmes nationaux. Elle fonde notre raisonnement comparé en vue de modéliser
l’applicabilité des institutions juridiques correspondantes pour l’Afrique et la RDC. Pour ce
faire, il conviendra de se référer plus particulièrement aux directives concernées au niveau
européen, et à la législation des télécoms ainsi qu’à la LCEN276 au niveau du droit français.
Ce choix s’explique par la volonté de se concentrer sur des textes législatifs spécifiques, afin
de construire un modèle opératoire des droits (obejctifs) de l’économie numérique, à travers
l’objet comparable des communications et des commerces électroniques entre continents et/ou
entre marchés transnationaux. (Titre I.)
62. En vertu des principes de dérégulation de l’OMC, les États africains se sont engagés
dans la phase de [re]structuration de leurs marchés des infrastructures et des services de
télécoms, en même temps qu’ils se trouvent actuellement au cœur des enjeux de la révolution
numérique. Le droit de l’accès aux communications électroniques concerne nombre d’enjeux
et de mesures de la libéralisation du secteur des télécoms, qui intéressent au plus haut point la
participation de la RDC à la société numérique. Le besoin de dépassement du monopole
public a entrainé la séparation des fonctions de régulation, de réglementation et d’exploitation
du marché électronique.277 L’exhaustivité des aspects des réformes législatives ressort de
l’analyse de la dérégulation des télécoms en Europe, en France, en Afrique et en RDC. Leur
schéma identique est de refonder le cadre juridique de l’intervention publique dans le marché
ouvert, tout en structurant la confiance des consommateurs dans l’économie numérique 278 au
moyen des dispositifs réglementaires et technologiques. La transition numérique a permis la
transformation des infrastructures de télécoms base en celles de l’information.279 À l’échelle
planétaire, les réseaux de télécoms se sont internationalisés, les marchés territoriaux se sont
mondialisés et l’économie s’est globalisée, la multinationalisation des acteurs s’est opérée.
Les transformations numériques et l’économie de marché suscitent des transformations du
droit positif. La RDC a entrepris l’adéquation des ses lois aux standards universels de l’OMC,
alors que le niveau européen est encore plus élevé. (Titre II.)

274
A. CISSE, M1 a) Objet du droit du Droit du cyberespace, Notes de Cours de Master 2 Pro, Univ. Gaston Berger, Saint-
Louis/Sénégal, 2011, p. 14, [http://foad.refer.org/IMG/pdf/cours_objet_droit_du_cyberespace.pdf] (consulté le 22 novembre 2012).
M. DELMAS-MARTY, op.cit., [http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/article_Dalloz.pdf] (consulté le 22 novembre 2012).
275
E. POILOT, « L’exécution du contrat électronique », in J. ROCHFELD (sous la dir.), L’acquis communautaire…, op.cit., p.
203. En l’occurrence, « une première approche du droit européen montre qu’il existe deux types de textes intéressant le
contrat électronique [partie intégrante du e-commerce] : ceux dédiés au contrat électronique et ceux simplement applicables
aux contrats électroniques ».
276
Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, JO RF, 22 juin 2004.
277
W. EL ZEIN, Les aspects juridiques de la libéralisation des télécommunications (étude comparée), éd. Alpha, LGDJ, Paris,
2012, pp. 89, s. et 101 et s.
278
En nommant son œuvre « loi pour la confiance dans l’économie numérique » (LCEN), le législateur français avait choisi
un intitulé porteur de sens pour la loi de transposition de la directive européenne 2000/31/CE sur le commerce électronique.
279
J. CATTAN, op.cit, p. 24.
50
51

TITRE I –
LES TRANSITIONS DES DROITS EUROPÉEN ET FRANÇAIS
DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE ET DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

63. L’« économie du numérique »280 a une acception moins réductrice que le commerce
électronique. Elle prend en compte d’autres aspects de la société de l’information, tels que les
services numériques ou informatiques, les infrastructures de l’information et les technologies
intelligentes sous-jacentes (logiciels, applications, protocoles informatiques)281. Notre thèse
adopte la double approche retenue aussi par d’autres juristes pour appréhender les enjeux
juridiques liés à l’innovation technologique.282 En effet, « [d]eux possibilités s’offrent pour
éclairer l’impact de cette innovation, soit par les contenus, soit par les réseaux ».283 Il y a donc
à distinguer entre les services d’accès aux communications électroniques permettant
d’échanger les informations et les services auxquels donnent accès lesdites communications.
Le domaine de l’économie numérique s’étend au contenant des activités numériques, en
englobant le commerce électronique orienté sur le contenu des activités numériques. Elle rend
plus complet le périmètre des enjeux de transition du droit face au numérique. Notre thèse
étudie séparément l’ensemble de ces aspects, dans une logique complémentaire.284
64. Notre analyse construit, d’une part, les références (paradigmes) du commerce
électronique en procédant d’une analyse ratione temporis des transitions juridiques depuis le
téléachat jusqu’à l’ère du numérique en Europe. Ce travail d’analyse concerne aussi
l’évolution législative depuis les services de télécoms de base jusqu’à la convergence des
réseaux numériques à intégration des services en Europe et en France. L’approche
comparative permet d’observer les convergences et les démarcations d’objet entre la
transposition française et les directives européennes portant sur les services de la société de
l’information. Les points d’originalité de la définition du commerce en ligne français mettent
en lumière des aspects communs, distincts et/ou d’extension par rapport au droit commercial
classique. Un régime juridique spécifique s’attache aux activités économiques en ligne,
considérées comme un objet particulier de droit, sans omettre les adaptations des règles quant
aux sujets des activités concernées.285 Le corps homogène de règles juridiques spéciales
présente une certaine autonomie du commerce électronique, mais il conserve une fonction
complémentaire au regard de la suma divisio du droit.286 L’originalité des transformations du

280
AFTEL, Internet, les enjeux pour la France, p.93, cité par J. HUET, in « Aspects juridiques du commerce électronique :
approche internationale », Les petites affiches, 26 septembre 1997, n°116, pp. 6-18. É. CAPRIOLI, « Aperçu sur le droit du
commerce électronique (international) », in Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du 20 ème Siècle, Travaux
du CREDIMI, Dijon, 2000, spéc. p. 250. L’économie numérique peut s’entendre « du fait pour une entreprise d’utiliser
l’informatique associé aux réseaux de télécommunication pour interagir avec son environnement ».
N. COUTINET, « Les technologies numériques et leur impact sur l’économie », in Cahiers Français, La société numérique,
281

La documentation française, n°372, janv.-fév. 2013, p. 21. « Le secteur des TIC, tel qu’il a été défini en 2008 par l’OCDE,
comprend les secteurs producteurs de TIC (fabrication d’ordinateurs et de matériels informatiques, et de matériels
informatiques, de télévisions, de radios, de téléphones…), les secteurs distributeurs de TIC (Commerce de gros de matériel
informatique…) ainsi que les secteurs des services de TIC (télécommunications, services informatiques, services
audiovisuels…) »
282
L. BENZOZI et P. DUTRU, « De l’accès aux infrastructures à l’accès aux moyens numériques : nouvelle frontière pour la
régulation des communications électroniques », in M-A FRISON ROCHE (sous dir.)[2016], op.cit, pp. 17-18.
283
Ibidem.
284
Le titre I de notre thèse concerne uniquement le commerce électronique, tandis que le titre II concerne les télécoms et les
communications électroniques.
285
Ces dernières s’entendent comme les sujets de droit offrant ou réalisant lesdites activités et encore ceux comme qui en
bénéficient ou les consomment. La révolution numérique a bien été à la base des pratiques commerciales suffisamment
singulières et distinguées.
286
J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, op. cit., p. 16-17. La pluridisciplinarité du droit du commerce électrique est la même que
celle du droit de la consommation. Les classifications traditionnelles des branches du droit se fondent par la nature de leurs
règles formant le droit civil, le droit pénal, le droit administratif, le droit judiciaire, etc. Mais, « les juristes superposent
52

droit français de l’économie numérique (et du commerce électronique) marque des points
d’impact sur l’ordre européen, au regard des adaptations internes permises par les directives
d’harmonisation minimale quant aux institutions juridiques concernant les activités
numériques. (Chapitre 1)
65. Désormais l’« économie du numérique », la « net économie »287 ou encore
l’« économie de l’information »288 présente des enjeux précis essentiellement dans le domaine
des infrastructures de l’information. En légiférant au fur et à mesure les enjeux des télécoms
et de sa nouvelle économie, l’Europe a atteint les objectifs politiques d’organisation de son
marché intérieur. Au sein des États membres de l’Union européenne, des réformes
progressives des services publics ont permis de transposer les acquis communautaires dans
l’ordre juridique interne depuis 1984 jusqu’aux dernières réformes du paquet télécoms (2016-
2017). En Europe, les bases officielles des politiques des télécoms remontent à 1984 et ont été
traduites dans des textes juridiques. C’est en 1987 que le Livre vert sur le développement du
marché commun trace les premières mutations du droit européen des services et équipements
de télécoms qui étaient sous le régime de monopole réglementaire.289 L’objectif de base des
réformes a été d’assurer la « diffusion des techniques de communications les plus avancées
par le recours au jeu du marché ».290
66. Dans cet objectif, la volonté politique européenne a été encadrée par l’instrument du
droit communautaire, grâce aux politiques de démonopolisation du secteur des télécoms,
amorcées aux États-Unis et au Japon, puis en Grande-Bretagne, en Europe et en France entre
les décennies 1980 et 1990. Au départ du processus, la série des directives de 1988 à 1997
(dites « ONP »291) a libéralisé le marché des télécoms en le plaçant sous le contrôle d’un
régulateur sectoriel. Les mesures de libéralisation ont concerné graduellement les marchés des
équipements, des services et des infrastructures des télécoms. Ces mesures ont donné lieu au
développement et à la transformation numérique du marché, désormais marqué par la
« convergence des télécommunications, de l’informatique et de l’audiovisuel ».292 La
première étape de libéralisation atteinte, la série des directives de 2002 et 2009 (dites « paquet

aujourd’hui une autre classification, fondée sur la fonction de la règle juridique. Le droit commercial a constitué le premier
exemple de ces disciplines nouvelles ; le droit du travail, le droit de la concurrence, le droit de la distribution, le droit de
l’environnement, le droit de la consommation relèvent de la même classification fonctionnelle. Cette classification est en
quelque sorte perpendiculaire à la première : chaque discipline de la seconde catégorie recoupe les diverses disciplines de la
première catégorie. C’est en ce sens que l’on peut parler de pluridisciplinarité ».
287
S. CHARTY (sous la dir.), La régulation d’Internet, regards croisés de droit de la concurrence et de droit de la propriété
intellectuelle, (Actes de colloque), coll. droit privé & sciences criminelles, éd. mare & martin, Nantes, 2015, p. 22.
288
M-A FRISON ROCHE, op.cit, p. VII. L’auteur estime qu’« il s’agit dans une société de l’économie de l’information d’une
"valeur pure" qui s’est détachée de son objet ».
289
Commission des Communautés européennes, Livre vert sur le développement du marché commun des services et
équipements de télécommunications, Bruxelles, 30 juin 1987.
290
J. CATTAN, op.cit, p. 19.
291
La série des directives ONP (Open network provision, fourniture de réseau ouvert) comprenait plusieurs textes, avant leur
abrogation en 2002 : (1) directive 88/301/CEE de la Commission, du 16 mai 1988, relative à la concurrence dans les marchés
de terminaux de télécommunications ; (2) directive 90/387/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative à l'établissement du
marché intérieur des services de télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture d'un réseau ouvert de
télécommunications ; (3) directive 90/388/CEE du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de
télécommunication, JOCE, L 192, 24 juillet 1990, pp.10-16 ; (4) directive 90/387/CEE du 28 juin 1990 relative à
l’établissement du marché intérieur des services de télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture d’un réseau
ouvert de télécommunications, JOCE, L192, 24 juillet 1990, pp.1-9 ;. (5) directive 96/19/CE du Parlement européen et du
Conseil du 13 mars 1996, modifiant la directive 90/388 relative à la réalisation de la pleine concurrence sur le marché des
télécommunications, JO CE, L74/13, 22 mars 1996 et (6) directive 97/33/CE du 30 juin 1997 relative à l’interconnexion dans
le secteur des télécommunications en vue d’assurer un service universel et l’interopérabilité par l’application des principes de
fourniture d’un réseau ouvert (ONP), JOCE, L 199, 29 juillet 1997, pp. 32-52.
292
I. CROCQ, op.cit, p.1.
53

télécom » 293) ont ensuite approfondi la concurrence, tout en simplifiant le régime d’accès aux
infrastructures et aux services de communications électroniques. La nouvelle « économie de
la régulation » caractérise le secteur libéralisé et se situe entre l’économie industrielle et
l’économie publique.294 Le cas de la France intéresse par ses particularités.
67. En fonction des évolutions économiques et techniques du marché, le droit français
avait adopté en 1982 et en 1986 des lois réformatrices en dehors de l’harmonisation du droit
communautaire. Les règles européennes ont ensuite permis de transposer les mesures de
libéralisation dans les lois de françaises en 1990 et 1996. La France a opté pour la
privatisation comme moyen d’approfondissement de la « dérégulation » 295, tandis que la
régulation étatique, instaurée en plus de la réglementation, assure le bon fonctionnement du
marché et l’équilibre du jeu concurrentiel. Sur le marché, les technologies de base ont évolué
en supports « interactifs à haut débit, [constituant] des réseaux numériques capables de
transmettre n’importe quel type d’information (que ce soit la voix, une image animée ou non,
des textes ou des données informatiques) ».296 En 2004, la France a adopté la loi pour la
confiance en l’économie numérique et sur les communications électroniques. D’autres lois en
2008 et en 2014 ont renforcé des aspects précis de la société de l’information. Actuellement,
le législateur a entrepris en 2016 une vaste réforme pour la de la République numérique au-
delà du cadre de transposition de l’acquis européen. (Chapitre 2)
68. Les niveaux très en avance des expériences européennes et françaises sont une base
de référence pour l’autorité (en construction) des lois congolaises du commerce électronique.
A posteriori, l’ensemble de ces paradigmes sert au dialogue juridique au sein des instances
internationales de régulation des marchés ou dans les confrontations juridiques que le
cyberespace transfrontière provoque avec d’autres pays hors du continent européen. L’acquis
européen est un creuset d’inspiration pour profiler avec originalité l’objet du commerce
électronique en droit international ou dans d’autres systèmes juridiques étrangers à l’UE.
L’acquis européen est à la base des institutions juridiques offrant l’avantage d’ouvrir un
champ de dialogue entre systèmes juridiques autour du commerce électronique transnational.
Cependant, la difficulté est de circonscrire les éléments communs et/ou basiques pour
qualifier et régir les multiples activités économiques qui prospèrent en ligne. En précisant les
293
En 2002, le « paquet télécom » comprend les directives et décisions des instances européennes suivantes, sous réserve des
changements intervenus depuis 2009 : (1) directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative
à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive
« accès »), JOCE, L108/7, 24 avril 2002 ; (2) directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002
relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et les services de communications électroniques (directive
« cadre»), JOCE, L108/33, 24 avril 2002, p.33-51 ; (3) directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars
2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications
électroniques (directive « service universel»), JOCE, L108/51, 24 avril 2002 ; (4) directive 2002/20/CE du Parlement
européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques
(directive « autorisations »), JO CE, L108, 24 avril 2002, pp. 21-32 ; (5) directive 2002/19/CE du Parlement européen et du
Conseil du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi
qu’à leur interconnexion (directive « accès»), JOCE, L108, 24 avril 2002, pp. 7-20 ; (6) directive 2002/28/CE du Parlement
européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie
privée dans le secteur des communications électroniques (directive « vie privée et communication électronique »), JOCE, L
201, 31 juillet 2002, pp. 37-47 ; (7) directive 2002/77/CE de la Commission européenne du 16 septembre 2002 relative à la
concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques, JOCE, L 249, 17 septembre
2002, p. 21 à 26 et (8) décision n°676/2002/CE Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire pour la politique en
matière de spectre radioélectrique dans la communauté européenne, JOCE, L108, 24 avril 2002, pp. 1-6.
294
J.J. LAFFONT et TIROLE, op.cit, p. 4.
295
D. LINOTTE et A. GRABOY-GROBESCO, Droit public économique, Dalloz, coll. mémentos, Paris, 2001. La dérégulation a
pour synonyme « déréglementation ». Les auteurs précisent ceci : « Dans le domaine de l’économie, la déréglementation se
destine à favoriser la libre entreprise et l’exercice d’une libre concurrence tout en maintenant certaines règles du jeu
élémentaires par les moyens d’une régulation qui s’opère par les agents économiques privés eux-mêmes, soit par l’entrée en
jeu de formes d’administration plus adaptées et plus souples (autorité administratives indépendantes ».
296
I. CROCQ, op.cit, p. 1.
54

critères généraux de la directive européenne 2000/31/CE, les lois de transposition française


offrent une meilleure perception des aspects juridiques pouvant servir de modèle plus affiné
d’inspiration pour l’adaptation du droit congolais. Mais, la comparaison des droits européens
et français avec les droits positifs en Afrique et en RDC doit attendre297 : au préalable, les
sources et les critères juridiques du commerce électronique doivent être décrits avec précision
dans le millefeuille législatif européen, afin de disposer des éléments comparateurs stables
avec le système juridique congolais.

297
Voir infra, Partie 2, Titres I et II de la présente thèse.
55
56
57

CHAPITRE 1 :
LES CRITÈRES ESSENTIELS DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE
DANS LE « MILLEFEUILLE LÉGISLATIF » EUROPÉEN FACE AU DROIT FRANÇAIS

70. Le « millefeuille législatif européen » est un phénomène cumulatif des règles de


droit, en rapport aux textes complémentaires applicables au commerce électronique. 298 La
pluralité des sources s’amoncèle à travers le temps selon les besoins de construction du
marché européen, afin de couvrir des aspects juridiques convergents sous le prisme des
services de la société de l’Information (SSI). Le cadre réglementaire européen du commerce
électronique est donc un modèle de compilation des normes juridiques, d’étape en étape, en
fonction des évolutions technologiques ayant abouti à la révolution numérique. « Celle-ci a
changé la vie des milliards d’individus dans le monde en s’inspirant des règles anciennes
biens connues du théâtre classique : l’unité du temps, de lieu et d’action». 299 Sans compter les
défis de l’ère numérique, le millefeuille législatif est en soi un facteur de complexification du
droit. En effet, la dynamique effrénée de l’innovation technologique entraine constamment
des pratiques économiques nouvelles. Ces dernières placent le droit face aux enjeux de
réformes en vue du renouveau législatif ou des ajustements réglementaires conséquents.
Comme l’amoncèlement des textes juridiques devient inévitable, l’ouvrage du législateur est
fréquemment remis sur le métier. Il se crée un contexte de transition cumulative des normes,
car « le phénomène de la mondialisation, dont les communications électroniques contribuent à
l’accélération, n’est pas étranger à la diffusion d’une pluralité des sources normatives de
nature protéiforme ».300 Les problématiques de la pluri-normativité alimentent notre recherche
de cohérence entre des normes éparses applicables à une même catégorie d’espèces
juridiques. Elles constituent également le centre d’intérêt de notre thèse au regard de la
temporalité saccadée caractérisant l’adoption des textes complémentaires sur le commerce en
ligne européen.301
71. En l’absence de définition formelle du commerce électronique, les critères généraux
du millefeuille législatif européen démontrent que la nouvelle forme de commercialité est
inhérente à la révolution numérique, mais qu’elle dispose aussi des bases anciennes du
téléachat, du contrat à distance et du commerce classique. La démarche d’« effeuillage» du
cadre juridique européen est nécessaire : en parcourant le millefeuille législatif, l’objectif est
de cerner l’objet du commerce électronique européen. Les institutions juridiques qui s’y
rapportent sont des références de comparaison, de transposition ou d’inspiration tant en
France qu’en RDC. Quels sont les éléments essentiels de la notion européenne du commerce
électronique ? Quels sont les types de « dispositif technologique » à considérer, sachant que
ce commerce est dit « électronique » ? Y-a-t-il relativisation ou impériosité des critères de
définition ?
298
Cf. considérant n°11 et article 1, paragraphe 3, directive 2000/31/CE évoquant le « caractère complémentaire et non
dérogatoire» de la « directive commerce électronique », en permettant son articulation avec d’autres directives européennes.
Cf. aussi M. ANTOINE, A. CRUCQUENAIRE, PH. DE LOCHT, M. DEMOULIN, D. GOBERT, C. LAZARO, O. LEROUX et É MONTERO,
Le commerce électronique européen sur les rails ? Analyse et propositions de mise en œuvre de la directive sur le commerce
électronique, Cahiers du Centre de Recherches Informatique et Droit, n°19, Bruylant, Bruxelles, 2001, p. 15.
299
I. BOUHADANA et W. GILLES (sous la dir.), Cybercriminalité, Cybermenaces et Cyberfraudes, IMODEV, Paris, 2012, p. 4.
300
É . A. CAPRIOLI, op.cit., p. 5.
301
[http://www.conformementvotre.fr/un-millefeuille-legislatif-reglementaire/] (consulté le 13 octobre 2013). Une étude se
rapportant au secteur bancaire reste illustratif de l’assertion générale sur « un mille feuille législatif et réglementaire ». En
effet, « [f]ace à la multiplicité de réglementations, […] il n’est pas toujours évident de s’y retrouver pour identifier l’autorité
compétente. […] D’autant que les réglementations font l’objet de modifications qui engagent des processus de mise en
conformité parfois difficiles. »
58

72. À l’analyse, il apparait d’un côté des « critères qualificatifs » sans lesquels le
commerce électronique n’existe pas en droit. D’un autre côté, il est avancé des « critères
supplétifs » qui s’avèrent facultatifs quant aux conditions d’existence juridique du commerce
en ligne. La directive 2000/31/CE rapproche le commerce en ligne avec les services de la
société de l’information.302 Or, ces derniers « sont normalement prestés contre rémunération
à la demande individuelle des destinataires des services ».303 Le considérant n°18 de la même
directive précise que « [l]es services de la société de l’information ne se limitent pas
exclusivement aux services donnant lieu à des conclusions de contrats en ligne, mais, dans la
mesure où ils représentent une activité économique, ils s’étendent à des services qui ne sont
pas rémunérés par ceux qui les reçoivent ». En évoquant tous les critères ci-dessus, le
législateur européen les avait d’ores et déjà nuancés en employant l’adverbe « normalement »
qui leur dénie leur caractère impératif. La nuance de l’acquis européen fonde la considération
que ces critères sont facultatifs au commerce en ligne. Notre analyse se concentre uniquement
sur les premiers critères indispensables du commerce électron ique dans l’« acquis
communautaires »304. (Section I.)
73. Le fait, pour le législateur européen, de n’avoir pas figé le concept « commerce
électronique » dans une définition terminologique est un élément de difficulté, mais qui
comporte aussi des avantages considérables pour les systèmes juridiques nationaux et
étrangers. En ce sens, l’acquis européen offre à ces derniers des critères définitionnels,
génériques pour leur transposition dans leurs lois du commerce électronique au sein l’Union,
comme il en est le cas pour la France. Dans son devoir de mise en œuvre des dispositions
législatives européennes, l’autorité du droit national connaît des degrés de transposition, selon
que l’harmonisation voulue est « minimale » ou « totale ».305 Le domaine harmonisé est
finalement une modification de l’existant pour une mise en cohérence avec une réforme
nouvelle. En effet, le droit français fournit une définition législative et terminologique du
commerce électronique, présentant des impacts nouveaux sur l’objet recomposé du commrece
électronique européen. (Section II.)

302
Considérant n°18, directive 2000/31/CE, préc. : « Les services de la société de l’information englobent un large éventail
d’activités économiques qui ont lieu en ligne. […] Les services de la société de l’information ne se limitent pas
exclusivement aux services donnant lieu à des conclusions de contrats en ligne, mais, dans la mesure où ils représentent une
activité économique, ils s’étendent à des services qui ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent, tels que les services
qui ne sont pas rémunérés par ceux qui le reçoivent, tels que les services qui fournissent des outils permettant la recherche,
l’accès et la récupération des données. »
303
Cf. directive 98/48, préc. et directive 2000/31/CE, préc.
304
J. ROCHFELD (sous la dir.), L’acquis communautaire…op.cit, p. 1. Pour rappel, l’« acquis communautaire » est une
appellation connotée d’histoire, telle que mise en exergue par le groupe de recherches en droit européen des obligations :
CNRS-Paris 1, Panthéon- Sorbonne. Cette appellation, plutôt que « acquis communautaire de l’Union européenne », contient
et exprime la logique de la sédimentation des règles européennes antérieures au Traité de Lisbonne. Elle fait référence au
passé communautaire des règles encore en vigueur. Elle renvoie à la construction du droit du commerce électronique au sein
de l’UE et de ses États membres. Cette formulation est encore employée par les instances européennes comme synonyme du
droit positif européen, en héritage des directives communautaires relevant toujours du droit positif et qui en constituent la
richesse.
305
G. CORNU, op.cit., p. 445. Pour les sémantiques fondamentales, V. aussi Verbo « Harmonisation » : l’harmonisation est
une technique qui permet aux États de disposer ou non d’une autorité législative résiduelle, pour prendre des mesures
justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général. En tant que technique de « droit communautaire », l’harmonisation
comporte deux degrés. D’un côté, une harmonisation partielle ou minimale qui laisse aux États, la possibilité de maintenir
des dispositions plus protectrices d’un intérêt donné, par exemple, l’intérêt des consommateurs ou de l’environnement. D’un
autre coté, une harmonisation totale est la plus avancée puisqu’elle impose une substitution totale des règles posées par la
directive aux règles nationales.
59

SECTION I -
LES CRITÈRES GÉNÉRAUX QUALIFICATIFS
DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE DANS L’ACQUIS EUROPÉEN

74. Dans l’acquis européen306, la directive 2000/31/CE307 fonde l’enjeu principal sur la
notion du « commerce électronique », pour en avoir repris in extenso le terme en son intitulé,
sans pour autant lui réserver de définition textuelle. « Cette lacune ne peut être imputée à la
divergence des systèmes juridiques des États, car les systèmes de Common law [et romano-
germaniques] exigent au moins à titre préliminaire, une définition terminologique. »308 Bien
que l’article 2, a) de cette directive se consacre à l’énoncé des définitions législatives
pertinentes, il se limite à opérer un renvoi explicite à la définition des « services de la société
de l’information » (SSI). La définition de ces derniers est par ailleurs fournie par la directive
98/34/CE309 telle que modifiée par la directive 98/48/CE du 20 juillet 1998.310
75. Ainsi, les services de la société de l’information sont la référence essentielle du
commerce électronique européen. Le considérant n°18 de la directive 2000/31/CE ajoute que
lesdits services « englobent un large éventail d’activités économiques qui ont lieu en
ligne ».311 Il convient donc de préciser, d’une part, le sens de ce renvoi aux SSI, laissant
entendre que le commerce électronique européen est un véritable produit de la révolution
numérique, à travers les âges des techniques de communication à distance. (§1) D’autre part,
les critères génériques liés aux SSI peuvent valablement servir à proposer, dans notre thèse,
une définition juridique de l’objet du commerce électronique européen (§2).

§1. Le renvoi aux « services de la société de l’information »


dans la directive européenne 2000/31/CE
sur le commerce électronique

76. Le commerce électronique européen s’appréhende à travers les services de la société


de l’information (SSI). Les maîtres-mots de leur définition révèlent trois principaux critères
applicables, à savoir : la « distance », la « voie électronique » et la « demande individuelle ».
Il convient de vérifier si ces critères relatifs aux SSI constituent des conditions d’existence
juridique du commerce électronique (A). Par ailleurs, le terme générique « service de la
société de l’information » semble limiter l’objet du commerce en ligne aux « services »
uniquement. Étant donné le sens technique du terme « service » par opposition aux « biens »,
le vocabulaire juridique ne cède pas forcément aux néologismes liés à la technologie, en
confondant l’objet et le sens de ces deux institutions juridiques. La sémantique juridique doit
être précisée afin de déterminer l’application des régimes spécifiques du commerce
électronique et de définir le champ de celui-ci par rapport au droit commun. (B).

306
Le terme « acquis européen » exprime la transformation du droit européen au vu de l’évolution de ses sources matérielles.
Il répond à l’invitation à substituer au terme « acquis communautaire » les formulations renvoyant à « l’Union européenne ».
Certains travaux épousent encore la formule contractée « acquis communautaire » pour désigner l’acquis de droit
communautaire positif.
307
Directive 2000/31/CE, JOCE, L 178, 17 juillet 2000, p. 7.
308
O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, LGDJ, Paris, 2002, p. 6.
309
Directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d’information dans le
domaine des normes et réglementations techniques, JO n° L 204, 21.7.1998, p. 37.
310
Directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 juillet 1998 portant modification de la directive 98/34/CE
prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques, JOCE, L 217, 05 août
1998, pp. 18 et s.
311
Directive 2000/31/CE, préc., p. 6.
60

A./ LE CHAMP ESSENTIEL DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE EUROPÉEN


SOUS LE PRISME DES SERVICES DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION

77. Dans la directive 2000/31/CE, les « services de la société de l’information » sont


définis en rapport à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 98/34/CE312 du 22 juin 1998,
telle que modifiée par la directive 98/48/CE313 du 20 juillet 1998. De manière identique,
l’ensemble de ces directives entendent de ce terme (SSI) : « tout service presté normalement
contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un
destinataire de services ». Cependant, la difficulté est de saisir le champ du commerce
électronique par le fait de son rapprochement définitionnel avec les services de la société de
l’information.
78. Les mêmes directives ajoutent des précisions conséquentes quant aux mécanismes-
maîtres qui sont propres aux SSI et qui sont applicables au commerce électronique. Il s’agit
des termes suivants :
 « à distance » pour qualifier « un service fourni sans que les parties soient simultanément
présentes » ;
 « par voie électronique » pour qualifier « un service envoyé à l’origine et reçu à
destination au moyen d’équipements électroniques de traitement (y compris la compression
numérique) et de stockage de données et qui est entièrement transmis, acheminé et reçu par
fil radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques » ;
 « à la demande individuelle d’un destinataire de services » pour qualifier « un service
fourni par transmission de données sur demande individuelle ».
79. Ces deux directives 98/34/CE et 98/48/CE excluent d’emblée de leur champ
d’application : les services de radiodiffusion sonore ainsi que les services de radiodiffusion
télévisuelle, visés autrefois à l’article 1er, a) de la directive 89/552/CEE.314 Ces services
n’entrent donc pas dans le cadre des services de la société de l’information. Il en est de même
avec leurs annexes respectives315 : leur liste indicative précise les services non visés par la
définition que les articles 1er-2, alinéas 2 (en tout point identiques) des directives 98/34/CE et
98/48/CE donnent des SSI au regard de leurs mécanismes-maîtres. Le droit a appréhendé dans
son champ, les innovations technologiques pertinentes pouvant servir de critères qualificatifs
pour l’objet du commerce électronique.
80. Ainsi, aux termes des trois points des annexes (tout à fait identiques) des directives
précitées, les activités ci-après sont en principe à ne pas considérer comme SSI et donc
comme a priori exclus du commerce électronique européen :
 les services non fournis « à distance », c’est-à-dire ceux prestés en présence physique du
prestataire et du destinataire, même s’ils impliquent l’utilisation de dispositifs
électroniques316 ;

312
JOCE, L 204, 21 juillet 1998, p. 37.
313
JOCE, L 217, 05 août 1998, pp. 18 et s.
314
Directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives,
réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice de l’activité de radiodiffusion, JOCE, L 298, 17
octobre 1989, p. 23. Cette directive a été modifiée par la directive 97/36/CE (JOCE, L 202, 30 juillet 1997, p. 1.
315
Il s’agit des Annexes V, en tout point, identiques des directives 98/34/CE et 98/48/CE, préc. (JOCE, L204, 21 juillet 1998,
p.59 et JOCE, L 217, 5 août 1998, p. 25.
316
Annexe V, directive 98/34/CE telle que modifiée par la directive 98/48/CE, préc. L’annexe cite à titre d’exemples : « a)
examen ou traitement dans un cabinet de médecin au moyen d’équipements électromagnétiques, mais en présence physique
du patient ; b) consultation d’un catalogue électronique dans un magasin en présence physique du client ; c) réservation d’un
billet d’avion via un réseau d’ordinateurs dans une agence de voyage en présence physique du client ; d) mise à disposition
des jeux électroniques dans une galerie en présence des utilisateurs ».
61

 les services non fournis par « voie électronique », c’est-à-dire ceux dont le contenu est
matériel même s’ils impliquent l’utilisation de dispositifs électroniques317, ceux « offline »
se rapportant à la distribution de CD-ROM ou de logiciels sur disquettes et ceux qui ne
sont pas fournis au moyen de systèmes électroniques de stockage et de traitement de
données318 ;
 les services non fournis « à la demande individuelle d’un destinataire de services », c’est-
à-dire ceux fournis par l’envoi de données sans appel individuel et destinés à la réception
simultanée d’un nombre illimité de destinataires (transmission « point à multipoint »)319.
81. Toutefois, avec l’évolution des techniques numériques, le premier tiret ci-dessus ne
se justifie plus obligatoirement, puisque l’utilisation de la « voie électronique » l’emporte sur
la distance pour qualifier le commerce électronique, indifféremment de la présence physique
et simultanée des parties durant l’activité en ligne ou la transaction électronique concernée.
Les considérants n°17 et n°18 de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique
énoncent également des principes d’exclusion et d’inclusion des activités dans l’ordre des
SSI. Ainsi, il s’avère que tout SSI ne relève pas du commerce électronique, car seulement
certaines activités économiques en ligne en épousent les aspects généraux.
82. D’abord, au sens du considérant n°17 de la directive sur le commerce électronique,
sa « définition couvre tout service fourni, normalement contre rémunération, à distance au
moyen d’équipements électroniques de traitement (y compris la compression numérique) et de
stockage des données, à la demande individuelle d’un destinataire de service ». Le
considérant n°18 précise que ces « services » englobent un large éventail d’activités
économiques qui ont lieu en ligne et qui peuvent consister en particulier à vendre des biens
par la voie électronique. Ils ne se limitent pas exclusivement aux services donnant lieu à la
conclusion des contrats en ligne ; mais dans la mesure où ils représentent une activité
économique, ils s’étendent à des services non-rémunérés par ceux qui les reçoivent.
83. À titre d’exemple, ce considérant cite comme faisant partie du commerce
électronique les services de fournitures de l’information en ligne, les communications
commerciales ou encore les outils permettant la recherche, l’accès et la récupération des
données en ligne. Les SSI comportent également les services techniques consistant à
transmettre des informations par le biais d’un réseau de communication, à fournir un accès à
un réseau de communication ou à héberger des informations fournies par un destinataire des
services. En effet, les précisions ci-dessus de la directive 2000/31/CE font en même temps
évoluer le champ du commerce à distance par rapport au commerce électronique. Dans les
directives 98/48/CE et 98/34/CE sur les SSI, la distance impliquait a fortiori l’éloignement
des parties. Dans la directive 2000/31/CE, c’est l’utilisation du dispositif électronique de
traitement et de stockage qui détermine la qualification du commerce électronique.
84. Ensuite, de manière négative et en apportant davantage de précisions, le considérant
n°17 de la directive 2000/31/CE rappelle les activités exclues du champ des SSI déjà définis

317
Ibidem. L’annexe cite à titre d’exemples : « a) distribution automatique de billets (billet de banque, billet de trains) ; b)
accès aux réseaux routiers, parkings, etc. payants même si à l’entrée et/ou à la sortie des dispositifs électroniques
interviennent pour contrôler l’accès et/ou assurer le paiement correct ». (Annexe V, directive 98/34/CE, préc.)
318
Ibidem. L’annexe cite à titre d’exemples : « a) services de téléphonie vocale ; b) services de télécopieurs : télex ; c)
services prestés par téléphonie vocale ou télécopieur ; d) consultation d’un médecin par téléphone/télécopieur ; e)
consultation d’un avocat par téléphone/télécopieur ; f) marketing direct par téléphone/télécopieur ». (Annexe V, directive
98/34/CE, préc.)
319
Ibidem. L’annexe cite à titre d’exemples : « a) services de radiodiffusion télévisuelle (y compris la quasi vidéo à la
demande) visés à l’article 1er, point a), de la directive 89/552/CEE […]; b) services de radiodiffusion sonore ; c) télétexte
(télévisuel) ». (Annexe V, directive 98/34/CE, préc.)
62

par la directive 98/48/CE modifiant la directive 98/34/CE. Les activités ne procédant pas du
traitement et du stockage des données sont ainsi exclues du commerce électronique. Le
considérant n°18 de la même directive souligne que les activités qui par leur nature ne
peuvent être réalisées à distance et par la voie électronique, tel que le contrôle légal des
comptes d’une société ou la consultation médicale (nécessitant un examen physique du
patient) ne sont pas des SSI. Le commerce électronique ne couvre ni les activités telles que la
livraison des biens en tant que telle, ni la fourniture des services hors ligne. Enfin selon la
directive 2000/31/CE, d’autres activités fussent-elles des SSI ou possiblement électroniques,
sont par ailleurs exclues du champ de définition du commerce électronique. Il en est ainsi de
la relation contractuelle entre employé et employeur, autant que de l’utilisation du courrier
électronique ou d’autres moyens de communications individuelles par des personnes
physiques agissant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de leurs activités commerciales
ou professionnelles, y compris pour la conclusion des contrats entre ces personnes. La
directive sur le commerce électronique ne fournit toutefois pas la définition des moyens de
communications individuelles.320
85. Si la notion de commerce électronique n’est guère précise ni définie dans l’acquis
communautaire,321 la législation européenne permet au moins de retenir les critères essentiels
de son existence juridique. La qualification juridique du commerce électronique est
indispensablement liée à l’utilisation d’un réseau de communications électroniques et donc au
fait d’emprunter la « distance » et la « voie électronique » pour toute transaction économique
entre un prestataire et un destinataire. C’est ce critère de réalisation des activités économiques
qui fonde les faits et actes juridiques devant être retenus ou non comme relevant du commerce
électronique.
86. Cependant, le seul rapprochement des négoces classiques avec les SSI ne donne pas
un contour précis et clair de la notion juridique. L’analyse juridique doit permettre la
catégorisation logique des activités économiques en ligne pour fixer un objet du droit du
commerce électronique, sans le faire entièrement dépendre des aspects technologiques en
perpétuelle évolution. En l’occurrence, les considérants n°17 et 18 de la directive 2000/31/CE
citent les activités en ligne de manière empirique, tandis que beaucoup d’autres sont
spécifiquement exclues malgré l’usage plausible des techniques de communication à distance
pour les réaliser. Le législateur européen établit un lien entre le commerce électronique et les
services de la société de l’information, sans délimiter précisément les activités faisant l’objet
du commerce électronique. La réflexion doit conduire à définir sur le plan juridique le champ
spécifique du commerce inhérent aux télécoms et aux nouvelles pratiques de la révolution
numérique. Précisément, même si les services de la société de l’information traduisent de
nouvelles pratiques commerciales de la révolution numérique, le terme « service » restreint
apparemment l’objet traditionnel connu du commerce qui porte à la fois sur des négoces
relatifs aux biens et aux services.322

320
Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à
caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et
communications électroniques, JOCE, L 201, 31 juillet 2002. Les communications individuelles sont définies avec l’aide de
la doctrine, tandis que l’article 2 de la directive 2002/58/CE a fourni la définition du courrier électronique, compris comme
« tout message sous forme de texte, de voix, de son ou d’image envoyé par un réseau public de communication qui peut être
stocké dans le réseau ou dans l’équipement terminal du destinataire jusqu’à ce que ce dernier le récupère »
321
Considérants n°17 et n°18, Directive 2000/31/CE, préc.
322
C. FÉRAL-SCHUHL, Cyberdroit, le Droit à l’épreuve de l’internet, 4e éd., Dalloz, coll. Praxis-Dalloz, pp. 157 et s. T.
VERBIEST, Le nouveau droit du commerce électronique : la loi pour la confiance dans l’économie numérique et la protection
du cyberconsommateur, LGDJ/Larcier, coll. droit des technologies, pp. 112-119. C. CASTETS-RENARD, op.cit., pp.141 et s.
63

B./ LA TERMINOLOGIE « SERVICE » DE LA SOCIÉTE DE L’INFORMATION


À L’ÉPREUVE DU VOCABULAIRE JURIDIQUE

87. Le commerce des biens en ligne est une problématique indissociable de la définition
des services de la société de l’information, vu la portée que ces derniers limitent à « tout
service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la
demande individuelle d’un destinataire de services ».323 (1) Une fois la nouvelle
commercialité électronique précisée, son champ peut présenter deux catégories d’activités :
l’une est typiquement née de l’évolution des techniques électroniques, tandis que l’autre est
classique mais transformée par l’usage commercial de la voie électronique. (2)

1. La problématique des biens du commerce électronique dans le champ des services


de la société de l’information

88. Les directives 98/48/CE et 2000/31/CE accolent le terme « service » à « société de


l’information », mais leurs définitions terminologiques ont trait au fondement originel de la
notion de « prestations de services ». L’article 57 du TFUE (ex-article 50 TCE) les
considèrent comme les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure
où elles ne sont pas régies par des dispositions relatives à la libre circulation des
marchandises, des capitaux et des personnes. Sur ce point, le TFUE précise que les
dispositions relatives à la libre circulation des services couvrent toutes les activités à caractère
industriel, commercial, artisanal et des professions libérales.324
89. Cependant, l’expression « services de la société de l’information » est en réalité un
générique qui comprend également des activités économiques de son considérant n°18
pouvant « consister, en particulier, à vendre des biens en ligne ».325 Selon l’énumération, la
directive 2000/31/CE démontre bien que le commerce en ligne ne se limite pas uniquement au
sens technique du terme en droit, car les ventes sont inhérentes aux biens. La portée générale
des SSI dépasse donc l’acception juridique connue du terme « service ». Il s’avère que le
vocabulaire juridique a du mal à donner une définition au concept 326 « service »327, mais tout
service, quel qu’il soit, diffère du sens juridique des « biens » faisant l’objet des opérations de
vente. « En ce sens, la notion de vente de services que certains auteurs tentent de faire
admettre ne paraît pas appropriée et relève de l’abus de langage ».328 La terminologie
« société de l’information » affublée et précédée du concept « service » ne révolutionne pas
forcément le sens des institutions juridiques classiques du droit civil ou commercial.

323
Article 1er, par. 2, a), directive 98/48/CE, préc.
324
[www.europedia.org] (consulté le 17 décembre 2013), Verbo : « prestation des services ».
325
Considérant n°18, directive 2000/31/CE.
326
R. GUILLIEN et J. VINCENT (sous la dir.), Lexique des termes juridiques, 17e éd., Dalloz, Paris, 2010, pp. 660-663. Le
lexique des termes juridiques ne vise nullement le mot « service » tout court, ni n’en définit nulle part le sens. Le lexique
abonde en définitions, en l’espèce sans intérêt, sur : le service volontaire civil, le service d’intérêt économique général, le
service de documentation et d’études, le service fait, le service minimum, le service national, le service pénitentiaire, le
service public, le service universel, le service volontaire, les services déconcentrés de l’État, les services extérieurs, les
services sociaux ou encore les services votés. Cependant, jamais le lexique ne s’arrête sur le mot « service » tout court.
327
G. CORNU, Vocabulaire juridique, 9è éd., PUF, Paris, 2011, pp. 959 et s. Verbo : « service ». D’une manière générale, il y
a lieu d’exprimer toute la difficulté d’en saisir précisément l’acception juridique. Le vocabulaire juridique lui a réservé trois
colonnes de définitions les unes s’écartant des autres au point où, en fin de lecture, l’on ne peut retenir du terme que « le
résultat de l’action [de servir], de cette activité ou de l’exercice de cette fonction. Ex. le service rendu, les prestations de
services (subordonnés ou non), le service fait ».
328
R. SAVATIER, « La vente à distance », Dalloz, Chronique 45, Paris, 1971, p. 225.
64

90. À ce propos, la critique avait déjà été formulée au cours des premières journées
scientifiques internationales sur le commerce électronique.329 Elle avait objecté le fait que le
droit franchirait, au mépris de l’état actuel de la technologie, le cap futuriste de la
« transmutation » pour faire disparaître des biens d’un point du réseau et les faire réapparaître
(au bout du fil) sur le terminal du destinataire. Et ce, comme si le commerce électronique
devait transmuter littéralement les personnes et les objets dans un cybermonde détaché des
réalités physiques. À ce sujet, il avait été observé que « par services », la directive
2000/31/CE fait état d’une « notion économique qui épouse mal les structures juridiques
existantes ».330 En principe dans la définition des SSI, le sens juridique de « service
fourni331 » place hors du domaine des services (au sens technique du droit), les actes
juridiques portant sur des biens et entraînant un transfert de droits réels ou une cession de
droits intellectuels.332
91. Toutefois, malgré le renvoi effectué aux SSI par la directive 2000/31/CE, il n’est pas
permis d’inférer que le commerce en ligne ne peut porter que sur des services. Le commerce
électronique n’est pas limité aux seules prestations consistant à faire ou à ne pas faire,
lesquelles font naître des liens personnels ou des créances. Il porte également sur les ventes
des biens (en ligne) ; celles-ci consistent à des opérations portant sur des droits réels, à la
différence des droits personnels, en entrainant un effet translatif de propriété.333
92. Par ailleurs, la directive 2000/31/CE pourrait laisser une impression trop restrictive
sur les biens entrant dans le champ du commerce électronique. En effet, elle considère que
« les activités telles que la livraison des biens en tant que telle ou la fourniture de services
hors ligne ne sont pas couvertes » par le commerce électronique.334 Elle ajoute que « les
activités qui, par leur nature, ne peuvent pas être réalisées à distance ou par voie électronique
[...] ne sont pas des services de la société de l’information ».335 Cette formulation peut
logiquement laisser deux impressions qui en conclusion ne se vérifient pas :
 la première considération de cette formulation peut suggérer à tort que tous les biens
vendus dans le commerce électronique doivent être des biens en ligne, c’est-à-dire des

329
J. RAYNARD (sous la dir.), Les premières journées internationales du droit du commerce électronique, Actes du colloque
de Nice des 23,24 et 25 octobre 2000 organisé par le Département Sciences Juridiques de l’EDHEC et école du Droit de
l’Entreprise de la Faculté de Droit de l’Université de Montpellier sous la responsabilité scientifique de E. A. CAPRIOLI,
Litec, Paris, 2002.
330
D.-M. PHILIPPE, « Le contrat de prestations de services : tentatives de définition, perspectives de réglementation », in J.
LAFFINEUR (éd.), Les prestations de services et le consommateur, Bruxelles, E. Story Scientia, 1990, p. 10, cité par W. D.
KABRE, La conclusion des contrats électroniques, Th. Doct. en Droit, Univ. de Namur, Belgique, 2012, p. 37. (Il existe
également une autre version de publication : W. D. KABRE, La conclusion des contrats électroniques, Étude des droits
africains et européens, Préface d’Eric Montero, éd. L’Harmattan, Coll. Études africaines, Paris 2013, pp. 1-586. Ŕ version
non exploitée dans la présente étude.)
331
Cf. in extenso dans la directive 2000/31/CE, considérant n°17, préc.
332
J. GHESTIN et Y. MARKOVITS, « L'adaptation à la responsabilité des prestataires de services de la directive de la
Communauté économique européenne du 25 juillet 1985 sur la responsabilité des produits défectueux », R.E.D.C., 1989, p.
148, cité par W. D. KABRÉ, op.cit., p.38.
333
F.COLLARD DUTILLEUEL et P. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 9e éd., Dalloz, Paris, 2011, n° 627, p.538 :
« Les services résultent généralement des contrats d’entreprise, des baux, des assurances, … ». P. MALAURIE, L. AYNES, P.
STOFFEL-MUNCK, Droit civil. Les obligations, éd. Défrénois, Lextenso éditions, Paris, 2011, p. 1-2. Y. STRICLER, Les biens,
éd. Thémis droit, PUF, 1e éd. Paris, 2006, pp.47-50 : « le lien de droit [...] peut exiger [...] tant des obligations passives (une
prestation) que négative (le respect du droit de son créancier ». J.-L. BERGEL, M. BRUSCHI et S. CIMAMONTI, Traité de droit
civil. Les biens, 2e éd., Coll. Jacques Ghestin, LGDJ, Lextenso édition, Paris, 2010, p. 1 : « Il y a nécessairement des droits
qui relient les choses à leurs titulaires et qui semblent plus importants que les choses sur lesquels ils portent ».
334
Considérant n°18, Directive 2000/31/CE, préc.
335
Ibidem.
65

biens dématérialisés ou des « "biens numériques" utilisés pour désigner les biens circulant
sur les réseaux numériques, ouverts ou fermés »336 ;
 la seconde considération peut suggérer à tort l’impression que seuls doivent relever du
commerce électronique les biens, dont la livraison ou la tradition matérielle se déroulent
par voie électronique, ainsi que les services dont la prestation intervient uniquement dans
le cyberespace même.
93. Les techniques à distance et de communications électroniques ont évidemment
transformé les pratiques, en générant ainsi des nouvelles catégories des biens et services
numériques. Si ces deux catégories du droit n’ont pas été transformées par la révolution
numérique, le progrès technologique a tout au moins créé de nouvelles activités relevant
conjointement ou séparément du commerce traditionnel et du commerce électronique. Cela
recadre bien la portée d’existence des « biens numériques », telle que consacrée implicitement
par la directive 2000/31/CE et, explicitement, par la Résolution du 5 février 2009 du
Parlement européen. Celle-ci a « constaté que le marché numérique qui se développe dans le
domaine des biens et des services immatériels est déjà plus important que les échanges et les
approvisionnements traditionnels [...] et qu'il a, en outre, suscité une nouvelle gamme de
concepts commerciaux et de valeurs économiques, comme le sont les biens "immobiliers"
numériques (noms de domaines) et l'accès à l'information (moteurs de recherche) ».337 Plus
précisément, « [l]a notion de bien numérique est encore plus réductrice puisqu’elle vise, au
pied de la lettre, les seuls biens immatériels, ou incorporels, ou virtuels, constitués d’une suite
de chiffres, comme les adresses "IP" (composées de quatre nombres compris entre 0 et 255
séparés d’un point ».338 Les biens immatériels sont connus depuis longtemps du droit des
biens, y compris en droit européen. L’immatérialité des biens et services ne constitue donc
pas une nouvelle exclusivité au commerce électronique. Par exemple, la directive 2011/83/UE
relative aux droits des consommateurs évoque, parmi les biens (immatériels), l’électricité dans
la mesure de son conditionnement effectif. 339
94. De manière générale, « les biens virtuels sont présents dans trois types des sites : les
sites des jeux virtuels, les sites mettant en ligne un monde virtuel, et les sites acceptant de la
monnaie virtuelle ».340 Outre les services et les biens numériques, le commerce électronique
connaît également des ventes des biens matériels, des choses corporelles341, comme les habits,
les parfums, dont la commande est passée en ligne, sur la base d’un contrat conclu par la voie
électronique. Les ventes d’immeubles auraient pu aussi faire l’objet de contrats du commerce
électronique, si l’article 9, paragraphe 2, a) de la directive 2000/31/CE sur le commerce
électronique ne les avait pas formellement exclues. Cette exclusion requalifie l’acquis
communautaire sur le plus ancien des contrats à distance, en l’occurrence, le télé-achat. Ce

336
A. LUCAS, Droit d’auteur et numérique, Droit@Litec, 1998, n°5, cité par C. ALLEAUME, « Chapitre IV : Les biens
numériques (une notion au service du Droit)», in D. LE METAYER (éd), Les technologies de l’information au service des
droits : opportunités, défis, limites, Cahiers du Centre de Recherches, Informatique et Droit, n°32, éd. Bruylant, Bruxelles,
2010, p. 69.
337
Alinéa 8, résolution du Parlement européen du 5 février 2009 sur les échanges commerciaux internationaux et l'internet
(2008/2204(INI)), JOUE n° C67, 18 mars 2010.
338
C. ALLEAUME, op.cit, p. 65.
339
Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs,
modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la
directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE, L 304, 22 novembre
2005, pp. 25, spéc. 72 et 73.
340
M. WEISS, « Les biens virtuels dans les mondes numériques », in P. MOURON et C. RICCIO (sous la dir.), L’ordre public
numérique : libertés, propriétés, identités, coll. Inter-normes, PUAM, Aix-en-Provence, 2015, p. 63.
341
À la différence de choses perceptibles par l’intelligence (choses incorporelles), le parfum fait partie des choses
corporelles, celles perceptibles par le sens (l’odorat, en l’occurrence).
66

dernier était régi et défini par la directive 89/552/CE modifiée à l’époque par la directive
97/36/CE qui portait expressément sur les activités mobilières et immobilières. Le commerce
électronique ne porte pas sur des ventes d’immeubles.342
95. Une particularité des biens numériques concerne la notion de « biens communs
informationnels » dits « communs informationnels ». Cette notion fut discutée lors du projet
de « loi Axelle Lemaire » sur la République numérique.343 La loi promulguée le 7 octobre
2016 a abondé dans le sens des « mesures visant à protéger les libertés fondamentales », en
considérant l’essentiel de l’innovation et de la croissance.344 Le « domaine commun
informationnel », en abrégé « communs », a été défini à l’idée qu’il existe des biens communs
appartenant à l’humanité et que la création de la recherche publique est un des éléments-clés
du devenir des hommes. « Les communs informationnels sont définis comme n’appartenant à
personne, leur protection étant dès lors justifiée au nom de l’intérêt général (par exemple, le
ciel et l’espace). Les digital commons sont des ressources technologiques et scientifiques
créées, gérées, distribuées et gouvernées par la communauté (par exemple, la licence
« creative commons ») ».345 Les questions en rapport à la valeur juridique de l’information et
du fichier comme son « enveloppe logique » se rapportent à la valeur du clic à l’ère
numérique, tout en amenant aux questions de propriété intellectuelle.346 Ces questions
concernent spécifiquement la « circulation des données et du savoir » et spécialement
l’« économie de la donnée ».347
96. En somme, le commerce électronique comprend les biens (numériques) et les
services (informationnels) faisant l’objet des transactions en ligne. S’agissant des « biens
communs informationnels », ils seraient donc assimilables aux « res communis » (« chose
commune ») ne pouvant être de propriété privative. Leur usage appartient à tous et nul ne peut
s’en approprier individuellement (à la différence des « biens vacants » ou « choses
abandonnés » dits « res nullius » ou « res derelictae » pouvant faire l’objet de
réappropriation). Les « communs » sont utiles au service de tous et de l’intérêt général,
d’autant que le cyberespace donne lieu à un espace collaboratif, dans lequel d’autres services
numériques peuvent prendre appui sur les biens communs informationnels. Ceux-ci ne
peuvent donc pas entrer dans l’objet d’un contrat translatif de propriété, eu égard à leur valeur
hors-commerce et au principe « nemo quod dat non habet ».348

342
J. ROCHFELD, « La définition du contrat électronique », in J. ROCHFELD (sous la dir.), L’acquis communautaire…op.cit., p.
18. Pour la définition du « contrat conclu à distance » : T. VERBIEST, op.cit., p. 119.
343
Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, JORF n°0235 du 8 octobre 2016. Le Projet de loi
sur la République numérique, défendue par la ministre française de l’économie numérique, Axelle Lemaire, a fait l’objet de
plusieurs rapports. Il s’agit des documents préparatoires suivants : Rapport d’information n°3348 de Mme Catherine
Coutelle, déposée par la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les
hommes et les femmes. Rapport n°3366 de Mme Marietta Karamanli, déposé par la commission des affaires européennes.
Rapport n°534 de M. Christophe-André Frassa (Tomes I et II). Rapport de M. Luc Belot (n°3902 à l’Assemblée nationale)
M. Christophe-André Frassa (n°743 au Sénat). D’autres rapports (Lescure, CSPLA, CNN) et recommandations (OMPI) sont
aussi du nombre. Dossiers législatifs – Loi n°20167 du 7 octobre 2016, pour la république numérique.
344
Dossier : [https://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPubliee.do?idDocument=JORFDOLE000031589829&type=general&legislature=14] ( consulté le
26 décembre 2017).
345
A. BENSOUSSAN, « les communs informationnels, valeur du numérique » 23 décembre 2015 [https://www.alain-
bensoussan.com/communs-informationnels-numérique/2015/12/23/] (consulté le 26 décembre 2016) A. TAILLET, A. VOORWINDEN
et H. YAMAKAWA, « Le numérique a besoin de valeurs » - Entretien avec Maître Bensoussan, spécialiste du droit de
l’informatique et des télécommunications », Toute l’Europe.EU, 12 novembre 2015 [http://www.touteleurope.eu/actualité/le-
numerique-a-besoin-de-valeurs-entretien-avec-maitre-bensoussan-specialiste-du-droit-de-l-inf.html] (consulté le 26 décembre 2016).
346
V.-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit., p. 56 et s.
347
Titre 1, chapitre 1, loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour la République numérique, préc.
348
G. CORNU, op.cit., pp. 912-913. Verbo : « res communis » et « res derelictae ». Notre traduction : nemo quod dat non
habet, nul ne peut donner ce qu’il n’a pas.
67

97. En définitive, les transactions du commerce électronique ne portent pas seulement


sur des services, ni uniquement sur des biens et services numériques par nature, disposant des
propriétés physiques leur permettant d’emprunter entièrement le réseau électronique d’un
bout à l’autre. Dans un sens plus juridique qu’économique, la directive 2000/31/CE recentre
les acquis communautaires précédents autour de l’objet du commerce électronique, en
retenant que « les activités qui par leur nature, ne peuvent pas être réalisées à distance ou par
voie électronique [...] ne sont pas des services de la société de l’information ».349 Cette
disposition n’est rien de plus qu’une exigence quant à la particularité d’offrir ou de fournir des
biens et des services « au moyen d’équipements électroniques de stockage et de traitement des
données »,350 comme critère déterminant du commerce électronique. Plusieurs activités
économiques sont nouvellement nées de la révolution numérique, tout autant que d’autres
d’entre elles sont des activités classiques utilisant la voie électronique. (2)
2. Les activités typiques du commerce électronique et les activités dérivées

98. Une catégorisation des activités du commerce électronique est utile pour mieux
appréhender le champ de la nouvelle commercialité électronique. Il se dégage deux genres
d’activités économiques en ligne : celles qui sont typiques de la révolution numérique et
celles qui peuvent à la fois être rencontrées dans le commerce classique et dans le commerce
électronique.
99. Premièrement, les activités du commerce électronique sont celles qui ne peuvent
exister que par le fait des technologies de l’information et de la communication. Ce sont des
activités nouvellement nées de la vie en réseau. Pour certaines, elles n’existeraient pas en
dehors ou en l’absence des télécoms. Ainsi en est-il, par exemple, des moteurs de recherche
d’informations, des outils informatiques de recherche en ligne, d’accès et de récupération des
données en ligne, la fourniture des biens numériques, des plateformes électroniques de
partage d’informations ou de ventes, les services d’hébergement351, de caching352, de
transmission.353 Ceux-ci n’auraient jamais pu exister à défaut d’un dispositif électronique mis
en ligne. Ce premier champ est formé d’activités économiques ayant fait leur entrée dans le
commerce juridique avec l’avènement des réseaux informatiques ouverts et principalement
avec l’apparition de l’Internet. Par essence, ils sont à considérer comme des « services
typiques de la société de l’information ».
100. Deuxièmement, le commerce en ligne peut aussi regrouper la catégorie d’activités
qualifiables de « services dérivés de la société de l’information ». Il s’agit des négoces
classiques mais exercés dans le réseau, comme par exemple et « en particulier vendre des
biens en ligne ».354 À titre d’illustration, la vente d’un livre, soit-il un livre électronique (e-
book), peut se conclure sur Internet ou en présence physique en librairie. Au sens de la

349
Considérant n°18, directive 2000/31/CE, préc.
350
Considérant n°17, directive 2000/31/CE, préc.
351
Article 14, paragraphe 1, directive 2000/31/CE, préc. « Hébergement » : SSI consistant à stocker (sur une plateforme
informatique accessible par réseau de communication) des informations fournies par un destinataire de service, sans que le
prestataire ne soit [en principe] responsable des informations stockées à la demande d’un destinataire de service.
352
Article 13, paragraphe 1, directive 2000/31/CE, préc. « Caching » ou « cache » (forme de stockage): SSI consistant à
transmettre, sur un réseau de communication, des informations fournies par un destinataire de service, sans que le prestataire
ne soit [en principe] responsable, au titre de stockage automatique, intermédiaire et temporaire dans le seul but de rendre plus
efficace leur transmission ultérieure de l’information à la demande d’autres destinataires du service.
353
Article 12, paragraphe 1, directive 2000/31/CE, préc. « Transmission » (simple transport ou « Mere conduit ») : SSI
consistant à transmettre, sur un réseau de communication, des informations fournies par le destinataire du service ou à
fournir un accès au réseau de communication, sans que le prestataire ne soit responsable [en principe] des informations
transmises.
354
Considérant n°18, directive 2000/31/CE.
68

directive 2000/31/CE, on comprend alors pourquoi les « activités telles que la livraison de
biens en tant que telle ou la fourniture de services hors ligne » ne relèvent naturellement pas
du commerce en ligne, sauf lorsqu’elles sont exercées par la voie électronique.355
101. En définitive, la commercialité électronique des actes dépend essentiellement du
recours à la technologie pour les accomplir. Ils restent sur le terrain du droit commercial
classique à défaut d’une « utilisation des techniques de communication à distance par la voie
électronique » pour leur fourniture et/ou accomplissement. La « distance » et la « voie
électronique » assurent l’existence du commerce électronique. Les critères technologiques
sont donc la base de différenciation caractéristique entre les services dits de la société de
l’information et les autres activités du commerce classique. Leur analyse est indispensable
étant donné leur valeur fondatrice pour le commerce électronique européen. (§2.)

§2. La détermination des critères technologiques fondamentaux


du commerce électronique européen

102. En appréhendant par le droit les implications technologiques, le législateur


européen témoigne d’une dynamique pour mettre au point un nouvel objet du commerce en
ligne. Il associe à cet objet un régime répondant aux enjeux économiques de la révolution
numérique. C’est l’évolution technologique qui a permis au grand public l’utilisation et
l’optimisation des mécanismes électroniques facilitant les transactions économiques à l’aide
des supports, terminaux et plateformes électroniques.
103. Mais, ces nouvelles pratiques ont également suscité des enjeux juridiques
particuliers, nécessitant l’encadrement des activités économiques en ligne ainsi que de
nouvelles problématiques. L’acquis européen permet d’étudier la construction juridique de
l’objet du commerce électronique, en prenant en compte à travers le temps des critères
technologiques pertinents, à savoir : la distance géographique en premier lieu, la distance
technologique ensuite, et enfin la voie électronique. (A/). Il n’en demeure pas moins que,
certaines spécifications techniques des équipements électroniques sont déterminantes pour
qualifier les activités faisant l’objet du commerce électronique. À la différence des critères
définitionnels impératifs, il apparaît des critères supplétifs, dont la synthèse est toutefois utile
pour reconstituer l’objet du commerce électronique européen. (B/)

A./ LES MÉCANISMES-MAÎTRES DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE

104. La détermination de l’objet du commerce électronique est une problématique


imoortante en droit européen. En effet, l’« acquis communautaire »356 du droit de l’Union
européenne n’en fournit pas de définition textuelle, aux termes de la directive 2000/31/CE du
8 juin 2000, dite « directive sur le commerce électronique ».357 Il y a lieu de saisir et
d’analyser, tout au moins les critères généraux de définition applicables dans les systèmes

355
Ibidem.
356
J. ROCHFELD (sous la dir.), L’acquis communautaire, … op.cit., pp. 1-2. Pour ce qui est de l’acquis communautaire,
l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009 a entrainé la disparition des références à la « Communauté »
européenne, ainsi qu’à tous les dérivés du terme. Ce changement invitait à substituer les formulations et terminologies
renvoyant à l’« Union européenne ». L’usage du vocabulaire « acquis communautaire » recèle et révèle la réalité de la
rémanence des sources actuelles du droit européen, antérieures au Traité de Lisbonne. Les sources européennes du commerce
électronique sont situées à cheval entre la Communauté (CE) et l’Union (UE). Le terme actualisé correspondant est
l’« acquis européen ».
357
Directive 2000/31/CE du Parlement et du Conseil, 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la
société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce
électronique »), JO CE n°178, 17 juillet 2000, pp. 0001-0016.
69

normatifs internes des États de l’Union européen. Au regard du millefeuille législatif


européen, plusieurs autres directives s’ajoutent à celle précitée et constituent un ensemble de
textes juridiques applicables en l’espèce. Cette couche successive des règles juridiques
encadre les « mécanismes-maîtres »358 du commerce électronique européen à travers la
définition des services de la société de l’information. C’est à travers ce millefeuille législatif
qu’il faut déceler les critères généraux permettant de définir l’objet et par conséquent le
champ ratione materiae du commerce en ligne en Europe. La « distance » et la « voie
électronique » sont les mécanismes-maîtres du commerce électronique. L’acquis européen
permet d’analyser ces deux critères technologiques que le droit retient pour définir l’objet du
commerce électronique. La distance considérée implique la localisation du prestataire et du
destinataire dans un espace- temps, mais celle-ci présente des distorsions face notamment à
l’immatérialité du réseau. (1) L’utilisation de la voie électronique pour offrir ou réaliser
l’activité économique. (2).

1. Le critère technologique de définition dit « à distance » et ses distorsions dans l’acquis


européen du commerce électronique
105. Dans l’acquis communautaire, le critère dit « à distance » correspond à la définition
de « technique de communication à distance ». Le sens de la distance est uniforme, qu’il
s’agisse du commerce en ligne ou de la conclusion des « contrats à distance ». La distance est
reprise dans la directive 2000/31/CE, mais elle relève initialement de la directive 97/7/CE
(directive « contrat à distance » 359 ou plus récemment encore de la directive 2002/65/CE sur
la « commercialisation à distance » (dite directive « services financiers »).360 Ce critère
s’entend de « tout moyen qui, sans qu’il y ait présence physique et simultanée » du
fournisseur et du consommateur, peut être utilisé pour la conclusion d’un contrat à distance ou
pour la commercialisation à distance d’un service (financier) entre ces parties.361
106. Toutefois, les directives 97/7/CE, 98/34/CE et 98/48/CE voire 2002/65/CE avaient
assimilé la distance aux techniques en présence à l’époque. La définition juridique de la
distance était ainsi basée sur le défaut de présence physique et simultanée, mais celle-ci laisse
apparaître des distorsions. Les générations des directives pré-rappelées ont considéré la
distance comme impliquant une rupture de l’unité de temps et de lieu entre interlocuteurs dans
un négoce. Ces directives fondaient les « transactions entre absents »362 c’est-à-dire que

358
H. CAUSSE, « Le contrat électronique, technique du commerce électronique », in J.-C. HALLOUIN et H. CAUSSE, Le
Contrat électronique au cœur du commerce électronique – Le droit de la distribution, droit commun ou droit spécial ?,
LGDJ, Coll. Faculté de Droit et de sciences sociales, Poitiers, France, 2005, p.11-34, spéc. p.17 : « Les mécanismes maîtres
sont au nombre de deux : proposer ou assurer (à distance et par voie électronique) la fourniture des biens ». En nous inspirant
de cet auteur sans totalement calquer le sens, nous identifions la terminologie « mécanismes-maîtres » aux éléments « à
distance et par la voie électronique », dont l’usage constitue en fait et en droit les critères impératifs et fondamentaux du
commerce électronique.
359
La directive 97/7/CE a été modifiée par la directive 2002/65/CE, dans le sens de l’admission de la commercialisation
(vente) à distance des services financiers; et l’annexe 2 de la directive 97/7/CE qui visait en particulier ces services a été
abrogée. Notamment : « Article 18 [Directive 2000/31/CE] : La directive 97/7/CE est modifiée comme suit : 1) À l'article 3,
paragraphe 1, le premier tiret est remplacé par le texte suivant: "- portant sur un service financier auquel s'applique la
directive 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à distance
de services financiers auprès des consommateurs, et modifiant les directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7/CE et 98/27/CE ».
360
Directive 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à
distance de services financiers auprès des consommateurs, et modifiant les directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7/CE et
98/27/CE, JOCE, L 271, 09 octobre 2002, pp. 16 -24.
361
Complément de la finalité contenue à l’article 2, paragraphe 4, directive 97/7/CE, préc. et à l’article 2, e), directive
2002/65/CE, préc., portant cette définition.
362
Comme repris en détail au Chapitre 2, du présent titre. de la présente section, c’est plus tard dans la transposition française
que la notion de « contrat entre non présents » a été introduite du fait que seul le moment de conclusion du contrat était
déterminante à exécuter à distance, quand bien même les autres étapes préliminaires étaient réalisées en dehors des moyens
de communication à distance.
70

l’ensemble du processus précontractuel et contractuel se déroulait avec un éloignement


physique des parties. La définition de la distance excluait les « services prestés en présence
physique du prestataire et du destinataire, même s’ils impliquent l’utilisation de dispositifs
électroniques ».363 La distance équivalait à l’absence totale des parties au contrat commercial
ainsi qu’à toutes ses phases de formation. Aussi, cette vieille notion de distance considérait
deux possibilités:
 soit, seule l’unité de lieu est rompue, c’est le cas d’un accord de volonté par téléphone ;
 soit, en plus de lieux différents, l’unité de temps est également rompue, dans le sens où
l’offre est formulée à un instant T et l’acceptation est donnée à un instant T+1.364
107. En droit européen, une des premières distorsions définitionnelles du critère « à
distance » résultait de son calquage avec la « distance géographique ».365 Cette distorsion de
sens procédait de l’« Annexe I » de la directive 97/7/CE sur les contrats conclus à distance.
Seul le critère métrique de la distance fondait la liste énumérative des moyens de
communications à distance y reprise. Elle mêlait les moyens électroniques avec les techniques
de communication à distance connues à l’époque, y compris la correspondance physique sur
supports papiers empruntant la voie postale. En effet, l’annexe I de la directive contrats à
distance citait le « courrier électronique » (sans le définir) à côté de l’« imprimé adressé », de
la « publicité presse avec bon de commande » et de la « lettre standardisée ». En 1997,
l’énumération des techniques de communication était non seulement hétéroclite, mais aussi
orientée vers un but prospectif par rapport aux innovations et aux évolutions à ne pas exclure
dans les perspectives de cette époque-là. 366
108. Pour le commerce électronique européen, la deuxième distorsion définitionnelle du
critère « à distance » résultait de son assimilation à une finalité contractuelle, en laissant
penser que ledit critère était toujours porté vers la conclusion d’un contrat de type particulier.
Au sens de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 97/7/CE applicable au commerce
électronique, il s’agit de tout moyen qui, entre parties physiquement absentes, « peut être
utilisé pour la conclusion du contrat entre [ces] parties ». Quoi de plus normal que de penser
à une « distance contractuelle » a priori, puisque la directive 97/7/CE définissant ce critère se
rapporte aux « contrats conclus à distance » ? Cependant, l’article 2, c) de la directive
2002/65/CE ajoute une nuance pertinente, en disposant « pour la commercialisation à
distance d’un service entre ces parties ».367 En effet, cette précision replace la « distance » au-
delà de son cadre initial qui la limitait au niveau d’un simple mode de contractualisation. Elle
lui donne son véritable sens large pouvant qualifier même des négoces non-contractuels.
109. La troisième relativisation du critère de la « distance » découle du questionnement
de la doctrine.368 La distance est caractéristique du commerce électronique européen, mais

363
Annexe V, directive 98/48/CE, préc.
364
A. RAYNOUARD, « La formation du contrat électronique », in H. CAPITANT (travaux de l’Association), Droit privé. Le
contrat électronique, éd. Panthéon Assas, Journées nationales, T.V, Toulouse, 2000, p.19.
365
C’est nous qui soulignons.
366
Voici la liste de l’annexe V de la directive 97/7CE, comme telle : « -Imprimé non adressé - Imprimé adressé - Lettre
standardisée - Publicité presse avec bon de commande - Catalogue,- Téléphone avec intervention humaine, - Téléphone sans
intervention humaine (automate d'appel, audio texte), - Radio, - Visiophone (téléphone avec image), - Vidéo texte (micro-
ordinateur, écran de télévision) avec clavier ou écran tactile, - Courrier électronique, - Télécopieur, - Télévision (téléachat,
télévente)». C’est en effet, cinq ans plus tard que la directive 2002/58/CE est venue définir le courrier électronique, en
européen.
367
Directive 2002/65/CE, sur la commercialisation à distance des services financiers, préc.
368
A. RAYNOUARD, op.cit., pp. 19-20. S. POILLOT PERUZZETTO, « La loi applicable au contrat électronique », in H. CAPITANT
(Travaux de l’Association), op.cit., p. 35. O. BRUNAUX, Le contrat à distance au XXIe siècle, LGDJ., t. 524, Coll.
Bibliothèque de droit privé, Paris, 2010 p. 32. J. ROCHFELD, « La définition du contrat électronique », op.cit., pp. 3-34. M.
GUILLAUME, Où vont les autoroutes de l’information ?, cité par H. CAPITANT (Travaux de l’Association), op.cit., p. 35.
71

elle avait été limitée entre personnes absentes et vue uniquement sous l’angle métrique,
temporel et géographique. « C’est-à-dire que [s]a spécificité […] suppose avant tout un
éloignement physique et éventuellement, temporel »369 entre parties. L’acquis communautaire
avait longtemps rattaché la notion de distance à une absence simultanée entre les parties au
moment contractuel. En vertu de la directive 97/7/CE, la particularité intrinsèque du critère
« à distance » résidait dans la rupture de l’unicité de lieu et de temps. Le critère était défini
par rapport à un « service fourni » sans la présence des parties370 ou à un « contrat (conclu) à
distance »371 ou encore à la « commercialisation d’un service à distance »372.
110. Cependant, le législateur n’avait pas défini la distance par rapport au type de
technologie utilisée. « Avec les réseaux télématiques, informatiques, l’espace géographique
réel est double, voire parfois remplacé, par un monde virtuel aux distances abolies ».373 Dans
le commerce en ligne, le critère « à distance » peut se référer à un lieu géographique parfois
naturel, tandis que cette distance peut aussi être virtuelle. Lorsqu’il est fait usage des
communications électroniques dans les transactions économiques, la distance est donc
toujours présumée, même entre deux interlocuteurs non-absents. « De la sorte, même si le
défaut de présence physique simultanée des parties ne constitue pas un élément exprès du
contrat à distance, il apparait néanmoins comme moyen de communication à distance ».374 La
distance dans les directives concernées (97/7/CE, 2000/31/CE, 2002/65/CE) n’est pas définie,
mais ce sont plutôt les techniques de communication à distance qui l’ont été. Comme critère
du commerce en ligne, la distance ne peut donc pas conserver obligatoirement le sens
métrique d’absence physique et simultanée des parties. L’état actuel du droit et de la
technologie de l’information dépasse la dimension empirique de la distance, considérée
autrefois en fonction de l’espace-temps physique entourant le processus précontractuel et
contractuel.
111. En considérant le sens métrique ou géographique de la distance, les politiques
européennes tendent à encourager le commerce transfrontalier au sein du marché de l’Union.
Mais la distance rend complexe les opérations et les règles, suite aux appréhensions qu’elle
suscite de la part du consommateur en devenant une « source d’incertitudes, d’insécurité
juridique et de remise en cause des protections nationales ».375 Des enjeux de droit sont liés à
la perception de l’éloignement physique d’accès à un bien ou un service. La peur des
consommateurs de se procurer des services à distance au-delà de leurs zones géographiques
avait donné lieu au « constat d’un commerce transfrontière jugé décevant ».376 Il en fut ainsi
dans les enquêtes d’Eurobaromètre, avec des chiffres se rapportant non seulement à la
position des entreprises sur le commerce transfrontalier et la protection des consommateurs377,
mais aussi aux achats transfrontaliers réalisés au cours de la période allant de février/mars
2005 à février/mars 2006378.

369
A. RAYNOUARD, op.cit, p. 19.
370
Article 1er, 2), premier tiret, Directive 98/48/CE, préc. : « Aux fins de la présente directive, on entend par : les termes « à
distance » : tout service fourni sans que les parties soient simultanément présentes ».
371
Article 2, directive 97/7/CE, préc.
372
Article 2, e), directive 2002/65/CE, préc.
373
M. GUILLAUME, op.cit, p. 35.
374
G. BRUNAUX, op.cit, p. 32.
375
J.-M. SAUVÉ, op.cit, p. 13.
376
J. ROCHFELD, « les nouveaux défis du droit des contrats : l’efficacité de la lutte contre les pratiques commerciales
déloyales de l’Internet », in J. ROCHELD, op.cit., p. 7.
377
Eurobaromètre, n° 186, enquête menée en octobre 2006 ; Commission européenne, Livre vert, COM (2006) 744, p. 7.
378
Eurobaromètre sur la protection des consommateurs dans le marché intérieur, enquête menée de février à mars 2006 et
publiée en septembre 2006 [http://ec.europa.eu/consumers/topics/eurobarometer_09-2006_en.pdf] (consulté le 1er janvier
2017).
72

112. Entre 2005 et 2006, si la vente à distance a été un phénomène en pleine expansion,
seuls 6% des consommateurs avaient procédé à des achats sur Internet auprès d’entreprises
établies à l’étranger. Dans la même période, seulement 1% de consommateurs en Grèce, en
Hongrie et en Slovaquie achetait des biens dans d’autres États membres via Internet, contre
28% au Luxembourg et 19% au Danemark.379 Une des raisons de compréhension de ces
chiffres réside dans le manque de confiance au commerce à distance transfrontalier avec des
entreprises situées à l’étranger, allant dans certains États européens à des taux de 73% de
manque de confiance.380 « Autre illustration de ce phénomène : 44% des personnes possédant
internet à la maison ont effectué [au cours de la période 2005-2006] un achat électronique
national, tandis que seulement 12% ont réalisé un achat électronique transfrontalier ».381
113. Pour d’autres cas en 2006, la Commission européenne avait recensé des cas où des
professionnels refusaient de vendre à des clients d’autres États membres. 33% des
consommateurs sondés ont dit avoir essuyé un refus de vente au motif qu’ils ne résidaient pas
dans le même pays que le professionnel. Concernant la protection des consommateurs, la
fragmentation de la législation communautaire était à la base de plusieurs freins au
développement du commerce à distance transfrontalier, de la part des professionnels
détaillants. L’expansion continentale du commerce en ligne avait notamment comme obstacle
les frais supplémentaires pour la mise en conformité légale ainsi que les modifications des
contrats, des supports informatifs ou promotionnels.382 En 2007, alors que le secteur du
commerce électronique explose, les échanges transfrontières n’y représentent que 7% (contre
les 6% de 2006), les achats des biens et des services dans d’autres États membres étaient le
fait de 25% des consommateurs les effectuant au cours d’un voyage de loisirs.383
114. Au vu de ces enjeux de confiance observés depuis 2005, les institutions
européennes ont travaillé dans l’objectif de répondre aux craintes du consommateur, qui
refrénaient le développement du commerce à distance. Ainsi, la directive 2005/29/CE384 est
intervenue dans « la recherche d’une unification des conditions contractuelles et de la
construction de la confiance du consommateur dans le marché européen ». Pour faire face à
l’« éclatement réglementaire » entre États membres, la directive 2005/29/CE « tendait
désormais à une harmonisation maximale confinant à l’unification des législations ».385
115. En 2007, en réponse aux mêmes enjeux de confiance, le Livre vert sur la révision
de l’acquis communautaire, note que « [l]a disparité des règles résultant d’une harmonisation
minimale peut avoir une incidence négative sur le marché intérieur ».386 Elle a donc pris en

379
Ibidem.
380
Ibid.
381
Commission européenne, Livre vert sur la révision de l’acquis communautaire en matière de protection des
consommateurs, COM (2006) 744 final, Bruxelles, 8 février 2007, p. 7. « Globalement, 56% des consommateurs estiment
qu’en cas d’achat de biens et services auprès d’entreprises situées dans d’autres États membres, il existe un risque plus élevé
de non-respect de la législation relative à la protection des consommateurs. 71% pensent que les problèmes (plaintes, renvois,
réductions de prix, garanties, etc.) sont plus difficiles à résoudre si l’achat a été effectué auprès d’entreprises situés dans
d’autres États membres. 6% considèrent qu’il est plus problématique de retourner une marchandise achetée dans les limites
du delai de réflexion si le produit provient d’un fournisseur établi dans un autre État membre. »
382
Eurobaromètre, n° 186, enquête menée en octobre 2006 ; Commission européenne, Livre vert, COM (2006) 744, p. 7.
383
Eurobaromètre, octobre 2008, p. 3.
384
Directive 2005/29/CE du PE et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises
vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, JOUE, L 149, 11 juin 2005.
385
J. ROCHFELD, « Les nouveaux défis du droit des contrats : l’efficacité de la lutte contre les pratiques commerciales
déloyales de l’Internet », in J. ROCHELD, op.cit., p. 6. P. REMY-CORLAY, « La directive 2005/29/CE sur les pratiques
déloyales, directive d’harmonisation maximale », RTD civ. 2005, p. 746. A. GARDE et M. HARAVON, « Pratiques
commerciales déloyales », LPA, n°153, 2 août 2006, p. 11 ; J. BIOLAY, « La nouvelle directive européenne relative aux
pratiques déloyales : défense prioritaire du consommateur et pragmatisme », Gazette du Palais, 9 novembre 2005, p. 3.
386
Commission européenne, Livre vert sur la révision de l’acquis communautaire en matière de protection des
consommateurs, COM (2006) 744 final, Bruxelles, 8 février 2007, pp. 7-8.
73

compte les nécessités d’asseoir la « confiance des consommateurs » dans les mécanismes de
marché, en agissant sur les garanties de protection élevée et d’identité totale des règles
appliquées.387 De nos jours, la « stratégie européenne pour un marché unique numérique »,
telle que présentée en mai 2015, oriente l’un de ses piliers d’action sur « l’amélioration de
l’accès aux biens et services numériques dans toute l’Europe pour les consommateurs et les
entreprises ».388 Effective depuis la fin de l’année 2016,389 la stratégie entend « établir des
règles visant à faciliter le commerce électronique transfrontière ».390 Cet objectif dépasse le
seul critère dit « à distance » ; il implique également les activités réalisées « par voie
électronique ». « De nos jours, la transformation numérique emprunte des réseaux ramifiés de
la globalisation, elle est transfrontalière dans ses effets et ses acteurs se singularisent par leur
forte extranéité ».391

2. Le critère technologique de définition dit « par voie électronique » dans l’acquis européen
du commerce électronique

116. La « voie électronique » efface les distances et les localisations.392 Sa prise en


compte par le droit sert à définir l’objet du commerce électronique. En réalité, l’utilisation de
la voie électronique implique toujours la « distance de fait », au regard de l’architecture des
réseaux électroniques et indépendamment de la localisation physique des parties. À ce sujet,
la directive 2000/31/CE reprend l’essentiel de la directive 98/48/CE sur services de la société
de l’information, quant à la notion de la voie électronique. Cette dernière permet la réalisation
d’un « service envoyé à l’origine et reçu à destination au moyen d’équipements électroniques
de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage de données et qui est
entièrement transmis, acheminé et reçu par fil, radio, par moyens optiques ou par d’autres
moyens électromagnétiques ».393 Les deux directives ont attaché leur définition au « service »
qui emprunte la voie électronique comme moyen de réalisation.
117. Si la directive 97/7/CE est aussi applicable dans le champ du commerce
électronique, elle avait uniquement fait allusion au critère de la distance pour instituer un type
de contrat dit « contrat à distance ». Mais aujourd’hui, la directive 2000/31/CE impose sa
combinaison avec la « voie électronique » pour toute activité devant relever du commerce en
ligne dont la nature juridique est plus spécifique. La « voie électronique » est indispensable,
en tant qu’« équipements électroniques de traitement et de stockage de données, […]
entièrement transmis, acheminé et reçu par fils, par radio, par moyens optiques ou par d’autres
moyens électromagnétiques ».394 Elle est essentiellement un moyen de télécommunications à
travers lequel la distance sera toujours supposée même en présence physique des parties (non
absentes). Elle correspond aussi bien à un vecteur de communication à distance qu’à un média
387
J. ROCHFELD (sous la dir.), L’acquis communautaire, le contrat électronique, Economica, coll. Études juridiques, n°34,
Paris, 2010, pp. 8 et s.
388
ANDRUS ANSIP [vice-président de la Commission européenne, chargé du marché unique numérique] et GÜNTHER
OETTINGER [commissaire européen à l’économie et à la Société numériques], Présentation de la stratégie européenne pour
un marché unique, (#DigitaSingleMarket), Bruxelles, 6 mai 2015.
389
E. SUTTON, « La Commission européenne dévoile sa stratégie numérique en 3 axes », 7 mai 2015, in [www.idboox.com.]
(consulté le 14 décembre 2017). Il s’agit notamment des « règles harmonisées de l’UE concernant les contrats et la protection
des consommateurs lorsqu’on achète en ligne, qu’il s’agisse des biens physiques comme des chaussures ou du mobilier, ou de
contenus numériques tels que des livres électroniques ou des applications. Les consommateurs devraient bénéficier d’un
éventail plus large de droits et d’offres, tandis que les entreprises pourront vendre plus facilement dans d’autres pays de
l’Europe ».
390
[www.idboox.com/economie-du-livre/la-commission-europeenne-devoile-sa-strategie-numerique-en-3-axes] (lu le 4 déc. 2017).
391
J.-M. SAUVÉ, op.cit, p. 13.
392
G. BRUNAUX, op.cit, p. 32.
393
Article 1er, directive 98/34/CE, paragraphe 2, a) 2), 2 e tiret, préc. et considérant n°17, directive 2000/31/CE, préc.
394
Article 1er, paragraphe 2, directive 98/48/CE, préc.
74

d’accès à l’information.395 Dans le commerce en ligne, les équipements électroniques sont


connectés à « des réseaux numériques capables de transmettre n’importe quelle information
(que ce soit la voix, une image animée ou non, des textes ou des données informatiques) ».396
118. En effet, le terminal informatique est un équipement électronique, servant d’organe
d’entrée et de sortie d’informations en réseau.397 Il est utilisé comme moyen de manifester le
consentement en ligne. Même lorsque les parties sont physiquement et simultanément
présentes, un processus automatique s’enclenche à l’aide des « protocoles de communication
qui définissent de façon formelle et interopérable la manière dont les informations sont
échangées entre les équipements du réseau.[…] Les services réseau se basent sur les
protocoles pour fournir, par exemple : des transferts de textes (SMS…) ou de données
(Internet…) ».398 Dans un même espace géographique, les parties au commerce électronique
peuvent ne pas sentir la distance métrique des équipements qui sont ainsi connectés à
distance, car l’information circule à la vitesse de la lumière. Sur le plan technique, « le laps de
temps de transmission de cette information est quasi nul ; il existe cependant et doit être
distingué du laps de temps qui s’écoule parce que le vendeur doit prendre connaissance du
message ».399
119. En toute hypothèse et même en présence physique des deux parties, l’information
parcourt l’architecture physique du réseau de télécoms. En tant qu’équipement de traitement
liminaire, le terminal informatique opère la saisie de l’information qu’il transforme en signal
électromagnétique ou en signal numérique, selon la technologie en présence. Le signal
emprunte un routage invisible, mais passant par des nœuds de connexion ou d’interconnexion,
physiques, distants entre eux. Les parties ont beau être géographiquement présentes, mais
elles peuvent demeurer absentes, si elles ne sont pas connectées au réseau électronique en un
même moment ou à des moments décalés. Par contre, la présence ou l’absence physique
importe peu pour le commerce électronique, tant que les parties sont connectées à un réseau
de télécoms par lequel ils effectuent leurs transactions. C’est le pointage du serveur ou du
commutateur, selon réseau internet ou téléphonique, qui détermine la qualification du
commerce électronique. Le droit particularise l’activité économique en ligne au regard de
l’utilisation de la voie électronique par les parties, sans prépondérance pour leur localisation
physique.
120. Par ailleurs, la directive 2000/31/CE considère les propriétés technologiques d’un
dispositif automatique de passation de commande contre accusé-réception.400 Un tel dispositif
« fonctionne en relation avec un autre par l’intermédiaire d’un réseau informatique ou de
télécommunication ».401 La voie électronique est donc nécessairement un « réseau de

395
Cf. aussi T. VERBIEST, op.cit., pp. 127-128. En répondant à la question comment (satisfaire à l’obligation de) fournir des
informations préalables, l’auteur dit qu’il faut faire recours à « tout moyen adapté à la technique de communication à distance
utilisée : l’information doit être accessible par le même medium que celui utilisé pour présenter le produit ou le service ».
396
I. CROCQ, op.cit., 2005, p.1.
397
Cf. aussi A. BENSOUSSAN, J.-F. FORGERON et A.B.-AVOCATS, Les arrêts-tendances de l’informatique, éd. Lavoisier, Paris,
2003, p. 319.
398
J. GUALINO, Dictionnaire pratique, informatique, Internet et nouvelles technologies de l’information et de la
communication, Gualino éditeur, Paris, 2006, Verbo « réseau informatique ». Outre le protocole IP, pour le transfert des
données, il existe deux autres protocoles de niveau supérieur UDP et TCP : l’un permet l'envoi de données d'une manière non
fiable (aucune garantie de la réception du paquet par le destinataire), l'autre au contraire assure une transmission fiable de
données (avec une garantie de réception du paquet par le destinataire contre accusé de réception).
399
A. RAYNOUARD, op.cit, p.19.
400
Considérant n°18, directive 2000/31/CE, préc.
401
J. GUALINO, op.cit, p. 282. Verbo « en ligne ». Le Préfixe « e-» placé devant commerce pour dire « e-commerce » signifie
le commerce en ligne, en connexion permanente. Le commerce électronique ne prend pas en compte les activités hors ligne
(dites offline).
75

communication »402 à travers lequel se réalisent les activités économiques de vente des biens
ou de fourniture de services par connexion à distance entre personnes. Ainsi, le commerce
électronique s’avère un commerce en ligne. L’exigence technique de l’acquis européen le
restreint à une activité économique essentiellement connectée en réseau, dite on-line.403 Par
conséquent, le commerce en ligne est un type plus particulier d’activités économiques
réalisées à distance.404 Il concerne « également des services qui consistent à transmettre des
informations par le biais d’un réseau de communication, à fournir un accès à un réseau de
communication ou à héberger des informations fournies par un destinataire de services ».405
121. Dès lors, il est compréhensible que le droit européen ait exclu du commerce
électronique certains services ne répondant pas au critère d’activités économiques en ligne. La
directive 2000/31/CE cite deux exemples d’exclusion, à savoir :
 les services offlines comme la distribution des CD-ROM ou de logiciels sur disquette ;
 les services au contenu matériel même s’ils impliquent l’utilisation des dispositifs
électroniques, notamment : la distribution automatique des billets (billets de banque,
billets de trains), accès aux réseaux routiers, parkings, etc. payants même si à l’entrée
et/ou à la sortie des dispositifs électroniques interviennent pour contrôler l’accès et/ou
assurer le paiement correct.406
122. À la lumière de ce qui précède, l’Internet est la meilleure illustration d’un système
de communication intégré offrant plusieurs moyens électroniques de communication à
distance. « C’est un espace de communications et d’échanges qui efface les frontières grâce à
des protocoles simples et universels renouvelant complètement les technologies des
télécommunications ».407 L’internet est « une chaîne technique et économique » reliant un
producteur de contenu ou de service et un usager.408 La voie électronique est inhérente à
l’Internet, mais elle peut être également considérée comme un type particulier de technique de
télécommunication. Elle implique donc toujours la distance à l’instar de l’Internet. Mais
l’inverse n’est pas toujours vrai, parce que la télécopie (fax classique) par exemple rencontre
le critère de la distance, mais elle ne fait pas partie de la voie électronique. C’est ainsi que
l’acquis européen détermine les spécifications techniques qui répondent aux exigences
juridiques se rapportant aux moyens électroniques des télécoms admis pour le commerce
électronique. (B.)

402
Ibidem, p. 419. Par définition, le réseau est l’ensemble de moyens matériels et logiciels mis en œuvre pour assurer les
communications entre ordinateurs, stations de travail et terminaux informatiques (réseau informatique) ou l’ensemble des
lignes câblées et d’équipements de télécommunications assurant la transmission d’informations entre des points de
distribution et ceux de connexion au réseau (réseau de télécommunication) ou encore l’ensemble formé d’un réseau de
télécommunication et d’équipements d’accès, affecté à la transmission d’information (réseau de transport).
403
Ibid.
404
J. ROCHFELD, L’acquis communautaire…op.cit., pp. 3-34, spéc. pp. 24 et 27. L’auteur parlait des « contrats à distance
conclus par voie électronique », dans les perspectives d’évolutions européennes concernant la proposition de directive sur les
droits des consommateurs du 8 octobre 2008. Il était souligné ce qui suit au considérant n°12 de ladite proposition : « la
nouvelle définition du contrat à distance doit couvrir tous les cas dans lesquels des contrats de vente et de service sont
conclus par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance (vente par correspondance
Internet, téléphone ou fax) ».
405
Considérant n°18, Directive 2000/31/CE, préc. Il en est ainsi des services informationnels en ligne, des communications
commerciales en ligne, des outils de recherche, d’accès et de récupération des données en ligne.
406
Annexe, directive 2000/31/CE, préc. Cette directive ne s’applique pas à « l’émission de la monnaie électronique par des
institutions pour lesquelles les États ont appliqué une des dérogations prévues à l’article 8, paragraphe 1, de la directive
2000/46/CE. » Les billets de banque relèvent de la souveraineté des États et ne sont pas du domaine du commerce.
407
É. SCHERER, La révolution numérique, glossaire, op.cit, pp. 106-107. Verbo « internet » : « L’Internet est une vaste
infrastructure d’équipements informatiques et de logiciels à l’échelle planétaire ».
408
H. LE CROSNIER et V. SCHAFER, « Internet, une chaîne technique et économique », La neutralité de l’internet, un enjeu de
communication, CNRS éd., Les essentiels d’Hermès, Paris, 2011, pp. 75-77.
76

B./ LESSPÉCIFICATIONS DES CRITÈRES TECHNOLOGIQUES POUR UNE SYNTHÈSE DE L’OBJET


DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE EUROPÉEN

123. L’acquis européen précise la nature des équipements, nécessairement reliés à


distance et à un réseau électronique, comme condition d’existence juridique du commerce en
ligne. (1.) Lorsque ces spécifications techniques sont rencontrées, les régimes se singularisent
davantage en fonction des utilisations (1) des communications individuelles ou des celles de
masse dans le commerce électronique (2). Ces dernières particularités sont à l’image plus
globale des changements que la révolution numérique suscite dans les domaines des « ego
medias » et des « mass medias »409 (3), avec le cas de la VoD (4). L’analyse globale permet
de présenter une synthèse de définition pour l’objet du commerce électronique européen (5).
1. La nature juridique des équipements de communications à distance et électroniques admis
dans le commerce électronique européen
124. Au départ, les médias électroniques étaient utilisés dans les négoces entre
entreprises. Les premières plateformes du commerce électronique étaient des réseaux fermés,
gérés par une autorité centrale. Ils étaient accessibles uniquement aux personnes autorisées.410
Dans le commerce, les premiers réseaux informatiques étaient destinés aux usages entre
entreprises, c’est-à-dire limités d’accès à des commerçants désignés et préalablement
identifiés. Les personnes autorisées devaient y accéder en s'identifiant dans le système, au
moyen des noms d'usagers et des mots de passe.411 Le « droit du commerce international
électronique » avait reconnu dès 1996 la valeur juridique des « messages de données »
informatisées.412 La loi-type de la CNUDCI sur le commerce électronique entend par ces
types de messages « l’information créée, envoyée, reçue ou conservée par des moyens
électroniques ou optiques ou des mayens analogues, notamment mais non exclusivement
l’EDI, la messagerie électronique, le télégraphe, le télex et la télécopie ».413 Le cas de l’EDI
désigne l’« Échange de Données Informatisé » en tant terme générique pour l’échange
d’informations automatique entre deux entités à l’aide de messages standardisés, transmis de
machine à machine.414
125. Ensuite, un secteur important des services en ligne concernait ce que l’on appela la
« télématique grand public », autrement dit le « Minitel ». Ce dernier bénéficiait d’une
énorme base installée jusqu’à son retrait total.415 Les services Télétel et télématiques grand
public sont aujourd’hui détrônés par les réseaux ouverts, tel que l’Internet. En effet, l’Internet
accueille des « galeries marchandes virtuelles » sur lesquelles s’effectue le commerce

409
Ibidem, pp. 78-81. Verbo « ego media vs mass media ».
410
D. GOBERT et E. MONTÉRO, « La signature dans les contrats et les paiements électroniques : l’approche fonctionnelle »,
DA/OR, avril 2000, n°53, pp. 17 et s.
411
D. G. MASSE, « La preuve des inscriptions informatisées », Congrès Annuel du Barreau du Québec, n°232, mai 1997, p.
429 [http://www.masse.org] (consulté le 26 novembre 2013).
412
É. A. CAPRIOLI, Droit international de l’économie numérique, op.cit, pp. 81 et s.
413
Article 2, a), loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique, adoptée le 12 juin 1996.
414
L’EDI a permis aux entreprises d’émettre leurs commandes, leurs avis d’expédition, leurs factures. Ce dispositif
électronique émet des messages électroniques normalisés qui sont transmis vers les ordinateurs entre partenaires
commerciaux (fournisseurs, clients, banques). Leurs ordinateurs sont capables d’interpréter et d’intégrer automatiquement les
données correspondantes dans les systèmes d’information respectifs sans papier ni intervention humaine.
415
J. HARIVEL, « Le Minitel, une exception française », Revue de l’Institut du Monde et du Développement, n°4, Les éditions
IMODEV, Hiver, 2013, Paris, pp. 93 à 106. « Le 30 juin 2012 [à minuit], Orange a mis fin au fonctionnement du Minitel
après plus de trente ans de service. Né d’une expérimentation en Bretagne, le Minitel a été rapidement adopté par les Français
qui ont, dès 1985, pu accéder au premier réseau de téléservices. La fin du Minitel a été plusieurs fois annoncée en vain. Si,
pour certains, le Minitel a été accusé de freiner le développement d’Internet, il a pour d’autres, familiarisé les Français à
l’utilisation de services interactifs et préparé la diffusion de l’Internet dès que les conditions matérielles ont été propices à
cette diffusion. »
77

électronique.416 L’Internet a apporté au commerce traditionnel le particularisme de son


environnement de prédilection, sachant néanmoins que des auteurs ont relativisé l’impact de
la révolution numérique sur le droit.417 En tant que « réseau des réseaux », l’Internet offre des
possibilités multimédias de production, de circulation, de diffusion et d’échange des sons,
textes et images. En effet, l’« Internet repose sur la mise en place des liens physiques entre les
réseaux pour assurer l’acheminement des messages et des informations mais aussi des
relations contractuelles pour gérer l’échange de trafic entre les réseaux. Si ces liens ou ces
relations entre les réseaux n’existent pas, les messages acheminés doivent trouver des routes
alternatives ».418
126. Enfin, la « neutralité technologique »419 a été à la base de la convergence des
médias informatiques. Cette convergence exprime la fusion des industries des télécoms, de
l’informatique et des contenus sous l’effet de la numérisation. Celle-ci a permis de
matérialiser l’idée, récurrente depuis 1980, de la fusion des terminaux, des marchés ou des
acteurs. Mais avec la généralisation de l’Internet, la convergence numérique marque le
tournant ci-après des réseaux à intégration des services : « celui d’une plateforme haut débit
raccordant des terminaux hétérogènes à des services diversifiés au moyen d’une
passerelle ».420 Ainsi, « la convergence et la digitalisation révolutionnent l’offre, les couleurs,
les modes de consommations, entrainant les médias historiques [...] dans une phase de
mutation profonde qui devrait conduire à la définition d’un nouveau modèle de
communication. Il n’y a plus aujourd’hui un appareil dédié à un même usage ».421
127. Toutefois, le commerce par la voie électronique a pu faire l’objet de distinction
d’après la nature du réseau utilisé. Le terme « commerce électronique » ou « e-commerce »
est couramment utilisé lorsqu’il s’agit d’activités économiques menées par le biais des
réseaux EDI et de l’Internet. Dans le commerce en ligne, le terme « commerce mobile » ou
« m-commerce » tient de la singularité des terminaux mobiles et des communications par
SMS, MMS grâce à l’Internet mobile, à l’exclusion de la communication orale. Selon
l’OCDE, le m-commerce « désigne les transactions commerciales et activités de
communication conduites par le biais de services et réseaux de communication hertziens au
moyen de messages de texte (ou SMS Ŕ Short Message Service), de messages multimédia
(MMS Ŕ Multimédia Messaging Service), ou de l'internet sur de petits terminaux mobiles de
poche, en général utilisé pour les communications téléphoniques ».422

416
O. CACHARD, op.cit., p. 5. A. HOLLANDE et X. LINANT DE BELLEFONDS, Pratique du droit de l’informatique et de
l’internet, 6è éd., Delmas, Paris, 2008, n°1302- 1319, p. 201. P. TRUDEL, « le cyberespace, réseaux constituants et réseau des
réseaux », Les autoroutes de l’information : enjeux et défis, Actes du colloque du Centre Jacques Cartier organisé du 5 au 8
décembre 1995, Université de Montréal, Centre de Recherche en droit Public, 1996, p.137. Pierre Trudel évoque six
principes directeurs de construction des réseaux informatiques qui sont autant des défis lancés à la réglementation étatique, à
savoir : métamorphose, hétérogénéité, multiplicité et emboîtement des échelles, extériorité, topologie et mobilité des centres.
417
V. FAUCHOUX et P. DEPREZ, op.cit., pp. 3-10. L’automobile a été une révolution de la locomotion, mais elle ne s’est pas
fait suivre de la création du droit de l’automobile.
418
I. CROCQ, op.cit., p. 31.
419
N. CURIEN et W. MAXWELL, La neutralité d’internet, La découverte, repères, 2011, p. 3. La neutralité se rapporte à
« l’accès égal des internautes à tous les contenus, services et applications de la toile » et s’étend au mode d’accès qui ne peut
être limité à un type de technologie, de médias ou de support.
420
V. SCHAFER et H. LE CROSNIER, La neutralité de l’Internet, un enjeu de communication, CNRS éditions, Les Essentiels
d’Hermès, Paris, 2011, p. 86. A. RALLET, « Une économie de la communication ? », Hermès, n°44, 2006, p. 169.
421
F. JOST, « Où va la TV, De l’influence de la TV numérique sur les programmes et la programmation », in G. DELAVAUD
(sous la dir.), Permanence de la TV, Paris, édition Apogée, 2011, pp. 23-24, cité par P.-F. DOCQUIR et M. HANOT, op.cit, p. 9.
422
OCDE, Rapport de réunion ministérielle sur le futur de l'économie de l'internet, Orientations de l'OCDE pour les
politiques pour la prise en compte des questions de protection et d'autonomisation des consommateurs dans le commerce
mobile, Séoul, 17-18 juin 2008, [http://www.oecd.org/dataoecd/51/60/40883688.pdf] (consulté le 25 novembre 2013).
78

128. Le développement du m-commerce fait partie des questions contemporaines du


droit du commerce électronique. Ces questions concourent à adapter le commerce mobile par
rapport aux règles qui étaient initialement conçues sur la base des sources matérielles
dominées à l’origine par le Minitel et l’Internet sur ordinateur. Comme ces règles juridiques
demeurent d’application, les designs des téléphones intelligents et de l’internet mobiles s’y
conforment quant à leurs fonctionnalités techniques. La difficulté pratique du m-commerce est
d’assurer, sur téléphones, tablettes ou par SMS, certaines obligations informationnelles pré- et
post-contractuelles prescrites par le législateur européen, autant que cela s’effectue sur écran
d’ordinateur (de type PC desktop).423 La réalisation de l’obligation informationnelle peut
paraître complexe pour des contrats en ligne conclus sur des terminaux portatifs, précisément
en ce qui concerne l’archivage des clauses et des conditions générales des contrats sur support
durable. Le législateur européen l’exige dans le commerce électronique.424 Néanmoins, les
capacités et fonctionnalités des terminaux et médias mobiles y répondent sans difficulté, à
l’aide des versions de logiciels compatibles, qui sont dans le marché courant.
129. En effet, le commerce en ligne se développent actuellement à travers les réseaux de
téléphonie cellulaire GSM 3G/4G et des téléphones intelligents. Le m-commerce désigne le
commerce électronique par terminaux mobiles. En pratique, plusieurs réseaux mobiles ainsi
que de nombreux téléphones portables-multifonction (Smartphone ou, en français, téléphone
intelligent) peuvent servir à accéder valablement au commerce électronique. Ces appareils
sont de véritables ordinateurs et les types de réseaux, fixes ou mobiles, auxquels ils se
connectent sont indifférents. Sur ce point, les fabricants ont amélioré le design des téléphones.
Ils ont optimisé leurs capacités fonctionnelles et mémorielles, leur permettant de stocker des
données ou de télécharger les conditions générales des offres en ligne. L’industrie de
l’Internet mobile s’est adaptée par rapport aux normes législatives requises pour la réalisation
du commerce en ligne à travers les réseaux et terminaux mobiles. Ainsi, des cartes-mémoires
auxiliaires permettent de rendre les téléphones portables aptes à assurer les fonctionnalités
nécessaires aux obligations informatives et mnésiques légalement requises pour le commerce
électronique européen.
130. À cet effet, l’article 10 paragraphe 3 de la directive 2000/31/CE a imposé, au profit
des destinataires des services de la société de l’information, la fourniture de certaines données
contractuelles « d’une manière qui permette de les conserver et de les reproduire », mais sans
autre précision. C’est aussi dans un sens utilitaire pour les consommateurs des services
financiers à distance, que l’on retrouve une notion plus précise dans la directive 2002/65/CE :
celle du « support durable ».425 Les réseaux de télécoms et l’Internet adoptent des protocoles
adaptés pour des personnalisations automatiques (d’une « version mobile ») devant permettre
la réalisation des services de la société de l’information. Cela explique valablement que les
téléphones portables permettent, aujourd’hui et de mieux en mieux, de nombreuses opérations
relevant tout aussi du commerce en ligne, notamment : « téléchargement de sonneries, jeux,
concours, services financiers… Les messages courts, les SMS et les MMS, sont alors le plus
souvent utilisés, notamment pour réaliser les paiements ».426

423
Section 5, directive 2000/31/CE, préc.
424
Article 10, paragraphe 3, directive 2000/31/CE.
425
Article 2, f) directive 200/31/CE, préc. Il faut entendre par « support durable » : « tout instrument permettant au
consommateur de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement d'une manière permettant de s'y reporter
aisément à l'avenir pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la
reproduction à l'identique des informations stockées ».
426
A. RABAGNY-LAGOA, Droit du commerce électronique, Ellipses, Paris, 2011, p. 68.
79

131. Par ailleurs, l’acquis européen précise les aspects juridiques du dispositif
« électronique »427, retenus au titre de condition d’existence du commerce électronique. La
nature concernée de l’« équipement »428 électronique s’identifie à tout matériel informatique,
disposé à l’extrémité d’une ligne de communication et pouvant traiter, recevoir ou émettre des
informations.429 Il s’agit d’un dispositif intelligent capable d’effectuer le traitement des
données, compris comme un ensemble d’opérations complexes. Il permet de capter, de
transmettre et de rendre intelligible le signal électronique et informatique, en automatisant les
systèmes d’information ainsi que l’accès aux données pour les utilisateurs. À juste titre, les
données sont la représentation sous forme conventionnelle d’un élément de connaissance
susceptible d’être représenté à l’aide de conventions et protocoles informatiques dans le but
d’être conservées, traitées et communiquées.430
132. En outre, la « compression numérique»431, telle qu’évoquée par la directive
2000/31/CE, fait appel à un traitement technique relevant de la « téléinformatique »432 dans le
déroulement du commerce électronique. La compression des données ou codage des codes
sources consiste à transformer une suite de bits A en une suite plus courte de bits B, pouvant
restituer les mêmes informations d’un point X à un point Y du réseau. Si les résultats finaux
produits par les processus de traitement automatisé sont destinés à des humains, le traitement
assure le dialogue des machines en vue de la présentation des données dans les formes lisibles
essentielles pour en apprécier la valeur. C’est bien-là la valeur même d’une information,
comme message communicable dans une forme compréhensible de l’interlocuteur. Les liens
html ou les fichiers numériques constituent l’enveloppe logique de l’information, tout en
permettant la liaison entre les éléments invisibles connus du langage de la machine et les
éléments perceptibles des sens humains.
133. En droit, la question avait déjà été posée de savoir si la « propriété de
l’information est une éternelle chimère ».433 La difficulté se pose au juriste du fait que « sur
les réseaux numériques, tout ce qui circule est information » et que cette dernière est un
« objet difficile à saisir s’il en est ».434 Pierre Catala l’a décrite comme « tout message
communicable avec autrui par un moyen quelconque ou encore comme un élément de
connaissance susceptible d’être présentée à l’aide de conventions pour être conservée, traitée
communiquée ». De ce fait, « une information n’existe que si elle est exprimée dans une
forme qui la rende communicable ».435 D’où l’importance et la nécessité de leur conservation
sur un support durable. Celui-ci peut-être un terminal (appareil permettant l’accès à distance à
un système informatique) ou un serveur informatique.436 « Indépendamment de son support

427
Dictionnaire Larousse, [www.larousse.fr] (consulté le 26 novembre 2013). Verbo « Electronique », sens n°1,
428
Ibidem. Verbo « équipement » sens n°6.
429
C. LAMOULINE et Y. POULLET, Des autoroutes de l’information à la « démocratie électronique » : de l’impact des
technologies de l’information et de la communication sur nos libertés, Rapport présenté au Conseil de l’Europe, Bruylant,
Bruxelles, 1997, p.46.
430
A. BENSOUSSAN, J-F. FORGERON et A.B - AVOCATS, op.cit., pp. 310 et 320.
431
Verbo « compression numérique » [http://fr.wikipedia.org] (consulté le 25 novembre 2013).
432
L’usage du terme « compression numérique » rentre dans la téléinformatique : exploitation automatisée de systèmes
informatiques utilisant des réseaux de télécommunications.
433
Selon la formule de N. MALLET-POUJOL, « L’appropriation de l’information, éternelle chimère », Recueil Dalloz, 1997, p.
330, cité par V.-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, pp. 52 et s.
434
V.-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, pp. 52 et s.
435
P. CATALA, Des transformations du droit par l’informatique. Émergence du droit de l’informatique, éd. de parques, 1983,
p. 264 et s, cité par V.-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, pp. 52 et s. La formulation de l’information est une condition
nécessaire de sa réalité comme objet de droit.
436
A. BENSSOUSSAN et al., op.cit, p.319. « Serveur : organisme exploitant un système informatique permettant à un
demandeur la consultation et l’utilisation directes d’une ou plusieurs banques de données ».
80

matériel […], elle est un produit et possède, quand le commerce n’est pas interdit une valeur
marchande ».437
134. Parmi toutes les machines inventées par l’homme, l’ordinateur est celle qui
convient au concept d’« équipement électronique » répondant aux exigences de la directive
2000/31/CE, comme composante qualificative du commerce électronique. Il est le seul à
permettre les fonctionnalités requises et décrites ci-dessus, sachant qu’il en existe plusieurs
variétés : ordinateur portable (ultraportable, tablette tactile, ordinateur portable), ordinateur de
bureau (mini PC, desktop de bureau, station de travail), ordinateur intermédiaire (mini-
ordinateur), ordinateur géant (mainframe, superordinateur du type de la NASA). Avec les
évolutions technologiques, notamment la miniaturisation des microprocesseurs, les
fonctionnalités d’un ordinateur se retrouvent dans plusieurs types d’appareils. Elles peuvent
être réunies non seulement dans les ordinateurs de type desk top de bureau, mais aussi et
surtout dans les téléphones portables intelligents de type Smartphone, voire dans certains
écrans de télévision (tv connectée).438 Les moyens de communications présentent une variété
quant à leur appropriation individuelle et quant à leur portée par rapport à un public ciblé ou
indifférencié. L’acquis européen du commerce en ligne détermine des régimes particuliers au
regard des singularités respectives des moyens de communications privées et de ceux dits
« grand public ». (2)
2. La spécificité juridique des « moyens de communications individuelles » dans le commerce
électronique européen
135. Avec un grand intérêt juridique, la directive susdite différencie les régimes de
certaines activités, suivant la typologie juridique des moyens de communication utilisés pour
les réaliser. Elle distingue celles utilisant les « moyens de communication individuelles » ou
« moyens de communications privées », par opposition aux « moyens de communication
grand public », sur des réseaux ouverts. Même si ladite directive n’en fournit pas de définition
terminologique, leur spécificité découle du progrès technologique et entraîne des
conséquences juridiques majeures par rapport à l’objet du commerce électronique. Le
considérant n°18 de la directive 2000/31/CE tire les conséquences particulières de
« l’utilisation du courrier électronique ou d’autres moyens de communications individuels, y
compris leur utilisation dans les contrats par des personnes physiques ». Les articles 10-4, et
11-3 de la directive 2000/31/CE attachent des régimes spécifiques aux activités réalisées par
courrier électronique ou autres communications individuelles équivalentes. La finalité d’usage
des types de communications est prise en compte, dans le cas où leurs utilisateurs agissent « à
des fins qui entrent dans le cadre de leurs activités commerciales ou professionnelles ».
136. Des conséquences juridiques sont attachées à cette différenciation. Ces incidences
sont relatives à la différenciation européenne entre moyens de communications individuelles
et grand public. L’intérêt de la distinction est de particulariser les institutions « contrats
électroniques » et « contrats à distance » par rapport aux contrats classiques, en leur réservant
des charges informatives et des obligations précontractuelles différentes du droit commun.
Les échanges de courriels entre particuliers (non-commerçants) ne relèvent pas du commerce
électronique, ni les contrats passés par ce procédé ou des moyens individuels équivalents. Les
moyens de communications individuelles sont définis par la doctrine, par opposition aux

437
P. CATALA, op.cit, p. 264 et s.
438
M. CULOT, « télévision connectée : un débat enrichi par l’approche des usages », in P.-F. DOCQUIR et M. HANOT, op.cit.,
pp. 137-152. Il s’agit de cette télévision interactive connectée au réseau Internet et qui fonctionne par flux délinéarisé,
permettant de disposer d’un contrôle sur le contenu et le temps de diffusion, contrairement à la TV traditionnelle.
81

moyens publics de communication. Les communications individuelles ou communications


privées sont utilisables dans le commerce électronique, mais elles se distinguent par leurs
contenus et par leurs fonctions. Un critère fondamental est celui que l’émetteur souhaite
donner à son expression autant qu’à la voie de diffusion : « l’utilisation de certains médias de
masse va nécessairement présumer la portée publique du message transmis ». La
communication privée est celle dont le contenu n’est pas normalement destiné à être rendue
publique. Leur fonction leur confère la pleine liberté d’anonymat, de cryptage et d’expression
dans le cadre privé, sous réserve de la légalité.439
137. Ainsi, le courrier électronique est dans la catégorie des moyens équivalant aux
communications individuelles, qui sont spécifiées par la directive 2000/31/CE et définies par
la doctrine. L’annexe I de la directive 97/7/CE a cité le courrier électronique dans le lot des
techniques de contractualisation à distance, mais c’est la directive 2002/58/CE qui l’a défini
cinq ans plus tard comme « tout message sous forme de texte, de voix, de son ou d’image
envoyé par un réseau public de communication qui peut être stocké dans le réseau ou dans
l’équipement terminal du destinataire jusqu’à ce que ce dernier le récupère ».440 L’avis du
« Groupe article 29 »441 assimile au titre de courrier électronique : le courrier SMTP (Simple
Mail Transport Protocol), le courriel classique, les services de messages courts (SMS), les
services de messages multimédias (MMS), les messages laissés sur répondeurs, les systèmes
de messagerie vocale, y compris sur les services mobiles, les communications « net send »
adressées directement à une adresse IP.
138. Par ailleurs, les conséquences de droit encore plus spéciales découlent de
l’utilisation des moyens de communication individuelle dans le commerce électronique
européen. Ces conséquences concernent les régimes juridiques applicables à différents cas de
figure se rapportant à la conclusion des contrats à distance. Quoique de telles incidences
intéressent les contrats électroniques, abordés plus loin442 comme type particulier de
conclusion de contrat à distance, il convient d’en dire un mot à titre liminaire.443 Dans le
commerce en ligne européen, les courriels peuvent être utilisés seulement pour la conclusion
des « contrats à distance » autres que les « contrats électroniques », sauf exception.444 Ils
peuvent également servir pour des messages publicitaires, en tenant compte des
« prohibitions »445 de la directive 2000/31/CE. En tout état de cause, le commerce en ligne
couvre l’activité économique réalisé par courriel ou de moyens équivalents communication,
uniquement si « les personnes qui en font usage agissent à des fins qui entrent dans le cadre
de leurs activités commerciales ».446
139. D’une manière générique, les moyens de communications individuelles désignent
donc ceux qui ne peuvent atteindre qu’une personne à la fois, à chaque utilisation. Il s’agit des
communications qui ne peuvent se référer qu’à des personnes joignables par soi-même ou

439
C. LAMOULINE et Y. POULLET, op.cit., pp. 46-47.
440
Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à
caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (« directive vie privée
et communications électroniques »), JOCE, L 201, 31.07.2002.
441
Le Groupe 29 a été créé au niveau européen, par l’article 29 de la directive 95/46/CE, en tant qu’organe consultatif
européen indépendant. L’avis concerné date du 27 février 2004 (Cf. T. VERBIEST, op.cit., p.50).
442
Cf. section 2, paragraphe 2 de la présente thèse.
443
Le cadre de développement présent de notre thèse se limite à l’aspect de définition des critères technologiques de la
distance et/ou de la voie électronique pour le commerce en ligne.
444
À titre exceptionnel, les contrats par courriers électroniques entre professionnels sont des contrats du commerce
électroniques (Considérant n°18, directive 2000/31 /CE).
445
Il est question des règles d’opt-in et d’opt-out imposant le consentement préalable tout au moins le droit d’opposition à
tout destinataire d’un courrier électronique (publicitaire) non sollicité à sa demande.
446
Considérant n°18, directive 2000/31/CE, préc.
82

qu’on peut atteindre à partir de son combiné, d’une adresse ou d’un groupe d’adresses de son
répertoire. Il en est ainsi, par exemple, de toute expression effectuée par le biais d’une missive
(vecteur papier exclu de la définition du commerce électronique) ou des messageries
électroniques (vecteur de télécommunications) de type téléphonie vocale ou courrier
électronique. Ces vecteurs sont protégés447 à titre de communication privée comme moyen
individuel de communication, sans préjudice de répression pénale sanctionnant des coups de
téléphones intempestifs ou l’envoi de lettres anonymes.448
140. En outre, l’usage des moyens de communications individuelles dans le commerce
juridique en ligne peut relever d’une valeur fondatrice, pour emporter ou non le qualificatif de
commerce électronique. D’une part, au sens de la directive 98/48/CE449, l’utilisation de ces
moyens de communications individuelles exclut du champ du commerce électronique les
services qui ne sont pas fournis au moyen de systèmes électroniques de stockage et de
traitement des données, à savoir : les services de téléphonie vocale, les services de
télécopieur/fax, les services prestés par téléphonie vocale ou télécopieur, la consultation d’un
médecin par téléphone et télécopieur, le marketing direct par téléphone/télécopieur. À titre
d’illustration : « Le fax (télécopie) est un moyen de communication, qui du point de départ au
point d’arrivée, ne transforme pas le support papier en document électronique. La télécopie
permet, tout au moins, la dématérialisation d’un écrit sur support papier d’un point et sa
réimpression sur papier de l’autre. Il s’agit d’une copie imprimée sur papier, en empruntant un
réseau de télécommunication ».450
141. D’autre part, il est de principe que des moyens de communications individuelles,
comme le téléphone ou la télécopie (fax), le courriel entre particuliers sont, hors-critère pour
faire partie du commerce électronique. Cependant, aujourd’hui relookés par le high-tech,
certains d’entre eux sont acceptés dans le champ du commerce électronique. Il en est ainsi des
« téléphones intelligents » (Smartphones) ou des « systèmes de fax sur Internet », justifiant
des fonctionnalités applicatives d’un ordinateur pour valablement servir au commerce en
ligne. L’évolution technologique amène à l’inclusion de nombreux médias informatiques
(supports, mécanismes, équipements ou moyens de communication), considérés jadis dans
leur fonctionnement limité, comme ne pouvant pas relever du commerce électronique. Les
effets conjugués des inventeurs, des producteurs, des usagers et des normes construisent la
« mutation des médias ».451
142. En somme, l’évolution des aspects fonctionnels de certains moyens de
communications individuelles ne rend pas caduc le distinguo législatif entre moyens de
communications individuelles et ceux dits grand public. Bien au contraire, l’évolution des
médias le confirme. En l’espèce, la télécopie dite « fax », qui est à la base une communication
individuelle, peut maintenant être reçue par ordinateur. Aussi, le fax par Internet via
l’ordinateur devient-il alors un équipement électronique de traitement et de stockage de
données, répondant à l’exigence de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique. Le
fax high-tech ne déroge pas à la propriété obligatoire pour que l’activité qui l’utilise fasse
partie du commerce électronique, mais il s’identifie bien aux spécifications juridiques fondant
les critères nécessaires de la « voie électronique ». Le fax high-tech entre bien dans le
447
Le considérant n°15, de la directive 2000/31/CE, préc., rappelle que « [l]e secret de communication est garanti par l’article
5 de la directive n°97/66/CE ».
448
C. LAMOULINE et Y. POULLET, op.cit., p.46.
449
Annexe V, Directive 98/48/CE, préc.
450
A. RAYNOUARD, op.cit., p. 22, 60-61.
451
M. HAMOT, « Prendre le temps et le temps de la mutation », Introduction et Chapitre 1, in P-F. DOCQUIR et M. HAMOT,
op.cit., pp. 9-22.
83

critérium technique requis pour réaliser le commerce électronique européen, eu égard au


dépassement du fonctionnement traditionnel du fax.452

3. La spécificité juridique des moyens de communication grand public dans la définition du


commerce électronique européen.
143. Les moyens de communications individuelles se distinguent des techniques de
l’information dans la presse (sur papier ou en ligne), dans la radiotélévision ou directement
dans un espace public grâce aux télécoms. Ceux-ci sont par nature destinés à être transmis à
un public. Ils sont des moyens de communications électroniques grand public, auquel
l’Internet peut s’identifier, car ce dernier assume la fonction de communication publique
comparable aux médias de la presse ou audiovisuels. Mais, la comparaison s’arrête là quant à
cette fonction, puisque le média électronique grand public du Web 2.0 est le plus à même de
disposer d’un caractère interactif.453 Les propriétés du Web 2.0 font de ce média le seul
capable de répondre à une demande de l’utilisateur et de créer une synergie d’échanges entre
lui et le site informationnel ou transactionnel de son choix. L’enjeu de ces types de médias est
très important, particulièrement en droit du commerce électronique, même s’il est possible de
voir plus réellement et plus prospectivement la réalité d’un « Droit 2.0. » dans la révolution
du droit lui-même.454
144. Aujourd’hui, le commerce en ligne est empreint des propriétés des réseaux de
télécoms, comme une des applications économiques du Web 2.0. « C’est un web contributif
de socialisation hyper active où, grâce à l’essor de la bande passante et très haut débit, le
public est en mesure, dans un processus itératif, de collaborer activement, de partager,
d’éditer, de publier ».455 L’Internet diffère des médias de masse classiques du fait que ces
derniers se caractérisent par un continuum linéaire dans le mode de communication de masse.
Les « mass medias » relevaient de la directive 89/552/CEE et désormais de la directive
2010/13/UE. Les « médias linéaires » sont exclus du domaine des communications admises
dans la pratique du commerce électronique, suivant le considérant n°18 de la directive
2000/31/CE.456 En outre, le Web 2.0 a fait apparaître plusieurs nouvelles fonctionnalités des
plateformes électroniques, notamment : la messagerie publique457, la recherche, délivrance ou
l’échange de l’information en ligne458, les transactions multiformes à distance459 et le
télétraitement des données460. Ces fonctions différencient les moyens électroniques grand
public, avec les communications individuelles et aussi avec des mass-médias traditionnels.461
Les moyens de communication 2.0 concernés sont ceux qui demeurent ouverts au public,
452
W. D. KABRÉ, op.cit., p. 63.
453
La télévision est de plus en plus interactive. Elle ne permet pas cependant pas encore aux téléspectateurs de
générer et de diffuser leurs propres contenus par la même voie, comme cela est le cas avec les techniques de
l’Internet Web 2.0 : You Tube, Daily Motion, etc.
454
B. DONDERO, Droit 2.0, Apprendre et pratiquer le Droit au XXIè siècle, LGDJ, Lextenso-édition, pp. 1-512. L’auteur
réfléchit : « Le développement du numérique et de l’Internet joue bien sûr un rôle important, mais la manière dont fonctionne
aujourd’hui l’enseignement supérieur et la complexification du droit, sans oublier les nouvelles exigences des clients des
professionnels du droit, sont autant de phénomène qui transforment profondément la manière dont nous apprenons le droit, la
manière dont nous le pratiquons, et plus largement la manière dont nous le vivons ».
455
É. SCHERER, op.cit, p. 181.
456
Cf. Section II, §1, point A/ du présent chapitre. Ce cas précis est davantage explicité dans l’examen du critère de définition
du commerce électronique, dit « à la demande individuelle ».
457
Il s’agit des forums ou espaces publics d’expression et d’échange d’idées, les newsgroups, les conférences, que ne peuvent
offrir les mass-médias ni les communications individuelles.
458
L’Internet, par exemple, est une grande bibliothèque de savoir, qui ne relève pas d’un monopole éditorial, ni d’horaires, ni
de grilles de programmes. Tel est le cas des contributions collaboratives de Wikipedia, encyclopédie collaborative en ligne.
459
Le commerce électronique s’y pratique, sans difficulté par accès du public au site d’information à tout moment.
460
C. LAMOULINE et Y. POULLET, op.cit., p.59.
461
Ibidem, p. 46-50 et 63-65.
84

c’est-à-dire à « un ensemble d’individus indifférenciés »462, auquel ils s’adressent 24h/24. Tel
est le cas des sites web, des forums de discussion sur Internet, des blogs, de l’EDI463 (car
quoiqu’étant un réseau fermé de type Intranet, il demeure ouvert au public y autorisé d’accès),
etc.
145. En somme, les moyens de communications grand public sont ceux qui atteignent
tout le monde par la vertu de leur automatisme. Ils ne sont pas limités à un annuaire personnel
du destinataire au moment où il actionne les touches de son combiné téléphonique ou son
clavier alphanumérique. Il n’en demeure pas moins que « [l]es fonctions de télétraitement
peuvent combiner les aspects de communication publique et privée, mais la frontière entre la
nature publique de l’offre et sa transformation en offre privée est souvent difficile à tracer. Si
l’offre informationnelle est publique dans le cas de la vidéo à la demande, par exemple, le
service final naît d’une interaction entre le "demandeur" et le "fournisseur", qui tend à le
personnaliser et à faire de l’offre publique indifférenciée, une offre qui s’adresse en fait à un
public déterminé, voire à une personne déterminée ».464
146. Contrairement aux moyens de communications individuelles, seuls ceux de
communication grand public emportent dans leur utilisation, la plénitude du régime du
commerce électronique européen. En définitive, la directive 2000/31/CE n’applique les
dispositions de sa section 3, aux activités réalisées par des moyens de communications
individuelles. En d’autres termes, celles-ci ne sont pas soumises aux exigences informatives
préalables à la conclusion des contrats par voie électronique. Ainsi, lorsque les particuliers
emploient des courriels pour leurs échanges, leurs contrats ne sont pas des « contrats
électroniques », ni tout à fait des « contrats à distance », au sens technique de l’acquis
européen. Mais la qualification juridique est contraire lorsque les mêmes courriels sont
employés par des professionnels pour leurs contrats.465 Si ces contrats de type particuliers sont
étudiés à la section 2 du chapitre de la directive précitée, l’intérêt de distinction exprime
d’ores et déjà le caractère supplétif de certains critères d’existence du commerce en ligne en
droit européen.
147. En définitive, le commerce électronique a pour critères essentiels la distance et la
voie électronique. Leur utilisation est indispensable tant pour la réalisation des activités
économiques en ligne que pour leur reconnaissance juridique. Ce sont des « mécanismes-
maîtres » du commerce en ligne. Le législateur européen en distingue néanmoins les effets à
la fois selon leurs typologies de communications privées ou publiques et selon la qualité de
particulier ou de professionnel pour celui qui en fait usage. Cependant, d’autres critères
juridiques irriguent la notion du commerce électronique dans l’acquis communautaire. La
directive 2000/31/CE a établi la correspondance systématique466 de sa notion avec les services
de la société de l’information. À la lumière des critères juridiques impératifs, sans ignorer les
critères supplétifs, la synthèse de l’objet du commerce électronique européen est possible,
après l’examen du cas particulier de la VoD dans son champ de définition.

462
Définition du mot « public », empruntée au droit français. Cf. Circulaire du 17 février 1988, prise en application de
l’article 43 de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication concernant le régime déclaratif
applicable à certains services de la communication audiovisuelle.
463
A. RAYNOUARD, op.cit., p.23.Par EDI (sigle de « Échange de documents informatisés »), on entend : « le programme qui
commande à une liste fermée préenregistrée des marchandises automatiquement et au fur et à mesure que le stock diminue ».
464
C. LAMOULINE et Y. POULLET, op.cit., p.59.
465
J. ROCHFELD, « La définition du contrat électronique », in J. ROCHFELD (sous la dir.), L’acquis communautaire, le contrat
électronique, op.cit, pp. 3-34.
466
Le terme « systématique » est à prendre dans la logique systémique, comme un ensemble d’éléments formant un corps
dans lequel l’interaction entre ces éléments influe sur les uns et les autres.
85

4. Le cas particulier de la vidéo à la demande (VoD) dans le commerce électronique européen


148. La directive 2000/31/CE a construit un ensemble juridique formé d’activités
économiques diverses et sensiblement marquées du sceau des technologies électroniques.
L’acquis européen présente un objet hétéroclite du commerce en ligne, dans lequel la VoD se
retrouve, alors que d’autres services audiovisuels en sont exclus. Selon la pensée de Serge
Proulx, « des valeurs liées à la rationalité technique sont inscrites dans les dispositifs pour
communiquer, ce qui entraîne une valorisation de certains aspects de la communication au
détriment d’autres (par exemple dans certains dispositifs, la transmission d’information au
détriment des modalités de l’expression) ».467 Bien que les services audiovisuels paraissent
identiques quant à leur aspect, ils diffèrent toutefois dans leurs modes d’accès aux contenus en
ligne c’est-à-dire par rapport aux modalités que les technologies offrent au destinataire pour la
sélection desdits contenus. En fait, « [u]ne technologie n’est jamais neutre. Elle véhicule
toujours en soi des représentations, des valeurs parce qu’elle s’inscrit dans un contexte
d’usages rendu possible par divers rapports de force économiques et symboliques ».468
149. Ainsi, la VoD relève du commerce en ligne au détriment d’autres activités
audiovisuelles en ligne, car elle préserve la demande individuelle du destinataire. La
technique sous-jacente de la VoD est celle qui donne au destinataire le plein pouvoir de
sélection des contenus en ligne. En droit européen, la VoD se rapportera donc toujours à « un
service fourni par transmission de données sur demande individuelle ».469 Il est acquis que la
directive 98/34/CE est applicable au commerce en ligne ; la liste en son Annexe V avait déjà
exclu « les services fournis par l’envoi de données sans appel individuel et destinés à la
réception simultanée d’un nombre illimité de destinataires (transmission « point à
multipoint ». Par conséquent, les services ci-après sont naturellement en dehors du commerce
électronique : le télétexte (télévisuel), la radiodiffusion sonore et la radiodiffusion télévisuelle
(y compris la quasi-vidéo à la demande) telle que visée à l’article 1er, point a), de la directive
89/552/CEE.470
150. Le considérant n°18 de la directive 2000/31/CE rappelle le même principe selon
lequel les services de télévision et de radiodiffusion de la directive n°89/552/CEE ne sont pas
des services de la société de l’information « car ils ne sont pas fournis sur demande
individuelle ». Evoquée jadis par le considérant n°18 de la directive 2000/31/CE et codifiée
aujourd’hui par la directive 2010/13/UE471, la directive 89/552/CE du 5 mai 1989,
initialement dite « télévision sans frontière », avait été remaniée par la directive 97/36 du 30
juin 1997. Elle a été bouleversée, du point de vue éditorial (sélection des programmes), par la
directive 2007/65/CE du 11 décembre 2007, qui a étendu son champ d’application à tous les
services de médias audiovisuels. Ces services ont notamment pour objet principal d’informer,
de divertir ou d’éduquer le grand public, par des réseaux de communications électroniques,
par une émission télévisée ou par un service de média à la demande. Ainsi, on est

467
S. PROULX, « Penser les usages des TIC aujourd’hui : enjeux, modèles, tendances », in L. VIEIRA et N. PINÈDE, (sous la
dir.), Enjeux et usages des TIC : aspects sociaux et culturels », t. 1, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2005, pp.
7-20 [http://sergeproulx.uqam.ca/wp-content/uploads/2010/12,2005-proulx-penser-les-usa-43.pdf] (consulté le 26 décembre
2016).
468
M. CULOT, « Télévision connectée : un débat enrichi par l’approche des usages », in P.-F. DOCQUIR et M. HANOT, op.cit.,
pp.137-152, spéc. p. 147,
469
Article 1er, paragraphe 2, spéc. 3e tiret, directive 98/34/CE, modifiée par la directive 98/48/CE préc.
470
Article 1er, paragraphe 2, in fine, directive 98/34/CE (sur les services de la société de l’information), préc.
471
Considérant n°1, directive 2010/13/UE, préc.
86

successivement passé de la « télévision sans frontière » aux « services de médias


audiovisuels ».472
151. Bien que les évolutions des techniques audiovisuelles intéressent le commerce en
ligne, les deux domaines ne se confondent pas. C’est seulement les services audiovisuels
transmis de point à point qui constituent les services de la société de l’information, en
l’occurrence : les services de vidéo à la demande ou la fourniture des communications
commerciales à la demande par courrier électronique. Toutefois, de nouveaux acteurs ont
émergé dans le commerce électronique des contenus vidéo. Selon Perriault, « Les
transformations qui affectent l’audiovisuel à l’ère du web sont la résultante d’un mouvement
complexe qui fait évoluer dans le temps quatre dimensions : les technologies, le droit, les
usages de consommateurs et les acteurs économiques impliqués, dans leur positionnement et
dans leurs stratégies. » 473.
152. En effet, le téléviseur conçu autrefois comme un appareil souverain et isolé est de
plus en plus connecté, en wifi ou par câble, à une série d’autres appareils qui décuplent ses
capacités : PC, décodeur, box internet/ADSL, disque dur, enregistreur numérique (PVR). À
l’ère du Web 2.0 et de la télévision numérique, les écrans sont devenus multiples et multi-
usages, y compris pour solliciter des contenus ludiques.474 À juste titre, Le Livre vert de la
Commission européenne du 23 mars 2011 poussait à porter un « regard [sur] des indices de
croissance relatifs au commerce électronique, spécialement les jeux en ligne, à travers la
télévision par Internet (en anglais, IPTV pour Internet TV Protocole). Selon l’étude de
l’Institut suisse de droit comparé (SICL), [avec] 320 millions d’euros de revenu brut des jeux
[en 2010], la tendance prévisionnelle pour 2012 était de 1,33 milliards d’euros, soit 451% de
croissance. Ces chiffres permettent de prendre la mesure du changement et de prouver, si
besoin en est, la vitalité du commerce électronique au travers des services interactifs de la
télévision sur le web ».475
153. Sur le plan de la technologie, la « délinéarisation » de la télévision répond au
critère de la demande individuelle. Le « linéaire » relève de la télévision traditionnelle, en
soumettant le large public au temps et à la grille de programmes voulus par le fournisseur. Le
« non-linéaire » caractérise l’audiovisuel innovant (la VoD, la TVR). Son mode de fourniture
de contenu se fait au moment voulu par le destinataire, en l’occurrence, le téléspectateur. Les
acteurs télévisuels principaux ont redéfini leur offre autour de leurs marques et ont amorcé
des redéploiements stratégiques de sorte que la « tv » n’est plus pensée en termes de chaîne,
mais plutôt en termes de contenus multimédias à la demande. Ainsi, un élan grandissant des
consommateurs a permis d’organiser la maîtrise du moment et du support de visionnage des
films ou d’autres contenus visuels. À cet égard, la communication audiovisuelle a atteint
l’« âge du contrôle de la vidéo par le spectateur ».476 En effet, « la vidéo à la demande [VoD]
ou encore la télévision de rattrapage [TVR] permettent de visionner sur le poste de télévision

472
C. GAVALDA et G. PARLEAMI, Droit des affaires de l’Union européenne, Litec, LexisNexis, 6e édition à jour du Traité de
Lisbonne, Paris, 2010, p. 237.
473
J. PERRIAULT, Mémoires de l’ombre et du son, Une archéologie de l’audiovisuel, Paris, Flamarion, 1981, Th. Paris, p.49.
474
Cf. §2 de la présente section de notre thèse, pour les détails sur les jeux en ligne:
475
Commission européenne, Livre vert, sur les jeux d’argent et de hasard en ligne dans le marché intérieur, du 23 mars
2011, COM(2011) 128 final, p. 19.
476
[www.cnc.fr] (consulté le 23 décembre 2013). Le centre national de cinéma et de l’image animée, en sigle CNC, est
l’établissement public français dont les missions principales sont de réglementer, soutenir et promouvoir l'économie du
cinéma en France et à l'étranger.
87

ou l’ordinateur, de manière gratuite ou payante, des programmes audiovisuels au moment


choisi par l’utilisateur », contrairement à la Tv classique.477
154. Plus simplement, Internet a rencontré le potentiel du média Tv et a changé peu à
peu l’objet de la télévision.478 Les progrès technologiques ont favorisé la prise de contrôle sur
la vidéo par le spectateur, qui peut facilement commander (le direct), enregistrer, conserver,
transférer des contenus avec une grande liberté. Les mutations en cours présentent de
nouvelles tendances qui se poursuivent inexorablement. Par exemple, l’essor de la vidéo « à la
demande » marque de plus en plus l’initiative du spectateur. La tendance se renforce vers une
télévision « sur mesure » avec une préférence pour les offres de mini-bouquets ou de chaînes
à l’unité, différentes de gros bouquets Tv. La technologie offre de nouvelles possibilités de
contrôle du direct et d’enregistrement ou encore de visionnage différé. En d’autres termes, les
techniques numériques ou celles du Web TV offrent des options et la liberté au destinataire de
choisir le moment de visionner un programme télévisé ou encore de rattraper une émission
manquée. Cette flexibilité de choix illustre bien le critère de la demande individuelle des
spectateurs dans la VoD.
155. En définitive, la VoD est un service de communication du public en ligne, relevant
du commerce électronique, dans le cadre des services de médias audiovisuels à la demande
(SMAD). Pour une prospective au-delà de la VoD, « le phénomène de réalignement s’opère
aussi pour la TVR (télévision par rattrapage) malgré sa proximité éditoriale avec les chaînes
de télévision classiques. […] Le régime de la TVR reste encore prétorien suite à son
exploitation actuelle en France sur un accord entre l’Opérateur historique des
télécommunications et les chaînes de télévision ».479 De l’avis des régulateurs des médias, « la
TVR [était] perçue comme un service délinéarisé, mais restant dans un certain continuum
linéaire et finalement complémentaire de la télévision ». Pendant longtemps avant 2009, les
SMAD avaient ainsi échappé, en droit interne français, à la régulation du CSA et au régime
relatif à l’audiovisuel.480 Tel n’est plus le cas.
156. Notre intérêt pour les SMAD se rapporte au principe de « la demande individuelle
du destinataire », qui se vérifie et se maintient dans le champ du commerce en ligne. Si ledit
critère ne fait l’objet d’aucune relativisation pour la VoD, il est facultatif pour les
communications commerciales non sollicitées. Il faut aussi apprécier la portée d’autres
critères de définition du commerce en ligne, à savoir : la rémunération et le débouché
contractuel des activités en ligne.
5. L’objet recomposé du « commerce électronique » dans le sens restitué du droit de l’UE
157. À défaut de définition législative, commerce électronique européen englobe tous
services de la société de l’information, tels que définis dans la directive 98/34/CE, modifiée
par la directive 98/48/CE. La large acception des « services » de la société de l’information a
permis de dégager des critères généraux de définition du commerce électronique. La directive
2000/31/CE a précisé des exclusions et autres restrictions de certaines activités, sans remettre
477
[http://www.csa.fr/Services-interctifs/Services-de-medias-audiovisuels-a-la-demande-SMAD] (consulté le 8 juillet 2017).
478
P- F. DOCQUIR et M. HANOT, op.cit., p. 9 et s.
479
CNC, « Les nouvelles formes de consommation des images: TNT, TVIP, VOD, sites de partage, piraterie… », Analyse
qualitative, novembre 2007, pp. 7 et 14 [www.cnc.fr,doc.pdf] (consulté le 23 décembre 2013).
480
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2009, les éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande (SMAD)
relèvent désormais de la compétence du CSA. Tels que définis à l’article 2, alinéa 6 de la loi du 30 septembre 1986 relative à
la liberté de communication, les SMAD sont soumis à la déclaration auprès du CSA, selon e nouveau principe introduit par
la loi n°2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l’indépendance de l’audiovisuel public dans la loi de 1986. Ainsi, leurs
régulation est mieux assurée ainsi que la vérification de leurs obligations.
88

en question les critères essentiels qui sont de plusieurs natures autour de l’utilisation des
techniques électroniques de communication à distance dans le commerce.
158. Les éléments ci-après ont donc été retenus pour la définition finale du commerce
électronique en droit européen :
 la géométrie variable du terme « "service" de la société de l’information », regroupant à la
fois la fourniture des biens et des services en ligne ;
 les critères indispensables de définition attenants à l’utilisation à distance des techniques de
communications électroniques ;
 le caractère facultatif de rémunération du service ou de l’activité économique en ligne de la
part du destinataire qui le reçoit ou en bénéficie ;
 le caractère facultatif de l’aboutissant contractuel du service de la société de l’information ;
 l’absence de préalable contractuel entre prestataire et bénéficiaire d’une activité
économique en ligne ;
 le critère non-obligatoire de la « demande individuelle du destinataire de service » ;
 les exclusions et restrictions légales du champ du commerce électronique, de certaines
activités, malgré leurs possibilités de réalisation à distance et par a voie électronique. En
matière des jeux d’argent en ligne, l’évolution de leur état de prohibition vers leur
permission par le droit européen, puis par les États, est à prendre en compte dans l’objet du
commerce électronique.
159. La reconstitution de l’objet du commerce en ligne nécessite la synthèse de tous les
aspects analysés jusqu’ici dans l’acquis européen. Ainsi, le commerce électronique peut être
défini sous réserve des activités exclues expressément par le législateur européen. En
rattachant sa définition à celle des services de la société de l’information, l’acquis
communautaire regroupe finalement toutes les activités réalisées par un prestataire, pour offrir
des biens et/ou des services, normalement contre rémunération, à la demande individuelle ou
non d’un destinataire de service mais nécessairement à distance au moyen d’équipements
électroniques de traitement et de stockage des données (y compris la compression numérique).
Il correspond à un ensemble d’activités économiques, assurées nécessairement à distance et
par la voie électronique, dans certains cas à la demande individuelle d’un destinataire des
services, pouvant donner lieu ou non à de conclusions des contrats en ligne sans être
forcément rémunéré par ceux qui le reçoivent.
160. Pour la doctrine, « il suffit de proposer (offrir) un bien ou un service à distance et
par voie électronique, sans qu’il soit exigé que l’acceptation se fasse par la voie électronique
pour que les règles du commerce électronique s’appliquent. Il suffit que l’opérateur se
présente sur les réseaux ouverts comme offrant un bien ou un service pour faire du commerce
électronique. Le champ d’application des dispositions du commerce électronique est donc
large. »481 Elle considère que « [l]e commerce électronique regroupe l’ensemble des activités
reposant sur des transactions commerciales à distance réalisées par un média électronique :
Internet, téléphonie mobile, téléshopping… »482 Le formalisme électronique du commerce en
ligne est également à la base d’une mode particulier de conclusion de contrat. En tant qu’un
produit de l’évolution technique, économique et juridique, le contrat électronique mérité
d’être défini en fonction des sources ratione temporis, afin de démontrer comment son
institution juridique s’est réalisée à travers le temps en Europe.

481
C. CASTETS-RENARD, op.cit., 2010, p. 141.
482
A. RABAGNY-LAGOA, Droit du commerce électronique, Ellipses, Paris, 2011, p. 5.
89

161. Précisément, des conditions juridiques entourent la définition du commerce


électronique européen, en mettant en exergue des conditions essentielles, supplétives et
cumulatives. Il s’agit d’un type particulier de commerce à distance, réalisé par la voie
électronique, sans exiger une interaction consentie en ligne, mais pouvant résulter à des
contrats dont l’objet peut être restreint par des lois de police. Le formalisme électronique
particularise le commerce en ligne, mais procure également une singularité aux contrats qui
en découlent. Sans être des services de la société de l’information, les contrats électroniques
sont une modalité de conclusion du contrat grâce à un service consistant à offrir un dispositif
électronique pour passer commande en ligne contre accusé de réception automatique sur le
même support durable. Le régime spécifique attaché à ces institutions juridiques forme alors
le droit européen du commerce électronique. Le commerce en ligne reste l’une de meilleures
expériences de la façon dont l’Europe a appréhendé dans le champ du droit les mutations des
technologies numériques ainsi que les transformations de l’économie à l’échelle mondiale.
162. L’ensemble de ces acquis européens a été transposé sous l’autorité du droit national
français. L’expérience juridique de la France apporte une originalité particulière aux principes
généraux d’harmonisation européenne en précisant l’objet, les typologies d’activtés
numériques ainsi que les régimes du commerce et du contrat électroniques. (Section 2)

SECTION II -
LES IMPACTS NOUVEAUX DU DROIT FRANÇAIS
SUR L’OBJET ET LA TEMPORALISATION DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE EUROPÉEN

163. Si la directive européenne 2000/31/CE n’a fourni aucune définition textuelle du


commerce électronique, la loi française de transposition en a fourni une et sans équivoque.
L’article 14 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie
numérique (dite « LCEN ») dispose : « Le commerce électronique est l’activité par laquelle
une personne propose ou assure à distance et par la voie électronique la fourniture des biens
ou des services ».483
164. De manière globale, les directives européennes sur le commerce électronique
formulent des règles juridiques selon des objectifs de politiques législatives, précises et
structurelles. Toutefois, contrairement aux Traités, règlements et décisions, elles n’ont pas,
par définition, d’effet immédiat sur les États destinataires le temps de les transposer dans leurs
droits internes. Le retard de transposition, la conciliation mal opérée d’une directive est
possible : un droit national incompatible, lacunaire ou contraire peut devenir source de
difficulté pour l’harmonisation des règles du marché unique.484 L’enjeu de passer du droit
européen au droit français est important à noter pour la suite d’analyse sur le commerce en
ligne, car les deux autorités des systèmes communautaire et national cumulent des solutions
législatives relatives aux aspects juridiques des services de la société de l’information.
165. En comblant l’absence de définition législative du commerce en ligne au niveau
européen, le droit français applique à l’économie numérique ses règles territoriales.485 Son
droit positif identifie les acteurs du commerce électronique sous une dénomination générique,

483
Article 14, al. 2° et 3°, loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, JORF, n° 143, 22
juin 2004, p. 11168. La LCEN dispose comme suit : « Entrent également dans le champ du commerce électronique les
services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de
recherche, d’accès et de récupération de données, d’accès à un réseau de communication ou d’hébergement d’informations, y
compris lorsqu’ils ne sont pas rémunérés par ceux qui le reçoivent. […]».
484
Ibidem, pp. 369-374.
485
Article 14, LCEN, préc.
90

à savoir : la « personne ». Le législateur français replace les règles de la personnalité juridique


comme un préalable normal dans le commerce en ligne, pour l’exercer ou en bénéficier.
Toutefois, en nivelant ses sujets au statut de la personne, la transposition française semble
occulter les mutations ratione personae que l’acquis européen apporte au commerce
traditionnel. Les commerçants et les consommateurs agissent variablement en ligne en tant
que prestataires et destinataires des services de la société de l’information. Il s’agit d’un
impact nouveau du droit français sur le commerce électronique. Mais, nous avons choisi
d’analyser particulièrment l’originalité de l’objet du commerce électronique français au
regard de l’acquis européen.486 Sur le plan ratione materiae, la transposition française laisse
entrevoir une complémentarité entre les actes du commerce classique et l’objet du commerce
électronique.
166. Il s’avère qu’« outre la délocalisation possible des prestataires de services de
l’économie numérique (fournisseurs d’accès et d’hébergement de données ou de serveurs), il
reste que les individus eux-mêmes deviennent nomades grâce à la portabilité des terminaux de
communication. On peut désormais échanger et contacter de n’importe quel point du globe et
à n’importe quel moment (24h/24, 7j/7) ».487 La LCEN fixe un principe localisateur du
commerce électronique, à travers son prestataire. En tant que loi de police, elle se situe entre
l’harmonisation et la coordination des sources européennes. En nous appuyant sur la pensée
de François Ost488, la législation française s’inscrit dans une logique de temporalisation de
sources de transposition, qui alimentent les adaptations qu’elle a opérées en partant de l’objet
du commerce électronique européen. En fonction du millefeuille législatif européen, 489 les
textes nationaux français conservent la possibilité d’adapter les règles européennes, tant qu’ils
ne s’écartent pas des objectifs législatifs au sein de l’Union.490
167. La législation française répond à des enjeux qu’il convient d’appréhender au regard
des règles ayant encadré à travers le temps, les finalités d’usage des techniques de
communication à distance pour le commerce. (§1) Les techniques électroniques caractérisent
la nouvelle typologie du commerce électronique, dont le cadre juridique comporte des
nouveautés par rapport au droit commun. (§2)

§1. Les sources de définition française du commerce électronique


dans l’évolution des transpositions de l’acquis européen

168. En France, les principales sources formelles du commerce électronique sont des lois
de transposition des règles européennes. Étant intervenue en 2004 à la suite de la directive
européenne 2000/31/CE, la LCEN dénote d’une temporalité particulièrement espacée de

486 En optant pour le terme moniste de la « personne » dans le commerce électronique, la LCEN contraste avec l’acquis
européen de la directive 2000/31/CE, dont les qualificatifs variés distinguent systématiquement le « prestataire » du
« destinataire » et le « professionnel » du « consommateur ». En outre, le législateur français accole à sa définition
terminologique des hypothèses de contrats en ligne ainsi que des paradigmes d’activités numériques, afin de fournir
davantage de précisions sur le champ ratione materiae et la portée ratione personae de son commerce en ligne. Au regard de
la directive européenne (2000/31/CE), le droit français du commerce électronique présente des originalités appréciables à
deux niveaux d’ordonnancement. Il faut apprécier l’impact du droit français tant au niveau communautaire par rapport aux
objectifs globaux de construction du marché européen qu’au niveau interne notamment quant aux ajustements du droit
commun par rapport aux activités économiques en ligne.
487
É. A. CAPRIOLI, op.cit, p. 5.
488
F. OST, Le temps du droit, éd. Odile Jacob, Paris, 1999, pp. 4 et s. Selon l’auteur, un temps propre au droit participe de sa
« force instituante » afin de réaliser la construction sociale, à travers la fiction opératoire de la « temporalisation ».
489
Considérant n°11, directive 2000/31/CE, préc. Cette directive est d’harmonisation minimale et donc d’ordre
complémentaire à d’autres directives applicables au commerce électronique, par rapport aux règles de l’acquis
communautaire de l’Union européen.
490
J. ROCHFELD, « La définition du contrat électronique », op.cit, p. 10.
91

quatre ans qui a valu à la France des rappels de la Commission de l’Union européenne, mais
qui démontre toute la difficulté de légiférer les aspects multiformes de l’activité économique
en ligne.491 La transposition française maintient la norme dans la passerelle entre le droit
européen dans ses objectifs de politique législative et le droit interne dans son applicabilité
territoriale. Entre l’Europe et la France, il apparaît une dimension d’« espace-temps » et un
temps d’« action-réaction », qui renforce l’encadrement juridique du commerce en ligne, car
législateur national dispose du recul nécessaire face aux mutations effrénées des technologies
électroniques transfrontières.492
169. Le champ d’application de la législation française mérite d’être situé entre la
coordination et l’harmonisation du droit de l’Union européenne. (A/.) Aussi, le droit français
précise-t-il l’objet du commerce en ligne européen, sachant que la transposition ne crée pas
des disparités mais comporte des spécificités par rapport à l’acquis européen. (B/.)
A./ LES FONDEMENTS DE LA TRANSPOSITION FRANÇAISE
DES DIRECTIVES EUROPÉENNES APPLICABLES
AU COMMERCE ÉLECTRONIQUE

170. Le millefeuille législatif européen a son mérite dans la mosaïque des sources du
commerce électronique en France. La temporalité des sources permet de distinguer les temps
des faits et celui du droit, mais aussi d’apprécier l’évolution de la législation face aux
mutations du marché et des technologies. (1)
171. En France, l’insertion des règles du commerce en ligne s’est réalisée « en épingle »
dans plusieurs branches du droit classique à travers différentes codifications du droit positif. Il
en résulte un phénomène de temporalisation des règles successives ainsi qu’un éclatement des
sources493 et des régimes494 ayant permis d’appréhender les transitions entre commerce
classique et commerce électronique dans l’ordre interne français. (2) Les enjeux de la
territorialité sont importants, afin d’assurer l’effectivité du droit étatique face aux activités
dématérialisées et déterritorialisées du commerce électronique. (3) La jurisprudence
européenne et française ont identifié des critères localisateurs du droit à l’ère numérique. (4)
1. La temporalité des sources françaises du commerce électronique
172. Le rapprochement des droits étatiques demeure la pierre angulaire dans la
construction du bloc économique et politique européen. C’est ainsi que, notamment, « [l]a
directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux
instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ».495 Cette marge de
manœuvre enrichit aussi bien le droit européen, les droits nationaux que le droit comparé,
selon que les transpositions internes sont « discrétionnaires » ou « encadrées ».496 En

491
C. FÉRAL-SCHUHL, op.cit, p. 278.
492
L’Afrique et la RDC pourraient capitaliser cette expérience européenne et française d’élaboration du droit.
493
La pluralité des sources françaises du commerce électronique est exposée au fur et à mesure, en précisant leur enjeux
d’adoption ainsi que les finalités pratiques afin d’évitant de dresser des catalogues.
494
Comme cela est analysé plus loin, il est, par exemple, demandé plus d’obligations de transparence et de loyauté
(information sur l’identification du professionnel) selon qu’on se trouve en face d’un internaute « consommateur » et/ou
« non professionnel » ou selon qu’on fait face à un « commerçant » et/ou un « professionnel ». Il en sera de même des règles
de la preuve qui est libre en matière commerciale et qui est hiérarchisée en matière civile.
495
Article 288, TFUE.
496
E. POILOT, « L’exécution du contrat électronique », J. ROCHFELD (sous la dir.), « L’acquis communautaire, contrat
électronique », préc., p. 233. S’agissant des termes « transposition encadrée » et « transposition discrétionnaire », l’auteure
explique que « [l]à où les textes européens ont laissé libre cours aux initiatives des législateurs nationaux, par inclusion en
leur sein d’une clause de renvoi aux compétences des États membres dans une matière, cette réception peut être qualifiée de
discrétionnaire, la détermination des "sanctions" étant laissée à la discrétion des États membres. À l’inverse, là où les textes
92

l’occurrence, la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique étant d’harmonisation


minimale, les régimes juridiques dans les systèmes nationaux des États sont plus affinés et
comportent quelques particularités locales, sans créer une disparité de logique d’ensemble. De
ce fait, il est question de dégager les aspects spécifiques que les lois de transposition française
apportent à l’acquis communautaire de l’Union européenne en rapport au commerce en
ligne.497 Comme élément capital d’harmonisation des règles, le dialogue du droit européen
s’effectue avec les droits nationaux des États membres (et avec le droit international).
173. En France498, plusieurs lois de transposition des directives européennes s’appliquent
spécialement au commerce électronique :
 la loi n°2000-230 du 13 mars 2000 sur la preuve électronique et la signature électronique
qui transposait la directive 1999/93/CE du 13 décembre 1999499, désormais abrogée avec
effet au 1er juillet 2016 par le règlement 910/2014 du 23 juillet 2014500 ;
 la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN)
qui transpose la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 ;
 la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux
services de communications audiovisuelles qui transpose notamment la directive
2002/19/CE du 7 mars 2002 du « paquet télécom »501.
174. À celles-ci, s’ajoutent la loi n°2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de
la concurrence au service des consommateurs ainsi que la loi n°2008-476 du 4 août 2008 de
modernisation de l’économie, chacune transposant partiellement la directive 2005/29/CE502
relatives aux pratiques commerciales déloyales. D’autres sources à considérer couvrent
certaines matières du commerce électronique (courriel, par exemple). Il en est ainsi de la loi
n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés, modifiée et complétée par
la loi n°2004-801 du 6 août 2004, qui transpose la directive 2002/58/CE503, cette dernière
ayant été modifiée par la directive 2009/136/CE du 25 novembre 2009504 aujourd’hui
supplantée par le « règlement général sur la protection des données » n°(UE) 2016/679 du 27
avril 2016, applicable à partir du 25 mai 2018.505 La loi n°2010-476 du 12 mai 2010 est
également concernée, car en levant la prohibition des jeux d’argent en ligne, elle intéresse le
commerce électronique.506 La loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation
importe également au commerce en ligne pour sa protection des consommateurs face aux

européens contiennent des sanctions déterminées, la réception des sanctions peut être qualifiée d’encadrée, la marge de
manœuvre des États membres se limitant à l’adoption des sanctions prévues au contexte du droit national. »
497
Cf. Chapitre 1 du présent titre de thèse, ayant procédé à la « recomposition des sources et des critères du commerce
électronique dans le " millefeuille législatif" européen ».
498
C. CASTETS-RENARD, op.cit, p.143. C. FÉRAL-SCHUHL, op.cit, p. 278.
499
Directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 (abrogée), directive sur un cadre
communautaire pour les signatures électroniques, JOCE, L13, 19 janvier 2000.
500
Règlement 910/2014 du PE et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance
pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE, JO UE, L 257, 28 août
2014.
501
Directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l’accès aux réseaux de
communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès »), JO CE, L
108/7, 24 avril 2002.
502
Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005, relatives aux pratiques commerciales
déloyales qui vise à harmoniser les règles relatives aux pratiques déloyales au sein du marché intérieur, préc.
503
Directive 2002/58/CE du Parlement et du conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère
personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques.
504
JOCE, L 337, 18 décembre 2009.
505
JOUE, L 119, 4 mai 2016.
506
N. CONTIS, « Présentation critique de la loi du 12 mai 2010 ouvrant à la concurrence le secteur des jeux et paris sportifs en
ligne », in G. JULIANA, op.cit, p. 61. En effet, auparavant, « l’organisation de ces jeux était confiée à un nombre très restreint
d’opérateurs dotés de droits exclusifs ».
93

vendeurs.507 La loi n°2016-1321 pour une République numérique du 7 octobre 2016 intéresse
le commerce en ligne, en ce qu’elle régit l’économie de la donnée et fixe des règles de loyauté
sur les plateformes électroniques.508
175. En outre, plusieurs ordonnances antérieures complètent spécialement le dispositif
légal français en matière de commerce électronique,509 mais désormais supplantées
par l’ordonnance n°2016-131 du 19 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du
régime général et de la preuve des obligations.510 Celle-ci est applicable au 16 octobre 2016.
176. Ainsi, la législation française a ajusté plusieurs institutions juridiques du commerce
électronique, en fondant des trajectoires d’analyse quant à ses impacts nouveaux sur l’acquis
européen.

2. L’insertion de la LCEN dans plusieurs branches du droit commun français

177. La LCEN définit le commerce électronique, sans néanmoins réserver de définition


textuelle à certaines matières particulières, comme par exemple, la publicité en ligne.511 Les
aspects du commerce électronique français, non spécifiquement régis par la LCEN ou d’autres
lois spéciales, restent donc régis par des règles classiques relevant du tronc commun des droits
civil, commercial, des sociétés, de la consommation, de la distribution, des communications
électroniques.512 Notamment, les dispositions visant clairement le consommateur sont
transposées dans le Code de la consommation. Une partie de la transposition a été faite dans le
Code civil, pour la preuve numérique et le contrat électronique par exemple, et une autre dans
le Code des postes et des communications électroniques pour les intermédiaires techniques du
commerce électronique ou prestataires techniques de l’économie numérique.513
178. Comparativement aux dispositions classiques du Code général du commerce514, la
LCEN pose des règles spéciales de la commercialité électronique. « Quelques deux cents ans
après le Code napoléonien de 1807, l’ordonnance n°2000-912 du 18 septembre 2000, suivie
du décret n°2007-3-431 du 25 mars 2007 et de l’Arrêté du 14 janvier 2009 Ŕ donnant le jour
au nouveau code de commerce, a redonné au droit commercial son homogénéité en réunissant
dans neuf livres, les règles fondamentales qui régissent la matière ».515 Les règles de la
507
Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », JORF, 8 octobre 2016
508
Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016pour la République numérique, dite « loi Numérique » ou « loi Axelle Lemaire »,
JORF, 8 octobre 2016.
509
Ordonnance 2005-674 du 16 juin 2005 relative à l’accomplissement de certaines formalités contractuelles par voie
électronique, JORF, n°140, 17 juin 2005, p.10342. Ordonnance n°2001-741 du 23 août 2001 (ayant transposé la directive
97/7/CE sur les contrats à distance), JORF, 25 août 2001. Ordonnance n°2005-648 du 6 juin 2005 relative à la
commercialisation à distance des services financiers auprès des consommateurs, transposant la directive 2002/65/CE.
510
Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations, JORF, 0035, 11 février 2016, texte n° 26.
511
T. VERBIEST, op.cit, pp. 27-28. À titre illustratif, « La loi française ne fournit aucune définition légale de la publicité. Les
contours de ce concept ne se dessinent qu’indirectement, dans le cadre des articles L.121-1 et suivants du Code de la
consommation et de quelques dispositions spécifiques. [...] Étrangement, le législateur français n’a pas jugé utile de consacrer
une définition légale de la publicité à l’occasion de l’adoption de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans
l’économie numérique (LCEN). Il a toutefois introduit une définition de la prospection qui en est directement inspirée ».
512
C. CASTETS-RENARD, op.cit, p.142. L’auteur précise que « [p]our d’autres dispositions à l’inverse, le législateur précise
qu’elles s’adressent aux relations professionnelles. Dès lors, on peut considérer que la loi s’adresse à tous (une partie de la
transposition s’est faite dans le code civil), sous réserve de dispositions particulières concernant les seuls professionnels ou
consommateurs. »
513
En France, c’est le Code des postes et des communications électroniques qui donne la définition de la « voie
électronique », élément nécessaire de définition du commerce électronique.
514
Code de commerce, 11è éd., Dalloz, Paris, 2016, pp. 1-3686.- Addendum, pp. 1-93.
515
Ibidem. Cf. « Livre I : commerce et commerçants ; fonds de commerce Ŕ Livre II : sociétés commerciales et groupements
d’intérêt économique Ŕ Livre III : ventes particulières ( au déballage, aux enchères, soldes) et clauses d’exclusivité Ŕ Livre
IV : concurrence et prix Ŕ Livre V : Effets de commerce et garanties Ŕ Livre VI : Difficulté des entreprises (prévention,
sauvegarde, redressement et liquidation) Ŕ Livre VII : Juridictions commerciales et organisation du commerce ; Livre VIII :
94

LCEN ont été insérées dans plusieurs corpus juris, elles se greffent aussi au commerce en
général. Elles constituent un bon marqueur des transformations des bases et des institutions
juridiques concernées par les enjeux économiques de la révolution numérique. Notamment,
l’article 14 in fine de la CEN rattache expressément le prestataire et son établissement en
France. Il détermine ainsi la portée ratione loci des règles juridiques nationale sur les activités
économique en ligne.516

3. Le champ ratione loci de la loi de transposition française dans les enjeux de


territorialité à l’ère numérique
179. L’article 14 de la LCEN est la source de définition du commerce électronique
français. Mais, sa teneur fait référence in fine à la notion du « prestataire établi » sur le
territoire français. En effet, « [l]’activité définie à l’article 14 est soumise à la loi de l’État
membre sur le territoire national duquel la personne qui l’exerce est établie. L’activité est
donc rattachée à la loi de l’État membre de la personne [qui l’exerce] ». 517 Au-delà du
principe de la territorialité des lois nationales, « les critères technologiques sont trop instables
pour permettre de localiser à eux seuls l’opérateur du marché électronique ».518 Le problème
sous-jacent que pose la définition française du commerce électronique est de fixer la personne
sur un lieu d’établissement et d’exercice de son activité. Sinon, la loi française ne lui sera pas
applicable.519 À cet effet, elle fixe l’angle de son appréciation, en la situant non pas du côté du
destinataire mais plutôt du prestataire.
180. L’article 3 de la directive 2000/31/CE520 fonde le principe que les opérateurs dans
le marché électronique européen et les intermédiaires de l’Internet sont soumis à la loi de
l’État membre où ils sont établis. C’est le principe de compétence de la loi du pays d’origine.
Cette directive européenne, transposée en France par la LCEN, vise à la fois deux
mécanismes : la coordination et l’harmonisation, en énonçant en plus la clause du marché
intérieur. Si l’harmonisation a un sens technique précis, la coordination s’explique en
revanche au regard de la clause du marché intérieur ou du principe de la compétence du pays
d’origine, dit aussi « principe d’origine ».521 Leur compréhension nécessite d’aborder la
question de la clause du marché intérieur européen.522

Professions réglementées (administrateurs et mandataires judiciaires, experts en diagnostic, commissaires aux comptes) Ŕ
Livre IX : Outre-mer. »
516
Article 14, al. 2° et 3°, LCEN dispose: « Une personne est regardée comme étant établie en France au sens du présent
chapitre lorsqu’elle s’y est installée d’une manière stable et durable pour exercer effectivement son activité, quel que soit,
s’agissant d’une personne morale, le lieu d’implantation de son siège social
517
O. CACHARD, op.cit, p. 109.
518
Ibidem.
519
H. CAUSSE, « Le contrat électronique, technique du commerce électronique », in J-C HALLOUIN et H. CAUSSE, Le contrat
électronique au cœur du commerce électronique, le droit de la distribution, Droit commun ou droit spécial ?, LGDJ, Coll. .
Faculté de droit et des sciences sociales, Université de Poitiers, 2005, p. 19-20.
520
L’article 3 de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique correspond à la « clause de marché intérieur » avec
deux volets d’application traduits par ses deux paragraphes. Premièrement, l’État d’établissement veille à la conformité des
services fournis par un prestataire de « services de la société de l’information » par rapport à sa propre législation nationale,
sa loi assurant la police du marché (paragraphe 1). Les autres États membres ne doivent pas restreindre la libre circulation des
services de la société de l’information fournis par un prestataire établi (conformément à la loi en vigueur) dans un autre État
membre (paragraphe 2).
521
M. FALLON, « Variations sur le principe d’origine entre le droit communautaire et droit international privé », Nouveaux
itinéraires du droit, Mélanges en l’honneur de François Rigaux, Bruxelles, Bruylant, 1993, p.189, cité par O. CACHARD,
op.cit, p.101.
522
Le domaine de la coordination ne règle pas la question des conflits des lois mais plutôt celle du conflit d’autorité entre lois
du pays d’origine du prestataire et du pays de destination des prestations des services de la société de l’information. Encore
moins, le domaine d’harmonisation ne règle pas la question des conflits de loi : il sert à fixer les limites de manœuvre dans la
transposition des règlements et directives européens.
95

181. Afin d’éviter une interprétation divergente de la notion d’établissement, la directive


2000/31/CE se fonde sur la jurisprudence de la Cour de justice européenne. La directive
définit le « prestataire de service établi » sur les critères qualitatifs de l’effectivité et de la
stabilité économique et non sur les critères formels (simple boîte aux lettres) ou
technologiques (emplacement des moyens techniques) qui permettraient aux prestataires
d’échapper à tout contrôle. En effet, dans l’« affaire Factort », la CJCE avait jugé que « [l]a
notion d’établissement au sens des articles 52 et suivants du traité [TCE] comporte l’exercice
effectif d’une activité économique au moyen d’une installation stable dans un autre État
membre pour une durée indéterminée ».523 L’emplacement des technologies utilisées
(hébergement de pages web), le fait qu’un site soit accessible dans un autre État membre, ne
peuvent constituer des critères pour la détermination du lieu d’établissement. Lorsqu’un
prestataire a plusieurs lieux d’établissements, le « lieu d’établissement » au sein des marchés
sera celui dans lequel le prestataire a le centre de ses activités pour la prestation du service
considéré.524
182. Le prestataire établi est ce « prestataire qui exerce d’une manière effective une
activité économique au moyen d’une installation stable pour une durée indéterminée ». La
présence et l’utilisation des moyens techniques et des technologies, requis pour fournir le
service ne constituent pas en tant que tel un établissement du prestataire. Dans le cas où les
activités définies sont celles des prestataires du commerce électronique établis en France, le
régime d’accès et d’exercice d’activité, attaché à la définition française triomphera au sein des
autres États européens de destination (loi de police). Les lois de police sont des dispositions
impératives « dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts
publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger
l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par
ailleurs la loi applicable au contrat ».525
183. Toutefois, à titre dérogatoire, si le principe est celui de la liberté d’exercice de
l’activité, un prestataire au sein du marché européen ne peut pas l’imposer face aux raisons de
l’ordre public, de la protection de la santé publique, de la sécurité publique ou de la protection
des consommateurs des pays de destination. Ainsi, les règles du pays d’origine sont
d’application, en ce qui concerne l’accès à l’activité : les exigences d’autorisation, de
qualification ou de notification. Elles le sont aussi en ce qui concerne l’exercice de l’activité,
devant répondre aux exigences nationales sur le comportement du prestataire, la qualité ou le
contenu du service, y compris en matière de publicité et de contrat, ou sur la responsabilité du
prestataire.526 En effet, ces principes ne connaissent de dérogations que dans des cas
restrictifs527 ou en cas des risques sérieux et graves d’atteinte aux objectifs d’ordre public. À
cet effet, une procédure précise doit être suivie sur une prise de mesures restrictives
dérogeant, en urgence ou en procédure préalable, à la libre circulation des services de la
société de l’information.528

523
CJCE, affaire Factort, arrêt du 25 juillet 1991, C-221/89, Rec., 1991, p. 1-3905, point 20.
524
Considérant n°19, directive 2000/31/CE, préc. M. ANTOINE, A. CRUCQUENAIRE, et AL, op.cit, p. 17-18
525
Article 9, règlement (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux
obligations contractuelles (dit Rome I).
526
Article 2, h), directive 2000/31/CE, préc.
527
Les cas sont déjà cité en ce qu’ils se rapportent à l’ordre public, la protection de la santé publique, de la sécurité publique
et à la protection des consommateurs.
528
Ainsi, en France, dans les conditions prévues par décret du Conseil d’État, des mesures restreignant, au cas par cas, le
libre exercice de leur activité par les personnes mentionnées à l’article 16 de la LCEN peuvent être prises par l’autorité
administrative lorsqu’il est porté atteinte ou qu’il existe un risque sérieux et grave d’atteinte au maintien de l’ordre et de la
sécurité publics, à la protection des mineurs, à la protection de la santé publique, à la préservation des intérêts de la défense
96

184. Il en est ainsi, par exemple, de la coopération renforcée entre autorités judiciaires
et, en amont, entre autorités administratives et les firmes de l’Internet. Dans le cadre de leurs
missions de protection de la sécurité nationale529, l’autorité administrative peut obtenir auprès
des opérateurs et hébergeurs (prestataire technique du commerce électronique), la
communication des métadonnées de leurs utilisateurs, qu’ils sont tenus de conserver et de
transmettre530, de même que s’agissant de l’autorité judiciaire531. Il importe de préciser les
fondements localisateurs de la législation nationale face au commerce électronique
transfrontière.
4. Les ajustements localisateurs de la dématérialisation du commerce électronique
185. S’agissant de l’application de la loi de police, des ajustements localisateurs ont pu
être effectués dans deux domaines précis, par l’autorité du système juridique français au
regard des activités liés aux technologies électroniques ou numériques en Europe.
186. Dans un premier temps, par l’application d’une « territorialité directionnelle », en
droit pénal, il trouve, en effet à appliquer la loi de police aux sites, mêmes établis hors des
frontières, qui dirigent leurs activités vers la France au regard d’une pluralité d’indices
(langue et monnaie utilisées, terminaison du nom de domaine, publicités visibles par les
internautes français, etc.).532 Grâce à une ordonnance du juge des référés et pionnière en son
genre, la jurisprudence française a confirmé ces indices d’ajustement. Dans l’affaire LICRA et
UEJF contre Yahoo !, en 2000, le TGI de Paris avait enjoint à la société Yahoo ! de rendre
inaccessible un site vendant des objets de propagande nazie533 ; au point de voir la justice
américaine rejeter à deux reprises les recours exercés par Yahoo ! contre ladite injonction534.
En 2008, un autre exemple se réfère à l’affaire Max Mosley contre Google, dans laquelle le
TGI de Paris a instruit la firme Google de cesser son affichage d’images attentatoire à la vie
privée.535 Dans ses études en 2014, le Conseil d’État a relevé la considération que « la France
était en droit en tant que nation souveraine d’adopter des lois contre la distribution de
propagande nazie, en réponse à sa terrible expérience des forces nazies durant la seconde
guerre mondiale ».536
187. Dans un second domaine, les règles de territorialité en matière d’obligation
contractuelle peuvent être librement déterminées par les parties à un contrat. Mais, même en
ce cas, toute clause élusive de territorialité ne peut avoir pour effet de priver le consommateur
des protections impératives prévues par la loi de son pays de résidence.537 Il peut aussi se
prévaloir des règles spécifiques, dès lors que son cocontractant exerce ses activités dans l’État
de l’Union où le consommateur a élu domicile ou que ce prestataire « dirige ses activités vers

nationale ou à la protection des personnes physiques qui sont des consommateurs ou des investisseurs autres que les
investisseurs appartenant à un cercle restreint définis à l’article L. 411-2 du code monétaire et financier.
529
Article L. 246-1, Code de la sécurité intérieure, créé par la loi n°2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la
programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité
nationale.
530
Décret n°2011-219 du 25 février 2011 relatif à la conservation et à la communication des données permettant d’identifier
toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne.
531
Article 6, II, LCEN, préc.
532
Cour Cass., crim., 9 septembre 2008, Giuliano, n°07-87281.
533
TGI, Paris, Ordonnance, Juge des référés, 22 mai 2000.
534
Cour d’appel fédérale du 9e circuit, 23 août 2004 et 12 janvier 2006 et 12 janvier 2006, LICRA and UEJF v. Yahoo !, n°
01-17424.
535
TGI, Paris, Max Mosley c. Google Inc. et Google France, RG 11/07970.
536
CONSEIL D’ÉTAT, Le numérique et les droits fondamentaux, La documentation française, études, Paris, 2014, p. 138.
537
Article 6, § 2, Règlement (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux
obligations contractuelles (dit Rome I).
97

cet État ».538 Pour déterminer si le professionnel dirige ses activités vers l’État de
domiciliation du consommateur, la CJUE a retenu en 2010 plusieurs critères, notamment : « la
mention de coordonnées téléphoniques avec l’indication d’un préfixe international,
l’engagement de dépenses dans un service de référencement sur Internet afin de faciliter aux
consommateurs domiciliés dans d’autres États membres l’accès au site du commerçant ou
celui de son intermédiaire […] En revanche, la simple accessibilité du site Internet du
commerçant ou de celui de l’intermédiaire dans l’État membre sur le territoire duquel le
consommateur est domicilié est insuffisante. Il en va de même de la mention d’une adresse
électronique ».539
188. En conclusion, la communautarisation n’exclut pas l’application des règles
nationales des États, ni l’expression des juges pour dire le droit dans les faits concernant le
commerce électronique. Il apparaît que les manières de commercer peuvent différer d’un État
à un autre. La disparité des régimes est donc possible, comme cela fut le cas pour les jeux
d’argent en ligne avant l’évolution et l’harmonisation de leur libéralisation au sein de
l’Europe.540 Sur ce point, l’enjeu juridique de la transition numérique s’illustre au niveau de la
mise en adéquation des droits internes entre États sur les mêmes matières, qui pourraient
présenter des différences de standards ou des disparités de régimes.
189. En 2015, le Conseil d’État a mené une étude sur « la France dans la transformation
numérique ».541 L’enjeu de territorialité du droit national amène à réaffirmer les garanties de
protection des États au profit de leurs résidents face à une forme de « promotion d’une
extraterritorialité conquérante du droit national ou européen », liée au commerce en ligne.542
L’affaire Google Spain du 13 mai 2014 illustre les aspects d’ajustement du droit, à l’épreuve
du commerce en ligne, puisque le traitement des données litigieuses était réalisé par la
société-mère établie aux États-Unis et non par sa filiale européenne établie en Espagne.543
Comme un « véritable changement de paradigme », « C’est vers ce nouveau progrès de l’État
de droit que s’est engagée l’Union européenne »544 en vue d’assurer la primauté du droit dans
les activités transfrontières et dématérialisées du cyberespace. L’enjeu (de la territorialité

538
Article 17, 1-c), Règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 17é décembre 2012 concernant la
compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
539
CJUE, Affaire Peter Pammer et Hôtel Alpenhof GesmhH, C-585/08 (jointe à C-144/09), 7 décembre 2010, RJ, 2010, I-
12527, spéc., paragraphes 93 et 94.
540
C. BLOUD-REY, « La régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard sous le prisme des régulateurs belge et français »
in G. JUILIA (sous la dir.), Jeu, Argent et Droit, Coll. Actes, IRDA, Dalloz, Paris, 2013, p.76. M. BÉHAR-TOUCHAIS, J.
ROCHFELD, A. DE GUILLENCHMIDT-GUIGNOT et (avec collab.) A. FOURNIER, Les jeux en ligne en France et en Europe :
quelles réformes trois ans après l’ouverture du marché ?, Société de Législation comparée, vol.7, Coll. Trans Europe
experts, Paris, 2013, pp. 21 et s. Aujourd’hui, la libéralisation de la prestation des services de jeux d’argent, de paris, de
pronostics et de hasard en ligne est acquise en Europe, grâce à l’œuvre du juge européen constant dans sa jurisprudence
envers les États membres de l’Union. (Pour le cas de l’Allemagne : CJUE Arrêt du 8 juillet 2010 C-316/07, pour le cas de la
Suède : C-447/08 et 488/08 ; pour le cas néerlandais : C-203/08 et C-258/08, pour le cas de l’Italie : C-72/10 et 77/10 et celui
de l’Autriche : C-64/08 et C-347/09) Mais, au-delà de l’inscription évolutive des jeux d’argent dans l’objet du commerce
électronique européen, des « difficultés rencontrées proviennent [encore] du caractère de nature transfrontière du jeu en ligne
et de l’impossibilité pour les pays démocratiques de se couper de cette réalité sociologique et technologique » (C. Bloud-
Rey). En la matière, la CJUE a fixé des conditions drastiques pour justifier des restrictions à la liberté de prestation de service
dans le secteur des jeux ou pour légitimer le monopole public dans ledit secteur. Sont désormais seuls à restreindre cette
liberté : l’existence des motifs impérieux d’intérêt général (protection des consommateurs ou de l’ordre social), et le respect
des principes de nécessité, de proportionnalité, de non-discrimination et de cohérence entre prestataires dans les États
membres.
541
CONSEIL D’ÉTAT, La France dans la transformation numérique : quelle protection des droits fondamentaux ?, La
documentation française, Colloque du 6 février 2015, Paris, 2015, p. 15.
542
Ibidem.
543
CJUE, Affaire Google Spain SL et Google Inc. c/ Agencia Espaňola de protección de Datos et Mario Costeja González,
C-131/12, Arrêt (grande chambre), 13 mai 2014.
544
CONSEIL D’ÉTAT, op.cit, p. 15.
98

intellectuelle, eu égard au cyberspace) devient donc un défi majeur de la souveraineté des


États.
190. Ainsi, le droit français du commerce électronique s’inscrit dans l’ordre des
transformations adoptées par le droit européen. L’harmonisation européenne trace les lignes
de rapprochement des législations nationales autour des critères de définition de l’objet du
commerce électronique. Comment la législation européenne en assurer la transposition ? (B./)
B./ LES LIGNES DE RAPPROCHEMENT DE L’OBJET
DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE FRANÇAIS ET EUROPÉEN

191. Alors que le droit européen a préféré englober le commerce électronique dans le
concept plus large de « services de la société de l’information », la doctrine a pensé que « [l]e
législateur français n’a toutefois pas été si prudent »545 en le définissant. À l’analyse, la
définition de l’article 14 de la LCEN a opté d’inscrire, en droit français, certains critères de
définition du droit européen et pas d’autres. La transposition française présente l’avantage de
précision, car elle s’est départie de l’ambigüité du renvoi aux services de la société de
l’information.
192. En abandonnant la référence à la société de l’information datant de la directive
98/34/CEE de 1998, le législateur français clarifie la définition juridique du commerce en
ligne. Ces améliorations tirent avantage de l’expérience accumulée avec le temps, par rapport
à l’acquis communautaire et se rapportant à l’utilisation des technologies de l’information
dans la pratique économique. (1) La législation française a écarté les critères de définition, qui
ne sont pas essentiels pour la définition juridique du commerce électronique.546 (2)

1. La clarification française de l’ambiguïté européenne des « services de la société de


l’information »

193. Le législateur français fait preuve de pertinence dans sa définition du commerce


électronique, en différenciant sans équivoque les biens et les services. L’article 14 de la
LCEN a ajusté la lacune et l’inadéquation de l’acquis européen, en évoquant « la fourniture
des biens et des services » à distance et par la voie électronique, dans sa définition du
commerce en ligne. En identifiant ce dernier aux services de la société de l’information, la
directive 2000/31/CE semblait restreindre le champ de l’activité numérique aux services. Elle
n’avait pas corrigé le vocabulaire juridique de la directive 98/38/CE et 98/48/CE qui plaçait la
vente des biens et la fourniture des services en ligne sous l’appellation générique inappropriée
de « services de la société de l’information ». Et pourtant, les activités économiques en ligne
ne se limitent pas seulement aux obligations de faire ou de ne pas faire auxquelles le terme
« service » renvoie juridiquement parlant. La volonté de clarté et d’exactitude de la LCEN ne
s’illustre pas uniquement dans sa formulation plus correcte que dans l’acquis européen, mais
aussi dans les exemples concrets d’activités qui complètent à l’alinéa 2 la définition fournie à
son article 14.
194. Dans cette disposition de la LCEN, l’exemple des « moteurs de recherche »
rencontre l’aspect des services en ligne non-rémunérés par leurs destinataires, autant que

545
A. RABAGNY-LAGOA, Droit du commerce électronique, Ellipses, Paris, 2011, p.67.
546
Le chapitre 1 du présent titre de thèse a démontré que plusieurs critères de l’acquis européen n’étaient pas déterminants. Il
en est ainsi par exemple de la « demande individuelle du destinataire du service de la société de l’information », qui n’est pas
applicable avec rigueur au regard de l’Internet dont la technologie fait de chaque terminal un client/serveur avec le protocole
TCP/IP. De ce fait, l’origine et la destination en sont brouillées. Cf. V-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, p. 25 et s.
99

l’avait déjà consacré l’acquis européen.547 Les internautes consomment des services qu’ils ne
paient pas forcément ou qu’on les encourage à ne pas payer. Cette situation tranche avec les
actes de commerce traditionnel, dont le but lucratif commande leur nécessaire rémunération
selon le principe du donnant-donnant.548 Dans la pratique commerciale classique, il semble
difficile de concevoir la consommation d’un bien ou d’un service sans en rémunérer le
prestataire. À l’inverse du commerce électronique, les destinataires ne rémunèrent pas
forcément les biens et les services qu’ils consomment en ligne, car ils ne sont pas toujours les
véritables clients du cybercommerçant. Le plus souvent, ils forment seulement son fond de
commerce. De ce point de vue, le commerce électronique se distingue du commerce
traditionnel.549
195. Généralement, les activités économiques en ligne sont financées par la constitution
d’un « fond de commerce électronique ».550 Le « modèle d’affaire » du commerce
électronique s’avère particulier, car la gratuité pour la clientèle du réseau fait justement
l’économie numérique et le succès de son « business model » au sens pratique de cet
anglicisme. Il existe plusieurs moyens de financement alternatifs de l’offre et de la
consommation des biens et des services de la société de l’information. La publicité en
ligne551, par exemple, en constitue une modalité. Par exemple, les VoD de You Tube sont
gratuits, mais accessibles après quelques secondes de publicité. La collecte des données de
navigation des internautes en est également une modalité quant à l’exploitation réalisée par
l’administrateur de la plateforme électronique à partir des « traces informatiques »552 générées
par l’accès gratuit des internautes. « Le "consommateur" se retrouve ainsi au cœur de la
création de nouveaux services, dont il profite en même temps qu’il les alimente ».553
196. Par conséquent, d’autres enjeux apparaissent à cause de la marchandisation des
« données personnelles » ou de l’atteinte à la vie privée des consommateurs en ligne. 554 Ils
entraînent un réalignement des aspects du droit public et du droit privé, pour garantir la
protection des intérêts et valeurs légitimes qui pourraient être mis en péril par des objectifs

547
V.-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit., pp. 37 et 38. « Les raisons de cet état de fait sont multiples : elles tiennent tout à la
fois des principes idéologiques et à des obstacles techniques […] ; l’intention altruiste de certains internautes, mus par la
seule envie de faire progresser l’innovation ou la connaissance, sans espoir de contrepartie immédiate, autre qu’une
éventuelle reconnaissance symbolique. […] la difficulté historique de mettre en place les instruments techniques sécurisés
permet de réaliser en confiance des micropaiements. Devant le retard pris, les agents économiques ont souvent préféré se
tourner vers un modèle de gratuité apparente pour les utilisateurs finaux ou de rémunération indirecte par des contributions
financières spontanées. Plus classiquement, ils ont misé sur la publicité et, dans cette époque, sur la monétisation des données
personnelles collectées à l’occasion des transactions. Si la technologie a depuis évolué et est aujourd’hui capable
d’accompagner de manière plus efficace et rentable les microtransactions, l’habitude de la gratuité est prise ; ce qui rend plus
difficile le passage "payant" »
548
Même quand il y a paiement par autrui ou stipulation pour autrui, l’acte de commerce classique est nécessairement
rémunéré pour ce qu’il est.
549
Cf. à ce sujet T. VERBIEST, le nouveau droit du commerce électronique, op.cit., p. 36. La gratuité apparente, offerte au
destinataire en ligne peut s’avérer un plan d’affaires pour un « financement alternatif ». De même, l’internaute qui accède
« gratuitement » à une base de données informatique n’est pas toujours au courant du fichage ou du profilage (profiling). Les
masses d’internautes sur des sites gratuits permettent l’analyse statistique en masse (datamining), pour l’envoi des publicités
ciblées. L’accès gratuit des masses au bénéfice de commerce électronique est devenu un mode majeur de financement des
services Internet « gratuit » à la consommation.
550
PH. LE TOURNEAU, op.cit, p. 339.
551
Ibidem.
552
CH. JALBY, La police technique et scientifique, PUF, 3e éd., coll. « Que sais-je ? », Paris 2014, pp. 95-96.
553
V-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit., p.33.
554
C. FÉRAL-SCHUHL, Cyberdroit, le droit à l’épreuve de l’Internet, op.cit, pp. 1-185. J. EYNARD, Les données personnelles,
quelle définition pour un régime de protection efficace ?, op.cit, pp. 31-335. M-L. LAFFAIRE, Protection des données
personnelles.., op.cit, pp. 17-390. M. MARINO et R. PERRAY, « Les nouveaux défis du droit des personnes : la
marchandisation des données personnelles », in J. ROCHFELD (sous la dir.), Les nouveaux défis du commerce électronique,
préc., pp. 55 et s.
100

uniquement économiques.555 L’équilibre doit être assuré entre l’intérêt général et celui du
marché,556 entre le commerce électronique et les droits extrapatrimoniaux de la personne
humaine.557 Ce sont des « nouveaux défis du commerce électronique »558 : ils font toutefois
l’objet d’analyses spécifiques dans la seconde partie de notre thèse.559 Pour le moment, il est
question de définir l’objet du commerce électronique français.
2. L’efficacité des critères légaux du commerce électronique français
197. La définition française du commerce électronique a tenu compte des avancées
technologiques, afin de remédier aux distorsions caractéristiques de la distance. La notion
française effectue une conjonction immédiate du critère de la « distance » physique entre les
parties avec la « voie électronique ».560 Il n’en demeure pas moins que la voie électronique
peut être employée à elle-seule même en présence du commerçant (dans sa boutique) à l’aide
d’un de ses ordinateurs. Dans ce cas, elle reste toujours déterminante pour qualifier
d’électronique le commerce réalisé.
198. Il peut advenir que la distance et les communications électroniques soient utilisées
pour faciliter la conclusion d’un contrat physique sur support papier. Les courriels peuvent
aussi servir à conclure des contrats entre non-commerçants.561 Les branches classiques du
droit civil et du droit commercial concernent ces hypothèses, car elles n’appellent pas
l’application des régimes spécifiques du commerce électronique. 562 Mais, l’usage d’un
dispositif électronique durant le processus d’achat donne lieu à un « contrat électronique ». Si
le contrat à distance ne paraît pas évident dans cette hypothèse, car il est censée être réalisé
entre absents, il s’analyse toutefois comme « un type particulier de contrat électronique ».563
199. Par ailleurs, à l’antipode de la directive 2000/31/CE, la LCEN n’a plus repris dans
sa définition le critère européen dit « sur demande individuelle du destinataire de service »,
tel qu’il a été rattaché à l’acquis européen des services de la société de l’information.564 Les
explications se trouvent dans « [l]’architecture même d’Internet, à savoir le protocole TCP/IP
(client/serveur) [qui] autorise la décentralisation des liaisons entre les internautes, chacun
étant tour à tour émetteur et récepteur d’information : tout individu constitue un nœud de
connexion et peut devenir producteur de valeur économique ; le renversement permanent des
rôles efface progressivement les frontières entre les émetteurs professionnels et les récepteurs
passifs ».565 À juste titre pour le commerce électronique, il a été noté que l’échange de la
valeur du clic à l’ère numérique est tout un phénomène. « Ce phénomène n’est pas propre à la

555
CONSEIL D’ÉTAT, La France dans la transformation numérique : quelle protection des droits fondamentaux, un colloque
organisé par le conseil d’État le 6 février 2015, La documentation française, Paris 2016, p. 4-202.
556
Cf. Titre 2, Chapitre 1, de la présente thèse quant aux enjeux et objectifs de transition des services publics des télécoms
vers l’économie des marchés. Dans tous les cas, la confrontation des lois du marché avec les lois de source parlementaire
reste l’enjeu fondamental pour assurer la primauté du droit étatique, comme garantie face aux intérêts économiques.
557
CONSEIL D’ÉTAT, op.cit, p. 11. L’étude du Conseil d’État préconise à cette fin d’inscrire dans notre droit positif le principe
d’autodétermination informationnelle, plutôt qu’un droit de propriété sur les données à caractère personnel ».
558
J. ROCHFELD (sous la dir.), « Les nouveaux défis du commerce électronique », préc., pp. 3 et s.
559
Cf. Partie 2, Titre 1, chapitre 2, section 2, §2 et Titre 2, Chapitre 1, section 2 de la présente thèse.
560
La LCEN a laissé le soin de la définition de la « voie électronique » au Code des postes et des communications
électroniques.
561
Considérant n°18, directive 2000/31/CE, préc. Il en est ainsi « des contrats conclus exclusivement par le biais d’un
échange de courriers électroniques ou par des communications individuelles équivalentes » en dehors de toute activité
professionnelle ou commerciale.
562
Article 10, paragraphe 4, directive 2000/31/CE, préc. Cette disposition sort de tels contrats du champ des obligations
inhérentes au contrat électronique, telles que prévues en ses paragraphes 1 et 2.
563
J. ROCHFELD, « La définition du contrat électronique » …, op.cit. , p. 8.
564
Cf. Considérant n°18 et article 2, a), directive 2000/31/CE, préc. Ŕ Cf. aussi article 1er, paragraphe 2, directive 98/34/CE
modifiant la directive 98/48/CE et son annexe V.
565
V.-L BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, p. 25.
101

création artistique et concerne tous les modes de production de "contenus numériques",


nouvelle notion juridique floue, située quelque part entre les biens et les services. Les
individus sont des sources passives et actives de contenus informationnels ».566
200. En outre, la LCEN ne fait pas non plus allusion au critère de la « rémunération »
des biens et services proposés ou offerts du commerce électronique, en s’évitant d’inutiles
sinuosités de l’acquis européen. En droit commun, le caractère lucratif des actes de commerce
par nature demeure fondateur parmi tous les critères de commercialité dont la trame peut être
discutée. Néanmoins, sans renier totalement le caractère rémunéré des activités du commerce
électronique l’article 14 de la LCEN, transposant la directive 2000/31/CE, ne l’évoque pas.
Seulement, en restant silencieux sur l’exigence de rémunération, la définition du législateur
français ajuste implicitement l’acquis européen. Celui-ci disposait que les activités
économiques en ligne même si elles ne sont pas rémunérées par ceux qui les reçoivent,
demeurent dans le commerce électronique.567
201. Ainsi, le commerce en ligne n’efface pas l’héritage du terme « commercium »568,
venant du droit romain, qui conserve son aspect inhérent aux droits patrimoniaux. Cependant,
la logique de commercialité en ligne va au-delà de ce seul critère lucratif, qui n’est pas une de
ses conditions sine qua non. À l’ère numérique, la « difficulté est liée à l’obscurantisme des
frontières entre professionnel et amateur, entre activité commerciale et non commerciale,
entre intention lucrative et motivations altruistes. En effet, nombre des relations qui
s’établissent sur Internet le sont sous le sceau d’une apparence de gratuité ou, tout le moins,
n’emportent pas d’échange monétaire direct. […] Le droit actuel est mal à l’aise avec ces
nouveaux rapports économiques complexes qui tricotent un maillage inédit de gratuité
apparente et de gains commerciaux, de posture altruiste et de but lucratif ».569
202. En définitive, le droit français a clairement abandonné les critères de définition non
déterminants qui étaient nuancés en droit européen.570 Ce constat confirme le caractère
supplétif et non-indispensable de certains aspects de l’acquis communautaire européen. La
LCEN reprend les deux critères technologiques fondamentaux du commerce électronique
européen, à savoir : l’utilisation d’une technique de communication à distance et le recours à
la voie électronique. Au même sens que la directive 2000/31/CE, le droit français confirme
leur caractère essentiel comme condition juridique d’existence du commerce électronique. En
faisant état de la « distance » dans la fourniture ou la proposition des biens et des services, la

566
Ibidem, p. 35.
567
Considérant n°18, Directive 2000/31/CE, préc.
568
J. MESTRE, M.-E. PANCRAZI, I. ARNAUD-GROSSI, L. MERLAND et N. TAGLIARINO-VIGNAL, Droit commercial, droit interne et
aspects de droit International, 29e éd., LGDJ, Lextenso éditions, Paris, 2012, pp. 19-20, 58-69 et s. Par « Commercium » les
auteurs rappellent l’entendement connu de façon très large du commerce romain, comme « tous les rapports juridiques que
les individus entretenaient relativement à l’utilisation de leurs biens ». Dans l’acception contemporaine, « le commerce
s’entend tout aussi bien de la distribution des produits que de leur fabrication, de l’industrie au sens économique que du
négoce et couvre même des activités connexes telles que celles de la banque, du transport et des assurances ».
569
V.-L BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, p. 36 et 38.
570
Cf. Section 1 du présent Chapitre de thèse. Le considérant n°18 de la directive 2000/31/CE/ dispose que « [l]es services de
la société de l’information ne se limitent pas exclusivement aux services donnant lieu à la conclusion des contrats en ligne,
mais dans la mesure où ils représentent une activité économique, ils s’étendent à des services qui ne sont pas rémunérés par
ceuix qui les reçoivent ». Et la consommation de la valeur en ligne s’effectue sans engagement bilatéral, ni paiement de
contrepartie forcément. [Cf. aussi : V.-L BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, pp. 19-20. Le commerce en ligne relativise l’aspect
lucratif du commerce classique. Aujourd’hui avec l’Internet, « "si c’est gratuit, vous êtes le produit", martèle un traditionnel
mantra de l’économie numérique ». Les auteures dénoncent l’usage fait des données personnelles par les GAFA/GAFTAM
« à l’insu de l’individu qui en est à l’origine, [pour] dégager des profits colossaux ».]
102

LCEN corrobore les acquis européens plus anciens sur le « téléachat »571 et le « contrat à
distance »572, qui étaient déjà connus du droit français.573
203. Le commerce électronique français présente une double originalité aussi bien face à
l’acquis européen que face au commerce traditionnel. (§2)

§2. Les esquisses d’originalité de l’objet


du commerce en ligne électronique français
face aux typologies du droit classique

204. Les mutations des techniques électroniques sont à la base de la transformation de


certaines institutions juridiques. En tant que tel, le commerce en ligne en est une illustration.
Il est composé d’une mosaïque d’activités économiques pouvant s’apparenter aux actes de
commerce traditionnel, mais aussi à des faits et actes juridiques, unilatéraux ou bilatéraux.
205. À plusieurs égards, la logique d’actes de commerce irrigue la commercialité
électronique, mais sans que les deux aspects ne se mélangent totalement. Le contrat
électronique illustre bien l’originalité des activités économiques en ligne. (A) Notre analyse
du millefeuille législatif européen avait déjà permis de reconstituer l’objet du commerce
électronique européen.574 La transposition française conserve la même typologie générale au
sein du marché de l’Union. Toutefois, quelques spécificités concernent les activités
numériques et d’intermédiation technique caractérisant le commerce en ligne. (B).

A./ LES ESQUISSES D’ORIGINALITÉ DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE


FACE AUX TYPOLOGIES DU COMMERCE TRADITIONNEL

206. Les activités numériques en ligne ont suscité l’enjeu de leur encadrement juridique,
sans abolir l’existence du droit commercial classique. Un fort intérêt se ressent du nombre
d’études juridiques autour du contrat électronique, au point de pouvoir occulter l’importance
des analyses sur la composante non-contractuelle du commerce en ligne.575 En réalité, l’objet
du commerce électronique s’oppose-t-il ou se juxtapose-t-il le commerce traditionnel ? Leurs
logiques de commercialité respectives se confrontent-elles ou se confortent-elles ? Toute
l’activité économique en ligne n’aboutit pas à des contrats en ligne. Aussi, notre analyse
essaie de rapprocher la commercialité électronique avec les bases du commerce traditionnel
pour en esquisser l’originalité, sans remettre en cause les fondements du droit classique.
207. Cependant, il n’y a pas de commerce sans contrat, ni de commerce électronique
sans contrat électronique. Les contrats en ligne sont des institutions juridiques sui generis
marquant la transformation du droit des contrats. Ils se présentent sous forme d’un écrit

571
Directive 89/552/CEE du Conseil européen du 3 octobre 1989 visant la coordination de certaines dispositions législatives,
réglementaires et administratives des États membres, relatives à l’existence d’activités de radiodiffusion télévisuelle, JOCE,
L 298, 17 octobre 1989, p. 23.
572
Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en
matière de contrats à distance, JOCE, L 144 du 4 juin 1997, p. 21.
573
L’ordonnance n°2001-741 du 23 août 2001 avait déjà transposé en France la directive 97/7/CE sur les contrats à distance
(abrogée).
574
Cf. Partie 1, Titre 1, Chapitre 1, section 1 de la présente thèse.
575
J. ROCHFELD, « la définition du contrat électronique », pp. 3-34 ; M. BLANCHARD, « La phase précontractuelle Ŕ La
communication commerciale électronique », pp. 35-70 ; G. BUSSEUIL, « La phase précontractuelle Ŕ La formation du contrat
électronique », pp. 71-132 ; C. BAKER-CHISS, « Le droit de rétractation du contrat électronique », pp. 134-199 ; E. POILLOT,
« L’exécution du contrat électronique », pp. 201-254, A. PENNEAU, « La forme et la preuve du contrat électronique », pp.
255-356 ; L. USUNIER, « La loi applicable au contrat électronique », pp. 357-408 ; L. MARINO, « La protection des données
personnelles et le contrat électronique », pp. 409-438 ; L. GRYNBAUM, « Les services financiers à distance par voie
électronique », pp. 439-466 ; in J. Rochfeld (sous la dir.), L’acquis communautaire : Le contrat électronique, préc.
103

électronique tenant lieu de preuve d’obligations contractées à travers un dispositif automatisé


de commande contre accusé-réception. Ainsi, leur particularité est d’être non seulement une
source d’obligation (negotium) et en principe de nature commerciale, mais aussi de tenir lieu
de preuve en tant qu’instrumentum.576 À l’analyse, le contrat en ligne est essentiellement un
contrat commercial, puisque l’acquis européen exclut du commerce électronique les contrats
passés à des fins autres que professionnelles à l’aide des moyens de communications
individuelles.577 Quelle typologie retenir pour l’étude de l’objet du commerce électronique ?
Les activités contractuelles et non contractuelles forment les catégories du commerce en ligne,
vu les régimes et effets juridiques formant l’intérêt de leur distinction. (2)
1. Les activités du commerce électronique au regard du Code de commerce
208. La LCEN a défini le commerce électronique, alors que « [l]e droit commercial
classique n’avait pas su inviter le législateur à définir le commerce » lui-même.578 Le terme
« commerce », du latin commercium, merx, mercis, marchandise,579 se définit encore par les
actes de commerce et par la qualité des personnes faisant profession d’actes de commerce ; ce
qui renvoie toujours et encore aux actes de commerce eux-mêmes. La notion de commerce se
comprend à travers ces deux éléments objectifs (actes) et subjectifs (commerçants).
Cependant, le droit européen et français du commerce électronique ne se structure pas autour
de la logique de définition ci-dessus du commerce classique. Leurs règles ne donnent pas une
liste exhaustive des activités économiques en ligne. Au contraire, elles déterminent seulement
les critères généraux du commerce en ligne, en les orientant dans une logique propre pour
éviter de les assimiler uniquement aux actes de commerce traditionnel.580
209. Néanmoins, en insérant les innovations de la LCEN dans le code de commerce, le
législateur réaffirme l’attachement au commerce classique. L’acquis européen en reconnaît
déjà les bases, puisqu’il fait référence aux finalités commerciales ou professionnelles dans les
usages économiques des techniques électroniques.581 Le législateur n’a pas catégorisé les
activités du commerce en ligne, dans le même genre de typologie que les actes de commerce
par nature. Pour rappel, le commerce classique connaît trois grandes catégories d’actes de
commerce : ceux par nature, ceux par la forme et ceux par accessoire. En premier lieu, le
« sommaire »582 des actes de commerce par nature de l’article L.110-1 du Code français de
commerce concerne: 1° l’achat pour revente ; 2° les activités financières : banque et
opérations de bourse, les opérations d’entremise (le courtage et l’assurance) ; 3° les actes faits

576
Article 1127-2, Code civil, tel que modifié par l’article 2 de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme
du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, JORF, n°0035, 11 février 2016, texte n°26. O.
BELOUIN et S. DEGEZ, « Quelques petites particularités du contrat électronique… », 7 mars 2016, in [www.degez-kerjean.fr]
(consulté le 17 mars 2017). Dans leur commentaire, les deux avocats rappelle que l’article 1127-2, C.civ. prévoit que
l’internaute doit avoir la possibilité « du double-cil. L’internaute valide et/ou corrige sa commande (1 er clic), puis accepte
l’offre (2ème clic). La conclusion du contrat n’aura lieu qu’au second clic ». Cf. aussi : Articles 1316, 1316-1, 1316-2, 1316-3,
1316-4 du code civil, insérés par l’article 1, loi n°2000-230 du 13 mars 2000, JORF, 14 mars 2000. Pour commentaire : J.
ROCHFELD, « La définition du contrat électronique », in J. ROCHFELD (sous la dir.), L’acquis communautaire…, préc., pp. 30.
« À cet égard, il se concentre, tout d’abord, sur l’écrit électronique, exigé pour la validité d’un acte juridique : à l’instar des
articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil actuel, l’article 1127-2 de l’avant projet [de droit des obligations et du droit de la
prescription] prévoit l’équivalence de l’écrit électronique et de celui papier ». Cf. Sur cet avant-projet : Rapport à Monsieur le
garde des Sceaux, Ministre de la Justice, 22 septembre 2005, La documentation française, 2006.
577
Directive 2000/31/CE, préc.
578
H. CAUSSE, op.cit, pp.16-17.
579
I. JEUGE-MAYNART (sous la dir. gén.), Le petit Larousse illustré 2017, Paris, 2016, p. 274.
580
H. CAUSSE, op.cit, p. 17.
581
Directive 2000/31/CE, préc.
582
Pour ce sommaire, cf. P. PÉTEL (dir.), S. BENILSI, S. CABRILLAC et AL, Code de commerce annoté, 28è éd., LexisNexis,
Paris, 2016, pp. 3-12.
104

en entreprise (du domaine légal583 et des extensions jurisprudentielles584). En deuxième lieu,


les actes de commerce par la forme de l’article L.110-1 du Code français de commerce
concernent généralement la lettre de change.585 En troisième lieu, les sociétés commerciales
répertoriées à l’article L-210-1, alinéa 2, du même Code sont toujours commerciales même si
leur activité est civile.586
210. De plus, tous les actes passés par une société commerciale sont commerciaux, en
vertu d’une présomption irréfragable. Aussi, le droit commercial assure-il l’unicité de régime
de tous les actes du commerçant en vertu de l’adage « accessorium sequitur principale »,
« l’accessoire suit le principal ». dès lors, un acte effectué de manière accessoire par un
commerçant devient-il commercial, même si ce n’est pas un acte de commerce par nature.587
Or, « Il n’existe [en réalité] aucune raison d’exclure le site internet de la réglementation qui
est générale et ne comporte en l’état aucune exception en la matière». 588 Le commerce
électronique est tout aussi constitué d’actes de commerce et d’actes juridiques que de simples
faits juridiques, techniques et économiques.589 Si d’une part l’originalité du commerce en
ligne est acquise, les institutions juridiques du commerce classique n’en sont pas pour autant
transformées, ni chamboulées d’autre part. Le commerce classique et commerce électronique
ne sont pas opposés, le second étant complémentaire avec ses espèces autonomes et ses
régimes spécifiques, qui se greffent au premier. Le commerce en ligne ne découle pas d’une
énumération exhaustive d’actes de commerce par nature comme en droit classique mais son
objet tient d’«un bouleversement lié au couplage de la technique de numérisation et de
l’Internet ».590 Il est à considérer que les services de la société de l’information qui composent
le commerce électronique ne résultent pas forcément de la conclusion d’un contrat, entre le
prestataire et le destinataire du service concerné. Néanmoins, les contrats du commerce
583
À savoir : Location, y compris sous-location ; commission ; transport sauf « artisans chauffeurs taxis » (Aix-en-Provence,
6 juin 1961 : RTD, Com. 1961, 883. Cass. Com., 4 déc.1968 : Bull. civ. IV, n°345) ; Agence et bureau d’affaire, y compris le
généalogiste (Paris, 1er mai 1937 : DH 1937, 368) et non compris la société des auteurs (Cass. civ., 8 déc. 1913 : gaz. Pal..
1914, 1, 93) par exemple la SACEM, société civile et organisme professionnel d’auteurs (Cass.com., 5 nov. 1985 : Bull. civ.,
IV, n°263)
584
Notamment : Cliniques (Cass. Civ., 12 nov. 1923 : S. 1925, 1, 53 Ŕ Paris, 13 févr.1902 ; Entreprises de construction des
travaux publics (Cass. Civ., 3 fév. 192, DP 1902, 1, 294) ; activités hôtelières, Cafés ou restaurants, cercle (Paris, 21 nov.
1812 : Dalloz jurispr. gén., Ve Actes de commerce, n°130 Ŕ Paris, 5 janv. 1888 : DP 1889, 2, 140) ; Entreprise de personnel
temporaire (Cass. com., 18 janv. 1966 : JCP 1966, I, 14714) ; Entreprise de pompes funèbres comme entreprise de
fournitures (Paris, 3 mai 1881 : DP 1881, 2, 193) ; Expert en diagnostic immobilier à titre habituel et lucratif (Cass. com. 5
déc. 2006 : RJDA 4/2007, n°419 ; D. 2007, p.89., obs. chevrier) ; Entreprise de publicité et d’information (Cass. Com., 9 nov.
1970 : Gaz, pal. 1971, 1, 126)
585
À savoir : billet à ordre, warrants agricoles, chèques sans oublier que le simple fait du règlement par un chèque ne saurait
lui seul justifier la compétence commerciale (Colmar., 27 mars 1977 : RJAL 1977, 187).
586
Cass. Com., 18 févr.1975 : Bull. civ. IV, n°48, pour des sociétés anonymes d’expertise comptable.
587
J. AZEMA et al., op.cit, p. 114 et s. La catégorie d’actes de commerce renferme des actes déterminés qui ne sont
commerciaux que s’ils sont répétitifs, par habitude ou par profession. Ces actes peuvent être passés à distance et par la voie
électronique dans la mesure des possibilités techniques et de leur comptabilité à l’objet du commerce électronique. Leur
répétition à titre professionnel confère la qualité de commerçant à celui qui réalise ces actes. La deuxième catégorie est celle
des actes qui sont commerciaux en toutes circonstances, quelle que soit la personne qui les accomplit. La forme utilisée
entraîne la commercialité de l’acte.
588
TGI, Mulhouse (France), Jugement correctionnel, n°122/2006, du 12 janvier 2006 ayant condamné un revendeur d’objets
mobiliers sur Internet à une amende délictuelle de 3800,00 euros (trois mille huit cents), pour l’infraction d’exécution d’un
travail dissimulé et pour l’infraction de non tenue du registre. [...] « Le caractère intentionnel de l’infraction résulte de la
volonté de l’intéressé de se soumettre à la fois aux limites imposées aux non professionnels et aux règles encadrant l’activité
des professionnels. », Commentaire du site [http://www.davidtate.fr/] (consulté le 22 février 2016) : « L’activité de vente
d’objets mobiliers usagers ou acquis à des personnes autres que celles qui les fabriquent ou qui en font le commerce impose
au vendeur sur internet de biens mobiliers qui se comporte comme un professionnel de tenir un registre contenant une
description des objets acquis ou détenus en vue de la vente ou de l’échange en permettant l’identification de ces objets ainsi
que les personnes qui les ont vendus ou apportés à l’échange. »
589
Il suffit de considérer les ventes en lignes (acte de commerce et acte juridique), la publicité en ligne (fait juridique pour
son destinataire et receveur sans son accord) ou encore les moteurs de recherche (fait économique ou technique pour faciliter
l’utilisation ou le visionnage d’un contenu en ligne).
590
Ibidem., p. 30.
105

électronique sont de la nature des contrats commerciaux, c’est leur particularisme


technologique de conclusion qui fait d’eux des contrats électroniques, en tant qu’institution
juridique spécifique.591
2. La typologie contractuelle et non-contractuelle du commerce électronique
211. Au sens de l’acquis européen, « [l]es services de la société de l’information ne se
limitent pas exclusivement aux services donnant lieu à la conclusion des contrats en
ligne ».592 Un genre particulier des SSI est celui consistant à proposer des conclusions de
contrats en ligne. Les contrats électroniques sont un type de contrats perçus au regard de la
spécificité de leur mode de conclusion par la voie du réseau.
212. Les typologies contractuelles et non-contractuelles ressortent de la définition du
commerce électronique, à l’article 14 de la LCEN évoquant la personne qui « propose » et
« assure » à distance par la voie électronique, la fourniture des biens et des services.
« Proposer » comporte le sens premier d’une offre (contractuelle), tandis qu’« assurer la
fourniture des biens » découle naturellement d’un contrat de vente (en ligne). Il en est ainsi
également quant à « proposer », qui n’est pas un acte bilatéral car, les acteurs restent à ce
stade en dehors de la sphère contractuelle. Et, il a déjà été conclu que la simple proposition de
contrat dans le commerce électronique est un service de la société de l’information à part
entière, à valeur non-contractuelle. Par ailleurs, l’article 14, alinéa 2 de la LCEN cite des
services comme « fournir des informations en ligne [...] et des outils de recherche » qui sont
des faits juridiques, donc non-contractuels, entre le prestataire et le destinataire du service. De
manière pertinente, la LCEN démontre une séparation a rubrica entre ces deux typologies.
213. Ainsi, la « publicité par voie électronique » est l’emblématique paradigme
d’activités non-contractuelles en ligne, faisant l’objet du chapitre II de la LCEN. En revanche,
les « contrats sous forme électronique » ont été insérés par le « Chapitre III : les obligations
souscrites sous forme électronique » de la LCEN, désormais inséré au titre du chapitre VII du
titre III du livre III du code civil français.
214. Premièrement, la typologie contractuelle des activités du commerce électronique est
illustrée par l’article 1369 du code civil français. Inséré par la LCEN, cet article consacre un
nouveau « formalisme propre qui atteint tous les contrats conclus dans l’orbite du commerce
électronique ».593 Des règles de fond et de forme particularisent le contrat passé par voie
électronique.594 En substance le formalisme électronique est manifesté par les éléments
suivants :
 une phase précontractuelle préalable : obligation d’information consécutive à une offre de
contracter en ligne595 ;
591
Dans certains cas de figure, il est vrai, ces activités peuvent être la conséquence d’un contrat conclu hors ligne, mais
exécutées sur le réseau ou à travers la voie électronique. Il peut ainsi s’agir d’un contrat d’abonnement ou d’achat de
journaux en ligne conclus sur papier, dans les installations d’une agence de presse, mais dont la fourniture consiste en l’accès
en ligne des livraisons ou des éditions publiées par voie électronique. Même si le service d’édition de journaux en ligne est un
service de la société de l’information et relève en soi du ressort du commerce électronique, le contrat à sa base, lui, n’est pas
électronique au sens de la directive 2000/31/CE.
592
Considérant n°18, Directive 2000/31/CE, préc.
593
C. CASTETS-RENARD, « Le formalisme du contrat électronique ou la confiance décrétée », Defrenois, octobre 2006,
n°20/06, p. 1529.
594
Article 1127-1, C.civ., préc. Cet article réforme le droit des contrats à l’ère numérique. Il exige le « double clic » pour la
vérification des éléments essentiels de l’offre (1er clic) et pour leur validation contre accusé-réception sur la même plateforme
(2e clic).
595
Art. 1369-4, C.civ. Pour exception au principe : art. 1369-6, C.civ. : « il est fait exception aux obligations visées aux 1° et
5° de l’article 1369-4 et aux deux premiers alinéas de l’article 1369-5 pour les contrats de fourniture de biens ou de services
qui sont conclus exclusivement par échange de courriers électroniques ». Tout autant ; « il peut, en outre [y] être dérogé […]
dans les conventions conclues entre professionnels ».
106

 la formalité du double clic pour l’échange de consentement contre accusé-réception


automatique et « sans délai injustifié »596 ;
 l’obligation post-contractuelle d’archivage du contrat électronique.597
215. C’est ainsi qu’il peut aussi être lu à l’article 1369-1 du Code civil inséré par la
LCEN : « Quiconque propose, à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture de
biens et des services, met à la disposition les conditions contractuelles applicables d’une
manière qui permettent leur conservation et leur reproduction ». Cette obligation ne peut être
réalisée que par la mise à disposition d’une plateforme technologique.
216. Deuxièmement, la directive 2000/31/CE avait cité des activités du commerce
électronique n’aboutissant pas nécessairement598 en des contrats électroniques.599 L’article 14,
alinéa 2, de la LCEN paraphrase l’acquis européen en ajoutant, comme exemple de tels
services : « des outils [...] d’accès à un réseau d’information ou d’hébergement
d’informations, y compris lorsqu’ils ne sont pas rémunérés par ceux qui le reçoivent ». En
rallongeant ainsi l’acquis communautaire européen, ce supplément de la liste française
réinscrit les opérateurs des télécoms à la liste des prestataires techniques du commerce
électronique. « Nous vivons [en effet] dans une économie de l’accès qui valorise le
messager ».600 Les prestataires techniques assurent l’accès en gérant les maillons de
l’architecture du réseau, sans lequel les requêtes d’utilisateurs ne sauraient parvenir aux
extrémités de production et de consommation des biens et des services du commerce en ligne.
L’espace numérique est peuplé d’intermédiaires techniques, dits « infomédiaires »601 qui
« tous sont nécessaires au stockage et au transport de l’information. Si beaucoup de ces
acteurs ont été identifiés assez précocement par le système juridique, qui leur a d’ailleurs
conférés au passage un régime de responsabilité allégée propice à leur éclosion (au sein de
directive « commerce électronique » du 8 juin 2000 et de sa transposition française, la [...]
LCEN de 2004) d’autres opérateurs spécialisés [...] occupent désormais une place croissante
dans l’économie numérique ».602
3. Le contrat électronique dans les évolutions de la transposition française de l’acquis
européen
217. À l’ère numérique, la LCEN a amené en 2004 une transformation juridique en
instituant le contrat électronique, sans cependant le définir. À propos, les éléments génériques
596
Art. 1369-5, C.civ.
597
Art. 134-2, C. consom., créé par la LCEN et exécuté désormais par décret n° 2016-884 du 29 juin 2016 relatif à la partie
réglementaire du code de la consommation (JORF, n°0151, 30 juin 2016, texte n°62). Il abroge le décret n°2005-137 du 16
février 2005 pris en application de l’article L.134-2 du C. consom. Pour tout contrat d’une valeur de 120 euros, le contractant
professionnel par voie électronique doit conserver l’écrit (instrumentum) pendant un délai de 10 ans et en garantit l’accès à
tout moment à son cocontractant s’il en fait la demande. L’article 8 du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016 fait courir le délai
de conservation à compter du jour de la conclusion du contrat en cas de livraison ou d’exécution immédiate, sinon à dater de
la livraison du bien ou de l’exécution de la prestation.
598
À titre de rappel, il est possible que ces services, dans certains cas, donnent lieu à des contrats d’adhésion, avec des cases à
cocher pour marquer son acceptation aux conditions générales d’un site avant l’accès aux services d’accès aux données ou au
moteur de recherche. Il s’agit des contrats d’adhésion auxquels certains sites web d’abonnement gratuit ou de courrier
électronique soumettent leur usager, mais encore là cela ne constitue pas en réalité des contrats électroniques au sens complet
du terme.
599
Considérant n°18, directive 2000/31/CE, préc. À titre d’exemple, il en est ainsi des « services qui fournissent des
informations en ligne ou des communications commerciales, ou ceux qui fournissent des outils permettant la recherche,
l’accès et la récupération des données ».
600
A. STROWEL, « Introduction », Google et les nouveaux services en ligne. Impact sur l’économie du contenu et questions de
propriété intellectuelle, Larcier, 2008.
601
V.-L BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, pp. 39 et s.
602
Ibidem, pp. 39-40 et 42. Notamment : « Ces prestataires dont le statut demeure incertain [...] d’une part, agrègent les
contenus pour donner corps à la multitude dans un ensemble organisé, d’autre part, ils référencent et hiérarchisent
l’information de telle sorte qu’elle soit visible sur les réseaux. »
107

du « contrat par voie électronique » européen, restent les mêmes qu’en droit français pour le
« contrat électronique ».
218. La transposition française de l’acquis européen du contrat électronique est tributaire
des enjeux de transition du téléachat (1989), des contrats à distance (1997) jusqu’aux activités
numériques ayant influé sur le droit, y compris la commercialisation des services financiers à
distance (an 2002). À l’ère numérique, la « loi Hamon » de 2014 a enrichi l’acquis européen
du commerce électronique.603 Elle a innové avec le « contrat hors établissement » (2014). Elle
a aussi fusionné des régimes auparavant distincts entre le démarchage à domicile, donnant
lieu au « contrat hors établissement »,604 et la vente à distance donnant lieu au « contrat à
distance »605 auquel s’attache le « contrat électronique ». Sachant qu’ils ne sont pas
applicables aux contrats conclus avant le 13 juin 2014, leurs régimes spécifiques portent sur
les obligations d’informations précontractuelles et le droit de rétractation post-
contractuelle,606 en excluant les contrats notamment ceux portant sur les services financiers et
les jeux d’argent.607 L’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016608 ne donne pas de
définition du contrat électronique, si ce n’est que de façon « elliptique ».609 Ainsi, malgré les
évolutions du droit français, la définition textuelle du « contrat électronique » n’est pas
fournie et son sens précis reste laconique. Sur les traces de la doctrine, une définition de
synthèse doit être approchée.
219. Partant du droit européen, la « section 3 : contrat par voie électronique » de la
« directive sur le commerce électronique » du 8 juin 2000 constitue la rubrique centrale de la
matière. La directive retient une approche, orientée vers la source des obligations, à savoir :
le « contrat », en ajoutant la particularité du formalisme technologique de sa conclusion « par
la voie électronique ». En France, en revanche, le « Chapitre III: les obligations souscrites
sous la forme électronique » (articles 25 à 27 de la LCEN°) s’oriente vers la valeur de l’écrit
électronique et les effets obligatoires dont le contrat est la source en précisant la voie de
souscription à ces obligations, à savoir : la voie électronique. De plus, à l’article 25 de ce
même chapitre de la LCEN, « chapitre VII : Des contrats sous forme électronique » regroupe
les articles 1369-1-2 et -3 du code civil français. dans sa formule, l’intitulé législatif ne prend
pas seulement en compte la source contractuelle des obligations entre parties, mais aussi leur
source extracontractuelle ou légale. Cette compréhension rejoint finalement celle de la
directive 2000/31/CE sur le commerce électronique. Sous le titre des contrats par voie
603
Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (« loi Hamon »), JORF, n°0065 du 18 mars 2014, texte n°1,
p.5400.
604
Article L. 121-16-1, C. consom. Notamment (le contrat de vente) est conclu dans un lieu qui n’est pas l’établissement
commercial du professionnel ou conclu dans l’établissement après que le consommateur ait fait l’objet d’une offre dans un
lieu différent de celui où le professionnel exerce son activité habituellement, et en particulier lors d’une excursion organisée
par le professionnel. »
605
Article L. 121-16-1, C. consom. Le Contrat à distance « est un contrat entre un professionnel et un consommateur, dans le
cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du
professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance »
606
A. N’DOUBA, « Loi Hamon : le nouveau régime des contrats conclus à distance et hors établissements », in Village de la
justice, La communauté des métiers du Droit, étude d’avocat, 10 juin 2014 [http://www.village-justice.com/articles/loi-hamon-
nouveau-regime-des,17093.html] (consulté le 11 janvier 2017). J. CALAIS-AULOY, op.cit, pp. 555- « Titre 3 : Règlementation
particulière des contrats à distance à distance et hors établissement » ; « Chapitre 1 : Contrats à distance » ; « Chapitre 2 :
Contrats hors établissements ».
607
Article L. 121-16-1, 1° C. consom.
608
JORF, n°0064, 16 mars 2016, texte n°29.
609
Ordonnance, n°2016-131 du 19 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations, JORF, 11 février 2016. L’ordonnance est applicable dès le 1 er octobre 2016. Pour le qualificatif « définition
actuelle, elliptique » : J. ROCHFELD, « la définition du contrat électronique », op.cit, p.30. L’auteur envisageait l’article
1128 du projet de réforme du code civil : « Quiconque propose à titre professionnel, par voie électronique la fourniture des
biens ou la prestation de service me à disposition les conditions contractuelles applicables d’une manière qui permette leur
conservation et leur reproduction ».
108

électronique, elle aborde à la fois les obligations découlant du contrat et les obligations
découlant des sources extérieures au contrat, à savoir : régime légal pré- et post-contractuel en
ligne.
220. Il y a bien là une évidente mise en avant-plan de deux types de sources classiques
des obligations : celles découlant du contrat, loi des parties, et celles provenant de la loi,
œuvre du législateur institué. Contracter en ligne est donc une modalité particulière dans les
formes et étapes prescrites par la loi. Il fait naître des obligations légales particulières. Les
sources et les régimes du contrat électronique sont clairs, mais sa définition reste à déceler et à
clarifier. En effet, la définition de l’article 14, alinéa 1er de la LCEN parle d’« activité par
laquelle une personne propose ou assure à distance et par la voie électronique la fourniture des
biens ou de services ».610 L’article 1368-1 du Code civil français dispose : « quiconque
propose, à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture de biens ou la prestation de
services, met à disposition les conditions contractuelles applicables d’une manière qui
permette leur conservation et leur reproduction ».611
221. Si les deux dispositions ci-dessus n’avancent guère une véritable définition du
contrat électronique, elles démontrent néanmoins le particularisme unanime du contrat formé
par la voie électronique. Le contrat en ligne s’assimile bien au profil du contrat à distance,
sans jamais perdre leur fondement commun du code civil.612 Mais, sa marque spécifique
d’identification réside dans le mode technologique de sa conclusion (qui lui confère un régime
spécial). En effet, « la passation à distance des contrats par l’intermédiaire de systèmes
informatiques, donnée essentielle du commerce électronique, implique tout à la fois la
dépersonnalisation du processus et la dématérialisation du contrat, au sens instrumentaire du
terme ».613 La condition sine qua non du contrat en ligne (et d’application de son régime
spécial) s’attache au schéma technique de passation/acceptation des commandes en ligne,
c’est-à-dire par voie électronique grâce au « double clic ».
222. Aujourd’hui, les sources européennes et françaises des contrats à distance et des
contrats électroniques se recoupent totalement dans leurs définitions. L’article 121-16 a
réhabilité en France le sens de l’acquis européen « par le recours exclusif à une ou plusieurs
techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat ».614 Les contrats
« entre absents » comblent l’ancienne distorsion des « contrats entre non-présents » qui
différenciait l’acquis européen du droit français. L’éloignement des parties est exigé durant
tout le processus contractuel en ligne, y compris pour la phase précontractuelle. Auparavant,
la transposition de la directive 97/7/CE était faite par l’ancienne ordonnance n°2001-741 du
23 août 2001se rapportant aux contrats à distance.615 Sous l’ancien régime, il découlait deux
critères cumulatifs qui particularisaient la transposition française : l’utilisation de la technique

610
La teneur de l’article 14 de la LCE dépasse la spécialité de la définition du contrat électronique parce qu’elle recouvre
l’ensemble du commerce électronique. La LCEN fait juste comprendre l’objet possible du contrat qui est la « fourniture de
biens ou de services ».
611
Les codifications du code civil, on ne peut que saisir les obligations légales spécifiques qui s’attachent à de telles
conventions.
612
Cf. article 1101, C.civ. Cet article couvre le contrat électronique, en tant que tout contrat est une « convention par laquelle
une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ».
613
F. MAS, La conclusion des contrats du commerce électronique, LGDJ, bibliothèque de droit privé, t.437, Paris, 2005, p.
291.
614
Article 121-16, 1°, in fine, C. consom.
615
Ordonnance n°2001-741 du 23 août 2001 portant transposition de directives communautaires et adaptation au droit
communautaire en matière de droit de la consommation, JORF 25 août 2001, p. 13645. La loi n°2008-3 du 3 janvier 2008
pour le développement de concurrence au service des consommateurs modifie notamment cette Ordonnance en introduisant
des changements aux dispositions intéressant l’information précontractuelle, les délais de livraison et l’exercice du droit de
rétractation.
109

de communication n’était autrefois exigée qu’à la conclusion du contrat à distance. Par apport
à l’acquis européen, le revirement du législateur français efface sa divergence du « contrat
entre parties non présentes », en adoptant le sens de la directive 97/7/CE consacrant le
« contrat entre parties absentes ». Cette transition juridique est importante du moment qu’elle
prend en compte une distance plutôt technologique (liée au cyberespace) en relation avec une
distance géographique (liée à l’éloignement physique entre parties).
223. Ainsi, la doctrine doit être ajustée sur le contrat électronique qui reste un type
particulier de contrat à distance. Selon Florence Mas, « le contrat à distance se définit comme
le contrat conclu par l’utilisation d’une technique de communication à distance, impliquant le
défaut de présence physique simultanée des parties ».616 En 2005, Geoffray Brunaux avait
évoqué la grande différence entre « la conception communautaire du contrat à distance plus
théorique »617 en soutenant que « l’approche du législateur français est plus
pragmatique ».618 Le législateur français n’avait pas régi la « circonstance d’utilisation »619
précontractuelle des outils de communication « conçus essentiellement pour combler les
lacunes de l’éloignement géographique et surpasser les obstacles matériels se dressant »
entre elles. 620 Aujourd’hui encore l’utilisation d’une technique de communication à distance
est concevable malgré la présence physique des parties, mais ce qui importe est que
« l’articulation communautaire des éléments constitutifs du contrat à distance » est
réalisée.621 La doctrine proposait déjà une définition qui s’éloigne davantage des conditions
d’éloignement géographique du « contrat entre absents », pour ressortir en avant-plan la
condition d’utilisation d’une technique de communication à distance. Les communications
électroniques permettent de surmonter les obstacles géographiques, tout autant qu’elles
peuvent ignorer la présence simultanée. Le contrat à distance est finalement celui qui se
déroule entièrement depuis son offre, jusqu’à sa conclusion à l’aide des techniques de
communication à distance, y compris les moyens électroniques.
224. Toujours est-il qu’il subsiste la distorsion ratione personae entre contrat
électronique et contrat à distance. La définition française du « contrat à distance » distinguait
en 2001 entre « toute vente d’un bien ou toute fourniture d’une prestation »,622 mais l’article
34 de l’ordonnance n°2016 du 14 mars 2016 l’a redéfini comme « tout contrat conclu entre un
professionnel et un consommateur ».623 En intervenant comme type particulier de contrat à
distance, le contrat électronique reste néanmoins lié au commerce en ligne. Contrairement au
monisme des parties B2B du premier, ce dernier ne concerne pas uniquement les rapports
B2B, mais aussi B2C et C2C.624 Son régime s’apprécie au vu de son objet et des parties à sa
conclusion, comme en droit commercial des contrats. L’objet du contrat électronique peut
correspondre à un acte de commerce par nature, à un acte juridique ou encore plus
classiquement en obligation de donner, de faire, de ne pas faire, peu importe que les parties
soient commerçantes ou de simples particuliers. L’acception du contrat électronique déborde

616
F. MAS, op.cit, p. 149.
617
G. BRUNAUX, Le contrat à distance au XXIesièce, LGDJ, coll. thèses, Paris, 2010, pp. 148 et s
618
Ibidem, pp. 148-149.
619
Ibid.
620
Ibid.
621
Ibid.
622
L’ordonnance n°2001-741 (préc.), autrefois insérée à l’article L. 121-16, C. consom., avait défini le contrat à distance
comme « toute vente d’un bien ou toute fourniture d’une prestation de service conclue, sans la présence physique simultanée
des parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement une ou
plusieurs techniques de communications à distance ».
623
Article 121-16, 1°, C. consom.
624
Pour détails ratione personae des contrats électroniques : section 2, du présent chapitre de thèse.
110

encore quelque peu de celle des contrats à distance, tout autant que ces derniers peuvent ne
pas être électroniques s’ils sont conclus par la voie postale.
225. En toute hypothèse, la voie électronique reste de mise pour conclure le contrat en
ligne. Elle fonde également la singularité de certaines activités économiques, qui sont uniques
au commerce électronique. L’intermédiation technique et les communications commerciales
font partie des typologies spéciales des activités numériques. (B.)

B./ LES TYPOLOGIES SPÉCIALES DES ACTIVITÉS NUMÉRIQUES


D’« INTERMÉDIATION TECHNIQUE » ET DE « COMMUNICATIONS COMMERCIALES »
DANS LA TRANSPOSITION FRANÇAISE DE L’ACQUIS EUROPÉEN

226. Le commerce électronique est rapproché en droit européen des « services de la


société de l’information ». Il a l’information comme valeur centrale « pour dépendre de la
nature de l’objet envisagé : les informations, les données personnelles, les fichiers ».625
Comme l’avait déjà perçu le Professeur Pierre Catala,626 les techniques numériques opèrent la
mise en donnée des réalités et le commerce en ligne est inhérent à l’économie
informationnelle, dont le contenu est une combinaison binaire des 0 et 1, organisée dans une
logique cybernétique pour l’intelligence de la machine. L’information arrive aux organes
sensoriels de la personne humaine, via un média, en tant qu’« élément de connaissance
susceptible d’être conservé, traité ou communiqué ».627 Elle est « tout message communicable
à autrui par un moyen quelconque ».628 Elle est « indépendamment de son support matériel
[…], [...] un produit et possède, quand le commerce n’en est pas interdit, une valeur
marchande ».629 Ainsi, « la formulation est une condition nécessaire de sa réalité comme objet
de droit ».630
227. « [L]e développement des échanges électroniques [est] inévitablement couplé à
l’échange de données. […] Aujourd’hui, tous les traitements ont alors tendances à être
présentés comme nécessaires. »631 En tant que telle, l’information a besoin d’être traitée,
stockée, conservée et rendue disponible. Dans le réseau, elle peut avoir la forme d’un signal
électronique, transporté, accessible ou disponible d’un point à un autre sans en modifier le
contenu. À sa récupération, elle peut être de nature informative ou commerciale. « Dans ce
contexte, ce ne sont plus seulement les radiodiffuseurs classiques ou les éditeurs de presse qui
maîtrisent la diffusion de l’information, mais des géants économiques à la tête
d’incommensurables réseaux de données. »632
228. En Europe et en France, le cadre juridique du commerce électronique s’est construit
progressivement, en posant des fondements qui demeurent encore solides face aux évolutions
d’enjeux de l’économie numérique.633 En transposant la directive 2000/31/CE, la LCEN a
établi un statut et un régime spécifiques pour deux typologies juridiques d’activités, à savoir :

625
V.-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, pp. 41 et 52.
626
P. CATALA, op.cit, p. 264 et s. Selon le professeur Catala, « une information n’existe que si elle est exprimée dans une
forme qui la rende communicable ». (Cf. V.-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, pp. 41 et 52.)
627
Ibidem.
628
Ibid.
629
Ibid.
630
Ibid.
631
L. MARINO, « La protection des données personnelles et le contrat électronique », op.cit, pp. 410, 424
632
V.-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, pp. 41 et 52.
633
Sur ce point, l’aspect d’analyse est objectif, car il porte sur l’objet de l’activité informationnelle à l’intérieur des maillons
du réseau et à sa forme extérieure de récupération par les médias. D’autres aspects d’encadrement du marché électronique
portent sur les personnes en tant qu’acteurs. Ils sont abordés à la section 2 du présent chapitre.
111

l’intermédiation technique par opposition aux éditeurs (1) et les communications


commerciales par opposition aux messages informatifs. (2)
1. La typologie particulière des prestataires techniques du commerce électronique entre
fourniture de moyens techniques et fourniture de contenus dans ses enjeux, statuts et régimes
en droits européen et français
229. L’infrastructure des télécoms et le travail technique sont la base indispensable du
commerce électronique. Les « fournisseurs de moyens techniques »634 assurent une
intermédiation dans la circulation, l’accès et la disposition de l’information qui est le moyen,
l’objet ou la finalité des transactions économiques en ligne. Les prestataires techniques sont
en principe non-responsables du contenu numérique, puisqu’ils restent neutres et étrangers
aux tractations des parties dans le commerce juridique. Leur catégorie est constituée par
opposition aux « fournisseurs de contenus ».635
230. Cependant, dans les faits, les géants prestataires techniques, comme Google, avec
près de 90% des parts de marché des moteurs de recherche généraliste en France (contre 67%
aux États-Unis)636, commencent eux-mêmes à proposer des types de services offerts par ceux
pour qui ils sont censés opérer, en influençant voire en discriminant certains modes
d’intermédiation technique.637 Les services techniques qu’ils proposent à leurs utilisateurs sur
le versant « contenant » du commerce électronique, affectent le versant « contenu » dont ils ne
sont ni prestataires, ni créateurs, ni consommateurs. Leur puissance et leur emprise sur le
marché sont très significatives, suite à l’effectivité de leurs conditions d’offre contribuant à
renforcer leur position dominante ou leurs politiques de concentration.638 À l’analyse, leur
attitude d’omnipuissance intéresse le droit de la concurrence, mais, elle démontre que les
typologies juridiques peuvent être fusionnées dans la réalité du marché électronique. « Dans
une économie libérale, la production de la valeur passe certes par le marché, mais se nourrit
également d’instruments juridiques qui organisent [...] sa captation ».639
231. Aussi, les fondements juridiques de l’an 2000 doivent-ils faire face aux évolutions
du marché électronique. Avec la directive 2000/31/CE et la LCEN de 2004, les enjeux
primordiaux étaient la catégorisation des fournisseurs techniques et l’organisation juridique de
leurs rôles dans le commerce électronique. Au fil du temps, « la concentration de
l’information et le contrôle dans la main d’acteurs puissants constitue un danger démocratique
majeur, une menace pour le pluralisme et la liberté d’expression ».640 Aujourd’hui, « [l]a toute
puissance s’affiche là et pourtant, la réponse du droit tarde à venir pour réguler ces nouveaux
acteurs et leurs comportements ».641

634
V. FAUCHOUX, P. DEPEZ, J.-M. BRUGUIÈRE, Le droit de l’Internet, lois, contrats et usages, 2e éd. Lexis/Nexis, coll.
Communication et commerce électronique, Paris, 2013, pp. 377-396. Les fournisseurs de moyens techniques sont appelés :
« intermédiaires techniques », « prestataires intermédiaires », « prestataires techniques » ou encore « infomédiaires ». Ce
sont : les opérateurs télécoms, les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs.
635
Ibidem, pp. 396 et s. Parmi les « fournisseurs de contenus », l’article 6, III, LCEN distingue deux catégories d’éditeurs,
avec deux régimes différents : les éditeurs professionnels (dont l’activité est d’éditer un service de communication au public
en ligne) et les éditeurs amateurs (le faisait à titre non-professionnel)
636
J. ROCHFELD, « Les géants d’internet et l’exploitation des données personnelles : l’activation du droit « à l’oubli »
numérique à l’égard des moteurs de recherche », in M. BÉHAR-TOUCHAIS, L’effectivité du droit face à la puissance des géants
de l’Internet, Actes des journées du 14, 15 et 16 octobre 2014, vol.1, IRJS éd., Paris, 2015, p. 90. « Google, car ce moteur est
un acteur super-dominant du marché, intervenant dans près de 90% des recherches (contre 67% aux États-Unis).»
637
V.-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, pp. 43-44. « Il suffit d’un changement des paramètres de l’algorithme, décidé de
manière unilatérale par les concepteurs du moteur. »
638
O. ITEANU, op.cit, p. 27-28. M. BÉHAR-TOUCHAIS, op.cit, p. 90.
639
Ibidem, p. 45.
640
V.-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, p. 57.
641
Ibidem, p. 44.
112

232. Pour les intermédiaires techniques, la politique législative en Europe et en France


visait principalement à ne pas freiner l’élan de l’offre des moyens techniques d’accès aux
valeurs marchandes du commerce électronique, tout en suscitant la croissance des
investissements, dans l’économie numérique. « Le législateur européen a rapidement compris
la nécessité de mettre hors de cause ces acteurs essentiels dans la société de l’information. Il
est évident que si un hébergeur engage sa responsabilité en raison de l’illicéité du contenu
qu’il héberge, il abandonnera rapidement cette activité à risque, au détriment du
développement de l’Internet et de l’économie. »642 L’objectif primordial du législateur
européen était d’affirmer un principe de responsabilité allégée, allant dans le sens de la
construction du marché intérieur et de la confiance.
233. Le droit français, conformément à l’acquis européen, distingue aux articles 6 et 9 de
la LCEN, les « intermédiaires techniques »643 : fournisseurs de moyens techniques644 et les
« éditeurs professionnels et amateurs »645 : fournisseurs de contenus646. Dans le commerce en
ligne, la catégorie des prestataires techniques est donc opposée donc à celle des fournisseurs
de contenu, sur la base du principe de neutralité technologique. Les premiers font profession
d’activités structurant le commerce électronique, en opérant sous le régime du droit du
cyberespace.647 Les seconds produisent et éditent des informations, dont ils ont le contrôle de
la teneur, comme en droit de la presse. En d’autres termes, les premiers n’interviennent pas
sur le contenu qu’ils transportent ou hébergent, tandis que les autres sont justement les
éditeurs desdits contenus. Par conséquent, leurs sources de définition ainsi que leurs régimes
de responsabilité diffèrent. Si le chapitre 2, section 4 de la directive 2000/31/CE est consacrée
aux activités de « fourniture de moyens techniques d’accès au réseau ou de diffusion », cette
directive ne régit cependant pas les activités de « fournitures de contenus [en ligne] ».648
234. Les prestations techniques sont consubstantielles et indispensables au commerce
électronique, pour lui servir de contenant, de support et de véhicule. En droit, ce sont des
« services qui consistent à transmettre des informations par le biais d’un réseau de
communication, à fournir un accès à un réseau de communication ou à héberger des
informations fournies par un destinataire de services ».649 Dans l’acquis européen, les services
électroniques concernés sont : le transport dit « mere conduit »,650 le stockage dit
« caching »651 et l’hébergement652 de l’information en ligne. En France, ils sont définis et
insérés par la LCEN aux articles L32-3-3 et L32-3-4 du CPCE, en ajustant l’acquis européen

642
C. CASTET-RENARD, op.cit, p. 322 (Les idées fondamentales de protection des acteurs et du développement conséquent de
l’économie numérique demeure, même si l’exemple ici est celui des hébergeurs.)
643
Art. 6, I, LCEN.
644
A. HOLLANDE et X. LINANT DE BELLEFONDS, op.cit, pp. 336-348. L’auteur aborde la responsabilité des fournisseurs des
moyens, à la différence de celle des fournisseurs de contenus. En matière de responsabilité pénale, il distingue les
fournisseurs de moyens complices, les fournisseurs des moyens receleurs. Dans ses typologies générales, il parle de
fourniture de logiciels d’échanges « peer to peer », la fourniture d’outil de recherche en plus de la fourniture d’accès et
d’hébergement.
645
Art. 6, III, LCEN.
646
J. HUET et E. DREYER, Droit de la communication numérique, LGDJ, Paris 2011, pp. 74-75. A. HOLLANDE et AL., op.cit,
pp. 336. Cf. pour l’appellation : « responsabilité du détenteur des moyens informatiques de diffusion »
647
K. NDUKUMA ADJAYI, op.cit, p.53. Le Droit des télécommunications, le Droit de l’Internet et le Droit du multimédia font
partie du Droit du cyberespace qui les englobent tous, convergence oblige.
648
Le Chapitre 2, section 4 de la directive 2000/31/CE, réservé aux « prestataires intermédiaires » (sous leur aspect
organique), fournit plutôt des définitions de l’objet de leurs activités (sous leur aspect matériel). Dans tous les cas, seuls lés
prestataires intermédiaires bénéficient du régime favorable d’irresponsabilité sous condition, à condition que l’activité
demeure matériellement dans les domaines de définition respectifs.
649
Considérant n°18, directive 2000/31/CE, préc.
650
Article 12, directive 2000/31/CE, préc.
651
Article 13, directive 2000/31/CE, préc.
652
Article 14, directive 2000/31/CE, préc.
113

par le terme « transmission » pour « transport » et par l’ajout du régime des « fournisseurs
d’accès à Internet (F.A.I) » non-explicitement dénommés dans la directive 2000/31/CE.
235. En considération des trois types d’activités d’intermédiaires techniques qu’elle
définit, le droit leur applique ce régime de responsabilité conditionnelle.653 Le principe est
celui d’exonération de leur responsabilité, sauf dans deux cas. Ils sont responsables en cas de
contribution active ou passive aux faits litigieux ou à défaut de promptitude d’action à mettre
fin à une violation ou à un fait illicite lorsqu’ils en sont requis.654 De même, la transposition
française a adopté le régime d’irresponsabilité de principe des intermédiaires techniques,
quant aux contenus qu’ils hébergent, transportent ou stockent. La LCEN a donc eu pour
fonction d’instituer un régime de responsabilité autonome, avec des dispositions communes
pour les fournisseurs d’accès, les hébergeurs, les opérateurs de transport et de caching
(articles 6 et 9 de la LCEN, codifiés et insérés à l’article L.32-3-4 du CPCE) et des
dispositions plus spécifiques pour les opérateurs de transmission et des fournisseurs
d’accès (article L.32-3-3, CPCE).655
236. En restant silencieux quant aux fournisseurs de contenus, la ratio legis de la
directive 2000/31/CE et la LCEN a été la même en remplacement du Chapitre VI de la loi du
30 septembre 1986 sur la liberté de communication qui encadrait la responsabilité des
prestataires des services de l’internet. Le nouvel objectif législatif était d’aménager un régime
favorable aux « prestataires intermédiaires »656, en vue d’encourager le développement de
leurs activités sans leur faire craindre des responsabilités trop lourdes. Cette politique
entendait stimuler l’innovation et les investissements dans le réseau sans lequel le commerce
en ligne n’est pas possible, tout en protégeant les consommateurs. 657
237. Ainsi, la responsabilité des fournisseurs de contenus est moins allégée que celle des
fournisseurs de moyens techniques dans le commerce électronique. Ce régime (moins allégé)
consiste en une obligation générale de surveillance sur le contenu publié ou édité, sous peine
de sanctions civiles et pénales du droit commun.658 C’est le droit de la presse659 qui reste

653
C. FÉRAL-SCHUHL, op.cit, p. 754. Cette solution et cette méthodologie de la directive 2000/31/CE sur le commerce
électronique est « à l’exemple de la loi allemande du 1er août 1997 relatives aux « téléservices » et de la loi américaine
(Digital Millenium Copyright Act du 28 oct. 1998) »
654
Considérant n°46, directive 2000/31/CE, préc. La solution posée est la suivante : « afin de bénéficier d’une limitation de
responsabilité, le prestataire d’un service de la société de l’information doit, dès qu’il prend effectivement connaissance ou
conscience du caractère illicite des activités, agir promptement pour retirer les informations concernées ou rendre l’accès à
celles-ci impossible ».
655
Dans le CPCE, le terme « télécommunication(s) » a été remplacé par le terme « communications électroniques », tel que
modifié par l’article 1, de la Loi n°2004-669 du 9 juillet 2004, relative aux communications électroniques et aux services de
communication audiovisuelle, JORF, 10 juillet 2004,
656
Cf. intitulé de la section 4 : Responsabilité des prestataires techniques, Directive 2001/31/CE, précitée.
657
C. CASTET-RENARD, op.cit, pp. 331-332.
658
Exemples : usurpation d’identité en prenant le nom d’un tiers dans des circonstances entrainant pour lui des poursuites
pénales (art. 434-23, Code pénal français) ; droit au respect de la vie privée avec possibilité de réparation civile et de mise
sous séquestre, d’empêchement ou de cessation d’atteinte liée à la publication sans le consentement d’une personne de sa
photo dans un lieu privé (art.9 C.civ. français), sans préjudice des poursuites pénales.
659
Exemples : 1) obligation de tenir à disposition du public le non du directeur ou du co-directeur de la publication. 2) Droit
de réponse dans la presse écrite avec le seul fait générateur d’avoir été « nommé ou désigné » dans une périodique avec
faculté de demande des corrections ou des suppressions (art. 13 de la loi de 1881) et dans la communication audiovisuelle
avec la condition de subir une « atteinte à son honneur ou à sa réputation » (art.6 de la loi de 1982 sur l’audiovisuel et décret
du 6 avril 1987). Le régime du droit de réponse de l’audiovisuel est celui applicable aux communications informationnelles
en ligne (communication numérique) depuis que la Cour de cassation française en a jugé ainsi (Crim. 6 mai 2003, D. 2003,
p. 2192, note E. DREYER, CCE 2003, comm. n°89, obs., cité par J. HUET et al., op.cit, p. 76 et 100). 3) Faculté de garder
l’anonymat en ne s’identifiant pas sur le service proposé ou, plus précisément, pour les non-professionnels, sur le site de
publication, sous réserve d’avoir donné connaissance de votre identité à l’hébergeur pour conservation (loi du 1er août 2000 et
LCEN, art. 6 §III, 2°). 4) Délits de presse : images ou propos dont la publication est de nature à troubler l’ordre public ;
diffamations ; injures publiques ; offense au Chef de l’État ; provocation ou apologie de certains délits et crimes (au mobiles
de haine et ségrégationnistes), des crimes de guerre, de négations des crimes contre l’humanité ; diffusion de fausses
nouvelles susceptibles de troubler la paix publique ; diffusion de photographies montrant une personne menottée ou
114

applicable pour les éditeurs en ligne. En effet, la LCEN ne consacre pas non plus, pour les
fournisseurs de contenus en ligne, un régime spécial, hormis certaines obligations et
sanctions. Il s’agit d’une obligation d’identification stricte dans un standard ouvert.660 Et, les
sanctions pénales sont relatives, notamment à l’apologie des crimes contre l’humanité et à la
fausse dénonciation de contenus prétendument illicites.661
238. Comme enjeu, il est nécessaire de fixer les statuts des intermédiaires techniques du
commerce électronique européen et français. Il en découle l’attribution des régimes distincts :
une « responsabilité allégée »662 pour les prestataires techniques et une « responsabilité plus
lourde »663 de droit commun ou du droit de la presse pour les éditeurs. Dans la pratique
économique, le cumul d’activités est source de difficulté, car elle crée de possibles confusions
quant aux statuts d’acteurs prédéfinis par la loi.
239. Au sens de la loi, si l’opérateur de télécoms ne peut être qu’un professionnel d’offre
et fourniture de moyens d’accéder à Internet, un arrêt assez isolé de la Cour d’appel de Paris
en avait attribué la qualité à une société autre que celle des télécoms, en l’occurrence BNP
Paribas. Le juge l’avait soumise aux obligations subséquentes comme FAI, compte tenu du
fait qu’elle offrait à ses employés des adresses de courriers électroniques. Le pragmatisme de
la décision visait d’obtenir l’identification des auteurs de contenus, sans davantage apporter
une extrapolation générale et constante à la catégorie légale d’opérateur technique. 664
240. Sur le plan technique, l’activité de caching s’associe à celle de transport, de
fournisseurs d’accès et d’hébergement.665 En effet, le « simple transport » correspond aux
activités de transmission et de fourniture d’accès, qui peuvent englober le stockage
automatique, intermédiaire et transitoire des informations transmises.666 Dans le transport, le

accidentée au risque de porter atteinte à sa dignité, etc. avec mise en œuvre de responsabilité en cascade (art. 23 à 29, loi du
29 juillet 1881).
660
Article 6, III, 1°, LCEN : « Les personnes dont l’activité est d’éditer un service de la société de communication au public
en ligne mettent à disposition du public, dans un standard ouvert : a) s’il s’agit de personnes physiques, leur nom, prénoms,
domicile et numéro de téléphone et , si elles sont assujetties aux formalités d’inscription au registre du commerce et des
sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de leur inscription ; b) s’il s’agit de personnes morales, leur dénomination ou
leur raison sociale et leur siège social, leur numéro de téléphone et, s’il s’agit d’entreprises assujetties aux
formalités d’inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de leur inscription,
leur capital social, l’adresse de leur siège social ; c) le nom du directeur de publication et, le cas échéant, celui du responsable
de la rédaction au sens de l’article 93-2 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 précitée ; d) le nom, la dénomination ou la raison
sociale et l’adresse et le numéro de téléphone du prestataire mentionné au 2° du I ».
661
Article 6, I, 4, -7 et VI, -1, -2, LCEN, préc.
662
J. HUET et E. DREYER, op.cit, p. 120. Selon les auteurs, la « Directive [du 8 juin 2000 sur le commerce électronique]
précise que la responsabilité dérogatoire dont bénéficient ces prestataires constitue une responsabilité allégée, c’est-à-dire une
responsabilité ne pouvant être déclenchée que s’ils ont été préalablement avertis du contenu illicite de ce qu’ils transportent
ou stockent : ils n’ont pas l’obligation de vérifier a priori la rectitude, mais seulement de régir (sic) a posteriori. Ils peuvent
donc attendre qu’on leur signale le caractère illicite des informations en cause (diffamation, contrefaçon, contrariété à l’ordre
public) »
663
Ibidem, p.32. Etant soumis au Droit de la presse, les éditeurs en tant que fournisseur de contenu doivent veiller a priori au
respect de l’ordre public, à la défense de la dignité des personnes et des institutions, à lutter contre les discriminations, à
l’honnêteté de l’information (etc.) sous peine d’encourir les incriminations et les sanctions du droit pénal de la presse, comme
détaillé par la loi française du 29 juillet 1881 dans ses articles 23 et s.
664
V. FAUCHOUX et P. DEPREZ, op.cit, p. 230. Cour d’appel de Paris, 4 février 2005, inédit. En cause, la société World Press
Online requerrait à BNP Paribas « de communiquer l’identité et plus généralement toute information de nature à permettre
l’identification de l’expéditeur du message litigieux », suite aux courriels préjudiciables des employés BNP aux siens. Il a été
jugé en date du 4 février 2005 par la Cour d’appel de Paris, face au refus de la société de s’exécuter à l’amiable, que ladite
société était un prestataire technique, fournisseur d’accès, au sens de l’article 43-7 de la loi (ancienne) du 1er août 2000 et
était tenue des obligations légales afférentes à ce statut « de détenir et de conserver les données de nature à permettre
l’identification de la personne ayant contribué à la création d’un contenu des services dont elle est prestataire ».
665
Ibidem., p. 332. Au sens de l’article 9, alinéa 1 de la LCEN, codifié à l’article L.32-3-4 du CPCE, le prestataire de
« cache » est : « Toute personne assurant dans le seul but de rendre plus efficace leur transmission ultérieure, une activité de
stockage automatique, intermédiaire et temporaire des contenus qu’un prestataire transmet ».
666
Inséré par l’article 9 de la LCEN et l’article 1er de la loi 2004-669 du 9 juillet 2004, l’article L. 32-3-3 du CPCE fixe
d’abord le statut de l’opérateur de réseau comme des « personnes assurant une activité de transmission de contenu sur un
115

caching sert de stockage exclusivement pour l’exécution de la transmission sur le réseau de


communications, sans que sa durée n’excède le temps raisonnablement nécessaire à celle-
ci.667 Selon Luc Grynbaum, l’explication tient du fait que « l’activité de simple stockage
intermédiaire est soit d’un fournisseur d’accès qui pour les besoins de son activité utilise la
technique de stockage temporaire, soit d’un fournisseur d’hébergement ou hébergeur qui
stocke les données pendant la durée souhaitée pour son client ».668
241. Dans le réseau, la fonctionnalité de « caching » permet un temps très court de
traitement de requête, grâce à l’enregistrement, dans une mémoire accessible par l’unité de
traitement, des données et des instructions les plus fréquemment utilisées dans le programme
en cours, selon les estimations du système d’exploitation.669À la différence, l’hébergeur
accueille les données des auteurs et n’a aucune maîtrise sur ce contenu.670 Il peut, le cas
échéant, en rendre l’accès impossible ou les supprimer de sa plateforme, en vue de faire cesser
une violation dûment signalée et/ou sur réquisition administrative ou judiciaire.671
242. Par ailleurs, un fournisseur de contenu reste un éditeur responsable des images,
sons et textes qu’il produit sur le réseau ou qu’il fait héberger à destination d’un public : à
défaut pour ce dernier de supprimer un contenu illicite, une responsabilité en cascade peut
permettre de remonter la requête en cessation ou en suppression de telle violation à l’échelon
de l’hébergeur. En fait, « [s]i les éditeurs de site sont soumis à un régime de responsabilité
analogue à celle des éditeurs de presse, les hébergeurs voient, quant à eux, leur responsabilité
civile et pénale limitée, dès lors qu’ils ne jouent qu’un rôle passif d’intermédiaire et qu’ils
n’ont aucune connaissance des données qu’ils stockent ».672
243. Toutefois, le Web 2.0. a popularisé les outils d’édition en faveur des particuliers et
a aussi permis l’expansion de nouveaux métiers de l’Internet. 673 Ces phénomènes mettent à
l’épreuve les bases initiales de distinction entre prestataires techniques et éditeurs en ligne,
sachant que l’hébergement est l’activité la plus glissante entre les deux lignes de démarcation.
Les nouveautés de l’économie du Net qui brouillent les frontières d’activités forment une
longue liste : fournisseurs de liens hypertextes, moteurs de recherche, forums de discussion,
blogs (hébergeurs de blogs et blogueurs), sites de partage, plateformes de commerce en ligne
("e-market place").674 Plusieurs agrégats électroniques de contenus sont aussi apparus dans le
commerce en ligne, notamment : les "wikis", encyclopédie des connaissances mutualisées
évolutives en ligne, les flux RSS675, les liens Internet des articles accessibles à souhait avec un

réseau de communication électronique », sans être, en principe, à l’origine des contenus, ni de la sélection du destinataire, ni
de la sélection ou de la modification du contenu.
667
Article 12 paragraphe 2, Directive 2000/31/CE, préc.
668
L. GRYNBAUM, « LCEN : Une immunité relative des prestataires de services Internet », CCE, septembre 2004, p.36.
669
J. GUALINO, op.cit, p.73. Verbo « Cache ».
670
C. CASTETS-RENARD, op.cit, p. 345.
671
Au sens de l’article 6, I, 2 de la LCEN, il s’agit de l’activité des « personnes physiques ou morales qui assurent, même à
titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communications au public en ligne, le stockage des
signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires des services ». Il n’apparait
pas, dans cette définition, l’aspect spécial de mise à disposition du public, ni des précisions sur le type d’informations (sons,
images, écrits). Le fournisseur d’hébergement met à disposition d’un utilisateur des capacités de stockage, moyennant un
contrat.
672
CONSEIL D’ÉTAT, La France dans la transformation numérique : quelle protection des droits fondamentaux ?, Un
colloque organisé par le Conseil d’État le 6 février 2015, La Documentation française, Paris, 2016, p. 12.
673
V. FAUCHOUX et P. DEPREZ, op.cit, p. 241. Dans les faits, « le Web 2.0. se caractérise essentiellement par la participation
croissante de l’internaute dans la création des contenus mis à sa disposition sur Internet, que l’on définit en anglais par "User
Generated Content" (UGC) également appelé "Consumer Generated Media" (CGM) ou "User Created Content" (UCC) ».
674
V. FAUCHOUX et P. DEPREZ, op.cit. pp. 222-257. J. HUET et E. DREYER, op.cit, pp. 92-136. C. FÉRAL-SCHUHL, op.cit, pp.
827-899.
675
RSS : Really simple Syndication (« souscription vraiment simple ») ou Rich Site Summary (« résumé d’un site enrichi ». Il
permet de connaître le contenu sommaire d’un site avec possibilité de s’y rendre.
116

court "chapo", etc. Vu la complexité, plusieurs jurisprudences retiennent des qualifications


différentes des nouveaux métiers du Web au regard des faits débordant du droit. La
fluctuation des décisions de justice entraine de lourdes conséquences sur la responsabilité des
acteurs.
244. À ce propos, le Conseil d’État a estimé en 2015 que « cette summa divisio entre
hébergeur et éditeurs apparaît désormais en partie obsolète ».676 Les sites de partage ou des
moteurs de recherche, disposant du statut d’hébergeurs, « opèrent en réalité un traitement actif
et profond sur des données personnelles, du fait qu’elles les indexent, les référencent ou les
classent ».677 En tenant compte des effets de référencement et de leurs effets sur la vie privée
des personnes, tel qu’effectué par l’hébergeur, celui-ci doit être en mesure d’assumer les
obligations incombant à un « responsable de traitement », au sens de la directive 95/46678 du
24 octobre 1995, tel qu’abrogé au 25 mai 2018 par le règlement (UE) 2016/679 sur la
protection des données du 27 avril 2016.679
245. Dans son arrêt de 2014 « Google Spain », la CJUE a décidé en 2014 qu’« en
explorant de manière automatisée, constante et systématique Internet à la recherche des
informations qui y sont publiées, l’exploitant du moteur de recherche procède à un traitement
dont il définit les finalités et les moyens. Or, « dans la mesure où l’activité d’un moteur de
recherche est susceptible d’affecter significativement et de manière additionnelle par rapport à
celle des éditeurs de sites web les droits fondamentaux de la vie privée […], l’exploitant de ce
moteur de recherche […] doit assurer, dans le cadre de ses responsabilités, de ses
compétences et de ses possibilités, que [son activité] satisfait aux exigences […] d’une
protection efficace et complète des personnes concernées ».680
246. Ainsi, ces règles prétoriennes renforcent les précisions législatives permettant
d’écarter le régime de responsabilité, mis en place pour les éditeurs de presse par la loi du 29
juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, en cas de litiges mettant en cause les
hébergeurs.681 En droit, par ailleurs, l’activité d’hébergeur de l’article 6, I, 6° de la LCEN est
toujours différente de la notion de « producteur » au sens de la loi de 1982, même si dans
l’économie numérique les activités peuvent être associées.
247. En outre, pour les activités de production et d’édition de contenus en ligne, le
commerce électronique distingue les activités publicitaires avec celles qui sont simplement
informatives. L’acquis européen régit la typologie particulière des « communications
commerciales », que le droit français fait correspondre à la « publicité ». Celle-ci se déroule
en ligne dans des formes variées, mais produisent des enjeux que le droit a su encadrer.
2. La typologie européenne de « communication commerciale » dans les enjeux français de la
« publicité par voie électronique » ou « e-publicité »
248. Sans aucun doute, la publicité sur Internet va de pair avec l’émergence du
commerce électronique et en fait partie intégrante.682 La transition du droit en Europe

676
CONSEIL D’ÉTAT, op.cit, p. 12.
677
Ibidem.
678
Directive 95/46 du 24 octobre 1995 sur la protection par rapport aux personnes physiques à l’égard du traitement des
données à caractère personnel et à leur libre circulation, JO, L 281 du 23 novembre 1995, p. 31-50.
679
Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du conseil du 27 avril 2016, « règlement général sur la protection
des données », préc.
680
CJUE, Aff. Google Spain SL, Google Inc. c Agencia Espanola de proteccion de Datos (AEDP), Mario Costeja Gonzalez,
13 mai 2014, C-131/12, Gde Chambre, paragr. 38.
681
V. FAUCHOUX et P. DEPREZ, op.cit, p. 236.
682
L. BOCHURBERG, Internet et commerce électronique, site web. Contrats. Responsabilité. Contentieux, 2e éd., Delmas,
Paris, 2001, p. 163.
117

s’illustre par la consécration d’une typologie particulière dite des « communications


commerciales » en droit européen et de « publicité par voie électronique » en droit français.
Ces nouvelles institutions juridiques répondent aux enjeux de prospection et d’offres
commerciales en ligne, pouvant tendre à « travestir » les aspects informatifs de l’Internet.
249. Près d’une trentaine de dispositions réparties dans onze directives européennes,
recensées à l’annexe 2 de la directive 2009/25/CE sur les pratiques commerciales
déloyales,683 traitent de la publicité et des communications commerciales. L’enjeu juridique
est réel de distinguer le rôle neutre des communications en ligne, avec la portée publicitaire de
certaines pratiques, messages ou informations.
250. Dans ce contexte, la publicité électronique mérite d’être définie en tant que telle, en
vue d’appréhender les régimes spécifiques qui en Europe et en France la distingue de la presse
ou de la simple information. Ce triple exercice illustre les transformations juridiques de la
publicité à l’« e-publicité » dans le cadre juridique français, en partant de l’acquis européen
des services de la société de l’information.
251. Premièrement, compte tenu de leur importance dans le commerce électronique, les
communications commerciales ont fait l’objet de la section 2 de la directive européenne
2000/31/CE.684 En somme, L’acquis européen du commerce électronique est clair dans ses
définitions des vocables « communication commerciale et publicité » indifféremment
employés par la directive 97/55/CE modifiant celle 84/450/CEE du 10 septembre 1984 685,
relative à la publicité trompeuse et comparative.686 Celle-ci leur donne le sens de « toute
forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle,
artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services, y
compris les biens immeubles, les droits et les obligations ».687 Sans allusion limitée à un type
de support utilisé, cette définition demeure applicable aux activités du commerce
électronique.688
252. D’ailleurs, « l’existence d’une telle définition n’a pas pour effet de créer deux
catégories autonomes de publicités, celles se faisant sur Internet et réglementées comme
telles, et les autres. Toute communication commerciale au sens de la directive [2000/31/CE
sur le commerce électronique] relève plus largement de la catégorie de publicité dans sa
définition classique ».689 Le Livre vert de 1996 de la Commission européenne sur les
communications commerciales dans le marché intérieur recouvrait la même notion de
communication commerciale comme « toutes les formes de publicité, de marketing direct, de
parrainage, de promotion des ventes et de relations publiques destinées à promouvoir des
produits et des services ».»690 Néanmoins, la définition précitée de la directive 2000/31/CE a
une portée plus large. Cette dernière ainsi que la directive 97/55/CE coïncident quant à la
publicité sur les biens et les services, mais la directive 2000/31/CE est celle qui étend son

683
« Annexe II : dispositions communautaires établissant des règles en matière de publicité et de communication
commerciale », directive 2010/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales, JOUE, n° L 149, 11 juin.2010, p. 38-39.
684
Articles 6 et 7, directives, préc.
685
Considérant n°18, Directive 2000/31/CE qui dispose englober entre autres la directive 84/450/CEE du Conseil du 10
septembre 1984 relative à la publicité trompeuse et comparative, JO L 250 du 19 septembre 1984, p. 17.
686
Directive 97/55/CE du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil, JO L 290 du 23
octobre1997, p.18.
687
Article 2, §1, directive n°97/55/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 octobre 1997, modifiant la directive
n°84/450/CE sur la publicité trompeuse afin d’y inclure la publicité trompeuse, JOCE L 290, 23 octobre 1997, p.18.
688
M. BLANCHARD, « La phase précontractuelle, la communication commerciale », in J. ROCHFELD (sous la dir.), op.cit, p. 40.
689
C. MANARA, Droit du commerce électronique, LGDJ, Lextenso éditions, coll. systèmes Droit, Paris, 2013, pp. 109-110.
690
COMMISSION EUROPÉENNE, Livre vert sur les communications commerciales dans le marché intérieur, 8 mai 1996, COM
(1996)192 final.
118

champ à la promotion « de l’image d’une entreprise, d’une organisation ou d’un


professionnel ».691
253. En droit européen, l’article 6 de la directive 2000/31/CE sur le commerce
électronique précise que « la communication commerciale doit être clairement identifiée
comme telle ». Cette obligation n’était imposée, ni par la directive n°84/450/CEE692 sur la
publicité trompeuse du 10 septembre 1984, ni par la directive n°97/7/CE relative aux contrats
à distance du 20 mai 1997, commentée ci-dessus.693 Un principe "nouveau" de transparence et
de loyauté par obligation d’identification est donc posé en matière de publicité en ligne, en
droit européen. D’une manière particulière concernant spécialement la publicité par courrier
électronique, la directive 2000/31/CE rappelle le principe de la claire identification de la
publicité par courriel et consacre, par défaut, le système dit d’« opt-out » comme une mesure
rétractive de protection des internautes, face aux courriels publicitaires non sollicités.694
254. Du point de vue des sources françaises, la même importance est accordée par la
LCEN à la « publicité par la voie électronique » à laquelle elle consacre longuement son
chapitre II, avec cinq articles qui ont été inséré dans le Code de la consommation et dans le
CPCE.695 En droit français, appréhender la notion de publicité sur internet est d’autant plus
difficile que la publicité ne fait pas l’objet de définition claire, de la part du législateur
français. Ce sont, pour l’essentiel des textes européens et la jurisprudence qui apportent des
éléments de réponse. Et ce, même si plusieurs textes nationaux français en font bien référence
pour sanctionner la publicité trompeuse,696 les sources législatives internes ne définissent pas
la communication commerciale, pour désigner la particularité de la publicité exécutée en
ligne, comme l’a fait le législateur européen.697
255. Cependant, en transposant l’acquis européen, la LCEN avait ajouté à la confusion,
suite à un mélange de genres en ses articles 1er et 20 entre la « communication au public en
ligne »698 et la « communication audiovisuelle ».699. Dans leurs terminologies littérales, ces
deux notions ne présentaient qu’une distinction quasi-nulle entre elles, sauf par l’emploi des
termes « demande individuelle du destinataire » et « échange réciproque d’information »
pour la première notion. Elles étaient censées transposer l’acquis européen des services de la
société de l’information. Un « débat houleux »700 avait été lancé au point de dire que la

691
Article 2, f) de la directive européenne 2000/31/CE, préc. : « communication commerciale : toute forme de
communication destinée à promouvoir, directement ou indirectement des biens, des services, ou l’image d’une entreprise,
d’une organisation ou d’une personne ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale ou de profession libérale ».
692
Directive 84/450/CEE, telle que modifiée par la directive 97/55/CE, préc.
693
Section 1 du présent chapitre de thèse, en rapport au crtière de la distance.
694
Article 7, paragraphes 1 et 2, directive 2000/31/CE, préc.
695
Ainsi, l’article 21 de la LCEN a inséré dans le Code de consommation les articles L121-15-1 et 2. L’article 22 de la
LCEN a rédigé l’article L33-4-1 du Code des postes et des télécoms. L’article 23 a complété l’article L121-20-4 du Code de
consommation par un alinéa rédigé qui remplace les anciennes références par celles insérées aux articles L 121-18, L 121-19,
L 121-20, L 121-20-, L 121-20-1 et L 121-20-3 du Code de consommation.
696
Exemple : art. 44-1, Loi dite Royer du 27 décembre 1973 ; art. L 121-1, Code français de consommation, ou encore
Décret n° 92-280 du 27 mars 1992).
697
C. FÉRAL-SCHUHL, op.cit, p. 295
698
Art. 1er, LCEN : « On entend par communication au public en ligne toute transmission, sur demande individuelle, de
données numériques n’ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique
permettant un échange réciproque d’informations entre l’émetteur et le récepteur ».
699
Art. 20, al.1, LCEN : « On entend par communication audiovisuelle toute communication au public de services de radio
ou de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public, ainsi que toute communication au
public par voie électronique de services autres que de radio et de télévision et ne relevant pas de la communication au public
en ligne telle que définie à l’article 1er de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ».
700
T. VERBIEST, op.cit, p. 29 : « Nul doute que ces définitions continueront à alimenter le débat houleux sur la convergence
des médias et la définition des régimes applicables. En effet, comment qualifier, par exemple, un service de télévision
interactive ou de « vidéo à la demande » ? S’agira-t-il d’un service de communication au public en ligne au motif qu’il serait
119

« France est le seul pays européen à connaître deux définitions des services de la société de
l’information, dont aucune n’est parfaitement conforme à l’original ».701
256. À ce sujet, Jérôme Huet et Emmanuel Dreyer ont apporté les explications
nécessaires : la désormais réglementation de la communication en ligne s’avère autonome. Le
législateur avait utilisé des termes inadaptés pour rassembler, sous le même chapeau de
« communication au public par voie électronique »702, deux institutions juridiques liées à
l’usage des réseaux. Les auteurs ont donc distingué : d’une part, la « communication
audiovisuelle », où le contenu est diffusé, c’est-à-dire la radiodiffusion et la télévision, et
d’autre part, la « communication en ligne », qui est interactive et dont l’utilisateur interroge un
service, pour recevoir en retour uniquement les éléments demandés.703 En droit des médias,704
la séparation est très fine entre l’audiovisuel et le Web 2.0., ce qui constitue un enjeu à l’ère
de l’émergence de la télévision en ligne.705 L’enjeu présent vise à fixer le sens nouveau de la
« publicité par voie électronique », sachant que la communication audiovisuelle linéaire ne
fait pas partie du commerce électronique.706
257. À cet effet, en France, l’article 2 du décret du 27 mars 1992 réfère la publicité à
« toute forme de service télévisé diffusé contre rémunération ou contrepartie », et n’entre
donc pas le champ du commerce électronique. Car, les services télévisuels de type linéaire de
l’ancienne directive 89/552/CEE (actuelle directive 2010/43/UE) ne font pas partie du
commerce électronique, en vertu du considérant n°18 de la directive 2000/31/CE sur le
commerce électronique. En plus, le commerce en ligne n’exige pas de contrepartie
(rémunérée), au vu du critère non-obligatoire de rémunération qui caractérise ce dernier. La
définition d’approche pour la publicité par la voie électronique ne peut donc pas être
clairement trouvée dans la communication au public en ligne qui renferme à la fois les deux
types de communications : audiovisuelle et en ligne.707
258. Avec plus de clarté, la Cour de cassation française a jugé que « constitue une
publicité, tout moyen d’information destinée à permettre à un client potentiel de se faire une
opinion sur les résultats qui peuvent être attendus du bien ou du service qui lui est proposé »
et « sur les caractéristiques des biens ou des services proposées ».708 De même, le Conseil
d’État français dans son rapport « Internet et les réseaux numériques » a dégagé deux critères
essentiels de qualification de la publicité, à savoir : la finalité promotionnelle et l’adresse au

fourni de point à point, à la demande individuelle de l’utilisateur ? Il appartiendra en premier lieu au CSA d’établir sa
jurisprudence à cet égard. ».
701
Ibidem, p. 29-30.
702
En droit français, on sait que jadis la communication en ligne était considérée comme un sous-ensemble de la
communication audiovisuelle. Certes, on lui reconnaissait quelques spécificités (régime de simple déclaration, plutôt que
d’autorisation du fait de la loi du 1er août 2000). Mais elle n’en demeurait pas moins intégrée dans le corpus de la loi du 29
juillet 1982 d’abord puis de celle du 30 septembre 1986 qui lui a succédé. Puis, la télématique eut son propre article 77 dans
la loi de 1982 et un article 43 dans la loi de 1986, avant que celle-ci et l’Internet furent soumis à des règles regroupées, depuis
la loi du 1er août 2000, dans un Chapitre VII de la loi du 30 septembre 1986 intitulé « Des services de communications en
ligne autres que de correspondance privée ».
703
J. HUET et E. DREYER, op.cit, p.92-93.
704
E. DERIEUX, Le droit des médias, op.cit, p. 3. Les médias sont en lien avec le commerce électronique, comme moyen
d’accès. Mais sur le plan du droit, il y a des aspects distincts. « Par le droit des médias, il s’agit, dans la société démocratique,
de permettre le libre exercice des ces activités et fonctions multiples (d’information, de culture, de distraction…), d’en
fournir et d’en déterminer les limites. […] Le droit régit l’usage qui peut être fait des médias. Il y apporte certaines
restrictions, dans le souci du respect de droits et de libertés, individuels ou collectifs, apparemment opposés ».
705
P. DOQUIR et M. HANOT, op.cit, p.1.
706
Cf. Section I, §2, B., point 4. du présent chapitre de thèse, traitant du « cas particulier de la VoD dans le commerce
électronique européen ».
707
Ibidem.
708
Cass. crim., 12 nov. 1986, Bull. crim., n°861. Ŕ Cass. Crim., 14 oct. 1998, D. 1999, inf. Rap., p.7, JCPE 1998, Panor, p.
1904. Voir aussi Section du Rapport et des études, étude générale adoptée par l’Assemblée générale du Conseil d’ État, 2
juillet 1998, Paris, La documentation française, 1998.
120

public.709 Ainsi sur la base de ces deux critères, il a été jugé, dans une ordonnance de référé
rendue par le TGI de Paris le 8 juillet 2005 : « L’utilisation des images de Messieurs Zinedine
Zidane et David Beckham consistant à l’évidence dans la reproduction d’une photographie
d’un match disputé par eux, n’est pas directement associée par les sociétés mises en cause à
promouvoir leur activité de paris, qu’elle sert de présentation du match sur lequel le pari est
organisé ».710 La Cour d’appel de Paris a confirmé le jugement en février 2008.711
259. Par ailleurs, la jurisprudence française rappelle les règles classiques, entre droit de
la presse (information) et droit commercial (publicité), applicables aux activités en ligne.
Ainsi, il a été jugé qu’« un journal exploite une activité commerciale si en dehors de quelques
articles rédigés par l’auteur, le nombre des annonces dépasse celui des articles
rédactionnels ».712 La Cour de cassation a également retenu la nature professionnelle dans le
cas de « l’insertion des publicités avec un caractère habituel et principal ou non, ou encore
constituant, pour le journal, le but de son exploitation d’annonces ou réclames ».713
260. Deuxièmement, l’évolution des techniques numériques est à la base de nouvelles
pratiques de publicité sur Internet et, par conséquent, de nouvelles représentations des formes
d’institutions juridiques pour le commerce en ligne. En effet, la « communication
commerciale semble pouvoir consister en n’importe laquelle des techniques publicitaires
utilisées par les technologies électroniques : sites web, bandeaux publicitaires, liens
hypertextes, messages interstitiels, e-mails, SMS (Short Message System), forums de
discussion, chats (dialogues écrits en direct sur le net), etc. ».714 Des catégories de publicités
en ligne sont possibles : d’une part, celles citées dans la législation française et européenne, et
d’autre part, les formes usuelles rencontrées sur le Net, entrant dans les critères généraux des
communications commerciales. Parmi ces dernières, l’article 21 de la LCEN vise, sans les
définir, les « jeux », « offres » ou « prospection directe » et « concours promotionnels », au
titre de « publicité par voie électronique ». Auparavant, la directive 2000/31/CE avait fait de
même en les considérant comme tels715 et en disposant, 716 sans toutefois les définir en ses

709
É. WÉRY, « Le Rapport du Conseil d’État français sur l’internet et les réseaux numériques : la bible ! », Actualité, 1er
octobre 1998 [www.droit-technologie.org] (consulté le 23 novembre 2014).
710
[http://www.berenboom.be/pdf/NoteReal.pdf] (consulté le 21 octobre 2014.) TGI Paris, 8 juillet 2005, Real de Madrid
Football club c/ Zinedine Zidane, David Beckham, Raul G. et al. c/ Hilton Group PLC, sporting Exchange TD, William H.,
sportingbet PLC et al. Cf. Note de synthèse « Sur la compétence ratione materiae en matière de droit à l’image et sur les
limites du droit à l’information face au droit à l’image », in Revue de Droit des Technologies de l’Information, n°27/2007.
711
[http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=2815] (consulté le 3 novembre 2014). En appel
de cette décision devant la Cour d’appel de paris en 2008, les parties défenderesses ont soulevé l’exception d’incompétence
territoriale du TGI de Paris au regard du lieu du fait dommageable et au regard de l’application de l’article 14 du Code de
procédure civile d’office sans la demande des parties. La Cour d’appel de Paris 11 e Chambre « Ŕ Dit que le tribunal de grande
instance de Paris n’est pas compétent pour statuer sur les demandes formées à l’encontre des sociétés Unibet Ltd, Ladbrokes
Betting and Gaming Ltd, Sporting Exchange Ltd, Sportingbet Plc, William Hill Credit Ltd, Internet Opportunity
Entertainement Ltd ; Ŕ Renvoie Zinedine Z., et al., à mieux se pourvoir ; Ŕ Déboute les parties de leurs demandes plus amples
ou contraires ; Ŕ Condamne in solidum Zinedine Z., et al., à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 2000 €
en application de l’article 700 du code de procédure civile ; Ŕ Condamne in solidum l’association Real Madrid Club de
Futbol, Zinedine Z., David B. Raul Gonzalès B. dit Raul, Ronaldo Luiz Nazario de L., dit Ronaldo, et Luis Filipe Madeira C.,
dit Luis Figo, aux dépens de première instance et d’appel. »
712
Cass. Com., 9 novembre 1970, Bull. IV, n° 298, in M.-J. CAMPANA, Code de commerce, 20e éd., Litec, Paris, 2008.
Colmar., 29 mai 1963 : RJAL, 1964, 126, in P. PÉTEL (sous dir.) et AL, Code de commerce annoté, préc., pp. 3-12.
713
Cass. Civ., 23 mai 1870 ; D.1870, 135 in Ibidem.
714
D. GOBERT, « La publicité sur Internet en pleine (r)évolution », Ubiquité, n°7, décembre 2000, p. 71, cité par M.
BLANCHARD, op.cit, p. 40.
715
Considérant n°16, directive 2000/31/CE,: « […] Elle ne couvre pas les concours ou jeux promotionnels qui ont pour but
d’encourager la vente de biens ou de services et pour lesquels les paiements, s’ils ont lieu, ne servent qu’à acquérir les biens
ou les services au promotion ». Considérant n°29, directive 2000/31/CE, préc. : « […] Dans l’intérêt de la protection des
consommateurs et de la loyauté des transactions, les communications commerciales, y compris les rabais, les offres,
concours et jeux promotionnels, doivent respecter un certain nombre d’obligations relatives à la transparence ».
121

« considérants » n°16, n°29 et en son article 6, d). Ces formes de publicités ne sont cependant
pas suivies de définitions législatives.
261. Dans la pratique, Internet donne lieu à des formes les plus usuelles de publicités,
grâce aux « outils numériques ou l’annonce-minute ».717 Parmi les plus fréquentes, les « pop-
ups » sont des messages interstitiels, sous forme de bannières, s’affichant à l’écran de manière
impromptue lors de la navigation sur Internet. Ce sont des fenêtres qui s’ouvrent
automatiquement lors de la consultation d’un site web et contiennent une information ou, plus
souvent, une publicité. Le « marketing viral » est une campagne publicitaire en « boule de
neige » à effet « viral », fonctionnant sur le principe du bouche-à-oreille dans l’environnement
numérique et procédant d’une idée simple. Son point départ est la diffusion d’un message,
contenant une image, une animation, une vidéo, à caractère humoristique, ludique ou même
thématique, qui suscite l’envie chez ses premiers destinataires (ou les incite selon un canular
bien réglé) de le transmettre à d’autres de leur liste d’amis, collègues ou autres.718 Il apparaît
aussi des pratiques publicitaires identifiées avec des acronymes comme, par exemple : le
« splog » (néologisme issu de la contraction des mots « spam » et « blog », pour qualifier un
blog, créé dans le seul but de favoriser le recensement de certains sites dans le moteur de
recherche, mais en réalité, c’est un pseudo-blog dans lequel l’on trouve un contenu factice et
surtout une collection de liens hypertextes, pointant vers les sites à promouvoir) ; le
« spim » (acronyme de « Spam over Instant Messaging », il désigne une nouvelle forme de
publicité non-sollicitée, qui vise non plus les courriels, mais les utilisateurs de messagerie
instantanée du genre : chat, twit, ...) ; le « spit » (acronyme de « Spam over Internet
Telephony », il désigne l’envoi massif de messages vocaux non sollicités par le biais de la
téléphonie sur Internet (VoIP, Voice over Internet Protocol).719
262. Spécifiquement, les « moteurs de recherche » et « liens sponsorisés » figurent dans
la même catégorie de publicités usuelles. Au-delà des services neutres de simple « annuaire
informatif »,720 la nature publicitaire des mots-clés sur moteur de recherche comme moyen de
publicité a été retenue plusieurs fois et rappelée dans l’abondante jurisprudence de la Cour de
Justice de l’Union européenne.721 De même, il faut relever la nature publicitaire de certains

716
Article 6, d), directive 2000/31/CE, préc. : « Lorsqu’ils sont autorisés dans l’État membre où le prestataire est établi, les
concours ou jeux promotionnels doivent être clairement identifiables comme tels et leurs conditions de participation doivent
être aisément accessibles et présentées de manière précise et non équivoque ».
717
L. CHOMARAT, La publicité, PUF, 1re éd., coll. « Que sais-je ? », Paris, 2013, pp. 67 et 68.
718
Les premiers internautes ciblés sont à leur tour pris dans la spirale du jeu ou de la logique dominante. Ils font alors suivre
le message à d’autres et ainsi de suite. Par un effet « viral » ou « boule de neige », le message en vient à faire le tour du
monde. Il arrive qu’il soit demandé que dans tous les transferts, soit copiée au courriel une adresse de base, qui va en
définitive collecter toutes les adresses dans une base de données pour l’envoi massif de messages publicitaires.
719
E. MONTÉRO, op.cit, pp. 36-48. M. VIVANT et C. LE STANC, op.cit, n°2563, p. 1473. S’agissant des types de publicité en
ligne, la structuration et le contenu que nous avons adaptés sont inspirés des travaux des auteurs cités ici.
720
En principe, l’outil de recherche permet l’accès à l’information par un mot-clé sans positionnement tarifé. Dans le but
d’attirer sur son site des visiteurs qui étaient en quête d’autres ressources sur le net, le moteur de recherche fait appel à deux
applications du web : les outils de recherche ou instruments de localisation de l’information sur le net (annuaires et moteurs
de recherche) et les « cookies » ou « méta tags » (en français, balises méta tags), sont des mots clefs insérés dans la version
html (c’est-à-dire le code source) d’un site web, invisibles pour les visiteurs de la page web.
721
Arrêt CJUE du 12.07.2011, Affaire C-324/09, L’Oréal SA, Lancôme parfums et beauté & Cie, Laboratoire Garnier & Cie,
L’Oréal (UK) Limited contre eBay International AG, eBay Europe SARL, eBay (UK) Limited, Recueil de la jurisprudence
2011 I-06011. Sur une question préjudicielle, cet Arrêt de la Cour (paragraphe 86) a retenu : « Concernant la publicité
affichée sur Internet à partir de mots clés correspondant à des marques, la Cour a déjà jugé qu’un tel mot clé est le moyen
utilisé par l’annonceur pour déclencher l’affichage de sa publicité et fait donc l’objet d’un usage «dans la vie des affaires»
au sens des articles 5 de la directive 89/104 et 9 du règlement n° 40/94 (arrêts du 23 mars 2010, Google France et Google,
C-236/08 à C-238/08, non encore publié au Recueil, points 51 et 52, ainsi que du 25 mars 2010, BergSpechte, C-278/08, non
encore publié au Recueil, point 18) » (ndlr : La directive 89/104 et le règlement n° 40/94 ont été abrogés, respectivement, par
la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États
membres sur les marques (version codifiée) (JO L 299, p. 25), entrée en vigueur le 28 novembre 2008, et par le règlement
(CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (version codifiée) (JO L 78, p. 1), entré en
122

« hyperliens », « liens html » ou « liens hypertextes ».722 Avec le référencement payant, ces
hyperliens constituent des cas de publicité particulièrement nombreux en ligne, mais sont
également indispensables à la facilité de navigation sur l’Internet. Ils cessent d’être un
« référencement naturel »723 et deviennent publicité au sens de liens sponsorisés ou de
référencement payant ou encore de liens promotionnels, dès que le référencement a été établi
moyennant contrepartie d’un prix payé par l’annonceur. Ainsi, pour ces deux derniers cas
abordés, la facilité est grande pour un titulaire de site web d’introduire parmi ses méta tags
des mots fréquemment utilisés dans les recherches par mot-clé (le nom d’un grand sportif ou
d’une star, un nom commercial ou la marque d’un concurrent prestigieux, une approximation
de nom proche d’un autre très célèbre…) afin d’optimiser son indexation au sein des moteurs
de recherche.
263. Au sens de la directive sur le commerce électronique, le référencement en ligne
(annuaire informatif) relève en principe de la simple information, en tant qu’annuaire
informatif. En règle générale, il a valeur de mention informative, lorsqu’il se borne à assurer
la mise en liaison avec une personne ou une entreprise, à l’instar d’une adresse physique et de
liens référencés par les moteurs de recherche.724 Néanmoins, à défaut d’être une information
promotionnelle s’inscrivant dans le cadre d’une activité commerciale, artisanale ou de
profession libérale, elle reste une communication informative.725 Cette règle et ses exceptions
découlent de l’article 2, f) de la directive 2000/31/CE.726
264. Troisièmement, les enjeux de la publicité sont notables sur le plan économique727 et
juridique. La publicité en ligne nécessité une protection juridique adéquate des internautes,
voire du réseau lui-même, contre des pratiques intrusives, insidieuses, souvent agressives et
déloyales, dans le commerce électronique. Le considérant n°29 de la directive 2000/31/CE
rappelle que « dans l’intérêt de la protection des consommateurs et de la loyauté des
transactions, les communications commerciales, y compris les rabais, les offres, concours et
jeux promotionnels, doivent respecter un certain nombre d’obligations relatives à la
transparence ». Cet enjeu de protection est de taille d’autant que la frontière entre la publicité
et la simple information n’est toujours pas simple à appréhender. « La nature de l’internet et
les techniques publicitaires déployées dans ce cadre expliquent aisément la raison d’être de
cette obligation. En effet, l’internaute ignore souvent que certains messages, tels que les
"bannières personnalisées" proviennent non pas du site consulté, mais plutôt d’un annonceur
publicitaire avec des risques de confusion qui s’en suivent. Par ailleurs, nombre de messages

vigueur le 13 avril 2009. Néanmoins, le litige au principal demeure régi, compte tenu de la date des faits, par la directive
89/104 et le règlement n° 40/94.)
722
Dictionnaire Larousse, [http://www.larousse.fr] (consulté le 25 novembre 2013), Verbo « Hyperlien ». Composés d’un
titre et d’un descriptif sommaire, ces liens apparaissent dans les pages de résultats des moteurs de recherche chaque fois
qu’un lien est établi entre la requête de l’internaute et le ou les mot(s)-clé(s) choisi(s) par l’annonceur. En informatique :
« Hyperliens : Lien associé à un élément d'un document hypertexte, qui pointe vers un autre élément textuel ou multimédia ».
723
C. FÉRAL-SCHUL, op.cit, p. 281.
724
M. BLANCHARD, op.cit, p. 41.
725
T. VERBIEST, op.cit, pp. 26-27.
726
Article, 2, f), directive 2000/31/CE, préc. Cette disposition définit les communications commerciales, qui exclut
exceptionnellement :« les coordonnées permettant l’accès direct à l’activité de l’entreprise, l’organisation ou la personne,
notamment un nom de domaine ou une adresse de courrier électronique »;« les communications relatives aux biens, services
ou à l’image de cette entreprise, organisation ou personne, élaborées d’une manière indépendante de celle-ci, en particulier
lorsqu’elles sont fournies sans contrepartie financière ».
727
Cf. pour enjeux économiques : L. CHOMARAT, La publicité, op.cit, pp. 91-92. Selon les chiffres de « 2011, l’ensemble des
dépenses publicitaires mondiales dépassait les 450 milliards de dollars », à raison de : 150 milliards pour les États-Unis, 45
milliards pour le Japon et 30 milliards pour la Chine. L’Allemagne est le premier marché européen avec 24 milliards de
dépenses. La France arrive au 7e rang mondial avec 12 milliards ». Internet pèse pour 72 milliards sur le total dépensés dans
les médias dont 190 milliards par la Télévision et 93 milliards par la presse quotidienne.
123

commerciaux peuvent être adressés à l’internaute, à son insu dans les différents espaces qu’il
choisit de visiter (forums, chat…) ».728
265. Face à l’enjeu de la publicité par courriel729, la directive 2000/31/CE entend
protéger la vie privée730, le réseau lui-même731 et des internautes732. L’envoi massif, souvent
récurrent, des courriels non sollicités, à ranger parmi les courriers indésirables, constitue ce
qui est communément appelé « pourriels » et que certains ont qualifié de fléau d’Internet ou
de « plaie du spamming ».733 Les communications non-sollicitées sont régies par la directive
2000/31/CE, qui a mis en avant-plan, le critère de « demande individuelle du destinataire ».
Ce critère reste général au sens des services de la société de l’information, mais il reste
supplétif par rapport à la définition du commerce en ligne en Europe. À cet effet, la directive a
envisagé, pour ce genre d’activités informationnelles dérangeantes, une règle, tout au moins,
d’opposition a posteriori (opt-out), à défaut de consentement préalable (opt-out) à figurer sur
la liste de distribution. Au regard de cette possibilité de choix en droit européen, l’article 22
de la LCEN consacre en France, le régime de l’opt-in.734 Toutefois, ce régime s’applique
uniquement pour les destinataires personnes physiques.
266. Par ailleurs, le système opt-in français englobe « toute forme de promotion des
ventes, y compris la prospection directe réalisée pour les associations caritatives et les
organisations politiques (par exemple, la collecte des fonds, etc.) ».735 En France, cet avis du
« Groupe 29 » a contrasté, avec les observations de la CNIL sur l’article 22 de la LCEN. La
CNIL avisait que « pour le démarchage autre que de nature commerciale comme la
prospection à caractère politique, associative, religieuse ou caritative (p.ex. collecte de dons),
seules les règles suivantes, celles de la CNIL, sont d’application : information préalable sur
l’utilisation de l’adresse électronique à de telles fins ; droit de s’opposer à cette
utilisation ».736. Par ailleurs, la règle de l’opt-in connait des exceptions : si la prospection se
fait dans le cadre des services analogues737 ou si l’adresse a été prélevée dans le cadre de
prestations antérieures ou encore si l’adressage de destination est un référent lié à la fonction
exercée dans une organisation.

728
E. MONTÉRO, « La publicité sur Internet », in T. DE COSTER, M. DEMOULIN, H. JACQUEMIN, E. MONTÉRO, M.
VANDERCAMMEN et T. VERBIEST, Les pratiques du commerce électronique, Cahiers du Centre de Recherche Informatique et
Droit, Bruylant, Bruxelles, 2007, p. 26.
729
Dans son article 1er la LCEN définit le courrier électronique, comme couvrant aussi bien le texte, le SMS, envoyé par
téléphone que le courriel envoyé par ordinateur, en ces termes : « [...] tout message, sous forme de texte, de voix, de son ou
d’image, envoyé par un réseau public de communication, stocké sur un serveur du réseau ou dans l’équipement terminal du
destinataire, jusqu’à ce que ce dernier le récupère ».
730
E. MONTÉRO, op.cit, p. 26. Il y a atteinte à la vie privée « car il est réalisé dans un contexte de collecte "sauvage" et non
consentie des adresses de courrier électronique, au mépris des principes posés par les législations relatives aux données à
caractère personnel ».
731
Ibidem. Pour les fournisseurs d’accès à Internet, il engendre de nombreux inconvénients : hausse des coûts liés à la
nécessité d’élargir la bande passante et d’accroître la mémoire disponible pour stocker l’augmentation du volume des
messages ; baisse de qualité du service offert due à l’encombrement provoqué par l’afflux massif de messages, atteinte à
l’image du FAI.
732
Ibidem. Pour l’internaute, le spam a pour conséquences : engorgement des boîtes aux lettres, coûts supplémentaires de
connexion, affaiblissement des capacités des navigateurs, déguisement des approches commerciales en courrier amical.
733
Ibidem, pp. 26-27.
734
Il s’agit du consentement préalable par « toute manifestation de volonté libre, spécifique et informée par laquelle une
personne accepte que des données à caractère personnel le concernant soit utilisé à des fins de prospection ».
735
Groupe de travail au niveau européen indépendant créé par l’article 29 de la directive 95/46/CE du Parlement européen et
du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à
caractère personnel et à la libre circulation de ces données, JOCE, L 281, 23 novembre 1995, pp. 31-50.
736
T. VERBIEST, op.cit, p. 49
737
CPCE (France), art. L. 33-4-1(III), mais sans définition des services analogues, il y a une glissante marge d’interprétation
entre, par exemple, les « produits bancaires et les produits financiers »- Cf. MATTHIEU, Les services financiers et bancaires
en ligne, Revue Banque Edition, Coll. « Droit Fiscalité », 2005, par C. FÉRAL-SCHUHL, op.cit, p. 318-319.
124

267. Ainsi, en Europe, la directive n°2005/29/CE du 11 mai 2005 a considéré comme


pratique commerciale agressive, le fait de se livrer à des sollicitations répétées et non
souhaitées par tout moyen de communication à distance (y compris le courrier
électronique).738 Quel que soit le contenu du message, la caractéristique retenue est celle de sa
répétition et donc de son agressivité. Avec un élan nouveau, des instruments spécifiques de
protection des internautes contre des pratiques intrusives, insidieuses, souvent agressives et
déloyales, ont été édictés dans le commerce électronique. S’agissant des « pourriels » ou
« spams », il est établi la règle « que la réception de communications indésirables ou
choquantes peut s’analyser en une ingérence dans la vie privée ».739 Le maquillage insidieux
d’une communication commerciale est aussi une pratique abusive.740
268. En France, sous peine de lourdes sanctions civiles et pénales741, la loi n°2008-3 du
3 janvier 2008 « loi Chatel »742 avait inséré la définition des « pratiques commerciales
déloyales », en disposant à l’article L.122-11 du Code de la consommation qu’« une pratique
commerciale est agressive lorsque du fait des sollicitations répétées et insistantes ou de
l’usage d’une contrainte physique ou morale :1° elle altère ou est de nature à altérer de
manière significative la liberté de choix d’un consommateur ; 2° elle vicie ou est de nature à
vicier le consentement d’un consommateur ; 3° elle entrave l’exercice des droits contractuels
d’un consommateur ».743
269. Dans l’ordre de ces pratiques de « e-publicités » proscrites, figure en premier lieu le
« spamming ».744 Selon la définition de la CNIL, il s’agit de « l’envoi massif, et parfois
répété, de courriers électroniques non sollicités, à des personnes avec lesquelles l’expéditeur
n’a jamais eu de contact et dont il a capté l’adresse électronique de façon irrégulière ».745 En
second lieu, le « mail bombing » : l’envoi massif et simultané d’un même message vers une
seule et même adresse. En dernier lieu, le « phishing » est un acronyme provenant de la
contraction de fishing (« pêcher ») et phreaking (« piratage en ligne téléphonique »). Cette
pratique publicitaire en ligne est traduite par « hameçonnage » ou « filoutage », pour ce « qui
désigne le fait d’imiter partiellement ou entièrement la présentation d’un site Internet connu,
en reproduisant notamment les marques et autres signes distinctifs d’un tiers, afin d’obtenir
frauduleusement des informations à caractère personnel ou confidentiel des internautes
visitant le site en question ».

738
Directive n°2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des
consommateurs dans le marché intérieur, JOCE, L 149, 11 juin 2005, pp. 22-39.
739
J. HUET et E. DREYER, op.cit, p.137.
740
E. MONTÉRO, op.cit, p. 26.
741
V. FAUCHOUX et P. DEPREZ, op.cit, p.159-163. Le « phishing » sanctionné souvent sous le coup de la contrefaçon, cf. TGI,
Paris, Jugement, 21 septembre 2005, contre une personne ayant imité entièrement la page d’accueil du site International
Hotmail de Microsoft afin de recueillir les adresses et mot de passe des internautes. Le « mail bombing » sanctionné sous le
coup de l’article 323-2 du Code pénal, TGI Lyon, jugement, 20 février 2001, contre envoi de courriers électroniques vides
visant à encombrer la bande passante de la victime et pour une condamnation de son émetteur à huit mois de prison avec
sursis, à 3000 euros d’amendes et 76.224,51 de dommages-intérêts à verser au fournisseur d’accès. Le spamming a été
sanctionné, notamment sur le fondement de l’article 1147 du Code civil français, TGI de Paris, sur Ordonnance de référé du
15 janvier 2002, jugeant que l’émetteur qui se plaignait contre la partie défenderesse, Liberty Surf et Free.fr son FAI, pour la
suspension de son abonnement, est un spammeur en le déboutant de son action contre le FAI et à verser à la défenderesse
Liberty Surf, la somme de 1.524 euros de dommages-intérêts, à titre provisionnel, pour procédure abusive contre elle.
[inédits]
742
Loi n°2008-3 du 3 janvier 2008 « loi Chatel » pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.
743
[Nouvelle] Section 5, Chapitre II, Livre 1er, C. consom., relative « aux pratiques commerciales agressives ».
744
V. FAUCHOUX et P. DEPREZ, op.cit, p. 160. De son étymologie, « spam » est sorti d‘un sketch anglais des Monty Python,
dans lequel l’on parodiait une publicité radiophonique pendant laquelle l’on ne cessait de répéter le mot « spam », une sorte
de jambon épicé. Cf.
745
[www.cnil.fr] (consulté le 13 août 2014).
125

270. En conclusion [du Chapitre], la définition française tient compte de l’objet du


commerce électronique européen, tel que recomposé à la section précédente du présent
chapitre. Si, en droit français, cet objet diffère de certains aspects lucratifs et limitatifs
répondant de la logique du droit commercial classique, ledit objet le complète néanmoins. Le
droit commercial sert comme le droit commun. À défaut d’actes de commerce par nature
dûment énumérés, les activités économiques en ligne conservent le critère indispensable
d’utilisation de la distance et de la voie électronique pour leur réalisation. À la différence de
l’acquis européen, la définition française ne reprend plus les critères de définition non-
déterminants, comme la rémunération et la demande individuelle desdites activités. Toutefois
des typologies juridiques particulières permettent de catégoriser les activités et de leur
appliquer des régimes spécifiques. Il en est ainsi des activités contractuelles et non-
contractuelles en ligne. Mais avec l’utilisation de l’électronique, des institutions juridiques
nouvelles intéressent l’analyse pour leur particularité : contrats électroniques,
communications commerciales ou publicités en ligne, VoD, etc.
271. Pour la doctrine, « il suffit de proposer (offrir) un bien ou un service à distance et
par voie électronique, sans qu’il soit exigé que l’acceptation se fasse par la voie électronique
pour que les règles du commerce électronique s’appliquent. Il suffit que l’opérateur se
présente sur les réseaux ouverts comme offrant un bien ou un service pour faire du commerce
électronique. Le champ d’application des dispositions du commerce électronique est donc
large. »746 Elle considère que « [l]e commerce électronique regroupe l’ensemble des activités
reposant sur des transactions commerciales à distance réalisées par un média électronique :
Internet, téléphonie mobile, téléshopping… »747 Le formalisme électronique du commerce en
ligne est également à la base d’une mode particulier de conclusion de contrat. En tant qu’un
produit de l’évolution technique, économique et juridique, le contrat électronique a mérité
d’être défini ci-dessus en fonction des sources ratione temporis, afin de démontrer comment
son institution juridique s’est réalisée à travers le temps en Europe.
272. En outre, le caractère dématérialisé et transfrontière du commerce en ligne ne doit
pas occulter les métiers d’intermédiation juridique à sa base : les transporteurs de signaux, les
opérateurs de cache, les fournisseurs d’accès à l’Internet ainsi que les hébergeurs assurent la
circulation et la consommation de l’information qui est la valeur centrale du commerce
électronique. La catégorise formée par ces prestataires techniques est originale pour le
commerce en ligne, sans toutefois ignorer les cumuls de leurs activités qui rendent difficile
leur démarcation avec les éditeurs en ligne. En principe, les premiers ne sont pas responsables
des contenus électroniques qu’ils hébergent ou véhiculent, tandis que les autres parce qu’ils le
produisent ou les fabriquent en sont pleinement responsables.
273. À la lumière de ce qui précède, le droit du commerce électronique a des sources, un
objet, des sujets, des typologies d’institutions juridiques et des régimes spécifiques. Le droit
n’a su, ni voulu énumérer avec exhaustivité les activités économiques en ligne, contrairement
aux actes de commerce traditionnel. Il a structuré autour d’une nouvelle forme de
commercialité des typologies d’institutions juridiques, en leur attachant des régimes
juridiques particuliers par rapport au droit commun. L’utilisation des techniques de
communication à distance est la condition sine qua non du commerce en ligne. Ainsi, les
activités d’intermédiation technique lui sont essentielles, pour transporter, traiter, héberger,

746
C. CASTETS-RENARD, op.cit., 2010, p. 141.
747
A. RABAGNY-LAGOA, Droit du commerce électronique, Ellipses, Paris, 2011, p. 5.
126

stocker des informations dans l’espace numérique et/ou à les rendre disponibles à l’aide des
médias dans la forme compréhensible par l’humain.
274. Grâce à la voie électronique, la conclusion des contrats électroniques est possible,
tout autant que la réalisation d’activités non-contractuelles en ligne. Il en est ainsi des
communications commerciales ou publicité par voie électronique. Les sujets du commerce en
ligne prestent ou consomment les biens et services en ligne, mais les fonctionnalités des outils
numériques brouillent non seulement leurs frontières d’activités, mais aussi leurs statuts en
rendant complexes les règles d’application. Par exemple, les hébergeurs et les éditeurs ne se
démarquent plus suffisamment à cause des nouveaux métiers du web 2.0., au point que même
la jurisprudence a du mal à appliquer le régime de responsabilité allégée ou plus lourde. Les
consommateurs et les professionnels, les destinataires et les prestataires voient également
leurs statuts se rapprocher au point que des sous-catégories apparaissent entre eux avec des
attributions de leurs statuts et de leurs régimes au cas par cas, à défaut de les loger de plein
droit dans les catégories des règles préexistantes.
275. Pour autant, les sources législatives et les sources secondaires se complètent,
s’ajustent et s’améliorent à travers le temps et à l’épreuve des évolutions des technologies
électroniques (y compris l’Internet). Ces transformations permettent de construire des cadres
juridiques disposant de règles appropriés et des mécanismes proches, pour répondre aux
enjeux juridiques du commerce électronique. L’objectif d’analyser le droit européen et
français est de répondre aux enjeux auxquels le droit congolais n’est pas encore adapté, en
utilisant les références juridiques analysées en droit comparé. Sur cette base, la RDC peut
adapter et encadrer la pratique mondiale du commerce électronique sur son territoire.
276. Dans tous les cas, le commerce en ligne ne peut exister sans la disponibilité d’accès
aux communications électroniques. À juste titre, le droit en Europe régit le commerce en ligne
comme un aspect juridique des services de la société de l’information.748 Les communications
électroniques en sont également un aspect à part entière. Leur évolution est la base d’autres
transformations du droit au sein de l’Union européenne et en France. (Chapitre 2)

748
À ce sujet, nous soulignons la clarté de l’intitulé de la directive: « Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du
Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du
commerce électronique, dans le marché intérieur ("directive sur le commerce électronique"), JOCE, L 178, 17 juillet 2000,
pp. 00010-00016.
127

CHAPITRE 2 :
LES TRANSITIONS DU DROIT DES TÉLÉCOMS ET DES COMMMUNICATIONS
ÉLECTRONIQUES EN EUROPE ET EN FRANCE

277. L’« ascension de l’Internet » se caractérise par la croissance des flux électroniques
du réseau planétaire. Celle-ci est largement rendue possible grâce à la libre entreprise de
l’économie numérique.749 Cependant, ces évidences des technologies de l’ère numérique ne
peuvent pas occulter le laborieux processus de libéralisation des télécoms, ayant permis
l’abandon du monopole des « services publics »750 pour adopter un système d’économie de
marché.751. L’expérience de la « déréglementation » des télécoms s’est imposée en Europe
pour la modernisation de l’État et de l’économie. Elle traduit l’anglicisme « deregulation »
dont l’origine se situe aux États-Unis dans le début des années 1980.752 Son étymologie
économique ne signifie aucunement l’effacement de la réglementation.753 Elle signifie plutôt
le processus de promotion de la libre entreprise et d’exercice de la libre concurrence avec une
marque caractéristique de régulation, comme nouvelle forme d’intervention de l’État sur un
secteur public libéralisé. Le « big-bang de la déréglémentation »754 est à l’origine du jeu de la
concurrence sur le marché numérique mondial. La « dérégulation » a engagé un processus de
suppression des « carcans législatifs et administratifs »755 qui plombaient le développement
des marchés territoriaux.
278. Ainsi, les services publics des télécoms ont été ouverts à l’économie des marchés,
en transformant la puissance publique de l’État-entrepreneur en État-régulateur.756 Avec la
mondialisation des marchés, cette restructuration de l’intervention de l’État a été effectuée
graduellement dans les domaines des équipements, services et infrastructures de télécoms. Les
règles élémentaires de droit sont maintenues par le recours au droit étatique (hard law,
régulation ex post), mais les agents économiques privés opèrent eux-mêmes le jeu du marché
(autorégulation, soft law), sous des formes d’administration étatiques, adaptées et souples

749
F. BANHAMOU, « L’irrésistible ascension de l’Internet », in Cahiers français, préc., p. 3. « La croissance du trafic est
spectaculaire. Au niveau mondial, en août 2012, on compte 628 millions de sites Web et plus de deux milliards d’internautes.
On estime que le trafic croît de près d’un tiers chaque année. Les prévisions de l’entreprise informatique américaine Cisco
font ainsi apparaître une explosion du trafic qui atteindrait 1,3 zettabyte en 2016 [...]. En France, en 1996, 0,5% des foyers
étaient connectés à Internet, contre 73,2% au troisième trimestre 2011 ». [http://news.netcraft.com/],[http://www.pcinpact.com/news/66793-
ordinateurs-foyers-francais-equipement-netbooks-tablettes.html] (tous consultés le 30 juin 2016).
750
J. CHEVALLIER, Le service public, une administration citoyenne ?, 10e éd., PUF, coll. Que sais-je ? Droit-Politique, Paris
(1987) 2015, p. 3. « La notion de service public relève à première vue de l’évidence. [...] Le service public évoque cette
sphère des fonctions collectives, nécessaires à l’existence même du social. Faisant écho aux thèmes du "Bien commun", de
l’"Intérêt général", de l’"Utilité publique", avec lesquelles elle forme une configuration idéologique complexe, la notion a
donc des racines anciennes et apparait comme inhérentes à l’organisation des sociétés modernes. »
751
TRUCHY, Economie politique, t. I, p. 289, cité par O. CACHARD, op.cit, p. 8. « Le commerce éveille l’idée de marché. Le
marché est le lieu où se rencontrent les acheteurs et les vendeurs de telle ou telle catégorie de marchandises ; par extension,
on a pris l’habitude d’appeler marché l’ensemble même des offres et des demandes qui sont en situation de se rencontrer et de
donner lieu à des échanges ». Cf. aussi G. CORNU, op.cit, Verbo « marché ». « Le marché est traditionnellement défini en
droit comme un lieu public ou comme un rassemblement périodique de vendeurs et d’acheteurs. Il peut aussi être entendu
comme un lieu d’échanges commerciaux ou, plus spécialement comme un emplacement où s’assemblent à date fixe ou
périodiquement les vendeurs de marchandises (... pour la vente au public). »
752
D. LINOTTE et A. GRABOY-GROBESCO, Droit public économique, Dalloz, coll. mémentos, Paris, 2001.
753
I. CROCQ, op.cit, p. 2. Nous préférons le terme « libéralisation » au terme traduit de l’anglais au français par
« dérégulation », d’autant plus que, dans les faits, comme le souligne Isabelle Crocq, « on n’assiste pas à une dérégulation
(c’est-à-dire à la suppression de la régulation) mais à une réforme de la régulation. [G. Majone, 1990] ».
754
P. MUSSO, Les télécommunications, éd. La Découverte, Coll. Repères Économie, Paris, 2008, p. 75 et s. L’auteur pesnse
que « Cette révolution numérique provoque un big bang (sic) amplifié par les politiques de dérégulation ». R. GILARDIN, La
« libéralisation » des télécommunications en France (1981-1996), Mémoire 4e année, Séminaire : Histoire de la France au
XXe siècle sous la direction de Gilles Richard, Sciences Po, Rennes, 2009-2010, p. 64. Cf. un des chapitres du mémoire
s’intitulant : « le big-bang de la déréglementation étasunienne ».
755
P. MOREAU DEFARGES, La Gouvernance, une gestion idéale?, 5e éd., coll. Que sais-je ? Droit-Politique, PUF, Paris, (2003)
2015, p. 63.
756
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne, 4e éd., LGDJ, Lextenso éditions, coll. droit et société, n°35, Paris, 2014, pp. 59-64.
128

(organe indépendant, régulation ex ante).757 En effet, « [l]a régulation se distingue des modes
classiques d’intervention de l’État dans l’économie. Elle suppose l’existence des marchés
ouverts, dans lesquels des opérateurs disposant d’une capacité d’action autonome, déploient
des stratégies d’ensemble par l’établissement de certaines règles et une intervention
permanente pour amortir les tensions ».758
279. Dans son « projet politique »759, l’Europe a largement recouru à l’instrument du
droit, en vue de construire son marché intérieur des télécoms. Depuis la décennie 80 jusqu’à
ce jour, les institutions européennes ont successivement adopté des mesures de libéralisation
et d’harmonisation des règles d’encadrement des télécoms. Au fil du temps, des réajustements
du cadre réglementaire ont été effectués en fonction du développement du marché et de la
transition numérique. Les transitions des règles européennes traduisent la prise en compte des
enjeux évolutifs des télécoms. Entre 1987 et 1996, le droit communautaire engage la réforme
sectorielle des télécoms, en vue de réaliser la démonopolisation des segments du marché
régulé. En 2000-2002, les règles de régulation renforcée se transforment en principes de
régulation minimale, pour favoriser la pleine concurrence du marché des communications
électroniques.760 Celles-ci s’insèrent désormais dans la convergence technologique,
l’économie numérique et la société de l’information.761 Depuis 2009, le réexamen de l’acquis
réglementaire de l’Union européenne se fait à intervalle régulier afin de tenir compte de
l’évolution rapide du marché numérique. Les réformes de 2016-2017 ouvrent de nouvelles
perspectives sur la « société du Gigabit ». (Section 1.)
280. Toutefois, les règles de l’Union européenne ont pour finalité de s’appliquer dans le
droit national de ses États membres. Ces trente dernières années, la France a engagé une
politique législative, en opérant les transpositions des règles européennes, sans ignorer les
spécificités et les priorités de son droit interne. En 1982 et 1986, ses lois sur la
communication (audiovisuelle) avaient précédé les règles d’harmonisation européenne, afin
de suivre la dérégulation des télécoms amorcée à l’étranger.762 C’est à partir de 1990 et 1996,
que le droit français des télécoms s’aligne sur les mesures des institutions européennes.763
Mais, l’originalité de la transition juridique des télécoms implique la transformation de son
service public. En instituant par ailleurs une autorité de régulation des télécoms (ART), la
France a systématiquement associé les réformes de sa réglementation sectorielle à celle de son
administration des PTT (y compris « France Télécom »). Depuis 1996, l’action des autorités
réglementaires nationales (ARN) évolue sans un « système vertical de régulation » à l’échelle

757
P. MOREAU DEFARGES, La Gouvernance …, préc., p. 63. La dérèglementation est aussi située dans le cadre de « L’action
publique et l’économie », au titre des « mutations de l’action publique », sur le chapitre du « désengagement dans l’action
publique » quant à « l’expansion contestée des marchés ». Droit public économique, Master 1, droit public Ŕ droit privé,
Univ.des Antilles et de la Guyane, Fac. de droit et d’économie de la Martinique 2008-2009 [Inédit].
758
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne…, préc., p. 63.
759
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation, PUF, coll. Que sais-je ? Les mots du régulateur, Paris, 2011, p. 67.
« L’Europe est un projet politique, conçu à la sortie de la seconde guerre mondiale dans le but que n’advienne plus jamais de
guerre entre les pays européens. Pour cela Jean Monnet eut l’idée de construire dans un premier temps un marché
économique, et dans un second temps un gouvernement politique ».
760
D. BOULAUD, Le nouveau cadre européen des communications électroniques : quelle régulation pour quels équilibres ?,
Rapport d’information, n°3048, Assemblée nationale, onzième législature, DIAN 16/2001, Paris 2001, p. 29-33.
761
D. POPOVIC, Le droit communautaire de la concurrence et les communications électroniques, LGDJ, Paris, 2009, p. 11.
762
R. GILARDIN, La « libéralisation » des télécommunications en France (1981-1996), op.cit. pp. 10 et s.
763
Ibidem. V. FAUCHOUX, P. DEPREZ et J.-M. BRUGUIÈRE, op.cit, pp. 3 et s. En abordant la « construction progressive du droit
de l’Internet », les auteurs situent à partir de 1996 l’effort de la jurisprudence. Ils évoquent la directive 97/7/CE comme
résultat le 20 mai 1997 du « vaste mouvement d’harmonisation communautaire, grâce à d’importantes directives désormais
intégrées au droit français ». Mais, ils signalent que la France l’a transposé avec plusieurs années de retard (en 2001), tandis
que la règle du droit communautaire avait déjà entamé la protection des consommateurs en cas de vente à distance c’est-à-
dire en employant des techniques de télécommunications et de communication audiovisuelle notamment.
129

européenne,764 pour le secteur des communications électroniques. En 2003 et 2004, les lois
françaises de transposition inscrivent le droit de l’accès aux infrastructures et services de
télécoms, dans les objectifs de confiance en l’économie numérique.765 Par rapport au modèle
européen de dérégulation des communications électroniques, la privatisation de France
télécom reste une originalité française dans la transformation de son droit de service public.
De même, la « loi pour la République numérique » du 7 octobre 2016766 est en avant-garde de
la transition numérique de la France, après l’adoption des lois de modernisation de son
économie en 2008 et en 2011 pour transposer les dernières règles européennes du « paquet
télécom 2009 ».767 (Section 1.)
281. Notre approche permet une analyse du millefeuille législatif européen et français,
en vue d’appréhender les enjeux juridiques de la transition numérique du marché, de
l’économie et de la société. Notre étude s’intéresse aux acquis communautaires, car ils sont
indispensables à la compréhension du droit positif français, dans ses sources et ses politiques
législatives. La « mondialisation de la dérégulation »768 situe les systèmes juridiques
européens et français à un stade d’historicité plus avancé quant à leurs transformations par
rapport aux évolutions de leur marché et des marchés étrangers.769 Notre analyse de droit
comparé va plus loin : elle a pour finalité la comparaison de l’expérience européenne et
française avec l’état des droits des télécoms en Afrique et en RDC.770

SECTION I -
LA CONSTRUCTION JURIDIQUE DE L’« EUROPE DES TÉLÉCOMS »
DANS LES ENJEUX DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

282. Durant les années 1980-90, les États du monde ont engagé des réformes politico-
juridiques qui s’attaquent aux monopoles réglementaires, d’origine naturelle ou publique.771
Ainsi, les secteurs des télécoms sont déréglementés officiellement d’abord aux États-Unis
(1974-1982), puis en Grande-Bretagne (1982). Pour l’« Europe des télécommunications »772
en 1984, la première directive de libéralisation intervint en 1988, en engageant le processus de
transformation du cadre juridique sectoriel. Il se poursuit jusqu’à ce jour. « Par conséquent le
droit des télécommunications peut être défini comme un ensemble de règles spécifiques qui
correspondent à des politiques de télécommunications. Dès 2002, on emploie le terme "Droit
des communications électroniques". Le présent terme est [adopté] en conséquence de la
numérisation de l’ensemble des industries et des médias qui recouvrent les
télécommunications, la communication audiovisuelle et l’informatique ».773
764
D. BOULAUD, op.cit, pp. 29-33.
765
Cf. notamment : Loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de
communication audiovisuelle, JORF, 10 juillet 2004.
766
Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour la république numérique (dite « Loi Numérique » ou « Loi Axelle Lemaire », JO
RF, 8 octobre 2016.
767
D. BOULAUD, op.cit, p. 7. Il s’agit de plusieurs textes concernant les communications électroniques […] Ils sont regroupés
sous la forme d’un "paquet Télécom" présenté par la Commission européenne le 12 juillet 2000 ». Ils ont été adoptés en 2002
avant d’être modifiés en 2009. Cf. les développements de la présente section de notre thèse.
768
P. MUSSO, op.cit, p. 75.
769
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 1 de la présente thèse.
770
Cf. Partie 1, Titre II, chapitres 1 et 2 de la présente thèse.
771
D. POPOVIC, Le droit communautaire de la concurrence et des communications électroniques, LGDJ, Paris, 2009, p. 11.
772
Face aux mouvements des réformes du marché libéral, les Chefs d’États européens s’étaient réunies en France, le 20 juin
1984, au Sommet de Fontainebleau sur l’ « Europe des télécommunications ». L’intitulé de ce sommet et son caractère
extraordinaire traduit sans nul doute l’ambition de la mission constructive de l’Europe face à l’internationalisation des
marchés américains. Dès lors, l’Europe s’est positionnée dans ce mouvement de mondialisation du marché des
télécommunications.
773
D. POPOVIC, op.cit, p. 45.
130

283. L’Europe des télécoms a défini ses propres finalités des réformes, en fonction des
enjeux politiques de diffusion des technologies et de construction de son marché intérieur
(§1).
284. À cet effet, les institutions européennes ont adopté les premières mesures de
libéralisation et d’harmonisation du « droit communautaire ». Deux étapes de transition du
cadre réglementaire ont permis le passage du droit sectoriel des télécoms à celui des
communications électroniques. (§ 2.)

§1. Les enjeux de construction du marché européen


des télécoms et des communications électroniques

285. À la genèse, la dérégulation américaine a enclenché un déferlement des processus


similaires dans le reste du monde. Les enjeux juridiques en Europe se fondent sur la même
idée de restructuration du secteur des télécoms qu’aux États-Unis dans les années 1980. (A)
286. Cependant, le droit communautaire a permis de définir ses propres mesures de
libéralisation du marché intérieur. Les institutions européennes ont opéré, de manière
autonome, l’encadrement et l’orientation des enjeux technologiques par des règles
d’harmonisation des marchés nationaux des États membres. Ainsi, entre 1997 et 2002
(jusqu’à ce jour), les objectifs de concurrence guident la régulation sectorielle du secteur des
télécoms. (B)

A. / LA FINALITÉ DES TRANSFORMATIONS JURIDIQUES DU SECTEUR DES TÉLÉCOMS

287. Le pragmatisme américain constitue le point de départ de la dérégulation du marché


des télécoms à l’échelle mondiale.774 Conformément aux lois antitrust 1890,775 le ministre
américain de la justice intenta en 1974 un procès contre la mastodonte compagnie AT&T,
dont l’issue en 1982 permit le démantèlement de son monopole au 1er janvier 1984 sur le
marché national américain.776 L’accord obtenu le 8 janvier 1983 l’autorisait de développer ses

774
A. BEATTIE, « Why is the 1982 AT&T breakup considered one of the most successful spinoffs in history ? »,
[http://www.investopedia.com/ask/answers/09/att-breakup-spinoff.as] (consulté le 05 avril 2017). « AT&T had a history
reaching back to 1885 and, as a government-supported monopoly, was a highly profitable company. Colloquially known as
Ma Bell, the communication giant lost its governmental backing in the 1880s when charges were filed against it under the
Sherman Antitrust Act. This was the second yime that AT&T found itself in an antitrust suit. In 1949, AT&Twas excused from
antitrust laws because it was believed that a single company providing nationwide service was a vital part of national
security and any deregulation might interrupt service. » (Notre traduction : L’histoire de AT&T remonte à 1885. Sa
rentabilité était liée à son monopole soutenu par le gouvernement américain. Familièrement connu sous le nom de Ma Bell, le
géant des communications a perdu son soutien du gouvernement dans les années 1980 lorsque des accusations ont été
déposées contre elle en vertu de la Sherman Antitrust Act. Ce fut la deuxième fois pour AT&T de se trouver dans une affaire
d’Anti-Trust. En 1949, AT&T avait été dispensé des lois antitrust, car l’idée dominante considérait que le monopole de
fourniture de service par une seule société à l’échelle nationale était une composante essentielle de la sécurité nationale et que
toute déréglementation pourrait interrompre le service. Le deuxième verdict n’a pas été du même avis autour du Sherman
antitrust Act.)
775
Ibidem. The Sherman Anti-Trust Act was proposed in 1890 by senator John Sherman From Ohio and was passed in the
same year by 51st U.S. Congress (Notre traduction : La loi Sherman antitrust a été proposée en 1890 par le sénateur John
Sherman de l’Ohio et adopté la même année par le cinquantième congrès américain).
776
A. BEATTIE, « Why is the 1982 AT&T breakup considered one of the most successful spinoffs in history ? »,
[http://www.investopedia.com/ask/answers/09/att-breakup-spinoff.as] (consulté le 05 avril 2017). « The second time under
Sherman’s hammer AT&Twas not so lucky. The case began in 1974, was decided against AT&Ton January 8, 1982, and the
breakup plan was formalized throughout 1983. Ma Bell was ordered to give up local calling services to smaller regional
spinoffs dubbed the Baby Bells. The parent company would hold on to its long distance businesses. Brought into existence on
January 1, 1984, the Baby Bells were some of the most successful spinoffs in history as AT&T had already paid the
infrastructure layouts and their business were established and producing cash from day one. (Notre traduction : Se trouvant
pour une seconde fois sous le coup de la loi Sherman, AT&T ne fut plus aussi chanceuse. L’affaire a commencé en 1974 et a
connu son verdict le 8 janvier 1982, tandis que le plan de démonopolisation a été officialisé tout au long de 1983. Ma Bell a
131

activités internationales, en ouvrant le marché local à la concurrence. 777 Cette expérience


américaine porte les premiers enjeux de transition des normes monopolistiques et de
réorganisation du marché à l’échelon américain, puis international.
288. La construction de l’Europe des télécoms s’inscrit dans cette dynamique des
changements structurels et normatifs du secteur. L’abandon des fondements monopolistiques
constitue en lui-même un enjeu de transition : l’abandon des « dogmes colbertistes »778 de la
part de plusieurs États européens illustre ce laborieux processus. La Grande-Bretagne fut le
premier État à mettre fin entre 1982 et 1984 au monopole public. Dans un élan néolibéral
pionnier, British Telecom perdait en effet ses privilèges exclusifs et exorbitants : tout un
symbole ! Ensuite, l’Europe a bâti progressivement son marché intérieur des télécoms par
l’instrument du droit, avec l’apport « ordo-libéral allemand ».779 Les services publics
nationaux ont été remodelés sous la pensée « néolibérale »780 et l’influence française.781
289. Ces principes refondateurs ont aussi influé sur les systèmes juridiques du monde
entier dans le secteur des télécoms. La Commission européenne a adopté entre 1987 et 1996
des mesures de politiques législatives en supprimant les monopoles, qui fondaient
antérieurement le secteur des télécoms. (1) Les objectifs législatifs européens comportent une
historicité utile des enjeux juridiques, pour appréhender les fondements de son cadre
réglementaire des communications électroniques. (2)
1. Les monopoles publics face à la libéralisation des télécoms en Europe
290. « Les télécommunications ont été longtemps considérées comme un secteur
économique présentant les caractéristiques d’un monopole naturel. 782 […] les opérateurs en
charge de monopole naturel bénéficiaient dans un grand nombre de cas, d’un statut privilégié
et d’une protection de leur monopole par la loi. Le monopole devient ainsi un monopole de

été enjoint de laisser les services d’appels locaux et régionaux aux Baby Bells. La société mère devrait rester sur le segment
des appels internationaux et était habilité à déplacer ses activités sur le domaine de l’informatique et de l’Internet. Les Baby
Bells sont entrées en activité au 1er janvier 1984, avec une préparation de leurs infrastructures par AT&T, leur ayant permis
d’être productif dès le premier jour.)
777
E. HOLSENDOLPH, « U.S. settles phone suit, drops I.B.M. case ; A.T.&T. to split up », New York Times, 8-9 janvier 1982.
Le Ministère de la justice intente un procès contre la compagnie American Telephone and Telegraph qui accepte de renoncer
aux 22 compagnies Bell System qui fournissent la plupart des services téléphoniques locaux de la nation. Si l’Accord avec
AT&T est finalement approuvé par un tribunal fédéral, il serait le plus important règlement antitrust depuis des décennies.
778
J. CHEVALLIER, Le service public, op.cit., pp.77 et 97. « L’État a sans doute toujours été, en France, fortement présent dans
la vie sociale : dès l’absolutisme, il a été conduit à assumer des fonctions étendues et diversifiées, non seulement régaliennes,
mais encore, sociales, culturelles et économiques ("le colbertisme") ». Ŕ Cf. aussi I. CROCQ, op.cit, p. 2. « Il est nécessaire de
savoir si l’État peut et doit continuer d’être un entrepreneur dans une logique « colbertiste » ou si son intervention doit se
limiter aux fonctions régaliennes traditionnelles (la défense nationale, la justice, la police et l’ordre public, la diplomatie,
l’énoncé des lois et des règles) ».
779
F. DENORD, R. KNAEBEL, P. RIMBERT, « L’ordolibéralisme allemand, cage de fer pour le vieux continent », Le Monde
diplomatique, aout 2015, pp. 20 et 21. « Contrairement aux libéraux classiques, les ordolibéraux ne considèrent pas le marché
ou la propriété privée comme des produits de la nature, mais comme des constructions humaines, et donc fragiles. L’État doit
rétablir la concurrence si elle ne fonctionne pas. »
780
F. DENORD, « "Néo-libéralisme" et "économie sociale de marché" : les origines intellectuelles de la politique européenne
de la concurrence (1930-1950) », in Histoire, économie et société, n°1, 2008, pp. 24-33, avec les commentaires de R.
GILARDIN, op.cit, p. 79-80. La politique de la concurrence européenne trouve sa généalogie intellectuelle dans une branche de
la pensée néolibérale, l'ordo-libéralisme allemand. En relation l’un l’autre, le néo-libéralisme entend de l’État néolibéral
« régulateur de conflits, abstentionniste dans la sphère de la production et des échanges, mais prêt à sanctionner les écarts
de conduite par le droit et la justice [...] restreindre le périmètre de l’action étatique sans revenir au laissez-faire ». En
partage au caractère de ce dernier, l’ordo-libéralisme allemand reste pragmatisme et social, pour un État fort au-dessus des
intérêts privés capables d’intervenir systématiquement contre les entraves au principe de concurrence sur les marchés au
moyen d’outils économiques et juridiques mais qui a aussi à sa charge d’assurer une politique sociale. La construction d’un
cadre juridique de régulation des mécanismes du marché est un objectif ordo-libéral afin que les distorsions au principe de
concurrence puissent être sanctionnées et que l’activité de la sphère économique bénéficie à tous.
781
J. CHEVALLIER [2015], op.cit., pp. 98, 99. Nous allusionnons notamment le fait de « [l]’apparition au niveau européen de
la notion de service universel [...] Ce qui a conduit souvent à estimer que le service universel n’était en fin de compte que la
transcription de la conception française du service public ».
782
D. POPOVIC, op.cit, p.11.
132

droit ».783 Traditionnellement, deux raisons justifient le monopole : l’une est économique
l’autre est stratégique.
291. En général, « [u]n secteur économique présente les caractéristiques d’un monopole
naturel lorsqu’une seule entreprise peut assurer la production nécessaire à la satisfaction de la
demande à un coût moindre que celui qui résulterait de la présence de deux ou plusieurs
entreprises. […] Les coûts de construction et de maintien de cette infrastructure sont tels qu’il
n’existe pas d’incitation économique à la duplication du réseau. »784 D’une manière
spécifique, l’influence stratégique des techniques de communications à distance avait déjà
convaincu les États de s’approprier le contrôle des deux premières inventions aux 18e et 19e
siècles. Le monopole devait être mis à profit des prérogatives de souverainetés nationales, en
instaurant un « contrôle exclusif des éléments matériels de son exercice »785 sur le Télégraphe
de Chappe (1793)786 et le Téléphone (1876)787 et à travers les premiers réseaux de télécom.788
292. En effet, les expériences des grandes guerres de 1914-1918 et de 1940-1945 ont
démontré l’importance des télégraphes, radars et radiotéléphonies portatives comme des
dispositifs stratégiques pour la puissance militaire des États.789 Tel est le cas depuis l’origine
des premières et des dernières inventions des techniques de communications automatisées.
D’abord, « [l]e télégraphe est né en temps de guerre, grâce à l’octroi de crédits militaires en
tant qu’arme défensive au service de la République. […] Les télécommunications ont été
[ensuite] considérées comme un outil du gouvernement, qui donne aux États des moyens
supérieurs, à ceux de ses ennemis, (intérieurs et extérieurs), ce qui a dénoté son caractère
stratégique ».790 Enfin, dans les années 1950, les débuts de l’Internet sont particulièrement liés
au programme ambitieux de recherche initié par le ministère américain de la défense
(Pentagone) en impliquant les universités. En somme, « On comprend ainsi la double origine
d’Internet : à la fois une communauté universitaire et l’armée intéressées ensemble par ce
mode d’échanges en réseau. La circulation libre de l’information par opposition au réseau
secret, du moins très strictement encadré, constitue les deux faces d’Internet ».791 Les
télécoms et l’Internet forment des enjeux de puissance pour tout ordre étatique. 792 Le
monopole était censé doter l’État d’instrument de contrôle direct et exclusif.

783
Ibidem, p. 12.
784
Ibid., p.11.
785
J. CHEVALLIER, op.cit. p. 78.
786
[http://museedutelephone.narbonne.pagesperso-orange.fr/telegraphe.htm] (consulté le 16 juin 2016). Il s’agit du
« Télégraphe de Chappe », dont le premier essai en juillet 1793, par son inventeur Claude Chappe, fait naitre le réseau des
télécommunications en France (avec sa première ligne entre Lille et Paris en août 1793). Le Ministère des Postes et
Télégraphe français créé en 1878 connait en 1889 le rattachement du téléphone, nationalisé en 1889, au sein du « service du
matériel et de l’exploitation électrique ». Avec l’invention du télégraphe électrique de Morse 1837 (arrivée en France en
1844), le Télégraphe optique de Chappe est abandonné.
787
Le téléphone est d’invention plus ancienne que sa commercialisation coïncidant au 16 février 1876, date de dépôt du
brevet par Graham Bell auprès des autorités américaines. La nouvelle technique du téléphone démontra son importance
stratégique durant la seconde guerre mondiale avec le développement des radars ou de la radiotéléphonie portative.
788
P. CHARDON, « Genèse du vote de la Loi de 1837, origine du monopole des télécommunications », in C. BERTHO-LAVENIR
(sous la dir.), L’état des télécommunications en France et à l’étranger – 1837- 1987, Acte du colloque organisé à Paris les 3
et 4 novembre 1987 par l’École Pratique de Hautes études et l’Université Paris V, Librairie Droz, Genève, 1991, pp.11-21,
cité par R. GILARDIN, op.cit., p.16-18. En France le « Télégraphe de Chappe » fut placé sous tutelle du Ministère de la
Guerre. « Ainsi le financement était assuré par les Ministères de la Guerre, de la Marine et de l’Intérieur ».
789
M. DE CHEVEIGNÉ, « Les techniques, la guerre et la liberté : 1939-1947 », in C. BERTHO (sous la dir.), op.cit, pp.148-165.
790
WAEL EL ZEIN, Les aspects juridiques de la libéralisation des télécommunications, op.cit, p. 44.
791
L. GRYNBAUM, C. LE GOFFIC et L. MORLET-HAÏDARA, op.cit, pp. IX-X. Les auteurs rappellent que « [l]es universitaires et
les militaires américains qui sont à l’origine de la création de la communication en réseau d’un ordinateur à un autre
n’avaient sans doute pas prévu que leur construction ferait bientôt partie de nos vies. En effet, il s’agissait à l’origine de
permettre dans le réseau ARPANET, établi entre ordinateurs de quelques d’universités, d’échanger des données et des
informations. Or, ce projet entre institutions universitaires était soutenu par l’armée ».
792
Pour les justificatifs du monopole comme éléments de sécurité, voir notes supra : P. CHARDON, op.cit, pp. 11-12. Pour un
exemple plus contemporain : K. SWISHER, « White House. Red Chair. Obama Meets Swisher », Recode.net, 15 février 2015.
133

293. En réalité, les monopoles publics de télécoms en occident étaient fonction des idées
politiques et économiques ambiantes. Ils apparaissaient sous deux modèles différents, mais
présentant les mêmes finalités.793 En effet, « [l]’intervention publique est justifiée lorsqu’une
industrie se caractérise par une situation de monopole naturel. Elle prend alors soit la forme
de monopole public, soit d’un monopole privé régulé ». 794 D’une manière générale, pour les
fonctions de service public de nature régalienne, le monopole public demeurait le primat de
l’administration, tandis que le « monopole de fait » dépendait de la taille économique pour
les « grandes fonctions collectives et structurées en réseau ».795 La taille de l’entreprise
laissait l’impression de « surprofit injustifié » et justifiait par conséquent son transfert au
secteur public pour des raisons d’efficacité économique.796 Il s’ensuivait soit une « attribution
de monopole de droit », soit l’« institution d’une protection légale » par le mécanisme de
nationalisation qui, dans tous les cas, soustrayait à la concurrence l’activité jugée d’intérêt
général.797 C’est ainsi qu’il a été dit que les modèles des monopoles américain et européen des
télécoms étaient non seulement de constitutions différentes, mais de même finalité et aussi de
même profil d’enjeux dans la libéralisation de leurs secteurs de télécoms.798
294. Premièrement, le monopole américain des télécoms faisait état d’une « logique
économique pragmatique »799 avec un marché national contrôlé, dans ses différents segments,
par le « monopole naturel »800 de la firme américaine AT&T. À la veille de son
démantèlement le 1er janvier 1984, AT&T se trouvait à 80% dans une situation de contrôle du
trafic téléphonique national et à 100% du trafic international aux États-Unis. Elle exerçait un
monopole en tant qu’équipementier dans la production et la fourniture sur le marché national,
non seulement des structures des réseaux (à travers sa filiale, Western electric), mais aussi des
terminaux et/ou combinés téléphoniques à ses usagers. En revanche depuis 1925, le marché
international des équipements revenait à sa firme rivale ITT (International Telegraph and
Telephone).
295. Le procès antitrust des autorités américaines contre la firme AT&T de 1974 à 1982
aboutit à l’accord signé entre celles-ci le 24 août 1982. Ce dernier fixait au 1er janvier 1984 la
date du démantèlement de la firme AT&T. Son application entraîna la restructuration
d’AT&T en cinq filiales, dont AT&T international. La firme AT&T perdit également son
exclusivité d’équipementier au niveau national américain, mais elle obtint le droit de
développer son business international. Cette restructuration « conduisit à des pressions

[www.recode.net/2015/02/15/white-house-red-chair-obama-meets-swisher/] (consulté le 3 août 2017) Lors de son interview


en 2015, le Président américain Barack Obama a dit : « Nous avons possédé Internet. Nos entreprises l’ont créé, l’ont étendu,
l’ont perfectionné, de telle manière qu’ils [les Européens, ndlr] ne peuvent pas lutter ». (Notre traduction : We have owned the
Internet. Our companies have created it, expanded it, perfected it in ways that they can’t compete.)
793
WAEL EL ZEIN, Les aspects juridiques de la libéralisation des télécommunications (étude comparée), LGDJ, éd. Alpha,
Paris, 2012, p. 20.
794
I. CROCQ, op.cit, p. 81.
795
J. CHEVALLIER, Le service public, op.cit, p. 78.
796
Ibidem.
797
Ibidem.
798
WAEL EL ZEIN, op.cit, pp. 40-44. Cf. pour les fondements économiques, stratégiques, économiques et techniques du
monopole. J. CHEVALLIER, « Le pouvoir du monopole et le droit administratif français », RDP, 1974, p. 23. V. LEROUX, « Les
foncements économiques de la monopolisation du réseau téléphonique », in L’État et les télécommunications en France et à
l’étranger 1837-1987, Droz, 1991, p. 12.
799
J. CHEVALLIER, Le service public, op.cit, p. 78.
800
L. BANCELŔCHARENSOL, La déréglementation des télécommunications dans les grands pays industriels, ENSTPTT-
Economica, Paris, 1996, p. 31, cité par R. GILARDIN, op.cit, p. 37. ŔI. CROQ, op.cit, p. 81-82 : « La théorie du monopole
naturel repose sur les concepts de rendement d’échelle croissant et de sous-additivité de la fonction coût. Les rendements
d’échelle [« en termes d’économie d’échelle »] sont croissants (décroissants) lorsque le coût moyen diminue (augmente)
avec l’accroissement de la quantité produite ». Cf. P. PICARD, Eléments de microéconomie. Théorie et applications,
Monchrestien, 2è éd., 1990. W.W. SHARKEY, The theory of natural monopoly, Cambridge University Press, 1982.
134

constantes de la firme et de ses concurrents (Sprint, MCI et ITT) auprès des pays européens
pour que ceux-ci ouvrent leurs marchés 801 » à leur tour également. La loi américaine en
vigueur demeurait le Communication Act de 1934, avant d’être remplacé par le
Telecommunication Act de 1996.802
296. Deuxièmement, les monopoles publics européens étaient fondés sur les dogmes du
service public, résultant de l’affirmation du droit ou de la nationalisation des activités jugées
d’intérêt général. « À l’aube du XXème siècle, on trouvait un secteur public économique d’État
non négligeable en partie hérité du colbertisme, mais qui avait continué par la suite à se
développer : […] alors que les entreprises privées, bien que soumises à certaines contraintes,
sont insérées dans l’économie de marché, les services publics constituent des îlots à part,
échappant très largement à l’application normale des lois de marché publiques. […] Le
monopole est inhérent à la conception française traditionnelle du service public […] censé
être soustrait à l’application de la logique marchande. Tous les services publics ont ainsi été
dotés sinon d’un monopole de droit, du moins d’un statut monopolistique les mettant à l’abri
de la pression de la concurrence ».803 En sus, les enjeux de rareté des ressources stratégiques
fondaient aussi la mise des secteurs d’activités sous gestion publique. L’État se positionnait
sur des intérêts qu’une personne privée ne pouvait gérer de manière équitable.804
297. Cependant, si une « idée de monopole imprègne donc profondément la conception
classique du service »,805 la doctrine libérale présente la concurrence comme une source
d’innovation, de compétitivité et d’efficience. L’idée du monopole d’État laissait persister une
ancienne vision « parfois angélique, voire naïve : elle ne prête de défaut qu’au marché et
l’intervention publique est supposée bénéficier à la collectivité ».806 Dans les années 1980,
plusieurs évolutions économiques et progrès techniques pressèrent les États européens (et
tiers) à saisir l’enjeu stratégique des télécoms dans l’ordre de la mondialisation. Ils ont
réformé leurs cadres juridiques en conséquence.
298. Sur le plan économique, les éléments principaux de changement furent :
l’accroissement des échanges internationaux, l’émergence d’un raisonnement de conquête des
marchés à l’échelle mondiale et la remise en question des péréquations tarifaires. 807 Sur le
plan technique, en dépit des efforts de « colbertisme high-tech »808, le monopole s’essoufflait.
La mutabilité des services publics ne convenait plus à des droits exclusifs, face au train des
innovations et aux besoins des usagers. Selon les « lois de Rolland », l’« idée qui sous-tend le
principe de mutabilité, encore appelé parfois "principe d’adaptation", est simple, c’est elle qui
conduit à postuler que le service public doit rendre, à tout moment, le meilleur service
possible à la population ».809 Le monopole ne pouvait plus à lui seul assurer la diversification
des offres, ni répondre à la demande accrue de nouveaux services de télécoms, notamment :

801
Y. BOUVIER, « Construire l’Europe industrielle par les entreprises. La politique de concurrence et les fusions industrielles
dans les télécommunications européennes dans les années 1980 », Histoire, Economie et Société, n°1, p. 79-80.
802
R. GILARDIN, op.cit, spéc. pp. 34-39 et s.
803
J. CHEVALLIER, op.cit, pp. 62, 77 et s.
804
WAEL EL ZEIN, op.cit., p. 45.
805
Idem, p. 81.
806
I. CROCQ, op.cit, p. 3. L’auteur cite à propos : A. PIGOU, The Economics of Welfare, Macmillan, Londres, 4e éd., 1932 ; P.
A. SAMUELSON, « The pure theory of public expenditures », Review of Economics and Statistics, vol. 36, pp.387-389 ; R. A.
MUSGRAVE, The theory of public finance, McGraw-Hill, New York, 1959.
807
La péréquation tarifaire était comme un principe d’organisation des services publics à perte sur certaines activités et à
surfacturation sur d’autres.
808
E. COHEN, Le colbertisme «high-tech ». Économie des Télécoms et du Grand Projet, Hachette, Coll. Pluriel, 1992. Il s’agit
des efforts de mutabilité des services publics par l’investissement public à la modernisation des services publics face aux
besoins et tendances des usagers, en référence au secteur des télécoms, marqué par l’innovation privée.
809
E. ZOLLER, Introduction au droit public, 2e éd., coll. Droit public, Science politique, précis, Dalloz, paragraphe 604.
135

nouveaux modes de transmissions (satellites, fibre optique), passage de l’analogique au


numérique, télématique (Minitel) associant informatique et télécommunication.810
299. Face à toutes ces pressions du progrès, l’Europe devait répondre aux enjeux de
dérégulation du marché américain et britannique. Première en Europe à capitaliser ces enjeux,
la Grande-Bretagne sépara dès 1981 la gestion de sa poste et de ses télécoms en deux
organismes publics distincts. Elle abolit en 1982 le monopole de British Telecom, son
exploitant public, en le mettant en concurrence avec l’opérateur Mercury à qui elle attribua
une licence d’exploitation des télécoms. La réforme britannique fut complétée par la
privatisation de British Telecom (avec la vente de 51% de son capital) et par la création d’une
autorité indépendante chargée de la régulation et de la concurrence, en l’occurrence ex-
OFTEL, Office of Telecommunications, actuel OFCOM, office of Communications.811
L’expérience communautaire a organisé le marché intérieur sur les principes de dérégulation
et de démonopolisation des services publics de l’État.
2. Les enjeux politiques de base dans la dérégulation des télécoms
300. Au niveau communautaire, l’importance des enjeux de déréglementation motiva le
Sommet de Fontainebleau du 20 juin 1984. Il réunit pour la première fois en France les Chefs
d’États sur le thème de l’Europe des télécoms.812 Il était question d’ouvrir les services publics
des États à un ensemble des marchés plus vastes à l’échelle internationale, sans pour autant
éroder leur propre manne de survie sur leurs marchés territoriaux. L’absence de concurrence
et d’harmonisation technique constituait les premiers éléments bloquant le développement
général de ces marchés. Ainsi, les institutions européennes entreprirent de développer le
marché communautaire à travers les mesures de libéralisations et des directives
d’harmonisation.
301. En ce sens, le premier Livre vert du 30 juin 1987 définit la trame politique de ce
processus « sur le développement du marché commun des [...] télécoms ».813 La construction
de l’Europe des télécoms requérait de démanteler les cartels territoriaux qui empêchaient la
diffusion des technologies à cause des monopoles verticaux nationaux. En effet, la situation
antérieure des marchés territoriaux de télécoms intégrait non seulement les monopoles des
infrastructures et des services, mais aussi l’exclusivité des équipements territoriaux de
télécoms. Aussi, fallait-il en finir avec des empires industriels fermés, contrôlés au niveau
national par des équipementiers et des réseaux tout aussi exclusifs. Il en fut ainsi des
opérateurs téléphoniques comme Siemens pour l’Allemagne, Eriscson pour la Suède, Phillips
pour les Pays-Bas, Alcatel et Thomson pour la France.814 La publication et l’harmonisation
des spécifications techniques des réseaux territoriaux étaient nécessaires, afin d’assurer
l’interopérabilité et l’interconnexion des réseaux territoriaux au niveau européen. Cette

810
J. HARIVEL, « Le Minitel, une exception française », Revue de l’Institut du Monde et du Développement, n°4, Hiver, 2013,
Paris, pp. 93 à 106.
811
E. BRENNAC, « De l’État producteur à l’État régulateur, des cheminements nationaux différenciés. L’exemple des
télécommunications », in B. JOBERT (dir.), Le tournant néo-libéral en Europe, L’Harmattan, 1994, p.276.
812
Pour les développements spécifiques à la déréglementation en France, cf. le §2 de la présente section.
813
Commission de la Communauté européenne, Vers une économie européenne dynamique, Livre vert sur le développement
du marché commun des services et équipements de télécommunications, COM (87) 290 final, 30 juin 1987.
814
Y. BOUVIER, « Construire l'Europe industrielle par les entreprises. La politique de concurrence et les fusions industrielles
dans les télécommunications européennes dans les années 1980 », in Histoire, Économie et Société, n°1, 2008, p. 79 - La
recommandation sur l'ouverture des marchés dénonça cette situation bloquant 'émergence d'un grand marché européen.
(Quant aux opérateurs français qui se procuraient les matériels chez les équipementiers américains, il leur était vendu des
technologies déjà dépassées au prix fort. Ainsi, l’Europe marqua le pas en faveur des politiques de fusions des entreprises
européennes et des programmes de recherche.)
136

logique politique a été maintenue plus tard, dans le deuxième Livre vert de 1997 sur la
convergence des secteurs des télécommunications 815
302. En effet, le droit « communautaire »816 fait précéder l’élaboration de ses règles par
une définition des objectifs politiques, dans ses « livres verts ».817 En l’espèce, les réformes
sectorielles des télécoms se fondent sur des objectifs précis, notamment : la construction du
marché intérieur, la diffusion des technologies, l’innovation, l’optimisation de l’accès des
utilisateurs aux réseaux et aux services des télécoms. La réglementation a été « simplement
[perçue comme] un outil, au côté de l’utilisation des forces du marché, pour l’achèvement des
objectifs plus vastes de politique sociale, économique et générale ».818 Ainsi, les politiques
législatives s’expriment dans les règlements, directives et autres décisions des institutions
européennes. Pour l’essentiel, la construction du marché unique européen a imposé
l’application des principes économiques néolibéraux et ordo-libéraux aux secteurs des
télécoms des États membres. À cet effet, les trois outils classiquement utilisés par les
institutions européennes ont permis d’assurer les objectifs de libéralisation du secteur dans le
sens d’un marché régulé. Il s’agit de l’emploi coordonné en Europe des mécanismes
d’élaboration d’instruments juridiques, de leur suivi et de la coopération.819
303. Les directives européennes servent efficacement à encadrer la transition du cadre
réglementaire du marché ouvert des télécoms, tout en tempérant le laisser-faire sans verser
dans le laisser-aller. Pour autant, l’adoption d’une réglementation ex ante a été choisie avec
l’instauration d’une régulation sectorielle ex post.820 La particularité des télécoms est de faire
intervenir cette dernière (ex post) « parce qu’il faut construire la concurrence et maintenir en
permanence des équilibres non naturels » dans l’ordre artificiel du marché.821 Les autorités de
régulation nationales établies dans les marchés ouverts de télécoms utilisent « des outils que
l’on pourrait dire "sur page blanche", essentiellement des réglementations […] de l’ex
ante ».822 En définitive, « [l]es ARN doivent pour l’impartialité de leur décision demeurer
indépendantes des fournisseurs de réseaux, de services ou d’équipements de communications
électroniques.823 Elles doivent également être indépendantes de l’État, si ce dernier conserve

815
Commission européenne, Livre vert sur la convergence des secteurs des télécommunications, des médias et des
technologies de l’information, et les implications pour la réglementation, COM (97) 623 final, 3 décembre 1997.
816
L’usage à dessein du terme « Communautaire » est effectué pour restituer le contexte européen d’avant le Traité de
Lisbonne sur l’Union et aussi pour ressortir l’idée de mutualisation des efforts et des systèmes juridiques.
817
F. REY, « Livre vert, livre blanc, ça sert à quoi ? », www.metiseurope.eu, 1er mai 2007. L’origine des livres verts (et des
livres blancs) est britannique. Elle remonte au dépôt en 1967 à la Chambre des Lords d’un document de proposition pour
l’élaboration des politiques. Les journalistes ont appelé ledit document livre vert au vu de sa couverture. Les « livres verts »
publiés par la Commission européenne offrent un éventail d’idées dans le but de lancer, dans l’ensemble des pays, une
consultation et un débat sur un thème précis. En pratique, les livres verts contiennent des « idées destinées à alimenter un
débat ou une consultation publique sur un thème donné. En réponse à une présentation de la thématique, les parties prenantes
ou individus intéressés par le sujet sont invités à exprimer leur avis sur les propositions émises, avant une date limite ». (L.
DARMON, « Livre vert, livre blanc », europeplusnet.com, 2005.) En revanche, les livres blancs contiennent un ensemble
argumenté de propositions d’actions communautaires dans un domaine spécifique.
818
J. CATTAN, op.cit., pp. 19-22, 24 et 27.
819
S. TURGIS, « Les valeurs du Conseil de l’Europe appliquées à Internet », in A. BLANDIN-OBERNESSER (sous la dir.), op.cit,
p.17. L’Europe mobilise les mêmes outils pour promouvoir l’émergence de ses valeurs fondamentales : droit de l’homme,
démocratie et prééminence du droit dans l’environnement (numérique) européen, voire international.
820
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation... op.cit, p. 69. L’ex ante et l’ex post sont des expressions usuelles en
économie qui correspondent respectivement en droit d’a priori et d’a posteriori. Ainsi, la loi ou la réglementation est un acte
ex ante, qui régira les situations postérieures à son adoption (cas du règlement général d’une autorité). En revanche, les
décisions individuelles de sanction, de règlement de litige ou de médiation relèvent de l’ex post (cas des actes
juridictionnels). Le droit de la concurrence intervient ex post puisque le marché est établi et que l’autorité de la concurrence
réagit en cas de pratique anticoncurrentielle, susceptible d’être sanctionnée, donc ex post.
821
Ibidem.
822
Ibidem.
823
Cf. A. DE STREEL, R. QUECK, « Un nouveau cadre réglementaire pour les communications électroniques en Europe »,
JTDE, n°101, septembre 2003, p. 195. L’article 3 de la directive « cadre » prévoit l’obligation de la séparation structurelle
137

le contrôle d’un fournisseur. Les ARN doivent collaborer étroitement avec les autorités
nationales de concurrence (ANC) dans la mesure où elles sont amenées à utiliser les principes
du droit de la concurrence ».824
304. Il s’avère que les objectifs politiques sont à la base d’adoption des règles
européennes. Ils permettent de comprendre la cohérence du millefeuille législatif européen,
sans se limiter uniquement à leur texture purement juridique. Les acquis du droit de l’Union
européenne se forment à travers le temps pour anticiper ou traiter les enjeux, en l’occurrence
ceux des télécoms. Les mesures d’ordre juridique du processus de dérégulation ont débuté en
1988 et se poursuivent encore, en fonction des étapes d’évolution technologique et du marché.
L’étape fondamentale de la démonopolisation a porté sur des segments de marché, pour
réaliser finalement la pleine concurrence. C’est en ce sens que des directives successives ont
été adoptées concernant les « terminaux de télécommunications » (1988), ensuite les
« services de télécommunications » (1990) et enfin la « pleine concurrence » (1996). Ces
mesures graduelles ont pu rendre possible la libre fourniture des services de télécoms,
entourée des garanties de régulation sur le marché européen.825 Elles ont fondé les bases de
l’économie numérique actuelle.
B. / LES MESURES POLITIQUES ET JURIDIQUES
DE DÉMONOPOLISATION DE L’EUROPE DES TÉLÉCOMS

305. En Europe, l’ouverture des marchés territoriaux est le fruit de la dérégulation des
télécoms, ayant entrainé le déclin des monopoles publics. Dans cette démarche, la suppression
des droits exclusifs a porté successivement sur les marchés des équipements, des services et
des infrastructures. Cependant, ce sont à la fois des préalables politiques et des mesures
juridiques qui ont fondé en Europe les bases de la concurrence. Les textes nécessaires sont
intervenus en quatre étapes fondamentales, en faisant usage d’instruments d’une valeur
obligatoire croissante : d’une part, les recommandations, les livres verts, les concertations
avec les groupements professionnels, (1) et d’autre part, les directives notamment. (2)
1. Les préalables politiques de la libéralisation du marché européen
306. Premièrement, des recommandations de la CEE publiées en 1984 indiquaient les
objectifs visés à long terme par la Commission européenne. Il était question de disposer d’une
approche commune dans le domaine des télécoms, en lançant la première phase d’ouverture
des marchés. D’un côté, il était recommandé que les administrations en charge des télécoms
harmonisent les normes, les matériels et les services en leur possession ou utilisation.826 D’un
autre, il était préconisé le lancement du processus de rapprochement des industriels du secteur
avec les services européens contre les monopoles publics.827 Deuxièmement, un réseau de
soutien a été constitué auprès des industriels et du secteur public concerné. Troisièmement, la
publication du Livre vert du 30 juin 1987 sur le développement du marché commun des
services et équipements des télécommunications avait repris et approfondi les indications

effective de la fonction de réglementation d’une part, et des activités inhérentes à la propriété ou à la direction de ces
entreprises, d’autre part. Cet objectif pouvant être réalisé de plusieurs manières.
824
D. POPOVIC, op.cit, p. 57-58.
825
L’étude des directives européennes de libéralisation de 1988, 1990, 2002 et 2009 (jusqu’à ce jour) est menée au point B
du présent paragraphe (§1).
826
Recommandation 84/549/CEE du 12 novembre 1984 concernant la mise en œuvre d’une approche commune dans le
domaine des télécommunications, Doc.384X0549, JOCE, L298, 16 nov. 1984, p.0049-0050. [http://admin.net/eur/loi/leg-euro/fr_384X0549.html],
consulté le 13 juillet 2016.
827
Recommandation 84/550/CEE du 12 novembre 1984 concernant la première phase d’ouverture des marchés des
télécommunications, Doc. 3198H0550, JOCE, 16 nov. 1984, pp. 0051-0052.
138

données dans les recommandations.828 Le Livre vert de 1987 proposait les mesures suivantes :
« (i) l’ouverture progressive et totale de la concurrence du marché des équipements et des
terminaux de télécom ; (ii) l’ouverture à la concurrence du marché des services de base
(téléphonie vocale) et de la gestion des infrastructures de réseaux, (iii) la séparation entre les
fonctions de réglementation et les fonctions d’exploitation des entreprises privées ou
publiques gérant les réseaux de télécommunications ; (iv) le principe d’accès ouvert aux
réseaux et de leur interconnexion ; (v) l’application des règles de concurrence au secteur des
télécommunications. »829
307. Plus précisément, le Livre vert traçait une ligne de consultation, pour définir la
politique législative portant sur les mesures de la libéralisation du marché. Il prévoyait un
bilan en 1992 sur les limites du principe de concurrence (droits exclusifs et réservés) face à
l’évolution rapide de la technologie dans le secteur des télécoms. L’Europe organise donc la
restructuration de son système juridique en fonction des évolutions du marché électronique.
Le « Programme d’action »830 assorti au dit livre encadrait le suivi de sa mise en œuvre, dans
le souci de maîtriser les enjeux d’une déréglementation trop rapide.
308. Trois axes furent définis à ce propos. D’abord, le Livre vert fixait de grands axes
réformateurs concernant la protection juridique des opérateurs publics en place. Les États leur
ont reconnu certains « droits spéciaux » à titre transitoire. Le privilège et avantage
d’exclusivité temporaire portait sur l’établissement des infrastructures de télécoms (réseaux)
et sur la fourniture des services de base (téléphonie vocale, en l’occurrence).831 Ensuite, il fut
question de l’énumération des services non reconnus comme libéralisés, dits « réservés »
susceptibles d’être ouverts à la concurrence (avec possibilité d’autorisation pour les
opérateurs non historiques). Enfin, il fut organisé un marché hybride, sur le modèle dual des
normes techniques communes aux différents opérateurs en concurrence, en vue de leur assurer
l’accès équitable aux infrastructures, qui demeureraient réservées de manière exclusive et
temporaire à ses détenteurs. 832
309. En définitive, le livre vert envisageait l’instauration de la régulation sectorielle des
télécoms. La restructuration du marché motivait la séparation des fonctions de réglementation
et d’exploitation entre acteurs du secteur autrefois monopolistique. L’équilibre du jeu
concurrentiel était nécessaire, pour le fonctionnement du marché, à plusieurs égards :
cohabitation des services à régime concurrentiel et des monopoles sur les infrastructures ;
limitation des subventions croisées afin d’éviter que le segment monopolistique résiduel de
l’opérateur historique (droits spéciaux) dans une économie de marché n’avantage son segment
concurrentiel ; évitement des abus de position dominante.833 Malgré les évolutions
conjoncturelles, la grille des objectifs de législation est demeurée la même dans la politique de
structuration du marché des télécoms, à savoir : « équilibre entre monopole et concurrence,
équilibre entre approche ex ante et ex post, équilibre entre lois de marché et lois de service
828
COMMISSION DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE, Livre vert sur le développement du marché commun des services et
équipements des télécommunications, Bruxelles, COM (87) 290, 30 juin 1987.
829
D. POPOVIC, op.cit, p. 29. Autre source anglaise : P. LAROUCHE, « Telecommunications », in D. Geradin (dir.), The
liberalization of state monopolies in the European Union and beyond, La Haye, Kluwer Law International, 2000, pp. 15-47.
830
Commission de la Communauté européenne, Programme d’action : vers un marché communautaire compétitif en matière
des télécommunications en 1992 – Mise en application du livre vert sur le développement du marché commun des services et
équipements des télécommunications (état des discussions et propositions faites à la Commission, tel qu’approuvé),
Communication de la Commission, 9 février 1998, COM/88/48/FINAL.
831
Cette formule de l’Europe de 1988-1990 est celle adoptée par le Droit congolais (RDC) depuis la réforme des télécoms de
2002, sans aucune autre réforme de ce régime juridique quatorze-ans après en 2016. Cf. Partie 2, Titre 1, Chapitre 2 de la
présente thèse quant à la mise en œuvre de la déréglementation des télécoms en RDC.
832
R. GILARDIN, op.cit., p. 43.
833
Ibidem.
139

public, équilibre entre court terme et long terme, et équilibre entre intervention et
régulation ».834
310. À la suite de ces préalables sur le plan politique, les directives sont intervenues en
quatrième position. Les directives qui ont été édictées par la suite ont contraint les États à
adopter les mesures préconisées par la Commission européenne (CEE) s’ils ne l’avaient pas
fait.835
2. La portée politique des directives fondatrices de la libéralisation du marché européen
des télécoms
311. La première des directives fondatrices de la libéralisation a été adoptée en 1988 par
la Commission européenne. Elle instaurait la concurrence dans les marchés des terminaux.836
Les secondes émanant d’elle (et aussi du Conseil) en 1990 se rapportaient à l’établissement
d’un marché intérieur des services des télécoms.837
312. La Commission européenne avait mis en œuvre sa compétence d’application de
l’article 86, paragraphes 1, 2 et 3 du Traité instituant la communauté européenne (TCE). Elle
était juridiquement habilitée à adresser des directives ou des décisions aux États membres. En
effet, ces dispositions du Traité l’autorisent à exiger la suppression des droits spéciaux ou
exclusifs accordés à des entreprises nationales, lorsque ceux-ci s’apprécient comme une
violation d’autres règles du Traité, sous réserve de la limitation du juge européen. 838 Sur cette
base, la Commission adopta sept directives entre 1988 et 1999.839
313. Toutefois, l’ampleur des réformes impulsées par les politiques d’ouverture du
marché européen des télécoms souleva quelques résistances nationalistes et des relents
protectionnistes auprès des États membres. En effet, le législateur européen devait moduler
les transformations du marché, en adoptant un rythme moins extrême dans ses mutations à pas
forcés. Des enjeux de pouvoir entre institutions européennes entre elles (Commission et
Conseil), d’une part, et avec les États, d’autre part, se faisaient sentir. Face aux enjeux de
transition du secteur des télécoms en Europe, les États membres de se dressaient en deux
camps.
834
D. BOULAUD, op.cit., p. 9.
835
R. GILARDIN, op.cit., p. 42 et s. PH. RIVAUD, « Leadership et gouvernance communautaire : la Commission européenne et
l’idée de service universel des télécommunications (1987-1998) », European issue, n°11, juillet 2001, Fondation Robert
Schuman.
836
Directive 88/301/CEE de la Commission du 16 mai 1988, relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de
télécommunications, [https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV%3A|24119a], consulté le 1er juillet 2016.
837
Directive 90/387/CEE du Conseil du 28 juin 1990, relative à l'établissement du marché intérieur des services de
télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture d'un réseau ouvert de télécommunications.
838
CJCE, affaire C-69/91, 27 octobre 1993, Procédure pénale contre Francine Decoster, épouse Gillon, Rec. 1993, p. I-
5335, spéc. les « considérants » n°17 et s. Il a été jugé que la Commission ne pouvait pas, sur le fondement de l’article 86 du
Traité instituant la Communauté européenne, créer de nouvelles obligations matérielles, mais seulement identifier des
obligations déjà existantes selon les dispositions générales du Traité.
839
(1°) Directive 88/301/CEE de la Commission du 16 mai 1988, relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de
télécommunications, [https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV%3A|24119a], consulté le 1er juillet 2016. (2°)
Directive 90/387/CEE du Conseil du 28 juin 1990, relative à l'établissement du marché intérieur des services de
télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture d'un réseau ouvert de télécommunications. (3°) Directive 94/46/CE
de la Commission du 13 octobre 1994 modifiant les directives 88/301/CEE et 90/388/CEE en ce qui concerne en particuliers
les communications par satellite, JOCE L 268, 19 octobre 1994, p. 15. (4°) Directive 95/51/CE de la Commission du 18
octobre 1995 modifiant les directives 98/388/CEE et 90/388/CEE en ce qui concerne la suppression des restrictions à
l’utilisation des réseaux câblés de télévisions pour la fourniture de services de télécommunications déjà libéralisés, JOCE L
256, 26 octobre 1995, p. 49. (5°) Directive 96/2/CE de la Commission du 16 janvier 1996 modifiant la directive 90/388/CEE
en ce qui concerne les communications mobiles et personnelles, JOCE L 20, 26 janvier 1996, p. 59. (6°) Directive 96/19/CE
de la Commission du 13 mars 1996, modifiant la directive 90/388/CE en ce qui concerne la réalisation de la pleine
concurrence sur le marché des télécommunications, JOCE L 74, 22 mars 1996, p. 13. (7°) Directive 1999/64/CE de la
Commission du 23 juin 1999 modifiant la directive 90/388/CEE en vue de garantir que les réseaux de télécommunications et
les réseaux câblés de télévision appartenant à un seul et même opérateur constituent des entités juridiques distinctes, JOCE L
175, 10 juillet 1999, p. 39.
140

314. D’un côté, les États dits « libéraux » Ŕ qualifiés ainsi à la faveur de leurs prises de
position avec la Grande-Bretagne en tête, la RFA, le Danemark, les Pays-Bas Ŕ soutenaient
une fin rapide des monopoles publics nationaux en faveur d’un marché totalement ouvert.
D’un autre côté, les États dits « constructivistes »840 défendaient le maintien des opérateurs
publics solides, nécessaires à un service public fort, parce qu’étaient-ils attachés sans doute à
la conception traditionnelle des services publics selon les « lois de Rolland ».841
315. À ce propos, la France introduisit un recours devant la CJCE contre la Commission,
sur la base de l’article 90-3 du Traité de Rome. Elle prenait argument sur l’empiètement du
pouvoir législatif du Conseil par la Commission. La France arguait un vice de procédure du
fait de l’édiction par le Conseil de la directive 90/387/CE du 28 juin 1990, au détriment de la
Commission qui avait déjà émis auparavant la directive 88/301/CEE du 16 mai 1988.842
L’arrêt de la CJCE du 19 mars 1991 réaffirma le pouvoir supranational européen contre le
pouvoir national des États, tout en contribuant au renforcement des pouvoirs des deux
institutions européennes.843
316. De même, la directive 90/388/CEE de la Commission relative à la concurrence dans
les marchés des services de télécoms fut attaquée par les États membres, cette fois par
l’Espagne, la Belgique et l’Italie. La CJCE confirma encore que la Commission disposait du
pouvoir de surveillance de l’article 86, paragraphe 3 du TCE et que celle-ci était fondée à
préciser des obligations aux États membres face en respect du Traité (TCE). Il lui était
autorisé d’exiger d’eux l’abolition des droits spéciaux et exclusifs. Une autre jurisprudence
confirme la compétence de la commission pour fixer les conditions d’effectivité de cette
suppression des droits spéciaux en matière des télécoms dans les marchés nationaux. 844 Ces
différents compromis obtenus par l’Europe avec les États dits « libéraux » et
« constructivistes »845 ont été d’un apport important également pour l’adoption de la série des
directives dites ONP de 1990 pour la fourniture des réseaux ouverts.846
317. Au niveau européen, une autre étape est engagée avec les directives des années
1990. Elles marquent une transition dans le processus de libéralisation. Elles imposent en effet
des principes harmonisés de base pour la « fourniture d’un réseau ouvert de
télécommunications », plus connus sous ce sigle ONP. « Le concept ONP vise à promouvoir
le marché unique dans les télécoms en harmonisant les conditions d’accès et d’utilisation des

840
Dictionnaire Larousse illustré, 2017, préc., p. 292. « Constructiviste : relatif au constructivisme, qui s’y rattache […] qui
privilégie une construction plus ou moins géométrique des formes ». R. GILARDIN, op.cit., p. 46. Cet auteur rattache ce
qualificatif aux États européens qui étaient favorables et actifs dans la dynamique de transformation du secteur des télécoms,
aux débuts de la déréglementation.
841
J. CHEVALLIER, Le service public, op.cit., p. 55 et s. E. ZOLLER, op. cit, par. 604. M. DE VILLIERS et T. DE BERRANGER
(sous la dir.), op.cit, p. 523, 554 et s. « Les « Lois de Rolland », dans leur formulation classique et initiale, sont au nombre de
trois, elles s’expriment sous forme de principes « d’égalité », de « continuité » et d’ « adaptation ». Il s’agit bien des « lois »,
au sens physique du terme, en ce sens que ces principes sont censés découler d’un rapport de nécessité régissant le
fonctionnement normal et quasi naturel du service noyau dur de leur régime juridique. »
842
R. GILARDIN, op.cit., p.46. La RF tendait à « signifier à la Commission que les questions relatives à l’aménagement du
territoire, à l’étendue et à la disponibilité effective du service public, aux conditions de la compétitivité internationale de ses
industries, devrait relever d’un processus politique fusse-t-il communautaire et non d’une décision administrative fusse-t-elle
une interprétation du Traité de Rome ».
843
CJCE, République française c/ Commission, C-202/88, 19 mars 1991, concurrence dans les marchés des terminaux de
télécoms [http://eur-lex.europa/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A61988CJ0202] (consulté le 4 juillet 2016). Pour l’arrêt voir aussi :
Recueil 1991, pp. I-1233. F. BLUM, A. LOGUE, State monopolies under EC law, Chichester, John Wiley & Sons Ltd, 1998, pp.
45-46, cité par D. POPOVIC, op.cit, p. 37.
844
CJCE, 17 novembre 1992, Royaume d’Espagne, Royaume de Belgique et République indienne c/ Commission, aff. Jointes
C-271/90, C-281/90 et C-281/90, Recueil 1992, pp. I-5833.
845
Le compromis fut obtenu lors du Conseil des Ministres de la Communauté européenne du 7 décembre 1989, présidé par la
France, représentée par son ministre des PTT.
846
A. VALLEE, « Les États pourront-ils faire l’Europe de Télécommunications ? », in Réseaux, vol.8, n°40, 1990, p.103.
141

services et des réseaux accessibles au public ».847 La gestion de la puissance sur le marché est
aussi un principe fondamental de l’ONP, soumettant à une réglementation plus stricte que les
autres certains opérateurs en raison de leur puissance sur le marché. Une distinction a
également été faite du point de vue régime entre la téléphonie fixe et la téléphonie mobile,
cette dernière bénéficiant d’obligations moins onéreuses. Il avait été tenu compte du degré de
concurrence de ce segment de marché, par rapport à l’existence d’opérateurs historiques
anciennement monopolistiques sur l’autre segment.848
318. Les dernières étapes de transition législative relèvent des directives du « paquet
télécom » de 2002 et de 2009. Elles imposent en effet de nouveaux principes sur le marché,
compte tenu également de l’évolution des communications électroniques. D’où l’adoption de
la terminologie officielle : « communications électroniques », en lieu et place des
« télécoms ». Les réaménagements du cadre réglementaire européen interviennent à un niveau
plus avancé de libéralisation et d’harmonisation des règles du marché intérieur. Le « paquet
télécom » réduit les quelques vingt-cinq instruments qui avaient été adoptés durant les années
1990 à cinq directives de base. Il « comprend une directive "cadre", quatre directives
sectorielles, un règlement relatif au dégroupage de l’accès à la boucle locale 849, une décision
sur le cadre réglementaire du spectre radioélectrique et une directive sur la concurrence ».850
319. Les principes d’« une bonne réglementation » sont principalement adressés sur la
base de l’article 8, paragraphe 1 de la directive « cadre », aux autorités réglementaires
nationales dans l’accomplissement de leurs tâches. Il s’agit du principe de la régulation
minimale, selon laquelle « la réglementation étatique doit être maintenue au niveau le plus bas
possible permettant l’accomplissement des objectifs politiques proclamés ».851 Les autres
principes concernent la régulation technologiquement neutre852, la régulation flexible alliée à
la recherche de la sécurité juridique853 et la régulation harmonisée au niveau européen854.855
320. De 2009 à ce jour, les règles du « paquet télécom » visent les objectifs d’accès
universel au numérique, la création d’un « marché unique numérique » en supprimant au
niveau européen les disparités tarifaires de l’itinérance mobile entre utilisateurs voyageant au

847
D. POPOVIC, op. cit, p.39.
848
Ibidem, p. 38-44.
849
Règlement (CE) n°2887/2000 du Parlement et du Conseil du 18 décembre 2002 relatif au dégroupage de l’accès à
la boucle locale, JOCE, L 336, 30 décembre 2000, pp. 0004-0008. Au terme du considérant n°3 du Règlement :
« L'expression "boucle locale" désigne le circuit physique à paire torsadée métallique du réseau téléphonique public
fixe qui relie le point de terminaison du réseau dans les locaux de l'abonné au répartiteur principal ou à toute autre
installation équivalente ».
850
D. BOULAUD, op.cit, p. 15
851
Ibidem, pp. 47-60.
852
D. GERADIN, « Regulatory issues raised by network convergence : the case of multi-utilities », J Network Industries, n°2,
2001, pp. 113-126. [http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=49007] (consulté le 4 avril 2017). Le principe de
neutralité technologique fait une application horizontale des règles semblables à toutes les infrastructures utilisées pour la
transmission de signaux électromagnétiques. Il est tempéré par des choix technologiques précis dans le cas de la rareté du
spectre des radiofréquences ou de promotion de certains services. Il en est le cas par exemple de l’encouragement de la TNT
pour l’effet de rationalisation de l’utilisation des fréquences par rapport à la télévision par câble ou satellite.
853
Les nouvelles règles ont été conçues de manière à ne pas ralentir le développement continu des technologies, tout en
s’adaptant facilement à celles-ci, quoique ce fait rende imprévisible sur les marchés la situation concurrentielle. La flexibilité
reconnue aux règles ne doit cependant pas menacer ou mettre en danger les investissements considérables dans le secteur des
communications électroniques.
854
Article 7, directive « cadre », préc. Le nouveau cadre de 2002 octroie aux ARN une flexibilité plus importante que le
cadre de 1998, afin qu’elles puissent appliquer les règles d’une manière adaptée à la situation des marchés et des
technologies, notamment en ce qui concerne les obligations imposées aux opérateurs puissants dit SMP. Toutefois, cette
flexibilité est encadrée pour une approche cohérente, par le biais d’un mécanisme de coordination renforcée entre les
autorités nationales et d’un droit de véto de la Commission. Ils visent à assurer une application harmonisée de la régulation
sectorielle ainsi que l’intégrité du droit de la concurrence.
855
D. POPOVIC, op.cit, p. 51.
142

sein de son marché. La réforme en cours (2016-2017) du cadre réglementaire européen


travaille à l’élaboration d’un véritable « Code des télécommunications » pour l’Europe. Un
des objectifs du futur Code est d’assurer la transition numérique du marché sur le plan des
infrastructures de nouvelle génération (5G). La perspective est de concrétiser la « société du
Gigabit ».856
321. Les développements ci-dessus ont mis en évidence les objectifs politiques, pour
chacune des étapes de transition du cadre juridique européen des télécoms. La complexité du
millefeuille législatif européen nécessite pour la compréhension de ses institutions juridiques
de considérer le contexte, les objectifs et les finalités de la législation pour le secteur des
télécoms. Cet éclairage permet de comprendre les transformations des régimes, en parcourant
les directives sur les communications électroniques, dans les tranches de leurs logiques
d’intervention. (§2)

§2. Les transitions du cadre réglementaire européen des télécoms


dans les enjeux de convergence numérique
322. Les politiques législatives ont donné lieu à des réponses graduées, face aux enjeux
aussi bien des télécoms que des communications électroniques. Les institutions européennes
ont tracé le schéma d’ouverture des marchés nationaux, pour le fonctionnement du jeu de la
concurrence régulée. Les ajustements du cadre réglementaire traduisent l’effort constant
d’aligner la restructuration du marché par rapport au droit. Trois objectifs de législation
structurent les grandes étapes de transition du cadre juridique européen des télécoms jusqu’à
l’économie numérique.
323. Les premières mesures de libéralisation sont celles de 1988-1990 concernant les
« directives de la Commission ». Elles ont ensuite été appuyées par l’harmonisation des
règles pour la pleine concurrence du marché à travers les « directives ONP » de 1990-1997.
La dernière série des directives réglemente véritablement l’économie numérique en notant la
directive « commerce électronique » de 2000 et les directives du « paquet télécom » depuis
2002 jusqu’à ce jour. En Europe, toutes les transformations du droit européen constituent
l’objet d’étude se rapportant à l’acquis communautaire du secteur des télécoms (A.) et ensuite
celui des communications électroniques. (B.)
A./ LES ACQUIS COMMUNAUTAIRES DE LA DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS

324. Au niveau européen, l’objectif de législation était de décloisonner et de raccorder


entre eux les marchés territoriaux des télécoms de base (téléphonie, télex, télécopie,
transmission des données).
325. À cet effet, la Commission entreprend dès 1988, des mesures de libéralisation du
marché avant d’être rejoint en 1990 par le Conseil.857 (1) Ce dernier adopte des règles
d’harmonisation, en appui des mesures de libéralisation que les deux institutions
européennes858 continuent d’approfondir (directives ONP). (2)

856
Cf. le présent Chapitre 1, Section 1, § 2 et Section 2, § 2 de thèse.
857
Cf. pour les deux institutions européennes : la directive 88/301/CEE de la Commission, du 16 mai 1988, relative à la
concurrence dans les marchés de terminaux de télécommunications, préc., et la directive 90/387/CEE du Conseil, du 28 juin
1990, relative à l'établissement du marché intérieur des services de télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture
d'un réseau ouvert de télécommunications, préc.
858
Le Parlement européen adopte les directives conjointement avec le Conseil européen, tandis que la
Commission agit seule dans le cadre des compétences concernées (Article 86, TCE).
143

1. Les mesures de la libéralisation du marché des télécoms de base

326. Sur le plan juridique en Europe, la directive 88/301/CEE du 16 mai 1988859 a


irréversiblement concrétisé la politique d’ouverture totale des marchés monopolistiques
nationaux, de manière graduelle. Jusqu’à ce jour, elle a fondé l’un des premiers acquis
communautaires de la démonopolisation du marché électronique, en supprimant le monopole
sur les équipements de télécoms. Elle a aboli les droits spéciaux ou exclusifs d’importation,
de raccordement, de commercialisation, de mise en service ou d’entretien d’appareils
terminaux des télécoms au détriment des organismes publics ou privés à qui ces exclusivités
revenaient sur leurs marchés territoriaux. Elle a enjoint de rendre accessibles les nouvelles
terminaisons du réseau public pour l’utilisateur. Mais, leurs caractéristiques physiques
devaient être publiées au plus tard le 31 décembre 1988. Les États devaient à cet effet
communiquer à la Commission une liste de toutes les spécifications et procédures d’agrément
existantes pour les appareils terminaux ainsi que de leurs publications.
327. À cet égard, une étape importante était franchie dans le démantèlement des
monopoles verticaux860 qui existaient entre équipementiers nationaux et opérateurs de réseaux
monopolistiques dans les marchés territoriaux. Dans ce cadre, les obligations de publicité ont
été prescrites sur les localisations et les éléments techniques du réseau. Cette transparence
devait rendre possibles l’interopérabilité, l’interconnexion et la collaboration entre partenaires
multinationaux. L’internationalisation et la multinationalisation des réseaux s’inscrivaient
dans les objectifs des opérateurs du marché. Pour autant, les opérateurs historiques nationaux
étaient tenus de publier les caractéristiques de leurs installations et autres paramètres de
l’architecture de leurs réseaux. La lisibilité technique du marché devait éviter toute
discrimination et supprimer les obstacles d’accès aux infrastructures des télécoms
préexistantes. Les nouveaux entrants devaient commercialiser « à terme »861 leurs services
concurrents, compatibles avec des installations existantes (interopérabilité). Par précaution,
une autorité indépendante de l’exploitant public était chargée de délivrer aux nouveaux
entrants l’agrément technique nécessaire. La première séparation des fonctions d’exploitation
et de règlementation des télécoms venait d’être ainsi instaurée, comme transition dans l’enjeu
de libéralisation du marché des télécoms de base. Auparavant, la fourniture et la circulation
des équipements avaient été libéralisées, en vertu de la directive 88/301/CEE. Cet acquis
communautaire devait être renforcé par une standardisation technologique des infrastructures.
328. Ensuite, la directive 90/387/CEE862 du Conseil du 28 juin 1990 portait sur
l'établissement du marché intérieur des services de télécommunications par la mise en œuvre
de la fourniture d'un réseau ouvert de télécoms. Elle considérait que face à « l’existence de
situations différentes et de contraintes techniques et administratives dans les États, cet objectif

859
Directive 88/301/CEE de la Commission du 16 mai 1988 relative à la « concurrence dans les marchés de terminaux de
télécommunication », préc.
860
L’exemple a été fourni supra en rapport aux équipementiers, comme par exemple, Alcatel et Thomson dédiés au secteur
monopolistique des télécoms en France, Siemens pour les Suédois. Ce mouvement fait suite au démantèlement du même
cartel aux USA, dont la configuration faisait de Western Electric l’équipementier exclusif de la firme ATT, qui elle-même
disposait du monopole naturel de réseaux, avec interdiction de se porter sur les marchés internationaux, au bénéfice de la
firme concurrente ITT qui ne pouvait pas commercialiser ses équipements sur le marché américain.
861
Par la suite, l’annexe III de la directive 90/387/CCE du 28 juin 1990 est venue fixer ce délai de mise en œuvre de la
directive-cadre au 31 décembre 1992. (Dans le monde entier, les accords du GATS/AGCS, spécialement l’Accord de l’OMC
de 1997 sur les télécommunications de base fixaient ce terme à dix (10) ans.)
862
Directive 90/387/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative à l’établissement du marché intérieur des services de
télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture d’un réseau ouvert de télécommunication, JO CE, n° L 192 du
24.07.1990, p.0001-0009.
144

devrait être réalisée par étapes ».863 Elle considérait aussi « que les conditions de fournitures
du réseau ouvert doivent respecter certains principes et ne doivent pas limiter l’accès aux
réseaux et services, sauf pour des raisons liées à l’intérêt public général […] dénommées
"exigences essentielles" ».864
329. Pour éradiquer les obstacles à l’encontre du libre marché, cette directive consacrait
l’égalité d’accès au « réseau public de télécommunications »865, en fixant les principes de base
relatifs aux conditions de fournitures de réseau ouvert. D’une part, les impératifs positifs
d’accès étaient encouragés par les principes de non-discrimination : objectivité, transparence
et égalité d’accès.866 D’autre part, cet accès était fondé sur la sécurité de fonctionnement, le
maintien des services, l’interopérabilité, la protection des données.867

2. Les mesures d’harmonisation en appui de la libéralisation du marché des télécoms

330. Entre 1988 et 1996, la Commission européenne a continué d’adopter des mesures
de libéralisation, sous forme de directive. Cependant, l’harmonisation s’avérait (et demeure
encore) indispensable pour la transposition des règles sectorielles dans les États membres,
sans omettre l’application du droit de la concurrence. Ainsi, le Conseil et le Parlement
européen ont adopté des séries de directives en vertu des articles 95 (ex article 100A, relative
au rapprochement des législations), 47 et 55 (ex articles 57 et 66, relatives à la libre prestation
des services). L’article 95 du Traité (TCE) n’a commencé à être appliqué qu’à une étape plus
avancée du développement du marché.
331. La directive 90/387/CE868 est la première des directives « cadre ONP », qui établit
les normes communes en matière d’interfaces techniques, de conditions d’utilisation et de
principes de tarification pour la fourniture d’un réseau ouvert de télécommunications. Elle a
posé la base du marché européen unifié, impliquant un « réseau ouvert » où toute entité
publique ou privée peut prester ses services. Cette directive a supprimé les barrières des
normes techniques et/ou d’accès. Tous les pays du marché intérieur européen ne peuvent plus
conditionner l’accès à leur infrastructure préexistante, « sauf les restrictions qui peuvent [ou
pouvaient] découler de l’exercice des droits spéciaux ou exclusifs […] compatibles avec le
droit communautaire ».869 Elle admettait néanmoins des réserves des « droits exclusifs »870 sur
le segment des infrastructures des télécoms au profit des opérateurs anciennement détenteurs
de monopoles. La directive 90/387/CEE avait retenu la dénomination « organismes de
télécommunications » pour désigner les bénéficiaires de droits exclusifs.871 La reconnaissance
de cette qualité aux opérateurs historiques nationaux se justifiait, puisqu’ils étaient à l’époque
les seuls détenteurs des infrastructures de réseaux de base ou de référence.
863
Considérant n°1, directive 90/387/CEE, préc.
864
Considérant n°2, directive 90/387/CEE, préc.
865
Article 2, point 3), directive 90/387/CEE, préc. : « "Réseau public des télécommunications", l’infrastructure publique de
télécommunications qui permet le transport de signaux entre des points de terminaison définis du réseau, par fils, par
faisceaux hertziens, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques ».
866
Article 3, al.1, directive 90/387/CEE, préc.
867
Article 3, al.2, directive 90/387/CEE, préc.
868
Directive 90/387/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative à l’établissement du marché intérieur des services de
télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture d’un réseau ouvert de télécommunication, JOCE, L 192 du 24
juillet 1990, pp. 0001-0009.
869
Considérant n°8, directive 90/387/CEE, préc.
870
Article 2, point 2), directive 90/387/CEE, préc. : « "droits spéciaux ou exclusifs", les droits octroyés par un État membre
ou une autorité publique à un ou plusieurs organismes publics ou privés au moyen de tout instrument législatif, réglementaire
ou administratif, leur réservant la fourniture d’un service ou l’exploitation d’une activité déterminée ».
871
Article 2, point 1), directive 90/387/CEE, préc. : « "organismes de télécommunications", les entités publiques ou privées
auxquelles un État membre octroie des droits spéciaux ou exclusifs pour l’établissement de réseaux publics de
télécommunications et, le cas échéant, la fourniture de services publics de télécommunications. »
145

332. Dans ses annexes, la directive 90/387/CEE affirmait les principes de tarification
harmonisée (Annexe II) ainsi que les domaines872 d’élaboration des conditions de fourniture
du réseau ouvert (Annexe I). Elle garantissait la concurrence sur le marché des services de
télécoms avec la suppression des monopoles sur tout autre service que la téléphonie de
« base » par les États. La téléphonie locale était gardée hors champ de la concurrence, par
pragmatisme économique, puisque cette activité était la source principale de revenus des
opérateurs historiques. Une ouverture à la concurrence trop brutale ou trop rapide de cette
niche comportait le risque d’effondrement et de déstabilisation des marchés territoriaux des
télécoms en Europe. L’enjeu portait sur la crainte que notamment les marchés américains
ouverts plus tôt ne puissent écrémer les marchés nationaux européens. C’est seulement plus
tard que le règlement n°2887/2000 aura effectué le dégroupage de la boucle locale. 873
333. En effet, une libéralisation précipitée et totale de tous les segments des marchés
nationaux européens aurait privé de revenus et de préparation au changement ses opérateurs
publics territoriaux. La transition procédait de l’étape de mise en concurrence du segment des
services des télécoms, puis d’une amorce du libre accès aux infrastructures des opérateurs
publics. Pour ces derniers et aussi pour les États, l’enjeu d’innover, dans le cadre d’un
« colbertisme high tech »874, se faisait impérieux, avant l’entrée effective des opérateurs
privés multinationaux en compétition sur le marché avec les (ex-)opérateurs de monopole
public. Le cinquième rapport de la Commission sur la mise en œuvre de la réglementation en
matière de télécommunications soulignait que le réseau d'accès local demeurait l'un des
segments les moins concurrentiels du marché libéralisé des télécoms. Les nouveaux arrivants
ne possédaient pas d'infrastructures de réseaux de substitution étendues et ne pouvaient donc
pas, en utilisant des technologies classiques, égaler les économies d'échelle et la couverture
des opérateurs désignés comme étant puissants sur le marché du réseau téléphonique public
fixe. Cette situation est due au fait que ces opérateurs ont, pendant des périodes relativement
longues, déployé leurs infrastructures d'accès local métalliques en bénéficiant de la protection
de droits exclusifs et qu'ils ont pu financer les dépenses d'investissements grâce à des rentes
de monopole.875
334. Dans la foulée des premières mesures d’harmonisations de la libéralisation par le
Conseil, la Commission avait adopté la directive 90/388/CEE (à la même date que la
précédente 90/387/CE du Conseil) concernant la concurrence dans les marchés des services
de télécommunications.876 La directive 90/388/CEE dite « directive "services de télécoms" »
opérait un « compromis entre l’approche libérale et l’idée de service public ».877 Elle
prévoyait la suppression des droits spéciaux ou exclusifs dans la fourniture des services autres

872
Il s’agissait de : « 1) lignes louées ; 2) services de transmission de données par commutation de paquets et par
commutation de circuits ; 3) réseau numérique à intégration de services (RNIS) ; 4) service de téléphonie vocale ; 5) service
télex ; 6) services mobiles, les cas échéants
873
Règlement (CE) n°2887/2000 du Parlement et du Conseil du 18 décembre 2002 relatif au dégroupage de l’accès à
la boucle locale, préc. « Le Conseil européen qui s'est tenu les 23 et 24 mars 2000 à Lisbonne a conclu que, pour que
l'Europe tire le meilleur parti possible du potentiel de croissance et de création d'emplois de l'économie numérique
fondée sur la connaissance, les entreprises et les citoyens doivent avoir accès à une infrastructure de communications
peu onéreuse et d'envergure mondiale ainsi qu'à une large gamme de services. »
874
L'expression « colbertisme high-tech » est d’Elie Cohen. (E. COHEN, Le colbertisme « high-tech ». Économie des télécoms
et du grand projet, Hachette, Coll. Pluriel, 1992.) Face à la nécessite d'agir et à l'impossibilité de modifier le statut sans
s'opposer à une résistance farouche, la solution pragmatique des gouvernements fut de faire remonter les télécoms dans
l'ordre des priorités de leurs plans d’investissement et de modernisation. La France le fit de 1974 à 1978.
875
Considérants 3, règlement 2887/2000, préc.
876
Directive 90/388/CEE de la Commission du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de
télécommunications, JOCE, n° L 192 du 24 juillet 1990, pp. 00010 et s.
877
D. POPOVIC, op.cit, p. 33.
146

que le télex, la radio messagerie, la communication mobile, la communication par satellite et


la téléphonie vocale. La fourniture des services ouverts à la concurrence pouvait faire l’objet
auprès des États membres d’une procédure d’autorisation ou de déclaration visant le respect
de certaines « exigences essentielles ».878 Les « services à valeur ajoutée »879 ont été
libéralisés à partir du 31 décembre 1990. La simple location de capacité de transmission a été
libéralisée à partir du 1er janvier 1993. Toutefois, les droits exclusifs étaient encore maintenus
en ce qui concerne la fourniture de services de téléphonie vocale. La directive sur cette
restriction faisait application de l’article 86, paragraphe 2, du Traité (TCE).880
335. Au début de la dérèglementation européenne en 1988 et 1990, les directives de
libéralisation ont démantelé peu à peu les segments monopolistiques des télécoms ainsi que
certains obstacles pratiques. Le marché ouvert des télécoms devait fonctionner face à divers
enjeux immédiats : disparités technologiques entre réseaux intra- et interétatiques, résistances
au changement de tout opérateur historique compliquant l’accès de nouveaux entrants sur le
marché libéralisé des services de télécommunications, réticences à réaliser l’interconnexion
des opérateurs privés aux infrastructures se trouvant encore sous droits exclusifs de
l’opérateur historique. Par la suite, une séparation de régimes a été opérée entre l’audiovisuel
et les télécoms. Dans un contexte de convergence des technologies et d’innovation débridées,
la séparation des secteurs de la communication audiovisuelle et des communications
électroniques est une transition juridique, plutôt qu’une exigence technique, d’autant que les
deux technologies sont consubstantielles, comme les deux faces d’une même médaille,
regroupées dans les TIC.881
336. Aussi, la directive 95/51/CE, adoptée par la Commission, a-t-elle approfondi la
directive 90/387/CEE du Conseil du 28 juin 1990, en instaurant la concurrence sur les
services de communications (audiovisuelles) et télécoms. Elle a permis ainsi aux détenteurs
de réseaux de télévision par câble, d'offrir des services téléphoniques à partir du 1er janvier
1996. Par ailleurs, la directive 96/19/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 mars
1996, modifiait la directive 90/388/CE de la Commission du 28 juin 1990 sur la réalisation de
la pleine concurrence sur les marchés des télécoms882. Elle mettait fin au système dual du
marché (semi-libéralisé), en permettant aux États la mise en place d’une régulation complète
du secteur des télécoms de base ouvert à la concurrence.883 La directive 92/44/CEE (directive
« lignes louées ») fixait les règles communes européennes d’harmonisation des conditions
d’accès aux lignes louées sur les réseaux publics de télécoms, anciennement appelées
« liaisons spécialisées ».884

878
Ibidem. Par exigences essentielles, on entend « des raisons d’intérêt général et de nature non économique qui peuvent
amener un État à limiter l’accès au réseau. »
879
Ibidem. Les services à valeur ajoutée sont ceux comprenant un traitement de l’information et non un simple transport de
signal.
880
Ibidem. La « directive » visait seulement la suppression des restrictions à l’usage des infrastructures de réseaux. Elle ne
concernait pas la suppression des droits spéciaux ou exclusif relatifs à la fourniture d’infrastructures de réseaux.
881
Cf. Section 2 du présent chapitre de thèse. Cette réalité s’inscrit dans les premiers soubresauts de réformes en France, qui,
en 1982, avaient déjà marqué une atteinte au monopole des télécommunications en y détachant l’audiovisuel. Cet état de fait
n’est pas non plus sans annoncer les problématiques nouvelles qui sont en cours de discussion en rapport à la « régulation
convergente » dans un contexte de marché qui avait été séparé en plusieurs régulations sectorielles : ART (ARCEP), CSA,
HADOPI, etc. Cf. Section II du présent chapitre.
882
Directive 90/388/CEE du Conseil, du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de
télécommunications, JOCE, n° L 192 du 24 juillet 1990, p.00010 et s.
883
JOCE, L74/13, 22 mars 1996.
884
Directive 92/44/CEE du Conseil du 5 juin 1992 relative à l’application de la fourniture d’un réseau ouvert aux lignes
louées, JOCE L 165, 19 juin 1992, p. 27. Ce sont des lignes affectées aux usages propres de certains utilisateurs, avec de
strictes conditions d’aboutissement ou de connexion.
147

337. La directive 97/13/CE (directive « licences ») se rapportait aux procédures d’octroi


d’autorisation pour la fourniture de services de télécoms.885 Cette procédure était laissée sous
le contrôle des autorités de régulation nationales (ARN), dans les conditions attachées à ces
autorisations. Les nouveaux opérateurs privés étaient ainsi admis sur les marchés libéralisés et
concurrentiels sous le respect des conditions fixées pour leur accès et celui des règles
sectorielles. Au sein du marché régulé, l’interconnexion devait être assurée entre leurs réseaux
ainsi qu’avec les infrastructures préexistantes de l’opérateur historique. La directive 97/33/CE
du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997, relative à l’interconnexion dans le
secteur des télécommunications, visait d’assurer un service universel et l’interopérabilité par
l’application des principes de fourniture d’un réseau ouvert (ONP).886 La Commission avait
également publié des recommandations relatives à l’interconnexion dans un marché de
télécommunications libéralisé.887 La directive 97/51/CE modifie les directives « cadre ONP »
et « lignes louées » en vue de les adapter à un environnement concurrentiel dans le secteur des
télécoms.888 Elle harmonisa également la question du service universel aux conditions de
fourniture d’un réseau ouvert. Ce qui rappelle bien la spécificité duale du marché libéralisé et
régulé, situé entre secteur public et marché de concurrence, faisant l’objet d’intérêt général et
de libre profit. La directive 98/10/CE (directive « ONP téléphonie vocale ») remplace la
directive 95/62/CE relative à l’application des dispositions ONP à la téléphonie vocale.889
338. Le règlement n°2887/2000 a imposé la fourniture d'un accès dégroupé aux boucles
locales métalliques uniquement aux opérateurs puissants dits "opérateurs notifiés", désignés
tels par leurs autorités réglementaires nationales. Ces désignations ont porté sur le marché de
la fourniture de réseaux téléphoniques publics fixes. La directive 97/33/CE890 ainsi que la
directive 98/10/CE891 en avaient posés les modalités. Le dégroupage correspond à l’utilisation
par les nouveaux entrants des infrastructures et autres ressources du réseau local. Le Conseil
européen du 20 juin 2000 à Feira approuva le plan d'action e-Europe, faisant de l'accès
dégroupé à la boucle locale une priorité à court terme. Le dégroupage de la boucle locale
devrait venir en complément des dispositions existantes du droit communautaire qui
garantissent le service universel et l'accès à un prix abordable à tous les citoyens de l'Union
européenne. Les États membres, avec la Commission, avaient été amenés à introduire une
concurrence accrue au niveau du réseau d'accès local avant la fin de l'an 2000. Ils avaient
choisi de dégrouper les boucles locales afin de permettre une réduction substantielle des coûts

885
Directive 97/13/CEE du Conseil du 10 avril 1997 relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les
licences individuelles dans les secteurs des télécommunications, JOCE L 117, 7 mai 1997, p. 15.
886
JOCE, L199/32, 26 juillet 1997.
887
Recommandation de la Commission concernant l’interconnexion dans un marché des télécommunications libéralisé : -
partie 1 : « Tarification de l’interconnexion », le 8 janvier 1998, JOCE L73, 12 mars 1998, p. 42 ; - partie 2 : « Séparation
comptable et comptabilisation des coûts », le 8 avril 1998, JOCE L141, 13 mai 1998, p. 6.
888
Directive 97/51/CE du P.E. et du Conseil du 26 février 1998 concernant l’application de la fourniture d’un réseau ouvert
(ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement
concurrentiel, JOCE, L295, 29 octobre 1997, p. 23.
889
Directive 98/10/CE du P.E. et du Conseil du 6 octobre 1998 modifiant les directives 90/387/CEE et 92/44/CEE en vue de
les adapter à un environnement concurrentiel dans le secteur des télécommunications, JOCE, L101, 1 er avril 1998, p. 24.
890
Annexe I, 1re partie, directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 relative à
l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité
par l'application des principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP), JOCE, L 199 du 26 juillet1997, p. 32.
(Directive modifiée par la directive 98/61/CE, JOCE, L 268, 3 octobre 1998, p. 37). Au préalable, les États
membres avaient communiqué à la Commission les noms de ces opérateurs du réseau public fixe qui sont
puissants sur le marché aux termes de l'annexe I, première partie, de la directive 97/33/CE préc.
891
Directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l'application de la
fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des
télécommunications dans un environnement concurrentiel, JOCE, L 101, 1 er avril 1998, p. 24.
148

de l'utilisation de l'Internet. Ils devaient accroître la concurrence, en assurant l'efficacité


économique et en offrant les avantages maximaux pour les utilisateurs.892
339. En somme, la série des directives ONP a assuré l’open network provision, la
fourniture d’un réseau ouvert à l’échelle interne des États et du marché européens. Elle
présente la finalité d’avoir opéré la libéralisation et l’harmonisation garantissant la fourniture
d’un réseau ouvert de télécoms sur l’ensemble du marché intérieur. Dans le registre transitoire
des directives ONP, le principe d’orientation des tarifs vers les coûts a également été imposé
c’est-à-dire faire supporter seulement des coûts inhérents aux ressources employées pour
l’interconnexion entre opérateurs. En fait, l’ouverture du droit de l’accès commandait que les
opérateurs historiques ne puissent pas faire supporter des charges non pertinentes
d’interconnexion aux nouveaux entrants, par principe de loyauté et de non-discrimination. Les
enjeux successifs des directives européennes sont indispensables pour comprendre leur
transposition française. Ils permettent également de situer le niveau de déréglementation du
marché européen par rapport aux États tiers en Afrique ou aux exigences internationales de
l’OMC.
340. Les lignes directrices de l’ONP précisaient déjà en 1991 les objectifs de législation
étaient sectoriels à articuler afin de parvenir à un cadre juridique de la concurrence, mais sans
pouvoir se confondre totalement au droit de la concurrence. L’ONP n’eut pas vocation à
s’appliquer aux comportements des entreprises, mais son cadre réglementaire et « les règles
de [concurrence] constituent deux corps de règles différents mais cohérents ».893 Entre les
années 1988-2000, les « directives ONP » ont opéré la démonopolisation des segments
d’activités électroniques, en assurant l’émergence de la concurrence sur l’ensemble du marché
des télécoms autour d’une nouvelle assise de régulation ex ante. Les mutations du marché et
du droit ont occasionné la convergence numérique des réseaux et des services de
communications électroniques. Ainsi, la série de directives postérieure à celles dites ONP
marque profondément la transition juridique du marché électronique vers la pleine
concurrence. Elle est formée d’un ensemble de directives dite du « paquet télécom » de 2002,
2009, 2014 et 2015.894 Ces dernières interviennent à un stade quasi-achevé du processus de
dérégulation, marqué par les mutations techniques et économiques à l’ère numérique.
B./ LES TRANSITIONS DU DROIT SECTORIEL DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

341. L’économie numérique est le fruit de ces évolutions positives sur le marché des
télécoms. En s’insérant dans le contexte plus large de la société de l’information, cette
économie est devenue elle-même un nouveau facteur de refondation du cadre réglementaire,
dans les années 2000. Le droit communautaire devait assurer le fonctionnement du marché
libéralisé, en encadrant les aspects juridiques, divers et nouveaux, de la société de
l’information. Ces aspects se rapportent respectivement au commerce électronique et aux
services de communications électroniques. La directive 2000/31/CE895 intervient pour le
premier aspect, tandis que le « paquet télécom » a été adopté en 2002 pour le second aspect.896

892
Considérants 1, 2 et 3 du règlement 2887/2000 préc.
893
Lignes directrices concernant l’application des règles de concurrence de la Communauté au secteur des
télécommunications, JOCE n° C233, 6 septembre 1991, p. 2.
894
Les directives du « paquet télécom » comprennent celles déjà citées dans les notes supra. Celles énumérées aux notes qui
vont suivre s’ajoutent en modifiant, complétant ou abrogeant les précédentes.
895
Directive 2000/31/CE (« directive commerce électronique « ), préc.
896
Les aspects juridiques relatifs au commerce électronique ont déjà été étudiés dans leurs évolutions du titre
précédent (Partie 1, Titre I) de la présente thèse.
149

342. Premièrement, les directives du « paquet télécom » de 2002 s’articulent autour d’un
texte-cadre complété de textes sectoriels : la directive 2002/21/CE du 7 mars 2002 (ci- après
directive « cadre ») 897, la directive 2002/20/CE du 7 mars 2002 (ci-après directive
« autorisation », la directive 2002/19/CE du 7 mars 2002 (ci-après directive « accès »),898 la
directive 2002/22/CE du 7 mars 2002 (ci-après directive « service universel »),899 la directive
2002/77/CE du 16 septembre 2002 (ci-après directive « libéralisation »), la directive
2002/58/CE (ci-après directive « vie privée et communications électroniques »).900
343. Le « paquet télécom 2002 » réadapte les principes d’intervention étatique dans le
contexte général de pleine concurrence et de convergence entre informatique, audiovisuel et
télécoms de base, dans le marché libéralisé. À ce stade, le point majeur de transformation se
situe dans le passage du foisonnant millefeuille législatif de l’« ONP » vers un dispositif
davantage simplifié et allégé du « paquet télécom ». À la différence, le « paquet télécom » est
structuré, avec cohérence, autour d’une « directive "cadre" », définissant la réglementation
générale du secteur des communications électroniques. Pour tenir compte des enjeux
essentiels de la dérégulation des télécoms, des directives spécifiques complètent les aspects
suivants: le service universel,901 les autorisations d’exploitation (des radiofréquences),
l’interconnexion, vice privée et communications électroniques. (1.)
344. La transition du « droit communautaire » s’engage dans la direction d’un marché
libre autour des forces économiques, avec une régulation minimale. Cependant, la « directive
service universel » présente la particularité de maintenir une régulation forte sur des
obligations « aconcurrentielles », selon les mots de Marie-Anne Frison-Roche.902 Malgré les
transformations du service public et la pleine concurrence du marché, l’intérêt général doit
être assuré au milieu d’intérêts privés.903 Le marché ouvert reste le « fruit d’un compromis
entre la libéralisation des activités de réseaux, imposée par le droit communautaire, et les
conceptions nationales Ŕ notamment française Ŕ du service public ».904 En prévoyant un
réexamen périodique de sa portée à intervalle de trois ans, la directive confirme que « le
concept de service universel doit évoluer au rythme des progrès technologiques, des
développements du marché et la demande des utilisateurs ».905
345. C’est ainsi que les révisions de 2009 ajustent les règles en fonction des évolutions
rapides du marché et de l’économique numérique. À cet effet, la deuxième série des directives
du « paquet télécom » (2009) marque le niveau élevé du droit sectoriel des communications

897
Directive 2002/21/CE du P.E. et du Conseil du 7 mars 2002, préc., JOCE, L108/33, 24 avril 2002, pp.33-51.
898
Directive 2002/19/CE du P.E. et du Conseil du 7 mars 2002, préc., JOCE, L108/7, 24 avril 2002
899
Directive 2002/22/CE du P.E. et du Conseil du 7 mars 2002, préc., JOCE, L108/51, 24 avril 2002.
900
Directive 2002/28/CE du P.E. et du Conseil du 12 juillet 2002, préc., JOCE, L 201, 31 juillet 2002, pp. 37 à 47.
901
J. CHEVALLIER, Le service universel, op.cit., p.98-99. « L’apparition au niveau européen de la notion de service universel a
permis de mieux mettre en évidence, par confrontation des facettes de la notion de service public jusqu’alors ignorées ou
considérées comme relevant de l’évidence. Ramener à ses éléments essentiels, le service universel implique la fourniture
d’un service de qualité, couvrant l’ensemble du territoire, accessible à tous et fourni à un prix abordable : on retrouve ainsi
apparemment les principes fondamentaux du régime de service public ».
902
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation…, préc., p. 114-115. L’auteur souligne « la mise en balance entre le
principe de concurrence et un autre principe, aconcurrentiel, voire anticoncurrentiel ».
903
L. DUGUIT, Les transformations du Droit public, éd.MDD, 1999 (Librairie Armand Colin, 1913), pp. XVII-XVIII. « C’est
pourquoi aujourd’hui on ne demande plus seulement aux gouvernants d’assurer les services de guerre, de police, de justice,
mais encore d’organiser et de faire fonctionner toute une série de services industriels et d’empêcher qu’ils ne soient
interrompus pendant un seul instant. […] Les services de guerre, de police, de justice se conciliaient admirablement avec elle
[la souveraineté] ; ils semblaient même en être la manifestation directe. Il en est différemment des services industriels […] ce
n’est plus le pouvoir de commander ; c’est l’obligation d’agir pratiquement ».
904
E. GUILLAUME, « Le service universel des communications électroniques », Lamy, Droit des médias et de la
communication, Etudes 435, juin 2009, cité par J. CATTAN, op.cit., pp. 174-175.
905
Article 15, Directive « service universel », préc.
150

électroniques.906 Les deux paquets télécoms astreignent les États européens aux obligations de
service universel afin de garantir au minimum les objectifs de service public. Les perspectives
du prochain « paquet télécom 2016-2017 » se dessinent encore. (2.)
346. Les « paquets télécoms » 2002 et 2009 présentent des particularités d’objectifs,
d’objets, de régimes. Celles-ci méritent d’être analysées comme aspects de transition des
règles sectorielles des communications électroniques. Elles retracent la logique de
transformation du droit de l’Union européenne en vue d’appréhender les derniers ajustements
du « paquet télécom 2009 ». Ces derniers sont réalisés par les règles adoptées par le Parlement
européen entre 2012, 2014 et 2015,907 tandis qu’une prospective de réforme s’annonce pour
2016-2017. (3.)
1. Les règles du « paquet télécom 2002 » dans le marché numérique
347. Les règles du « paquet télécom de 2002 » sont d’une nouvelle génération, par
rapport à celles de l’« ONP » limitées aux enjeux de libéralisation du marché des télécoms de
base. La différence d’étapes et d’enjeux législatifs est perceptible avec l’adoption de la notion
de « communications électroniques » en lieu et place des « télécoms », pour mettre en
adéquation la sémantique officielle avec le passage à l’économie numérique.
906
Le « paquet télécom 2002 » est composé des règles ci-après (sans les modifications de 2009 et ultérieures) :
(1) Directive 2009/136/CE du P.E et du Conseil modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les
droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, la directive 2002/58/CE concernant
le traitement des données à caractère personnel et la protection et de la vie privée dans le secteur des communications
électroniques et le Règlement (CE) n°2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à
l’application de la législation en matière de protection des consommateurs, JOCE, L 337 du 18 décembre 2009, pp. 11 à 36 ;
(2) Directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant les directives 2002/21/CE
relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative
à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion,
et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques, JOUE, L 337/37, 18
décembre 2009, pp. 37-69 ;
(3) Directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant la directive 2002/22/CE
concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications
électroniques, la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie
privée dans le secteur des communications électroniques et le règlement (CE) no 2006/2004 relatif à la coopération entre les
autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs, JOCE, L
337/11, 18 décembre 2009, pp. 11-36 ;
(4) Directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant les directives 2002/21/CE
relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative
à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion,
et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques, JOUE, L 337/37, 18
décembre 2009, pp. 37-69 ;
(5) Règlement (CE) no1211/2009 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 instituant l’Organe des
régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) ainsi que l’Office JOUE, L 337/1, 18 décembre 2009, pp.
37-69 ;
(6) Règlement (UE) 531/2012 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2012 concernant l’itinérance sur les réseaux
publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union (refonte), JOUE, L 172/10, 30 juin 2012, pp. 10-35 ;
(7) Directive 2014/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à des mesures visant à réduire le coût
du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit, JOUE, L 155, 23 mai 2014, pp. 1Ŕ14 ;
(8) Règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives
à l’accès à un Internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs
au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n o531/2012 concernant l’itinérance
sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, JOUE, L 310, 26 novembre 2015, pp. 1-18.
907
Les textes modifiant le « paquet télécom 2009 » sont :
(1) Règlement (UE) 531/2012 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2012 concernant l’itinérance sur les réseaux
publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union (refonte), JOUE L 172/10, 30 juin 2012, pp. 10-35 ;
(2) Directive 2014/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à des mesures visant à réduire le coût
du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit, JOUE L 155, 23 mai 2014, pp. 1Ŕ14 ;
(3) Règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives
à l’accès à un Internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des
utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n o531/2012
concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, JOUE, L 310, 26
novembre 2015, pp. 1-18.
151

348. Plus particulièrement, le paquet télécom de 2002 réforme la réglementation et la


régulation des réseaux de communications et des services électroniques. Son lot de directives
et règlements approfondit l’ouverture à la concurrence d’anciens secteurs publics
monopolistiques. L’adoption des textes juridiques est intervenue à un stade de fonctionnement
très avancé du marché dérégulé, afin de sécuriser les investissements devant bénéficier à
l’ensemble de la société, tout en offrant aux utilisateurs des services innovants à des
conditions compétitives. L’évolution de la technique et du marché a donné lieu à la
convergence numérique des télécoms et de l’audiovisuel grâce à des réseaux et terminaux
(médias) informatiques. Cette dernière transformation du cadre réglementaire a aménagé la
pleine concurrence, dans la construction du marché intérieur du numérique, sur plus de vingt-
ans de libéralisation de la fourniture des services des télécoms à l’échelle européenne. Le
« paquet télécom » reste ouvert aux enjeux d’encadrement juridique du marché de demain, en
vue de répondre à deux enjeux de premier plan, à savoir : la connectivité de l’ensemble des
citoyens aux services les plus avancés et la préservation du caractère ouvert de
l’environnement numérique. 908
349. Le « paquet télécom » structure le cadre réglementaire des télécoms autour de la
« directive "cadre" » 909 : celle-ci a effectué une harmonisation du régime européen pour les
réseaux et les services de communications électroniques.910 Cette directive propose l’adoption
de règles technologiquement neutres pour accompagner l’ouverture à la concurrence de tous
les acteurs qui ne l’étaient pas. Son champ d’application prend en compte la convergence
entre les secteurs des télécoms, de la radiodiffusion et des technologies de l’information. Elle
concerne les contenants et les services des communications électroniques, à savoir : les
réseaux terrestres, filaires et satellitaires, avec ou sans fil. Toutes les technologies sont
incluses : le réseau public commuté, l’Internet, la télévision par câble et les réseaux mobiles
terrestres. Cependant, la portée (quoique large) de cette directive exclut les contenus liés aux
services de la société de l’information. Pour l’Europe, la nouvelle terminologie officielle
traduit l’ajustement de l’objet des télécoms vers les communications électroniques, intégrant
aussi bien la finalité de communication à distance que la pluralité des moyens numériques
employés à cette fin.911
350. La « directive "autorisation" »912 est relative à l’autorisation des réseaux et services
des communications électroniques. Elle se substitue à la directive 97/13/CE (dite « directive
"licences" ») afin de faciliter l’accès aux marchés nationaux. « Elle réduit au minimum les
barrières administratives. C’est un cadre juridique général qui exclut l’obligation pour les
fournisseurs d’obtenir une décision individuelle de l’autorité de réglementation avant
d’exercer leurs activités ».913 L’autorisation générale d’exploitation est la règle pour tous les
autres cas. L’autorisation préalable est requise, pour la fourniture de services ou de réseaux de
communications électroniques, seulement en cas d’utilisation de ressources rares, comme les
908
Cf. F. BOISNEAULT et J. KELLER, « le "paquet telécoms" adopté par le parlement européen » [archives], Juriscom, 21
décembre 2009. ARCEP, Communiqué de Presse, « L’Arcep contribue à la consultation publique de la Commission
européenne sur la révision du cadre réglementaire des télécoms », 28 janvier 2016.
909
Directive 2002/21/CE du P.E. et du Conseil du 7 mars 2002, préc., JOCE, L108/33, 24 avril 2002, pp. 33-51.
910
Ibidem.
911
Article 2, directive 2002/21/CE du P.E, préc. Ainsi, les services de communications électroniques sont ceux « fournis
contre rémunération qui consistent entièrement ou principalement en la transmission et le routage de signaux sur des réseaux
de communications électroniques, comprenant les services de télécommunications et les services de transmission sur les
réseaux utilisés pour la radiodiffusion, à l’exclusion des services consistant à fournir un contenu transmis à l’aide de réseaux
et de services de communications électroniques ou à exercer une responsabilité éditoriale sur le contenu ».
912
Directive 2002/20/CE du 7 mars 2002, préc.
913
D. POPOVIC, op. cit, p. 50. Directive « autorisation », articles 5 à 8, 10, 11 et 13. Les parties B et C de la directive
présentent une liste des conditions se rapportant aux droits d’utilisation des radiofréquences et numéros.
152

fréquences hertziennes et les numéros téléphoniques. Sur ce point, le travail de la Commission


complète également le paquet télécom : sa directive 2002-77 du 16 septembre 2002 a renforcé
la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications
électroniques.914
351. En outre, la décision n°676/2002/CE du Conseil du 7 mars 2002 appliquait la
politique en matière de spectre radioélectrique.915La transition des régimes entre la directive
« accès » (du paquet télécom) et l’ancienne directive « licence » (de la série ONP) a permis
d’éviter toute distorsion de la concurrence au détriment des entrants d’avant et d’après la
réforme.
352. La « directive " accès" »916 règlemente les droits d’accès tant aux réseaux de
communications électroniques, aux ressources associées qu’à leur interconnexion.917 L’accès
correspond à la mise à disposition de ressources et/ou de services inhérents à la fourniture de
communications électroniques. Par exemple : accès à des bâtiments, pylônes, systèmes de
logiciels. L’interconnexion est la liaison permettant aux utilisateurs de communiquer avec les
utilisateurs d’un autre réseau. L’harmonisation européenne établit une obligation de
négociations commerciales pour l’interconnexion, l’intervention réglementaire étant orientée
sur les atteintes à la concurrence. Les conditions supplémentaires de transparence, de non-
discrimination et de séparation comptables concernent principalement les opérateurs
historiques. Toutefois, le régulateur dispose d’une liste exhaustive des conditions
supplémentaires à imposer aux fournisseurs dotés de « puissance sur le marché ».918
353. La « directive "vie privée et communications électroniques" »919 concerne le
traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur
des communications électroniques, au regard du recours à l’informatique et de ses usages
dans la gestion des flux des réseaux électroniques.920 Il s’agit de la mise à jour de la directive
97/66/CE, sans en changer radicalement les principes généraux de protection des données
personnelles, applicables au secteur des télécoms. La directive de 2002 n’apporte pas de
changements fondamentaux au régime de la directive de 1997, mais actualise des définitions
afin de couvrir les nouvelles formes de communications électroniques. Il en est ainsi de
l’élévation du niveau de protection des « appels non sollicités » en faveur des
« communications non sollicitées ».921
354. La « directive "service universel" » définit ce dernier ainsi que les droits des
utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques.922 Le Livre
vert sur les services d’intérêt général de 2003 a maintenu l’approche des années 1990.923 Il
définit le service universel comme « un ensemble d’exigences d’intérêt général dont l’objectif
est de veiller à ce que certains services soient mis à la disposition de tous les consommateurs
et utilisateurs sur la totalité du territoire d’un État membre, indépendamment de leur position
géographique, au niveau de qualité spécifié et, compte tenu de circonstances nationales

914
JOCE, L 249, 17 septembre 2002, pp. 21-26.
915
Décision n°676/2002/CE Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire pour la politique, en
matière de spectre radioélectrique dans la communauté européenne, JOCE, L108, 24 avril 2002, pp. 1-6.
916
Directive 2002/19/CE du 7 mars 2002, préc.
917
Directive 2002/19/CE du P.E. et du Conseil du 7 mars 2002, préc., JOCE, L 108/7, 24 avril 2002
918
D. BOULAUD, op.cit, p. 39.
919
Directive 2002/28/CE du P.E. et du Conseil du 12 juillet 2002, préc., JOCE, L 201, 31 juillet 2002, pp. 37 à 47.
920
Ibidem.
921
Article 12, directive 2002/28/CE, préc.
922
Directive 2002/22/CE du P.E. et du Conseil du 7 mars 2002, préc., JOCE, L108/51, 24 avril 2002.
923
Commission européenne, Livre vert sur les services d’intérêt général, COM (2003) 270, 21 mai 2003, p. 16.
153

particulières, à un prix abordable ».924 La directive 2002/22/CE du 7 mars 2002 (directive


« service universel ») a été modifiée par la directive 2009/136/CE du 25 novembre 2009.925
2. Les règles du « paquet télécom 2009 » dans la transition numérique
355. En 2009, 2014 et 2015, le réexamen du paquet télécom a recentré ses objectifs face
à de nouveaux enjeux juridiques. Le cadre de fonctionnement du marché tient compte du
dynamisme de l’Internet et de la rapidité des transformations numériques de l’économie.926
356. Les règles du « paquet télécom 2002 » ont connu en 2009 des modifications qui
marquent une transition dans la volonté de désépaissir le millefeuille législatif en faisant à
nouveau927 une coordination de plusieurs directives éparses en une seule avec une cohérence
logique. D’abord, la directive 2009/136/CE a amendé deux directives existantes de 2002, à
savoir : la directive « service universel » et la directive « vie privée et communications
électroniques ».928 Ensuite, la directive 2009/140/CE929 a modifié trois autres directives
existantes, à savoir : la directive 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour
les réseaux et services de télécommunications électroniques (directive « cadre »), la directive
2002/19/CE relative à l’accès aux ressources de communications électroniques et aux
ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive « accès »), la directive
2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques
(direction « autorisation »).
357. Le Règlement (CE) n°1211/2009 a institué l’organe de régulation européen et des
communications électroniques (ORECE). Il fait également partie du « paquet télécom ».930
L’ORECE exécute ses tâches de manière indépendante, impartiale et transparente. Dans
toutes ses activités, l’ORECE poursuit les mêmes objectifs que ceux assignés aux autorités
réglementaires nationales (ARN) à l’article 8 de la directive 2002/21/CE (directive «cadre»).
L’ORECE contribue en particulier à développer le marché intérieur des réseaux et services de
communications électroniques et à améliorer son fonctionnement, en visant à assurer une

924
Ibidem.
925
Directive 2009/136/CE du P.E et du Conseil modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les
droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, la directive 2002/58/CE concernant
le traitement des données à caractère personnel et la protection et de la vie privée dans le secteur des communications
électroniques et le Règlement (CE) n°2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à
l’application de la législation en matière de protection des consommateurs, JOCE, L 337 du 18 décembre 2009, p. 11 à 36.
926
Considérant n°1, directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant les
directives 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications
électroniques, 2002/19/CE relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi
qu’à leur interconnexion, et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques,
JOUE, L 337/37, 18 décembre 2009, pp. 37-69. Le législateur européen considère que « [l]e fonctionnement des cinq
directives composant le cadre réglementaire de l’Union européenne actuellement applicable aux réseaux et services de
communications électroniques […] fait l’objet d’un réexamen périodique de la part de la Commission, notamment en
vue de déterminer la nécessité de le modifier pour tenir compte de l’évolution des technologies ou des marchés ».
927
La génération de textes de l’« ONP » comptait 25 directives ramenées à cinq avec le « paquet télécom 2002 ».
928
Directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant la directive 2002/22/CE
concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications
électroniques, la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie
privée dans le secteur des communications électroniques et le règlement (CE) no 2006/2004 relatif à la coopération entre les
autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs, JO CE L
337/11, 18 décembre 2009, pp. 11-36.
929
Directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant les directives 2002/21/CE
relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative
à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion,
et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques, JOUE L 337/37, 18
décembre 2009, p. 37-69.
930
Règlement (CE) no1211/2009 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 instituant l’Organe des
régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) ainsi que l’Office JOUE L 337/1, 18 décembre 2009, p.
37-69.
154

application cohérente du cadre réglementaire de l’Union européenne pour les communications


électroniques. L’ORECE s’appuie sur l’expertise disponible dans les ARN et exécute ses
tâches en coopération avec les ARN et la Commission. L’ORECE encourage la coopération
entre les ARN et entre celles-ci et la Commission. En outre, l’ORECE conseille la
Commission et, sur demande, le Parlement européen et le Conseil.931
358. En 2009, 2014 et 2015, les acquis européens découlant du cadre réglementaire de
2002 ont été complétés par des règlements, directives, décisions, recommandations et lignes
directrices de la Commission européenne. La directive 2009/140 considère l’objectif de
réduire progressivement la réglementation sectorielle ex ante au fur et à mesure que la
concurrence s’intensifie sur les marchés jusqu’à ce que, à terme, les communications
électroniques soient régies par le seul droit de la concurrence. Compte tenu du fait que les
marchés des communications électroniques ont fait preuve d’une forte compétitivité ces
dernières années, il est essentiel que les obligations réglementaires ex ante ne soient imposées
qu’en l’absence de concurrence effective et durable.932
3. Les amendements des règles du « paquet télécom 2009 »
359. D’autres modifications plus récentes ont été apportées en 2012, 2014 et 2015 au
cadre de fonctionnement du secteur des communications électroniques. Ces réajustements
enrichissent également le « paquet télécom » au regard des objectifs européens pour le marché
unique numérique et la société du gigabit.
360. Premièrement, il en est ainsi du règlement (UE) n°531/2012 concernant l’itinérance
sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union.933 L’Europe
considère que les prix d’itinérance élevés constituent un frein aux efforts entrepris par l’Union
pour évoluer vers une économie de la connaissance, dans ses efforts de réalisation d’un
marché intérieur de 500 millions de consommateurs.934 Le trafic mobile de données est
facilité par l’attribution d’un spectre radioélectrique suffisant devant permettre aux
consommateurs et aux entreprises d’utiliser les services d’appels vocaux, de SMS et de
données partout dans l’Union. Au terme de son article 1er, ce règlement instaure une approche
commune en faveur des usagers des réseaux publics de communications mobiles, voyageant
d’un pays à un autre, passant d’un réseau à un autre, à l’intérieur de l’Union. Le règlement
entend éviter que ces derniers paient un prix excessif pour les services d’« itinérance dans
l’Union ».935
361. En effet, la comparaison doit être établie avec les prix nationaux concurrentiels de
leur réseau d’origine, par rapport au réseau visité. L’appel en itinérance est réglementé avec
un prix-plafond qualifié d’ « eurotarif d’appels vocaux ». Cette règle s’impose lorsque les
usagers voyageurs passent et reçoivent des appels, envoient et reçoivent des SMS et lorsqu’ils
utilisent des services de communication de données par commutation de paquets. De ce fait,
le règlement entend contribuer au fonctionnement harmonieux du marché intérieur, avec trois
objectifs connexes. Il s’agit de garantir un degré élevé de protection des consommateurs. La
931
Article 1er, alinéa 3, Règlement (CE) no1211/2009, préc.
932
Considérant n°5, directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009, préc.
933
Règlement (UE) 531/2012 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2012 concernant l’itinérance sur les réseaux
publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union (refonte), JOUE L 172/10, 30 juin 2012, p. 10-35
934
Considérant n°5, Règlement (UE) n°531/2012, préc.
935
Article 2, f), règlement (UE) 531/2012, préc. : « itinérance dans l’Union»: l’utilisation d’un appareil portable par un client
en itinérance pour passer ou recevoir des appels à l’intérieur de l’Union, envoyer ou recevoir des SMS à l’intérieur de
l’Union ou utiliser des communications de données par commutation de paquets, lorsqu’il se trouve dans un État membre
autre que celui dans lequel est situé le réseau du fournisseur national, du fait d’accords passés entre l’opérateur du réseau
d’origine et l’opérateur du réseau visité.
155

concurrence et la transparence doivent également être favorisées sur le marché. Il est question
d’offrir à la fois des incitations à l’innovation et un choix aux consommateurs.936
362. Deuxièmement, le cas de réforme récente est celui de la directive 2014/61/UE
relative à de mesures visant à réduire le coût de déploiement de réseaux de communications
électroniques à haut débit.937 Elle vise à faciliter et à encourager le déploiement des réseaux
de communications électroniques à haut débit en promouvant l'utilisation conjointe des
infrastructures physiques existantes et en permettant un déploiement plus efficace de
nouvelles infrastructures physiques afin de réduire les coûts liés à la mise en place de ces
réseaux.938
363. Troisièmement, le règlement (UE) n°2015/2120 du Parlement européen et du
Conseil du 25 novembre 2015 établit des mesures relatives à l’accès à un Internet ouvert et
modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs
au regard des réseaux et services de communications électroniques. 939 Le règlement vise à
établir des règles communes destinées à garantir un traitement égal et non discriminatoire du
trafic dans le cadre de la fourniture de services d’accès à l’Internet et les droits correspondants
des utilisateurs finals. Le but est de protéger les utilisateurs finals et de garantir, en même
temps, la continuité du fonctionnement de l’écosystème de l’Internet en tant que moteur de
l’innovation. Des réformes dans le domaine de l’itinérance devraient inspirer confiance aux
utilisateurs finals pour qu’ils restent connectés lors de leurs déplacements au sein de l’Union
et, à terme, jouer un rôle de catalyseur dans la convergence des prix et d’autres conditions
dans l’Union.940
364. En conclusion, le « paquet télécom » aligne entre 2002 et 2015 des directives et
règlements européens correspondant chacun à une fonction particulière, dans l’objectif
proprement européen de bâtir le « marché numérique unique ».941 Les institutions et les États
membres de l’Europe ont décidé d’opérer un réexamen de leur cadre réglementaire pour des
ajustements permanents face à la dynamique économique et technologique du marché
numérique. Les mesures de libéralisation et d’harmonisation marquent la transition juridique
des secteurs des équipements, des services et des infrastructures de télécoms. Elles sont à la
fois le fruit et la réponse graduée des enjeux de politiques législatives des télécoms, ayant
conduit aux communications électroniques. La considération du législateur européen
s’exprime sur « le principe de la neutralité technologique, c’est-à-dire qu’elles n’imposent ni
ne favorisent l’utilisation d’aucun type particulier de technologie ».942

936
Article 1er, règlement (UE) 531/2012, préc. Pour définitions, cf. article 2, d) [« réseau d’origine »], e) [« réseau visité »], i)
[« eurotarif d’appels vocaux »], h) [« appel en itinérance réglementé »], règlement (UE) 531/2012, préc.
937
Directive 2014/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à des mesures visant à réduire le coût
du déploiement de réseaux de communications électroniques à haut débit, JOUE L 155, 23 mai 2014, p. 1Ŕ14
938
Article 1er, alinéa 3, Directive 2014/61/CE, préc.
939
Règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 établissant des mesures relatives à
l’accès à un Internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs
au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) n o531/2012 concernant l’itinérance
sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, JOUE L 310, 26 novembre 2015, p. 1-18.
940
Considérant n°1, Règlement (UE) 2015/2120, préc.
941
T. PENARD et N. THIRION, « La régulation dans les télécommunications : une approche croisée de l’économie et du Droit »,
p. 5 [https//perso.uni-rennes1.fr] (consulté le 14 juin 2016). Cf. T. PENARD, « L’accès au marché dans les industries de
réseau : enjeux concurrentiels et réglementaires », RIDE, n°2/3, Paris, 2002, 293-312.
942
Q. SGARD, Les nouveaux enjeux de la neutralité : du flux à la donnée, Mémoire présenté dans le cadre du Master 2 Droit
du numérique, Administration-Entreprises, sous la direction de M. Antonin Agier et M. William Gilles, Université Paris 1 -
Panthéon Sorbonne, juin 2016, p. 25. Pour explication : « La neutralité des réseaux pose un double enjeu. [...] Elle doit faire
l’objet d’une surveillance de la concurrence sur son plan horizontal : classiquement d’un besoin des autorités de concurrence
de veiller à ce que les opérateurs entre eux respectent des normes d’interopérabilité, d’accès aux ressources (partage des
infrastructures ou mutualisation) ou encore de respect de certaines prérogatives entourant le service minimum. »
156

365. Au niveau européen, la transformation du droit sectoriel des télécoms sert à


construire le marché numérique intérieur, en encadrant le fonctionnement du jeu de la pleine
concurrence, en protégeant le consommateur et en assurant l’intérêt général. Celui-ci se
traduit en service universel, dont l’obligation (sous financement) est de créer une disponibilité
d’accès géographique et à moindre coût pour tous. Au cours des dernières décennies,
l’Internet est devenu une plateforme ouverte d’innovation facile d’accès pour les utilisateurs
finals, les fournisseurs de contenus, d’applications et de services et les fournisseurs de
services d’accès à l’Internet. Le cadre réglementaire existant vise à favoriser la capacité des
utilisateurs finals à accéder aux informations de leur choix et à les diffuser. Il s’agit aussi pour
eux d’utiliser les applications et les services de leur choix. Au vu de ces évolutions, il est
nécessaire d’adopter, au niveau de l’Union, des règles communes pour garantir le caractère
ouvert de l’Internet et éviter une fragmentation du marché intérieur due aux mesures prises
individuellement par les États membres.943
366. Toutes les références européennes ci-dessus sont censées servir en droit comparé
européen, français, africain et précisément congolais. Le droit communautaire européen s’est
recentré sur une « directive "cadre" » autour de laquelle sont disposées des règles concernant
les aspects particuliers du secteur des communications électroniques. Au départ des réformes
du monopole réglementaire, les règles issues des « directives "ONP" » de 1980-1990 étaient
marquées d’une approche purement sectorielle. Les mesures étaient superposées selon des
objectifs de politique législative graduelle et circonstancielle. Au fil des années, la réalisation
de la pleine concurrence rapproche davantage les communications électroniques de
l’économie dans son ensemble. En RDC, comme cela est analysé au Titre suivant et à la
seconde Partie de thèse, c’est une loi-cadre qui a permis de réaménager le monopole public
des télécoms en 2002. Cette loi est restée sectorielle sans avoir totalement démantelé le reste
des « droits exclusifs et spéciaux » portant sur le réseau de référence de l’exploitant public.
Une autre loi spécifique concerne l’organisation et le fonctionnement de l’Autorité de
régulation des Postes et des télécommunications (ARPTC), créé en 2002. En comparaison
avec l’évolution des normes européennes, le droit positif congolais se situe au niveau des
premières directives ONP de 1990.944
367. En France, la transposition des acquis communautaires permet en revanche
d’observer la mise en œuvre des règles européennes, sous l’autorité de son système juridique
national. L’étude du droit français des télécoms présente des aspects de législation adaptés à
l’autonomie de certaines solutions juridiques dans le cadre de la politique européenne. Elle
analyse les régimes et institutions juridiques établis par la France au fil du temps, non
seulement face aux enjeux de la dérégulation des télécoms, mais aussi face aux évolutions du
marché européen des communications électroniques. (Section 2.)

943
Considérant n°2, règlement (UE) 2015/2120, préc.
944
Loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002, préc. Loi n°014/2002 du 16 octobre 2002, préc. Cf. Partie 2, Titre
1, Chapitres 1 et 2 de la présente thèse.
157

SECTION II -
LES TRANSFORMATIONS DU DROIT FRANÇAIS
DANS LES ENJEUX DE L’« EUROPE DES TÉLÉCOMS » ET DU MARCHÉ NUMÉRIQUE

368. Parmi les États bâtisseurs de l’« Europe des télécommunications »945, la France
offre des prémisses singulières de transition de son ordre juridique interne. L’œuvre du
législateur de ces trente dernières années présente des étapes importantes de transition du droit
sectoriel français, face aux évolutions des techniques de communication et du marché
numérique. Dès 1970-1980, les autorités françaises ont appréhendé les enjeux internationaux
de transition technologique, en réalignant les lois du pays par rapport aux règles et enjeux
communs de déréglementation du marché européen. Leurs politiques législatives ont
notamment tenu compte des évolutions de l’économie de marché américaine et britannique. Il
était également nécessaire de préparer le pays à la construction européenne, aux mutations
technologiques et à la mondialisation des marchés. Ainsi, « [i]l ne s’agit pas de faire plier le
droit sous le joug de l’économie mais de prendre dorénavant en compte, en temps réel, les
critères pertinents de l’économie dans l’élaboration du droit ».946
369. De ce point de vue, le dynamisme interne du droit français est une riche expérience
d’évolution des règles à la mesure des enjeux évolutifs du marché des télécoms. Les débuts
des réformes du service public des télécoms sont marqués d’initiatives autonomes du droit
français. En France, les premières bases de transition juridique n’ont pas attendu la
communautarisation européenne dans le domaine. Les transpositions françaises des acquis
européens débutent en 1990 en ce qui concerne les lois sectorielles des télécoms et des
communications électroniques. Mais, la dernière « Loi sur la République numérique »
rappelle l’originalité du pays, à conduire la transformation générale de son droit national.
Ainsi, la transformation du droit positif français peut s’analyser en deux grandes étapes de
transition des lois, dans le domaine actuel de l’économie numérique.
370. En premier lieu, depuis la loi du 2 mai 1837 sur les lignes télégraphiques, adoptée
sous Louis-Philipe, les lois de 1982947 et de 1986948 sur la communication audiovisuelle
amorcent la grande « manœuvre » des réformes du secteur des PTT. En Europe, les mesures
juridiques de libéralisation n’interviennent alors que dès 1988 et celles d’harmonisation dès
1990. En France, les lois françaises de 1990 et de 1996 transposent les directives « ONP », en
présentant un double champ d’action. Le processus de transition française des télécoms a
systématiquement associé la transformation de son cadre réglementaire avec la réforme en
profondeur du service public des télécoms. La libéralisation des segments du marché français
des télécoms, l’instauration de l’ART et le détachement de « France Télécom » de la
DGT/Administration des PTT, marquent un « aboutissement d’étape » pour la réforme des
services publics des télécoms. (§1)
371. Deuxièmement, la « directive commerce électronique »949 et les règles du « paquet
télécom »950 engagent la France à partir des années 2000 dans une nouvelle étape de transition

945
Face aux mouvements des réformes du marché libéral, les Chefs d’États européens s’étaient réunies en France, le 20 juin
1984, au Sommet de Fontainebleau sur l’ « Europe des télécommunications ». L’intitulé de ce sommet et son caractère
extraordinaire traduit sans nul doute l’ambition de la mission constructive de l’Europe face à l’internationalisation des
marchés américains et la position de l’Europe dans ce mouvement de mondialisation du marché des télécommunications.
946
A. RUTILY et B. SPITZ, « Les nouveaux enjeux de la révolution numérique », Hermès, n°44, 2006, p.117.
947
Loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, version initiale, JO RF du 30 septembre 1982,
p.2431, version consolidée [https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000880222] (consultée le 1er juillet 2016).
948
Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication (audiovisuelle), « Loi Léotard », JO RF du 1er oct.
1986, p. 117 [https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000512205&dateTexte=20160701] (consultée le 1er juillet 2016).
949
Directive 2000/31/CE, préc.
158

de ses lois face à l’économie numérique et à la société de l’information. En 2004, en guise de


transposition des règles européennes, deux principales lois sectorielles sont adoptées, à
savoir : la « LCEN »951 et la « LCE » 952. Dans la foulée, le législateur de 2003 autorise la
privatisation de « France télécom » qui est réalisée en 2004. C’est l’aboutissement de l’axe de
réforme sectorielle initié plus de vingt ans auparavant.953 En France « [l]a libéralisation
menait à la privatisation, bien que les directives de libéralisation n’aient pas explicitement
ordonné la privatisation des opérateurs ».954
372. Par ailleurs, l’avènement de la société de l’information conduit à des retouches de
plusieurs lois, y compris la LCEN au regard des aspects transversaux des NTIC sur
l’économie. Notamment en 2008, la France ajuste sa législation face aux enjeux de
modernisation de l’économie (LME)955 et de développement de la concurrence.956 Mais en
2016, c’est bien la « Loi pour la République numérique » (« Loi Numérique ») qui adopte un
profond réalignement du cadre juridique français dans et par rapport à la transition numérique
de l’ensemble des secteurs de la vie nationale. Plus de trente Codes de lois sont modifiés à cet
effet, dans la ligne des perspectives dépassant le droit sectoriel du marché électronique à la
faveur de la société numérique. (§2)
373. L’expérience française est à rapprocher du niveau du droit des télécommunications
en RDC. Cette dernière a conservé à ce jour la logique d’un « droit sectoriel » ainsi que la
notion des télécoms sans intégrer celle de la convergence apportée par les réseaux numériques
à intégration des services (RNIS), dont l’Internet est le fleuron. 957 Le marché congolais reste à
ce jour un « marché dual » : les mesures législatives de libéralisation concernent le segment
des services de télécoms tandis que le sous-domaine des infrastructures de transmission est
légalement sous monopole public. Mais, cette configuration du marché est dépassée dans les
faits par la présence des opérateurs privés dans tous ses compartiments. De ce constat, le droit
positif congolais est resté au niveau correspondant des lois françaises de 1990 sur la
réglementation des télécoms, sans que par ailleurs les réformes de l’exploitant public des
télécoms en RDC n’aient été menées de manière conséquente comme la France l’a fait avec
son ex-DGT/France Télécom. Au regard de la transversalité des télécoms, l’interrégulation est
de venue un souhait. Il s’agit de la collaboration entre régulateurs étatiques des domaines
voisins aux télécoms. L’interrégulation n’avait pas été envisagée par le législateur congolais,
ni organisée dans la pratique, comme par exemple l’ARCEP collabore avec l’Autorité de la
concurrence, le CSA, l’HADOPI, l’ARJEL, etc.958 Toujours est-il que la régulation des

950
Cf. Notes précédentes (liste des directives du « paquet télécom » de 2002, 2009 et 2012).
951
La n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (« LCEN »), JORF, n°143, 22 juin
2004, p. 11168.
952
Loi n°2004-569 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services audiovisuels (« LCE »),
JORF, 10 juillet 2004.
953
J. T. HONDE, Service public et efficacité ; la réforme des télécommunications en France, Thèse de doctorat en droit public
sous la dir. du prof Roland Drago, Université Panthéon Assas, Paris, soutenue en mai 1993, p. 211. X. DENIS-JUDICIS et J.-P.
PETIT, Les privatisations, Montchrestien, coll. Clefs-Economie, 1998. Les deux derniers auteurs analysent depuis une
vingtaine d’années, l’essor des privatisations tant dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de développement. Ce
mouvement suscite de nombreuses questions à l’échelle internationale sur les aspects juridiques, économiques et financiers.
954
D. POPOVIC, op.cit, p. 13.
955
Loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, JORF, n°181, 5 août 2008, pp. 12471 et s.
956
Loi n°2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs,
JORF, n°3, 4 janvier 2008, pp. 258 et s.
957
J.-C D. EKAMBO (sous la dir.), L’Internet et la RDC – Technologies –Appropriations – Société, Université
Catholique au Congo, CEDESURK, Doc.048/09, Kinshasa, 2009.
958
M.-A. FRISON-ROCHE, Internet, espace d’interrégulation, coll. « the journal of regulation », Dalloz, 2016. Cf.
notamment : M. DE SAINT PULGENT, « Les besoins d’interrégulation engendrés par Internet. Propos introductifs »
(pp. 3-5) ; M.-A. FRISON-ROCHE, « Penser le monde à partir de la notion de la "donnée" » (pp. 7-16), L.
159

télécoms en RDC connait un fonctionnement en « silo » que le président de l’ARPTC a


qualifié d’« intra-régulation » avec la présence d’un ministère des PTT agissant en
concurrence avec le régulateur, sans la présence d’une Autorité nationale de la concurrence. 959
374. Aussi, la législation congolaise des télécoms reste-t-elle très en retard sans avoir
intégré la dimension des communications électroniques, ni leur valeur d’intermédiation
d’accès au commerce électronique et encore moins la dimension de l’économie numérique.
En Europe depuis 2000 et en France depuis 2004, le cadre réglementaire des communications
électroniques est davantage décloisonné non seulement par rapport à la pleine concurrence
mais aussi et surtout par rapport à son interpénétration avec d’autres marchés. Encore faut-il
signaler que la loi française pour la République numérique d’octobre 2016 apporte une
nouvelle dimension législative et multisectorielle au regard des implications des
communications électroniques dans les multiples aspects de la vie sociale. De manière
relative, ce niveau très avancé du droit français dépasse les besoins de législation et d’analyse
comparative par rapport la RDC.960 De manière absolue, la « loi Numérique » dépasse
également le simple cadre réglementaire des communications électroniques ou de l’économie
numérique. Cependant, elle mérite d’être retenue dans les perspectives d’analyse, puisqu’elle
présente une brillante expérience des liaisons du numérique avec d’autres branches du droit.

§1. Les transformations du secteur français des télécoms


de 1982 à 2003 au regard de l’acquis communautaire européen

375. En France, la libéralisation des télécoms a été un long processus opéré par plusieurs
lois, dont les premières précèdent les mesures du « droit communautaire ».961 D’abord, les lois
de 1982 et de 1986 sur la communication (audiovisuelle) demeurent historiques, en ce
qu’elles fondent les bases de réformes des télécoms par la seule perspicacité du législateur
français. C’est ensuite que l’Europe engage officiellement en 1984-1987 et maintient depuis
1988962 sa politique de dérégulation des télécoms. L’instrument du droit a été efficacement
utilisé par les institutions européennes pour transformer les services publics nationaux. (A)
376. Les lois successives entre 1990 et 1996 opèrent la transposition des règles
européennes sur des axes de réformes suivants : démonopolisation, instauration de la
concurrence, séparation du rôle du marché avec la « réglementation », cette dernière étant
distinguée en régulation ex ante et en réglementation ex post. La transformation générale du
droit public économique alimente la réforme de la réglementation sectorielle des télécoms, en
opérant le changement de statut de l’opérateur historique, anciennement monopolistique. (B)

BENZONI, « De l’accès aux infrastructures à l’accès aux moyens numériques : Nouvelle frontière pour la
régulation des communications électroniques » (pp. 17-42) ; J.-F. VILOTTE, « Les régulations sectorielles de
l’Internent ne doivent se distinguer de la régulation des réseaux physiques de distribution que si et seulement si
la continuité de l’application du Droit le justifie » (pp. 99-108) ; (tous) in M.-A FRISON-ROCHE, idem.
959
Cf. pour développement de l’analyse comparée : Partie 2, Titre I, Chapitres 1 et 2 de la présente thèse.
960
Dans la seconde partie de thèse, les Titres I traite de la nécessité de parachèvement du droit congolais des
télécoms, tandis que le Titre II examine les projets de loi sur les télécoms, les TIC, les échanges et le commerce
électroniques. Si le droit positif congolais est en déphasage à la lumière du droit français, ses projets de lege
ferenda actuellement en examen au Parlement (depuis avril 2017) ne dépassent pas le niveau des lois françaises
de 2004 pour la cofiance en l’économie numérique. A fortiori, la « loi pour la République numérique » paraît
d’une optique trop futuriste pour les besoins de la situation, de la législation, de la comparaison en rapport avec
la RDC.
961
Le terme « communautaire » est employé à dessein. Les initiatives de libération de l’Europe des télécoms se situent à
l’époque de la CEE. Elles sont antérieures à la date de signature le 13 décembre 2007 du Traité de Lisbonne modifiant le
traité sur l’UE et le traité instituant la CE, CIG 14/07, Bruxelles, 3 déc. 2007.
962
Directive 88/301/CEE du 16 mai 1988, préc.
160

A. / LES LOIS FRANÇAISES DE DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS


DANS LA CONSTRUCTION DU MARCHÉ EUROPÉEN

377. Les lois de 1982 et 1986 sur la communication sont considérées comme les
premières lois de dérégulation en France.963 Elles ont séparé les télécoms de la
communication audiovisuelle en vue d’ouvrir cette dernière à la concurrence. Cet exemple de
perspicacité des années 1980 reste encore inscrit en droit positif français. À plusieurs égards,
les bases de démonopolisation du secteur public se situent ainsi avant la communautarisation
des règles s’y rapportant s’y rapportant. (1) Par la suite, les lois françaises transposent les
mesures de libéralisation et d’harmonisation européennes, dans le domaine des télécoms.
Toutefois, le mouvement de transformation générale du droit français des services publics
donne un autre relief aux acquis européens de dérégulation sectorielle des télécoms. La
transition du cadre réglementaire se traduit par la création de l’ART et la restructuration de
l’Administration des PTT de l’EPA en EPIC. Mais, la réforme française a finalement inséré le
statut de l’ancien opérateur de monopole public dans les règles du droit de société. Ainsi, la
dérégulation française se particularise avec la privatisation de « France télécom », ancien
opérateur de monopole public. (2) Les lois de 1990 (3) et celles de 1996 (4) évoluent en
logiques sémi-libérales des réformes vers une logique libérale et de régulation sectorielle.
1. Les lois pionnières de restructuration du monopole des télécoms
378. En France, l’État s’était arrogé le contrôle exclusif du secteur naissant des télécoms
depuis la loi du 2 mai 1837 sur les lignes télégraphiques, adoptée sous Louis-Philipe en vue
de réglementer le télégraphe de Chappe. Son texte composé d’un article unique était repris à
l’article 33 du CPT dans sa version antérieure à la réforme législative des années 1990. Il
disposait en ces termes : « Quiconque transmettra, sans autorisation, des signaux d’un lieu à
un autre, soit à l’aide de machines télégraphiques, soit par tout autre moyen, sera puni d’un
emprisonnement d’un mois à un an, et d’une amende de mille à deux mille francs ».964
379. Sur cette base, l’administration publique était le seul exploitant des télécoms en tant
que branche du ministère des PTT. C’est en 1909 que la première séparation a été effectuée
entre les Directions de l’exploitation en charge du télégraphe et celle du téléphone au sein
dudit ministère. Comme l’écrit Nicolas Arpagian : « Rappelons ici pour mémoire que la
France s’est dotée dès 1915 d’une Section de contrôle télégraphique afin d’inspecter les
correspondances postales et télégraphiques en provenance, à destination ou transitant par son
territoire ».965 Dans le service public français, la Direction des télécommunications a été créée
en 1941, avant de connaître en 1970 un nouvel aménagement de ses structures administratives
par la création de la DGT (Direction Générale des Télécommunications) avec un personnel
distinct de la poste (DGP).966
380. Cependant, bon nombre d’actes législatifs et gouvernementaux français sont
intervenus avant la transposition française des directives européennes. Ils ont remis en cause
le monopole public exercé par la DGT dans les secteurs des télécoms en France, sur la seule

963
Loi n° 82-652 du 29 juillet 1981 sur la communication audiovisuelle ? JORF, 30 juillet 1982, pp. 2431 et s. Loi n°86-
1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, JORF, 1 er octobre 1986, pp. 11755 et s.
964
P. CHARBON, « Genèse du vote de la loi de 1837, origine du monopole des télécommunications », in C. BERTHO-LAVENIR
(sous la dir.), L’État et les Télécommunications en France et à l'étranger 1837-1987, actes du colloque organisé à Paris les 3
et 4 nov. 1987 par l'École Pratique des Hautes Études et l'Université Paris V, Librairie Droz, Genève, 1991, pp. 11-21.
965
N. ARPAGIAN [2016], La cybersécurité, op.cit, p. 10.
966
D. BAZI-DUMONT, « Le processus de libéralisation des télécommunications en France », posté le 4 fév. 2004 [www.e-
juristes.org/le-processus_de_liberalisation-des167] (consulté le 14 juin 2016). En 1988, la DGT devient France Télécom. Le 1 er janvier
1991, celle-ci devint exploitant autonome de droit public.
161

base du droit français. Dans les faits, l’effritement de cette exclusivité a été entrepris en ses
débuts par une dynamique propre de l’État français, avant la première directive européenne de
libéralisation de 1988 ainsi que la publication du Livre vert de 1987 l’ayant précédé.967
Plusieurs sources françaises marquent les étapes de transition juridique du marché des
télécoms. Cet élan interne est originalement français, parce que les premières réformes de
libéralisation des télécoms sur le plan national n’ont pas attendu la dérégulation du marché
mondial.
381. Dans un premier temps, entre 1981, 1982 et 1986968, la volonté Ŕ non-aboutie du
gouvernement français de mettre à jour le cadre réglementaire des télécoms Ŕ lui permit
néanmoins d’atteindre deux objectifs dans le domaine de la communication audiovisuelle.969
Ainsi, une « première loi " dérégulatrice" en France 970» parvint à abolir le monopole d’État
sur la radiotélévision (Minitel, compris) ainsi qu’à réaliser la séparation de ses fonctions
d’exploitation et de régulation. Dans cet ordre d’idées, la première des mesures remettant en
cause le monopole des télécoms fut d’ordre législatif : la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la
communication audiovisuelle exclut cette matière du champ de l’article 33 du CPT. Cet
article précité fondait le monopole dans les mêmes termes que la loi du 2 mai 1837 adoptée
sous Louis-Philippe sur le télégraphe de Chappe. La loi de 1982, en vigueur à ce jour971, vise
la mise à disposition du public d’un contenu de télécommunications en ouvrant ainsi
l’audiovisuel, Minitel et télévision, à la concurrence. L’observation des mutations à l’étranger
(États-Unis972 et Japon973) ainsi que la pression du progrès technologique obligeaient la
France à se positionner dans la prospective de la convergence des médias électroniques, avant
les premières exigences de construction de l’Europe des télécommunications sus-décrites.974
382. La seconde mesure française de démantèlement du monopole public des télécoms
est intervenue par décision administrative. Le Ministre des PTT, Louis Mexandeau, décida de
la restructuration organique des PTT, de concert avec les directeurs généraux de la Poste
(DGP) et des télécommunications (DGT). L’annonce de cette autorisation faite le 27
novembre 1985, allait dans le sens de la séparation des fonctions d’exploitation et de
réglementation. C’est ainsi qu’une Délégation générale à la stratégie a été créée au sein de
l’administration des PTT et placée comme les deux précédentes, sous l’autorité du ministre
des PTT. Plus tard, la Commission nationale de la communication et des libertés (CNC) fut
créée par la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

967
Directive 88/301/CEE du 16 mai 1988, préc. Commission de la Communauté européenne, Livre vert sur le développement
du marché commun des services et équipements des télécommunications [1987], préc.
968
Cf. spécialement : Loi n°81-994 du 9 novembre 1981 portant dérogation au monopole d’État de la radiodiffusion, JORF,
10 novembre 1981, pp. 227 et s. C’est la période sous la première mandature du Président François Mitterrand, avec un
Premier Ministre de gauche (Partie Socialiste) avec comme Premier Ministre, Pierre Mauroy et M. Louis Mexandeau comme
Ministre des PTT.
969
Cf. pour rappel : loi n° 82-652 du 29 juillet 1981 sur la communication audiovisuelle ? JORF, 30 juillet 1982, pp. 2431 et
s ; loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, JORF, 1 er octobre 1986, pp. 11755 et s.
970
A. GIRAUD, « Les prémisses de la déréglementation », Les cahiers de l’AHTI, n°9, janvier 2008, p.7.
971
Cette loi de 1982 demeure en vigueur moyennant quelques modifications. Cf. E. DERIEUX et A. GRANCHET, Droit de la
Communication, Lois et Règlements, Hors-Série 2014, 35e année, Legipresse, Coll. L’actualité du droit des médias et de la
communication, Paris, 2014, p. 100 et s. et 141-142
972
Les USA démantelaient le monopole naturel de la firme AT&T en 1984. En 1980, la première chaîne de télévision à
vocation planétaire, CNN (Cable News Network). Cf. P. MOREAU DEFARGES, op.cit., p. 40. « La mondialisation est
indissociable d’une multiplication des liens d’information et de communication. Ici, l’espace et le temps se trouvent
massivement contractés [...] CNN, illustration exemplaire d’une Terre câblée. »
973
En 1985, deux Lois de la Diète japonaise (Parlement) avaient respectivement transformé NTT (Nippon Telegraph and
Telephone) du statut d’opérateur public à entreprise, et instauré la concurrence dans un marché monopolistique.
974
Cf. Section précédente (section 1) du présent chapitre de thèse.
162

(audiovisuelle), dite « Loi Léotard ».975 L’expérience de la CNC est l’ancêtre du Conseil
supérieur de l’audiovisuel (CSA), comme organe régulateur sur ce champ. L’article 4 de
ladite loi l’identifiait comme « autorité administrative indépendante qui comprend treize
membres nommés par décret » 976 avec l’idée d’un secteur libéralisé de l’audiovisuel,
consacrant une séparation de la réglementation (Ministère) et de l’exploitation (opérateurs
TV). Ces deux actes constituent effectivement les premières atteintes, tout aussi symboliques
que décisives, au monopole des télécoms.977
383. La loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 vise en son préambule la loi n°82-652 du
29 juillet 1982 modifiée à ce jour, sur la communication audiovisuelle.978 La portée de ce
texte reste clairvoyante quant aux bases et aux principes de transformation du monopole en un
secteur (dé)régulé. Sa « version initiale » fonde le principe de la liberté et de l’égalité de
traitement, sauf pour des exigences d’ordre public, quant à l’exploitation et à l’utilisation des
services de communications audiovisuelles.979 Elle définissait clairement les télécoms et
l’audiovisuel, 980 tout en séparant leurs départements respectifs et en instaurant un organe de
régulation, précurseur du CSA.981
384. Par ailleurs, l’article 34 de la « loi Léotard » de 1986, aujourd’hui abrogé, mettait
les communes (collectivité territoriale) en concurrence avec la DGT sur son segment
monopolistique des télécoms. Il disposait que « les communes établissent ou autorisent
l’établissement sur leur territoire des réseaux distribuant par câble des services de
radiodiffusion sonore et de télévision ».982 Ainsi, par décret983 et circulaire984 d’application, le

975
D. BAZIT-DUMONT, « Le processus de libéralisation des télécoms en France », e-juristes.org, posté le 4 février 2004, in
[http://www.e-juristes.org/le-processus-de-liberalisation-des167/] (consulté le 7 avril 2017). Il importe de noter que « De
plus, en 1944 apparaît le Centre National d’Etude des Télécommunications (CNET) ».
976
Art. 4, 1° à 6°, loi n°86-1067 du 30 sept. 1986, JORF, 1er oct. 1986, p.11755. La composition et le mode de désignation
des treize membres : 1°Deux désignés par le Président de la République ; deux par le Présidente de l’Assemblée nationale ;
2° un membre (honoraire) du Conseil d’État élu par ses (ex-)pairs du grade minimum de conseiller État ; 3° un magistrat
(honoraire) de la Cour de cassation élu par ses (ex-)pairs d’au moins le grade de conseiller ou avocat général ; 4° un magistrat
(honoraire) de la Cour des comptes élu par ses (ex-)pairs du grade minimal de Conseiller-maître ; 5° un membre de
l’Académie française élu par celle-ci ; 6° une personnalité qualifiée dans le secteurs des télécoms et une autre dans le secteur
de la presse, cooptées par les dix membres prévus ci-dessus.
977
R. GILARDIN, op.cit., p.47-50 (la fièvre libérale gagne la France). ŔCf. aussi A. GIRAUD, op.cit., p. 7. ŔA. DARRIGRAND,
« La modernisation du service public : l’exemple des PTT 1990 Ŕ leçons d’une réforme », Politiques et management public,
vol. 20, n°4, décembre 2002, p.138. M. FENEYROL, « Déréglementation et télécommunications, des premiers mouvements
aux lois de 1990 », Les cahiers de l’AHTI, n°9, janvier 2008, p.19 [http://www.ahti.fr/index.php/index.php/articles/11-
cahier/23-cahier-9.html] (consulté le 10 novembre 2016).
978
Cf. pour les modifications législatives (en 2004) : les lois dites « LCEN ». et « LCE », préc.
979
Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 sur la communication [audiovisuelle], version initiale, préc., « Article 1er. Ŕ
L’établissement et l’emploi des installations de télécommunication, l’exploitation et l’utilisation des services de
télécommunications sont libres. Cette liberté ne peut être limitée, dans le respect de l’égalité de traitement, que dans la
mesure requise par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public ainsi que par la sauvegarde
de l’ordre public, de la liberté et de la propriété d’autrui et de l’expression pluraliste des courants d’opinion. Le secret
des choix fait par les personnes parmi les services de télécommunication et parmi les programmes offerts par ceux-ci
ne peut être levé sans leur accord ».
980
Ibidem, « Article 2. Ŕ On entend par télécommunication toute transmission, émission ou réception de signes, de
signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de renseignements de toute nature, par fil, optique, radioélectricité ou autres
systèmes électromagnétiques. On entend par communication audiovisuelle toute mise à disposition du public ou de
catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de
messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée ».
981
Ibidem, « Article 3. Ŕ Il est institué une Commission nationale de la communication et des libertés qui a pour
mission de veiller au respect des principes définis à l’article premier ».
982
Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication, préc.
983
Décret n°87-775 du 24 septembre 1987 relatif aux liaisons spécialisées et aux réseaux téléphoniques ouverts à des tiers
984
Circulaire du 16 mars 1988 prise en application du décret n°87-775 du 24 septembre 1987 relatif au régime général des
liaisons spécialisées et au régime des réseaux télématiques ouverts à la des tiers utilisant des liaisons spécialisées.
163

ministre des PTT (Gérard Longuet985) autorisa des exploitants alternatifs à mettre en œuvre
cette faculté, moyennant des conditions techniques, complexes. En outre, sur le plan de
l’atteinte au monopole légal de la DGT, une mesure réglementaire prise en décembre 1987 par
le même Ministre, autorisa la Société Française du Radiotéléphone (SFR) 986 à opérer en
concurrence avec Radiocom 2000, le service de la DGT qui opérait sur le segment du marché
de la radiotéléphonie.987
385. À ce jour, les lois ci-dessus de 1982 et de 1986 font encore partie du droit positif
français dans le secteur de la communication (audiovisuelle).988 Ces lois font preuve de
pragmatisme et de perspicacité, dans une dynamique législative proprement française. En
Europe, la « directive "terminaux des télécoms" » de la Commission de 1988989 est intervenue
par la suite, dans le cadre des mesures prises par la Commission européenne pour
l’encadrement de la libéralisation des marchés. La transposition française des règles
européennes reste donc caractérisée par des mesures antérieures de droit interne. Depuis 1990,
l’initiative européenne a pris le dessus sur le processus législatif d’initiative nationale.
2. Les lois françaises de libéralisation des télécoms dans l’harmonisation européenne
386. Les lois de transposition française de 1990 et 1996 ont réorganisé tant le service
public des télécoms que le statut de l’Administration des PTT. Durant plus de vingt-ans à
dater de 1990, la transition du cadre réglementaire des télécoms en France a été
systématiquement associée à la réforme du statut de l’opérateur de monopole public. D’un
côté, l’achèvement de la démonopolisation a conduit en 1996 à l’instauration en France d’un
régulateur sectoriel des télécoms (ART), en tant qu’arbitre du jeu concurrentiel du marché.
Cette instauration opère la nette séparation de la réglementation ex ante et ex post tout en
marquant l’indépendance entre le marché et l’État c’est-à-dire entre les forces économiques et
la puissance publique censée les réguler. D’un autre côté, le statut de France Télécom a été
profondément réformé depuis ses origines comme direction au sein de l’administration des
PTT jusqu’à sa privatisation en 2003. L’achèvement de ces volets de réforme statutaire a été
suivi des transformations du cadre réglementaire sur les aspects juridiques de la société de
l’information.
387. Quatre lois françaises des années 1990 apportent une transition au secteur des
télécoms, à la suite de la transposition des directives européennes dites « services de
télécommunications » et « ONP » de 1990. Elles alignent le droit français sur les objectifs
d’ensemble du marché européen. Il s’agit de la loi n°90-1170 du 29 décembre 1990 sur la
réglementation des télécommunications (« Loi Quilès »)990 et de la loi n°90-58 du 2 juillet

985
Sous le mandat de François Mitterrand, la première cohabitation entre la Gauche et la Droite, PS et UDF-RDR, s’installe
avec comme Premier Ministre, M. Jacques Chirac ; Alain Madelin comme Ministère de l’industrie, des PT et du tourisme,
Gérard Longuet comme Secrétaire d’État chargé des PT, et François Léotard, au Ministère de la Culture et Communication.
986
Cf. « Histoire de SFR » [www.sfr.com/nous-connaître/sfr-en-bref/01272016-1700-lhistoire-du-groupe-sfr] (consultée le
1er juillet 2016). « En 1987, la Compagnie Générale des Eaux crée SFR, qui devient l’acteur initial de la libéralisation du
marché sur le mobile. En 1997 arrive la libéralisation du fixe. En 1997 arrive la libéralisation du fixe. En 1999, la compagnie
Générale des Eaux, alors rebaptisée Vivendi, réorganise ses activités de télécommunications en créant le groupe SFR-
Cegetel ».
987
R. GILARDIN, op.cit, 52-55. L'article L33 du CPT de 1987 permettait au Ministre des PTT cette brèche de pouvoir en
disposant qu'«aucune installation de télécommunications ne peut être établie ou employée à la transmission de
correspondances que par le ministre des postes et télécommunications ou avec son autorisation [...] » C’est nous qui
soulignons.
988
E. DERIEUX et A. GRANCHET, op.cit., p. 100 et s. et 141-142
989
Directive 88/301/CEE du 16 mai 1988, préc.
990
Loi n°90-1170 du 29 décembre 1990 sur la réglementation des télécommunications JORF, n°303, 30 déc. 1990, p.
16349.
164

1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications.991 La


loi n°96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécoms a apporté une nouvelle
transition des acquis français et communautaires.992 La logique de réorganisation du service
public des télécoms s’est complétée de la réforme de l’opérateur de monopole étatique, par
l’adoption de la loi n°96-660 du 26 juillet 1996 relative à l’entreprise France Télécom.993
3. La logique semi-libérale de lois réformatrices des télécoms de 1990
388. Premièrement, l’article 1er de la loi n°90-58 du 2 juillet 1990994 créait et séparait, de
manière officielle et définitive, « deux personnes morales de droit public placées sous la
tutelle du ministre chargé des postes et télécommunications, qui prennent respectivement le
nom de La Poste et de France Télécom ». Elle insérait également la dénomination nouvelle
« exploitant public » dans le domaine français des télécoms. Cet exploitant gardait ses droits
exclusifs sur les infrastructures, tout en disposant d’une large autonomie de gestion, à la fois
en tant qu’exécutant des missions de service public et en tant que partenaire privilégié de
l’État en dehors de ces missions.995
389. Ainsi, « la loi du 2 juillet 1990 avait pour objectif essentiel de modifier le statut
juridique de l’exploitant public "France Télécom" qui remontait à plusieurs décennies ».996
Ladite loi inscrivait la nouvelle notion juridique de « personne morale de droit public »,
spécialement conçue pour cette réforme.997 En ce sens, le statut de France télécom se situait à
mi-chemin entre EPIC et service administratif (EPA). Ce statut mixte lui permit de maintenir
des liens forts avec l’État, moyennant son « cahier des charges »998 et un « contrat de
plan »999, en dépit de la concurrence de nouveaux entrants sur le marché semi-ouvert.
Toutefois, cette réforme à demi-teinte de l’opérateur historique, constituait une mutation
importante, car le service public administratif (DGT/EPA) passait à un statut de service public
à gestion privée. Les conséquences de ce changement sont appréciables sur l’application
exorbitante du droit commun à une entreprise. Ces règles restent celles du droit public, mais
s’écartent du droit administratif en faveur du droit de la concurrence. Jusque-là, aucune
restructuration du ministère des PTT en France n’était allée si loin, dans le secteur public des
télécoms. Du moins, la réforme du 2 juillet 1990 éloignait France Télécom de son statut

991
Loi n°90-58 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications,
JORF, 08 juil.1990, p. 8070.
992
Loi n°96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, JORF, n°174, 27 juillet 1996, p. 11384.
993
Loi no 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom, JORF n°174, 27 juillet 1996, p.11398.
994
Loi n°90-58 du 2 juillet 1990, préc.
995
En ce sens, la loi disposait comme suit : « Article 3 (Loi n°90-568 du 2 juillet 1990): France Télécom a pour objet,
selon les règles propres à chacun de ses domaines d’activités, contenues notamment dans le code des postes et
télécommunications : [1] d’assurer tous services publics de télécommunications dans les relations intérieures et
internationales et, en particulier, d’assurer l’accès au service du téléphone à toute personne qui en fait la demande [2]
d’établir, de développer et d’exploiter les réseaux publics nécessaires à la fourniture de ces services et d’assurer leur
connexion avec les réseaux étrangers ; [3] de fournir, dans le respect des règles de la concurrence, tous autres services,
installations et réseaux de télécommunications, ainsi que d’établir des réseaux distribuant par câble des services de
radiodiffusion sonore ou de télévision et de concourir, par des prises de participations, à l’exploitation de ces derniers
réseaux dans le cadre de réglementation en vigueur ».
996
J. T. HONDE, Service public et efficacité ; la réforme des télécommunications en France, Thèse de doctorat en droit public,
préc., p. 211.
997
Article 1er, 2 et 3, loi n°90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du Service public de la poste et à France
Telecom, préc.
998
Décret n° 90-1213 du 29 décembre 1990 relatif au cahier des charges de France Télécom et au code des postes et
télécommunications, articles 15 à 22, J.O. RF, 30.12.1990, pp. 16572-16573.
999
Le premier « Contrat de Plan de France Télécom » signé avec l'État le fut 5 novembre 1991 pour la période 1991-1994.
165

d’organe de direction du Ministère des PTT, sans toutefois lui donner un statut de droit
privé.1000
390. Deuxièmement, la loi n°90-1170 du 29 décembre 1990 sur les télécoms (« loi
Quilès ») a eu « quant à elle, comme principal objectif de moderniser les règles applicables à
l’ensemble du secteur. Après avoir parlé de modification du statut de France Télécom, il est
indispensable […] d’en aborder le second volet (véritable « toile de fond » de cette réforme),
[…] la philosophie générale se situe dans "un nouvel équilibre entre concurrence et respect de
l’intérêt général" ».1001 Ladite loi créait l’article L.32-1 du CPT, établissant le principe
d’indépendance des fonctions de réglementation des activités relevant du secteur des télécoms
et de celles d’exploitation de réseaux ou de fourniture de services de télécoms. Le ministre
responsable des PTT était chargé de veiller au respect de ce principe. Le même article
disposait que la fourniture des services qui ne sont pas confiés exclusivement à l’exploitant
public, s’effectue dans les conditions d’une concurrence loyale, notamment entre l’exploitant
public et les autres fournisseurs de service. Ceux-ci sont tous astreints au principe d’égalité
de traitement des usagers, quel que soit le contenu du message transmis (neutralité), étant
entendu que l’accès au réseau public doit être assuré dans des conditions objectives,
transparentes et non discriminatoires.1002
391. En effet, la « loi Quilès » du 29 décembre 1990 traduit une modification des
« règles qui régissaient les télécommunications et qui dataient de 1837 ». L’un des volets
importants de la réforme réadaptait les compétences dans le domaine des télécoms par rapport
au contexte économique d’alors. « Le marché des télécommunications français a été en 1990
de 120 milliards de francs, soit 5% du marché national » avec un « développement constant
dans ce domaine ». Ainsi, il a été question de revoir la « répartition des compétences
respectives entre le Conseil supérieur de l’Audiovisuel et le Ministre des P.T.T. (sic), ce
dernier voyant d’ailleurs ses compétences s’accroître en matière de communication, et cela au
détriment du Conseil ».1003
392. Par ailleurs, les lois du 2 juillet et du 29 décembre 1990 ont approfondi tant la
réforme du statut légal de l’« exploitant public » que la configuration du « marché dual »,
faisant coexister deux segments : concurrentiel et exclusif. La reconnaissance statutaire d’une
nouvelle personne publique « France Télécom » participait au délitement organisé du
monopole public des télécoms. C’est en 1988 que la DGT (administration des PTT) devint
France Télécom.1004 Avec cette réforme (1990), un organe étatique avait désormais un statut
de droit public proche de l’EPIC, et un champ restreint d’exclusivité sur un seul segment du
marché : le segment non-libéralisé des infrastructures. Au 1er janvier 1991, France Télécom
devint ainsi un exploitant autonome de droit public. Il y a lieu de souligner que jusque-là, la
DGT était une administration au sein du Ministère des PTT qui avait subi quelques
restructurations mais jamais une réforme aussi profonde.1005 La mission d’intérêt général de
France Télécom était d’accomplir une mission de service universel, avec un statut
distinctement détaché de l’Administration publique (EPA/DGT) au sein du ministère des
1000
D. BAZI-DUMONT, « Le processus de libéralisation des télécommunications en France », e-juristes.org, posté le 4 avril
2004, [http://www.e-juristes.org/le-processus-de-liberalisation-des167] (consulté le 11 novembre 2016). La privatisation de France
télécom va intervenir plus tard avec la réforme législative de 2003 et l’opération de vente de la majorité de ses parts aux
privés en 2004.
1001
J. T. HONDE, op. cit, pp. 211-212.
1002
Loi n°90-1170 du 29 décembre 1990 sur la réglementation des télécoms, JORF, 30 décembre 1990.
1003
J. T. HONDE, op.cit, pp. 212 et s.
1004
D. BAZI-DUMONT, « Le processus de libéralisation des télécommunications en France », posté le 4 fév. 2004 [www.e-
juristes.org/le-processus_de_liberalisation-des167] (consulté le 14 juin 2016).
1005
Ibidem.
166

PTT. Elle n’était pas encore privatisée à ce stade. Une entreprise publique se caractérise par la
majorité des parts du capital social détenu par l’État ou une de ses collectivités.
Indifféremment de cet actionnariat, « [l]e droit communautaire […] la saisit comme une
organisation ayant une activité économique sur le marché […] le droit de la concurrence a
"mis au pas" les entreprises publiques en méconnaissant la nature particulière de leur
actionnaire, puisqu’il n’y voit qu’un actionnaire ordinaire, là où l’être de droit public
s’identifie comme défendant l’intérêt général ».1006 C’est ainsi que les deux lois précitées de
1990 se complètent mettant en évidence le lien entre la réforme du secteur des télécoms et
celle de France Télécom (ex-DGT). Dans la suite des réformes, la logique de transformation
des télécoms est demeurée conjointe à celle de France Télécom, exploitant public.
4. La logique libérale de lois sectorielles des télécoms de 1996
393. Troisièmement, la loi n°96-659 du 26 juillet 1996 a complété les mesures de
libéralisation de l’accès aux télécoms en appuyant celles accordées antérieurement dans le
domaine des services de télécoms.1007 Ainsi, l’ouverture à la concurrence a été étendue au
sous-secteur des infrastructures, en supprimant les droits exclusifs maintenus au profit de
France Télécom. Celle-ci ne pouvait donc plus disposer d’un statut public, dès lors que les
règles d’économie du marché s’imposaient sous l’arbitrage d’un régulateur étatique. Ainsi,
ladite loi a opéré l’éloignement de l’État en tant opérateur sur le marché et a assuré
parallèlement le rapprochement de l’État dans le marché en tant que régulateur. Elle a
imprimé deux trajectoires à la transition du cadre réglementaire des télécoms en France.
394. D’une part, la loi n°96-659 trace une nouvelle trajectoire du droit sectoriel des
télécoms, en ce qu’elle instaure en France l’Autorité de Régulation des Télécoms. À cet effet,
elle modifiait l’article L 32-1 du CPT en disposant que « [l]a fonction de régulation du secteur
des télécommunications est indépendante de l’exploitation des réseaux et de la fourniture des
services de télécommunications ». Au terme de cet article, la fonction de régulation est
exercée au nom de l’État dans les conditions légales par le Ministre chargé des télécoms et par
l’ART. Il s’agit de la première expérience d’une AAI, chargée du rôle d’arbitre du jeu
concurrentiel, dans un secteur libéralisé. La dérégulation des télécoms a placé des acteurs de
l’économie de marché dans le domaine de service public. Le renouveau du droit public
économique réside dans le changement du mode d’intervention de l’État sur le marché
prenant le pas sur le service public. La théorie française du service public trouve son origine
dans le rôle protecteur de l’État, en fondant la supériorité de puissance publique sur le marché.
Mais, ces prémisses ont été remises en cause par la globalisation. En effet, « [e]lle introduit le
marché dans la définition de l’intérêt général dont l’État n’a plus le monopole ».1008
L’internationalisation des réseaux et donc des marchés de services de télécoms
« transpercent » les souverainetés étatiques classiques, car l’État est « demeuré national »,
face à l’« entreprise, devenue mondiale ».1009 L’ART fut ainsi « créée en 1996, première
autorité de régulation du genre en ce qu’elle inaugurait la vague de libéralisation des secteurs

1006
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation…, op.cit., p. 63.
1007
Au niveau européen, la directive 90/388/CEE de la commission du 28 juin 1990 (« directive services de
télécommunications ») accordait déjà la concurrence dans le domaine des services, en ne retenant des droits exclusifs que
pour les usages d’infrastructures de télécoms. Par la suite, la Commission européenne avait adopté la directive 96/19/CE du
13 mars 1996 modifiant la directive 90/388/CEE en vue de réaliser la pleine concurrence sur le marché des services de
télécommunications. La loi française 96-659 du 26 juillet 1996 sur la réglementation des télécoms fait application de ces
acquis communautaires.
1008
Conseil d’État, « L’intérêt général », Rapport public 1999, EDCE, n°50, La Documentation française, p. 350.
1009
G. LAPAY, Comprendre la mondialisation, Economica, 1996. E. IZRAELEWICZ, « La grande entreprise face à l’État-
nation », Le monde, 9 avril 1996. Cf. PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit., p. 551, 552 et s
167

naguère monopolistiques sous l’impulsion du droit communautaire ».1010 La régulation est une
transition majeure des institutions juridiques établies sous forme d’AAI, « afin de rééquilibrer
le couple État/Marché ».1011 Même si, selon les travaux de Philippe Colson et Pascal Idoux, la
notion de régulation suscite encore de « malentendus », 1012 son caractère malléable fédère
néanmoins des objectifs assez contradictoires dans leur principe, à savoir : l’intérêt général et
l’équilibre du marché. En définitive, elle permet d’assurer « la mise en balance entre le
principe de concurrence et un autre principe, aconcurrentiel, voire anticoncurrentiel ».1013
395. D’autre part, la loi n°96-659 confirme une trajectoire plus ancienne du droit public.
Elle insère la réforme du droit sectoriel des télécoms, dans le mouvement général de
transformation du service public français. En Europe comme en France, les mesures de
libéralisation, telle qu’intervenues entre 1990 et 1996, traduisent le « compromis entre
l’approche libérale et l’idée de service public ».1014 En effet, le XXe siècle reste marquant non
seulement pour la mutation profonde de l’État passant d’un État libéral et neutraliste (XIXe
siècle) à un État néolibéral et interventionniste, mais aussi pour la remise en question de la
notion classique de service public. La doctrine classique1015 considérait que l’État n’est plus
qu’une puissance souveraine qui commande, mais un groupe d’individus devant l’employer à
créer et gérer les activités d’intérêt général. En 1913 déjà, Léon Duguit situait ladite notion à
la frontière du droit constitutionnel et du droit administratif, comme un des fondamentaux du
droit public moderne.1016 En effet, « [l]a volonté du gouvernant […] n’av[ait] de valeur et de
force que dans la mesure où elle poursui[vai]t l’organisation et le fonctionnement d’un service
public ».1017 En cela, la raison d’être de l’administration résidait dans la fonction centrale de
satisfaction de cet intérêt présentant une finalité supérieure à la somme d’individus.1018
396. En réalité, « L’État est tenu de créer et d’organiser les services publics, car la
nécessité de certains d’entre eux découle de la notion même d’État ou de principes de la
valeur constitutionnelle ».1019 Cependant, avec la pensée de Didier Truchet, la transformation
de la notion de service public s’installe. Selon lui, la notion est en évolution, car « le service

1010
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation…, préc., p. 14.
1011
PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit., pp. 551, 552 et s.
1012
Ibidem, p. 578. Les auteurs se réfèrent à J.-B. AUBY, « Régulations et droit administratif », The Journal of Regulations, 5
décembre 2011, à M. BAZEX, G. ECKERT, R. LANNEAU, C. LE BERRE, B ; Du MARAIS et A. SEE (dir), Dictionnaire des
régulations, LexisNexis, 2016 ainsi qu’aux travaux de G. MARCOU, « Régulation et services publics. Les enseignements du
droit comparé », in G. MARCOU et F. MODERNE (dir.), Droit de la régulation, service public et intégration régionale,
L’Harmattan, 2005, vol. 1, pp. 11 et s ; G. MARCOU, « la notion de régulation » AJDA 2006, p. 347 s. et G. MARCOU,
« L’ordre économique aujourd’hui. Un essai de redéfinition », in La notion de régulation en droit administratif français,
LGDJ, Bibl. de droit public, t. 259, 2009.
1013
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation…, op.cit, pp. 114-115.
1014
D. POPOVIC, op.cit, p. 33.
1015
M. DE VILLIERS et T. DE BERRANGER (sous la dir.), op.cit, pp. 522, 554-556. Pour Rolland, le Service public est « une
entreprise ou une institution d’intérêt général destinée à satisfaire des besoins collectifs du public […] par une organisation
publique, sous la haute direction des gouvernants ». Les « lois de Rolland », dans leur formulation classique et initiale, sont
au nombre de trois, elles s’expriment sous forme de principes « d’égalité », de « continuité » et d’« adaptation » ou de
« mutabilité ». Sur la continuité, Maurice Hauriou insiste précisément sur l’idée de continuité, de stabilité dans le temps de ce
qu’il appelait lui-même « l’entreprise de la chose publique ». Un troisième de complément apporté par Gaston Jèze renforce
la notion de service public, comme étant une (i) activité d’intérêt général, (ii) exercée par une personne publique et (iii)
soumise au droit public. Il porte sur une matière spécifique, exercée par des organes spécifiques, pour satisfaire l’intérêt
général en s’inscrivant dans une logique d’intérêt général. Pour la discussion sur l’exhaustivité des « lois de Rolland » : voir
E. ZOLLER, op.cit, par. 604 et s.
1016
L. DUGUIT, Les transformations du droit public, op.cit, pp. 32 et s. Selon l’auteur, « La notion de service public
remplace le concept de souveraineté comme fondement du droit public. Assurément cette notion n’est pas nouvelle ».
1017
M. DE VILLIERS et T. DE BERRANGER (sous la dir.), op.cit, p. 515.
1018
Ibidem, pp. 515-522.
1019
R. DENOIX DE SAINT MARC, L’État, PUF, 3e éd., coll. « Que sais-je ? », Paris, 2016 (2004), p. 63.
168

public n’est pas défini, il se constate ».1020 La remise en cause de la notion a été le fruit de
deux phénomènes conjugués, au regard de l’évolution des modalités d’intervention des
personnes publiques dans la société civile. Ainsi, la « plasticité de la notion »1021 a permis
d’assister, d’une part, à l’extension du champ d’intervention des personnes publiques et
d’autre part, à la mobilisation des personnes privées en vue de l’exécution du service public.
Les services publics se sont véritablement transformés avec l’abandon des « "nationalisations
rampantes", phénomène par lequel l’État, sous couvert de ses entreprises publiques et au nom
d’un impérialisme technocratique très fort, ne cesse de continuer à intervenir dans l’économie
et à accentuer son intervention ».1022 Rainaud constate que « le service public apparait d’abord
comme une intervention politique avant de devenir une notion juridique ». De ce fait, il est
sujet aux fluctuations d’ordre politique, en le faisant déborder des stricts schèmes du droit.
C’est l’orientation de la doctrine de l’après-guerre abordant la notion de service public en
termes de « crise », de « déclin », de « vicissitudes ».1023
397. Avant et pendant la seconde grande guerre, de grands arrêts de la jurisprudence
administrative (GAJA) ont validé l’ouverture des services publics aux personnes privées, en
marquant le recul de l’État-entrepreneur.1024 Les deux justifications essentielles du recours
multiplié aux privés dans le domaine de service public sont :
- la recherche d’une plus grande efficacité de gestion supposée mieux assurée par le secteur
privé que par l’administration publique ;
- l’évitement d’une extension illimitée du secteur public, soit par souci d’économie
financière, soit pour des raisons idéologiques ou politiques.
398. Malgré le néolibélarisme dominant, il est admis que la notion française de service
public a influencé le droit communautaire des télécoms en retenant la notion de « service
universel ».1025 Les aspects ci-dessus du droit des services publics éclairent la portée de
l’article 8 de la loi n°96-659 du 26 juillet 1996,1026 modifiant l’article L.35-2-I du CPT. Ce
dernier confia la charge du service universel à France Télécom, comme opérateur public, en
veillant à la différence avec le rôle d’exploitant public doté d’exclusivité. Il permet aussi de

1020
D. TRUCHET, Droit administratif, PUF, 5e éd., coll. « Thémis », 2013. D. TRUCHET, Le droit public, PUF, 3e éd.,
coll. « Que sais-je ? », 2014 (2003), Paris, p. 60. En droit administratif, le principe de continuité du service public est
un principe général du droit, le seul auquel le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle et fonde
des règles très nombreuses.
1021
M. DE VILLIERS et T. DE BERRANGER (sous la dir.), op.cit, pp. 518.
1022
Ibidem, pp. 527 et s. De nombreux facteurs essentiels avaient contribué au préalable à la mutation de l’État-
interventionniste, et surtout à accentuer l’intervention publique dans la société sous forme de services publics. Il s’agit
notamment de : (i) la conjoncture des guerres et reconstructions, qui replace l’État comme un prestataire des services face au
libéralisme économique ne pouvant désormais pas être pensé comme une fin en soi ; (ii) le fondement idéologique qui
favorisait l’interventionnisme étatique, suite à la méfiance traditionnelle des mouvements politiques de gauche à l’égard des
conséquences des lois de marché.
1023
Ibidem, p. 528.
1024
Ibid. Cf. [www.conseil-État.fr/Decisions-Avis-publications/Decisions/Les-decisions-les-plus-importantes-du-Conseil-d-
État] (consulté le 4 avril 2017). D’abord, avec l’arrêt du Conseil d’État du 20 décembre 1935, Etablissement Vezia, il
s’installe l’idée selon laquelle il y a peut-être entre les personnes privées et le service public une catégorie intermédiaire de
personnes privées investies d’intérêts publics. Ensuite, l’Arrêt du Conseil d’État du 13 mai 1938, Caisse primaire Aide et
Protection GAJA) juge que ce n’est pas parce qu’une personne privée qui prend en charge un service public que ce n’est plus
un service public. D’autres grands arrêts du Conseil d’État confirment cette ouverture à la veille de la guerre (CE, 31 juillet
1942, Monpeurt : GAJA Ŕ CE, 2 avril 1943, Bouguen : GAJA).
1025
E. GUILLAUME, « Le service universel des communications électroniques », Lamy, Droit des médias et de la
communication, Etudes 435, juin 2009. J. CATTAN, op.cit., p. 174-175. Il a déjà été dit que le marché ouvert reste le « fruit
d’un compromis entre la libéralisation des activités de réseaux, imposée par le droit communautaire, et les conceptions
nationales Ŕ notamment française Ŕ du service public ». Mais, à ce jour, la relation n’est plus aussi étroite comme au départ
entre service public et service universel. Commission européenne, Livre vert sur les services d’intérêt général, COM (2003)
270, 21 mai 2003, p. 16.
1026
Loi n°96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, JORF, n°174, 27 juillet 1996, p. 11384.
169

comprendre la concordance française entre la réforme sectorielle des télécoms et celle de


l’opérateur public lui-même, dans la même logique des réformes.
399. Quatrièmement, la loi n°96-660 du 26 juillet 1996 inséra à l’article 1er de la loi
n°90-568 précitée, la transformation de la personne morale de droit public France Télécom en
une entreprise publique de même nom, à compter du 31 décembre 1996. La même loi
soumettait France Télécom « aux dispositions législatives applicables aux sociétés
anonymes ».1027 Ce statut de société anonyme, donc de droit privé, devait la préparer à la
pleine concurrence. Son capital fut ouvert, mais la propriété de l’État fut maintenue dans la
majorité des parts sociales de l’entreprise. Ce choix politique de société anonyme permit de
gravir un échelon avancé dans le processus de privatisation de l’opérateur historique, en
s’inscrivant plus en avant dans la dérégulation du marché électronique. Néanmoins, dans les
faits, depuis longtemps, France Télécom avait fait son entrée en bourse en octobre 1997 et
23,2% du capital de l'entreprise furent mis en vente. Davantage de parts sociales furent
vendues entre 1997 et 2001. À l'été 2001, l’État n’y détenait plus que 55,5% du capital.1028
400. Ainsi, la transformation des statuts de l’entreprise France Telecom a été
approfondie avec la loi n°96-660 du 26 juillet 1996 la concernant, sans une fois de plus la
privatiser.1029 Son article 1er insérait une nouvelle réforme, dans l’article 1er de la loi no90-568
du 2 juillet 1990 précitée relative à l'organisation du service public de la poste et des
télécoms. Cet article 1er précisait la portée de la réforme de cet établissement public en ces
termes : « La personne morale de droit public France Télécom […] est transformée à compter
du 31 décembre 1996 en une entreprise nationale dénommée France Télécom, dont l'État
détient directement plus de la moitié du capital social. Cette entreprise est soumise aux
dispositions de la [même] loi [de 1996], dans la mesure où elles ne sont pas contraires […],
aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes ».
401. Toutefois, la loi de 1996 ne privatisa pas France Télécom au sens strict du terme.
La privatisation fut autorisée par la loi n°2003-1365 du 31 décembre 2003.1030 La
dérégulation en France est une expérience intéressante à observer, car elle entretient le lien
entre privatisation et libéralisation, dans sa logique de transition juridique sectorielle. (B.)

B. / LA LOI DE PRIVATISATION
DE « FRANCE TÉLÉCOM » ANCIEN OPÉRATEUR DE MONOPOLE (2003)

402. Depuis les années 1990, les lois d’organisation du secteur des télécoms ont connu
leur mutation simultanément avec les changements des statuts de l’opérateur public des
télécoms. C’est ainsi que la loi n°2003-1365 du 31 décembre 2003 est relative aux obligations
de services public de télécommunications et à France télécom.1031 Et pourtant, la privatisation
n’est pas une conditionnalité expresse de la dérégulation, car cette dernière n’impose qu’une
consécration de la libre entreprise sur le marché, indépendant de la puissance publique. En
France, il apparaît un trait particulier de la privatisation, comme une modalité
d’approfondissement de la libéralisation. Il s’agit autant de la réforme de l’État et des services
publics, que d’une volonté plus profonde de prémunir l’État contre les conflits d’intérêts

1027
Loi n°96-660 du 26 juillet 1986 relative à l’entreprise nationale France Télécom, JORF, 27 juillet 1996, p.11398.
1028
IVAN DU ROY, op.cit., 2009, pp. 66-67
1029
Loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom, JORF, n°174, 27 juillet 1996, p.11398
1030
Loi n°2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France
Télécom, JO RF, 1er janvier 2004, p. 9.
1031
JORF, 1er janvier 2004.
170

économiques, dans sa lutte pour l’intérêt général. En ce sens, la « privatisation »1032 s’avère
une modalité d’approfondissement de la libéralisation, mais ne se confond pas avec celle-ci.
403. En effet, sans être une exigence légale, comme le précise M. Jacques Chevallier,
toutes les actions de dérégulation décrites en droit européen ne sauraient manquer d’avoir une
incidence sur le « statut des opérateurs ».1033 En principe, ce statut pourrait paraître indifférent
au regard des directives européennes. Néanmoins, le statut de droit public des opérateurs
comporte, aux yeux de la Commission et de la Justice européenne, des risques importants de
distorsion de la concurrence. Ce statut peut leur donner l’assurance d’une « garantie illimitée
de l’État », celle-ci doit dès lors être considérée comme une « aide d’État illicite ».1034 Cette
interprétation de la Commission européenne a été démontrée le 16 décembre 2003 à propos
d’EDF, le 26 janvier 2010 à propos de la Poste et le 11 février 2010 à propos de la SNCF.
Dans son Arrêt du 3 avril 2014, France c/ Commission, la CJUE1035 a confirmé le point de
vue de la Commission. La transformation d’une série d’établissements publics industriels et
commerciaux en sociétés Ŕ imprimerie nationale (1993), France Télécom (1996), EDF et
GDF (2004), Aéroports de Paris (2005) et aussi La Poste (2010) Ŕ est la conséquence directe
de cette interprétation.1036
404. Il ne s’agit pas nécessairement de privatiser l’ancien opérateur monopolistique tant
que le principe de concurrence du marché n’est pas assuré, garanti et acquis. En effet, opérer
une privatisation pour remplacer le monopole public par un monopole privé ne vaut rien, sans
la mise en concurrence effective des acteurs économiques sur le marché électronique. En ce
sens, la privatisation doit servir à un nivellement des statuts juridiques entre opérateurs sur un
même marché, afin d’assurer une harmonisation des régimes. L’utilité de la privatisation est
de sortir un acteur de droit public de ses prérogatives exorbitantes, afin de l’insérer dans un
régime de droit privé. Si les formes d’intervention de l’État sur le marché libéralisé des
télécoms se transforment en État-régulateur distinct de l’État-réglementaire, il convient que
l’État-entrepreneur disparaisse afin de ne pas dénaturer le jeu concurrentiel du marché.
Certains pays, comme la France, avaient effectué des séparations des fonctions de régulation,
d’exploitation et de réglementation que requerrait le schéma de politique néolibérale
européenne de dérégulation, sans privatiser pour autant la majorité de l’actionnariat de leur
opérateur public comme le fit la Grande-Bretagne dès 1984.1037
405. Ainsi, la transition définitive du statut légal de France Télécom est intervenue en
vertu de la loi n°2003-1365 du 31 décembre 2003, relative aux obligations de service public

1032
I. JEUGE-MAYNART (sous la dir.), Le Petit Larousse illustré 2017, Larousse, Paris, 2016, p. 933. Par définition, la
privatisation désigne « le transfert d’une partie ou de la totalité du capital d’une entreprise publique au secteur privé ». Cf.
aussi Larousse, Dictionnaire de langue française 2015, Paris, 2014, p.647. Dans un sens général, « la privatisation est
l’action de faire tomber dans le domaine de l’entreprise privée ce qui était du ressort de l’État ».
1033
J. CHEVALLIER, op.cit., p.89.
1034
Ibidem.
1035
CJUE, France vs. Commission, affaire C-559/12P, avril 2014, Communiqué de presse n°48/14, Luxembourg, 3 avril
2014 [www.curia.europa.eu] (consulté le 14 juin 2016) « La Cour confirme que la garantie implicite illimitée accordée par
l’État français en faveur de La Poste constitue une aide d’État illicite. Il existe la présomption selon laquelle l’octroi d’une
telle garantie implique une amélioration de la position financière de l’entreprise par un allègement des charges qui grèvent
son budget ».
1036
J. CHEVALLIER, op.cit., p.89.
1037
GH. CHOURAQUI, « Les privatisations en Grande-Bretagne : les leçons d’une expérience », Revue française d’économie,
vol. 4, n°2, Paris, 1989, pp. 43-57, spéc. p. 47. « Plus récemment l’accent a été mis davantage sur les objectifs de
renforcement de la concurrence, d’efficacité économique et d’actionnariat populaire. En particulier, à l’occasion de la
privatisation de British Télécom, la nécessité d’étoffer les règles de concurrence s’est fait jour en vue d’éviter tout abus
éventuel de position dominante d’une entreprise se substituant à un monopole de caractère public. […] toutefois, l’effort du
gouvernement a été jugé très insuffisant, ce qui, comme on le verra plus loin, figure en bonne place parmi les critiques
formulées à l’encontre des privatisations. Un des objectifs qui apparaît plus en filigrane, est leur contribution à la réduction
du besoin de financement du secteur public. »
171

des télécommunications et à France Télécom.1038 Son article 7 a ajouté France Télécom à la


liste qui était annexée à la Loi n°93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation. L’article 2 de
celle-ci, abrogée au 24 août 2014, permit qu’il soit « transféré du secteur public au secteur
privé la propriété des participations majoritaires détenues directement ou indirectement par
l’État ».1039 Ainsi, la loi de 2003 permit finalement à l’État la vente de plus de 50% du capital
de France Télécom. Et, cette dernière fut définitivement privatisée en septembre 2004. Le
gouvernement français put finalement procéder à une vente de près de 11% du capital que
l’État détenait dans France Télécom et qui y ramenait à la minorité de 42% la part de
l’actionnariat public.1040 Depuis 2013, elle a été rebaptisée « Orange » (quoique depuis 2006
elle offrait déjà des services avec cette dénomination opérationnelle), dans laquelle la
participation détenue par l’État est aujourd’hui estimée à 26,9% des parts seulement.1041
406. Toutefois, l’épineux enjeu social reste à résoudre quant au statut hybride des agents,
pour France Télécom anciennement DGT (Administration des PTT) et ex-EPIC. Car, les
conditions d’emploi des fonctionnaires membres du personnel de France Télécom étaient déjà
dans la loi n°90-568 du 2 juillet 1990, modifiée à l’article 4 de la loi n°2003-1365 du 31
décembre 2003. La contingence du plan social de l’entreprise fut un enjeu bloquant à
désamorcer avec tact. D’où, le processus de privatisation de France télécoms s’est déroulé
pendant une durée prolongée, totalisant une vingtaine d’année à compter de 1988.1042D’autres
questions de réforme relèvent de la gestion sociale de France Télécom, comme par exemple :
la participation des agents à son actionnariat, le moratoire de recrutement d’agents-
fonctionnaires, la liquidation du statut des fonctionnaires restant encore au sein de la société
privée.1043 Accompagnées des suicides dramatiques des agents de France Télécom1044, ces
questions d’ordre syndical et purement managérial sont encore inscrites à l’actualité judiciaire
en 2016. 1045 Elles ne présentent pas d’enjeu utile pour la présente thèse. Néanmoins, elles
traduisent les pénibles enjeux de diffusion technologique, imposant des réformes du statut de
France Télécom en fonction des époques de transformation des règles du service public vers
celles de la concurrence du marché (dérégulation) jusqu’à sa privatisation.1046
407. Le processus de libéralisation du secteur des télécoms a été officiellement initié en
1990 et a tracé nettement en 1996 deux principaux objectifs de sa trajectoire. D’une part, en
achevant la réforme statutaire de France Télécom par sa privatisation, la transition du cadre
juridique a supprimé les derniers aspects de ses liens directs avec le ministre des PTT en tant
que DGT. D’autre part, en ouvrant tous les segments du marché français à la concurrence, la

1038
Loi n°2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France
Télécom, JO RF, 1er janvier 2004, p. 9.
1039
Cf. article 1, Ordonnance n°2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des
sociétés à participation publique, JORF, n°0194, 23 août 2014, p. 14009.
1040
IVAN DU ROY, op.cit, p. 103
1041
L. BACON, « France Télécom devient Orange, "une rupture avec l'histoire" », Libération, Reportage, 28 mai 2013.
1042
France Télécom est issue de la scission de la Direction générale des télécommunications avec les PTT en 1988.
1043
P. LE CŒUR, « Le gouvernement veut changer le statut de France Télécom dès cette année », Le Monde, 21 nov. 1996.
1044
O. PLICHON, « suicides à France Télécom : le procès se profile », Le Parisien, 8 juillet 2016 [www.leparisien.fr] (consulté
le 17 juillet 2016).
1045
H. GAZZANE, « Suicides à France Télécom : le rappel des faits », Le Figaro, 7 juillet 2016 [www.lefigaro.fr] (consulté le 11
novembre 2016). Une phrase de Didier Lombard, ex-PDG de France Télécom demeure anecdotique sur le « climat
anxiogène » parmi les cadres et agents de l’entreprise : « En 2007, je ferai les départs d’une façon ou d’une autre, par la
fenêtre ou par la porte ». France Telecom a compté jusqu’à environ 152 000 agents, y compris des fonctionnaires. Cette
hybridation dans une société privée avait reçu l’avis favorable du Conseil d’État du 18 novembre 1996. Sa décision peut
s’analyser comme une contribution prétorienne à la nécessaire transition portée par la loi de décembre 1996 pour que le plan
social ne soit pas un élément bloquant de la privatisation.
1046
Avec 27,5 millions de clients mobiles et 10,5 millions d'abonnés Internet, l'opérateur Orange est le numéro un du secteur
des télécommunications en France, où il emploie 98.000 salariés. [http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/orange-l-operateur-
telecom-historique_1753139.html] (consulté le 17 juillet 2017)
172

libéralisation est devenue effective. La concurrence a eu pour conséquence d’institutionnaliser


un régulateur devant suivre le développement du marché électronique, de ses opérateurs et des
technologies les concernant. Le changement de dénomination de l’ART (1996) en ARCEP
(2005) traduit une pérennisation des acquis et une mutation importante du marché. Il s’agit, en
toile de fond, d’une assise des règles sectorielles de régulation pour assurer l’équilibre du
marché concurrentiel, mais aussi de l’entrée à une ère sans précédent de l’innovation et
l’économie de la connaissance. Depuis lors, la trajectoire des réformes porte sur les aspects
juridiques de la société de l’information. La série des lois de 2004 et les suivantes marquent
une transition particulière du droit de l’économie numérique, sans pour autant oublier le
renforcement des règles de concurrence, bâties progressivement autour de la libéralisation.
408. En définitive, l’ère de la dérégulation des télécoms s’achève avec la fin du
monopole, la privatisation de France télécom (devenue Orange en 2013), la libre concurrence
sur marché dont l’équilibre est régulé par une AAI (ART/ARCEP). Les réformes législatives
de 2004 sont celles qui engagent les derniers tournants des PTT à l’économie numérique, face
à la société de l’information. Cette deuxième étape ouvre des perspectives d’une « économie
du savoir [et] de la donnée », face à la transition numérique de tous les secteurs de la vie
nationale, grâce à l’Internet. (§2)

§ 2. Les transpositions des règles européennes du « paquet télécom »


dans la transition numérique du marché français

409. Au niveau européen, le Parlement européen et le Conseil avaient adopté notamment


la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 faisant le lien entre le commerce électronique et les
communications électroniques comme des aspects de la société de l’information. La
Commission proposait le 12 juillet 2000 plusieurs textes concernant les communications
électroniques, regroupés dans le « paquet télécom », « [a]fin de réagir à l’évolution rapide
des marchés et technologies […] La plupart de ces directives ont été adoptées en mars 2002 et
sont entrées en vigueur le 24 avril 2002 ».1047
410. Le passage des télécoms aux communications électroniques a apporté une
dimension nouvelle aux transformations des institutions juridiques dans le domaine des
télécoms. Désormais, les infrastructures, équipements, services de télécoms ainsi que les
usages numériques sont perçus dans le contexte de l’économie numérique. Les télécoms
apparaissent véritablement comme une intermédiation technique pour l’accès à des contenus
et/ou de circulation des données numériques. Toutefois, légiférer les aspects de la révolution
numérique n’efface pas les objectifs fondamentaux de la concurrence du marché des télécoms.
En effet, les acquis de la libéralisation restent en filigrane des dernières étapes de transition du
droit français, notamment : les incidences de la privatisation de « France Télécom », le
renforcement de la fonction de régulation sectorielle, l’assise de la régulation transversale, les
obligations de service public.
411. Par conséquent, la France devait intégrer ces nouveaux enjeux et la nouvelle
philosophie du droit européen, dans la transition de son cadre réglementaire des télécoms.
Deux séries de lois opèrent la transposition de la directive 2000/31/CE ainsi que des textes
1047
D. POPOVIC, op. cit, p. 48. Après la transposition, les mesures nationales auraient dû être appliquées dans tous les États
membres à partir de la même date Ŕ le 25 juillet 2003. [Exception faite de la directive « vie privée et communication
électroniques », dont l’échéance de transposition était fixée au 31 octobre 2013.] Cependant, seulement cinq États ont
respecté la date de transposition, ce qui a diminué l’effet d’harmonisation. Ce sont la Finlande, la Suède, le Danemark, le
Royaume-Uni, l’Irlande, ainsi que la communauté française de Belgique.
173

successifs du « paquet télécom ». La première série applique le paquet télécom de 2002, à


savoir : la loi n°2003-1365 du 31 décembre 2003 relatives aux obligations de services public
de télécommunications et à France télécom,1048 la loi pour la confiance dans l’économie
numérique (« LCEN »),1049 la loi n°2004-569 du 9 juillet 2004 relative aux communications
électroniques et aux services audiovisuels (« LCE »).1050 (A) La deuxième série des lois de
transposition fait suite au « paquet de télécom 2009 » et à ses modifications. Il s’agit
principalement de l’ordonnance n°2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications
électroniques, de la loi sur la modernisation de l’économie (« LME ») de 2008 et aussi de la
loi n°2016-1321 pour la République numérique (« loi Axelle Lemaire ») du 7 octobre
2016.1051(B)
A. / LA TRANSPOSITION FRANÇAISE DES ACQUIS DU « PAQUET TELECOM 2002 » ET DE LA
DIRECTIVE 2000/31/CE

412. Dans l’acquis européen, une sémantique essentielle est apparue avec le « paquet
télécom de 2002 » : les mots « communications électroniques » remplacent les télécoms.
Cette terminologie officielle est un marqueur important de changement. (1.) Les régimes
juridiques successifs en sont tributaires, car le nouveau concept appréhende les réseaux et les
services de télécoms dans la convergence numérique. Depuis 2002, les lois françaises se
rattachent aux enjeux de confiance en l’économie numérique, pour tenir compte des mutations
économiques et technologiques de la société de l’information. (2.)
1. Le passage de la notion « télécoms » aux « communications électroniques »
413. En Europe, le « paquet télécom 2002» remplace le terme « télécommunications »
par la notion de « communications électroniques ». Depuis 2003, les lois de transpositions
françaises ont emprunté le même changement sémantique,1052 sauf dans les références
officielles se rapportant à l’UIT. L’abandon officiel d’une notion de base traduit la
reconsidération des typologies initiales de la dérégulation du marché. Sur ce point précis,
l’acquis européen est un curseur de transition à la fois numérique et juridique. Les finalités
d’adoption des textes sont fonction des enjeux considérés. En effet, les « facteurs de
législation » déterminent les « modes d’action » des institutions européennes, en permettant
de « retrace[r] l’objectif dominant de la législation ».1053
414. C’est ainsi que la dérégulation du secteur des télécoms a fait l’objet d’un corps des
règles orientées sur les finalités du marché électronique et des technologies numériques. Il
s’agissait d’organiser une « riposte graduelle » du droit, à un instant T, face à l’économie des
marchés et aux évolutions des TIC.1054 Même si l’objectif général demeure de construire et
d’encadrer le marché électronique, la dispersion d’instruments juridiques est source de

1048
JORF, 1er janvier 2004.
1049
JORF, 22 juin 2004.
1050
JORF, 10 juillet 2004.
1051
Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, JORF, 9 avril 2017.
1052
G. CORNU, op.cit, p. 1039. Verbo, « Transposition » : « Passage d’un ordre de réglementation à un autre
moyennant parfois certaines conditions de délais, d’adaptation ou de réserves. »
1053
J. ROCHFELD (sous dir.), L’acquis communautaire, le contrat électronique, Economica, Paris, 2010, p. 7.
1054
Cf. Section 1 du présent chapitre. Pour mémoire, l’expérience de dérégulation des télécoms aux États-Unis dès 1982 avait
inspiré des changements en Europe. Ses institutions et ses États membres ont engagé des réformes en droit communautaire et
dans les droits nationaux, selon les politiques publiques encadrées au et à mesure dans les textes juridiques européens : Livres
verts, directives et règlements. Dans le secteur des télécoms, plusieurs objectifs entrent en jeu dans le cadre réglementaire
européen et français, principalement : le progrès technologique, la libéralisation des secteurs monopolistiques, la redéfinition
de l’intervention publique et la gestion de la convergence numérique.
174

complexité. Le millefeuille législatif pose une difficulté de recherche de cohérence. 1055 Les
sources européennes de transposition permettent de comprendre comment l’« action d’insérer
en droit interne des normes européennes » a opéré « les vérifications et les remaniements
nécessaires ».1056
415. Les communications électroniques sont un signe d’évolution. L’économie de
marché a apporté aux télécoms l’innovation, le progrès technologique, l’internationalisation
des réseaux ainsi que la globalisation de la société de l’information. À la génèse de la
déréglementation, l’expérience américaine a inspiré l’« Europe des télécoms » des années
1980. Aujourd’hui, l’enchainement des parties du monde suscite encore une « mise en rapport
des ordres juridiques situés de part et d’autre de l’Atlantique».1057 La loi américaine de 1934
s’intitulait « Communication Act », jusqu’aux « Telecommunications Act » adoptés en
1996.1058 En revanche, l’Europe emprunte en 2002 le sens inverse de changement de vocable.
En 1997, la directive 97/33/CE (ONP)1059 employait toujours le terme
« télécommunications », dans la même période transition des lois aux États-Unis (1996). Il
convient de rapprocher les deux notions des télécoms. En Europe, au sens de la directive
précitée, il s’agit des « systèmes de transmission et, le cas échéant, l’équipement de
communication et autres ressources permettant le transport de signaux entre des points de
terminaison définis, par fils, par faisceaux hertziens, par moyens optiques ou par d’autres
moyens électromagnétiques ».1060 L’équivalent aux États-Unis est pratiquement le même :
Ŗthe transmission, between or among points specified by the user, of information of the user’s
choosing, without change in the form or content of the information ans sent and
received”.1061
416. Mais, entre l’« ONP » (1997) et le « paquet télécom » (2002) qu’est-ce qui a
véritablement changé dans le concept ? Malgré l’apparition des mots « communications
électroniques » dans la « directive "cadre" » de 2002,1062 le début de définition est resté
identique à celles des télécoms, dans la définition sus-évoquée de la directive ONP de
1997.1063 Toutefois, cette directive cadre de 2002 complète cette dernière, en rajoutant in fine
la liste de moyens de transmission ci-après : « […] comprenant les réseaux satellitaires, les
réseaux terrestres fixes (avec commutation de circuits ou de paquets, y compris l’Internet) et
mobiles, les systèmes utilisant le réseau électrique, pour autant qu’ils servent à la transmission
de signaux, les réseaux utilisés pour la radiodiffusion sonore et télévisuelle et les réseaux
câblés de télévision, quel que soit le type d’information transmise ».
417. En France, la transposition a effectué le réajustement de la définition des « réseaux
de communications électroniques ». L’article L.32. 1° du CPCE français, entend par

1055
Pour rappel : E. POILLOT, op.cit., p.203. « Ainsi qu’il va être constaté, l’Acquis communautaire en [la] matière [...] se
caractérise par sa dispersion au sein de différents textes, ce qui ne facilite pas la détermination de sa substance. »
1056
G. CORNU, op.cit, p. 1040.
1057
J. CATTAN, op.cit, p. 24.
1058
Ibidem.
1059
Principalement : Directive 97/33/CE du P.E et du Conseil du 30 juin 1997, relative à l’interconnexion dans le secteur des
télécommunications en vue d’assurer un service universel et l’interopérabilité par l’application des principes de fourniture
d’un réseau ouvert (ONP), JOCE, L199/32, 26 juillet 1997.
1060
Article 2, c) directive 97/33/CE (ONP), préc.
1061
US telecommunications Code (Titre 47, § 153, point 50) Notre traduction : « la transmission, entre ou parmi des points
spécifiés par l’utilisateur, d’informations choisies par l’utilisateur, sans modification ni dans la forme ni dans le contenu de
l’information envoyée et reçue »
1062
Directive 2002/21/CE du P.E et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et
les services de communications électroniques (directive « cadre»), JOCE, L108/33, 24 avril 2002, p.33 et s.
1063
Article 2, c) directive 97/33/CE (ONP), préc.: « les systèmes de transmission et, le cas échéant, l’équipement de
communication et autres ressources permettant le transport de signaux entre des points de terminaison définis, par fils, par
faisceaux hertziens, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques »
175

communications électroniques « les émissions, transmissions ou réceptions de signes, de


signaux, d’écrits, d’images ou de sons, par voie électromagnétique ».
418. En outre, la définition des « services de communications électroniques » est fournie
à l’article 2 de la décision 676/2002/CE du Parlement européen et du Conseil sur le spectre
radioélectrique.1064 Elle rajoute à la définition ci-dessus le lien avec les fréquences comprises
entre 9kHz et 3000 GHz, lequel lien n’était pas repris dans la directive « cadre » de 2002. À
ce sujet, une critique peut être formulée. Certes, le spectre des fréquences radioélectriques
constitue un vecteur de transmission des communications électroniques sans fil, mais il
n’appartient pas aux réseaux qui en font usage. La définition du réseau ne devrait pas avoir à
inclure un seul support précis de transmission, d’autant que les fréquences elles-mêmes sont
du patrimoine domanial de l’État et non pas une propriété du réseau.1065
419. En définitive, nous pensons que ce changement terminologique « communications
électroniques » ajoute à la loi éléments superfétatoires sans effacer la notion de base des
télécoms. Néanmoins, les communications électroniques étendent officiellement à l’ère
numérique la portée du cadre réglementaire. C’est ainsi que les lois françaises intervenues en
2004 insèrent les techniques de communication à distance (télécoms), dans un champ plus
vaste des services de la société de l’information. Celle-ci englobe la téléphonie, l’Internet
grand public et ses usages socio-économiques induisant le renouveau d’objectif des lois. (2).
2. Le renouveau des objectifs des lois des télécoms de 2004 à l’ère numérique
420. Entre 2004 et 2008,1066 d’autres lois portent sur les aspects des services de la
société de l’information, qui sont en lien avec l’économie numérique. Leur évocation à ce
stade tient uniquement compte de leur rapport avec le droit du secteur des télécoms. La
dérégulation des télécoms structure la présentation des lois depuis les années 1980, comme
ayant servi d’instrument de construction du marché électronique européen et national. La
conséquence logique de ce processus se résume dans la transformation du marché des
télécoms de base en un ensemble économique intégré dans la société de l’information. À l’ère
numérique, les aspects des lois sont multisectoriels : leurs détails servent sur des aspects
spécifiques de notre étude, pour les rapprochements des expériences en droit comparé
européen (français) et africain (congolais).1067 Il s’agit donc principalement des lois
concernant la protection des consommateurs sur le réseau électronique (les internautes).
421. Premièrement, la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l’économie
numérique (« LCEN »)1068 reste « sans doute comme l’acte fondateur d’un droit de l’Internet
en France »,1069 quoiqu’il ne soit pas né avec elle. « Depuis les débuts du Réseau, il a toujours
été admis que les règles de droit commun s’y appliquait, même si, dans la pratique, leur
exécution s’est avérée délicate ».1070 Pour cause, l’expansion du commerce électronique a
donné lieu au caractère virtuel des échanges, à la dimension internationale des réseaux et à la
difficulté de contrôle des autoroutes de l’information. L’enjeu de la LCEN a été d’apporter

1064
Décision 676/2002/CE du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire pour la politique en matière du spectre radio
électrique dans la Communauté européenne, J.O. L 108 du 24 avril 2002, p. 1à 6.
1065
J. CATTAN, op.cit., p. 23-26. Nous divergeons de l’auteur sur le point en rapport à la conclusion que nous tirons de la
nuance entre services de communications électroniques et réseaux de communications électroniques.
1066
En France, cette période de 2004-2008 se situe dans l’intervalle entre les lois de transposition des directives du « paquet
télécom » de 2002 (présentement concernées par notre étude) et de celles de 2009 (étudiée au point qui suit).
1067
Cf. Partie 2, Titre 2 de la présente thèse.
1068
Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l’économie numérique («LCEN »), [JORF, 22 juin 2004], préc.
1069
M. LOLIVIER, «Préface », in T. VERBIEST, Le nouveau droit du commerce électronique, La loi pour la confiance dans
l’économie numérique et la protection des consommateurs, LGDJ/Larcier, Bruxelles, 2005, p. 9-11.
1070
Ibidem, p.10.
176

des réponses précises, sinon originales, aux problématiques particulières des activités sur
Internet. Son objet de transposition couvre le champ d’harmonisation minimale des directives
sur le commerce et la publicité numériques. Il atteint en outre les aspects de protection des
consommateurs en ligne et les obligations des cybermarchandands.1071 L’objet du commerce
électronique a déjà fait l’objet des développements précédents.1072
422. Plus particulièrement, la LCEN renforce la dérégulation de l’économie numérique.
Elle réaffirme les principes de libéralisation des services de télécoms en les distinguant de la
communication audiovisuelle. Ces principes sont la liberté de la concurrence et la régulation
des communications électroniques. En effet, en son article 1er, paragraphe IV, la LCEN
rappelle ce qui « est dit à l’article 1er de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication, [à savoir :] la communication au public par voie électronique est
libre ». Cet article 1er de la LCEN est dans le « Titre 1er : de la liberté de communication en
ligne », précisément au chapitre 1er. Il applique le principe de liberté de communication, non
plus seulement sur le champ du monopole d’accès, mais sur celui du média d’accès.
423. Ainsi, La LCEN concerne aussi le domaine des communications électroniques.
Elle apporte un l’allègement à la responsabilité des opérateurs du marché de l’accès aux
réseaux de télécoms. Elle les insère dans la fourniture des services de la société de
l’information. L’opérateur des services de télécommunications devient un intermédiaire
technique du commerce électronique. Le prestataire technique devient l’opérateur de réseaux,
le fournisseur d’accès au service Internet, l’hébergeur de données, dont la responsabilité
allégée est fonction de sa neutralité d’accès, via son réseau ou sa plate-forme, à des contenus
qui ne sont pas les siens. Leur régime est défini au « Chapitre II », spécialement à l’article 5
de la LCEN, en lien au CPCE.1073
424. L’esprit de la LCEN révèle une transition marquante dans la perception des enjeux
des communications numériques : sa portée n’est plus seulement d’assurer l’accès libéralisé
au marché des communications électroniques pour les opérateurs et les usagers. Mais, en plus
de l’accès aux réseaux, les finalités de cet accès Ŕ au domaine du commerce électronique et
des contenus audiovisuels Ŕ irriguent la nouvelle conception du prestataire technique.
425. Deuxièmement, la loi n°2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications
électroniques et aux services de communication audiovisuelle (« LCE »)1074 importe pour sa
spécificité, quant au renforcement du libre accès aux marchés électroniques et aux réseaux
numériques. Son article 5, qui modifie l’article L33-1 du CPCE à la date du 10 juillet 2004,
affirme que « L’établissement et l’exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture
au public de services de communications électroniques sont libres sous réserve d’une
déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des télécommunications ».1075
426. Par ailleurs, la LCE du 9 juillet 2004 tire la conséquence de la libre concurrence, en
évoquant « la fonction de régulation […] indépendante de l’exploitation des réseaux et de
fourniture des services de communications électroniques ». Son exercice est confié à l’État et
conjointement exercé par le ministre chargé de ce secteur public et par l’Autorité de

1071
Ibidem, p. 9-11.
1072
Cf. Partie 1, Titre 1, Chapitre 1 et 2 de la présente thèse.
1073
Idem.
1074
Loi n°2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication
audiovisuelle, JORF, 10 juillet 2004.
1075
Selon la version consultée au 1er juillet 2016, l’article L33-1 a été modifié par l’article 27 de la loi n°2015-1785 du 29
décembre 2015 de finances pour 2016.
177

régulation des télécommunications.1076 L’évolution législative maintient en droit sectoriel le


fonctionnement de deux ARN (gouvernement et ARCEP), à côté desquels l’ANFr (agence
nationale des fréquences) s’occupe de la gestion des fréquences radioélectriques.
L’intervention de ces deux institutions étatiques se démarque dans leurs orientations qui
convergent toutefois. La pratique de la réglementation se détache d’une gestion classique d’un
service public. Les enjeux et la nature des interventions publiques sont réalignés par rapport
aux niveaux de dérégulation et de développement du marché. En effet, « [a]ppliquée à un
marché, la régulation vise à créer et même à imposer un équilibre entre forces ou des règles,
dont le jeu spontané ne permettrait pas un fonctionnement satisfaisant. Elle est de plus en plus
souvent exercée […] La régulation du numérique est quant à elle plus récente, elle s’installe
dès la fin des années 1990 dans la plupart des pays développés, avant même la montée en
puissance des opérateurs constatée dans les années 2000 ».1077
427. Au départ, l’ART créée en 1996 était chargée de la régulation des télécoms de base,
avant de devenir l’ARCEP en 2005. Tenant compte de la transition numérique, l’article 14 de
la loi n°2005-516 dispose : « Dans tous les textes législatifs et réglementaires, les mots :
"Autorité de régulation des télécommunications" sont remplacés par les mots "Autorité de
régulation des communications électroniques et des postes" ».1078 Le statut d’AAI de
l’ARCEP la place sous le contrôle du parlement et du juge. Elle est chargée d’accompagner
l’ouverture à la concurrence de deux secteurs (Poste et télécoms) et de veiller aussi bien à la
fourniture qu’au financement du service universel. Les articles L.36 et 137 du CPCE
encadrent particulièrement son statut et son rôle dans les télécoms. Elle a pour mission
d’accompagner l’ouverture à la concurrence du secteur des télécoms et de réguler les marchés
correspondants. Le rôle essentiel du régulateur est de veiller à l’exercice d’une concurrence
effective et loyale au bénéfice des consommateurs sur le marché des communications
électroniques.
428. Hormis l’extension de son champ d’action au domaine de la poste, l’ARCEP veille
sur les aspects suivant : 1° la fourniture et au financement de l’ensemble des composantes du
service public des télécoms ; 2° l’exercice au bénéfice des utilisateurs et de la compétitivité
dans le secteur des télécoms ; 3° la définition des conditions d’accès aux réseaux ouverts au
public et d’interconnexion de ces réseaux garantissant la possibilité pour tous les utilisateurs
de communiquer librement dans l’égalité des conditions de concurrence ; 5° le respect, par les
opérateurs de télécoms, du secret de correspondances et du principe de neutralité au regard du
contenu des messages transmis ; 6° le respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs
de services de télécoms, des obligations de défense et de sécurité publique ; 7° la prise en
compte de l’intérêt des territoires et des utilisateurs dans l’accès aux services et aux
équipements.
429. Troisièmement, La LCEN est complétée par la loi n°2004-801 du 6 août 2004
relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à
caractère personnel, modifiant la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux
fichiers et aux libertés.1079 En effet, en rapport au consommateur, le régime de la LCEN porte
sur le chapitre de l’« opt-in » applicable aux courriers électroniques à buts publicitaires.1080 Ce

1076
Article 3, loi n°2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communications
audiovisuelles, JORF, 10 juillet 2004.
1077
M. DE SAINT-PULGENT, op.cit., p.3.
1078
Loi n°2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, JORF, n°117, du 21 mai 2005, p. 8825.
1079
Loi n°2004-801 du 6 août 2004 […] dite « Loi du 6 janvier 1978 modifié », JO RF, 7 août 2004.
1080
T. VERBIEST, Le nouveau droit du commerce électronique…, préc., p. 16-17.
178

régime est une application partielle de la « directive vie privée et communications


électroniques » du 12 juillet 2002, relevant du « paquet télécom ».1081 Mais, la loi n°2004-801
fait principalement application de la « directive européenne de 1995 »1082 sur les données à
caractère personnel, 1083 laquelle est abrogée par le Règlement (UE) 2016/679 du 27 avril
2016 applicable au 25 mai 2018.1084 Les développements la concernant n’entrent pas
directement de notre logique d’évolution et de transition du marché des télécoms, mais
concernent plutôt les aspects juridiques liés à l’activité numérique.1085 L’essentiel a été de
présenter le lien existant entre ces textes et les services des communications électroniques,
rendus possibles à la suite du long processus dérégulation du marché.
430. Quatrièmement, la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie
(LME)1086 intervient également dans les aspects de protection du consommateur en réseau.
Par exemple, son article 87 étend le principe des services d’assistance non surtaxés à
l’ensemble des appels téléphoniques des consommateurs en vue d’obtenir la bonne exécution
d’un contrat ou le traitement d’une réclamation. La mesure est insérée et détaillée par l’article
L121-16 du code de la consommation. La LME est citée pour le fait que la protection tarifaire
est liée à l’utilisation d’un service de télécommunications pour la mise en relation avec le
service après-vente. Ces services de télécoms sont entrés dans l’économie de la
consommation, car le droit sectoriel de la régulation des télécoms ne représente pas toute la
finalité du marché de consommation. La LME et les transformations du marché des
communications présentent la même tendance qui « accompagnera la reprise en rendant
l’économie plus flexible, plus concurrentielle et plus efficace ».1087 Les lois successives
renforcent cette transition des objectifs législatifs allant au-delà de la simple déréglementation
du marché, vers la pleine concurrence et l’utilité pratique du numérique au quotidien. (B.)
B. / LA TRANSPOSITION FRANÇAISE DU « PAQUET TÉLÉCOM 2009 »
DANS LES PERSPECTIVES DE LA TRANSITION NUMÉRIQUE POST-DÉRÉGLEMENTATION

431. Au niveau européen, le réexamen du cadre réglementaire a été systématisé depuis le


« paquet télécom 2002 », pour le suivi des tendances du numérique et l’ajustement des règles.
En octobre 2016, les mots du président de l’ARCEP témoignent de l’atteinte des objectifs de
dérégulation, tout en exprimant la nécessité de créer un environnement ouvert à l’innovation.
"Nowadays, we can confidently claim that the opening of the telecom market to competition
was in most cases a success […]. But this is not the end of the story and new challenges
appear. First european challenge : connectivity […] We will build a proinvestment regulatory
doctrine […]. Second European challenge : how to create an open environment for all
innovations and not only those selected by telecom operators".1088

1081
Directive 2002/58/CE, préc.
1082
Directive 95/46/CE du Parlement européenne et du conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes
physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, JOUE, 23
novembre 1995
1083
M.-L. LAFFAIRE, Protection des données à caractère personnel, Tout sur la nouvelle loi « informatique et libertés », éd.
d’organisation, coll. Guide pratique, Paris, 2005, p. 18. « Le traitement des données à caractère personnel n’ont cessé de
prendre de l’ampleur depuis les années 1970. Leur développement s’est en réalité calqué sur les progrès technologiques et
l’émergence de la société de l’information. […] de nouveaux traitements sont apparus, soulevant de nouveaux problèmes
spécifiques ».
1084
Règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 du Parlement européen et du Conseil, préc.
1085
Ces aspects sont étudiés à la Partie 2 de la présente thèse.
1086
Loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME), JORF, n°0181, 5 août 2008, p. 12471.
1087
[http://www.economie.gou.fr/cedef/loi-de-modernisation-economie-lme] (consulté le 7 avril 2017).
1088
S. SORIANO, « New Challenges in Europe », Intervention du Président de l’ARCEP, 4e Stakeholder Forum du BEREC,
Bruxelles, 17 octobre 2016. [http://www.arcep.fr] (consulté le 7 avril 2017) Notre traduction : « De nos jours, nous pouvons
affirmer avec confiance que l'ouverture du marché des télécoms à la concurrence est un succès dans la plupart des cas [...].
179

432. Si les règles du « paquet télécom 2009 » parachèvent la dérégulation, elles situent
néanmoins le secteur des télécoms en pleine transition numérique. En France, l’ordonnance
2011-1012 du 24 août 2011 opère la transposition nécessaire à ce propos. (1). Mais, le
numérique ouvre des perspectives nouvelles, pour les multiples secteurs d’activités dans la
société. La loi sur la République numérique du 7 octobre 2016 engage la France sur la voie
non seulement de l’économie de demain, mais aussi de la société numérique. En conséquence,
elle entend porter l’innovation dans une trentaine de branches du droit positif français. (2)
1. Les finalités de la transposition française du « paquet télécom 2009 »
433. Le marché des services électroniques concernés se caractérise par une multiplicité
des offres de produits et une évolution technologique rapide. Par conséquent, les règles de
droit ne se limitent pas uniquement à la régulation de l’accès au marché (infrastructures et
services des télécoms), mais s’étendent aussi aux droits de la concurrence et de la
consommation dans l’économie numérique. Les lois de transposition du paquet télécom
présentent des finalités particulières, portant sur des maillons de la chaîne de valeur de
l’Internet, notamment : le consommateur final et les services de la société de l’information, le
marché et la souveraineté numériques.
434. À ce propos, la transposition du « paquet télécom 2009 » est effectuée par
l’ordonnance n°2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques.1089
Conformément à l’article 38 de la Constitution de la Ve République française, ce texte de
transposition a été édicté par le gouvernement sur habilitation du parlement.1090 Ledit texte ne
transpose pas uniquement l’ensemble des directives européennes du « paquet télécom » de
2009.1091 En effet, l’ordonnance consacre son titre premier à la « transposition du nouveau
cadre européen des communications électroniques », en apportant des modifications au
CPCE,1092 au code de la consommation1093 et à loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à
l’informatique, aux fichiers et aux libertés ainsi qu’au code pénal.1094

Cependant, ce n'est pas la fin de l'histoire et de nouveaux défis apparaissent. Premier défi européen: connectivité [...] Nous
allons construire une doctrine réglementaire de l’investissement innovant [...]. Deuxième défi européen: comment créer un
environnement ouvert pour toutes les innovations et pas seulement celles sélectionnées par les opérateurs de
télécommunications [ ?] ».
1089
Ordonnance n°2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques, JORF, 26 août 2011.
1090
Article 38, Constitution française, 4 août 1958, version du 7 août 1958. Le Gouvernement peut, pour l'exécution de
son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des
mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis
du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de
ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être
ratifiées que de manière expresse. À l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les
ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif ».
1091
En son préambule, l’ordonnance n°2011-1012 du 24 août 2011 dresse la liste de toutes les directives du paquet télécom
qu’elle transpose en droit français : « Vu le règlement (CE) no1211/2009 du Parlement européen et du Conseil du 25
novembre 2009 instituant l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) ainsi que l’Office;
Vu la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant la directive 2002/22/CE
concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électronique,
la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le
secteur des communications électroniques et le règlement (CE) no2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités
nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs ; Vu la directive
2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant les directives 2002/21/CE relative à un
cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative à l’accès
aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion, et 2002/20/CE
relative à l’autorisation des réseaux et services de communications électroniques ».
1092
Articles 1-31, Chapitre 1er, Titre 1er, ord. n°2011-1012 du 24 août 2011, préc.
1093
Articles 32-36, Chapitre 2, Titre 1er, ord. n°2011-1012 du 24 août 2011, préc.
1094
Articles 37-39, Chapitre 3, Titre 1er, ord. n°2011-1012 du 24 août 2011, préc.
180

435. Par ailleurs, les trois titres de ladite ordonnance articulent 61 articles, concernant
des objectifs particuliers. L’ordonnance vise « une meilleure gestion des fréquences
radioélectriques ».1095 Elle concerne la « lutte contre les atteintes à la vie privée et à la
sécurité des systèmes d’information dans le domaine des communications électroniques ».1096
Elle apporte certaines « clarification des dispositions du code des postes et des
communications électroniques ».1097 Pour l’essentiel, l’ordonnance n°2011-1012 modifie la
réglementation du marché des communications électroniques (de 1996 et 2004) surtout en
rapport à l’ARCEP, mais en allant au-delà des aspects purement liés au marché et à la
concurrence.1098
436. Les modifications législatives ci-dessous présentent des institutions juridiques
issues des réformes du cadre réglementaire. Outre le remplacement par ladite ordonnance des
mots « l’Union européenne » en lieu et place des termes « la Communauté européenne »,1099
l’ajustement des dispositions est empreint de la dynamique d’enjeux de la transition
numérique des télécoms et de l’économie qui a pris aussi bien naissance qu’appui sur les
communications électroniques. L’ordonnance définit les termes « service téléphonique au
public », « services associés », « ressources associées ».1100 Elle introduit en droit positif la
notion d’ « infrastructures améliorées de nouvelle génération ».1101 Elle impose la collecte
d’informations sur les conditions techniques et tarifaires d’acheminement du trafic appliquées
aux services de communications.1102 Elle pose non seulement des conditions de permanence,
de qualité, de disponibilité, de sécurité et d’intégrité pour les réseaux avec obligation d’en
notifier les atteintes aux services de l’État, mais aussi l’offre des services particuliers aux
handicapés (« âgés ou ayant des besoins sociaux spécifiques »). Ces services ont pour but de
fournir à cette catégorie de consommateurs un accès aux services à des prix abordables et aux
services d’urgence équivalent à ceux mis au bénéfice des utilisateurs finals.1103 Le ministre
des communications a la faculté d’imposer des contrôles de sécurité et d’intégrité sur les
installations, réseaux et services des opérateurs sous l’action des services de l’États.1104
437. Par ailleurs, l’ordonnance n°2011-1012 renforce l’application de dispositions
particulières aux réseaux de collecte et de traitement des données à caractère personnel,1105
elle interdit la prospection directe au moyen de systèmes automatisés d’appel de
communication, par télécopieur, par courriel utilisant les coordonnées des abonnés ou des

1095
Titre II (articles 40-43), ord. n°2011-1012 du 24 août 2011, préc.
1096
Titre III (articles 44-46), ord. n°2011-1012 du 24 août 2011, préc.
1097
Titre IV (articles 47-56), ord. n°2011-1012 du 24 août 2011, préc. Les dispositions finales et transitoires concernent le
Titre V (articles 57-61), ord. n°2011-1012 du 24 août 2011, préc.
1098
L’ordonnance n°2011-1012 fournit de nouvelles définitions et fixe les régimes pour certains aspects du secteur des
communications électroniques. Toutefois, la synthèse de ses articles relève un champ d’application plus large de ladite
ordonnance dépassant le seul cadre du droit de l’accès au marché des télécoms.
1099
Article 1er, ord. 2011-1012.
1100
Article 2r, ord. 2011-1012 : « On entend par services associés les services associés à un réseau ou à un service de
communications électroniques et qui concourent ou peuvent concourir à la fourniture de services via ce réseau ou ce service.
Sont notamment considérés comme des services associés les services de conversion du numéro d’appel, les systèmes d’accès
conditionnel, les guides électroniques de programmes, ainsi que les services relatifs à l’identification, à la localisation et à la
disponibilité de l’utilisateur. » ; « On entend par ressources associées les infrastructures physiques et les autres ressources
associées à un réseau de communications électroniques ou à un service de communications électroniques, qui concourent ou
peuvent concourir à la fourniture de services via ce réseau ou ce service. Sont notamment considérés comme des ressources
associées les bâtiments ou accès aux bâtiments, le câblage des bâtiments, les antennes, tours et autres constructions de
soutènement, les gaines, conduites, pylônes, trous de visite et boîtiers. »
1101
Article 3, ord. 2011-1012, préc.
1102
Article 4, ord. 2011-1012, préc.
1103
Article 5, ord. 2011-1012, préc.
1104
Article 6, ord. 2011-1012, préc.
1105
Article 7, ord. 2011-1012, préc.
181

utilisateurs sans leur consentement à en recevoir par ce moyen.1106 Concernant l’ARCEP,


l’ordonnance soumet les droits de passage d’appel à la consultation de l’ARCEP par les
opérateurs.1107 Elle complète des dispositions sur le service universel, en ajoutant des
obligations de qualité à celles préexistantes sur le prix et impliquant également le ministre.1108
Afin d’une meilleure coordination et cohérence de la réglementation, elle précise la
coopération de l’ARCEP avec les autres régulateurs étatiques de l’Union, la Commission et
l’OREC, autour des lignes directrices de ce dernier.1109 L’ordonnance n°2011-1012 charge
l’ARCEP de veiller sur plusieurs aspects du marché français en coordination avec la
régulation européenne.1110 Pour autant, elle dispose de l’impartialité des agents de
l’ARCEP.1111 En outre, en application de la réglementation, l’ARCEP et l’agence nationale
des fréquences (ANFr) maintiennent leur collaboration pour la survivance des autorisations
d’utilisation de fréquences délivrées avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance au 19
décembre 2011.1112
438. En résumé, la synthèse ci-dessus atteste de la pleine concurrence réalisée dans le
secteur des communications électroniques. Les problématiques ne se limitent plus qu’à la
libéralisation du marché des services, des réseaux et des équipements de télécoms. D’autres
enjeux apparaissent à ce jour, comme par exemple le service universel (pour les handicapés),
le pouvoir de contrôle et de sanction des ARN, la sécurité et l’intégrité des réseaux dans le
respect du principe de la neutralité, l’accès au numérique. Les lois postérieures au « paquet
télécom 2009 » concernent des problématiques plus globales dans lesquelles le marché des
télécoms n’est qu’un aspect de l’économie numérique. Le secteur des communications
électroniques a atteint le seuil de la pleine concurrence, en associant les deux régulations
sectorielle et transversale à cause de la complémentarité, voire du rapprochement, de leurs
objets techniques. En effet, « [l]orsque le droit commun de la concurrence est appliqué dans le
secteur des communications électroniques, il existe également des spécificités d’expansion
dynamique de ce secteur, tout comme la convergence des technologies, qui ont une même
influence sur l’analyse des autorités compétentes ».1113
439. Effectivement, en droit français, diverses autres lois peuvent présenter des liens
avec les communications électroniques, sans être spécifiques au processus de structuration du
marché et de sa régulation. Ces lois intéressent quelques points particuliers des activités de
télécoms, mais ne sont pas nécessairement des instruments de politique de la dérégulation. La
logique d’étude ne permet pas de les analyser à ce niveau, mais elles servent d’illustration à
l’évolution des enjeux sur le marché libéralisé. Par exemple, la loi n°2014-344 du 17 mars

1106
Article 8, ord. 2011-1012, préc.
1107
Article 9, ord. 2011-1012, préc.
1108
Articles 10 à 14, ord. 2011-1012, préc.
1109
Article 15, ord. 2011-1012.
1110
Au regard de l’Ordonnance 2011-1012, les compétences de l’ARCEP concernent les aspects suivants : prévention contre
la dégradation des services et l’obstruction ou le ralentissement du trafic sur le réseau (Article 16) ; saisine de l’ARCEP en
cas d’échec de règlement de différends entre opérateur (Article 17) ; mesures de suspension ou d’arrêt de commercialisation
d’un service jusqu’à conformité aux obligations légales (Article 18) ; obligations réservées aux opérateurs réputés exercer
une influence significative sur le marché (Article 19) ; obligation à charge de l’ARCEP d’informer la Commission, l’OREC
et les ARN des États de l’Union, des décisions à prendre susceptibles d’incidences sur les échanges avec d’autres États
membres (Article 20.) ; équilibre du marché de gros des services de communication (Article 21) ; habilitation de l’ARCEP à
assurer la concurrence et à régler le cas de défaillance de marché en demander la gestion d’un service de gros par une entité
fonctionnellement indépendante si l’opérateur présente une structure verticale et intégrée lui donnant une influence
significative sur le marché de gros (Article 22).
1111
Article 32, ord. 2011-1012, préc.
1112
Article 61, ord. 2011-1012, préc.
1113
D. POPOVIC, op.cit, p. 8.
182

2014 relative à la consommation (« Loi Hamon »)1114 a introduit une liste d’opposition au
démarchage téléphonique généralisé. Cette liste baptisée « Bloctel » est en place depuis le 1er
juin 2016 par la société Opposetel, conformément à l’arrêté du 25 février 2016 organisation la
désignation d’un gestionnaire de ladite liste.1115 Un autre exemple est celui de l’article 44 du
CPCE qui impose aux opérateurs de proposer à un tarif raisonnable à leurs abonnés de
conserver leur numéro, fixe ou mobile, lorsqu’ils changent d’opérateur.1116 Le dispositif de
portabilité des numéros est décrit par la DGCCRF.
440. Aujourd’hui, la « loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour la république
numérique »1117 démontre une originalité inédite de son mode d’adoption laissant transparaître
une méthode de « démocratie 2.0. ».1118 Elle tient compte de toutes les évolutions antérieures
du secteur des télécoms, des communications électroniques, du commerce électronique et de
l’économie numérique. Elle se rapporte à des enjeux de transition numérique dans lesquels les
télécoms ne sont pas une finalité, mais un moyen à la portée des objectifs de « souveraineté
numérique »1119 de la France. Le législateur français intègre dans les multiples aspects sociaux
l’usage des communications électroniques, au-delà de l’organisation sectorielle.
2. Les communications électroniques dans les enjeux de « transition numérique » pour une
« République numérique »
441. Le marché dérégulé des communications électroniques rencontre l’objectif essentiel
de la loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour la République numérique, dite « Loi
Numérique » ou « Loi Axelle Lemaire », mais sans s’y confondre totalement.1120 Cette
dernière « prépare notre pays [la France] aux enjeux de la transition numérique et va
permettre de développer l’économie de demain. […] Cette loi a pour ambition d’encourager
l’innovation et le développement de l’économie numérique, de promouvoir une société
numérique ouverte, fiable et protectrice des droits des citoyens. Elle vise également à garantir
l’accès de tous, dans tous les territoires, aux opportunités liées au numérique. »1121 La loi est
« porteuse de souffle de transparence, d’ouverture […] sur le socle bâti pour garantir les droits
de chacun et la confiance de tous dans l’économie numérique. » Elle ajoute l’objectif
d’inclusion numérique, perçue comme une « exigence commune d’accompagner tous nos

1114
JORF, n°0065, 18 mars 2014, p.5400.
1115
Arrêté du 25 février 2016 portant désignation de l'organisme chargé de gérer la liste d'opposition au démarchage
téléphonique, JORF, n°0050, texte n°36, 28 février 2016.
1116
Selon une résolution du 27 octobre 2015, les frais d’itinérance internationale (roaming) facturés lors de l’utilisation d’un
téléphone mobile à l’étranger seront supprimés à partir du 15 juin 2017.
1117
JORF, 8 octobre 2016.
1118
I. BOUHADANA et W. GILLES, « Démocratie et données publiques à l’ère des gouvernements ouverts : pour un nouveau
contrat de société ?», op. cit, p. 17. Selon la pensée de Renée Fregosi : « S’agissant des pays qui mettent en place le
gouvernement ouvert, la transition démocratique pourrait permettre de caractériser le passage de la démocratie traditionnelle
1.0 à la nouvelle démocratie 2.0 plus interactive ». R. FREGOSI, « Transition démocratique », version française de l’article en
espagnol pour le Diccionario de Ciencia Politica, éd. Universidad de Concepción, Chili, 2012.
1119
Article 29, Loi « Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la
présente loi, un rapport sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique rattaché aux services du
Premier ministre, dont les missions concourent à l’exercice, dans le cyberespace, de la souveraineté nationale et des droits et
libertés individuels et collectifs que la République protège. Ce rapport précise les moyens et l’organisation nécessaires au
fonctionnement du Commissariat à la souveraineté numérique ».
1120
L. ALEMAGNA, « Axelle Lemaire : "Pourquoi je quitte le gouvernement" », Libération, 27 février 2017. Madame Axelle
Lemaire a porté l’initiative de la « loi pour la République numérique » du 7 octobre 2017, en sa qualité de Secrétaire d’État
chargée du Numérique et de l’Innovation du gouvernement français. « Elle est nommée le 2 avril 2014, en même temps que
le premier gouvernement de Manuel Valls, […] démissionne pour faire campagne avec Benoît Hamon [candidat du Parti
socialiste à la présidentielle 2017 en France] et dans sa (grande) circonscription des Français de l’étranger, qui compte
l’Irlande, le Royaume-Uni, les pays scandinaves et les pays baltes.
1121
A. LEMAIRE [Secrétaire d’État chargée du Numérique et de l’Innovation], « ce que la loi va changer », Dossier de presse,
Loi pour une République numérique, Paris, 10 octobre 2016.
183

concitoyens, dans tous les territoires, à la transition numérique en cours, afin que personne ne
soit laissé à l’arrière des avancées économiques et sociales » 1122
442. La forme d’élaboration de la « loi Numérique » est l’œuvre d’une participation
citoyenne inédite. Le texte de la loi a mis en avant les réseaux numériques comme « une des
clés du renouveau de notre démocratie ».1123 Une méthode nouvelle a été employée dans la
forme, reposant pleinement sur l’intelligence collective. Le gouvernement avait privilégié
« un faire-ensemble associant citoyens, parlementaires, collaborateurs, associations,
collectivités. »1124 « En septembre et octobre 2015 […] Pour la première fois, les internautes
ont eu la possibilité de coécrire la loi avant son adoption par le conseil des ministres, en
votant sur les articles proposés, en les commentant, en proposant […] et en votant sur les
modifications des autres internautes ».1125
443. Dans le fond, la « loi Numérique » met en exergue la valeur transversale du
numérique, en le situant au cœur des changements sociétaux et au carrefour des branches du
droit. Les cent-treize articles de la loi précitée présentent des objectifs multisectoriels, avec
une unité d’intention en faveur de la transition numérique en France. L’ampleur de la réforme
se traduit par le nombre considérable1126 des Codes directement modifiés par cette seule loi,
en corrélation avec les aspects de la « République numérique ».1127 En conséquence, un grand
nombre de ministères est chargé de l’exécution de la loi, ce qui est une particularité. Mais, le
constat va au-delà de la dizaine de départements ministériels impliqués.1128
444. Pour l’essentiel, les points clés de la loi révèlent beaucoup de pragmatisme
juridique. Il s’agit de produire des résultats concrets pour une société de l’information et une
économie de la connaissance, plus inclusives et plus sûres. Le réseau et la donnée numériques

1122
Ibidem.
1123
Ibidem.
1124
Ibidem.
1125
A. LEMAIRE [Secrétaire d’État chargée du Numérique et de l’Innovation], «Une consultation citoyenne inédite », Dossier
de presse, Loi pour une République numérique, Paris, 10 octobre 2016. « Cette consultation a fait suite à une première
concertation, très large, menée par le Conseil national du numérique entre octobre 2014 et février 2015 sur les grands enjeux
du numérique […] cette expérience sans équivalent en France et en Europe préfigure une nouvelle forme d’expression
démocratique […] et améliore l’efficacité de la décision publique : […] en trois semaines 137 000 visiteurs uniques, 21 000
contributeurs, pour 147 000 votes exprimés. Le public concerné s’est élargi : 95% de simples citoyens parmi les
contributeurs, dont 60% ayant moins de 35 ans […] une diversité de communautés telles que les associations de personnes
handicapées ou encore les joueurs de jeux vidéo. […] Si 80% des votes et avis se sont avérés positifs, la consultation […] a
également […] les oppositions […], et […] de nouvelles propositions pertinentes pour améliorer le texte législatif. À l’issue,
le projet de loi du Gouvernement a été enrichi de 5 nouveaux articles issus de la consultation et 90 modifications ont été
apportées aux articles du projet initial. »
1126
Plus ou moins 35 textes de lois sont directement modifiés par la « Loi Numérique ».
1127
Les dispositions de la loi pour la République numérique sont intégrées dans les Codes suivants : Code de la recherche,
Code civil, Code de l’environnement, Code de consommation, Code de justice administrative, Code de l’action sociale et des
familles, Code de l’éducation, Code de l’énergie, Code de l’organisation judiciaire, Code de la construction et de l’habitation,
Code de la propriété intellectuelle, Code de la santé publique, Code de la sécurité intérieur, Code de la voirie routière, Code
des communes de la Nouvelle-Calédonie, Code des relations entre le public et l’administration, Code des transports, Code du
patrimoine, Code du tourisme, Code du travail applicable à Mayotte, Code général des collectivités territoriales, Code général
des impôts, Code monétaire et financier, Code pénal, CPCE, Livre des procédures fiscales, loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 sur
la protection des données à caractères personnel, Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, Loi n° 87-588 du 30 juillet 1987, Loi
n°90-449 du 31 mai 1990, Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, Loi n° 2005-102 du 11 février
2005, Loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014.
1128
Les membres du gouvernement ci-après sont chargés de l’exécution de la Loi d’État (pour la république numérique) à sa
promulgation au 7 octobre 2016 : 1° le Premier ministre (Manuel Valls), 2° la ministre de l’éducation nationale, de
l’enseignement supérieur et de la recherche (Najat Vallaud-Belkacem), 3° le ministre de l’économie et des finances (Michel
Sapin), 4° la ministre des affaires sociales et de la santé (Marisol Touraine), 5° le garde des sceaux, ministre de la justice
(Jean-Jacques Urvoas), 6° la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social (Myriam
El Khomri), 7° le ministre de l’intérieur (Bernard Cazeneuve), 8° la ministre du logement et de l’habitat durable
(Emmanuelle Cosse), 9° la ministre de la culture et de la communication (Audrey Azoulay), 10° la secrétaire d’État chargée
du numérique et de l’innovation (Axelle Lemaire).
184

sont des « éléments fédérateurs » que la loi encadre, protège et promeut en vue de construire
une « République numérique ».
445. La « loi Numérique » déborde donc largement du cadre sectoriel des télécoms ou
des communications électroniques. Elle ne leur dénie pas pour autant leurs propriétés
d’intermédiation à distance, de mise en donnée du monde, de moyen d’accès au marché, aux
offres en ligne. Les TIC restent des autoroutes de l’information, un marché et une plate-forme
pour l’ensemble des activités sociales. Mais, la loi considère plutôt les opportunités du
numérique et ses effets induits, dans et pour la transformation sociale, économique, territoriale
et citoyenne de la France. En effet, la loi entend employer le numérique en son sens entier de
vecteur et de facilité imprégnant les multiples aspects de la vie nationale. Aussi, la loi se
concentre-t-elle sur des axes précis de développement de la société numérique, en impliquant
l’innovation, la confiance et l’inclusion. Elle présente un dispositif de mesures opérationnelles
ayant des impacts sur de secteurs, certes, différents, mais convergents dans l’objectif global
d’un gouvernement ouvert. Pour autant, la « loi Numérique » met en place des mécanismes
de gouvernance numérique, répond aux enjeux des usages du numérique, tire profit des
facilités et soutient l’inclusion numérique. Elle structure ses champs d’application autour de
trois titres sur quatre.1129 Ces derniers forment logiquement l’ossature des solutions
innovantes et les axes de la prospective exprimée par la loi elle-même (la République
numérique).
446. Les trois principaux axes concernent : « la circulation des données et du
savoir »1130, « la protection des droits dans la société numérique »1131 et l’« accès au
numérique »1132 au moyen de mesures de politiques publiques. Toutefois, la loi pour la
République numérique en France n’est pas un texte de transposition d’une (seule) directive
spécifique. Ses dispositions concernent des multiples aspects de la société de l’information et
doivent être mis en exécution par des décrets et aux règlements attendus, depuis la
promulgation de la loi en octobre 2016.
447. Pour la suite de notre thèse, les apports de la « Loi Numérique » sont mis en
exergue chaque fois de besoin à titre de contribution sur des prospectives législatives
spécifiques tant pour l’économie numérique en France ou qu’à l’étranger (cas de la RDC).1133
Même si la loi relève de l’autorité du système national français, elle tient largement compte
des acquis communautaires plus anciens ainsi que de nouvelles tendances du droit de l’Union
européenne. Le caractère avant-gardiste de la « Loi Axelle Lemaire » est utile pour les
perspectives nouvelles du droit des télécoms et des communications électroniques, tant en
Europe qu’en Afrique.
448. En effet, les discussions sont en cours en France et en Europe au sujet du futur
« paquet télécom de 2016-2017 ». La démarche a été initiée par la Commission européenne
en 2015 et a donné lieu à l’ouverture d’une consultation en septembre 2016, à laquelle
1129
Titre IV : Des dispositions relatives à l’Outre-mer, Loi pour la République numérique, préc.
1130
Titre 1, Loi pour la République numérique, préc.
1131
Titre 2, Loi pour la République numérique, préc.
1132
Titre 3, Loi pour la République numérique, préc.
1133
Cf. notamment : Partie 2, Titre 2, chapitre 1, Section 2, §2, A/ de la présente thèse au sujet du renforcement
de la protection des données à caractère personnel par de nouvelles institutions juridiques sur la loyauté des
plateformes, l’autodétermination informationnelle, l’oubli numérique ou encore la mort numérique. Il en est de
même pour la Partie 2, Titre 2, Chapitre 2 de la présente thèse quant aux aspects de l’accès universel par
l’autorité de régulation de des télécommunications par rapport à la fracture numérique et aux publics
vulnérables. La création des « communs informationnels » compte aussi parmi les nouveaux avantages de la loi
numérique pour le commerce électronique qui est largement irriguée et alimenté par l’économie
informationnelle.
185

notamment l’ARCEP participe activement. La Commission propose de refondre le cadre


existant en un « code des communications », en lançant un ambitieux chantier législatif afin
d’adapter les infrastructures télécoms à son objectif de « la société du Gigabit ». Les
propositions en ce sens portent notamment sur la régulation des réseaux et de gestion des
fréquences, l’incitation aux investissements et le déploiement des infrastructures dans
l’Union. Tous ces piliers du marché numérique unique doivent être portés par la « dynamique
concurrentielle du marché et le cas échéant sur des financements publics
complémentaires ».1134 Elle entend « faire évoluer le cadre institutionnel pour une meilleure
harmonisation des règles en Europe, notamment en renforçant les compétences du
BEREC ».1135 Néanmoins, les tendances qui s’en dégagent ne relèvent pas du droit positif,
pour être abordées dans ce registre précis.1136
449. En conclusion [du chapitre], les politiques de dérégulation du secteur des télécoms
ont largement fait recours à l’instrument clé du droit, dans les expériences en Europe et en
France. Au premier stade du processus de dérégulation, la démonopolisation a entrainé des
réformes des services publics, tout en assurant le jeu concurrentiel du marché et l’émergence
du droit sectoriel de la régulation. Une longue transition du droit des télécoms a été engagée
en vue d’harmoniser les mesures de libéralisation prises dans les années 1980. La
restructuration du marché des télécoms est ainsi devenue un enjeu de législation. Les règles
du droit et les approches législatives doivent être ajustées par rapport à la convergence
technologique, à la société de l’information et à la globalisation de l’économie numérique. Le
changement de la sémantique officielle est en cela marquant, quant les termes
« communications électroniques » supplantent les « télécoms ». Ces dernières sont devenues
un aspect des services la société de l’information. La transition numérique des réseaux, du
marché, de l’économie, voire de la République, rend indispensable la transformation des
institutions juridiques.
450. Ainsi, l’architecture de la liberté des communications actuelles en France s’est
structurée autour des lois pionnières de 1986 et 1982. Il s’agit d’abord de la loi n°82-652 du
29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, qui avait, l’on s’en rappelle, permis de
libéraliser le secteur audiovisuel en le détachant des télécoms qui restaient sous monopole.
Suivie de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication
(audiovisuelle), elle a posé le principe d’existence d’un régulateur de l’audiovisuel dans un
contexte libéralisé de mise à disposition de contenus audiovisuels. Entre 1990 et 1996, le droit
français a refondé graduellement la libéralisation du marché régulé des télécoms, sur les
acquis du « droit communautaire » portés par les directives « ONP ». Depuis 1988,
l’opérateur historique France Télécom (rebaptisée Orange depuis 2013) a achevé son
processus de restructuration en tant qu’ancien opérateur de monopole, à la suite des variations
de statuts d’EPA, en EPIC et en une société privée jusqu’à sa privatisation en 2003. Les lois

1134
ARCEP, « Révision du cadre européen des télécoms », Communiqué de presse, Paris, 14 septembre 2016. « La
Commission européenne ouvre un chantier ambitieux pour adapter les infrastructures télécoms à « la société du Gigabit ». Ce
14 septembre 2016, la Commission européenne a publié ses propositions dans laquelle elle détaille ses ambitions pour la
« société du Gigabit ». Ces travaux s’inscrivent dans le cadre de la stratégie pour un marché unique numérique initié en 2015.
Ils font suite à la consultation publique menée par la Commission européenne en fin d’année 2015 à laquelle l’ARCEP et le
BEREC (organes des régulateurs européens des télécoms) avaient contribué. Les objectifs d’amélioration de la connectivité
affichés par la Commission à l’horizon 2025 sont : des débits d’au moins 100Mb/S pour l’ensemble des citoyens européens et
d’au moins 1Gb/s pour les points d’importance tels que les entreprises ou les écoles ainsi que le déploiement de la 5G dans
les zones urbaines et sur les principaux axes de transport. »
1135
ARCEP, « Révision du cadre européen des télécoms », Communiqué de presse, Paris, 14 septembre 2016.
1136
Pour l’évolution au sujet du « paquet télécom 2016-2017 » : [http://www.arcep.fr/index.php?id=9578#c51891] (consulté
le 10 avril 2017).
186

sectorielles de 2004 (LCEN et LCE) ont véritablement inséré les activités des télécoms dans
l’économie numérique, en tenant compte des directives du « paquet télécom 2002 ». En 2008,
d’autres lois tiennent compte aussi bien des facilités que des problématiques diverses 1137 du
numérique, dans la modernisation de l’économie. Entre 2011 et 2016, les lois de transposition
des directives du « paquet télécom 2009 » achèvent et transcendent les objectifs de la
dérégulation du cadre juridique et institutionnel du secteur français des télécoms. De
retouches de ce cadre se poursuivent par un réexamen périodique des enjeux évolutifs du
marché, comme celui qui s’annonce avec le « paquet télécom 2016-2017 ».
451. Le présent Titre 1 apporte la lumière sur les transformations des règles européennes
et françaises des télécoms. L’instrument du droit oriente, anticipe ou encadre les mutations
technologiques, économiques, institutionnelles et sociales, suscitées par les enjeux
d’économie numlérique et de commerec électronique. Le droit s’insère dans l’économie de
marché et dans la révolution de l’information, en suivant les transformations des modes de
production, de distribution et de consommation grâce à la technique numérique. Que ses lois
soient de transposition ou d’initiative autonome, la France reste un modèle, par la
transformation de ses institutions juridiques face aux enjeux du marché des télécoms et de la
société de l’information. Tout autant que l’acquis « communautaire » européen, le droit
français s’exerce dans les limites territoriales de sa souveraineté. Mais, le cyberespace
confronte leurs règles pionnières aux systèmes juridiques des États tiers. Le commerce
juridique des télécoms et du numérique entre dans le mouvement d’enchainement des parties
du monde. La globalisation des marchés est donc une source d’enjeux juridiques dans d’autres
continents, en provoquant des réformes législatives soit de manière simultanée, soit avec des
décalages dans le temps.
452. Ainsi, « du fait de la mondialisation, lorsqu’un État entame le processus de
libéralisation, les autres États ne peuvent pas l’ignorer ».1138 La production des nouveaux
droits de télécoms en Afrique, y compris en RDC, est le fruit du « dialogue » entre différents
systèmes juridiques. Les négociations au sein de l’OMC ont servi de passerelle de droit
international pour l’application de la dérégulation à l’échelle planétaire. Le niveau avancé de
l’expérience européenne et française appuie une approche de droit comparé en Afrique. Cette
approche doit éclairer la manière dont le droit congolais assure la transition de son cadre
juridique de l’économie numérique par rapport au reste du monde. Pour ce faire, le droit
international est un des éléments de mise en rapport des marchés. Le Titre 1 a permis de
former la base des références juridiques selon les époques et les logiques des politiques
législatives en Europe et en France. Le droit de l’OMC est le fruit du rapprochement des
normes et donc des paramètres de comparaison à établir entre l’Europe, la France, l’Afrique et
spécialement la RDC. (Titre 2)

1137
Par exemple, la loi n°2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à
accompagner les personnes prostituées, modifie l’article 6 de la LCEN, en vue de renforcer les moyens de lutte contre le
proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle.
1138
M. VIVANT (sous la dir.), « À propos du droit des télécommunications », RLDIR, 2004, p. 849, cité par D. POPOVIC,
op.cit, LGDJ, Paris, 2009, p. 28.
187

TITRE II –
LA TRANSITION DU DROIT INTERNATIONAL DE L’ACCÉS AUX TÉLÉCOMS
À LA BASE DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE AU DÉPART DE L’EUROPE
POUR L’AFRIQUE ET LA RDC

453. La révolution numérique a permis aux peuples du monde entier de disposer du


même Internet partout et pour tous. Les télécoms sont le socle de l’Internet et le vecteur de
l’économie numérique. Les technologies de l’information irriguent l’ensemble des branches
d’activités de la société globalisée. Elles motivent d’adopter des standards techniques
homogènes entre marchés européens et africains. Elles nécessitent une réglementation adaptée
face aux nouveaux enjeux juridiques qui sont communs aux marchés et auxquels les ordres
juridiques doivent faire face. Si l’économie assure la valorisation et l’exploitation des
« dividendes du numérique »1139, le droit s’efforce de les appréhender dans son champ et
d’encadrer les aspects de la révolution de l’Internet : changements, opportunités et risques de
la société en réseau ; nouvelles relations économiques en ligne ; nouveaux modèles
d’interaction, d’échange et de partage du Web.
454. Ainsi, le « mythe du vide juridique »1140 ne peut pas prospérer face au foisonnement
des normes de « gouvernance »1141 de l’Internet. Néanmoins, les droits étatiques peinent à
assurer pleinement leur effectivité dans le cyberespace mondial1142. Le titre précédent a porté
sur les enjeux de la transition des normes juridiques aux prises au commerce électronique en
Europe et en France. L’encadrement juridique des activités numériques n’est pas sans
véhiculer de nouvelles complexités d’approche par rapport au millefeuille législatif
européen.1143 L’ère du numérique bouscule énergiquement les acquis du droit positif.1144 Le
fait précède souvent le droit, mais les grandes mutations d’enjeux que le numérique apporte
ne devraient pas pour autant échapper au droit.

1139
BANQUE MONDIALE, Les dividendes du numérique, Rapport sur le développement dans le monde 2016, n°102724,
Washington, 2016, p. 27. « Le rapport sur le développement dans le monde 2016 examine comment l’Internet augmente la
productivité des entreprises, multiplie les opportunités offertes aux populations et accroît l’efficacité du secteur public. » Pour
en examiner les avantages et risques, le rapport a retenu quatre grands « catalyseurs du développement numérique », dits
"spotlights" (en anglais), à savoir : « services financiers numériques », « médias sociaux », « identification numérique » et
« révolution des données ».
1140
T. DE COSER, M. DEMOULIN, H. JACQUEMIN, É. MONTERO, M. VANDERCAMMEN et T. VERBIEST, Les pratiques du
commerce électronique, n°30, Cahiers du Centre de Recherches, Coll. Informatique et Droit, Bruylant, Bruxelles, 2007. « Le
mythe du "vide juridique" à propos de l’Internet a fait long feu. Depuis plus de dix ans, les directives européennes, lois ou
règlements tournés vers le réseau des réseaux foisonnent. Dans cet ample mouvement législatif, le commerce électronique
n’est pas en reste. Nombreux sont les textes qui le touchent, de près ou de loin » - Cf. aussi V. BENABOU et J. ROCHFELD,
op.cit, pp. 19, 20 et s.
1141
L. BELLI, De la gouvernance à la régulation de l’Internet, op.cit, p.18. « Nous soulignons que l’émergence du concept de
gouvernance doit être lue à la lumière de la consolidation d’un environnement pluri-normatif caractérisé par la prolifération
d’un réseau décentralisé de « centres de régulation » prônant la négociation d’outils régulatoires souples, catégorisables
comme la soft law ».
1142
M. DE SAINT PULGENT, « Les besoins d’interrégulation engendrés par Internet. Propos introductifs », in M-A FRISON
ROCHE, Internet et espace d’interrégulation, coll. the Journal of the Régulation, Dalloz, Paris, 2016, p. 3. « Les pionniers de
l’Internet qui n’avaient certainement pas envisagé son expansion mondiale, avaient conçu et présenté la communication
numérique comme un espace échappant à tout contrôle des pouvoirs publics, autonome, décentralisé, transfrontalier et
participatif.»
1143
E. POILLOT, op.cit., p. 203. Concernant le millefeuille législatif, l’auteur avait souligné : « Ainsi qu’il va être constaté,
l’Acquis communautaire en matière […] se caractérise par sa dispersion au sein de différents textes, ce qui ne facilite pas la
détermination de sa substance ».
1144
Cf. Partie 1, Titre 1, chapitres 1 et 2 de la présente thèse. En termes d’ajustements du droit à l’ère numérique, le titre
précédent a mis en lumière l’objet particulier d’une nouvelle commercialité électronique. Dans l’analyse, les mutations des
aspects du droit civil et commercial concernent aussi les sujets du commerce en ligne. Les outils numériques leur permettent
d’agir en prestataire ou en destinataire d’activités en réseau ; ce qui complexifie leurs statuts de professionnel ou de
consommateur.
188

455. Tout autant que le précédent Titre de notre thèse l’a démontré pour le commerce en
ligne européen et français, l’économie numérique a également alimenté les transitions du droit
de l’accès aux télécoms. Depuis plus de trente ans, les réformes d’institutions juridiques ont
restructuré les services publics des télécoms dans l’économie de marché. D’abord en Europe
et en France (années 1980), ensuite grâce à l’OMC (1994), le droit international a permis un
schéma uniformisé de réforme et de refondation des bases du marché électronique globalisé,
pour le reste du monde y compris en Afrique (1997) et en RDC (2002).
456. L’acquis communautaire européen a défini un cadre juridique des activités
numériques en ligne, ainsi que de leurs enjeux économiques et technologiques. La transition
du droit a permis de (re)constituer pour l’Europe l’objet du commerce électronique grâce à
son millefeuille législatif (Traités, règlements, directives, décisions, décisions de justice).1145
Le droit français a transposé les règles européennes du commerce en ligne, en y apportant son
originalité nationale. C’est l’impact nouveau des institutions juridiques françaises sur le droit
européen que nous analysons quant à leur objet, et leurs régimes. Le dialogue entre différents
systèmes juridiques alimente notre étude de droit comparé. Le centre d’intérêt de notre thèse
est de saisir la trame des expériences juridiques européennes et françaises face aux aspects
marchands de l’ère numérique.
457. Les références du système normatif en Europe servent l’approche de droit comparé
avec l’Afrique et la RDC. Les bases de comparaison doivent être établies autour de la
structuration non seulement des valeurs mais aussi des institutions juridiques spécifiques à
l’économie numérique et au commerce électronique. En abordant les apports des lois de
transposition française des règles européennes, les précisions ci-dessus éclairent la logique et
les objectifs permettant de tirer avantage des expériences comparées, étant donné que le droit
congolais est également aux prises en Afrique aux mêmes enjeux du commerce en ligne.
458. Au titre précédent, l’étude du commerce électronique a concerné particulièrement
« les opérations économiques elles-mêmes et non les opérations périphériques ou
préparatoires (coût de la connexion au réseau, création de site Web…)».1146 Les premiers
aspects de notre thèse ont concerné les activités commerciales en ligne, dont la doctrine réunit
les règles spécifiques dans le « Droit du commerce électronique »1147 ou le « Droit des
activités numériques »1148. La directive 2000/31/CE1149 traite du commerce
électronique comme un aspect des services de la société de l’information, au sens de la
directive 98/34/CE1150. Le même générique concerne par ailleurs les « services de
communications électroniques » qui sont dans la directive 2002/21/CE dite « directive

1145
J.-S BERGÉ et S. ROBIN-OLIVIER, Droit européen, Union européenne, Conseil de l’Europe, 2e éd., PUF, coll. Thémis,
Paris, 2011, pp. 364-365.
1146
O. CACHARD, La régulation internationale du marché électronique, L.G.D.J, Paris, 2002, p.9.
1147
X. LINANT DE BELFONDS, Le droit du commerce électronique, 1re éd., « Que sais-je ? », PUF, Paris, 2005, pp.1-127, spéc.
p. 4. Sous le champ de son ouvrage, l’auteur aborde : « les sources du droit du commerce électronique ; les règles juridiques
qui encadrent la visibilité du commerçant et la constitution de sa clientèle sur l’Internet. ; la publicité sur l’Internet, les règles
qui régissent la conclusion des différents contrats, c’est-à-dire comment se matérialise l’échange des consentements sur
Internet ; la vente des biens sur les réseaux [...] ; les règles de preuve [...], les questions fiscales du commerce électronique ; et
enfin les aspects internationaux du commerce électronique [...] »
1148
L. GRYNBAUM, C. LE GOFFIC et L. MORLET-HAIDARA, Droit des activités numériques, 1re éd., Dalloz, Paris, 2014, pp.
1025. Dans leur ouvrage, les auteurs ont traité des matières suivantes : pour les contrats, le droit commun des contrats par
voie électronique et les contrats spéciaux du commerce électronique ; pour les valeurs immatérielles de la société de
l’information, la protection des créations intellectuelles et la protection des signes ; pour le contentieux, la protection des
libertés, les actions en responsabilité ainsi que les litiges et différends dans l’espace international.
1149
Directive 2000/31/CE, préc.
1150
Directive 98/34/CE sur la société de l’information, préc.
189

"cadre" ».1151 Sa définition légale européenne, telle que fournie au titre précédent, est
fondamentale pour la suite de l’analyse au niveau international et congolais.1152
459. Pour couvrir les aspects ainsi définis de la société de l’information, la doctrine
évoque le « droit de l’Internet »1153 ainsi que le « droit des communications
électroniques »1154. La fonction de ce dernier consiste à réglementer les infrastructures de
l’information et à organiser le marché des réseaux de télécoms ainsi que des services
électroniques. Comme ces aspects de la technique et du marché électroniques sont
consubstantiels au commerce en ligne,1155 le « Droit du cyberespace »1156 constitue leur cadre
plus général. Le présent titre analyse les droits de l’accès aux communications électroniques,
sachant qu’« ils incluent les services de communication audiovisuelle, de communications au
public en ligne et de correspondance privée ».1157 Mais, le développement du marché a des
fondements anciens sur lesquels le cadre réglementaire actuel s’est construit. Ce cadre
continue de faire l’objet des réexamens successifs avec des étapes de politique législatives
marquantes depuis 1984 à ce jour et en phase aux transformations numériques du marché des
télécoms de base.1158
460. Sur le plan économique, l’internationalisation des réseaux de télécoms a assuré la
« connexion des marchés » et l’explosion des flux économiques.1159 L’Afrique s’insère dans
le tableau d’étude juridique sur les évolutions du « marché électronique » mondial.1160 La
mondialisation du marché électronique a suscité un dialogue entre systèmes juridiques
européens et africains, sans omettre des enjeux (géo)politiques sous-jacents.1161 Les enjeux de

1151
Directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun
pour les réseaux et les services de communications électroniques (directive « cadre»), JOCE, L108/33, 24 avril 2002, pp. 33-
51 (telle que modifiée à ce jour).
1152
Article 2, c), directive 2002/21/CE, préc. Les communications électroniques correspondent à « tout service fourni
normalement contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission des signaux sur des réseaux
de communications électroniques, y compris les services de télécommunications et les services de transmission sur les
réseaux utilisés pour la radiodiffusion, mais qui exclut les services consistant à fournir des contenus à l’aide de réseaux et de
services de communications électroniques ou à exercer une responsabilité éditoriale sur ces contenus ; il ne comprend pas les
services de la société de l’information tels que définis à l’article 1er de la directive 98/34/CE qui ne consiste pas entièrement
ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques ».
1153
V. FAUCHOUX, P. DEPREZ et J.-M. BRUGUIÈRE, Le droit de l’Internet, Lois, contrats et usages, 2e éd., Lexis/Nexis, pp.1-8.
1154
D. POPOVIC, Le droit communautaire de la concurrence et les communications électroniques, LGDJ, Paris, 2009, pp. 11
et s. Cette assertion se vérifie en droit français où la LCEN définit le commerce électronique en y allusionnant « la voie
électronique », mais laisse le soin de la définition de la voie électronique au Code des Postes et des Communications
électroniques.
1155
H. CAUSSE, op.cit., p. 14. À titre d’exemple, les intermédiaires techniques de l’économie numérique se situent à cheval
entre le droit du commerce électronique et le droit des télécoms. Il en est de même pour les prestations de la cryptologie :
cette dernière est un aspect relevant purement de la technique, mais nécessaire à la production des certificats de signature
électronique. Cette technique est indispensable à la fiabilité de l’écrit numérique dans le commerce électronique.
1156
A. CISSÉ, Objet du Droit du cyberespace, Cours de Master 2 Pro, Université Gaston Berger, Saint-Louis/Sénégal, 2005-
2006 [inédit], cité par K. NDUKUMA, Cyberdroit, télécoms, Internet, contrats de e-commerce, Presses Universitaires du
Congo (PUC), Kinshasa, 2009, p. 53. Selon le Professeur Abdoullah Cissé, « c’est ainsi qu’on a commencé, devant
l’impossibilité de ranger [le cyberdroit] dans une catégorie connue, à saisir ce qu’il n’était pas (droit de l’immatériel) en
oubliant que l’immatériel ne se limite pas au cyberespace, avant de mettre l’accent sur ce qu’il est (droit du numérique) sans
avoir au préalable réduit sa réalité à une de ses facettes (droit de l’informatique) et puis à d’autres comme le droit de
l’Internet pour découvrir que celui-ci n’était pas le seul réseau (droit des réseaux) ni le seul médium (droit du multimédia)
pour in fine observer tous les efforts s’effondrer, tel un château de cartes, devant la convergence des médias ».
1157
J. CATTAN, Le Droit de l’accès aux communications électroniques, Préface de Rostane Mehdi et Hervé Isar, Coll. Droit
de l’information et de la communication, éd. PUAM, Aix-Marseille, 2015, p.26.
1158
Cf. Partie 1, Titre 1, Chapitre 2 de la présente thèse.
1159
PH. MOREAU DEFARGE, op.cit, p. 39.
1160
O. CACHARD, op.cit, pp. 8 et s.
1161
D. PAPIN (sous. la coord.), « Géopolitique du cyberespace », 50 fiches pour comprendre la géopolitique, Boréale, Paris, p.
110 et s. Les enjeux politiques s’attachent aux politiques publiques ayant permis des changements législatifs à l’épreuve de la
mondialisation du marché électronique. Par ailleurs, la géopolitique est un aspect de positionnement des puissances étatiques
sur la scène internationale. La multinationalisation des champions économiques des télécoms occidentaux étend, par le canal
du marché global, la position des États dont ils relèvent sur des marchés.
190

la mondialisation1162 expliquent l’adhésion des États africains au modèle d’organisation du


marché électronique, à l’instar de l’Europe. Les principes néolibéraux ont été transplantés
dans les droits nationaux africains. Le régime de monopole des télécoms a été le modèle
initial d’organisation des marchés africains d’héritage colonial. Sur le plan juridique, les
négociations au sein de l’OMC ont impulsé en 1994 et 1997 des réformes structurelles de
l’économie au niveau planétaire. Les États signataires ont entrepris de conformer leurs droits
nationaux avec les nouveaux principes de libéralisation des services publics, spécialement
ceux des télécoms.1163 Sur le continent africain, les organisations internationales (OMC, UIT,
FMI et BM) ont appuyé le démantèlement des monopoles publics et le remodelage de
l’intervention publique dans les secteurs libéralisés des télécoms. La mise en œuvre de la
dérégulation a été une contingence du nouveau droit international du commerce des services.
Les États ont restructuré leur mode d’actions à l’épreuve des forces du marché et des
mutations des technologies électroniques.1164 Les opérateurs multinationaux investissent les
marchés locaux du numérique. Avec l’Internet, l’innovation se diffuse partout en mettant aux
prises les droits aux mêmes problématiques en Europe comme en Afrique. Les statistiques
démontrent la réalité indéniable des économies numériques africaines et congolaises, qui sont
des enjeux de transition du droit positif. Mais, contrairement à la communautarisation
européenne, le système africain présente des embryons d’harmonisations juridiques au niveau
sous-régional.1165 Même si plusieurs organisations régionales1166 rapprochent les États
africains, la RDC réforme son droit en fonction de ses particularités nationales. (Chapitre 1).
461. Pour suivre le modèle planétaire de « déréglementation »1167, le législateur
congolais de 2002 a entrepris de transformer le secteur national des télécoms. Sur le plan
institutionnel, « [l]a réforme du secteur des Postes et Télécommunications est l’un des
premiers chantiers de réforme sectorielle mis en œuvre par le Gouvernement […]. En effet,
entre 2003 et 2011, le COPIREP a effectué les principales réformes prévues dans ce
secteur ».1168 Il s’agissait de commencer la démonopolisation et d’établir de nouvelles

1162
P. MOREAU DEFARGES, La mondialisation, op.cit., pp. 3-6. Selon Paul Valéry, dans son ouvrage Regards sur le monde
actuel, en 1931, cinq caractéristiques majeures du phénomène, qu’il n’avait pas si tôt appelé « mondialisation », mais qu’il
décrit, demeurent actuelles: « 1. Le recensement général des ressources », « 2. La terre habitable […] reconnue, relevée,
partagée », « 3. Cet enchainement des parties du globe », « 4. Une solidarité nouvelle, excessive et instantanée », « 5. Les
habitudes, les ambitions, les affectations contractées au cours de l’histoire antérieure ».
1163
[www.wto.org] (consulté le 15 juillet 2016). Il s’agit de l’Accord spécifique de l’OMC sur les télécommunications de
1997, issu des négociations de l’Uruguay Round dont la clôture en 1994 est à la base de création de l’OMC elle-même.
1164
C. GUERRIER, « Droit international et de pays étrangers Ŕ Droit et accords OMC dans le domaine des
télécommunications : la problématique africaine », Droit de l’informatique et des télécoms, Computer & télécom Law review,
16e année, 1999/1, pp. 92 et s.
1165
C’est dans le cadre des obligations de l’Accord du GATS de 1997, l’accord OMC sur les télécommunications de base que
les États Africains, comme les autres membres de l’OMC, ont été amenés à adopter un profil commun de marché des
marchandises, du commerce et des services. Il existe des organisations continentales (UA, OHADA) et sous-régionales
africaines (Union du Maghreb, COMESA, CEEAC, CEMAC, UEMOA, SADC.)
1166
Chaque organisation sous-régionale a son niveau d’intégration et d’harmonisation des normes. L’Union économique et
monétaire Ouest-africaine (UEMOA) est un exemple de construction communautaire effective des normes de transition de
leur espace économique au droit du numérique, à travers des Règlements communautaires UEMOA. Lesdits règlements
obligent les États à effectuer des transpositions dans l’autorité de leurs législations internes les principes UEMOA sur les
questions de l’économie numérique et du commerce électronique. Exemple : le Règlement n°15/2002/CM/UEMOA relatif
aux systèmes de paiement dans l’espace UEMOA du 19 déc. 2002. [www.uemoa.int]
1167
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, p. 466 et s. Les auteurs soulignent que la « déréglementation s’est depuis longtemps
inscrite dans cette évolution qui conduit aujourd’hui à […] la modernisation de l’État ».
1168
COPIREP, Rapport annuel 2013, établissement public, Kinshasa, p. 79. « Pour rappel, il s’agit des activités suivantes : I. la
définition de la stratégie de développement du secteur des télécommunications et des TIC ; II. la mise en œuvre du document
de politique sectorielle ; III. l’appui à l’Autorité de régulation des PTT ; IV. La finalisation de l’étude sur la politique
sectorielle postale ; V. la réalisation d’études sur les services liés à la télécommunication (service universel, gestion du
spectre des fréquences, plan de numérotation, régime d’interconnexion, manuel d’organisation, etc.) ; VI. La stratégie de
restructuration de la SCPT ; VII. la participation à la commission pour la mise en place de la structure de gestion et
d’exploitation de la fibre optique »
191

institutions administratives en instaurant une régulation pour le marché électronique.


Toutefois, la réforme ne s’est pas poursuivie au-delà de l’ouverture à la concurrence des
services des télécoms, les infrastructures de base étant restées en RDC sous les droits
exclusifs de l’exploitant public. Actuellement dans le pays, l’ouverture du droit de l’accès aux
télécoms reste partielle. En comparaison, le droit positif congolais se situe encore en 2017 au
niveau du « marché dual » français des années 1990.1169 Compte tenu de la maladresse de
l’application des principes européens et de l’OMC, la loi-cadre de 2002 est en statu quo.
Ainsi, le cadre juridique congolais présente de nombreuses faiblesses, notamment :
l’incomplétude du sens même des lois, l’inachèvement des réformes structurelles, 1170 les
conflits des compétences entre les autorités de réglementation nationales (ARN),1171
l’omission des aspects de l’Internet,1172 l’ambigüité des dispositions de la loi1173et les
contradictions de logique entre la loi, les réalités du marché et certaines de les mesures
d’application.1174 Les erreurs et défaillances n’ont pas assuré la transformation totale du droit
des télécoms dans celui du marché et de la concurrence, pour parvenir à un véritable droit de
l’économie numérique. (Chapitre 2.)

1169
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 1 Section 2 de la présente thèse.
1170
Les mesures d’application escomptées n’ont pas été prises dans leur totalité, quatorze ans après. Il s’agit notamment de
l’Arrêté du Ministre prévu aux articles 39 et 40 de la LCT qui n’est jamais intervenu en vue de la création du Fond de service
universel, devant permettre de lutter contre la fracture numérique.
1171
L’exposé des motifs de la LCT-RDC de 2002 évoque la tutelle du Ministre des PTT sur l’ARPTC, tandis que l’article 2
de la Loi sur l’ARPTC inscrit cette même tutelle au profit de la Présidence de la République.
1172
L’Internet n’attire pas directement le législateur congolais. Les FAI ne sont ni définis, ni régis, encore moins les
professions de prestataires techniques (hébergeurs, transporteurs), ou les activités numériques découlant de l’Internet.
1173
La loi-cadre sur les télécoms en RDC du 16 octobre 2002 vise la téléphonie, sans distinguer les acteurs comme
fournisseurs d’accès à Internet ou les hébergeurs. Il en est de même du silence du législateur sur les questions particulières de
données personnelles, de preuve et signature électroniques, de commerce électronique, de cybercriminalité, etc. L’Internet
n’entrait pas dans le champ principal de vision du législateur de 2002 qui l’a envisagé dans son exposé des motifs comme un
service à valeur ajoutée des télécoms, alors que, « réseau des réseaux à l’échelle planétaire », il a révolutionné en profondeur
les multiples aspects de la vie en société par son art télématique, ses protocoles et sa valeur du numérique. Il est le créateur
d’enjeux pour l’apparition des normes juridiques ou pour leur adaptation.
1174
K. NDUKUMA ADJAYI, op.cit., p. 21.
192
193

CHAPITRE 1 :
LES DROITS EUROPÉENS, FRANÇAIS, AFRICAINS ET CONGOLAIS
DANS LA DÉRÉGULATION DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE
À TRAVERS L’OMC

462. Au niveau européen, des textes réglementaires successifs ont permis d’instaurer la
concurrence dans les secteurs des télécoms, anciennement monopolistiques. Ces réformes
engagées depuis la décennie 1980 ont entraîné une systématisation de la réglementation
sectorielle ex post et ex ante. Depuis 1990, la communautarisation a permis une harmonisation
graduelle des règles du marché européen, en en maintenant l’équilibre fonctionnel par le jeu
de la concurrence régulée. L’économie numérique s’est ainsi développée grâce à
« l’élimination de tout effet restrictif de la liberté économique individuelle qui ne serait pas
justifié par l’intérêt général en cause », dans le secteur des télécoms.1175 Cette politique dite de
« dérégulation » a contribué aux progrès technologiques et à la diffusion des techniques
numériques dans la société, dans l’économie et le monde, tout en motivant des
transformations du droit.1176
463. En effet, la valeur des acquis européens et français traverse les frontières et
atteignent les États tiers. L’exemple est donnée par la directive 2000/31/CE qui, en principe,
ne « doit pas s’appliquer aux services fournis par des prestataires établis dans un pays tiers.
Compte tenu de la dimension mondiale du service électronique, il convient toutefois d’assurer
la cohérence des règles communautaires, avec les règles internationales […] sans préjudice
des résultats des discussions en cours sur les aspects juridiques dans les organisations
internationales ».1177
464. Avec la mondialisation, il se constate une diffusion internationale du modèle de
dérégulation en dehors du marché intérieur européen, pour atteindre l’Afrique. Au départ de
l’occident (États-Unis et Europe), « la libéralisation des activités de télécoms résulte de trois
facteurs différents », parmi lesquels figure la mondialisation.1178 C’est ainsi que l’OMC est
devenue la gardienne de ce phénomène transnational, défini comme l’« abaissement des
frontières et la rapidité des échanges ».1179 Par ailleurs, « la globalisation vise un phénomène
radicalement nouveau, celui des échanges sans aucune contrainte de temps ni de lieu, portant
sur des biens sans corporalité puisqu’il s’agit d’informations ».1180
465. En Afrique, les droits nationaux des télécoms ont été construits à partir de l’héritage
colonial des services publics et des influences de la mondialisation. La reconfiguration des
secteurs africains des télécoms découle tant des effets des marchés libéralisés à l’étranger, que
de la réforme du droit du commerce international des services au sein de l’OMC (ex-GATT).
Il en ressort que cette « mixité des influences publiques et privées est indéniable mais il faut
aussi prendre en considération le rôle des institutions supra et infra-étatiques, dont on attend

1175
V. B. VAN DER ESCH, « Dérégulation, autorégulation et le régime de concurrence non faussée dans la CEE », Cahier de
droit européen, n°5-6, 1990, p. 500, cité par D. POPOVIC, op.cit, p. 3.
1176
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 1 de la présente.
1177
Considérant n°58, Directive 2000/31/CE, préc.
1178
D. POPOVIC, Le droit communautaire de la concurrence et les communications électroniques, LGDJ, Paris, 2009, p. 28.
« La politique européenne de libéralisation des activités de télécommunications résulte de trois facteurs : - un facteur
technique : le développement des techniques de télécommunications ; - un facteur économique : l’abandon des théories de
monopole naturel prévoyant que seul l’État est susceptible d’engager les investissements nécessaires à la mise en place d’une
infrastructure nationale ; - un facteur réglementaire : du fait de la mondialisation, lorsqu’un État entame le processus de
libéralisation, les autres États ne peuvent pas l’ignorer ».
1179
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation..., préc., 2011, p. 75.
1180
Ibidem.
194

désormais beaucoup […] à la fois en termes de régulation de l’économie et de la politique


industrielle ».1181
466. Dans le monde entier, l’économie de marché a reconfiguré le secteur des télécoms
de base. L’Internet a émergé de l’évolution du marché libéralisé et des politiques publiques. Il
sert aujourd’hui de vecteur de l’économie numérique. L’Afrique est confrontée aux enjeux de
transformations du marché des télécoms, lesquelles connaissent un encadrement et un
accompagnement efficaces en Europe et en France. Le droit comparé permet de comprendre
le « trait d’union » entre ces expériences progressistes du droit face aux TIC. En Europe et en
France, « ce droit achève sa transformation, en devenant aujourd’hui l’un des moyens
principaux de développement économique ».1182
467. Pour l’Afrique, c’est l’OMC1183 en 1994-1997 qui a rendu possible le mimétisme
international du modèle de dérégulation occidentale. Les États africains, y compris la RDC, se
sont engagés à appliquer les AGCS/OMC1184 dans leurs marchés nationaux. Toutefois,
l’harmonisation du marché européen diffère du système politique africain. Celui-ci présente
des disparités juridiques internes, à cause de la non-intégration de ses nombreux sous-
ensembles régionaux. Entre les deux continents, les niveaux d’encadrement juridique du
marché diffèrent largement, de même que les modalités de production du droit. Le recours au
droit national de la RDC est indispensable, pour rapprocher les expériences concrètes de droit
comparé. Néanmoins, les enjeux législatifs sont bien présents en Afrique face à l’économie
numérique. Le profil statistique du marché des télécoms en Afrique traduit la réalité des
enjeux du droit de l’accès aux télécoms par rapport à l’Europe. Pourquoi y consacrer une
présentation ? « La raison principale tient à ce que ce commerce est devenu, à plusieurs points
de vue, un secteur crucial. Il l’est économiquement d’abord. […] Ensuite, [il] s’impose
comme un secteur crucial au regard des enjeux juridiques qu’il engendre. »1185 (Section 1.)
468. Par ailleurs, il faut donc déterminer et préciser un cadre objectif pour comparer les
transformations des droits sectoriels en Europe, en France, en Afrique et en RDC : « Parce
que le temps de la régulation et de la loi est en général beaucoup trop long par rapport à la
réactivité des marchés. Parce que chaque règlement peut susciter son propre contournement
par le biais des novations technologiques ».1186 Chacun de ces espaces de marché traverse des
phases d’enjeux technologiques identiques. Le développement technologique des marchés
s’effectue avec les mêmes technologies et les mêmes offres, tandis que les terminaux et
équipements se standardisent dans le monde entier. La seule différence reste les temps de
diffusion des offres ou les temps de changements, mais les phases d’évolutions des marchés et
des technologies sont les mêmes en Europe et en Afrique.
469. Le « socle analogique » des télécoms1187 a fait l’objet des premières réformes
initiées aux États-Unis et en Europe dès les années 1980. Celles-ci ont été suivies au cours des
années 1990-2000 dans tous les États de la Planète, à la suite du dialogue juridique
multilatéral de l’OMC.1188 À ce jour, l’« ère numérique » résulte de l’évolution des marchés

1181
J.-PH COLSON et P. IDOUX, Le droit public économique, 8e éd. LGDJ, coll. manuel, Paris, 2016, p. 549.
1182
D. POPOVIC, op.cit, p. 45.
1183
Ibidem, p. 576. « L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a succédé au système du GATT (General Agreement
on Tarifs and Trade) à la suite des accords de Marrakech du 15 avril 1994 entrés en vigueur le 1 er janvier 1995. »
1184
ACGS/OMC : Accord général de commerce des services/ Organisation mondiale du commerce.
1185
J. ROCHFELD, Les nouveaux défis du commerce électronique…op.cit, p. 1.
1186
J. CARBONNIER, Droit et passion du droit sous la Vè République, Flamarion, coll. champs essais, n°819, Paris, 1996, p. 7.
1187
BANQUE MONDIALE, Les dividendes du numérique, préc., p. 17 et s.
1188
Comme cela est précisé avec détail dans la présente section de thèse, l’OMC a été le cadre des négociations des principes
de changements, ayant conduit à la démonopolisation des services publics des télécoms et au modèle de régulation
occidentale partout dans le monde.
195

libéralisés des télécoms. Ainsi, les télécoms de base et les communications électroniques
(Internet) marquent respectivement les deux phases de transition du droit pour en réglementer
les enjeux à l’ère numérique. Ces phases présentent l’uniformité des activités économiques et
des techniques, pour le droit comparé des secteurs concernés en Afrique et en Europe. Ces
phases permettent de rapprocher les deux systèmes juridiques, par rapport aux paramètres
identiques, s’agissant des enjeux, des problématiques et des facteurs de législation. Le droit
comparé porte sur des situations et des objets comparables en établissant des éléments
référentiels communs, même si les temps de législation peuvent se décaler d’un espace
politique à un autre. Pour « penser plus d’un droit », Pierre Legrand fournit l’approche
méthodologique que nous retenons.1189 Les questions pratiques encadrent la logique des
comparaisons autours des expériences juridiques disjointes sur des faits identiques. Ainsi,
« [l]e comparatiste français [ou congolais] se consacrant à sa recherche voudra se munir d’une
conception du droit, autre que celle qui vaut seulement en France [ou en RDC], lui permettant
de cerner le lieu et le temps des droits d’ailleurs. Où commence un droit et où s’arrête-t-il (et
s’arrête-t-il…) ? Où se situerait le non-droit ? Où tracer la ligne entre la norme et la déviance,
entre le normal et le pathologique ? ».1190
470. D’une part, le modèle de dérégulation des télécoms de base reste partout le même :
démonopolisation, régulation indépendante et concurrence. Cependant, la transition du cadre
réglementaire européen présente trois principales différences quant à la libéralisation du droit
de l’accès aux télécoms en Afrique. Ces différences respectives se situent aux niveaux des
mises en œuvre du processus de dérégulation, des résultats de restructuration des marchés et
des degrés de transformation du droit sectoriel des télécoms entre l’Europe et l’Afrique.
471. D’autre part, l’ère numérique présente de nouveau enjeux de pleine concurrence au-
delà de la démonopolisation du secteur des télécoms. La connexion mondiale des marchés
électroniques et la convergence des technologies numériques placent les États de manière
synchrone face aux défis transfrontières de l’Internet.1191 La globalisation du cyberespace
présente de nouvelles réalités sociales. Tous ces enjeux de transition numérique motivent des
retouches spécifiques de certains aspects du droit, en posant des défis en sens divers dans les
marchés nationaux et internationaux.1192 La souveraineté numérique est l’une des questions
nouvelles que l’Internet pose aux États. (Section 2.)

1189
P. LEGRAND, Le droit comparé, PUF, 5e éd., coll. « Que sais-je ? », Paris, 2015 (1999), p. 33.
1190
Ibidem.
1191
Dictionnaire le petit Larousse illustré 2017. Verbo « Synchrone », du grec : sugkhronos ou « sun », signifiant « avec »,
et de « khronos », se disant des mouvements qui se font en même temps.
1192
O. ITEANU, Quand le digital défie l’État de droit, préc. pp. 9 et s.
196

SECTION I -
L’INCLUSION DE L’AFRIQUE DANS LE RENOUVEAU DU DROIT INTERNATIONAL
DES SERVICES DES TÉLÉCOMS

472. Les politiques néolibérales occidentales ont été distillées dans le reste du monde
comme une contingence multilatérale, à travers l’accord de création de l’OMC en 1994 et
celui spécifique sur les télécoms en 1997.1193 Cet accord a engagé les États africains dans un
schéma unique de démonopolisation des télécoms de base. Quelles ont été les étapes des
transitions politico-juridiques ? Quels sont les fondements de la construction du libre marché
planétaire des communications électroniques? Quels ont été les enjeux technologiques dans
les expériences de transformation des systèmes juridiques et institutionnels en Europe, en
France, en Afrique et en RDC ?
473. En réalité, « la mondialisation de la dérégulation »1194 a permis une structuration
des marchés des télécoms sur un schéma uniforme pour tous les États du monde. « D’abord
"nationales" et "régionales", les dérégulations des télécoms sont devenues un phénomène
quasi universel qu’institutionnalise l’accord de l’OMC sur les télécoms ».1195 Au départ de
l’Occident, la dérégulation a ensuite inséré l’Afrique dans le commerce mondial des services
de télécoms de base. Ce sont ces derniers qui ont configuré l’économie numérique actuelle.
Même si les temps, les niveaux et les vitesses de réalisation des réformes diffèrent, le schéma
néolibéral des télécoms a imprimé un mouvement de bascule du service public des télécoms
vers le jeu concurrentiel des marchés.
474. Dès 1980-1990, la libéralisation des marchés a entraîné l’internationalisation des
réseaux et la multinationalisation des opérateurs européens (et américains). À cette occasion,
d’énormes disparités des règles juridiques se sont révélées entre l’Afrique et l’Europe. (Elles
existent encore à ce jour.) Cependant, l’expansion transnationale des marchés a provoqué la
confrontation des règles entre des systèmes juridiques différents. L’Europe et les États-Unis
ont anticipé sur la situation, pour rapprocher des règles entre plusieurs ordres juridiques. À cet
égard, des négociations de l’« Uruguay round » ont été engagées entre 1986 et1994 dans le
cadre du GATT. Elles ont donné lieu aux accords de l’OMC. C’est ainsi que la réforme des
règles du commerce international a favorisé l’inclusion des marchés africains dans le nouvel
ordre économique. En effet, « Le domaine de l’activité de l’OMC a été progressivement
élargi. Il s’étend désormais non seulement au commerce des marchandises ([…] Ŕ le GATT),
mais aussi à celui des services ([…] Ŕ AGCS) et aux questions de propriété intellectuelle ([…]
qui touche au commerce Ŕ ADPIC).1196 ».1197 La reproduction des principes libéraux euro-
américains en Afrique a été la conséquence juridique de l’adhésion des États africains à
l’OMC.1198 (§1.) Mais, les disparités internes du système juridique sur le continent demeurent,
en dépit de son marché électronique florissant. En effet, elles ressortent précisément de

1193
[www.wto.org] (consulté le 2 juillet 2016) Les négociations de Uruguay Round furent conclu le 15 avril 1994 par
l’accord de création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), lequel accord est entré en application au 1 er janvier
2015. Par ailleurs, l’« accord spécifique sur les télécoms de base » (BATS) fut conclu le 15 février 1997 et applicable au 5
février 1998.
1194
P. MUSSO, op.cit, p. 75 et s.
1195
Ibidem.
1196
F. DEHOUSSE et F. HAVELANGE, « Aspects audiovisuels des accords du GATT : exception ou spécificité culturelle », in C.
DOUTRELEPONT (dir.), L’Europe et les enjeux du GATT dans le domaine de l’audiovisuel, Bruylant, 1994. A. HEROLDE, « Les
aides publiques européennes au cinéma dans le cadre de l’OMC », IRIS Plus, Observations de l’observatoire européen de
l’audiovisuel, éd. 2003-6. G. BOSSIS et R. ROMI, Droit du cinéma, LGDJ, coll. Systèmes, Paris, 2004, p. 132.
1197
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, p. 576.
1198
C. GUERRIER, « Droit international et des pays étrangers : Droit et accords OMC dans le domaine des
télécommunications, la problématique africaine », préc., p. 92-97.
197

l’aperçu de l’ordre politique africain, de ses droits nationaux ainsi que de ses différentes
initiatives d’intégration économique et juridique. Si l’Afrique n’est pas un système juridique
homogène, les statistiques font néanmoins état de son économie numérique, comme à la fois
enjeu et facteur de régulation. (§2)

§1. Le rapprochement des règles africaines et européennes


des télécoms à travers l’OMC
475. Les accords de l’OMC de 1994 et 1997 ont réaligné les droits des télécoms
africains dans le schéma de dérégulation européenne. Cependant, la justification de l’inclusion
à l’OMC n’est pas la seule cause de cette transition des règles. L’enchainement des économies
et des marchés a aussi obligé les États africains à procéder aux mêmes transformations
d’institutions juridiques qu’ailleurs. En effet, « [l]e droit de télécommunications est autant au
service des politiques publiques (notamment des politiques de développement) qu’à celui des
stratégies d’entreprise qui ne peuvent plus ignorer ses apports essentiels ».1199 (A./)
476. En revanche, le contexte africain ne présente pas le niveau d’intégration juridique et
économique, identique à l’Union européenne. Chaque pays a agi sur son droit positif au
regard de sa souveraineté territoriale. Tel est le cas de la RDC qui a réformé ses lois de
télécoms en 2002, en application des principes de l’OMC, en dehors de l’harmonisation ou de
la communautarisation des droits africains. De ce fait, les modalités de mise en œuvre de la
déréglementation diffèrent considérablement entre l’Europe et l’Afrique. (B./)
A. / LES ACCORDS DE L’OMC POUR L’INCLUSION DES ÉTATS AFRICAINS
DANS LA DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS

477. L’OMC a indéniablement engagé depuis 1994-1997 les États africains, y compris la
RDC, dans le processus initié aux États-Unis et en Europe depuis les années 1980 en vue de la
dérégulation des télécoms. À titre comparatif, il apparaît des différences majeures dans les
modalités de conduite des réformes d’un continent à l’autre.
478. La colonisation et la mondialisation sont deux faits historiques du « grand
désenclavement planétaire (1815-1991) ».1200 Il en découle l’« enchainement des parties du
globe » ainsi que l’« explosion des flux [qui] ont besoin de réseau, liaisons permanentes
organisées ».1201 À leur origine coloniale, les services publics monopolistiques africains
présentaient les mêmes fondements idéologiques et juridiques qu’en Europe. Mais, dès 1980,
cette dernière engagea son processus de libéralisation des télécoms.1202 Dans les faits, la
mondialisation a contribué à l’internationalisation des réseaux, à la diffusion du progrès
technologique et à la multinationalisation des opérateurs. L’Europe entendait garantir
l’activité de ses multinationales à l’étranger, grâce à des règles de jeu analogues à son marché
intérieur. Mais, l’élan de globalisation de l’économie se confrontait à la disparité des systèmes
juridiques, face au retard des législations en Afrique. Les forces des marchés libéralisés à
l’étranger exerçaient des pressions sur les monopoles publics dans les États africains.
L’ « impératif d’accès » résulte de la volonté politique pour chaque marché d’accéder aux
services communs de télécoms, « parce qu’il y a des monopoles comme des réseaux de

1199
D. POPOVIC, op.cit, p. 45.
1200
PH. MOREAU DEFARGES, La mondialisation… op.cit, p. 17.
1201
Ibidem, p. 27.
1202
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 1 de la présente thèse.
198

transport, auxquels les opérateurs doivent avoir accès pour offrir leurs produits à des
acheteurs ».1203
479. La liaison des marchés occidentaux et africains est un aspect géopolitique 1204 sous-
jacent de la mondialisation.1205 Au départ de l’Occident, « [l]es idées de dérégulation se
fondent en principe, sur la croyance que seules les lois du marché peuvent suffire à organiser
un secteur ».1206 C’est ainsi que dès 1980, les États-Unis et l’Europe anticipèrent sur les
enjeux technologiques et commerciaux en lançant l’idée d’étendre au domaine des services,
les règles libérales du GATT, autrefois limitées au commerce des marchandises. La réforme
du commerce international qui préexistait dans l’Accord du GATT est à la base d’un nouvel
ordre économique mondial.1207
480. Cependant, la restructuration du marché électronique et son internationalisation
impliquent la souveraineté des États.1208 « Classiquement, la souveraineté s’entend de
l’existence d’un monopole étatique sur l’énonciation et l’application du droit. La souveraineté
s’entend notamment du pouvoir de dire le droit, de commander par la norme. "Dire la loi est
le premier fondement de la souveraineté1209" ».1210 L’étude de l’expérience en Europe
démontre que le « droit des télécommunications s’"instrumentalise" », au regard des
évolutions technologiques des marchés et des politiques.1211 Les règles ordolibérales de
l’Europe (et celles néolibérales des États-Unis) ont servi de modèle de réajustement des droits
de télécoms dans les États tiers. Par conséquent, les États africains devaient eux-mêmes
procéder à des politiques législatives de libéralisation du droit de l’accès aux marchés en
faveur de leurs citoyens et face aux multinationales occidentales. L’application de la
dérégulation des télécoms en Afrique se présente comme la « composante d’une politique
multilatérale » de l’occident en dehors de ses espaces de souveraineté.1212
481. L’OMC reste la source formelle de l’engagement des États africains dans le
processus de dérégulation.1213 En replacement de l’ex-GATT, l’OMC a été instituée le 15
avril 1994, par la signature de l’Acte final de Marrakech. Son Annexe 1B, est plus illustre
dans ses sigles "AGCS" (en français) et "GATS" (en anglais). L’AGCS est à la base d’un
« système commercial multilatéral intégré »: le préambule et l’article II de cet Acte final

1203
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation, coll. « Que sais-je ? », PUF, 1re éd., 2011, p.7.
1204
Cf. pour le déplacement des facteurs de puissance dans la sphère des télécoms, M. VOLLE, « Géopolitique du
Cyberespace », in P. HASNER (sous. la dir.), Les Notices, 2è éd., La documentation française, Paris, 2012, p.209-213. Cahier
français, n°372, p. 8-11. L’auteur présente les influences du monde cinétique dans le cyberespace et vice-versa, autour des
axes d’observation : « géopolitique de la cybercriminalité », « Délits financiers et crime organisé », « La démocratie menacée
par la restauration du pouvoir féodal [dans le cyberespace] », « Guerre dans le cyberespace », « Faire entrer la démocratie
dans le cyberespace ».
1205
PH. MOREAU DEFARGES, La gouvernance… op.cit, p.91. Selon l’auteur, « Le monde de la géopolitique s’organise autour
de la guerre, des luttes pour les territoires, des jeux à somme nulle : les richesses se font par le pillage, la puissance par la
conquête ». Au vu de la mondialisation des télécoms, la restructuration des monopoles africains en marché ouvert reste un
enjeu économique, tout autant que l’aspect géopolitique relève du positionnement stratégique d’anciennes EPIC européennes,
comme opérateur (nouveaux entrants), dans le nouveau contexte d’économie de marché.
1206
D. POPOVIC, op.cit, p. 3.
1207
Cf. [www.wto.org] (consulté le 2 juillet 2016). Le GATT régissait depuis 1947 le commerce international de
marchandises. Les accords de l’OMC sont couramment appelés l’acte final de l’Uruguay Round négociations commerciales
de 1986Ŕ1994. En 1994, l’Acte final contient des textes d’interprétation des articles de l’Accord du GATT de 1947.
1208
Article 2, Charte des Nations Unies : « L’Organisation des Nations Unies et ses Membres, dans la poursuite des buts
énoncés à l’article 1, doivent agir conformément aux principes suivants : 1. L’organisation est fondée sur le principe de
l’égalité souveraine de tous ses Membres. […] »
1209
K. BENYEKHLEF, Une possible histoire de la norme, Montréal, éd. Thémis, 2008, p. 55 et 56.
1210
P. TRUDEL, op.cit, p. 10.
1211
D. POPOVIC, op.cit, p. 45.
1212
J. DO-NASCIMENTO, op.cit, p.123. UIT, « Une régulation efficace », Rapport, Tendances des réformes dans les
télécommunications, 2002.
1213
C. GUERRIER, op.cit, p. 96 et s. J. DO-NASCIMENTO, op.cit, p. 127-129.
199

établissent l’OMC comme cadre institutionnel du commerce international. Son annexe 1B


(AGCS/GATS/OMC) réforme donc fondamentalement l’objet du droit international du
commerce en y insérant désormais le domaine des services, à l’exception de ceux fournis par
l’exercice du pouvoir régalien.1214
482. La contrainte de la dérégulation des télécoms en Afrique découle de cette base
conventionnelle, négociée au fur et à mesure des sessions de l’Uruguay Round (1986-1993).
Celles-ci ont abouti le 15 avril 1994 à la création de l’OMC, dont l’accord est entré en
application au 1er janvier 2015. Cet accord a servi de passerelle d’influences pour l’adhésion
des États africains aux objectifs de l’économie de marché. Ainsi, les États de traditions
juridiques différentes ont pu engager des rounds « de dialogues [qui] se construisent autour
des valeurs et des conceptions parfois différentes ».1215
483. Sous l’égide de l’OMC, les modes d’organisation de marchés régulés ont été
uniformisés sur base des principes « ordolibéraux » européens et « néolibéraux » américains,
en direction de l’Afrique.1216 L’OMC/GATT a été institutionnalisé en 1994,1217 mais d’autres
négociations séparées ont permis une élévation progressive des niveaux de libéralisation des
marchés des services entre les États européens et africains, à travers plusieurs accords
sectoriels.1218 Le quatrième protocole du GATS/AGCS, issu du groupe de négociations sur les
services (GNS), correspond à l’« accord spécifique sur les télécoms de base » (BATS) du 15
février 1997, applicable au 5 février 1998. Cet accord engage les États signataires à ouvrir à la
concurrence leurs marchés de télécommunications. Le processus devait faire application des
principes fondamentaux du GATS relatifs à l’accès au marché et au traitement national, selon
des calendriers et des impacts différents.1219 Les secteurs des services et des équipements des
télécoms font respectivement l’objet de cet accord : d’une part, le téléphone, le télex, la
télécopie, la transmission des données et d’autre part, les moyens des transports des signaux
(câbles, fibres optiques, fréquences hertziennes ou satellites).
484. Ainsi, l’accord général de l’OMC de 1994 (annexe 1B/AGCS) demeure la source
formelle de la déréglementation en Afrique. Son accord spécifique sur les télécoms de 1997
engage, particulièrement, les États africains dans une transition des normes et des modes de
gestion de leurs services publics en vue d’ouvrir les marchés nationaux au jeu de la
concurrence internationale. Ces changements ont été perçus comme « contraints et
forcés »1220, là où d’autres y ont vu un « affrontement des parties du monde », duquel

1214
AGCS/GATS, accord général sur le commerce et les services (OMC), [www.wto.org] (consulté le 14 juin 2015).
1215
P. TRUDEL, « La souveraineté en réseau », op.cit, p.14.
1216
F. DENORD, R. KNAEBEL, P. RIMBERT, « L’ordolibéralisme allemand, cage de fer pour le vieux continent », Le Monde
diplomatique, aout 2015, p. 20 et 21. « Contrairement aux libéraux classiques, les ordolibéraux ne considèrent pas le marché
ou la propriété privée comme des produits de la nature, mais comme des constructions humaines, et donc fragiles. L’État doit
rétablir la concurrence si elle ne fonctionne pas. »
1217
[www.wto.org] (consulté le 14 juillet 2016.) À la base de l’Organisation Internationale du Commerce, les accords du
GATT avaient été signés par vingt-trois (23) États à Genève le 30 octobre 1947 et avaient pris effet le 1er janvier 1948. Les
accords du Round de négociations d’Uruguay ont abouti à la mise en place de l’OMC en 1995, avec la signature par cent
vingt-trois (123) États à Marrakech le 14 avril 1994.
1218
Après l’institutionnalisation de l’OMC en 1994, des groupes spécifiques de négociations avaient été mis en place, afin de
poursuivre des négociations devant donner lieu à des engagements spécifiques. Cela devait concerner cinq secteurs dits
« secteurs particuliers », à savoir : mouvements des personnes physiques, transports aériens, services financiers, transports
maritimes, télécommunications de base.
1219
D. POPOVIC, op.cit, p. 30. « En ce qui concerne les États membres de l’UE, l’impact du 4 e protocole demeure assez limité,
vu qu’il n’impose pas d’obligations supplémentaires lorsqu’on le compare avec les dispositions communautaires
pertinentes », déjà adoptées par les institutions européennes dans leur harmonisation du cadre réglementaire des
télécommunications. Cf. pour les aspects de transformation du droit communautaire des télécoms en Europe : Chapitre 1 du
présent titre de thèse.
1220
J. DO-NASCIMENTO, « La déréglementation du marché africain des télécommunications », in J-J GABAS (sous la dir.),
Société numérique et développement en Afrique, usage et politiques publiques, éd. Karthala, Paris, 2004, p. 123.
200

émergent des « normes universelles, gouvernance globale » dans « une mondialisation


toujours plus inclusive ».1221 Mais, le succès mondial de leur application tient du fait des
soixante-dix États signataires dès le départ, dont trente-cinq africains sur les cinquante-cinq
du continent. Au moment de la conclusion de l’accord spécifique (BATS), l’ensemble des
signataires représentait 90% du chiffre d’affaires du secteur mondial des télécoms. 1222 En
effet, « Comme le GATT auparavant, l’OMC, rassembl[e] l’immense majorité des États (153
membres et 35 observateurs au début de l’année 2009) au sein d’une sorte de forum de
négociation continue [...]. Les missions de l’OMC consistent à assurer la mise en œuvre,
l’administration et le fonctionnement du système commercial multilatéral établi par les traités
conclus entre les États membres. »1223
485. Aux termes de l’AGCS/OMC, chaque partie contractante doit éliminer toutes les
entraves susceptibles d’ériger des barrières à l’entrée des marchés de service et lutter contre
les pratiques discriminatoires. À ces obligations générales, l’annexe relative aux services de
télécommunications précise les conditions d’accès et d’exploitation des réseaux :
- l’interdiction est faite à l’opérateur de contrôler les infrastructures des réseaux à travers des
opérations de concentration industrielles ou de se trouver en position de monopole ;
- l’interconnexion doit être assurée pour l’ensemble des concurrents à n’importe quel point
du réseau : l’interconnexion des réseaux suppose un accès sans contrainte des concurrents
aux infrastructures ;
- la mise en œuvre de procédures objectives, transparentes et non discriminatoires
d’attribution des ressources rares (fréquences, numérotation aux opérateurs et aux
prestataires de réseaux…) ;
- l’élimination des pratiques anticoncurrentielles : subventions croisées, ententes entre
opérateurs, rétention d’informations techniques […] ;
- le contrôle des politiques de tarification : des mécanismes d’encadrement des tarifs peuvent
être mis en œuvre pour éviter la distorsion de la concurrence ;
- l’obligation de service universel : les opérateurs doivent être soumis à des obligations de
continuité du service, de fonctionnalité des équipements et de couverture géographique »
486. En 1999, la Revue du droit de l’informatique et des télécoms avait mené une étude
très instructive sur l’adhésion réservée des pays du Tiers-Monde aux accords de l’OMC, en se
référant à l’Afrique comme seul continent qui ne possédait aucun État très développé dans le
secteur des télécommunications.1224 Réfléchissant dans le contexte du « Droit international et
pays étrangers », Claudine Guerrier rappelle que pour l’OMC « la libéralisation est le maître
mot. Elle implique des clauses juridiques précises ».1225 Toutefois, tout en encourageant la
libéralisation, il n’en demeure pas moins que l’État devait jouer un rôle moteur suivant les
réformes de l’UIT ou de l’OMC dans le domaine des télécommunications. L’économie
globalisée a immergé les pays en cours de développement dans le nouvel ordre juridique
international, les contraignant à s’adapter au marché, à la concurrence. La nouvelle idéologie
libérale a fait triompher la considération que le concurrence est un facteur de progrès, tant
pour les spécialistes de l’économie que du droit.

1221
P. MOREAU DEFARGES [2012a], op.cit, pp. 25, 84 et 110.
1222
P. MUSSO, op.cit, pp.74 et s. C. GUERRIER, op.cit, p. 92.
1223
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, p. 576.
1224
Droit de l’informatique et des télécoms, Computer & Telecoms law review, Revue trimestrielle, avec la collab. de
« EDIT », 16e année, Paris, 1999/1.
1225
C. GUERRIER, op.cit, p. 92.
201

487. Cependant, l’adhésion des États africains à l’OMC a été influencée par un relatif
intérêt et par des appréhensions eu égard non seulement au retard de développement de leurs
marchés mais aussi au manque de maîtrise cognitive des technologies sous-jacentes.1226 Par
conséquent, les « deux variables (investissement immatériel, expérience du marché) ont
déterminé le positionnement des pays en voie de développement face aux négociations et à la
ratification du 4e protocole (services de base de télécommunications) annexé à l’AGCS. »1227
488. Ainsi, plusieurs constats juridiques se dégagent avec des conséquences quant à
l’application des normes de l’OMC entre l’Afrique et l’Europe, notamment.1228 Le premier
constat est que « [l]a majorité des États africains n’a pas signé ces accords. […] C’est le cas
de l’ex-Zaïre (ainsi dénommé au moment de la ratification), actuelle République
Démocratique du Congo, qui n’a pu exploiter ses richesses naturelles pour se doter
d’infrastructures suffisamment fiables ».1229 Le deuxième constant est que « [b]eaucoup de
pays en développement se sont refusés, en adhérant à ce protocole, à supporter des contraintes
excessives auxquelles il aurait été impossible de se dérober ».1230 Par conséquent des réserves
et des engagements spécifiques ont concerné les pays africains sur deux aspects : leur
insistance à maintenir des droits spécifiques et spéciaux en faveur de l’opérateur historique ;
les exemptions à la clause de la nation la plus privilégiée (NPF). 1231 « Telle est la "tentation"
des États africains qui veulent accéder aux bienfaits de l’économie de marché tout en
conservant une forme de souveraineté ».1232 La doctrine a parlé d’« une peur justifiée de
l’Afrique face à la mondialisation des marché ».1233
489. En définitive, les marchés africains ont été inclus par l’OMC dans la dynamique des
réformes réglementaires des secteurs de télécoms, autour des objectifs de dérégulation. Dans
la réforme, la « suppression des droits exclusifs et spéciaux et le principe de la Nation la plus
favorisée sont des concepts incontournables. […] Le droit des télécommunications, au niveau
international, ajoute qu’une autorité de régulation, capable d’établir une solution de
compromis entre ancien(s) et nouveaux entrants, sera indispensable au gouvernement et de ses
prétentions à la souveraineté sur les télécommunications ».1234 Ainsi, avec l’OMC, les
standards du système de marché et des principes de réglementation des télécoms sont
identiques d’un continent à un autre. Il importe toutefois de comparer les modalités de leur
application en Afrique et en Europe. (B.)

1226
Ibidem, p. 93. En fait, l’« investissement immatériel, essentiel dans les technologies de l’information, comprend les
logiciels, la recherche, indispensables aux services de télécommunications ».
1227
Ibidem, pp. 92-93.
1228
Cf. Point B (le point suivant) de la présente thèse.
1229
Ibidem, pp. 92-93.
1230
Ibid., pp. 94-95.
1231
Ibid., pp. 95. Notamment : « Le protectionnisme est de type "défensif". Il convient de le distinguer de l’ancien
protectionnisme "offensif" des États-Unis d’Amérique et du Japon, qui maintenait des barrières douanières afin de gêner
l’introduction des concurrents dans le domaine des TIC et accéder librement aux services des pays étrangers. Le
protectionnisme "défensif" est condamné à moyen terme. L’Europe a été séduite (préférence communautaire) autrefois par ce
concept, même si le principe progressiste libéral l’a emporté ».
1232
Ibid., p. 95.
1233
G. BAKANDEJA, op.cit, p. 159. « À l’ère de la mondialisation des échanges et des marchés, d’aucuns s’interrogent sur ce
qui peuvent tirer comme mprofit les pays en développement en général et ceux de l’Afrique en particulier dans ce phénomène
qui, loin s’en faut n’est pas nouveau. […] Mais, devant les inégalités criantes des économies qui persistent, […] on peut se
demander dans quelle mesure une telle ouverture ne comporte pas de risques d’aggravation de ces mêmes inégalités, voire de
domination et d’une forme voilée de clonolisation des pays en développement par ceux industrialisés ».
1234
Ibid., pp. 95-96.
202

B./ LA COMPARAISON DES PROCÉDÉS LÉGISLATIFS


DE LA DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS EN EUROPE ET EN AFRIQUE

490. Chaque État selon sa culture juridique a adopté les normes de l’OMC dans ses
principes et objectifs ci-dessus, et les a appliquées de manière uniforme mais avec plus ou
moins de rapidité. En Europe, notamment, où la mainmise sur les télécoms par l’État était
souvent une donnée idéologique, la marche vers l’autorité de régulation indépendante fut
lente.1235 « Encore fa[llait]-il que certains États, surtout en développement, cessent
[également] de considérer que les télécommunications sont un élément de la souveraineté,
vision incompatible avec la liberté des échanges ».1236 Pour les États africains, comme la
RDC, c’est par mimétisme contraint que l’ensemble des principes néolibéraux concourrait à
s’appliquer, dans le contexte de transfert des technologies occidentales, de la mondialisation
des marchés et particulièrement de la multinationalisation des opérateurs libéraux occidentaux
vers les marchés africains en retard de déréglementation.
491. À la suite de la déréglementation européenne, la « rémanence »1237 en Afrique des
monopoles étatiques des télécoms créait une différence des structures des marchés. Cette
disparité des systèmes juridiques constituait des obstacles pour la mondialisation des marchés
électroniques. Les services publics monopolistiques contrastaient avec la liberté voulue pour
assurer le dynamisme du marché des services, sa compétitivité, sa croissance, sa profitabilité,
l’amélioration de la qualité d’offre des services aux consommateurs. Et pourtant, la
Commission européenne a inscrit ces objectifs du marché concurrentiel, dès le
commencement du processus de libéralisation. En Europe, l’émergence de l’acquis
communautaire européen se réfère à l’adoption en 1987 du Livre vert visait sur le
développement du marché commun des services et de l’équipement de
télécommunications.1238 Les premières mesures formelles de libéralisation des télécoms
portaient déjà en 1988 sur le marché des terminaux (directive 88/301/CEE)1239 et en 1990 sur
les services de télécoms (directive 90/388/CEE)1240. Il était question de supprimer les
dernières restrictions à l’usage de l’infrastructure de réseaux. La directive 96/19/CE1241 réalisa
cet objectif particulier de libéralisation. La pleine concurrence a ainsi été garantie par
l’ouverture des réseaux au 1er janvier 1998, à l’issue de plusieurs révisions du cadre
réglementaire.1242
492. Comme l’Europe avait déjà initié l’ouverture du droit de l’accès sur ses propres
marchés, le retard législatif des secteurs africains de télécoms constituait une entrave au

1235
Cf. Partie 1, Titre 1, Chapitre 2 de la présente thèse.
1236
Ibid., p. 95.
1237
Dictionnaire : Le petit Larousse illustré 2017, p. 992 Verbo « Rémanence » : se dit de la « propriété d’une sensation
virtuelle, notamment visuelle, de persister après la disparition du stimulus ». Pour notre contexte de thèse, le terme traduit le
fait que les monopoles demeuraient encore sur le continent africain, alors que ses fondements originels, hérités de l’Europe
coloniale, y avaient déjà été balayés.
1238
COM (87) 290 du 30 juin 1987.
1239
Directive 88/301/CEEE de la Commission du 16 mai 1988 relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de
télécommunications, dite directive « terminaux de télécommunications », JOCE, L113, 27 mai 1988, p. 73.
1240
Directive 90/388/CEE de la Commission du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de
télécommunications, dite directive « services de télécommunications », JOCE, L192, 24 juin 1990, p. 10.
1241
Directive 96/19/CE de la Commission du 13 mars 1996 modifiant la directive 90/388/CEE en ce qui concerne la
réalisation de la pleine concurrence sur le marché des services de télécommunications, JOCE, L 74, 22 mars 1996, p. 13.
1242
Directive 94/46/CE de la Commission du 13 octobre 1994 modifiant les directives 88/301/CEE et 90/388/CEE en ce qui
concerne en particuliers les communications par satellite, JOCE L 268, 19 octobre 1994, p. 15. Directive 95/51/CE de la
Commission du 18 octobre 1995 modifiant les directives 98/388/CEE et 90/388/CEE en ce qui concerne la suppression des
restrictions à l’utilisation des réseaux câblés de télévisions pour la fourniture de services de télécommunications déjà
libéralisés, JOCE, L 256, 26 octobre 1995, p. 49. Directive 96/2/CE de la Commission du 16 janvier 1996 modifiant la
directive 90/388/CEE en ce qui concerne les communications mobiles et personnelles, JOCE, L 20, 26 janvier 1996, p. 59.
203

développement des télécoms, au vu de l’internationalisation des réseaux. Aujourd’hui encore,


l’acquis du droit européen traduit cette considération, selon laquelle « le développement des
services de la société de l’information est limité par un certain nombre d’obstacles juridiques
au bon fonctionnement du marché intérieur s’il arrivait à subsister les divergences des
législations ainsi que l’insécurité juridique des régimes nationaux applicables à ces
services ».1243
493. C’est pourquoi depuis le milieu de la décennie 1990, les accords interétatiques de
l’OMC veillent à assurer la mise en concordance des règles internationales des marchés de
services de télécoms. L’approche multilatérale a permis aux États africains d’adopter la
libéralisation de leurs services publics monopolistiques, d’héritage colonial. De la sorte, le
« droit d’ailleurs » s’est diffusé en Afrique, selon les termes du doyen Jean Carbonnier dans
sa réflexion sur la « production du droit ».1244 Il est ainsi question des « droits venus
d’ailleurs » et « des droits qui ne se cachent pas d’être étrangers ».1245 En France, « On aurait
pu supposer que de Gaulle, par une certaine idée de la France, répugnerait à laisser s’installer
dans notre système de droit une sorte de législateur apatride ».1246 Mais en Afrique, l’adhésion
massive des États à l’OMC produisit un mimétisme de l’expérience européenne pour une
transition des politiques législatives des télécoms.1247
494. Par conséquent, les droits nationaux africains ont été réformés à un seuil minimum
répondant à la temporalité et à la matérialité des droits européens, en application des règles du
droit international. La dérégulation en Afrique a été réalisée par la synergie d’actions entre
l’OMC et d’autres organisations internationales. À cet effet, l’UIT,1248 le FMI,1249 et la BM1250
exercèrent (et exercent encore) un véritable pouvoir réformateur des institutions juridiques sur
ce continent, car elles sont « du nombre des institutions internationales appelées à jouer un
rôle incontournable dans l’action publique sur l’économie ».1251
495. Premièrement, l’UIT a développé une force d’imposition de ses méthodes vis-à-vis
des États africains, qui sont, depuis leurs époques coloniales, membres de cette plus ancienne

1243
Considérant n°05, directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, préc.
1244
J. CARBONNIER, Droit et passion du droit sous la Ve République, préc, p. 44.
1245
Ibid.
1246
Ibid., p. 47-48.
1247
Il est à rappeler que 35 pays africains sur les 55 du continent étaient signataires de l’accord spécifique de l’OMC de 1997
sur les télécommunications, sur les 70 signataires de départ.
1248
[www.itu.int] (consulté le 2 juillet 2016.) L’UIT a été fondée à Paris en 1865 sous le nom de l’Union télégraphique
internationale. Elle porte son nom actuel depuis 1932. En 1947, elle est devenue l’une des institutions spécialisées de l’ONU.
Bien que son domaine initial d’activité fût la télégraphie, ses travaux couvrent aujourd’hui l’ensemble du secteur des TIC, de
radiodiffusion numérique à l’Internet, en passant par les technologies mobiles et la TV3D. Elle compte aujourd’hui 193 pays
membres et près de 800 entités du secteur privé et établissements universitaires Membres de secteur. Elle reste fondée sur la
coopération internationale entre les gouvernements (États membres) et le secteur privé (membres de secteur, Associés,
établissements universitaires).
1249
[www.imf.org] (consulté le 2 juillet 2016.)Le FMI (le Fonds) a été créé en juillet 1944, lors d’une conférence de l’ONU à
Bretton Woods dans le New Hampshire (États-Unis). Il encourage la stabilité financière et la coopération monétaire
internationale, et s’efforce aussi de faciliter le commerce international, d’œuvrer en faveur d’un emploi élevé et d’une
croissance économique durable, et de faire reculer la pauvreté dans le monde. Le FMI est gouverné par ses 189 États
membres, auquel il rend compte de son action.
1250
[www.banquemondiale.ord] (consulté le 2 juillet 2016.) La BM, depuis sa création, s’est élargie pour passer d’une seule
institution à un groupe de cinq organismes de développement étroitement liés entre eux. Initialement chargée de soutenir le
processus de reconstruction et de développement d’après-guerre (d’où son nom), la Banque internationale pour la
reconstruction et le développement (BIRD) a désormais pour mandat de réduire la pauvreté dans le monde aux côtés de son
institution affiliée, l’Association internationale de développement (IDA), et les autres membres du Groupe de la Banque
mondiale, la Société financière internationale (IFC), l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA) et le
Centre international pour le règlement des différents relatifs aux investissements (CIRDI).
1251
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, p. 573.
204

organisation internationale de l’histoire.1252 Paradoxalement, l’UIT trouvait vocation à faire


appliquer en Afrique les accords de l’OMC (1994 et 1997), alors qu’elle n’avait guère usé
d’autant de pouvoirs réels, ni de contraintes en Europe. En effet, à l’occasion du tournant
décisif de l’Europe des télécoms des années 1980, l’UIT fut considérée comme une instance
de discussion. Néanmoins, sa compétence internationale primait sur les aspects d’utilisation
des fréquences radioélectriques. La politique européenne en la matière reste dans les limites
de la Conférence européenne des administrations des postes et télécommunications au niveau
européen.1253 Pour le reste, l’ensemble de l’harmonisation européenne a été réalisée sous
l’autorité de ses institutions, à travers la transposition de leurs directives et autres règles par
les États membres.1254 L’Europe avait pu s’assurer de la sauvegarde de ses intérêts
économiques tant nationaux que communautarisés,1255 préalablement aux mesures de
libéralisation. Elle avait donc su, contrairement à l’Afrique, maîtriser ses propres enjeux
politiques dans le décloisonnement de ses marchés territoriaux et dans la dérégulation de son
marché intérieur, dans l’ordre de la mondialisation de l’économie.1256
496. Deuxièmement, les institutions financières internationales, dites de Breton Woods,
se trouvaient déjà en 1994-1997 en « Programme d’Ajustement Structurel » (PAS) avec les
États africains.1257 Les finances publiques de ces derniers étaient en réelle difficulté au cours
des années 1990, de sorte que cet état de faiblesse accroissait les besoins de leur trésor
public.1258 La dérégulation des télécoms permettait d’espérer l’ouverture des droits d’accès,
afin de bénéficier d’investissements et de capitaux étrangers sur leurs territoires. En même
temps, cette transformation offrait l’opportunité d’entrée des devises extérieures en
contrepartie de la concession des droits d’exploitation à accorder à des multinationales
étrangères sur leurs marchés.1259 De surcroit, les conditionnalités de prêt de la BM et du FMI

1252
J. CATTAN, op.cit, p. 24. A. MANIN, « organisations internationales », Répertoire international, Dalloz, 1998, p. 20 et s.
Sans dénier leurs anciennetés aux premières commissions fluviales du Danube et du Rhin, l’UIT est l’émanation et la
continuité de l’Union internationale du télégraphe créée en 1865. À ce jour, l’UIT compte parmi les agences du système de
l’ONU. L’UIT fournit le cadre institutionnel nécessaire à la coordination des politiques des télécoms dans ses 193 États
membres.
1253
D. BOULAUD, op.cit, p. 19. L’harmonisation de l’utilisation du spectre radioélectrique est assurée, au niveau international
par l’UIT et ses CMR. La CEPT, regroupant 43 membres est impliqué au niveau européen. Mais les décisions ne sont pas de
la compétence des institutions européennes et la législation communautaire sur le sujet n’est que partielle.
1254
Directive 88/301/CEEE de la Commission du 16 mai 1988 relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de
télécommunications, dite directive « terminaux de télécommunications », JOCE, L113, 27 mai 1988, p. 73. Directive
90/388/CEE de la Commission du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de
télécommunications, dite directive « services de télécommunications », JOCE, L192, 24 juin 1990, p. 10. Directive 96/19/CE
de la Commission du 13 mars 1996 modifiant la directive 90/388/CEE en ce qui concerne la réalisation de la pleine
concurrence sur le marché des services de télécommunications, JOCE, L74, 22 mars 1996, p. 13. 1254 Considérant n°05,
directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, préc.
1255
M. CARPENTIER, Télécommunications en Europe, Bruxelles, CEE, 1998, p.18, cité par R. GILARDIN, op.cit, p.38. « Par
comparaison avec les potentiels concurrents, aucun marché national européen ne représentait plus de 6% du marché mondial,
pour plus de 35% pour le marché étasunien et près de 11% pour le marché japonais, alors que le marché potentiel que
constituait la CEE représentait 22,4% du marché mondial. »
1256
En s’ouvrant graduellement à la libéralisation, elle brisa d’abord les cartels et autres monopoles verticaux des
équipements et des réseaux sur ses marchés locaux et territoriaux. Ensuite, elle libéralisa les services des télécoms dans tout
son espace économique. Enfin, elle assura l’accès aux infrastructures de ses opérateurs historiques ainsi que la pleine
concurrence, en habilitant des organes indépendants de régulation de veiller au bon fonctionnement du jeu du marché.
1257
[www.imf.org] (consulté le 2 juillet 2016.) Le FMI (le Fonds) a été créé en juillet 1944, lors d’une conférence de l’ONU
à Bretton Woods dans le New Hampshire (États-Unis). Il encourage la stabilité financière et la coopération monétaire
internationale, et s’efforce aussi de faciliter le commerce international, d’œuvrer en faveur d’un emploi élevé et d’une
croissance économique durable, et de faire reculer la pauvreté dans le monde. Le FMI est gouverné par ses 189 États
membres, auquel il rend compte de son action.
1258
Dans le cadre du quatrième protocole annexé à l’AGS, l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, le Ghana, l’Ile Maurice, le
Sénégal, le Maroc, la Tunisie, le Nigéria, la RDC, Djibouti, la Gambie et le Zimbabwe contractèrent des obligations
conventionnelles aux prêts contre mesure de libéralisation du PAS.
1259
K. NDUKUMA ADJAYI, op.cit, pp. 84 et 112. UIT, Rapport Indicateurs des télécommunications africaines, 2001.
L’adjudication par le Maroc en juillet 1999 de sa première licence (GSM-900) à un exploitant privé pour un montant de un
205

(« linkage financier » additionnel) requéraient des privatisations des entreprises publiques à


monopole.1260 En France, les mesures de libéralisation des télécoms avaient été approfondies
par le changement de statut de France Télécom. Celle-ci était passée du statut d’EPA à EPIC,
avant de devenir une société anonyme et de céder enfin les parts majoritaires de l’État dans
ladite société. Mais, en Afrique, toutes ces restructurations non spécifiques aux télécoms ont
souvent participé, sans cohérence directe, à la déclinaison du modèle néolibéral dans le
contexte des États africains, malgré leur manque général de maîtrise et de préparation dans
l’adoption du modèle ordo-libéral européen.1261
497. En définitive, pour les États africains dans les années 1990, le dynamisme de leurs
propres politiques publiques ne fut pas à la base de la libéralisation de leurs secteurs de
télécoms. Ils escomptaient, en contrepartie de la fin des monopoles, des transferts de
technologies et de capitaux, grâce à de nouveaux investissements privés étrangers. Les
réformes engagées sur le plan national, faisaient également suite à une dimension géopolitique
à l’aube des années 2000, eu égard à l’extraversion et à l’extension des marchés électroniques
européens. Leurs opérateurs historiques, anciennement détenteurs de monopole, étaient déjà à
la conquête d’autres marchés territoriaux, en se transformant en firmes multinationales. La
sagesse de l’histoire retient que « [c]es poussées du commerce, dans le sillage des grandes
découvertes (XVe siècle) puis de la révolution industrielle (XIXe) s’accompagnent [toujours]
de grandes mutations politiques ».1262 Dans le « tissu économique planétaire »,1263 l’essor des
télécoms s’inscrivait « dans ce mouvement de planétarisation [où] il faut toujours produire à
la meilleure qualité, au meilleur endroit, dans les meilleurs délais, au meilleur prix, à
proximité des marchés les plus porteurs (aujourd’hui, l’Asie-Pacifique, demain,
l’Afrique) ».1264 Le processus économique de mondialisation créait une dynamique globale,
entraînant une forme d’européanisation (et d’américanisation) du droit africain ainsi que des
marchés des télécoms. Il est également évident que la « mondialisation appelle un ordre
universel ne laissant en principe personne lui échapper », d’autant que « La seule défense
contre la mondialisation réside dans la soumission à ses lois : commercialisation,
marchandisation, juridicisation ».1265 Toutefois, le système juridique africain présente des
disparités et des particularités de contexte. (§2.)

milliard de dollars suscita des émules, sans malheureusement atteindre le seuil des ressources financières réalisées : cas du
Sénégal en 2000 avec la 2ème licence reprise à SENTEL en vue de sa remise aux enchères; Cas de la RDC en 1998 avec la
première licence GSM 1800 à CWN, Congolese Wireless Network, pour la modique somme de cent fois moins cher
(2.000.000 $) qu’au Maroc et payée en plusieurs tranches.
1260
J. DO-NASCIMENTO, op.cit, pp. 140 et s. L’Angola, le Kenya et la Mauritanie sont les autres États africains qui cédèrent
au linkage en vue du déblocage des fonds alloués dans les PAS en contrepartie des mesures effectives de libéralisation.
1261
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 1, Section II, de la présente thèse.
1262
PH. MOREAU DEFARGES, La mondialisation, préc., p. 51.
1263
Ibid., p. 100.
1264
Ibid., pp. 110 et 111.
1265
Ibid., pp. 123 et 124.
206

§2. Les disparités du système juridique africain


en contraste de son économie numérique
498. Les enjeux des télécoms et du numérique sont à la base des transformations des
droits, des économies et des marchés. Il est important de « contextualiser »1266 dans les
institutions juridiques en Afrique, les réformes engagées à la suite des changements des règles
européennes sur les télécoms de base.
499. Le droit de l’Union européenne s’inscrit dans l’objectif de construction du marché
intérieur, alors que les ordres juridiques nationaux africains sont non-communautarisés. En
réalité, si l’autorité des règles européennes se confronte à d’autres souverainetés nationales,
en dehors de son espace économique.1267 La globalisation des réseaux s’accompagne d’un
rapprochement des droits nationaux européens et africains. Les échanges transcontinentaux et
transnationaux comportent un facteur de risque, si de trop grandes différences existent dans
les structures de marchés et les formes de régulation entre différents systèmes juridiques.
500. Particulièrement, les États africains ne disposent pas d’un marché intégré, ni d’une
unicité de leurs ordres juridiques à l’échelle continentale, à la différence de l’Union
européenne et de ses États membres. Les nombreux sous-ensembles régionaux africains
tentent d’opérer leur intégration politique et économique africaine. Un aperçu du cadre
juridique africain est nécessaire, pour justifier le choix porté sur le cas de RDC, comme
« droit de rattachement », étant donné l’impossibilité de parler d’un « droit africain »
comparable au droit européen et/ou français. Le droit congolais sert donc de cadre juridique
autonome, avec une cohérence des sources, permettant d’apprécier et de comparer les
politiques législatives par rapport à l’Europe, depuis les télécoms jusqu’à l’ère numérique. Si
les systèmes juridiques présentent en Afrique de fortes disparités quant au régime de
l’économie numérique (A.), il existe néanmoins une économie numérique sur le continent, qui
se profile à travers des indicateurs-clés (B).
A. / L’HÉTÉROGÉNÉITE DES SYSTÈMES JURIDIQUES DE L’AFRIQUE
FACE AUX ENJEUX MONDIAUX DES TÉLÉCOMS

501. L’Afrique n’étant pas un système juridique intégré, plusieurs organisations


régionales tentent l’harmonisation des droits nationaux d’économie numérique, tout en
conduisant des projets intégrateurs sur les télécoms dans leurs sous-ensembles économiques.
L’intitulé « Union africaine » (UA, en sigle) désigne son institution politique, sans que ses
droits nationaux ne soient placés sous l’autorité d’un système homogène. L’UA est la seule
organisation d’échelle continentale, mais ses objectifs d’intégration politique du continent
sont encore loin d’être matérialisés. Elle n’exerce pas d’autorité supranationale. Le niveau
d’intégration économique et juridique de ses États membres est insuffisant. À propos, l’Union
Africaine, ancienne OUA, s’est assigné pour objectif de « promouvoir et défendre les
positions africaines communes sur les questions d’intérêt pour le continent et ses
peuples ».1268 Elle travaille pour « la solidarité et l’unité parmi les africains », que les chiffres

1266
« Contextualiser » : replacer une action, un fait dans le contexte historique, social, artistique, etc., dans lequel ils se sont
produits. (Le petit Larousse Illustré 2017, Dictionnaire de langue française, p. 293.)
1267
L. DUGUIT, op.cit, pp. 9, 11 et 13. « Les deux mots latins dont parait dériver le mot souveraineté, superanus et
supremitas, désignaient le caractère de celui dont la seigneurie ne relevait d’aucune seigneurie supérieure […] L’État est la
nation organisée ; il est titulaire de la souveraineté […] De là dérivent directement la notion de souveraineté nationale une
indivisible, inaliénable et imprescriptible, notions formulées dans les déclarations et les constitutions de la période
révolutionnaire. […] Cette notion de personnalité de la nation, support de la souveraineté. »
1268
Article 3, b), c) et d), Acte constitutif de l’UA, signé à Lomé (Togo) le 11 juillet 2000 [www.achpr.org/fr/instruments/au-
constitutive-act] consulté le 12 juillet 2016).
207

officiels de 2014 placent au nombre d’1.156.648.000 habitants.1269 Elle est la plus grande
organisation des États africains, créée en 2002, à Durban en Afrique du Sud, en application de
la déclaration de Syrte du 9 septembre 1999. La mise en place de ses institutions a eu lieu en
juillet 2003 au Sommet de Maputo au Mozambique. Ses missions et son fonctionnement ne la
placent pas au cœur de la gestion des enjeux des télécoms, ni des réformes législatives
nationales se rapportant aux transformations des marchés électroniques de son continent.1270
502. L’Afrique n’est pas un système juridique comparable à l’Europe : cette dernière a
« l’allure d’un réseau au sein duquel s’élabore une internormativité visant à assurer un
dialogue entre différents ordres juridiques capables de générer des effets non seulement sur le
territoire européen, mais partout aux différents lieux du réseau avec lequel il existe des
interconnexions ».1271 L’hétérogénéité du système africain ne permet pas une approche
cohérente de droit comparé avec l’Europe, si aucun droit national n’est particulièrement pris
en compte.1272 La comparaison avec le droit congolais présente l’avantage d’observer les
changements législatifs dans le secteur des télécoms à la lumière des expériences européennes
et françaises. En tant que deuxième « grand pays » africain par sa superficie après l’Algérie,
la RDC est au centre du continent. Sa situation géographique lui permet de partager neuf
frontières nationales avec les pays limitrophes. Cette position lui assure sa participation aux
organisations sous-régionales du centre, du Sud, de l’Est et de l’Ouest du continent.1273
503. Historiquement, la dissemblance des traditions juridiques entre États africains est
liée à leur histoire coloniale et aux réalités locales. Les puissances occidentales signataires de
l’Acte de la Conférence de Berlin du 26 février 18851274 avaient tracé les frontières
administratives de leurs colonies, tout en définissant des zones de libre-échange et de libre
circulation.1275 Depuis leurs accessions à l’indépendance, les États africains exercent leurs
souverainetés territoriales, sans avoir construit un « droit communautaire ».1276
504. Qu’il s’agisse du monopole des services publics ou de la dérégulation des marchés
de télécoms, les droits nationaux en Afrique restent marqués par les évolutions d’enjeux
économiques, techniques et juridiques, telles qu’initiées de l’Occident. Les accords de l’OMC
de 1994 et de 1997 servent d’illustration, quant à l’alignement de l’Afrique au schéma de
démonopolisation pour une économie de marché.1277 Ainsi, ce ne sont pas les organisations
régionales ou sous-régionales africaines qui furent à l’origine des réformes du cadre juridique
des télécoms. Celles-ci demeurent un héritage d’implantation coloniale, de même que les
règles de droit public général les situant dans le cadre d’un service public. « La plasticité de la

1269
[http://www.au.int/fr] (consulté le 13 juillet 2016).
1270
Ibidem.
1271
P. TRUDEL, « La souveraineté en réseau », op.cit, p. 13.
1272
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 2 et Partie 2 (en intégralité) de la thèse. Pour la suite et autant que nécessaire, des allusions
au contexte général de l’Afrique sont rappelées, mais c’est le droit congolais qui sert de principal cadre de notre étude.
1273
La RDC en Afrique, des sources diplomatiques : [http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/republique-democratique-
du-congo/presentation-de-la-republique-democratique-du-congo/article/geographie-et-histoire-80709] (consulté le 9 août 2017).
1274
H. BRUNSHWIG, Le partage de l’Afrique noire, Paris, Flammarion, 2009 (1971), cité par C. DE GEMAUX, « La Conférence
de Berlin, 1885 », Herodote.net, Toute l’histoire en un clic, p. 1 et s. [www.herodote.net/Text/berlin-1885.pdf] (consulté le 12
juillet 2016). La conférence de Berlin organisée du 15 novembre 1884 au 26 février 1885, par le Chancelier Bismark en
collaboration avec l’ambassadeur de France, Alphonse Chodron de Courcel, traita du problème de l’Afrique.
1275
I. SURUN (sous la dir.), Les sociétés coloniales à l’âge des empires (1850-1960), Neuilly-sur-Seine, Atlande, 2012, p.71.
« L’affirmation inexacte selon laquelle les européens se seraient partagés l’Afrique vient notamment du fait de la fixation
arbitraire des frontières du bassin commercial du Congo. »
1276
G. CORNU, op.cit, p. 207. Verbo « communautaire » : le « Droit communautaire » est le « Droit de l’Union européenne ;
ensemble des règles matérielles uniformes applicables dans les États membres de l’Union dont la source primaire est
constituée par les traités d’institution et la partie dérivéee par les règles établies par les institutions communautaires en
application des traités ».
1277
Plusieurs organisations multinationales extérieures (OMC, UIT, BM, FMI) menèrent directement la démarche pour ces
changements, avec et auprès des États africains.
208

notion de service public tient lieu de sa justification historique, car elle est construite en
France comme technique d’accompagnement juridique du passage de l’État libéral du XIXe
siècle à l’État interventionniste du XXe siècle. Mais la notion est évolutive ».1278 En effet,
« Rainaud constate que "le service public apparait d’abord comme une intervention politique
avant de devenir une notion juridique". De ce fait, [il] est sujet aux fluctuations d’ordre
politique, mais ceci […] ne se laisse plus enfermer dans les stricts schèmes du droit ».1279
505. Tout à l’inverse de l’Europe, les institutions africaines n’ont pas été à l’origine de la
mutation technologie des télécoms vers l’économie numérique, ni à celle de transformation du
mode d’intervention publique dans ce domaine. À défaut d’un marché unique et d’un ordre
juridique à l’échelon continental, de fortes dissemblances d’objectifs et de niveaux
d’intégration caractérisent la coexistence entre les multiples organisations des sous-régions de
l’Afrique en matière des télécoms ou d’économie numérique. Chaque État conserve sa pleine
souveraineté territoriale : les législations nationales restent autonomes et relèvent de la
constitution de chaque pays, à moins d’une formalité contraignante, expressément reconnue
aux actes constitutifs des organisations sous-régionales.1280 Les plus significatives d’entre
elles sont : la CEDEAO1281 , la CEMAC1282, la SADC1283, l’EAC1284, la Commission de
l'Océan indien, la CEEAC1285, l’UMA1286, etc.
506. C’est ainsi qu’en Afrique diverses initiatives localisées permettent d’élaborer et
d’exécuter des règles et des projets en matière de TIC, mais seulement à des échelles de
quelques États adhérents. Toutefois, il y a des efforts d’harmonisation du droit des affaires et
des initiatives de mise en cohérence des institutions et des règles juridiques continentales.
L’organisation africaine des télécoms est limitée au panorama d’institutions étatiques sous-
régionales politique et économique, spécialement parmi celles qui adoptent ou exécutent des
projets et des normes des communications électroniques ou de l’Internet.
507. Il en est ainsi, par exemple, des zones de libre-échange de la SADC et du
COMESA, qui autorisent l’itinérance mobile transfrontalière (dite « international roaming »)
entre États membres. De même, la CEPGL ou la CEAC offrent des possibilités
d’interconnexion directe ou de commerce électronique. Selon son Traité constitutif, le
COMESA entend créer un corps unifié de règles et établir des conditions minimales de
concurrence pour la création d'un marché libéralisé, dans le but de l’intégration régionale.

1278
M. DE VILLIERS et T. DE BERRANGER (sous la dir.), Droit public général, institutions politiques, administratives et
européennes, droit administratif, finances publiques et droit fiscal, LexisNexis, Coll. Manuel, Paris, 2015, p. 517.
1279
Ibidem.
1280
Comme cela est précisé, cette valeur s’attache par exemple au traité constitutif de l’OHADA et à ses actes uniformes. Il
en est de même des règlements de l’UEMOA et de ses actes uniformes. Ces deux cas relèvement d’une intégration juridique,
avec un droit communautaire affirmé. En revanche, l’Union africaine reste une organisation politique sans autorité
supranationale sur la souveraineté des États.
1281
[http://ecowas.int/] (consulté le 13 juillet 2016.) Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest. Le Marché
commun de l'Afrique orientale et australe aussi connu sous son acronyme anglais COMESA (Common Market for Eastern
and Southern Africa), est une organisation internationale à vocation régionale de l'Est africain dont l’objectif est de créer une
union douanière entre ses vingt pays membres.
1282
[http://www.cemac.int/] (consulté le 13 juillet 2016.) Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale.
1283
[http://www.sadc.int] (consulté le 13 juillet 2016.) Communauté de développement d'Afrique australe.
1284
[http://www.eac.int] (consulté le 13 juillet 2016.) Communauté d’Afrique de l’Est (EAC). Objectifs: promouvoir le
développement et la coopération entre le Kenya, l'Ouganda et la Tanzanie. L’EAC est une organisation intergouvernementale
des Républiques du Kenya, de l'Ouganda et de Tanzanie qui partagent une histoire, une langue, une culture et des
infrastructures communs. Ces avantages fournissent aux États partenaires un cadre unique pour la coopération régionale. Sur
le site officiel, il n’est pas renseigné des projets en rapport aux TIC.
1285
[http://www.ceeac-eccas.org] (consulté le 13 juillet 2016.) Communauté économique des États d'Afrique centrale.
1286
[http://www.maghrebarabe.org/fr/ (consulté le 13 juillet 2016.) Union du Maghreb arabe. Créée en février 1989, l'UMA
désigne l'organisation économique et politique formée par les cinq pays dits du « Maghreb arabe », à savoir l'Algérie, la
Libye, le Maroc, la Tunisie ainsi que la Mauritanie, Son siège du secrétariat général est situé au Maroc, à Rabat.
209

Cette organisation dispose d’une politique des TIC et d’un projet d'harmonisation de la
réglementation. Sa feuille de route envisage d’appliquer des principes réglementaires
nationaux répondant aux enjeux de la libéralisation des marchés. Son objectif d’intégration
économique place les infrastructures de télécoms, dans le même lot que le transport de
marchandises, la circulation des personnes par voies routières, ferrées ou aériennes. En ce
sens, les infrastructures de transport, de télécoms, d'énergie et d'eau font l’objet d’un modèle
d’intégration des services d’utilité publique, réunis dans un même cycle de résultats. Le
COMESA considère les moyens de communications comme des facilités, dans la conclusion
et l’exécution des contrats commerciaux, le transfert des données et la commercialisation des
produits.1287
508. De son coté, la CEEAC a entrepris l’harmonisation des réglementations nationales
des TIC (télécoms de base et Internet), notamment en élaborant deux lois-types sur les
télécoms et sur la cybersécurité (en cours d’adoption) pour la sous-région d’Afrique centrale.
Son programme vise à développer des infrastructures de communications électroniques à
large bande, en envisageant un plan d’interconnexion par fibre optique de ses États membres.
Des points d’échange Internet nationaux et régionaux sont également en cours de mise en
œuvre au sein de la CEEAC, dans le cadre de sa vision stratégique à l’horizon 2025.1288
509. Par ailleurs, deux projets de portée panafricaine comportent des enjeux des
télécoms. Il s’agit premièrement du NEPAD. Il présente une approche d’ensemble des
politiques publiques, dans le but d’harmoniser des politiques nationales et régionales dans les
domaines suivants : infrastructures, développement des marchés et du commerce. Il vise
également l’amélioration des infrastructures régionales de transport, d’eau et d’énergie. Selon
ses estimations, le besoin pour l’atteinte des objectifs en infrastructures est situé à 93 milliards
de dollars d’investissement annuel sur le continent. S’agissant des télécoms, ce vaste
programme de développement dispose d’un consensus continental global autour de son projet
« e-Africa ».1289
510. Deuxièmement, 45 pays africains sur 54 ont signé en mars 2005 la convention de
l’organisation africaine de communication par Satellite (RASCOM, en sigle). Elle est censée
traduire en services et outils d’intégration africaine, toutes les possibilités offertes par les
satellites en y associant, si nécessaire toute autre technologie appropriée. Le lancement en
orbite du satellite panafricain « RASCOM-QA F1R » en août 2010 marque le couronnement
des efforts de grande envergure dans le domaine des télécoms. RASCOM poursuit ses
missions : d’une part, celle de concevoir et de mettre en œuvre le système de télécoms par
satellite et d’autre part, celle d’exploiter et entretenir le secteur spatial pour l’Afrique.1290

1287
[www.comesa.int] (consulté le 13 juillet 2016.) Ce marché commun, fondé en décembre 1994 pour renforcer un accord
de libre-échange en place depuis 1981, regroupe une population totale de 475 millions d'habitants et a un produit intérieur
brut réel total de 677 milliards US $ en 2014. Le volume des transactions commerciales entre les pays membres et le reste du
monde atteint annuellement 52 à 60 milliards US $ entre 1997 et 2002.
1288
CEEAC, Vision stratégique de la CEEAC à l’horizon 2025, secrétariat général, adopté par la 13e conférence des Chefs
d’États et de gouvernement, Brazza, 30 octobre 2007, p. 1-42. [http://ceeac-eccas.org/index.php/fr/actualite/dipem/170-ceeac-uit-signature-d-
un-accord-de-cooperation] (consulté le 13 juillet 2016.)
1289
[http://www.nepad.org] (consulté le 13 juillet 2016.) Le NEPAD , nouveau partenariat pour le développement en Afrique,
a été adopté à la 37ème session de l’OUA, lors du Sommet des Chefs d’États et de Gouvernement de juillet 2001 à Lusaka
(Zambie). Il est le fruit de la combinaison du MPA (Millenium African Recovery Plan) et de Omega Plan for Africa, connu
sous le nom de Nouvelle initiative africaine. Le projet était particulièrement soutenu par l’ancien président de la République
du Sénégal, Monsieur A. Wade, mais ne connaît plus le même élan en Afrique.
1290
[http://www.rascom.org] (consulté le 13 juillet 2016.) Le site mentionne la date du 12 août 2010 comme date de lancement,
quoique d’autres sources parlent de la date du 4 aôut 2010. Mais, il est un fait que le satellite construit par Alcatel Alenia
Space a été lancé par une fusée Ariane 5 ECA, de type Spartacus.
210

511. En outre, sur le continent africain, des expériences marquantes émergent dans le
cadre de l’harmonisation et de communautarisation des droits nationaux. En ce sens,
l’Organisation africaine pour l’harmonisation du droit des affaires (OHADA) est une
référence dans l’objectif d’une intégration juridique originalement africaine. Son Traité a été
convenu à Port-Louis (Ile Maurice) le 17 octobre 1993 et révisé le 17 octobre 2008 à Québec
(Canada). Il lui accorde la personnalité juridique internationale de plein exercice, pour
harmoniser les droits des affaires de 17 pays membres, à savoir : Bénin, Burkina-Faso,
Cameroun, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée, Guinée
Équatoriale, Mali, Niger, République Centrafricaine, R.D.Congo, Sénégal, Tchad et Togo.
L’OHADA émet des « Actes uniformes » et dispose d’une « Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage » (CCJA), cour suprême du Droit OHADA, installée à Abidjan (Côte d’Ivoire).
Les Chefs d’États africains concernés sont « déterminés à accomplir le progrès sur la voie de
l’Union africaine et à établir un courant de confiance en faveur des économies de leurs
pays ».1291
512. En l’occurrence, les actes uniformes de l’OHADA portent sur les domaines
d’harmonisation, relatifs au droit des sociétés et au droit commercial. L’« objectif est la
facilitation des échanges et des investissements, la garantie de la sécurité juridique et
judiciaire des activités des entreprises […] afin de créer un vaste marché intégré afin de faire
de l’Afrique un "pôle de développement" ».1292 L’OHADA fait suite au triomphe du
libéralisme aux États-Unis (années 1970-1980), en Europe (1980-1990) et avec l’OMC (1990-
2000) : le secteur des télécoms est devenu aujourd’hui une partie intégrante de l’économie de
marché.1293 De ce fait, les activités de ce secteur relèvent du système de droit commercial de
l’OHADA, au titre d’« actes de commerce » qui s’exercent librement. 1294
513. En outre, les Chefs d’États de l’OHADA ont exprimé leur conviction « que
l’appartenance à la zone franc, facteur de stabilité économique et monétaire, constitue un
atout majeur pour la réalisation progressive de leur intégration économique […] dans un cadre
africain plus large ».1295 Le Traité constitutif de cette organisation panafricaine se réfère ainsi
à la zone économique et monétaire « CFA », puisque l’expérience de cette dernière est la plus
avancée dans le sens de la « communautarisation » du droit en Afrique.1296 Aussi, l’Union
économique et monétaire Ouest-africaine (UEMOA) demeure-t-elle l’un des rares modèles
d’harmonisation effective des droits nationaux de sa sous-région. Elle légifère à travers ses
lois uniformes et règlements communautaires, dont la transposition est faite par ses
institutions politiques et par les États-membres de son espace économique. Les règles
prudentielles de sa Banque centrale (BCDEAO) et ses propres règles d’organisation sont de
transposition et d’application effectives, dans l’autorité interne des États ouest-africains.
L’UEMOA concerne certains aspects de l’économie numérique et du commerce électronique.
Ainsi, en est-il du règlement n°15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans
1291
FILIGA-MICHEL SAWADOGO, PAUL-GERARD POUGOUÉ et J. ISSA-SAYEGH (Sous la coord.), OHADA Traités et Actes
uniformes commentés et annotés, Juriscope, Futuroscope Cedex (France), 2008, pp. 21 et 101.
1292
Le dico du commerce international, Verbo « OHADA », [http://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-
termes/ohada.html] (consulté le 13 septembre 2016).
1293
A. SAKHO, Régulation des télécoms, M4a1 : notes polycopiées de cours de droit du cyberespace africain, Université
Gaston Berger, Saint-Louis (Sénégal), 13 juillet 2006, p. 7.
1294
Ibidem.
1295
FILIGA-MICHEL SAWADOGO, PAUL-GERARD POUGOUÉ et J. ISSA-SAYEGH (sous la dir.), op.cit, pp. 21 et 101.
1296
G. CORNU, op.cit, p. 207. Verbo « communautarisation » : « Reforcement communautaire ; processus de transformations
de l’Union européenne par un passage de la coopération à une intégration accrue, consistant à transférer au domaine relevant
de la méthode intergouvernementale régie par le principe d’unanimité au Conseil et l’initiative partagée entre la Commission
et les États membre à la méthode communautaire fondée sur le recours général à la majorité qualifiée au sein du Conseil et le
monopole d’initiative de la Commission »
211

l’espace UEMOA du 19 décembre 2002. Celui-ci reprend les instruments dits « classiques »,
régis par la loi uniforme n°96-13 du 28 août 1996 sur les instruments de paiement de
l’UEMOA. Il traite également de la preuve et de la signature électroniques.1297 Si l’OHADA
fait bien référence à l’UEMOA, la RDC a adhéré depuis 2010 à la première citée, sans
appartenir géographiquement ni politiquement à la seconde citée.
514. Le panorama du système juridique africain atteste d’une juxtaposition des
souverainetés territoriales sur le continent. La « communautarisation » africaine reste
embryonnaire est sans supranationalité d’une organisation continentale, contrairement l’Union
européenne. 1298 Si l’ordre juridique de l’Union européen est homogène du fait de la
communautarisation, l’Afrique regorge de plusieurs organisations sous-régionales disparates
d’intégration économique.1299 La transition des règles des télécoms vers celles de l’économie
numérique est donc de l’initiative des États, dans leurs souverainetés territoriales. L’Afrique
ne dispose pas des compétences supranationales comme au sein de l’Union européenne par
rapport aux États membres du TUE1300, selon la jurisprudence communautaire ou
nationale.1301
515. En définitive, la construction d’un ordre juridique africain reste une gageure, vu la
diversité des expériences normatives nationales. Néanmoins, la révolution numérique est une
réalité en Afrique. Celle-ci est au moins un espace du marché numérique mondial. (B.)

1297
A. MOHAMED GHADHI, op.cit, spéc., p. 76. « L’Union douanière de l’ouest africain formé par les 4 États du Conseil de
l’Entente et le Mali en mai 1959 est l’ancêtre de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA). » Cf. aussi
[www.uemoa.int] (consulté le 13 juillet 2016).
1298
[www.traite-de-lisbonne.fr]. Le dico du commerce international [www.glossaire-international.com] (tous consultés le 11
novembre 2016). L’Europe demeure la confédération la plus intégrée des États du monde. Même avec le « Brexit »,
consécutif au référendum d 23 juin 2016 en Grande-Bretagne (52% de oui) tend à sortir celle-ci de l’Union Européenne,
cette dernière en a prévu le mécanisme à l’article 50 du Traité de Lisbonne sur l’Union. La liberté des États de s’en retirer et
d’en notifier la volonté au Conseil est garantie. Pour désigner le scénario de la sortie du Royaume-Uni de l’UE, Brexit est
l’expression créée au 21e siècle, venant de la contraction de deux mots anglais, « British » (britannique) et « Exit » (sortie).
1299
A. MOHAMED GHADHI, La longue marche de l’Afrique vers l’intégration, le développement et la modernité politique,
L’Harmattan, Paris, 2009, pp. 1-572.
1300
D. TRUCHET, op.cit, pp. 112-113. En dehors des compétences exclusives qui lui sont confiées par des traités, l’Union
européenne agit par principe de subsidiarité. Les compétences communautaires n’effacent pas la souveraineté nationale,
puisque la Communauté n’a pas la compétence de sa compétence. « Toute compétence non attribuée à l’Union dans les
traités appartient aux États » (art. 52 TUE). (« L’Union intervient si, et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée
ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local,
mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée au niveau de l’Union. » art. 5-3
TUE).
1301
Ibidem, pp. 13, 51 et 113. La Cour de justice européenne avait très rapidement jugé que le transfert de compétence par les
États « entraine une limitation défensive de leurs droits souverains » (15 juillet 1964, Costa c/ ENEL). En France, selon
l’expression du Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 avril 1992 (sur les accords de Maastricht), les compétences des
institutions européennes sont parfois si importantes et sensibles que leur transfert porte « atteinte aux conditions essentielles
d’exercice de la souveraineté nationale ». Pourtant, si la Cour de justice de l’Union se garde d’affirmer la supériorité des
traités sur les constitutions des États membres, elle juge que ceux-ci ne peuvent pas invoquer leur constitution pour échapper
à leurs obligations communautaires. ( Arrêt du Conseil d’état « Sarran » du 13 octobre 1998 et arrêt de la Cour de cassation
« Fraysse » du 2 mai 2000). Mettre en conformité le droit interne en cas d’incompatibilité avec le droit européen suppose une
révision préalable de la Constitution, en France notamment. En outre, l’État au Traité ne pourrait récupérer ses compétences
déléguées qu’en se retirant de l’Union (article 50 TUE).
212

B. / LES ASPECTS CLÉS L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE


DANS LES MARCHÉS AFRICAINS ET CONGOLAIS

516. Il est important de relever les aspects factuels de l’économie numérique africaine,
pour en comprendre les enjeux juridiques clés. Disposer d’une cartographie d’ensemble est
indispensable pour appréhender la typologie des marchés et de l’économie ainsi que les
enjeux de positionnement des États africains dans l’économie numérique mondiale.
517. Les chiffres donnent toujours une idée quantitative et représentative. Ils dessinent
justement « les pratiques qui se sont développées sur Internet et le renouvellement des
problématiques et modes de raisonnements qu’elles induisent ».1302 Il n’est donc pas possible
de mener une étude complète sur le système africain, sans pour autant disposer des statistiques
et des prévisions de son marché numérique. (1) Les données factuelles mettent en lumière les
acquis de l’économie numérique sur le continent africain, mais aussi sur les marchés sous-
régionaux et territoriaux. Dans ce cadre, la RDC se présente comme un marché important en
Afrique, avec neufs pays limitrophes. Cette position géographique au cœur du continent lui
permet d’appartenir à plusieurs organisations et sous-régions, sans omettre le dynamisme
interne de son marché de l’Internet, de la téléphonie et des services à valeur ajoutée. (2)
1. Le profilage statistique de l’économie numérique africaine
518. Les infrastructures de l’information sont disponibles d’accès dans l’ensemble des
États africains, comme en Europe. La place croissante des TIC en Afrique a été établie au
cours du « Forum Forbes Afrique 2015 : Forum économique », tenu à Brazzaville le 21 juillet
2015 sous le thème : « Révolution numérique : accélérateur de croissance africaine ». Le
forum était une rare occasion de réunir des Chefs d’États, 1303 des personnalités européennes
de haut rang,1304 des experts internationaux, des start-up les plus florissants, des promoteurs
de technologies high-tech, des opérateurs économiques et des membres de la société civile.1305
519. La révolution numérique est résolument en marche en Afrique, à travers la
« révolution mobile et numérique en Afrique [qui est] le saut qualitatif pour fournir les biens
et services » du commerce électronique et de l’économie numérique. En Afrique, la
téléphonie mobile est de manière caractéristique, le premier support d’accès à Internet sur le
continent. En 2015, elle enregistrait plus de 700 millions d’abonnés en Afrique, soit plus que
les États-Unis et l’Europe en nombre respectif d’habitants. La pleine croissance du taux de
connexion a permis de situer à 4% du PIB le niveau des revenus issus d’Internet sur le marché
africain. En 2013, le seuil de 18 milliards de dollars de revenus avait été dépassé, alors que les
prévisions pour 2025 laissent entrevoir une contribution d’Internet au PIB africain de l’ordre
de 300 milliards de dollars et le franchissement du seuil de plus d’un milliard d’abonnés de
téléphone mobile. Mais quoiqu’il en soit, le niveau d’accès à Internet reste encore faible avec
10% d’internautes africains dans le monde.1306
520. La fulgurante croissance du secteur des télécoms est contrastée dans certains sous-
secteurs, en dépit de 66% d’abonnements téléphoniques en 2013. Ce taux représente

1302
J. ROCHFELD, Les nouveaux défis du commerce électronique, op.cit, p. 1-2.
1303
Les Présidents Allasan Ouattara de la Côte d’Ivoire et Denis Sassou Nguesso du Congo étaient présents.
1304
L’ancien premier ministre Monsieur Guy Verhofstadt du Royaume de Belgique et l’ancien Président Romano Prodi de la
Commission européenne et du Conseil en Italie étaient également présents.
1305
Forbes Afrique, « La révolution numérique : Accélérateur de la croissance africaine », 4è éd., Forum économique, 21
juillet 2015, Brazzaville, Congo [http://forumforbesafrique.com] (consulté à nouveau le 1er juillet 2016).
1306
Pour les chiffres : ABDOULAYE BIO TCHANE, « révolution mobile et numérique en Afrique : le saut qualitatif pour fournir
les biens et services », Forum Forbes Afrique, 21 juil. 2015 : [http://formuforbesafrique.com/blog/sessions/presentations-de-letude
programme/] (consulté le 12 juillet 2016).
213

617.279.080 africains branchés au réseau mobile, dont la moitié utilise une connexion Internet
par cette voie. 1307 Mais, le faible taux de pénétration de l’Internet haut débit témoigne de
grands défis de développement numérique, liés principalement au faible ratio des
infrastructures de télécoms et au déficit électrique du continent. La fracture numérique retarde
le décollage digital du continent africain, à cause de plusieurs facteurs : faible débit, coûts de
connexion élevés et inégalité des niveaux d’accès à l’Internet entre villes, villages et entre
pays.1308 La participation des secteurs public et privé reste indispensable au désenclavement
du continent, face aux besoins colossaux d’investissements en infrastructures.1309
521. À ce propos, la communauté SADC, dont la RDC et l’Afrique du Sud sont
membres, a publié en 2012, son plan directeur de développement des infrastructures
régionales. Sur ce registre, le déploiement des réseaux de télécoms souffre du manque de
développement d'autres infrastructures de base, telles que l’électricité et les routes. En 2016,
environ 60% de la population d’Afrique australe ont adopté la technologie mobile, dont 20%
seulement sont sur lignes fixes. Toutefois, 6% des abonnés à la téléphonie vocale utilisent le
téléphone fixe.1310 Dans toute la région, seulement 4% des résidents de la SADC ont accès à
l’Internet, bien que l'usage varie considérablement entre les États membres, dont 1% en RDC
(le taux le plus bas) contre 40% aux Seychelles (taux le plus haut).1311 Moins de 25%
d’échanges de trafic Internet se déroulent dans les frontières entre les États membres de la
SADC (échanges entre voisins).1312 Le reste des échanges se fait à l’extérieur de la région.
Comme pour le reste du monde, le volume de courrier postal décline à un taux annuel de 5%,
mais le transport des colis et courriers est en pleine croissance en raison du commerce
électronique.1313
522. Pour répondre aux enjeux d’intégration économique grâce au numérique, la SADC
a défini ses priorités en nouvelles infrastructures pour l’horizon 2027. Elle envisage d’offrir
un prix abordable pour la connectivité de ses citoyens à Internet. Pour ce faire, cette
organisation d’Afrique australe dispose d’un « Plan du secteur des technologies de
l'information » et d’un « Plan directeur de développement des infrastructures régionales ». Les
composantes de ces plans se structurent autour de quatre piliers stratégiques de
développement, à savoir : 1° infrastructures de l’information, 2° renforcement des capacités et
amélioration des contenus, 3° services et applications électroniques, 4° recherche, innovation
et développement de l'industrie des télécoms.1314 Ceci n’est pas sans rappeler les axes du
projet e-Europe.1315
523. À plusieurs égards, l’Afrique est la nouvelle terre de conquête du commerce
électronique pour les grands acteurs internationaux. Il ne s’agit pas que d’un assaut du marché
africain par les multinationales, mais aussi d’une participation des acteurs locaux à l’essor des

1307
ALINDAOU CONSULTING INTERNATIONAL, op.cit, p. 4.
1308
Le NEPAD estime à 93 milliards de dollars américains par an le besoin en investissement pour couvrir les besoins de
l’Afrique en Infrastructures d’utilité publique dans les secteurs des TIC, de l’eau, de l’énergie, du transport et du commerce.
(Source : www.nepad.org)
1309
ABDOUL KARIM SALL, Y. BENARD, H. JAFFAR, T. MOUNGALLA et E. ASU, «Décollage digital du continent : le défi des
infrastructures » (panel 1), Forum Forbes Afrique, 21 juil. 2015 : [http://formuforbesafrique.com/blog/sessions/décollage-digital-du-
continent-le-defi-des-infrastructures/] (consulté le 13 juillet 2016).
1310
Source : [http://www.sadc.int/themes/infrastructure/ict-telecommunications/] (consulté le 13 juillet 2016).
1311
Ibid.
1312
Ibid.
1313
Ibid. En soutien au commerce électronique, pour la livraison des commandes en ligne, Les services postaux nationaux
traitent 96% des lettres domestiques et 80% des lettres internationales, mais seulement 28% des colis nationaux et 20% des
colis internationaux.
1314
Ibidem.
1315
Cf. notamment : « Introduction » et Partie 1, Titre I, Chapitre 1 de la présente thèse.
214

classes moyennes africaines via les réseaux électroniques. Pour 2025, les économies
africaines les plus dynamiques pourraient franchir le seuil de 10% de vente en ligne, avec 75
milliards de dollars de transactions annuelles.1316 La durabilité du scénario promet un impact
positif, tant pour les entreprises, Ŕ en termes d’économies de production, de renforcement de
la chaîne d’approvisionnement (stockage, livraison), développement du paiement en ligne, Ŕ
que pour les pays en termes d’infrastructures, de développement du marché africain.
Toutefois, plusieurs contraintes demeurent et constituent des enjeux majeurs, à savoir : le
cadre juridique (protection des consommateurs, cybercriminalité, transparence), l’offre
d’accès et les cultures locales (faible taux d’équipement Internet, coût du haut débit, confiance
face au paiement dématérialisé, analphabétisme), faiblesse des autres réseaux logistiques
d’acheminement des produits achetés en ligne (insécurité, fragmentation et disparités des
marchés).1317 Il s’ajoute à cette liste des contraintes la défaillance des réseaux postaux.
524. Dans l’ensemble, la popularisation progressive d’Internet transforme l’économie
africaine. Elle fait évoluer les comportements des utilisateurs. Les entreprises accompagnent
ces externalités du réseau, en investissant et en innovant, avec un dynamisme constant des
jeunes start-up africaines. Les nouvelles solutions de la Net économie africaine deviennent
appréciables. Du côté des entreprises, l’ouverture de nouveaux marchés et l’augmentation des
échanges commerciaux est une perspective encourageante. Les États africains présentent des
perspectives concrètes de modernisation de l’accès à leurs services publics, tandis que des
progrès sont perceptibles dans la constitution d’un marché intra-africain de l’économie
numérique (réseaux sociaux numériques, biens culturels, …). Du coté des populations, le
désenclavement des marchés de consommation permet, grâce aux TIC, l’accès à des facilités,
sous formes d’applications numériques à usage courant, comme la banque mobile, l’accès
mobile aux données de la météo ou à l’information sur le cours de vente des productions
paysannes, l’e-santé, l’apprentissage à distance, l’e-administration.1318 La situation du marché
numérique congolais confirme ces évolutions et transformations numériques. (2.)
2. La situation du marché de la téléphonie et de l’économie numérique en RDC
525. S’agissant précisément de la RDC, le marché des télécoms est dominé par le secteur
privé, avec quatre opérateurs de téléphonie et d’Internet mobiles, à savoir : Airtel Congo,
Vodacom RDC, Orange RDC et Africell RDC. L’opérateur historique, OCPT, ne dispose pas
d’un réseau d’accès ouvert aux particuliers, comme clients finaux (retail sales), son réseau à
fibre optique est destiné au marché de transport entre opérateurs (whole sales).
526. Au cours du troisième trimestre 2016, le jeu concurrentiel, sur le marché, est
caractérisé par une forte concentration du marché de la téléphonie et de l’Internet mobiles,
autour de deux opérateurs, détenant respectivement 63% (Orange) et 73% (Vodacom) des
parts globales de marché. Le rachat de Tigo en fin mars 2016 par Orange permet à cette
dernière de rester le leader sur le segment de l’Internet mobile avec 41,56% de parts de
marchés contre 32,65% pour Airtel, 21,95% pour Vodacom et 3,35% pour Africell. Pour la
période, l’ARPTC note un total de 28.335.503 d’abonnés au réseau GSM, de 7.157.537
souscriptions à l’Internet mobile (3G) et de 2.236.337 utilisateurs du transfert de la monnaie

1316
JEREMY HODARA, MBWANA ALLIY et NINO NJOPKOU, « Le e-commerce en Afrique : comment dépasser les contraintes ? », 21
juil. 2015, panel 3, in Forum Forbes Afrique 2015, préc., [http://formuforbesafrique.com/blog/sessions/le-e-commerce-en-Afrique-comment-
depasser-les-contraintes/] (consulté le 3 juillet 2016).
1317
Ibidem.
1318
D. COHEN, D. GORDON, S. ZHANG, O. GALZI et K. BHATTACHARYA, « Le numérique, vecteur de croissance inclusive pour
l’Afrique», 21 juil. 2015, panel 2, in Forum Forbes Afrique 2015, préc., [http://formuforbesafrique.com/blog/sessions/le-numérique-
vecteur-de-croissance-inclusive-pour-lAfrique/] (consulté le 3 juillet 2016).
215

électronique via leurs téléphones. Les calculs sont effectués sur la base d’une estimation de la
population d’environ 78.800.000 habitants en 2016, faute de recensement officiel de la
population depuis 1984. L’ensemble des opérateurs privés ont réalisé un revenu global de
292,18 millions de dollars américains jusqu’au 3e trimestre 2016. Pour la période, les taux de
croissance sont de : 3,81% en nombre d’abonnés et de 1% en taux de pénétration mobile, ce
dernier étant de l’ordre de 35% à 36% de la population accédant aux télécoms dans le
pays.1319
527. Des croissances positives sont enregistrées entre les 2e et 3e trimestres 2016. Quant
aux revenus, ils ont connu une croissance de 3,4%, soit de 282,5 à 292,18 millions de dollars
américains. Le revenu moyen par utilisateur (ARPU) est en hausse de 3,33 dollars à 3,50
dollars dépensés par abonné et par mois, pour les services d’accès au réseau. Les quatre
opérateurs précités ont généré un volume global d’appels de l’ordre de 4,25 milliards de
minutes (hausse de 6,88%), tandis que 2,43 milliards de SMS ont été échangés. Plusieurs
services de la société de l’information s’appuient sur la disponibilité d’accès aux réseaux de
téléphonie de base et d’Internet mobile : ces activités numériques en ligne dits « services à
valeur ajoutée » relèvent spécifiquement du commerce électronique. L’observatoire du
marché numérique présente les indicateurs de revenus, qui attestent de la vitalité de
l’économie numérique en RDC.1320

Tableaux : croissance des revenus du marché de téléphonie mobile en RDC


(2e et 3e trimestre 2016) 1321
Services 2015 2016 Taux de
(en dollar) (en dollar) croissance
Appels vocaux 248.151.410 222.919.930 -10,17%
SMS 11.108.991 12.780.090 15,04%
Internet mobile 34.320.922 39.972.525 16,47%
Mobile money1322 - 6.413.131 -
1323
Autres SVA 9.380.877 10.099.531 7,66%
Total 302.962.201 292.185.206 -3,56%
Source : ARPTC/observatoire du marché

528. En conclusion, les données du marché ci-dessus présentent une situation chiffrée de
l’économie numérique en Afrique et de la RDC. Le continent n’a pas de système juridique
homogène, ni d’institutions supranationales, mais il est un espace de marché électronique en
pleine croissance, dans l’économie numérique mondiale. Même si le niveau d’intégration
économique et juridique du continent est encore faible, les enjeux juridiques del’économie
nulérique sont déterminants, pour les politiques publiques devant encadrer et développer les
marchés de télécoms. Dans sa situation au cœur de l’Afrique, la RDC est membre de plusieurs
organisations sous-régionales avec ses neuf pays limitrophes. Elle contribue aux projets et
plans sous-régionaux visant le développement des télécoms et des TIC. Mais, tous ces

1319
ARPTC, Observatoire du Marché de la téléphonie mobile, Rapport du 3e trimestre 2016, Direction économie et
prospective, Kinshasa / RDC, p. 3.
1320
Ibidem.
1321
Ibidem, p. 23.
1322
P. STORRER, Droit de la monnaie électronique, Préc., pp. 19-26. La première partie de son ouvrage concerne la « Notion
de monnaie électronique ». Mobile money : monnaie électronique transférée ou générée par des dispositifs techniques mobiles
à travers les réseaux de télécommunications (cellulaires). La « monnaie mobile » relève la particularité du mode de
circulation à travers des médias offrant la mobilité aux utilisateurs sous forme de portemonnaies électroniques.
1323
SVA : Services à valeur ajoutée.
216

éléments empiriques découlent des étapes d’évolutions technologiques, à travers lesquelles les
droits en Afrique et en Europe ont entrepris des mutations pour parvenir à un marché ouvert
de l’économie numérique mondiale.

SECTION II -
LA COMPARAISON DES DROITS ENTRE L’AFRIQUE ET L’EUROPE
DANS LE CADRE DES TÉLÉCOMS DE BASE ET DE L’INTERNET

529. Les précisions ont déjà été fournies sur la politique législative menée par l’Europe
et par la France.1324 Leurs politiques ubliques ont structuré leur commerce électronique et a
permis de libéraliser leur secteur des télécoms pour en faire un marché régulé qui tend
aujourd’hui à être un marché unique numérique. Le droit de l’Union européenne, pris comme
référence, présente une historicité instructive dans les adaptations des règles de construction
de son marché intérieur et de leur transposition française.1325 C’est à la suite de l’occident que
les États africains (cas de la RDC) ont intégré l’économie numérique mondiale en réformant
leur cadre juridique monopolistique de départ. Le processus de dérégulation des télécoms en
Afrique a été engagé à travers les mécanismes du droit international du commerce (OMC).1326
Les phénomènes de l’Internet sont apparus avec l’évolution du marché et des technologies,
comme une nouvelle remise à l’épreuve des droits de télécoms préalablement réformés dans
les deux continents.
530. Cependant, les transformations des institutions juridiques sont nécessairement
question du temps et des espaces. Les ajustements des droits de télécoms ont été d’abord
opérés en Europe et en France, et ensuite en Afrique et en RDC, en tenant compte des
époques de mutations technologiques et économiques. Mais « [i]l a toujours été difficile de
découper l’histoire en période. […] En fait souvent les périodes s’emboitent les unes dans les
autres, et le futur trainera longtemps des paillettes du passé. C’est vrai en général, mais
davantage encore quand le droit est en cause ».1327 Pour autant, les aspects du droit comparé
présentent une meilleure structure d’analyse dans les étapes technologiques expérimentées en
commun par toutes les économies numériques, que ce soit en Afrique ou en Europe.
531. La Banque mondiale encourage cette approche comparative par étapes, en retenant
deux séries d’enjeux qui sont la source des transformations des droits dans le monde, en
Afrique et en RDC. En ce sens, « [l]es politiques en matière de TIC de première génération
qui prévoyaient la concurrence sur le marché, la participation du secteur privé et un cadre
réglementaire souple ont conduit à un accès quasi universel à des services de téléphonie
abordables, mais ne se sont pas montrées aussi efficaces pour élargir les services
Internet ».1328 Mais « [e]n même temps, l’absence d’un consensus global sur la façon
d’aborder les enjeux de la prochaine génération Ŕ par exemple, la protection de la vie privée,
la cybersécurité, la censure et la gouvernance de l’Internet Ŕ conduit à un choix d’approches
plus circonspectes et plus diverses pour la réglementation de l’Internet ».1329
532. Chacun des cadrans d’enjeux technologiques (1re et 2e génération selon la Banque
mondiale) rend intelligible les transitions des cadres réglementaires, ayant successivement fait
face aux réseaux analogiques et numériques des télécoms. Ainsi, deux générations de

1324
Cf. Partie 1, Titre I, Chap. 1 et 2 de la présente thèse, sur le contenu (e-commerce) et le contenant (télécoms) des SSI.
1325
Cf. Partie 1, Titre I, Chapitre 2, Section 2, de la présente thèse.
1326
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 1, Section 1, §2, de la présente thèse.
1327
J. CARBONNIER, op.cit, p.7.
1328
BANQUE MONDIALE, Les dividendes du numérique, Rapport sur le développement dans le monde 2016, op.cit, p. 25.
1329
Ibidem.
217

techniques tracent le cadre de référence pour l’étude des droits comparés européens (français)
et africains (congolais), en fonction de leur empreinte dans les transformations des droits des
services publics, des marchés et de la concurrence dans le monde. Dans sa structuration, « [l]e
nouveau cadre juridique proposé […] procède à un rapprochement entre le droit spécifique
des télécommunications et le droit de la concurrence ».1330 Effectivement, « La technologie
influe sur les règles (le cadre réglementaire et les normes) pour engendrer de nouvelles idées Ŕ
par exemple, nouvelles méthodes de production de biens et services. Si la plupart des règles
sont établies localement, la technologie fait partie d’échanges entre les marchés et à travers les
frontières ».1331
533. En l’occurrence, la Banque mondiale recommande de « renforcer le socle
analogique de la révolution numérique ».1332 D’une part, les services de télécoms de base ont
fait l’objet de la dérégulation des services publics concernés, à travers l’OMC comme
passerelle internationale des expériences entre l’Europe et l’Afrique. (§1.) D’autre part, les
nouveaux enjeux juridiques de l’Internet et de l’économie numérique sont abordés dans le
cadran de l’ère numérique post-dérégulation des « services de base des télécoms »1333. (§2)

§1. La dérégulation du « socle analogique » des télécoms


dans les expériences africaines (RDC) et européennes (France)

534. Le terme « socle analogique » ne se confond pas totalement au sens technique de


l’« ingénierie informatique »1334, mais il s’agit des télécoms de base, perçues comme cadre
générique et transitoire de l’ère numérique.1335 Dans le monde entier, les enjeux primaires du
droit de l’accès aux télécoms de base ont donné lieu au processus de dérégulation, tandis que
d’autres ajustements du droit ont été renforcés par la suite, face aux nouveaux enjeux de l’ère
numérique.
535. En premier lieu, le socle analogique des télécoms a essentiellement fait l’objet des
enjeux mondiaux de l’accès aux infrastructures et aux marchés des télécoms, tant pour les
prestataires que pour les destinataires des services électroniques, sous l’autorité d’un
régulateur étatique. La finalité des politiques législatives portait en l’espèce sur la
réorganisation de l’intervention publique dans les marchés régulés des télécoms, en
commençant d’abord par l’Europe et en se transportant ensuite en Afrique. En second lieu, la
gouvernance de l’Internet suscite des enjeux juridiques les plus récents de l’économie
numérique. Ceux-ci se recentrent davantage sur la réglementation des services de la société de

1330
D. BOULAUD, op.cit, p. 13.
1331
BANQUE MONDIALE, op.cit, pp. 20 et s.
1332
Ibidem, pp. 2, 4, 43.
1333
C. GUERRIER, op.cit, p. 92. Pour les « services de base des télécoms », les accords de base de l’OMC ont porté sur « la
téléphonie vocale, la transmission de données, le télex, le télégraphe, la télécopie, les services de circuits loués privés, les
systèmes et services par satellites, la téléphonie cellulaire, les services mobiles pour données, la radiorecherche, les systèmes
de communications personnelles. Les services à valeur ajoutée de télécommunications ne sont pas compris dans ce protocole,
même si certains pays se sont mis d’accord pour les englober dans le processus des échanges libérés ».
1334
J-F. PILLOU (sous la dir.), « L’analogique et le numérique », sept.2015 [www.commentcamarche.net:#ID=471&module=contents]
(consulté le 3 juillet 2016). « Les phénomènes qui nous entourent sont quasiment tous continus […] Ainsi, lorsque l’on désire
reproduire les valeurs du phénomène, il s’agit de l’enregistrer sur un support, afin de pouvoir l’interpréter pour reproduire le
phénomène original de la façon la plus exacte possible. Lorsque le support physique peut prendre des valeurs continues, on
parle d’enregistrement analogique. Par exemple, une cassette vidéo, une cassette audio ou un disque vinyle sont des supports
analogiques. Par contre, lorsque le signal ne peut prendre que des valeurs bien définies, en nombre limité, on parle alors de
signal numérique. La représentation du signal analogique est donc une courbe, tandis qu’un signal numérique pourra être
visualisé par un histogramme. »
1335
L’usage du terme « analogique » n’exclut pas l’existence des technologies numériques qui étaient déjà opérationnelles
avec les télécoms de base, car les infrastructures numériques, comme par exemple la fibre optique et le satellite, étaient déjà
fonctionnels.
218

l’information (contenu) plutôt que sur l’encadrement des « activités périphériques » d’accès
au réseau (contenant).1336
536. En effet, la « valeur du clic » se situe aujourd’hui, selon Valérie-Laure Benabou et
Judith Rochfeld, « au cœur d’un véritable bouleversement lié au couplage de la technique de
la numérisation et d’Internet ». 1337 Les activités numériques en ligne portent l’attention sur la
marchandisation des données personnelles, les propriétés créatives et participatives du
Web,1338 tandis que la problématique de l’État se pose désormais quant à sa souveraineté
numérique. La suprématie du droit étatique est confrontée à l’autonomie du cyberespace, à
l’effectivité de ses normes techniques extra-étatique et à ses pratiques transfrontières.1339
537. Ainsi, l’économie numérique a été bâtie progressivement avec les évolutions du
droit, du service public, du marché et de la technique. Mais, toutes les transitions législatives
comportent une finalité et des conséquences, comme le dit Montesquieu : « il est bon quelque
fois que les lois ne paraissent pas aller si directement au but qu’elles se proposent ».1340 C’est
ainsi qu’« [i]l faut éclairer l’histoire par les lois et les lois par l’histoire ».1341
538. Pour autant, deux « cadrans situationnels » sont-ils nécessaires autant pour
rapprocher les expériences européennes et africaines que pour comparer les niveaux de
transformation de leurs droits respectifs en fonction des mêmes aspects technologiques dans
le temps. Le premier cadran de comparaison porte sur la dérégulation des télécoms en Europe
et en Afrique, dont les enjeux et objectifs paraissent identiques. (A.) Néanmoins, des écarts
apparaissent dans l’implémentation du modèle ordolibéral européen dans les États africains,
selon le schéma de dérégulation de l’OMC. (B./)
A./ L’UNIFORMITÉ DES ENJEUX DE DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS
EN EUROPE ET EN AFRIQUE

539. Les principes ordo-libéraux de l’Europe des télécoms n’ont pas seulement favorisé,
dans les années 1980, la « connexion des marchés territoriaux »1342 au sein de ses États
membres. La dérégulation des secteurs monopolistiques a également concerné des pays tiers,
du fait des objectifs de diffusion technologique et de la mondialisation de l’économie. Dans
les années 1990, un mimétisme du modèle européen a été inculqué aux États africains sur
base des accords de l’OMC de 1994 et de 1997, en vue de la libéralisation de leurs secteurs
publics de télécoms. Ces réformes ont aligné l’Afrique dans l’économie mondiale de marché
ainsi que dans les évolutions techniques ayant donné lieu à l’Internet. En ouvrant
graduellement le marché des équipements, des services et des infrastructures des télécoms, les
politiques législatives européennes ont été favorables à l’innovation technologique. Ce qui a

1336
O. CACHARD, op.cit, p. 8 et s.
1337
V-L BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, p. 39, 30.
1338
Ibidem., p. 30.
1339
O. ITEANU, op.cit, pp. 15-29. A. BLANDIN-OBERNESSER (sous la dir.), op.cit, pp. 1-2. Dans son propos liminaire,
cette dernière auteur rappelle les propos de Corinne Erhel : « Parler de la souveraineté numérique, c’est repenser notre
conception classique de souveraineté ».
1340
MONTESQUIEU, Esprit des lois par Montesquieu : avec les notes de l’auteur et un choix des observations de Dupin,
Cervier, Voltaire, Mably, la harpe, Servan, éd. 1862. [http://dicocitations.lemonde.fr/citations-auteur-montesquieu-4.php] (consulté
le 14 mars 2017). MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, Garnier, Paris, 1956, t. I.
1341
Ibidem.
1342
Il ne s’agit pas de la connexion des objets au sens de l’internet des choses, mais plutôt de l’intégration des marchés
nationaux européens qui étaient cloisonnés par les monopoles publics et fermés faute de mornes techniques standards et des
règles juridiques harmonisées. T. PIETTE-COUDOL, op.cit, pp. 1-2. « Les objets connectés, des chiffres … et quelques
exemples exotiques »
219

contribué à la variété de l’offre des services électroniques et à la disponibilité d’accès aux


réseaux privés ou publics. Leurs interconnexions ont conduit à leur internationalisation.1343
540. En Afrique comme en Europe, le monopole public des télécoms restait attaché à
l’idée que le service public est naturellement synonyme d’intérêt général. La dérégulation
transforme profondément les institutions juridiques du « socle analogique » des télécoms qui
se fondaient sur les règles classiques des services publics autrefois.1344 En substance, « [l]e
monopole est inhérent à la conception française traditionnelle du service public : relevant de
la sphère des fonctions collectives, le service public était censé être soustrait à l’application de
la logique marchande. [Il] postule une certaine représentation du lien social : à travers les
droits reconnus aux usagers, se profile l’idée que les besoins fondamentaux des individus
doivent être satisfaits ; à ce titre, le service public est producteur d’intégration et de cohésion
sociale ».1345
541. Cependant, avec les accords de l’OMC de 1994 et de 1997, le constat contraire
apparait clairement : « Depuis qu’il existe un grand marché et que les progrès technologiques
effacent les frontières dans les télécoms comme dans d’autres domaines, le monopole est
dépassé. […] Les citoyens et les consommateurs constatent qu’il n’y a pas de concordance
obligatoire entre service public et monopole ».1346 La libéralisation démantèle le monopole
public de l’« État-entrepreneur », tout en restructurant le rôle de la puissance publique dans la
gestion d’un service public et dans la garantie de l’intérêt général. Ce fameux « intérêt général
n’est plus le bien nettement circonscrit de l’autorité politique ; c’est désormais un produit, un
enjeu évolutif de négociation entre acteurs ».1347
542. En fait, l’accord spécifique sur les télécoms de l’OMC de 1997 place les marchés
africains dans un processus d’adoption des « fondements néolibéraux et ordolibéraux »1348
américains et européens. L’Europe des télécoms avait déjà atteint un stade très avancé des
transformations de son cadre juridique, au moment où, en 1997 avec l’OMC, les États
africains convenaient d’inscrire leurs secteurs de télécoms dans l’économie des marchés.1349
En Afrique, la tradition des monopoles étatiques devait donc prendre fin au titre de
changements juridiques et structurels en adoptant la régulation dans un marché ouvert. La
reconfiguration de l’intervention de l’État impliquait « une orientation régulatrice générale
censée animer l’action publique dans son ensemble, par delà l’allure hétéroclite de ses
instruments et l’apparence d’autonomie de ses diverses facettes ». 1350 Le droit public valorise
désormais le « rôle "cadre" […] du droit de l’action publique1351 », pour assurer notamment

1343
Cela s’en ressent de l’innovation des techniques de transmission de signaux à distance, par le canal des satellites, de la
fibre optique ou des faisceaux hertziens.
1344
M. DE VILLIERS et T. DE BERRANGER (sous la dir.), op.cit, p. 522. Pour Rolland, la notion classique de service public est «
une entreprise ou une institution d’intérêt général destinée à satisfaire des besoins collectifs du public […] par une
organisation publique, sous la haute direction des gouvernants ».
1345
J. CHEVALLIER, Le service public, préc., pp. 77 et 97. Cf. PH. MOREAU DEFARGES, La Gouvernance, préc., p. 60.
1346
KAREL VON MIERT, « un entretien avec le Commissaire européen à la concurrence », Le Monde, 20 décembre 1994, cité
par R. GILARDIN, op.cit, p. 13 et s.
1347
J. CHEVALLIER, op.cit, p.77 et 97. Cf. PH. MOREAU DEFARGES, La Gouvernance, préc., p.60.
1348
F. DENORD, R. KNAEBEL, P. RIMBERT, « L’ordolibéralisme allemand, cage de fer pour le vieux continent », Le Monde
diplomatique, aout 2015, p. 20 et 21.
1349
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 1, Section 1 de la présente thèse. Les directives européennes de 1988, puis les directives
« ONP » de 1990 avaient déjà fait évoluer le droit européen. En France, les lois de 1986, de 1990 et celles de 1996 sur la
réglementation des télécommunications avaient déjà assumé le cap décisif de la libéralisation et de la concurrence sur le
marché régulé.
1350
J.-PH COLSON et P. IDOUX, op.cit, p. 38.
1351
J. CHEVALLIER, « Droit et action publique », in Le droit figure du politique, Mélanges en l’honneur de Michel Miaille,
Faculté de droit de Montpellier, 2008, vol. 2, p. 421.
220

« l’encadrement concurrentiel de certains secteurs économiques1352 ».1353 « En somme, ce que


le monopole public prétendait réaliser directement, la régulation est censée y parvenir par
d’autres voies, plus subtils peut-être, mais qui attestent la part non négligeable que continue
de prendre la puissance publique à l’évolution du domaine des télécommunications ».1354
543. Les États africains n’ont pas engagé eux-mêmes cette dynamique de transition
juridique des services publics. Face aux enjeux des télécoms et de l’économie numérique, ce
sont les accords de l’OMC de 1994 et 1997 qui ont consacré l’expérimentation du « droit de
l’économie de la régulation »1355 en Afrique, tel que mis en œuvre par la RDC. De nouveaux
acteurs entrent sur le marché libéralisé, anciennement monopolistique, en entraînant une
véritable distinction des rôles selon les prestations de services de télécoms de base
(transporteurs, FAI, hébergeurs, etc.). Dans ce contexte, l’opérateur historique, ancien
opérateur de monopole, subit la compétition. Auparavant l’intervention de l’État était directe
dans « sa mission d’intérêt général qui assure à tous des prestations essentielles ». Didier
Truchet considère la controverse entre la France et l’Europe sur la conception du service
public comme instrument privilégié d’intérêt général. Désormais « les règles d’un marché
concurrentiel » servent également les « missions de service public ».1356 La situation ainsi
décrite est celle du « recul de l’État-puissance publique, marquant le recul de l’incompatibilité
de principe initiale entre les personnes privées et l’exécution de missions de service
public ».1357
544. Déjà, les aspects de « mutation de l’État » entre 1935 et 1950 avait donné lieu en
Europe (France) à ce que « le service public s’ouvr[ait] aux personnes privées, et cette
ouverture [était] est validée par le juge ».1358 Sur ce point, en France l’Arrêt du Conseil d’État
du 13 mai 1938 (Caisse primaire Aide et Protection GAJA) indiquait en substance que ce
n’est pas parce qu’une personne privée prend en charge un service public que ce n’est plus un
service public.1359 Cependant, le « Droit public de la régulation de l’économie »1360 va plus
loin avec les principes de l’OMC. Il s’agit « "davantage d’un véritable droit du marché qu’un
droit de la consommation, tel qu’on le définit traditionnellement en France", l’action des
"concurrents" étant prioritairement visée alors que celle des consommateurs ne l’est que de
"façon subsidiaire" ».1361
545. C’est ainsi que la régulation était censée assurer le maintien des règles d’intérêt
général, en exerçant, sur le marché, un rôle d’arbitre du jeu concurrentiel entre les opérateurs
privés et les opérateurs historiques. Comme en Europe, une régulation étatique a aussi émergé
dans les nouveaux marchés africains. « Conformément à l’accord de l’OMC sur les
télécommunications de base, de nombreux gouvernements ont créé des autorités nationales de
régulation, sous forme d’organismes indépendants ou d’unités fonctionnelles relevant de
certains ministères ou offices gouvernementaux ».1362 Cette fonction de régulation a été

1352
M.-A. FRISON-ROCHE, « le droit de la Régulation », Recueil Dalloz, 2001, n°7, p. 610.
1353
J.-PH COLSON et P. IDOUX, op.cit, p. 38.
1354
T. PENARD et N. THIRION, op.cit, p.1.
1355
I. CROQ, op.cit, pp. 71 et s. Voir aussi : Droit de l’Informatique et des réseaux, Lamy du droit, 1999 [2002]. J. CHAPPEZ,
Y. LAIDIE, G. SIMON, « Mondialisation et services juridiques », in E. LOQUIN et C. KASSEDJAN (sous la dir.), La
Mondialisation du droit, éd. Litec, Paris, 2000.
1356
D. TRUCHET, op.cit, p. 69.
1357
M. DE VILLIERS et T. DE BERRANGER (sous la dir.), op.cit, pp. 527-528.
1358
Ibidem, p. 528.
1359
Ibid.
1360
B. DU MARAIS, Droit public de la régulation économique, Presses de Sciences Po et Dalloz, 2004.
1361
C. MONFRORT, « Loyauté des pratiques commerciales : concurrents, agissez en cessation ! », RLDA, janv. 2008, n°23,
Répères, n°1418, pp. 54-55.
1362
UIT, Rapport 2002, préc.
221

voulue indépendante selon les exigences du droit international du commerce. La nécessité du


régulateur se fonde sur la diversification des enjeux et la nécessité de leur conciliation des
aspects publics et privés du secteur. En effet, l’abandon des monopoles a ouvert le secteur
public aux forces économiques du marché international. Les anciens exploitants publics
(EPA/EPIC) assumaient non seulement le rôle de gestion des services publics, mais aussi
l’édiction des règlements.1363
546. La libéralisation des services publics monopolistiques engageait la compétition
entre les nouveaux entrants (du secteur privé) et d’anciens détenteurs de monopole public.
Cette reconfiguration du secteur public des télécoms a produit un ensemble complexe dans
lequel l’État se doit d’arbitrer le jeu des intérêts économiques des opérateurs privés, souvent
des multinationales, avec des opérateurs historiques, dans un objectif global d’intérêt général.
Sans pouvoir se définir aisément, ce dernier fonde l’État à agir dans « une finalité que l’on
présume supérieure » qui transcende « la somme des intérêts individuels ».1364
547. Comme changement immédiat lié aux accords de l’OMC (1994-1997), dès 2001,
67% des pays africains s’étaient dotés d’une autorité de régulation des télécoms. 1365 En droit
congolais, la Loi-cadre des télécoms du 16 octobre 2002 (dite « LCT ») a fait de même, en
instituant deux structures étatiques, à savoir : l’autorité de régulation et le ministre des PTT.
1366
Ce dernier reste une administration classique. Cependant, « l’Autorité de régulation
s’assure d’une certaine indépendante du ministère [ainsi que du marché,] du fait de la
personnalité juridique dont elle est dotée et du mécanisme de la tutelle qui la relie à cette
autorité. Mais il est entendu que le Ministère […] encadre la fonction de régulation ».1367
548. En France, le régulateur des télécoms est en principe dans l’appareil d’État, une
autorité administrative indépendante (AAI), face aux autres pouvoirs relevant de l’exécutif et
du législatif et de l’autorité judiciaire.1368 « À y regarder de plus près, on se rend vite compte
que ces AAI ne constituent pas une révolution. Elles ne sont pas un quatrième pouvoir […]
Les AAI ne correspondent complètement ni aux critères de la juridiction, ni à ceux de
l’institution parlementaire. Il ne peut donc s’agir que d’organes administratifs ».1369 Cette
assertion est confirmée par les décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État

1363
M. DE VILLIERS et T. DE BERRANGER (sous la dir.), op.cit, p. 513. Les EPIC agissaient pour compte de l’État-
entrepreneur sur la base du monopole légal. « Dans son activité quotidienne de prise en charge de l’intérêt général,
l’administration développe deux séries d’activités traditionnelles qui constituent les buts de l’action administrative. Les unes
ont pour objet en quelque sorte de "matérialiser", de "concrétiser" l’intérêt général par la réalisation de prestations de biens et
de services, ce sont les activités de service public. Les autres se traduisent par un travail de réglementation, d’encadrement
juridique de multiples activités sociales dans le but précis d’assurer le respect de l’ordre public, il s’agit des activités de
police administrative. »
1364
Ibidem.
1365
Rapport UIT, 2002, préc.
1366
Articles 5 à 8, Loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en République Démocratique du
Congo, JO RDC, n° spécial, Kinshasa, 25 janvier 2003, pp. 17-45.
1367
Exposé des motifs, Loi-cadre n°013/2002, préc., p. 24.
1368
Conseil constitutionnel : décision relative à la loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du
Conseil de la concurrence, 23 janvier 1987. [http://maf.fr/fr/article/decision-du-23-janvier61987-Conseil-de-la-concurre/]
(consulté le 16 mars 2017). « Le Conseil constitutionnel français a posé plusieurs règles déterminantes pour le droit français.
Tout d’abord pour la première fois, en visant les lois du 16 et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire, le Conseil
constitutionnel a tout à fait affirmé que la séparation des "autorités administratives et judiciaires" n’a pas de valeur
constitutionnelle mais c’est pour immédiatement affirmer qu’une tradition française a haussé cette distinction entre les deux
autorités [et] en a fait "un principe fondamental reconnu par les lois de la République". Le système organisé par
l’Ordonnance du 1ier février 1986 qui prévoit un recours contre les décisions du Conseil de la concurrence, lequel est une
Autorité administrative, devant la Cour d’appel de Paris, juridiction judiciaire, contrevient à ce principe fondamental. Mais le
Conseil constitutionnel admet qu’une telle exception puisse se justifier. C’est le cas ici. ».
1369
A. SAKHO, op.cit, p. 4.
222

français.1370 Comparativement, c’est l’ART (française), créée en 1996 par la loi n°96-659 du
26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, comme AAI chargée de la
régulation du secteur. Au sens de l’article L32-1 du CPCE, le changement de terminologie
« télécoms » a été effectué en faveur des « communications électroniques »,1371 mais la
fonction de régulation est exercée au nom de l’État par le Ministre chargé desdites
communications et par l’ARCEP.1372
549. Ainsi, l’instauration d’organes régulateurs indépendants est l’aspect marquant de la
transformation du cadre juridique des télécoms en droit comparé, afin d’assurer au marché
électronique son équilibre et son bon fonctionnement.1373 Pourtant, sans abolir l’État, mais
sans le renforcer non plus, la mondialisation redéfinit l’ensemble de ses fonctions et donc sa
légitimité même.1374 Selon Jacques Chevallier, la réorganisation des interventions
économiques de l’État en « État-régulateur » est à l’aune d’un « État-post-moderne (sic) ». Il
constate que « Le dirigisme économique cessait d’être l’apanage des pays socialistes, adeptes
de la planification impérative ou d’une conjoncture interdisant le fonctionnement normal du
marché, car tous les pays libéraux avaient été conduits à mettre sur pied des dispositions leur
permettant d’agir sur l’économie ».1375 La fonction de la régulation est donc censée assurer
l’équilibre du jeu économique et préserver les objectifs d’intérêt général, face aux réalités du
marché ouvert. En principe, « la concurrence régulée [semble] considérée comme l’inversion
du monopole et la notion de service universel comme renouveau du service public ».1376 Dans
ce contexte, le régulateur est un arbitre de plusieurs intérêts. L’idée de service universel
traduit l’objectif de conciliation de l’existence du jeu concurrentiel avec la mission d’intérêt
général. L’objectif est celui de la diffusion de techniques fondamentales de communications
électroniques dans le(s) pays et à un coût d’accès raisonnable.1377
550. Par ailleurs, l'extension de la concurrence aux services publics (dits services
d’intérêt général) a créé une complexification des mécanismes juridiques encadrant l'activité
économique dans ledit secteur. L’une des conséquences est l’apparition du phénomène de
systématisation et d’accroissement des règles juridiques dans le domaine des télécoms. Le
terme générique « déréglementation » (de l’anglais, « deregulation ») cache, de manière
impropre, une conséquence logique de cette grande réforme. Les lois de monopole de
télécoms étaient souvent à article unique ; mais elles ont été supplantées par des textes plus
prolixes, ayant ajouté à la complexité, pour encadrer le nouveau jeu de la concurrence. Pour
preuve, il y a lieu de comparer, en droit français, la situation de 1985, lorsque le monopole

1370
Conseil d’État français, 10 juillet 1981, n°05310, recueil Lebon. En cause : Conseil d’État, commissaire aux comptes de
société vs décision du médiateur, statuant au contentieux sur requête pour excès de pouvoir, à propos de la nature juridique du
médiateur. [http://www.legifrance.gou.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CÉTATEXT000007664894] (consulté le 16 mars
2017) J-M. SAUVÉ, « Les autorités administratives indépendantes », intervention au Comité d’évaluation et de contrôle des
politiques publiques (CEC) sur les AAI, jeudi 11 février 2010, p. 1-8 [http://www.conseil-État.fr/Actualites/Discours-
Interventions/Les-autorites-administratives-independantes] (consulté le 16 mars 2017).
1371
Article 2, a), directive 676/2002/CE du 7 mars 2002, préc. La définition des communications électroniques est celle des
télécoms, mais à laquelle il est ajouté des exemples : « les systèmes de transmission et, le cas échéant, l’équipement de
commutation et autres ressources permettant le transport des signaux entre des points de terminaison définis, par fils, par
faisceaux hertziens, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques ».
1372
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation, coll. « Que sais-je ? », PUF, 1re éd., 2011, p. 14-15
1373
Le sens commun de la régulation est « l’action de réguler, d’assurer un bon fonctionnement, un rythme régulier », tandis
que les « fonctions de régulation » restent aussi en lien avec la physiologie, comme celles « qui assurent la constance des
caractères du milieu intérieur d’un animal en dépit des variations du milieu extérieur ». (Le petit Larousse Illustré 2017,
Dictionnaire, p. 986)
1374
PH. MOREAU DEFARGES, La mondialisation, préc., p.52.
1375
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne, 4e éd., LGDJ, lextenso-éditions, coll. droit et société, n°35, série politique, p. 63.
1376
P. MUSSO, op.cit, p.75 et s.
1377
J. CATTAN, op.cit, pp. 24, 27, 171 et s. Cf. pour les détails spécifiques au « service universel » : Partie 2, Titre 2,
Chapitre1, Section 1 de la présente thèse.
223

était intact, par rapport à celle de 1991 après la réforme Quilès. Il peut aussi être pris en
compte la situation de 1996, après le vote de la loi de réglementation des télécoms. En 1985,
le monopole était fondé sur un seul article de loi (article unique) : l’article L33 du CPT sur le
monopole des PTT reprenait l’article unique de la loi de Louis-Philipe de 1837. En revanche,
la loi du 29 décembre 1990 sur la réglementation des télécoms comptait 28 articles et était
longue de neuf pages du journal officiel. Quant à la loi du 26 juillet 1996 sur la
réglementation des télécoms, elle totalisait 23 articles pour dix-sept pages au Journal officiel.
Certains qualifient le phénomène de « reréglementation », d’autres de
1378
« surrégelementation ».
551. En outre, il y a nécessité de comparer la similarité des expériences de dérégulation,
telle que pratiquée en Europe et en Afrique, au regard de leurs résultats et de leurs stades
d’avancement. (B.)
B./ LES ÉCARTS D’EXPÉRIMENTATION DE LA DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS
ENTRE L’EUROPE ET L’AFRIQUE

552. Pour les États africains, l’essentiel de cette étape des réformes réside dans
l’application du modèle de marché européen, sous l’égide de l’OMC. Les développements ci-
dessus mettent en lumière les expériences de droit comparé européen et africain dans la
dérégulation des télécoms de base. Les circonstances sont similaires, mais plusieurs aspects
de divergence apparaissent quant à la conduite des expériences, aux résultats et aux temps de
changements sur les marchés africains et européens.
1. L’absence de préalable cognitif africain de la dérégulation
553. Premièrement, les marchés africains ont été libéralisés sans préparation particulière,
contrairement à la politique graduelle opérée, à cet effet, au sein des institutions et des États
de l’Union européenne. C’est depuis 1984 au Sommet de Fontainebleau sur les télécoms que
le processus avait été lancé sur le marché européen, à travers les « directives ONP » de 1988-
1998.1379 Celles-ci avaient initialement conservé des droits exclusifs sur des segments du
marché des infrastructures publiques en permettant uniquement la concurrence sur les
équipements et services de télécoms. En France, par exemple, l’opérateur national de
monopole avait bénéficié des investissements publics (« colbertisme high-tech »), en
prévision de l’ouverture future à la pleine compétition internationale. Le temps de transition
nécessaire leur a été accordé pour se renforcer préalablement sur leurs marchés territoriaux,
avant de subir la pleine compétition en tant qu’opérateur historique. Les directives dites du
« paquet télécom » sont intervenues graduellement en 2002 et en 2009, dans un contexte de
marché partiellement ouvert pour parvenir à une totale concurrence.1380
554. En revanche, les États africains ont adhéré au processus de dérégulation en 1997,
sans expérience cognitive des changements réglementaires à effectuer, ni des complexités de
la régulation. Premièrement, le parcours historique n’est pas le même dans la conduite des
réformes africaines : celles-ci ont été menées tantôt sans politique législative appropriée au
niveau national,1381 tantôt avec célérité sous les contingences de l’OMC avec l’appui de

1378
L. BANCEL-CHARENSOL, op.cit, p. 2, cité par R. GILARDIN, op.cit, p. 80.
1379
Directive 98/10/CE du P.E et du conseil du 26 février relative à l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à
la téléphonie vocale et sur le service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel, JO CE L 101,
1er avril 1998, p. 24-47.
1380
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 1, Section 1, de la thèse.
1381
Le cas de la RDC est tel que le DPS date de 2009 alors que ses lois de dérégulation datent de 2002.
224

l’UIT, du FMI, de la BM. C’est dans un tel contexte que la RDC a entrepris en 2002 la
réforme de son cadre légal des télécoms alors que son document de politique sectorielle
(DPS) n’a été élaboré qu’en 2009. La Loi-cadre sur les télécoms (LCT) ainsi que la loi sur
l’ARPTC ont défini un marché dual des télécoms, avec deux segments d’activités de réseau
exclusif et de services compétitifs.1382 Cependant, la réalité du marché présentait dès le début
une structure concurrentielle, débordant du cadre juridique. Les lois de dérégulation
intervenues en 2002 en RDC accusent un retard d’objectif par rapport à la situation concrète
du marché national et par rapport aux évolutions en droit comparé européen (« paquet
télécom »). D’une part, les opérateurs privés étaient autorisés dès 1989 à exploiter des
services de télécoms dans le secteur public dont la loi était encore monopolistique. D’autre
part, l’opérateur historique (OCPT) n’avait pas d’infrastructures techniques opérationnelles
lui permettant d’exploiter concrètement son segment des droits exclusifs sur le marché.1383
2. La prééminence de l’autorégulation sur les lois étatiques conséquentes
555. Deuxièmement, les pratiques du marché international ont largement contribué à la
dérégulation des secteurs de télécoms en Afrique et en RDC, en attendant l’exécution de
nouvelles règles juridiques et l’assise des régulateurs étatiques. En Europe, le « réexamen du
cadre réglementaire des télécoms » insistait en 1999 sur la généralité de ses règles qui
devaient donner lieu à « des mécanismes […] nécessaires pour assurer que les ARN
appliquent les objectifs et les principes fixés dans les directives d’une façon qui sauvegarde
l’intégrité du marché intérieur ».1384 Cependant, l’existence de l’ARPTC est postérieure à la
présence de nouveaux entrants sur le marché. Par conséquent, l’activité économique des
télécoms s’est déroulée sous une « protection indirecte » des intérêts économiques de tous les
« concurrents légitimes ».1385 À défaut d’expériences locales de la libéralisation, les marchés
s’inspiraient des références plus avancées, en provenance des pays d’origine des firmes
multinationales privées.1386 L’internationalisation des réseaux leur permet de profiter des
différences de structures des marchés (benchmark), en s’inspirant des meilleures pratiques
internationales (best practices). L’« autorégulation (self regulation) désigne un système apte à
définir son équilibre par ses seules forces ou […] à le rétablir également ».1387

1382
Articles 37, alinéa 1 et 38, alinéa 2, Loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications dite « LCT »,
préc.: « En République démocratique du Congo, il n’existe, pendant la période d’exclusivité qui lui est reconnue, qu’un seul
Exploitant public de télécommunications. […] L’exclusivité temporaire consiste pour l’exploitant public à posséder seul le
réseau de référence auquel tout exploitant concessionnaire de service public de télécommunications est tenu de
s’interconnecter, et par lequel, il fait transiter son trafic national ou international».
1383
K. NDUKUMA ADJAYI, op.cit, p. 84. Cas de la RDC où la loi de libéralisation partielle du marché des télécoms est
intervenue en 2002, tandis que plusieurs licences de téléphonie mobile et fixe, ainsi que des autorisations de fourniture de
services Internet étaient octroyées sans aucunes enchères, ni procédures publiques. Cette démonopolisation de fait rendait très
aléatoire l’arbitrage de la cohabitation difficile sur un même marché entre un opérateur historique disposant encore d’un
monopole légal et de nouveaux entrants privés autorisés à opérer dans un marché sans loi adapté, ni régulateur indépendant.
(Cas de la licence attribuée à Telecel en 1989 au Zaïre, actuelle R.D.Congo, opérant la technologie AMPS alors que
l’ONPTZ, actuelle SCPT, disposait encore d’un monopole légal et statutaire, sur base de l’ordonnance-loi 68-475 du 13
déc.1968 portant sa création. Jusqu’à promulgation de la loi-cadre n° 013/2002 sur les télécoms du 16 octobre 2002, cette
ordonnance n’était pas révoquée par une loi contraire.
1384
COMMISSION EUROPÉENNE, Réexamen du cadre réglementaire des télécommunications, COM (1999) 539 final, nov.1999.
1385
Considérants n°6 et 8, directive 2005/29/CEE et dont l’article 10 fait état de la promotion des codes de conduites et
l’autorégulation des professionnels (dans le sens des pratiques loyales). Notes : J. ROCHFELD, « Les nouveaux défis du droit
des contrats : l’efficacité de la lutte contre les pratiques commerciales déloyales de l’Internet »,in J. ROCFELD (sous. la dir.)
[2010a], op.cit, p. 24.
1386
I. CROQ, op.cit, p. 8-9.
1387
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation, préc, p. 21.
225

556. Dans ce cas, la « démarche pragmatique »1388 est de mise par les forces du marché
elles-mêmes, en vue de l’harmonisation informelle de plusieurs aspects, notamment : contrats
d’interconnexion, gestion des conflits entre opérateurs, interopérabilité des systèmes clés
(protocole de signalisation, paramètres techniques de commutation, partage des bandes de
fréquences, etc. Les forces du marché ont pallié les carences de la libéralisation, faute
d’instances et d’expériences régulatrices dans les marchés africains (RDC), nouvellement
ouverts à la compétition. La dérégulation laissait entendre l’idée des forces du marché
capables de se réguler elles-mêmes.1389
557. Toutefois, la « régulation est conçue sur un postulat inverse, puisqu’elle postule que
le marché sur lequel elle souhaite agir n’a pas eu la force de créer et de maintenir ses
équilibres propres, soit parce que la libéralisation est trop récente, soit parce qu’il y a un […]
monopole économiquement naturel ».1390 L’autorégulation a donc fait émerger un nouvel
enjeu de souveraineté nationale pour les États africains, car elle produit une coexistence entre
droit souple (lois du marché, soft law) et droit dur (règles juridiques, hard law),1391 tant sur le
marché libéralisé que dans l’espace numérique. Elle épaule la régulation étatique tout autant
qu’elle peut la dépasser, au regard de l’asymétrie ou des inégalités des forces du marché.
L’asymétrie est possible au profit d’un opérateur « notamment parce qu’il a tous les clients ou
tout le savoir-faire, ou tous les brevets, et que, de fait, les potentiels concurrents ne peuvent
pas entrer sur le marché ».1392 Les enjeux réformateurs du droit des télécoms ont opéré le
repositionnement de la puissance publique face aux forces économiques du marché.
558. Selon les travaux, Joseph Stiglitz (prix Nobel d’économie 2001), l’asymétrie de
l’information, est celle qui offre aux acteurs du marché une « "rente informationnelle" leur
permettant de s’octroyer de très nombreux avantages et de transférer sur les autres les
risques ».1393 La présence du régulateur sert à rétablir l’équilibre voulu par le droit et l’intérêt
général. C’est ce que confirme la pensée de Madame Mireille Delmas-Marty, car « [l]a règle
fait aller le droit : aussi le droit en fixant des règles, permet-il l’égalité devant la loi, l’égale
répartition des charges, des devoirs et des droits et, […] peines et sanction selon les règles de
la justice. Mais parfois la réalité ne se plie pas, ou échappe, parce qu’elle a pris des formes
inédites ou trop complexes, à la "linéaire" du droit : la mondialisation, la révolution
numérique, la supranationalité […], etc. mettent le droit au défi ».1394 Les forces économiques
du marché international ont construit l’effectivité du pouvoir du secteur privé dans les
secteurs de télécoms en Afrique, derrière les objectifs de la démonopolisation d’autrefois.
Mais les autorités réglementaires nationales doivent rester au cœur du nouveau dispositif. La
libéralisation devrait toujours s’accompagner d’un renforcement de la régulation.1395

1388
J.-PH COLSON et P. IDOUX, op.cit, p. 38. Il est question ici d’autorégulation, mais « La régulation est largement entendue
comme "la démarche pragmatique et globale consistant à poursuivre un objectif déterminé par l’utilisation, généralement
combinée, de méthodes choisies parmi une palette d’instruments variés, en fonction d’un calcul d’efficacité optimale" ».
1389
D. POPOVIC, op.cit, p. 3.
1390
Ibidem.
1391
PH. MOREAU DEFARGES, La Gouvernance, préc., p.60. J. CARBONIER, Flexible droit pour une sociologie du droit sans
rigueur, 10è éd., LGDJ, 1969, p. 6 et s. M. DELMAS-MARTY, Le flou du droit, préc., p. 3 et s.
1392
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation, préc, p. 19.
1393
Ibidem, p. 19-20.
1394
M. DELMAS-MARTY, « À l’heure de la mondialisation, nous avons besoin d’un droit flou », Libération, Interview par
Robert Maggiori et Anastasia Vécrin, 23 septembre 2016.
1395
D. BOULAUD, op.cit, p. 29.
226

3. La puissance du marché électronique mondial face aux États-régulateurs en Afrique


559. Troisièmement, avec la dérégulation, « [l]a voie médiane entre le monopole et la
concurrence […] suppose d’adopter une approche renouvelée de la régulation ».1396 la
régulation intervient dans un système complexe de marché, pour maintenir l’équilibre entre
intérêt général et le jeu concurrentiel. Si l’intervention publique n’est pas adéquate, les
attentes fondées sur le marché sont endiguées au détriment des consommateurs par des
impératifs économiques. Les intérêts commerciaux ont souvent prédominance sur les attentes
d’intérêt général à travers le fonctionnement du marché. Le cas du service universel conserve
la connotation française du service public dans le marché dérégulé. Celui-ci est davantage
porté vers ses propres priorités, notamment : positionnement stratégique, contrôle des parts de
marché, réalisation du profit, concurrence, qualité des réseaux, image marketing.
560. Mais, il revient à l’État, à travers le régulateur, de rappeler les limites de la
libéralisation par des obligations de « service universel »,1397 justifiant des exceptions à
l’application des règles de la concurrence. Cet objectif politique « fait ainsi office de "clause
de sauvegarde", en cas d’insuffisance du marché ».1398 En principe, plusieurs défaillances du
marché apparaissent, dans une situation de marché faiblement régulé. Sans entrer dans l’étude
des aspects économiques du marché ou de la régulation, il est question de présenter les
similitudes de résultats des expériences comparées de la dérégulation des télécoms en Europe
et en Afrique.1399
561. En réalité, il ressort que les opérateurs privés multinationaux en Afrique sont les
principaux bénéficiaires des réformes opérées sur le modèle des droits étrangers plus avancés.
Ces constats sur les enjeux du socle analogique sont notamment appuyés par l’expérience de
France Télécom face aux nouveaux marchés dérégulés en Afrique. En effet, « En Afrique,
[…] la France détient nombre de positions. France Télécom, issue d’une administration
publique chargée de la coopération avec les " pays amis", va se transformer en opérateur
offensif dont la stratégie consiste à prendre des parts du capital dans les opérateurs historiques
des pays déréglementés en vue de faire du "business". La présence française doit bien sûr
profiter aussi à Alcatel et d’autres constructeurs plus petits ainsi qu’à des bureaux d’études
[…] aussi très actifs en Afrique ».1400 Jusqu’à ce jour, la multinationalisation occidentale
domine le secteur des télécoms en Afrique et en RDC. Il n’y a pas eu de mouvement inverse
des opérateurs africains investissant en masse dans les marchés occidentaux dérégulés, au
regard de la mondialisation.
562. À long terme, l’enjeu financier du retour sur investissement préoccupe davantage le
marché à veiller au remboursement des prêts et intérêts sur les capitaux étrangers
(occidentaux pour la plus part), tandis que les États africains (RDC) doivent s’outiller à veiller
aux aspects d’intérêt général.1401 Là où en Afrique, notamment en RDC, des espoirs avaient
pu être suscités par la manne financière à la vente de licences d’entrée sur les marchés

1396
Ibidem, p. 15.
1397
Résolution du Conseil de l’Europe, 7 avril 1994 : « l’objectif politique de service universel est la mise à disposition de
tous les utilisateurs d’un service minimal d’une qualité spécifiée à un prix abordable ».
1398
D. BOULAUD, op.cit, p. 35-55.
1399
B. DU MARAIS, Droit public de la régulation économique, Presses de Sciences Po et Dalloz, 2004, cité par J.-PH COLSON
et P. IDOUX, op.cit, p. 38. En « droit public de la régulation de l’économie », les deux disciplines paraissent largement
converger aujourd’hui, compte tenu de l’orientation régulatrice générale censée animer l’action publique dans son ensemble,
par delà l’allure hétéroclite de ses instruments et l’apparence d’autonomie de ses diverses facettes.
1400
B. JAFFRE, « Bilan des privatisations des télécoms africains », in J-J. GABAS (sous la dir.), op.cit, p. 77.
1401
L’idée de « sunk costs » domine le type d’investissement en réseau (notamment les télécoms, l’électricité, le transport),
qui engagent des coûts irrécupérables de réseaux. A défaut du monopole, une exploitation à long terme est nécessaire pour
avoir un retour sur investissement.
227

africains, l’accès aux réseaux n’est pas encore l’effet bénéfique pour l’ensemble des citoyens.
L’intérêt général soutient que le niveau de concurrence du marché des télécoms doit être
profitable au pouvoir d’achat (baisse des prix), à la couverture universelle (transfert des
technologies et du « savoir-faire») ou à la balance financière (transfert des capitaux suite aux
investissements directs).1402
563. Que ce soit en Europe ou en Afrique, « Plus qu’à un modèle concurrentiel, la
dérégulation a, dans les faits, conduit à la formation d’un marché oligopolistique : aux
quelques deux cents monopoles étatiques nationaux publics se sont substitués des oligopoles
continentaux, voire oligopole mondial ».1403 Notamment, la pratique des « subventions
croisées » entre services est interdite par l’accord de l’OMC de 1997, mais la stratégie des
dominants et de leurs « services associés » influe sur le jeu compétitif, eu égard notamment à
leur part mondiale de marché (économie d’échelle) ou à la « rente informationnelle ».1404
Avec les expériences en Europe, en Afrique et en RDC, « il a été observé à la suite de la
libéralisation des marchés de télécommunications qu’après la rupture d’un monopole, il se
construisait plusieurs oligopoles, qui le cas échéant ne contribuent pas à l’évolution de la
concurrence ».1405 Les firmes multinationales effectuent une optimisation des économies
d’échelle et renforcent les externalités du réseau vis-à-vis des consommateurs. Ces
« géants »1406 économiques du marché mondial tirent profit de leurs offres des services
étendus ainsi que des volumes d’affaires, afin de peser sur les marchés nationaux. Ceux-ci
deviennent davantage oligopolistiques que concurrentiels, avec un nombre limité
d’opérateurs, présentant ou non une « dominance collective ».1407
564. Notamment, le profil de « puissance sur le marché » peut ne pas être une
dominance,1408 mais peut « fausser sensiblement la concurrence du fait de l’intégration
verticale [entrainant] que le coût de changement d’opérateur est élevé pour le
consommateur ».1409 Par exemple, toute décision de changement de prestataire représenterait,
pour le client, un nouveau coût d’investissement personnel pour accéder aux services
concurrents. Elle entrainerait aussi une perte d’accès à certains produits associés au réseau.
Ceux-ci restent « verrouillés » à la technologie du prestataire majeur qui tient une « clientèle
captive » : comme les fabricants de terminaux, cette « façon dont des prestataires de contenu
s’appuient sur des applications dépendant de grands acteurs des réseaux sociaux renforce la
logique de cloisonnement ».1410

1402
Cf. pour une étude détaillée sur le « service universel » : Partie 2, Titre 2, Chapitre 1 de la présente thèse.
1403
P. MUSSO, op.cit, pp. 75 et s.
1404
Ibidem, p. 70-76. Les mêmes opérateurs cumulent, sur le même marché, plusieurs types de licences ou alors ils occupent
à la fois plusieurs marchés nationaux. La puissance financière ou la taille des parts de marché se renforcent aux prix des
acquisitions des droits et des fusions-absorptions, en faisant peser la concurrence au profit de grands groupes consolidés.
1405
Parlement européen, avis relatif à l’examen de la proposition de directive « cadre », commission juridique et du marché
intérieur, 10 janvier 2001.
1406
M. BÉHAR-TOUCHAIS (sous la dir.), op.cit, pp. 3-161.
1407
Annexe II, Directive « cadre », préc. La dominance collective est la possibilité pour deux opérateurs de s’associer pour
former ensemble une entreprise puissante, selon des critères répertoriés à l’appréciation des ARN : degré de maturité du
marché, croissance stagnante ou modérée du côté de la demande, faible élasticité de la demande, homogénéité du produit,
existence des structures de coûts semblables, existence de parts de marché similaires, absence d’innovation technologique,
une technologie arrivée à maturité, absence de capacité excédentaire, barrières élevées à l’entrée, absence de puissance
d’achat compensatrice, absence de concurrence potentielle, présence de liens informels ou autres entre les entreprises,
existence de mécanisme de rétorsion, possibilités réduites de concurrence par les prix.
1408
Article 13, Directive « cadre », préc. Conseil européen des Télécoms du 4 avril 2001. La puissance sur le marché est une
« position équivalente à une position de dominance ». Le droit sectoriel de télécoms considère la puissance significative sur
le marché, tandis que le droit de la concurrence sanctionne l’abus de dominance sur le marché.
1409
D. BOULAUD, op.cit, p. 23 et s.
1410
V. SCHAEFER, H. CROSNIER et al, La neutralité de l’internet un enjeu de communication, CNRS éditions, coll. les
essentiels d’Hermès, p. 142. « Les fabricants de terminaux cherchent aussi à assurer "une clientèle captive" : le modèle Apple
228

565. Depuis les dérégulations de 1990-2000, des situations de défaillance du modèle


européen sont constatées. La RDC illustre quelques cas : position de dominance, marchés
dérivés à dominance d’oligopoles sur des segments où il n’a pas existé d’opérateurs
historiques auparavant, difficulté de gestion des ressources essentielles (fréquences
hertziennes et numérotation), « capture du régulateur »1411 dans le jeu des intérêts du marché,
conflit des compétences entre autorités de régulation des télécoms (ART) et ministères des
PTT, difficulté de privatisation des opérateurs historiques, nivellement de la concurrence sans
profitabilité de baisse de prix en faveur du consommateur, pesanteur d’insertion des autorités
administratives indépendantes dans l’ordre étatique traditionnel, etc.1412 De manière globale,
tous ces aspects font état des enjeux, en liminaire des développements spécifiques en rapport à
la mise en œuvre de la dérégulation dans le cadre juridique congolais.1413
566. D’autres développements sur la seconde étape d’évolution de l’économie
numérique se présentent avec l’Internet, car le socle analogique des télécoms reste
fondamental et transitoire pour l’avènement de l’ère numérique. Pour l’Afrique, les défis de
multinationalisation perdurent tant pour les marchés territoriaux de télécoms que dans la
mondialisation de l’Internet.1414 Après avoir « cadré » les enjeux de la dérégulation des
télécoms (1re étape), l’aperçu des enjeux de l’ère numérique équivaut à la 2nde étape de
comparaison entre droits européens, français, africains et congolais. (§2.)

§2. Les enjeux juridiques du cyberespace africain (congolais)


face à l’économie numérique européenne et française

567. La poursuite des réformes juridiques complémentaires s’est avérée indispensable, à


la suite des premières dérégulations dans le monde. L’ouverture du droit de l’accès aux
télécoms des années 1980-1990 n’est pas une finalité, mais un moyen de la société de
l’information. Dans le monde entier, les communications numériques ont suscité de nouvelles
transformations économiques et sociétales appelant des règles adaptées. L’économie
numérique renvoie aux infrastructures des télécoms de base ainsi qu’aux technologies
innovantes. Celles-ci associent l’informatique et l’audiovisuel, comme moyen d’accès aux
services de la société de l’information.
568. La Banque mondiale a retenu, dans son rapport de développement 2016, que
l’« accès à l’Internet est fondamental, mais pas suffisant. L’économie numérique doit aussi
reposer sur un socle analogique solide, composé de "réglementations" qui créent un cadre des
affaires dynamiques et permettent aux entreprises d’exploiter les technologies numériques
pour affronter la concurrence et innover ». 1415 L’économie numérique traduit l’utilisation des
TIC dans les activités économiques, au titre des services de la société de l’information.
Spécifiquement, la construction de l’architecture de l’Internet s’accompagne des aspects
juridiques. Il faut donc saisir les évolutions depuis les télécoms, les communications
électroniques jusqu’au cyberespace (A).

interdit aux prestataires de contenus et médias de proposer directement à leurs lecteurs des applications ou d’acheter en
dehors de l’écosystème d’Apple des biens payants, tels que la musique ou des livres numériques ».
1411
M.-A. Frison-Roche, Les 100 mots de la régulation, préc., p. 33. « La capture du régulateur est le terme usuellement
utilisé dans les théories économiques et vise la situation dans laquelle une institution Ŕ en pratique le régulateur Ŕ perd son
indépendance par influence exercée par un tiers sur lui. »
1412
J. DO-NASCIMENTO, op.cit, 140.
1413
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 2 et Partie 2, Titre 1, chapitre 1 de la présente thèse.
1414
CH. A. MICHALET, Qu’est-ce que la Mondialisation, La Découverte, Paris, 2002, pp. 1-211.
1415
Banque mondiale, op.cit, p. 4.
229

569. L’accès au cyberespace n’est pas seulement né de l’état de la technique, mais aussi
d’une construction juridique et politique du marché numérique mondial. « La notion de droit
du cyberespace est si vaste et complexe et ce droit aurait sur les nations, leur économie et leur
société, une influence si étendue qu’une bonne part des observations que l’on peut faire à ce
sujet débouchent directement sur une mise en question du droit positif ».1416 Les règles et
institutions juridiques de l’économie numérique sont empreintes des propriétés du
cyberespace. Il est le support et le vecteur de cette économie informationnelle et de la
connaissance,1417 présentant une dimension transfrontière, déterritorialisée, décentralisée et
dématérialisée. Ces propriétés soulèvent une problématique nouvelle pour la souveraineté des
États, dans l’approche globale de régulation et de gouvernance du cyberespace, sans compter
les ajustements spécifiques qu’opère le droit face aux bouleversements sociétaux de l’ère
numérique (B).
A. / LES ASPECTS JURIDIQUES DE L’ARCHITECTURE PLANÉTAIRE D’INTERNET

570. Le cyberespace résulte des étapes combinées de la mondialisation des télécoms et


de la globalisation de l’espace numérique. L’expérience de la dérégulation des télécoms était
engagée depuis 1984,1418 tandis que les États africains adhéraient au processus en 1994 et en
1997 sur la base des accords de l’OMC. En 1994, les ambitions américaines et européennes
étaient de faire des réseaux électroniques, tant les « autoroutes de l’information » que le
« sang de la compétitivité ».1419 Les premières directives de libéralisation et d’harmonisation
(ONP) des années 1990 avait eu pour but de décloisonner les monopoles verticaux et les
marchés territoriaux, tout en effaçant les frontières nationales au profit d’un marché intérieur
européen.1420
571. D’autres politiques législatives européennes de 1994 et 1995 réaménageaient le
cadre réglementaire de la concurrence des infrastructures et des réseaux de télécoms.1421 En ce
sens, la directive 96/19/CE arrêta la libéralisation intégrale desdites infrastructures au 1 er
janvier 1998.1422 Les restrictions sur l’utilisation des infrastructures alternatives étaient levées

1416
E. LONGWORTH, « opportunité d’un cadre juridique applicable au cyberespace Ŕ y compris dans une perspective néo-
zélandaise », Les dimensions internationales du droit du cyberespace, Economica / éd. UNESCO, coll. droit du cyberespace,
Paris, 2000, p. 13
1417
Cf. D. POPOVIC, op.cit, p. 47. Conclusion de la Présidence, Conseil européen de Lisbonne, les 23 et 24 mars 2000,
DOC/00/8. Le nouveau cadre réglementaire européen de 2002 (« paquet télécom ») avait pour objectif d’assurer la fourniture
d’infrastructures et de services efficaces, de qualité et disponibles à des prix compétitifs, étant donné que l’objet fixé était de
faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et le plus dynamique du monde ».
1418
Cf. Partie 1, Titre I, Chapitre 2, Section 1 de la présente thèse. Précédemment, il y eut le Sommet de Fontainebleau sur les
télécoms en 1984 et en juin 1987, le Livre vert de la Commission européenne « sur le développement du marché commun des
services et équipements de télécommunications ».
1419
A. GORE, « Remarks as delivered to the superhighway Summit, Royce Hall », UCLA Los Angeles, California, 11 janvier
1994. A. GORE, « Informations superhighways speech », Sommet de l’Union internationale des télécommunications, Buenos
Aires, 21 mars 1994. Cf. « Rapport Bangeman », préc.
1420
La directive 86/361/CEE du 24 juillet 1986, sur « la phase initiale de la reconnaissance mutuelle de l’homologation des
équipements terminaux », aura permis à l’Europe de franchir l’étape de reconnaissance mutuelle des agréments et Directive
88/301/CEE de la Commission du 16 mai 1998 porta sur la question « relative à la concurrence dans les marchés des
terminaux de télécommunications ».
1421
Commission européenne, Livre vert « sur la libéralisation des infrastructures de télécommunications et des réseaux de
télévision par câble Ŕ Partie II Ŕ Une approche commune de la fourniture d’infrastructures de télécommunications au sein de
l’Union européenne », COM (94), octobre 1994 et janvier 1995. Comme suite des consultations sur les deux parties de
publication du Livre vert, le Conseil de l’Europe, dans sa résolution du 18 septembre 1995, décida notamment d’établir un
cadre juridique pour l’interconnexion des réseaux dans la communauté et d’adapter les directives ONP au nouvel
environnement concurrentiel.
1422
Directive 96/19/CE de la Commission, du 13 mars 1996, modifiant la directive 90/388/CEE en ce qui concerne la
réalisation de la pleine concurrence sur le marché des télécommunications, JO L 74, 22 mars 1996, p. 13-24. Cette directive
prescrivit l’abrogation de tous les droits exclusifs ou spéciaux à compter du 1 er janvier 1998 en marquant l’étape finale de
l’ouverture du marché.
230

avant le 1er juillet 1996 pour fournir les services déjà libéralisés. 1423 Toutes ces mesures
ouvrirent de nouvelles possibilités techniques concernant les offres de réseaux de télévision
par câble et surtout la convergence numérique des télécoms, de l’informatique et de
l’audiovisuel, dans les RNIS. Tous ces aspects à la fois politiques, juridiques et techniques ont
permis de jeter les bases de la révolution numérique.1424
572. La première étape technologique de la dérégulation mondiale a concerné les
télécoms de base, comme une exigence intermédiaire de libéralisation en vue de construire le
cadre juridique du jeu concurrentiel sur le marché régulé. Celui-ci a contribué à la finalité de
démocratiser l’accès et les usages de l’Internet dans la société. L’interopérabilité des télécoms
et de l’audiovisuel a été rendue possible grâce à la norme numérique et à des protocoles
standards (notamment TCP/IP). Le Web est la meilleure expression de l’intelligence inventive
(soft-ware). Celle-ci s’appuie sur les infrastructures et les terminaux des télécoms (hard-ware)
permettant l’activité numérique des internautes, sur la couche sémantique du Web. Cette
couche constitue l’espace collaboratif de l’écosystème numérique mondialisé.
573. Au sens des études précitées de la banque mondiale, l’Internet est une « dividende
numérique »1425 : il rassemble les fonctionnalités des technologies datant du 19e siècle
(télécoms de base) et les découvertes de l’intelligence inventive depuis 1950.1426 C’est une
« architecture bien identifiée Ŕ producteur d’éléments, opérateurs de réseaux, fournisseurs de
services et fournisseurs de contenus Ŕ particip[ant] d’un modèle économique spécifique ».1427
Les réseaux des télécoms de base restent le « kilomètre invisible »,1428 dans l’« ensemble de
la chaîne de valeur » de l’Internet.1429 Ils agglomèrent plusieurs « infomédiaires »1430 qui
détiennent les « clés de contrôles des intangibles numériques ».1431 Le terminal de connexion
du consommateur représente le « dernier kilomètre » (last mile) avec son dernier relai de
connexion aux télécoms.1432 En effet, « l’Internet mondial transite [...] au travers de divers
moyens de communication électronique filaires (réseaux téléphonique commuté, bas débit,
ADSL, fibre optique jusqu’au domicile), ou sans fil (WIMAX, par satellite, 3G, 4G). Les FAI
appartiennent à la « couche basse » des réseaux qui comprend les acteurs en charge de
l’acheminement des données, intermédiaires techniques […] La « couche haute » est
constituée des fournisseurs de contenus et d’applications (logiciels ou services informatiques)
ainsi que des utilisateurs finals ».1433
574. En regroupant l’ensemble de ces fonctionnalités, l’Internet s’est ainsi imposé
comme le réseau des réseaux à l’échelon planétaire. Internet sert de passerelle de diffusion, de

1423
Ibidem.
1424
R. GILARDIN, op.cit, pp. 25 et s.
1425
Banque Mondiale, op.cit, p. 58. Par « dividende numérique » ou souvent « dividendes du numérique », le rapport de la
BM entend les « avantages plus larges d’une croissance économique plus rapide, d’une multiplication des emplois et d’une
amélioration des services »
1426
[www.wikipedia.fr] (consulté le 16 mars 2017.) La première ligne de télégraphe électrique date de 1845 en France,
sonnant le glas des tours de Chappe. Les années 1950 coïncident avec la politique des recherches initiées par département
américain de la défense avec les universités, ayant contribué à Internet. Il eut ensuite les débuts d’ARPANET (1966-1969),
qui marquent les débuts officiels du système de commutation par paquet (paquet switching), avec la démonstration de 1972.
1427
Cahier français, n°372, préc., p. 2.
1428
Q. SGARD, op.cit, p. 25.
1429
Banque Mondiale, Les dividendes numériques, Rapport sur le développement dans le monde 2016, préc., p. 25. « Une
manière utile d’analyser les politiques d’action sur l’offre en matière de TIC consiste à prendre en compte l’ensemble de la
chaîne de valeur, à partir du point d’entrée de l’internet dans un pays (le premier kilomètre), puis lorsque l’internet traverse le
pays (le kilomètre intermédiaire) pour atteindre l’usager ultime (le dernier kilomètre), sans oublier certains éléments cachés
de la chaîne (le kilomètre invisible). »
1430
V-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, p.65.
1431
Ibid.
1432
BANQUE MONDIALE, op.cit, p. 25.
1433
F. BENHAMOU, op.cit, pp. 2-3.
231

circulation et d’échanges de contenus, à l’aide des protocoles de navigation et autres procédés


numériques. Sa neutralité tient de la standardisation que les normes numériques assurent à
toutes sortes de médias informatiques rendus compatibles dans la société de l’information.
Grâce aux télécoms, l’Internet a ouvert d’infinies possibilités pour le grand public d’interagir
en ligne, de créer, d’accéder ou de partager des contenus (son, texte, image).1434 Désormais, à
la suite de l’évolution des télécoms, « on entend par communications électroniques les
émissions, transmissions ou réceptions de signes, de signaux, d’écrits, d’images ou de sons,
par voie électromagnétique ».1435 L’Internet et les techniques de numérisation sont à la base
de la révolution numérique, solidement bâtie sur le socle primaire des télécoms de base.1436
575. Effectivement, la politique dite de « dérégulation » avait contribué aux progrès
technologiques et à la diffusion des techniques numériques dans la société, l’économie et le
monde. Les marchés de télécoms de base ont donné lieu à des activités consistant à mettre en
place et à exploiter des réseaux.1437 Le droit de l’Union européenne a inscrit les réseaux, les
terminaux et les services de télécoms dans la concurrence sur le marché. C’est le cadre
réglementaire du marché des télécoms et de communications numériques qui sert de référence
d’ensemble pour la comparaison avec les droits en Afrique et en l’occurrence avec le droit
congolais.1438
576. Étant donné que l’Internet est une « interconnexion de près de 50.000 réseaux
différents »,1439 sa régulation technique a posé comme norme fondamentale le « principe de
neutralité » des réseaux.1440 Selon le professeur Tim Wu, ce principe ne concerne toutefois, ni
les contenus, ni les services, ni les documents véhiculés, ni les relations entre leurs
producteurs et le lectorat ou les usagers. « La question de la "neutralité de l’Internet" porte
donc sur les fondements du réseau tant au plan technique, qu’au niveau des imaginaires
sociaux qui peuvent se construire sur ce commun, cette infrastructure de la société de
l’information ».1441 Au regard de cette neutralité, « ce qui frappe l’esprit est l’irrésistible
changement du contexte technique et économique dans lequel s’inscrit la question de la
responsabilité des intermédiaires ».1442
577. Il convient donc de parcourir ces enjeux politiques, économiques et juridiques de
l’ère numérique. Dans l’approche comparée, l’Internet et son économie du Net posent des
défis identiques et simultanés au droit international, au droit communautaire en Europe, aux
droits nationaux français, africains et congolais.1443

1434
V-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, pp. 39, 30.
1435
Article L.31, 1°, CPCE, préc.
1436
Au sens de l’accord spécifique sur les télécoms de base de l’OMC (1997), le concept recouvre les aspects suivants :
infrastructures, téléphonie, télex, télécopie, transmission des données.
1437
V. P. NIHOUL, Droit européen des télécommunications. L’organisation des marchés, Bruxelles, Larcier, 1999, p. 31, cité
par D. POPOVIC, op.cit, p. 3.
1438
Cf. pour étude comparative avec la RDC : Partie 2 de la présente thèse.
1439
T. WU, The Master Switch, The Rise and Fall of Information Empires, New York, Knopf Publishing Group, 2010, cité
par V. SCHAEFER et H.CROSNIER (sous la dir.), La neutralité de l’internet un enjeu de communication, CNRS éditions, coll.
les Essentiels d’Hermès, p. 11.
1440
Q. SGARD, Les nouveaux enjeux de la neutralité : du flux à la donnée, Mémoire présenté dans le cadre du Master 2 Droit
du numérique, Administration-Entreprises, sous la direction de M. Antonin Agier et M. William Gilles, Université Paris 1 -
Panthéon Sorbonne, juin 2016, p. 25. « La neutralité des réseaux pose un double enjeu. [...] Elle doit faire l’objet d’une
surveillance de la concurrence sur son plan horizontal : classiquement d’un besoin des autorités de concurrence de veiller à ce
que les opérateurs entre eux respectent des normes d’interopérabilité, d’accès aux ressources (partage des infrastructures ou
mutualisation) ou encore de respect de certaines prérogatives entourant le service minimum. »
1441
T. WU, op.cit, pp. 11-12.
1442
M. CLÉMENT-FONTAINE, « De la contrainte à la coopération : l’évolution du régime de la responsabilité des intermédiaires
techniques », in M. BÉHAR-TOUCHAIS ÉTATS-UN (sous la dir.), op.cit, p. 3.
1443
Cf. pour la comparaison avec la RDC : Partie 2, Titres I et II de la présente thèse.
232

B. / LA « PROBLÉMATIQUE DE L’ÉTAT » DANS LA GLOBALISATION DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE


EN AFRIQUE ET EN EUROPE

578. En réalité, l’économie numérique synthétise plusieurs enjeux juridiques,


confrontant la suprématie des ordres étatiques à l’Internet. Sous l’intitulé de la
« problématique de l’État » face au numérique, il apparaît plusieurs réponses envisageables :
régulation de l’économie des marchés de télécoms, réorganisation des modes d’intervention
étatique sur le marché libéralisé, gouvernance de l’Internet, prééminence du droit et des
valeurs fondamentales, souveraineté numérique face aux défis juridiques des géants
économiques de la société de l’information, questions particulières du commerce électronique
(paiement, contrat, preuve et signature électroniques), protection des données personnelles,
cybersécurité et ordre public numérique face à la cybercriminalité, etc.1444 Dans son étude
spécifique sur l’État de droit et « le digital » (ère numérique), Olivier Iteanu synthétise
plusieurs défis juridiques du cadran post-dérégulation mondiale des télécoms. Toutefois, si les
corollaires de l’Internet sont les mêmes partout où les peuples y ont accès, les solutions de
droit diffèrent à cause des disparités tant des ordres étatiques que des niveaux d’organisation
entre les pays africains et le marché intérieur européen.1445 Les enjeux de l’Internet
permmettent de poser la problématique générale du droit y afférent (1.) et de choisir des
problématiques spécifiques à étudier (2).
1. La problématique générale d’un droit pour l’Internet
579. Les activités économiques liées au cyberespace se complètent d’enjeux juridiques
d’un autre type : trente ans après les premières dérégulations des télécoms dans le monde.
« Autrement dit, le régime […] ne répond plus aux mêmes préoccupations aujourd’hui que
jadis ».1446 La souveraineté des États doit répondre au défi de « réflexivité », entendue comme
« l’aptitude d’une société à évaluer la situation dans laquelle elle se trouve et à prendre des
options en conséquence pour l’avenir ».1447 Effectivement, le développement sans précédent
des technologies de l’information et de la communication apporte des bouleversements
sociétaux. Pour le droit, l’économie de l’Internet et sa globalisation motivent « d’approfondir
et consolider les concepts et valeurs juridiques traditionnels tout en créant de besoins
juridiques nouveaux (ius novum) ».1448
580. En 2000, la directive 2000/31/CE a légalement inscrit les télécoms dans le cadre de
l’intermédiation technique du commerce électronique. Dans l’économie numérique, les statuts
d’opérateurs de transport et de fourniture d’accès au réseau transcendent la finalité sectorielle
des télécoms.1449 Ces acteurs deviennent des prestataires techniques du commerce en ligne,
sans responsabilité sur le contenu qu’ils charrient, ni sur les informations qu’ils hébergent.
Cette reconnaissance d’une responsabilité allégée des prestataires techniques a fini par réaliser

1444
Cf. Partie 2 de thèse : ces questions font l’objet du droit comparé congolais, européen et français.
1445
D. TRUCHET, op.cit, p. 110. Le présent chapitre a été démontré la disparité des systèmes de droit en Afrique. Mais pour
l’Europe, Didier Tuchet rappelle ceci : « Les droits européens […] ont pour points communs d’exprimer les valeurs
essentielles que partages les pays européens, de tendre vers une approche juridique commune d’un certain nombre de
questions importantes, de comporter un système juridictionnel efficace ». Le droit de l’Union européen correspond au « droit
communautaire » comprenant le droit dérivant des traités (droit primaire) et des institutions (droit dérivé), tandis que le
« droit conventionnel » est le droit du Conseil de l’Europe. D’où l’usage des droits européens au pluriel. Mais ces deux droits
sont harmonisés entre les États membres.
1446
M. CLÉMENT-FONTAINE, op.cit, pp. 3 et s.
1447
J. PERRIAULT, op.cit, p. 187.
1448
T. FUENTES-CAMACHO, « Introduction : l’UNESCO et le droit du cyberepace », Les dimensions internationales du droit
du cyberespace, Economica / éd. UNESCO, Coll. droit du cyberespace, pp. 1 et 5.
1449
Directive 2000/31/CE, préc.
233

le développement des services de la société de l’information, avec des incidences sur


plusieurs autres domaines juridiques.
581. Les télécoms sont ainsi considérées comme la base commune sur laquelle sont
construits les services de l’Internet et connectés les supports multimédias des communications
électroniques. Les « clics de souris » des internautes créent de la valeur sur les plateformes de
l’économie numérique, principalement en essaimant des traces informatiques et/ou des
données personnelles. Celles-ci constituent le nouveau filon des métadonnées (big data, data
mining).1450 Avec l’économie numérique, le droit de l’accès aux marchés des télécoms cesse
de paraître comme une fin en soi (si jamais il l’a été !). À l’ère numérique, les télécoms
remplissent la fonction de mise en relation, comme un simple vecteur (ce qu’il a toujours
été !). Désormais Internet permet le « partage de la valeur éparpillée à l’ère numérique » et
formant la « longue traine ».1451 Cette dernière coïncide avec de nouveaux modes de
production, de distribution et de consommation des produits et services de l’économie sur
Internet. En effet, l’« éparpillement des masses en myriades de parcelles culturelles
différentes est un phénomène infiniment perturbant pour le monde traditionnel des médias et
du divertissement [en constituant] une mosaïque incompréhensible formée d’un million de
minimarchés et de microcélébrités. De plus en plus, le marché de masse se transforme en
masse de niches ».1452 Tel est le sens de la longue traine dans l’économie de l’Internet.
582. Mais l’Internet est un défi pour l’État, tout au moins au regard des règles privées
sur le Web, de ses pratiques innovantes, des propriétés du réseau et de la puissance de ses
acteurs techniques et économiques. Les réalités de la société planétaire de l’information
confrontent des États postmodernes, qui deviennent de véritables « États concurrencés » au
sens de J. Chevallier.1453 En l’occurrence, l’espace numérique rend difficile l’ancrage
territorial du droit national. Les normes non-étatiques sont produites par des structures privées
qui assurent la gestion de l’ordre public numérique. Le droit étatique s’efforce d’assurer son
effectivité dans la société de l’information. Mais comment réunir « les conditions nécessaires
pour un dispositif de gouvernance permettant une régulation fondée sur une base
démocratique pour faciliter les échanges et l’accès au savoir » ?1454 Le numérique est devenu
l’objet des politiques publiques, en vue de développer une « régulation démocratique » dans la
culture de la « régulation-gouvernance, par essence inséparables ».1455 Dans ses stratégies de
gouvernance et/ou de sécurisation de l’Internet, le Conseil de l’Europe a constamment voulu
que celui-ci soit porteur des valeurs fondamentales de la CEDH, à exporter dans d’autres États
tiers y compris en Afrique.1456 La RDC partage ces valeurs en tant membre de l’organisation
des Nations Unies, pour « proclamer à nouveau la foi dans les droits fondamentaux de

1450
BANQUE MONDIALE, op.cit, p25.
1451
V-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, p. 39. Les auteurs titrent leur travail « le partage de la valeur à l’ère numérique »,
elles considèrent « la valeur éparpillée » dans la mesure des petits clics de nos navigations dans le Net, mais de
l’éparpillement des traces de connexion dans cet espace numérique qui a trouvé des agents « infomédiaires » entre les
diffuseurs et les producteurs pour en faire une valeur appréhensible, accessible plus exactement.
1452
C. ANDERSON, La longue traine, quand vendre moins c’est vendre plus, Champs-Essais, n°1050, Paris, p. 15-16.
1453
J. CHEVALLIER [2014], op.cit, pp. 42 et s.
1454
J. PERRIAULT, « Le numérique : une question politique », Hermès, n°38, 2004, p. 187.
1455
P. MORREAU DEFARGES [2015b], op.cit, p. 11.
1456
S. RURGIS, « Les valeurs de l’Europe appliquées à Internet », in A. BLANDIN-OBERNESSER, op.cit, pp. 17-30. Comité des
ministres, Gouvernance de l’internet Ŕ Stratégie du Conseil de l’Europe 2012-2015, 15 mars 2012, CM(2011)175 final 2.
Préambule de la Convention de Budapest sur la cybercriminalité de 2001 selon lequel le Conseil de l’Europe tente « de
trouver des réponse communes au développement des nouvelles technologies de l’information, fondée sur les normes et les
valeurs du Conseil de l’Europe ».
234

l’homme, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes
et petites ».1457
2. L’étude des problématiques juridiques spécifiques de l’Internet
583. Les prémisses ci-dessus appellent des développements particuliers. Premièrement,
la société mondiale en réseaux est devenue un autre moyen de défier l’État de droit :
« Certaines entreprises mettent à profit la société en réseau issue d’Internet pour s’affranchir
de contraintes réglementaires. Plus que l’évasion fiscale, c’est désormais aussi l’évasion
juridique ».1458 Deuxièmement, la société du numérique et son économie interrogent certains
fondamentaux du droit. Le caractère transfrontière de l’Internet entraine la confrontation des
sources et la pluralité des règles de compétences,1459 sans omettre les questions de vie privée
et de droits d’auteurs sur le réseau numérique.1460 Si l’Afrique ne domine pas
l’« investissement immatériel »1461 de l’Internet, l’Europe et les États-Unis principalement
confortent la position dominante de leurs économies dans la société de l’information, en
même temps qu’ils confrontent leurs systèmes de droit dans le cyberespace planétaire.1462
Mais « [e]nfin [de compte], la loi est-elle elle-même encore la seule norme qui régule les
comportements des citoyens sur les réseaux numériques ? N’est-elle pas désormais en
concurrence avec d’autres normes ? Des normes démocratiques [et de sources non-
étatiques] ? »1463
584. En fait, l’économie de l’Internet est irriguée d’un « foisonnement des sources
hétérodoxes »1464 que la doctrine considère comme produisant une « déformalisation des
sources publiques ».1465 D’une part, la déclaration d’indépendance du Cyberespace paraît être
une source matérielle privée de même que les idées de « contre-culture » du New Age et des
thèses « anarcho-capitalistes » des libertariens.1466 D’autre part, les « sources pseudo-
formelles privées » sont principalement la netiquette,1467 la lex mercatoria et la lex
electronica,1468 mais aussi les règles émanant des géants américains de l’Internet (GAFAM

1457
Préambule, Chartes des Nations Unies, préc.
1458
O. ITEANU, op.cit, pp. 16-21
1459
Ibidem, pp. 21-22. Déjà la dématérialisation et la déterritorialisation des activités en ligne posent des défis pour les règles
de compétence des juridictions nationales. En Europe, la CEDH et la CJUE sont compétentes pour des questions de droits
humains aux prises aux dérives de l’Internet et particulièrement de l’économie numérique, avec primauté de leur autorité de
chose jugée sur les juridictions nationales.
1460
Ibid., p. 23.
1461
C. GUERRIER, op.cit, p. 93. Il faut rappeler la pensée de l’auteur sur l’« investissement immatériel, essentiel dans les
technologies de l’information, [qui] comprend les logiciels, la recherche, indispensables aux services de
télécommunications ». Sur cet aspect, le désavantage de l’Afrique est criant principalement par rapport à l’Europe et aux
États-Unis, alors que la globalisation de l’économie numérique est une réalité.
1462
O. ITEANU, op.cit, pp. 21-23. La confrontation des institutions juridiques concernent les équivalences possibles pour
l’Europe et les États-Unis entre : liberté d’expression et freedom of speech, droit d’auteur et copyright, vie privée et privacy,
gouvernement et governance. Les deux puissances économiques entendent agir l’une pour l’européisation du cyberespace et
l’autre pour l’américanisation de celui-ci.
1463
Ibidem, p. 23.
1464
Ibidem, p. 57.
1465
Ibid, p. 61.
1466
Ibid, p. 57. J. PERRY BARLOW, Déclaration d’indépendance du Cyberespace, publiée le 9 février 1996
[https://www.eff.org/fr/cyberspace-independence] (consulté le 9 janvier 2016). J. LARRIEU, « L’internationalité de
l’internet », Revue Lamy Droit des affaires, supplément, février 2002, n°46, p. 42. P. LÉVY, Cyberculture, Rapport aux
Conseil de l’Europe dans le cadre du projet « Nouvelles technologies : coopération culturelle et communication », Paris,
Odile Jacob, 1997, p. 150 et s.
1467
V. FAUCHOUX, P. DEPREZ et J-M. BRUGUIÈRE, op.cit, pp. 9-21. Au sujet de nouvelles sources du droit de l’Internet, la
nétiquette est un ensemble de règles de comportement applicables aux acteurs du réseau. Elle a fait naître des « générations
spontanées d’usages forgés par les utilisateurs eux-mêmes au fil de leur pratique », en les codifiant parfois dans des chartes
d’usagers.
1468
B. GOLDMAN, « Frontières du droit et lex mercatoria », Arch. Philo. Dr, 1964, vol. IX, pp. 177-192. S. ROMANO, L’ordre
juridique, traduction par L. François et P. Gothot, Paris, Dalloz, 1975, pp. xxii et 174. La lex mercatoria est le symbole que
235

notamment) ou encore de l’Internet corporation for assigned names and numbers (ICANN)
quant à l’attribution des noms de domaine. La « régulation privée de l’Internet »1469 est une
réalité, tout autant que la réalisation d’une gestion privée de l’ordre public numérique. « Toute
l’architecture technique de la "toile" repose en effet sur une standardisation privée relevant
d’un groupe informel : l’Internet Engineering Task Force [IETF] ».1470
585. À la faveur des États face à la régulation privée du Net, le Sommet mondial sur la
société de l’information (SMSI) de Tunis avait retenu en 2005 un principe aujourd’hui battu
en brèche par la réalité technique.1471 Selon le SMSI, « [l]es noms de domaine par pays ont
donné lieu à une autre analogie territoriale en étant parfois assimilé à des territoires ».1472
Mais, la pratique de l’ICANN présente une procédure de neutralité d’attribution des codes de
pays (ccTLD) qui « empêche d’y voir une manifestation de la souveraineté ».1473 Par ailleurs,
« les modalités de délégation de la gestion d’un […] code pays empêchent les États d’assurer
à tout coup un contrôle sur les sites enregistrés sous leur nom ».1474 Pour les pays africains,
l’attribution des ccTLD est effectuée par AFRINIC en tant que démembrement régional de
l’ICANN.1475 En effet, « Afrinic, à l’instar de ses homologues d’Amérique du Nord (Arin),
d’Asie et du pacifique (Apnic), d’Amérique latine et centrale (Lacnic) et d’Europe (Ripe-Ncc)
dispose en principe de moyens techniques nécessaires pour établir qu’un gouvernement est en
faute du point de vue de son règlement, et donc, de prendre les mesures qui s'imposent. Au-
delà, il y a les populations concernées auxquelles l’on ne pourrait empêcher d'exprimer leur
malaise ».1476 Malgré des velléités de réforme, l’ICANN relève encore du ministère du
commerce américain ainsi que des lois et du ressort judiciaire de la Californie.1477 « Dès ses
origines, Internet a été vécu comme un espace a-étatique de liberté, fondé sur l’idée
d’autogestion. »1478 Les efforts de régulation étatique sont perçus « comme autant
d’immixtions indues ».1479
586. En outre, les sources informelles de l’Internet ont une influence réelle sur la
réglementation et la régulation étatiques. Ainsi, la soft law peut donner une impression de

des sources privées peuvent produire une normativité, « notamment à travers les contrats, les usages, les principes généraux
du droit, la jurisprudence arbitrale, voire le pouvoir institutionnel de certaines organisations privées ». Une lex electronica
multidimensionnelle produite par les acteurs privés de la "toile" semble ainsi avoir émergé, dont une part importante est
constituée par les normes techniques de l’internet (référentiels de sécurité, d’accessibilité et d’interopérabilité) qui sont à la
base du fonctionnement du réseau.
1469
F. LATTY, op.cit, p. 59.
1470
P. TRUDEL; « La lex electronica », in A. CH. MORAND (dir.), Le droit saisi par la mondialisation, Bruylant, Bruxelles,
2001, p. 254 et s.
1471
SMSI, Agenda de Tunis pour la société de l’information, 18 novembre 2005, WSIS-05/TUNIS/DOC/6(Rév.1)-F,
paragraphe 63 : « Les pays ne devraient pas intervenir dans des décisions relatives au domaine de premier niveau
correspondant au code de pays (ccTLD) d’un autre pays ».
1472
A.-T. NORODOM, « Propos introductifs Ŕ Internet et le droit international : défi ou opportunité ? », Société française pour
le droit international, Internet et le droit international, colloque de Rouen, Actes du 47e colloque du 30 mai au 1er juin 2013,
éd. A. Pedone, Paris, 2014, p. 27.
1473
R. QUADRI, « Le droit international cosmique », R.C.A.D.I., 1959/III, vol. 98, p. 568, cité par A.-T. NORODOM, op.cit, p.
28.
1474
CH. REED, Internet Law, Text and Materials, Cambridge, 2nd ed, 2004, p. 2, cité par A.-T. NORODOM, op.cit, p. 28.
1475
[www.afrinic.net] (consulté le 9 août 2017) : AFRINIC est le registre régional africain de gestion de l’adressage sur
Internet.
1476
P. RUIZ, « Afrinic pourrait ne plus allouer d'adresses IP aux pays africains qui suspendent l'accès à Interne à leur
population », Chroniqueur d’actualité, Developpez.com, club des développeurs et IT pro, 14 avril 2017.
[https://www.developpez.com/actu/130017/Afrinic-pourrait-ne-plus-allouer-d-adresses-IP-aux-pays-africains-qui-suspendent-l-
acces-a-Internet-a-leur-population/] (consulté le 8 août 2017). Suite à la recrudescence des cas de suspension de l’accès à
Internet par les gouvernements des pays africains, un collectif de fournisseurs d’accès à Internet a récemment déposé une
proposition de sanctions contre ces derniers auprès d’Afrinic.
1477
O. ITEANU, op.cit, p. 23 et s.
1478
R. BERTHOU, L’évolution de la création du droit engendrée par Internet : vers un rôle de guide structurel pour l’ordre
juridique européen, thèse, Rennes I, 2004, p. 218.
1479
F. LATTY, « La diversité des sources du droit de l’internet », in Société française pour le droit international, op.cit, p. 57.
236

non-droit faute de franchir le « seuil de normativité »1480 publique et coercitive, mais elle est
un des « jalons normatifs »1481 porteurs de normes au potentiel de coutume du Net. Si la soft
law concerne au plus haut point les lois souples du marché, elle est aussi en lien avec la
« gouvernance » de l’Internet. Cette dernière emprunte des voies multipartites en apportant
« des modes plus horizontaux »1482 de production normative avec la participation d’acteurs
non-étatiques. Au regard de ce qui précède, l’Internet et son économie apportent des défis
contemporains transcendant ceux de la seule régulation du marché des télécoms. En Europe et
en France, leurs institutions habilités ont instauré des corpus juris spécifiques : leurs règles
forment les droits de l’Internet, des télécoms et des communications électroniques (aspect
d’accès au réseau) ou alors les droits du commerce électronique et de l’économie numérique
(critère d’accès au contenu).1483 La comparaison consiste à observer comment la RDC, parmi
les États africains, réaligne les points de son droit positif, face aux phénomènes protéiformes
de l’Internet auxquels ils ne peuvent se soustraire. Au regard des expériences comparées plus
avancées, comment assurer la primauté du droit étatique sans laisser le marché être dominé, ni
dominer par ses sources non-étatiques, informelles ou transnationales?1484
587. Avec l’Internet, il apparaît le cyberespace ou l’« infosphère » en tant
qu’environnement humain et technologique.1485 L’ubiquité de l’Internet crée une identité
d’enjeux entre États, en les mettant face à des nouvelles problématiques juridiques. Dès lors,
« Le droit des médias et de la communication touche à l’ensemble des branches du droit, aussi
bien au droit public qu’au droit privé, au droit interne, qu’au droit européen et international.
Les techniques et les supports d’information et de communication sont multiples et se
développent de plus en plus ».1486En effet, « [c]ette intimité de la régulation par rapport à la
technicité interne de l’objet sur lequel elle porte ne peut être effacée ».1487 Mais, les
régulations transversales demeurent désormais et de plus en plus dans le domaine des
communications électroniques, du fait de l’évolution de la concurrence sur le marché et de la
convergence des médias. En ce sens, des alternatives à la régulation sectorielle se présentent
tout en conservant « pour chaque objet technique une régulation spécifique ».1488 D’une part,
l’alternative de la régulation convergente permet « de fusionner les autorités institutionnelles
des secteurs concernés ».1489

1480
P. WEIL, « Vers une normativité relative en droit international ? », RGDIP, 1982, n°1, p. 13 et s.
1481
A. PELLET, « le bon droit et l’ivraie Ŕ plaidoyer pour l’ivraie (Remarques sur quelques problèmes de méthode en droit
international du développement) », in Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : méthodes d’analyse du droit
international. Mélanges offerts à Charles Chaumont, Paris, A. Pedone, 1984, p. 488.
1482
F. LATTY, op.cit, p. 62.
1483
L. BENZONI, « De l’accès aux infrastructures à l’accès aux moyens numériques : Nouvelle frontière pour la régulation des
communications électroniques », in M.-A. FRISON-ROCHE (sous la dir.), Internet, espace d’interrégulation, op.cit, p. 18.
1484
Cf. pour le bloc des idées de ce paragraphe : F. LATTY, op.cit, p. 50-73 et s. A. BLANDIN-OBERNESSER (sous la dir.),
Droits et souveraineté numérique en Europe, préc., spéc. : C. ERHEL, « Souveraineté et innovation : trouver l’équilibre », pp.
91 et s ; S. TURGIS, « Les valeurs du Conseil de l’Europe appliquées à Internet », pp. 17 et s ; A. BLANDIN-OBERNESSER,
« Les entreprises souveraines de l’internet : un défi pour le droit en Europe », pp. 95 et s. J. M. MOULIN, « Rapport
introductif », in S. CHATRY (sous la dir.), La régulation d’internet, regards croisés de droit de la concurrence et de droit de la
propriété intellectuelle, Actes de colloque, éd. mare & martin, coll. droit privé et criminel, Paris, 2015, pp. 17-39. L. BELLI,
De la gouvernance à la régulation de l’internet, préc. M. Volle, « Géopolitique du cyberespace », in Cahier français, La
société numérique, La documentation française, n°372, Paris, 2013, pp. 8-11. M. DE SAINT PULGENT, « Les besoins
d’interrégulation engendrés par l’Internet. Propos introductifs », in M.-A. FRISON-ROCHE (sous la dir.), op.cit, pp. 3-5.
1485
T. FUENTES-CAMACHO, op. cit , p. 1 et 5.
1486
L. DELPRAT et C. HALPERN, Communication et Internet : pouvoirs et droits, éd. Vuiber, coll. lire agir, Paris, 2007, pp. 9-
266.
1487
Ibidem.
1488
M. DE SAINT PULGENT, « Les besoins d’interrégulation engendrés par Internet. Propos introductifs », in M.-A. ROCHE
(sous la dir.), op.cit, 2016, p. 4.
1489
M.-A. FRISON-ROCHE, op.cit, p. 86.
237

588. En Europe, la France n’a pas mené une telle expérience dans le domaine des
communications électroniques. La Grande-Bretagne en est un exemple avec son « Office of
communications » (Ofcom), qui regroupe les fonctions d’anciens régulateurs séparés : office of
telecommunication (Oftel), Independant Television Commission, Broadcating Standard
Commission, Radio Authority et Radio Communications Agency.1490 En Afrique, la RDC ne
dispose pas encore d’expérience de cette nature. Néanmoins, la Tanzanie présente le cas de
fusion d’anciens régulateurs sectoriels de télécoms1491 et de radiodiffusion1492 au sein de la
« Tanzanian Communications Régulatory Authority » (TCRA). D’autre part, l’alternative de
l’« interrégulation […] suppose de mettre en place des réseaux entre des autorités demeurées
autonomes, mais s’échangeant des informations, se rencontrant, collaborant sur des dossiers
communs, etc. ».1493 En France, cette expérience existe de manière horizontale entre l’ARCEP
(communications électroniques) et le CSA (communication audiovisuelle). La situation en
RDC est analogue entre l’ARPTC et le CSAC, mais à cette différence que les deux
régulateurs fonctionnent vraiment « en silo »1494, chacun évoluant dans son « domaine
régulé »1495 de prédilection.1496
589. En conclusion, les marchés dérégulés des États africains, comme la RDC et ceux du
monde entier, sont aujourd’hui confrontés aux enjeux tout à faits différents mais
complémentaires par rapport à la démonopolisation et à la concurrence des secteurs publics.
Le marché libéralisé n’est pas seul en mesure de répondre aux inégalités d’accès au réseau.
Celles-ci restent drastiquement considérables en RDC par rapport au niveau de
développement aussi bien numérique qu’économique de l’Europe et de la France. Le rôle des
autorités nationales de régulation reste crucial dans la conduite des politiques publiques de
lutte contre le « fossé numérique » entre le Nord et le Sud, et au sein du même marché
national.1497
590. C’est ainsi que deux cadrans de comparaison recentrent la mise en rapport des
droits européens, français, africains et congolais, autour de deux étapes technologiques. Grâce
à l’OMC, la dérégulation a apporté les premières règles homogènes des télécoms en droit
international, tandis que la globalisation avec l’Internet apporte une seconde confrontation
d’expériences dans tous les ordres juridiques. La réglementation sectorielle ex ante des
télécoms est imprégnée des « législations horizontales », en suggérant que les branches
traditionnelles du droit ne sont pas exclues du champ spécifique. Il s’agit surtout du droit de la
concurrence, mais également du droit de la consommation. Sur le plan de la régulation
sectorielle ex post, celle-ci « est née de la nécessité de prendre en compte la spécificité des
secteurs en accompagnant la libéralisation de ceux-ci ».1498 À ce propos, le processus de
dérgulation des télécoms en RDC est en cours depuis les réformes législatives de 2002 visant
à répondre aux standards des marchés européens et francais, tels que diffusés sur le plan
international à travers l’OMC. (Chapitre 2.)

1490
Office of Communications Act 2003, in [www.legislation.gov.uk.] et [www.ofcom.org.uk/about/sdrp/] (consultés le 3
avril 2017). « Ofcom » a été créé le 1er avril 2003 et est entré en fonction le 29 décembre 2003.
1491
Il s’agissait de Tanzania Communications Commission (notre traduction : Commission des communications de la
Tanzanie)
1492
Ex-TBC, Tanzania Broadcasting Commission (notre traduction : Commission de l’audiovisuel de la Tanzanie).
1493
Ibidem.
1494
M. DE SAINT PULGENT, op.cit, p. 4.
1495
Pour le « domaine régulé » des services audiovisuels, cf. J. Ph. COLSON et P. IDOUX, op.cit, p. 466
1496
Cf. Partie 2, Titre 1, Chapitre 2 de la présente thèse en rapport aux nouvelles tendances de la régulation.
1497
Cf. Partie 2, Titre 2, Chapitre 2 de la présente thèse.
1498
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation, préc., p. 86.
238

591. Finalement, il apparaît que le droit de l’Union européenne et le droit français


disposent d’un niveau de protection et d’expérience plus avancé que les États africains face
aux enjeux des télécoms de base et ceux de communications électroniques. Une troisième
époque d’enjeux technologiques est en gestation, à savoir : l’Internet des choses, entendu
comme l’ère du tout connecté,1499 et dans une certaine mesure le « droit des robots ».1500
Toutefois, sur ces questions les progrès technologiques sont encore en cours, ils se précisent
au préalable pour constituer un objet d’étude suffisant.

1499
T. PIETTE-COUDOL, op.cit, p.1 « Si cette approche est pauvre et élémentaire, elle n’est pas fausse pour autant. Il existerait
déjà selon le cabinet IDC en France en 2014 près de 19,2 millions d’équipements informatiques portables sur le marché qui
pourraient atteindre le nombre de 112 millions en 2018. » Cf. « Dossier : Les objets connectés, nouvelle passion française »,
Le monde 25 nov. 2014.
1500
R. GELIN et O. GUILHEM, Le robot est-il l’avenir de l’homme ?, La documentation française, coll. « doc’ en poche place
au débat », Paris, 2016, pp. 3-156. « Les progrès de l’informatique et de l’électronique sont en passe de donner corps à un
vieux rêve de l’homme : créer un être à son image, polyvalent, capable d’interagir, d’apprendre et de prendre des décisions.
Tout indique en effet que le robot s’apprête à occuper une place de choix dans nos vies […] Notre modèle juridique doit-il
leur faire davantage de place ? ». Cf. aussi : A. BENSOUSSAN et J. BENSOUSSAN, Droit des robots, Larcier, Minilex, Bruxelles,
2015, p. 121. Dans la conclusion de leur étude, les auteurs laissent la perspective suivante : « La singularité du robot dans
l’espace juridique a vocation à s’accentuer ; symétriquement, tandis que la pertinence de la qualification des biens meubles
décroît, la nécessité de doter le robot intelligent d’un statut juridique inédit se fait plus pressante ».
239

CHAPITRE 2 :
LE PROCESSUS DE DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS EN RDC
DANS SES LOIS DE 2002 FACE AUX MARCHÉS EUROPÉENS ET FRANÇAIS

592. Officiellement depuis 2002, le droit positif congolais s’est inscrit dans l’ordre de
transformation des « services publics »1501 sous la poussée de la mondialisation des marchés à
partir de la décennie 1980. Il s’est engagé dans le même processus de déréglementation des
télécoms1502 qu’aux États-Unis (pionnier du mouvement), en Europe (autonome dans ses
réformes conduites par ses États et ses institutions) et dans le reste du monde (signataire des
accords néolibéraux de l’OMC).1503 Le modèle international a procédé par une
démonopolisation en faveur de la libéralisation, nécessitant l’instauration d’une régulation
indépendante de la concurrence et un changement des modes d’intervention publique sur le
marché libéralisé. Ainsi, la reconfiguration a visé le standard de séparation des fonctions et
des organes de réglementation, dérégulation et d’exploitation dans le secteur des télécoms. En
RDC, deux « lois dérégulatrices »1504 du 16 octobre 2002 ont redéfini les règles d’accès aux
télécoms,1505 sous l’autorité établie d’un régulateur étatique (ARPTC).1506
593. Mais, les réalités locales du marché suscitent des contraintes qui rendent difficiles
l’application du modèle néolibéral de l’OMC. Par rapport à la ratio legis de la régulation de
2002, le droit congolais n’intègre ni les enjeux antérieurs du marché, ni les aspects de son
développement postérieur au niveau national et international. Son statu quo n’a pas non plus
permis au cadre juridique d’appréhender progressivement les aspects de la société de
l’information. (Section 1.)
594. De facto, le schéma néo-ordo-libéral de l’OMC connaissait des contraintes
d’application, puisque le système de marché consacré par la loi-cadre de 2002 se situait à mi-
chemin du changement obtenu par le marché. La contrainte générale provenait de la réserve
d’un segment exclusif dans le marché libéralisé. (Section 2.)

1501
L. DUGUIT, Les transformations du droit public, La Mémoire du Droit/Librairie Armand Colin, Paris, 1999 (1913), p.
XIX. « L’État n’est plus une puissance souveraine qui commande ; il est un groupe d’individus détenant une force qu’ils
doivent employer à créer et à gérer les services publics. La notion de service public devient la notion fondamentale du droit
public moderne. » Dans la pensée de Léon Duguit, ces idées ont été longtemps péremptoires. Elles se rapprochent bien, par
exemple, d’autres courants : colbertisme, protectionnisme, souveraineté et intangibilité des frontières, étatisme nationaliste.
1502
Cf. à nouveau, D. LINOTTE et A. GRABOY-GROBESCO, Droit public économique, Dalloz, coll. mémentos, Paris, 2001.
« Dans le domaine de l’économie, la déréglementation se destine à favoriser la libre entreprise et l’exercice d’une libre
concurrence tout en maintenant certaines règles du jeu élémentaires par les moyens d’une régulation qui s’opère par les
agents économiques privés eux-mêmes, soit par l’entrée en jeu de formes d’administration plus adaptées et plus souples
(autorité administratives indépendantes) ».
1503
C. GUERRIER, op.cit, pp. 94 et s. L’auteur rappelle que la RDC (ex-Zaïre) n’avait pas adhéré à l’OMC en 1997.
1504
Cf. A. GIRAUD, « Les prémisses de la déréglementation », Les cahiers de l’AHTI, n°9, janvier 2008, p. 7. Les termes
« lois dérégulatrices » en RDC sont inspirés de l’expression « première loi "dérégulatrice" en France », employée par cet
auteur et déjà reprise dans la présente thèse à la Partie 1, Titre 2, Chapitre 1, section 2, §1, A, intitulé « Les lois françaises de
dérégulation des télécoms dans la construction du marché européen ».
1505
Loi-cadre n°013/2002 sur les télécommunications en RDC, JORDC, n° spécial, 44e année, 25 janv. 2003, pp. 17-46.
1506
Loi n°014/2002 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications,
ARPTC, JORDC, n° spécial, 44e année, 25 janv. 2003, pp. 47 et s.
240

SECTION I -
LA TRANSFORMATION DES SERVICES PUBLICS DES TÉLÉCOMS
DANS LES LOIS DE 2002 POUR L’OUVERTURE DE LA RDC AU MARCHÉ MONDIAL

595. Contrairement à la LCEN française de 2004, la loi-cadre congolaise n’a pas inscrit
les télécoms dans l’économie numérique. Sa philosophie s’est limitée à réaménager le régime
de monopole par l’introduction et la définition des règles de concurrence sectorielle. Sur le
marché électronique national, le processus formel de dérégulation était précédé par les forces
économiques qui ont investi le domaine des télécoms, sans une démonopolisation légale.
596. Le délitement du monopole public des télécoms était acquis dans les faits grâce aux
mesures réglementaires prises dans les tendances de la mondialisation, alors que la loi elle-
même restait encore colbertiste. La libéralisation a été effective sur le marché, avant d’être
entreprise de jure par le législateur, sans qu’il ne l’ait toutefois achevé à ce jour. (§1.) Aussi,
la loi-cadre a-t-elle engagé des transformations générales des institutions juridiques du secteur
des PTT en RDC, sans en avoir assuré la pleine concurrence sur le plan du droit. (§2.)

§1. Le secteur des télécoms en RDC avant 2002


entre démonopolisation « de facto » et libéralisation partielle « de jure »

597. Comme en France, la « conception classique »1507 des« services publics »1508
congolais est entrée dans l’ordre d’économie marché concernant le domaine des télécoms.1509
Il est indispensable d’appréhender les enjeux de la dérégulation congolaise avant et après la
promulgation des lois réformatrices du secteur des télécoms datant de 2002. Ces enjeux
fondent les difficultés présentes d’application de la loi sectorielle et justifient les évolutions
envisagées vers l’économie numérique. Entre les expériences des droits français et congolais,
il y a effectivement un parallèle d’historicité juridique par rapport à leurs processus communs
de changement, tout en notant la différence de leurs niveaux respectifs de réalisation. (A/)
598. Toutefois, le processus congolais présente des chaînons manquants qui marquent le
départ entre ce qui relève de la comparaison et de la projection, conformément au tableau
complet des réformes françaises.1510 (B/)

1507
M. DE VILLIERS et T. DE BERRANGER (sous la dir.), op.cit., pp. 522, 554-556. Pour Rolland, le service public est « une
entreprise ou une institution d’intérêt général destinée à satisfaire des besoins collectifs du public […] par une organisation
publique, sous la haute direction des gouvernants ». Les lois de Rolland, dans leur formulation classique et initiale ont déjà
été précisées dans les notes antérieures. Pour la discussion sur l’exhaustivité des « lois de Rolland », voir E. ZOLLER,
Introduction au droit public, 2e éd., préc.
1508
L. DUGUIT, Les transformations du Droit public, éd. MDD, 1999 (Librairie Armand Colin, 1913), pp. XVII-XVIII.
1509
J. T. HONDE, Service public et efficacité ; la réforme des télécommunications en France, Thèse de doctorat en droit public
sous la dir. du prof Roland Drago, Université Panthéon Assas, Paris, soutenue en mai 1993, p.211.
1510
Cf. Partie 1, Titre I de la présente thèse, spéc. : « Chapitre 2 : Les transitions du droit des télécommunications et des
communications électroniques en Europe et en France ».
241

A./ LA TRASITION COMPARÉE DES MONOPOLES CONGOLAIS ET FRANÇAIS DES TÉLÉCOMS VERS
L’ÉCONOMIE DE MARCHÉ INTERNATIONAL

599. Au « Congo-Kinshasa »1511 entre 1940 et 1968, l’État assurait directement et en


exclusivité la gestion du domaine des télécoms, directement par les moyens et le personnel de
l’administration publique. Les même idéaux colbertistes qu’en Europe ont servi de fondement
aux monopoles coloniaux en Afrique et en RDC. Les télécoms font partie des besoins
collectifs que les pouvoirs publics doivent donner aux populations. Cet objectif d’intérêt
général alimente alors la gestion du secteur public à l’aide des méthodes et techniques,
relevant du droit public. Ce régime a longtemps été consacré par l’ordonnance législative
n°254/Téléc. du 23 août 1940 sur les télécommunications. Elle plaçait les télécoms dans le
champ des services publics sous monopole de la colonie (Congo-belge). Son article 2, alinéa
1er disposait : « La colonie a seule le droit d’établir et d’exploiter sur le territoire de la
colonie des voies et installations de télécommunications de quelque nature que ce soit pour la
correspondance du public ». À ce stade, la loi confirmait le cumul des pouvoirs importants
par « l’État congolais »1512 pour légiférer, réglementer, appliquer ses propres règles et
exploiter le domaine des télécoms.1513
600. C’est en 1968 que le législateur a institué l’Office congolais des postes et des
télécommunications (OCPT) comme un organisme administratif de droit public (EPA) de
gestion du monopole public des télécoms. En lui transférant ses prérogatives, l’État l’habilitait
à agir en son nom pour concéder des droits d’exploitation à des personnes morales,
bénéficiaires d’autorisations particulières. En cette qualité, l’OCPT exerçait ainsi les trois
fonctions d’exploitant, d’autorité réglementaire et de régulateur. L’article 2 de l’ordonnance-
loi n°68-475 du 13 décembre 1968 portant création de l’OCPT le confirme, en ayant fait de
cet office, l’agent d’application de la législation et de la réglementation des PTT.1514
601. En 1978, le gouvernement congolais changea le statut administratif de l’OCPT,
ainsi que son nom à sa création dix ans plus tôt pour devenir l’office national des postes et des
télécommunications du Zaïre (ONPTZ).1515 L’ordonnance n°78-222 du 5 mai 19781516
transforma cet EPA1517 en EPIC1518, tout en maintenant, à son actif, le monopole public des

1511
J.-P. LANGELLIER, Mobutu, éd. Perrin, coll. «biographe », Paris, 2017, pp. 1-430. Autour de la personne du dictateur
« Mobutu », l’auteur évoque les changements d’appellations du pays entre 1885 et 2007, à la suite de nombreux évènement
politiques avant et après 1960, date d’accession de la RDC à son indépendance. Le terme « Congo-Kinshasa » est plus
conforme à la période de 1940 à 1968. La RDC actuelle a connu successivement les noms d’États Indépendant du Congo
(1885-1908), de « Congo-Belge » (1908-1960), de « République Démocratique du Congo » puis de « Congo-Kinshasa »
(entre 1960 et 1971). Le pays s’appela ensuite « Zaïre », avant de redevenir la « République Démocratique du Congo ».
1512
A. MBAUNEWA NKIERI, Droit congolais des télécommunications, état des lieux, Analyse critique et comparative, éd.
Juricongo, Kinshasa, 2012, p.100. « Par colonie on entend, l’Administration coloniale en tant qu’exerçant la souveraineté
d’État et disposant de la personnalité juridique internationale pour agir au nom des peuples et du territoire sous sa tutelle. »
1513
J. CHEVALLIER, Le service public, op.cit., pp. 95 et s.
1514
Article 2, ordonnance-loi n°68-475 du 13 décembre 1968 portant création de l’OCPT, Moniteur congolais, n°3, 1er février
1969, p.101 : « L’office est chargé de l’exploitation du service public des Postes et Télécommunications. À cet effet, il exerce
le monopole postal, télégraphique, téléphonique, de radiocommunications par satellites. Il applique la législation et la
réglementation relative aux Postes et Télécommunications ».
1515
Cf. K. NDUKUMA, op.cit., pp. 63 et s. J.-P. LANGELLIER, op.cit., pp. 1-430.Le changement de statut a accompagné le
changement de régime politique au Congo qui devint le Zaïre. Sous le régime de Mobutu, le statut et le nom de l’Office fut
changé en Office National des Postes et des télécommunications du Zaïres (ONPTZ).
1516
Ordonnance n°78-222 du 5 mai 1978 portant statut de l’ONPTZ, JOZ., n°12, du 15 juin 1978.
1517
Pour l’EPA, voir : ROMIEU, Conclusions sous Conseil d’État, 22 mai 1903, Caisse des Écoles, Rec., p.396 : « ce qui
caractérise l’établissement public, c’est d’être une personne morale créée pour la gestion d’un service public ». L’EPA est
soumis au régime de droit public. Tel est le cas du RENATELSAT. Voir J. CHEVALLIER, Le service public, op.cit., 105.
1518
Pour l’EPIC, voir : Conseil d’État, Arrêt du Bac d’Eloka, Société commerciale de l’Ouest africain, 22 janvier 1921. Par
cette décision, le tribunal des conflits admet l’existence de services publics fonctionnant dans les mêmes conditions qu’une
entreprise privée et donne naissance à la notion de service public industriel et commercial. La société était propriétaire de
l’une des voitures qui furent gravement endommagées dans l’accident survenu au bac dit d’Eloka, sur la lagune de Côte
d’Ivoire et exploitée directement par la colonie. Cette qualification a permis d’appliquer les règles de compétence du juge
242

télécoms. Par ailleurs, l’OCPT/ONPTZ conservait les prérogatives de réglementation des PTT
qui lui avaient été attribuées en 1968. Celles-ci l’habilitaient à concéder à des tiers exploitants
Ŕ dits « radioélectriques privées » au sens de la législation de 19711519 Ŕ le droit d’installer,
d’établir et/ou d’exploiter des réseaux de télécoms ouverts au public. Son droit de délégation
et d’autorisation a été exercé vis-à-vis des opérateurs privés implantés dans l’ex-Zaïre et en
RDC jusqu’à la loi de libéralisation de 2002.1520
602. Entre 1989 et 1995, les politiques de déréglementation américaines et européennes
en RDC apportent aux secteurs monopolistiques et au reste du monde, une dynamique libérale
contraire au colbertisme d’héritage colonial. La mondialisation motivait l’urgence d’une
ouverture du marché congolais tout autant que les raisons internes du pays. Au niveau
extérieur, les enjeux d’internationalisation des réseaux et de multinationalisation des
opérateurs ont confronté les services publics congolais aux pressions des marchés étrangers.
Par exemple, « France télécom issue d’une administration publique chargée de la coopération
avec les pays "amis", va se transformer en opérateur offensif » sur les marchés africains.1521
En outre, la conjoncture intérieure des pays africains comme en RDC se caractérisait par une
situation difficile des finances publiques ne leur permettant pas, encore moins ses EPA/EPIC,
de rééquiper, d’adapter ou de moderniser les équipements publics face aux évolutions de la
technique et du marché électroniques. L’ouverture des droits d’accès au marché national
offrait au moins l’opportunité de « mutabilité des services publics »1522 compte tenu des
besoins en investissements étrangers et en recettes fiscales en devises.
603. Dès la fin des années 1980, le gouvernement entreprit des mesures politiques et
administratives en contournant le monopole législatif des télécoms. Ainsi, avec pragmatisme,
le gouvernement octroya des autorisations d’exploitation spécialement délivrées pour la
téléphonie mobile, en évitant manifestement de briser le monopole que l’OCPT/ONPTZ
exerçait réellement sur le segment de téléphonie filaire. Au début en 1989, les opérateurs
privés ont été autorisés à exploiter le système de téléphonie mobile « AMPS » (Advanced
mobile Phone System). C’est ainsi que les sociétés Telecel, Comcell et Afritel furent autorisées
à opérer dans le domaine des télécoms de l’ex-Zaïre (dénomination de la RDC avant mai
1997), censé rester sous le monopole absolu de l’OCPT/ONPTZ. Les autorités
gouvernementales françaises avaient agi également de la sorte face à leurs lois de monopole
public des télécoms, avant les premières ouvertures législatives de 1990.
604. Comparativement à la France, l’introduction des opérateurs privés dans le système
de téléphonie mobile au Zaïre de l’époque (RDC de la décennie 1980-1990) se rapproche de
la décision d’autoriser SFR à opérer en 1987 dans le segment du marché de la
radiotéléphonie.1523 Le ministre français des PTT avait contourné la situation législative
analogue de monopole de la DGT/France Télécom, dont la branche dénommée « Radiocom
2000 » devait exploiter en concurrence ledit segment. Toutefois, la différence réside à
l’époque dans le fait que l’article 37 du Code français de la poste et des télécommunications

judiciaire et non du juge administratif, et par conséquent l’application du régime de droit privé à ses rapports dans le
commerce juridique avec les usagers. Tel est le cas de l’OCPT avant sa transformation en Société commerciale. Voir J.
CHEVALLIER, Le service public, op.cit., 105.
1519
Ordonnance-loi n°71-015 du 15 mars 1971 sur les installations radioélectriques privées, Moniteur congolais, n°8, 15 avril
1971, p. 362.
1520
A. MBAUNEWA NKIERI, op.cit., p.101.
1521
B. JAFFRÉ, op.cit., p.77.
1522
M. DE VILLIERS et T. DE BERRANGER (sous la dir.), op.cit, pp. 522, 554-556. La mutabilité suppose pour le service public
une adaptation (qualitative et quantitative) aux besoins et à la demande, pour satisfaire l’intérêt général.
1523
R. GILARDIN, op.cit., pp. 52-55.
243

permettait au ministre des PTT d’intervenir par voie d’ « autorisation » pour l’établissement
des installations de télécoms dans le pays.1524
605. Cependant en RDC, il apparait que les premières « concessions »1525des droits
d’exploitation (dites « licences ») ont été réalisées au profit des opérateurs privés, mais sans
une logique globale de transformation du service public. Contrairement à la France, les
sources de ces concessions ne résultaient pas d’une habilitation légale du ministre des PTT.
Elles contournaient non seulement le monopole réglementaire de l’OCPT/ONPTZ, mais aussi
son pouvoir de délégation de ses droits. Elles étaient des décisions politiques d’opportunité à
la mesure des réalités de la mondialisation du marché international et aussi en considération
des besoins internes du pays. Ces mesures administratives affectaient le monopole légal.
Quoiqu’étant des mesures pionnières, elles n’entraient pas dans une ligne de cohérence
politique, ni n’offrait de sécurité juridique, puisque deux ans après les concessions de 1989, le
même pouvoir exécutif congolais adopta une mesure inverse à son orientation libérale du
marché. Une ordonnance créa en effet un autre EPA monopolistique en 1991. En
contradiction avec la tendance libérale de la fin des années 1980, l’ordonnance n°91/240 du
30 septembre 1991 a créé le REZATELSAT1526 en lui attribuant le monopole des
communications nationales par satellite aux côtés de l’OCPT/ONPTZ chargé des télécoms
terrestres.1527 Rebaptisé RENATELSAT1528 en 1997, il conserve encore à ce jour son statut
d’établissement public.1529
606. Autrefois, sous leur régime de monopole de droit public, l’OCPT/ONPTZ et le
RENATELSAT/REZATELSAT bénéficiaient des royalties des réseaux privés tiers. Ces
« radioélectriques privés »1530 rétribuaient le monopole réglementaire soit pour les
autorisations que les opérateurs de monopole leur accordaient, soit simplement pour gérer
leurs droits d’exploitation obtenus du Ministre des PTT, en l’absence de loi de libéralisation.
607. Ainsi entre 1988 et 1991 (voire jusqu’à ce jour), les mêmes contradictions
ressortent des politiques publiques et législatives. L’orientation politique reste toujours
partagée entre le monopole d’État par idéologie et le libéralisme par nécessité.1531

1524
Article L33, CPT de 1987 : « aucune installation de télécommunications ne peut être établie ou employée à la
transmission de correspondances que par le ministre des postes et télécommunications ou avec son autorisation [...]».
1525
G. JÈZE, Les principes généraux du droit administratif, La notion de service public, les individus au service public, le
statut des agents publics, Dalloz, 3e éd., Paris, 2004, pp. 24 et s.
1526
REZATELSAT est le sigle de Réseau zaïrois de télécommunications par Satellite.
1527
K. NDUKUMA ADJAYI, op.cit., p.83.
1528
RENATELSAT (Réseau National de Télécommunications par Satellite) a été choisi à la fin du régime zaïrois du Président
Mobutu le 17 mai 1997, pour se conformer à la nouvelle appellation de la RDC, en remplacement du Zaïre.
1529
G. JÈZE, Les principes généraux du droit administratif, La notion de service public, les individus au service public, le
statut des agents publics, Dalloz, 3e éd., Paris, 2004, pp. 24 et s. Il s’agit du chapitre sur les principes généraux en rapport aux
établissements publics. « Lorsqu’un service public est organisé, on le rattache ordinairement à l’un de ces patrimoines
généraux [celui de l’État ou d’autres patrimoines d’entités publiques] : cela veut dire que les dépenses de gestion de ce
service seront acquittées avec les ressources de ce patrimoine général. […] Non seulement les recettes seront affectées aux
dépenses du service, non seulement on s’arrangera pour que des revenus permanents, se reproduisent périodiquement en
assez grande quantité, soient à la disposition des agents publics pour acquitter les dépenses du service ; mais encore on
organisera, à titre permanent, un nouveau patrimoine administratif, distinct des patrimoines généraux. […] L’excédent des
recettes d’un patrimoine général. On dit alors qu’il y a établissement public ; ou encore, on dit que tel service public a été
personnifié ». Le grand critère de l’établissement est d’être une personnification de droit public, mais avec des affectations
générales et permanentes des recettes et des dépenses de services publics, tout en étant accompagné de »séparation d’un
patrimoine général ».
1530
Ordonnance-loi n°71-015 du 15 mars 1971 sur les installations radioélectriques privées, Moniteur congolais, n°8, 15 avril
1971, p. 362.
1531
En 2002, la LCT a traduit cette indécision en ouvrant le marché, tout en faisant des réserves de droits exclusifs. L’histoire
de France relève que le télégraphe de Chappe était sous la gestion du Ministre de la Guerre, de la marine et de l’intérieur
jusqu’à la seconde grande guerre. L’histoire de l’Internet relève le fait que le Ministre de la défense des États-Unis était à la
base du programme de création et de développement de cette technologie. Dans une interview, le Président américain Barack
Obama n’a-t-il pas dit : «nous avons possédé Internet. Nos entreprises l’ont créé, l’ont étendu, l’ont perfectionné, de telle
244

608. En 1990, il fut question d’anticiper la transformation du secteur des PTT pour faire
face aux enjeux internationaux qui se dessinaient dans les discussions multilatérales au sein de
l’OMC (1986-1994). C’est ainsi qu’en 1993, une décision avant-gardiste du gouvernement est
allée à l’encontre du principe de la loi de monopole de l’époque. Il s’agit de l’arrêté
ministériel n°CAB/MIN/PTT/0027/31/93 du ministre des PTT du 18 novembre 1993 fixant les
conditions d’exercice des activités dans le secteur des télécommunications.1532 En effet, le
ministre des PTT prit un règlement d’organisation des télécoms en contrariété1533avec la
légalité externe de trois textes supérieurs précités, à savoir: l’ordonnance-législative
n°254/Téléc. de 1940, l’ordonnance n°78-222 de 1978 sur l’OCPT (EPIC) et l’ordonnance
n°91/240 du 30 septembre 1991 sur le RENATELSAT. Le règlement susdit est encore
d’application à ce jour, malgré son inconstitutionnalité originaire.1534
609. Sans doute, le gouvernement congolais était conscient des discussions
multilatérales engagées au sein de l’OMC depuis 1986, dont les axes de réforme
s’annonçaient dans le sens de la « déréglementation » des services publics.1535 Dans l’urgence
de la mondialisation et vu les nécessités d’intérêt général, un minimum réglementaire et
normatif devait être défini pour encadrer l’activité des « nouveaux entrants »1536 dans les
télécoms en attendant des réformes législatives plus profondes et respectant le parallélisme de
forme. Ce besoin d’intérêt général fut confirmé en 1996 par une estimation de l’Union
Internationale des Télécommunications (UIT), en relevant un trop faible niveau de
développement des télécoms monopolistiques. Le Journal officiel de la RDC rapportait des
statistiques trop faibles d’« une télé-densité de 0,08 lignes téléphoniques principales pour 100
habitants ou au total de 36 mille lignes téléphoniques principales ».1537

manière qu’ils [les Européens, ndlr] ne peuvent pas lutter. (« White House. Red Chair. Obama meetsSwisher », Kara Swisher,
Radonet.net, le 15 février 2015). La RDC est restée longtemps dans l’idée que les télécoms sont un domaine stratégique dont
il vaut mieux assurer le contrôle par l’État ou à défaut par ses entités opérationnelles, plutôt que de laisser faire complètement
le marché. En 2017 encore, le projet de loi sur les télécoms et les TIC reçu au parlement le 19 avril 2017 fait apparaître
clairement la présence des « services d’intelligence » dans le processus décisionnel à conduire par le Ministre des PTT et
l’ARPTC avant d’accorder les droits d’accès aux équipements et aux exploitants des réseaux. Dans ledit projet de loi, le
statut de l’exploitant public est également maintenu, sous la définition de son article 5-82, comme « Personne morale,
représentant l’État congolais, bénéficiant des droits exclusifs et/ou spéciaux en ce qui concerne la détention, la gestion et
l’exploitation des infrastructures de base des télécommunications et des technologies de l’information et de la
communication ». Le projet de loi consacre un seul article à définition du « régime de l’exploitant public » en lui réservant
les « infrastructures de base », « l’établissement et l’exploitation des passerelles nationales et internationales » ainsi que « les
réseaux de transport, de distribution et d’accès à fibre optique et satellitaire » (article 17). Ce qui laisse penser que les
mesures d’application le feront.
1532
Arrêté ministériel CAB/MIN/PTT/0027/31/93 fixant les conditions d’exercice des activités dans le secteur des
télécommunications, JO RDC, n° spécial, 25 janvier 2003, pp. 64 et s.
1533
En RDC, sous peine des articles 162, 168 al. 2 de la Constitution (exception d’inconstitutionnalité), le caractère
anticonstitutionnel de l’Arrêté concerné réside dans le fait qu’en tant que règlement il doit être pris en conformité aux lois
relevant de la hiérarchie supérieure d’actes juridiques, chapeautés par la Constitution. Cf. J. BONNET et P.-Y. GAHDOUN, La
question prioritaire de constitutionnalité, PUF, 1re éd., coll. « Que sais-je ? », Paris, 2014, p. 3. Pour la France, l’auteur
précise que « [d]epuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, toute personne peut, en effet, contester une disposition
législative devant un juge en invoquant le non-respect, par cette disposition, des droits et libertés protégés par la Constitution.
Ainsi définie, la QPC se livre un peu. Mais pas encore assez. ». La « Question prioritaire de constitutionnalité » (QPC) est la
réforme du droit français de 2008 permettant à tout individu de saisir en inconstitutionnalité d’un acte le conseil
constitutionnel (via le Conseil d’État ou la Cour de cassation). En RDC, ce droit existait déjà depuis les procédures des
années 1980 devant la Cour suprême de justice en permettant de soulever une « exception en inconstitutionnalité » devant le
juge inférieur. Celui-ci sursoit à statuer dans le fond jusqu’à ce que la Cour suprême de Justice saisie se prononce.
Aujourd’hui l’article 162 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006 a consacré ce droit vis-à-vis de la Cour
constitutionnelle.
1534
A. MBAUNEWA NKIERI, op.cit., p. 97. « L’approche diachronique des différents textes constitutionnels qui ont régi la
RDC de 1967 à 1993 renseigne que le secteur des télécommunications relevait toujours du domaine de la loi ».
1535
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 1, Section 1 de la présente thèse.
1536
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la Régulation…op.cit., pp. 100-101. Le nouvel entrant est « un opérateur
extérieur au secteur ou au marché mais qui va ou vient d’y entrer. Dans un marché pleinement concurrentiel, cette entrée se
fait sans difficulté », en principe.
1537
« Exposé des motifs », LCT,-RDC, JO RDC, n° spécial, 25 janvier 2003, p. 47.
245

610. Dans la décennie 1990, le réseau de l’opérateur public avait atteint son
obsolescence, sans possibilité d’y remédier suite à la guerre et à la déliquescence de l’État.
Ainsi, le pays restait en marge du marché électronique mondial. L’interconnexion entre les
différentes provinces du pays fut difficile. Les prix des communications internationales
étaient trop élevés, celles-ci n’étant possibles qu’avec les abonnements des opérateurs privés
tolérés sur le marché en principe monopolistique. Le monopole réglementaire ne répondait
plus ni aux besoins à l’intérieur du pays, ni à la tendance économique extérieure. Le
pragmatisme commandait d’assurer une offre d’accès aux télécoms pour les populations
congolaises.
611. Ces réalités locales ont amené le gouvernement à entreprendre des ajustements des
règles, défiant le monopole légal. Celui-ci subissait donc une remise en question « de facto »,
en dehors de tout texte de loi réaménageant le monopole. De plus en plus d’opérateurs privés
furent autorisés à entrer en concurrence avec les opérateurs publics, qu’il s’agisse des secteurs
des infrastructures, des équipements ou des services des télécoms (par fil, sans fil ou par
satellite). Plus tard, ces décisions gouvernementales seront pleinement justifiées comme ayant
« cherch[é] à promouvoir l’innovation technologique, la modernisation des infrastructures, la
diversification des moyens de communication et l’amélioration de la qualité des services
distribués ».1538
612. L’accord spécifique de l’OMC sur les télécoms du 15 février 1997 engageait les
États signataires à adopter un régime libéral de marché régulé, impliquant la
démonopolisation pour adopter les principes de l’économie de marché. Il était désormais
impérieux d’anticiper la libéralisation du marché congolais (ex-Zaïre), au regard du
mouvement enclenché par l’OMC. Le conseil des ministres considérait également les
technologies pouvant assurer l’interopérabilité des réseaux et leur stabilité au regard de leurs
tendances présentes et futures face à l’obsolescence technique. En s’appuyant sur l’arrêté
ministériel avant-gardiste de 1993 annonçant la libéralisation,1539 le gouvernement décida
d’adopter au cours de l’an 1997 la norme technique européenne comme standard
d’exploitation du marché des télécoms pour la RDC. À cet effet, celle de la téléphonie GSM
fut utilisée comme standard officiel choisi pour tous les réseaux en activité dans le pays. Le
GSM est la norme européenne de préférence en RDC par rapport à la norme américaine
« CDMA ».1540 La numérisation des réseaux faisait également partie des mesures de transition
arrêtées par le gouvernement, tant pour les nouveaux entrants sur le marché congolais que
pour les opérateurs privés, déjà en activité auparavant.1541
613. En fait, « l’exploitation de la technologie numérique GSM a bouleversé les données
juridiques du [monopole] qui devenaient de plus en plus caduques sur le terrain ».1542 Dans la
situation post-conflit de la guerre de 1997, le gouvernement congolais accorda plusieurs
licences d’exploitation de la téléphonie mobile cellulaire, notamment à CWN (Congolese
Wireless Network)1543, à Celtel Congo1544, à Oasis Sprl (dite « S.A.I.T. ») 1545, à Congo Korea
1538
Ibidem, pp. 47 et s.
1539
Arrêté ministériel CAB/MIN/PTT/0027/31/93 fixant les conditions d’exercice des activités dans le secteur des
télécommunications, JO RDC, n° spécial, 25 janvier 2003, pp. 64 et s.
1540
À l’ouverture des marchés africains de télécoms, alors que les autres États africains levaient l’option du CDMA, norme
techniques européenne d’exploitation des télécoms, la RDC choisissait directement le GSM, norme technique européenne
pour le standard d’exploitation de son secteur des télécoms.
1541
K. NDUKUMA ADJAYI, op.cit., p.84-85.
1542
Ibidem.
1543
Cf. [www.vodacom.cd] (consulté le 12 janvier 2013). Vodacom Congo RDC Sprl porte le nom de Vodafone depuis le
cours de l’année 2017. Ainsi, la première licence GSM-900 Mhz revient en 1998 à la société CWN (Congolese Wireless
Network). En 2001, Vodacom International Ltd conclut une joint-venture avec CWN ayant permis la création et l’entrée en
246

Télécom (CKT).1546 L’ensemble de ces faits impriment la transformation du monopole de


droit public vers l’économie des marchés. (B.)

B./ L’ADOPTION DES PRINCIPES D’ÉCONOMIE DE MARCHÉ EN DROIT PUBLIC CONGOLAIS


614. En 2000, la bascule du service public des télécoms était acquise de facto dans
l’économie de marché. La situation restait toutefois atypique entre le fait et le droit faute de
« loi dérégulatrice ». Les données irréversibles de changement étaient les suivantes : non-
respect du monopole réglementaire, entrée en concurrence des privés dans les domaines de
l’opérateur public, absence d’autorité de régulation institutionnalisée et inactivité de
l’opérateur public OCPT/ONPTZ. Il y avait nécessité d’un règlement général pour un régime
de fonctionnement de marché libéralisé de fait, qui ne pouvait être livré seulement à sa propre
autorégulation. Ainsi, le ministre des PTT a publié le 31 janvier 2000 un arrêté fixant le cahier
des charges pour opérateurs en téléphonie cellulaire et mobile.1547 Cet arrêté pionnier, encore
d’application, oblige notamment les opérateurs à obtenir l’accord du ministre des PTT avant
tout changement d’actionnariat.
615. Comme ce dernier arrêté, les règlements d’organisation pris en 1993, 1997 et 2002
avant le réaménagement législatif du monopole restent clairs et durables. Ils sont les symboles
de l’effritement du monopole naturel et réglementaire : l’État maintient la surveillance du
marché par un contrôle intuitu personae des sociétés détentrices des licences d’exploitation à
travers les cahiers des charges des opérateurs ainsi que leurs obligations financières et autres,
d’intérêt général.1548 Le processus congolais de dérégulation des télécoms en RDC aura donc
été porté par les forces du marché mondialisé, par le droit international (OMC et UIT) et par
le pragmatisme visionnaire du gouvernement zaïrois, puis congolais.
616. Finalement, la promulgation des deux « lois dérégulatrices » des télécoms en RDC
est intervenue le 16 octobre 2002. Spécialement, la loi n°14/2002 sur l’ARPTC établit ses
attributions, sa mission et ses règles de fonctionnement sur le marché. Essentiellement, la Loi-
cadre a libéralisé les sous-secteurs des équipements et des services des télécoms. Le principe
s’applique aussi à l’importation, à la fabrication des équipements et terminaux, en en fixant
les règles de normalisation et d’homologation. Il concerne également les services de base
(téléphonie, télex), services à valeur ajoutée (SMS) et services innovants (courriel, e-
business).1549 Le législateur congolais affiche l’ambition d’offrir un « cadre clair et cohérent
pour assurer, sur des bases stables, un développement du marché des télécoms à court, moyen

activité depuis mai 2002 de Vodacom Congo RDC, opérant depuis 2017 sous la dénomination Vodafone. Cf. ZoomEco,
« RDC : Vodacom change d’identité visuelle et s’aligne à la stratégie du groupe Vodafone ! », 9 février 2017, in [www.
zoom-eco.net] (consulté le 9 juin 2017).
1544
Celtel Congo RDC : actuellement Airtel RDC à l’issue de plusieurs cessions. [www.africa.airtel.com] (consulté le 18
juillet 2016). En 2000, la deuxième licence de même type a été délivrée à Celtel Congo RDC, opérant actuellement sous la
dénomination Airtel »
1545
En 2000, la troisième licence GSM-1800 Mhz revint à la société d’initiative belge, Oasis Sprl, ayant opéré sous la
dénomination Tigo avant son rachat en avril 2016 par Orange. Oasis Sprl : cédée à Tigo RDC, elle est actuellement acquise à
100% par la française Orange RDC depuis avril 2016. Cf. J. TE-LESSIA, « Orange finalise le rachat de Tigo RDC », Jeune
Afrique, 21 avril 2016 [www.jeuneafrique.com/319909/economie/orange-finalise-rachat-de-tigo-rdc] (consulté le 8 juillet 2016.)
1546
Dans la même période1997 et 2000, il fut accordé d’autres licences d’exploitation de téléphonie fixe sans fil, notamment à
« Congo Korea Telecom » (CKT), fruit d’une association entre les secteurs publics et privés congolais et sud-coréens. Le
nom actuel d’exploitation de « CKT » est « Standard télécom » offrant des services de téléphonie et d’Internet filaire.
1547
JO RDC, n° spécial, 25 janvier 2003, pp. 47 et s.
1548
Cf. Partie 1, Titre I, Chapitre 2, Section 2 de la présente thèse. En droit comparé français, l’expérience des lois pionnières
est semblable à celle des actes réglementaires de dérégulation en RDC. En effet, « la première loi dérégulatrice » des
télécoms (« Loi Mexandeau » de 1982) fait toujours partie de l’arsenal juridique français à ce jour.
1549
Ibidem.
247

et long termes ».1550 L’article 82 de la loi-cadre (LCT) abroge expressément l’ordonnance-


législative n°254/Téléc. du 23 août 1940 sur les télécoms datant de l’époque coloniale.
617. Toutefois, la ratio legis de 2002 ne tint pas pertinemment compte des réalités
antérieures du fonctionnement du marché, ni de l’orientation libérale pourtant dessinée déjà
au niveau international avec l’OMC (1994-1997)1551 et en droit comparé avec les directives
« ONP » et du « paquet télécom » (1990-2002).1552 Le législateur fit par conséquent preuve
des faiblesses et des erreurs évitables. Premièrement, la loi présente une vision très modeste
du commerce électronique, qu’elle considère comme un sous-ensemble des télécoms. Et
pourtant en Europe, le système juridique place les communications électroniques dans son
continuum avec le commerce électronique. L’intermédiation technique des télécoms sert la
finalité d’accès aux ressources numériques disponibles en ligne : la fameuse « valeur au bout
du clic ».1553 Deuxièmement, la loi-cadre réserve encore des « droits exclusifs et spéciaux » au
profit de l’exploitant public, sans en préciser la durée bien qu’elle les affirme à titre
temporaire.1554 En somme, le législateur n’a transformé qu’en partie le service public des
télécoms anciennement monopolistique, sans atteindre le seuil de libéralisation totale du
marché. En RDC, le monopole résiduel est une option médiane adoptée depuis 2002 par le
législateur, qui le maintient encore à ce jour.1555
618. En droit comparé, la loi-cadre congolaise sur les télécoms (LCT) s’apparente aux
« lois Quilès » adoptées en France le 2 juillet 1990 et le 29 décembre 1990. Ces dernières
avaient consacré la même situation de marché que celle actuellement rencontrée en RDC,
étant restée plus proche des modes classiques de services publics que de la nouvelle forme de
l’économie (numérique). Mais les lois françaises de 1996 avaient rompu avec les réserves de
droits exclusifs, en adoptant une réglementation libérale et en transformant le statut de
l’administration publique. C’est ainsi que l’exploitant public « France Télécom » fut détaché
de la DGT, branche de l’administration des PTT.1556 En 1990, la réserve des droits exclusifs
protégeait momentanément les actifs nécessaires de l’opérateur historique, pour le préparer
progressivement à la pleine concurrence, décidée par le législateur de 1996. Ses
infrastructures et son système de gestion devaient rester en dehors de la concurrence, le temps
nécessaire pour sa recapitalisation et/ou la mise à niveau de ses moyens opérationnels. Sur un
terme initial de dix ans à dater des lois de 1990, la France a franchi plus tôt le cap de la
concurrence avant l’an 2000, car l’évolution ne motivait plus la coexistence d’un segment
exclusif (infrastructures) et concurrentiel (services et terminaux) du marché.1557
619. Cependant en RDC, la loi-cadre (LCT) de 2002 a adopté un système, abrogé en
France dix ans avant et le maintient encore quinze ans après, au 21 ème siècle. À l’origine,
copier le droit français de 1990 pouvait encore avoir un sens. Les principes de l’OMC1558 et
du droit français auraient au moins conduit à maintenir l’exclusivité décennale, mais les
évolutions du marché débordent le cadre légal et institutionnel du 16 octobre 2002. Les

1550
« Exposé des motifs », LCT (RDC), préc.
1551
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 1 de la présente thèse.
1552
Cf. Partie 1, Titre I, Chapitre 2 de la présente thèse.
1553
V-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit., pp. 1 et s.
1554
Article 38, LCT (RDC) : « L’exclusivité temporaire consiste pour l’Exploitant Public à posséder seul le réseau de
référence auquel tout exploitant concessionnaire de service public est tenu de s’interconnecter, et par lequel, il fait transiter
son trafic national et international ».
1555
Cf. le point B. suivant du présent § concernant « les transformations générales des institutions juridiques des télécoms de
base en RDC ».
1556
Cf. Partie 1, Titre I, Chapitre 2, Section 2 de la présente thèse.
1557
Cf. Partie 1, Titre I, Chapitre 2, de la présente thèse.
1558
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 1, de la présente thèse.
248

développements ci-dessus expliquent les transformations générales du secteur des télécoms et


du droit qui l’encadre. L’analyse juridique exige de théoriser et d’apporter des critiques sur les
institutions juridiques des télécoms instaurées par la loi-cadre de 2002. (§2.)

§2. Les transformations générales des institutions juridiques


du secteur des télécoms de base en RDC

620. La loi-cadre a engagé formellement la RDC dans un processus de dérégulation des


télécoms en se situant au stade primaire de la « transformation numérique » des services
publics et des marchés dans le cadre de la société de l’information.1559 Elle entreprend la
transition du droit public et du droit privé pour le pays sur le marché électronique. Elle
réaménage le monopole public et introduit le principe de concurrence régulée des
équipements et des services des télécoms. Pour le secteur privé, le libéralisme (dérégulation) a
conduit à une reconnaissance des droits d’exploitation des activités économiques au sein du
service public (licences et autorisations). Ces concessions sont assorties d’obligations
d’intérêt général, à charge des opérateurs et au profit des utilisateurs. Il s’agit principalement
de la protection spécifique des consommateurs et du service universel.1560 L’État congolais
s’est aligné sur la libéralisation adoptée par le monde moderne et sur la reconfiguration des
moyens d’intervention de la puissance publique sur le marché.1561 Les aspects généraux de ces
transformations sont les suivants : création d’un organe de régulation du secteur, ouverture de
la téléphonie mobile à la concurrence (libéralisation), désengagement de l’État-entrepreneur,
restructuration de l’opérateur historique et, le cas échéant, sa privatisation.1562
621. En effet, l’objet d’étude concerne les enjeux et la dynamique des changements
induits par la législation congolaise sur les télécoms.1563 Les bases du droit européen
enrichissent l’analyse de ces transformations en RDC, en s’inspirant des mêmes expériences
dans les États africains.1564 Étant de portée planétaire, la transition structurelle des services
publics présente les mêmes aspects essentiels en Afrique (RDC) et en Europe (France). Les
changements portent sur le droit et le marché ; ils affectent l’État et ses institutions classiques.
La déréglementation apporte le modèle de marché ouvert à la concurrence avec la garantie de
l’intérêt général, sous l’autorité de l’État-régulateur. En influant sur les secteurs
monopolistiques des télécoms, ce modèle d’économie de marché a favorisé la diversité
d’acteurs et la pluralité d’activités dans un domaine où le service public monolithique ne
connaissait que l’État-entrepreneur. De ce fait : « l’État et le droit sont des réalités étroitement
liées, au point d’apparaître traditionnellement comme indissociables, consubstantielles l’une à
l’autre : non seulement en effet l’État agit par le droit […] règles obligatoires qui expriment sa
puissance de contrainte, mais encore il est tout entier coulé dans le moule du droit ».1565

1559
WATIN-AUGOUARD, « Préface », in F. LORVO, op.cit, p. 7. Les télécoms entrent dans le lot d’une succession d’avancées
technologiques, ayant débouché à la révolution numérique.
1560
Cette restructuration, ayant connu des approfondissements, se traduit, soit par une privatisation partielle ou totale, soit par
une ouverture de la téléphonie fixe à la concurrence, ou les deux graduellement.
1561
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne, op.cit., pp. 70 et s, pp. 99 et s.
1562
Ibidem., pp. 77-125.
1563
D’autres transformations sur le plan technique, sociétal ou économique dépassent le cadre des télécoms de base. Ils sont
étudiés en rapport aux nouveaux défis de l’économie numérique, à l’ère de la société de l’information (révolution
numérique). Cf. Partie 2, Titre I, Chapitre 2 de la présente thèse.
1564
J. Do-NASCIMENTO, « Le développement du téléphone portable en Afrique », p.1 [www.iut-orsay.u-psud.fr] (consulté le 21
novembre 2016).
1565
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne, op.cit, p. 99.
249

622. La loi-cadre de 2002 marque une nouvelle expérience du droit public économique
des télécoms comme en Europe. Notamment, la loi n°14/2002 sur l’ARPTC a introduit la
régulation du marché. (A/) Cependant en RDC, la reconfiguration du marché des télécoms
ressemble à celle des lois « Quilès » de 1990 en France.1566 Le marché congolais comporte
encore deux segments, l’un exclusif et l’autre ouvert à la concurrence. La restructuration de
l’exploitant public reste un enjeu d’approfondissement de la dérégulation tant en Europe
(France) qu’au sein des organisations internationales. (B/)
A./ L’APPARITION DU DROIT DE LA RÉGULATION SECTORIELLE DES TÉLÉCOMS EN RDC

623. Le « droit de la régulation » résulte de l’instauration d’organes de régulations des


marchés anciennement monopolistiques.1567 Il s’agit d’un « droit sectoriel »1568 qui a pour
objet technique la dissociation des fonctions de réglementation, d’exploitation et de régulation
dans le marché des télécoms ainsi que leur harmonie de cohabitation. Il ne s’agit pas à
proprement parler d’un basculement total du « droit des services publics » en un « droit de la
concurrence ». Il s’agit du « droit sectoriel des télécoms » qui n’a pas uniquement pour
finalité le fonctionnement du jeu concurrentiel dans le marché régulé, mais également
l’atteinte de l’intérêt général. Ce droit ne se confond pas à la gestion de la concurrence
(ententes, position dominante) relevant du droit classique de la concurrence. Il concerne la
gestion des ressources patrimoniales et domaniales du secteur libéralisé, nécessitant
l’intervention d’une autorité administrative indépendante pour assurer l’équilibre.1569Les
autorités nationales de réglementation (ARN) restent des intervenants de l’État et le
représentent dans le marché ouvert aux acteurs privés. En RDC, le ministre des PTT reste
dans son rôle d’administration traditionnelle, tandis que l’ARPTC agit en sa qualité d’autorité
administrative voulue indépendante.1570 Cette restructuration confirme que « la régulation a
toujours un arrière-plan politique, puisqu’elle est un choix de cadre général d’économie
libérale, réagissant aux défaillances de marché d’une autre façon que par l’économie
administrée, laquelle s’opère par interventions étatiques ».1571
624. Ainsi, la dérégulation est un mécanisme relevant aussi de l’économie. Mais, l’étude
juridique n’entre pas dans les analyses économiques du marché libéralisé des télécoms. Elle
appréhende les effets induits de l’économie sur les institutions juridiques relevant
anciennement du monopole public ; de manière générale, les lois de dérégulation tiennent
autant compte des mutations de l’économie libérale sur les services publics, qu’elles offrent à
ces dernières un régime particulier. En RDC, les phénomènes économiques ont servi de
facteurs pour la législation et la transformation du droit public classique1572. Le colbertisme
des lois coloniales a été bousculé par la mondialisation de l’économie, la multinationalisation
des opérateurs et la globalisation du marché électronique. En suivant peu à peu le
1566
France : Lois Quilès du 2 juillet 1990 et du 29 décembre 1990, préc.
1567
L. BUSHABU WOTO, De la mise en œuvre de la régulation des télécommunications en droit congolais (RDC), Mémoire
pour obtention de BADGE, Promo 2005, Télécom Paris Ecole nationale supérieure des télécoms (ENST)/Arcep Burkina-
Faso/Institut de la Banque mondiale/ESMT Dakar, Ouagadougou, 2005, pp. 13-17.
1568
D. POPOVIC, op.cit., pp. 1 et s.
1569
J. CATTAN, op.cit., p. 15 et s. WEIL EL ZEIN, op.cit., pp. 8 et s.
1570
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation… op.cit, pp. 13-15, spéc. pp. 23-26. Verbo : « Arcep » et « Autorité
administrative indépendante ». L’AAI est la forme juridique que le législateur a le plus souvent choisie pour construire les
autorités de régulation. L’AAI n’est que la forme juridique, et le droit français a accordé une très grande importance à celle-
ci, suivant la tradition souvent formaliste du droit public. » De leur nombre, on peut citer l’ARCEP, l’ARJEL, l’AMF, etc.
1571
Ibidem, p. 115.
1572
D. TRUCHET, Le droit public, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2e éd., Paris, 2010 (2003), pp. 5-1. G. JÈZE, Les principes
généraux du droit administratif, la notion de service public, les individus au service public, le statut des agents publics »,
Dalloz, 3e éd., Paris, 2004, pp. 1-35, pp. 36-64 et pp. 64-66.
250

« mouvement inverse » du monopole, la déréglementation de la LCT associe les « valeurs


traditionnellement opposées du conservatisme et du progressisme ».1573
625. En RDC comme en France, « le droit public économique ne s’est pas soustrait à ce
mouvement cyclique de périodes de réglementation et de reflux de l’encadrement juridique
des activités économiques ».1574 La transformation des services publics est le « résultat d’une
véritable tendance idéologique à voir dans le libéralisme et le marché, les antidotes aux divers
maux attribués aux contraintes administratives de l’intervention publique ».1575 Les télécoms
s’insèrent dans l’économie des marchés, avec leur « libéralisme, qui préside aujourd’hui à la
déréglementation en droit public ».1576 Les transformations juridiques et institutionnelles
répondent d’« un mouvement systématique de grande ampleur de banalisation de la gestion
publique1577 », ayant pu paraître pour « n’être ainsi qu’une mode administrative de plus ».1578
Selon Marie-Anne Frison-Roche, « [l]e cœur de la [dé]régulation est donc le régulateur, [il en
est ainsi] en France [avec] des Autorités administratives indépendantes qui coordonnent des
opérateurs publics ou privés. Mais le politique est encore présent d’une autre et très forte
façon à côté du droit et de l’économie. »1579
626. La transformation de droit public économique conduit à une redistribution des
attributs régaliens de l’État entre le gouvernement (qui l’exerçait seul) et une nouvelle AAI,
instituée en arbitre indépendant du jeu de marché.1580 Mais celle du droit public congolais
n’est pas parvenue à faire reconnaître pour l’ARPTC, le statut d’autorité administrative
indépendante (AAI). Au sens de la loi n°014/2002 à sa création, « l’option a été levée pour un
organe public doté d’un statut intermédiaire situé entre le régime des entreprises publiques
instituées par la loi-cadre du 6 janvier 1978 et le régime d’une régie mais dotée d’une large
autonomie ».1581 À juste titre, la loi-cadre sur les télécoms consacre le principe de
l’indépendance des fonctions de régulation, de celles de réglementation, d’élaboration des
politiques et d’exploitation des secteurs de télécoms.1582 C’est l’autonomie décisionnelle et
fonctionnelle du régulateur qui détermine l’« impact de la régulation sur les marchés »1583 :
elle ne se décrète pas, mais se construit.1584
627. Les transformations générales conduisent à deux conséquences pratiques en droit de
la dérégulation, à savoir l’indépendance de la régulation et la restructuration de l’opérateur
historique.

1573
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, pp. 199-200.
1574
Ibidem, p. 198.
1575
Ibidem, p. 199.
1576
Ibid.
1577
J. CHEVALIER, « La politique française de modernisation administrative », L’État de droit, Mél. G. Braibant, 1996, p. 79.
1578
J.-P. COLSON et P. IDOUX, op.cit, pp. 198 et 199.
1579
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation…op.cit., p. 115.
1580
Article 1er, al.1, Loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc. : « Il est institué, en République Démocratique du Congo, un organe
indépendant de régulation de la poste et des télécommunications dénommé […] ARPTC en sigle ».
1581
« Exposé des motifs », Loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc.
1582
Article 7, LCT, préc. : « Dans l’exercice des attributions qui lui sont conférées par la présente loi, le ministre veille à ce
que soient : a) assurées la séparation et l’indépendance de la fonction de régulation du secteur des télécommunications de
celle d’exploitation des réseaux ou de fourniture des services […]
1583
O. BOYLAUD et G. NICOLETTI, « Le secteur des télécommunications : réglementation, structure du marché et pertinence »,
Revue économique, OCDE, 2001, pp. 111-158. Cette « étude de l’OCDE a tenté de mesurer l’impact de ce mouvement de
libéralisation dans le secteur des télécommunications. Les auteurs, à partir de données sur 24 pays de l’OCDE couvrant la
période 1991-1997, concluent que la libéralisation a entraîné une augmentation de la productivité, une baisse des prix et une
amélioration de la qualité de service. Ils montrent en particulier que plus un pays se rapproche de la date d’ouverture à la
concurrence, plus les prix baissent, tandis que la qualité de service augmente. Ainsi, les effets se feraient sentir avant même la
mise en œuvre effective de la libéralisation (effet d’anticipation de ou des opérateurs en place) ».
1584
Cf. Section 2 du présent chapitre de thèse, spécialement son §1 développant l’aspect particulier de la « dissociation de la
réglementation ex post et de la régulation ex ante ».
251

628. Premièrement, la réglementation et la régulation sont des fonctions régaliennes


non-détachables de l’État. Si les attributions du ministre des PTT concernent la
réglementation ex post, la réglementation ex ante est à l’Autorité de régulation. Les principes
qui contrebalancent la concurrence sur le marché ne pouvant être qu’économiques, ceux
purement politiques doivent demeurer possibles d’application sur le marché libéralisé.1585
Une fois encore, les transformations juridiques pour le marché électronique relevant du droit
de la concurrence n’aboutissent pas seulement à régler les questions d’abus de position
dominante, d’entente ou d’encadrement des concentrations entre entreprises. Le droit de la
régulation opère « une mise en balance entre le principe de concurrence et un autre principe,
"aconcurrentiel", voire anticoncurrentiel. Elle se rattache donc à une théorie libérale […] Mais
elle suppose que ce principe ne suffise pas à l’organisation complète et suffisante d’un
marché, d’un secteur, d’une filière ».1586 Selon Jean Cattan, le « droit du jeu concurrentiel »
traduit mieux les objectifs du droit de la régulation sectorielle.1587 De ce point de vue,
l’élaboration des règles de concurrence a assuré l’épanouissement et la protection des
communications électroniques. 1588
629. Deuxièmement, les fonctions économiques d’exploitation des télécoms sont
détachables de l’État. Le recul de l’État comme entrepreneur laisse la place à l’initiative
privée en tant que moteur de l’activité économique dans les anciens monopoles publics. Le
marché est ouvert à la concurrence des opérateurs publics et privés des télécoms, sous réserve
des droits spéciaux, reconnus à l’exploitant public. L’exclusivité en sa faveur consiste à
détenir le seul « réseau de référence » et porte sur le marché des infrastructures de base. Le
législateur attribue à titre transitoire ce statut au RENATELSAT et à l’OCPT, anciens
détenteurs de monopoles réglementaires, en attendant la restructuration de leurs formes
respectives.1589 Elle les autorise seuls à posséder le « réseau de référence », c’est-à-dire celui
de base pour les interconnexions et la collecte du trafic de tous les autres opérateurs du
marché.1590 Néanmoins, la loi-cadre tempère ce monopole restant, en reconnaissant au
ministre des PTT la faculté d’accorder des autorisations dérogatoires 1591, après avis du
régulateur et de l’exploitant public.1592
630. Cependant, avant les « lois dérégulatrices » de 2002, les opérateurs privés avaient
déjà déployé leurs propres infrastructures de télécoms. Ils devaient pallier l’absence
d’infrastructures publiques, en vue de fournir les services de télécoms autorisés sur le marché.
En dissimulant cette réalité de fait, le législateur avait créé une situation de droit très déphasée
de la réalité du marché local. Le marché avait déjà acquis un niveau de développement et de
fonctionnement qui ne coïncidait pas avec la segmentation artificielle du marché exclusif et
concurrentiel. La situation de l’exploitant public était source d’enjeux particuliers, appelant

1585
M.-A. FRISON-ROCHE, op.cit., pp.114-115.
1586
Ibidem.
1587
J. CATTAN, op.cit., p. 209. Par exemple, L’Autorité de la concurrence concluait en faveur de l’ARCEP que « un autre
avantage résiderait dans la régulation ex ante des charges de terminaison d’appel [pour] offrir aux opérateurs une
prévisibilité suffisante, notamment sur l’évolution de leurs ressources ou de leurs dépenses ». Avis n°10-A-17 du 29 juillet
2010, relatif à une demande d’avis de l’ARCEP en application de l’art. L.37-1 du CPCE, p.9.
1588
Ibidem.
1589
Article 79, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1590
Articles 37 et 38, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1591
Article 38, alinéa 3, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.: Le Ministre peut « autoriser, à titre exceptionnel, l’Autorité
de régulation entendu, un exploitant concessionnaire du service public des télécoms à disposer de ses propres voies de sortie
à l’international et d’écouler ses propres trafics interurbains ou de posséder ses propres voies de sortie à l’international, sous
diverses conditions dont la principale est d’écouler les trafics des autres exploitants interconnectés au réseau de référence ».
1592
Article 38, alinéa 2, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
252

des développements approfondis sur ces conséquences vis-à-vis de l’assise de l’Autorité de


régulation. 1593
631. En somme, le droit congolais de la régulation est donc essentiellement à mi-chemin
entre le dirigisme (tout provient de l’extérieur) et l’autorégulation (tout provient de
l’intérieur). Sous l’angle de la mondialisation, ce droit sectoriel constitue une perspective
encourageante, car il est constitué de règles de toute provenance (publique ou privée, écrite ou
d’usage) et des arbitrages (venant d’un juge ou d’un quasi-juge). Et le tout fonctionne sans un
gouvernement extérieur et sans, à proprement parler, la substitution de l’État.1594 De manière
générale, la fin des monopoles publics ne supprime pas l’intervention de l’État dans le secteur
des télécoms, mais a changé la nature de son intervention. La « loi-cadre » de 2002 n’a pas
transformé uniquement la forme d’intervention publique, mais elle a modifié le champ du
monopole lui-même. Sur ce point, le processus de dérégulation en Afrique et en Europe s’est
appesanti sur des modalités particulières d’approfondissement de la libéralisation. Leurs
expériences démontrent que la réforme de la réglementation des télécoms se poursuit dans le
champ de restructuration de l’exploitant public, même dans l’hypothèse d’expiration de ses
« droits exclusifs et temporaires ».1595
B./ LA THÉORISATION DES RESTRUCTURATIONS DE L’EXPLOITANT PUBLIC DANS LES EXPÉRIENCES
COMPARÉES EN EUROPE (FRANCE) ET EN AFRIQUE (RDC)

632. L’État devait aménager sur le marché des services un environnement de


concurrence loyale pour les nouveaux opérateurs privés, et ensuite sur celui des
infrastructures des télécoms de base. En effet, sur le continent africain, nombre d’États
avaient encore réservé à leurs opérateurs historiques des droits exclusifs pour une période de
dix ans, le temps de réaménager leurs statuts. La situation des années 2000 laissait aux
opérateurs leur monopole sur les services de base (téléphone fixe et télex), tandis que les
opérateurs privés augmentaient sur le secteur des services de téléphonie cellulaire, de courrier
électronique, de télécopie et d’autres services à valeur ajoutée. Par ailleurs, avec l’affluence
de nouveaux entrants, la restructuration de l’opérateur historique, jadis monopolistique a été,
comme en Europe et en France, le moyen d’approfondissement de la déréglementation.
633. En droit comparé, les positions de la Commission européenne1596 et de la Cour de
justice de l’Union européen (CJUE)1597 rappellent bien la volonté de prévenir l’appui du
gouvernement, de nature à fausser la concurrence, sous forme d’aide d’État à son ancien
opérateur historique (exemple de France Telecom).1598 Cette logique est demeurée la même
dans le schéma d’ouverture du marché électronique africain, car la participation de l’État à
l’opérateur historique altère la concurrence du marché. Elle préjudicie l’indépendance du

1593
Cf. Partie 2, Titre 1, Chapitre 1 de la présente thèse, spéc. Section 2 analysant « les contraintes de la dérégulation du
marché face à l’exploitant public des télécoms » et plus particulièrement son §1 sur « le contraste entre les droits exclusifs
résiduels et l’inactivité de l’exploitant public sur le marché congolais ».
1594
J. CHEVALLIER, « réflexion sur l’institution des autorités administratives indépendantes », JCP, 1996, n°3254, p.35.
1595
Article 38, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. En RDC, ce monopole partiel figure encore dans la loi-cadre tandis
que la France l’a abrogé depuis les années 1990.
1596
J. CHEVALLIER, op.cit., p. 89. La position sur le caractère illicite de l’aide d’État a été exprimée par la Commission
européenne le 16 décembre 2003 à propos d’EDF, le 26 janvier 2010 à propos de la Poste et le 11 février 2010 à propos de la
SNCF.
1597
France v. Commission, affaire C-559/12P, avril 2014, CJUE Communiqué de presse n°48/14, Luxembourg, 3 avril 2014
[www.curia.europa.eu] (consulté le 14 juin 2016). Dans son arrêt du 3 avril 2014, France/Commission, la CJUE a confirmé le
point de vue de la Commission. La transformation d’une série d’établissements publics industriels et commerciaux en
sociétés Ŕ imprimerie nationale (1993), France Télécom (1996), EDF et GDF (2004), Aéroports de Paris (2005) et aussi La
Poste (2010) Ŕ est la conséquence directe de cette interprétation.
1598
Cf. Partie 1, Titre 1, Chapitre 2, Section 2, §1, de la présente thèse, spéc. B/ « La loi de privatisation de "France télécom"
ancien opérateur de monopole ».
253

régulateur sur les décisions à prendre, éventuellement à l’encontre de l’opérateur public.


Celles-ci seraient comme des sanctions de l’État contre lui-même, représenté en tant
qu’actionnaire unique par le gouvernement, au sein de l’exploitant public. Dans l’expérience
française, la privatisation devait faire obstacle à l’État-régulateur de prendre le parti de l’État-
entrepreneur.
634. Dans d’autres États d’Afrique, les transformations de l’exploitant public ont changé
leurs statuts de droit public en celui de droit privé ou encore la structure de leur participation,
en actionnariat majoritairement privé. Ainsi, deux mécanismes de droit ont complété la
restructuration de l’opérateur historique, personne morale de droit public : il s’agit de sa
privatisation et/ou du changement de son statut public en société commerciale. Sur le marché
français, ce processus subsidiaire à la dérégulation se traduit par les transformations de
« France Télécom ».1599 Elle fut d’abord ancienne branche de l’administration des PTT,
ensuite EPA/EPIC, finalement « société anonyme », avant de devenir la « société privée »
sous la raison sociale « Orange » opérant actuellement.1600
635. Trois exemples se présentent en Afrique. Au mieux, la cession des parts dans le
capital social des opérateurs historiques africains a été une modalité pour niveler le statut des
acteurs en société de droit commun. Mais, la privatisation n’a pas toujours pu être réalisée,
faute de cession totale des parts de l’État dans le capital des opérateurs historiques. En fait,
leurs privatisations ont été une composante des mesures de normalisation et de restructuration
du secteur public imposées comme « linkage financier » des institutions financières
internationales. Sur le continent africain, ce renforcement des mesures de dérégulation a été
réalisé sous la pression des programmes d’ajustement structurel (PAS) du FMI et de la BM,
selon les principes généraux de l’OMC, qui n’en exigeait pas tant. Ces programmes
intervenaient dans le cadre d’un désengagement plus global de l’État en dehors des accords de
l’OMC. Les privatisations ont donc été imposées aux États africains, non pas comme stratégie
de libéralisation du secteur, mais comme une « modalité de traitement de la dette
extérieure ».1601
636. Pour l’année 2002, l’étude coordonnée sur la « Société numérique et
développement en Afrique »1602 a permis de recenser, trente (30) pays, dont l’opérateur
historique bénéficiait de son statut public et du monopole sur le segment de la téléphonie
fixe.1603 À l’inverse, vingt-deux (22) pays africains avaient déjà pu procéder à une
privatisation de leur opérateur historique, soit par cession totale des parts1604, soit par cession
partielle.1605 Mais, privatiser en dehors de la logique de déréglementation peut revenir à
substituer des monopoles publics par des monopoles privés. L’existence des uns ou des autres
1599
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 2, Section 2 de la présente thèse. Il est fait état de la disparition de « France Télécom » sur
le marché national français depuis 2013. Ses filiales « FT Marine » et « France Telecom e-commerce » gardent encore la
dénomination historique, sans survivance de la raison sociale-mère.
1600
Les dates clés de « France Télécom » sont les suivantes : 1988 : création ; 1988 : séparation des PTT ; 1990 :
transformation en exploitant public ; 1993 : nouveaux grades de fonctionnaires-reclassification ; 1996 : transformation en
SA ; 1997 : ouverture du capital ; 2000 : acquisition d’Orange ; 2004 : privatisation partielle ; 2005 : mise en place du plan
NExT ; 2007 : fin de la minorité du plan Orange ; 2010 : lancement du plan « conquête 2015 » ; 2013 : France Télécom
change de nom pour devenir Orange. (Source : www.orange.com)
1601
O. VALLÉE, « La dette publique est-elle privée ? », Politique africaine, n°73, mars, 1999.
1602
J-J. GABAS, La société numérique et le développement en Afrique, usages et politiques publiques, éd. Karthala, Paris,
2004.
1603
Ibidem. Ce fut le cas des pays suivants : Algérie, Libye, RDC, Gabon, Bénin, Gambie, Libéria, Sierra-Leone, Namibie,
Swaziland, Egypte, Tunisie, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Kenya, Burundi, Cameroun, Congo, Tchad, Burkina-Faso, Mali,
Niger, Togo, Angola, Botswana, Malawi, Mozambique, Zambie, Zimbabwe.
1604
Ibidem. Ce fut le cas avec Seychelles et Somalie.
1605
Ibidem. C’est le cas du Maroc, Tanzanie, Maurice, Ouganda, Soudan, Rwanda, RCA, Guinée équatoriale, Sénégal,
Mauritanie, Nigéria, Sao-Tomé et Principe, Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, RSA, Lesotho et Madagascar.
254

fausse toujours les effets d’ouverture du marché à la pleine concurrence. En effet, le plus
important est que l’absence d’égalité des droits ne corrige pas le nivellement des statuts
pouvant se faire en apparence entre les opérateurs.
637. Ainsi, des exemples anticoncurrentiels ont été enregistrés dans l’expérience des
États africains, comme venant des oligopoles privés et non pas de l’exploitant public. En RDC
(et en Afrique), la téléphonie mobile a supplanté l’offre de téléphonie filaire. La dominance
porte donc sur un segment de marché où l’opérateur historique n’a jamais été présent. Les
opérateurs privés acquièrent la puissance significative sur le marché. Ils érigent de nouvelles
barrières stratégiques, mais anticoncurrentielles. Il est souvent advenu que des opérateurs
privés refusent d’accorder l’interconnexion à d’autres concurrents.1606 Il peut s’agir d’ouvrir
l’accès aux abonnés des réseaux préexistants ou refuser le partage d’infrastructures qui
assureraient une mutualisation des maillons de réseaux, en réduction des coûts d’installation
pour « les nouveaux entrants » (new comers).1607 Par les « économies d’échelle »1608, les
opérateurs privés plus anciens développent les mêmes réflexes de dominance connus ou
présupposés des opérateurs historiques, afin de préserver leurs parts de marché. Par
conséquent, la dominance du marché n’est pas que l’apanage présupposé de l’opérateur
historique, mais aussi et réellement celui des privés, en situation oligopolistiques.
638. Pour la RDC, deux statuts d’exploitant public se présentent, mais les droits
exclusifs de la loi-cadre de 2002 demeurent intacts. Le premier exploitant public
« RENATELSAT » est resté dans son statut d’établissement public, défini à sa création en
1991. La réforme du portefeuille de l’État ne l’a pas concerné. Cependant en 2008, le second
exploitant public « OCPT » s’est transformé en une société commerciale avec la totalité des
parts détenues par l’État. Son ancien statut d’EPIC de 19781609 a ainsi été restructuré sans lien
avec la dérégulation des télécoms. L’OCPT a été rebaptisé depuis lors « Société congolaise
des postes et des télécommunications », « SCPT ». Cette réforme fait suite au désengagement
de l’État sur le portefeuille de ses anciennes entreprises publiques dans les lois de 2008. Ce
cas, « [o]n le retrouve ainsi, au titre des politiques d’ajustement structurel imposées par le
FMI, dans nombre de pays dont le sous-développement économique et social s’accompagne
pourtant encore d’un encadrement juridique insuffisant dans des nombreux
domaines ».1610 Actuellement, la Banque Mondiale a signé un acte d’engagement avec le
gouvernement en vue de la restructuration effective de la SCTP, dont la conditionnalité est
reprise dans l’accord du 24 juillet 2015,1611 comme composante du projet « CAB5 ».1612

1606
Ibidem. Exemple au Burkina-Faso : Refus de l’opérateur historique ONATEL, d’accorder l’interconnexion à Celtel et
Telecel, deux opérateurs privés de téléphonie mobile, jusqu’à ce que l’autorité de régulation ait décidé de la cessation de cet
abus dominant, sur plainte de Celtel du 12 avril 2002.
1607
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la Régulation…op.cit., pp. 100-101.
1608
Ibidem, pp. 100-101 et 18-20. Cf. Verbo « Nouvel entrant », « Asymétrie (régulation asymétrique, asymétrie
d’information) ». Les « économies d’échelles » déterminent les comportements économiques entre « nouveaux entrants » et
opérateurs (privés ou publics) plus anciens sur le marché, au regard de la dimension de leurs réseaux respectifs et de la
densité de leurs activités respectives. Les économies d’échelle permettent aux réseaux plus petits de profiter de la densité des
réseaux hôtes et surtout de jouer avec les marges du prix de l’interconnexion, négociés avec de grands opérateurs. Ces
derniers se protègent contre la pratique de prix trop bas qui sont habituellement offerts aux abonnés finaux des réseaux plus
petits. Le refus d’interconnexion est une mesure de puissance qui peut influer sur la concurrence.
1609
Ordonnance n°78-222 du 5 mai 1978 portant statut de l’ex-ONPTZ, préc.
1610
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, p. 199.
1611
Ordonnance [du Président de la RDC] n°14/073 du 5 décembre 2014 portant approbation de l’accord de don H81-ZR
conclu entre la RDC et la Banque mondiale, au titre de la 5e phase du programme régional des réseaux de télécommunication
haut débit en Afrique centrale (CAB5), JO RDC, 59e année, n° spécial, 10 janv. 2015, col.2.
1612
CAB5 : Central African Backbone Round 5 est un projet d’intégration sous-régionale, dans 11 pays, avec financement de
la BM et réalisé en plusieurs phases par pays. CAB1 en 2009 : Cameroun, République centrafricaine, Tchad. CAB2 : Sao
Tomé et Principe. CAB3 en 2011 : République du Congo. CAB4 en 2012 : Gabon. CAB5 en 2014 : RDC.
255

639. En effet, le cadre légal des PTT est resté le même malgré la transformation de
l’OCPT en société commerciale d’État, société anonyme. L’OCPT (ex-ONPTZ), créé en
1968, devenu une EPIC en 1978, a été rebaptisé en 2009, « Société commerciale des postes et
des télécommunications », SCPT en sigle. Ce changement fait suite au désengagement de
l’État concernant les entreprises et établissements publics. Il a été décidé entre 2008 et 2009
par le gouvernement sur tout son portefeuille d’entreprises.1613 Cette opération a donc une
logique et un fondement extérieur au cadre réglementaire des PTT. En effet, la loi n°08/007
du 7 juillet 2008 restructure « [l]es entreprises publiques organisées par la Loi-cadre n°78-002
du 06 janvier 1978 [parce que celles-ci] n’ont pas atteint les objectifs économiques et sociaux
leur assignés. Pour cette raison, leur réforme s’impose ».1614 Comme pour d’autres EPIC, la
loi n°08/007 place l’OCPT (ancienne EPIC) sous statut de société commerciale, dans laquelle
l’État détient 100% de participation. Cette mesure législative a été exécutée par le décret
n°09/12 du 24 avril 2009, établissant la liste des entreprises publiques transformées en
sociétés commerciales, établissements publics et services publics.1615 Néanmoins, la loi
n°08/007 ci-dessus sur la transformation des entreprises de l’État maintient, à titre
exceptionnel, le RENATELSAT sous son ancien statut d’établissement public.
640. Par ailleurs, ces évolutions du portefeuille public ne suppriment aucunement la
tutelle de l’État sur l’OCPT et le RENATELSAT. Leur tutelle administrative et financière est
assurée par le ministre en charge du portefeuille de l’État. 1616 Le RENATELSAT étant un
établissement public (EPA),1617 est maintenu également sous la tutelle technique du ministre
des PTT. Mais malgré son statut particulier de S.A.,1618 la SCPT n’est placée qu’indirectement
sous l’autorité du ministre des PTT. Ce dernier exerce une surveillance générale des
politiques publiques des télécoms, faisant appel aux compétences techniques, aux
infrastructures ou aux droits de la SCPT ou du RENATELSAT.1619
641. En définitive, les transformations du secteur public congolais restent le
prolongement du modèle de dérégulation, étant aux États-Unis depuis 1970-1980 et en Europe
depuis 1980-1990.1620 Le processus de déréglementation est un « mouvement de l’économie
et du droit » engagé au nom de la liberté (du marché) et de l’efficacité (de l’État) dans les

1613
Loi n°08/007 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques, JO
RDC, 49e année, n° spécial, 12 juillet 2008.
1614
« Exposé des motifs » et article 7, Loi n°08/007 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales relatives à la
transformation des entreprises publiques JO RDC, 49è année, n° spécial, 12 juillet 2008, pp. 2-8.
1615
Décret n°09/12 du 24 avril 2009, préc. « Annexe 1 : liste des entreprises publiques transformées en sociétés
commerciales », point 17, JO RDC, 50e année, n° spécial, 30 avril 2009, pp. 12-17. Ce décret est pris en application de la Loi
n°08/007 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques, JO RDC,
49e année, n° spécial, 12 juillet 2008. Cf. aussi [www.legalnet.cd/Legislation/Droit%20Public/EPub/d.09.12.24.04.09.htm] (consulté le 9
juillet 2016.)
1616
Article 1, B. 9, Ordonnance n°12/008 du 11 juin 2012 fixant les attributions des Ministères, JO RDC, 53 e année, n°
spécial, 14 juin 2012, p. 33 : « 9. Ministère du portefeuille Ŕ Administration, gestion et rentabilisation du portefeuille de
l’État ».
1617
Loi n°08/009 du 07 juillet 2008Loi n°08/009 du 7 juillet 2008 portant dispositions générales applicables aux
établissements publics, JO RDC, 49e année, n° spécial, 12 juillet 2008.
1618
Ibidem.
1619
Article 1, B. 18, Ordonnance n°12/008 du 11 juin 2012 fixant les attributions des Ministères, JO RDC, 53 e année, n°
spécial, 14 juin 2012, p. 41 : « 18. Ministère des Postes, télécommunications et Nouvelles Technologique de l’Information et
de la Communication Ŕ Mise en œuvre de la politique définie par les pouvoirs publics dans le domaine des
télécommunications nationales et internationales, particulièrement en ce qui concerne la séparation et l’indépendance de la
fonction de régulation du secteur des télécommunications et celle d’exploitation des réseaux ou de fourniture des services de
télécommunications, les conditions d’une concurrence effective et loyale […] ».
1620
En Europe, le départ institutionnel du processus politique de déréglementation est marqué en 1984 par le Sommet de
Fontainebleau (France) réunissant les Chefs d’État et de Gouvernement autour de l’idée de construction d’une Europe des
télécoms. Le premier Livre vert de 1987 sur la question est suivi d’une série de directives en 1988 pour un décloisonnement
des marchés des équipements, puis en 1990 pour une ouverture du marché (ONP) et enfin en 2002 pour un
approfondissement, suivi de l’évolution (paquet télécom, tel modifié en 2009).
256

services publics anciennement monopolistiques. 1621 L’accord (spécifique) de l’OMC de 1994


(et de 1997 sur les télécoms) a permis de véhiculer les transformations des institutions
juridiques jusqu’en RDC. Le législateur congolais de 2002 en a fait application, mais avec des
déphasages par rapport aux réalités du marché local et par rapport à sa ratio legis. Il convient
de comprendre l’application du modèle de l’OMC, dans la transition juridique des services
publics des télécoms congolais. (Section 2.)

SECTION II -
L’APPLICATION DU MODÈLE DE L’OMC
DANS LA RESTRUCTURATION DES TÉLÉCOMS EN RDC

642. Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, le libéralisme est considéré comme un
modèle triomphant.1622 En effet, il ouvre à l’« extension du domaine de marché » les secteurs
publics qui étaient auparavant soustraits à la philosophie mercantiliste pour des raisons
d’intérêt général ou pour des principes d’utilité publique.1623 Des dispositifs de droit public
étaient censés enfermer les effets de l’économie de marché : « monopoles, intervention de
tutelles publiques fortes, adoption de réglementations contraignantes », etc.1624 Au départ aux
États-Unis et en Europe, ces transformations du droit classique apportent un paradigme en
« équilibre entre valeurs marchandes et non-marchandes », dans une série de
changements « écartelés entre marché et non-marché, pour une certaine forme de "régulation",
destinée à créer ou à préserver l’équilibre des intérêts en cause ».1625
643. L’OMC a appliqué ce modèle de postmodernisme Ŕ selon Jacques Chevallier1626 -
dans les différents États du monde.1627 En application de l’accord spécifique sur les télécoms
de 1997,1628 la loi-cadre de 2002 a transcrit en droit positif les principes et innovations du
droit de la régulation sectorielle. L’élément marquant de la réforme est la mise en place d’un
« système régulatoire » du marché des télécoms, qualifiable d’« ordre juridique régulatoire » :
la régulation a un contour et un contenu politiques (remodelage de l’État), économiques
(relations avec le marché) et administratifs (idée de service public).1629 L’institution des ARN
spécifiques au secteur des télécoms exprime les mutations imprimées par la déréglementation.
Les principes de l’OMC exigent la dissociation de la réglementation classique ex post et la

1621
J.-P. COLSON et P. IDOUX, op.cit, pp. 199-200.
1622
N. THIRION, « Économie de marché, régulations sectorielles et droit économique », in N. THIRION (sous la dir.), C.
CHAMPAUD, D. DANET, P. LE FLOCH, P. LE GALL, É. MALIN, F. MARTIN, B. MONTELS, T. PENARD ET P. STEPHANTA,
Libéralisations, privatisations, régulations, aspects juridiques et économiques des régulations sectorielles, Larcier,
Bruxelles, 2007, pp. 11-18, spéc. p.11. « Depuis la fin de la Guerre froide et l’effondrement du modèle soviétique, on assiste,
pour paraphraser le titre du premier roman de Michel Houellebecq, à une irrépressible ’’extension du domaine du marché’’.
[…] La défaite de son principal ennemi permettait ainsi à ce que, pour faire bref, l’on appellera ’’le régime capitaliste’’
d’asseoir son empire sur une panoplie d’activités de plus en plus étendues ».
1623
Ibidem, p. 11.
1624
Ibidem, p. 11.
1625
Ibidem, p. 12.
1626
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne…, op.cit., pp. 68 et s.
1627
UIT, Rapport 2002, cité par J. DO-NASCIMENTO, op.cit, p. 134-135. En 2001, selon les rapports de l’UIT, 67% des pays
africains, soit 33 États sur 55, s’étaient dotés d’une institution spécifique de régulation (en tant qu’organisme indépendant) ou
d’une unité fonctionnelle relevant d’un ministère ou d’une branche gouvernementale. La même année, l’Europe comptait
69%, l’Océanie 34% et les États Arabes (Asie) 43% des pays avec des organes de régulations spécifiques. En 2002, année de
promulgation de la Loi-cadre sur les télécoms (RDC), ce chiffre passa à 52 États sur 55 en Afrique disposant d’organes de
régulation, soit 94% des États et une progression de 28%.
1628
J. DO-NASCIMENTO, op.cit, p. 129-135. En fin 1999 jusqu’au début de l’an 2000, l’accord de l’OMC sur les télécoms
avait enregistré l’adhésion de trente-cinq (35) États africains sur cinquante-cinq (55) pays dans le continent.
1629
N. THIRION, « Économie de marché, régulations sectorielles et droit économique »…op.cit., pp. 11 et 12.
257

régulation ex ante. Comment le législateur congolais a-t-il fait application des principes
d’ajustement nécessaires des institutions juridiques selon les règles de l’OMC dans ce
domaine ? (§1.)
644. En RDC, l’application des principes de l’OMC présente des différences. La
consécration de la régulation est liée à des évènements transnationaux et à un objet technique
empreint de la localisation et de la déterritorialisation, pour motiver un regard au-delà des
originalités locales, afin de se rapprocher de l’expérience de l’Europe. 1630 Sur le marché
intérieur européen, la filière des télécoms a le « dispositif communautaire […] le plus avancé
et le plus exhaustif de tous les instruments du droit européen, gouvernant les industries en
réseau ».1631 Dans l’un ou l’autre contexte, la régulation sectorielle est l’élément crucial de
réorganisation du monopole public en marché libéralisé. Partout, les contraintes du modèle
apparaissent pour une réalisation de l’équilibre du marché là où le monopole était seul à
assurer le contrôle d’intérêt général et des intérêts économiques. En effet, « les deux [intérêts]
ont besoin d’être régulés Ŕcertains diront, selon leur sensibilité, contrôlés ou réglementés Ŕ car
[…] la moindre défaillance peut ébranler un édifice […] bien vulnérable ».1632 Le libéralisme
a conduit les « services publics » à une diversification des prestataires privés, mais « laisser à
la seule concurrence le soin de gérer les marchés […] serait tout aussi illusoire et dangereux
que reconnaître aux marchés […] le soin de régir la concurrence ».1633 En RDC, les autorités
de réglementation ne disposent pas d’une maîtrise cognitive, antérieure aux mécanismes du
droit sectoriel, tandis que la régulation doit s’affirmer au milieu d’un faisceau d’enjeux
économiques et administratifs. Ils sont tels que les marchés faiblement régulés, sont livrés au
phénomène d’oligopoles privés remplaçant les monopoles publics. (§2.)

§1. La dissociation dans les lois des télécoms de 2002


des fonctions de réglementation « ex post » et de régulation « ex ante »

645. Dans le passé, la philosophie des services publics était autrefois limitée à la gestion
dite des « PTT » (Postes, Télécoms et Télégraphe). Sous cet angle, un même organisme
gouvernemental exerçait les trois fonctions suivantes : élaboration des politiques publiques,
régulation et exploitation des réseaux électroniques. En RDC, la loi-cadre de 2002 sur les
télécoms opère un premier point de rupture avec le fondement idéologique du service
public.1634 À la suite du démantèlement des monopoles publics, la spécialisation des fonctions
distinctives de l’État est désormais confiée à deux organes publics. La distinction organique
des fonctions de l’État est la conséquence de la libéralisation. « La [dé]régulation vise à
instaurer la concurrence autant qu’il est nécessaire, dans un secteur où elle n’existait pas ou
très peu et à concilier l’exercice loyal de cette concurrence avec la mission d’intérêt général

1630
Ibidem, p. 15.
1631
Ibidem, p. 14.
1632
P. LE GALL, « Concurrence et régulation sur les marchés financiers », in N. THIRION (sous la dir.), C. CHAMPAUD, et AL.,
op.cit., pp. 21 et s.
1633
Ibidem.
1634
I. CROCQ, op.cit., p. 2. « L’histoire de la pensée économique montre ainsi que le rôle dévolu à l’État dans l’économie de
marché est variable. […] le mercantilisme […] en Europe entre la fin du XV e siècle et le XVIIIe siècle, prône une forte
implication de l’État. Les mercantilistes […] considèrent que l’État doit stimuler l’activité nationale et l’orienter par
différents moyens : manufactures d’État, […] protection de l’industrie nationale contre la concurrence étrangère, etc. En
France, cet interventionnisme a d’une certaine manière perduré jusqu’à la période contemporaine, comme en témoigne la
politique des grands projets industriels et technologiques en matière de réseaux câblés ou de télématique. »
258

dont sont investis les services publics ».1635 En RDC, le service public des télécoms, autrefois
monopolistique, se réaligne autour des axes internationaux de la déréglementation (A/). Par
ailleurs, le droit congolais des télécoms comporte des aspects particuliers à rapprocher des
droits comparés de la régulation (B/).
A. / LES AXES DE LA DÉRÉGLEMENTATION DU SECTEUR DES TÉLÉCOMS EN RDC
646. Les transformations de la déréglementation des télécoms se démontrèrent en
pratique et en théorie sous la forme d’intervention de la puissance publique. Le changement
de l’État-entrepreneur en un État-régulateur des télécoms marque « le passage de l’État inséré
à l’économie caractérisant les années 60, 70 à un État compétitif plus soucieux de la
rationalisation des dépenses ». 1636 Selon Jacques Chevallier, « la spécificité de l’État en tant
que mode d’organisation politique réside dans le phénomène d’institutionnalisation du
pouvoir et cette institutionnalisation passe par la médiation du droit ».1637 Sur cette lancée,
« les services publics marchands sont invités à s’inscrire de plus en plus dans un univers
concurrentiel ce qui suppose l’abandon de leurs privilèges ».1638 Il fut alors constaté le
« mouvement général de libéralisation qui s’étend à la plupart des économies mondiales à
partir des années (80-90) ».1639
647. L’OMC exige l’« indépendance des organes réglementaires », ce principe figure à
l’intitulé de la section 5 sur son accord spécifique aux télécoms de 1997. Dans son prescrit,
« [l]'organe réglementaire est distinct de tout fournisseur de services de télécommunications
de base et ne relève pas d'un tel fournisseur. Les décisions des organes réglementaires et les
procédures qu'ils utilisent seront impartiales pour tous les participants sur le marché ».1640
Ainsi, le législateur de 2002 établit en RDC le principe selon lequel « la fonction de
régulation du secteur des télécommunications est indépendante de celle de l’exploitation des
réseaux et de la fourniture des services de télécommunications ».1641 Selon l’article 1er de la
loi n°14/2002, l’ARPTC est instituée comme régulateur,1642 tandis que l’article 7 de la loi-
cadre confie au ministre des PTT la mission de veiller à l’effectivité de cette séparation
fonctionnelle.1643 La ligne de démarcation semble claire entre les exploitants et « régulateur ».
Il peut s’agir de « la personne ou l’organe qui surveille et contrôle le secteur pour y maintenir
l’équilibre entre le principe de concurrence et un autre principe » d’intérêt général.1644
Toutefois, la séparation des rôles parait plus difficile à appréhender et à réaliser entre les
autorités de réglementation nationales congolaises: le ministre des PTT et l’ARPTC.

1635
J. BERGOUGNOUX, Services publics en réseaux : perspectives de concurrence et nouvelles régulations, Rapport du groupe
présidé par Jean Bergougnoux, Commissariat général du Plan, La documentation française, 2000, p.347, cité par L. BUSHABU
WOTO, op.cit, p.14.
1636
WAEL EL ZEIN, op.cit., pp. 18 et s.
1637
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne…, op.cit., pp. 68 et s.
1638
Ibid.
1639
Ibid.
1640
Accord de création de l'OMC du 24 avril 1996.
1641
Article 3, alinéa 3, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1642
Article 1er, al. 1, Loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc. : « Il est institué en République démocratique du Congo, un organe
indépendant de régulation de la poste et des télécommunications dénommé […] ARPTC, en sigle ».
1643
Article 7, a), Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. : « […] le ministre veille à ce que soient : a) assurées la séparation
et l’indépendance de la fonction de régulation du secteur des télécommunications de celle d’exploitation […] ».
1644
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation…op.cit, p. 113. Pour les télécoms, le régulateur veille à l’attribution
des licences pour la téléphonie mobile, à la gestion des ressources domaniales de l’État, nécessaires à l’exploitation du
marché.
259

648. L’article 4 de la loi-cadre définit et distingue les fonctions de « régulation »1645 et


de « règlementation ».1646 Dans le langage juridique, « réglementation » et « régulation » ne
sont pas synonymes. En effet, si réglementer est assujettir une activité à des règlements,
réguler est chercher à donner un rythme régulier, une certaine stabilité à un système, le régler,
en assurer le bon fonctionnement.1647 Le consensus, sur la définition précise de ces termes,
diffère selon les sources, mais il est certain que le terme anglais « regulation », signifie
« réglementation » dans le système de tradition juridique romano-germanique. Il a un sens
différent dans le système anglo-saxon, car « regulation » (en anglais) est utilisé pour nommer
un règlement administratif qui clarifie les droits et les responsabilités. Il se distingue à la fois
de la législation issue d'un corps législatif élu (rule of law) et de la norme jurisprudentielle
(rules of precedent). Le système régulateur est d’expérience britannique1648 (première en
Europe) : « ce qui explique que le terme anglais regulation désigne simplement la
réglementation (qui doit se traduire correctement par regulatory system) ».1649L’idée générale
des marchés est de donner accès à de nouveaux opérateurs dans les domaines des publics
utilities, services d’utilités publiques. Cette approche avait été à la base de la création des
instances de régulation.1650 (Certains pays africains, comme le Rwanda, ont encore conservé
sous l’autorité d’un seul régulateur1651 la régulation conjointe des secteurs de l’eau, de
l’électricité et des télécoms.)
649. En droit comparé européen, des « autorités réglementaires nationales », dites
« ARN », sont instituées dans le domaine des communications électroniques.1652 En France,
leurs compétences se répartissent entre le ministère en charge du numérique et l’ARCEP.1653
S’agissant des autorités de régulation en général, leur « rôle [est] central dans la promotion de
la concurrence : si elles n’ont pas toujours le pouvoir d’octroyer elles-mêmes des licences ou
des autorisations, elles n’en ont pas moins une compétence d’avis à l’égard de l’autorité
ministérielle, habilitée à procéder à l’octroi ; elles ont à en contrôler la bonne exécution et
sont appelées à trancher les problèmes les plus épineux qui peuvent surgir entre
opérateurs ».1654
650. En RDC, l’option du législateur de 2002 est la même sur ce point. En
institutionnalisant un organe de régulation à part entière, le législateur entreprend la
démarcation entre la réglementation ex post et la régulation ex ante. La définition des
attributions des ARN est indispensable pour éviter les conflits de compétences entre elles, afin

1645
Article 4-24, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. « Aux termes de la présente loi, on entend par : […] régulation :
application ou la mise en œuvre de la réglementation. Le but de la régulation est de faciliter, stimuler et impulser le marché
des télécoms pour rencontrer la demande de la clientèle, permettre aux utilisateurs de communiquer ou faire des affaires à
partir de n’importe quel moment et au prix le plus bas possible. »
1646
Article 4-23, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. « Aux termes de la présente loi, on entend par : […]
réglementation : la fonction qui consiste essentiellement à veiller au bon fonctionnement et au développement de l’ensemble
du secteur des télécoms par un encadrement normatif et institutionnel adapté et adéquat. »
1647
I. JEUGE-MAYNART (sous la dir.), Le petit Larousse illustré 2017, éd. Larousse, Paris, 2016, pp. 985 et 986. Verbo
« réguler », « réglementer », « régulation », « réglementation ».
1648
Il convient de rappeler que la déréglementation européenne a été aussi fortement influencée par la conception
ordolibérale allemande (qui appelle à l’intervention publique sur les marchés en tempérant les dérives du libéralisme total) et
par un compromis avec la conception colbertiste française des services public (en retenant des obligations de service
universel pour les opérateurs privés du marché régulé).
1649
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation…op.cit, p. 69.
1650
T. PENARD et N. THIRION, « La régulation dans les télécommunications : une approche croisée de l’économie et du
droit », in N. THIRION (sous la dir.), C. CHAMPAUD, et AL., op.cit., pp.87 et s.
1651
[www.rura.rw] (consulté le 18 juillet 2016) : Rwanda utilities regulatory Authority, RURA, en sigle.
1652
D. POPOVIC, Le droit communautaire de la concurrence et les communications électroniques, op.cit, p. 28 et s.
1653
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 1, sections 1 et 2 de la présente thèse.
1654
T. PENARD et N. THIRION, « La régulation dans les télécommunications […] », op.cit., p. 93.
260

d’assurer la cohérence de la « corégulation » étatique.1655 Les principes de l’OMC assurent un


rapprochement législatif et institutionnel entre l’Europe, la France et la RDC. La
libéralisation « ménage la transition d’une configuration monopolistique ou à dominan[ce]
monopolistique à situation concurrentielle ou à dominan[ce] concurrentielle ».1656 La
pérennité de l’État est assurée par ses interventions protéiformes sur le marché, tant que la
« finalité ultime (la mise en place d’une situation de concurrence effective) n’est pas encore
atteinte ».1657 En effet, la « déréglementation s’est depuis longtemps inscrite dans cette
évolution qui conduit aujourd’hui à […] la modernisation de l’État ».1658 Elle apporte donc
d’autres formes de législation d’application ex-ante, au titre de régulation sectorielle (droit de
la régulation du marché). Elle s’associe à la forme d’une législation d’ordre général
d'application ex-post, au titre de régulation transversale (droit de la concurrence). Autant
« l’inflation réglementaire […] est partiellement à l’origine de cette réforme »,1659 autant elle
est à sa suite.
651. Ainsi, l’organe étatique de régulation (ARPTC) apparaît au centre de la réforme
législative des services publics des télécoms ainsi que de la transformation consécutive des
institutions juridiques classiques. Au-delà de l’« inflation législative » produite par la
déréglementation et la démonopolisation,1660 le régulateur congolais affermit son autonomie et
son indépendance dans la cohabitation avec d’autres acteurs publics et des forces du marché.
Cette autonomie est un atout majeur pour la mission du régulateur (ARPTC). Elle est
indispensable pour bâtir son autorité et sa légitimité sur le marché.1661 « Les instances
indépendantes, rassemblant des personnes pertinentes, doivent être compétentes,
indépendantes et incontestables. La compétence est requise pour la complexité même du
domaine […] L’indépendance participe également à la qualité du jugement : celui-ci sera le
fruit d’une réflexion libre de tout préjugé, de tout parti pris. Compétence et indépendance sont
indispensables pour asseoir le caractère incontestable de l’autorité […] »1662
652. Cependant, trois aspects de dissociation de la régulation sont nécessaires en RDC.
La loi-cadre de 2002 a réparti les compétences entre chaque autorité nationale de
réglementation des télécoms (l’administration publique et le régulateur étatique).1663 La loi
n°14/2002 a ensuite spécifié les attributions et les procédures d’action de l’ARPTC ainsi que
ses missions et ses formes de décisions par rapport au ministère des PTT. En outre, l’objet
technique de la régulation sectorielle évolue : l’Internet a apporté aux télécoms la
convergence des réseaux et des médias.1664 Sur ce point, le droit des télécoms congolais doit

1655
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, p. 440. « La co-régulation désigne une forme partenariale de régulation qui associe
l’ensemble des acteurs et autorités concernés par un secteur d’activité, de façon à considérer l’intérêt de la régulation privée
tout en respectant le principe largement admis de son caractère supplétif ou complémentaire avec les modes publics de
régulations ».
1656
T. PENARD et N. THIRION, op.cit., p. 93.
1657
Ibid.
1658
Ibid.
1659
Ibid.
1660
Ibid. Les auteurs utilisent le terme « inflation juridique » comme une cause du déclin du droit et de sa difficulté
d’application. Mais, le terme « inflation législative » se rapporte aux travaux inspirés d’autres auteurs. Cf. R. SAVATIER,
« L’inflation législative et l’indigestion du corps social », D. 1977, chron. p. 43. J.-P. HENRY, « Vers la fin de l’État de
droit ? », RDCP 1977, p. 1207.
1661
UIT, Tendances des réformes dans les télécommunications, 2002, Une régulation efficace, Rapport 2002.
1662
PH. MOREAU DEFARGES, La gouvernance, op.cit, p. 64.
1663
Pour le ministère des PTT, les articles 6 et 7 de la LCT fixent les principales attributions et finalités de sa mission. En
revanche, celles de l’ARPTC sont définies à l’article 8 de la LCT, ainsi qu’à l’article 3 de la loi n°014/2002 portant sur sa
création (précitée).
1664
F. BALLE, Les médias, PUF, Coll. « Que sais-je ? », Paris, 8e éd. 2014 (2004), spéc. pp. 40-55. S. CHATRY (sous la dir.),
La régulation d’Internet, op.cit., spéc. pp. 29 et s. L. BELLI, De la gouvernance à la régulation d’Internet, op.cit., spéc.
261

être éclairé quant aux domaines comparés de la régulation, de la communication audiovisuelle


et de celle des communications électroniques.1665 (B./)

B./ LES DOMAINES DE RÉGULATION DES TÉLÉCOMS ET DE L’INTERNET


DANS LES ÉVOLUTIONS DES DROITS COMPARÉS

653. Premièrement, le ministre des PTT représente l’État (gouvernement) et reste en


charge de l’élaboration de la politique sectorielle, notamment définir et établir les objectifs et
les paramètres de l’activité du secteur des télécoms. La régulation est dévolue à une autorité
administrative, voulue indépendante (vis-à-vis des injonctions politiciennes et des
interférences gouvernementales). Elle se charge de la mise en œuvre des directives générales
arrêtées par le gouvernement, en vue du bon fonctionnement du marché. « La régulation […]
présuppose l’existence des marchés ouverts, dans lesquels des opérateurs, disposant d’une
capacité d’action autonome, déploient des stratégies concurrentielles ; la régulation vise
seulement à assurer le maintien d’un équilibre d’ensemble par l’établissement de certaines
règles et une intervention permanente pour amortir les tensions ».1666
654. Toutefois, la dérégulation fonde l’approche libérale d’un marché de fourniture des
services de télécoms. Elle contredit l’idée de services publics monopolistiques. Ceux-ci
étaient jusque-là gérés comme un département ministériel assujetti à une intervention
politique et administrative, permanente et prépondérante. Mais, ce modèle de
« déréglementation » de l’OMC (1997) ne signifie pas non plus le contrôle du secteur des
télécoms par les seules forces du marché. Elle arrive au contraire à une forme nouvelle de
réglementation.1667 C’est une politique législative qui vise à réduire les pesanteurs de la
réglementation, tout en rendant plus précise l’application du droit sur le marché. Les
déréglementations initiées dans les années 1970 aux États-Unis, 1980 en Europe, 1990 dans le
monde et 2000 en RDC répondent toutes d’une motivation devenue classique : « le tribut payé
à la mode de la modernisation administrative ».1668
655. Ainsi, la loi-cadre de 2002 a habilité en RDC deux autorités de réglementation,
mais leurs actes décisionnaires se distinguent, dans la fonction réglementaire, par la forme, la
procédure et la portée légale et constitutionnelle. D’une part, le ministre des PTT « statue par
voie d’Arrêté », conformément à l’article 93 de la Constitution. Il applique dans le
département des PTT, le programme gouvernemental dont il est responsable, sous la direction
et la coordination du Premier ministre. D’autre part, le régulateur statue par voie de
« décisions du collège de l’Autorité en matière de régulation », conformément à l’article 17,
al. 4 de la loi n°014. Ses décisions sont soumises à des formes de légalité externe et
interne,1669 susceptible de recours (« pour excès de pouvoir »1670) devant la Conseil d’État,1671

pp.27-31. M. HANOT, « Nouveaux écrans, nouvelle régulation ? Prendre le tempo et le temps de la mutation », in P.F.
DOCQUIR et M. HANOT, Nouveaux écrans, nouvelle régulation ?, Larcier, Bruxelles, pp. 9-21, spéc. p. 13. « Ouverte sur
Internet sans être une simple télévision sur Internet, centrée sur l’objet traditionnel télévision, sans plus être une, la télévision
connectée se cherche et se découvre, à l’instar de tout nouveau média, dans le contexte et la société qui la portent ».
1665
Journaux officiels, Communications électroniques et services de communication audiovisuelle, les éd. Journaux officiels,
coll. « aux sources de la loi », p. 1779. P. DEVEDJIAN, « Discours sur le projet de loi relatif aux communications électroniques
et aux services de communication audiovisuelle », in Ibidem, pp. 1-9. E. DÉRIEUX, Les droits des médias, Dalloz, coll.
Connaissance du droit, 5e éd. pp. 49-54 et pp. 158-160.
1666
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne, op.cit., p. 63.
1667
UIT, Tendances des réformes dans les télécommunications, 2002, Une régulation efficace, Rapport, Genève, 2002.
1668
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, p. 198.
1669
D. TRUCHET, Le droit public, op.cit., pp. 76-77. « Le respect du droit public interne. Il nous paraît naturel que l’État
respecte le droit public qu’il fait et qui le fait. […] En droit, on nomme principe de légalité, la règle qui veut que toute
262

ancienne « Section administrative de la Cour Suprême de Justice ».1672 Les mêmes exigences
de légalité et types de recours administratif concernent les arrêtés du ministre,1673 mais
l’exécution de la « décision » entreprise par l’ARPTC n’est pas suspendue par le recours.1674
Le « principe hiérarchique »1675 s’impose particulièrement pour les arrêtés ministériels. Un
recours est aussi possible devant la cour constitutionnelle, pour toute personne agissant en
exception d’inconstitutionnalité contre un acte réglementaire en RDC.1676
656. Deuxièmement, la régulation s’entend du « fait de maintenir un équilibre dans un
système complexe et d’en coordonner les actions en vue d’obtenir un fonctionnement
régulier »1677. Elle est le « fait de maintenir et de régler le fonctionnement […] ou d’un
système » pour « en assurer un bon fonctionnement ou un déroulement harmonieux »1678 et
« un rythme régulier ».1679 Il s’agit de multiples actions de l’État, confiées à un agent public
sur le contrôle des comportements du marché, dans un secteur d’activités libéralisées, en vue
d’y assurer le respect de l’intérêt général.1680 La régulation connait une flexibilité et une
adaptabilité en raison de l’instabilité du marché et une adaptabilité en raison de son objet
technique. La finalité d’action est d’assurer l’efficacité et la gestion de concurrence. 1681 « La
création d’un organe de régulation a été motivée dans les pays développés par : Ŕ la
complexité des rapports et des activités ; Ŕ les conflits d’intérêts, Ŕ la diversité des
intervenants ».1682
657. En effet, le rôle spécifique de la régulation est apparu dès la démonopolisation
officielle du marché des télécoms, mais le pouvoir réglementaire reste du ressort de l’État. La
différence est fondamentale entre réglementation et régulation. La régulation aide à fournir
des avis sur les décisions des pouvoirs publics et sur les comportements des acteurs du
marché. À cet effet, elle collecte l’information et les statistiques pertinentes sur le marché
concerné. Cependant, la régulation ne se confond pas à l’application du droit de la
concurrence. Elle s’applique d’abord aux secteurs où existent des obligations de service

autorité de l’État (et plus largement toute autorité administrative) agisse conformément aux règles qui s’appliquent à elle.
C’est une garantie fondamentale de l’État de droit. »
1670
Ibidem, pp. 76, 77 et 78. « Pourtant les juridictions […] sont des organes de l’État et elles ne peuvent pas employer les
forces de police contre lui ! Comment dès lors l’empêcher de s’affranchir du droit ? […] Toute action illégale de l’État peut
donner lieu à une action devant le juge. […] Les actes administratifs illégaux sont justement annulés par le juge administratif
à condition bien sûr qu’il en soit saisi, notamment par cette procédure simple qu’est le recours pour excès de pouvoir.
Lorsque l’État cause un dommage, il peut être condamné à indemniser la victime […] ».
1671
Loi organique n° 16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de
l’ordre administratif, JO RDC, n° spécial, Kinshasa, 18 octobre 2016.
1672
Depuis lors, l’article 154 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006 a institué un ordre de juridictions
administratives composé du Conseil d’État et des Cours et tribunaux administratifs. « Pour plus d’efficacité, de spécialité et
de célérité dans le traitement des dossiers, les Cours et tribunaux ont été répartis en trois ordres juridictionnels : les
juridictions de l’ordre judiciaire placées sous le contrôle de la Cour de cassation ; celles de l’ordre administratif sous la coupe
du Conseil d’État et de la Cour constitutionnelle. »
1673
D. TRUCHET, op.cit., p. 76.
1674
Article 17, avant et derniers alinéas, Loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc.
1675
Ibidem, p. 77. « Le principe de la légalité est confronté par le principe hiérarchique qui irrigue toute l’administration de
l’État. Il donne au supérieur d’une part l’assurance que ses subordonnés agiront conformément à ses instructions, d’autre part,
des moyens de contrôle et de correction pour y veiller ».
1676
Article 162, al. 2, Constitution de la RDC du 18 février 2006, préc.
1677
A. REY et al, Le Petit Robert de la langue française, (2017), Verbo : « réguler », « régulation ».
1678
[http://www.le-dictionnaire.com/definition.php?mot=R%E9guler] (Consulté le 21 novembre 2016.)
1679
Dictionnaire de poche 2012, Larousse, Paris, 2011, p. 689.
1680
A. BAUDRIER, Administration et droit de la régulation, Cours ENST-Paris, Ouagadougou, 13 juin 2005 [inédit]. Pour cet
auteur, il s’agit de « toutes les actions de contrôle des comportements que l’État ou une autorité ayant vocation à la
représenter conduit dans le respect de l’intérêt général ».
1681
J.J. CHEROT, « L’imprégnation du droit de la régulation par le droit communautaire », Rencontres Petites affiches, Paris,
6 fév.2002, p. 17-25.
1682
« Exposé des motifs », Loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l’ARPTC, JO RDC, n° spécial, 44 e année,
janv.2003, p. 60.
263

public, nécessitant un certain aménagement de la concurrence, pour pouvoir être correctement


remplies. Libéraliser les services publics souligne que la régulation est encore plus que
nécessaire pour veiller au développement du secteur des télécoms.1683
658. En pratique, la régulation ex ante du marché procède par application de mesures
correctives et des sanctions en cas d’infraction, sans fixer des règles précises à l’avance ou en
n’en fixant qu’un petit nombre. Le marché libéralisé des télécoms pose plusieurs questions
particulières ne paraissant pas trouver de solutions préétablies dans la réglementation ex post.
Notamment, le droit de la concurrence ex post laisse à la régulation ex ante le traitement des
aspects sectoriels du marché des télécoms : colocalisation d’infrastructures, accessibilité aux
abonnés, tarifs d’interconnexion, maintenance ou dépannage, plan de numérotation, gestion
des fréquences radioélectriques, etc. La régulation répond à l’attente de transparence et de
flexibilité, dans un marché ouvert, indispensable pour agir dans l’accès aux télécoms, sur le
marché et chez les consommateurs,1684 selon les axes suivants : conditions d’entrée, fixation
des prix, octroi des licences, interconnexion des réseaux, attribution des ressources
d’exploitation (fréquences, numérotation), de service universel, publication de l’information,
droit de recours ou de révision.1685 Pour autant, la régulation fait recours à un ensemble de
moyens d’actions : la réglementation (rule-making), la surveillance (monitoring), l’allocation
des droits (adjudication), le règlement des litiges (dispute resolution).1686
659. Troisièmement, en RDC, les télécoms restent la sémantique officielle. L’article 4-9
de la loi-cadre distingue la « télédistribution » du domaine de réglementation spéciale des
télécoms.1687 À la différence de l’audiovisuel, le législateur de 2002 a choisi la dénomination
au singulier : « télécommunication ».1688 Mais sa définition à l’article 4-1 de la loi-cadre ne se
démarque cependant pas d’avec la précédente. Bien au contraire, les éléments de définition en
rapport au domaine des télécoms semblent englober la télédistribution (audiovisuel) comme
sous son domaine. En Europe et en France, la convergence numérique des télécoms et de
l’audiovisuel est traduite dans le changement de sémantique officielle : « communications
électroniques ».1689 La définition officielle du synonyme de l’audiovisuel français reste encore
très proche des modes de transmission. L’effort du législateur est de ressortir la finalité sonore
et télévisuelle des modes de transmission satellitaires, filaires, terrestres ou hertziennes de
signaux.1690 Mais, la faiblesse de la définition congolaise est de ne pas inclure les éléments de
définition distinctifs, comme « la communication au public de contenu » en vue d’exclure
celles ayant le « caractère d’une correspondance privée ».1691

1683
L. BUSHABU WOTO, De la mise en œuvre de la régulation des télécommunications en droit congolais (RDC), Mémoire
pour obtention de BADGE, Promo 2005, Télécom Paris Ecole nationale supérieure des télécoms (ENST)/Arcep Burkina
Faso/Institut de la Banque mondiale/ESMT Dakar, Ouagadougou, 2005, p.13-17.
1684
J. CATTAN, op.cit., p. 17 et s.
1685
UIT, Tendances des réformes dans les télécommunications, 2002, Une régulation efficace, Rapport, Genève, 2002.
1686
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne, op.cit., p.63.
1687
Article 4-9, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. : « Télédistribution : La transmission ou la retransmission à des
abonnés à travers un réseau de câble et/ou hertzien, des signaux de radiodiffusion sonore et de télévision reçus par satellite ou
par un système de terre approprié ou produits localement. »
1688
Article 4-1, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. : « Télécommunication : Toute transmission, émission ou réception
de signe, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de renseignement de toute nature, par fil, radioélectrique, optique ou
autres systèmes électromagnétiques ».
1689
Cf. Partie 2, Titre II, Chapitre 1, §2 de la présente thèse.
1690
Cf. Partie 1, Titre 1, Chapitre 2, section 2 de la présente thèse.
1691
En France, la LCEN (loi n°2004-575) modifie l’article 1er de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relatif à la liberté
de communication, la communication au public par voie électronique est libre. « On entend par communication au public par
voie électronique toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication
électronique, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une
correspondance privée. »
264

660. Cependant, ces mutations peuvent rendre confuses entre activités, médias et
industries, mais elles ne changent pas le domaine de la régulation des télécoms qui reste
précis. « La convergence et la digitalisation révolutionnent l’offre, les contenus et les modes
de consommations médiatiques, entraînant les médias historiques – et plus particulièrement
la télévision – dans une phase de mutation profonde qui devrait conduire à la définition d’un
nouveau modèle de communication. »1692 Les domaines régulés entre l’audiovisuel et les
télécoms se rapprochent avec le risque de se confondre sur l’Internet, mais ils restent distincts.
Dans leurs critères classiques de distinction par arpport à l’uadiovisule, les télécoms
apparaissent comme le « contenant », comme le « véhicule » ou le « support physique et
logique » de l’ensemble des « contenus », y compris ceux mis en ligne sur Internet. Ces
contenus accessibles au public (en ligne) relèvent de l’édition, plus particulièrement de la
diffusion sonore ou visuelle. La régulation des communications audiovisuelles concerne
l’offre de contenus accessibles au public, au moyen de différents médias : la télévision, la
radio ou l’Internet. Leurs cadres réglementaires et leurs régulations sont distincts. Le droit et
la régulation des télécoms s’inscrivent en complémentarité avec le droit des médias
(audiovisuels et Internet). Leurs domaines respectifs sont les réseaux et les services, supports
de communications électroniques. Ceux-ci ont désormais été inclus à la demande de SMAD
dans les services de médias audiovisuels.1693
661. Sur le plan organique, la RDC reste encore dans la tradition des ministères des PTT,
parce qu’il n’existe pas un ministère de l’économie numérique.1694 Ainsi, la réglementation du
secteur d’activités audiovisuelles relève d’un autre ministère en charge des médias et de
l’information. Le régulateur de l’audiovisuel est concerné par les programmes et les contenus
mis à disposition du public. Son régulateur sectoriel est le CSAC1695 depuis 2011 en RDC,
l’équivalent en France du CSA depuis 1989.1696 Toutefois, la communication audiovisuelle
requiert l’assignation des fréquences ou l’accès aux ressources des télécoms. Sur ce registre,
le ministère des PTT et l’Autorité de régulation interviennent pour délivrer les autorisations
indispensables à l’utilisation des moyens des communications, après avis favorable du
ministre des médias, au vu du projet éditorial (contenu des communications). 1697
662. À titre illustratif, certains pays africains ont déjà pris en compte l’importance de
l’apport de la convergence numérique dans la régulation nationale. Ils ont modifié les
attributions sectorielles des différents régulateurs, pour les fusionner en un

1692
M. HANOT, « Nouveaux écrans, nouvelle régulation ? Prendre le tempo et le temps de la mutation », in P.F. DOCQUIR et
M. HANOT, (sous la dir.), op.cit., p. 9.
1693
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, pp. 466-467. Loi n°86-1067, article 1 au sujet des SMAD définis à l’alinéa 6 comme:
« tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programme au moment choisi
par l’utilisateur et sur sa demande, à partir d’un catalogue de programme dont la sélection et l’organisation sont contrôlé par
l’éditeur de service ».
1694
En France, le réaménagement du portefeuille ministériel des PTT a donné lieu à la création du ministère de l’économie
numérique. La Côte d’Ivoire a fait de même dans son cadre organique. La RDC conserve la logique des PTT. Pour le secteur
des télécoms, le changement d’intitulé aurait traduit l’idée politique d’une gestion d’activités de l’économie de marché, en
rupture avec la logique administrative de gestion d’un service public.
1695
Loi organique n°11/001 du 10 janvier 2011 portant composition, attributions et fonctionnement du Conseil Supérieur de
l’Audiovisuel et de la Communication, in [http://www.leganet.cd/Legislation/JO/2011/JOS.16.01.2011.Loi.11.001.pdf]
(consulté le 17 juin 2017)
1696
E. DÉRIEUX, Les droits des médias, op.cit., pp. 49 et s. « L’article « 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 fait du CSA une
"autorité indépendante". Si ce n’était pas le cas, l’indépendance des médias audiovisuels ne serait pas garantie ! ». M.-A.
FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation…op.cit., p. 54-55. « Le CSA est une AAI qui a pris la suite de la haute autorité
de l’audiovisuel, par la loi du 17 janvier 1989. Elle a pour fonction première d’assurer l’autonomie de la télévision publique
par rapport au pouvoir politique. »
1697
En France, l'ARCEP traite de la régulation des communications électroniques et le CSA traite de la régulation de
l'audiovisuel.
265

seul « convergent ». Ainsi, l’Afrique du Sud,1698 le Kenya1699 et la Tanzanie1700 disposent d’un


régulateur unique des télécoms et de l’audiovisuel. Les pays concernés sont, de tradition
juridique anglo-saxonne, sans doute s’inspirent-ils de la Grande-Bretagne qui avait fusionné
dans l’OFCOM les anciens régulateurs, séparés des télécoms (OFTEL) et de l’audiovisuel.1701
663. Cependant, avec l’Internet les mutations nécessaires ont un large domaine. Le droit
comparé européen contribue à l’avancée du champ de la régulation des communications
électroniques. Elle consiste à assurer, par les opérateurs de réseaux et les fournisseurs de
service, le respect de la réglementation. Elle reste du ressort d'une autorité nationale de
régulation qui doit être strictement indépendante de toute influence des forces économiques
et/ou politiques ainsi que d’autres entités privées transnationales. La régulation de l’Internet
n’a plus uniquement pour objet et objectif les problématiques de l’accès et du fonctionnement
du marché électronique, mais elle connait aussi une nouvelle « génération de difficultés
propres à l’économie numérique ». En effet, le site web implique l’utilisation de divers
éléments tels que le texte, des éléments graphiques, sonores ou audiovisuels et nombre de ces
mêmes sites exploitant la base de données, des recueils d’information ».1702
664. Dans leurs missions, les autorités de réglementation nationales des télécoms
doivent rester autonomes vis-à-vis des régulateurs techniques transnationaux, des
gouvernements étrangers, du marché numérique mondial et aussi d’autres régulateurs
transversaux. L’expérience de la régulation sectorielle se renforce à travers des réseaux
internationaux, continentaux ou régionaux de régulations pour éviter des conflits de
compétences, mais aussi pour assurer des collaborations nécessaires et d’intérêts. L’enjeu
devient l’approfondissement de leur statut commun, d’indépendance selon leurs objets
techniques particuliers, tout en mutualisant leurs rôles, dans les objectifs convergents.1703
665. Il n’en demeure pas moins que « la régulation de l’Internet » ne peut pas être
intégralement le fait des autorités de réglementation des télécoms comme l’ARPTC ou son
équivalent français l’ARCEP. Les aspects qu’elle comporte, sont transversaux, multiples et
parfois en dehors du cadre juridique et institutionnel des télécoms. Plusieurs autorités et
entités nationales, internationales ou transnationales sont impliquées dans la gestion de
l’internet concernant : les ressources-racines du nom de domaine TLD (ICANN), les activités
1698
En Afrique du Sud, la même approche est constatée à travers son nouveau régulateur : l’ICASA, Independent
Communications Authority of South Africa (en anglais). Il est issu de la fusion des deux organes de régulation antérieurs,
établis séparément par les télécoms (ex-IBA, Independant Broadcasting Authority [notre traduction française, Autorité
indépendante de l’audiovisuel]) et la radio-télédiffusion (ex-SATRA, South African Telecommunications Regulatory
Authority [notre traduction française, Autorité de régulation des télécommunications sud-africaines]).
1699
Au Kenya, la loi sur les télécommunications de 2009 modifie la loi sur le même objet, à savoir la Kenyan
Communication Act (KCA) n°2 de 1998. Sur la base de la KCA, il fut créé en 1999 l’autorité des communications du Kenya
(CAK, Communication Authority of Kenya en anglais). La Communication Authority of Kenya CAK avait été instaurée
comme régulateur du sous-secteur des PTT et gestionnaire national des fréquences radioélectriques. Au regard de la
convergence numérique, la loi kenyane de 2009 a étendu la mission de la CAK aux services de la radiodiffusion, des
multimédias, des télécoms et postaux ainsi que le commerce électronique. Le législateur entend faciliter le développement
des secteurs de l’information et de la communication dans leur ensemble.
1700
La Tanzanie est aussi concernée par la même expérience. La TCRA, Tanzanian Communications Regulatory Authority
est le fruit d’adaptation de la régulation à la transition numérique des TIC. La TCRA est la fusion des régulateurs des
télécoms (ex-TBC, Tanzanian Broadcasting Commission [notre traduction, Commission des communications de la
Tanzanie])
1701
[www.ofcom.org.uk] (consulté le 17 mai 2016). ’’We regulated the TV, Radio and video on demand sectors, fixed line
telecoms, mobiles, postal services, plus the airwaves over which wireless devices operate.’’(Notre traduction : nous régulons
les secteurs de la télévision, de la radio et de la vidéo à la demande, les téléphones fixes, les réseaux mobiles, les services de
post, en plus des fréquences sur lesquelles les appareils sans fil fonctionnent.)
1702
J.-M. MOULIN, « Rapport introductif », in S. CHATRY (sous la dir.), op.cit., p. 29.
1703
M.-A. FRISON-ROCHE, Internet, espace d’interrégulation, Dalloz, Paris, 2016, pp. 3-183. L. BENZONI et P. DUTRU, « De
l’accès aux infrastructures à l’accès aux moyens numériques : nouvelle frontière de la régulation des communications
électroniques », in M.-A. FRISON-ROCHE, op.cit., pp. 17-41.
266

numériques (ANC : autorité nationale de la concurrence, DGCCRF, CSCE), les données


personnelles (CNIL) et la régulation technique (IETF), etc. En tant que réseau des télécoms,
sa gouvernance est effectuée par les autorités nationales de réglementation (ARN) des
télécoms (ARPTC et ministère des PTT), s’il s’agit d’accorder des autorisations d’accès au
marché et/ou des offres d’accès au public dans leurs rapports avec les prestataires techniques
établis (opérateurs, transporteurs, hébergeurs, FAI). Ceux-ci sont sous la régulation des
télécoms en leur qualité d’exploitants de réseaux de télécoms nationaux, donnant accès à
l’Internet. Mais l’emprise s’arrête là, car l’Internet « favorise le glissement du schéma
"monolithique pyramidal", que caractérise l’État moderne, vers une architecture normative
polycentrique dans le cadre de laquelle les pouvoirs publics sont côtoyés par des entités non
étatiques dans l’exercice de la fonction de régulation. »1704 Concernant la régulation de
l’Internet, Luca belli conclut en « l’inadéquation à la réalité du vieux modèle
"statocentrique1705" [de l’OMC]. L’activité régulatrice d’origine publique est donc complétée
Ŕ ou parfois concurrencée Ŕ par des mécanismes autorégulatoires, dans lesquels les auteurs et
les destinataires de la régulation coïncident, ainsi que par des modèles de régulation
contractuelle.1706 »
666. Les questions sur la régulation de l’Internet relèvent « des nouveaux défis de
législation des télécoms pour l’accès de la RDC à l’économie numérique ».1707 Dans le
présent chapitre, la logique se limite à définir le domaine de la régulation sectorielle des
télécoms, en précisant son objet technique. Il est indispensable d’appréhender et d’expliciter
en premier lieu l’objet de la régulation sectorielle issue de la transformation des institutions
juridiques des télécoms de base, pour ensuite cerner les nouveaux défis juridiques, liés à la
régulation de la convergence numérique et de l’Internet. Maintenant que l’objet de la
régulation des télécoms de base est défini et ses mutations profilées, il convient d’analyser les
contraintes générales d’application avec la diversité des prestataires. Comme la régulation
elle-même, la pluralité d’acteurs inégalitaires sur le marché est une conséquence de la
déréglementation ; celle-ci a produit un système complexe de marché en lieu et place de
l’ancien système de monopole public. Telle est la contrainte du modèle de l’OMC. (§2.)

§2. Les contraintes générales de la régulation du marché libéralisé des télécoms


face à la diversité des prestataires en RDC

667. En RDC, la régulation sectorielle est source de contraintes pour son application.
Outre le fait que la libéralisation des télécoms s’est faite sans préparation de l’État, elle
comporte beaucoup d’artifices et d’archétypes à réguler par rapport au marché des télécoms.
D’une part, la pluralité d’acteurs et l’effacement de l’exploitant public rendent cruciale la
mission déjà délicate du régulateur des télécoms. (A/.) D’autre part, le comportement
économique des acteurs privés complique la réalisation des principaux objectifs d’équilibre du
marché et d’intérêt général, eu égard aux tendances générales de défaillance des marchés en
Afrique. (B./)

1704
L. BELLI, op.cit., pp. 26 et 27.
1705
G. TIMSIT, « La régulation, la notion et le phénomène. », RF adm. publ., n°109, janvier 2004, p. 8. Selon l’auteur, la
régulation est conçue comme un « moyen de pallier les déficiences de la hiérarchie » du modèle étatique traditionnel [sur le
champ de l’Internet univers numérique].
1706
F. CAFAGGI, « Le rôle des acteurs privés dans les processus de régulation : participation, autorégulation et régulation
privée », RF adm. publ., n°109, janvier 2004, p. 28.
1707
Cf. Partie 2, Titre 1, Chapitre 2, Section 2 de la présente thèse.
267

A./ LA NÉCÉSSITÉ DE LA RÉGULATION DU MARCHÉ LIBÉRALISÉ DES TÉLÉCOMS EN RDC


668. Au début des années 1990, la plupart des États africains, y compris la RDC, ne
disposait pas de ressources publiques leur permettant d’affronter les derniers soubresauts du
Colbertisme high-tech, comme en France avant la libéralisation.1708 Pour ces États, l’enjeu
immédiat des réformes néolibérales était l’arrivée massive de l’investissement privé ainsi que
l’apport des capitaux pour le développement du secteur des télécoms.1709 La transition pour un
désengagement de l’État devait permettre de construire les réseaux, d’accueillir des
investissements nouveaux et/ou de réaliser les objectifs de service universel.1710
669. En accélérant le rythme des économies, la mondialisation a provoqué une rapide
transformation des services publics congolais. En 2002, la loi-cadre a lancé la dérégulation
officielle des télécoms. Mais dès les premiers instants du processus, le pays a expérimenté de
facto la pleine concurrence du marché, alors que celle-ci avait fait l’objet d’une progression
encadrée en Europe durant plus d’une décennie (1984-1997).1711 Entre l’accord OMC de 1997
et l’année 2004 en Afrique, seuls 14 pays africains sur 55 n’avaient pas encore libéralisé leurs
secteurs.1712 L’Europe et l’Afrique ont enregistré respectivement 88% et 85% des États qui
ont autorisé la concurrence en cette période.1713 Dans la foulée, la RDC a été confrontée à une
exposition aux marchés internationaux, sans que ses institutions publiques ne soient préparées
à un minimum de régulation, faute d’expérience cognitive du modèle de déréglementation.
Ainsi, « l’espace public était le monopole de l’État, […] maître de la force légitime.
Désormais, l’État est un acteur parmi beaucoup d’autres : multinationales, […] organisations
interétatiques…et individus ».1714
670. Par ailleurs, l’impact de l’État s’est trouvé réduit suite à l’arrêt d’activités de
l’opérateur historique sur le marché, aux débuts de sa dérégulation. « Le pouvoir [de l’État]
se décompose […] ce qui reste du pouvoir se distribue en fonction de la capacité à contrôler

1708
Ibidem, p. 3. P.A. SAMUELSON, « The pure theory of public expenditures », Review of Economics and Statistics, vol.36,
1954, p. 387-389. R.A. MUSGRAVE, The theory of public finance, MeGraw-Hill, New York, 1959. Les idées d’État
mercantiliste de Colbert constituent des cas de confrontations d’école avec Adam Smith, pour un État-gendarme limité à la
défense ou à l’administration de la justice, sinon à la réalisation de grands travaux d’insuffisante rentabilité pour être produit
par les marchés. Mais les synthèses des travaux de Samuelson et Musgrave, en faveur de l’État-régulateur, « justifient au
contraire une intervention plus importante des pouvoirs publics fondée sur la correction des « défaillances » du marché. »
1709
Par ailleurs, un exemple mérite d’être évoqué : en Afrique, le Maroc reste le pays africain à avoir tiré le plus gros
avantage financier immédiat de la transition de ses services publics monopolistiques des télécoms vers leur libéralisation et
leur mondialisation au sein de l’OMC. En effet, il fut l’un des premiers pays africains à avoir octroyé une licence de
téléphonie GSM à un nouvel opérateur sur son marché, pour le chiffre record d’un milliard de dollars en 1999. Depuis lors,
son autorité de régulation œuvre à approfondir la libéralisation progressive du secteur. D’autres licences concernant les
technologies GMPCS, VSAT, Fixe, 3G et le partage des ressources radios (3RP) ont été ensuite attribuées. L’introduction de
la concurrence et la privatisation de l’opérateur historique ont permis un développement important du marché marocain aussi
bien en terme de consommation que celui de dynamisme de l’offre. En effet, ces actions ont permis une forte progression du
nombre d’abonnés mobiles, qui a été multiplié par 30 en quatre (4) ans. Outre les bénéfices financiers de vente de licence, les
chiffres renseignent la progression d’un taux de pénétration de la téléphonie (de 6 % en 1997 à plus de 35 % en 2004) ainsi
que l’élargissement de la couverture de la population marocaine, qui atteint actuellement près de 95 %.
1710
Les articles 39 et 40 de la Loi-cadre sur les télécoms (RDC) sont la preuve de cette motivation d’enjeu. Il dispose que les
recettes générées par l’activité des télécoms servent au développement du secteur des TIC. D’où la construction d’un fond de
service universel alimenté par une quotité des taxes et redevances dudit secteur.
1711
Cette période de 1984 à 1997 se situe entre le premier Sommet de Fontainebleau sur une Europe des télécoms, les
premières mesures de libéralisation de 1988 par la Commission de la communauté européenne et les dernières directives
ONP ayant assuré la fourniture d’un réseau pleinement ouvert à la concurrence, avec l’instauration des ARN des télécoms.
Ce fut une période de treize (13) ans de préparation pour l’Europe alors que la RDC dût la franchir en moins de cinq (5) ans,
séparant la signature de l’accord spécifique de l’OMC de 1997 et la LCT de 2002. Cf. Partie 1, Titre II, Chapitres 1 et 2 de la
présente thèse.
1712
J. DO-NASCIMENTO, « Le développement du téléphone portable en Afrique », p.1 [www.iut-orsay.u-psud.fr] (consulté le 21
novembre 2016).
1713
J. DO-NASCIMENTO, op.cit., in J.J. GABAS, op.cit., p. 137.
1714
PH. MOREAU DEFARGES, La Gouvernance, op.cit., p. 45.
268

les flux. »1715 L’exploitant public était inactif sur le marché à la promulgation de la loi-cadre
de 2002. Cette inactivité a réduit la présence nécessaire de l’État telle que conçue par la
politique législative, pour aider l’ouverture du marché. Le vœu du législateur était de disposer
d’un opérateur étatique dans la gestion et le contrôle des flux de communications nationales et
internationales. Il devait jouer le rôle central dès les premiers instants de la dérégulation, en
offrant l’infrastructure de base pour l’interconnexion de tous les réseaux des opérateurs
privés. La défaillance de l’exploitant public a laissé libre cours à la concurrence, non
seulement sur les segments dédiés à cet effet, mais aussi sur celui réservé. La libre entreprise
devrait offrir aux opérateurs non seulement le droit d’accès au marché, mais aussi les
garanties d’un environnement stable et digne de foi ne pouvaient être fournies par le marché
seul.1716
671. La dérégulation a entraîné l’entrée massive et diversifiée des opérateurs privés et
multinationaux sur l’ensemble des marchés africains, y compris congolais.1717 Au cours de la
période 2002-2003 correspondant à celle de la loi-cadre, cent (100) opérateurs étaient
recensés en activité sur le continent noir, avec une diversité de cinq opérateurs privés par
pays.1718 En RDC, l’entrée des opérateurs concerne encore le marché de la téléphonie mobile,
puisque la concurrence à ce jour reste faible sur le segment de la téléphonie fixe.1719 Le
tableau général donne un aperçu de l’afflux d’opérateurs étrangers, lors de leur prise de
position durable dans les marchés électroniques des États africains.1720
672. Ainsi, des enjeux nouveaux de régulation économique apparaissent suite à l’entrée
des opérateurs privés multinationaux et à leur prise de pouvoir sur des segments de marché,
en supplantant nettement les opérateurs publics monopolistiques d’autrefois. Le constat est
fait en RDC : les opérateurs privés sont devenus plus dominants sur le segment de la
téléphonie mobile ou de l’Internet mobile, là où il n’a jamais existé d’opérateurs historiques.
La diversification des opérateurs du marché reste un trait caractéristique de la transformation
des services publics. Elle apporte à la régulation des contraintes générales pour gérer les
risques et traiter les distorsions de marché. En un bref délai, le marché congolais autrefois
monopolistique se transforma en marché d’oligopoles, traduisant les faiblesses les plus
courantes des marchés africains. En effet, les multinationales privées adoptèrent des types de

1715
Ibidem, p. 50.
1716
J. CATTAN, op.cit., pp. 15 et s.
1717
J. DO-NASCIMENTO, « Le développement du téléphone portable en Afrique », p.1 [www.iut-orsay.u-psud.fr] (consulté le 21
novembre 2016). En outre, il y a un fait remarquable, les opérateurs étrangers sont les plus nombreux sur le marché :
Vodafone de la Grande-Bretagne, Portugal Télécom, France Télécom, Malaysia MSI Cellular des Pays-Bas, etc. Malgré
l’européanisation dominante, l’Afrique connaît néanmoins des opérateurs multinationaux d’origine africaine : l’égyptien
Orascom télécom, les sud-africain Vodacom et MTN, etc.
1718
A. BAMDÉ, L’Architecture normative du réseau Internet, esquisse d’une théorie, L’Harmattan, coll. Le droit aujourd’hui,
Paris, 2016, p. 16-19. L’étape présente de notre thèse ne s’intéresse pas à la cartographie précise des acteurs ni à examen de
marché, car il ne s’agit pas d’une étude de l’économie de la régulation. Néanmoins, à ce jour la cartographie générale des
acteurs du marché africain comporte un très grand nombre d’acteurs diversifiés : fournisseurs d’accès à Internet, opérateurs
de transport, hébergeurs, opérateurs de cache, autres fournisseurs de moyens et de contenus, fabricants d’équipement
expérimentaux, etc. L’architecture de l’Internet regroupe aussi une pluralité d’acteurs non-recensés dans les textes officiels
nationaux, mais qui participent à l’écosystème numérique.
1719
B. POLLE, « Téléphonie mobile : le nombre d’abonnés africains en hausse de 70% depuis 2010 », Jeune Afrique,
rubrique Économie, entreprises et marchés, 1er août 2016 [www.jeuneafrique.com/345544/economie/État-de-leconomie-mobile-
afrique-rapport-gsma-2016] (consulté le 21 novembre 2016). Selon des chiffres récents de GSMA (Dar-Es-Salaam, 26 au 28
juillet 2016), environ 46% des 1,17 milliards d’africains avaient souscrit à des offres de téléphonie mobile, soit 557 millions
d’abonnés uniques à la fin de l’année 2015. Ce qui constitue un bond de +70,34% par rapport aux 327 millions d’abonnés
uniques de 2010 (31% des 1,04 milliards d’africains) recensés alors par GSMA. Selon ses projection de croissance, le chiffre
de 725 millions d’abonnés uniques est envisagé à échéance 2020, et ce principalement au Nigéria, en Ethiopie, en Egypte, au
Kenya, en Tanzanie, en RDC et en Algérie. Les usagers africains qui possèdent souvent plusieurs cartes SIM, cumulaient 965
millions de SIM à la fin 2015. Une progression du chiffre à 1,3 milliards est possible fin 2020.
1720
J. DO-NASCIMENTO, op.cit., p.137.
269

stratégies les positionnant en situation de puissance sur les marchés africains, ce qui rendit
encore plus difficile la réalisation de l’équilibre sur le marché. Très rapidement, le pays se
retrouva dans le contexte général des États africains, dont la « défaillance de marché »1721 et la
« capture du régulateur »1722 sont les faiblesses les plus courantes. C’est ce qu’a soutenu
précisément le rapport 2016 de la Banque Mondiale sur les dividendes numériques.
673. Particulièrement pour l’Afrique, « les nouveaux modèles d’affaires doivent souvent
leur succès au fait qu’ils s’attaquent à des marchés qui connaissent des distorsions profondes
et sont pratiquement dominés par des monopoles ou des oligopoles. Il convient donc de
mesurer le risque posé par l’entrée de nouveaux acteurs sur un marché sous-réglementé à
l’aune des avantages que peut présenter pour les consommateurs une offre de services moins
chers et plus commodes ».1723
674. Concernant la régulation, au sein des États, « La mise en œuvre de cette fonction
suppose la réunion de plusieurs conditions : une position d’extériorité par rapport au jeu
économique ; une capacité d’arbitrage entre les intérêts en présence ; une action continue afin
de procéder aux ajustements nécessaires ».1724 L’autorité « régulatoire » est à bâtir dans la
qualité de ses mesures, comportements et réponses face à l’état situationnel des forces du
marché libéralisé et mondialisé. La régulation correspond à « [l]’idée de gouvernance [qui]
illustre la transformation du rôle et de la légitimité de l’État ».1725 En effet, le système de
marché régulé est le « reflet d’une organisation politique ».1726 Dans le modèle post
révolutionnaire de l’État marqué par la verticalité et la séparation des pouvoirs, « les autorités
de régulation ont été imposées par des directives européennes à partir des années 1990 ».1727
Même en France, comme le rappelle Marie-Anne Frison Roche, pendant une longue période
le modèle de régulation économique a eu du mal à y être accepté sous forme d’organisation.
La régulation prend la « forme d’organes pouvant être administratifs mais devant être
nécessairement indépendants du gouvernement dès le moment qu’opéraient sur le marché des
entreprises publiques, mais qui elles aussi obéissaient au gouvernement à travers la théorie de
l’État actionnaire ».1728
675. Pour le droit positif congolais, l’Autorité de régulation est donc au cœur des enjeux
de l’équilibre et du bon fonctionnement du marché libéralisé, étant donné que le secteur
public fait l’objet de déréglementation. Ainsi, le troisième protocole annexé à l’AGCS de
l’OMC de 1994 exigeait des États signataires africains, l’idée de la législation concurrentielle
d’application ex ante. Celle-ci fonde la nécessité de mesures de régulation non correctives,
mais préventives pour des pratiques anticoncurrentielles ou répréhensibles. La mission du
régulateur consiste à prendre en considération la multiplicité d’intérêts présents sur les
marchés libéralisés et de faire en sorte qu’un équilibre s’instaure entre, d’une part, les

1721
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation…op.cit., p.55. « Le marché est normalement autorégulé. Il subit les
défaillances ponctuelles lorsque des agents ont des comportements anticoncurrentiels, principalement l’entente ou l’abus de
position dominante […], sanctionnés ex post par les autorités dans des décisions individuelles ponctuelles. »
1722
B. JAFFRÉ, op.cit., p. 77. Dans le cadre de la réforme mondiale du secteur des télécoms, les effets attendus pour le
consommateur sont la qualité des services et une baisse des prix qu’autorisent en principe la réduction des coûts inhérents au
progrès technologique et le caractère désormais concurrentiel de l’environnement sectoriel. L’observation en Afrique a
démontré que les opérateurs privés entrent en compétition sur des aspects de qualité des services, de couverture radio du
pays, en consolidant leurs positions de groupe multinational simultanément dans plusieurs pays.
1723
BANQUE MONDIALE, Rapport mondial 2016, op.cit., p. 19.
1724
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne, op.cit., p. 63.
1725
PH. MOREAU DEFARGES, La Gouvernance…, préc.
1726
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation…op.cit., p.34. Verbo « Check and balance ».
1727
Ibidem, pp. 34 et 35.
1728
Ibidem, pp. 35.
270

préoccupations économiques gouvernant les positions et d’autre part, les activités de


l’opérateur historique ou des nouveaux entrants.1729
676. Aussi, la dérégulation pose-t-elle la contrainte de la reconnaissance et de la garantie
juridique de la concurrence, qui suppose l’ouverture du droit d’accès aux marchés.
L’intervention de la puissance publique doit établir effectivement une égalité réelle entre
acteurs.1730 L’efficacité de la régulation sectorielle demande d’éviter des connivences
d’intérêts, tout en justifiant la défense des intérêts de l’État, souvent réalisée à travers
l’opérateur public. Au départ de la transition, il était important que le statut et les mesures du
régulateur traduisent son indépendance, afin de renforcer son acceptation au titre de consensus
intermédiaire, avant la transformation de l’opérateur historique (en société ou en la
privatisant). 1731
Notre tableau: entrée de nouveaux opérateurs de téléphonie mobile
aux premières années post-déréglementations en Afrique (2002-2004)

Années 1 seul 2 opérateurs en 3 opérateurs 4 opérateurs en 5 opérateurs 6 opérateurs


opérateur en activités : en activité : activité : en activité : en
activité : activité :

2003 12 pays 21 pays 8 pays 6 pays 2 pays 0 pays

Libye, Maroc, Tunisie, Égypte, Bénin, RDC,


Cap Vert, Mali, Mauritanie, Burkina-Faso, Ghana, Tanzanie
Gambie, Niger, Sénégal, Côte d’Ivoire, Nigeria,
Guinée Togo, Sierra- Guinée, RSA, Madagascar,
Équatoriale, Leone, Congo, Zimbabwe,
Lesotho, Angola, Ouganda, Gabon
Namibie, Botswana, Algérie
Swaziland, Malawi, Zambie,
Rwanda, Mozambique,
Djibouti, Tchad,
Ethiopie, Cameroun,
Somalie, Centrafrique,
Érythrée Kenya, Soudan,
Maurice, Réunion
2004 14 pays 21 pays 14 pays 4 pays 0 pays 1 pays

Libye, Algérie, Angola, Burkina, Bénin, RDC


Cap Vert, Botswana, Burundi, Ghana,
Gambie, Cameroun, Congo- Nigeria,
Guinée Egypte, Gambie, Brazza, RCA, Tanzanie
Équatoriale, Kenya, Malawi, Côte d’Ivoire,
Lesotho, Mali, Maroc, Gabon,
Namibie, Maurice, Guinée,
Swaziland, Mauritanie, Lesotho,
Rwanda, Mozambique, Madagascar,
Djibouti, Niger, Réunion, Ouganda,
Ethiopie, Sénégal, Somalie,
Somalie, Seychelles, Sierra RSA, Zambie,
Érythrée Léone, Tchad, Zimbabwe
Togo, Tunisie

1732 1733
Sources : pour les années : 2002-2003 et 2004

1729
T. PENARD et N. THIRION, op.cit., p.1.
1730
J. CATTAN, op.cit., pp. 19-22, 24 et 27.
1731
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 2 de la présente thèse, quant aux schèmes généraux de la dérégulation de l’OMC.
1732
Source : [http://www.cellular-news.com/coverage] ; [http://www.ibctelecoms.com.gsmafrica] ; [http://www.cellular.co.za]
1733
Source : chiffres cités par J. DO-NASCIMENTO, « Le développement du téléphone portable en Afrique », préc.
271

677. Globalement, la dérégulation incite et arbitre le jeu de la concurrence. Mais la


libéralisation a suscité des problèmes d’attribution entre acteurs démultipliés, disposant des
prérogatives particulières de droit public ou exerçant des rôles distincts sur le marché, avec
des influences différentes. La fonction de régulation est destinée à gérer ces rapports
complexes, à la fois économiques, techniques, politiques et juridiques. Elle doit veiller à la
prévention et au règlement des conflits, mais surtout à la loyauté de la concurrence en édictant
des directives et des lignes de conduite ex ante. Ces dernières ont l’avantage d’être très
proches de la pratique des affaires dans la filière des télécoms. Pour associer concurrence et
intérêt général, le rôle du régulateur nécessite une gouvernance, en « osmose entre
l’organisation et son environnement »,1734 Son type d’action confirme que « [l]a persuasion
remplacerait la force ».1735 La contrainte de la régulation est d’être « réflexive » c’est-à-dire
« [l]’ordre au lieu d’être imposé d’en haut (top-down) et détesté, est modelé d’en bas (bottom-
up). L’enjeu n’est plus de se mobiliser contre un ennemi extérieur mais d’obtenir le
consentement de chacun à des disciplines ».1736
678. Ainsi, l’équilibre du marché libéralisé est l’enjeu principal de la régulation. La
régulation sectorielle doit créer et préserver la concurrence effective sur les marchés (lien
avec la politique antitrust). Elle doit aussi conserver un contrôle sur la production et
l’évolution de celle-ci (lien avec la politique technologique et industrielle), et doit enfin
assurer la redistribution des avantages de la libéralisation du marché, en faveur des catégories
déterminées de la population ou des territoires (service universel, baisse des prix, qualité des
services). Le rôle de l’État-régulateur est de veiller autant à l’intérêt général qu’au
développement du marché. On peut prêter à la concurrence des vertus pour atteindre des
objectifs sociaux que le monopole public n’a pas su garantir, mais il faut un régulateur pour
imposer au marché des obligations anticoncurrentielles ou de service public. Le modèle de
gouvernance de la dérégulation implique un pouvoir doux (soft power), agissant par
l’incitation et la persuasion, en opposition au pouvoir dur (hard power) imposé par la
force. »1737

B./ L’AUTORITÉ DE LA RÉGULATION ÉTATIQUE FACE AU MARCHÉ OUVERT DES TÉLÉCOMS

679. En réalité, la fonction du régulateur (ARPTC) s’installe au milieu des intérêts


divergents des acteurs du secteur. Le risque de capture du régulateur par les différents
protagonistes du secteur est bien présent.1738 Le droit de la régulation insère donc une sorte de
contrainte des rapports de force. Mais une fois ces éléments incorporés, le but est d’obtenir les
équilibres souhaités par leur seul jeu. Des contraintes apparaissent à la fois au sujet de ces
derniers et de la volonté de les laisser jouer dans un cadre juridique structurellement modifié
par la loi.
1. Les aspects économiques de la régulation du secteur des télécoms
680. Des problèmes nouveaux se sont posés, notamment : l’émergence des puissances et
des dominances sur le marché autrefois monopolistique. Le phénomène s’illustre également
sur de nouveaux segments de marché qui n’avaient pas connu d’opérateurs historiques. Il
apparut donc la nécessité de répondre, notamment, aux questions de « position dominante
dérivée » qui n’étaient plus l’œuvre de monopole. Les forces du marché ouvert ont produit
1734
PH. MOREAU DEFARGES, La Gouvernance …op.cit, p. 57.
1735
Ibidem, p. 55.
1736
Ibidem, pp. 37-38.
1737
Ibidem, p. 53.
1738
I. CROCQ, op.cit., pp. 2 et s.
272

une « situation assimilable à la détention d’une position dominante, consistant en une position
de prééminence sur un marché distinct, de nature à créer une dominance dérivée, pouvant
empêcher l’accès au marché connexe ».1739 Tel est le cas d’un nouvel entrant sur le marché du
mobile, offrant également des services sur l’ensemble des marchés connexes, où il n’y a
jamais eu d’opérateurs historiques dont on aurait redouté l’abus de position dominante ou
l’unilatéralisme des décisions. 1740
681. À titre d’exemple en RDC, trois opérateurs dominants, détenant 91% du marché des
télécoms et de l’Internet mobile1741, décidèrent en juin 2016 d’augmenter les tarifs de l’ordre
de 500%, sans préavis légal.1742 Pris au dépourvu, le régulateur (ARPTC, en charge de
« définir les principes d’interconnexion et de tarification des services publics des PTT »1743)
dut demander aux opérateurs de revenir à leurs tarifs initiaux au regard de la loi-cadre
(LCT).1744 À part un opérateur local, tous les opérateurs multinationaux oligopolistiques n’ont
obtempéré que modérément à l’injonction. Les tarifs ont été baissés, mais sans revenenir à
leur niveau initial à la hausse unilatérale.1745
682. Il apparaît que certaines défaillances du marché empêchent la baisse tarifaire,
escomptée comme objectif de libéralisation au profit des consommateurs. Le résultat d’une
concurrence par les prix, - dite « guerre des prix » - est certes bon pour le consommateur
africain à faible pouvoir d’achat, mais elle n’est pas profitable dans le rapport entre le coût
d’investissement pour le service final rendu et le prix payé pour sa consommation. Une
politique tarifaire favorable à la réduction des coûts ne permet pas aux opérateurs privés de
"rogner" les parts de marché de leurs concurrents et affecte inutilement leurs revenus.1746
683. Par conséquent, « la guerre des prix » laisse place à la technologie et aux nouveaux
services qui créent un atout distinct, singulièrement attrayant pour un opérateur vis-à-vis de la
clientèle du marché, sans affecter son propre retour sur investissement.1747 Comme le
« dumping » (« casser les prix ») n’est pas l’objectif recherché des firmes multinationales,
celles-ci vont privilégier d’autres formes de concurrence. Il s’agit notamment des stratégies
commerciales suivantes : 1° celles préservant leurs parts de marché mondial, 2° celles
renforçant leurs résultats d’exploitation et par conséquent leurs positions d’oligopoles et 3°

1739
T. PENARD, « L’accès au marché dans les industries du réseau : enjeux concurrentiels et réglementaires », RIDE, n°2/2,
Paris, 2002, pp. 293-312.
1740
T. PENARD et N. THIRION « La régulation dans les télécommunications : une approche croisée de l’économie et du
Droit », p. 5 [https://scholar.googleusercontent.com/scholar?q=cache:49RX7tVNRdMJ:scholar.google.com/&hl=fr&as_sdt=0,5]
(consulté le 14 juin 2016). T. PENARD, « L’accès au marché dans les industries de réseau : enjeux concurrentiels et
réglementaires », RIDE, n°2/3, Paris, 2002, pp. 293-312.
1741
Pour un ensemble d’environ 35 millions d’abonnés actifs multi-SIM sur le marché congolais des télécoms, les parts de
marché en 2016 sont de l’ordre de : 33% pour « Vodacom » ; 32% pour « Airtel » ; 26% pour « Orange RDC » (depuis son
acquisition officielle le 21 avril 2016 des 100% de part de la société « Tigo RDC »). Cf. aussi « Orange finalise le rachat de
l’opérateur Tigo », 21.04.2016, MCN [www.mediacongo.net/article-actualité-17267.html] (consulté le 20 juin 2016) : « Avec cette
acquisition, Orange consolide sa position en RDC où le groupe français s’est installé en 2012 depuis le rachat des activités de
Congo Chine Télécom, pour un montant de 143 millions d’euros. Orange RDC a connu une croissance solide depuis trois
ans, passant de 1,79 millions d’abonnés fin 2003 à 5,27 millions d’abonnés fin 2015, tandis que son chiffre d’affaires
progressait de 62 millions d’euros à 149 millions d’euros l’an dernier [2015]. Tigo pour sa part revendiquait près de 6
millions d’abonnés et la troisième place en RDC »
1742
A. REVERT, « RDC : envolée des prix de l’Internet », TV5 Monde, 14 juin 2016 [http://information.tv5monde.com/afrique/rdc-
envolee-des-prix-de-l-Internet-112843] (consulté le 8 juillet 2016).
1743
Article 3, point e), Loi n°014/2002 du 16 0ct.2002 portant création de l’ARPTC, préc.
1744
Président de l’ARPTC, Communiqué de presse, 19 juin 2016, Politico.cd, « Internet : L’ARPTC ordonne aux télécoms
de revenir aux anciennes tarifications » [www.politico.cd/actualite/la-une/2016/06/19/Internet-larptc-ordonne-aux-telecoms-de-revenir-aux-
anciennes-tarifications.html] (consulté le 20 juin 2016).
1745
Dans leur propre autorégulation, les opérateurs dominants du marché : Vodacom, Orange et Airtel ont uniformément
revu à 30Gb/mois de forfait Internet pour 100$ alors que seul Africell, est revenu au prix initial de 60Gb/45jours pour 100$.
1746
J. DO-NASCIMENTO, op.cit., p. 140.
1747
Ibidem, p. 140-141, 149 et s.
273

celles réalisées au moyen de « l’innovation technologique et/ou l’absorption des concurrents


et/ou la multinationalisation ».1748
684. Une autre contrainte de la régulation est celle de traiter les défaillances du marché
libéralisé, de manière à ne pas atteindre la capacité des opérateurs privés pour rentabiliser
leurs investissements. Au sens de l’OMC (1997), des mesures complémentaires prémunissent
les opérateurs privés contre une expropriation de jure (nationalisation) ou contre des
restrictions de facto de deux ordres. Les enjeux de l’État vis-à-vis du marché sont donc de :
réduire le risque « régulatoire » et assurer les conditions favorables à l’investissement privé.
Quand certaines mesures émanent de l’État, on parle de régulation, comme le refus d’autoriser
une hausse légitime des prix pour préserver le pouvoir d’achat, d’obligation de service
universel afin d’éviter de se cantonner aux zones économiquement rentables. D’autres
peuvent cependant émaner de l’opérateur historique, notamment : le refus d’interconnexion
ou des conditions inéquitables pour le bénéfice d’égalité de tous les concurrents privés.1749
685. En RDC, la démonopolisation du marché a abouti à la démultiplication des
oligopoles privés, au détriment des aspects attendus des services publics : intérêt général,
service universel par accessibilité des coûts et disponibilité des services. Ce constat est assez
répandu en Afrique. En termes d’enjeux de transition numérique, l’effritement du monopole
public sans une régulation efficace face à la puissance des marchés, est un jeu de réforme
limité. Car, « le caractère oligopolistique du marché agit comme un frein aux retombées
favorables que cette réforme devrait présenter pour le consommateur sur le plan
tarifaire ».1750 Aussi, « la notion de service universel a été forgée comme contrepoids à la
logique de la concurrence. [En effet,] l’universalité n’est pas un attribut général de tout
service public : le service universel correspond en fait à un type particulier de services
publics, le service en réseau couvrant l’ensemble du territoire, voire à certaines prestations
d’un service public donné (par exemple, le téléphone fixe pour les télécommunications) ».1751
Les enjeux de l’accès universel sont étudiés au dernier chapitre de thèse en rapport aux
objectifs initiaux de création du régulateur congolais et aux perspectives d’ajustement de ses
missions à l’ère numérique. Il est question d’analyser les solutions juridiques sur les
transformations oligopolistiques.
686. À la lumière du droit comparé de l’Union européenne, les institutions juridiques ci-
après résument les contraintes décrites ci-dessus : analyse des « marchés pertinents »,
identification des « positions dominantes » individuelles ou conjointes et détermination des
« obligations ex ante ». Malheureusement en RDC, ni le droit de la régulation, ni celui de la
concurrence ne sont encore parvenues ni en pratique et ni par l’expérience cognitive à faire
face à toutes les contraintes décrites ci-dessus. En premier lieu, la régulation économique ex
ante est très effacée face à un marché aguerri, disposant des synergies de groupes
multinationaux et d’une intelligence stratégique aiguisées.1752
2. Les aspects juridiques d’organisation de la régulation ex ante
687. Sur le plan juridique, il n’existe pas de réglementation spécifique, ni de lignes
directrices, ni de mesures d’application. Dans les faits, les acteurs sont préexistants à la loi et

1748
C.A MICHALET, Qu’est-ce que la mondialisation ?, éd. La découverte, 2002, cité par J. DO-NASCIMENTO, op.cit., p. 140.
1749
J. DO-NASCIMENTO, op.cit, p. 128.
1750
P. MUSSO, op.cit., pp. 74 et s. J. DO-NASCIMENTO, op.cit., p. 140.
1751
J. CHEVALLIER, Le service public, op.cit, p. 99.
1752
L. ESSOLOMWA, « Téléphonie mobile : la RDC entre consolider les groupes et ouvrir le marché », 24 juin 2016, Adiac-
Congo/MCN, MediaCongoNet, [www.mediacongo.net/article-actualité-18636.html] (consulté le 8 juillet 2016).
274

leur assise précède celle du régulateur,1753 en accentuant les risques de « capture » du


régulateur » et d’ « asymétrie informationnelle ».1754 En second lieu, le droit de la concurrence
est aussi lacunaire, alors que cette législation ex post pouvait pallier aux pratiques
concurrentielles effectives. Les sources congolaises de la législation ex post sont trop vétustes,
étant de l’époque coloniale et limitées, soit l’ordonnance-loi n°41-63 du 24 février 1950 sur la
concurrence déloyale1755, dont le projet de loi de remplacement n’a été déposé au parlement
qu’au cours de l’année 2016.
688. L’expérience européenne est l’une des plus élaborées et des plus terminées. Elle
résout toutes ces contraintes : l’architecture du droit européen de la régulation (et de celui de
la concurrence) est solide autant que la pratique de ses autorités de réglementation (ARCEP
en France) est adaptée quant à leur application du droit dans l’économie de régulation. En
effet, le cadre réglementaire actuel est constitué du « paquet télécom » (2002-2009),
supplantant au dispositif communautaire des « directives ONP » (1990-1997). L’architecture
normative est formée d’une directive principale complétée d’autres spécifiques, de manière à
couvrir tous les aspects du marché des télécoms. Ainsi, la portée de la « directive "cadre" » est
renforcée par les directives sectorielles en rapport à « interconnexion », aux "autorisations"
(d’accès), au « service universel », à la « vie privée et communications électroniques » et à la
« concurrence ».1756
689. Cependant en RDC, la « loi-cadre sur les télécoms » (LCT) a regroupé dans un seul
corpus juris de seulement 82 articles tous les aspects juridiques précités du marché des
télécoms. Une « licence » ou une « autorisation » spécifiques sont nécessaires pour accéder au
marché congolais, afin d’opérer comme prestataire des services de télécoms.
L’interconnexion est obligatoire entre les réseaux ouverts au public. La finalité est d’éviter
toute réticence, principalement de la part de l’« opérateur historique », à défaut de
transparence sur leurs installations et équipements. Les dispositions de la loi n°014/2002 sur
l’ARPTC comportent 31 articles sur l’organisation de ses structures internes et de ses
missions. Mais cela ne suffit pas, toutes les situations de défaillance du marché semblent
déborder de ses schémas juridiques et institutionnels. Cette comparaison des cadres
réglementaires convainc sur les écarts de niveau de législation de la RDC en droit
comparé.1757 Le constat du retard congolais s’illustre par rapport à l’état des enjeux du marché
1753
A la genèse de la dérégulation en RDC, l’ARPTC a été instituée bien après l’entrée des premiers opérateurs sur le
marché. Dès le départ, la « rente informationnelle » des opérateurs privés influe sur les rapports de forces entre les opérateurs
du marché et l’ARPTC chargé du rôle d’arbitre. Le fait pèse sur le droit, en renforçant l’ « asymétrie d’information » en
faveur du marché des oligopoles et au détriment de son régulateur. La « capture du régulateur » est un risque important face
au comportement stratégique des entreprises privées, mobilisées pour influencer à leur avantage les politiques publiques.
1754
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation…op.cit, pp. 18-20 et pp. 33-34. Le fonctionnement du marché est
idéalement réalisé avec des « relations symétriques » entre acteurs, sauf des cas de « régulation asymétrique » afin d’orienter
le marché vers une tendance » (comme en Grande-Bretagne aux lendemains de la libéralisation en faveur de nouveaux
entrants sur le marché). Mais l’asymétrie d’information est celle qui offre aux managers une « rente informationnelle » leur
permettant de transférer des risques sur les autres et de s’octroyer de nombreux avantages. La capture du régulateur est une
situation qui peut survenir quand une institution perd son indépendance par l’influence exercée par un tiers sur lui, et en
l’occurrence par les acteurs du marché.
1755
Ordonnance-loi n°41-63 du 24 février 1950 sur la concurrence déloyale et sa répression, Bulletin Administratif [Congo-
Belge], 1950, p. 811. Arrêté départemental DENI/CAB/06/013/87 portant création et fonctionnement de la Commission de la
concurrence, JOZ, n°12, 15 juin 1987, p. 62.
1756
Cf. Partie 1, Titre 1, Chapitre 2, Section 1 de la présente thèse. Quatre directives du 7 mars 2002 (directive 2002/19/CE,
dite directive « Accès » ; directive 2002/20/CE, dite directive « Autorisation » ; directive 2002/21/CE, dite directive « service
universel », JOCE, 24 avril 2002, L 108, pp. 7 et s. Directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 (directive « vie privée et
communications électroniques »), JOCE, 31 juillet 2002, L 201, p. 37 et s. Directive 2002/77/CE de la Commission du 16
septembre 2002 relative à la concurrence dans les marchés de réseaux et des services de communications électroniques, JO.
CE, 17 septembre 2002, L 249, pp. 21 et s.
1757
Le §2 du présent chapitre apporte des compléments sur ces écarts des réalités du marché face à la Loi-cadre sur les
télécoms (RDC), afin de présenter les contraintes générales d’application du modèle de dérégulation de l’OMC en RDC.
275

dérégulé. Les prévisions du législateur congolais sont dépassées par rapport aux
transformations du secteur des télécoms, sous l’effet de la déréglementation. Face aux réalités
de l’économie de marché, le recours au droit comparé est donc nécessaire.
690. La partie précédente de notre thèse a structuré « la transition des droits européens et
français d’accès aux télécoms » afin de démontrer que l’économie numérique résulte du
processus de déréglementation des services publics monopolistiques.1758 Mais, la finalité
d’étude de l’expérience européenne, telle que nous l’avions précisément annoncé en première
partie, est de rapprocher les réalités post-monopolistiques des marchés en RDC et en Europe
(France). Les deux marchés ont été soumis au droit de la régulation sectorielle, selon le
processus de l’OMC et la diffusion à l’échelle planétaire des standards des règles de la
mondialisation.
691. En illustration, le droit de l’Union européenne donne des remèdes aux autorisations
de réglementation contre la transformation des marchés de télécoms en structures
oligopolistiques. La directive 2002/21/CE (« directive "cadre" ») et ses « lignes
directrices »1759 tracent un schéma pour trouver des solutions contre les défaillances du
marché. La méthode légale est une trilogie d’étapes à suivre par les ARN, en procédant à
l’identification d’une « puissance » sur un « marché pertinent » avant de prononcer des
« obligations ex ante » à son encontre, pour prétendre à toute situation de concurrence
potentielle.1760
692. Premièrement, les analyses des marchés sont l’appui de toute démarche
d’imposition, pilier des obligations a priori à des opérateurs de télécommunications.1761 En
pratique, l’analyse doit démontrer un marché pertinent, en fonction du critère des produits1762
ou des zones géographiques.1763 Dix-huit marchés pertinents (de gros ou de détail) ont été
identifiés par la Commission européenne, qui laisse aux autorités de réglementation nationales
la faculté de compléter la liste.1764
693. Deuxièmement, la puissance se mesure par rapport au marché, préalablement
déterminé comme pertinent, en vue d’identifier un ou des « opérateurs puissants » à qui le
droit sectoriel s’appliquera a priori. À la différence du droit de la concurrence, il ne s’agit pas
d’une « concurrence effective » constatée ex post (a posteriori), mais d’une prévention ex

1758
Cf. annonce faite à l’intitulé de la première partie de thèse, spéc. : « Titre II : la transition des droits européens et français
d’accès aux télécoms à la base de l’économie numérique (pour l’Afrique et la RRDC ».
1759
Lignes directrices de la Commission sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché en application
du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques, JOCE, 11 juillet
2002, C 165, pp. 6 et s.
1760
Recommandation 2003/311/CE de la Commission du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de
services dans le secteur des communications électroniques, susceptibles d’être soumis à une réglementation ex ante
conformément à la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil relative à un cadre réglementaire commun
pour les réseaux et services de communications électroniques, JO. CE du 8 mai 2003, L 114, pp. 45 et s.
1761
Article 15, directive 2002/21/CE (« directive ’’cadre’’ »), préc.
1762
Il est mis en avant-plan les critères de substituabilité suite à la demande et l’offre sur le marché. Selon la Commission,
« un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme
interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés. »
1763
M. GLAIS, « Analyse économique de la définition du marché pertinent : son apport au droit de la concurrence »,
économie rurale, 2003, n°27, pp. 325-332, cité par T. PENARD et N. THIRION, op.cit., p. 97. : « le marché pertinent
géographique comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées concourent à l’offre et à la demande des produits ou
services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones
géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable ».
1764
Le même article 15, §3 précité laisse la possibilité aux autorités de réglementation de définir d’autres marchés pertinents,
en dehors des dix-huit marchés pertinents (de gros et de détail) que la Commission européenne a identifiés comme pouvant
être soumis à la régulation sectorielle. Par exemple, dans le segment de la téléphonie vocale, il a été identifié trois marchés de
gros : terminaison d’appel vocal à destination des réseaux mobiles, itinérance internationale et appels au départ des réseaux
mobiles.
276

ante par rapport à des critères de « concurrence potentielle ». La position significative ou


importante s’apprécie notamment selon les modalités suivantes : calcul des parts de marchés,
pouvoir des clients et fournisseurs ou barrières possibles d’entrée (interconnexion). Les
jurisprudences de la CJCE et du TPI ont clarifié l’article 82 du TCE sur la prohibition des
abus de position dominante, en soulevant des règles d’orientation pour la pratique de la
régulation sectorielle.1765 Plusieurs formes de dominances sont possibles : dominance
individuelle, collective ou conjointe et « dominance connexe »1766. Concernant la dominance
conjointe, les ARN doivent examiner si les entreprises concernées forment ensemble une
entité collective à l’égard de leurs concurrents, de leurs partenaires commerciaux et des
consommateurs sur un marché déterminé. La forme structurelle ou conjoncturelle de l’entente
importe peu, mais deux critères sont déterminants pour conclure sur la dominance collective.
Il a été jugé que celle-ci s’apprécie soit à l’absence de concurrence effective entre les
entreprises concernées, soit à l’adoption d’une même ligne d’action ou une politique
commune sur le marché concerné.1767
694. Troisièmement, des obligations spécifiques sont imposées aux opérateurs à titre de
« remèdes » de la régulation à l’issue des deux premières étapes. Les autorités de
réglementation nationales imposent des obligations ex ante aux opérateurs, mais elles
n’arrêtent pas de « sanctions » a priori d’abus de position de dominance, selon les termes de
l’article 82 du TCE. Les lignes directrices de la commission européenne précisent
que « l’objectif visé par l’imposition d’obligations ex ante aux entreprises désignées comme
puissantes sur le marché est de garantir que ces entreprises ne puissent utiliser leur puissance
de marché pour restreindre ou fausser la concurrence sur le marché pertinent ou faire jouer
cette puissance sur des marchés adjacents1768 ».1769
695. À cet égard, les mesures imposables sont de « concurrence préventive » et non de
« concurrence corrective » : publication d’une offre de référence, contrôle tarifaire, séparation
comptable, etc. Des modalités prévues au « paquet télécom » entourent l’imposition
d’obligations, en vue de prévenir tout autoritarisme ou excès, dans le respect des principes de
gouvernance de l’économie libérale. Aussi, les autorités de réglementation nationales sont-
elles tenues de « justifier les raisons pour lesquelles, elles estiment nécessaires d’imposer de
telles obligations ex ante. De surcroît, les obligations ainsi imposées devront être strictement
proportionnées aux besoins de la protection d’une concurrence effective. Le dessein poursuivi
est ainsi de combiner harmonieusement, liberté d’action des opérateurs et garantie de la
structure concurrentielle des marchés ».1770
696. En définitive, les télécoms gardent la particularité d’un service public dans l’ordre
économique mondial. Leur gestion est concédée aux privés qui en exploitent les ressources

1765
CJCE, Compagnie Maritime belge (transport SA) et Dafra-Lines A/S c/ Commission, aff. Jtes C-395/96 C-396/6 P, 16
mars 2000, Recueil de la jurisprudence, 200, I, pp. 1365 [http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf ?num=C-395/96&language=fr]
(consulté le 11 juin 2017) et s. TPI, Gencor Ltd/ Commission, arrêt 25 mars 1999, aff. T-102/96, Recueil, 199, II, pp. 753 et s.
cf. points 86 et s. Lignes directrices de la Commission, préc. Reprenant les règles dégagées par ces jurisprudences sur les
questions de position dominante collective.
1766
Article 15, directive 2002/21/CE (« directive ’’cadre’’ »), préc. : « lorsqu’une entreprise est puissante sur un marché
particulier, elle peut également être considérée comme puissance sur un marché étroitement lié, lorsque les liens entre les
deux marchés sont tels qu’ils permettent d’utiliser sur un des deux marchés, par effet de levier, la puissance détenue sur
l’autre marché, ce qui renforce la puissance de l’entreprise sur le marché ».
1767
CJCE, Compagnie Maritime belge c/ Commission, C-395/96 C-396/6 P, TPI, Gencor Ltd/ Commission, aff. T-102/96,
préc.
1768
Point 16, Lignes directrices de la Commission sur l’analyse du marché…, préc. JO. CE, 11 juillet 2002, C 165, pp. 6 et s.
1769
T. PENARD et N. THIRION, « La régulation dans les télécommunications : une approche croisée de l’économie et du
droit », in N. THIRION (sous la dir.), C. CHAMPAUD, et AL., op.cit., pp.98-99.
1770
Ibidem, p. 99.
277

dans un cadre ouvert, transparent et équitable, sous l’autorité d’un régulateur qui doit veiller
au bon fonctionnement du marché. Cette synopsie du modèle explique toutes les contraintes
du système de marché régulé. En fait, la libéralisation des secteurs publics de télécoms a été la
base de phénomènes oligopolistiques, en désorientant les objectifs attendus de la concurrence
au profit des consommateurs.1771 Le droit comparé européen s’avère plus avancé et efficace
face aux contraintes de la déréglementation du marché des télécoms. Plus spécialement dans
le secteur libéralisé, les acteurs publics sont de nature différente. Si la diversité des
prestataires privés est source d’enjeux juridiques pour l’équilibre du marché, la pluralité des
acteurs publics pose des contraintes de leur fonctionnement sur le même marché.1772
697. En conclusion de la première partie de thèse, le droit comparé européen (français)
et africain (congolais) a concerné les aspects du marché libéralisé des télécoms, en donnant un
aperçu global des enjeux juridiques de l’Internet, à l’ère numérique. 1773 Ce chapitre a analysé
les expériences de la dérégulation des marchés de télécoms, dans une approche comparée
entre deux continents. D’une part, le droit de l’Union européenne a utilisé les directives
comme instruments clés dans l’ouverture des secteurs monopolistiques de télécoms, chaque
État membre (comme la France) étant chargé de leur transposition dans son système juridique
national. Le cadre réglementaire européen des années 1990 avait initialement procédé de la
libéralisation et de l’instauration de la régulation sectorielle, censée garantir à la fois la
concurrence et préserver l’intérêt général. Par la suite, les directives de 2002 sont revenues au
« principe de régulation minimale », en laissant finalement les législations horizontales
intervenir dans la concurrence du marché.
698. Par des réformes successives, les institutions européennes1774 ont effectué la
transition des règles juridiques entre les directives « ONP » et « paquet télécom ». Depuis la
décennie 1980, les mesures de libéralisation et d’harmonisation ont permis aux États
d’effectuer la déréglementation de leurs secteurs de télécoms autrefois monopolistique. Les
interventions de la réglementation étatiques sont maintenues au strict minimum par principe
de subsidiarité. Cependant, la co-régulation et l’autorégulation sont encouragées pour le
fonctionnement du marché, sans réglementation sectorielle permanente. Celle-ci s’applique
« lorsque le droit de la concurrence s’avère inefficace pour contrôler le pouvoir du marché des
entreprises, ou lorsque le marché seul ne permet pas de satisfaire certains objectifs, comme
par exemple la fourniture du service universel. »1775 D’autre part, les États africains ont
supprimé les monopoles initialement consacrés par leurs droits de télécoms sur la base des
accords de l’OMC, en faisant application des principes néolibéraux et ordo-libéraux

1771
P. MUSSO, op.cit., p.75 et s. B. JAFFRÉ, op.cit., p.77.
1772
Il s’agit du ministère des PTT au titre d’administration publique, de l’ARPTC au titre de régulateur et de l’OCPT/SCPT
au titre d’exploitant public.
1773
Le chapitre 2 (inclus dans la Partie 1, Titre 2) est consacré à l’étude des transformations du droit congolais de l’économie
numérique, dans le cadre de la « Partie 2 » de la présente thèse. Cette seconde partie correspond au second cadran des aspects
juridiques de l’internet, spécifiquement ceux liés aux enjeux des activités numériques : commerce électronique, données
personnelles, cybersécurité, etc.
1774
J. L. Burban, Les institutions européennes, vuibert, 3e éd., coll. gestion internationale, Paris, 2002, pp. 3-47 et 49-61.
Pour l’adoption des règles juridiques, les institutions concernées sont : la Commission de Bruxelles, le Conseil des ministres,
le Parlement européen. Dans les faits, en accord avec l’auteur, « la Cour européenne de justice s’est aussi très vite imposée
comme un rouage essentiel de l’équilibre institutionnel communautaire » (p. 57).
1775
D. POPOVIC, op.cit, p. 50. Le cadre réglementaire européen (paquet Télécom de 2002) renforce le principe de régulation
minimale. Les mécanismes de co-régulation devraient être guidés par les mêmes principes que la réglementation formelle. Ils
devraient être objectifs, justifiés, proportionnels, non discriminatoires et transparents. (Considérant 48, directive « service
universel »). M.-A. FRISON-ROCHE (sous la dir.), Les régulations économiques, légitimité et efficacité, Vol. n°1, Dalloz, coll.
Thèmes et commentaires, Droit et économie de la régulation, Paris. Par rapport aux autorités de régulation, il est posé la
question suivante : « leur indépendance et leur efficacité compensent-elles leur manque de légitimité ? Ne faut-il pas
envisager ces problèmes de pair plutôt qu’en terme de compensation ? »
278

européens. Les secteurs publics monopolistiques ont ainsi été libéralisés en marchés régulés,
mais sans avoir encore atteint le même niveau du processus européen et français.
699. La première partie de notre thèse analysé de manière séparée les institutions
juridiques du commerce électronique et de l’économie numérique dans le contexte européen
et français. Elle s’achève en établissant le lien entre les problématiques et les modes de
régulation que les États du monde ont adopté en commun, soit dans le cadre de l’OMC, soit
par des moyens informels, soit de manière autonome. Notre thèse a établi deux contextes
d’enjeux entre les droits étrangers afin de mieux situer leurs expériences respectives dans un
temps commun des mutations technologiques. Les objets de droit comparé français et
congolais ont évolué d’un côté, en fonction de la dérégulation du marché des télécoms et d’un
autre côté, en fonction de l’économie de l’Internet. La seconde partie de notre thèse en
démontre les ressemblances mais aussi les écarts de niveau et résultats entre la RDC et la
France au sein de l’Europe. L’état des solutions du droit congolais est appréciable mais pas
adéquat pour répondre aux défis successifs du cadran des télécoms de base et de l’ère
numérique. Les expériences françaises et européennes apportent donc plus de lumière, pour
dégager une opinio juris sur la valeur du droit positif congolais, critiquer et amender les textes
lege ferenda. (Partie 2.)
279

DEUXIÈME PARTIE :
L’ENCADREMENT JURIDIQUE DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE
DE LA RDC EN RÉFÉRENCE À L’EUROPE ET À LA FRANCE

700. Face aux technologiques électroniques, des transformations des institutions


juridiques déterminent en RDC le passage des télécoms vers l’économie numérique, à l’instar
de l’Europe et de la France.1776 Nous nous accordons avec Olivier Iteanu lorsqu’il s’interroge
sur ces mutations : « Notre droit ne se transforme-t-il pas avec le contact du digital ? Notre
réponse à la question est positive. Oui, le droit se modifie sous l’effet du numérique et c’est de
cette transformation oubliée que nous proposons de traiter ».1777 En premier lieu, l’État
congolais a engagé le processus de déréglementation des services publics des télécoms de
base, en adoptant les principes libéraux de l’économie de marché, tels que diffusés par l’OMC
à l’échelon planétaire. À cet effet, la promulgation de deux lois a marqué le 16 octobre 2002
l’étape de réorganisation du secteur d’activités des télécoms. Il s’agit de la loi-cadre sur les
télécommunications en RDC 1778 (ci-après la « loi-cadre » ou « LCT ») et de la loi n°
014/2002 portant création de l’Autorité de régulation des postes et des télécommunications
en RDC,1779 ci-après loi n°014/2002 sur l’ARPTC. Depuis lors, ces lois sont restées dans leur
état premier, malgré les mutations numériques du marché. (Titre I.)
701. À la suite de la dérégulation mondiale du secteur des télécoms de base,1780 les
communications électroniques se sont développées dans les différents marchés nationaux
européens et africains. Elles sont devenues le vecteur de l’économie et constituent le socle de
la société numérique.1781 Cette évolution de la « cybersociété1782 » se réfère au « cyberespace,
[défini comme une] interconnexion mondiale des réseaux qui transmettent, traitent ou
stockent des données numériques, […] sans limite spatio-temporelle.».1783 Les « enjeux du
numérique » concernent différents axes : « Internet, économie et pouvoir », « Internet,
démocratie et politique », « Neutralité et gouvernance d’Internet ».1784 La révolution
numérique se confirme, elle devient une « source réelle du droit »1785 et « la grande innovation
de la réglementation ».1786 Cela a conduit à la refondation (en cours) du cadre réglementaire
congolais des télécoms dans le cadre de l’économie numérique, en proposant trois nouveaux
projets de lois relatives aux nouvelles technologies de l’information et de la communication

1776
O. ITEANU, Quand le digital défie l’État de droit, Eyrolles, Paris, 2016, pp.10-11. « Cette transformation est en premier
lieu d’ordre technique et technologique. […] Elle entraîne également un bouleversement des modèles existants. Uber, Airbnb,
par exemple, bousculent des modèles économiques établis depuis des décennies. D’autres diront qu’ils détruisent des
équilibres économiques et sociaux au sein des sociétés européennes. […] Cependant, ce phénomène ne génère-t-il pas une
troisième transformation, en plus de l’évolution technique et économique ? »
1777
Ibidem, p.11.
1778
Loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en République Démocratique du Congo, JO RDC,
44ème année, numéro spécial, Kinshasa, 25 janvier 2003, pp. 17-46.
1779
Loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l’Autorité de régulation des postes et des télécommunications, JO
RDC, 44ème année, numéro spécial, Kinshasa, 25 janvier 2003, pp. 47-59.
1780
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, Droit public économique, 8e éd., LGDJ, coll. « Manuel », Paris 2006, pp. 466 et s.
1781
P. TRONQUOY, « La société numérique, La révolution numérique », Cahiers français, n°372, op.cit., p. 1. « Parler de
société numérique signifie que tous les aspects de la vie sociale, l’économie, l’organisation du travail, les relations
interindividuelles, la culture, les loisirs… se trouvent concernés. »
1782
M. QUÉMÉNER, Cybersociété. Entre espoirs et risques, L’Harmattan, coll. Justice & Démocratie, Paris 2013 pp. 1-227.
1783
M. WATIN-AUGOUARD, une « Préface cyber-guerre mondiale ? : la vision stratégique », in X. RAUFER, La première
cyber-guerre mondiale, MA éditions, Paris 2015, pp. 9-10.
1784
M. QUÉMÉNER, op.cit., p. 19-31.
1785
V.-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit., p. 25. G. CORNU, op.cit., p. 980. Verbo« sources ». Dans les faits, la
généralisation des techniques numériques et l’expansion rapide de l’Internet dans la société ont donné lieu à la révolution
numérique. Elle est à la base des transformations sociales, mais elle se présente portant des données morales, économiques,
sociales et politiques, qui suscitent l’évolution du droit.
1786
J. CATTAN, op.cit., p. 20.
280

(NTIC) et au commerce électronique. Cette initiative envisage de mettre le pays en phase avec
l’ère numérique et de répondre aux enjeux juridiques des technologies numériques dans le
contexte de l’économie des marchés.
702. Comparativement, l’Europe des télécoms est toujours pour un projet politique pour
la construction du marché électronique intérieur et actuellement celle du marché numérique
unique. Le droit communautaire et ensuite celui de l’Union européenne expriment une volonté
de réaliser l’objectif de diffusion technologique et d’harmonisation des règles territoriales.
Les principes néo- et ordo-libéraux des États-Unis et de l’Europe sont des modèles pionniers,
arrivés en RDC à la suite de l’« accord spécifique de l’OMC sur les télécoms de base » de
1997.1787 À partir de 19941788, l’OMC avait fait l’écho du modèle de dérégulation, dans ses
contingences libérales pour tous ses États signataires. Les mesures de libéralisation et de
démonopolisation ont amené peu à peu à établir une concurrence dans le domaine des
équipements des télécoms, des services et des infrastructures dans les services publics
dérégulés. Aussi, en droit congolais, européen ou français, le schéma législatif commun a-t-il
pour objectif de mettre fin aux monopoles publics tout en instaurant un régime et un système
de marché régulé dans le domaine des télécoms et des communications électroniques.1789
703. Il s’avère que la RDC a entrepris une dérégulation analogue à l’Europe des
télécoms,1790 mais son cadre réglementaire de 2002 n’a plus connu de mise à jour. Les États
européens ont élargi aux communications électroniques1791 leur droit initial des télécoms, en
l’intégrant dans l’économie numérique.1792 L’Europe et la France ont opté pour « l’inscription
du droit avenir dans un contexte de globalisation, non seulement économique, mais aussi
juridique ».1793 Suite à la libéralisation des services des télécoms et à la révolution numérique,
les lois nationales font plus largement référence aux services de la société de
l’information.1794 Ainsi, « [d]ans tous les États membres [de l’Union], la vague d’innovation
qui résulte de la convergence des technologies de télécommunications et de traitement de
données a mené à une réflexion sur l’avenir de l’organisation du secteur des
télécommunications et la nécessité d’un ajustement réglementaire ».1795 (Titre I, Chap. 1.)
704. En revanche, le droit positif congolais reste limité dans sa logique sectorielle.
Aussi, de nouveaux défis sont apparus en RDC dans la législation. Au regard des expériences
européennes et françaises, ils nécessitent un parachèvement et des correctifs dans la
dérégulation de ce secteur. D’une part, la loi-cadre de 2002 n’affirme pas de manière explicite
le principe de la liberté d’offre des services de télécoms. Elle maintient encore en faveur de
l’exploitant public, des droits exclusifs sur les infrastructures ou le réseau de base. D’autre
part, l’accession du pays à l’économie numérique entraine d’autres types d’enjeux juridiques
du numérique dépassant le cadre sectoriel prévus pour les télécoms, d’autant que la législation
congolaise ne prévoit pas de régime pour plusieurs aspactes des activités numériques

1787
Partie 1, Titre II, Chapitre 2 de la présente thèse.
1788
Accord spécifique de l’OMC sur les télécoms de base (1997), précité.
1789
Cf. Partie 1, Titre II, Chap. 1 et 2.
1790
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 1 de la présente thèse.
1791
Article L.32-1, 3°, CPCE.
1792
Cas de la France : LCEN, préc. En Europe : Directive 2000/31CE, préc.
1793
J. CATTAN, op.cit., p. 24. Pour cette affirmation, l’auteur fournit des références. J.-B. AUBY, La globalisation, le droit et
l’État, LGDJ, coll. « systèmes », 2e éd., Paris 2010. M.-C. PONTHOREAU, « Trois interprétations de la globalisation juridique.
Approche critique des mutations du droit public », AJDA, 2006, p.20 et s.
1794
Cf. Directive 2000/31/CE, préc. Loi pour la confiance en l’économie numérique (LCEN), préc. Loi n°2004-669 relative
aux communications électroniques et aux services de communications audiovisuelles, préc.
1795
Commission européenne, « vers une économie européenne dynamique », Livre vert sur le développement du marché
commun des services et équipements de télécommunication, COM (87) 290 final. J. CATTAN, op.cit., p. 20-21.
281

(commerce électronique, données personnelles, cybercriminalité, preuve et signature


numériques). Dans le monde entier, l’avènement de la société numérique devient le centre des
« forces créatrices » des nouvelles institutions juridiques.1796 Effectivement, Léon Duguit est
« de ceux qui pensent que le droit est beaucoup moins l’œuvre du législateur que le produit
constant et spontané des faits ».1797 Les lois des télécoms sont largement dépassées dans leur
portée au regard du fonctionnement transversal du marché électronique et de l’Internet.1798
L’essor de ces derniers constitue une source matérielle du « droit de l’économie numérique »
pour le présent et l’avenir de la société congolaise de l’information. Toutefois, en attendant le
renouveau de la législation congolaise en fonction des transformations numériques, le
pragmatisme juridique permet l’adoption des mesures administratives et l’application des lois
du marché sous l’encadrement des autorités nationales de réglementation (ARN). Leurs
décisions infra-législatives apportent quelques réponses de droit aux nouveaux défis de
l’économie numérique, en attendant une vraie réforme législative en RDC. (Titre I, Chap. 2).
705. En France, la doctrine constatait déjà que « l’émergence du réseau électronique
confirme le débordement du cadre institutionnel établi en 1958 ».1799 En « [a]llant au-delà
d’une simple "organisation du conflit entre pouvoirs exécutif et législatif1800", nos
représentants légitimes [français] n’ont plus forcément la compétence technique requise pour
"dire le droit" du réseau. ».1801 À l’épreuve de l’Internet planétaire et de la globalisation, le
droit congolais peut-il se suffire de la déréglementation des télécoms « ignorer la révolution
numérique ? »1802 Au rythme de l’Europe des télécoms, la France a opéré graduellement les
transpositions du « millefeuille réglementaire européen » dans son système juridique national.
Depuis l’invention du télégraphe de Chappe au XVIIIe siècle, le droit français a appréhendé
progressivement les enjeux des lignes télégraphiques et téléphoniques, des réseaux câblés à fil
de cuivre et sans fil, des bouquets Internet ADSL et des réseaux multimédias 3G, 4G, 5G,
jusqu’à la popularisation des connexions Internet via la fibre optique. La RDC a connu un
saut du « désert téléphonique » à des réseaux cellulaires 2G, 3G, 4G et à la fibre optique.1803
706. Sur le plan technique, les âges des technologies en RDC correspondent bien à la
même vague des évolutions du marché et des générations de technologies (analogiques et
numériques) qu’en Europe. Les facteurs de législation restent en principe les mêmes au
niveau européen, français et congolais. Mais, le droit congolais reste incomplet dans le

1796
M. DELMAS-MARTY, « À l’heure de la mondialisation, nous avons besoin d’un droit flou », in Libération, Paris, 23
septembre 2016. Selon l’auteur, « La règle fait aller le droit […] Mais parfois la réalité ne se plie pas, ou échappe, parce
qu’elle a pris des formes inédites ou trop complexes, à la "linéaire" du droit […] mett[a]nt le droit au défi ».
1797
L. DUGUIT, Les transformations générales du droit privé depuis le Code Napoléon, 2e éd. revue, La Mémoire du droit,
Paris, 2008, p. 3.
1798
F. VON HAYEK, Droit, législation, liberté, t. I, PUF, Paris, 1979. Selon Hayek, l’ordre artificiel de l’État interventionniste,
qu’il qualifie de « taxis », est partisan et peu au fait des informations pertinentes. Il lui oppose l’ordre spontané du marché,
qu’il qualifie de « cosmos », susceptible de produire une organisation sociale informée et impartiale. Le législateur propose le
droit comme moyen d’encadrement des offres et des pratiques du marché, car les « lois souples » de ce dernier ne sauraient
satisfaire à elles seules, l’intérêt général.
1799
M-C. ROQUES-BONNET, op.cit., p.63.
1800
P. MONTANE DE LA ROQUE, « Propositions pour un nouveau régime », Écrits politiques et constitutionnels, Toulouse,
Presses de l’IEP de Toulouse, 1982, p. 37.
1801
M-C. ROQUES-BONNET, op.cit., p.63.
1802
Ibidem.
1803
« Exposé des motifs », LCT,-RDC, JO RDC, n° spécial, 25 janvier 2003, p. 47. Pour l’an 1996, le journal officiel de la
RDC rapporte « une télé-densité de 0,08 lignes téléphoniques principales pour 100 habitants ou au total de 36 mille lignes
téléphoniques principales ». Pour le troisième trimestre 2016, soit 20 ans après, la RDC compte plus de 28 millions
d’abonnés téléphoniques au réseau mobile GSM, 7 millions de souscriptions Internet mobile (3G) et plus de 2 millions
d’utilisateurs de transfert de la monnaie électronique via leurs téléphones. ARPTC, Observatoire du marché de la téléphonie
mobile, Rapport du 3e trimestre, préc., p.3.
282

domaine du numérique et contraste radicalement avec la construction du cadre réglementaire


pour les filières économiques et autres usages sociaux des télécoms.
707. Ainsi, il est devenu indispensable de « révolutionner » le droit des télécoms de
2002, au vu de la « transformation numérique »1804 du marché, de l’économie et de la société.
Depuis 2012, le gouvernement congolais examine trois projets conjoints de loi concernant,
selon leurs intitulés : 1° les « télécoms et les TIC », 2° les « échanges et le commerce
électroniques » et 3° la réforme de l’ARPTC en « ARPTNTIC ».1805 Ces textes de loi ont été
présentés et déclarés recevables en séance plénière de l’Assemblée nationale le 19 avril
2017.1806 Ils engagent le législateur à un renouveau du cadre juridique pour un droit congolais
de l’économie numérique. Il s’agit de la deuxième série des réformes après la première
déréglementation de 2002. L’économie numérique commande de pallier le retard législatif
figé sur une approche sectorielle, tout en corrigeant les erreurs et les défaillances de la loi-
cadre actuelle sur les télécoms.
708. À la lumière des expériences du droit comparé européen et français, la finalité
politique est de réajuster le cadre légal et institutionnel selon les mutations sociétales que les
technologies de l’information et de la communication apportent sur le marché, présentent pour
l’économie et provoquent dans la société. Sur le volet marchand, les défis juridiques de
l’économie numérique et du commerce électronique dépassent les objectifs politiques de la
dérégulation sectorielle, alors même que l’esprit des lois congolaises de 2002 n’a jamais
franchi le niveau correspondant en 1990 aux directives ONP en Europe ou aux lois
d’organisation des télécoms en France.1807 En réalité, les autorités politiques de la RDC
entendent « refondre » les textes de loi des télécoms et transcender leur portée sectorielle
surannée afin d’atteindre l’aspect transversal des télécoms pour l’économie (et la société).
Ainsi, la prospective proche de lege ferenda permet, grâce à un régime approprié, de remédier
aux vides juridiques concernant les données personnelles, la cybercriminalité et d’autres
activités numériques dans le pays. (Titre II, Chap. 1.)
709. Dans les faits particulièrement en RDC, les mécanismes adoptés pour la
démonopolisation des télécoms ne satisfont plus les besoins législatifs de l’ère numérique. Le
renouveau du droit positif postule pour une amélioration globale des dispositions sur les
contenants et les contenus des activités numériques. En effet, les récents « bouleversements
technologiques, économiques et sociaux des industries de la culture et des médias mettent en
évidence la transformation de ces secteurs et nous conduisent à analyser, à la fois, la nouvelle
organisation qui se dessine et les défis qui l’accompagnent ».1808 En RDC, l’architecture du
futur droit de l’économie numérique est bâtie autour de la loi générale sur les TIC et se

1804
WATIN-AUGOUARD, « Préface », in F. LORVO, Numérique : de la révolution au naufrage ?, éd. Fauves, Paris, 2016, p. 7.
« Cette transformation numérique est le fruit d’une succession d’avancées technologiques mises au point de façon souvent
empirique par des pionniers, bâtisseurs d’un nouveau monde, qui n’imaginaient sans doute pas la forme que prendrait leur
"cathédrale sans plan". »
1805
Cf. Appendice de la thèse : Lettre n°CAB/PM/CNTIC/PCK/2015/8005 du 17 décembre 2015 du premier ministre de la
RDC, Matata Ponyo Mapon, ayant pour « Objet: la relance de programmation en commission des lois des textes sur les
télécoms et TIC […] Y faisant suite, je vous informe que j’accède à votre demande d’examiner, en Conseil des Ministres, les
projets de loi sur : (i) les télécommunications et les technologies de l’information et de la communication, (ii) les échanges et
le comme électroniques, et (iii) la modification de la loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l’autorité de
régulation de la poste et des télécommunications du Congo ».
1806
M. TSHISHIKU, « Assemblée Nationale : Les députés refusent au ministre Ambatobe le droit de défendre trois projets de
loi », in La tempête des Tropiques, 20 avril 2017. [http://7sur7.cd/new/2017/04/assemblee-nationale-les-deputes-refusent-au-
ministre-ambatobe-le-droit-de-defendre-trois-projets-de-loi/] (consulté le 21 avril 2017)
1807
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 1 de la présente thèse.
1808
N. SONNAC, « Marchés convergents, intérêts économiques divergents ? Le secteur audiovisuel », in P-F DOQUIR et M.
HANOT, op.cit., p. 55.
283

complète de deux lois spéciales qui esquissent deux lignes de perspectives. La premier axe de
réforme refonde un « droit spécial des échanges et du commerce électroniques », tandis que le
deuxième étend le domaine de la régulation des télécoms à celui des communications
numériques (dites NTIC).
710. À cet égard, le chantier législatif congolais se montre plus attentif et original dans
son approche. Sa nouvelle sémantique juridique des télécoms se rapporte aux « TIC »,
d’autant que l’Europe et la France parlent des communications électroniques. Selon
l’OCDE1809, le secteur des TIC concerne les domaines de la production1810, de la
distribution1811 et des services1812. Les options congolaises de politique législative confirment
le fait que « [l]es États, à l’origine, relativement absents de la construction du cyberespace en
raison de son caractère très "américano-centré", reprennent peu à peu leur place pour assumer
leurs fonctions régaliennes. Dans un espace sans frontière qui remet en cause l’ordre
"westphalien", ils cherchent à rétablir leur souveraineté, leur enjeu de puissance, voire de
domination économique ou culturelle ».1813 La déréglementation reste un aspect de
modernisation de l’État.1814 De ce fait, la future loi devra résoudre la problématique du
rattachement tutélaire de l’ARPTC, définir son statut et lui assigner ses missions en tant
qu’autorité de régulation des postes et des nouvelles technologies de l’information et de la
communication (ARPTNTIC). Ses objectifs traditionnels d’intérêt général sur les télécoms
doivent être associés à des objectifs particuliers et multisectoriels répondant aux enjeux de la
société et de l’économie numériques. (Titre II, Chap. 2.)
711. En définitive, le cyberespace est devenu la « nouvelle frontière du monde »
obligeant de réaligner certains points du droit. Sous l’effet de la globalisation (du
cyberespace), légiférer nécessite de penser local tout en voyant global. 1815 Les transformations
du droit à l’épreuve du numérique soulèvent des considérations au-delà des questions
sectorielles des télécoms.1816 Les métamorphoses normatives et structurelles des télécoms
devraient aboutir à un droit de l’économie numérique pour la RDC. La fonction de ce droit est
non seulement de répondre aux défis de l’économie de marché face aux services publics des
télécoms, mais aussi d’être une synthèse des expériences juridiques comparées à l’épreuve de
l’Internet. La complexification des rapports, des activités et de l’écosystème numérique rend
indispensable la référence au droit international et le recours au droit comparé.1817
712. Globalement, les enjeux du numérique ne s’appliquent pas uniquement à
l’économie, mais à l’ensemble de la société, au-delà du droit de l’économie numérique pour

1809
N. COUTINET, op.cit., p.21. Cf. aussi [http://www.eventsrdc.com/rdc-une-loi-sur-les-tic-en-elaboration/] (consulté le 28
août 2016).
1810
Secteurs producteurs de TIC : fabrication d’ordinateurs et de matériel informatique, de TV, radios, téléphone, etc.
1811
Secteurs distributeurs de TIC : commerce de gros de matériel informatique, etc.
1812
Secteur des services de TIC : télécommunications, services informatiques, services audiovisuels, etc.
1813
M. WATIN-AUGOUARD, une « cyber-guerre mondiale ? : la vision stratégique », in X. RAUFER, La première cyber-guerre
mondiale, MA éditions, Paris 2015, pp. 10-11. « Cette régulation est complexe à établir. […] le cyberespace ne peut
connaître qu’une gouvernance composite à laquelle le secteur privé et les usagers doivent apporter une contribution ».
1814
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit., pp. 472 et s.
1815
N. MALLET-POUJOL, « Le droit de l’Internet à l’épreuve de la mondialisation », Cahiers français, n°272, p.21.
1816
C. FÉRAL-SCHUHL, Cyberdroit, Le droit à l’épreuve de l’Internet, Dalloz, pp.157 et s. V. FAUCHOUX, P. DEPREZ et J.-L.
BRUGUIÈRE, Le droit de l’Internet : lois, contrats et usages, 2e éd., LexisNexis, Coll. Communications et commerce
électronique, Paris, 2013, pp.1-23. « L’encadrement de l’Internet par le droit n’est pas aisé, car si les autoroutes de
l’information disposent bien de leur « code de la route », à savoir nos règles de droit, et de leurs « gendarmes » […], elles
ignorent toute notion de « ligne jaune », de frontière. […] Ces sources non conventionnelles du droit de l’Internet invitent à
plusieurs interrogations : académiques et pratiques. ».
1817
O. MORÉTEAU et J. VANDERLIDEN, La structure des systèmes juridiques…op.cit., pp. 17-85.
284

un véritable « cyberdroit ».1818 Ainsi, dans l’économie numérique, « la question de la


souveraineté numérique [devient] incontournable. C’est un sujet dont la puissance publique et
le politique devaient s’emparer tant il nous concerne tous et partout ».1819 La France, à travers
sa « loi pour une République numérique » du 7 octobre 2016, lance une expérience nouvelle,
« nervurant » les différentes branches du droit par l’approche sociétale d’un numérique
plurisectoriel et transversal.1820 Mais les perspectives de comparaison entre la RDC et la
France s’arrêtent à ce stade. Les besoins législatifs dépendent du niveau de développement de
chaque société. Les lignes d’horizon de la prospective congolaise ne franchissent pas encore
le seuil des objectifs de l’économie de la connaissance, de l’économie de la donnée ou encore
de la société du « gigabit », lesquels objectifs sont profilés dans les évolutions présentes de
l’ordre juridique européen et français. Il faut le préciser encore : le besoin législatif de la RDC
est trop éloigné de ces nouvelles lignes de transformation des droits européens et français, au
regard des modèles de socialisation et des moyens de leurs politiques. Créer un cybermonde
n’est ni une ambition, ni un objectif de politique publique en RDC… Parvenir au droit de
l’économie numérique et du commerce électronique est encore un défi de lege ferenda (Titre
II).
713. Au préalable, la refondation du droit en RDC impose d’achever le processus de
dérégulation des télécoms. Le cadre juridique actuel nécessite des ajustements à cause non
seulement des défaillances de législation, mais surtout de sa portée trop sectorielle (Titre I).

1818
C. FÉRAL-SCHUHL, op.cit., pp.18 et s. Sous le vocable cyberdroit, le droit à l’épreuve de l’Internet est mis à l’évidence en
vue de regrouper et d’étudier les sources formelles : données à caractère personnel, cybersurveillance dans l’entreprise,
commerce électronique, droits d’auteur, noms de domaine, preuve, signature, archivage, responsabilité, cybercriminalité.
1819
C. ERHEL, « Souveraineté et innovation : Trouver l’équilibre », in A. BLANDIN-OBERNESSER, op.cit., p. 91.
1820
Cf. Partie 2, Chapitre 2, Section 1.
285

TITRE I -
LA REFONDATION DU DROIT CONGOLAIS
DANS LA RÉGULATION MONDIALE DES TÉLÉCOMS DE BASE

714. Au cours de ces trente dernières années, les États-Unis et l’Europe ont diffusé à
travers l’OMC (1994-1997) aussi bien leurs technologies que l’ordre mondial des marchés des
télécoms. « La technologie influe sur les règles (le cadre réglementaire et les normes) pour
engendrer de nouvelles idées Ŕ par exemple, nouvelles méthodes de production des biens et
des services. Si la plupart des règles sont établies localement, la technologie fait l’objet
d’échanges entre les marchés et à travers les frontières ».1821 Dans les faits, la RDC s’était
engagée depuis 1989 dans le même processus de transformation de son secteur public des
télécoms qu’en Europe, avant même d’adopter formellement les lois de dérégulation en 2002.
À la fin de la décennie 1990, le Gouvernement avait autorisé les opérateurs privés à exploiter
sous licence le nouveau segment de la téléphonie mobile, alors que la législation d’alors
maintenait depuis 1940 le régime de monopole public sur l’ensemble des activités des
télécoms.1822 Les lois de 20021823 ont redéfini les rôles d’acteurs publics et privés sur le
marché des télécoms, en réalisant une séparation organique des fonctions d’exploitation, de
réglementation (ex post) et de régulation (ex ante).1824 Néanmoins, il résulte de cette réforme,
la configuration d’un marché semi-libéral de jure, en déphasage avec la réalité totalement
concurrentielle de facto des activités numériques. Dès le début, le droit congolais de la
régulation sectorielle s’est confronté à des contraintes de mise en œuvre. Celles-ci
s’expliquent par l’existence de droits exclusifs résiduels de l’exploitant public et par des
erreurs de réglementation alimentant des conflits de compétences entre les autorités étatiques
de réglementation nationale. À la différence du même processus réalisé en France, la RDC
n’avait préparé ni son exploitant public, ni son administration nationale à l’évènement de la
concurrence du marché électronique mondial. Cette réalité est source d’enjeux juridiques
particuliers pour la régulation du marché congolais des télécoms. (Chapitre 1)
715. D’autres défis de législation sont apparus avec l’accès à l’Internet pour le grand
public congolais.1825 La connexion au réseau télématique mondial a ainsi engagé une

1821
Groupe de la Banque mondiale, Les dividendes du numérique…, op.cit, p. 29.
1822
Ancienne ordonnance législative n°254/Téléc. du 23 août 1940 sur les télécommunications, article 2, alinéa 1er : « La
colonie a seule le droit d’établir et d’exploiter sur le territoire de la colonie des voies et installations de télécommunications
de quelque nature que ce soit pour la correspondance du public ».
1823
La loi-cadre sur les télécoms (LCT) est complétée par la loi n°014/2002 du 16 octobre 2002.
1824
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation…op.cit., p. 69. Verbo : « Ex ante/Ex post ». L’ex ante reste une
expression usuelle de l’économie, correspondant à l’« a priori » en droit. Il désigne l’appréhension d’une situation avant que
celle-ci ne se constitue. L’ex post est l’a posteriori désignant la réaction d’un organisme face à une situation ou un
comportement constaté, au regard d’un cadre général. Ainsi, les décisions de justice ou les règlements de litige relèvent de
l’ex post. La « régulation ex ante » est particulièrement celle qui concerne les télécoms, en se distinguant de celle de la
concurrence. L’autorité de la concurrence agit sur un marché établi et réagit en cas de pratique anticoncurrentielle censée être
sanctionnée en application des lois. Le droit de la concurrence se développe ex post. Mais, la régulation sectorielle, celle su
secteur des télécoms, « utilise des outils que l’on pourrait dire "sur page blanche", essentiellement des réglementations, c’est-
à-dire de l’ex ante ».
1825
En RDC, 2012 est l’année de délivrance des premières licences d’exploitation des réseaux GSM 3G. En effet, la
fourniture de l’Internet mobile grand public a contribué à ce que la RDC passe à l’ère de l’économie numérique. Au
préalable, le régulateur (ARPTC) avait adopté des mesures judicieuses d’intérêt public, afin d’encourager l’offre des services
à valeur ajoutée des télécoms. Celles-ci ont accompagné la migration technologique du marché vers l’Internet mobile (GSM
3G, 3G+, H+). L’État congolais a investi dans sa première connexion au réseau de câble à fibre optique transatlantique,
soutenu avec plus de 600 kilomètres de ligne terrestre. Le câblage de ce réseau numérique traverse 2 provinces sur les 26 du
pays, en partant du front de l’océan Atlantique (Matadi) vers la capitale (Kinshasa). Cette passerelle internationale
« international Gateway » achemine des communications numériques haut débit à intégration des services entre la RDC et le
reste du monde. Ce réseau de l’État assure la collecte, la desserte et le transport des signaux pour l’ensemble du marché, en
permettant aux opérateurs des réseaux privés de rationaliser leurs investissements physiques, l’usage de leurs fréquences et
286

dynamique de changements juridiques et économiques. À la faveur des politiques de


déréglementation, le développement du marché permet le passage des réseaux analogiques au
numérique. Celui-ci favorise l’offre des services multimédias, grâce au phénomène Internet et
de convergence des communications électroniques. L’Internet devient l’artère de l’économie.
Même s’il demeure comme à ses origines, un réseau des télécoms, les opérateurs deviennent
des prestataires techniques de commerce électronique. L’apparition de l’économie numérique
et de la pleine concurrence ont aussi promu la « régulation transversale »1826, en considérant
comme atteints les objectifs primaires du droit sectoriel, à savoir : démonopolisation,
ouverture d’accès au marché électronique et assise et fonctionnement de l’autorité d’un
régulateur.1827 Les bases conçues pour la régulation sectorielle des télécoms sont remises en
question.
716. L’avènement de la société de l’information a posé des problématiques nouvelles.
En 2012, la relance des activités de l’exploitant public a effacé l’apparence décorative de ses
droits exclusifs sur des infrastructures dont il ne disposait pas, dix ans auparavant à compter
depuis la réforme de 2002. Les droits exclusifs sont toujours inscrits dans la loi au profit de
l’exploitant public : sa nouvelle exploitation d’infrastructures à fibre optique alimente les
craintes du marché quant à la réactivation effective du monopole, en soulevant des risques sur
les investissements que le secteur privé a déjà consentis en construisant ces dix dernières
années des infrastructures numériques là où l’absence de l’opérateur historique le requerrait.
Ainsi en RDC, les nouveaux défis du numérique s’ajoutent aux enjeux initiaux de régulation
du jeu concurrentiel des télécoms. Mais, les limites des attributions de l’ARPTC ne lui
assurent pas l’interrégulation, malgré la transversalité des télécoms dans d’autres secteurs. Par
ailleurs, la loi-cadre sur les télécoms (LCT) laisse transparaître l’absence des régimes portant
sur des questions essentielles de l’économie numérique : données personnelles,
cybercriminalité, preuve et signature électroniques, etc. Malgré le pragmatisme des autorités
nationales de réglementation (ex ante), une loi de l’économie numérique est nécessaire pour
limiter l’autorégulation du marché numérique congolais et donner ainsi à l’encadrement
juridique du marché sa portée générale et impersonnelle au profit des acteurs et de l’intérêt
général. (Chapitre 2)

des segments satellitaires sur certains axes. Ces nouveaux investissements publics et privés ont contribué à l’innovation
technique et à la construction d’un marché numérique congolais.
1826
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, pp. 472 et s. M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation…op.cit, p. 69. A la
différence de la régulation sectorielle de l’ARPTC qui se limite à l’objet technique d’un secteur, « les régulations
transversales ont pour vocation de s’appliquer indifféremment à l’ensemble des secteurs d’activité ou, du moins, sont
susceptibles de tous les intéresser directement ». La régulation du prix est exercée par le ministre de l’économie, qui
collabore a posteriori avec l’ARPTC exerçant une « régulation ex ante », utilisant, selon les termes de M.-A. FRISON-ROCHE,
« des outils que l’on pourrait dire "sur page blanche", essentiellement des réglementations. »
1827
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 2, Section 1 de la présente thèse.
287

CHAPITRE 1 :
LES ENJEUX PARTICULIERS DU DROIT DE LA RÉGULATION
DANS LE MARCHÉ CONGOLAIS DES TÉLÉCOMS

717. En 2002, l’État congolais engagea formellement son service public des télécoms
dans la mouvance mondiale, pour opérer la déréglementation, aux fins de franchir le seuil de
l’économie (numérique) des marchés. L’influence des marchés, les contingences de l’OMC et
la diffusion des technologies furent la base des mutations communes du droit en RDC, suite à
l’expérience similaire européenne. Néanmoins, selon M. Thonon, « une technologie est le
résultat d’une logique scientifique, certes, mais elle doit, pour son existence même, négocier
avec les logiques propres aux contextes politiques, sociaux culturels de la société dans
laquelle elle s’invente et s’invite ».1828 Il faut insérer l’universalité des principes de la
déréglementation dans les singularités des aspects des réformes congolaises.1829
718. Quinze ans après (2002-2017), le processus congolais de dérégulation des télécoms
fait encore face à des enjeux particuliers. L’un d’entre eux se rapporte au maintien des « droits
exclusifs et spéciaux » au profit de l’exploitant public.1830 Même si ceux-ci ne sont pas
absolus,1831 la loi-cadre a néanmoins accordé d’office le bénéfice de tels droits aux deux
opérateurs historiques du service public congolais, à savoir : l’OCPT/SCPT et le
RENATELSAT.1832 La législation congolaise conserve la finalité d’aménagement du
monopole réglementaire portant sur les infrastructures de base, tandis que les équipements et
les services sont désormais libres d’accès sous régime de licence ou d’autorisation pour des
concessionnaires privés.1833 Mais ce « monopole résiduel » affecte l’autonomie du régulateur
(ARPTC), tout autant qu’il perturbe le fonctionnement du marché. La réforme législative de
2002 comporte des défaillances fondamentales, dont il convient d’analyser et de corriger les
erreurs de logique, les contradictions et les conflits des compétences.
719. En RDC, le marché dérégulé présente une configuration duale, semi-libérale et
semi-monopolistique. Cette option médiane du législateur tient compte des enjeux particuliers
liés au maintien des droits exclusifs de l’exploitant public sur les infrastructures des télécoms
de base. Cette situation pose des contraintes non seulement au fonctionnement du marché
connexe des services, mais aussi à l’autonomisation du régulateur sectoriel. (Section 1.)

1828
M. THONON, « Libéralisation des contenus. La carte postale, le téléphone, la télévision », in G. DELAVAUD, Nouveaux
médias, nouveaux contenus…op.cit, p. 45.
1829
JO RDC, n°spécial, 25 janvier 2003, Kinshasa, 44ème année, pp. 17 et s. et pp. 47 et s. Il s’agit de la loi n°013/2002 du 16
octobre 2002 sur les télécoms en RDC et de la loi n°014/2002 de la même date sur l’ARPTC.
1830
Article 38, al. 1 et 2, LCT, préc. : « L’exploitant public de télécommunications est un opérateur qui jouit de l’exclusivité
temporaire. L’exclusivité temporaire consiste pour l’exploitant public à posséder seul le réseau de référence auquel tout
exploitant concessionnaire de service public de télécommunications est tenu de s’interconnecter, et par lequel, il fait transiter
son trafic international. »
1831
Article 38, al. 3, LCT, préc. : « Le Ministre peut exceptionnellement, moyennant avis préalable de l’Autorité de
régulation, autoriser un exploitant concessionnaire du service public de télécommunications d’écouler ses propres trafics
interurbains et de posséder ses propres voies de sortie à l’international, sous diverses conditions dont la principale est
d’écouler les trafics des autres exploitants interconnectés au réseau de référence ».
1832
Article 79, LCT, préc. : « En attendant la création et la mise en place de l’autorité de régulation et de l’exploitant public,
le secrétariat général aux Postes et télécommunications, l’Office congolais des postes et des télécommunications et le Réseau
national de télécommunications par satellite, assurent le rôle de l’autorité de régulation pour le premier et le rôle de
l’exploitant public pour les 2 derniers dans leur forme juridique respective actuelle ».
1833
La LCT (article 38) habilite le Ministre des PTT exceptionnellement, moyennant avis préalable de l’Autorité de
régulation, à autoriser un exploitant concessionnaire du service public de télécommunications d’écouler ses propres trafics
interurbains et de sortie internationale.
288

720. D’autre part, La résistance au changement a fortifié les contraintes de réalisation


des réformes entre les instances étatiques. Des « erreurs exemplaires »1834 d’exécution de la
loi-cadre et les faiblesses d’approche de réglementation ont renforcé des conflits de
compétences entre les autorités de réglementation nationales. (Section 2.)

SECTION I
LES CONTRAINTES DE LA DÉRÉGULATION DU MARCHÉ EN RDC
FACE À L’EXPLOITANT PUBLIC DES TÉLÉCOMS

721. Dans le processus de dérégulation des télécoms, le législateur de 2002 évoque des
« dispositions transitoires ». Celles-ci attribuent à l’OCPT/SCPT et au RENATELSAT le
statut d’exploitant public des télécoms, avec des droits exclusifs sur le segment de marché des
infrastructures de base. 1835 En principe, ce « monopole résiduel » limite la libéralisation aux
seuls segments de marché des équipements et des services. Les limites posées de jure au
marché ne cadrent pas avec la libéralisation de facto.
722. Il y a donc contraste entre les droits des opérateurs du marché et ceux de
l’exploitant public, dans sa manière de penser à une survivance des corollaires du monopole
d’autrefois. Les privilèges réclamés contrastent avec les acquis de la concurrence sur le
terrain, mais aussi avec l’inactivité de l’exploitant public sur le segment qui lui est réservé.
Les premiers contrastes sont apparus à la, suite des revendications de l’opérateur historique,
réclamant aux nouveaux entrants des rétributions de son exclusivité, sans exciper d’une
contrepartie de services rendus sur le marché (§1). Les deuxièmes contraintes sont nées de la
nécessité d’un compromis entre les prétentions de l’exploitant public et l’autonomie
fonctionnelle de l’ARPTC (§2).

§1. Le contraste entre les droits exclusifs résiduels de l’exploitant public


et son inactivité sur le marché congolais des télécoms

723. L’exclusivité légale de l’exploitant public est la base du contraste entre le droit et
les faits. Trois dimensions expliquent la tension entre : 1° cette situation de monopole
réglementaire partiel et le marché ouvert, 2° le processus de dérégulation et la restructuration
de l’exploitant public et 3° l’énonciation des droits exclusifs et l’indisponibilité du réseau de
référence en faisant l’objet. Toutes ces dimensions d’enjeux particuliers ont des conséquences
sur le marché.
724. La législation congolaise entretient à ce jour un contraste notable entre la
libéralisation engagée vers l’économie de marché et la conservation partielle des droits
exclusifs au profit de l’ancien opérateur de monopole public. (A./) L’enjeu de ce contraste a
donné lieu à une décision de principe, particulièrement motivée, de la part de l’autorité de
régulation afin de garantir les intérêts du marché à dominance privée. (B./)

1834
PH. MOREAU DEFARGES, La mondialisation…, op.cit., p. 110. L’expression « erreur exemplaire » est empruntée à
l’auteur. Il y voit, dans le cadre de la mondialisation, des évènements d’histoire politique avec des conséquences
« systématiques » et protectionnistes.
1835
Article 79, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. : « En attendant la création et la mise en place […] de l’Exploitant
public […] l’Office Congolais des Postes et des Télécommunications et le Réseau National des Télécommunications par
Satellite assurent […] le rôle de l’Exploitant Public pour les deux derniers dans leur forme juridique respective actuelle ».
289

A./ LA DIMENSION DU CONTRASTE ENTRE LA LIBÉRALISATION ET LES DROITS EXCLUSIFS

725. La loi-cadre sur les télécoms (LCT) de 2002 a entrepris la dérégulation du secteur
des télécoms, mais en dotant l’exploitant public des « droits exclusifs et spéciaux » rattachés à
son statut et ayant la détention des infrastructures de base du réseau national. Par ailleurs,
celui-ci était autorisé par la loi à participer à la concurrence sur les autres segments de marché
ouvert, concernant les services ouverts au public, ceux à valeur ajoutée et autres, à caractère
innovant.
726. Selon le législateur, le terme « public » dans « exploitant public » se rapporte à la
nature des services et non au statut de la personne morale, celle-ci pouvant être sous contrôle
public ou privé.1836 Cependant, le législateur a désigné à titre transitoire l’OCPT et le
RENATELSAT, anciens détenteurs du monopole public, au statut d’exploitant public.1837
Mais, dans les faits il a longtemps été constaté la défectuosité, puis l’indisponibilité de ses
infrastructures de collecte, d’acheminement et de sortie des communications électroniques.
L’obsolescence de son réseau ne lui permettait pas d’en offrir l’accès car, en manque
d’infrastructures nécessaires pour l’acheminement des communications nationales et
internationales, comme reconnu par la loi. Il est vrai que son monopole partiel n’était pas
matérialisé par les moyens d’installations techniques. Mais, un problème se pose toujours sur
la libéralisation des télécoms, précisément les droits de « licence » ou d’« autorisation »
accordés aux opérateurs privés sur le segment du marché concurrent des services.
727. Le conservatisme de la loi-cadre de 2002 n’aide pas pour avancer les objectifs de
dérégulation du service public des PTT, au cours des mutations technologiques du marché
numérique. Si la forme juridique de l’OCPT a été modifiée en une société commerciale, ses
droits exclusifs autant que ceux du RENATELSAT n’ont cependant pas été abolis en tant
qu’exploitant public. Selon l’article 38 de la loi-cadre, chacun d’eux a le droit de détenir seul
sur le marché le « réseau de référence », soit un réseau de base filaire terrestre pour le premier
et le réseau satellitaire pour le second. Le législateur a imposé aux opérateurs privés de faire
transiter leurs communications nationales et internationales, à travers le réseau de
transmission de l’exploitant public. Dès lors, le marché dérégulé fait face à l’enjeu de
monopole résiduel de l’exploitant public.
728. Avant et après 2002, le droit positif congolais conserve la tutelle administrative de
l’exploitant public par l’État ainsi que les droits exclusifs sur les réseaux de base.1838
1. La tutelle administrative comme aspect rétrograde de la dérégulation en RDC
729. Premièrement, ces règles de droit public impliquent l’État dans la gestion interne de
ces entités, en affectant leur gestion quotidienne. Concernant la tutelle, le ministre du
portefeuille de l’État continue en effet, d’exercer la « [g]estion des mandataires publics dans
les entreprises publiques du portefeuille de l’État (entreprises publiques transformées en
sociétés commerciales et sociétés d’économie mixte) ».1839 C’est sur sa proposition que le
Président de la République, nomme des mandataires publics dans les entreprises d’État.1840

1836
Exposé des motifs, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1837
Articles 38 et 79, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1838
G. JÈZE, Les principes généraux du droit administratif, La notion de service public, les individus au service public, le
statut des agents publics, op.cit., pp. 15-20. Il est question de l’ « examen des différents critériums proposés » pour
reconnaître qu’il y a service public.
1839
Article 1, B. 9. 5e tiret, Ordonnance n°12/008 du 11 juin 2012 fixant les attributions des Ministères, JO RDC, 53 e année,
n° spécial, 14 juin 2012, p. 33.
1840
Article 81, alinéas 5 et 6, Constitution de la RDC du 18 février 2006, JO RDC.
290

Les fréquentes nominations des dirigeants confirment l’instabilité et l’inadéquation de ces


mécanismes de droit public : la mainmise de l’État se renforce dans la gestion interne de
l’exploitant public, en contraste avec le dynamisme économique et managérial du marché
numérique.1841
730. En effet, l’OCPT est l’entreprise congolaise qui a enregistré le plus grand nombre
de PDG depuis sa création en 1968, à savoir plus de soixante en dix ans, soit une moyenne
d’un PDG tous les six mois. Quel plan de développement pouvait-on attendre d’une telle
instabilité, comment pouvait-on le mettre en place avec des mandats aussi brefs ?1842 Plus
récemment, la même influence directe de l’État dans la gestion interne de cette société s’est
confrontée à l’arrêté ministériel n°008/MINPF/LMM/2016 du 1er novembre 2016 portant
suspension d’un mandataire public au sein de la « SCPT SA ».1843 Cet arrêté de la ministre du
portefeuille a « suspendu de toutes ses fonctions » 1844 le directeur général de la SCPT
(exploitant public). Il intervient moins de deux ans seulement après sa nomination par
ordonnance du Chef de l’État n°15/017 du 25 mars 2015.1845 En « considérant l’existence des
indices suffisamment précis, graves et concordants qui établissent une présomption sérieuse
de fautes de gestion dans [son] chef »,1846 la fin de ses fonctions a été confirmée en cours
d’année 2016.1847
731. Ainsi, il apparaît que malgré le processus de déréglementation, l’État conserve un
contrôle direct et ferme sur la gestion interne de l’exploitant public. Sa transformation d’EPIC
à société commerciale d’État (SA) ne change rien au conservatisme public. Cette emprise
tutélaire contraste avec les principes néolibéraux d’organisation des télécoms : elle prive
l’opérateur historique d’une souplesse d’adaptation, face au jeu concurrentiel du marché.
L’État reste donc présent dans les choix opérationnels d’un acteur public du marché. Cette
attitude a été étudiée par la commission et la justice européennes comme des cas de distorsion
possible de la concurrence pour des entreprises publiques françaises, dans les secteurs
libéralisés.1848 Réguler l’exploitant public ou le sanctionner revient à réguler la politique du
ministre du portefeuille traduite dans les actions économiques de l’entreprise. Cette situation
pose un réel problème à l’indépendance de l’Autorité de régulation. En effet, les affaires
relatives à l’exploitant public mettent le régulateur directement aux prises avec les politiques
publiques du gouvernement, exécutées par ledit exploitant qui lui sert d’instrument direct
d’action. Ces contraintes de la dérégulation congolaise opposant l’ARPTC, l’OCPT et le

1841
G. JÈZE, op.cit., pp. 10-11. L’auteur évoque « la situation juridique des individus employés par l’administration [qui]
n’est pas la même suivant qu’ils sont affectés de manière permanente à un service public proprement dit, ou qu’ils consacrent
leur activité à l’accomplissement des tâches qui ne sont pas des services publics proprement dits ».
1842
G. N’KULI, « Discours DGA : contribution de Vodacom Congo à la construction de la RDC », Vodanews, n°15, dépôt
légal n°MPI/021/2004, juillet-septembre 2006, p.19.
1843
Article 1er, Arrêté ministériel n°008/MINPF/LMM/2016 du 01 novembre 2016 portant suspension d’un mandataire public
au sein de la société congolaise des postes et télécommunications, en sigle "SCPT SA" [inédit]. « Le directeur général de la
SCPT, Didier Musete suspendu, 3 novembre 2016, MCNTEAM, Mediacongo [http://www.mediacongo.net/article-
21757.htmlactualité] (consulté le 4 novembre 2016.) « RDC Congo : Didier Musete, l’ADG de la SCPT, suspendu de ses
fonctions pour 3 mois », Agence écofin, TIC & Telecom, 4 novembre 2016 [www.agenceecofin.com] (consulté le 22.11.2016).
1844
Article 1er, Arrêté ministériel n°008/MINPF/LMM/2016 du 01 novembre 2016, préc.
1845
Ordonnance n°15/017 du 25 mars 2015 portant nomination des mandataires publics au sein de la Société commerciale des
postes et télécommunications, en sigle SCPT, JO. RDC, 56e année, 1er avril 2015, col. 9-10.
1846
Préambule, Arrêté ministériel n°008/MINPF/LMM/2016 du 01 novembre 2016, préc.
1847
Jusqu’à ce jour, la SCPT est sous la direction d’un DG ad interim.
1848
CJUE, France c/ Commission, C-559/12P, 3 avril 2014. Les transformations des EPIC suivantes entrent dans la logique
d’approfondir la libéralisation des marchés, anciennement monopolistiques : imprimerie nationale (1993), France Télécom
(1996), EDF et GDF (2004), Aéroports de Paris (2005) et la Poste (2010).
291

gouvernement sont approfondies comme « les aspects controversés de l’assise d’autonomie du


régulateur (ARPTC) face à l’exploitant public ».1849
2. Le contraste entre le fait et le droit dans le statut de l’exploitant public
732. Deuxièmement, l’exploitant public est censé exploiter un monopole partiel portant
sur le segment du marché des infrastructures. La loi lui reconnait ce droit exclusif de
possession sur le marché (dé)régulé. Cette exclusivité a cependant été décrétée sans réinvestir
dans les capacités de son réseau et dans sa fonctionnalité. L’exploitant public n’a donc pas été
doté des infrastructures techniques nécessaires pour la mission que le législateur de 2002 lui
confiait sur le marché en cours de libéralisation. Sur le principe de l’article 10 de la loi-cadre,
« [l]e réseau de référence est l’ensemble des réseaux […] établis ou utilisés par l’Exploitant
public […] pour les besoins publics ». Son exclusivité est temporaire, mais sans précision sur
son terme final. Ce délai importe beaucoup pour la lisibilité du marché ainsi que l’atteinte des
objectifs de la pleine concurrence. Le délai est en cause par rapport au fonctionnement et au
développement du marché électronique congolais.
733. Logiquement, après le délai légal d’exclusivité, d’autres opérateurs privés sont
censés autorisés à établir eux aussi des réseaux de référence, s’ils ne le sont pas déjà de facto
depuis longtemps. À ce jour, le « monopole spécial » de l’exploitant public est dépassé, car
faute de disposer d’infrastructures adéquates, la concurrence s’est installée sur son propre
segment désuet. Les opérateurs privés de télécoms évoquent leurs droits de « licence »
d’accès au marché et/ou d’« autorisation » de fourniture des services de télécoms. À juste
titre, ils considèrent leurs droits (concessions) comme étant inexploitables sans établir eux-
mêmes les maillons manquants des réseaux de transmission. Les infrastructures de base
constituent le préalable sine qua non pour la fourniture des services ouverts au public et dont
les opérateurs privés ont l’obligation. Le contraste entre la loi et le marché réside dans le fait
que c’est bien ce dernier qui a bâti le « kilomètre invisible » du réseau de transport des
communications avant d’offrir au public l’accès au « au dernier kilomètre » (« last mile »),
selon ses obligations de licences.1850
734. Le législateur de 2002 présente un niveau de transition des normes, comparable à
l’ancienne expérience dans le système juridique européen. Mais à la différence de la RDC,
l’expérience française a toujours associé son processus de libéralisation avec la
reconfiguration de son administration des PTT, dont son exploitant public émane. La loi-cadre
de 2002 se rapproche davantage de la législation française entre 1990 et 1996, 1851 mais les
« lois dérégulatrices » des télécoms restent systématiquement et conjointement édictées avec
celles restructurant son exploitant public.
735. Depuis 1990, la démarche française a permis d’effectuer une ouverture du marché
des services et des équipements, tout en aménageant et réaménageant les droits exclusifs de
1849
Cf. §2 de la présente section de thèse.
1850
BANQUE MONDIALE, « les dividendes numériques », Rapport 2016, préc., p. 14 et s. Le déploiement du réseau de
transport procède d’un central (switch, en anglais) ainsi que du réseau de transmission dit « kilomètre invisible », car celui-ci
reste souvent enfoui dans la terre ou est dématérialisé par ondes électromagnétiques. Le « dernier kilomètre » ou réseau
d’accès est celui qui relie le combiné du client ou le terminal de l’abonné avec le reste du réseau de collecte et de
transmission. Les services rendus au client concernent ce dernier maillon du réseau d’accès, tandis que le kilomètre invisible
concerne les relations d’affaires entre opérateurs du marché, celles qui devraient interconnecter le réseau de l’exploitant
public avec ceux des privés.
1851
Il en a été ainsi des « lois Quilès », à savoir : la loi n°90-1170 du 29 décembre 1990 sur la réglementation des
télécommunications et la loi n°90-58 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des
télécommunications, JO RF, 08 juillet 1990, p. 8070. En 1996, il intervient deux lois : la loi n°96-659 du 26 juillet 1996 de
réglementation des télécommunications en France (préc.) et la loi n°96-660 du 26 juillet 1996 de relative à l’entreprise
nationale France Télécom (préc.).
292

l’exploitant public « France Télécom » jusqu’à sa privatisation en 2013. Créée en 1988,


« France Télécom » avait bénéficié du statut d’exploitant public, sous la forme d’EPIC
détaché de l’administration (DGT/EPA) en 1990. En 1996, deux lois ont été promulguées sur
la « réglementation des télécoms » 1852 et sur « l’entreprise nationale France Télécom ».1853
Elles assurent la libéralisation totale du marché, tout en transformant France Télécom en
société anonyme de droit privé. Cependant, en anticipation et/ou en accompagnement des
transformations législatives, le « colbertisme high-tech » avait permis de préparer l’opérateur
public français (autrefois exclusif) à la concurrence.1854
736. Depuis 1998, l’objectif des politiques publiques françaises est arrivé à son but en
respectant les délais de la loi de 1996, levant la réserve des droits au profit de la pleine
concurrence sur le marché français. Les réserves des droits exclusifs ont permis de financer
l’opérateur historique pour une modernisation nécessaire face à la concurrence. La réserve
temporaire de ce segment a assuré aussi le recouvrement des investissements publics
antérieurs sur les infrastructures, tout en gardant la part des revenus sur les services de
communications téléphoniques.
737. Dans le même sens qu’en France, la ratio legis congolaise a reconnu « des droits
exclusifs et spéciaux »1855 à l’exploitant public, en vue de lui procurer également un
« avantage prospectif »,1856 voire spéculatif,1857 face à la libéralisation du marché. Ce
privilège réglementaire devait servir à sa recapitalisation, avec l’aide d’investisseurs
potentiels pour attirer cette garantie de droit.1858 Cependant en RDC, pendant plus de dix ans,
l’utilité pratique de ce conservatisme législatif est restée symbolique dans sa finalité, plutôt
qu’effective. L’an 2002 fut la date d’édiction de ces réserves de droit sur le marché. La fin et
le début des années 2000 et 2010 marquent respectivement les premiers soubresauts de
relance d’activités de l’exploitant public (depuis la loi-cadre de 2002,1859) sachant que le
marché avait évolué entretemps, faute d’exploitant public.1860

1852
Loi n°96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications [en France], préc.
1853
Loi n°96-660 du 26 juillet 1996 de relative à l’entreprise nationale France Télécom [en France], préc.
1854
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 1, Section 2 de la présente thèse.
1855
Article 38, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1856
Exposé des motifs, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), JO RDC, n° spécial, 25 janvier 2003, p. 22. L’usage du futur est
illustratif : « Le statut de l’exploitant public sera entendu comme la forme juridique qu’il adoptera et les obligations
auxquelles il souscrira par la signature du cahier des charges et contra-programme ».
1857
Ibidem. La motivation législative est de déterminer un statut pour le besoin de sa « capacité […] à mobiliser les
ressources » (JO RDC, ibidem.)
1858
Ibidem. « Ce statut est déterminé par la capacité de l’exploitant public à mobiliser les ressources nécessaires pour
construire un réseau national de télécommunications permettant d’atteindre au moins un taux de pénétration téléphonique soit
1 ligne téléphonique pour 100 habitants d’ici l’an 2002 ».
1859
Cf. Partie 2, Titre I, Chapitre 2 de la présente thèse. Le chapitre suivant étudie les nouveaux défis d’économie numérique,
marqués par la relance d’activités techniques et commerciales de la SCPT/OCPT, après 10 ans de droits exclusifs inactivés.
La relance intervient à l’expiration des droits exclusifs, alors que les investissements privés avaient pris le relais et
s’attendaient à la suppression des droits de l’exploitant public. En fait, l’État congolais a négocié et conclu avec la Chine en
2008 des contrats de modernisation des infrastructures pour une enveloppe globale de plus de 6 milliards de dollars
américains. Ce contrat inclut la construction d’un réseau national de télécoms à fibre optique rendu opérationnel et
commercialisé entre 2013 et 2014, à la suite de l’adhésion du pays au Consortium WACS (West african cable system)
quelques années auparavant. Celle-ci a permis sur la côte Atlantique congolaise (Moanda) la construction d’un point
d’atterrissement du « système de câble ouest-africain » à fibre optique, le seul dans l’histoire du pays. Les constructeurs et
équipementiers chinois ont construit la phase 1 et 2 de la ligne de transmission reliant le WACS avec le réseau de câble de
600 kilomètres (Phase 1 : province du Sud-ouest, Kinshasa-Moanda-Bandundu) déjà mis en exploitation depuis 2012, de
plus, 3.000 kilomètres sont en cours de construction avec la même expertise chinoise (Phase 2 : provinces du centre et du
Sud-est, grand Kasaï et grand Katanga). Toutes ces infrastructures high-tech de l’État sont sous la gestion de la SCPT/OCPT.
1860
Radio Okapi, « la RDC officiellement connectée au câble à fibre optique », Monusco, Fondation Hirondelle, le 08 juillet
2013, [www. radiookapi.net/actualité/2013/07/08/la-rdc-officiellement-connectée-au-cable-fibre-optique] (consulté le 18 août
2016).
293

738. En effet, aucune infrastructure, ni réseau actif, ni savoir-faire technique de


l’opérateur historique défaillant n’ont valorisé son privilège légal devant lui servir d’atout de
protection, de valorisation de ses opérations, de modernisation de ses infrastructures ou de
sauvegarde des revenus. Le législateur lui accordait le monopole sur le segment des
transmissions de signal à partir de son réseau de référence. Mais il est à constater que
l’absence d’offre d’accès au réseau de l’opérateur public reste à la mesure des attentes du
marché et du public. Il n’existe de service offert sur le marché de détail (retail sales) face à la
concurrence, tandis que l’interconnexion (whole sales) n’est disponible en RDC que depuis
2014 dans seulement trois provinces sur 26. Les travaux de déploiement du réseau ont été
engagés en 2009 avec 3.900 kms de câble à fibre optique sur les 50.000 kms nécessaires au
pays. Ils ont été installés suite à la convention de collaboration signée respectivement le 17
septembre 2007 et le 22 avril 2008 par l’État congolais et des investisseurs chinois.1861 La
situation de la totale inactivité de l’exploitant public a duré pendant dix ans, elle a quasiment
rendu caduque l’usufruit de ses droits exclusifs. Les opérateurs du secteur privé ont organisé
et investi ce segment monopolistique « pour la fourniture des services de base ouverts au
public », dont l’exploitant public (OCPT/RENATELSAT) était désigné comme « opérateur de
monopole ».1862
739. Par conséquent, le contraste de la loi et des faits est bien établi et crée des enjeux au
droit de la régulation. Depuis 1999, trois ans avant la loi-cadre, les premiers investissements
d’opérateurs privés des télécoms ont commencé à combler la défaillance en infrastructures de
base de l’exploitant public, OCPT/RENATELSAT. « La nature des choses abhorre le vide » :
les opérateurs privés successifs ont supplanté l’exploitant public. Il en est ainsi par exemple
des services téléphoniques internationaux, autorisés à la concurrence pour sa fourniture.
L’usage de l’identifiant téléphonique national « +243 » était autrefois l’apanage exclusif de
l’opérateur historique, OCPT.1863 Pour des raisons pratiques, le marché agit en lieu et place de
l’exploitant public, sous le couvert de sa licence d’exploitation. Le contraste se situe donc
entre l’exclusivité spéciale de l’opérateur historique, accordée par la loi, les titres
d’exploitation de la concurrence et les contraintes réelles sur le marché.
740. C’est sur la base de ce contraste qu’en 2005, il y eut le désaccord entre l’exploitant
public et le reste du marché, impliquant aussi l’Autorité de régulation. Les indemnités
revendiquées par l’exploitant public étaient formulées et calculées en fonction de l’usage du
« code +243 »1864 par les réseaux privés, au motif que ces derniers empiétaient sur ses droits

1861
T. COLOMA « Quand le fleuve Congo illuminera l’Afrique, Le ’’Contrat du siècle’’, Le Monde diplomatique, février
2011, [https://www.monde-diplomatique.fr/2011/02/COLOMA/20108]. Signés en RDC et en Chine, ces contrats couvrent
des prêts titrisés en donnant à la Chine 14 milliards de dollars de réserves de cuivre et de cobalt, en lien avec un programme
d’investissement qui confie l’exploitation de ces ressources Socomine, appartenant à des sociétés d’État chinoises (68%) et
congolaises (32%). Le « contrat chinois » est resté illustre pour l’implication économique croissante de l’Empire du Milieu
sur le Continent noir, par le débat qu’il a suscité au Parlement congolais et les efforts du FMI pour réduire le niveau
d’endettement de la RDC.
1862
Cf. « De l’exploitant public », Exposé des motifs, LCT, JO RDC, n°spécial, 25 janvier 2003, p. 22.
1863
UIT, Atelier sur la création du nouveau plan de numérotage national en Afrique, Cotonou, Bénin, 30 juin-4 juillet 2003.
Cf. pour la synthèse des recommandations de l’atelier : [http://www.itu.int/ITU-D/treg/Events/Seminars/2003/Benin/index-
fr.html] (consulté le 8 octobre 2017) Le plan de numérotage national comprend : 1° le préfixe international (PI), en anglais
international prefixe (IP) aussi qualifié d’indicatif du pays (IP), en anglais country code (cc), 2° le numéro significatif
national (NNS), en anglais National Significant (NSN), 3° l’indicatif national de destination (IND), en anglais National
Destination Code (NDC) souvent appelé interurbain ou code de zone, 4° le numéro d’abonné (NA), en anglais Subscriber’s
Number (SN), soit PI-NNS-IND-NA pour la structure d’un numéro d’appel en RDC comme +243-81-631-0639.
1864
Ibidem. Le Code +243 pour la RDC, comme le code +33 en France, est l’indicatif du pays (country code) attribué par
l’UIT comme élément du plan de numérotation téléphonique permettant d’identifier un pays dans le réseau mondial
interconnecté. Il figure comme préfixe du numéro de téléphone personnel de l’abonné d’un réseau congolais ou français selon
le cas, afin de se combiner avec d’autres éléments (régionaux et identifiants) locaux identification. Dans l’interconnexion
294

exclusifs. L’exploitant public exigeait la rétribution de ses prérogatives, alors qu’il était dans
l’incapacité technique d’assurer lui-même de tels services. L’exploitant public, l’OCPT
précisément, réclamait des royalties au motif qu’ils empiétaient son domaine légal
d’exclusivité. Les faits de la cause révélaient ainsi les prétentions de l’exploitant public
fondées sur l’énoncé législatif des droits, mais sans fondement. Il était en effet inactif sur son
segment de marché, faute d’infrastructures opérationnelles.
741. Aussi, sur décision de l’ARPTC, le différend opposant l’OCPT Ŕ exploitant public
Ŕ aux opérateurs privés a-t-il été tranché pour éviter un fâcheux précédent quant à l’usage des
ressources domaniales de l’État. Sa décision n°001/ARPTC/2015 détermine une règle
générale et de principe durable de sécurité juridique: « les frais d’utilisation du code +243
[…] sont difficiles à appréhender dès lors que ce code n’est qu’un identifiant attribué à la
République Démocratique du Congo par l’Union Internationale des Télécommunications et
dont l’utilisation par les usagers est une nécessité pour joindre leurs correspondants habitant
la République Démocratique du Congo ».1865
742. L’enjeu juridique de ce désaccord est d’avoir alimenté le pragmatisme de la
régulation. La décision précitée a servi de source de sécurité juridique pour l’intervention
supplétive des privés sur le segment de marché des infrastructures réservées à l’exploitant
public. En effet, ledit désaccord est à la base d’une décision historique du régulateur ayant
limité durablement la portée pratique des « droits exclusifs » entre la loi et les faits sur le
marché. Ensuite, il aura également servi à construire le compromis sur la sécurité juridique
des investissements privés réalisés dans le segment exclusif de l’opérateur historique. Il aura
enfin servi à séparer l’exploitant public et l’ARPTC sur l’usage des ressources du domaine
public dont l’opérateur historique avait la pleine jouissance, avant l’institutionnalisation du
régulateur. Les deux dernières conséquences concernent des aspects particuliers post-
dérégulation, ayant placé les prérogatives et privilèges de l’exploitant public
(OCPT/RENATELSAT) ainsi que de l’Autorité de régulation (ARPTC) dans un même champ
de législation. Un point spécifique de notre thèse développe ces corollaires.1866
743. En conséquence, il s’avère que la décision n°001/ARPTC/2015 du régulateur a un
effet direct sur le fondement « des droits exclusifs » de l’exploitant public par rapport au
marché. Il convient de spécifier qu’elle est depuis 2005 une source indéniable de
fonctionnement du marché. (B.)

B./ L’AVIS DU RÉGULATEUR SUR LE CONTRASTE DES DROITS DE L’EXPLOITANT PUBLIC ET DU MARCHÉ

744. L’importance de la décision n°001/ARPTC/2005 est telle, qu’elle précise le contour


des droits exclusifs de l’exploitant public. Elle fait « jurisprudence » en établissant le
fondement juridique selon lequel l’exclusivité des droits demeure une réserve légale mais
reste non-effective tant que sa matérialisation n’est pas assurée par des infrastructures
opérationnelles, mises à disposition sur le marché. Comme dans les réformes législatives en
Europe1867 ou en France1868, ce sont des infrastructures territoriales préexistantes, qui

internationale, le dialogue des machines se limite à identifier le pays par son code en vue d’ouvrir la voie d’un appel ou
l’aiguiller.
1865
Décision n°001/ARPTC/2005 du 25 avril 2005 [inédit].
1866
Cf. point B. du présent § et son § suivant dans la présente thèse.
1867
Cf. Partie 1, Titre 1, Chapitre 2, Section 1 de la présente thèse. Il s’agit notamment de la directive européenne
90/387/CEE, dite « directive ONP », préc.
1868
Cf. Ibidem. Il est à noter que les Lois Quilès des 2 juillet et 29 décembre 1990 de réglementation des télécoms et
d’organisation du cadre des services publics ainsi que relative à France Télécom, préc.
295

justifiaient au profit de leur détenteur étatique, la réserve de ce segment dans la loi. C’est en
ce sens que des droits exclusifs et temporaires avaient été conservés en faveur des opérateurs
historiques sur leurs actifs (équipements et valeurs) anciennement monopolistiques.
Fondamentalement, cette décision précise que l’esprit de la loi-cadre était de doter l’opérateur
historique d’un statut privilégié pour favoriser sa capacité à mobiliser de nouveaux
investissements. La relance du maillon principal du réseau national (dit « backbone ») devait
servir au progrès technologique et à la concurrence sur le marché électronique. Mais il n’était
pas destiné à servir de fait générateur pour une prime d’inactivité de l’exploitant public sur le
marché.
745. Effectivement, l’exploitant public confondait ses « droits »1869 exclusifs en tant que
prérogatives légales sur les infrastructures des télécoms avec un « pouvoir »1870 régalien sur
les ressources nationales en numérotation. Si le monopole absolu pouvait permettre cette
délégation de pouvoir de l’État au profit de l’ex-ONPTZ/OCPT/SCPT dans son statut de
1978, 1871 les droits exclusifs de 2002 étaient de simples réserves d’activités et non des droits
de substitution à l’État. C’est à juste titre que le législateur de 2002 n’imposait pas forcément
le contrôle de l’opérateur de ce réseau par l’État, mais il ciblait plutôt celui de la nature des
infrastructures concernées.1872 L’ARPTC a tenu compte de cette logique de la loi (ratio legis)
dans sa décision précitée du 25 avril 2005.
746. En fait et en droit, l’autorité de régulation a qualifié d’inopérante les prérogatives
d’un exploitant public défaillant, l’empêchant de profiter de son segment monopolistique, à
tel point qu’il ne serait pas en mesure d’offrir au marché, l’infrastructure nécessaire au
transport des signaux et communications électroniques. L’opérateur d’infrastructures de base
ne saurait empêché les opérateurs privés d’offrir des services au marché, ceux-ci sont fondés
le cas échéant à substituer leurs propres installations pour pallier l’absence d’un réseau de
référence. Les possibilités techniques sont telles qu’il n’est pas obligatoire de faire recours au
réseau de transmission de l’exploitant public pour assurer l’acheminement des signaux au
niveau national ou international. Sur le plan commercial, il est de « principe […] que tout
service rendu, soit rémunéré. Dès lors, on est en droit de se demander quel est le service rendu
par la SCPT (OCPT) et le RENATELSAT aux opérateurs pour attendre une rémunération. En
effet, ils paient l’opérateur public qui joue effectivement le rôle de centre de transit, en
mettant à leur disposition les infrastructures nécessaires pour ce faire ».1873
747. En réalité, avec l’économie de marché, la dérégulation a substitué les règles de droit
privé dans le marché, en opposition aux pratiques de droit public liées aux services publics.
La régulation a désormais interdit à l’opérateur de monopole de prétendre à des indemnités
quelconques, sans avoir assuré au préalable, une offre d’accès pour des opérateurs hôtes.1874
Par ailleurs, une règle est établie en RDC depuis 2005 à la suite du différend opposant
1869
G. CORNU, op.cit, p. 793. Verbo « prérogative ». P. AVRIL et J. GICQUEL, Lexique de droit constitutionnel, préc., p.92.
Verbo « prérogative ». S’agissant d’un « attribut d’un droit, chacun des pouvoirs exclusifs spécifiés, des moyens d’actions,
etc. » (selon Gérard Cornu), les droits exclusifs ne pouvaient se confondre avec le « [p]rivilège attaché à l’exercice d’une
compétence » (au sens de pierre Avril et Jean Gicquel).
1870
P. AVRIL et J. GICQUEL, Lexique de droit constitutionnel, préc., p.89. Verbo « pouvoir ». Le pouvoir désigne la « [f]orce
qualifiée par le droit » ; il « [d]ésigne les actes qu’une autorité publique est juridiquement habilitée à accomplir. Du point de
vue de droit constitutionnel, il renvoie à l’exercice de la souveraineté et présente un caractère originel : […] le pouvoir
exécutif, dont sont investis certains organes qui constituent les pouvoirs publics ».
1871
Ordonnance n°78-222 du 5 mai 1978, préc.
1872
Exposé des motifs, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1873
A. MBAUNEWA NKIERI, op.cit, p.180.
1874
Par absurde, la défaillance de l’opérateur public à réaliser ses droits exclusifs correspond à un manquement au devoir
sous-jacent de mettre à la disposition du marché le réseau de référence, obligé par la loi, précisément au sens de l’article 38,
Loi-cadre sur les télécoms (RDC).
296

l’OCPT, exploitant public et les opérateurs privés sur l’usage du « code pays » (country code).
En l’espèce, la régulation congolaise a statué de manière à conclure que « les ressources-
racines » ne sont pas la propriété d’un quelconque réseau national, spécialement, l’identifiant
téléphonique du pays « +243 ».1875 Par application de cette règle, le nom de domaine « .cd »
(TLD) ou des adresses IP ("Internet protocol") sont du domaine public ; l’État les concède
aux exploitants ou en autorise l’utilisation sur son territoire. Ces ressources sont des
identifiants essentiels à configurer dans un réseau fonctionnel pour l’interopérabilité avec
d’autres systèmes électroniques. L’exploitant public ne peut donc en être rétribué que si une
contrepartie des services transite par son réseau de base. Les opérateurs historiques OCPT ou
le RENATELSAT n’étant pas en mesure, de satisfaire cette condition pratique, la rétribution
de l’exclusivité est sans objet. Par conséquent, le marché devient fondé à agir de facto dans le
domaine de l’exploitant public, au sens dérogatoire de l’article 30 dernier alinéa de la loi-
cadre de 2002. Leurs propres installations sont couvertes par leurs droits de licence, leur
permettant des « interconnexions maillées », là où l’« interconnexion étoilée »1876 n’était plus
susceptible d’assurer le « cœur de la chaîne » de transmission des appels téléphoniques et des
données, autour de l’exploitant public.
748. En somme, la mutation du droit congolais des télécoms s’effectue plus lentement
que le saut technologique vers le numérique et l’économie de marché. La politique législative
de 2002 a des difficultés à maintenir l’exclusivité des droits sur les infrastructures. Les enjeux
de globalisation transcendent le protectionnisme local.1877 Le compromis de 2005 reste entre
les principes conservatistes applicables pour l’exploitant public et l’idéologie libérale
dominante dans le monde.1878 Les licences individuelles et autres autorisations d’accès
permettent la fourniture des services de télécoms. Ces « concessions de service public »1879
valent des titres administratifs d’exploitation, fondant à déployer des installations alternatives
pour fournir les services ; ces titres les habilitent et les astreignent. Cette faculté se justifie tant
que l’opérateur public ne présente pas d’offre d’infrastructures correspondantes sur son
segment de marché exclusif conformément à la loi-cadre de 2002.
749. Toutefois, les bases de ce compromis sont en train de connaître deux mutations
nouvelles sur le marché numérique congolais. D’un côté, le cadre légal des télécoms de 2002
est en cours de révision. De l’autre, depuis le début 2010, l’opérateur historique (OCPT) est
en phase 1 et 2 sur 5 de sa reprise d’activités sur le marché congolais. Après plus de dix ans
d’absence due à des équipements désuets de l’héritage colonial, il révolutionne son offre en
investissant dans un réseau de transmission exclusivement à fibre optique. Avec une offre

1875
K. NDUKUMA ADJAYI, op.cit, p. 99. Cf. Décision n°001/ARPTC/2005 du 25 avril 2005 relative au désaccord entre
l’Office congolais des postes et télécommunications (OCPT) et les sociétés de télécommunications (inédite). [Source :
archivage de la notification de la décision faite à la société Vodacom Congo, l’une des parties litigantes]. La règle, qui se
dégage de la décision n°001/ARPTC/2005 de l’ARPTC est ainsi formulée : « les frais d’utilisation du code +243 […] sont
difficiles à appréhender dès lors que ce code n’est qu’un identifiant attribué à la République Démocratique du Congo par
l’Union Internationale des Télécommunications et dont l’utilisation par les usagers est une nécessité pour joindre leurs
correspondants habitant la République Démocratique du Congo ».
1876
L’interconnexion étoilée ou « starred interconnection » est un hébergement de toutes les liaisons des réseaux par un
système hôte qui réachemine les appels dans chaque route des réseaux tiers qui y converge.
1877
L’absolutisme des droits ne devrait pas entraver le développement du marché. La préservation du climat des affaires
requiert la protection des investissements privés. Les fameux « sunk cost » concernent les télécoms, imposant des coûts,
inhérents au déploiement d’une industrie de réseau. Ils sont difficilement récupérables et requièrent une stabilité de longue
durée.
1878
Décision n°001/ARPTC/2005 du Collège de l’ARPTC du 25 avril 2005, préc.
1879
G. CORNU, op.cit, p. 396. Verbo « concession » : les droits de licence et autorisation d’accès sur le marché découle de la
concession de service public de l’État aux opérateurs privés, comme l’ « [a]cte partiellement conventionnel, par lequel
l’administration confie à une personne choisie à raison de ses qualités, la gestion à ses risques et périls d’un service public,
moyennant une rémunération perçue par les usagers de ce service ».
297

d’interconnexion à ses infrastructures (en cours de déploiement), l’exploitant public


renouvelle le défi juridique de son exclusivité face au marché. Cette relance alimente le débat
sur la révision de la loi de 2002, dont le projet est soumis à l’Assemblée nationale depuis le 19
avril 2017. Faut-il préserver l’exclusivité afin de protéger et favoriser les réinvestissements
publics dans les infrastructures "high-tech" à fibre optique ? Faut-il plutôt tenir compte des
investissements privés fonctionnels, sachant que le secteur privé craint leur
« nationalisation »1880 ? Les enjeux de la transition numérique face à la loi-cadre sont
examinés au chapitre des défis de législation des télécoms pour l’accès de la RDC à
l’économie numérique.1881 Les défis d’un renouveau du cadre légal de 2002 sont abordés aux
deux derniers titres de notre étude. À ce stade de développement, la révision des lois de 2002
déborde des aspects réservés aux enjeux actuels du marché face à l’exploitant public, son
statut et son « monopole résiduel ».1882
750. Les développements sur ce point évoquent le contraste général des droits exclusifs
énoncés par la loi-cadre avec les réalités du marché. Il part d’une observation, à la lumière du
droit comparé, en vue d’éclairer les enjeux particuliers sur cet aspect. Les défis spécifiques
inhérents à l’exploitant public ont été approfondis. Ils concernent leurs rapports vis-à-vis du
marché (secteur privé), mais ces derniers et les prétentions face à l’instauration de l’ARPTC
sont aussi source de mêmes types d’enjeux. (§2.)

§2. Les aspects controversés de l’assise d’autonomie du régulateur (ARPTC)


face à l’exploitant public des télécoms

751. Les débuts de la dérégulation ont opposé l’OCPT/SCPT et l’ARPTC. Ils dévoilent
le compromis trouvé pour assurer l’autonomie de l’Autorité de régulation face à l’exploitant
public. Au terme de l’article 8 de la loi-cadre, l’ARPTC est « un service public dotée (sic) de
la personnalité juridique ». Par ailleurs, l’article 1er de la loi n°014/2002 précise la nature de la
création, au titre de « personne morale de droit public dotée de la personnalité civile ». Les
moyens d’action de la régulation garantissent son indépendance vis-à-vis du gouvernement,
de l’exploitant public et du marché, semblable à la nature d’ « AAI » pour l’ARCEP en
France.1883 L’article 38 de la même loi-cadre consacre l’exploitant public, à qui il reconnait
des droits exclusifs.
752. En pratique, il s’est alors posé une problématique fondamentale entre la nouvelle
assise de l’État-régulateur et l’idée de l’État-entrepreneur dans le secteur des télécoms. (A./) :
L’autonomisation financière du régulateur étatique s’est particulièrement trouvée en butte aux
révendications de l’ancien opérateur de monopole public. Pour autant, l’instauration de la taxe
de régulation s’est caractérisé non seulement par des avancées réglementaires maladroites,
mais aussi par des controverses statutaires. (B./)
1880
Source documentaire : Lettre collective n°DPE/LYK/BL/F.0516/2014 du 12 mai 2016 de la Fédération des entreprises du
Congo (FEC) adressée au VPM, Ministre des PTT, concernant : « Transmissions […] commentaires des opérateurs [privés]
de Téléphonie et des ISP réunis au sein de la FEC ». Sur les 7 points de la lettre, le 4e concerne la « nationalisation des
infrastructures ». La FEC soutient que : « La conséquence sur les licences des opérateurs en cours qui seront convertis dans
les trois mois de l’entrée en vigueur de la loi sera l’éclatement de tous les réseaux de titres d’exploitations non cumulatifs et
consacrera la nationalisation des infrastructures puisqu’elles tombent dans le domaine public ».
1881
Cf. Partie 2, Titre II, Chapitre 2, section 1, §1, A et B de la présente thèse.
1882
Cf. Partie 2, Titre II, Chapitre 1 et 2 de la présente thèse.
1883
M. THOUZEIT-DIVINA, Dictionnaire de droit public interne, LexisNexis, Paris, p. 44. S’agissant d’une « Autorité
administrative indépendante (AAI) », il s’entend de l’ « organisme qui présente la double particularité éponyme non
seulement d’agir comme une institution ou une administration publique mais ce, sans être soumis au pouvoir hiérarchique de
contrôle et de direction (et donc sans « dépendre ») de l’État Ŕ qui l’a pourtant créé Ŕ ainsi que des opérateurs des secteurs
dans lesquels il évolue. »
298
299

A./ L’AUTONOMIE DU NOUVEAU RÉGULATEUR (ARPTC) AUX PRISES AUX DROITS EXCLUSIFS
DE L’EXPLOITANT PUBLIC

753. La déréglementation a déterminé les acteurs publics (régulateur, administration et


opérateur historique) dans le domaine des PTT où il n’existait qu’un seul opérateur de
monopole public. Le droit public classique conférait au détenteur du monopole le pouvoir de
réglementation dans le service public.1884 En institutionnalisant l’Autorité de régulation sur le
marché, la loi-cadre exécutait à son profit le transfert du pouvoir de réglementation de
l’OCPT exerçait jusqu’en 1982, dans le cadre légal de son monopole de 1978. 1885 L’assise
d’autonomie du régulateur était, dans le même domaine de régulation que l’ARPTC, l’enjeu
principal que les droits exclusifs soulevaient. La distinction devait nécessairement être faite
entre les droits détachables de l’État, confiées à un opérateur public, et les droits régaliens
non-détachables de l’État, confiés à une autorité administrative.
754. Sur ce point, l’enjeu particulier procède de la titularisation des droits et avantages
de cette réglementation ex ante. La « taxe de régulation » a été l’objet de la résistance au
changement exprimée par l’OCPT face à l’ARPTC. À cet effet, l’État congolais a obtenu un
équilibre entre l’autonomie (financière et fonctionnelle) des pouvoirs de l’Autorité de
régulation et les droits de l’opérateur historique en tant qu’exploitant public. Des royalties
sont versées à l’exploitant public, en les prélevant sur les recettes devant revenir au
régulateur. Ce compromis assure à cette dernière de réglementer le secteur, sans avoir à subir
les rivalités de l’exploitant public. Le gouvernement a entrepris une laborieuse construction
juridique de cet accommodement entre droit fiscal, droit administratif et droit de la régulation
pour réussir l’essentiel de la dérégulation des télécoms en RDC.1886
755. En effet, depuis sa création en 2002, l’Autorité de régulation construit son
autonomie fonctionnelle et financière. En exécution de la loi-cadre sur les télécoms et de la loi
n°014/2002,1887 le gouvernement décida de lever la « taxe de régulation » au profit de
l’ARPTC par l’arrêté interministériel n°006/CAB/MIN/FIN&BUD/2003 et 001/CAB/MIN/PTT/2003.1888
Cette mesure politico-administrative reste originale quant à sa conception et aux aspects de sa
stabilisation. À la base, ce sont les « frais de terminaison » des appels téléphoniques qui
constituent l’assiette de ladite taxe. Elle a pour base de calcul le tarif des communications
internationales entrantes en RDC, usant du « country code +243 », l’« indicatif pays » assigné
au pays par l’UIT. Cet arrêté prévoyait une perception de la quotité de 0,05$/minute au
bénéfice du régulateur, sur les frais de terminaison obligatoirement facturés à 0,20$/minute
par tout opérateur local vis-à-vis des opérateurs étrangers. 1889

1884
M. DE VILLIERS et T. DE BERRANGER (sous la dir.), op.cit, pp. 522, 554-556. Cf. supra : l’ordonnance de 1978 (préc.) sur
le statut de l’ex-ONPTZ/OCPT/SCPT lui déléguait le pouvoir de faire appliquer la réglementation dans le département des
PTT.
1885
Encore faut-il préciser qu’en droit congolais, le pouvoir de réglementation de 1978 avait été repris à l’ex-
ONPTZ/OCPT/SCPT en 1982 par l’Ordonnance n°82-027 du 13 décembre 1982. Cette ordonnance transférait ce pouvoir au
Secrétariat général (Administration) des PTT sous la tutelle du Ministre des PTT, en révision de l’ordonnance n°78-222 du 5
mai 1978 ayant consacré la confusion des pouvoirs d’exploitation, de réglementation et de régulation dans le chef de l’ex-
ONPTZ.
1886
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation, op.cit., p.115. « Le cœur de la [dé]régulation est donc le
régulateur. »
1887
Article 21, de la loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l’ARPTC, préc. : « L’autorité de régulation
dispose de ressources ordinaires et de ressources extraordinaire. A. Les ressources ordinaires comprennent : […] d) la taxe de
régulation ».
1888
Arrêté interministériel n°006/CAB/MIN/FIN&BUD/2003 et n°001/CAB/MIN/PTT/2003 du 25 janvier 2003 portant fixation de la
taxe terminale sur les communications internationales entrantes, JO RDC, n° spécial, 44e année, 25 janvier 2003, p.50 et s.
1889
Au sens de l’arrêté n°006/CAB/MIN/FIN&BUD/2003 et n°001/CAB/MIN/PTT/2003 précité, la hauteur de la « taxe terminale » ou
« frais de terminaison d’appel » est de l’ordre de 0,20$ par minute d’appel téléphonique international entrant en RDC. C’est
l’opérateur du réseau étranger qui rétrocède au réseau situé en RDC cette quotité sur la facture de l’émetteur d’appel.
300

756. C’est par la suite entre 2003 et 2005 que la taxe de régulation devient l’objet d’un
quadruple enjeu de politique sectorielle, tantôt en contraste, tantôt en conformité avec des
règles administratives et des procédures fiscales. Tous ces enjeux concourent à
l’indépendance de l’ARPTC vis-à-vis de l’exploitant public et du gouvernement, sachant que
l’autonomie financière du régulateur contribue à son fonctionnement optimal et renforce par
conséquent son indépendance.
757. Le gouvernement a employé le rôle de redistribution des finances publiques pour
pacifier les rapports entre les organes étatiques démultipliés par la dérégulation au sein du
même secteur. Les mécanismes financiers ont permis d’obtenir une entente pour l’insertion du
régulateur dans les PTT, en tant que nouvel organe de régulation sectorielle. Asseoir
l’autonomie fonctionnelle de l’ARPTC requérait d’écarter les obstructions des anciens
régulateurs monopolistiques : OCPT et RENATELSAT. L’enjeu d’indépendance de
l’Autorité de régulation procédait aussi de la séparation de ses moyens de fonctionnement
avec l’administration des PTT, chargée également des missions de réglementation. Cette
modalité a permis d’asseoir le rôle du régulateur en obtenant la nécessaire entente avec
l’opérateur historique.
758. En réalité, le législateur de 2002 dispose que les recettes prélevées des titres
d’exploitation doivent servir au développement des télécoms.1890 L’État congolais n’avait pas
préparé le réseau de l’OCPT à rester viable face à la concurrence internationale du marché
après la démonopolisation. L’opérateur historique s’estimait en droit d’obtenir des ressources
publiques dans le but de maintenir tout au moins son administration en état de fonctionnement
et à terme, de moderniser son réseau suranné et défectueux. L’exploitant public considérait la
taxe de régulation comme une source indirecte de rétribution de son monopole réglementaire,
transmué en droits exclusifs. Trois mois seulement séparaient la création de la taxe de
régulation (janvier 2003) et la promulgation de la loi-cadre sur les télécoms ainsi que la loi
n°014/2002 (octobre 2002). L’opérateur historique s’opposait au nouveau régulateur dès
2005, faute de recevoir des royalties de la part des opérateurs du marché, se fondant sur le fait
que le régulateur en était largement pourvu via la taxe calculée sur son ancien [at]tribut de
monopole : le code +243.1891
759. Avant la loi-cadre de 2002, l’exploitant public (OCPT) avait acquis d’appliquer la
réglementation aux acteurs de son champ du monopole de service public. Historiquement, des
royalties lui étaient versées pour les autorisations d’intervention qu’il délivrait aux
« radioélectriques privées ».1892 « Traditionnellement, les opérateurs historiques aux mains de
l’État assuraient des services de télécommunications en régime de monopole sur la plupart des
marchés. Les activités de télécommunications étaient considérées comme une branche de

L’opérateur local est ainsi rémunéré pour le service de délivrance des appels téléphoniques en provenance de l’étranger
auprès du destinataire final se trouvant sur le territoire congolais. Sur ce segment de marché, l’ARPTC obtenait 0,05$/minute
d’appel tandis que l’opérateur conservait 0,15$/minute d’appel sur ses frais de terminaison. À ce jour (2017) cette taxe
demeure toujours, mais seulement son taux est ramené à 20% pour compte du trésor indifféremment des frais de terminaison
librement pratiqué entre opérateurs basés en RDC et opérateurs étrangers.
1890
Article 40, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. : « Les recettes tirées des frais de licence, d’autorisations de
déclarations, de taxes et redevances, en rapport avec les télécommunications, servent essentiellement au développement de
télécommunications ».
1891
Cf. Point A du présent § de thèse. Au préalable, il a été démontré ci-dessus que les opérateurs privés avaient obtenu de ne
pas rémunérer le monopole de l’exploitant public. La décision obtenue de l’ARPTC les fondait en refusant de lui verser des
royalties sans contrepartie d’accès à des infrastructures de base, même s’il en avait en principe l’exclusivité.
1892
Ordonnance-loi n°71-015 du 15 mars 1971 sur les installations radioélectriques privées, Moniteur congolais, n°8, 15
avril 1971, p. 362.
301

l’administration publique, parallèlement aux services postaux, aux transports routiers, et aux
autres services publics, de sorte que les licences n’étaient pas jugées nécessaires ».1893
760. En énonçant les droits exclusifs temporaires et partiels de l’exploitant public, le
législateur de 2002 confortait l’idée d’une extension ou délégation des pouvoirs de l’État à sa
compétence sur le marché. S’estimant encore dans les schèmes du droit administratif
classique,1894 l’OCPT tendait à exercer des attributs de puissance publique notamment sur le
« country code +243 » pour tirer des bénéfices économiques et financiers au nom de l’État. À
défaut pour les opérateurs privés de transiter par son réseau inexistant, l’OCPT avait encore la
mentalité d’être une Administration et, par conséquent, une émanation de l’État à qui des
droits devaient être versés du simple fait, non pas de passer par son réseau, mais d’intervenir
dans son domaine légal. Comme le disait Gaston Jèze, « il est des besoins d’intérêt général
auxquels l’administration [fut] la seule chargée de satisfaire à l’exclusion des particuliers :
justice, police, communications télégraphiques, téléphoniques, transport des lettres, etc. Il y a
monopole ».1895
761. Cependant sur ce point, il faut rappeler que l’Autorité de régulation adopta la
décision n°001/ARPTC/2005 du 24 avril 2005, mettant fin au différend opposant les
opérateurs privés à l’exploitant public.1896 Elle établissait la règle que des royalties étaient
indues à l’exploitant public pour autant que ses droits exclusifs portaient sur des
infrastructures auxquelles la contrepartie d’accès était techniquement impossible pour
défaillance du réseau.1897 L’opérateur retournait le raisonnement de cette décision contre le
régulateur : si les droits restaient indus pour non prestation des services, ils devaient l’être vis-
à-vis de l’État en grevant « les recettes tirées des frais de licence […] servant en principe au
développement des télécoms ».1898 Sur cette base, l’exploitant public décida de s’attaquer aux
droits de l’ARPTC au sein du gouvernement, au même motif que la taxe de régulation portait
sur l’identifiant pays +243. Selon l’OCPT, cet indicatif (country code) était un élément
technique de son exclusivité sur les infrastructures qu’il aurait exploitées si l’État lui avait
consenti des investissements conséquents pour ce faire. Dès lors, l’exploitant public contestait
le fait pour l’ARPTC d’être le seul bénéficiaire des recettes de la taxe de régulation perçue
auprès des concessionnaires sur le marché des télécoms.
762. Depuis deux ans (2003-2005), les opérateurs s’acquittaient de la taxe auprès de
l’État, à défaut de payer une quelconque indemnité à l’exploitant public dénué de réseau de
référence. Un enjeu sous-jacent explique le contraste d’attitude de marché à l’égard de la taxe
de régulation. Le marché trouvait un double avantage politique et stratégique à payer la taxe
de régulation. D’une part, l’assiette de la taxe était liée à une activité relevant en principe du
monopole des droits exclusifs de l’exploitant public portant sur les passerelles internationales
(« international gateway »), usant du code +243.1899 Les opérateurs pouvaient s’en acquitter

1893
H. INTVEN, O. JEREMY et E. SEPULVEDA, « Octroi des licences pour les services de télécommunications », in Manuel de
la réglementation des télécommunications, Module 2, Infodev, Banque Mondiale, p. 2, cité par A. MBAUNEWA NKIERI,
op.cit., p. 100.
1894
G. JÈZE, Les principes généraux du droit administratif…, op.cit., pp. 1-35.
1895
Ibidem, p.1.
1896
Décision n°001/ARPTC/2005 du 25 avril 2005 [inédit] : « les frais d’utilisation du code +243 […] sont difficiles à
appréhender dès lors que ce code n’est qu’un identifiant attribué à la R[DC] par l’U[IT] et dont l’utilisation par les usagers est
une nécessité pour joindre leurs correspondants habitant la R[DC]».
1897
Cf. Point A du présent § de la présente thèse.
1898
Article 40, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1899
JO RDC, n° spécial, 44e année, 25 janvier 2003, p.50 et s. Le préambule de l’Arrêté sur la taxe de régulation le confirme
en « considérant la nécessité de réglementer les voies d’entrée et de sortie des communications internationales "gateway" ».
Cf. Arrêté interministériel n°006/CAB/MIN/FIN&BUD/2003 et n°001/CAB/MIN/PTT/2003 du 25 janvier 2003, préc.
302

auprès de l’ARPTC sans donner un financement direct à l’exploitant public, qui restait par
ailleurs concurrent sur le segment non exclusif. D’autre part, en s’acquittant de la taxe, les
opérateurs privés obtenaient une plus grande sécurité juridique d’utiliser leurs droits de
« licences » de fourniture de services, bien au-delà de leur simple finalité. La taxe validait
indirectement le fait pour le marché d’intervenir dans le segment exclusif réservé par la loi-
cadre de 2002 à l’exploitant public, car dans l’impossibilité pour lui d’offrir des
infrastructures de transport des communications internationales, le marché y suppléait lui-
même.1900
763. Par ailleurs, l’objectif de la « taxe de régulation » était de financer le
fonctionnement du régulateur. L’urgence de l’arrêté interministériel répondait au besoin de
lever une taxe sur le marché en vue de rétribuer l’intervention de celui-ci dans le segment
exclusif des infrastructures.1901 L’arrêté sur la taxe de régulation souligne la nécessité « de
réglementer les voies d’entrée et de sortie des communications internationales […] pour
accroître les recettes en devises étrangères des opérateurs locaux […] et les apports à
l’économie nationale ».1902 les droits de licence s’exerçant sur ces activités, le fonctionnement
du marché justifiait l’intervention étatique pour assurer l’équilibre des segments exclusifs et
concurrents du marché. Sur le plan économique, les opérateurs du marché congolais ont
accueilli la régulation étatique comme essentielle et indispensable au jeu compétitif du
marché congolais, comme ailleurs dans le monde. D’autant que le maintien du monopole était
contraire aux objectifs de dérégulation, le marché ne trouvait pas justifié le financement direct
de l’exploitant public. Imposer au marché la capacitation de celui-ci violait toute règle de bon
sens, puisque la contrepartie de ses services n’était pas possible.1903

B./ LE PRAGMATISME DE LA LA TAXE DE RÉGULATION ENTRE CONTROVERSES STATUTAIRES


ET MALADRESSES RÉGLEMENTAIRES

764. L’arrêté interministériel fondant en 20031904 la nouvelle taxe de régulation


comportait des irrégularités sur le plan juridique, même si le marché s’y conformait par
pragmatisme et par réalisme. En effet, l’arrêté instituant la taxe de régulation ne respectait pas
la légalité externe, soit pour cause d’inexpérience de la dérégulation, mais plus certainement
pour répondre à l’urgence des besoins d’autonomie de fonctionnement de l’Autorité de
régulation. En tant qu’acte administratif, la première cause de nullité formelle de l’arrêté

1900
S’agissant d’une taxe pour l’usage du code +243, il fut même dit que dans le cas où le réseau de l’exploitant de l’OCPT
était opérationnel, il devrait également payer la taxe de régulation en étant redevable vis-à-vis de l’État, vu le caractère
obligatoire et impersonnel de la taxe due. L’État se distingue de l’opérateur historique. Celui-ci est astreint à la taxe, pourvu
que l’État l’en exonère dans les formes requises ou le subventionne en fonction de son rôle « redistributeur » des finances
publiques (subventions).
1901
JO RDC, n° spécial, 25 janvier 2003, pp. 46 et s. « Considérant le fait que toute communication internationale entrante en
[R]DC engendre une rétribution en devises étrangères fortes […] ». (Arrêté interministériel n°006/CAB/MIN/FIN&BUD/2003 et
n°001/CAB/MIN/PTT/2003 du 25 janvier 2003)
1902
Ibidem. L’arrêté est édicté en « Considérant la nécessité de réglementer les voies d’entrée et de sortie des
communications internationales […] ». (Arrêté interministériel n°006/CAB/MIN/FIN&BUD/2003 et n°001/CAB/MIN/PTT/2003 du 25
janvier 2003)
1903
En témoignage, l’auteur de la thèse a été, de 2004 à 2007, conseiller juridique de haut niveau dans la division régulation
et interconnexion (Head of division regulatory and interconnect) de Vodacom Congo RDC, le leader actuel du marché
congolais de la téléphonie GSM et de l’Internet mobile. Cette logique d’entreprise était portée par l’ensemble de la
corporation des nouveaux entrants sur le marché et défendue par ses juristes.
1904
Arrêté interministériel n°006/CAB/MIN/FIN&BUD/2003 et n°001/CAB/MIN/PTT/2003 du 25 janvier 2003 portant fixation de la
taxe terminale sur les communications internationales entrantes, JO RDC, n° spécial, 44 e année, 25 janvier 2003, pp. 50 et s.
303

susdit tenait du non-respect du principe hiérarchique. Son deuxième grief substantiel tenait de
l’objet (taxe) qui ne respectait pas les règles et les procédures de fiscalité.1905
765. Premièrement, la taxe de régulation était inscrite dans les « ressources ordinaires »
du régulateur. Elle devait faire l’objet non pas d’un arrêté ministériel comme c’est le cas, mais
plutôt d’un décret du Président de la République, conformément à la loi n°014/2002 sur
l’ARPTC.1906 L’arrêté interministériel de 2003 fixant la taxe de régulation intervint donc en
violation tant de la loi que de la constitution du 4 avril 2003. 1907 Mais les vices de forme d’un
acte administratif n’empêchent pas l’acte de produire des effets tant que son annulation n’est
pas acquise, à l’initiative des intéressés agissant par voie d’exception ou par voie d’action.1908
En droit judiciaire congolais, la règle commune d’annulation des actes juridiques est celle de
« nullité pour grief », supposant un intérêt à faire annuler un acte non seulement pour un vice
mais lorsqu’un intérêt est préjudicié.1909 Toutefois pour les raisons politiques et stratégiques
relevées ci-dessus, le marché s’accommodait et s’acquittait de la taxe de régulation, qui
quoique illégale, restait en faveur de leurs droits d’accès et de licence à l’encontre de
l’exploitant public. L’utilité de l’arrêté interministériel de 2003 était essentielle : il explique le
silence du marché et des acteurs publics du secteur des PTT par rapport à la nullité de l’acte
illégal.1910
766. D’autre part, la révision de la loi financière en 2004 mit définitivement à mal ce
compromis de légalité précaire. Mais en plus d’être déjà contraire aux lois des PTT,1911
l’arrêté interministériel de 20031912 devenait aussi contraire à la loi n°04/015 du 16 juillet
2004.1913 Si l’arrêté permettait sous l’ancien régime fiscal une encaisse de la « taxe de
régulation » par l’ARPTC, l’unicité de la caisse du Trésor est devenue le principe impératif de
la loi n°14/015. Son article 18 abroge le décret-loi n°101 du 3 juillet 2000.1914 Il n’était plus
admis d’effectuer une correspondance entre imputations budgétaires et taxes perçues comme
autrefois.1915 Aucun service de l’État n’était donc plus autorisé à « consommer à la source »

1905
D. TRUCHET, Le droit public, op.cit., pp. 76-77.
1906
Article 21, dernier alinéa, Loi n°014/2002 du 16 octobre 2002, préc. : « Les modalités de calcul, le taux et le montant des
redevances, frais et autres rémunérations constituant les ressources ordinaires de l’Autorité de Régulation, sont fixés par
Décret du Président de la République ».
1907
Constitution de la Transition en RDC du 4 avril 2003 [http://mjp.univ-perp.fr/constit/cd2003.htm] (consulté le 23
novembre 2016). Le Chef de l’État statuait « par voie de décrets délibérés en Conseil des ministres », en tant qu’il « assure
l’exécution des lois et exerce le pouvoir réglementaire » (Article 71). Cette constitution ne prévoyait pas de Premier Ministre,
mais un Chef d’État et du gouvernement, avec quatre vice-présidents. « Le Président de la République convoqu[ait] et
présid[ait] le Conseil des Ministres au moins une fois tous les quinze jours » (Article 69). « La Présidence de la République
[était] composée du Président de la République et de quatre Vice-présidents » (article 80).
1908
D. TRUCHET, Le droit public, op.cit., pp. 76-77.
1909
Article 11, Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile, Moniteur congolais, 1960, p. 961 ; erratum, p. 1351.
1910
Cf. le point A du présent § de la thèse et les lignes précédentes sur les enjeux politiques de la taxe de régulation.
1911
L’article 21 de la Loi-cadre sur les télécoms (RDC) exigeait pour fixer la taxe de régulation, un Décret (acte administratif
de hiérarchie supérieure) et non un arrêté (acte administratif de hiérarchie inférieure).
1912
Arrêté interministériel n°006/CAB/MIN/FIN&BUD/2003 et n°001/CAB/MIN/PTT/2003 du 25 janvier 2003 portant fixation de la
taxe terminale sur les communications internationales entrantes, JO RDC, n° spécial, 44 e année, 25 janvier 2003, p.50 et s.
1913
Loi n°04/015 du 16 juillet 2004 fixant la nomenclature des actes générateurs des Recettes Administratives, Judiciaires,
Domaniales et des Participations ainsi que leurs modalités de perception, JO RDC, 45 e année, n° spécial, Kinshasa, 22 juillet
2004, p. 1-28 (Autre publication : JO RDC, 47e année, n° spécial, 18 aout 2006, pp. 1-23.)
1914
Décret-loi n°101 du 3 juillet 2000 portant fixation de la nomenclature des actes générateurs des recettes administratives,
judiciaires, domaniales et de participations et de leurs modalités de perception.
1915
Exposé des motifs, Loi n°04/015 du 16 juillet 2004, préc. « En effet, bien qu’ayant également des imputations
budgétaires, au regard de la nomenclature budgétaire, les impôts et autres droits dus au Trésor public ne sont pas rattachés à
ces imputations dans les textes juridiques qui les créent […] Tel doit aussi être le cas pour les actes générateurs des recettes
non fiscales, d’autant que la nomenclature budgétaire peut être modifiée suivant les nécessités du moment, sans que cela n’ait
une quelconque incidence sur la situation juridique de ces actes ».
304

les prélèvements de taxes, soit-il pour leurs besoins de fonctionnement ou en contrepartie des
services publics pour lesquels leurs missions étaient concernées.1916
767. Par conséquent, la taxe de régulation par sa nature de « taxe » ne pouvait plus servir
à l’autofinancement du régulateur. Désormais la loi n°014/05 interdit l’ancienne pratique des
« budgets pour ordre », dite « BPO ». À ce sujet, la loi modificative n°05/008 du 31 mars
20051917 expose les mêmes motivations.1918 Cet aspect de réforme du droit fiscal « tient
également compte de l’évolution de la législation notamment en matière […] des
télécommunications ».1919 L’arrêté interministériel sur la taxe de régulation ne pouvait plus
résister à cette illégalité substantielle. Aussi, une rupture devait-elle être marquée avec
l’ancien régime des BPO sur base duquel l’ARPTC percevait la taxe de l’État comme une de
ses ressources directes de trésorerie. « Quant à la suppression des imputations budgétaires,
elle répond à la nécessité de distinguer la nomenclature des actes générateurs, qui découle de
l’existence juridique de ceux-ci, de la nomenclature budgétaire, qui, elle est liée aux
préoccupations d’exécution du budget de l’État ».1920
768. L’Autorité de régulation ne pouvait plus financer son fonctionnement sur base de
l’« arrêté du compromis initial » obtenu avec le marché en marge de la légalité formelle.
« Ainsi, un certain nombre d’actes générateurs nouveaux ont été repris sur la nomenclature
des recettes » à percevoir pour le compte du trésor public. Les différentes évolutions de la
législation financière congolaises ont confirmé les principes d’unicité de la caisse du trésor
public, dûment imposés par la loi n°014/015 de 2004, telle que modifiée et complétée par la
loi n°05/008 du 31 mars 2005 la modifiant.1921
769. Toutefois, la loi des finances n°014/2004(telle que modifiée) dispose qu’un arrêté
d’exécution détermine l’assiette et le taux des taxes reprises dans sa nomenclature des recettes
de l’État. Elle précise néanmoins que cet arrêté doit être interministériel. En l’espèce, la taxe
de régulation devait continuer d’impliquer les signatures du ministre des finances en qualité
d’ordonnateur des finances publiques et du ministre des PTT en tant que chef du service
taxateur. Il est entendu que les produits de cette taxe sont désormais destinés au compte du

1916
K. NDUKUMA, « La problématique de l’application de la nouvelle loi 04/015 du 16 juillet 2004 fixant la nomenclature des
actes générateurs des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations ainsi que leurs modalités de
perception », Vodanews, n°8, Kinshasa, sept.-oct. 2004, pp. 10-11. Nous écrivions : « il y a lieu de relever que l’article 12 de
la loi 04/003 du 31 mars 2004 portant Budget de l’État pour l’exercice 2004 dispose que ’’les budgets pour ordre sont
supprimés. Les actes générateurs des recettes pour ordre sont reclassés dans les différents ministères de tutelle et deviennent
d’office des recettes non fiscales constatées et liquidées par les services d’assiette, ordonnancées et recouvrées par la
DGRAD’’ ».
1917
Loi n°05/008 du 31 mars 2005 modifiant et complétant la Loi n°04/015 du 16 juillet 2004 fixant la nomenclature des
actes générateurs des Recettes Administratives, Judiciaires, Domaniales et des Participation ainsi que leurs modalités de
perception, JO RDC [http://leganet.cd/Legislation/Dfiscal/L05.008.31.03.2005.nomenclature.htm] (consulté le 18 juillet
2016).
1918
« Exposé des motifs », Loi n°05/008 du 31 mars 2005, préc. : « La suppression du budget pour ordre a fait intégrer les
recettes y relatives au budget général où elles sont réparties par nature dans les différents postes budgétaires. Elles constituent
des recettes non fiscales à encadrer par la Direction générale des recettes administratives. Les recettes concernées étaient
jadis perçues par [plusieurs services cités, y compris] l’ARPTC dépendant de la Présidence de la République. En application
de l’article 2 de la loi n°014/015[…] il apparait nécessaire de couvrir les actes générateurs desdites recettes par une loi.
L’intégration de ces recettes non fiscales à mobiliser par la DGRAD permet, en respect du principe d’universalité du Budget
de l’État, de les canaliser vers le Trésor public et éviter ainsi leur affectation à l’avance à des dépenses déterminées par les
services poseurs d’Actes ».
1919
« Exposé de motifs », Loi n°014/015, préc., JO RDC, 47e année, n° spécial, 18 aout 2006, p.4.
1920
JO RDC, 47e année, n° spécial, 18 aout 2006, p. 4, spéc. « Exposé de motifs », Loi n°014/015, préc.,
1921
En RDC, d’autres textes complémentaires, modificatifs ou applicatifs des lois de finances de 2004 et 2005 sont : 1° la loi
n°11/11 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques, 2° l’ordonnance-loi n°13/002 du 23 février 2013 fixant la
nomenclature des droits, taxes et redevances du pouvoir central, 3° l’ordonnance-loi n°13/003 du 23 février 2013 portant
réforme des procédures relatives à l’assiette, au contrôle et aux modalités de recouvrement des recettes non fiscales, 4° le
décret n°007/2002 du 02 février 2002 relatif au mode de paiement des dettes envers l’État, tel que modifié par le Décret
n°011/2011 du 14 avril 2011.
305

trésor public et ne sont donc plus pré-affectés au profit d’une quelconque entité publique, en
l’occurrence pour financer le régulateur. Par sa spécialité,1922 la loi n°014/015 des finances
l’emportait donc sur la loi sectorielle n°014/2002 créant l’ARPTC, car la loi des finances
« résulte de l’analyse de tous les actes générateurs [des recettes publiques] au regard tant de
leur fondement juridique […] de leur justification économique que d’éventuels conflits de
compétence qu’ils auraient engendrés ».1923
770. Pour ces motifs, il fallait corriger le tout premier arrêté interministériel de 20031924
fondant l’autonomie de l’Autorité de régulation. En remplacement du premier texte de 2003,
l’arrêté interministériel n°004/CAB/MIN/PTT/2005 et n°015/CAB/MIN/FINANCES/2005 du 28
juillet 2005 portant taux de la taxe de régulation a été signé.1925 Ce dernier destine la taxe de
régulation au trésor comme tous les « actes générateurs des recettes administratives,
judiciaires, domaniales et de participation » de l’État. Ce nouvel arrêté privilégiait la nature
fiscale de la taxe de régulation au titre de ressource financière du budget général de l’État, en
supplantant son énonciation comme ressource ordinaire de l’ARPTC listée à l’article 21, A, c)
de la loi n°014/20012 relative à sa création. Néanmoins, la loi financière a prévu des
rétrocessions des taxes perçues, en faveur des principaux services publics du domaine des
PTT. En effet, la loi n°014/015 établit l’unité du budget des recettes de l’État.1926
771. En définitive, la dérégulation des PTT pose aux politiques sectorielles un enjeu
primaire : la séparation organique de l’exploitation du domaine public des PTT (par l’OCPT
et RENATELSAT) d’avec la régulation (par l’ARPTC), sachant qu’elle-même doit être
indépendante de l’administration (ministère des PTT). Les mécanismes de finances publiques
ci-dessus analysés ont permis d’appliquer ce principe de dissociation imposé par la LCT de
2002.1927 Finalement, le gouvernement a décidé de déduire de la taxe de régulation la quote-
part légale de 5% afin de la rétrocéder solidairement au régulateur, à l’exploitant public
(OCPT et RENATELSAT) et au ministère des PTT. En pratique, il a arrêté une clé de
répartition, en tenant compte de leurs charges respectives de fonctionnement. L’Autorité de
régulation et l’administration ont signé un protocole d’accord particulier, tandis que l’État lui-
même verse une subvention aussi bien au RENATELSAT (établissement public) qu’à la
société commerciale d’État S.A. (SCPT), en continuité des droits de l’OCPT (EPIC).
772. Malgré tout, l’indépendance du régulateur était davantage affectée par la
construction de longue haleine du compromis avec l’exploitant public et le marché. En effet,
depuis 2003, la fixation de la taxe de régulation par arrêté interministériel conduisit
finalement à subordonner le financement quotidien de l’ARPTC aux délais (d’attente) des
rétrocessions fiscales versées au Trésor public. Ce qui, par voie de conséquence, soumettait

1922
G. CORNU, « Maximes et adages du droit augmentés de quelques dictons et sentences », in Vocabulaire juridique, op.cit.,
p. 1100. « Specialia generalibus derogant : les dispositions spéciales dérogent aux dispositions générales ». En matière de
taxation, les dispositions de loi de finances (n°014/05 du 16 juil. 2004) sont plus spéciales que la loi (n°014/2002 du 16 oct.
2002) portant création de l’Autorité de régulation. En fixant les ressources ordinaires de l’ARPTC, le but de la seconde loi
évoquée n’est pas de se substituer à la loi des finances qui a pour spécialité d’encadrer l’assiette, les taux et les modalités de
perception des recettes publiques.
1923
« Exposé de motifs », Loi n°014/015, préc.
1924
Arrêté interministériel n°006/CAB/MIN/FIN&BUD/2003 et n°001/CAB/MIN/PTT/2003 du 25 janvier 2003 portant fixation de la
taxe terminale sur les communications internationales entrantes, JO RDC, n° spécial, 44e année, 25 janvier 2003, pp. 50 et s.
1925
Arrêté interministériel n°004/CAB/MIN/PTT/2005 et n°015/CAB/MIN/FINANCES/2005 du 28 juillet 2005 portant taux de la taxe
de régulation à percevoir à l’initiative du Ministère des PTT et de l’ARPTC [inédit].
1926
« Exposé de motifs », Loi n°014/015, préc. : « Elle [la loi] consacre aussi le principe de la rétrocession de 5% en faveur
des ministères et services générateurs, en plus de celle reconnue à la DGRAD pour son fonctionnement, en vue d’encourager
lesdites structures dans l’effort d’optimisation des recettes non fiscales ».
1927
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 2, Secetion 2, §1 de la présnte thèse, en rapport à la « dissociation de la réglementation ex
post et de la régulation ex ante dans la loi des télécoms » de 2002.
306

son fonctionnement à l’ordre général des priorités du gouvernement, particulièrement


l’ordonnancement du ministre des finances. L’autonomie d’action de l’ARPTC et son
indépendance fonctionnelle étaient compromises, car précisément les procédures des finances
relèvent du ministère du budget et des finances. L’appréciation de ce dernier est
prépondérante, en tant qu’ordonnateur de la taxe de régulation et des rétrocessions.1928 Ainsi,
l’Autorité de régulation a vu son indépendance exposée aux risques d’influences politiques de
sa mission et d’inféodation financière, en cas des rapports de force avec le gouvernement. Il
fallait diversifier les ressources de fonctionnement pour ne pas dépendre uniquement de la
taxe de régulation.
773. À cet effet, l’article 21 de la loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 a établi au profit de
l’ARPTC une longue liste des ressources ordinaires et extraordinaires.1929 Celles-ci sont
restées inactivées durant dix ans. C’est plus tard que le décret n°012/15 du 20 février 20121930
a fixé les modalités de calcul desdites ressources de fonctionnement et d’investissement de
l’organe de régulation. L’arrêté ministériel n°026/CAB/VPM/MIN/PNTC/LKNG/OPS/2012 du 30
mars 2012 a assuré l’exécution dudit décret.1931 Désormais, les prestations du régulateur
congolais des télécoms disposent d’une base juridique et tarifaire alimentant ses ressources de
financement, conformément au droit administratif et fiscal. Dorénavant, ses fonds de
fonctionnement ne dépendant plus intégralement de la chaîne des recettes et des dépenses du
trésor public. Son autonomie financière et fonctionnelle est assurée. Ses ressources propres
sont alimentées par les actes générateurs ci-après traduisant sa mission de régulation :
règlement des conflits, traitement des brouillages (de fréquences), examen des catalogues et
des contrats, gestion des activités d’interconnexion, gestion des services des réseaux de
données.1932 Seulement, la forme juridique du décret n°012/15 ci-dessus pourrait soulever des
controverses, puisqu’il est signé par le premier ministre et non par le Président de la
République, comme spécifié à l’article 21 in fine de la loi n°014/2002.1933

1928
Article 5, Loi n°04/015 du 16 juillet 2004 fixant la nomenclature des actes générateurs des Recettes Administratives,
Judiciaires, Domaniales et des Participations ainsi que leurs modalités e perception, telle que modifiée et complétée par la Loi
n°05/008 du 31 mars 2005 : « Toutes les recettes provenant des actes générateurs définis dans la nomenclature en annexe
sont versées intégralement au compte du Trésor. Outre la rétrocession de 5% sur toutes les recettes réalisées allouées à la
DGRAD pour son fonctionnement, le Trésor public rétrocède également 5% des recettes au service générateur desdites
recettes, notamment pour l’octroi des primes d’encouragement à ses agents ».
1929
Article 21, Loi n°014/2002, préc. : « L’autorité de régulation dispose des ressources ordinaires et des ressources
extraordinaires : A. Les ressources ordinaires comprennent : a) les revenus de ses prestations ; b) les produits, des frais
administratifs liés à l’étude des dossiers d’octroi ou de renouvellement des licences et/ou autorisations, d’agrément des
équipements terminaux et plus généralement les produits de toute redevance en relation avec la mission de l’Autorité de
régulation ; c) la taxe de numérotation ; d) la taxe de régulation ; e) les taxes parafiscales autorisées par la loi financière. […]
B. Les ressources extraordinaires comprennent : a) les avances remboursables du trésor, d’organismes publics ou privés ainsi
des emprunts autorisés conformément à la législation en vigueur ; b) les subventions, dons, legs, et toutes les autres recettes
en rapport avec son activité ».
1930
Décret n°012/15 du 20 février 2012 fixant les modalités de calcul et les taux des revenus des prestations de l’Autorité de
Régulations de la Poste et des Télécommunications, « ARPTC » en sigle, JO RDC, n°6, 15 mars 2012, col.9-10.
1931
Arrêté ministériel n°026/CAB/VPM/MIN/PNTC/LKNG/OPS/2012 du 30 mars 2012 portant mesures d’application du
décret 012/15 du 20 février 2012 fixant les modalités de calcul et les taux des revenus des prestations de l’ARPTC.
1932
Ibidem.
1933
Article 21, alinéa 3, Loi n°014/2002, préc. « Les modalités de calcul, le taux et le montant des redevances, frais et autres
rémunérations constituant les ressources ordinaires de l’Autorité de régulation sont fixées par décret du Président de la
République ». Mais les changements des Constitutions sont intervenus entre 2002 et 2011. Ils ont transféré le pouvoir de
statuer par décret au Premier ministre, tandis que le président statue désormais par ordonnance. La loi n°014/2002 sur
l’ARPTC découlait du système politique des deux dernières Constitutions de la transition en RDC de 1997 à 2003. Celles-ci
ne prévoyaient pas de premier ministre, chef du gouvernement. Le Président de la République était Chef de l’État et aussi
chef du gouvernement, statuant par voie de décret. Sous l’égide de la Constitution du 18 février 2006, modifiée par la loi
n°11/002 du 20 janvier 2001, les pouvoirs correspondant reviennent aujourd’hui au premier ministre, chef du gouvernement.
C’est donc à bon droit que c’est ce dernier qui signe le décret n°012/015 relatif aux ressources de l’ARPTC, car l’article 93
de la Constitution lui reconnait le pouvoir réglementaire répondant aux aspects d’application concernés de la LCT et de la loi
n°014/2002 sur l’ARPTC.
307

774. En conclusion, l’indépendance financière de l’ARPTC se situe au cœur des enjeux


de son autonomie statutaire et décisionnelle sur le marché. Conformément à la loi des
finances, l’Autorité de régulation dispose, pour son budget de fonctionnement, d’une
rétrocession de 5% sur toutes les recettes générées par ses prestations donnant lieu à la « taxe
de régulation ». Créée en janvier 2003, ladite taxe a permis de contourner le refus des
opérateurs privés de rétribuer l’exploitant public au titre des royalties qui découleraient de ses
droits exclusifs. Les opérateurs privés ne pouvaient cautionner la défaillance de celui-ci sur
son segment exclusif de fourniture d’accès aux infrastructures de base. Ils s’abstenaient
davantage de financer par ailleurs leur propre leur propre concurrent autorisé par la loi,
comme eux, par leurs licences à exploiter le segment ouvert du marché des services. Mais, la
taxe de régulation a servi d’alternative au marché et aux politiques publiques, au-delà de sa
seule logique juridique et fiscale en rapport aux lois. Aussi, la taxe de régulation a-t-elle été
dès 2003 le premier atout de financement des autorités de réglementation nationales et de
l’exploitant public de la part de l’État. L’exploitant public (OCPT et RENATELSAT)
bénéficie d’une redistribution d’une quotité des droits liés à la taxe de régulation, sans
exigence de contrepartie de service à sa charge. Si la taxe de régulation n’a pas permis
d’assurer l’indépendance du régulateur, elle a néanmoins désengagé l’exploitant public du
champ de régulation.
775. Ainsi, le mécanisme financier de la « taxe de régulation » a apaisé le marché ainsi
que la coexistence entre entités publiques du secteur des PTT. Pour le besoin de légalité, les
corrections juridiques ont été effectuées, pour distinguer les ressources du trésor public et
celles revenant à l’Autorité de régulation. Après dix ans de fonctionnement de la régulation et
du marché dérégulé, le décret n°012/015 précité du Premier ministre assure l’autonomie
financière de l’ARPTC, avec des actes générateurs propres lui faisant largement échapper à
l’ordonnancement du ministre des finances, sauf pour gestion comptable.1934
776. Le schéma réglementaire a été sinueux au sujet de la taxe de régulation. Il traduit
sur le plan financier, toute la logique de l’équilibre que le marché et les autorités de
réglementation nationales ont trouvé en rapport aux attitudes de résistance aux
transformations de la part de l’« opérateur de monopole » résiduel. Des hésitations sur les
plans juridique, administratif et fiscal traduisent tout autant qu’ils alimentent les enjeux
particuliers de la démarcation d’un droit de la régulation sectorielle des PTT en RDC. Les
« lois dérégulatrices » de 2002 comportent des erreurs de conception, des contradictions de
logiques et d’application. (Section 2.)

1934
Article 27, Loi n°014/2002, préc. : « À la fin de chaque exercice, le collège […] rédige un rapport financier sur les
activités de l’Autorité de Régulation. Ces documents sont transmis dans les trois mois suivant la clôture de l’exercice au
Ministre ayant les finances dans ses attributions pour besoin de contrôle ».
308

SECTION II
LES « ERREURS EXEMPLAIRES » DE RÉGLEMENTATION
SOUS LA LOI-CADRE N°013/2002 SUR LES TÉLÉCOMS EN RDC

777. La dérégulation a été un « droit venu d’ailleurs » suivant l’expression de Jean


Carbonnier.1935 Les pouvoirs publics congolais ont entrepris les transformations du secteur
des PTT, selon le modèle libéral de l’OMC.1936 Sans expérience cognitive des schèmes de
l’économie de marché, les deux autorités nationales de régulation (ARPTC et Min. PTT) ont
connu des conflits des compétences entre elles, tout en faisant face aux intérêts du marché des
télécoms. Plusieurs erreurs ont été commises dans le cadre réglementaire de 2002. À la
lumière des expériences européennes et françaises, des critiques du droit positif congolais
doivent permettre des correctifs de lege ferenda.
778. Des corrections sont à apporter aux erreurs de départ du processus de dérégulation
en RDC. Elles procèdent de l’étude des conflits des compétences entre les autorités de
réglementation nationales du domaine, à savoir : le ministre des PTT et ARPTC. (§1) Au
premier plan, les contrariétés des sources de droit de la régulation concernent les principes de
droit administratif. Elles affectent le fonctionnement du marché régulé des télécoms. C’est
fondamentalement la logique de la législation de 2002 qui est la base des contradictions entre
les faits sur le marché et le droit applicable. Dès le départ de la dérégulation, les options
congolaises de politique législative étaient en déphasage par rapport aux mutations du marché
électronique (inter)national et aux évolutions du droit comparé. (§2)

§1. Les sources légales des conflits des compétences


entre l’ARPTC et le Ministère des PTT

779. Le cadre juridique congolais est parsemé de contradictions concernant : les lois et
leurs mesures d’application, les autorités de réglementation entre elles et/ou la logique de la
législation, face au marché, dans sa structuration (inter)nationale. En séparant la régulation ex
ante de la réglementation ex post, le législateur dépouillait de certains de leurs avantages,
privilèges et attributions l’administration classique et l’opérateur historique.
780. Les textes légaux et réglementaires ont été édictés depuis 2002 dans un contexte de
lutte des pouvoirs entre l’Administration classique et le régulateur public sectoriel. Ils sont à
l’origine des conflits de compétences et autres formes d’empiètements ont pour origine (A./)
Plusieurs cas de conflits spécifiques de compétences ont affecté et affectent encore les aspects
importants de régulation du marché des télécoms. (B./)

A. / LES CONFLITS DE COMPÉTENCES ENTRE L’ARPTC ET LE MINISTRE DES PTT

781. À titre illustratif, l’exposé des motifs de la loi-cadre évoque « la création d’une
Autorité de Régulation, placée sous la tutelle du Ministre des P.T.T. (sic) », au titre des
« innovations introduites » par la loi.1937 En revanche, l’article 2 de la loi n°014/2002 sur
l’ARPTC dispose que celle-ci « relève du Président de la République ». La contradiction est
flagrante au sujet de la tutelle du régulateur entre la LCT du 16 octobre 2002 et la loi
n°014/2002 de la même date. Comment et pourquoi cette erreur demeure ainsi ? la question

1935 è
J. CARBONNIER, Droit et passion du droit sous la V République, préc.
1936
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 2 de la présente thèse.
1937
Ibidem, p. 19.
309

appelle des analyses factuelles et juridiques permettant de trouver des solutions dans le
« renouveau du droit de la régulation ».1938
782. Subséquemment, chacune des entités publiques concernées par la réforme a
multiplié contre l’autre des « immixtions »1939, des « usurpations de fonctions »1940 et des
« empiétements des fonctions ».1941
783. Encore à ce jour, les autorités congolaises de réglementation des télécoms
entretiennent l’une contre l’autre des cas d’« excès de pouvoir »,1942 au gré de leurs intérêts
par rapport au marché et/ou pour y renforcer leurs pouvoirs respectifs. En RDC, plusieurs
antinomies des principes et des règles se constatent entre la loi-cadre de 2002 et ses mesures
d’application. En droit comparé français, la « loi-cadre » rappelle « [l]a technique législative
utilisée à la fin de la IVe République, selon laquelle la loi énonce les objectifs ou les principes
que le gouvernement est invité à mettre en œuvre par décrets. Ces derniers, qui peuvent
modifier des dispositions législatives, deviennent exécutoires après avoir été soumis au
Parlement suivant les modalités variables ».1943 L’expérience congolaise de la dérégulation
s’est illustrée par des objectifs contradictoires entre les décrets, arrêtés et décisions adoptés
sous son régime à cause des intérêts statutaires.
784. À sa première année d’application, la loi-cadre de 2002 a été au cœur des enjeux
d’attribution et d’intervention publique sur le marché entre les autorités de réglementation. La
dérégulation entrainait la reconfiguration de la présence de l’État dans ce service public
anciennement monopolistique. Les craintes de l’administration des PTT ont contribué à
instrumenter et instrumentaliser le décret n°03/027 du 16 septembre 2003,1944 afin de
récupérer d’anciennes attributions que le législateur de 2002 a conférées au régulateur. Cette
dernière également s’est fondée sur la loi de création n°014/2002 pour arrêter des décisions,
au titre d’actes administratifs en défense contre l’usurpation de ses fonctions ou en revanche
pour empiéter celle de l’administration.
785. En effet, ce décret n°03/027 du 16 septembre 2003 est à l’origine des
contradictions, pour avoir fixé les attributions du ministère des PTT en violation des
dispositions de la loi-cadre. En intervenant moins d’un an après les « lois dérégulatrices » du
16 octobre 2002, ce décret illustre la résistance au changement face à la transformation des
services publics des PTT. Malgré son abrogation, quatre ans plus tard, par l'ordonnance
n°07/18 du 16 mai 2007,1945 ses violations intentionnelles de la loi ont durablement affecté la
régulation du marché des télécoms.
1938
Partie 2, Titre II, Chapitre 2, section 2 de la présente thèse, spéc. « §1. Le regard critique sur le statut administratif de
l’ARPTC pour une révision de son ’’rattachement tutélaire’’ à la Présidence de la République ».
1939
G. CORNU, op.cit, p. 521. Verbo « immixtion » pour dire « en un sens large, toute intervention sans titre dans les affaires
d’autrui se traduisant par l’accomplissement d’un acte […] Intervention illicite dans les affaires d’autrui, l’absence de tout
titre d’intervention (mandat, habilitation juridique claire, pouvoir légal) s’aggravant ici de la transgression d’une interdiction
d’agir »
1940
Ibidem, p. 1057. Verbo « usurpation de fonctions » pour désigner toute «initiative, considérée comme un cas
d’incompétence radicale, qui consiste soit dans l’exécution d’une fonction administrative par une personne dépourvue de tout
pouvoir légal, soit dans l’ingérence d’un agent administratif dans l’exercice des fonctions substantiellement ou
organiquement séparée des siennes ».
1941
Ibidem, p. 396. Verbo « empiètement » pour désigner « la catégorie la plus ordinaire d’incompétence consistant en une
ingérence d’une autorité administrative dans les attributions d’une autre autorité administrative ».
1942
Ibidem, p. 429. Verbo « excès de pouvoir » pour dire « Ensemble des violations par l’administration du principe de la
légalité ; la locution plus générique que spécifique, ne s’emploie que dans l’expression "recours pour excès de pouvoir" ».
1943
P. AVRIL et J. GICQUEL, Lexique de droit constitutionnel, préc., p. 72. Les auteurs donnent l’exemple de la loi-cadre de
Deffere du 23 juin 1956 sur l’évolution des territoires d’outre-mer.
1944
Décret n°03/027 du 16 septembre 2003 fixant les attributions des ministères du gouvernement de transition, JO RDC, n°
spécial, 44e année, 23 septembre 2003, colonne 22 et suivants, point 21° (Décret abrogé 4 ans après en 2007).
1945
Il s’agit de l’ordonnance n°07/18 du 16 mai 2007 fixant les attributions des ministères. De manière constante, les
ordonnances postérieures ont conforté la correction effectuée quant à l’organisation des attributions du gouvernement,
310

786. À ce jour (2017), les mêmes vices rétrogrades caractérisent les rapports des
autorités de réglementation entre elles et/ou vis-à-vis du marché. Seule la forme de leur
expression est devenue insidieuse dans le comportement des acteurs, sans une expression
flagrante dans les textes réglementaires. Le décret n°03/027 de 2003 alimentait des conflits
des compétences entre ARN dès la première année d’exécution du processus de régulation en
RDC. En demeurant un cas d’école de l’« affront volontaire » des règlements contre la loi, le
décret susdit marque le « contrecoup » orchestré dans la hiérarchie des normes juridiques par
le gouvernement contre le législateur. Entre 2003 et 2005, le but des règlements était
ostensiblement contraire au sens de la transition des services publics des télécoms vers
l’économie (numérique) des marchés, telle que décidée par les lois de 2002.
787. Ainsi, des erreurs de réglementation ont été intentionnellement commises afin que
chaque autorité de réglementation nationale puisse détourner les effets de la loi-cadre à leurs
avantages respectifs, au détriment du marché et de l’intérêt général. D’autres erreurs
spécifiques se sont traduites en conflits des textes juridiques et des compétences
administratives concernant les aspects essentiels de la dérégulation, à savoir : homologation
des équipements, règlement des litiges entre opérateurs du marché et gestion de l’accès aux
ressources rares des télécoms (fréquence et numérotation).1946 Les cas d’empiètement portent
sur ces questions de réformes du service public des télécoms.

B./ LES ERREURS SPÉCIFIQUES D’ATTRIBUTION DES COMPÉTENCES ENTRE L’ARPTC ET LE


MINISTRE DES PTT

788. Parmi les erreurs exemplaires de réglementation, certaines ont conduit l’ARPTC à
empiéter les pouvoirs de l’administration quant à l’organisation des procédures de règlements
et de sanctions des litiges entre opérateurs sur le marché. D’autres erreurs encore ont alimenté
des conflits de compétences spécifiques concernant l’homologation des équipements des
télécoms, la gestion du plan de numérotation ainsi que la gestion des fréquences
radioélectriques
1. L’empiètement des pouvoirs du ministère des PTT sur la procédure de règlement et des
sanctions des différends du marché
789. En 2003, le premier rapport public d'activités de l'ARPTC fait référence aux
différends portés à sa compétence par les opérateurs. « Tous ces litiges [dans les affaires ci-
après: Oasis vs Celtel, Vodacom vs Sogetel, Celtel vs Sogetel] portaient essentiellement sur le
niveau du coût et du règlement de l'interconnexion. L'arbitrage du régulateur a permis de
vider ces différends et concilier les opérateurs ».1947 Le bilan en fut très encourageant, surtout
au sujet de sa mission d’assurer l’équilibre de fonctionnement du marché.1948 La loi-cadre
habilite effectivement l’Autorité de régulation à arbitrer avec équité les litiges entre les
opérateurs, en vue d'instaurer et de maintenir une concurrence légale et durable.1949
790. Seulement, la loi n°014/2002 sur l’ARPTC insiste en ce sens : la « procédure se
rapportant aux sanctions et au règlement des litiges est fixé par arrêté du ministre » des

jusqu’en 2005. Cf. Ordonnance n°15/015 du 21 mars 2015 portant le même intitulé, spécialement article 1, al. 24 sur le
ministère des PTT, JO RDC, n° spécial, 56e année, 27 mars 2015, col. 23 et s.
1946
P. HUET, « Allocation et gestion des ressources rares », L’actualité juridique, Droit administratif, n°3, 20 mars 1997.
1947
ARPTC, Rapport public d'activités 2003, Kinshasa, 2003, p. 18.
1948
Article 8-a), Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. : l’ARPTC « a pour attribution de […] veiller au respect des lois,
des règlements et des conventions en matière des télécoms ».
1949
Article 5, Loi n°014/2002 sur l’ARPTC dispose qu’elle soit « saisie d’une demande d’avis sur un litige né entre
opérateurs ».
311

PTT.1950 Cependant, au lieu d’arrêter cette procédure, le ministre s’est attribué par le décret
n°03/027 de 2003 le pouvoir d’« arbitrage des conflits entre opérateurs du secteur des postes,
téléphones et télécommunications ».1951 Comme à ce jour (2017), le ministre n’a pas arrêté la
procédure de règlement des litiges requis par la loi, l’Autorité de régulation a décidé de passer
outre le ministre, en adoptant en 2006 deux décisions substitutives fixant sui generis ses
propres règles en la matière.1952 La loi n°014/2002 l’habilite à édicter des actes réglementaires
sous forme de « décision »1953 susceptible de recours devant la section administrative de la
Cour suprême de justice (CSJ).1954
791. Mais sur l’objet concerné de la décision, la compétence est reconnue par la loi au
ministre. En décidant en ses lieu et place, le régulateur a donc opté de prendre quelques
libertés d’action par rapport à la légalité formelle, afin de combler une carence de règlement
et assurer un aspect de ses missions. Elle laissait le choix au ministère d’attaquer l’acte en
annulation, auquel cas il devait prendre l’arrêté correspondant. L’ARPTC présupposait la
mauvaise foi du ministre de le priver d’un instrument juridique indispensable à la réalisation
de sa mission d’arbitre du marché. En justification de son immixtion, une étude publique de
son directeur de réglementation argumente la nécessité pour son institution de traiter les
conflits qui lui sont soumis, alors que le ministre tarde à appliquer la loi.1955
792. Cependant, le droit administratif exige le « respect des règles du droit public »,1956
sous la peine d’empiètement de fonctions de la part du régulateur à l’encontre du ministre.
Faute de respecter la légalité de forme, ses décisions entrent dans « la catégorie la plus
ordinaire d’incompétence consistant en une ingérence d’une autorité administrative dans les
attributions d’une autre autorité administrative ».1957 Elles n’ont pas non plus été attaquées,
par défaut d’intérêt du marché qui a besoin de son pouvoir d’arbitrage des différends. Mais,
dans l’hypothèse d’un différend entre opérateurs devant l’ARPTC, l’une des parties en cause
pourrait toujours exciper l’illégalité des décisions n°003 et n°004/CLG/ARPTC/2006 sur la
base desquelles se déroule la procédure d’examen d’arbitrage. Aussi, la sécurité juridique
n’est-elle pas garantie pour les décisions arbitrales qu’arrête l’Autorité de régulation sur base
de ce règlement de procédure contra legem. Il s’agit d’un cas non solutionné de conflit de
compétence comme d’autres encore.
2. Le conflit des compétences dans l’homologation des équipements
793. La loi-cadre dispose que le régulateur « a pour attribution de […] procéder aux
homologations [d’équipements] requises par la présente loi ».1958 La loi n°014/2002 spécifie
cette mission comme consistant à « édicter les normes techniques des équipements et
terminaux et procéder aux homologations requises par la loi ».1959 La décision

1950
Article 6, loi n°014/2002, préc.
1951
Article 1er, B.21, 8e tiret, Décret n°03/027 du 16 septembre 2003 fixant les attributions des ministres.
1952
Il s’agit : 1° de la décision n°003/CLG/ARPTC/2006 fixant les règles de procédure applicables en cas de manquements
par les opérateurs de postes ou de télécommunications à leurs obligations légales ; 2° la décision n°004/CLG/ARPTC/2006
fixant la procédure de règlement des différends en matière de poste ou de télécommunications.
1953
Article 17, al. 4, loi n°014/2002, préc.
1954
Depuis lors, l’article 154 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006 (préc.) a institué un ordre de juridictions
administratives composé du Conseil d’État et des Cours et tribunaux administratifs.
1955
L. BUSHABU, op.cit., pp. 18 et s.
1956
D. TRUCHET, op.cit., pp. 70 et s.
1957
G. CORNU [2016], op.cit., p. 396.
1958
Article 8-c), Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1959
Article 3-f), Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
312

d’homologation est prise en fonction des « spécifications techniques »1960 que l’ARPTC elle-
même publie.1961 Ainsi, cette compétence d’homologuer les équipements électroniques porte
sur l’autorisation ou non d’importer, de commercialiser, de vendre ou de détenir un
équipement traitant ou émettant des signaux radioélectriques, sur l'ensemble du territoire
congolais.
794. Cependant une fois de plus, le ministère des PTT s’était arrogé la même
compétence d’homologuer les équipements sur la base d’un arrêté de 1993, publié dans le
même numéro du journal officiel que la loi avec laquelle il entre en contradiction. 1962 Cet
arrêté fixe les conditions d’exercice des activités du secteur des télécoms. La confusion des
rôles avec l’Autorité de régulation a été appuyée par un autre arrêté fixant la taxe
d’homologation au profit du ministre des PTT.1963 Sans s’en préoccuper, le régulateur a
adopté la décision n°024/ARPTC/CLG/2006 fixant le régime d'homologation des équipements
terminaux et des installations des télécoms.1964 À ce jour (2017), la décision de l’ARPTC est
demeurée en vigueur. Le conflit des compétences a cessé et des ententes ont permis une
collaboration sur ce point entre les deux autorités de réglementation. Le régulateur procède
aux homologations, tandis que le ministère émet des notes de taxation, sur base de l’article 1er
de l’arrêté interministériel du 5 juillet 2014.1965
795. Près de quinze ans après, les expériences des ARN ont muri. « Le retour à la raison
garder » est atteint de la part de l’administration publique au regard du développement du
marché et de l’irréversibilité du processus de dérégulation des télécoms. Les équipements
constituent un segment de marché libéralisé à part entière, sous l’exploitation du secteur privé
et l’encadrement de l’Autorité de régulation. Néanmoins, d’autres conflits subsistent.
3. Le conflit des compétences dans la gestion du plan national de numérotation
796. Les deux « lois dérégulatrices » de 2002 attribuent au régulateur le pouvoir
d'élaborer et de gérer le plan national de numérotation.1966 En revanche, sans reconnaître de
compétences spécifiques au ministre des PTT sur ce point, la ratio legis de 2002 reste
cohérente en inscrivant la « taxe sur la numérotation » dans la liste des ressources ordinaires
de l'ARPTC, telle que prévue dans sa loi de création.1967

1960
Article 4-16, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. : « La définition des caractéristiques requises d’un produit telles
que, d’une manière exhaustive, les niveaux de qualité ou de propriété d’emploi, la sécurité, les dimensions, la terminologie,
les symboles et les méthodes d’essai, l’emballage, le marquage et l’étiquetage».
1961
Article 29, loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc : « L’homologation vise à assurer la conformité des équipements et
terminaux aux normes et spécifications techniques en vigueur sur le territoire national ».
1962
« Chapitre II », arrêté ministériel n°CAB/MIN/PTT/0027/31/93 du 18 novembre fixant les conditions d’exercice des
activités du secteur de télécoms, JO RDC, n° spécial, 44e année, Kinshasa, 25 janvier 2003, p. 64 et s.
1963
Arrêté interministériel n°005/CAB/MIN/PTT/2005 et n°110/CAB/MIN/FINANCES/2005 du 29 juillet 2005 portant fixation
des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative du Ministère des PTT, JO RDC, n° spécial, 46e année,
Kinshasa, 1er novembre 2005, col. 57-60. Il fondait le ministre des PTT à reprendre l’homologation des équipements de
télécoms dans la liste d’actes générateurs des recettes (5% de la valeur CIF) relevant de son département.
1964
JO RDC, n°15, 47e année, Kinshasa, 1er août 2006, col. 21 et s.
1965
Cf. article 1er, 1°, Arrêté interministériel n°CAB/MIN/PT&TIC/059/2014 et n°CAB/MIN/FINANCES/2014/109 du 5
juillet 2014 portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l’initiative du ministère des Postes,
télécommunications et nouvelles technologiques de l’information et de la communication [inédit]. Il dispose : «les taux des
droits, taxes et redevances à percevoir à l’initiative du Ministère des [PTNTIC] sont fixés comme suit : […] 1° taxe
d’homologation des équipements des télécommunications à fabriquer, à importer ou à commercialiser sur le territoire
nationale »
1966
Article 8-c), Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. et article 3-e), Loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc.
1967
Article 21-c), Loi n°014/2002, préc.
313

797. Cependant, cette même taxe a également fait l’objet de réclamations de paiement de
la part du ministre des PTT sur la base d’un arrêté contra legem.1968 Cette contrariété à la loi
découlait du décret n°03/027 de 2003 attribuant au ministre des PTT l’« élaboration du Plan
national de numérotation »,1969 alors que les lois de 2002 reconnaissaient cette compétence au
régulateur.
798. Par conséquent, les opérateurs privés subissaient le harcèlement fiscal et
administratif de deux services de l’État intervenant auprès des mêmes opérateurs pour les
mêmes compétences. En effet, le ministère des PTT insistait erronément sur des rubriques
spéciales de taxes qu’il dégageait de ses propres règles du plan de numérotation, à savoir :
« country code +243 », « préfixe identification du réseau » et « code sémaphore ». Au regard
des principes de légalité tant des actes administratifs que des taxes, les deux dernières
rubriques avaient été rajoutées de facto par acte réglementaire,1970 sans avoir été créées au
préalable ni par la loi de finances1971 ni par les lois sectorielles des télécoms de 2002.
799. Un cas reste illustratif de ce dualisme administratif face au marché. Il s’agit de
l'expérience connue en 2004 par Celtel Congo RDC, opérant à ce jour sous la raison
sociale Airtel RDC. En effet, sur base de sa loi de création, l’Autorité de régulation décida
d’attribuer à cet opérateur les blocs de numéros de téléphone à dix chiffres « digits » (099
MCDU), par sa décision n°006/CLG/ARPTC/2004 du 30 août 2004. Après sa publication au
journal officiel, le ministère des PTT la considéra comme non avenue en remettant en
question la compétence ratione materiae de l'ARPTC à ce sujet. Le ministre s’appuyait à cet
effet sur les dispositions du décret n°03/027 du 16 septembre 2003 lui conférant plutôt la
gestion de la numérotation au sein du gouvernement.1972
800. Actuellement, la controverse a été tranchée. Après neuf ans d’insécurité juridique,
la situation a été harmonisée et les modalités de calcul des revenus des prestations concernées
ont été fixées par le nouveau décret n°012/15 du 20 février 20121973 et son arrêté d’application
du 30 mars 2012.1974 En outre, le ministre des PTT n’a plus inscrit la gestion de la numération
dans la liste des taxes à percevoir par son administration.1975 L’Autorité de régulation effectue
la gestion de la numérotation des télécoms, dont la taxe est perçue désormais en contrepartie
de son initiative. Les régimes de la loi-cadre et de la loi n°014/2002 sur l’ARPTC ont
finalement été bien distingués, y compris dans les mesures d’application. Toutefois, la
question n’est pas toujours aussi harmonieuse s’agissant de la gestion des fréquences.

1968
Points XV-22 et XV-26 de l'arrêté interministériel n°005/CAB/MIN/PTT/2005 et n°110/CAB/MIN/FINANCES/2005 du 29
juillet 2005 sur la fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative du Ministère des PTT, JO RDC, n°
spécial, 46e année, Kinshasa, 1er novembre 2005, col. 57-60.
1969
Article 1er, B.21, 2e tiret du décret du 16 septembre 2003, préc.
1970
Arrêté interministériel n°005/CAB/MIN/PTT/2005 et n°110/CAB/MIN/FINANCES/2005 du 29 juillet 2005 sur la fixation des
taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative du Ministère des PTT, préc.
1971
Loi n°04/015 du 16 juillet 2004 fixant la nomenclature des actes générateurs des recettes, préc.
1972
K. NDUKUMA, op.cit., pp. 165-166.
1973
Décret n°012/15 du 20 février 2012 fixant les modalités de calcul et les taux des revenus des prestations de l’Autorité de
Régulations de la Poste et des Télécommunications, « ARPTC » en sigle, JO RDC, n°6, 15 mars 2012, col.9-10.
1974
Arrêté ministériel n°026/CAB/VPM/MIN/PNTC/LKNG/OPS/2012 du 30 mars 2012 portant mesures d’application du
décret 012/15 du 20 février 2012 fixant les modalités de calcul et les taux des revenus des prestations de l’ARPTC.
1975
La taxe de numérotation ne figure plus dans l’Arrêté interministériel n°CAB/MIN/PT&TIC/059/2014 et
n°CAB/MIN/FINANCES/2014/109 du 5 juillet 2014 portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à
l’initiative du ministère des Postes, télécommunications et nouvelles technologiques de l’information et de la communication
[inédit].
314

4. Le conflit des compétences dans la gestion des fréquences radioélectriques

801. Le législateur de 2002 attribue au régulateur le pouvoir de « gérer et contrôler les


fréquences ». 1976 La loi n°014/2002 sur l’ARPTC complète la loi-cadre dans les mêmes
termes en spécifiant la mission d’« assigner les fréquences nécessaires au fonctionnement de
toute station de radiodiffusion sonore et de télévision ».1977 Cette précision est importante
pour renforcer la compétence exclusive de l’Autorité de régulation congolaise dans ce sous-
domaine des télécoms. Sur ce point, elle est l’équivalent de l’agence nationale des fréquences
(ANFr) en droit comparé français.1978
802. Cependant, cette même compétence avait été attribuée au ministère des PTT par le
décret n°03/027 de 2003, en ces termes: « - Police des ondes; - Centralisation et Gestion
nationale des fréquences ».1979 Pourtant, la loi-cadre ne reconnaît de rôle au ministre des PTT
sur ce point, sauf d’agir d’une manière générale tant sur le cadre réglementaire, la politique
sectorielle, la conception, la proposition ou la mise en œuvre de celle-ci, que sur les
règlements d’administration, de police ou de taxation du secteur.1980
803. Cette confusion a largement préjudicié la bonne exploitation des télécoms d'autant
que les fréquences en constituent la ressource première essentielle. En effet, la « [g]estion des
fréquences radioélectriques [est un] ensemble des actions administratives et techniques
relevant de l’État et visant à assurer une utilisation rationnelle du spectre des fréquences
radioélectriques assignés (sic) d’une manière objective, transparente et non discriminatoire
aux utilisateurs ».1981 Leur assignation à plusieurs opérateurs à la fois crée des interférences
nuisant aux intérêts du marché, c’est-à-dire des opérateurs et des consommateurs. Assigner
une fréquence ou un canal radioélectrique correspond à « l’autorisation donnée par l’État pour
l’utilisation par une station radioélectrique d’une fréquence ou d’un canal radioélectrique
déterminé selon les conditions spécifiées ».1982
804. Aux débuts de la dérégulation congolaise en 2002-2003, le manque de collaboration
entre autorités de réglementation nationales entrainait les opérateurs à disposer des titres
d’assignation de fréquences sur papier, mais techniquement inexploitables. En réalité, le
pouvoir administratif de droit exercé par l’ARPTC en 2002 ne lui conférait pas encore la
maîtrise cognitive des données de terrain, encore moins le niveau de contrôle des fréquences
que l’administration des PTT en place depuis 1940. Les conséquences subsistent encore dans
les cas d'occupation simultanée des bandes et canaux de fréquences par des opérateurs1983 ou
dans ceux des assignations accordées en parallèle par le ministère pour en évoquer
l’effectivité devant le régulateur.
805. De nos jours, la maturation du marché et des expériences des ARN permet une
harmonie générale dans le respect et l’application des principes légaux. Toutefois, le marché
n’est pas à l’abri des velléités encore fâcheuses d’affirmation de pouvoirs entre les autorités
de réglementaires du domaine des PTT. Des soubresauts de conflits apparaissent de temps en
temps. Tel est le cas du communiqué officiel du 15 avril 2009 par lequel le ministère des PTT
rejette les assignations de fréquences décidées par l’Autorité de régulation. N’étant pas

1976
Article 8-e), loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1977
Article 3-g), loi n°014/2002, préc.
1978
P. HUET, « Allocation et gestion des ressources rares », préc.
1979
Article 1er, B.21, 4e tiret du décret du 16 septembre 2003.
1980
Article 6-a),b), c), d), loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1981
Article 4-25, loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1982
Article 4-31, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1983
Exemple : conflit d’occupation par Orange des mêmes bandes de fréquences GSM antérieurement assignées à Tigo.
315

habiliter à annuler les décisions concernées de l’ARPTC1984, le ministre a choisi de les


dénoncer au journal officiel par la même voie de publicité. 1985
806. Ces erreurs exemplaires sont des cas d’école des conflits de compétences entre les
autorités réglementaires des PTT en RDC. D’autres contradictions se situent dans la logique
du cadre réglementaire de 2002, avec des impacts sur le fonctionnement du marché. (§2)

§2. Les contradictions des logiques du cadre réglementaire de 2002


sur les aspects fonctionnels du marché

807. Les erreurs du cadre réglementaire alimentent les conflits des compétences entre les
ARN, tandis que ces dernières en tirent la source de leurs pouvoirs à exercer entre elles et à
l’égard du marché. Mais, il est apparu d’autres contradictions dans la logique des politiques
législatives des télécoms, avec des conséquences sur l’orientation du régime légal sur les
activités proprement dites du marché. Le législateur de 2002 ne cerne pas le fonctionnement
du marché, en mettant en place des régimes légaux de réseaux qui sont dépassés par le
développement numérique de celui-ci. Des faiblesses de logique fragilisent dès le départ le
cadre réglementaire congolais, uniquement orienté sur les réseaux de télécoms de base, sans
envisager l’économie numérique, ni le commerce électronique en vogue grâce à Internet.
808. Il convient d’analyser les inadéquations du niveau des réformes entreprises par le
législateur en RDC. Ce dernier n’a pas tenu compte de toutes les mutations pertinentes du
marché électronique avant et après 2002. (A./) Les régimes et les titres que la loi-cadre des
télécoms confère aux opérateurs du marché congolais sont, le cas écheant, désuets,
indifférenciés ou imprécis au regard du droit comparé français et européen du commerce
électronique. (B./)

A. / L’INADÉQUATION DU NIVEAU DES RÉFORMES LÉGISLATIVES AU REGARD


DES MUTATIONS DU MARCHÉ ÉLECTRONIQUE

809. La loi-cadre a pour objet les télécoms de base. Elle rattrape un retard de législation
de soixante ans entre 1940 et 2002, mais elle ne fait pas montre d’un code de communications
électroniques. Elle situe les télécoms dans un sous-secteur sans traiter les aspects juridiques
d’Internet. Elle se limite aux priorités d’accès au marché par les opérateurs de téléphonie
mobile GSM. La loi-cadre apporte des transformations qui se concentrent sur la gestion
domaniale et administrative des ressources du domaine public. Elle (re)structure davantage les
pouvoirs du ministre des PTT, du régulateur (ARPTC) et de l’exploitant public. Elle ne définit
pas suffisamment les règles du marché des télécoms dans ses aspects des services de la société
de l’information. Et pourtant, l’économie numérique et le commerce électronique étaient déjà
en vogue dans le monde, au moment de sa promulgation en 2002. L’Europe déjà en 1998 et
2000 avaient édicté les directives sur les services de la société de l’information.1986

1984
En l’occurrence : Décision n°001/ARPTC/CLG/2009 du 14 janvier 2009 et n°005/ARPTC/CLG du 24 février 2009. De
plus, l’article 17 de la loi n°014/2002 sur l’ARPTC dispose que ses décisions sont susceptibles de recours devant la section
administrative de la CSJ, pour assurer l’indépendance de l’ARPTC face au gouvernement.
1985
JO RDC, n°8, 15 avril 2009, 1re partie, « Avis et annonces », col. 74 [www.droitcongolais.info/files/avis-Ministere-des-Postes,-perte-
certificatŕJO-n-8,-annee-50,-15-avril-2009-.pdf] (consulté le 9 juillet 2016).
1986
Directive 2000/31/CE, préc. Directive 98/34/CE, préc.
316

810. Par « opérateur », le législateur de 2002 entend « toute personne physique ou


morale, exploitant un réseau de télécommunication ».1987 Le « réseau »1988 est défini comme
un ensemble d’installations de transmission, d’acheminement de signaux de
télécommunication ainsi que d’échange d’informations, de commande et de gestion entre des
« points de terminaison ». Ces points sont ensuite définis,1989 autant que l’« équipement
terminal »1990 ou encore les « télécommunications »1991. La loi-cadre entretient une disparité
de définitions, sans catégorisation ni régimes d’activités entre opérateurs des services de
télécoms, y compris de l’Internet. En revanche, le droit comparé européen et français a défini
les opérateurs au titre de « prestataires intermédiaires du commerce électronique » ou au titre
de « prestataires techniques de l’économie numérique ». L’expérience européenne fixe ainsi
un cadre de catégorisation de ces prestataires, selon leurs types d’activités techniques sur le
marché, voire dans la société de l’information. 1992
811. Actuellement, la loi-cadre de 2002 reste la source formelle du « droit de l’accès au
marché des télécoms », lui-même de plus en plus dépassé par l’évolution technologique. En
effet, le législateur privilégie le critère de catégorisation des opérateurs par rapport à
une typologie de réseaux et non par type d’activités sur le marché. Le système réglementaire
est construit sur la typologie des réseaux, à laquelle la loi rattache un régime et à ce dernier
ensuite, un titre particulier d’exploitation. Les trois régimes existants en sont et demeurent les
suivants : 1° le « réseau de base » de l’exploitant public, 2° les « réseaux concessionnaires des
services publics » ouverts au public et 3° les « réseaux indépendants ». Sur cette base, la loi
opère une répartition des compétences et attributions entre les autorités de réglementation
nationales, en fonction des catégories, des régimes et des titres correspondants à chaque
réseau. C’est cette typologie qui détermine les pouvoirs d’action du ministre des PTT et le
régulateur sur les opérateurs.1993 En principe, les détenteurs de « licences » exploitent des
réseaux ouverts au public, tandis que les détenteurs d’« autorisations » sont destinés à
exploiter des réseaux indépendants. Mais l’article 17 de la loi-cadre applique de manière très
diffuse ces « régimes d’exploitation » à des services et d’activités qu’elle ne prend pas soin de
définir, se limitant à insinuer leur variété.1994
812. Paradoxalement, ce n’est qu’à son exposé des motifs que la loi-cadre évoque
l’Internet à titre prospectif, en l’assimilant au statut et au régime des services à valeur ajoutée,
comme supplétif des télécoms. La perspective de la loi ne franchit pas le seuil d’autres
technologies plus avancées, en dehors de la téléphonie cellulaire. La finalité globale des
télécoms n’est pas précisée dans l’économie et la société, ni l’objectif de la pleine
concurrence. En RDC, les « lois dérégulatrices » de 2002 n’ont pas tenu compte du fait que
« [l] a concurrence est un des principaux mécanismes qui permettent à l’Internet de stimuler la
croissance économique ».1995 Quinze ans plus tard (2002-2017), ces lois demeurent

1987
Article 4-10, loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1988
Article 4-2, loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1989
Article 4-15, loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1990
Article 4-14, loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1991
Article 4-1, loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
1992
Cf. Partie 1, Titres I, Chapitres 1 et 2 de la présente thèse. La directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce
électronique (préc.) catégorise les « prestataires intermédiaires » (section 4) avant de définir leur régime de responsabilité par
rapport aux contenus qu’ils transportent, qu’ils stockent ou diffusent.
1993
Article 9, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. « Les télécommunications comportent trois types de réseaux : - le
réseau de référence ou réseau de base ; - le réseau concessionnaire des services publics ; - le réseau indépendant »
1994
Article 17, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. : « Il existe trois régimes d’exploitation distincts s’appliquant à des
services et des activités également différents : a) le régime de concession ; b) le régime de l’autorisation et c) le régime de la
déclaration ».
1995
BANQUE MONDIALE [2016], op.cit., p.19.
317

inchangées et la transformation du secteur est inachevée.1996 Cependant, les télécoms ne sont


qu’un maillon de l’« écosystème numérique ».1997 Même si elles sont à part entière des
techniques de mise en relation à distance, leur utilité finale est de donner accès aux ressources
numériques et/ou de servir de support des activités numériques.1998 Les communications
électroniques ont évolué au point que l’Internet ne peut plus être maintenu par le législateur
congolais à un rang accessoire, surtout au regard des statistiques en Afrique.1999
813. De nos jours en RDC, le régime des opérateurs est construit par type de réseau.
Cette architecture législative est décalée non seulement par rapport à la convergence
numérique, mais aussi par rapport au droit comparé européen ou français dont le législateur
congolais de 2002 s’inspirait notamment.

B./ L’INADÉQUATION DES RÉGIMES DU DROIT CONGOLAIS DES TÉLÉCOMS AU VU DU DROIT COMPARÉ

814. La loi-cadre sur les télécoms consacre trois types de réseaux auxquels il attache des
régimes particuliers, à savoir : les réseaux de l’exploitant public, les réseaux concessionnaires
et les réseaux indépendants. La conception et l’application de ces typologies présentent une
inadéquation aussi bien par rapport au marché congolais que par rapport au niveau plus
avancé du droit comparé. Le déphasage des régimes du droit congolais se démontre à travers
les évolutions économiques, technologiques et juridiques du marché local et international.
Une appréciation critique de chaque régime mérite d’être effectuée au regard de son contenu
et des défis qu’il pose. Au vu du droit comparé français, il convient d’expliciter les critères de
législation et de réglementation fondant ces régimes qui s’avèrent : « désuet » pour le cas de
l’exploitant public, « indifférencié » pour les réseaux concessionnaires et « imprécis » pour
les réseaux indépendants.
815. D’ores et déjà, la loi-cadre ne transfère pas les télécoms du domaine de droit public
à celui de la concurrence. Les activités des télécoms restent fondamentalement rattachées au
régime du droit administratif, en dehors d’autres branches du droit concernées. La
dérégulation n’a pas encore autorisé une libéralisation qui aboutit à l’application des règles
plus souples de droit privé aux acteurs du marché. Elle considère les opérateurs du marché
comme des agents délégués d’un service public, avec qui l’État entretient des rapports sur

1996
Cf. Partie 2 : Titre 1, Chapitre 2 et Titre 2, chapitre 1 et 2 de la présente thèse. Ces aspects sont développés au-delà des
points relatifs à la dérégulation des télécoms de base. Ils correspondent aux nouveaux défis de l’économie numérique et aux
projets de loi en cours d’examen actuellement au Parlement (2017).
1997
A. BAMDÉ, op.cit., p. 27. « Chaque innovation sociale est devenue porteuse de révolution sociale. L’invention du
télégraphe électrique en est le parfait exemple. […] L’idée selon laquelle l’avenir d’un pays et des peuples est étroitement lié
à l’édification des réseaux de communication était désormais présente au plus profond de chacun des artisans du monde. […]
Au contraire, celle-ci a grandi et s’est enrichie à mesure que les kilomètres de fils et de câbles reliant les êtres humains entre
eux ont augmenté, jusqu’à devenir le moteur de la société ».
1998
V-L BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit., pp. 1-25.
1999
B. POLLE, « Téléphonie mobile : le nombre d’abonnés africains en hausse de 70% depuis 2010 », Jeune Afrique,
rubrique Économie, entreprises et marchés, 1er août 2016 [www.jeuneafrique.com/345544/economie/État-de-leconomie-mobile-
afrique-rapport-gsma-2016] (consulté le 21 novembre 2016).Au cours de la même année 2015, les opérateurs se sont tout de
même établis à 133 milliards de dollars de chiffres d’affaires cumulés en 2015 et pourraient atteindre 210 milliards de dollars
à échéance 2020. Malgré la forte dominance des réseaux 2G, l’essor du haut débit est perceptible : la moitié des 74 réseaux
4G en activité en Afrique a été lancés depuis moins de trois ans (2013-2015). Cette offre croissante de l’Internet mobile
encourage les acquisitions des Smartphones. En fin 2015, 226 millions de cartes SIM sont utilisées via des Smartphones, soit
23% des connexions, ce qui représente un taux de couverture assez modeste. Mais les appareils low cost gagnent des parts de
marché aidés en cela par des prix de vente cassés à 160$ en moyenne fin 2015 contre 230$ en 2012. Ces prix sont encore en
baisse. GSMA table sur 720 millions de connexions par Smartphone (sur 1,3 milliards de carte SIM en circulation) en 2020.
Cependant, le continent africain présente le plus faible taux de couverture de l’Internet au monde. En termes de potentiel, les
indicateurs font de l’Afrique le deuxième plus grand marché des technologies au monde, derrière la zone Asie-Pacifique avec
12% des abonnés uniques mondiaux.
318

base d’un contrat administratif. Un cahier des charges définit les règles et conditions
d’exercice des activités économiques dans le secteur des télécoms.2000
1. Le régime suranné et désuet du réseau de l’exploitant public
816. S’agissant du premier régime de loi-cadre, le réseau de base de l’exploitant public
dispose des « droits exclusifs et spéciaux » tirés directement de la loi, qui l’autorise aussi à
agir sur le marché des services libéralisés. Le ministre ne peut déroger à ces droits de
l’exploitant public que sur avis de l’ARPTC, l’exploitant public également entendu.2001
L’exploitant public dispose d’un « réseau de référence » ou « de base » auquel les réseaux
concessionnaires sont tenus de s’interconnecter et de faire transiter leur trafic national et
international.2002 La logique législative conçoit son réseau comme la colonne vertébrale du
« réseau national »2003, qualifié de « back-bone » dans le jargon du pays, en vue d’effectuer
des opérations de « simple transport », dites « mere conduit » en droit européen.2004 Les
dispositions finales de la loi-cadre ont assigné à l’OCPT/SCPT et au RENATELSAT, à titre
transitoire, le statut d’exploitant public, mais sans que l’État n’ait mis à disposition du marché
les infrastructures de réseau répondant aux ambitions du législateur.
817. Dans la méthode fidèle au droit comparé, notre thèse rapproche de l’expérience
européenne, les situations concrètes sur lesquelles le législateur congolais n’a pas édicté, ni su
trouver des solutions adéquates.
818. En Europe, avant même les directives du « paquet télécom » 2002, l’exclusivité
n’était plus à l’ère du temps. La série des directives « ONP » de 1990 avait déjà imposé aux
États d’abolir les droits exclusifs ou spéciaux pour la fourniture de services de télécoms. Une
exception était faite au début de la dérégulation européenne pour le service téléphonie vocale,
les services par satellite et les services de radiocommunications mobiles. Le marché de
l’Union européenne avait dès lors évolué et la pleine concurrence avait été introduite par la
directive 96/19/CE, y compris pour les derniers « bastions monopolistiques » de la téléphonie
vocale et de l’exploitation des réseaux. La directive « concurrence » de la commission, en
complément du paquet télécom, a définitivement apporté la finalité d’harmonisation, de
codification et de simplification du cadre réglementaire européen. Elle a remplacé toutes les
directives ONP ayant posé les bases de la libéralisation, notamment la directive 98/388/CEE
de la série ONCP, sans ajout d’obligations nouvelles. Sur cette base, la pleine libéralisation du
marché intérieur des télécoms est assurée, sauf les seules obligations supplémentaires dans le
domaine des satellites.2005
819. Malheureusement, le législateur congolais de 2002 ne s’est pas inspiré des
directives européennes du paquet télécom dont la plupart des propositions avaient été
présentées et adoptées en mars 2002 en Europe. La RDC n’est pas entrée dans l’ère du temps,
ni dans l’ordre des avancées du droit et des marchés européens, alors que ces évolutions
2000
Arrêté ministériel CAB/MIN/PTT/0027/31/93 du 18 novembre 1993 fixant les conditions d’exercice des activités dans le
secteur des télécommunications, préc.
2001
Articles 10 à 12, 37 et 38, loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
2002
Article 38, al. 2, loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
2003
Article 4-33, loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. « Réseau national : l’ensemble de terminaux d’abonnés, de lignes
téléphoniques, de centraux, de moyens de transmission terrestres et par satellites utilisés en République Démocratique du
Congo pour la production des services de télécommunications locaux, interurbains et internationaux ».
2004
Article 12, Directive 2000/31/CE, préc. Pour le cas de l’OCPT/SCPT et RENATELSAT, la logique correspondance par
rapport à la définition européenne du « Simple transport ("mere conduit") » se limiterait à l’aspect de « […] fourniture d’un
service […] consistant à transmettre, sur un réseau de communication des informations fournies par le destinataire du
service », sans prendre la suite de la définition européenne qui ajoute « ou à fournir un accès au réseau de communication ».
2005
D. BOULAUD, Le nouveau cadre européen des communications électroniques, quelle régulation pour quel équilibre ?,
Rapport d’information, n°3048, Assemblée nationale, Paris, 2001, pp. 17 et s.
319

étaient déjà de mise avant la promulgation de la loi-cadre, le 16 octobre 2002. Le niveau de


cette dernière reste celui des premiers jalons de libéralisation graduelle des directives ONP
des années 1990. Quinze ans après, la LCT est resté d’application en RDC, sans un travail
parlementaire de revue périodique comme ce fut le cas des directives du « paquet télécom »
en 2009, 2012, 2014 et actuellement.2006
2. Le régime légal indifférencié des « réseaux concessionnaires »
820. Le deuxième régime de la loi-cadre est celui des réseaux concessionnaires. Ils sont
censés détenir des « licences de concession de services publics des télécoms» délivrées par le
Ministre, sur instruction de dossier par l’ARPTC. Le législateur donne à la licence le sens
d’un « contrat de concession liant l’État à un concessionnaire, personne physique ou morale
de droit public ou privé ».2007 Au sens de Gaston Jèze, « Il est un point sur lequel il convient
de retenir l’attention : le service public n’est pas toujours géré par des agents publics ; il est un
cas spécial de gestion des services publics : la concession des services publics. Un individu,
une compagnie privée sont chargés de faire fonctionner le service public ».2008 Tel est le cas
du régime des réseaux concessionnaires en RDC. En principe, hormis la communication
audiovisuelle2009, ce régime de concession concerne tous les types de réseau de télécoms
ouvert au public : Internet, GSM, téléphonie fixe de type filaire ou TSF,
« télédistribution »2010, etc.2011
821. Concernant l’Internet, une liste ad hoc des FAI a été établie par les titulaires de
licences et autorisations spéciales pour dénoncer des « opérateurs [dits] clandestins »,2012
fournissant lesdits services sans aucun titre d’exploitation. Le système congolais reste encore
soumis à la délivrance d’une autorisation spéciale et préalable pour l’accès au marché de
fournitures, tandis que les directives européennes du « paquet télécom » 2002 et 2009 n’en
exigent que si l’activité entraine une allocation de ressources radioélectriques.2013
822. En droit de l’Union européenne, le système de l’octroi de licences individuelles fut
le modèle dominant dans les années 1990 pour les États, en cours de transformation de leurs
services publics monopolistiques. Ce « droit de l’accès aux télécoms » couvrait tant l’accès au
marché qu’aux consommateurs territoriaux entre États européens.2014 Cette institution
juridique (autorisation spéciale) était consacrée par la directive 97/13/CE, dite « directive
licence » de la série ONP. Le système entendait « faciliter l’accès aux marchés nationaux »,

2006
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 1, section 1 de la présente thèse.
2007
Article 13, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. : Le réseau concessionnaire de service public est un réseau ouvert au
public, établi sur la base de contrat de concession liant l’État à un concessionnaire, personne physique ou morale de droit
public ou privé dont il attend des frais de licence, de divers paiements périodiques liés à des obligations d’intérêt public et
d’autres droits dus ». Cette disposition de la LCT est l’article unique de la « Section II : Réseaux concessionnaires de services
publics ».
2008
G. JÈZE, Les principes généraux du droit administratif…, op.cit., p. 64.
2009
En France comme en RDC, la Communication audiovisuelle relève organiquement d’un autre domaine de régulation
sectorielle que les télécoms, car elle porte sur le contenu auquel les télécoms servent de support. Mais, elle reste en lien avec
le secteur public des télécoms, en ce qui concerne l’attribution et la gestion des fréquences radioélectriques dont elle a besoin
pour fonctionner.
2010
Article 4-8, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. : « Télédistribution : La transmission ou la retransmission à des
abonnés à travers un réseau de câble et/ou hertzien, des signaux de radiodiffusion sonore et de télévision reçue par satellite ou
par un système de terre approprié ou produits localement ». Elle reste dans le champ d’intersection entre le secteur des
médias et des télécoms.
2011
Articles 13, 16 à 22, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
2012
RADIOOKAPI, « Me Kodjo Ndukuma s’exprime l’assainissement du secteur des télécommunications », Kinshasa, 1er juin
2015, in [http://www.radiookapi.net/emissions-2/linvite-du-jour/2015/06/01/kodjo-ndukuma-sexprime-lassainissement-du-
secteur-des-telecommunications#sthash.94iJ7kQw.dpuf] (consulté le 1er juin 2016).
2013
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 1, section 1 de la présente thèse.
2014
J. CATTAN, op.cit., p. 17 et s.
320

en laissant les lois de police et les ARN à charge de la réglementation nationale. Mais cette
architecture fondée sur le principe d’une « autorisation préalable » a été la source d’une
« réelle hétérogénéité » des droits concédés en Europe, laquelle était nuisible au
développement d’un marché intérieur concurrentiel européen.
823. Ainsi en 2002, la directive « autorisation » du paquet télécom s’est substituée à la
« directive licence » de 1997, en vue d’harmoniser et niveler les droits obtenus sous l’ancien
régime. Le « paquet télécom » apportait un nouveau système d’autorisation générale,
n’exigeant en principe pas d’autorisation préalable sauf « en cas de d’utilisation des
ressources rares, comme les fréquences et les numéros ».2015 Mais pour l’accès au marché, en
RDC, « [l]a déclaration est préalable et est faite auprès de l’Autorité de Régulation dans les
conditions et sous les effets devant être précisées par directives de l’A[RPTC] ».2016
824. Dans sa ratio legis, la loi-cadre de 2002 est restée globalement en deçà du niveau
des directives européennes « ONP » des années 1990, visant la fourniture d’un réseau ouvert
(« open netwok provision »). En revanche, la logique du libre accès (« free access ») irrigue
les directives successives du « paquet télécom » depuis la même année. Il serait très difficile
d’appliquer en RDC le principe d’entrée libre sur le marché ou d’un droit de l’accès aux
télécoms sans pas-de-porte, ni contrepartie des droits pour le trésor public. Le pays mise sur
les entrées de devises étrangères comme le considère clairement le gouvernement depuis
2003, en régulant étroitement le marché concurrent des communications internationales
entrant dans le pays. La question des taxes administratives était aussi posée avec acuité lors de
la transformation du cadre juridique européen de 2002 de l’accès au marché électronique Ŕ
passant des règles « ONP » (imposant des licences) à celles du « paquet télécom » (établissant
le principe d’une autorisation générale). Ce changement a été négocié entre États par un
accord politique, afin de ne plus imposer la répartition des taxes entre les entreprises en
fonction de leur chiffres d’affaires, ni l’exemption de paiement en faveur de petits
opérateurs.2017
825. Sous le régime de la loi-cadre, non seulement que la loi des finances requiert des
frais de licence et d’autorisation, mais les cahiers des charges des opérateurs leur exigent le
paiement d’une redevance annuelle de 2 à 3% de leurs titres, au titre d’annuité rémunératoire,
au plus tard le 31 mars de l’année suivant la fin de l’exercice. À propos, l’ordonnance-loi
n°13/003 du 23 février 2013 fixe la nomenclature des droits, taxes et redevances du pouvoir
central. L’arrêté interministériel des ministres des finances et des PTT, qui en a fait
application au 5 juillet 2014, prévoit des taxes pour l’acquisition de tous les titres
correspondant à chaque régime ainsi que les redevances. C’est également le cas du principe
arrêté pour la mise aux enchères de l’acquisition des « licences », dont le prix d’acquisition
est indexé au minimum de la dernière licence de concession vendue.2018 Les dernières licences
attribuées en RDC l’ont été en 2012 au profit de la Société Yozma Times Turns S.A. pour un

2015
D. BOULAUD, op.cit., pp. 16 et 17.
2016
Article 28, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. Il est à noter qu’en droit congolais la « déclaration » est un régime
des droits de l’accès au marché moins contraignant que le régime d’autorisation et de licence, cette dernière étant dite
« concession ». La déclaration est le régime le moins lourd mais requiert néanmoins un titre préalable.
2017
D. BOULAUD, op.cit, pp. 16 et 17.
2018
Article 1-8°, Arrêté interministériel n°CAB/MIN/PT&TIC/059/2014 et n°CAB/MIN/FINANCES/2014/109 du 5 juillet
2014 portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l’initiative du ministère des Postes,
télécommunications et nouvelles technologies de l’information et de la communication [inédit] : « Taxe sur l’autorisation de
concession ou contrat d’exploitation des services publics des télécommunications (Licence) : Téléphone Ŕfixe avec câble Ŕ
fixe sans fil (wireless) Ŕ Mobile [avec] évolution des générations 2G, 3G (IMT, UMTS, Iburst-Mobile, etc.), 4G (LTE-
WIMAX, etc.) 5G, autres) »
321

coût de l’ordre de 55.000.000$ et de 15.000.000$. Elles concernaient l’établissement de ses


réseaux de téléphonie GSM 2G et de l’Internet mobile 3G dans le pays.2019
3. L’imprécision du régime légal des « réseaux indépendants »
826. En outre, le troisième régime de la loi-cadre concerne les « réseaux indépendants »,
soumis à une simple formalité de « déclaration » assortie du titre ainsi nommé. L’intervention
du ministre des PTT n’est pas de mise dans cette procédure. Les conditions de la loi se
limitent à l’exploitation de tels réseaux, à détenir et à établir moyennant autorisation de
l’Autorité de régulation. Les réseaux indépendants concernent des services non ouverts au
grand public : Intranet, PABX, VLAN, etc. Il s’agit notamment des services d’annuaires
téléphonies, des réseaux d’organismes et institutions étrangers et internationaux, des stations
terriennes de réception individuelle et des stations de communication de « faible puissance et
portée2020 ».
827. Ces activités des réseaux indépendants peuvent se limiter à une simple déclaration
« dans les conditions et sous les effets devant être précisés par directives de l’Autorité de
régulation ».2021 Ce dernier régime regroupe des activités d’exploitation de réseaux
n’impliquant pas les mêmes exigences d’instruction et de compétence pour la délivrance des
« concessions » de droit administratif. La loi-cadre enjoint les réseaux indépendants de ne pas
obtenir un quelconque paiement de la part des bénéficiaires de leurs activités.2022 Mais le
régime de « réseaux indépendants » ne définit nullement ce que la loi sous-entend,
contrairement aux deux précédentes catégories de réseaux. Cette lacune du législateur
congolais de 2002 est flagrante face au droit comparé français, car celui-ci définit le réseau
indépendant comme « un réseau de communications électroniques réservé à l’usage d’une ou
plusieurs personnes constituant un groupe fermé d’utilisateurs, en vue d’échanger des
communications internes au sein de ce groupe ».2023
828. Cependant, le législateur congolais reste imprécis en disposant que « [l]e régime de
déclaration concerne les activités de télécommunications autres que celles soumises aux deux
régimes précédents ».2024 La loi-cadre ouvre un assez large champ du possible sans le définir.
Cette illustration fait partie de nombreuses ambigüités et apories de la législation sectorielle
des télécoms. Ces anomalies sont à la base des confusions des droits sur le marché, du
déséquilibre de la concurrence et des conflits de compétences entre autorités de
réglementation nationales.
829. En pratique, la distinction de régime détermine les pouvoirs d’action respectifs du
ministère des PTT pour les licences, et de l’Autorité de régulation pour les autorisations. Le
raisonnement par déduction n’assure pas la sécurité juridique pour des compétences devant
rester d’attribution.2025 Ces craintes juridiques corroborent l’étude faite en 2005 sur le thème

2019
Arrêté ministériel n°CAB/MIN/PT&NTIC/0011/09/2012 du 10 septembre 2012 portant attribution de la licence
d’établissement et d’exploitation de réseau public de télécommunications de troisième génération « 3G » en R[DC] (inédit.)
2020
Article 27, alinéa 2, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. Le point d) de cet alinéa 2 fixe cette « faible puissance [à
celle] inférieure à 10 milliwatts ou [à celle] de faible portée limitée à la zone urbaine de 300 mètres ».
2021
Articles 14 et 15, 22 à 28, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
2022
Article 49, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. : « Sauf stipulation contraire d’une convention particulière conclue
avec l’État, il est interdit à l’exploitant d’un réseau indépendant de percevoir une redevance, rémunération ou un avantage
quelconque direct ou indirect en raison de l’établissement ou de l’usage d’une installation d’un appareil privé de
télécommunications ».
2023
Articles 32 à L 32-4 CPCE, spéc. L 32 - 4° tel que modifié par la loi n°2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux
communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.
2024
Article 27, alinéa 1, Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
2025
G. CORNU, op.cit, p. 213. Verbo. La « compétence » est l’aptitude [d’une autorité] à agir dans un certain domaine », soit à
l’exclusion de toute autre, soit dans les règles de collaboration ou de décision.
322

de l’« intra-régulation », par Oscar Manikunda, alors Directeur de l’Economie et Perspective


et président en exercice de l’ARPTC depuis 2009.2026
830. Ainsi, des « licences » ont été délivrées à des fournisseurs d’accès à Internet (FAI),
en les attitrant en qualité de réseaux concessionnaires, car leurs services sont ouverts au
public. Dans l’instruction de dossiers analogues, le régulateur décida aussi des
« autorisations » pour des FAI établissant des réseaux en principe restrictifs, mais qui se sont
étendus au public par la suite. Pour garantir la sécurité juridique de leurs réseaux, certains
particuliers, professionnels ou opérateurs GSM associèrent les deux titres : concessions et
autorisations pour un seul et même service.2027 L’auteur conclut que « [c]ette anarchie intra-
sectorielle [avec] une administration publique sectorielle sclérosée et non préparée à la
dynamique de mutation dans son domaine a produit un besoin, celui de rétablir le bon
fonctionnement du marché par une régulation. Sans quoi, le secteur allait tout droit vers le
blocage. » 2028
831. L’harmonisation des régimes reste un élément central du travail de lege ferenda en
cours au parlement congolais.2029 D’ores et déjà, la convergence des réseaux et des médias
(terminaux) efface le clivage entre réseaux ouverts au public, réseaux indépendants et les
services innovant y associés.2030 Ces derniers n’ont plus forcément besoin de réseau, ni
d’infrastructures, encore moins d’installations pour opérer et faire « concurrence aux
opérateurs de la téléphonie traditionnels ».2031 L’architecture logique de la loi-cadre fondée
sur les types de réseau ne tient plus tout à fait, face aux mutations technologiques. Tels sont
les cas des opérateurs des applications dits « OTT », comme Skype, Whatsapp, Imo, Viber,
etc. Il existe par ailleurs « un combat qui oppose l’ARCEP à la société "Skype" qui refuse de
se soumettre globalement au CPT [sous le] prétexte pris qu’elle ne fait que transiter de la voix
sur l’Internet ».2032
832. Il est aussi déplorable de constater que le législateur de 2002 ne définit pas non plus
la responsabilité des acteurs du marché des télécoms, comme la directive 2000/31/CE du 8
juin 2000 l’avait fait en Europe deux ans auparavant.2033 Aucune distinction n’est faite entre
hébergeur, opérateur, FAI et éditeur, en vue de limiter leurs risques d’investissement sur le
marché et d’en favoriser le développement. En somme, l’erreur fondamentale de législation
en RDC est de n’avoir pas intégré les télécoms dans le contexte global de la société de
l’information. En se limitant au niveau primaire de dérégulation du secteur des télécoms selon
les accords de l’OMC, la RDC n’a pas inscrit ses lois et règlements dans l’économie
numérique du XXIe siècle. Malgré sa promulgation en 2002, dans le cours de la révolution
numérique, le législateur congolais n’a pas su transcender l’« effet de diligence », au sens de
Jacques Perriault.2034 En fait, l’attitude du législateur est forgée par « [l]es mentalités

2026
O. MANIKUNDA MUSATA, op.cit., p. 6.
2027
Ainsi, la décision n°002 bis/ARPTC/CLG/ 2006 du collège de l’ARPTC du 27 janvier 2006 a autorisé Celtel Congo
(opérant actuellement sous la dénomination « Airtel RDC ») à fournir les services Internet au public. L’article 1er de la
décision arrête : « la société Celtel Congo est autorisée à fournir les services Internet au public sur l’ensemble du territoire de
la RDC, à travers son réseau [téléphonique] GSM ou tout autre réseau de télécommunication ouvert au public qu’il pourra
déployer ».
2028
O. MANIKUNDA MUSATA, op.cit., p. 6.
2029
Cf. Partie 2, Titre II, spécialement Chapitre 1 de la présente thèse.
2030
P.-F. DOCQUIR et M. HANOT (sous la dir.), Nouveaux écrans, nouvelles régulations ?op.cit., p. 13.
2031
S. CHARTY (sous la dir.), La régulation d’Internet, regards croisés de droit de la concurrence…, op.cit., p. 22.
2032
Ibidem.
2033
C. CASTETS-RENARD, op.cit., pp. 329-455.
2034
J. PERRIAULT, « Effet diligence, effet serendip et autres défis pour les sciences de l’information », Paris X Nanterre,
CRIS/SERIES, octobre 2012, in [http://www.pearltrees.com/u/1696102-diligence-serendip-information] (consulté le 5 juin
2017).
323

habituées à des techniques désormais dépassées, utilis[a]nt les nouveaux outils avec des
protocoles anciens ; c’est ce que [l’auteur] appelle "effet de diligence" ».2035
833. C’est aisni que la loi-cadre paraît comme « [l]es premiers wagons [qui]
ressemblaient à des diligences et les premières automobiles à des voitures à cheval ».2036
Adoptée à l’aube du 2e millénaire de notre ère, la loi-cadre de 2002 n’a pas tenu compte de
l’Internet, ni des obligations de sécurité publique que les autorités de réglementation
nationales se sont efforcées de réglementer. Le législateur congolais aurait pu « éviter le piège
de l’effet diligence », s’il s’était porté « à chercher et à identifier les pratiques innovantes à la
périphérie […] pour se repérer dans un environnement qui sera de plus en plus
complexe ».2037 En agissant maladroitement comme des « portulans »2038 au XIIIe siècle, la
logique du législateur congolais « situe l’environnement Internet par rapport à sa propre
trajectoire [celle du législateur lui-même]. Hésitant dans la maîtrise de cet espace, il l’est ainsi
en ce qui concerne le temps ».2039 Des développements supplémentaires sont effectués aux
chapitres suivants sur les défis de correctif et de parachèvement du cadre réglementaire des
télécoms en RDC.2040 Mais, dans un tel contexte des lois, les mesures de réglementation ex
ante se sont avérées difficiles et risquées pour les ARN et le marché lui-même à plusieurs
égards, notamment : la gestion prudentielle des abonnements anonymes et le droit de l’accès à
l’interconnexion.
834. En résumé du chapitre, le processus de dérégulation a donné lieu en RDC à une
« législation très sectorielle » des télécoms. Le législateur de 2002 a opéré la transformation
du service public des télécoms, suivant le modèle de l’OMC. Toutefois, elle n’a pas réglé les
enjeux majeurs du droit de la régulation sectorielle qui en découle. La transition du secteur
des télécoms est résolument engagée vers l’économie du marché. L’État a transformé ses
institutions juridiques, principalement en institutionnalisant la régulation, dissociée de la
réglementation et de l’exploitation. Mais, des erreurs de départ affectent la logique de
législation, qui pose des contraintes à son application et au fonctionnement du marché. Celui-
ci s’autorégule à plusieurs égards. Il demeure à la pointe de l’innovation et donc en avance
dans le processus de changement par rapport à l’État, à ses institutions et à son droit. Le
processus de dérégulation doit faire face à de nouvelles mutations technologiques, pratiques et
économiques.
835. Si les droits congolais et européen restent comparables avec les mêmes enjeux de la
globalisation, leurs expériences présentent d’énormes écarts de niveau dans les régimes et
leurs temps en Europe. À son origine, la loi-cadre de 2002 s’était référée à l’expérience des
lois françaises et des premières mesures de libéralisation de la Commission européenne de
1988 avant les directives « ONP » du second semestre de 1990. La loi-cadre a repris aux
débuts du 21e siècle et maintient un modèle de politique législative déjà suranné en Europe.
Sa promulgation est intervenue au moment où l’Europe, elle-même, avait déjà modifié en
mars 2002 ce cadre initial de libéralisation. En revoyant lui-même son « paquet télécom »
périodiquement, le droit européen s’est drastiquement distancé d’autres droits.2041 Il faut non

2035
Ibidem.
2036
Ibid.
2037
Ibid.
2038
Ibid. Cf. aussi Le petit Larousse illustré 2017, Verbo « portulan » : carte marine de la fin du Moyen-âge et de la
<Renaissance, indiquant la position des ports et le contour des côtes.
2039
Ibid.
2040
Cf. Partie 2, Titre I, Chapitre 2 de la présente thèse.
2041
N. THIRION, « Économie de marché, régulations sectorielles et droit économique », préc., p. 11. Il faut considérer le cas
« dans la mesure où le dispositif communautaire qui la régente désormais est le plus avancé et le plus exhaustif de tous les
324

seulement corriger et parachever la dérégulation des télécoms de la RDC, mais il faut


également penser à de nouvelles transitions de ses approches et adapter ses concepts. L’« effet
de diligence » de la loi-cadre s’accentue, car « une invention technique met un certain temps
à s’acclimater pour devenir une innovation. Pendant cette période d’acclimatation, des
protocoles anciens sont appliquées aux techniques nouvelles. Ainsi, les premiers wagons
avaient les formes de diligence [à chevaux]».2042
836. De nos jours, la transition numérique de l’économie et des réseaux confirme la
transversalité de l’Internet dans la société de l’information. « L’essor de l’Internet, défini
comme le " réseau des réseaux"[…] permet l’interconnexion d’opérateurs et de
consommateurs dispersés dans différents États, sans que leur localisation géographique
n’exerce d’influence significative […]. Les activités économiques menées par l’intermédiaire
des réseaux de communication participent ainsi au mouvement de mondialisation de
l’économie ».2043 Malheureusement, le processus de dérégulation congolaise n’offre pas
encore de régime adéquat et adapté face à l’Internet et aux activités numériques.
837. En dépit de tout, le secteur des télécoms en RDC demeure faiblement réglementé,
comparativement à l’Europe. Si l’État congolais voit indéniablement son marché évoluer, son
droit reste en revanche figé suite au statu quo du cadre réglementaire de 2002, non révisé à ce
jour. Son marché a effectué un saut des technologies qui le place au même niveau des défis du
numérique que l’Europe et le reste du marché numérique mondial. En revanche, les systèmes
juridiques européen et français ont connu des mutations graduelles du marché électronique
ainsi qu’une évolution technique et juridique des « télécoms » aux « communications
électroniques », dans l’ordre des services de la société de l’information. De nouveaux défis se
posent à la régulation sectorielle. Des exemples attestent des écarts d’application des principes
de l’OMC par la loi-cadre de 2002. Cette loi des télécoms est en décalage avec le marché, en
déphasage avec la pleine concurrence et en ballotage dans sa logique de réglementation. Elle
oscille entre une véritable transformation des services publics en marché libéral et la
conservation des institutions administratives classiques.2044
838. Aussi, de nouveaux défis législatifs apparaissent-ils face aux mutations de la
communication et de l’économie numériques.2045 Tout autant que les facteurs de législations
ont évolué depuis les premières déréglementations, les objectifs d’approche de la régulation
sectorielle sont eux-mêmes en reformulation pour une régulation plus globale. Des pistes
innovantes du droit de la régulation se dessinent et se discutent, comme par exemple : la
« régulation convergente »2046 et l’« interrégulation ».2047 De nos jours, la révolution

instruments de droit européen gouvernant les industries de réseau. Du point de vue expérimental, les télécoms offrent donc un
profil idéal pour une réflexion en profondeur. »
2042
P.-F. DOCQUIR et M. HAMOT (sous la dir.), op.cit., p.13. L’ouvrage collectif reprend la pensée de J. PERRIAULT, « Effet
diligence, effet serendip et autres défis pour les sciences de l’information », Paris X Nanterre, CRIS/SERIES, octobre 2012, mais
en citant une autre source : [http://archives.limsi.fr/WkG/PCD2000/textes/perriault.htlm].
2043
Cf. Cahiers français, La société numérique, n°372, Paris, 2013, pp. 1-7 et 12-17.
2044
La section 2 du présent chapitre de thèse expliquent les écarts de la LCT par rapport aux réalités du marché, permettant
d’appréhender les contraintes générales d’application du modèle de dérégulation de l’OMC en RDC.
2045
M. DE SAINT PULGENT, « Les besoins d’interrégulation engendrés par Internet. Propos introductifs », M.-A. FRISON-
ROCHE, Internet et espace d’interrégulation, Dalloz, Paris, 2016, p. 3. « Comme dans d’autres domaines de la vie
économique et sociale […], les situations d’inégalité de position et d’allocation de ressources rares, fréquentes dans le monde
du numérique, justifient pleinement l’intervention des pouvoirs publics ».
2046
Ibidem. p.4. L’économie numérique pose des questions qui débordent et qui ne touchent plus exclusivement les marchés
des services de communications numériques, mais qui concernent des activités économiques et des pratiques sociales de plus
en plus diversifiées. […]De ce fait, la régulation du numérique interfère de plus en plus avec la régulation d’autres secteurs
économiques. […] Aujourd’hui […] les points de jonction et de convergence se multiplient du fait de l’essor du numérique et
de l’évolution des techniques ». Par conséquent, les objets techniques distincts par secteur peuvent fusionner, sous l’autorité
d’un seul organe de régulation.
325

numérique a renforcé la mondialisation des marchés et la globalisation des réseaux, pour tous
les États du monde, y compris la RDC. Les niveaux du droit international et comparé
appellent plusieurs correctifs pragmatiques ainsi que des ajustements des sources du droit
positif.
839. Ces nouveaux défis n’attendent que la lege ferenda du gouvernement congolais,
déposée à l’Assemblée nationale le 19 avril 2017 en vue de la refondation des institutions
juridiques du secteur des télécoms et de l’économie numérique. Le marché numérique
congolais se transforme et se développe avec Internet et l’économie numérique qui s’y
attache, mais il doit fonctionner avec le cadre juridique et les modes d’intervention étatique
initialement prévus pour les télécoms. La logique de la législation, l’expérience de la
régulation sectorielle et de la gouvernance du secteur montrent des limites du cadre
réglementaire, sans toutefois en conclure que la loi-cadre sur les télécommunications de 2002,
qui en est la source, accuse une totale désuétude. Comment ce cadre juridique répond-il aux
nouveaux défis des télécoms pour l’accès à l’économie numérique, en attendant l’édiction
d’une législation adéquate en RDC ? (Chapitre 2)

2047
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, p. 441. « L’inter-régulation désigne […] le lien ou la synthèse qui doit être réalisée
entre l’ensemble [des régulateurs des secteurs concernés ou apparentés] comme la prise en considération de l’ensemble des
points de vue pertinents et, in fine, l’efficacité de l’action régulatrice globale ». Cf. M. DE SAINT PULGENT, op.cit., p. 5. « Le
besoin d’interrégulation procède aujourd’hui d’un souci d’unification, du moins de mise en cohérence de différents niveaux
qui ne peuvent plus demeurer dans une juxtaposition confinant à l’ignorance ».
326
327

CHAPITRE 2 :
LES DÉFIS LÉGISLATIFS DE LA DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS
POUR L’ACCÈS DE LA RDC À L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

840. Depuis près de quarante ans, aux États-Unis, en Europe comme en France, en
Afrique comme en RDC, les politiques de libéralisation de l’économie ont remodelé les
services publics des télécoms. L’économie de marché a fait reculer la conception classique
des services publics.2048 La mondialisation a renforcé l’interpénétration des marchés et des
réseaux électroniques. La compétition commerciale intervient désormais entre plusieurs
acteurs privés et étatiques, dans le secteur des télécoms où l’État assurait le monopole public,
dans l’idée d’un entrepreneur stratégique.2049 Depuis lors, des mécanismes de régulation
étatique sont devenus indispensables pour assurer l’équilibre du marché ouvert, dont le
fonctionnement a occasionné de grandes avancées technologiques ainsi que la popularisation
de l’offre des services numériques de télécoms. Les connexions au réseau Internet marquent
l’évolution du monde2050 et appellent « ainsi à s’adapter dans ce cyber univers ».2051 Ainsi, la
société et l’économie sont en mutation à l’ère numérique. Plusieurs « outils passifs » et
« instruments actifs », inhérents aux technologies numériques, améliorent et agrémentent le
quotidien de notre société de l’information.2052
841. Toutefois, quinze ans après, la RDC n’a pas achevé la mise en œuvre des réformes
structurelles et institutionnelle de départ. À l’ère numérique et de l’Internet, le droit congolais
conserve encore des erreurs commises aux débuts du processus de déréglementation des
télécoms des années 1990-2002. Notamment, la loi-cadre des télécoms n’a pas affirmé avec
clarté le principe de la libre concurrence du marché des télécoms. Elle évoque seulement un
« réaménagement du monopole »,2053 contrastant la pure logique d’une économie de marché.
D’une part, les sociétés multinationales opèrent sur le territoire congolais au titre de
concessionnaires des services publics. D’autre part, l’indépendance de la régulation étatique
est encore un réel défi, vu la coexistence de deux autorités administratives, à savoir :
l’administration classique des PTT (Ministère) et l’Autorité de régulation (ARPCT). Le
Président de cette dernière a qualifié d’« intra-régulation »2054 cette présence duale d’organes
de régulation étatique, telle que voulue par le législateur. Malgré un effort notable de
répartition des compétences, la loi a provoqué une confusion des rôles, alimentée par
l’intervention conjointe, voire concurrente, entre deux entités publiques, au sein d’un seul et
même département des télécoms. Pour autant, la logique de la loi de 2002 nécessite des
correctifs.
842. C’est ainsi que les réformes législatives et sectorielles sont à parachever en vue de
répondre non seulement aux anciens défis de libéralisation des télécoms, mais aussi aux

2048
L. DUGUIT, Les transformations du droit public, La mémoire du droit/Librairie Armand Colin, Paris, 1999 (1913), p. XIX.
« L’État n’est plus une puissance souveraine qui commande ; il est un groupe d’individus détenant une force qu’ils doivent
employer à créer et à gérer les services publics. La notion de service public devient la notion fondamentale du droit public
moderne. » Dans la pensée de Léon Duguit, ces idées sont longtemps péremptoires. Elles se rapprochent bien, par exemple,
d’autres courants : colbertisme, protectionnisme, souveraineté et intangibilité des frontières, étatisme nationaliste.
2049
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne, op.cit, pp. 56 et s.
2050
C. FÉRAL-SCHUHL, « Préface », in M. QUÉMÉNER, op.cit, pp. 5-6, spéc. p. 5.
2051
M. QUÉMÉNER, Cybersociété entre espoirs et risques, L’Harmattan, Coll. « Justice et Démocratie », Paris, 2013, p. 9.
2052
Ibidem
2053
Exposé des motifs, Loi-cadre des télécoms (RDC), préc.
2054
O. MANIKUNDA MUSATA, La dynamique de la régulation des télécommunications en République Démocratique du
Congo : de la synergie intra-sectorielle à l’interrégulation, ENST/Paris/ARTEL/ARCEP/FRATEL/ESMT/Word Bank Institute,
BADGE régulation des télécoms promo 2005, mars 2006, pp. 1-118.
328

nouveaux défis d’organisation du marché de l’Internet. En attendant des changements


législatifs nécessaires, l’action de la régulation ex ante fait preuve de pragmatisme dans la
régulation des innovations que l’Internet apporte sur le marché électronique congolais. Si la
globalisation des économies suscite une réadaptation des modes de régulation, les télécoms
congolaises et leur réglementation s’insèrent dans les nouvelles tendances de l’économie
numérique, tel qu’en a été le cas plus avant, au niveau international, européen et français.
(Section 1.)
843. À défaut de formalisme parlementaire depuis ces quinze dernières années, les
autorités administratives sectorielles ont adopté de judicieux règlements pour encadrer la
dynamique du marché des télécoms de base vers l’économie numérique. Effectivement en
2002, la dérégulation des télécoms avait pour finalité d’instituer un régulateur étatique
sectoriel. Face aux enjeux de l’Internet, la régulation étatique ex ante a fait preuve de
pragmatisme juridique en réadaptant non seulement ses actions sur le marché mais aussi les
textes réglementaires ex post au regard de l’économie numérique. La régulation porte sur les
aspects essentiels du droit de l’accès au marché des télécoms et des ses ressources
d’exploitations.
844. D’un coté, la régulation économique concerne la concurrence en révélant les défis
législatifs auxquels les organes régulateurs nationaux sont astreints face aux forces du
marché. Pour limiter la dominance de l’autorégulation du marché, notamment dans l’offre des
services Internet, d’interconnexion et autres, l’État-régulateur engage la « corégulation »,
comme mode de conciliation de la puissance publique avec les lois du marché. D’un autre
coté, la régulation technique présente les défis de gestion du domaine public de l’État. Elle
concerne le contrôle ainsi que la gestion des ressources en numérotation téléphonique, en
fréquences radioélectriques,2055 dont le pays dispose, en tenant compte de la coopération
internationale, transfrontalière et locale entre autorités de régulation sectorielles. (Section 2.)

SECTION I -
LES DÉFIS DE PARACHÈVEMENT ET DE CORRECTIF
DE LA DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS DE 2002 EN RDC À L’ÈRE NUMÉRIQUE

845. En ouvrant à la compétition internationale leurs secteurs publics de télécoms,2056 les


États du monde en ont fait le moteur et le support de leurs économies. 2057 Cependant, la loi-
cadre sur les télécoms en RDC n’en avait pas explicitement formulé la libéralisation en 2002,
malgré la dérégulation préconisée par l’OMC. Dans le pays, les prestataires techniques sont
des acteurs économiques évoluant dans un marché semi-libéralisé.
846. Le législateur congolais maintient encore à ce jour le segment exclusif sur les
infrastructures au profit de l’exploitant public, comme il en fut le cas en Europe et en France
dans les étapes de réforme d’il y a 27 ans.2058 (§1) Selon l’esprit de la loi, le régulateur

2055
Pour des aspects autres que la régulation technique des fréquences radioélectriques : O. CACHARD, Le droit face aux
ondes électromagnétiques, Lexis/Nexis, coll. actualité, Paris, 2016. Il aborde les aspects d’exposition aux ondes magnétiques,
les aspects de protection juridique contre les effets des champs électromagnétiques notamment sur la santé et quant à
l’installation ou le démantèlement des antennes-relais et lignes électriques.
2056
Au demeurant, la mondialisation est effective avec la mise en œuvre des communications mobiles par satellites ayant une
couverture mondiale. La RDC est également partie au Consortium WACS, propriétaire du câble transatlantique à fibre
optique long de 14.530 Km reliant Cap Town à Londres avec 14 moins d’arrêt, dont un point d’atterrage à Moanda en RDC.
2057
« Exposé des motifs », Loi-cadre des télécoms (RDC), préc. La régulation peut assurer la capacité de l’État à assumer les
attributs de sa souveraineté dans un environnement dématérialisé et transfrontière pour l’intérêt général.
2058
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 1, section 2 de la présente thèse. Au niveau européen, les directives ONP de 1990 avaient
prescrit des « droits réservés » sur le marché des infrastructures nationales des télécoms, tandis qu’au niveau français, la loi
329

congolais s’avère davantage un gestionnaire des ressources du patrimoine public immatériel


de l’État,2059 qu’un arbitre de la concurrence. Dans cette logique, la régulation congolaise a du
mal à se démarquer et à prendre sa réelle dimension face aux fonctions réglementaires du
gouvernement. (§2)

§1. Le défi législatif d’affirmation du principe de la libre concurrence


dans le secteur public des télécoms

847. Le droit congolais des télécoms ne contient pas d’affirmation législative du principe
de la liberté de communication au public en ligne, contrairement à sa consécration expresse
dans la législation de l’économie numérique en France (2004).2060 Le législateur congolais de
2002 a abordé « l’existence et la promotion de la concurrence effective et loyale » comme un
objectif de protection des intérêts des consommateurs et des opérateurs sur le marché. 2061 La
loi congolaise place la concurrence dans le cadre des mesures de régulation à prendre au profit
du consommateur. En d’autres termes, la concurrence n’est pas forcément pensée pour le
bénéfice du marché dans les rapports entre opérateurs (B2B), mais primordialement dans sa
profitabilité pour les consommateurs. Mais, il a été démontré que les transformations
générales du secteur congolais se limitent au niveau comparable des réformes législatives
françaises et congolaises de 1990, dont le niveau est déjà révolu. Les « Lois Quilès » avaient
autorisé la concurrence seulement pour les équipements et les services de télécoms, tandis
qu’elles réaménageaient des droits exclusifs d’exploitant public sur les infrastructures.2062
(A./)
848. En comparaison des niveaux de législation, la structure duale du marché post-
monopole de la France entre 1990-1996 reste celle conservée en RDC depuis les quinze
dernières années. Mais dans les faits, la RDC manque d’infrastructures publiques de télécoms
de base. Le législateur de 2002 a reconnu ces droits dits spéciaux à l’exploitant public auquel
le secteur privé est en principe tenu de s’interconnecter.2063 Malgré ce prescrit légal,
l’effectivité des droits d’exclusivité sur le marché n’est pas pleinement réalisée faute de
réseau de référence d’État. À défaut de mise à disposition d’éléments techniques conséquents,
le marché s’est ouvert à la concurrence dans tous ses segments : infrastructures, services et

sur la réglementation des télécoms de 1990 faisait de même en faveur des exploitants publics. Ces restrictions furent
temporaires et maintenues jusqu’en 1996 en vue de prémunir les opérateurs historiques face à une libéralisation trop brusque
sur tous les segments du marché : infrastructures, services et équipements.
2059
Par exemple, les fréquences radioélectriques et le plan de numérotation téléphonique sont immatériels. Ils constituent les
ressources que l’État octroie aux exploitants moyennant autorisation et paiement des droits.
2060
La loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l’économie numérique est concernée en ce que son article 1 er,
paragraphe IV, rappelle « ce qu’il est dit à l’article 1er de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication, la communication au public par voie électronique est libre ». Cet article 1er de la LCEN est rangé au Titre 1er
de la liberté de communication en ligne, chapitre Ier de la LCEN, [www.legifrance.gouv.fr/affichText.do?cidTexte=JORFTEXT000000801164]
(consulté le 26 mai 2016).
2061
Article 3, l), loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc. : « L’Autorité de Régulation a pour mission de : […] l) protéger sur le
marché des postes et des télécommunications, les intérêts des consommateurs et des opérateurs en veillant à l’existence de la
promotion d’une concurrence effective et loyale et prendre toutes les mesures nécessaires à l’effet de rétablir la concurrence
au profit des consommateurs ».
2062
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 1, Section 2 et Partie 2, Titre 1, Chapitre 1, section 1 de la présente thèse. Malgré le
monopole en France avant 1990, le ministre des PTT avait accepté en 1987 l’entrée de SFR dans un marché non
formellement libéralisé, se trouvant sous le régime monopolistique des lois Mexandeau (1982) et Léotard (1986). SFR fut
autorisé à fonctionner dans un sous-secteur de service public monopolistique en concurrence avec Radiocom qui était une
branche de la DGT, administration des PTT (EPA). Cette autorisation intervint avant la création de France Télécom en 1996,
sous le statut d’EPIC et avant de lui faire adopter depuis 2003 le statut de société anonyme de droit privé.
2063
Article 38, loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc.
330

équipements. Depuis 2002, la pleine liberté d’entreprise des télécoms est acquise de facto sur
le marché. Mais, le défi est celui pour le marché de se conformer à la loi pour la sécurité
juridique des investissements privés sur le segment réservé à l’opérateur public, d’autant que
sa relance d’activités survient seulement en 2012, précisément dix ans après la promulgation
de la loi-cadre de 2012 et les concessions administratives d’exploitation privée de son sous-
domaine d’exclusivité. (B./)
A. / L’AFFIRMATION ÉQUIVOQUE DE LA LIBRE CONCURRENCE DES TÉLÉCOMS EN RDC

849. En règle générale dans un domaine public, « il y a parfois nécessité d’organiser


l’accès, soit parce qu’il y a libéralisation d’un secteur naguère monopolistique, soit parce que
des opérateurs sont encore trop puissants et qu’il faut construire cette concurrence en faveur
de nouveaux entrants, ou bien parce qu’il y a des monopoles naturels ».2064 En RDC, la loi-
cadre des télécoms de 2002 est intervenue en vue de réaménager le monopole réglementaire
de l’État depuis 1805.2065 Toutefois, en conférant huit attributions au régulateur des télécoms,
l’article 8 de la loi-cadre n’en prévoit aucune sur la gestion de la concurrence.2066 C’est à titre
complémentaire que la loi n°014/2002 sur l’ARPTC dispose que cette dernière a pour mission
de « protéger sur le marché des postes et télécommunications, les intérêts des consommateurs
et des opérateurs en veillant à l’existence et à la promotion d’une concurrence effective et
loyale, et prendre toutes les mesures nécessaires à l’effet de rétablir la concurrence au profit
des consommateurs ».2067 Il apparait que le législateur a défini le domaine de la concurrence
simplement par déduction de « la fourniture des services qui ne sont pas confiés
exclusivement à l’exploitant public ».2068
850. En droit congolais, la pleine concurrence ne constitue pas la finalité de la
législation : assurer et maintenir la concurrence sur le marché reste un objectif sous-jacent à
atteindre par la régulation. Au sens de la loi-cadre, la concurrence du marché est à construire
dans l’ordre des intérêts consuméristes dont le régulateur doit assurer le respect. À l’égard du
ministre des postes et télécoms, la loi-cadre dispose qu’il « veille […] dans les conditions
d’une concurrence loyale » à la fourniture des services de télécoms non-exclusifs.2069
851. En droit européen et français, l’objectif du processus a permis de parvenir à la
pleine concurrence de l’accès aux communications électroniques.2070 La subsidiarité du droit
de la concurrence est clairement garantie dans la perspective d’une « régulation
transversale ».2071 Celle-ci correspond au degré d’évolution des réformes du secteur des
télécoms, ayant permis d’en insérer les services dans l’ordre de l’économie. À l’instar de toute
autre activité commerciale, ils sont parvenus au niveau de leur régulation ex post sur la base
du droit de la de la concurrence, en lui associant les règles sectorielles des communications

2064
M.-A. FRISON-ROCHE, op.cit, p. 7.
2065
« Exposé des motifs », loi-cadre sur les télécommunications en RDC, JO RDC, n° spécial, 44e année, 25 janv. 2003, pp.
17-27. Il est à noter que 10 pages sur les 46 du journal officiel sont réservés à la seule motivation de la loi exposé des motifs.
2066
Il s’agit du « Chapitre II : De l’autorité de régulation » inscrit au « Titre II : Des structures » de la loi-cadre sur les
télécommunications en RDC.
2067
Article 3-1, loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc.
2068
Article 7, b), loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc. : « Dans l’exercice des attributions qui sont conférées par la présente
loi, le ministre veille à ce que soient […] b) effectuée, dans les conditions d’une concurrence loyale, notamment entre
l’exploitant public et les autres exploitants, la fourniture des services qui ne sont pas confiés exclusivement à l’exploitant
public ».
2069
Ibidem.
2070
D. POPOVIC, Le droit communautaire de la concurrence et les communications électroniques, LGDJ, Paris 2009, pp. 11,
23 et s.
2071
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, Droit public économique, op.cit, pp. 472-475 et s.
331

électroniques.2072 En France, les règles du droit de la concurrence constituent une branche en


plein essor.
852. En revanche, le droit positif congolais ne permet pas d’envisager une adéquate
régulation transversale des télécoms, car la réalisation de la pleine concurrence n’a pas été
l’objectif de la dérégulation enclenchée en 2002. En outre, le droit congolais de la
concurrence est limité, car il s’oriente à la répression des actes déloyaux plutôt qu’à
l’organisation générale de la concurrence. En effet, l’ordonnance-loi du 24 février 1950 reste
encore pour RDC le seul texte de loi applicable en droit de la concurrence, en tant que règles
de droit commun par rapport à celles sectorielles des télécoms et des TIC.2073 Le très court
texte de ladite ordonnance-loi est composé de trois articles au total ; il concerne uniquement la
répression pénale de la concurrence déloyale. Il constitue la législation ex post d’une nature
assez éloignée du besoin d’efficacité que les télécoms attendent du régulateur des télécoms.
853. Comparativement au droit de la concurrence en France, la RDC ne dispose pas
d’institutions équivalant à l’autorité nationale de la concurrence (ANC) et à la Direction
générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Néanmoins, un arrêté du ministre congolais de l’économie nationale a institué depuis 1987 la
« Commission de la concurrence ».2074 Instauré au sein du département de l’économie et
industrie, la commission peut s’autosaisir ou être saisie de toute requête des consommateurs,
des concurrents ou de toute personne physique ou morale intéressée par la concurrence.2075
Par ailleurs, la législation ex post (droit de la concurrence) est appliquée par le tribunal de
première instance à la requête de l’intéressé.2076 Sur requête, le juge peut ordonner la
cessation d’acte déloyal2077 ou prononcer des peines d’amende,2078 d’emprisonnement en cas

2072
Ibidem.
2073
Ordonnance-loi n°41-63 du 24 février 1950 sur la concurrence déloyale et sa répression, Bulletin Administratif, Congo-
Belge, 1950, p. 811.
2074
Arrêté départemental DENI/CAB/06/013/87 portant création et fonctionnement de la Commission de la concurrence, JOZ,
n°12, 15 juin 1987, p. 62. Article 7, ibidem : « Dans l’accomplissement de sa mission, la Commission de la concurrence
dispose des pouvoirs ci-après : 1. élaborer à l’intention du commissaire du commissaire d’État à l’Economie et à l’Industrie
des projets des pouvoirs visant à : - interdire une fusion ou exiger la cessation d’une pratique abusive ; - annuler ou faire
modifier des contrats abusifs passés par plusieurs entreprises dans le cadre d’une entente ou d’un abus de position dominante,
déclarer nulles et sans effets les décisions prises dans ce sens ; - autoriser certains contrats ou certaines décisions dictés par
l’intérêt général ; 2. infliger des amendes transactionnelles dans les limites des lois et règlements en vigueur en la matière, en
cas d’atteinte aux règles de libre concurrence ou de non-respect des décisions de la Commission et en faire rapport au
commissaire d’État à l’Economie nationale et à l’Industrie ; 3. classer le dossier sans suite et en faire rapport au commissaire
d’État à l’Economie nationale et à l’Industrie ».
2075
Article 8, Ibidem. À ce jour, nos recherches n’ont pas permis de noter l’intervention de la commission de concurrence sur
le marché des télécoms (en subsidiarité ou en priorité par rapport à l’Autorité de régulation congolaise).
2076
Article 1er, ordonnance-loi n°41-63 du 24 février 1950, préc. : « Lorsque, par acte contraire aux usages honnêtes en
matière commerciale ou industrielle, un commerçant un producteur, un industriel, ou un artisan porte atteinte au crédit d’un
concurrent, ou lui enlève sa clientèle, ou d’une manière générale porte atteinte à sa capacité de concurrence, le tribunal de
première instance, sur poursuite des intéressés, ou de l’un d’eux, ordonne la cessation de cet acte ».
2077
Article 2, ordonnance-loi n°41-63 du 24 février 1950, préc. : « Sont considérés notamment comme actes contraires aux
usages honnêtes en matière commerciale ou industrielle : 1) créer la confusion, ou tenter de créer la confusion entre sa
personne, son établissement ou ses produits, et la personne, l’établissement ou les produits d’un concurrent ; 2) répandre des
imputations fausses sur la personne, l’entreprise, les marchandises ou le personnel d’un concurrent ; 3) donner des indications
inexactes sur sa personnalité commerciale, sur son industrie ou ses dessins, marques, brevets, références, distinctions, sur la
nature de ses produits ou marchandises, sur les conditions de leur fabrication, leur origine, leur provenance, leur qualité ; 4)
apposer sur les produits naturels ou fabriqués détenus ou transportés en vue de la vente ou mis en vente ou sur les emballages
de ces produits, une marque de fabrique ou de commerce, un nom, un signe ou une indication quelconque de nature à faire
croire que les produits ont une origine ou une provenance autre que leur véritable origine ou provenance ; 5) faire croire à une
origine ou à une provenance inexacte desdits produits, soit par addition, retranchement ou altération quelconque d’une
marque, d’une dénomination ou d’une étiquette, soit par des annonces, écrits ou affiches, soit par la production de factures,
de certificats d’origine ou de provenance inexacts, soit par tout autre moyen ; 6) faire un usage non autorisé du matériel d’un
concurrent, de l’emballage, des récipients de ses produits, même sans l’intention de s’en attribuer la propriété, ni de créer une
confusion entre les personnes, les établissements ou les produits ; 7) utiliser des dénominations, marques, emblèmes créant
une confusion avec des services publics, des organismes publics, ou tendant à faire croire à un mandat de l’autorité ».
332

de récidive2079 ou d’autres peines complémentaires.2080 Les mécanismes classiques de justice


obéissent au temps alors que le marché numérique est empreint du temps accéléré : le « temps
du réseau ».2081
854. Selon Myriam Quéméner, « [l]e juge tire sa légitimité de son pouvoir de régulation
des textes législatifs et réglementaires, ce qui permet d’affirmer que le législateur est par
essence le régulateur suprême. Ces lois […] concernant la régulation de l’Internet, sont de
plus en plus soumises au contrôle du juge constitutionnel qui construit progressivement une
jurisprudence régulatrice ».2082 En RDC, c’est le tribunal qui dit le droit de la concurrence, au
titre de « magistrat régulateur ponctuel et final », à défaut d’avoir institué une autorité
nationale de la concurrence comme c’est le cas en France. 2083 En effet, « [l]e juge judiciaire
[est] régulateur ponctuel […] dans la régulation d’Internet qui apparaît aujourd’hui
incontournable, bien que sérieusement concurrencé à la fois par des procédures
administratives et par des Autorités administratives indépendantes ».2084 À ce propos, la
jurisprudence congolaise renseigne une affaire intéressante en matière de concurrence des
télécoms. En l’espèce, l’opérateur Africell avait saisi en 2012la Cour suprême de justice
(CSJ), faisant office de cour de cassation, pour se plaindre, en tant que « nouvel entrant », du
refus d’interconnexion le confrontant aux réseaux plus anciens, établis dans le pays.
Cependant, cette action judiciaire a été arrêtée à la suite d’une transaction conclue entre
opérateurs en décembre 2014 et entérinée par décision de l’ARPTC en février 2015.2085
855. Par ailleurs, les droits comparés congolais et français présentent quelques
convergences et des divergences de politiques législatives concernant les télécoms et les
communications électroniques. En premier lieu, les mesures de libéralisation ont permis
d’« assurer aux opérateurs un accès égalitaire aux supports de communications électroniques
qui ne sont pas les leurs afin qu’ils puissent fournir les services […] les plus avancés aux
utilisateurs ».2086 Le deuxième niveau des réformes aura consisté à « garantir aux utilisateurs
un accès aux services existants qui soit le plus riche ».2087 Aussi, le dispositif législatif devait-
il se compléter des règles de protection des (cyber)consommateurs contre les pratiques
agressives, abusives et déloyales (en ligne) dans le fonctionnement du marché. 2088 De ce point
de vue, les expériences françaises et congolaises convergent pour avoir inscrit assez tôt les
intérêts consuméristes dans les objectifs de dérégulation des services publics des télécoms.

2078
Article 3, al. 1er, ordonnance-loi n°41-63 du 24 février 1950, préc. : « Dès que la décision n’est plus susceptible d’appel
ni d’opposition, tout manquement aux injonctions ou interdictions y portées est puni d’une amende de 100 à 2.000 francs ».
2079
Article 3, al. 3, ordonnance-loi n°41-63 du 24 février 1950, préc. : « En cas de récidive [dans un délai de 5 ans], une
peine de servitude pénale de 7 jours à 2 mois peut en outre être prononcée ». Article 4, ibidem : « Les infractions à l’article 3
ne sont poursuivies qu’à requête des intéressés, ou de l’un d’eux ».
2080
Article 3, al. 2, ordonnance-loi n°41-63 du 24 février 1950, préc. : « Le tribunal peut ordonner l’affichage du jugement,
pendant le délai qu’il détermine, à l’extérieur des établissements du contrevenant, et aux frais de celui-ci. Il peut aussi
ordonner la publication du jugement dans les journaux aux frais du contrevenant. »
2081
M. ROQUES-BONNET, Le droit peut-il ignorer la révolution numérique ?, éd. Michalon, Paris, 2010, p. 15 et s.
2082
M. QUÉMÉNER, « Le magistrat, régulateur ponctuel, régulateur final », in M.-A. FRISON ROCHE (sous la dir.), op.cit, pp.
168-169.
2083
Ibidem, pp. 167-181.
2084
Ibid., p. 177.
2085
Cf. section 2 du présent chapitre de thèse.
2086
J. CATTAN, op.cit., p. 27 et s.
2087
Ibidem.
2088
J. ROCHFELD (sous la dir.), Les nouveaux défis du commerce électronique…op.cit., pp. 8 et s. V. FAUCHOUX, P. DEPREZ et
J.-M. BRUGUIÈRE, Le droit de l’internet…op.cit, p. 196-212. Les auteurs regroupent au Chapitre 7, Section 1, Sous-sections 1
à 5 les aspects protecteurs du Code français de la consommation et de la LCEN en faveur du consommateur en ligne. Il s’agit
de : Informations relatives au vendeur, au produit (service, délais et frais de livraison), acceptation de l’offre, faculté de
rétractation du consommateur, preuve et archives. Cf. pour les « règles du droit de la consommation » : C. CASTETS-RENARD,
Droit de l’internet… op.cit, pp. 153 et s.
333

856. Cependant, contrairement à la RDC, l’Europe a fait de la concurrence un élément


essentiel de construction et de développement de son marché intérieur. Au courant de la
décennie 1980, ses institutions politiques avaient initié la réorganisation des marchés des
télécoms des États membres. En 1988, la Commission européenne adopta les premières
mesures de libéralisation sur la base de l’article 86 du TCE.2089 Depuis les premières
directives « ONP » (1988-1997), les règles successives du « paquet télécom » ont consolidé
dès 2002 et parachèvent jusqu’à ce jour la pleine concurrence des communications
électroniques.2090 Le droit communautaire devait « garantir un accès optimal aux
communications électroniques, dans un environnement concurrentiel »2091 en opérant « [l]a
construction de la "confiance" du consommateur » sur le marché intérieur.2092
857. En ce sens, Judith Rochfeld souligne, « conformément à la volonté du législateur
européen, que cette confiance n’est pas souhaitée pour elle-même. Elle l’est comme le moyen
de construction du marché intérieur. La protection du consommateur et la construction de la
confiance interviennent comme l’instrument de développement de ce marché ».2093 C’est
pourquoi la directive 2000/31/CE a allégé le régime de responsabilité des prestataires des services
de télécoms, en vue de favoriser non seulement leur investissement en tant qu’intermédiaires
techniques du commerce en ligne, mais aussi l’innovation au sein du marché électronique.2094 En
outre, les règles de « service universel » apportent la garantie des objectifs « aconcurrentiels »
que le marché ne saurait pas lui-même assurer en direction des consommateurs dans le cas où
les mécanismes du marché seraient à eux-seuls insuffisants pour l’intérêt général.2095 Cette
« question de service universel ne se posait guère tant que le régime du monopole était en
vigueur ».2096
858. S’agissant de la restructuration du marché congolais, la loi-cadre sur les télécoms
intitule son « Titre III : Du régime juridique » (articles 9 à 15), sans au préalable avoir énoncé
le principe de la libre concurrence ou de la liberté de communication en ligne comme en

2089
Directive 88/301/CEE de la Commission du 16 mai 1988 sur la concurrence dans le marché des terminaux de
télécommunications, préc.
2090
Directive 2002/77/CE de la Commission du 16 septembre 2002 relative à la concurrence dans le marché de réseaux et des
services de communications électroniques, JOCE L 249, 17 septembre 2002, pp. 21 et s.
2091
J. CATTAN, op.cit., p. 27 et s.
2092
J. ROCHFELD, « La définition du contrat électronique », in J. ROCHFELD (sous la dir.), L’acquis communautaire…op.cit.,
pp. 8-9.
2093
Ibidem, pp. 8-9. Cette articulation se lit d’ailleurs dans les fondements des textes principaux de la législation européenne
en la matière : […] l’ancien article 100A, puis l’article 95 du Traité CE (devenu l’article 114 du Traité de Lisbonne), tous
textes qui ouvrent aux mesures "qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. L’article 153 du
Traité CE (devenu l’article 169 du Traité de Lisbonne) qui dispose lui que la Communauté contribue à assurer un niveau
élevé de protection des consommateurs, ne sera que très rarement invoqué de façon autonome c’est-à-dire seul et pour
l’unique objectif de protection des consommateurs. Il sera couplé avec l’article 95 évoqué [article 153, § 1 et 3, point a),
Traité CE], pour signifier que la poursuite de l’établissement du marché intérieur s’effectue en tenant compte d’un haut
niveau de protection du consommateur ».
2094
Cf. a contrario pour les lourdes obligations de transparence et de loyauté des éditeurs, C. FÉRAL-SCHUHL, Cyberdroit…
op.cit, pp. 279-311.
2095
La Commission européenne entend par « service universel » : « un ensemble d’exigences d’intérêt général dont l’objectif
est de veiller à ce que certains services soient mis à la disposition de tous les consommateurs et utilisateurs sur la totalité du
territoire d’un État membre, indépendamment de leur position géographique, au niveau de qualité spécifié et, compte tenu de
circonstances nationales particulières ». Commission européenne, Livre vert sur les services d’intérêt général, COM (2003)
270, 21 mai 2003, p. 116. Directive 2002/22/CE du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs
au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »), JOCE L 108, 24 avril
2002, pp. 51 et s. Directive 2009/136/CE du 25 novembre 2009 modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service
universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques, la directive
2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des
communications électroniques et le règlement (CE) n° 2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales
chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs, JO L 337, 18 décembre
2009, pp. 11-36.
2096
J. CATTAN, op.cit, p. 172.
334

France. Le législateur organise uniquement les régimes de « concession »2097, celle-ci étant
une modalité connue de gestion des services publics par des exploitants publics ou privés
autres que l’État lui-même.2098 En effet, selon Gaston Jèze, « [q]uoi qu’il en soit, deux points
doivent être mis en pleine lumière : 1° La concession ne change pas la nature juridique du
service public concédé : il reste un service public. 2° En conséquence, c’est le régime du
service public qu’il faut appliquer au service concédé ».2099 En se limitant à catégoriser les
types de réseaux électroniques, la loi-cadre de 2002 ne bouleverse pas les bases, ni les normes
classiques des services publics des télécoms face à l’économie de marché. En RDC, la
réforme législative de 2002 n’a donc pas servi à organiser la concurrence des télécoms, mais
plutôt la typologie des réseaux et leur attacher respectivement un régime particulier qui est :
- premièrement, le « réseau de référence ou réseau de base » pour l’exploitant public2100,
- deuxièmement, le « réseau concessionnaire des services publics » pour les opérateurs, de
droit public ou privé, autres que l’État2101 ;
- troisièmement, le « réseau indépendant » pour les réseaux privés non connectés aux
réseaux ouverts au public2102.
859. Ainsi, en réformant les services publics des télécoms, la loi-cadre de 2002 ne leur a
pas fait franchir le seuil du droit de la concurrence. Elle a néanmoins institué un droit de la
régulation sectorielle, sans non plus avoir atteint le niveau d’un véritable droit du marché. En
RDC, le législateur a choisi de maintenir les opérateurs privés des télécoms dans le cadre du
service public, plutôt que d’instituer le marché. Il a organisé l’accès des exploitants privés au
domaine public, en les soumettant à l’obtention des « licences2103 », d’une «concession » ou
d’une autorisation.2104 Si, en RDC, l’exploitation des services de télécoms s’est définitivement
éloignée de la « régie »2105, elle demeure toutefois solidement encadrée sous les mécanismes
classiques de gestion du droit administratif. En l’occurrence, l’article 20, alinéa 1er de la loi-
cadre de 2002 dispose que « [l]es clauses contenues dans la licence sont celles d’usage en
matière de concession de service public et elles fixent le cadre général d’exécution du service
concédé ».2106
860. Néanmoins, la transformation du droit congolais public est notable à travers la
reconfiguration des structures étatiques de gestion des services publics de télécoms, en ce que
la « loi prévoit deux structures : a) le Ministre ; b) l’autorité de régulation ».2107 Cette dernière

2097
H. INTVEN, O. JÉRÉMY et E. SÉPULVEDA, op.cit., p. 21. La concession désigne « l’octroi, par les pouvoirs publics, d’un
droit d’exploiter un service, sous réserve des modalités et des conditions spécifiées dans la licence ou dans d’autres
instruments réglementaires. ».
2098
G. JÈZE, Les principes généraux du droit administratif, la notion de service public… op.cit, pp. 64-80. L’auteur aborde au
« Chapitre III [:] Des services publics gérés par un concessionnaire ».
2099
Ibidem, p. 65.
2100
Articles 10, 11 et 12, Loi-cadre des télécoms [RDC], préc.
2101
Article 13, Loi-cadre des télécoms [RDC], préc.
2102
Article 14 et 15, Loi-cadre des télécoms [RDC], préc.
2103
H. INTVEN et al., op.cit., p. 2 et 21, cité par A. MBAUNEWA NKIERI, op.cit., p. 100 et 104. La licence est « un document
juridique octroyé ou approuvé par un régulateur ou une instance gouvernementale qui définit les droits et les obligations des
services de télécommunications. […] Par conséquent, l’octroi et la mise en application d’une licence dépendent toujours,
dans une certaine mesure, du droit public ou droit administratif ».
2104
Articles 19, al. 1er, 20 al.1er, 22, 42, 43 et 45, Loi-cadre des télécoms [RDC], préc.
2105
KABANGE NTABALA, Droit administratif, T.1, éd. Publications des Facultés de Droit des Universités du Congo, RDC,
Kinshasa, 2005, p. 117. « On est en présence d’une régie lorsque le service est directement exploité par l’Administration au
moyen de son personnel et de son patrimoine. »
2106
Pour précision : « Ces clauses portent notamment sur les conditions et les obligations relatives à la couverture, à la
capacité du réseau, à la qualité du service, aux conditions et redevances de la licence et à l’interconnexion. » (article 20,
alinéa 2).
2107 Article 5, inscrit au
« Titre II : Des structures », Loi-cadre des télécoms, préc.
335

assume le rôle prépondérant d’« instruire les dossiers de demande de concession, [de] délivrer
les autorisations, [de] recevoir les déclarations, [d’] établir les cahiers des charges
correspondant aux autorisations et [de] veiller à ce que les obligations contractées par leurs
titulaires soient respectés ».2108 Le droit positif congolais reste attaché à la notion classique
des contrats administratifs que l’État signe avec chaque opérateur privé comme condition et
titre d’exploitation du service public des télécoms. Par conséquent, l’organe étatique de
régulation a pour rôle de veiller au « respect des lois, des règlements et des conventions en
matière des télécommunications ».2109 Pour autant, l’ARPTC est tout au plus arbitre de la
compétition des opérateurs sur le marché, mais tout au moins gestionnaire des actifs de l’État
mis en exploitation sous un régime de concession de service public.2110
861. À cet effet, l’autorité de régulation (ARPTC) a pour attribution de « gérer et
contrôler le spectre des fréquences ; élaborer et gérer le plan national de numérotation ».2111
Elle représente les intérêts étatiques sur le marché des télécoms, dont il assure le
fonctionnement harmonieux. En ce sens, ses missions s’orientent vers l’optimisation des
recettes fiscales, parafiscales et des redevances du secteur des PTT, sans omettre plusieurs
missions d’intérêt public, comme par exemple : le contrôle des risques de la libre entreprise,
la résolution rapide des contentieux entre prestataires techniques, les mécanismes permanents
de contrôle de qualité des réseaux de communications, les principes de tarification des
communications et des services, etc.2112
862. En définitive, le droit positif congolais ne dispose pas encore d’une loi d’économie
numérique, comme il en est le cas en France depuis 2004. En lien avec de conclusions
antérieures de recherches, la réforme congolaise de 2002 a donné lieu à une « loi de
téléphonie »2113, car les enjeux technologiques dont elle a tenu compte n’incluent pas la pleine
dimension des TIC, ni distinctement la perspective de l’Internet.2114 La loi-cadre de 2002 a eu
pour finalité d’organiser un département ministériel des télécoms, en aménageant un espace
d’intervention publique pour un régulateur indépendant et des opérateurs économiques. Elle
n’a pas non plus défini les statuts, ni les régimes de responsabilités des « intermédiaires
techniques » des télécoms quant aux contenus qu’ils transportent, hébergent ou auxquels ils
donnent accès.2115 Jusqu’à présent, la politique législative congolaise n’a pas considéré le
commerce électronique, ni les données comme la finalité d’accès aux réseaux de télécoms.
Deux approches de législations sont pourtant possibles. Il y a une première « approche par les
réseaux [qui] renvoie aux débats sur la neutralité de l’Internet, la connectivité et
l’interopérabilité des réseaux, le traitement égal des offreurs de services en concurrence,
etc. »2116 La loi-cadre de 2002 se retrouve dans l’approche basique. En revanche, la seconde
« approche par les contenus renvoie aux questions de droit de propriété intellectuelle, des

2108
Article 8, b), loi-cadre des télécoms [RDC], préc.
2109
Article 8, b), loi-cadre des télécoms [RDC], préc.
2110
L’ARPCT apparaît sous le profil de gestionnaire patrimonial d’un service public.
2111
Article 8, points e) et f), Loi-cadre des télécoms [RDC], préc.
2112
Exposé de motifs, Loi n°014/2002 portant création de l’ARPTC, préc.
2113
K. NDUKUMA ADJAYI, « Le phénomène de la prospection et de la contractualisation sur Internet : entre déphasage du droit
congolais des télécoms et défis de confiance du e-commerce », Vodanews, n°16, Dépôt légal n°MPI/021/2004, Kinshasa, oct.
nov.déc. 2006, pp. 7-8.
2114
K. NDUKUMA ADJAYI, Cyberdroit, télécoms, internet, contrat de e-commerce, une contribution au droit congolais, op.cit,
pp. 63-69.
2115
Cf. pour le cas de l’Europe : directive 2000/31/CE, préc.
2116
L. BENZONI ET P. DUTRU, « De l’accès aux infrastructures à l’accès aux moyens numériques : nouvelles frontières pour la
régulation des communications électroniques », in M.-A. FRISON ROCHE, op.cit., p. 18.
336

libertés individuelles, de protection de mineurs, etc. »2117 La législation congolaise n’a pas
encore franchi ce dernier stade du droit de l’économie numérique.
863. Tout autant que pour l’OMC, les réformes législatives en Europe et en France ont
eu pour objectif et pour résultat d’insérer les télécoms dans la pleine concurrence de
l’économie. En RDC, le législateur maintient encore les services électroniques dans
l’approche basique des télécoms et dans les notions classiques de droit administratif. Il n’en
demeure pas moins que la mondialisation a inséré la RDC dans l’économie de marché. Pour
autant, la loi-cadre de 2002 conserve encore un segment exclusif au profit de l’exploitant
public, en limitant la c concurrence des télécoms sur le plan du droit. Mais, dans les faits,
l’exploitant public n’avait pas été en mesure d’exercer ses droits exclusifs sur le marché, faute
d’infrastructures de transmission dont la loi-cadre de 2002 lui reconnait l’exclusivité de
détention et d’exploitation.2118 Pendant dix ans, cette absence d’activité exclusive avait
favorisé la pleine concurrence, jusqu’à la relance d’activité de l’opérateur public en 2012.2119
Ce fait ravive les risques de limitation de la concurrence acquise de facto, moyennant des
autorisations administratives de jure, à valeur infra-législative.2120
864. En finissant par conclure à l’affirmation équivoque de la libre concurrence des
télécoms en RDC, quels sont les défis consécutifs à la reprise d’activité de l’opérateur public
dans le contraste entre l’ordre de marché et le cadre légal congolais ? (B./)

B./ LE DÉFI DES DROITS EXCLUSIFS DANS LA RELANCE D’ACTIVITÉS DE L’EXPLOITANT PUBLIC

865. Sur le marché, les opérateurs privés ont présenté une alternative des services
électroniques que le législateur avait auparavant réservés à l’opérateur historique.2121 De la
sorte, la concurrence entre opérateurs privés s’est installée durant les dix années d’inactivité
de l’exploitant public, à compter de la promulgation de la loi-cadre de 2002. Il a été dit ci-
dessus que les défaillances de l’opérateur historique ont permis l’émergence de la concurrence
sur les infrastructures des réseaux de transmission, dont la loi-cadre de 2002 réservait
l’exclusivité de détention à l’exploitant public.2122
866. Le législateur avait prévu l’exploitant public comme principal acteur du marché de
transmission des signaux de télécoms, en tant que « réseau de base » ou « réseau de

2117
Ibidem.
2118
Article 38, al. 1 et 2, loi-cadre des télécoms, préc. : « L’exploitant public des télécommunications est un opérateur qui
jouit de l’exclusivité temporaire. L’exclusivité temporaire consiste pour l’Exploitant public à posséder seul le réseau de
référence auquel tout exploitant concessionnaire de service public de télécommunications est tenu de s’interconnecter, et par
lequel, il fait transiter son trafic national et international ».
2119
AGENCE NATIONALE POUR LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS, « Nouvelles technologies de l’information et de la
communication », Cahier sectoriel, ANAPI, Kinshasa, mai 2017, pp. 20 et 22. Quinze ans après la promulgation de la loi-
cadre sur les télécoms, la SCPT (ex. OCPT) et le RENATELSAT (ex. REZATELSAT), les deux opérateurs publics,
réapparaissent dans le « cahier sectoriel » des investissements au « profil des acteurs évoluant dans le secteur » des télécoms.
Outre la connexion de la RDC au réseau transatlantique à fibre optique en 2012, la « construction de la station d’atterage de
Moanda est dans sa phase de finalisation. Celle-ci devra permettre de relayer le signal jusqu’à la station de jonction à
Kinshasa. Il est déjà réalisé l’installation d’une boucle (ring) en fibre optique de 21 Km, avec une capacité de 10 Gbps
couvrant la capitale Kinshasa (projet métropolitain, MAN/Kinshasa : à ce jour, tous les grands opérateurs GSM sont déjà
connectés. [La] construction du Backbone National (BBN) : Kinshasa-Moanda réalisé est opérationnel. »
2120
Article 12, loi-cadre des télécoms [RDC], préc. : « Toutefois, l’État, par l’Autorité de régulation, peut autoriser un autre
opérateur à installer et exploiter sous les conditions prévues au chapitre II ci-dessous, une partie du « réseau de référence.
L’Autorité de régulation fixe périodiquement le nombre de nouveaux opérateurs pouvant obtenir une telle autorisation ».
2121
Cf. D. BOULAUD, Le nouveau cadre européen des communications électronique pour quels équilibres ?, Assemblée
nationale, Rapport d’information, n°3048, 11e législature, Paris, 2001. En droit européen des télécoms de même que pour
l’OMC, les infrastructures des télécoms ne sont pas regardées comme le commerce des biens, mais comme la fourniture des
services suivant leur finalité communicationnelle.
2122
Article 38, al. 1, loi-cadre des télécoms, préc.
337

référence ».2123 Il avait hélas très peu légiféré l’interconnexion au « réseau de référence » de
l’exploitant public, car il avait disposé de la signature d’un « contrat-programme » à signer le
ministre des PTT et l’exploitant public et devant préciser les règles d’exclusivité.2124 À défaut
d’une plateforme nationale d’interconnexion des réseaux (interconnexion étoilée), les
opérateurs privés ont développé des maillages d’interconnexion entre leurs réseaux respectifs.
Effectivement, la loi-cadre n’avait pas envisagé la généralisation des « interconnexions
maillées » entre réseaux, indépendant du « cœur de chaîne » que devait offrir l’exploitant
public pour le transit. Depuis lors, le marché de l’interconnexion s’autorégule….2125
867. Au bout de dix ans d’inexécution de la disposition se rapportant à l’exclusivité de
l’exploitant public sur le segment des infrastructures, deux évènements importants ont permis
en 20122126 et 20142127 de réhabiliter des maillons d’infrastructures numériques de l’exploitant
public. Pour les opérateurs privés du marché congolais, l’inquiétude a été de revenir au
respect a posteriori des droits exclusifs de l’exploitant public. Toutefois, en 2015, la Banque
mondiale a été à la base d’un troisième élément appuyant la concurrence des télécoms, à la
suite d’un accord avec le Gouvernement congolais pour la restructuration de l’exploitant
public et la réforme du cadre légal de 2002.2128 Pour mieux comprendre les défis juridiques de
la concurrence des télécoms en RDC, il importe de présenter la trilogie des faits juridiques se
relatifs au statut de l’exploitant public.
868. Premièrement, depuis le 8 juillet 2014, la RDC est branchée à la station
d’atterrissement du câble sous-marin international à fibre optique, construite à Moanda sur la
côte Atlantique.2129 Ces infrastructures relèvent du « consortium international WACS », dans
lequel la RDC est membre.2130 Ayant participé à son financement et à sa réalisation,2131 le
gouvernement congolais en a confié la gestion à l’exploitant public (OCPT/SCPT), opérateur
historique, car il a estimé hautement stratégique la gestion de cette passerelle internationale.
L’opérateur historique est investi désormais comme câblo-opérateur transnational parmi les
2123
Article 38, al. 2, loi-cadre des télécoms, préc.
2124
Article 11, al. 1 et 2, loi-cadre des télécoms [RDC], préc. : « Le réseau de référence ne peut être établi que par
l’exploitant public qui, avec le Ministre conclut tous les trois ans, un Contrat-programme qui définit et fixe les objectifs
économiques et financiers que l’exploitant public devra atteindre au cours de la période arrêtée. Ces objectifs concernent
notamment le rythme de croissance des prix, le niveau d’investissement, le niveau d’endettement, la productivité du
personnel, le taux de pénétration téléphonique, la qualité de service et la couverture du territoire national ».
2125
Cf. le point B du présent § de thèse, se rapportant à la question précise de l’autorégulation du marché congolais. Ici, il est
question d’aborder le défi des droits exclusifs de l’exploitant public par rapport au marché semi-libéralisé de jure, mais ayant
acquis de facto la pleine libéralisation des services.
2126
Cf. Cahier sectoriel, ANAPI, Kinshasa, mai 2017, p ; 20. En 2012, l’exploitant public a rendu opérationnelle le Gateway
physique international à fibre optique pour des connexions à haut débit. Il s’agit de l’accès de l’OCPT non seulement au
projet de câble sous-marin de transmission optique transatlantique « WACS » depuis 2012, mais aussi aux capitaux chinois
pour la construction des infrastructures de base à fibre optique.
2127
Cf. Discours-bilan du Premier Ministre (sortant) de la RDC du 22 novembre 2016 [http://7sur7.cd/new/primature-augustin-matata-
ponyo-sort-par-la-grande-porte-discours-bilan] (consulté le 24 novembre 2016). « Le déploiement du réseau backbone à fibre optique,
Mouanda-Kinshasa (650 km) et Kinshasa-Kasumbalesa (3.300 km). Ce qui permet de relier la RDC au Congo-Brazzaville et
à la Zambie ». En 2014, l’État congolais a déployé un réseau terrestre à fibre optique sur une distance de près de 3.950 km.
2128
Il s’agit d’un programme régional (dit CAB-5) de la Banque mondiale qui motive la pleine concurrence du marché (full-
open market), comme aspect structurant la mise en œuvre de l’accord de don avec le gouvernement congolais.
2129
Moanda : ville côtière de la RDC sur l’Atlantique, située dans le seul front de mer que compte la RDC et dans la province
(Kongo-Central) où se situe le seul port du pays (Matadi).
2130
[https://en.wikipedia.org/wiki/WACS_(cable_system)] (Consulté le 18 juillet 2016). WACS, West African Cable system, est un
câble de communication sous-marine d’une capacité de 5,12Tbit/s mis en fonctionnement depuis 11 mai 2002 et reliant
l’Afrique du Sud avec le Royaume-Uni le long de la côte Ouest. Construit par Alcatel ŔLucent, il est long de 14.530 Km avec
14 point de passages et/ou « points d’atterrage » sur la côte Atlantique (de l’Afrique et en Europe) : Yzerfontein (RSA),
Swakopmund (Namibie), Luanda (Angola), Mouanda (RDC), Pointe-Noire (Brazzaville), Limbe (Cameroun), Lagos
(Nigeria), Lomé (Togo), Accra (Ghana), Abidjan (Côte d’Ivoire), Praia (Cap Vert), Las palma (Espagne), Seixal (Portugal) et
Highbridge (Royaume-Uni).
2131
En 2004-2005, l’opérateur privé Vodacom Congo RDC avait tenté en vain, auprès des autorités congolaises, d’obtenir
l’autorisation de participer au projet WACS. Dans la seconde moitié des années 2000, il lui fut également refusé la possibilité
de gérer, tout au moins, cette passerelle internationale, malgré la preuve de ses capacités techniques et financières.
338

douze autres opérateurs étrangers membres du Consortium. Pour autant, il entend pleinement
disposer des droits exclusifs lui reconnus sur le marché par la loi des télécoms de 2002.2132
869. Deuxièmement, un partenariat a été mis en place entre l’État congolais et le groupe
d’entreprises chinoises (Sinohydro et CREC), à travers le protocole d’accord du 17 septembre
2007 et la convention de collaboration du 22 avril 2008.2133 Les prêts faisant l’objet de ces
« contrats chinois » ont été réajustés à 6 milliards de dollars à la suite de l’intervention du
Fonds Monétaire International, par rapport à l’endettement initial qui fut de 8,5 milliards de
dollars. Les engagements de l’État congolais avec un groupe d’entreprises chinoises sont
destinés à la construction des infrastructures utilitaires, en cautionnant les revenus futurs à
tirer de l’exploitation conjointe des ressources minières de la RDC.2134 Grâce à cet
arrangement, plus de 3.900 kilomètres de réseau terrestre à fibre optique ont été déployés dans
le pays depuis 2009 à ce jour.2135 L’objectif du gouvernement est de construire en 5 phases de
projet, 50.000 kilomètres de réseaux numériques devant assurer le transport des données et de
signaux des télécoms sur l’ensemble du territoire.2136
870. Si la mondialisation a permis au secteur privé d’accéder aux marchés, la levée des
fonds chinois a permis à l’État de financer de grands projets de transformation du paysage
numérique. Traiter avec la Chine contourne les contingences et conditionnalités des instances
internationales en faveur de la libéralisation prônée par comme le Fonds Monétaire
International, la Banque Mondiale ou l’Organisation Mondiale du Commerce. Leurs linkages
financiers (conditionnalités) soutiennent le décloisonnement des marchés monopolistiques et
notamment l’ouverture du secteur des télécoms à la compétition des sociétés multinationales.
La Chine émergente intéresse davantage les États africains, en prenant appui sur
l’« engagement économique extraverti » de sa politique extérieure.2137 « En changeant, la
Chine nous change aussi » avec son caractère qui « nous est toujours plus semblable ».2138 Le
colbertisme high-tech congolais a été ainsi financé par la Chine sans les conditionnalités des
réformes néolibérales. Les capitaux chinois ont doté l’exploitant public OCPT/SCPT d’un
réseau numérique à fibre optique terrestre, lui permettant d’effectuer en 2104 plusieurs sauts
de générations technologiques depuis 2002. En partant d’une situation d’obsolescence de son

2132
Article 38, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2133
T. COLOMA, « Quand le fleuve congo illuminera l’Afrique, Le "Contrat du siècle", Le Monde diplomatique, février 2011,
[https://www.monde-diplomatique.fr/2011/02/COLOMA/20108]. Ces accords ont été signés en RDC et en Chine. Ils couvrent des
prêts « titrisés » en donnant à la Chine 14 milliards de dollars de réserves de cuivre et de cobalt, en contrepartie avec un
programme d’investissement confiant l’exploitation de ces ressources à la Socomine, appartenant à des sociétés d’État
chinoises (68%) et congolaises (32%). La couverture des opérations a été assurée par la Banque d’import-export de Chine,
China Exim Bank. Le « contrat chinois » est resté illustre pour l’implication économique croissante de l’Empire du Milieu sur
le continent noir. Il a suscité un débat important au Parlement congolais, accompagné des efforts du FMI de réduire le niveau
d’endettement de la RDC.
2134
J. KABANGE NKONGOLO, « quelques considérations juridiques sur le deal sino-congolais », Kinshasa, 2009, pp.1-14,
[www.leganet.cd/Doctrine.textes/decon/Dcontrats%20sino_congolais.pdf]. Cf. « Les contrats chinois en République Démocratique
du Congo : un nouvel ordre économique pour l’Afrique ? », 28 mai 2008, [http://www.ananzie.net/Les-contrats-chinois-en-RDC-un]
(consultés le 18 juillet 2016). Il s’agissait des accords de prêt d’une valeur initiale de 8,5 milliards dans le domaine des mines
et des infrastructures. Cf. aussi « Les contrats chinois en République Démocratique du Congo : un nouvel ordre économique
pour l’Afrique ? », 28 mai 2008, [http://www.ananzie.net/Les-contrats-chinois-en-RDC-un]
2135
Les 3.950 premiers kilomètres de fibre optique ont été effectivement déployés en deux phases, pour une valeur
d’exécution de plus de 400.000.000 $US décaissés par la banque China Exim Bank. La phase 1 de déploiement du réseau
national à fibre optique compte 600 kilomètres déjà opérationnels dans les 3 provinces Ouest allant de la côte Atlantique à la
capitale et reliés au câble WACS. La phase 2 du projet est en cours de construction pour relier d’Ouest au Sud-est 12 villes
et chefs-lieux de provinces jusqu’à sa frontière avec la Zambie où une interconnexion est prévue.
2136
ASSEMBLÉE NATIONALE, Rapport de mission de la commission d’enquête parlementaire sur le backbone national en fibre
optique, Commission d’enquête sur la non-connexion à la fibre optique (sigle : A.N/C.E/FIB.OPT), Kinshasa, mai 2014, pp.
1-22.
2137
T. SANJUAN, « En changeant la Chine nous change aussi », Quand la Chine change le monde, Panthéon Sorbonne
magazine, n°17, Paris, mars-mai 2016, p. 20-23.
2138
Ibidem.
339

réseau analogique en fil de cuivre hérité de la colonisation, l’opérateur historique est présent
sur le marché de transmission et de location des capacités à haut débit avec une passerelle
internationale fiable. Quoiqu’une mémorable enquête parlementaire a pu constater « des
malfaçons, des inadéquations et des lacunes sur le plan technique »,2139 l’ensemble du marché
est aujourd’hui connecté aux infrastructures à fibre optique de l’exploitant public qui sont
uniques pour le transport vers l’international des communications numériques à haut débit.
871. Toutefois, le réinvestissement de l’OCPT/SCPT n’a pas permis à cet exploitant
public de reprendre la suprématie exclusive sur le marché local des infrastructures de
l’information, dit « marché gros » (« whole sale » en anglais). Par ailleurs, l’opérateur
historique n’est pas encore en mesure de présenter une offre commerciale des services pour
les clients sur le « marché de détail » (« retail sale » en anglais). Dans ce contexte, les
opérateurs privés conservent encore leurs infrastructures locales ainsi que leurs voies
alternatives de sortie internationale par satellite. Ceux-ci continuent à offrir des services de
communications aux clients finaux.
872. Dans les faits, la concurrence reste un acquis du marché, malgré les inquiétudes de
ses opérateurs privés quant à l’application de la disposition légale sur l’exclusivité du segment
des infrastructures des télécoms.
873. Cependant, en fondant l’exclusivité de l’exploitant public sur un segment de base
pour le marché, l’article 38 de la loi-cadre demeure un défi pour la concurrence sur le plan
juridique et politique. En adoptant depuis 2009, le « document de politique sectorielle »
(DPS), le gouvernement ne l’a plus mis à jour, malgré son principe de révision à intervalle de
cinq ans. La caducité du DPS est un obstacle politique pour les opérateurs privés qui
entendent obtenir une « licence d’opérateur d’infrastructure », avant de consentir des
investissements dans le domaine des infrastructures de transmission des télécoms. Par
exemple, la société américaine Google a introduit le 19 mars 2015 sa demande de « licence
d’opérateur d’infrastructure » à fibre optique.2140 Elle entend installer des infrastructures de
réseaux à haut débit en RDC, dans l’objectif stratégique de fiabiliser l’accès à l’Internet et
d’optimiser la consommation des ressources numériques.
874. Depuis 2016, le projet de Google bénéficie de l’avis favorable du régulateur
(ARPTC), qui se justifie par la nécessité de disposer d’un autre opérateur de service universel
que l’inefficient opérateur historique. Mais à ce jour (septembre 2017), Google est toujours en
attente d’octroi de l’autorisation du gouvernement.2141 Par ailleurs, en début de la décennie
2010, un autre opérateur du nom de « Liquid Télécom » avait déjà installé ses infrastructures
à fibre optique, en déployant un réseau depuis l’Afrique du Sud jusqu’à Lubumbashi (Sud-est
de la RDC).2142 Liquid Télécom avait pris l’option d’anticiper l’octroi d’une licence sur le
segment de marché des infrastructures. Toutefois à ce jour, le gouvernement n’a pas levé

2139
ASSEMBLÉE NATIONALE, Rapport de mission de la commission d’enquête parlementaire sur le backbone national en fibre
optique, op.cit, p. 17. « La phase 1 du backbone construit est dans un état critique exigeant une action urgente de mise en
conformité, de réparation et de complétion ».
2140
TIDJANE DEME, Demande de licence d’opérateur d’infrastructure en RDC, Google Sénégal, Dakar, 19 mars 2015.
2141
Article 12, loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2142
AGENCE ECOFIN, « RD Congo : Liquid Telecom étend sa fibre optique jusqu’à Lubumbashi », Kinshasa, 14 nov. 2012,
[http://www.agenceecofin.com/equipement/1411-7569-rd-congo-liquid-telecom-etend-sa-fibre-optique-jusqu-a-lubumbashi]
(consulté le 12 juin 2017). « Afin de réduire la dépendance de la République démocratique du Congo (RDC) au satellite et
d’améliorer la disponibilité de l’offre, Liquid Telecom a annoncé une extension de son réseau de fibre optique internationale
à Lubumbashi, la deuxième plus grande ville du pays. Liquid Telecom utilise à cet effet le câble WACS qui passe par la
Zambie, le Zimbabwe et l'Afrique du Sud. »
340

l’option de délivrer une première licence d’exploitation qui donnerait lieu à une concurrence
directe dans le segment du marché des infrastructures des télécoms en RDC.2143
875. Troisièmement, la Banque mondiale et la RDC ont signé le 25 juillet 2014 un
accord de don pour un montant de 92,1 millions de dollars afin de construire un réseau
terrestre à fibre optique et renforcer les capacités institutionnelles du secteur des télécoms.2144
L’intervention de la Banque Mondiale s’inscrit dans le « Projet CAB5 »2145 qui est le 5e round
d’intégration régionale de 11 pays africains à travers des liaisons physiques d’interconnexion
par câble à fibre optique.2146 À la suite du lancement officiel dudit projet le 19 mars 2015,2147
le nouveau réseau numérique à construire n’est pas à mettre sous la gestion de l’exploitant
public OCPT/SCPT. Il est à affermer à une société de droit privé avec 100% d’actionnariat de
l’État.2148 Le capital de la société est constitué par le montant du don de la Banque mondiale
et par la valeur des actifs du réseau numérique câblé à construire.2149
876. Du nom de « SOCOF SA (Société Congolaise de Fibre Optique), cette société créée
par l’État congolais a pour mission de financer, construire, détenir, gérer, exploiter et
maintenir des infrastructures et équipements de télécommunications haut débit, notamment la
fibre optique de la RDC ».2150 Dans ses prévisions, elle « étendra son réseau […] vers les
villes de l’est du pays (Lubumbashi, Goma, Beni et Kisangani) et en interconnexion avec les
pays limitrophes de sous-région des grands lacs africains ainsi que la Zambie. »2151 Les
activités ne sont encore que sur le plan préparatoire, mais la perspective de son statut
privilégié de société d’État préoccupe la concurrence sur le marché. En tant que société
unipersonnelle d’État, ma SOCOF est créée « conformément aux règles de l’OHADA (Acte
uniforme relatif au Droit des sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique) et
aux dispositions spécifiques nationales relatives aux entreprises publiques,
complémentaires ».2152

2143
Radio Top Congo FM, « Interview du Vice-Premier Ministre, Ministre des PTNTIC, Thomas Luhaka », 1er avril 2016
[www.topcongo.fm] (consulté le 17 avril 2016). Archives de la Vice-Primature, Ministère des PTNTIC [Inédit]. L’auteur de
la thèse a été Directeur de Cabinet adjoint du VPM, Min. PTNTIC de décembre 2014 à février 2016.
2144
Ordonnance [du Président de la RDC] n°14/073 du 5 décembre 2014 portant approbation de l’Accord de don H81-ZR
conclu entre la RDC et la Banque mondiale, au titre de la 5 e phase du programme régional de réseaux de télécommunication
haut débit en Afrique centrale (CAB5), JO RDC, 59è année, n° spécial, 10 janv. 2015, col.2.
2145
CAB5 : Central African Backbone Round 5 est un projet d’intégration sous-régionale dans 11 pays, sur financement de la
Banque mondiale et réalisé en plusieurs phases par pays. CAB1 en 2009 : Cameroun, République centrafricaine, Tchad.
CAB2 ; Sao Tome et Principe. CAB3 en 2011: République du Congo. CAB4 en 2012: Gabon. CAB5 en 2014 : RDC.
2146
COPIREP, Présentation du Projet CAB5 au VPM, Ministre des PTNTIC, Hôtel Kempiski, Kinshasa, 9 janvier 2015. Dans
ses composantes, CAB5 a inscrit la réhabilitation de la liaison Kinshasa-Mouanda de la SCPT (« composante A ») pour 13,2
millions de dollars. CAB5 combine une « composante B » pour la construction d’un réseau de fibre optique terrestre de 2800
à 4000 kms, d’un coût de faisabilité de l’ordre de 71,6 millions de $.
2147
Il y a à noter que la Banque mondiale a achevé d’exécuter un autre projet de construction d’une ligne à fibre optique sur
la ligne de transport d’électricité à haute tension de la SNEL sur plus de 2.000 km reliant Inga2147 au Katanga2147 mais
que son affermage à des privés a été bloqué par le refus du gouvernement de transmettre formellement à l’appel d’offre la
garantie d’accorder une licence à des exploitants privés sur cette ligne. [Inga est le nom de la Ville situé près de la côte
Atlantique de la RDC. Cette vielle a donné son nom au Barrage d’Inga est la plus grande centrale hydroélectrique du pays et
la 2e d’Afrique, après le barrage hydroélectrique d’Assouan sur le Nil égyptien. Le Katanga est situé au Sud-est à la frontière
Zambienne et demeure la capitale du cuivre dont la RDC est l’un des premiers producteurs mondiaux, avec des grandes
industries d’extraction minière localisée dans cette deuxième ville économique du pays (RDC).]
2148
Lettre n° 1029/04/2015 du 20 avril 2015 du directeur de cabinet du Chef de l’État. Concernant la « création d’une société
de Patrimoine National relative au projet CAB 5 », la lettre adressée à la ministre du portefeuille rappelait que : « La mise en
œuvre effective du projet CAB 5 est subordonnée à la création de cette société, dans les trois mois après la mise en œuvre de
l’accord de financement intervenue le 22 janvier 2015. Il ne reste plus que moins d’un mois, délai au-delà duquel la Banque
mondiale peut, à tout moment, retirer son don conformément au Titre 2, section V, point 2 de cet Accord ».
2149
Cahier sectoriel, ANAPI, Kinshasa, mai 2017, p. 21. « Avec un capital de 1.028.270.000FC, SOCOF SA fonctionnera
sur le modèle de l’open-access ».
2150
Ibidem, pp. 20 et 21.
2151
Ibid., p. 21. « Avec un capital de 1.028.270.000FC, SOCOF SA fonctionnera sur le modèle de l’open-access ».
2152
Ibid.
341

877. En droit comparé européen et français, la libéralisation a nécessairement été


approfondie par la réforme conjointe de la réglementation et du statut de l’opérateur public
« France Télécom ».2153 La dérégulation à la congolaise s’est effectuée jusqu’ici sans revoir le
statut légal des entreprises et sociétés. Elles contournent la réforme générale du portefeuille de
l’État, en se prévalant des prérogatives de droit public consacrée par les lois sectorielles de
télécoms en 2002. En 2008, l’OCPT, ancienne EPIC, a été transformée en société
commerciale au nom de SCPT. De même à sa création en 2015, la SOCOF a été directement
constituée en société anonyme unipersonnelle. Mais dans leurs cas, le contrôle de la totalité de
leur capital social par l’État les conforte à prétendre à des prérogatives de l’exploitant public.
878. C’est ainsi que les conditionnalités de la Banque mondiale (BM) ont
intentionnellement été plus globales.2154 L’accord de don H81-ZR préconise et finance la
révision des dispositions surannées de la loi-cadre de 2002, afin d’assurer l’ouverture totale
du marché congolais des télécoms.2155 En effet, la BM souligne l’« adoption du nouveau
cadre légal et réglementaire […] comme action importante et urgente […] d’autant plus que :
(i) le cadre de 2002 comporte des dispositions qui sont contraires aux meilleures pratiques
internationales (présence d’exclusivités) ».2156 Elle a fait de cette conditionnalité un
« préalable au décaissement [des fonds] du CAB5 ».2157 Le gouvernement s’est engagé envers
la BM pour restructurer l’exploitant public. Cet engament vise l’approfondissement de la
libéralisation du service public des télécoms, en garantissant la pleine concurrence et l’égalité
des droits entre acteurs sur le marché.
879. En définitive, tant que le statut de l’exploitant public reste rattaché à des droits
exclusifs,2158 le défi législatif reste toujours majeur pour réaliser la loyale concurrence sur le
marché des télécoms. La dérégulation amorcée par le législateur de 2002 ne fait pas
application de tous les principes de l’OMC et de la BM.2159 La pleine concurrence reste l’un
des objectifs finaux de la dérégulation. La RDC n’est pas encore parvenue au niveau de
réformes législatives, lui permettant de réaliser l’ouverture complète de son secteur des
télécoms à l’économie de marché. Elle y est forcée par le développement du marché et les
contingences internationales. En préconisant l’instauration du jeu de la concurrence, la
dérégulation entraine une profonde réorganisation de la puissance publique face aux forces
économiques, dans le but d’assurer le fonctionnement du marché. (§2.)

2153
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 1, Section 2 de la présente thèse, s’agissant précisément de l’expérience de la
déréglementation française des télécoms et des communications électroniques.
2154
Accord de don H81-ZR conclu entre la RDC et la Banque mondiale, au titre de la 5 e phase du programme régional de
réseaux de télécommunication haut débit en Afrique centrale (CAB5) [Inédit]. Les conditionnalités de décaissement du don
portent sur trois points. 1° La restructuration de la SCPT, exploitant public, doit être achevée, en fonction d’une feuille de
route du gouvernement. 2° Une « Société de Patrimoine National » (SPN) doit être créée pour gérer les actifs (infrastructures
à fibre optique) à construire sur financement de la banque mondiale. 3° Un nouveau cadre légal du secteur des télécoms doit
être adopté par le conseil des ministres de la RDC, en vue d’assurer une concurrence totale, sans droits exclusifs.
2155
Ce projet de loi est examiné à la Partie 2, Titre 1, Chapitre 1, de la présente thèse.
2156
Lettre n°753/BM/RDC/RR/EPM/JN/2015 du 20 octobre 2015 du Représentant résident de la Banque mondiale en RDC
(Emmanuel Pinto Moreira), en réaction la lettre n° Vodacom-Cgo/LR&I/CL/AB/DB/0189/09/15 du 25 sept. 2015 relative au
« projet de loi sur les télécommunications en RDC ».
2157
Ibidem.
2158
Article 38 et 79, Loi-cadre sur les télécoms [RDC].
2159
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 2 de la présente thèse, s’agissant précisément des principes de l’AGCS/OMC et de l’accord
spécifique de l’OMC sur les télécoms.
342

§2. La reconfiguration de la puissance publique


face aux forces économiques du marché congolais des télécoms
880. En Europe, en France de même qu’en RDC, le marché électronique comporte
comme principaux sous-secteurs d’activités : les infrastructures, les équipements et les
services des télécoms.2160 Les offres d’activités numériques se destinent aussi bien aux
consommateurs qu’aux opérateurs du marché eux-mêmes. Il en est ainsi des services
d’interconnexion qui assurent l’échange agrégé des communications entre réseaux (telecoms
whole sales), tout autant que la mise en relation des abonnés de réseaux différents (telecoms
retail sales). La typologie de l’offre des services électroniques forme le « marché dit de gros »
(consistant en des prestations entre opérateurs, B2B) qui se distingue du « marché dit de
détail » (consistant en des prestations des opérateurs et fournisseurs vis-à-vis des clients,
B2C). En principe, la régulation doit assurer l’équilibre du système global du marché, dont les
composantes s’influencent mutuellement. Mais, la corégulation et l’autorégulation sont des
aspects incontournables de l’économie de marché dans lequel le secteur des télécoms évolue à
la suite de la dérégulation. (A./)
881. Dans le cas de l’interconnexion, les opérateurs de télécoms ont eux-mêmes
structuré la régulation économique et technique du marché. Le législateur de 2002 charge le
régulateur du marché (ARPTC) de « définir les principes d’interconnexion et de tarification
des services » de télécoms.2161 Il n’en demeure pas moins que les opérateurs édictent des
principes d’autorégulation (spécialement pour l’accès à l’Internet), assortis des sanctions à
l’encontre des récalcitrants aux lois du marché (spécialement pour l’interconnexion des
réseaux au niveau national), sans forcément attendre des mesures de régulation étatique ex
ante ou s’en référer. (B./)
A. / LA RÉGULATION ÉTATIQUE
FACE AUX DÉFIS DE CORÉGULATION ET D’AUTORÉGULATION

882. En RDC, la concurrence a donné lieu à la substitution du monopole public par des
oligopoles privés sur le marché.2162 La « puissance économique »2163 des prestataires rend
délicate, voire précaire, l’intervention de l’Autorité étatique de régulation, en tant qu’arbitre
du jeu de la concurrence. La complexité du marché électronique et la globalisation de
l’Internet débordent les capacités d’intervention des organes congolais de régulation.
L’autorégulation du marché érode davantage le rôle de la puissance publique en contraignant
le régulateur étatique à des consultations préalables (1) pour garantir l’effectivité de ses
mesures ex ante grâce à la co-régulation. (2)

2160
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 1 de la présente thèse.
2161
Article 3, e), loi 014/2002 sur l’ARPTC, préc. : « L’Autorité de régulation a pour mission de : […] e) définir les principes
d’interconnexion et de tarification des services publics des postes et télécommunications ». L’article 8, d) de la loi-cadre des
télécoms (RDC) est libellé dans les mêmes termes. À titre d’exemple : Décision n°007/ARPTC/CLG/2011 du Collège de
l’A[RPTC] portant fixation des tarifs d’interconnexion, JO RDC, n° 8, 52 e année, 15 avril 2011, col. 26.
2162
Cahier sectoriel, ANAPI, Kinshasa, mai 2017, p. 19-20. « En 2016, le marché de la téléphonie mobile a été largement
dominé par les opérateurs mobiles privés à savoir : Airtel Congo, Vodacom Congo, Orange RDC (après rachat de Tigo) et
Africell RDC, tous exploitant dans un environnement fortement concurrentiel ».
2163
AUTORITÉ DE RÉGULATION DE LA POSTE ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, Observatoire du marché de la téléphonie mobile,
Rapport du 2è trimestre 2017, Direction Économie et Prospective, Kinshasa, avril-juin 2017, p. 3. La situation du marché de
la téléphonie et de l’Internet mobile se présente comme suit : « les quatre opérateurs mobiles ont enregistré plus de 31
millions d’abonnements, générant un revenu total de plus de 300,9 millions de dollars américains […] une hausse de l’ordre
de 7,34% soit de 281,8 à 300,9 millions de dollars américains a été observée ».
343

1. La corégulation avec les opérateurs privés du marché congolais des télécoms

883. Par définition, la dérégulation reste le processus de démonopolisation conduisant à


adopter un système de concurrence régulée. Elle engage les services publics classiques à
garantir le libre accès à une variété de prestataires techniques (opérateurs, fournisseurs
d’accès, hébergeurs, etc.). Elle réorganise également les rôles entre le marché et la puissance
publique. Le législateur de 2002 charge le ministre de veiller aux conditions de concurrence
loyale dans la fourniture des services sur les segments libéralisés.2164 Les autorités
administratives assurent l’équilibre entre leurs rôles et les exigences du marché. Mais, en
réalité, l’équilibre à réaliser se situe dans la concertation avec le marché pour le succès de la
régulation étatique en elle-même : la corégulation est une nécessité dans le contexte du
marché post-monopolistique à faible législation.
884. En 2002, la loi-cadre sur les télécoms a instauré pour la première fois un organe
indépendant de régulation étatique devant concilier les intérêts public et privés, sous le plus
souvent divergents, sur le marché libéralisé. 2165 La libéralisation du droit de l’accès aux
télécoms comporte en effet plusieurs corollaires, notamment : la diversification des acteurs
sur le marché, le foisonnement d’intérêts privés, l’asymétrie des rapports entre les acteurs du
marché et l’État-régulateur, etc. La professionnalisation des opérateurs privés leur permet
d’agir en corporation pour l’autorégulation de leurs activités, la sauvegarde de leurs positions
sur le marché ou encore la gestion de leurs rapports vis-à-vis des Autorités de réglementation
nationales devant les contrôler. C’est ainsi que le fonctionnement du marché nécessite une
coordination d’actions d’abord entre ses propres prestataires (autorégulation) et ensuite en
rapport avec le régulateur étatique (co-régulation).
885. La structuration du marché de l’interconnexion illustre l’autorégulation technique et
économique assurée par les acteurs du marché eux-mêmes. À cet effet, les opérateurs privés
des télécoms agissent en sous-comité ou en corporation professionnelle. En RDC, l’un des
plus actifs groupements est le « Comité professionnel du secteur des télécoms » (CPST), mis
en place au sein de la « Fédération des entreprises du Congo » (FEC). Bien avant
l’instauration de la régulation étatique, c’est le CPST/FEC qui avait fondé les règles
techniques et commerciales du marché de l’interconnexion (B2B, whole sales) tout autant que
la structure des prix des services électroniques fournis aux consommateurs (B2C, retail sales).
Le CPST/FEC, en tant que syndicat des opérateurs congolais des télécoms, a ainsi harmonisé
les conditions techniques, économiques et juridiques d’accès réciproques aux abonnés des
réseaux à la fois partenaires et concurrents. Pour ce faire, il a établi les standards techniques,
les normes de facturation et les contrats-type à respecter par tous les opérateurs économiques
du marché électronique, sans oublier les modalités de règlement de litiges entre opérateurs et
les pratiques du service-client.
886. Toutefois, les opérateurs démontrent une attitude d’obéissance sélective face à la
réglementation ex ante de l’État-régulateur. Ce dernier éprouve des difficultés à rendre
effectives ses décisions vis-à-vis du marché, tant qu’au préalable un consensus n’est pas
engagé entre leur corporation et l’autorité de régulation des télécoms (ARPTC). Tel est le cas
de la détermination des principes d’interconnexion et de tarification des services au détail. Les

2164
Article 7-b), Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2165
Article 3, l), loi 014/2002 sur l’ARPTC, préc. : « L’Autorité de régulation étatique (ARPTC) a donc pour mission
sectorielle de « protéger sur le marché […], les intérêts des consommateurs et des opérateurs en veillant à l’existence et à la
promotion d’une concurrence effective et loyale et [de] prendre toutes les mesures nécessaires à l’effet de rétablir la
concurrence au profit des consommateurs ».
344

opérateurs autorégulent les prix des services électroniques, qu’ils choisissent de soumettre ou
non à l’entérinement de l’ARPTC. En effet, le droit congolais garantit le principe de liberté du
prix pour ceux qui font l’offre de vente de leurs produits et services, sur la base du décret-loi
du 20 mars 19612166 tel que modifié à ce jour.2167 Cette législation générale sur le prix
n’inscrit pas les services des télécoms sous le régime des « prix régulés ».2168 En 2016, à la
suite d’une hausse unilatérale de 500% du prix de l’Internet en RDC, le communiqué du
Président de l’ARPTC exhortait les opérateurs à une « procédure qui veut que toute
modification des prix des services de télécommunications soit approuvée préalablement par
l’ARPTC ».2169 Sans trouver appui sur une impérative du droit, cette exhortation traduit la
réalité d’un rapport des forces entre les lois du marché (soft law) et les lois parlementaires,
entre les forces économiques du marché et la puissance publique, entre l’autorégulation du
marché et la régulation étatique. Dans les faits, le marché électronique congolais se caractérise
par la dominance de l’autorégulation dans l’offre des services au consommateur final.
2. La dominance de l’autorégulation dans l’offre du marché de détail
887. La concurrence concerne les services de télécoms fournis au public et
principalement les offres des services de base (appels vocaux et SMS), les offres
promotionnelles et d’autres services à valeur ajoutée. La loi-cadre sur les télécoms a investi
l’ARPTC de la mission de promotion de la concurrence en faveur des consommateurs sur le
marché des services. Mais sa mission a été tenue en échec en mars 2012 suite à l’opposition
des opérateurs du marché de se soumettre à la décision n°021/ARPTC/CLG/2012 suspendant
les offres promotionnelles des services électroniques.2170 Cette décision appuyait deux
précédentes décisions d’août 2008 et de février 2011 fixant des conditions à observer en
matière d’offres promotionnelles des services voix et SMS.2171 L’ARPTC avait pris toutes ses
décisions dans le cadre de la régulation des prix de services au détail, sachant que la
législation lui en confère la compétence.2172 À l’époque se fondant uniquement sur ses
prérogatives de puissance publique, l’ARPTC entendait imposer d’autorité aux opérateurs ses
décisions en édictant des actes administratifs, sans recourir à la corégulation avec le
marché.2173 À défaut d’un consensus préalable entre les opérateurs et l’État, le marché

2166
Article 1er, Décret-loi sur le prix du 20 mars 1961, Moniteur congolais, 1961, p. 218. Décret-loi sur le prix du 20 mars
1961, tel que modifié par l’Ordonnance-loi n°83-026 le 12 septembre 1983
2167
Décret-loi sur le prix du 20 mars 1961, tel que modifié par l’Ordonnance-loi n°83-026 le 12 septembre 1983, in Les codes
Larcier de la République démocratique du Congo, t.III, vol. 2, éd. De Boeck & Larcier (Afrique éditions), Bruxelles
(Kinshasa), 2003, p. 805.
2168
Ibidem. À titre d’exception, des « prix régulés » sont pratiqués pour quatre secteurs d’utilité publique en RDC, à savoir :
les transports publics, les hydrocarbures, l’eau et l’électricité. Ce sont les ministres concernés du gouvernement central ou les
gouverneurs de province (par délégation) qui en fixent les prix à la consommation.
2169
O. MANIKUNDA MUSATA, « Communiqué de Presse », Président de l’ARPTC, Kinshasa, 19 juin 2016, in C. MOANDA,
« Internet : L’ARPTC ordonne aux télécoms de revenir aux anciennes tarifications », 20 juin 2016, Potico.cd
[http://www.politico.cd/actualite/la-une/2016/06/19/internet-larptc-ordonne-aux-telecoms-de-revenir-aux-anciennes-tarifications.html] (consulté
le 25 juin 2016). Par rapport à la pratique unilatérale des prix par les opérateurs privés sur le marché des télécoms (internet),
le Président de l’ARPTC a exprimé un principe empirique : « Ceux-ci ont violé les dispositions légales et réglementaires,
notamment par le non-respect de la procédure qui veut que toute modification des prix des services de télécommunications
soit approuvée préalablement par l’ARPTC. »
2170
Décision n°021/ARPTC/CLG/2012 du 03 mars 2012 du Collège de l’ARPTC portant suspension des promotions des
services de télécommunications en RDC [inédit]
2171
Décision n°008/ARPTC/CLG/2011 du 28 février 2011 du Collège de l’ARPTC modifiant la Décision
n°044/CLG/ARPTC/2008 du 25 août 2008 portant conditions et modalités de promotion des services de télécommunications
en République Démocratique du Congo, JO RDC, n°8, 52 e année, 15 avril 2011, col. 27.
2172
Article 3, loi n°14/2002 sur l’ARPTC.
2173
Décision n°009 ARPTC/2012 du Collège de l’ARPTC modifiant la décision n°028/ARPTC/CL/2011 portant définition
des principes de tarification du service de détail voix applicables par les exploitants des réseaux et services de
télécommunications ouverts au public en RDC, JO RDC, 53e année, n°23, 1er décembre 2012, col. 20.
345

n’appliquait pas les décisions unilatérales de l’ARPTC, dont il résistait à la témérité.2174 Pour
autant, le régulateur étatique ne fut pas en mesure de réguler la « guerre des prix » qui
déstabilisa finalement le marché entre 2012 et 2015.
888. Face à la situation, le marché adopta de son côté Ŕ avec succès et sans le concours
du régulateur étatique Ŕ des mécanismes coercitifs d’autorégulation des prix pour mettre fin à
la concurrence déloyale sur les prix offerts sur le marché. Pour faire respecter les mesures
d’autorégulation, les opérateurs dominants (Vodacom et Airtel) refusèrent l’interconnexion à
tout réseau récalcitrant par rapport aux minima des prix et autres standards imposés par le
marché. Ils prirent cette « sanction » à l’encontre d’un nouvel entrant (Africell), en mettant
également en garde ses alliés (Orange et Tigo). La logique économique de la déconnexion
d’Africell était de préserver l’équilibre de l’ensemble du marché au titre de peine civile tant
qu’Africell ne revoyait pas la stratégie des « prix cassés » qu’il offrait à ses abonnés sur son
propre réseau tout en s’appuyant sur les réseaux interconnectés.
889. Dans les faits, le nouvel entrant Africell s’était associé à deux autres réseaux (Tigo
et Orange) Ŕ avant leur fusion-absorption en avril 2016 Ŕ contre les deux opérateurs leaders
du marché (Vodacom et Airtel). Les opérateurs de taille modeste posaient des actes de
concurrence déloyale consistant à offrir des prix anormalement bas aux abonnés de leurs
propres réseaux, tout en profitant des économies d’échelle que leur permettait l’accès à une
large base d’abonnés d’autres réseaux grâce à l’interconnexion. De la sorte, les opérateurs
plus anciens perdaient des parts de marchés à la suite de la stratégie de dumping (offre des
« prix cassés ») de la part de nouveaux entrants. Si le principe de la liberté des prix et des
marges licites pouvait donner un couvert légal à la pratique ci-dessus décrite, celle-ci
déséquilibrait le marché en créant de grandes marges de prix entre les nouveaux entrants et les
opérateurs plus anciens. Le déséquilibre du marché tenait des charges d’exploitation entre les
prestataires à puissance significative et les petits réseaux en phase d’émergence sur le marché.
Notamment, selon la taille des réseaux, des économies étaient possibles à réaliser entre le prix
de vente offert au client final et le prix de revient du service. La marge était variable en
fonction de la différence des charges de maintenance de chaque réseau et de leur gestion de la
clientèle, les petits réseaux disposant à ce sujet d’une plus grande flexibilité. L’offre des prix
bas stimulait le volume d’appels, de SMS à consommation, entrainant une augmentation du
volume des données à transporter par les opérateurs de réseaux. Si l’abonné pouvait tirer
avantage du bas prix du service à la consommation, les opérateurs de réseaux travaillaient
davantage sans toutefois retirer du service rendu la part de rétribution devant assurer la
rentabilité de leurs investissements.2175
890. Les investissements financiers consentis à bâtir les réseaux étaient menacés, du fait
de leur utilisation sans rendement conséquent. Il fut aussi constaté une « transhumance » des
clients d’un opérateur à l’autre, selon les oscillations des offres de prix. Certains clients (dits
« multi-SIM »).s’étaient procurés pour l’occasion plusieurs abonnements. A posteriori, la
guerre des prix ne contribuait pas à conserver dans la durée les parts de marché gagnées par
l’argument des offres promotionnelles. En provoquant un accroissement artificiel du volume
d’appels et des données, la pratique du prix cassé alimentait plusieurs risques techniques. pour

2174
Les opérateurs privés de télécoms opposaient à leur avantage contre les attributions du Régulateur, en évoquant le Décret-
loi du 20 mars 1961 sur le prix (tel que modifié par l’Ordonnance-loi n°83-026 du 12 septembre 1983), préc.
2175
Radio Okapi, « RDC : Africell dénonce la coupure de son interconnexion avec Vodacom, Tigo et Airtel », 12 novembre
2012,[www.radiookapi.net/economie/2012/11/12/rdc-africell-denonce-la-coupure-de-son-interconnexion-avec-vodacom-tigo-airtel]
(consulté le 12 juillet 2012).
346

les réseaux. La pratique faussait également les externalités du réseau de même que les
indicateurs économiques du marché, au point de menacer l’équilibre du marché lui-même.
891. C’est pourquoi en 2012 les opérateurs dominants exclurent Africell de
l’interconnexion à leurs réseaux. Africell estimait que le déni de service à son encore était une
atteinte à son droit de l’accès au marché des télécoms, en violation de sa licence obtenue du
ministre des PTT.2176 Au cours de la même année, il porta sa réclamation devant la Cour
Suprême de Justice en vue d’obtenir en sa faveur l’application de la loi-cadre et la levée de la
mesure qui le privait d’interconnexion avec les autres réseaux. En assignant les opérateurs
dominants devant la Cour suprême de justice (CSJ), Africell visait l’application de l’article 41
de la loi-cadre obligeant l’interconnexion entre réseaux ouverts au public.2177 La saisine fut
davantage dissuasive pour obliger à un fléchissement des positions d’autorégulation, à défaut
d’obtenir un verdict favorable.
892. À l’occasion, il s’en fallut des négociations en 2014 entre les opérateurs au sein de
leur corporation pour trouver des solutions. Les opérateurs dominants Vodacom et Airtel
conduisirent les pourparlers nécessaires face aux opérateurs Africell, Orange et Tigo
cherchant à se constituer une puissance collective. À la suite des ententes entre opérateurs du
marché, Africell signa les actes transactionnels arrêtant les actions judiciaires autrefois
engagées contre Vodacom et Airtel pour attaquer leurs refus d’interconnexion à son
endroit.2178
893. Au bout du long processus d’autorégulation des prix et d’offres promotionnelles
(2008, 2012, 2015), les opérateurs du marché se décidèrent de se soumettre à l’autorité du
régulateur étatique. C’est en 2014 qu’ils notifièrent à l’ARPTC les résultats de leur
autorégulation, en lui remettant leurs conclusions pour entérinement. S’agissant de
l’interdiction des offres promotionnelles et des prix cassés, le marché entendait finalement se
conformer, à partir de janvier 2015, aux décisions administratives que le régulateur avait
voulu appliquer d’autorité en 20082179 et 20122180 sans y parvenir. Ainsi, dans leur ensemble,
les opérateurs du marché ont considéré que « [l]’industrie [des TIC] a, à l’unanimité, initié les
propositions suivantes à soumettre à l’Autorité de régulation (ARPTC) », en décidant de la
stricte observance du tarif d’interconnexion arrêté à travers la détermination d’un « prix-
plancher » de 0,085$/minute TTC, « promotions incluses jusqu’au 31 juillet 2015, date à
laquelle les opérateurs [devaient] réévaluer cette résolution ».2181 En outre, l’entente des
opérateurs était applicable sans exception aux services interconnectés et intra-réseaux sur le
marché congolais.2182 Pour la bonne forme, l’ARPTC a adopté une nouvelle décision

2176
Cf. Déclaration du DG d’Africell à la presse : « Tarification des services des télécommunications : l’ARPTC se conforme
à l’avis de la CSJ », février 2015, [www.forumdesas.org/spip.php?article3387] (consulté le 9 juillet 2016).
2177
Article 41, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc : « Tout réseau de télécommunications établi ou utilisé pour les
besoins du public est obligé de s’interconnecter au réseau de l’exploitant public à travers lequel tous les réseaux nationaux
sont interconnectés. Le Ministre fixe les règles particulières à l’interconnexion des réseaux ».
2178
Le compromis général a été trouvé avec l’ensemble de la corporation des opérateurs le 19 décembre 2014. L’accord
d’application des prix-planchers inter-réseaux a ouvert l’interconnexion à Africell.
2179
Décision n°008/ARPTC/CLG/2011 du 28 février 2011 du Collège de l’ARPTC modifiant la Décision
n°044/CLG/ARPTC/2008 du 25 août 2008 portant conditions et modalités de promotion des services de télécommunications
en République Démocratique du Congo, JO RDC, n°8, 52e année, 15 avril 2011, col. 27.
2180
Décision n°021/ARPTC/CLG/2012 du 03 mars 2012 du Collège de l’ARPTC portant suspension des promotions des
services de télécommunications en RDC [inédit]
2181
AFRICELL S.A. (DG), AIRTEL S.A (DG A.I. & LEGAL & REGULATORY), ORANGE SA (DG & S.G), TIGO (D.G &
REGULATORY), VODACOM CONGO S.A (D.G & LEGAL) et YOZMA S.A (D.G & P.R), Compte-rendu de la réunion tenue par les
opérateurs télécoms sur la régulation des prix le 19 décembre 2014 au siège de Tigo [inédit], pp. 1-2.
2182
Ibidem, p. 1. Pour l’essentiel, « Les opérateurs proposent de constituer comme annexe la grille de tarifs ci-jointe.
Première résolution : Le tarif d’interconnexion (Mobile Termination Rate : MTR) tel que défini par le Régulateur à l’issue de
la modélisation et le glide path [trad. trajectoire de baisse de prix] qui avait été décidé sera strictement observé. […]
347

n°001/ARPTC/CLG/2015 du 02 février 2015, abrogeant toutes les décisions querellées


antérieurement pour enfin encadrer durablement les tarifs des services de télécoms.2183 En
réalisant la corégulation, la dernière décision de l’autorité de régulation a pu suspendre
momentanément les offres promotionnelles avec le consentement des opérateurs. À ce jour, la
décision est d’application sans ambages.
894. Toute l’expérience ci-dessus illustre la prédominance, voire la dominance, de
l’autorégulation dans les conditions d’offre des services de télécoms en RDC. Il en est ainsi
d’autres enjeux techniques et économiques du marché libéralisés, qui à défaut d’encadrement
législatif permet la prépondérance de l’autorégulation sur la régulation et la régulation
étatiques.
B./ LA RÉGULATION ÉTATIQUE FACE AU DÉFI LÉGISLATIF
DE L’INTERCONNEXION ET DE L’INTERNET EN RDC

895. Sans le couvert légal, l’autorité de régulation intervient avec pragmatisme sur les
enjeux de fonctionnement du marché, en se référant notamment aux lois du marché, aux
meilleures pratiques et aux expériences juridiques comparées.
896. L’activité numérique génère des « zones d’inconfort » pour la pratique de la
régulation étatique. Les avancées technologiques du marché dépassent le seuil de la régulation
en ce qui concerne les services de l’interconnexion (1.) et de l’Internet (2.) en RDC. Cette
situation renforce la prédominance de l’autorégulation sur les aspects concernés. En l’absence
de législations spécifiques, les autorités nationales de réglementation doivent adapter leur
action par rapport au marché, sans le laisser totalement sous l’influence des forces
économiques.
1. La prédominance de l’autorégulation du marché sur l’interconnexion
897. Au terme de la loi-cadre sur les télécoms de 2002, l’interconnexion s’entend de
toutes les « prestations réciproques offertes par tout exploitant de réseaux ouverts au public
qui permettent à l'ensemble des utilisateurs de communiquer librement entre eux quels que
soient les réseaux auxquels ils sont raccordés ou les services qu'ils utilisent ».2184 Sur le plan
technique, l’« interopérabilité »2185 est impérieuse entre réseaux, étant donné que chaque
opérateur dispose de ses propres infrastructures de télécoms. Sur le plan économique, le
marché doit organiser l’accès mutuel et réciproque des abonnés aux réseaux de chaque
opérateur en s’assurant de la neutralité technologique. Sur le plan du droit de l’accès aux
communications électroniques, l’objectif de la régulation est tout autant de réaliser un marché
ouvert et concurrentiel au profit des opérateurs que d’exiger le libre accès aux services
électroniques au profit des consommateurs.2186
898. L’observation du marché par l’ARPTC témoigne de l’importance des revenus tirés
l’interconnexion locale, nationale et internationale concernant les appels téléphoniques. Par
rapport aux transactions « intra-réseaux », la part de l’« inter-réseau » (interconnexion) est de

« Troisième résolution : La prise en compte comme prix plancher un Off Net de USD cent 8,5 TTC (8,5 centimes de dollars
toutes taxes comprises), promotions incluses jusqu’au 31 juillet 2015, date à laquelle les opérateurs ré-évalueront cette
résolution ».
2183
Décision n°001/ARPTC/CLG/2015 du 02 février 2015 portant encadrement des tarifs voix applicables par les exploitants
des réseaux et services des télécommunications ouverts au public en RDC [inédit]
2184
Article 4-17, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2185
Article 4-32, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc. « Interopérabilité des équipements terminaux : « l’aptitude de ces
équipements à fonctionner, d’une part, avec le réseau et d’autre part avec les autres équipements terminaux permettant
d’accéder à un autre service. »
2186
J. CATTAN, Le droit de l’accès aux communications électroniques, op.cit, pp. 8 et s.
348

25 à 30% du chiffre d’affaire global du marché de la téléphonie mobile en RDC. 2187 Ce ratio
du marché de l’interconnexion reste relativement stable depuis plusieurs années.

Notre tableau : Part de l’interconnexion sur le marché des appels téléphoniques


Type de trafic Volume de trafic 2016 Volume de trafic 2016
(Trimestre 2) (Trimestre 3)
Minutes ratio Minutes Ratio
Intraréseau 2.855.198.341 71,76% 3.181.307.915 74,81%
Interconnexion nationale sortant 474.948.189 11,93% 452.826.272 10,64%
Interconnexion nationale entrante 506.489.558 12,73% 482.909.310 11,35%
International sortant 80.233.940 2,01% 76.503.286 1,79%
International entrant 61.610.322 1,54% 58.648.701 1,37%
Sous-total interconnexion 1.123.282.010 28,23% 1.070.887.569 25,16%
Total trafic Voix 3.978.480.351 100% 4.252.195.484 100%
2188
Source : ARPTC/opérateurs -Tableau 8 : Évolution trimestrielle du Trafic Voix

899. La loi-cadre de 2002 a confié au ministre des PTT une compétence générale sur le
marché de l’interconnexion : il « veille à ce que soient […] interconnectés tous les réseaux
assurant les services publics de télécommunications ».2189 Par ailleurs, la loi n°04/2002 sur
l’ARPTC habilite le régulateur uniquement à « définir les principes d’interconnexion et de
tarification ».2190 De façon éphémère, le décret n°03/027 du 16 septembre 2003 avait octroyé
au ministère des PTT le pouvoir de « définition et [d’]application des principes
d'interconnexion et de tarification des services publics des Postes, Téléphones et
Télécommunications... ».2191 Jusqu’à son abrogation en 2007, le ministre des PTTC n’avait
pas fait application dudit décret,2192 compte tenu de la loi-cadre de 2002 habilitant seulement
l’Autorité de régulation à cet effet. C’est à bon droit que les directives du régulateur sont le
seul règlement applicable définissant les principes d'interconnexion.2193
900. Au départ, le législateur avait conçu l’exclusivité de l’exploitant sur les
infrastructures de base comme un moyen de placer l’État-entrepreneur au carrefour des
réseaux de transmission. Le dispositif devait éviter d’excentrer les interconnexions entre
réseaux d’opérateurs privés. En contrôlant le marché de transit des données entre opérateurs,
la société d’État aurait été plus efficace sur le marché, car la seule présence de l’État-
régulateur ne suffit à contrôler la pleine concurrence entre les réseaux privés. Suite à la
défaillance de l’exploitant public, l’interconnexion s’est transformé en une activité
concurrentielle faiblement régulée et échappant à plusieurs égards au contrôle réglementaire.
901. Les services d’interconnexion peuvent tout autant faire l’objet de régulation
sectorielle des télécoms que de la « régulation transversale » de l’économie.2194 De manière
générale, le ministre de l’économie assure la régulation des prix et de la concurrence. Par
principe de subsidiarité, il peut appliquer de manière transversale la réglementation ex post

2187
ARPTC, Observatoire du marché de la téléphonie mobile, Rapport du 3e trimestre 2016, préc., p. 12
2188
Ibidem.
2189
Article 6-e), loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2190
Article 3-e), loi n°014/2002, préc.
2191
Article 1er, B.21, 11e et dernier tirets, du décret n° 03/027 du 16 septembre 2003, préc.
2192
Et ce, jusqu’à son abrogation en 2007.
2193
Décision n°016/ARPTC/CLG/2006 du 23 juin 2006 portant définition des principes d'interconnexion, JO RDC, n°15, 47 e
année, Kinshasa, 1er août 2006, col. 13 et s.
2194
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, pp. 472-475 et s. M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation…op.cit., p. 69.
À la différence de la régulation sectorielle de l’ARPTC qui se limite aux PTT, la réglementation de prix a un objet technique
qui recoupe celui des PTT ainsi que d’autres secteurs d’activités économiques de droit public ou de droit privé. La régulation
du prix est exercée par le ministre de l’économie, qui collabore a posteriori avec l’ARPTC exerçant une « régulation ex
ante » des télécoms, utilisant, selon les termes de M.-A. Frison-Roche, « des outils que l’on pourrait dire "sur page blanche",
essentiellement des réglementations. »
349

sur le marché des télécoms en se basant sur décret-loi de 1961 sur la réglementation des
prix2195 ou sur l’ordonnance-loi de 1950 sur la concurrence déloyale et sa répression.2196 Dans
la réalité, l’ARPTC et le ministère des PTT agissent en priorité en tant qu’autorités
sectorielles devant appliquer la réglementation ex ante, sans donner lieu à l’intervention ex
post d’un organe extérieur. L’expérience de la dérégulation démontre que les lois du marché
se renforcent, alors que les rôles des pouvoirs publics peuvent souffrir de confusion, les
fonctions étatiques d’imprécision et la norme juridique de non-application.
902. Effectivement, la réglementation de l’interconnexion est intervenue quatre ans
après son autorégulation par le marché, sans ignorer que les services interconnectés étaient
offerts bien avant l’installation du régulateur étatique. Au fil du temps, l’interconnexion n’est
plus simplement un service des télécoms ; elle s’avère une activité économique à part entière.
Elle a donné lieu à des fonctions substitutives d’autorégulation du marché par rapport aux
limites des pouvoirs des autorités de réglementation nationales.
903. En principe, l'ARPTC devrait effectuer l’encadrement tarifaire de l’interconnexion,
en obligeant les opérateurs puissants à produire les catalogues d'interconnexion. Mais, les
« lois des parties » s’imposent sur le marché à défaut, pour les autorités nationales de
réglementation, de les avoir édictées.2197 En effet, le marché a établi ses propres règles
conventionnelles de fourniture des services d’interconnexion. L’autorégulation de l’activité
d’interconnexion renforce la puissance significative que les opérateurs dominants peuvent
exercer sur le marché face aux nouveaux entrants. Néanmoins, l’Autorité de régulation agit en
corégulation avec les opérateurs du marché des télécoms
904. Grosso modo, les opérateurs ont convenu des méthodes de calcul du prix de revient
de l’interconnexion, en convenant de modéliser les coûts des services.2198 Les règles du
marché obligent les opérateurs à retenir et à facturer uniquement les « coûts pertinents » des
ressources de leurs réseaux sollicités pour le service rendu. 2199. Pour ce faire, la corporation
des opérateurs s’est imposé un « contrat-standard d’interconnexion ». Ce dernier définit un
coût unique (« flat rate ») pour les échanges des données, en imposant des « exigences
essentielles » pour les trafics inter-réseaux.2200
2195
Décret du 20 mars 1961 sur la réglementation des prix, Moniteur congolais, 1961, p. 218.
2196
Ordonnance-loi n°41-63 du 24 février 1950 sur la concurrence déloyale et sa répression, Bulletin Administratif, Congo-
Belge, 1950, p. 811.
2197
L’usage du protocole de signalisation « SS7 » est une exigence technique entre réseaux hôtes, en préférence au protocole
« R2 ». La fiabilité du premier facilite le contrôle de l’origine des données entre réseaux interconnectés, en transmettant à
chacun l’identité de la ligne de l’appelant, dit « Caller Line Identity », « CLI » en sigle. Ainsi, le contrat-standard effectue
une normalisation des conditions techniques et économiques d’interconnexion : la localisation physique des nœuds
d'interconnexion au point le plus proche, le système le plus fiable de volumétrie pour le trafic et la facturation des échanges
entre opérateurs, le prix standard d'interconnexion oscillant de 0,15 à 0,16$/minute pour les appels locaux et fixé à 0,20$ de
frais de terminaison pour les appels internationaux, le principe de facturation à l'unité seconde entre opérateurs, les modalités
de réconciliation des comptes avec une tolérance du seuil différentiel de 3%, sinon le recours aux données brutes, dites
« CDR » pour Call detail record.
2198
Pour faire simple, il faut dire qu'il existe plusieurs modèles de calcul de prix de revient d'un appel en interconnexion. Ces
modèles tiennent compte de la valeur des ressources du réseau (deux éléments sur les quatre segments : la commutation et la
transmission) qui entrent en ligne de compte pour fournir le service d'interconnexion. Les couts associés à l'emploi de ces
ressources pour transporter le signal du réseau d'autrui vers ses propres abonnés sont reflétés dans des fenêtres de feuilles de
calcul (Excel avec des formules prédéfinies) pour faire peser sur la facture d'interconnexion entre operateurs seulement les
couts pertinents. Parmi le modèle de calcul, l'on peut citer : le FDC (Fully Distributed Cost ou coût pleinement incrémenté),
le CMILT (couts moyens intégrés à long terme).
2199
Les « coûts pertinents » sont ceux qui tiennent compte uniquement des composantes techniques employées pour fournir
les services d’interconnexion, afin de ne pas faire supporter de manière déloyale aux partenaires d’interconnexion des coûts
de fonctionnement de son propre réseau. Les coûts des ressources inhérentes à l’accès réciproque à leurs réseaux.
2200
L’article 4-13 de la Loi-cadre sur les télécoms [RDC] définit les « exigences essentielles » comme des « raisons [pour] la
sécurité de fonctionnement du réseau, le maintien de son intégrité et, dans les cas où cela est justifié, l’interopérabilité des
services, la protection des données, [celle] de l’environnement […] ainsi que l’utilisation rationnelle du spectre des
fréquences et la prévention de toute interférence ».
350

905. Toutefois, le « contrat-standard » présente une faiblesse dans son modèle d’affaires.
La facturation était fonction des transits d'appels. Par conséquent, les opérateurs mobiles
devaient réserver des blocs spécifiques de numéros pour des régions précises. La sédentarité
des abonnées et de leurs numéros était mieux adaptée aux réseaux de téléphonie fixe.
Cependant, le marché congolais est dominé quasi-totalement par la téléphonie et l’Internet
mobiles. La modalité de tarification entre les opérateurs n’était pas adaptée aux réseaux
cellulaires de type GSM, à cause de la mobilité des abonnés à travers tout le pays. Le modèle
du contrat affectait négativement le plan de numérotation ainsi que le circuit de distribution
des cartes d’abonnent dites cartes-SIM. La mobilité des abonnés ne cadrait donc pas avec le
critère localisateur de facturation par zone auquel il était dédié des séries de numéros
précis.2201
906. En définitive, le marché a rectifié son modèle de contrat d’interconnexion en
dissociant le lieu d’acquisition de la SIM du critère de facturation entre opérateurs. Ainsi, le
marché de téléphonie mobile a mis fin à plusieurs modalités de facturation qui existaient jadis,
à savoir : le « simple transit » des zones (appel local), le « double transit » des zones (appel
d’une zone à une autre) et le « triple transit » des zones (appel depuis des zones extrêmes).2202
907. Depuis 2003, les tarifs initiaux d’interconnexion avaient été corrigés en les nivelant
à 0,15$/minutes d’appel, avec un système de facturation à la seconde. La dernière révision du
tarif entre opérateurs a été décidée par les opérateurs eux-mêmes, au cours de leur réunion du
19 décembre 2014, dont le compte-rendu confirme la préséance du compromis des opérateurs
privés sur sa formalisation officielle par l’Autorité de régulation. Les opérateurs se sont
décidés d’observer strictement le nouveau tarif d’interconnexion fixé au « prix-plancher » de
0,085$/minute TTC entre opérateurs.2203 Le 2e « considérant » de cette entente
d’autorégulation se fondait sur les résultats des concertations engagées par le régulateur avec
le marché, « en prévision de la définition des principes de tarification ainsi que de la nécessité
d’encadrement tarifaire ».2204
908. Depuis leur entente de 2014, les solutions adoptées sont demeurées d’application, à
l’issue de la période d’évaluation prévue au 31 juillet 2015. Ainsi, jusqu’à ce jour, « les tarifs
de la téléphonie mobile […] n’ont pas connu de changement et ce, conformément aux
dispositions de la décision n°001/ARPTC/CLG/2015 du 02 février 2015. »2205
909. Cependant, l’offre des services Internet n’entrait pas dans le cadre des mesures de
corégulation. Les forces économiques du marché avaient impliqué l’ARPTC uniquement pour
les services d’appels téléphoniques. Les SMS, les services à valeur ajoutée et l’Internet restent

2201
Des stocks de cartes SIM étaient en effet réservés et écoulés en fonction de la localisation physique des abonnés par
région. La rationalisation du plan de numérotation n’était plus possible, dès le moment que les SIM configurés pour une ville
se retrouvaient facilement dans d’autres. Il devenait inutile de limiter les ventes de numéros de SIM par zone géographique,
car les abonnés censés se trouver dans une ville lointaine pouvaient émettre ou recevoir des communications depuis leur
adresse physique ou dans n’importe quel autre lieu de localisation.
2202
Cf. Contrat d’interconnexion entre opérateurs concessionnaires des services téléphoniques. Source : nos archives en tant
que « Head of Regulatory and interconnect », chez Vodacom Congo RDC sprl (2004-2007)
2203
AFRICELL S.A. (DG), AIRTEL S.A (DG A.I. & LEGAL & REGULATORY), ORANGE SA (DG & S.G), TIGO (D.G &
REGULATORY), VODACOM CONGO S.A (D.G & LEGAL) et YOZMA S.A (D.G & P.R), Compte-rendu de la réunion tenue par les
opérateurs télécoms sur la régulation des prix le 19 décembre 2014 au siège de Tigo, préc.
2204
Ibidem.
2205
ARPTC, Observatoire du marché de la téléphonie mobile, Rapport du 2è trimestre 2015, Direction économie et
prospective, Kinshasa, 2015, p. 5. En d’autres termes, les tarifs planchers pour les services de détails sont restés à
0,051$/minutes en on-net [intra-réseau] et 0,085$ /minute en off-net [interconnexion]. Cependant, la moyenne des tarifs de
détail appliqués par les opérateurs, se situe à 0,113$/minute en on-net et de 0,126$/minute en off-net. »
351

largement sous l’autorégulation du marché, alors que la législation ne limite pas la définition
de l’« interconnexion » aux seuls appels téléphoniques.2206
2. La dominance de l’autorégulation dans les services de l’Internet
910. L’Internet, comme acronyme d’« interconnected network », est par essence un
« réseau interconnecté ». Les meilleurs spécialistes présentent « l’infrastructure de l’Internet
[comme une] interconnection (sic) de près de 50.000 réseaux différents »2207 dont le protocole
TCP/IP assure l’interopérabilité.2208 En RDC, la fourniture d’accès à Internet échappe
largement à la régulation économique et technique des autorités nationales de
réglementations. En revanche, en se positionnant sur les deux segments de la téléphonie et de
l’Internet mobiles, les opérateurs privés contrôlent les aspects de gouvernance et de
l’autorégulation du marché numérique.
911. À défaut de réglementation et de régulation étatiques adaptées, En mai 2016, tous
les opérateurs de télécoms ont décidé en mai 2016 d’augmenter unilatérale et sans préavis,
leurs tarifs de fourniture de l’Internet à la consommation.2209 La hausse du prix atteignit le
seuil vertigineux de 35 à 500% suivant les forfaits offerts à la consommation. Face à la
situation, le ministre des PTT reconnaissait, par une correspondance du 31 mai 2016, que
« les décisions du collège de l’ARPTC prises en 2015 n’ont pas réglementé les services de
transmission ou d’interconnexion des données (Internet) et SMS. Ces derniers sont donc
restés libres de toute concurrence. Ainsi, l’augmentation brusque et simultanée auprès de tous
les opérateurs des télécommunications frise la pratique "d’entente" qui, à [s]on avis, est
prohibée. [La] police du secteur […] exhorte à diligenter une enquête pour en comprendre les
causes et prendre les dispositions utiles ».2210
912. À l’analyse, les forces du marché avaient recouru à l’arme économique, en guise de
compensation, voire de représailles, pour répondre non seulement aux mesures de sécurité
ayant entrainé la baisse de leurs revenus d’activités, mais aussi pour faire face à la hauteur des
taxes dans le budget de l’État.2211 De son côté, l’Autorité de régulation exigea aux opérateurs
le retour aux prix initiaux qu’ils pratiquaient sur le marché avant leur augmentation
discrétionnaire. Dans son communiqué du 19 juin 2016, le Président de l’« ARPTC a
enjoint […] tous les opérateurs de la téléphonie mobile d’annuler leurs nouvelles offres
tarifaires ».2212 Il s’en fallut des nuits de protestation et environ deux semaines pour revenir à
une situation des prix plus ou moins équivalent au statu quo ante.2213

2206
Article 4-17, loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2207
V. SHAEFER et H. LE CROSNIER, La neutralité de l’Internet un enjeu de communication, op.cit, p. 11.
2208
Ibidem, p. 153. « IPv6 : Internet Protocol version 6 est né des travaux de l’IETF dans les années 1990 et propose un
espace d’adressage plus important que l’actuel IPv4 »
2209
RACHIDI MABANDU, « Hausse de prix des cartes prépayées, internet […] », Forum des As / La prospérité, Journal
(quotidien), Kinshasa, 08 juin 2016 [http://mediacongo.net/article-actualite-18262.html] (consulté le 25 octobre 2016).
2210
Lettre n°CAB/PTNTIC/TLL/KNZ/hle/0889/2016 du 31 mai 2016 du Vice-Premier Ministre, Ministre des PTNTIC,
Thomas Luhaka, adressée au Président de l’ARPTC, concernant la « Hausse des prix de services des télécommunications ».
2211
« Pourquoi la hausse des tarifs de l’internet mobile ? », RFI, 11 juin 2016. [http://www.rfi.fr/afrique/20160611-rdc-
pourquoi-hausse-tarifs-internet-mobile] (consulté le 19 juin 2016). Les opérateurs entendaient réajuster le niveau de leur offre
des prix, à la suite des contraintes de la nouvelle loi de finances 2016, ayant revu à 50% de hausse la redevance annuelle de
2% à 3% sur leurs chiffres d’affaires. Cette restructuration de prix était également fonction de la perte de millions d’abonnés
à la suite des mesures d’identification des abonnés décidées le 19 mai 2015. À l’analyse, la hausse du prix de l’Internet de
500% nous semble davantage symbolique et revendicative que réellement stratégique pour rattraper l’effet négatif des
décisions d’État sur la croissance des revenus du marché en cours d’année 2016.
2212
[http://www.radiookapi.net/2016/06/20/actualite/economie/hausse-du-prix-dinternet-larptc-ordonne-aux-operateurs-de-revenir].
(consulté le 20 juin 2016). Le Communiqué a été signé le 19/06/2016 par le Président de l’ARPTC, Oscar Manikunda
Musata. Il arguait le « fait que ceux-ci ont violé les dispositions légales et règlementaires, notamment par le non-respect de la
procédure qui veut que toute modification des prix des services de télécommunications soit approuvée préalablement par
l’ARTPC ». Un député de la majorité présidentielle, Patrick Muyaya, analysait cette décision en une « victoire collective et
352

913. En réalité, les forces économiques du marché profit[ai]ent de la vacuité des règles
du droit positif congolais sur les aspects de l’Internet. En 2002, le législateur n’avait pas du
tout distingué les catégories d’intermédiaires techniques, comme la directive 2000/31/CE ou
la LCEN le firent pour le marché européen et en français. En RDC, la loi-cadre a fixé trois
catégories de réseaux de télécoms, dans le but d’accorder à leurs détenteurs des droits
spécifiques sans définir un régime clair de responsabilité. Tel que défini par typologie des
réseaux, les régimes congolais des télécoms sont devenus obsolètes, à cause des mutations des
marchés et des technologies résultant de la convergence numérique et de la popularisation de
l’Internet.
914. En méconnaissant en 2002 les catégories des prestataires techniques, la loi-cadre
sur les télécoms comporte une faiblesse d’appréhension juridique du statut des fournisseurs
d’accès à Internet (FAI) ainsi que de leur fonctionnement au sein du marché numérique. Sans
une telle expérience cognitive et à défaut de régime juridique approprié, la régulation
congolaise, conçue pour la téléphonie, ne peut pas efficacement encadrer l’activité numérique
et économique des multinationales sur le marché local. L’économie numérique congolaise se
développe en fonction de plusieurs facteurs : les progrès techniques, l’évolution de l’offre des
services de la société de l’information et l’influence de la mondialisation sur les habitudes de
consommation locale. Le cadre réglementaire nécessite des ajustements correspondant à la
dynamique des marchés et à l’innovation.2214
915. En conclusion, les défis législatifs rappellent bien les contraintes générales de la
régulation devant allier souplesse et rigidité, dans le cadre des services de la société de
l’information. Mais à la lumière des expériences, le droit étatique congolais subit la
dominance des lois du marché des télécoms. Par conséquent, la régulation exerce
difficilement son arbitrage dans le jeu concurrentiel du marché. Elle ne contrôle pas non plus
les aspects essentiels du marché électronique, comme par exemple les infrastructures,
l’Internet, l’interconnexion. La puissance publique peine à se confronter aux forces
économiques du marché, à encadrer le progrès technologique et à supplanter l’autorégulation
du marché. S’agissant de l’organisation interne de l’État, la loi-cadre a réparti des missions de
puissance publique du secteur des télécoms entre deux autorités nationales de réglementation.
Au regard des lois constitutionnelles de la RDC, l’autorité de régulation agit dans le
département ministériel dont le chef est le ministre des postes, télécoms et NTIC. Le partage
des fonctions de régulation affecte considérablement l’emprise de l’État sur le marché, tout
autant qu’il est source d’incohérences entre des mesures administratives polycentriques.2215
916. Au vu du contexte institutionnel, l’indépendance de la régulation reste un défi
juridique, autant que le fonctionnement conjoint de deux autorités nationales de
réglementation pour un même secteur d’activités. Les solutions ne sont pas évidentes dans la
législation, ni dans les politiques publiques. Les défis législatifs du secteur congolais des

de preuve de ce que les congolais peuvent faire ensemble », à la suite des nuits de protestations organisées contre la hausse du
prix de l’Internet pour les consommateurs.
2213
Cf. Ibidem. Un député de la majorité présidentielle, Patrick Muyaya, analysait cette décision en une « victoire collective
et de preuve de ce que les congolais peuvent faire ensemble », à la suite des nuits de protestations organisées contre la hausse
du prix de l’Internet pour un collectif spontané des consommateurs congolais à Kinshasa et dans les grandes villes.
2214
L. GILLE (sous la dir.), Les dilemmes de l’économie numérique, la transformation des économies sous l’influence de
l’innovation, éd. fyp, coll. « Innovation », Paris, 2009, pp. 8-9. « Le progrès technique scande désormais l’évolution de nos
sociétés. […] Mais le progrès des sciences et des techniques conduit-il "au progrès" des économies et des sociétés qui
l’adoptent ? La notion même de progrès est perçue comme très caractéristique du monde occidental, car elle "place l’avenir
dans une position de perpétuelle amélioration" […] La technique transforme le monde et surtout notre rapport au monde et,
désormais, le rapport des hommes entre eux ».
2215
Cf. pour les « polycentres » de la régulation : L. BELLI, De la gouvernance à la régulation de l’Internet, op.cit, p. 8.
353

télécoms ont plusieurs corollaires sur la régulation et la réglementation dans leur efficience
face aux lois du marché ainsi qu’à ses forces économiques. Les enjeux du marché dérégulé
obligent de parachever les transformations générales du droit positif congolais. La régulation
nécessite des institutions juridiques adaptées aux forces économiques et aux réalités du
marché. Précisément, le défi de la régulation concerne le fonctionnement conjoint d’un
régulateur indépendant à côté d’une administration classique des PTT. (Section 2).

SECTION II -
LE DÉFI DE RÉGULATION CONJOINTE DU DOMAINE DES TÉLÉCOMS
ENTRE ARPTC ET MINISTRE DES PTT

917. Sous l’effet de la mondialisation, les secteurs nationaux des télécoms sont passés du
monopole public en un système de marché régulé. Si l’opérateur unique de l’État-entrepreneur
congolais a laissé place à des opérateurs privés souvent oligopolistiques, l’État-régulateur
congolais intervient sur le marché des télécoms à travers deux autorités administratives : le
ministère des PTT et l’ARPTC. Il y a une double implication de l’État dans un même secteur,
l’administration classique agissant conjointement avec une autorité administrative
indépendante. Outre les conflits de compétence étudiés au chapitre précédent,2216 la loi-cadre
sur les télécoms soulève des enjeux de répartition équilibrée des attributions entre les autorités
publiques sectorielles. Le défi législatif concerne le système dual de la régulation des
télécoms. (§1.)
918. La « concurrence » entre l’ARPTC et le ministère des PTT ne facilite pas
l’accomplissement de leurs missions d’intérêt général. Un des défis majeurs de la régulation
est inhérent à la gestion des ressources essentielles des télécoms. La dérégulation n’a pas
seulement assuré le développement des marchés, mais a également complexifié la gestion des
ressources rares en fréquences radioélectriques, en numérotation et en nom de domaines.
Dans ses réflexions sur le sujet, le réseau des régulateurs francophones (FRATEL)2217 estime
que « [l]a bonne gestion des ressources rares est l’un des objectifs majeurs du régulateur,
notamment celle du spectre des fréquences impossibles d’être dupliquées ».2218 La
libéralisation du droit de l’accès aux télécoms rappelle les enjeux de rareté des ressources
essentielles au vu de la diversité d’acteurs, là où autrefois un seul opérateur, détenteur du
monopole réglementaire, opérait avec l’ensemble des ressources à sa disposition. En tant que
représentants de l’État et chargés de la gestion de son domaine public des télécoms, les
autorités réglementaires voient leurs missions s’interpénétrer, voire s’interférer. Dès lors,
l’efficacité de la régulation pose un défi de cohérence et d’autonomie d’actions. Les décisions
répondent à des enjeux réels sur les investissements privés et engendrent des conséquences
directes sur le fonctionnement du marché. (§2.)

2216
Cf. Partie 2, Titre I, Chapitre 1 de la présente thèse.
2217
FRATEL, « Les effets de la régulation sur le développement de la concurrence », Sixième réunion annuelle de FRATEL,
Tunis, 16 et 17 octobre 2008 [www.fratel.org] (consulté le 24 novembre 2016). La table ronde n°2 du 16 octobre 2008 a été
réservée à la problématique « Quelle gestion des ressources rares pour favoriser l’arrivée de nouveaux entrants ?», avec un
large panel d’interventions principales de : Peter Rendov, membre de la commission de Régulation des communications de
Bulgarie (CRC) ; M. Moez Lajimi, directeur de la qualité de l’Agence Nationale des Fréquences tunisiennes ; Jean-Louis Beh
Mengue, Directeur général de l’Agence de régulation des télécommunications du Cameroun (ART) ; Marcelin Montaigne,
Directeur général du Conseil national des télécommunications de Haïti (CONATEL) ; de l’Autorité de régulation des
télécommunications du Burkina-Faso (ARTEL).
2218
ARTEL (Burkina-Faso), « Quelle gestion des ressources rares pour favoriser l’arrivée de nouveaux entrants : cas du
Burkina Faso », FRATEL, Table ronde n°2, 6e réunion annuelle, Tunis, 16 octobre 2008 [www.fratel.org] (consulté le 24
novembre 2016).
354

§1. L’enjeu de dissociation effective des compétences


entre le ministre des PTT et l’ARPTC

919. En 2002, l’innovation Ŕ de même que la faiblesse Ŕ de la loi-cadre sur les télécoms
a été d’instituer l’autorité de régulation sectorielle et de la faire coexister avec l’administration
des PTT, dans ses fonctions traditionnelles. Pour la gouvernance étatique des télécoms, la
« loi prévoit deux structures : a) le Ministre ; b) l’Autorité de régulation ».2219
920. Leurs missions semblent concordantes, au point de s’interroger sur la distinction et
la dissociation à faire quant à leurs rôles respectifs l’un vis-à-vis de l’autre et aussi vis-à-vis
du marché à réguler. (A./) L’harmonisation de leurs fonctions est tout aussi cruciale pour
l’intervention publique qu’indispensable à l’équilibre du marché. L’analyse doit servir à
mieux appréhender les aspects de leur opposition et de leur complémentarité. (B/)
A. / LES ENJEUX DE DISSOCIATIONS DES ATTRIBUTIONS ENTRE LE MINISTRE DES PTT ET
L’ARPTC DANS LE SECTEUR DÉRÉGULÉ DES TÉLÉCOMS

921. Le chapitre précédent a démontré les difficultés de démarcation de l’ARPTC avec


l’exploitant public et le marché (sauf capture du régulateur). Le principe est que « la fonction
de régulation […] est indépendante de celle de l’exploitation des réseaux et de la fourniture
des services ».2220 Quant à la séparation des fonctions de la régulation et de la réglementation,
le législateur a chargé le ministre des PTT de superviser la restructuration du département
public dont il a charge. Compte tenu du transfert de certains pouvoirs traditionnels de
l’administration au régulateur, la superposition des fonctions et des décisions est un risque
important de la régulation bicéphale du marché. Dans le secteur congolais des télécoms, le
maintien du ministre des PTT complique la détermination de ses compétences vis-à-vis de
l’organe de régulation, d’autant que le partage des compétences est la conséquence de leur
cohabitation. En référence aux principes de dérégulation édictés par l’OMC, le ministre doit
« veiller à ce que soient assurées la séparation et l’indépendance de la fonction de régulation
du secteur des télécommunications. »2221 Il convient de préciser les axes de leur concrète
démarcation. Mais, les difficultés apparaissent dès le départ quant aux sources des pouvoirs de
décisions des deux autorités de réglementation. Il est va de même de leurs régimes de droit
public et des compétences d’attribution de chacune d’elles.
922. Principalement, le ministre tire ses compétences de la Constitution, sachant que les
textes législatifs et réglementaires servent à les organiser. En revanche, les attributions du
régulateur (ARPTC) découlent seulement des lois sectorielles des PTT.2222 En effet, la
Constitution dispose que « [l]e ministre est responsable de son département ».2223 Le ministre
s’estime disposer d’une autorité régalienne, alors que l’indépendance de l’Autorité de
régulation lui est également opposable. L’article 2 de loi n°014/2002 rattache l’ARPTC au
Président de la République, tandis que la Constitution place les membres du « gouvernement,
sous l’impulsion du Premier ministre, [qui] demeure le maître de la conduite de la politique de
la Nation ».2224 Mais en même temps, les deux organes doivent se partager des attributions,
définies dans les « lois dérégulatrices » de 2002 en RDC.

2219
Article 5, loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2220
Article 7-a), loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2221
Article 7, a), loi-cadre sur les télécoms [RDC] (RDC), préc.
2222
En l’occurrence : la loi-cadre sur les télécoms [RDC] préc. et la loi n°14/2002 sur l’ARPTC, préc.
2223
Article 93, Constitution de la RDC, préc. : « […] Il applique le programme gouvernemental dans son ministère, sous la
coordination du Premier ministre ».
2224
« Exposé des motifs », Constitution de la RDC, préc., p. 6. Articles 91, 92 et 93, Constitution de RDC, préc., pp. 50-51.
355

923. Dans ses prérogatives, le ministre des PTT élabore la politique sectorielle, en
veillant à sa bonne exécution, y compris dans l’orientation de la réglementation des télécoms.
Il lui revient aussi de fixer les règlements de police ou d’assurer la continuité des actes du
régulateur, en les approuvant ou en décidant des sanctions sur leur base. Le ministre dispose
du pouvoir réglementaire qu’il exerce par « arrêté »,2225 tandis que l’ARPTC l’exerce par
« décision ».2226 Quoique l’autorité de régulation intervienne dans la réglementation du
département des télécoms, elle n’encourt pas de sanction politique. Son rattachement
hiérarchique au Chef de l’État l’assimile à l’irresponsabilité politique de ce dernier devant le
parlement. En revanche, le ministre des PTT « est comptable de son action devant
l’Assemblée nationale qui peut le sanctionner par l’adoption d’une motion »2227, soit à titre
individuel par motion de défiance, soit à titre collectif par motion de censure du
gouvernement.2228
924. Le législateur a marqué l’autonomie de la régulation par rapport à la réglementation
du ministère, en rattachant l’ARPTC au Président de la République.2229 Cette expérience est
aussi celle du Sénégal.2230 En Europe et en France, les deux grandes guerres avaient confirmé
le caractère stratégique des réseaux télégraphiques et téléphoniques.2231 Le législateur
congolais a entendu mettre le régulateur à l’abri des influences politiques exogènes, en la
plaçant sous la gestion de la plus haute autorité du pays.2232 L’Autorité de régulation se
présente comme une autorité administrative indépendante, dont les attributions n’excluent pas
de collaborer avec d’autres structures de l’État chargées du rôle de la police, de la
concurrence des PTT, du commerce ou des médias.2233 Elle assure la régulation économique
comme arbitre du jeu concurrentiel sur le marché des télécoms. Tout autant, elle assure la
régulation technique dans la gestion des ressources nationales, l’homologation des
équipements et les directives d’interconnexions.

2225
Article 93, alinéa 2, Constitution de la RDC, JO RDC, n° spécial, 47e année, 18 février 2006, pp. 1-80. « Le Ministre […]
statue par voie d’arrêté. »
2226
Article 17, loi n°014/2002, préc. « Le collège se réunit au moins une fois par semaine et aussi souvent que l’intérêt de
l’autorité de régulation l’exige. Le quorum de 4 membres est requis pour les délibérations du collège. Les décisions du
collège de l’Autorité en matière de régulation sont susceptibles de recours devant la section administrative de la Cour
suprême de justice. Le recours n’est pas suspensif de l’exécution de la décision entreprise. […] Elles deviennent exécutoires
dès leur notification aux intéressés. Elles sont communiquées, pour information, au ministre ayant les postes et
télécommunications dans ses attributions. »
2227
Ibidem.
2228
Articles 146 et 147, Constitution de la RDC, préc.
2229
Article 2, loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc.
2230
C. GUERRIER, « Droit et accords OMC dans le domaine des télécommunications : la problématique », Droit de
l’informatique et des télécoms, revue trimestrielle, 16e année, 1991, pp. 95-96. En 1999, l’auteure mentionne que « Le
Sénégal vient de créer une autorité de régulation, mais jusqu’à la fin de 1997, il privilégiait la régulation connectée avec la
tutelle. Le Comité national de coordination des télécommunications, créé dès l’indépendance du Sénégal, réorganisé à
plusieurs reprises (cf. décret n°84-350 du 26 mars 1984) a été rattaché au secrétariat général de la Présidence de la
République ».
2231
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 1, section 2 de la présente thèse, en rapport aux fondements des monopoles en Europe et en
France depuis Louis Philipe et Napoléon jusqu’aux deux grandes guerres du siècle passé. L. GILLE, Les dilemmes de
l’économie numérique…op.cit, pp. 8-9. « Déjà dans l’Antiquité, où les techniques étaient avant tout guerrières, l’essor
technique, synonyme de progrès dans l’art de la guerre, apparaissait antinomique au progrès de l’humanité. L’Encyclopédie
des lumières de Diderot et de d’Alembert fait place aussi à cette ambigüité du progrès, où celui-ci oscille entre civilisation et
décadence ». Cf. aussi : WAEL EL ZEIN, Les aspects juridiques de la libéralisation des télécommunications (étude comparée),
LGDJ, éd. Alpha, Paris, 2012.
2232
Le contexte politique d’élaboration des lois de 2002 était post-conflit en attendant les accords politiques de partage de
responsabilité dans un gouvernement d’union nationale entre anciennes factions belligérante. Seul le Chef de l’État présentait
l’atout de stabilité, car son statut n’était pas remis en cause. Par contre, il fallait mettre à l’abri d’un ancien belligérant qui
obtiendrait le portefeuille ministériel des PTT de contrôler également l’ARPTC. La volonté du parti présidentiel au Parlement
a été de garder une haute main sur cet organe stratégique.
2233
Les questions d’interrégulation étudiées à la Section suivante approfondissent la question.
356

925. Cependant, le défi permanent est de parvenir à la cohabitation entre l’administration


des PTT et l’autorité de régulation (ARPTC). D’une part, les « lois dérégulatrices » de 2002
ont redéfini certaines attributions anciennes de l’administration classique (ministère), tandis
que d’autre part elles ont fixé de nouvelles attributions pour une autorité de régulation
indépendante (AAI). L’ARPTC est opérationnelle en RDC depuis 2002 et a connu trois
collèges de dirigeants, dont les sept membres sont nommés par Ordonnance présidentielle.2234
Pour assurer la technicité et l’indépendance de sa composition, l’ARPTC comprend des
membres du Collège proposés à la nomination par plusieurs institutions.2235 En effet,
l’administration des PTT placée sous la tutelle du ministre est de création plus ancienne. Si
cette ancienneté renforce son expérience d’intervention publique, elle alimente aussi certaines
résistances au changement, s’agissant des réformes d’instauration d’une autre autorité
administrative et de la transformation du marché. L’administration des PTT a longtemps
redouté que les transferts des attributions et des dossiers entraînent l’arrêt d’activité de ses
services internes au profit de l’ARPTC, dans le cadre de leur collaboration.
926. La confusion demeure quant aux rôles respectifs des deux acteurs publics de
réglementation et de régulation sur le marché. En 2009, le document de politique sectorielle a
dressé un tableau de répartition des responsabilités entre le ministère des PTT et le régulateur
(ARPTC), en s’inspirant des meilleures expériences de la régulation africaine. 2236 Le
législateur a en effet chargé le ministre des PTT de veiller à la séparation effective de ses
fonctions avec l’ARPTC au sein du secteur des télécoms.2237 Mais, l’application réelle des
réformes relève de la responsabilité de ces deux acteurs publics eux-mêmes.
927. Le tableau ci-dessous démontre des pouvoirs communs d’action ainsi que des
attributions respectives, reconnus aux deux autorités nationales de réglementation ex ante. La
démarcation entre leurs fonctions n’est pas toujours évidente. Leurs missions de régulation les
obligent à entretenir des rapports de collaboration et de complémentarité sur des aspects
précisés par les lois sectorielles. Les missions des PTT restent dans une perspective de
réaménagement par rapport à la dérégulation mondiale et aux transformations liées à
l’économie numérique.
928. Mais, un défi législatif particulier découle du rattachement administratif de
l’ARPTC à la plus haute institution de l’exécutif national.2238 Cet état de chose ne permet pas
au ministre des PTT de conduire sans ambages des réformes relevant de son département des
télécoms.

2234
L’ARPTC est opérationnelle depuis 2002. Elle est au 4 e mandat de nomination de son président et du collège de ses
dirigeants. Le dernier collège est en fonction depuis 2009 jusqu’à ce jour (2017) sur la base des ordonnances du Président de
la République n°09/40 et 09/41 du 1er juin 2009 portant respectivement nomination d’un président et d’un vice-président et
des conseillers du collège de l’ARPTC.
2235
Cf. article 9 et 10, loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc. Le Président de l’ARPTC et le Vice-président de l’ARPTC
viennent de la Présidence de la République. Le Ministère des PTT propose trois membres. Le Sénat et l’Assemblée nationale
en proposent respectivement un. Ils sont tous nommés par Ordonnance présidentielle.
2236
Ministère des PTT, Document de politique sectorielle des télécommunications en RDC, (DPS) 2009, Kinshasa, p. 13.
2237
Article 3, al. 3, loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2238
Articles 68 et 69, Constitution de la RDC, JO RDC, 47è année, n°spécial, Kinshasa, 18 fév. 2006, pp.2-80. Cet état de
chose a donné lieu à débat houleux au parlement de la 3 è République en RDC (2012-2013), vu la difficulté de contrôle
parlementaire à exercer sur l’ARPTC. Etant entendu son rattachement à la tutelle de la Président de la République (qui ne
peut engager sa responsable politique devant le parlement), l’ARPTC échappe à tout contrôle et à toute sanction du
parlement. Une proposition de loi a été introduite par un député de l’opposition, M. Mayo Mambeke. Auteur d’une question
orale adressée au Ministre des PTT en juin 2014, sa conclusion visait de corriger cette tutelle présidentielle de l’ARPTC.
[www.lesoftonline.net/articles/appels-téléphoniques-désastreux-le-ministre-kin-kye-réplique-aux-questions-des-députés] (consulté le 18 juillet 2016.)
357

Tableau de répartition des responsabilités


Entre le Ministre des PTT et l’ARPTC

Domaine de responsabilité Ministre Régulateur


Politique sectorielle X
Législation et réglementation sectorielles X Conseille
Régulation technique et économique X
Régulation de la concurrence dans le secteur X
Régulation de l’interconnexion et de l’accès X
Gestion et régulation des ressources rares X
2239
Plan national des fréquences X Propose
2240
Assignation des fréquences, supervision et contrôle ( ) X
Plan de numérotation (élaboration et gestion), attribution et contrôle X
Définition du réseau cible (Backbone national) X Propose
Partage des infrastructures X
Attribution des licences supervision et contrôle X Instruit
Résolution des litiges entre opérateurs ou entre clients et opérateurs X
Plan de mise en œuvre de l’accès universel X
2241
Propose
Gestion du fond d’accès universel à mettre en place
Régulation tarifaire X
Contrôle des opérateurs et enquête X
2242
Imposition des sanctions administratives, compensations, X X
indemnisation, etc.
Normalisation et agrément des équipements X
Planification et mise en œuvre des systèmes de communications X
des États
2243
Relations internationales, régionales et sous-régionales X Assiste
Coopération internationale en matière de régulation X
Source : Document de politique sectorielle, Ministère des PTT, RDC, 2009

2239
Tableau, note (1) : Sur proposition du régulateur, en coordination avec les autres administrations.
2240
Tableau, note (2) : Le Ministre attribue les licences sur avis du régulateur. Dans le cas d’un nombre de licences limité, le
Régulateur organise une mise en concurrence des opérateurs intéressés et soumet les propositions d’attribution au Ministre.
Les fréquences directement liées aux licences sont assignés par la licence.
2241
Tableau, note (3) : Les deux institutions collaborent à l’élaboration du Plan. Celui-ci est approuvé par le Ministre.
2242
Tableau, note (4) : Les sanctions pénales définies par la législation sont prononcées par les tribunaux. Les retraits de
licences sont décidés par le Ministre. Les décisions de suspension des autorisations sont prises par le Régulateur et sont
susceptibles de recours devant le Ministre.
2243
Tableau, note (5) : Le Ministre se fait assister par le régulateur pour les questions techniques relevant de la responsabilité
de celui-ci. Dans ce cadre, le Régulateur participe aux réunions et conférences à caractère technique.
358

B. / LE DÉFI LÉGISLATIF D’ORGANISATION DES RAPPORTS DE DROIT PUBLIC


DANS LE SECTEUR DES TIC EN RDC

929. Les lois de télécoms contiennent une erreur dans l’organisation du secteur public
des télécoms. Les lois du secteur des télécoms entretiennent entre elles une contradiction
quant aux rapports de subordination ou plutôt d’indépendance entre l’ARPTC et le Ministre
des PTT. Des interprétations divergentes sont parties de la lecture de l’exposé des motifs de la
loi-cadre sur les télécoms, que contredisent les articles 1 et 2 de la loi n°014/2002. Suivant
l’exposé des motifs de la loi-cadre sur les télécoms, l’ARPTC est « placée sous la tutelle du
ministère des PTT ».2244 À ce propos, une partie de la doctrine congolaise a estimé que la loi-
cadre fonde le ministre des PTT à exercer son autorité sur le régulateur, en le soumettant aux
règles et actes de tutelle administrative.
930. Cependant, la loi n°014/2002 sur la création de l'ARPTC dispose que celle-ci est
une administration (dotée d'une personnalité juridique) et relève du président de la
République. L'exposé des motifs d’une loi ne peut l’emporter sur les dispositions du texte de
loi.2245 Ces dernières sont la « prescription énoncée dans un texte [comme] règle résultant
expressément […] de la loi (disposition légale) ». 2246 Cette disposition conforte l’idée que
l'ARPTC ne dépend pas du ministre des PTT, mais que les deux acteurs entretiennent des
rapports de collaboration. En 2005, la question avait donné lieu à un avis technique du
directeur de la réglementation et des affaires juridiques de l'Autorité de régulation. 2247 Son
opinio juris est encore d’actualité par rapport à l’incurie du cadre juridique des télécoms. Mais
la question n’est pas tranchée pour autant.
931. En réalité, le rattachement de l’ARPTC au Président de la république revêt un
caractère purement politique. À part l’article 2 de la loi n°014/2002 sur l’ARPTC, aucune
autre de ses dispositions n’organise les modalités dudit rattachement. Si la même loi n’évoque
pas la « tutelle » du Président de la République sur l’ARPTC, elle contient néanmoins de
nombreuses dispositions fondant à conclure à des actes de tutelle que le ministre des PTT
exerce sur l’ARPTC. S’agissant de la tutelle sur les actes, il y a celle « qui subordonne à
l’accord des autorités de tutelle la perfection juridique des décisions des autorités sous tutelle
(tutelle de l’opportunité) et s’analyse plus exactement en une coopération entre ces deux
catégories d’autorités, partant en une coadministration ».2248
932. Le défi législatif est d’opérer un rattachement administratif de l’Autorité de
régulation dans l’ordre juridique et politique congolais, sans affecter son autonomie ni son
indépendance, au regard des principes de déréglementation de l’OMC. Par définition, la
tutelle constitue l'ensemble des moyens de contrôle dont dispose l'institution ou l'organe
tutélaire sur une entreprise. Elle désigne l’« ensemble des contrôles auxquels sont soumises
les personnes administratives décentralisées ».2249 La tutelle est d'ordre administratif,
judicaire, technique, économique ou financier. Elle s'exerce sur les personnes comme sur les
actes, à tous les niveaux et à tous les stades de procédure.

2244
Exposé des motifs, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc., JO RDC, 44e année, n° spécial, 25 janvier 2003, p.19.
2245
G. CORNU, op.cit, [2006] p. 440. Verbo « Exposé des motifs » : « Considération qui accompagnent un projet ou une
proposition (par ex. de loi) et en indiquent les raisons. ». L’exposé de la loi-cadre ne peut donc pas prévaloir par rapport au
texte de loi, car il ne sert qu'à expliquer les dispositions de celui-ci lorsqu'elles sont lacunaires ou ambiguës.
2246
Ibidem, p.356. Verbo « disposition ».
2247
LEPAGE BUSHABU WOTO, op.cit., p. 89. En plus de la « tutelle de l'ARPTC », l’auteur a évoqué aussi d’autres
disparités juridiques de l’ordre interne congolais, à savoir : mesures prévues par la loi (Internet), existence de deux textes de
lois contradictoires dans certaines dispositions, interférence du ministre des PTT dans les décisions du Collège de l'ARPTC.
2248
Ibidem.
2249
G. CORNU, op.cit, p. 1046. Verbo « Tutelle ».
359

933. Précisément, la loi n°014/2002 sur l’ARPCT a prévu les mécanismes rapprochant
davantage le régulateur des modes de contrôle tutélaire du droit administratif classique,
malgré son rattachement à la Présidence de la République. 2250 Cependant, la loi-cadre
reconnaît au ministre des PTT le pouvoir d’approbation de plusieurs actes posés par
l’ARPTC. Tel est le cas, par exemple, de l’approbation et de la signature par me ministre des
travaux réalisés par l’ARPTC dans la préparation ou l’instruction des dossiers de licence,
autorisation et cahiers des charges.2251
934. Vis-à-vis de l'Autorité de régulation, le Président de la République ne pose pas
d’acte administratif ou d’administration quelconque, s’agissant du contrôle hiérarchique des
activités du régulateur congolais des télécoms. D’autres exemples concernent son budget de
fonctionnement, c’est son collège et non le président de la République qui l’approuve. De
même, toutes les décisions prises par le collège dans ses missions de régulation ne sont pas
homologuées par le Président de la République. Il s’avère que l'article 28 de la loi n°14/2002
fait allusion aux comptes de l'ARPTC, susceptibles de vérification par un cabinet d'audit
externe. Le rapport est adressé au Président de la République, au ministre des finances et au
ministre des PTT. Mais encore une fois, cette disposition n'apporte rien au contenu de la loi
pour faire « relever » le régulateur de l’institution Président de la République.
935. En « reliant » l'Autorité de régulation à la plus haute autorité de l’exécutif du pays,
le législateur a entendu souligner encore plus son indépendance fonctionnelle par rapport au
ministère. Il y a lieu de penser à un simple rattachement opérationnel et non à un pouvoir
tutélaire entre le régulateur et le Président de la République. Ce dernier, selon l’article 69 de
la Constitution, est garant du bon fonctionnement de toutes les institutions du pays.
936. En somme, le défi demeure d’opérer un rattachement administratif de l’Autorité de
régulation dans l’ordre juridique et politique congolais, sans affecter son autonomie ni son
indépendance, au regard des principes de déréglementation de l’OMC. Par définition, la
tutelle constitue l'ensemble des moyens de contrôle dont dispose l'institution ou l'organe
tutélaire sur une entreprise. Elle désigne l’« ensemble des contrôles auxquels sont soumises
les personnes administratives décentralisées ».2252 La tutelle est d'ordre administratif,
judicaire, technique, économique ou financier. Elle s'exerce sur les personnes comme sur les
actes, à tous les niveaux et à tous les stades de procédure.
937. Toutefois, ni la Constitution, ni la loi n°014/2002 sur l’ARPTC n’ont organisé les
mécanismes juridiques de ce « rattachement institutionnel ». En droit constitutionnel
congolais, le pouvoir de disposer de l’administration publique ne relève pas du Chef de l’État,
mais tout au plus d’une prérogative sectorielle du ministre ayant en charge le domaine
d’activités.2253 Quoi que le Président de la République soit l’institution suprême de l’exécutif
national, il reste distinct du gouvernement.2254

2250
P. AVRIL et J. GICQUEL, Lexique de droit constitutionnel, PUF, 4e éd., coll. « Que sais-je ? », 2014, p. 92. Verbo
« Présidence de la République » : maison du Chef de l’état […] dont il détermine de manière discrétionnaire, l’organisation et
la composition, à l’opposé d’une administration et en analogie avec un cabinet ministériel ».
2251
Article 19, al. 2, loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc. : « La licence d’exploitation et le cahier des charges sont
préparés par l’Autorité de Régulation, approuvés et signés par le Ministre ». Article 25, al. 1er, loi-cadre sur les télécoms
[RDC], préc. : « L’autorisation et le cahier des charges qui lui est annexé, sont délivrés par l’Autorité de Régulation, après
approbation du Ministre. »
2252
G. CORNU, op.cit, p. 1046. Verbo « Tutelle ».
2253
Article 91, al. 3, Constitution de la RDC, préc. : « Le Gouvernement dispose de l’administration publique… »
2254
Article 68, Constitution de la RDC, préc. : « Les institutions de la république sont : 1. Le Président de la République ; 2.
le Parlement ; 3. Le Gouvernement ; 4. Les Cours et Tribunaux. »
360

938. Au titre de solution au défi d’ambigüité du rattachement du régulateur, une


proposition de loi a été formulée par un député2255 et transmise au gouvernement pour
observation.2256 Le ministre des postes, téléphones et nouvelles technologies de l’information
et de la communication (PTNTIC) a exposé à l’assemblée nationale les points essentiels des
transformations à apporter, allant dans le sens de revoir la « tutelle » de l’ARPTC.2257 Dans sa
proposition de loi, le député entend faire relever l’Autorité de régulation non plus du Président
de la République, mais du ministre des PTNTIC. En appui de ce changement, il invoque des
raisons pertinentes et soutenables à plusieurs égards, notamment : les évolutions de la
Constitution et de la législation générale relative aux établissements publics. En appui de leurs
positions, la série des lois du 7 juillet 2008 sur le désengagement de l’État a effectué une
réforme générale des tutelles techniques et administratives concernant les EPA, les EPIC et
autres entreprises publiques nouvellement transformées en sociétés commerciales d’État. Si
en 2002 les télécoms ont été le premier secteur dérégulé en RDC, le regard comparatif sur
d’autres secteurs publics plus récemment déréglementés s’oriente vers une tutelle
ministérielle des autorités de régulation sectorielle. Par exemple, la loi n°014/011 du 17 juin
2014 relatif au secteur de l’électricité (anciennement monopolistique) fait état d’une tutelle de
son régulateur par le ministère en charge de l’énergie et des ressources hydrauliques. 2258
939. Toutefois, cette proposition de loi est restée isolée en marge des réformes du
gouvernement, dans le cadre des projets de loi sur les télécoms, les TIC et la modification de
la loi de 2002 relative à l’ARPTC. Dans la démarche politique, l’arbitrage préalable du Chef
de l’État a été sollicité avant de statuer au parlement, car il s’agit de réaménager des
prérogatives lui reconnues avant de trancher sur tout possible changement du rattachement de
l’ARPTC sous son autorité.2259 Lors du débat général sur ces nouveaux projets de loi en avril
2017 au parlement, le rattachement est resté au Président de la République.
940. Mais le défi reste entier à ce jour. La proposition de loi ci-dessus analysée faisait
suite aux recommandations de l’Assemblée nationale à l’issue d’une question orale avec débat
de son auteur adressée au ministre des PTT d’alors. Au sens du règlement intérieur, les
recommandations parlementaires conseillent ou appellent le gouvernement d’agir ou de ne pas
agir dans un sens donné sur une matière déterminée.2260 La communication par le
gouvernement de ses observations à ladite Assemblée devait tenir compte de ce contexte. Le
projet de loi modifiant la loi n°014/2002 sur l’ARPTC maintient en son article 2 la disposition
selon lequel la future « ARPTNTIC relève [toujours] du Président de la République ». Les
appréciations critiques sont fournies au dernier titre de la présente thèse quant au statut
administratif du régulateur, en maintenant notre option afin de réviser son « rattachement
politique » et de mieux l’organiser juridiquement.2261

2255
Article 130, al. 1, Constitution de la RDC, préc. : « L’initiative des lois appartient concurremment au Gouvernement à
chaque député et à chaque sénateur ».
2256
Article 130, al. 3, Constitution de la RDC, préc. : « Les propositions de loi sont, avant délibération et adoption, notifiées
pour information au Gouvernement qui adresse, dans les quinze jours suivant leur transmission, ses observations éventuelles
au Bureau de l’une ou l’autre Chambre. Passé ce délai, ces propositions de loi sont mises en délibération. ».
2257
Cf. Lettre n°CAB/VPM/MIN.PTNTIC/TLL/NAK/ktc/0114/2015 du 7 janvier 2015 du VPM, Ministre des PTNTIC en
réponse à la lettre n° CAB/PM/CJFAD/SML/2014/00016801 du 26 décembre 2014 du Premier Ministre de la RDC. La lettre
avait comme objet : « Transmission des observations sur la proposition de loi de l’Honorable MAYO MAMBEKE portant
modification de la loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l’ARPTC ».
2258
Appendice : Lettre n°CAB/VPM/MIN.PTNTIC/TLL/NAK/ktc/0114/2015 du 7 janvier 2015 du VPM, Ministre des
PTNTIC en réponse à la lettre n° CAB/PM/CJFAD/SML/2014/00016801 du 26 décembre 2014 du Premier Ministre de la
RDC.
2259
Ibidem.
2260
ASSEMBLÉE NATIONALE, Règlement intérieur, JO RDC, 48e année, Kinshasa, numéro spécial, 20 février 2007, pp. 1-65.
2261
Partie 2, Titre 2, Chapitre 2, Section 2, §2, A/ de la présente thèse.
361

941. Les incohérences des règles de droit public constituent un défi législatif, nécessitant
d’apporter des correctifs aux « lois dérégulatrices » de 2002 en RDC. Le législateur consacre
le fonctionnement conjoint des deux organes de régulation dans le même secteur : le ministre
des PTT et l’ARPTC. Dans ses travaux, l’actuel Président de l’ARPTC qualifie cette situation
d’« intra-régulation ».2262 Cela signifie que « face à la complexité et aux dysfonctionnements
sectoriels », la problématique est de « dynamiser la fonction de régulation, assurer le
rattrapage et susciter la synergie dans le secteur »2263. Mais « comment parvenir à normaliser
pertinemment et efficacement le marché […] face au dysfonctionnement et générer une
synergie sectorielle ? ».2264 L’incoordination de leur collaboration et l’incohérence de leurs
actions sont source de difficultés, surtout parce qu’elles affectent la gestion des ressources
essentielles pour le marché des télécoms (§2).

§2. La régulation technique des télécoms dans les enjeux de dualité


des compétences entre les autorités sectorielles

942. La loi-cadre sur les télécoms a impulsé des transformations, qui n’effacent pas la
forte expérience de « gestion partagée » entre l’administration des PTT et l’Autorité de
régulation. En effet, « [i]l y a parfois concomitance entre la fonction de l’autorité de
régulation et celle qui est dévolue au ministère. L’Afrique du Sud illustre ce bicéphalisme
relatif ».2265 Le cas de la RDC est resté pareil, à la suite de la déréglementation. En organisant
l’accès au marché, l’État autorise l’exploitation des ressources des télécoms (fréquences et
numérotage essentiellement), à travers les licences que les autorités publiques accordent aux
opérateurs.
943. Si la régulation économique concerne la concurrence de l’offre des services
électroniques, elle comporte des aspects sous-jacents de la régulation technique. Cette
dernière assure l’égalité d’accès aux ressources essentielles entre opérateurs, pour ne pas
biaiser la concurrence sur leurs capacités à fournir les services attendus. Sans parcimonie ou
en cas d’incoordination des autorités nationales de réglementation, la régulation technique
permet de gérer le risque immédiat de dysfonctionnement, voire le blocage du marché, au
regard de la disponibilité limitée des ressources essentielles des télécoms.
944. En RDC, l’analyse de la régulation technique met en lumière le défi législatif du
mode dual de l’intervention publique : l’« intra-régulation » entre le ministre des PTT et
l’ARPTC.
945. Effectivement, les missions et les enjeux de la régulation technique sont de gérer le
lot des fréquences radioélectriques allouées à chaque État selon les normes de
radiocommunications de l’Union internationale des télécommunications (UIT). La nécessité
de coopération et de coordination transfrontalière complètent les enjeux nationaux en vue
notamment de délimiter les frontières économiques entre pays limitrophes. (A.) La gestion
des ressources concerne également le plan national de numérotation, sans lequel les

2262
O. MANIKUNDA MUSATA, La dynamique de la régulation des télécommunications en République Démocratique du
Congo : de la synergie intra-sectorielle à l’interrégulation, Badge régulation des télécoms promo 2005, ENST
Paris/ARTEL/ARCEP/FRATEL/ESMT/Word Bank Institute, mars 2006, pp. 1-118, spéc. p. 6.
2263
Ibidem.
2264
Ibidem.
2265
C. GUERRIER, op.cit, p. 96. « Le Telecommunication Act de 1996 donne naissance à la South African Telecommunication
Regulatory Authority (SATRA), régulateur présumé indépendant. Quant au Ministre des PTT, il est chargé de l’industrie des
télécommmunications ».
362

correspondants étrangers et nationaux ne peuvent ni entrer en communications, ni échanger


les données, ni commercer à distance. (B.)

A. / LE DÉFI DE L’« INTRA-RÉGULATION »


DANS LA GESTION DES RESSOURCES ESSENTIELLES DES TÉLÉCOMS

946. Sans les ressources en numérotations et en fréquences, la téléphonie et l’Internet


mobiles sont impossibles. Ces « ressources rares » sont du domaine public des télécoms.2266
Elles constituent les enjeux fondamentaux de l’économie numérique, puisqu’elles sont
indispensables à la fourniture des services électroniques et au fonctionnement des réseaux.
L’UIT limite des lots de fréquences radioélectriques par pays. La valeur de leur concession
par les États est fonction de leur rareté, selon le principe économique : « ce qui est rare est
cher ». Autrefois elles étaient seulement allouées à l’exploitant public. Avant les réformes
législatives de 2002, les opérateurs historiques, OCPT/SCPT et le RENATELSAT, jouissaient
du monopole d’accès à ces ressources.
947. Avant le rachat d’Oasis (Tigo) par Orange en avril 2016, le marché congolais des
télécoms comptait six opérateurs de télécommunications. Ce nombre reste parmi les plus
élevés par rapport aux autres pays africains. L’ouverture du marché congolais reste ainsi
caractérisée par l’entrée des opérateurs de réseaux cellulaires offrant des services de
téléphonie et d’Internet mobiles. Cette mobilité exige des ressources radioélectriques pour la
transmission sans fil, en vue de créer des zones de couverture radioélectrique permettant la
connexion aux réseaux électroniques. Par conséquent, le marché congolais de la téléphonie
mobile connaît une plus grande précarité dans la disponibilité des ressources essentielles des
télécoms. Cet état des choses est un défi majeur pour la régulation, d’autant que la RDC
compte deux autorités sectorielles devant se coordonner dans leur gestion desdites ressources
pour ne pas déstabiliser le marché.2267
948. Le droit de l’accès est matérialisé par l’attribution des licences et/ou autorisations
aux nouveaux entrants sur le marché. La valeur de ces titres d’exploitation, en tant que contrat
administratif, est fonction de son contenu technique. Les licences et les autorisations sont
titres comportant des assignations de fréquences hertziennes et des réservations de blocs de
numéros, contre rétribution de l’État propriétaire et concédant. Le régulateur et le ministre des
PTT ont pour mission de gérer ces ressources rares en accord l’un et l’autre. Ils doivent en
effectuer le partage entre prestataires et en assurer une gestion rationnelle au nom et pour
compte de l’État.
949. La régulation technique est un défi majeur du « bicéphalisme relatif »2268 entre les
autorités de réglementation nationales. Autant que leurs mesures réglementaires, leurs actes
administratifs ont un impact crucial sur le fonctionnement du marché numérique. Les
infrastructures de télécoms sont les actifs de grande valeur pour l’économie numérique. Leur
fonctionnement requiert non seulement une bonne gestion des fréquences radioélectriques
quant à leurs assignations au niveau national (1), mais aussi l’efficacité de leur coordination
transfrontalière. (2).

2266
P. HUET, « Allocation et gestion des ressources rares », L’actualité juridique – Droit administratif, n°3, 20 mars 1997.
2267
FRATEL a estimé que « [l]a bonne gestion des ressources rares est l’un des objectifs majeurs du régulateur, notamment
celle du spectre des fréquences impossibles d’être dupliquées ». FRATEL, « Les effets de la régulation sur le développement
de la concurrence », Sixième réunion annuelle de FRATEL, Tunis, 16 et 17 octobre 2008 [www.fratel.org] (consulté le 24
novembre 2016).
2268
C. GUERRIER, « Droit et accords OMC dans le domaine des télécommunications : la problématique », Droit de
l’informatique et des télécoms, revue trimestrielle, 16e année, 1991, p. 96.
363

1. Les enjeux de la régulation technique des « ressources radio » entre les autorités
congolaises de réglementation et de régulation
950. Le domaine public est constitué des ressources naturelles dont l’État concède les
droits d’occupation et d’exploitation aux opérateurs privés. La régulation technique des
télécoms a pour fondement et pour finalité d’assurer la disponibilité, l’octroi et l’utilisation
des fréquences radioélectriques. Ces défis de la régulation sont la conséquence de la
libéralisation du droit de l’accès aux communications mobiles GSM (2G, 3G, 4G). L’accès au
marché et son fonctionnement dépendent des pouvoirs publics qui allouent aux opérateurs les
ressources d’exploitation relevant du domaine de l’État. Le législateur a confié à l’Autorité de
régulation la charge de leur gestion et répartition. Autrefois l’opérateur de monopole (OCPT)
en avait la charge dans ses statuts de 1978, avant que le secrétariat général des PTT en
reprenne la responsabilité entre 1982 et 2002.2269
951. Au regard des enjeux de développement numérique, le législateur a prévu
l’élaboration par l’ARPTC du plan national d’allocation des fréquences devant au préalable
être approuvé par le ministre des PTT.2270 Il prévoit par ailleurs la tenue et la publication par
le régulateur du tableau national d’assignation des fréquences. En RDC, malgré des travaux
d’experts, la publication de ce tableau n’est pas assurée pour permettre une lisibilité des
assignations qui étaient réalisées antérieurement par le ministre des PTT et qui le sont
nouvellement par le régulateur. Le défi d’intra-régulation reste de taille sur l’aspect de
contrôle des ressources rares.
952. Le système de marché régulé présente des attributions interpénétrées entre les
autorités de réglementation nationales. Leurs rôles restent imbriqués en ce qui concerne la
planification, l’allocation, les assignations et la gestion des ressources du domaine public des
télécoms. Pour les pays ayant encore conservé l’approche des PTT, la dualité des fonctions se
constate entre le ministre et l’autorité de régulation. Dans ce contexte, la logique de gestion du
service public de l’État domine l’approche de gestion de la concurrence. Les autorités de
réglementation nationales sont chargées de réguler le marché, mais aussi de gérer pour
compte de l’État ses ressources publiques, dont le marché a besoin pour exister.
953. C’est ainsi qu’en règle générale, l’octroi des licences et autorisations s’attache à la
valeur d’attribution des fréquences radioélectriques.2271 Ceux-ci constituent la valeur d’usage
des droits de l’accès, pour les opérateurs de réseaux ouverts au public et les fournisseurs de
services électroniques en réseaux (téléphonie, Internet, autres). C’est le prestataire technique
qui les intègre dans l’offre d’usage de ses services ou de son réseau par le grand public. Pour
le besoin de son exploitation, l’opérateur peut demander au régulateur des ressources
supplémentaires au regard du développement du marché. Les réseaux concessionnaires sont
« astreints en plus des frais de licence, [à] divers paiements périodiques liés à des obligations
d’intérêt public et autres droits dus ».2272
954. La gestion du « spectre national des fréquences » demande parcimonie, en vue de
rationnaliser les « ressources radio » du pays. Une procédure particulière de gestion encadre
leurs allocations et assignations aux requérants, en procédant souvent par des appels d’offres

2269
Cf. Partie 2, Titre 1, Chapitre 1, section 1 de la présente thèse.
2270
Article 8, points e) et f), Loi-cadre sur les télécoms [RDC] (RDC).
2271
J. DO-NASCIMENTO, op.cit, p. 140 et s. À ce jour, toute l’Afrique reste encore marquée par la première vente de licence
GSM par le Maroc en 1999 pour une valeur d’environ 1 milliard de dollars américains. En RDC, le coût d’acquisition de la
licence n’a jamais dépassé les 55.000.000 $ pour la téléphonie mobile GSM/2G, ni les 15.000.000 $ pour l’internet mobile
GSM/3G.
2272
Article 13 (in fine), loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
364

ou par des mises aux enchères.2273 De nos jours, le développement du marché des
technologies mobiles renforce les besoins en fréquences hertziennes à double titre. D’une
part, la mobilité des clients requiert des « fréquences d’accès » par rapport aux points de
connexion aux réseaux, d’autre part, la collecte et le transport des signaux sans fil requiert des
« fréquences de transmission » entre les maillons du système des réseaux. Les besoins des
communications électroniques à large bande concernent : Internet sans fil de type wifi,
géolocalisation, et GSM. Les opérateurs de téléphonie ne sont pas seuls à utiliser les
fréquences radioélectriques : les chaînes de radiotélévision2274, les navires et aéronefs, les
FAI, les agences de sécurité et de défense, les banques2275 et aussi les missions
diplomatiques2276. Les risques de brouillages et d’interférences restent préjudiciables tant pour
la qualité des communications que pour les fonctionnalités des équipements et terminaux.
Leur rôle pour la société de l’information rend donc indispensable leur régulation. Plusieurs
types de technologies à finalités différentes doivent fonctionner harmonieusement sur le
marché électronique.
955. Même en France, avant les lois n°96-6592277 et n°96-6602278du 26 juillet 1996, il
n’existait pas de procédure organisée pour l’attribution des fréquences radioélectriques.2279
L’expansion des radiocommunications accompagne les avancées techniques. Celles-ci
conduisent à des pénuries enregistrées pour certaines bandes de fréquences et dans certaines
régions très actives de déploiement des réseaux. Des blocages du marché ont été causés faute
de gestion prévisionnelle du nouveau spectre des fréquences et de véritable procédure
d’arbitrage des besoins. Ces faiblesses ont provoqué des retards de développement de
nouveaux moyens de communications, dont les effets sur le secteur et l’économie furent
graves.2280 La France a confié la gestion de ses fréquences à une autre autorité que l’ARCEP,
à savoir : l’Agence nationale des fréquences (ANFr).2281
956. En effet, le droit de l’accès au marché n’est plus possible, ni la croissance des
réseaux existants, si les perspectives d’épuisement des ressources se confirment. En principe,
l’usage des fréquences n’est pas toujours neutre, en vue d’éviter le dysfonctionnement de
plusieurs technologies sur une même bande.2282 Ainsi, les fréquences d’accès et de
transmission sont allouées en fonction des bandes dédiées aux technologies et assignées à

2273
P. HUET, « Allocation et gestion des ressources rares », L’actualité juridique – Droit administratif, n°3, 20 mars 1997.
2274
Exemple : Décision n°036/ARPTC/CLG/2011 du 14 juin 2011 du collège de l’ARPTC portant attribution d’un canal de
fréquences de service de radiodiffusion télévisuelle à la chaîne de télévision Broad Casting Network « BNTV/Barala » à
Kinshasa, JO RDC, 1er déc.2011, n°23, col. 23.
2275
Exemple : Décision n°038/ARPTC/CLG/2011 du collège de l’ARPTC du 27 avril 2011 autorisant la Banque First
International Bank (FIBANK) à installer et exploiter un réseau indépendant constitué de quatre stations VSAT, JO RDC,
n°23, 52è année, 1er déc. 2011, col. 25.
2276
Exemples : (1) Décision n°037/ARPTC/CLG/2011 du collège de l’ARPTC du 27 avril 2011 attribuant les fréquences à
l’Ambassades des États-Unis à Kinshasa, JO RDC, n°23, 52è année, 1er déc. 2011, col.24. (2) Décision
n°062/ARPTC/CLG/2011 du collège de l’ARPTC du 02 septembre 2011 attribuant les fréquences à l’Ambassades d’Afrique
du Sud à Kinshasa, JO RDC, n°52, 52è année, 1er déc. 2011, col. 52.
2277
Loi n°96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, JORF, n°174, 27.06.1996, p. 11384.
2278
Loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom. Au cours de cette année, la loi n°96-660
du 26 juillet 1996 inséra à l’article 1er de la loi n°90-568 précitée la transformation de la personne morale de droit public
France Télécom en une entreprise publique de même nom, à compter du 31 décembre 1996.
2279
P. HUET, « Allocation et gestion des ressources rares », L’actualité juridique – Droit administratif, n°3, 20 mars 1997.
2280
Ibidem.
2281
En France, c’est l’ANFR qui détermine la position nationale du pays au cours des CMR et les décisions des
Radiocommunications sont déclinées au niveau français dans le TNRBF, en précisant les bandes et services radio gérés par
les différents affectataires ainsi qu’en précisant les priorités. L’Aviation civile et le BMNF interviennent respectivement pour
les besoins de l’aéronautique civile et de la défense nationale.
2282
Les débats sur des « licences neutres » ou des « licences convergentes » ont été amorcés lors des travaux de révision de la
loi-cadre de 2002, mais l’État congolais s’en tient aux assignations par lot dédié aux technologies et par canaux dédiés aux
opérateurs.
365

chaque réseau, disposant des canaux assignés à chaque opérateur.2283 L’opérateur les gère en
fonction du nombre d’abonnés qu’ils ont en charge2284 et selon la quantité de données à
transporter2285. Toutefois, ce travail de « radio planning » évolue au regard de la convergence
des réseaux. Des combinaisons techniques permettent de recycler au sein d’un même réseau
des fréquences de plusieurs natures (GSM, FH, UMTS). Les opérateurs entendent recycler à
d’autres usages les fréquences qui leur sont administrativement assignées pour des types
précis de technologie. Les autorités nationales de réglementation n’ont pas encore levé
d’option sur la question.
957. Par ailleurs, comme les fréquences représentent de la valeur, certains opérateurs
économiques se le font attribuer afin de les « thésauriser » sans installer un quelconque réseau
d’exploitation. Cette situation a plusieurs conséquences négatives. Elle crée une rareté
artificielle des ressources en fréquences, limitant le développement des réseaux en activité
(avec d’autres conséquences possibles sur les possibilités de création d’emplois). Elle
entraine une distorsion du marché national, si l’équité et la loyauté ne sont pas assurées dans
l’attribution des fréquences pour la concurrence entre opérateurs.2286 Leur inexploitation
provoque un manque-à-gagner pour le trésor public faute d’activité susceptible de générer des
recettes. Le gouvernement a adopté la ligne politique de retirer systématiquement les titres
d’exploitation inactifs, afin de les réattribuer à d’autres investisseurs.
958. Plus d’une décennie après la loi-cadre de 2002, le développement du marché ainsi
que les nouvelles exigences de la technique ont motivé un réaménagement des assignations
antérieures des fréquences radioélectriques. En effet, « [e]n raison de[s] différence[s] entre
modes de propagation, les bandes de fréquences ne sont pas interchangeables et, même si la
technologie permet d’utiliser des bandes de plus en plus élevées en fréquences, les contraintes
physiques conduisent à concentrer chaque type d’utilisation dans les catégories très précises.
[…] De ce fait, certaines parties du spectre [des fréquences] se trouvent finalement assez
saturées et les ressources spectrales dans leur ensemble doivent être perçues comme un bien
plutôt rare ».2287
959. Un impressionnant redéploiement des assignations de fréquences GSM a été opéré
par l’ARPTC en 2012, particulièrement sur ses trois types de bandes : PGSM, EGSM,
RGSM.2288 La mutation de la téléphonie GSM vers l’Internet mobile, ces besoins spécifiques
en ressources radio ont été adressés de trois manières entre le régulateur et les opérateurs sur
le marché. Premièrement, un premier accord stratégique a été réalisé par le marché, sans
l’intervention du régulateur. Deuxièmement, une corégulation a été nécessaire, en combinant

2283
Le nombre de MHz ou de GHz accordés détermine la largeur de la bande passante du réseau vis-à-vis des concurrents.
2284
Les fréquences d’accès sont celles qui permettent aux terminaux des abonnés d’interagir avec le système du réseau. Dans
un réseau GSM, par exemple, chaque cellule de prise en charge d’un abonné doit être planifiée de sorte qu’elle ne puisse pas
interférer avec la cellule contigüe. L’ensemble des cellules doit être configurée en autonomie singulière sans pouvoir
interférer, mais dans une logique permettant à l’abonné d’être toujours repérer dans le réseau de n’importe quelle cellule qu’il
émet ou reçoit une communication, même au passade d’une cellule à une autre pendant celle-ci.
2285
Les fréquences de transmission permettent de faire circuler les flux collectés entre éléments du réseau.
2286
Par souci d’équité, l’ARPTC s’efforce d’accorder le même lot de fréquences aux opérateurs concurrents sur le marché.
Le déploiement des réseaux s’effectue ainsi avec la base des mêmes ressources publiques. La concurrence devient déloyale
lorsque les réseaux qui se déploient effectivement en font usage, tandis que d’autres les conservent sans s’en servir. Les
opérateurs plus actifs sont ainsi confrontés à des restrictions dans leurs réseaux.
2287
A. MBAUNEWA NKIERI, op.cit, p. 98 et s.
2288
These are different types of GSM 900 Mhz. PGSM : Primary GSM (uplink 890-915 MHz et downlink 935-960 MHz);
EGSM : extended GSM (uplink 880-915 MHz et Downlink 925-960 MHz); RGSM : Railways GSM (uplink 876-915 MHz et
downlink 921-960 MHz) [http://edaboard.com/thread555115.html] (consulté le 24 novembre 2016). Traduction : « Il y a
différents types de GSM 900 MHz. PGSM : Pure GSM (lien de transmission 890-915 MHz et lien de réception 935-960
MHz) ; EGSM : GSM étendu (lien de transmission 880-915 MHz et lien de réception 925-960 MHz) ; RGSM : chemin de
fer GSM (lien de transmission 876-915 MHz et lien de réception 921-960 MHz) ».
366

les stratégies du marché et les méthodes de régulation étatique. Le but était d’offrir à chaque
opérateur un accès optimisé aux « ressources radio ». Le régulateur privilégiait la solution de
« bandes de fréquences continues », car la discontinuité antérieure des canaux de fréquences
pénalisait les opérations de radio-planning ainsi que l’extension des réseaux (roll-out).
Plusieurs réseaux étaient obligés d’occuper la même bande de fréquences. Troisièmement,
c’est en 2012 que de coûteuses migrations et redéploiements d’équipements radio ont été
engagés par tous les opérateurs du marché sur décisions prises par l’Autorité de régulation en
consensus avec le marché.
960. Malheureusement, malgré les avantages techniques de l’opération, le ministre des
PTT décida d’annuler tous les avenants aux licences qui lui étaient soumises pour
approbation, à la suite des décisions du régulateur. Tous les opérateurs du marché congolais
durent revenir au statu quo ante, à part l’un d’entre eux, Orange RDC (opérant sous
l’ancienne licence de Congo Chine Télécom). En restant sur les nouvelles bandes de
fréquences acquises sur décision de l’ARPTC2289, Orange empiétait 2Mghz d’anciennes
bandes de fréquences de Oasis (Tigo) sur lesquelles elle devait en principe revenir après
l’arrêté du ministre des PTT annulant la décision de migration.2290 La situation est ainsi
demeurée jusqu’à caducité (présumée2291) suite à la fusion-absorption opérée par Orange
RDC sur Oasis (Tigo). L’acquisition de 100% des parts d’actions d’Oasis par Tigo fut
officialisée en avril 2016, pour une valeur de 140 millions de dollars.2292
2. Le défi de coordination transfrontalière des fréquences radioélectriques au regard de
l’« intra-régulation » des télécoms en RDC
961. La RDC fait face à un grand défi de coordination des fréquences transfrontalières,
avec les neuf pays limitrophes.2293 L’Union internationale des télécommunications (UIT) a
effectué des répartitions globales de ressources essentielles des télécoms au regard du
développement mondial du marché électronique.2294 La mission de l’UIT concourt à définir
une régulation technique mondiale. Son intervention évite des interférences radioélectriques
entre les États, de mauvais routages d’appels téléphoniques entre pays de même que des
confusions des signaux entre types de technologies. La Conférence Mondiale de
Radiocommunications de l’UIT répartit pour chaque État les fréquences en lots, en bandes, en
canaux et en types de technologies.2295
962. Au niveau national, le ministre conçoit, propose et met en œuvre la politique
générale devant guider le développement du secteur tout en représentant l’État auprès de

2289
Décision n°33/ARPTC/CLG/2012 du Collège de l’ARPTC attribuant les fréquences additionnelles dans la bande GSM
900 à la société CCT Sarl, JO RDC, 53è année, 1er décembre 2012, col. 54.
2290
Décision n°028/ARPTC/CLG/2012 du Collège de l’ARPTC attribuant les fréquences additionnelles dans la bande GSM
900 à la société Oasis Sprl, JO RDC, 53e année, 1er décembre 2012, col. 53.
2291
Au regard des modes classiques d’extinction des obligations, les revendications de Oasis (Tigo) tombent caduques par la
confusion de tous ses actifs dans le patrimoine d’un seul et même propriétaire (Orange), y compris les 2 MHz de PGSM de
Oasis anciennement occupées par Orange.
2292
Source : Archives de la Vice-primature, Ministère des PTT et NTIC, Kinshasa, décembre 2004 à février 2016.
2293
Les pays limitrophes de la RDC sont : Ouganda, Rwanda, Burundi, Tanzanie (frontière Est) ; Zambie (frontière Sud-est) ;
Angola (frontière Sud-ouest), RDC (frontière Nord et Nord-ouest) ; Sud-Soudan (frontière Nord-est) ; Congo-Brazza
(frontière Est).
2294
En ce qui concerne la gestion des fréquences radioélectriques, l’Union Internationale des télécommunications (UIT) a
accompagné le processus de dérégulation du marché conduit par l’OMC.
2295
Les Conférences Mondiales de Radiocommunications (CMR) de l’UIT ont lieu tous les trois ou quatre ans. Elles ont pour
tâche d’examiner et, s’il y a lieu, de réviser le « Règlement des radiocommunications », traité international régissant
l’utilisation du spectre des fréquences radioélectriques et des orbites des satellites géostationnaires et non géostationnaires.
Sur base de l’article 19 de la Convention (Genève, 1992), cette conférence se tient sur la base des contributions soumises par
des administrations des États membres concernant les questions réglementaires, techniques, opérationnelles et de procédures
à examiner par le CMR. [www.itu.int/fr/ITU-R/conferences/wrc/Pages/default.aspx] (consulté le 8 juillet 2016).
367

l’UIT. Ce pouvoir de représentation lui accorde la possibilité de signer les licences et


autorisations. Celles-ci consignent les droits d’usage des ressources rares au profit des
opérateurs, pour leur exploitation dans les limites du marché territorial et leur insertion dans le
marché international. Le ministre des PTT assure la coordination transfrontalière des
fréquences radioélectriques et représente l’État vis-à-vis de l’UIT, qui assure la gestion
mondiale des ressources de radiocommunication et de numérotation des télécoms.
963. L’autorité de régulation des fréquences veille au respect des normes de
radiocommunication afin de prévenir les émissions d’ondes radioélectriques en dehors des
frontières nationales. Mais, une coordination entre différents régulateurs nationaux est
nécessaire si trop d’affluence d’émissions des fréquences interviennent en dehors du pays, par
un opérateur de réseau en RDC. Elles causent de nombreux préjudices d’ordre technique,
économique et financier pour les opérateurs de réseaux dans les États voisins. Sur le plan
technique, ces émissions couvrent le marché centrafricain, tout en interférant sur les émissions
de ses réseaux territoriaux. Sur le plan économique, les citoyens de la République
Centrafricaine se procuraient les services téléphoniques des réseaux de la RDC leur faisant
des offres intéressantes. Sur le plan financier, cette concurrence déloyale des opérateurs
congolais affectait les revenus commerciaux des opérateurs centrafricains et par conséquent
les recettes fiscales de la République Centrafricaine.
964. Pour ces motifs, une plainte du Régulateur de la République Centrafricaine Ŕ
adressée le 22 novembre 2004 contre les opérateurs congolais Ŕ est restée dans les annales de
l’Autorité de régulation congolaise et du ministère des PTT. 2296 Se plaignant précisément
contre Celtel RDC (actuelle Airtel)2297 et Vodacom Congo (actuel Vodafone RDC), le
régulateur centrafricain des télécoms sollicitait l’arbitrage de l’ARPTC. La plainte visait la
cessation des actes de concurrence déloyale sur le marché transfrontalier. Les opérateurs
congolais émettaient leurs ondes radioélectriques au-delà des frontières administratives de la
RDC en destinant services des télécoms GSM sur le marché du pays voisin. Les droits de
licence sont limités aux territoires de souveraineté dont relève les autorités nationales qui les
ont accordés aux prestataires techniques. Le fait de desservir un marché extérieur sans en
avoir les droits n’est pas permis. L’instruction du dossier aboutit à une décision du régulateur
ordonnant aux opérateurs fautifs l’application d’une recommandation spécifique de l’UIT. 2298
965. Néanmoins, cette décision prise par le régulateur nous semble relever de la
compétence du ministre des PTT. S’agissant de la coordination des fréquences, la loi-cadre
dispose que « l’application des accords et traités internationaux dans le secteur des
télécommunications » relève des attributions légales du ministre et non de l’Autorité de
régulation. Il en est de même pour « représenter les intérêts du pays auprès des organisations
sous-régionales, régionales et internationales ». En principe, l’ARPTC régule un marché
intérieur territorial, alors que la loi ne le mandate pas à décider sur des affaires d’État à
État.2299 Dans la pratique, la coopération entre régulateurs nationaux se développe dans le

2296
K. NDUKUMA ADJAYI, op.cit, p. 90. La plainte avait été introduite par le Directeur Général de l’Agence de Régulation des
Télécommunications de la République Centrafricaine, Monsieur Jean-Marie Sakila, le 22 novembre 2004 contre accusé de
réception de l’ARPTC sous le n°1032 en date du 23 novembre 204.
2297
La société Celtel a été vendue à Zain (MCT) puis à la société Airtel Congo RDC, actuel exploitant de sa Licence en
RDC.
2298
Recommandation UIT-R SM 1132-2, Principes généraux et méthodes de partage des fréquences entre services de
radiocommunication ou entre stations radio électriques, 1995-2000-2001. En l’occurrence, il s’agit de la Rec. UIT-R SM
1132-2 de radiocommunication. Celle-ci préconise au moins possibilités de cessation des « transborder overspilling »
(interférences transfrontalières), soit par le partage des canaux de fréquences, soit par le changement d’orientation de leurs
antennes, soit par la baisse de la puissance de leurs émetteurs.
2299
Article 6, points f) et g), Loi-cadre sur les télécoms [RDC] (RDC).
368

cadre des associations paritaires internationales. L’indépendance des missions de l’ARPTC lui
permet d’initier des contacts techniques en vue de la coordination des émissions
transfrontalières. Conformément à la Constitution et au droit des traités, le gouvernement
intervient pour la signature des accords internationaux, dépassant les habilitations techniques
de l’ARPTC. Pour cette dernière, la gestion de la numérotation téléphonique reste également
un défi juridique et technique. (B)
B. / LA RÉGULATION TECHNIQUE DES RESSOURCES EN NUMÉROTATION ENTRE LES AUTORITÉS
CONGOLAISES DE RÉGLEMENTATION ET DE RÉGULATION

966. Comme pour les fréquences radioélectriques, le numérotage des télécoms est
également une ressource rare. La numérotation téléphonique ne comporte pas des possibilités
d’utilisation illimitées dans la nature. « Avec l’arrivée des nouveaux opérateurs, l’évolution
des nouvelles technologies, on constate un usage intense des numéros. L’un des défis majeurs
de la régulation est de pouvoir gérer cette ressource rare, afin qu’elle puisse répondre aux
besoins croissants en numéros, surtout pour le mobile ».2300 Le système de marché ouvert à la
concurrence renforce les aspects limités et essentiels du « plan de numérotage ».2301 Aussi, la
numérotation est-elle un enjeu économique certain.
967. En effet, la « ressource en numérotation » est « l'ensemble des potentialités
qu'offrent les numéros dans un plan défini ».2302 L’objet de leur régulation est de garantir « un
accès égal et simple des utilisateurs aux différents réseaux et services de télécommunications
et l’équivalence des formats de numérotation ».2303 Leur partage équitable entre exploitants
des télécoms est indispensable pour l’interopérabilité des réseaux et l’interfonctionnement des
services offerts au public. Dans le jeu concurrentiel du marché, l’accès égal à ces ressources
détermine l’équilibre du marché. Il détermine aussi notamment, la valeur économique des
numéros de téléphones, leur portabilité, l’identifiant d’accès des usagers et des entreprises aux
SSI forment l’enjeu de la téléphonie et de l’Internet (mobile). Même l’Internet fixe à domicile
procède d’un modem branché sur la ligne téléphonique, sur base d’un numéro d’appel. Le
plan de numérotation comprend un identifiant du réseau pour celui qui opère sur le marché
électronique et une adresse d’appel/réception pour l’abonné du réseau hôte. Il est, comme
pour Internet, l’adressage des « noms de domaine » (TLD).2304 Le préfixe téléphonique
constitue les « premiers chiffres d'un numéro qui permettent d'identifier la nature du service,
l'opérateur ou la localisation géographique de destination ».2305
968. Le législateur de 2002 a confié à l’ARPTC la charge d’élaboration du plan national
de numérotation ainsi que sa gestion.2306 La loi-cadre a placé le régulateur au premier plan de
gestion nationale des ressources rares, en lui confiant pour attributions spécifiques non
2300
UIT, Atelier pour la création de nouveau plan de numérotage national en Afrique, Cotonou (Bénin), 30 juin-04 juillet
2003. Le plan de numérotage national comprend : Préfixe international (PI) ou International prefixes (IP) ; l’indicatif de pays
(IP) ou Country Code (CC) ; le numéro significatif (NNS) ou National Significant Code (NSN) ; l’indicatif national de
destination (IND) dit « code zone, code interurbain » ou National Destination Code (NDC) ; le Numéro abonné (NA) ou
Subscriber’s Number (SN), soit pour la France : 00-33-66-101-5544 et pour la RDC : 00-243-81-631-0639.
2301
Ibidem.
2302
Article 1er, Arrêté n°004/CAB/MIN/PTT/2009, préc.
2303
P. HUET, « Allocation et gestion des ressources rares », Actualités juridiques, Droit administratif, n°3, 20 mars 1997.
2304
MUTINGA MUTUISHAYI et alii, op.cit., pp. 39-41. Comme le souligne la commission d’enquête sénatoriale congolaise de
2008, « L’internet n’est pas seulement source d’information et un canal d’échange ; il est aussi et surtout générateur
d’importances ressources financières. […] Alors que [le] contrat [avec l’État congolais] oblige CIM à verser chaque année au
trésor public 25% de son chiffre d’affaires, cette société n’a jamais présenté un bilan positif pour un exercice. Elle n’a rien
versé au compte du Trésor, même à titre forfaitaire. […] Les études prévisionnelles élaborées par l’OCPT à cet effet font état
des estimations de recettes pour la première année de 16.225.200$ pour un investissement total de 3.215.625$ ».
2305
Article 1er, Arrêté n°004/CAB/MIN/PTT/2009, préc.
2306
Article 8, point f), Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
369

seulement de « gérer et contrôler le spectre des fréquences » mais aussi d’« élaborer et gérer
le plan national de numérotation ».2307 Le régulateur « arbitr[e] les différends survenant dans
le domaine des télécommunications, notamment en matière d’utilisation (la notion
d’utilisation est indirectement liée à celle de disponibilité) de fréquences ou indicatifs ».2308
Ces derniers font partie du plan national de numérotation, créé et organisé par deux arrêtés du
ministre des PTT : les arrêtés n°003 et 004/CAB/MIN/PTT/2009 du 26 février 2009 créent le
plan national de numérotation et en déterminent les modalités de gestion. 2309
969. Ainsi, par rapport à l’ARPTC, l’intervention du ministre des PTT s’exerce en
amont en arrêtant les principes de gestion et d’octroi de la numérotation. C’est le ministre qui
organise la répartition des ressources de numérotation entre les réseaux ou entre différents
services de télécoms. La réglementation nationale correspond à un segment du Plan National
de Numérotation Mondial conformément à la recommandation UIT-T E.164. La RDC a
adopté la même définition du « plan national de numérotation » que préconise le réseau de
régulateurs francophones,2310 en ajoutant quelques précisions. Ce plan correspond à « la
ressource nationale constituée par l'ensemble structuré de numéros permettant d'identifier les
points de terminaison fixes ou mobiles des réseaux et services téléphoniques, d'acheminer les
appels et d'accéder à des ressources internes aux réseaux ». L’organisation de ces ressources a
tenu compte des besoins présents et prévisibles. La réservation ou l’attribution à un opérateur
d’un ou de plusieurs numéros ou blocs de numéros est décidée en respectant le plan de
numérotation. Cette attribution doit tenir compte non seulement des besoins prévisibles du
réseau sur un terme de 20 ans au moins, mais aussi de la perspective d’ouverture du marché
afin de disposer de la marge pour de nouveaux entrants.2311
970. Des procédures de contrôle et de sanction des conditions d’attribution sont inscrites
dans l’arrêté n°004/CAB/MIN/PTT/2009 du 26 février 2009.2312 Les autorités congolaises de
réglementation interviennent pour l’allocation des ressources en numérotation aux opérateurs
des télécoms ou à d’autres entités demandant des numéros spéciaux. Les mécanismes de
publication permettent aux autorités de réglementation « la mise à disposition du public […]
des informations relatives à la structure et à l'évolution du plan d'une part et à la situation et
l'utilisation des ressources réservées ou attribuées d'autre part ».2313 Deux cas d’attribution des
ressources en numérotation sont possibles. Premièrement, des blocs de numérotage2314 sont

2307
Article 8-e) et -f), Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2308
C. GUERRIER, « Droit et accords OMC dans le domaine des télécommunications : la problématique africaine », Droit de
l’informatique et des télécoms, revue trimestrielle, 16e année, 1999, pp. 92-96, spéc. p. 95-96
2309
Arrêté n°003 /CAB/MIN/PTT/2009 du 26 février 2009 portant création du Plan National de Numérotation et Arrêté n°
004/CAB/MIN/PTT/2009 du 26 février 2009 portant fixation des modalités de gestion du Plan National de Numérotation, JO RDC,
50e année, n°5, 1er mars 2005, col. 1-10.
2310
UIT, Atelier pour la création de nouveau plan de numérotage national en Afrique, Cotonou (Bénin), 30 juin-04 juillet
2003. Au cours de la sixième réunion annuelle du réseau des régulateurs francophones, l’ARTEL (Burkina-Faso) définissant
« [l]e plan national de numérotation […] comme étant la ressource constituée par l’ensemble structuré des numéros
permettant notamment d’identifier les points de terminaison fixes ou mobiles des réseaux et services téléphoniques ».
2311
Article 4, arrêté n°004/CAB/MIN/PTT/2009, préc. : Le Plan National de Numérotation est établi en conformité avec les
principes suivants: - le respect des normes de l'UIT Ŕ T […]; - la capacité suffisante pour satisfaire les besoins prévisibles à
long terme (20 ans au moins) des différents réseaux et services. […] Les réserves peuvent être, soit préaffectées à des
catégories de services, soit sans affectation […]; - la prise en compte des besoins prévisibles des opérateurs de réseaux et de
services, dans une perspective d'ouverture du marché […]. En outre, le plan national de numérotation prévoit, en concordance
avec la stratégie d'ouverture du marché, la possibilité de mettre en place la fonction de sélection du transporteur; - la
planification des amendements de manière à minimiser l'impact des modifications par rapport au plan précédemment en
vigueur et par rapport aux usagers; - l’harmonisation des numéros nationaux devant avoir le même nombre de chiffres. »
2312
JO RDC, n°5, 50è année, 1er mars 2009, col. 1-10.
2313
Article 1er, arrêté n°004/CAB/MIN/PTT/2009, préc.
2314
L’usage des termes ci-après est indifférent : « plan de numérotage » ou « plan de numérotation », de l’anglais numbering
plan.
370

délivrés au moment de l’octroi des licences ou autorisations d’entrée sur le marché. La


signature du ministre sur le titre vaut attribution, car décidant comme représentant l’État
concédant. Deuxièmement, l’allocation est faite aux utilisateurs suivant un besoin précis
exprimé auprès de l’Autorité de régulation statuant sur décision de son collège. Le régulateur
est souvent saisi pour harmoniser une situation ou pour amender des droits initiaux d’usage de
la numérotation. Elle dispose d’une grande activité se rapportant à la numérotation
téléphonique, comme le démontre le grand nombre de ses décisions, laissant penser à une
routine de la régulation dans le domaine.2315
971. Par ailleurs, des numéros courts ou spéciaux configurés dans le réseau permettent
de canaliser des appels surtaxés, d’organiser des services particuliers en ligne, de servir aux
contrats à distance, de voter par SMS, d’accéder aux plateformes de paris et d’autres jeux en
ligne. L’ARPTC alloue des numéros spéciaux et régule les offres professionnelles, à défaut
d’une autorité nationale de la régulation des jeux en ligne comme l’autorité de régulation des
jeux d’argent en ligne (ARJEL) en France.2316 En RDC, des « numéros courts » peuvent être
attribués aux services publics d'appel d'urgence (pompiers, police, etc.), sachant que tous les
opérateurs sont tenus d'affecter les mêmes numéros à ces services. La création ou la
modification des numéros courts des services d'urgence est décidée par arrêté du ministre des
PTT sur proposition de l'Autorité de régulation (ARPTC). D’autres numéros spéciaux sont
destinés aux services d'assistance aux abonnés offerts par les opérateurs et à des services à
valeur ajoutée.2317
972. En outre, la réglementation congolaise organise la portabilité des numéros. Cette
dernière s’entend de la possibilité offerte aux clients de conserver le même numéro d'appel
même s'ils changent d'opérateur de réseau. En France, l’article 44 du CPCE impose aux
opérateurs de proposer à un tarif raisonnable à leurs abonnés afin de conserver le numéro, fixe
ou mobile, lorsqu’ils changent d’opérateur.2318 En RDC, un arrêté interministériel des PTT et
des finances a défini en 2011 les taxes relatives à l’utilisation des ressources de
numérotation.2319

2315
JO RDC, 1er déc.2011, n°23 : (1) Décision n°045/ARPTC/CLG/2011 du 14 juin 2011 portant attribution des ressources
en numérotation à la société OASIS, col. 33. (2) Décision n°046/ARPTC/CLG/2011 du 14 juin 2011 portant attribution des
ressources en numérotation à la société CELTEL Congo, col. 33. (3) Décision n°042/ARPTC/CLG/2011 du 20 mai 2011
portant attribution des ressources en numérotation à la société CELTEL Congo (RDC), col. 33. (4) Décision
n°060/ARPTC/CLG/2011 du 2 septembre 2011 portant attribution des ressources en numérotation à la société Congo Chine
Télécom, col. 51. (5) Décision n°060/ARPTC/CLG/2011 du 2 sept. 2011 portant attribution d’un numéro court de service à
valeur ajoutée à la société OASIS Sprl, col. 49. (6) Décision n°068/ARPTC/CLG/2011 du 05 oct. 2011 portant attribution des
ressources en numérotation à la société Vodacom Congo, col. 63. (7) Décision n°034/ARPTC/CLG/2011 du 20 avril 2011
portant autorisation de concessions de gestion de country code (243) à la société V-SAT Telecom, col. 20. (8) Décision
n°027/ARPTC/CLG/2011 du 24 mars 2011 portant attribution des numéros des Codes de réseau et de signalisation à la
société YOZMA Timeturns, col. 11. etc. [www.journalofficiel.cd/jordc/resthesau.php?id_terme_initial=3204&lettre=P]
(consulté le 1er juillet 2016).
2316
En RDC, les jeux de paris et de pronostic sont sous régime d’interdiction. Mais avec les habitudes du marché, le
gouvernement autorise les jeux d’argent (en ligne) moyennant « taxe d’autorisation » et « taxe ad valorem sur les gains des
parieurs ». L’activité est encadrée, même lorsqu’elle se déroule en ligne, par le ministre des sports et loisirs. Cf. Arrêté du 19
janvier 1901 du gouverneur général (de la colonie belge Congo) sur les jeux de hasard, Recueil usuel de la législation, IV, p.
4. Décret sur les loteries du 17 août 1927, Bulletin officiel, Congo-Belge, 1927, p. 1487. Ordonnance-loi n°11-141 sur
l’interdiction des concours de pronostics sportifs ou autres, Bulletin administratif, 1951, p. 1154.
2317
Article 1er, arrêté n°004/CAB/MIN/PTT/2009, préc.
2318
En France, l’article D406-18 du CPCE, modifié par Décret n°2012-488 du 13 avril 2012 - art. 19 détaille les modalités
de la portabilité des numéros. Cf. pour détails L’Institut National de Consommation (INC) détaille celle de téléphone fixe. La
portabilité de votre numéro de téléphone fixe en 10 points
[http://www.conso.net/content/la-portabilite-de-votre-numero-de-telephone-fixe-en-10-points]
2319
Arrêté interministériel n°001/CAB/VPM/MIN/PTT/2011 et n°045/CAB/MIN/FINANCES/2011 modifiant et complétant
l’Arrêté interministériel n°005/CAB/MIN/PTT/2009 et n°071/CAB/MIN/FINANCES/2009 du 26 février 2009 portant
fixation de taux de la taxe de numérotation à percevoir à l’initiative de l’ARPTC pour l’utilisation des ressources en
371

973. Vu le développement rapide des télécoms,2320 il a fallu tenir compte du passé récent
au cours duquel il y avait une disparité de la taille de « digits » ou des numéros téléphoniques
entre les opérateurs d’un même pays. Un seul opérateur (Vodacom) avait montré une
planification ambitieuse : dès son entrée sur le marché en 2002, il avait retenu une
configuration de numéro téléphonique à dix chiffres ou digits pour son plan de numérotage.
Ses prédécesseurs sur le marché en l’an 2000, Celtel (actuel Airtel), Oasis (Tigo RDC, racheté
par Orange en avril 2016) et Congo Chine Télécom (racheté par Orange en 2012), avaient
adopté une numérotation à huit digits. Leurs bases des registres des réseaux étaient très vite
arrivées à saturation.
974. Entre 2005 et 2007, face à la croissance du marché, des « migrations techniques »
ont dû être opérées en urgence pour une standardisation du numérotage téléphonique sur
différents réseaux de la RDC. afin de ne pas freiner la croissance de leurs réseaux en
nouveaux abonnés. Ces migrations faites à la hâte obligeaient les autres opérateurs
interconnectés à réadapter également leurs systèmes, en vue d’éviter des congestions d’appels
de leurs propres clients, d’un réseau à l’autre. La bonne configuration du plan de numérotage
évite des saturations des lignes ainsi que des pertes dans le chiffre d’affaires.
975. Par exemple, l’achat de Congo Chine Telecom par Orange en 2012 avait conduit
encore à un changement de numérotation de ce réseau. Mais la fusion-absorption de la société
Oasis (Tigo) par Orange le 21 avril 2016 a cependant entrainé la conservation de deux plans
de numérotations téléphoniques sur un même réseau. À son rachat par Orange, Oasis (Tigo)
comptait à son actif six millions d’abonnés en 2016 : depuis son entrée sur le marché
congolais en 2000, leurs numéros d’appel sont devenus des éléments d’identité pour les
abonnés. Orange ne peut donc entreprendre de les changer sans prendre le risque d’entrainer
des pertes référentielles d’identité pour ses clients et des manques-à-gagner pour lui-même,
dans l’hypothèse d’une transition radicale.
976. Au niveau national, la régulation technique présente quelques faiblesses de
planification de gestion et de transparence des assignations des ressources réalisées par les
autorités étatiques sectorielles. Le marché exprime des besoins croissants en ressources de
numérotation et de fréquences radioélectriques au regard de la croissance et de l’innovation. Il
n’en demeure pas moins que les marchés transfrontaliers utilisent les mêmes fonctionnalités
techniques de leurs réseaux, au point que des risques d’interférence ou de concurrence
déloyale entre opérateurs transfrontaliers sont à gérer.
977. En conclusion, Notre étude identifie les nouveaux défis du droit congolais des
télécoms en les rapprochant du niveau de maturation des solutions juridiques européennes et
françaises. Plusieurs enjeux découlent des transformations du secteur monopolistique en
marché. Mais aussi, des défis législatifs concernent plusieurs aspects du système dérégulé du
marché des télécoms. Fondamentalement, le défi législatif congolais est d’organiser la
régulation conjointe entre l’ARPTC et le ministère des PTT, autour de deux enjeux
primordiaux : gérer les ressources du domaine public des télécoms et développer le marché
qui en opère l’exploitation. Néanmoins, les secteurs régulés s’entrecroisent à cause des
services numériques en réseau, en accentuant les limites du modèle législatif initial. La

numérotation, JO RDC, 52è année, n°4, 15 fév.2011, col. 6 [www.legalnet.cd/Legislation/JO/2011/JO%2015%2002%202011.Sommaire.pdf]


(consulté le 15 juin 2016).
2320
Gouvernement de la RDC, Programme économique du gouvernement, (PEG) 2010, Kinshasa. Le PEG indique une
croissance de 50% de croissance du nombre d’abonnés sur cinq ans entre 2005 et 2010 et un taux de croissance annualisé du
secteur des télécoms calculé à 25% en fin 2010.
372

régulation sectorielle semble de plus en plus inadaptée face aux nouveaux enjeux de
l’Internet.
978. Précisément, la régulation technique est le rayon d’action conjointe des autorités de
réglementation nationales, en ce qui concerne la numérotation et la gestion des fréquences
radioélectriques. Les différents développements illustrent les défis de l’intra-régulation dans
la gestion partagée des ressources essentielles des télécoms. L’intervention de deux autorités
étatiques peut s’avérer source de difficulté en cas d’incoordination. Ces défis classiques et
plus anciens des télécoms s’associent à de nouveaux défis juridiques inhérents à l’accession
de la RDC à l’économie numérique.
979. Dans le monde entier, l’économie des marchés a concerné au premier chef les
services publics des télécoms avant de résulter à l’économie numérique. Pour le droit
congolais, les acquis juridiques en la matière sont encore au niveau du réaménagement du
monopole public (l’État par rapport au marché), mais aussi la séparation des fonctions de
réglementation, de régulation et d’exploitation (l’État par rapport à lui-même). Dans le secteur
des télécoms, l’instauration de la régulation a été une transformation marquante opérée par la
loi-cadre sur les télécoms, telle que complétée par la loi n°014/2002 sur l’ARPTC. Analyser
la ratio legis de ces lois vise à appréhender les aspects des changements de même que leurs
valeurs en droit positif congolais.2321 L’approche de droit comparé permet d’évaluer la
pertinence des réformes congolaises, à la lumière des expériences européennes et
françaises2322 ainsi que des standards de l’OMC. 2323
980. Même si les autorités congolaises de régulation font preuve de beaucoup de
pragmatisme juridique, il est plus que nécessaire pour le législateur de construire un véritable
corpus juris, au diapason du droit comparé de l’économie numérique européenne et française.
(Titre 2)

2321
L’orientation n’est pas axée sur une étude économique du marché dérégulé. Le choix d’analyse ne détaille pas les effets
bénéfiques des réformes effectuées, notamment : augmentation du parc téléphonique, amélioration de la qualité des services,
participation du secteur à la croissance du PIB et des conditions de vie, numérisation de l’administration, avantages des
services alternatifs (convergence ), disponibilité de l’offre des services de base, commerce électronique, diversité de l’offre
des services à valeur ajoutée et des services de base, etc. L’orientation n’est pas axée sur une étude économique du marché
dérégulé.
2322
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 1, de la présente thèse. En France, la dissociation des services postaux de ceux des télécoms
est réalisée. Des entités différentes ont été instituées avec un statut d’indépendance clairement affirmé pour la régulation, face
à l’administration et au marché. L’approfondissement de la démonopolisation a été axé sur la privatisation de l’exploitant
public (France télécom) par association des capitaux publics et privés, nationaux et internationaux. Comparativement, il
convient d’analyser, en droit congolais, l’état d’« implémentation » de ce modèle depuis son adoption en 2002.
2323
Cf. supra : Partie 1, Titre 2, Chapitre 2, de la présente thèse.
373

TITRE II -
LA REFONDATION DU DROIT CONGOLAIS
À L’ÈRE DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

981. Pour la RDC, trois types d’enjeux de la société numérique peuvent servir de finalité
à la transformation du cadre juridique de la RDC. En premier lieu, l’État est censé légiférer
les phénomènes sociaux émergents et réguler ceux de la révolution numérique. En deuxième
lieu, il est question d’établir dans la société congolaise la sécurité juridique et la confiance en
l’économie numérique. En troisième lieu, avec la globalisation des économies, l’Internet
repousse les frontières entre les marchés, les citoyens et les nations du monde. « La vision du
gouvernement dans ce secteur est de faire entrer la R.D.Congo de plein pied dans l’économie
numérique. […] Cette vision devra se traduire par l’amélioration de la gouvernance de ce
secteur ».2324 Quoiqu’il en soit le « phénomène Internet » et son économie informationnelle
débordent de l’actuel cadre légal en RDC. Les enjeux de l’économie numérique motivent de
rattraper le retard législatif. Pour la mise à jour du droit congolais, des références au droit
comparé sont nécessaires. Les droits européens et français sont le fruit des expériences avant-
gardistes qui inspirent l’étape présente des réformes des lois sectorielles promulguées en
2002.
982. Depuis avril 2017, le parlement congolais est engagé dans des travaux de lege
ferenda pour le renouveau du droit des télécoms. Cette initiative législative entend combler
les carences, corriger les erreurs anecdotiques et surtout étendre la vision sectorielle de
l’actuelle législation des télécoms. Après près de 5 ans d’études à compter de l’an 2012, le
gouvernement congolais a déposé au parlement en avril 2017 trois textes de refondation du
droit dans la société de l’information. En conformité à la politique nationale, le premier projet
de loi est général en englobant les aspects juridiques des télécoms et des TIC, sans toutefois
adopter la terminologie française et européenne de « communications électroniques ». Le
deuxième projet de loi se rapporte au commerce électronique, qui est dépourvu de régime
spécifique en droit positif congolais. Le troisième projet de loi réajuste la régulation
sectorielle des PTT, afin la réaligner par rapport enjeux de l’Internet et de la convergence
numérique.
983. Pour la RDC à l’économie numérique est à la fois la source matérielle, l’objet et
l’objectif de renouveau du droit des télécoms. Les transformations du marché national sont un
aperçu indispensable pour comprendre l’accession du pays dans la société de l’information.
Le contexte juridique congolais est marqué par la révolution numérique. Les anciens défis
législatifs des télécoms éclairent les besoins d’une nouvelle législation devant encadrer les
aspects anomiques d’économie numérique. Notamment, les données personnelles ne disposent
en RDC d’aucune réglementation, ni de système de protection, alors que le pays enregistre au
2ème trimestre 2017 : 31.298.358 abonnements téléphoniques, 11.731.606 souscriptions à
l’Internet mobile et 7.485.510 utilisateurs des e-paiements et des transferts de monnaie
électronique.2325 En effet, la seule référence de la législation congolaise est une phrase
générique dans la définition terminologique sur les « exigences essentielles des télécoms ».2326
En effet, la disposition de la loi-cadre de 2002 présente une simple forme de déclaration

2324
AGENCE NATIONALE POUR LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS, « Nouvelles technologies de l’information et de la
communication », Cahier sectoriel, ANAPI, Kinshasa, mai 2017, p. 29.
2325
AUTORITÉ DE RÉGULATION DE LA POSTE ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, observatoire du marché de la téléphonique
mobile, rapport du 2e trimestre 2017, Direction Économie et Prospective, Kinshasa, p. 4.
2326
Article 13-4, in fine, loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
374

potestative: « La protection des données peut comprendre la protection des données


personnelles, la confidentialité des informations transmises ou stockées ainsi que la protection
de la vie privée ».2327 Les enjeux initiaux de l’informatique mettaient aux prises le citoyen
face au traitement automatisé, effectué par l’administration sur ses données à caractère
personnel.2328 Avec la révolution numérique, les pratiques de captation et marchandisation des
données ne concernent plus que les fichiers identitaires, mais le profilage psychique et
comportemental de la personne physique à travers des techniques des plus sophistiquées de
l’informatique en réseau ou des objets connectés. Les pratiques du « big data » (métadonnées)
ou encore celles de leur transfert international ont tracé de nouvelles trajectoires de
transformation du droit de la protection des données personnelles. Sur le sujet, le système
français de protection français reste une référence depuis 1978 avec la Loi informatique et
liberté.2329 Les illustrations en sont données en Europe avec le dernier « règlement général sur
la protection des données »2330 et en France avec la récente « loi pour la République
numérique ».2331 Au vu des expériences européennes et françaises, le dispositif juridique de
protection des données personnelles se structure autour : 1° du droit à consentir ou à
s’opposer à leur collecte ; 2° du droit de consulter ; 3° du droit de rectifier ; 4° du droit à
l’oubli numérique, voire à la mort numérique, au nom du droit à l’autodétermination
informationnelle.2332 Mais, face à tous ces défis sous-jacents de l’économie numérique, le
droit congolais est déficient, suite à l’inexistence de réglementation.
984. De même, la lutte contre la cybercriminalité ne dispose pas d’un dispositif pénal
approprié en RDC, en posant un réel défi de cybersécurité nationale. Sur ce registre, le
Conseil de l’Europe a adopté la « Convention sur la cybercriminalité » depuis le 23 novembre
2001.2333 Pour le monde entier, cette convention dite de Budapest, lieu de son adoption, reste
un traité ouvert et fait référence au regard de son niveau de protection. 2334 En entrant en
vigueur en juillet 2004, la Convention reste à ce jour le « seul traité international contraignant.
[Elle] sert de ligne directrice à tout État souhaitant développer une législation nationale
complète contre la cybercriminalité. [Elle] propose un cadre pour l’élaboration d’une
législation et la mise en place d’une coopération internationale contre la cybercriminalité ».2335
Mais, à l’« ère-post Snowden », le monde se trouve en rupture d’équilibres stratégiques
obligeant chaque Nation à construire sa cybersécurité.2336 Une coopération accrue aux plans

2327
Ibidem.
2328
M-L. LAFFAIRE, Protection des données à caractère personnel, tout sur la nouvelle loi « informatique et libertés », éd.
d’organisation, coll. « Guide pratique », Paris, 2005, pp. 35 et s.
2329
Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, JO RF, 7 janvier 1978 (modifiée en
2004).
2330
Règlement (UE) 2016/679 du parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes
physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la
directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), JOUE, L 110, 4 juillet 2016, pp 1-88.
2331
Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique [« loi Axelle lemaire »], JORF, 8 octobre 2016.
2332
Cf. notamment : CONSEIL D’ÉTAT, La France dans la transformation numérique : quelle protection des droits
fondamentaux ?, La documentation française, n° 16, coll. droits et débats, colloque organisé le 6 février 2015, Paris, 2016,
pp. 4-203.
2333
CONSEIL DE L’EUROPE, Convention sur la cybercriminalité, Budapest, 23 novembre 2001, STE n°185, pp. 1-30.
2334
En dehors des États européens, la Convention de Budapest a été signée par les États-Unis, le Japon, le Canada, l’Australie
et l’Afrique du Sud qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe. La convention est théoriquement ouverte à tous les pays
qui en feraient la demande.
2335
M. QUÉMÉNER, Cybercriminalité & Gouv. ouverts, 1res journées académiques/Academic days 2016, IMODEV/ Université
Panthéon-Sorbonne, texte d’exposé, 5 décembre 2016, pp. 1-30, spéc. p. 23.
2336
N. ARPAGIAN, La cybersécurité, op.cit, p. 3. « Ainsi débute l’"Affaire Snowden", du nom d’Edward Snowden, qui
travaillait comme informaticien […] sous-traitant de la NSA. C’est lui qui a fourni aux journalistes la masse de documents
originaux permettant d’étayer leurs accusations d’espionnage généralisé, avec la participation des entreprises de pointe de la
Silicon Valley. Le sujet est devenu plus critique […] lorsque l’hebdomadaire allemand affirme le 23 octobre 2013, que le
téléphone mobile personnel de la chancelière allemande Angela Merkel est écouté en direct par les grandes oreilles
375

national et international pour une stratégie globale de « cybersécurité ». Au niveau


international depuis 2013, le « Centre européen de lutte contre la cybercriminalité » (EC3, en
acronyme) travaille dans les principaux objectifs de « rendre la navigation sur Internet plus
sûr et de protéger les citoyens, les entreprises et les différentes infrastructures des
organisations criminelles actives sur la toile ».2337 Au niveau africain, la lutte contre la
cybercriminalité commence connait un tournant majeur sur le plan juridique. La conférence
de l’Union africaine a adopté à Malabo la Convention africaine sur la cybersécurité et la
protection des données à caractère personnel.2338 Pour son entrée en vigueur, celle-ci attend
encore sa ratification par la RDC et les autres États membres. 2339 Au niveau national,
l’architecture du droit pénal congolais est défaillante face au phénomène des cybercrimes. Les
débuts de réponses spécifiques sont inscrits dans le projet de loi sur les télécoms et les
TIC,2340 en cours d’examen au parlement congolais. Son titre IV articule la politique pénale
autour de trois axes, à savoir : la politique nationale de cybersécurité2341, la répression de la
cybercriminalité2342, la coopération et l’entraide judiciaire internationales.2343
985. À la lumière des « contingences » de l’économie numérique, le renouveau du droit
s’impose comme nécessaire sur ses aspects pertinents.2344 Le projet de loi sur les télécoms et
les TIC en RDC s’inscrit dans une prospective proche pour le système de protection des
données personnelles, le respect de la vie privée en réseau et la cybersécurité. Les expériences
européennes et françaises sont riches et avant-gardistes sur le sujet, afin d’inspirer la
prospective de transformation du droit congolais. (Chapitre 1)
986. En outre, le renouveau du droit concerne les défis spécifiques se rapportant à la
régulation des communications électroniques et à l’encadrement juridique du commerce
électronique. Dans sa politique législative, le gouvernement congolais entend contrôler les
aspects nationaux de l’Internet. Le projet de loi entend restructurer l’Autorité de régulation
des télécoms (ARPTC) pour lui conférer les prérogatives d’une agence nationale de
promotion des TIC et de protection des données personnelles.2345 La réforme de la régulation
des télécoms ne serait-elle pas également l’occasion de porter un regard critique sur le statut
administratif « hybride » et inachevé de l’ARPTC, qui n’est pas encore comme en France une
AAI ? Son « rattachement tutélaire » au Président de la République reste une problématique
récurrente depuis qu’en 2006 la nouvelle Constitution de la RDC a modifié les pouvoirs de ce
dernier. Le dernier volet de la réforme législative projette la construction d’un « droit spécial

étatsuniennes. En juin 2015, le site Wikileaks révélera que c’est aussi le cas de trois présidents français : Jacques Chirac,
Nicols Sarkozy et François Hollande ».
2337
M. QUÉMÉNER, Cybercriminalité & Gouv. ouverts, op.cit, pp. 22 et s.
2338
La Convention africaine sur la cybersécurité a été adoptée à Malabo le 27 juin 2014 au cours de la 23ème session ordinaire
de la conférence de l’Union africaine à Malabo.
2339
C. AHOUTY, « Le cadre juridique de prévention et de lutte contre la cybercriminalité en Afrique », Conférence
internationale sur le renforcement de la cybersécurité et de la cyberdéfense, OIF, Grand Bassam (Côte d’Ivoire), 8-10 février
2016. Le Sénégal, par exemple, s’est inscrit dans le processus de ratification de la Convention de Budapest sur la
cybercriminalité en priorité par rapport à la Convention africaine sur la cybersécurité.
2340
Articles 197 à 355, projet de loi sur les télécoms et les TIC.
2341
Cf. « Chapitre I : de la cybercriminalité » : articles 187 à 258, projet de loi sur les télécoms et les TIC.
2342
Cf. « Chapitre II : de la cybercriminalité et sa répression » : article 259 à 354, projet de loi sur les télécoms et les TIC.
2343
Cf. « Chapitre III : de la coopération et de l’entraide judiciaires internationales » : article 355, projet de loi sur les
télécoms et les TIC.
2344
A. GONOR, Le temps, éd. GF, coll. Corpus, Paris, 2001, p. 217. Nous connotons volontiers les sens logique de
l’expression « contingence incontournable », pour justifier le rapport causal entre l’avènement de l’économie numérique et la
réforme du droit des télécoms en RDC. Au sens premier de la philosophie : « La contingence est le caractère de ce dont
l’existence n’est pas nécessaire, mais simplement possible. Lorsqu’une chose contingente est devenue réelle, on peut dire
qu’elle aurait pu aussi bien ne pas arriver. Est ainsi contingence ce dont l’existence est simplement possible ».
2345
Cf. Projet de loi sur télécoms et les TIC en RDC, en cours d’examen à l’assemblée nationale depuis avril 2017.
376

des échanges et du commerce électroniques », en s’appuyant sur les travaux de la CNUDCI,


de l’OCDE et les paradigmes européens et français. (Chapitre 2)
377

CHAPITRE 1 :
LE RENOUVEAU DU DROIT CONGOLAIS
FACE AUX DÉFIS DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

987. Une des plus grandes caractéristiques de l’environnement des télécoms est son
dynamisme. Sur le marché des télécoms, l’innovation permanente est le moteur du progrès
technologique. En associant la technique numérique à l’économie de marché, la société et
l’économie elle-même se trouvent transformées.2346 Là où les services publics devaient faire
preuve de mutabilité pour répondre aux nouveaux besoins sans cesse croissants,2347 le marché
présente un large éventail des services de la société de l’information. L’Internet, en tant que
dernier né du progrès technologique, fonde l’économie numérique. Les réseaux de télécoms
constituent les autoroutes d’information, en soulevant de nouveaux défis juridiques.2348
988. Étant désormais insérée dans la mondialisation, l’économie numérique congolaise
oblige de repenser profondément les « lois dérégulatrices » des télécoms de 2002. La
convergence numérique suscite de nouvelles tendances de droit comparé vers une fusion des
objets techniques de plusieurs régulations sectorielles, du fait de l’utilisation transversale des
télécoms dans plusieurs autres domaines d’activités économiques, sociales ou
administratives.2349 La loi n°014/2002 enjoignait l’ARPTC de « s’assurer que les citoyens
bénéficient des services fournis à l’aide de nouvelles technologies de l’information et de la
communication ».2350 Mais, c’est dix ans plus tard en 2012 qu’une ordonnance
présidentielle2351 a confié pour la première fois au ministre des PTT les attributions relatives
aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).2352 Au cours de
la même année, la RDC se connectait à un réseau international à fibre optique, pour la
première fois de son histoire.2353 Par voie de conséquence, la régulation des télécoms a aussi
réaligné son objet technique et son action sur les dites technologies (TIC), en initiant la
révision des limites classiques et sectorielles axées sur les Postes, Téléphones et Télécoms
(PTT). Au demeurant, en Europe et en France, les changements de sémantique juridique
traduisent la prise en compte les mutations technologiques, juridiques et économiques des

2346
L. GILLE, Les dilemmes de l’économie numérique… op.cit., pp. 8 et s.
2347
Cf. pour les « lois de Rolland » dans la notion des services publics : G. JÈZE, Les principes généraux du droit
administratif, La notion de service public, les individus au service public, le statut des agents publics, Dalloz, 3e éd., Paris,
2004. J. CHEVALLIER, Le service public, 10e éd., PUF, coll. « Que sais-je ? », n°2359, Paris, 2015 (1987).
2348
O. ITEANU, Quand le digital défie l’État de droit, op.cit., pp. 10-11. « Les entreprises, les organisations humaines se
numérisent. […] Elles jouissent aussi d’outils logiciels d’aide à la décision de plus en plus performants. Enfin, le numérique
se met à la disposition de la communication humaine et interpersonnelle […] Cette transformation entraine également un
bouleversement des modèles économiques existants ».
2349
M.-A. FRISON-ROCHE (sous la dir.), Internet, espace d’interrégulation, op.cit, p. 3 et s.
2350
Article 3, r), loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc.
2351
Ordonnance n°12/008 du 11 juin 2012 fixant les attributions des ministères, JO RDC, 53e année, n° spécial, 14 juin 2012,
p. 22-51. Cette ordonnance remonte au 1er gouvernement de la 2e législature de la IIIe République. Elle est la première à
innover avec cette dénomination, car la précédente ordonnance était restée dans l’approche des PTT : ordonnance n°08/74 du
24 décembre 2008 fixant les attributions des ministères [inédit].
2352
Cf. pour texte en vigueur : Ordonnance n°17/025 du 10 juillet 2017 fixant les attributions des ministères, JO RDC, n°
spécial, 58e année, Kinshasa, 19 juillet 2017, pp. 24-59 (spéc. article 1er, A-17).
2353
AGENCE NATIONALE POUR LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS, « Nouvelles technologies de l’information et de la
communication », Cahier sectoriel, ANAPI, Kinshasa, mai 2017, p. 20. « Depuis 2012, la RDC est connectée à la fibre
optique internationale WACS (West Africa Cable System), depuis la ville de Moanda, sur le littoral de l’océan Atlantique ».
378

réseaux analogiques vers le tout numérique.2354 En France, la dénomination de l’ART à sa


création en 1996 est changée en ARCEP depuis 2005.2355
989. Si les réseaux de télécoms restent la base des communications numériques, les
nouveaux défis de l’Internet appellent à repenser la régulation, la réglementation et la
législation. Cependant, la RDC n’a pas encore adopté de nouvelles lois d’économie
numérique répondant aux enjeux de la convergence des marchés, des industries, des médias et
des réglementations, que suscitent les technologies numériques.2356 En ce sens, la réforme du
droit congolais se démarque des expériences de droit comparé : l’Europe et la France
effectuent des réajustements graduels de leurs dispositifs législatifs ainsi que des institutions
juridiques en fonction des évolutions d’enjeux des télécoms et de l’Internet. Sans avoir pu
révolutionner les lois congolaises des télécoms de 2002, les autorités sectorielles agissent avec
pragmatisme juridique face aux nouveaux défis de régulation et de réglementation de
l’Internet.
990. La technique numérique est transversale : elle met les régulateurs sectoriels des
télécoms aux prises avec d’autres secteurs régulés. Toujours est-il qu’en RDC, l’« intra-
régulation » continue à poser un défi de coordination entre les autorités de réglementation
nationales pour la régulation des aspects économiques et techniques du secteur des
télécoms.2357 Dans l’économie numérique, l’objet technique des lois et de la régulation ne
consiste plus simplement à organiser le droit de l’accès au marché et aux ressources des
télécoms. Dorénavant dérégulation est enserrée dans des enjeux supplémentaires à la
libéralisation post-monopolistique. L’économie numérique et le commerce électronique
appellent une interrégulation. Cette dernière est entendue comme un rapprochement possible
de l’objet technique des organes de régulation, de leur fonctionnement ou des réglementations
de plusieurs secteurs d’activités.2358 Les transformations du marché numérique motivent un
renouveau pour le droit positif. Au regard des sources matérielles du droit congolais, quels
sont les faits juridiques et les facteurs de législation à appréhender de la transition numérique
du marché des télécoms et de l’économie ? Comment l’État congolais a relevé les défis
juridiques immédiats de l’accession du pays à l’ère numérique, sans avoir révisé son cadre
réglementaire de 2002 ? (Section 1)
991. En attendant de légiférer l’économie numérique, les règlements d’administration
ont néanmoins étendu le domaine de la régulation des télécoms à un ensemble plus large de
services numériques. Il s’agit d’une nouvelle trajectoire du droit positif et de la régulation
étatique face aux services de la société de l’information. La transition numérique en cours a
commandé une approche plus globale des missions relatives aux instances sectorielles. Il
apparaît que les « lois dérégulatrices » des télécoms de 2002 demeurent incomplètes,
obsolètes et laconiques face aux transformations numériques de l’économie, du marché et de

2354
J. CATTAN, op.cit., p. 18 et s. Il a déjà été dit que, pour répondre au besoin d’alignement de la sémantique juridique face à
l’évolution technologique, le terme « communications électroniques » avait remplacé celui des « télécoms » dans toutes les
acceptions et références officielles européennes sauf en rapport à l’UIT.
2355
Cf. [http://www.zdnet.fr/actualites/l-art-devient-officellement-l-arcep-39227791.htm] (consulté le 8 octobre 2016)
L’ART, autorité de régulation des télécoms, est devenue ARCEP, autorité de régulation des communications électroniques.
Le changement est effectif depuis le 21 mai 2005, date de la promulgation au Journal officiel français de la loi relative à la
régulation des activités postales. Ce texte donne de nouvelles prérogatives à l’Arcep : en plus de la régulation des télécoms,
l’organisme devra gérer celle du secteur des postes, appelé à s’ouvrir à la concurrence d’ici à 2009.
2356
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 2, Section 2, §2 et Partie 2, Titre I, Chapitre 1 de la présente thèse.
2357
Cf. Partie 1, Titre I, Chapitre 2, Section 2 de la présente thèse. O. MANIKUNDA MUSATA, La dynamique de la régulation
des télécommunications en République Démocratique du Congo : de la synergie intra-sectorielle à l’interrégulation,
ENST/Paris/ARTEL/ARCEP/FRATEL/ESMT/Word Bank Institute, BADGE régulation des télécoms promo 2005, mars 2006, pp. 1-
118
2358
M.-A. FRISON-ROCHE (sous la dir.), Internet, espace d’interrégulation, op.cit, pp. 3 et s.
379

la société. Vieux de quinze ans, le cadre légal a été conçu pour l’accès au marché des
télécoms, spécialement la téléphonie. Le champ de la loi-cadre de 2002 est aujourd’hui trop
étroit pour appréhender les enjeux de l’économie numérique, particulièrement les défis de
protection des données personnelles et de lutte contre la cybercriminalité. Le projet de loi sur
les télécoms et les TIC entend légiférer ces deux derniers aspects. Toutefois, l’absence
d’expérience juridique antérieure conduit à se référer aux solutions du droit comparé européen
et français. (Section 2)
SECTION I -
LES NOUVEAUX DÉFIS JURIDIQUES DE L’ACCÈS AU MARCHÉ CONGOLAIS :
DES TÉLÉCOMS À L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

992. Au cours des années 1980-2000, la dérégulation des télécoms a fondé les bases des
réformes législatives pour la transformation des services publics des télécoms. Depuis les
accords de l’OMC (1994-1997), les premiers acquis du marché des télécoms ont permis
l’avènement de la société de l’information, avec la popularisation de l’Internet mobile entre
2006 et maintenant. En quinze années depuis les lois de 2002, « le taux de pénétration aux
services des réseaux mobiles à faible et haut débit (voix, Internet, money [monnaie
électronique], etc.) est croissant ».2359 Sur le plan juridique et institutionnel, l’intervention
publique sur le marché a conduit à des réadaptations de l’action de la régulation et de
nouvelles modalités réglementaires. L’objet de réglementation ex ante s’est élargi aux défis
des technologies de l’information et de la communication. Le marché congolais des télécoms
a évolué en une véritable économie numérique. Les défis d’adaptation des règles juridiques
trouvent des réponses pratiques dans les « interstices de la loi »2360 en attendant les
ajustements de lege ferenda actuellement en cours au Parlement depuis avril 2017.
993. Les expériences européennes et françaises ont appréhendé progressivement les
enjeux juridiques de l’économie numérique. Les politiques successives se sont appuyées sur
l’instrument du droit.2361 Cependant en RDC, les faits précèdent le droit. Le phénomène
Internet a pris le dessus sur les lois de dérégulation et de téléphonie. En effet, « la mise en
œuvre des TI [technologie de l’information] contribue aux objectifs de développement des
professionnels en permettant le lancement de produits et services numériques et l’amélioration
des […] existants par l’intégration des sous-ensembles numériques ».2362 L’Internet apporte
aux télécoms de base une dimension multisectorielle, dépassant la législation sectorielle
congolaise.
994. Au niveau réglementaire, l’ordonnance ayant ajouté au ministère des PTT
l’acronyme NTIC, pour faire PTNTIC, traduit bien la prise en compte depuis 20122363 de
nouveaux enjeux des techniques numériques.2364 Effectivement, « L’Internet a brouillé, voire

2359
AGENCE NATIONALE POUR LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS, « Nouvelles technologies de l’information et de la
communication », Cahier sectoriel, ANAPI, Kinshasa, mai 2017, , pp. 24 et 25. « Le taux de pénétration [de l’Internet mobile
via le réseau téléphonique cellulaire] en fin 2016 est à 13% et encore très faible par rapport aux données de l’UIT (Union
internationale des télécommunications) où en moyenne, il est de 90% pour les pays développés, de 40% pour les pays en
développement et de 29% pour l’Afrique, dont la RDC fait partie. »
2360
C. ROQUES-BONNET, op.cit, p. 10 et s. Le terme a été emprunté de l’auteur.
2361
Cf. Partie 1, Titre 1 et Titre 2, Chapitre 1 de la présente thèse.
2362
H. KLOETZER, Introduction à l’économie numérique, éd. Hermès/Lavoisier, coll. Management et informatique, Paris,
2012, p. 23.
2363
Ordonnance n°12/008 du 11 juin 2012 fixant les attributions des ministères, JO RDC, 53e année, n° spécial, 14 juin 2012,
pp. 22-51. [inédit].
2364
Article 1er, A-17, ordonnance n°17/025 du 10 juillet 2017 fixant les attributions des ministères, JO RDC, n° spécial, 58 e
année, Kinshasa, 19 juillet 2017, pp. 24-59 : « Ministère des Postes, Télécommunications et Nouvelles Technologie de
l’Information et de la Communication […] Élaboration et mise en œuvre des études techniques, économiques et de
planification des actions de développement dans le domaine […] pour améliorer le taux d’accessibilité auxdits services ».
380

effacé, les frontières entre communication personnelle et diffusion de masse, a créé de


nombreux intermédiaires en raccourcissant en même temps les chaines de valeur et en
supprimant d’anciens intermédiaires, etc. Ces mutations provoquent des "trous noirs" dans la
régulation ».2365 Il importe d’appréhender les mutations de la régulation, pour se servir de ses
aspects les plus pertinents comme facteurs de législation et de construction du droit de
l’économique numérique. Dans sa mission de contrôle quotidien du marché, l’Autorité de
régulation a accompagné, voire encadré et anticipé, la dynamique du marché, en vue d’aboutir
à la migration technologique du pays dans la société de l’information. (§1.)
995. Toutefois, les compétences du régulateur (ARPTC) restent techniques et
sectorielles, tandis que le ministre des PTT peut assurer l’interrégulation en se fondant sur ses
attributions constitutionnelles et son rôle politique. Dans la spécialité de sa mission, la
régulation a adopté de mesures judicieuses de transition numérique du secteur des télécoms
vers l’Internet mobile. En revanche, le ministre des PTT a commis des « erreurs
exemplaires »2366 d’appréciation, en réglementant maladroitement la migration des télécoms
de base vers des réseaux numériques à intégration des services (RNIS), y compris la télévision
numérique terrestre (TNT). À défaut de loi sur l’économie numérique, l’action de la
réglementation ex ante se multiplie, son champ s’élargit, mais rencontre des limites
statutaires. Il faut une loi pour effectuer des ajustements institutionnels nécessaires par la
force des choses. (§2.)

§1. L’émergence de l’économie numérique congolaise


comme objet de réglementation
et facteur de législation
996. La dérégulation des télécoms et la globalisation de l’Internet sont deux
mouvements communs de la mondialisation de l’économie. Mais, ces deux phénomènes de la
modernité présentent une grande différence dans leur expérimentation par les États du monde.
d’une part, la dérégulation a été un schéma uniforme depuis les États-Unis, en Europe ensuite
et enfin en Afrique sous l’égide de l’OMC.2367 Les monopoles réglementaires ont été
transformés en économie de marché, avec les stéréotypes du nouveau droit de la régulation
sectorielle. D’autre part, chaque État a une expérience particulière de son accès à l’Internet,
aux moyens de sa popularisation et aux aspects de sa législation.2368

2365
L. BENONI et P. DUTRU, op.cit., p. 18.
2366
P. MOREAU DEFARGES, La mondialisation …op.cit., p. 89 Le terme est emprunté à l’auteur, lorsqu’il qualifie d’erreur
exemplaire de l’histoire consistant à avoir un concours des Chefs de gouvernement avec des décisions, pour le moins,
burlesques. Hitler en Allemagne et Roosevelt aux USA, l’un menant le monde à sa seconde grande guerre, l’autre son pays à
la prohibition. Les deux politiques ayant servi d’enseignement aux États du monde entier par l’exemplarité de leurs erreurs.
2367
Cf. plusieurs théories de schématisation de la dérégulation : J. DO-NASCIMENTO, « La déréglementation du marché
africain des télécommunications », in J-J. GABBAS (sous dir.), Société numérique et développement en Afrique, usage et
politiques publiques, éd. Kathala, Paris, 2004 ; W. EL ZEIN, Les aspects juridiques de la libéralisation des
télécommunications (étude comparée), éd ; Alpha, LGDJ, Paris, 2012, R. GILARDIN, La « libéralisation » des
télécommunications en France (1981-1996), Mémoire de 4e année, Séminaire : Histoire de la France au XXe siècle, sous la
dir. de Gilles Richard, Science Po, Rennes, 2009-2010 ; P. MUSSO, Les télécommunications, éd. La Découverte, coll. Repères
Économie, Paris, 2008 ; J.-PH. COLSON et P. IDOUX, Droit public économique, 8e éd., LGDJ, Paris, 2016 ; M-A. FRISON-
ROCHE, Les 100 mots de la Régulation, 1re éd, PUF, coll. Que sais-je ?, Paris, 2011.
2368
A. BLANDIN-OBERNESSER, (sous dir.), Droits et souveraineté numérique en Europe, 1re éd., Bruylant, Belgique, 2016. O.
Eyrolles, 2016, Paris. Le premier ouvrage cité aborde le sursaut de l’Europe à construire un droit protecteur de la liberté, de
ses valeurs fondamentales et de la souveraineté au regard de la rupture stratégique provoquée par la révélation des activités
américaines en rapport à la NSA (National Security Agency). Dans le second ouvrage cité, l’auteur démontre deux
conceptions différentes du droit entre les États-Unis et l’Europe (France) au regard des défis du numérique. Il rapproche
notamment les institutions juridiques américaines et françaises et en démontre les nuances et différences de contenu : le
copyright face au droit d’auteur, le speech freedom, face à la liberté d’expression, etc. Mais, il démontre les différences
fondamentales d’approche de régulation du marché de l’Internet entre les États-Unis prônant la « régulation par le marché »
381

997. Pour le cas de la RDC, le processus d’émergence de l’économie numérique est le


fait des forces économies du marché des télécoms. L’état congolais n’a pas à ce jour adopter
de législation, ni développer de politique publique face à l’Internet. Les autorités nationales de
réglementations ont agi et réagi au regard des impératifs factuels liés aux contingences de la
mondialisation et à la nécessité de migration technologique. Il est indispensable de
comprendre la transformation du droit de l’accès aux télécoms, à travers les étapes de
convergence numérique et d’accès à l’Internet mobile en RDC. (A/). Fort de sa finalité
analytique, notre thèse réalise une structuration juridique des défis législatifs se rapportant aux
aspects de la technique et de l’économie. (B/)

A. / LA TRANSFORMATION DU DROIT DE L’ACCÈS AUX TÉLÉCOMS


À TRAVERS LES ÉTAPES DE LA CONVERGENCE NUMÉRIQUE ET DE L’INTERNET EN RDC

998. Un postulat est établi : « La convergence entre informatique et télécommunications,


le développement du numérique et de l’Internet ont contribué au déplacement des frontières
entre acteurs de ces secteurs et soulèvent des questions sur les voies de régulation à adopter,
les autorités légitimes, l’enchevêtrement des législations, la réactivité du droit dans un
environnement technologique en mouvement rapide ».2369. Sur quelle base juridique faut-il
apprécier et encadrer le phénomène Internet ?
999. En droit congolais, la législation a omis les aspects sociétaux de l’Internet. (1) La
construction du marché et l’émergence de l’économie numérique ont portées par les forces
économiques, sous le pragmatisme juridique de la régulation et de la réglementation étatiques,
en dehors de toute politique législative. (2.)
1. La place du « phénomène Internet » dans la loi en RDC, en France et en Europe
1000. Au sujet du droit du numérique et de l’Internet, l’Europe présente une
expérience d’harmonisation juridique qui diffère de celle de RDC. Plusieurs réformes ont
permis de « constituer une branche du droit à part entière ».2370 Notamment, les directives
européennes 98/34/CE, 98/48/CE, 2000/31/CE ont traité assez tôt des services de la société de
l’information au niveau européen.2371 Particulièrement en France, la réglementation des
aspects juridiques de l’Internet révèle une dispersion des sources. Le droit de l’Internet se
réparti dans une diversité des branches possibles. « Il est le droit "de tout"2372. Les sources du
droit de l’Internet sont donc multiples et se trouvent […] en droit national, communautaire et
parfois international ».2373 « Quant au procédé, l’Internet s’insère dans le droit de la
communication et des médias ».2374 En outre, « il est rattaché au droit de la communication
pour ses modalités de mise en œuvre ».2375 De la sorte, il subsiste encore des difficultés sur
l’unicité du droit (multisectoriel) de l’Internet par rapport au droit (sectoriel) des télécoms.

(voire l’absence de régulation étatique permanente pour les libertaires), à l’opposé du mode français de régulation par le droit
étatique.
2369
A. RUTILY et B. SPRITZ, op.cit., p.29. V. SCHAFER et H. LE CROSNIER, La neutralité de l’Internet un enjeu de
communication, éd. CNRS, coll. les essentiels d’Hermès, Paris, p.115.
2370
C. CASTETS-RENARD, op.cit, p. 4.
2371
JO CE L 178, 23 janvier 1999, pp. 1-16.
2372
Ibid. (En effet, « il [le droit de l’Internet] véhicule un contenu susceptible de concerner toutes les branches du droit :
droits des données personnelles, droits des contrats, de consommation, de la concurrence, de la responsabilité, droit de la
propriété intellectuelle, droit pénal, droit international privé… ».)
2373
Ibid.
2374
Ibid.
2375
Ibid.
382

1001. En droit positif congolais, une ordonnance fait allusion dès 1987 à l’activité
informatique dans l’ex-Zaïre.2376 Celle-ci se référait à l’activité informatique off-line c’est-à-
dire non-connectée à un quelconque réseau ouvert au public. Le mérite de ce texte
réglementaire est d’avoir été précurseur sur son temps, sans être abrogée, ni malheureusement
été mise à jour. 2377 Sa désuétude vient du fait que l’informatique s’est intégrée dans les
réseaux et des outils de la vie quotidienne. L’activité numérique actuelle a définitivement
dépassé le niveau de la bureautique avec des microordinateurs isolés. Avec le temps,
l’informatique a apporté aux réseaux analogiques, la possibilité d’intégration des données et
du multimédia. Elle est à la base de l’apparition de l’Internet, en étant l’élément d’association
de l’audiovisuel et des télécoms pour donner naissance au multimédia et aux réseaux
numériques. Historiquement, l’apparition de l’Internet remonte à une vingtaine d’années en
RDC. La première connexion TCP/IP du pays a été établie en octobre 1996 par une liaison
satellite de 64 kbps entre Kinshasa et VUNET/Belgique.2378 Au regard des statistiques
officielles, la RDC comptait vingt-quatre FAI et quatre opérateurs GSM en 2003 (contre plus
tard dix-sept FAI et cinq opérateurs GSM en 2013).2379 Entre 1997 et 2003, les abonnements à
l’Internet existaient déjà, même s’ils présentaient des statistiques encore faibles. À l’époque
de la promulgation de la loi-cadre de 2002, l’importance de l’Internet et son émergence
paraissaient évidentes sur le marché congolais, car la liste de ses fournisseurs (FAI) autorisés
était déjà longue dès 2005.2380
1002. Ainsi, il devient incompréhensible de constater l’absence de législation sur les
activités numériques, le parlementa s’étant limité en 2002 à régir la téléphonie. L’exposé des
motifs de loi-cadre n°13/2002 sur les télécoms compte une dizaine de pages, mais n’accorde
que trois lignes laconiques à (certaines usages de) l’Internet. En effet, il y est mentionné :
« Concernant les services, du simple téléphone vocal, du télégramme et du télex, on est passé,
grâce à la télématique, association des télécommunications, de l’informatique et de
l’audiovisuel, à l’Internet et ses applications : le courrier électronique e-mail, le transfert des
fonds "fund transfert", le e-business, etc. ».2381 Mais, le corps du texte ne rencontre pas les
problématiques juridiques inhérentes aux acteurs de l’Internet et à leurs responsabilités.2382
Les 82 articles de la loi-cadre ne contiennent pas de disposition spécifiquement réservée au
phénomène Internet.2383 « Pourtant [en droit comparé français], l’adaptation des règles de
droit commun et surtout la prolifération de règles spécifiques montrent que le droit de

2376
Ordonnance n°87-243 du 22 juillet 1987 portant réglementation de l’activité informatique en République du Zaïre, JOZ,
n°15, 1er août 1987, p. 21.
2377
Les codes Larcier de la République démocratique du Congo, éd. De Boeck & Larcier (Afrique éditions), Bruxelles
(Kinshasa), t. VI, vol. 2, p. 521.
2378
B.-B. KITUMU, « Grandes dates de l’Internet », in J-C. D. EKAMBO et J. LINO PUNGI, L’Internet et la R.D.C. Technologies
– Appropriations – Société, Cedesurk, UCC/Fac.des Com. Sociales, Kin, 2009, p. 19.
2379
Institut National de la Statistique, Annuaire statistique 2014, éd. Ministère du Plan et Révolution de la modernité &
PNUD, Kinshasa, juillet 2015, p. 465, spéc. Tableau 3.202. G. N’KULI, « Discours du DGA de Vodacom, Contribution de
Vodacom Congo (RDC) Sprl à la reconstruction du Congo », in Vodanews n°15, dépôt légal n°MPI/021/2004, Kinshasa,
juillet-août-septembre 2006, p. 5. Gouvernement de la RDC, Programme économique et social, vision, défis, stratégies et
politiques et sectorielles, septembre 2011, Kinshasa, pp. 21-22.
2380
Source : ARPTC/2005, citant : Microcom, Global Broadband, I-Burst Africa, Vodanet (opérant sous licence Vodacom
avec les actifs rachetés au FAI InterConnect), Raga, Simba Télécom, Hitec (Roffe Congo), Afrinet, Satel-Kin, Saprocom,
Rutel-Congo).
2381
« Exposé des motifs », Loi-cadre sur les télécoms [RDC], JO RDC, n° spécial, 25 janvier 2003, p. 18.
2382
Toute proportion gardée, nous soulignons que les aspects juridiques de l’Internet manquent à la loi-cadre n°013/2002 sur
les télécoms en RDC, mais notre insistance ne signifie pas que lesdits aspects sont les seuls qui intéressent et devraient
intéresser une loi axée sur l’économie numérique. Par ailleurs, le principe de la neutralité technologique donne un angle à la
législation ne lui permettant pas de légiférer une technologie particulière au détriment d’une autre. En outre, le caractère
impersonnel et général de la loi impose une approche holistique en légiférant sur l’Internet.
2383
Articles 1 à 82, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], JO RDC, n° spécial, 25 janvier 2003, pp. 28-47.
383

l’Internet est une réalité. Ce droit n’en est plus au stade de l’émergence depuis dix ans [en
partant de l’an 2000] tant pour le législateur que pour les juges ».2384
1003. Encore une fois, l’absence d’esprit du législateur ne se justifie pas autour des
phénomènes sociétaux et commerciaux de l’Internet. Plusieurs enjeux découlent des
techniques associées de l’Internet : l’informatique appliquée, la numérisation, l’intégration
des services de télécoms et des réseaux, le multimédia, etc. Jusqu’à ce jour, la législation
congolaise n’encadre pas les aspects juridiques de l’Internet, contrairement à la LCEN de
2004 en France2385ou à la directive 2000/31/CE en Europe. Le silence du législateur est
regrettable, car il ne définit pas le cadre d’intervention pour les autorités de réglementation
nationales en matière des télécoms, encore moins dans l’économie numérique. Il ne rassure
pas non plus les investisseurs, ni les consommateurs quant à leur sécurité juridique, au regard
de l’imprécision des droits et des responsabilités. Par conséquent, la construction du marché
numérique congolais a connu beaucoup de maladresses et comporte des inadéquations de
règles applicables.
1004. À défaut de prescrit législatif clair, l’Autorité de régulation assimila
maladroitement la fourniture des services Internet au régime des articles 14 et 15 de la loi-
cadre. Pendant plusieurs années, le régulateur a assimilé l’Internet aux « réseaux
indépendants », ces derniers étant eux-mêmes non-définis dans la loi-cadre. Pensant profiter
d’un interstice législatif, le ministère des PTT et l’ARPTC ont délivré erronément des
autorisations pour la fourniture d’accès à l’Internet, par réseau filaire ou sans fil en se basant
sur le régime des réseaux indépendants. Tel fut le cas lorsque le régulateur décida d’attribuer
en août 2005 la bande de fréquences supplémentaires à Celtel Congo pour la couverture de
son réseau indépendant.2386 L’objet de l’autorisation concernait un réseau informatique privé
WLAN de l’opérateur GSM sur l’ensemble du territoire national.2387 Par la suite, l’Autorité de
régulation octroya en 2006 au même opérateur une autorisation spécifique pour la fourniture
des services Internet.2388 En parallèle, le ministère des PTT accordait également de telles
autorisations. Notamment, Vodacom Congo obtint le 31 janvier 2006 une autorisation de
fourniture d’accès à l’Internet. Dans sa stratégie, l’opérateur concerné devait amorcer
l’évolution de son réseau de téléphonie cellulaire, pour offrir l’accès à l’Internet au moyen de
ses capacités installées ou d’autres formes de réseau à déployer.2389
2. L’émergence de l’économie numérique congolaise dans la pratique du marché et le
pragmatisme juridique de la régulation ex ante
1005. Avant 2006, les politiques publiques n’avaient pas encore programmé
l’acquisition des licences 3G/GSM sur le marché congolais. Mais, les opérateurs de la
téléphonie 2G/GSM se plaçaient à l’avant-garde de l’évolution numérique. Dès 2006, ils
avaient besoin de se positionner sur les deux versants du marché de la téléphonie cellulaire et
de l’Internet mobile. Leur but était également de disposer des titres d’exploitation
2384
C. CASTETS-RENARD, op.cit., p. 4.
2385
Cf. Partie 1, Titre 1, Chapitre 2, de présente thèse.
2386
JO RDC, 46e année, 1er septembre 2005. Il était décidé que « la bande de fréquences assignées à la société Celtel Congo
en vertu de l’autorisation n°ARPTC/03/AT/2005 a été portée à un total de 30 MHz (soit la bande de 2053-2083) afin de lui
permettre d’exploiter un réseau indépendant (réseau informatique privé WLAN) à travers le territoire national congolais. »
2387
Ibidem.
2388
Décision n°002bis/ARPTC/CCG/2006 du Collège de l’ARPTC du 27 janvier 2006 autorisant la société Celtel Congo à
fournir les services Internet, en ces termes : « La société Celtel Congo est autorisée à fournir les services Internet au public
sur l’ensemble du territoire de la RDC à travers son réseau [téléphonique] GSM ou tout autre réseau de télécommunications
ouvert au public qu’il pourra déployer ».
2389
K. NDUKUMA ADJAYI, op.cit., p. 68. Le FAI dont l’achat des actifs a été opéré par Vodacom était la société
« InterConnect » disposant de 1.500 abonnés entre Kinshasa et Brazzaville.
384

intérimaires, pour suivre les tendances de l’Internet (mobile) et rester compétitifs face aux
nouvelles générations du GSM. En janvier 2006, l’opérateur Vodacom Congo est le premier à
lancer l’offre des services Internet bas débit, dits GPRS/EDGE.2390 Cette étape marque les
premiers signes de mutation du marché vers la convergence numérique, à travers la fourniture
des services Internet mobile au grand public.2391 Il s’agissait d’une évolution du marché de la
téléphonie mobile vers la technologie 2.5G/GSM, offrant des services multimédias
accessibles grâce aux premiers téléphones intelligents.2392 Pour la conformité à la
réglementation, l’opérateur combinait sa licence de téléphonie 2G avec une autorisation
d’exploitation comme FAI ordinaire obtenue du ministre des PTT.2393
1006. Effectivement, la loi-cadre sur les télécoms exige une autorisation préalable de
l’Autorité de régulation pour toute interconnexion entre un réseau indépendant et un réseau
ouvert au public.2394 Ce qui pose une difficulté d’ordre pratique. Plusieurs FAI, préexistants à
l’an 2002, allèguent qu’ils sont des réseaux des télécoms ouverts au public. Ils sollicitent leur
interconnexion avec des opérateurs de réseaux téléphoniques offrant des services numériques
mobiles. Ces derniers leur opposent un refus d’interconnexion du fait de leur statut de réseau
indépendant requérant une autorisation préalable du régulateur. Les FAI se trouvent
désavantagés par la concurrence que les opérateurs de réseaux téléphoniques leur font sur le
segment de marché qui leur fut propre, sans qu’à l’inverse lesdits FAI n’aient la possibilité
d’agir de même dans le segment réservé à la téléphonie.
1007. Avec la convergence numérique, les réseaux 3G fournissent à la fois l’Internet
et les services vocaux sur Internet (dits VoIP, voice over IP), tandis que les FAI classiques
souffrent du « protectionnisme défensif ».2395 La large autorégulation du marché de la
téléphonie a toujours permis aux opérateurs de choisir les FAI avec qui ils collaboreraient en
tant qu’infomédiaire pour le transport du volume agrégé de leur trafic de données sur
protocole IP. Cette activité numérique déborde de la sphère de la loi-cadre de 2002.2396
1008. Le statu quo législatif obligeait les opérateurs téléphoniques à demander des
titres pour fournir légalement l’Internet à leurs abonnés téléphoniques. C’est suite à des
mesures « infra-législatives » que la libéralisation de l’Internet s’est inscrit en RDC dans le
mouvement du marché. La réorientation de la régulation a pu assurer l’essor de la
convergence technologique dans le pays, sur la lancée de la dérégulation réalisée à travers la
loi de 2002. Aussi, par pragmatisme juridique, les autorités de réglementation nationales
octroyèrent-elles aux opérateurs de réseaux cellulaires des titres d’exploitation initialement
destinés aux modes d’accès à l’Internet fixe. En conséquence, l’Autorité de régulation allouait

2390
GPRS: General Packet Radio Service (de la génération 2.5GSM). EDGE: Enhanced Data Rates for GSM Evolution (de la
génération 2.75GSM).
2391
G. N’KULI, Exposé du DGA à l’occasion du lancement officiel du GPRS sur le réseau Vodacom, Kinshasa, 19 janvier
2006, Vodanews, n°13, pp. 8 et 16.
2392
À l’époque (2006), les terminaux les plus avancés étaient des « Blackberry » servant de Smartphones, disposant des
processeurs et logiciels adaptés aux nouveaux SIM de 64K (plutôt que de 32K).
2393
Ibidem, p. 8. Selon les explications du Directeur Général de Vodacom, « Le GPRS est essentiellement une valeur ajoutée,
qui bascule le GSM […] vers le monde de la data communication, en augmentant de façon significative la vitesse de
transmission des données, qui passe de 9,6 Kbps à 40 Kbps. Le GPRS introduit dans le GSM le mode [de] transmission par
paquet, qui ouvre la voie à une infinité de nouveaux services liés à la mobilité et la rapidité ».
2394
Article 14, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2395
Cf. par opposition à « protectionnisme offensif » : C. GUERRIER, « Droits et accords OMC dans le domaine des
télécommunications : la problématique », Droit de l’informatique et des télécoms, revue trimestrielle, 16e année, 1991, pp.
95-96.
2396
Avec les enjeux d’Internet, les opérateurs et les FAI ont créé un point d’échange de trafic Internet qu’ils ont appelé
KINIX-DRC (information de mai 2015).
385

des « ressources radio » (fréquences radioélectriques) indifféremment aux FAI2397 et aux


opérateurs GSM qui engageaient la migration technologique de leurs réseaux. Les opérateurs
GSM qui étaient déjà actifs sur le marché de la téléphonie visaient davantage l’obtention du
droit de l’accès au marché de l’Internet. L’obtention des fréquences hertziennes n’étaient
qu’un supplément aux ressources dont ils disposaient déjà sur la base de leurs licences
d’exploitation initiale.2398
1009. En revanche, les FAI classiques utilisent des technologies WIMAX, BreezMax
et VL BreezeMax. Ils ont légitimement craint la distorsion de la concurrence à cause du
chevauchement des deux segments marchés que réalisaient les opérateurs de téléphonie
mobile en opérant désormais sur le marché de l’Internet. Ils ont décrié longtemps les
défaillances de leurs marchés. Mais, sur ce dernier aspect, l’expérience démontre que la
neutralité technologique autorise la concurrence entre technologies dans les alternatives
qu’elles offrent pour la fourniture des mêmes services finaux.
1010. En 2005-2006, le progrès technologique conduisit le marché téléphonique
congolais à la finalité d’obtenir des licences mobiles GSM/UMTS de 3e génération (dite 3G).
Les opérateurs privés exprimaient le désir d’accéder à des garanties juridiques et
technologiques pour une meilleure offre de services Internet et des produits multimédias.2399
Pour y répondre, la régulation devait faire preuve de pragmatisme et de flexibilité. À cet effet,
de l’ARPTC organisa sa toute première consultation publique du genre en mars 2006, dans
l’optique d’autoriser l’exploitation de la technologie 3G. Des mesures de la régulation
engageaient une nouvelle phase d’ouverture de la concurrence dans l’offre des services
multimédia de l’Internet mobile. En 2006-2007, les deux plus grands opérateurs de la RDC,
Vodacom (actuellement Vodafone) et Celtel (actuellement Airtel) avaient formellement réagi
par « manifestation d’intérêt », auprès de l’Autorité de régulation. La réaction des autorités
réglementaires nationales ne fut pas immédiate. En effet, l’action de la régulation et de la
réglementation restait encore timide à cause de la limitation de son objet et de son champ par
de la loi-cadre de 2002 en RDC.
1011. À partir de 2009, sur le marché international, la popularisation de l’offre
d’accès à l’Internet mobile avait sensiblement accru. L’accès à l’Internet grand public était
rendu possible, grâce aux technologies mobiles bas/moyen débit de générations
intermédiaires, à savoir : GPRS/2.5G et EDGE/2.75G, sachant que la technologie GSM
évolue du 2G, GPRS, EDGE, 3G, 3G+, HSDPA, 4G jusqu’à la 5G. Les avancées du marché
numérique mondial étaient évidentes sur le plan technique et économique. Mais en RDC, sur
le plan juridique en ce moment-là (l’an 2009), il n’existait toujours pas de législation, ni de
réglementation spécifique encadrant les mutations numériques du marché, pour autoriser sans
ambages les activités d’accès à l’Internet grand public.
1012. Finalement, la véritable convergence technologique du marché congolais est
(ad)venue en 2012 avec l’introduction de plus en plus massive de la téléphonie GSM/3G.
Celle-ci marque le tournant décisif et définitif de l’accès de la RDC à l’ère numérique.

2397
Décision n°26/ARPTC/CLG/2011 du Collège de l’ARPTC attribuant les fréquences faisceaux hertziens dans les bandes
de 8 GHz et de 11 GHz à la société CIELUX, 1er déc.2011, n°23, col. 11. Décision n°29/ARPTC/CLG/2011 du Collège de
l’ARPTC portant sélection de la société CYBERNET comme attributaire d’une licence d’établissement et d’exploitation d’un
réseau de Télécommunications par satellite de type VSAT, 1er déc.2011, n°23, col. 15.
2398
Par exemple : Décision n°003/ARPTC/CLG/2012 du Collège de l’ARPTC autorisant la société Oasis Sprl à fournir le
service Internet au public, JO RDC, 53è année, n°23, 1er décembre 2012, col. 11.
2399
À noter que le premier SMS de l’histoire a été lancé un certain 3 décembre 1992 et faisait marquer un pas aux télécoms
mondiales.
386

1013. Schématiquement, six ans après les premières consultations de 2006, le


régulateur a procédé à des essais techniques de la technologie GSM/3G avec les sociétés
opérant déjà sur le marché du GSM/2G. Des réflexions et discussions, souvent très critiques,
ont été engagées concernant les espoirs financiers de l’État, face à l’opportunité d’octroi de
nouvelles licences de 3e génération en RDC. Arrêté en définitive à 15.000.000$, le coût
d’acquisition de ces licences semblait moins favorable aux nouveaux entrants qu’aux
opérateurs GSM déjà présents sur le marché depuis plus de dix ans. Ce seuil de la taxe a fait
l’objet des critiques en comparaison aux expériences de la Tunisie, du Maroc ou encore du
Nigéria.2400
1014. Dans la mutation du marché des télécoms vers une économie numérique,
l’Autorité de régulation a fait preuve de cohérence et d’exactitude quant aux mesures
d’encadrement et aux options politiques adoptées en vue de la transition technologique de la
2G (téléphonie mobile) à la 3G (Internet mobile). Les résultats postérieurs corroborent la
circonspection du régulateur dans la convergence des télécoms et du multimédia. En ce sens,
le régulateur avait rendu publique le 30 mars 2012 plusieurs décisions autorisant des tests
techniques pour le lancement de la 3G, Internet mobile2401. L’ARPTC a successivement
octroyé au cours de la même année (2012) des licences de fournitures d’Internet mobile 3G
adossés sur réseaux 2G.2402 Ainsi au cours de la même année, Orange faisait son entrée sur le
marché par le rachat de Congo Chine Telecom, en disposant en même temps des fréquences
qui ne l’obligeaient pas techniquement à requérir auprès des autorités de nouvelles
attributions de ressources radioélectriques en vue d’offrir des services d’accès à Internet
mobile.2403
1015. Par ailleurs, le passage de la RDC à l’économie numérique est à ce jour
renforcé par les infrastructures de communication à haut débit de l’exploitant public
OCPT/SCPT, disponibles depuis 2014. Afin d’offrir l’accès à l’Internet haut débit, les
opérateurs privés ont interconnecté leurs réseaux aux installations à fibre optique de la SCPT
en évitant ainsi les contraintes des transmissions satellites. L’opérateur historique offre un
maillon important de liaison numérique grâce à son réseau terrestre à fibre optique branché au
câble transatlantique WACS. Malheureusement, l’enfouissement des câbles à fibre optique
n’a pas été effectué dans les règles de l’art. Le réseau numérique de la SCPT/OCPT n’offre
donc pas encore la fiabilité nécessaire, tel qu’il ressort du rapport d’enquête parlementaire
créé en 2013 par l’Assemblée nationale et présenté le 18 mai 2015.2404 Pour autant, les

2400
O. MASINI, « PTNTIC : La RDC passe de la licence 2G à la licence 3G », juin 2012, Congo Opportunités Media,
[www.congoopportunities.net:?p=5018] (consulté le 11 juillet 2016).
2401
JO RDC, 53è année, n°23, 1er décembre 2012 : (1) Décision n°010/ARTPTC/CLG/2012 du 30 mars 2012 du Collège de
l’ARPTC accordant l’autorisation d’effectuer les essais techniques de la technologie 3G à la société Oasis SCRL, col.21 ; (2)
Décision n°011/ARTPTC/CLG/2012 du 30 mars 2012 du Collège de l’ARPTC accordant l’autorisation d’effectuer les essais
techniques de la technologie 3G à la société Vodacom Congo, col.23 ; (3) Décision n°012/ARTPTC/CLG/2012 du 30 mars
2012 du Collège de l’ARPTC accordant l’autorisation d’effectuer les essais techniques de la technologie 3G à la société
Celtel Congo, col.26 ; (4) Décision n°018/ARTPTC/CLG/2012 du 10 avril 2012 du Collège de l’ARPTC accordant
l’autorisation d’effectuer les essais techniques de la technologie 3G à la société Yozma Timeturns, col.36.
2402
(1°) Décision n°022/ARTPTC/CLG/2012 du 16 mai 2012 du Collège de l’ARPTC portant attribution des fréquences de
troisième Génération (3G) à la société Celtel Congo Sarl, JO RDC, 53 è année, n°23, 1er décembre 2012, col.43. (2°) Décision
n°023/ARTPTC/CLG/2012 du 16 mai 2012 du Collège de l’ARPTC portant attribution des fréquences de troisième
génération (3G) à la société Vodacom Congo Sprl, JO RDC, 53 è année, n°23, 1er décembre 2012, col.45. (3°) Décision
n°051/ARTPTC/CLG/2012 du 08 septembre 2012 du Collège de l’ARPTC portant attribution des fréquences de troisième
génération (3G) à la société Yozma Timeturns, JO RDC, 53è année, n°23, 1er décembre 2012, col.56.
2403
Source : Archive, Ministère des PTT (RDC), Compte-rendu d’entretien, février 2015.
2404
ASSEMBLÉE NATIONALE, Rapport de mission de la commission d’enquête parlementaire sur le backbone national en fibre
optique, Commission d’enquête sur la non-connexion à la fibre optique (sigle : A.N/C.E/FIB.OPT), Kinshasa, mai 2014, pp.
1-22. Selon le rapport, il y a eu surfacturation des matières achetées pour réaliser la première phase de la connexion à fibre
optique, sans aucun rapport qualité-prix. Cf. aussi [www.assemblée-nationale-cd/v2/?p=5018] (consulté le 19 juillet 2016).
387

opérateurs privés de téléphonie mobile déploient leurs propres câbles à fibre optique pour
fiabiliser les tronçons de leurs réseaux avec les points d’interconnexion de la SCPT. Leurs
contrats d’interconnexion préfèrent les avantages techniques et commerciaux mutuels de
s’interconnecter directement au point d’atterrage sur les installations de la côte Atlantique. En
outre, la technologie 4G/LTE2405 est en cours d’introduction. En 2013 et 2014, le ministre des
PTT a délivré des autorisations provisoires aux différentes sociétés de téléphonie mobile dans
le but d’effectuer des tests et essais techniques à cet effet. Mais en réalité, l’indisponibilité de
la gamme des fréquences correspondantes résulte en grande partie de la lenteur du
basculement de la télévision analogique à la télévision numérique terrestre (TNT).
1016. Toutefois, la numérisation des télécoms a été obtenue, celle de l’audiovisuel ne
l’est pas encore. L’État est par conséquent dans l’impossibilité de récupérer les ressources
dites « fréquences d’or » autrefois en usage pour la télédiffusion sous le mode analogique,
mais que l’Union Internationale des Télécommunications a désormais réaffectées aux services
GSM/4G. C’est en application de l’Accord régional de Genève GE-06 de l’UIT que le
ministre des PTT et celui des médias ont arrêté conjointement le 25 avril 2015 les modalités
de cette migration du marché de la télévision analogique vers la télévision numérique.2406
1017. Ainsi, « [l]a convergence et la digitalisation révolutionnent l’offre, les contenus et
les modes de consommations médiatiques, entrainant les médias historiques […] dans une
phase de mutation profonde qui devrait conduire à la définition d’un nouveau modèle de
communication ».2407 Ainsi, la convergence numérique impose l’ajustement du cadre
juridique des télécoms et des médias. Mais la forte implication politique fragilise le processus
réglementaire. Elle ne favorise pas non plus le processus technique de changement. Celui-ci
implique l’exploitation de l’audiovisuel dans les mêmes réseaux numériques des télécoms
équivalant aux communications électroniques. Il n’en demeure pas moins l’actuelle séparation
des ministères des médias et des PTT est rétrograde, car elle correspond à l’expérience
entreprise en France par la « loi Mexandeau » de 1982, alors que la France dispose
aujourd’hui d’un ministère de l’économie numérique. La technique numérique opère un
déplacement des frontières d’activités entre les télécoms et la télédistribution (TV,
audiovisuel).
1018. La numérisation des réseaux intègre en effet celle des données et des contenus
d’édition. La télévision et les télécoms sont devenues des services numériques.2408 Leurs
régimes tendent à converger au même titre que les technologies, les médias, les industries ou
les marchés. Toutefois, les modalités initiales d’octroi des titres administratifs d’exploitation
posent encore problème dans l’économie numérique, puisque la législation de 2002 les

2405
LTE (long term evolution) est une évolution des normes de téléphonie mobile GSM/EDGE, CDMA 2000, TD-SCDMA
et UMTS. Définie par le Consortium 3GPP (3rd Generation Partenership Projet), la LTE a d’abord été considérée comme
une norme de 3e génération « 3,9 G » (car proche de la 4G) spécifiée dans le cadre des technologies IMT-2000. Toutefois,
dans les « versions 8 et 9 » de la norme, la LTE ne satisfait pas toutes les spécifications techniques imposées pour les normes
4G par l’UIT. La norme LTE n’est pas figée : le Consortium 3GPP la fait évoluer en permanence (en général une nouvelle
version tous les 12 à 18 mois). Il assure la coopération entre organismes de standardisations des télécoms : UIT, ETSI
(Europe), ARIB/TTC (Japon) ; CCSA (Chine), TTA (Corée du Sud) pour les réseaux 3G et 4G.
[https://fr.m.wikipedia.org/wiki/LTE_(reseaux_mobiles)] [https://fr.m.wikipedia.org/wiki/3rd_Generation_Partership_Project] (Consultés
le 17 juillet 2016).
2406
Arrêté interministériel n°002/TNT/CAB/M/CMLNO/2015 et CAB/VPM/PTNTIC/TLL/002/2015 du 25 avril 2015 portant
définition des acteurs du nouveau paysage audiovisuel congolais, récupération par l’État congolais des fréquences analogique
octroyées aux chaines de télévision et interdiction d’importation en RDC des récepteurs analogiques, JO RDC, 56 e année,
n°11, 1er janvier 2015, col. 24.
2407
M. HANOT, « Introduction, Nouveaux écrans, nouvelles régulation ? Prendre le tempo et le temps de la mutation », in P-F
DOCQUIR et M. HANOT, op.cit, p. 9.
2408
Ibidem.
388

assimile encore à ce jour à des concessions de service public. Si le passage à la TNT tarde à
être une réalité générale en RDC,2409 l’ascension de l’offre Internet est bien réelle et présente
des tendances vers le haut débit. Le marché congolais des télécoms est dans « [u]ne
métamorphose à laquelle les politiques de régulation ne peuvent échapper. Quelle qu’elle soit,
de contenus, de marchés, d’appareils ou de réseau, la convergence appelle à interroger, à
repenser, à renouveler les approches de la régulation et des principes logiques qui la
fondent ».2410
1019. Aujourd’hui, l’évolution technique permet à un seul réseau de fournir à la fois les
services de la téléphonie et de l’Internet, y compris les services audiovisuels. Le numérique a
engagé la convergence des réseaux, des marchés et des médias, tandis que l’état de la
législation congolaise de 2002 sépare encore les titres relatifs à chaque service électronique et
par type de réseau. Dans les faits, la transition numérique a décloisonné les segments des
marchés de services audiovisuels, téléphoniques et Internet.
1020. Face aux mutations du secteur des télécoms vers l’économie numérique, les deux
autorités politiques des médias et des PTT ont adopté des règlements, mais qui s’avèrent
contraires à la loi-cadre de 2002. Elles ont commis des erreurs de réglementation dans leurs
efforts de structurer les aspects juridiques de la transition numérique entre audiovisuel et
télécoms. C’est à juste titre que l’Autorité de régulation a relevé à leur attention ces erreurs et
les défis juridiques liés à la convergence technologique. (B).

B./ LA STRUCTURATION JURIDIQUE DES DÉFIS ACTUELS


DE LA CONVERGENCE DU NET ET DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE EN RDC

1021. L’émergence de l’Internet grand public a connu un cheminement sinueux, mais il


est acquis que la RDC s’inscrit dans l’ère de l’Internet et de la convergence numérique. Les
termes ci-après d’un internaute traduisent, avec autant de simplicité que de pertinence cette
réalité : « la convergence technologique, c’est lorsque l’on a : la télévision, le téléphone en un
et que l’on peut télécharger gratuitement, légalement et en illimité de la musique sur Internet.
Voilà, si l’on a pu avoir un shampoing, un démêlant et un revitalisant des cheveux en 1,
pourquoi la technologie ne parvient-elle pas à combiner télévision-téléphone et Internet en 1 ?
Vive la technologie. Vive le téléchargement légal et en illimité. Que veut le peuple ? ».2411
1022. Même si le peuple congolais peut jouir des avantages des technologies, le défi
législatif reste entier en revanche. Si le champ réglementaire s’est davantage étendu, la loi-
cadre reste encore obsolète sur les questions de l’Internet que la régulation encadre par
pragmatisme juridique.
1023. En effet, la législation congolaise n’a toujours pas fixé les règles de conduite
générale en rapport à la convergence numérique et à l’Internet. Les facteurs de législation
doivent être structurés autour des faits et enjeux de l’économie numérique. (1.) Grâce à

2409
Quelques chaînes locales de télévision ont signé des contrats d’hébergement dans les bouquets numériques de chaîne
CANAL-SAT, Star-times, Teleconsult, etc. pour rendre disponibles par décodeur l’accès à leurs programmes d’édition en
HD. L’une des grandes barrières à la transition numérique est le coût d’investissement associé : au niveau individuel, il faut
pour chaque ménage une acquisition des décodeurs individuels ainsi que l’achat des poste-téléviseurs et au niveau des
chaînes de télévision analogique, il faut abandonner le matériel de diffusion actuel pour adopter le système numérique de
multiplexage et de diffusion.
2410
N. SONNAC, « Marchés convergents, intérêts économiques divergents ? Le secteur audiovisuel », in P-F DOCQUIR et M.
HANOT, op.cit., p. 55.
2411
Cf. « Le partage des connaissances en toute liberté » [www.weblibre.org] (consulté en 2007), cité par K. NDUKUMA
ADJAYI, Cyberdroit, télécom, contrat de e-commerce, op.cit., p. 68. Il s’agit de la réaction d’un internaute sur le site « web
libre ».
389

l’action de la régulation, il se forme des sources infra-législatives donnant des solutions à des
défis d’ordre législatif se rapportant aux services de la société de l’information en RDC. (2)
1. La structuration des enjeux juridiques de la convergence numérique en RDC
1024. En RDC, le domaine de la législation sectorielle sont définis en fonction des
activités des télécoms, tandis qu’en France il est étendu aux communications électroniques et
à ses aspects connexes.2412 En tant qu’écosystème numérique, l’Internet comporte des défis
dépassant les aspects législatifs des services de télécoms de base. Les nouveaux défis
juridiques de l’Internet nécessitent une législation, une réglementation et une régulation
adéquates. Face à la convergence technologique, assurer le fonctionnement du marché des
télécoms n’est plus la finalité ultime de la régulation. Les institutions juridiques doivent servir
au maintien des équilibres entre (et au sein de) chacune des industries concernées par
l’économie numérique. L’État-régulateur post-moderne encadre les artefacts de la troisième
révolution industrielle portée par l’Internet. En Europe, la stratégie de gouvernance de
l’Internet pour 2015 a été revue pour la suite des années, tandis que les directives du « paquet
télécoms » sont en constante amélioration depuis 2002.2413
1025. Cependant en RDC, quinze ans après la déréglementation officielle des télécoms,
le retard législatif est encore criant. Le document de politique sectorielle de 2009 est dépassé
depuis 2014. Sa revue était prévue tous les cinq ans, mais n’a pas été effectuée en vue du
recadrage des nouveaux enjeux dépassant le socle analogique des télécoms. Le pays conserve
encore l’approche sectorielle des PTT, malgré l’apparition depuis 2012 de l’acronyme
« PTNTIC ». Ce nouveau générique étend les attributions du ministre sectoriel aux activités
du sous-domaine des TIC, désormais adjoint au département classique des télécoms.2414
1026. Actuellement, la législation congolaise n’a pas encore pris en compte les enjeux
consécutifs aux transformations des télécoms, de l’économie et de la société sous l’effet des
réseaux numériques. C’est à juste titre que l’ordonnance d’habilitation du ministère des
PTNTIC oriente les missions de ce dernier vers « les études techniques, économiques et de
planification des actions de développement ».2415 Aujourd’hui, l’architecture de l’Internet
façonne la société de l’information.2416 En effet, à l’ère numérique, « la société concernée ne
se comporte pas comme une pâte indifférenciée qu’il suffit d’adapter au potentiel d’une
technologie, mais comme une structure dynamique qui adopte, détourne, modèle des
inventions à la hiérarchie de ses équilibres préexistants aux dispositifs et aux formes en place
qui font la communication ».2417
1027. Les télécoms sont devenues les artères de l’économie. Autant, les télécoms
servent s’identifie à la « la voie électronique » servant de « mécanisme-maître » au commerce

2412
Cf. Partie 1, Titre 1, Chapitre 2 de la présente thèse. Ce chapitre se rapporte aux transformations générales du secteur des
télécoms. Il a analysé les champs de la régulation et de la réglementation, tout en précisant au regard du droit français les
différences de domaines tracées par les lois de 2004 entre la communication audiovisuelle et les communications
électroniques.
2413
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 2, Section 2, § 2 de la présente thèse.
2414
Article 1er, A-17, ordonnance n°17/025 du 10 juillet 2017 fixant les attributions des ministères, JO RDC, n° spécial, 58 e
année, Kinshasa, 19 juillet 2017, pp. 24-59 : « Ministère […] planification des actions de développement dans le domaine des
Postes, Téléphone et Télécommunications, y compris les Nouvelles Technologie de l’Information et de la Communication
(NTIC) ».
2415
Ibidem.
2416
M. QUÉMÉNER, Cybersociété entre espoirs et risques, op.cit, p. 13. A. BAMDÉ, op.cit, pp. 12-26.
2417
N. SONNAC, « Marchés convergents, intérêts économiques divergents ? Le secteur audiovisuel », in P-F DOQUIR et M.
HANOT, op.cit., p.11. M. THONON, « Libération des contenus. La carte postale, le téléphone, la télévision », in G. DELAVAUD
(sous la dir.), Nouveaux médias, nouveaux contenus, Paris, éditions Apogée, 2009, p. 45.
390

électronique.2418 Ces transformations numériques créent de la valeur tout autant qu’elles en


détruisent.2419 Dans l’économie de l’Internet, il ne s’agit pas que des valeurs économiques,
mais aussi de la circulation des valeurs fondamentales du droit constitutionnel.2420 En effet,
« [l]es réseaux d’échanges, Internet, télécom fixes, mobiles et postaux, constituent une
"infrastructure de libertés". Liberté d’expression et de communication, liberté d’accès au
savoir et de partage, mais aussi liberté d’entreprise et d’innovation, enjeu clé pour la
compétitivité du pays, la croissance et l’emploi ».2421 Comme « le digital défie l’État de
droit », la confrontation des systèmes juridiques ne permet toutefois pas à la législation
congolaise d’assurer les fondamentaux du droit face à la puissance économique des
marchés.2422 La globalisation de l’économie numérique impose dans le domaine du droit, des
normes protéiformes privées et publiques, techniques et juridiques. Par nécessité, le pouvoir
public congolais doit appréhender les enjeux juridiques de l’ère numérique, qui s’agencent
avec l’idéologie néolibérale du droit de l’accès aux anciens monopoles. « Certaines
entreprises mettent à profit la société en réseau issue d’Internet pour s’affranchir de
contraintes réglementaires ».2423 Pour autant, l’ordonnance recentre les attributions de
l’autorité publique sectorielle en : « définition et actualisation du cadre légal et réglementaire
du secteur des télécom[s], et renforcement des capacités de l’ARPTC ».2424
1028. En droit comparé, les sources formelles appréhendent la dimension du phénomène
Internet. Olivier Iteanu a approché le défi législatif du numérique autour de « quatre concepts
fondamentaux du droit ».2425 Son questionnement est utilitariste : « le droit européen n’est-il
pas en phase d’être bouleversé par le droit américain de l’intérieur ? Ses concepts
fondamentaux ne sont-ils pas en cours d’américanisation ? Dans ce cas, le digital n’est pas le
moyen, il est le mobile, le prétexte d’une évolution fondamentale du droit ».2426
2. Le pragmatisme juridique face aux innovations technologiques
1029. Pour le monde entier, l’Internet est un acquis bénéfique, mais il engendre de
nombreux défis juridiques. En accédant à l’Internet mobile, la RDC se trouve au cœur des
nouveaux défis du numérique. La « valeur du clic » est devenue la finalité dominante de
l’usage des télécoms pour accéder aux « intangibles numériques ».2427 Les firmes américaines
et européennes destinent aux marchés africains leurs plateformes, services, messageries

2418
H. CAUSSE, op.cit, p. 23. Cf. Partie 1, Titre I, Chapitre 1 de la présente thèse. La voie électronique est la condition sine
qua non de qualification du commerce électronique européen. Les détails sur sa définition technologique et juridique ont été
fournis.
2419
V.-L. BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, XXE. SCHERER, la révolution numérique, op.cit., pp. I-XII.
2420
Cf. Partie 1, Titre II, Chapitre 2, Section 2, §2 de la présente thèse. L. BELLI, op.cit, p. 3 et s. S. CHATRY (sous la dir.),
op.cit, p.18-23. O. ITEANU, Quand le digital défie l’État de droit, op.cit, p. 23. D. CARDON, La démocratie Internet, seuil,
2010. Olivier Iteanu s’interroge : « La loi est-elle encore la seule norme qui régule les comportements des citoyens sur les
réseaux numériques ? N’est-elle pas désormais en concurrence avec d’autres normes ? Des normes démocratiques ?». La
réponse de Dominique Colson est exacte : « Internet [est aussi devenue] une révolution démocratique » des normes, élaborées
et appliquées par les internautes et les structures privées, en dehors de la puissance publique ou du pouvoir étatique.
2421
ARCEP, « 12 chantiers pour 2016-2017 » [http://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/revue-stratégique-conclusions-priorités-
janv2016.pdf] (consulté le 30 juin 2016).
2422
O. ITEANU, op.cit, pp. 21-29.
2423
Ibid., pp. 20-21.
2424
Article 1er, A-17, ordonnance n°17/025 du 10 juillet 2017 fixant les attributions des ministères, JO RDC, n° spécial, 58e
année, Kinshasa, 19 juillet 2017, pp. 24-59, spéc. 39-40.
2425
O. ITEANU, op.cit, pp. 21-23.En accord avec l’auteur, les fondamentaux suivants sont en jeu dans la société du numérique
et du digital dans le choc entre Europe et États-Unis: 1° liberté d’expression vs "freedom of speech", 2° vie privée vs
"privacy", 3° droit d’auteur vs "copyright", 4° régulation des réseaux vs"governance".
2426
Ibidem.
2427
V-L BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit., pp. 29 et s.
391

numériques. Les plus répandus en Afrique sont les applications numériques sur Internet
mobile : WhatsApp, Viber, Twitter, YouTube2428, Instagram, Facebook.2429
1030. Pour le droit congolais, Whatsapp, racheté par Facebook en 2014, sert de modèle
d’étude des enjeux de convergence numérique, au regard de ses propriétés et de son caractère
des plus prisés. En effet, ces firmes multinationales, voire transnationales, restent en avance
sur le cadre réglementaire et régulateur national. Au niveau local, le numérique restructure le
marché des télécoms, de l’économie et de la société, suscitant des défis particuliers pour le
droit. Ces transformations méritent une théorisation juridique, sur base empirique des efforts
nationaux de régulation de l’Internet. Elles comportent des défis de création de la valeur, du
transfert de pouvoir à l’internaute et de la régulation par les codes et protocoles du Net. 2430 Si
« les libertariens […] croient en la technologie pour réguler le monde, elles (les
multinationales) ont foi quant à elles dans le seul mécanisme de marché ».2431 Néanmoins,
l’État congolais doit assurer un minimum de régulation face à ces aspects de l’économie
numérique. La régulation doit trouver des instruments juridiques applicables face au « marché
total ».2432
1031. En Afrique, il apparait réellement que « le mobile n’est pas une tendance, c’est
l’adoption la plus rapide d’une technologie qui a révolutionné l’histoire de la
communication ».2433 Dans le contexte des pays comparables à la RDC, la Banque mondiale a
démontré l’ampleur des « dividendes du numérique ».2434 Au dernier trimestre 2015, la
croissance du taux de pénétration du mobile à 63% démontre que « le portable [est] plus
qu’une alternative ».2435 Dans le cas précis de la RDC, le téléphone portable, l’Internet mobile
et ses applications s’imposent au quotidien comme l’outil privilégié de communication à
distance, pour plusieurs raisons : vétusté des lignes fixes, difficulté d’accès à des ordinateurs,
faible pouvoir d’achat des populations congolaises, coût élevé des taxes douanières, faible
taux d’électrification des villes.2436 Quand les aspects du numérique atteignent un seuil
d’atteinte aux impératifs d’ordre public, les autorités congolaises prennent des mesures de
régulation.
1032. C’est alors réellement, le pragmatisme qui oriente la régulation ex ante. En réalité,
le législateur de 2002 n’ayant réservé aucun régime sur l’Internet, la réglementation ex post ne
dispose pas de préalable légal, ni d’orientation de politique législative. Pour la RDC une loi

2428
YouTube est la branche audiovisuelle de Google.
2429
AFP-JA, « Infographies : les derniers chiffres de Facebook pour l’Afrique subsaharienne », Jeune Afrique, 10-11
septembre 2015.Source : Facebook Afrique, Statistiques, 2015. Quatre utilisateurs africains sur cinq (80%) de Facebook y
accèdent via leurs téléphones portables. Entre septembre 2014 et juin 2015, le nombre de ses utilisateurs en Afrique
subsaharienne a augmenté de 20%, passant de 100 à 120 millions d’internautes, dont 31,5 millions en provenance du Kenya
et de la RSA. Le Nigeria s’ajoute à ces derniers, pour former le quart de ses utilisateurs dans la région, à raison des poids
démographiques de ces pays au top du continent. Sur le continent, le premier bureau Facebook a été ouvert en 2015 à
Johannesburg (RSA).
2430
L. BELLI, op.cit., p. 15. V-L BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit., p. 29 et s.
2431
O. ITEANU, op.cit, p. 27.
2432
A. SUPIOT, La gouvernance par le nombre, Fayard, Paris, 2015, cité par O. ITEANU, op.cit., p. 27. « Comme l’a écrit le
professeur Alain Soupiot, elles croient dans le marché total en non dans la liberté totale des libertaires. […] Ce marché total
requiert un minimum de régulation, voire pas du tout. C’est pourquoi, comme les libertariens, mais pour d’autres objectifs, ils
promeuvent l’autorégulation non contraignante et le contrat comme outil juridique roi ».
2433
NUNU NTSHINGILA, Communiqué de Facebook, Directrice division Afrique, Johannesburg.AFP-JA, « Infographies : les
derniers chiffres de Facebook pour l’Afrique subsaharienne », Jeune Afrique, 10-11 septembre 2015.
2434
Banque mondiale, Les dividendes du numérique, Rapport mondial sur le développement 2016, préc., p. 2. « Dans les pays
en développement, les ménages qui possèdent un téléphone mobile sont plus nombreux que ceux qui ont accès à l’électricité
ou à de l’eau salubre, et près de 70 % des personnes appartenant au quintile inférieur de la population sont propriétaires d’un
portable. Le nombre d’internautes [dans le monde] a plus que triplé en dix ans, passant d’un milliard en 2005 à 3,2 milliards à
la fin de 2015, selon les estimations ».
2435
Source : statistiques du 11 septembre2015 [http://m.huffpost.com/mg/entry/8122780] (consulté le 10 juillet 2016).
2436
Taux d’électrification en RDC : 6% en 2006 ; 9% en 2011 ; et 15% en 2016. (Source : Société nationale d’électricité)
392

sur Internet ou sur l’économie numérique aurait permis d’organiser l’expression de la


souveraineté sur les phénomènes sociétaux que la technologie suscite. À défaut, l’économie
numérique est régulée par des actes de souveraineté, assurant l’effectivité d’un droit
applicable en cas de difficulté. Il advient donc que d’autres autorités administratives
interviennent, là où le régulateur sectoriel des télécoms n’a pas la possibilité d’appliquer la
réglementation ex ante sur les aspects de l’Internet.
1033. Notre théorisation retient les règles « prétoriennes » édictées dans des cas précis
par le pouvoir public congolais face aux défis de l’Internet. Le législateur congolais de
20022437 a retenu la nécessité « d’analyser et d’étudier de façon prospective l’évolution, aux
plans national et international, de l’environnement social, économique, technique et juridique
des activités du secteur ».2438 Il estime que le régulateur alimente son expérience cognitive par
son arbitrage du jeu du marché, en vue de « suggérer toutes modifications législatives ou
réglementaires qui lui paraissent nécessaires à l’évolution des secteurs des
télécommunications et au développement de la concurrence ».2439 En RDC, les défis
juridiques de l’économie numérique sont nombreux, mais ils ne se réfèrent à aucune
législation préétablie, ni à un régime spécifiquement organisé. Il est nécessaire d’effectuer un
ajustement conséquent des institutions juridiques congolaises à l’ère numérique. (§2)

§2. Les défis d’ajustement des institutions juridiques de 2002


face à l’économie numérique en RDC

1034. À l’échelle mondiale, l’économie numérique découle de la dérégulation des


télécoms, en se particularisant selon les pays. Pour la RDC, le téléphone mobile et ses
applications restent le moyen le plus répandu d’accès à Internet, sur lequel l’économie
numérique a pris naissance et prend appui. En ouvrant le droit de l’accès aux communications
numérique, l’État congolais n’a pas organisé en contrepartie une régulation adaptée aux défis
juridiques de l’économie numérique. La cartographie, devenue classique, du marché témoigne
de la présence « des opérateurs fournisseurs des services de la téléphonie mobile (MNos), des
Fournisseurs des services Internet (FAI) ainsi que les fournisseurs des services à valeur
ajoutées (VAS) ».2440
1035. Mais, notre analyse des défis du numérique va au-delà, car il est répandu
aujourd’hui la réalité des opérateurs alternatifs, dits « OTT » (Over The Top content) comme
par exemple : Viber, Imo, Whatsapp, Skype ou Line.2441 Ce sont des « fournisseurs
d’application » cumulant les fonctionnalités d’appels téléphoniques, de fourniture de contenus
et d’échanges de données sur Internet, sans disposer en propre d’un réseau. La popularité de
Whatsapp justifie son choix comme paradigme d’étude des défis du nouvel ordre que les
systèmes juridiques congolais, français et européens ont du mal à cerner. (A)
1036. Tout comme dans d’autres cas que ceux des « OTT », l’économie numérique
présente des enjeux juridiques multisectoriels. Ces derniers démontrent les limites des
régimes ainsi que des institutions sectoriels qu’il devient impératif d’ajuster. En RDC, comme
2437
Loi-cadre sur les télécoms [RDC] et Loi n° 014/2002 sur l’ARPTC du 16 octobre 2002, JO RDC, 44 e année, n° spécial,
25 janv. 2003, pp. 47-59.
2438
Article 3-j), loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc.
2439
Article 3-k), loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc.
2440
Cahier sectoriel, ANAPI, Kinshasa, mai 2017, p. 19.
2441 Cf. Tic Mag, 12 février 2016 in [https://www.ticmag.net/viber-whatsapp-skype-comment-reguler-les-ott-qui-penalisent-
les-operateurs-mobiles/] (consulté le 8 octobre 2016). J. TÉ-LESSIA, « WhatsApp, Skype et Viber, le casse-tête des
opérateurs », in Jeune Afrique, 11 février 2016 [http://www.jeuneafrique.com/mag/298324/economie/whatsapp-skype-viber-
casse-tete-operateurs/] (consulté à nouveau le 8 octobre 2016).
393

en droit comparé, les dispositifs de régulation des télécoms sont dépassés par les défis de
l’économie numérique. (B)

A. / L’IDENTIFICATION DES DÉFIS DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE


EN RÉFÉRENCE AUX OUTILS NUMÉRIQUES GRAND PUBLIC

1037. Les techniques, réseaux et applications numériques servent à la réalisation à


distance des transactions en tout genre ainsi qu’à l’échange de la valeur au bout du clic.
L’ARPTC précise que « [l]e marché de la téléphonie mobile reste dominée à plus de 99% par
des abonnements prépayés et moins de 1% seulement d’abonnement post-payés ».2442
1038. Dans l’économie numérique congolaise (voire africaine), Whatsapp est l’une des
applications numériques des plus prisées. Whatsapp sert à la fois de moyen de
communication, de messagerie mobile et plate-forme de partage de la valeur à l’ère
numérique. Sur le plan commercial et technologique, elle présente plusieurs avantages
pratiques pour ses services gratuits, protéiformes et transfrontières. À sa création en 2014,
Whatsapp était censée ne conserver sa gratuité que pour une année, mais finalement celle-ci
perdure depuis février 2015. Ce modèle d’affaires est une base de succès de ses usages, en
permettant des échanges massifs d’appels et de données, sans subir aucune publicité.
Toutefois, de nombreux défis juridiques s’attachent à ses propriétés et à son économie ainsi
décrites. Notre thèse retient pour ces défis deux critères de regroupement en rapport avec
l’atypisme des opérateurs alternatifs (1) et les aspects de sécurité publique les concernant. (2)
1. Les dispositifs classiques et l’atypisme des opérateurs alternatifs de l’Internet
1039. Premièrement, il s’agit de répondre à la régulation des communications
électroniques. L’offre de gratuité de Whatsapp lui procure une position de concurrence
redoutable par rapport aux opérateurs téléphoniques. Une fois l’application téléchargée, son
utilisation se greffe aux fonctionnalités des réseaux 3G/4G, qui sont astreints à des droits de
licence et à des surtaxes pour leurs appels internationaux traditionnels. La firme délocalisée
affecte la rentabilité des droits de l’accès acquittés par les opérateurs des réseaux locaux. Sous
la pression des réseaux GSM, le Maroc a dû momentanément bloquer en février 2016 les
services alternatifs et non-régulés d’appels audio Whatsapp, afin de protéger son marché
contre la concurrence.2443
1040. En droit européen, la même expérience des « OTT » pose la difficulté de réguler
Skype ou de le ranger dans un régime connu.2444 Au même titre, Whatsapp délivre grâce à
Internet, les mêmes services vocaux et d’échanges de données que les opérateurs locaux.
Comment le soumettre aux mêmes obligations de licence ou d’autorisation que les autres
réseaux ? Pour l’Europe, la directive « licence » a été remplacée par la directive
« autorisation », celle-ci n’étant requise en principe que dans le cas d’affectation des
ressources radio pour exploiter une technologie. Mais pour le droit congolais, la question reste
entière, suivant les régimes obligatoires fixés par le législateur : « Licence », « autorisation »,
« déclaration ». Comment placer les « OTT » dans une des catégories des intermédiaires
techniques et leur appliquer le régime de responsabilité correspondant ? L’intérêt de la
question réside également dans l’application des règles de fiscalité, en considérant que les

2442
AUTORITÉ DE RÉGULATION DE LA POSTE ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, observatoire du marché de la téléphonique
mobile, rapport du 2e trimestre 2017, Direction Économie et Prospective, Kinshasa, p. 5.
2443
Le Maroc bat le record africain de vente de sa première licence GSM à 1 milliard de dollars d’une licence GSM.
2444
S. CHATRY (sous la dir.), La régulation de l’Internet, op.cit, p.18-23.
394

appels internationaux font l’objet de taxes spécifiques, comme la « taxe de régulation » et la


« redevance des titres », sont calculées sur les minutes d’appels ou sur le chiffre d’affaires.2445
1041. Deuxièmement, les fonctionnalités de la messagerie mobile Whatsapp permettent
la synchronisation automatique du répertoire téléphonique individuelle. La synchronisation de
sa plate-forme avec celle de Facebook, son acquéreur a également soulevé des
préoccupations. L’application dispose aussi d’une polyvalence pour les échanges des textes,
photos et vidéos. Il se pose de ce fait le problème de traitement et de conservation des
données personnelles, que le droit congolais ne règle pas.2446
1042. Troisièmement, l’application pose nécessairement des défis du droit des marques
et des signes, dans le cadre des diffusions hors copie privée. D’autres nouveautés attendues de
cette application renforcent cette préoccupation du droit, notamment : le partage de la
musique stockée sur son Smartphone et des morceaux d’Apple Music, pourvu que les deux
interlocuteurs partagent un abonnement au service d’Apple.2447 Le défi du droit est de protéger
les droits intellectuels, car « le numérique détruit de la valeur [des biens culturels à forte
pénibilité de production] et n’en récrée pas, pour l’instant, nécessairement autant, ni ne
réinvente facilement de nouveaux modèles économiques, un espace où la gratuité a continué
de croître, et avec elle, la notion de paradis numérique, à laquelle une génération s’est déjà
habituée ».2448
1043. Quatrièmement, les défis de leur localisation posent problème aux États vers qui
les activités sont dirigées. Comme caractéristique de la révolution numérique, l’Internet
permet à « de toutes petites structures [de] réalise[r]des projets de dimensions planétaires
(Twitter, Digg…) ».2449 Pour la plupart, ces géants basés en Californie se servent des CGU en
faveur des juridictions américaines en cas de conflit. Leurs services numériques
déterritorialisés ajoutent à la difficulté d’application des règles du droit positif congolais (si
elles existent en la matière) en faveur des internautes nationaux. Cette problématique renforce
la crainte d’une dominance centralisatrice des puissances du Net que sont les GAFA ou
GAFAM, vis-à-vis des droits des consommateurs.2450
1044. Si les sources congolaises restent silencieuses, en France la jurisprudence a
tranché la question, en faveur des consommateurs contre Facebook. La Cour d’appel de Pau a
déjà jugé en 2012 que la clause des juridictions californiennes intégrées à ses CGU était
abusive et par conséquent non opposable aux consommateurs.2451 En 2016, le Tribunal de
grande instance de Paris statuait de la même manière par son verdict sur l’assignation de 2011
d’un consommateur français contre la même firme. Son jugement a écarté pour son caractère
abusif la clause que la firme opposait au particulier français et a été confirmé par la Cour

2445
Cf. à ce jour la dernière actualisation : Arrêté interministériel n°CAB/VPM/PTNTIC/MTLL/MSK/005/201- et
n°CAB/MIN/FINANCES/2016/100 du 29 juillet 2016 portant fixation des taux de droits, taxes et redevances à percevoir à
l’initiative du ministère des PTNTIC.
2446
Cf. Partie 2, Titre I, Chapitre 2, Section 2, §2 de la présente thèse. Le droit congolais n’organise pas de régime des
données personnelles. La loi-cadre des télécommunications aborde l’aspect des données personnelles uniquement dans
l’énonciation de la définition des « exigences essentielles », à son article 2. Cf. aussi Partie 2, Titre II, Chapitre 1 de la
présente thèse, au sujet des aspects du renouveau du droit de protection des données personnelles dans le projet de loi sur les
télécoms et les TIC en RDC.
2447
S. CHATRY (sous la dir.), op.cit, pp.18-23.
2448
Ibidem.
2449
E. SCHERER, la révolution numérique, op.cit., p. XII.
2450
V-L BENABOU et J. ROCHFELD, op.cit, pp. 29 et s. J. ROCHFELD (sous la dir.), L’effectivité du droit face à la puissance des
géants de l’Internet, préc., p. 17. C. CASTETS-RENARD, op.cit, p. 4. O. ITEANU, op.cit., pp. 16-17.
2451
Cour d’appel de Pau, 23 mars 2012, n° 11/03921 [http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-
decision&id_article3382] (consulté le 21 mai 2013).
395

d’appel de Paris au détriment de la compétence des juridictions californiennes. 2452 Les deux
juges ont fait application des règles européennes soumettant les professionnels au droit de la
consommation des États européens au titre de loi de police. Le Règlement CE n° 44/2001
dispose clairement que la compétence revient au juge local du consommateur.2453
2. La sécurité publique et les opérateurs alternatifs dans l’économie numérique
1045. Cinquièmement, Whatsapp a fait de la confidentialité des échanges un atout de son
produit.2454 Les crises politiques africaines ont aussi fait de cette application une alternative de
communication pour les partis d’opposition en RDC.2455 Mais comme en Angleterre lors des
attentats de son parlement en 2017, Whatsapp s’est mis à dos, tout autant que Apple aux États-
Unis, un bon nombre de gouvernements, pour n’avoir pas déféré à leurs réquisitions
d’informations sur les données stockées de sa plate-forme numérique. Ainsi, en décembre
2015 au Brésil, la messagerie a été entièrement bloquée pendant 48 heures à la suite d’un
nouveau refus de fournir à la police des informations dans une affaire criminelle. Au Burundi,
Whatsapp a notamment servi de canal de circulation des alertes et des informations en
opposition au Président Pierre Nkurunziza, face à la censure des médias traditionnels.2456
1046. À ce sujet, la Banque mondiale est explicite: « Les rendements d’échelle et les
coûts marginaux nuls expliquent aussi pourquoi beaucoup de réseaux sociaux sont devenus
l’instrument de mobilisation sociale et de protestations politiques de prédilection ».2457 Même
s’il est nécessaire d’être connecté à un réseau 3G/4G ou wifi, le coût de connexion est
largement compensé par rapport aux SMS. Cet avantage est déterminant lorsqu’il s’agit d’une
discussion de groupes ou des appels internationaux, pour des revendications et mobilisations
de masse à travers les médias sociaux numériques.
1047. Pour ces motifs en RDC, l’interruption d’accès à l’Internet avait été ordonnée par
les autorités en janvier 2015 sur l’ensemble des services. Ce black-out avait pour but
d’enrayer la diffusion de messages viraux appelant à manifester dans la rue contre la
modification de la loi électorale. Du 15 au 19 janvier, dans les grandes villes du pays, y
compris Kinshasa, les émeutes se poursuivaient, malgré le retrait de l’article litigieux du
projet de loi au Parlement. Comme lors des « printemps arabes », les messages via Whatsapp
et autres applications alimentaient les émeutiers avec des mots d’ordres et autres indications,
notamment le dispositif des forces de l’ordre. Avant l’Internet grand public, le gouvernement
congolais avait décrété en 2006 et 2011 la suspension de fourniture des SMS, en vue de
réguler à chaque fois les tensions postélectorales.2458
1048. Mais les émeutes de janvier 2015 ont démontré pour la première fois l’immersion
des citoyens dans l’Internet et les médias sociaux numériques. Il est apparu des défis politico-

2452
Cour d’appel de Paris, Facebook Inc. c/ Monsieur X, 12 février 2016, n°15/08624.
2453
Articles 16 et 17, Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la
reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
2454
Jeune Afrique, 1er avril 2016. En avril 2015, les fondateurs de Whatsapp, Brian Acton et Jan Koum, vantaient sur le plan
marketing la confidentialité des données cryptées de bout-en-bout, de sorte que « personne ne peut rentrer dans ce message.
Pas même les cybercriminels, les pirates, les régimes oppressifs. Même pas nous », disaient-ils.
2455
Sur le continent africain en proie à des contestations politiques et à des revendications sociales, bon nombre de politiques
et d’activistes sont persuadés, à tort ou à raison, d’être écoutés par les gouvernements. Whatsapp fait figure de réseau
sécurisé.
2456
Jeune Afrique, 1er avril 2016. [www.jeuneafrique.com/339107societe/technologie-whatsapp-a-conquis-lafrique/]
2457
BANQUE MONDIALE, Les dividendes du numérique, Rapport sur le développement du monde 2016, préc., p.11, col.1
2458
Reporters sans frontières, « Levée de la suspension du service SMS », 28 décembre 2011 [https://rsf.org/fr/actualites/levee-
de-la-suspension-du-service-de-sms] (consulté le 1er juillet 2006). Le rétablissement des services SMS est intervenu le 28
décembre 2011 après sa suspension depuis le 3 décembre 2011 sur l’ensemble de la RDC, près d’un mois après les élections
générales du 28 novembre 2011, sur ordre du Gouvernement (Ministre de l’Intérieur).
396

juridiques d’un genre nouveau, ayant amené le gouvernement à prendre la mesure de la


progression d’Internet dans d’autres secteurs, au-delà des télécoms. « Ce web contributif ou
communautaire est construit sur les échanges des internautes qui deviennent acteurs du réseau
le refrain ». Les États postmodernes expriment une avide volonté de contrôler ses citoyens en
ligne à telle enseigne « qu’il existe de moins en moins de " rupture de faisceau" dans la
connaissance des activités et la localisation des individus ».2459 Ainsi, si pour les États-Unis,
George Orwell écrivait Big brother is watching you, aujourd’hui « Big brother n’existe pas, il
est partout ».2460 Les « évolutions sociétales et technologiques » assurent la « surveillance
globale » des réseaux numériques.2461
1049. Conformément à l’article 46 de la loi-cadre, l’État congolais, n’étant pas au
niveau du phénomène de surveillance, avait ordonné la suspension de tous les services
Internet dans le pays dès le 20 janvier 2015.2462 Par principe de précaution, le ministre des
PTT, l’ARPTC, les services de sécurité ont convenu avec les opérateurs téléphoniques et les
FAI d’un « Acte portant principe de base du protocole de restriction, de filtrage,
d’interruption, de suspension et de rétablissement des services publics des
télécommunications ».2463 Après dix-sept jours de suspension de fourniture des SMS et
d’Internet, ce protocole signé le 31 janvier 2015 a permis le rétablissement des dits services le
7 février 2015.2464 Le droit congolais ne disposait d’aucune source législative, réglementaire
ou administrative (licence, cahier des charges) national sur la responsabilité des
intermédiaires techniques sur les contenus qu’ils hébergent, transportent ou mettent à
disposition. Le monde de régulation par contrat a imposé une obligation de restriction d’accès
aux réseaux et/ou aux contenus numériques en ligne, en cas de dénonciation des violations.
Cette obligation est mise à charge des opérateurs, FAI et hébergeurs, mais ne les obligent pas
à assurer la surveillance générale de l’Internet et de son contenu. Les principes du droit
congolais de la régulation se sont inspirés des principes de responsabilités allégées du droit
européen.2465Ils obligent les prestataires techniques de rendre inaccessible ou d’empêcher
l’accès à un contenu illicite, tout en les exonérant d’une surveillance générale de l’Internet.
1050. En décidant du black-out total de l’Internet, les autorités congolaises démontraient
la véritable face libertine de cette technologie, mais aussi, sans trop y penser, son emprise sur
l’ensemble de l’économie nationale. L’impossibilité d’accès réseau avait paralysé le
fonctionnement du secteur de l’aviation : la billetterie électronique, la transmission des
données d’immigration des passagers avait entrainé l’annulation des vols. Les banques aussi
étaient touchées, car leurs ordinateurs déconnectés ne pouvaient pas gérer les distributeurs
automatiques de billets de banque (DAB), ni les mouvements des comptes délocalisés. Il en
fut de même du secteur de la télévision numérique par satellite. La numérisation croissante et

2459
L. PAILLIER, Les réseaux sociaux sur Internet et le droit au respect de la vie privée, Larcier, coll."droit des technologies",
Bruxelles, 2012, p. 15.
2460
D. CASSADA et E. SADIN, « Big brother n’existe pas, il est partout », Multitudes, 2010/1/, p. 78.
2461
L. PAILLIER, op.cit, p. 15.
2462
Article 46, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc. : « L’État peut pour des raisons de sécurité publique ou de la défense
du territoire soit pour l’intérêt du service public de télécommunications soit pour tout autre motif, interdire en tout ou en
partie, et durant le temps qu’il détermine, l’usage des installations de télécommunications. […] réquisitionner ou faire
réquisitionner […] les installations des télécommunications ».
2463
Archives de la Vice-primature, Ministère des PTNTIC, décembre 2104 à février 2016.
2464
Dossier: « Articles de presse de la catégorie "SMS" »: « RDC: l’envoi et la réception des SMS rétablis après 17 jours
d’interruption », 07 février 2015 ; « RDC : les entreprises des télécommunications annoncent la reprise des SMS dimanche 8
février [2015]», 06 février 2015 ; « SMS et Internet coupés en RDC », 20.01.2015 » ; « Le phare : « Internet et textos : la
censure continue », 03 février 2015 [www.radiookapi.net/mot-cle/sms] (consultés le 10 juillet 2016).
2465
Directive 2000/31/CE, préc.
397

la popularisation de l’Internet ont transformé l’économie congolaise et le quotidien des


congolais. La RDC traverse sa révolution numérique.
1051. De ce qui précède, l’économie de l’Internet dépasse les limites sectorielles des
télécoms. Le défaut d’ajustement des organes de régulation démontre le déphasage du droit
positif congolais au regard de l’accession du pays à l’économie numérique. Le caractère
politique du ministère des PTT lui permet de dépasser certaines limites techniques de
l’ARPTC. Le ministère entreprend l’interrégulation avec d’autres services pour répondre à
certains défis sécuritaires et financiers, liés à l’économie numérique. (B)

B./ LES LIMITES SECTORIELLES DE L’ARPTC


EN FAVEUR DE L’INTERRÉGULATION PAR LE MINISTÈRE DES PTT

1052. Les lois de 2002 sur les télécoms cloisonnent les actes de régulation et l’action de
l’ARPTC dans les strictes limites du secteur des PTT. En revanche, plusieurs esquisses des
lois, des règlements et des pratiques courantes tracent le tableau d’une compétence
multisectorielle du Ministère des PTT au-delà de l’intra-régulation de son département. À
l’ère numérique, la sectorisation des compétences n’assure plus l’efficacité des institutions.
Dorénavant, elles sont appelées à une collaboration à la fois sectorielle et multisectorielle.
Certains défis de l’économie numérique justifient des interventions de la régulation au-delà du
secteur des télécoms de base.
1053. À cet effet, le ministre des PTT dispose d’un rôle politique et des moyens de
puissance publique, plus étendus que l’Autorité de régulation. Les attributions de cette
dernière limitent son action au contrôle de la concurrence et à la gestion des ressources des
télécoms. La source formelle de ses missions est en effet la loi spéciale n°014/2002, tandis
que le département des PTT dispose des sources réparties dans plusieurs textes législatifs et
réglementaires. Notamment, ses pouvoirs se réfèrent au droit constitutionnel et au droit public
en général en tant que service public administratif.2466
1054. En conséquence, des mutations liées à l’économie numérique, les attributions du
ministre des PTT ont été étendues aux NTIC en 2012.2467 Fort de l’extension de son domaine
aux NTIC, le ministre des PTT organise ses rapports interinstitutionnels et multisectoriels de
portée économique, sécuritaire ou administrative, en rapport aux technologies numériques.2468
Les principes d’interrégulation sont esquissés dans l’expérience réglementaire congolaise. Il
convient d’en préciser la logique ainsi que les domaines de collaboration entre les PTT et les
autres autorités, concernant des défis particuliers de l’économie numérique (1). En
l’occurrence, les efforts d’interrégulation ont concerné la réglementation et le contrôle de
souscription de l’accès individuel aux réseaux numériques. (2)

2466
Article 93, Constitution de la RDC, préc.
2467
Ordonnance n°12/008 du 11 juin 2012 fixant les attributions des ministères, JO RDC, 53e année, n° spécial, 14 juin 2012,
p. 22-51. Cette ordonnance remonte au 1er gouvernement de la 2e législature de la IIIe République. Elle est la première à
innover avec cette dénomination, car la précédente ordonnance était restée dans l’approche des PTT : ordonnance n°08/74 du
24 décembre 2008 fixant les attributions des ministères [inédit].
2468
Ordonnance n° 12/007 du 11 juin 2012 portant organisation et fonctionnement du Gouvernement, modalités pratiques de
collaboration entre le Président de la république et le Gouvernement ainsi qu’entre les membres du Gouvernement, JO RDC,
53e année, n° spécial, 14 juin 2012, p. 1-21.
398

1. L’ébauche des domaines de l’interrégulation dans l’économie numérique


1055. Les priorités de la législation de 2002 étaient de réaliser la (dé)régulation des
services publics. Ces objectifs ont été dépassés par le développement des télécoms et la
convergence numérique, non envisagées par la loi-cadre. En effet, « [a]uparavant, la loi était
gravée dans le marbre tandis qu’aujourd’hui, elle apparaît comme étant rapidement dépassée...
La plasticité d’une norme est un gage d’adaptation et de pérennité ! »2469
1056. Dans la pratique, l’administration a recours à certaines dispositions larges afin de
réguler des aspects multisectoriels de l’Internet. La loi-cadre reste le texte principal pour
répondre aux défis de l’économie numérique, même si elle ne réserve quasiment pas de
régime aux activités numériques.2470 Elle inscrit le département des PTT au centre de
l’interrégulation de la convergence des médias et des technologies. Elle habilite celui-ci à
« assurer en collaboration avec les ministères et services de l’État ayant en charge la justice,
l’intérieur, la défense nationale et la sécurité, conformément aux lois et règlements en
vigueur, la surveillance générale et la police du secteur ».2471 Ainsi, le ministre des PTNTIC
collabore dans les dossiers de cybersécurité, de fiscalité du numérique, de police de commerce
et autres en liaison avec d’autres secteurs régaliens. L’expérience française renseigne de « [l]a
mise en place d’instances de régulation indépendantes, sectorielles (CSA, ARCEP, CRE,
ARAFER, ARJEL…) ou transversales (Autorité de la concurrence) […] destinée[s] à garantir
le respect de ce principe : dès l’instant où un secteur évolue vers une structure pluraliste, il
devient nécessaire de veiller au respect de certaines règles du jeu ».2472 Les domaines de
collaboration sont nécessaires entre les régulateurs des télécoms et les autres pouvoirs publics.
1057. Premièrement, la loi de finances et ses arrêtés d’application déterminent les
modalités de collaboration entre le département des finances et celui des PTT. Dans la
procédure d’encadrement des recettes publiques, le régulateur et l’administration des PTT
agissent au titre de « service taxateur ». Ils assurent la constatation et la liquidation des taxes
prélevées en contrepartie de leurs prestations réglementaires sur le marché électronique. De
manière complémentaire, les services des finances (DGRAD) en assurent l’ordonnancement
et le recouvrement.2473
1058. Deuxièmement, la collaboration entre le ministère de l’économie nationale et
l’ARPTC se complète dans la régulation des prix des services des télécoms. D’une manière
transversale, ceux-ci sont inclus dans le commerce général, car les opérateurs téléphoniques et
les FAI sont des opérateurs économiques. L’Ordonnance-loi de 1993 et le décret-loi de 1961
sur le prix posent le principe de leur libre pratique, sous réserve des marges licites. Le
ministre concerné exerce la police de commerce sur le prix.2474 Ces lois lui confèrent
l’autorité réglementaire de fixation des prix des produits précis et des services d’utilité
publique, qui sont stratégiques, à savoir : l’eau, l’électricité, le transport et les

2469
J. POMPEY, « Discussion avec Jane Ginsburg » [Interview], in PANTHEON-SORBONNE, Les défis scientifiques du tourisme,
Magazine de l’Université Paris 1, n°21, avril-juin 2017, p. 36.
2470
Cf. point B. du présent § de thèse pour les détails sur les vides juridiques de la loi-cadre en rapport au commerce
électronique, à la preuve électronique, à la cybercriminalité, aux données personnelles, aux contrats électroniques, etc.
2471
Article 6-e), Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2472
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne, op.cit., p.87.
2473
Loi n°04/015 du 16 juillet 2004 fixant la nomenclature des actes générateurs des recettes administratives, judiciaires,
domaniales et des participations ainsi que leurs modalités de perception, préc.
2474
Ordonnance n°83-178 portant création de la commission de la police du commerce, JOZ, n°19, 1 er octobre 1983, p. 93.
Arrêté interdépartemental DENI/CAB06/005/87 portant mesures d’exécution de l’ordonnance n°83-178 portant création de la
commission de la police du commerce, Législation et réglementation économiques et commerciales, 2e éd., 1998, p. 243.
399

hydrocarbures.2475 Ces quatre « secteurs à prix régulés » présentent une logique des industries
en réseaux, dans l’idée de cohésion sociale et d’intérêt général, à l’instar des services publics
des télécoms.2476
1059. Toutefois, la loi ne place pas les télécoms sous la régulation transversale du
ministre de l’économie, mais sous la régulation sectorielle de l’ARPTC. La concurrence et le
prix font l’objet de l’interrégulation entre eux. « L’Internet [peut] ébranle[r] le schéma qui
fonde l’intervention ex post des autorités de concurrence et ex ante des autorités de régulation
sectorielle ».2477 Mais, la loi-cadre sur les télécoms et la loi n°014/2022 privilégient la
spécificité des télécoms et réservent à l’Autorité de régulation la fixation des principes de
tarification des services de télécoms. Même dans l’économie numérique congolaise, le
ministre de l’économie intervient sur les questions ci-dessus en application de la législation ex
post, tandis que le régulateur intervient ex ante. Ce dernier disposant de l’a priori de son
action qui doit rester primordial.2478
1060. Troisièmement, l’expérience des grands arrêts et/ou jugements clés en France
démontre que le juge accomplit un office régulateur sur des questions de télécoms. Qu’il
s’agisse des compétences administratives, constitutionnelles ou judiciaires, les décisions des
cours et tribunaux permettent de dégager des règles prétoriennes ex post sur les causes portées
à sa connaissance en matière des communications électroniques ou de l’Internet. Le juge reste
le régulateur ponctuel et final dont les compétences traditionnelles ne s’effacent derrière le
droit de la régulation sectorielle des télécoms.2479
1061. En droit congolais, une affaire intéressante de recours à la « régulation
juridictionnelle » a été portée à la connaissance de la Cour Suprême de Justice par Africell,
dernier arrivant des opérateurs GSM (3G) sur le marché. En 2012, il avait assigné tous les
opérateurs du marché en justice, pour entendre la Haute cour leur imposer l’application de
l’article 41 de la loi-cadre.2480 Il s’estimait privé de son droit d’accès suite au refus
d’interconnexion dont il souffrait, malgré l’avis favorable obtenu du ministre des PTT. À la
suite des actes transactionnels convenus en 2015 entre eux, les procédures judiciaires ont été
arrêtées.2481Le dessaisissement du juge suprême ne permet pas d’aventure plus d’analyse
d’une jurisprudence.2482
1062. Comparativement en France, le droit de l’Internet a pu naître de l’ordonnance de
référé du 30 octobre 2001 dans le procès « Front 14 » vs « Association J’accuse !… et autres,
AFA, à treize FAI et prestataires ». « En effet, […] le réseau est devenu le refuge de
nombreux excès, de formes diverses de provocations et le moyen de nombreuses agressions
telles que les atteintes aux biens, aux droits des auteurs sur leurs créations […] lors du procès

2475
Article 1er, décret-loi du 20 mars 1961 sur le prix [modifié par ordonnance-loi 83-026 du 12 septembre 1983], Moniteur
congolais, 1961, p.218. Néanmoins, le ministre de l’économie peut déléguer au gouverneur des provinces son pouvoir de
fixer les prix des services et produits à prix régulés.
2476
J. CHEVALLIER, Le service public, op.cit., pp. 58 et s.
2477
L. BENZONI et P. DUTRU, op.cit., p. 19.
2478
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit, pp. 472 et s.
2479
M. QUÉMÉNER, « Le magistrat, régulateur ponctuel, régulateur final », in M.-A. FRISON ROCHE (sous la dir.), op.cit, pp.
167-181.
2480
Article 41, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc : « Tout réseau de télécommunications établi ou utilisé pour les
besoins du public est obligé de s’interconnecter au réseau de l’exploitant public à travers lequel tous les réseaux nationaux
sont interconnectés. Le Ministre fixe les règles particulières à l’interconnexion des réseaux ».
2481
Le compromis général a été trouvé avec l’ensemble de la corporation des opérateurs le 19 décembre 2014. L’accord
d’application des prix-planchers inter-réseaux a ouvert l’interconnexion à Africell.
2482
Radio Okapi, « RDC : Africell dénonce la coupure de son interconnexion avec Vodacom, Tigo et Airtel », 12 nov. 2012,
[www.radiookapi.net/economie/2012/11/12/rdc-africell-denonce-la-coupure-de-son-interconnexion-avec-vodacom-tigo-airtel] (consulté le
12 juillet 2012).
400

Front 14, le risque était réel de voir se développer un paradis de l’Internet comme […] des
paradis fiscaux. La société ne pouvait pas tolérer pareille dérive. Il était dès lors légitime
qu’elle se tournât vers le juge ».2483 Ce retentissant procès aura opposé la morale contre le
droit, l’éthique contre la logique économique a été posée tant que Front14.ord hébergeait près
de 300 sites xénophobes et néo-nazis. Le juge français du référé fit « preuve d’"audace et de
courage" qui de manière historique trancha en dégageant des règles prétoriennes susceptibles
de faire sortir la réflexion de l’impasse d’un trouble sans responsabilité à imputer ».2484
1063. Quatrièmement, l’article 46 de la loi-cadre ouvre une large possibilité de
collaboration entre le ministre des PTT et les départements de sécurité nationale. 2485 Si cette
interrégulation la régulation de l’Internet dans le cas des émeutes, il peut servir à tout moment
les intérêts d’ordre public et de la défense nationale sont concernés par les activités
numériques. Dans pareil cas, le législateur évoque l’intervention de l’État, sans préciser
quelle[s] autorité[s]publique[s] est [sont] habilitée[s] à agir. Cette imprécision mérite d’être
clarifiée, car l’approche de l’OMC souhaitait l’interaction des forces « multinationales » du
marché avec « un guichet unique ».2486 Une interrégulation impliquant le ministre des PTT est
nécessaire au sein du gouvernement, par nécessité de cohésion et de cohérence d’action.
1064. À titre illustratif, les nouveaux défis d’ordre public sont nés de la multiplication
des usages économiques et sociaux du numérique. Par nécessité de contrôle des accès, le
régulateur a décidé en 2007 d’obliger les opérateurs à collecter à des fins administratives et
judiciaires, les identités des abonnés à leurs réseaux.2487 Suite à son échec d’application, le
ministre de l’intérieur et celui des PTT ont adopté en 2008 un « règlement de police »2488 sur
le même objet.2489 Désormais, la police administrative s’est associée aux autorités de
réglementation des télécoms, au sujet du contrôle prudentiel des accès aux télécoms, afin de
réguler les influences sociales ainsi que les risques sécuritaires des réseaux numériques. En
2015, cet objet d’interrégulation a été étendu à un total de six départements ministériels : PTT,
Intérieur, Médias, Finances, Justice et Défense.2490 Le règlement sur l’identification des
abonnés dispose d’un préalable légal à « géométrie variable » : le marché a attaqué la mesure
en inconstitutionnalité devant la Cour constitutionnelle. Nonobstant l’attente du verdict, le
gouvernement l’a fait appliquer avec succès. Il importe d’analyser cette expérience originale
2483
J-J. GOMEZ, « Avant-propos », in S. ROZENFELD (sous dir.), Les 50 décisions clés du droit de l’Internet, éd. Celog, coll.
Legalis, Paris, 2005, p. 7.
2484
S. ROZENFELD (sous dir.), op.cit, p. 126-135. « Statuant publiquement [le TGI de Paris sous la présidence du juge tenant
l’audience publique des référés M. Jean-Jacques Gomez], et en premier ressort et par ordonnance réputée contradictoire :
constatons que le site portail Front 14, actuellement accessible à l’adresse www.front14.org , constitue dans son intégralité,
et donc dans diverses déclinaisons, le trouble manifestement illicite tel que défini à l’article 809 du nouveau code de
procédure civile ; […] ordonnons à M. Delvez, sous astreinte de 1 000 F par jour à compter du dixie jour qui suivra la
notification de la présente décision, de rendre impossible toute consultation des pages personnelles hébergées sur le site
[…] ».
2485
Article 46, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc. : « L’État peut pour des raisons de sécurité publique ou de la défense
du territoire soit pour l’intérêt du service public de télécommunications soit pour tout autre motif, interdire en tout ou en
partie, et durant le temps qu’il détermine, l’usage des installations de télécommunications. […] réquisitionner ou faire
réquisitionner […] les installations des télécommunications ».
2486
J. DO-NASCIMENTO, op.cit, p.140 et s.
2487
Décision n°005/ARPTC/CLG/2007 du 29 juin 2007 du Collège de l’ARPTC portant identification des abonnés du service
de la téléphonie mobile JO RDC, 48e année, n° 10, Kinshasa, 15 octobre 2007, col. 1 et 2.
2488
Article 6-c), Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc. : Le ministre des PTT a le pouvoir d’« arrêter les règlements
d’administration et de police relatifs aux télécommunications et fixer les taxes y afférentes ».
2489
Arrêté interministériel n°25/CAB/MINÉTAT/INTERDESEC/010/2008 et n°003/CAB/MIN/PTT/2008 du 8 mars 2008 fixant les
conditions de souscription à l’abonnement téléphonique [inédit].
2490
Arrêté interministériel du 19 mai 2015 n°25/CAB/VPM/MIN/INTERSEC/024/2015, n°003/CAB/VPM/PTNTIC/2015, n°MNDAC-
RCAB/009/2015, n°004/CAB/MIN/J&DH/2015,n°CAB/MIN.FINANCES/2015/0144 et n°008/CAB/MIN/CM/LMO/2015 modifiant et complétant
l’Arrêté interministériel n°068/CAB/MIN/INTERSEC/2009 , n°212/CAB/MIN/MIN/J/2009, n°CAB/MIN/PTT/011/2009 du 21
décembre 2009 fixant les conditions de souscription à l’abonnement téléphonique en RDC,JO RDC, 56e année, n°11, 1er
janvier 2015, col.7 et s.
401

de régulation. Comment l’État congolais contrôle les identités lors de la souscription de


l’accès aux réseaux numériques ? (2)
2. Le processus juridique d’interrégulation dans le défi d’identification
1065. La libéralisation des télécoms visait des résultats économiques et techniques pour
l’accès universel. Sur le marché, les cartes SIM étaient vendues à la sauvette sans diligences
administratives. Ainsi, l’économie numérique a posé des nouveaux défis d’ordre public pour
l’identification des abonnés de la téléphonie et de l’Internet mobiles. « L’identité numérique
peut être définie comme un lien informatique entre une entité réelle d’une personne et une
entité virtuelle, c’est-à-dire en quelque sorte sa représentation numérique ».2491
L’intermédiation technologique est à la base des usurpations d’identité. Les opérateurs
téléphoniques n’étaient pas tenus d’organiser un registre de leurs abonnés. L’anonymat des
usagers alimente des infractions, tout en empêchant des poursuites judiciaires. Le numéro de
téléphone portable sert d’accès à l’Internet. Il fait également office d’adresse de contact
professionnel. Mais bien plus dans le contexte du pays, il complète les identifiants
administratifs, car les fichiers d’identité et les registres d’état civil sont défaillants. Cet état
des choses paralysait de nombreuses enquêtes judiciaires, puisque les réquisitions
d’information restaient sans suite faute d’identité du titulaire de la ligne.
1066. En 2008, les ministres des PTT et de l’intérieur ont imposé l’obligation
d’identifier les abonnés des réseaux téléphoniques, après l’échec de régulation de l’ARPTC en
2007. Leur arrêté interministériel soumettait les opérateurs à la collecte et à l’enregistrement
de l’identité administrative de chaque ancien et/ou nouvel abonné,2492 en recueillir leurs
« informations substantielles ».2493 L’exécution de la mesure posait des contraintes logistiques
d’organiser une administration paperassière dans la vente et la distribution des cartes SIM.
Les nouvelles priorités de sécurité publique entraient en contradiction avec les objectifs
économiques du marché. À défaut d’identification, l’opérateur doit déconnecter l’usager s’il
est actif sur son réseau ou lui refuser l’accès en cas de nouvelle souscription, sous peine
d’amendes transactionnelles à l’encontre de l’opérateur récalcitrant.2494
1067. Cependant, le règlement de police de 2008 n’était pas conforme à la loi de
finances, ni au code pénal. D’une part, en fixant des amendes transactionnelles, le ministre
des PTT et celui de l’intérieur créait un acte générateur des recettes publiques. 2495 Cependant,
le règlement aurait dû obtenir à cet effet la signature conjointe du ministre des finances en
conformité à la loi des finances.2496 Ainsi en méconnaissant cette règle, le marché s’est trouvé

2491
M. QUÉMÉNER, Cybersociété entre espoirs et risques…, op.cit, p. 37.
2492
Arrêté interministériel n°25/CAB/MINÉTAT/INTERDESEC/010/2008 et n°003CAB/MIN/PTT/2008 du 8 mars 2008 du ministre
d'État en charge de l'intérieur et du Ministre des PTT fixant les conditions de souscription à l'abonnement téléphonique en
RDC.
2493
Expression postérieur, in Arrêté interministériel n°25/CAB/VPM/MIN/INTERSEC/024/2015, n°03/CAB/VPM/PTNTIC/2015,
n°MNDAC-RCAB/009/2015,n°004/CAB/MIN/J&DH/2015, n°CAB/MIN.FINANCES/2015/0144,n°008/CAB/MIN/CM/LMO/2015 du
19 mai 2015 modifiant et complétant l’Arrêté interministériel n°068/CAB/MIN/INTERSEC/2009, n°212/CAB/MIN/J/2009,
n°CAB/MIN/PTT/011/2009 du 21 décembre 2009 fixant les conditions de souscription à l’abonnement téléphonique en
République Démocratique du Congo, JO RDC, n°11, 56èmeannée, Kinshasa, 1er juin 2015, col.7. Les noms ou raisons
sociales, adresses physiques et personnes de référence.
2494
Article 9, alinéa 1er, arrêté interministériel du 8 mars 2008, préc. : « Tout opérateur qui n'aura pas identifié ses abonnés
dans un délai de 3 mois s'expose à l'une de ses sanctions suivantes : 1) - amende transactionnelle allant de l'équivalent en
francs congolais de 5.000 à 10.000USD par abonné non ou insuffisamment identifié ».
2495
Annexe, point XV-47 : « amendes transactionnelles », loi n°04/015 du 16 juillet 2004 portant nomenclature des actes
générateurs des recettes domaniales, judiciaires et de participation, préc.
2496
Article 3, loi 014/015 du 16 juillet 2004, préc. : « L'assiette, le taux ainsi que la période de paiement des droits, taxes et
redevances des recettes [...] ci-dessus sont fixés par Arrêté conjoint des Ministres ayant les finances dans ses attributions et
celui dont l'administration constate et liquide lesdites recettes ».
402

en droit d’ « exciper de la nullité »2497 de forme l’arrêté susdit, au motif d’« incompétence »
des deux ministres signataires sur cet aspect.2498À cause d’une violation de sa légalité externe,
le règlement était entaché d’un vice radical, l’exposant à une annulation pour excès de
pouvoir.2499 D’autre part, ces amendes s’analysent comme des sanctions pénales liées à une
incrimination sui generis pour non-identification des abonnés téléphoniques. En conformité
au code pénal congolais, seul le législateur est habilité à définir des amendes, soient-elles
transactionnelles.2500 Aussi le règlement des deux ministres précités entrait dans « un cas
d’incompétence radicale », correspondant à la « nature d’empiètement […] d’un agent
administratif dans les attributions d’une autorité délibérante ».2501 En outre, l’amende était
fixée entre 5.000$ et 10.000$ pour chaque abonné non-identifié.2502 Les réseaux comptaient
déjà de millions d’abonnés anonymes, dont le coefficient rendait irréaliste l’application vu
son montant excessif. Le règlement compromettait tout autant les objectifs de dérégulation
que le marché soumis à un risque de faillite ou de cessation de paiement. Tous ces
manquements affectaient l’efficacité du premier arrêté du 8 mars 2008 et motivaient sa
révision.
1068. Vu la nécessité, les deux ministres précités adoptèrent en 2009 un règlement
modifiant le précédent.2503 Leur deuxième arrêté fixa la procédure d’activation et de
désactivation des abonnés aux réseaux téléphoniques, en distinguant ceux « insuffisamment
identifiés » avec les « non-identifiés ». Cependant, il conserva les mêmes vices qu’en 2008,
même s’il réduisait de 500% le barème des « amendes transactionnelles » encourues.2504 En
effet, les rédacteurs de ces règlements se sont mépris sur la faculté offerte par la loi-cadre à
l’« administration [de] transiger avec le contrevenant et [de lui] faire payer une amende
transactionnelle dont les taux sont revus périodiquement par le ministre ».2505 Loin d’être un
principe générique,2506 cette faculté n’est applicable qu’aux infractions spéciales aux
télécommunications, que le législateur de 2002 a spécifiées au chapitre des dispositions
pénales.2507 Aucune d’elles n’incrimine le fait d’identifier on non les abonnés d’un réseau

2497
Ibidem, p. 430. Verbo « exciper » signifie « précisément, soulever, pour sa défense, une exception de procédure ».
2498
G. CORNU, op.cit, p. 534. Verbo « incompétence » pour signifier l’« inaptitude d’une autorité publique à accomplir un
acte juridique »
2499
Ibidem.
2500
Code pénal congolais : Décret du 30 janvier 1940 tel que modifié et complété à ce jour, mise à jour au 5 octobre 2006, JO
RDC, 47e année, n° spécial, Kinshasa, 05 octobre 2006.Article 5 : « Les peines applicables aux infractions sont: 1° la mort,
2° les travaux forcés, 3° la servitude pénale et 4° l'amende ».
2501
G. CORNU, op.cit, p. 1057. Verbo « Usurpation ».
2502
Article 9, alinéa 1er, arrêté interministériel du 8 mars 2008, préc.
2503
Arrêté interministériel n°068/CAB/MIN/INTERSEC/2009, n°212/CAB/MIN/J/2009, n° CAB/MIN/PTT/011/2009 du 21 décembre 2009
modifiant et complétant l’Arrêté interministériel n°25/CAB/MINÉTAT/INTERDESEC/010/2008 et n°003 CAB/MIN/PTT/2008 du 8 mars
2008 du Ministre d'État en charge de l'intérieur et du Ministre des PTT fixant les conditions de souscription à l'abonnement
téléphonique en République Démocratique du Congo.
2504
Article 12, arrêté interministériel du 21 décembre 2009, préc. : Sous réserve des dispositions du Code pénal et de la Loi-
cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les Télécommunications, tout Exploitant d'un réseau de télécommunications ouvert
au public qui n'aura pas identifié ou qui aura insuffisamment identifié ses abonnés dans les délais impartis s'expose, à dater
du 1" janvier 2010, à l'une des sanctions suivantes :
a) Amende transactionnelle de l'équivalent en francs congolais de 10 $US à 20 $US par abonné non identifié ;
b) Amende transactionnelle de l'équivalent en francs congolais de 5 $US à 10 $US par abonné insuffisamment identifié en
raison de l'omission d'une ou de plusieurs informations substantielles prescrites à l'article 4 du présent Arrêté.
L'Exploitant verse l'amende au compte du Trésor public, conformément aux dispositions légales et règlementaires en
vigueur. »
2505
Article 68, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2506
En effet, l’article 68 de la loi-cadre sur les télécoms [RDC] dispose que « Sous réserve des dispositions du code pénal, les
infractions en matières des télécommunications donnent lieu à une procédure de transaction. L’administration peut transiger
avec le contrevenant et faire payer une amende transactionnelle dont les taux sont revus périodiquement par le ministre ».
2507
Cf. « Titre VI : Des dispositions pénales », loi-cadre, préc. Composé des articles 68 à 78, ce titre retient des amendes pour
punir toutes « les infractions en matière des télécommunications » (article 68, al. 1, Loi-cadre). Dans quelques cas, la Loi-
cadre des télécoms a aussi prévu des peines d’emprisonnement.
403

numérique. Le deuxième règlement de police violait le préalable légal, qui ne peut faire
l’objet d’analogie dans l’interprétation des lois pénales.
1069. En définitive, un nouveau règlement de police a accompli avec succès en 2015
l’interrégulation quant à l’identification des abonnés des réseaux numériques.2508 Le troisième
arrêté est signé par six ministres. Il innove et corrige les deux précédents. Il ne se limite pas
uniquement aux réseaux téléphoniques, mais s’étend aussi aux services Internet. Son
innovation déterminante tient de l’interdiction de vente des « SIM pré-activées » sur le
marché.2509 Auparavant, l’usager était immédiatement actif sur le réseau, dès l’achat de sa
SIM.2510Cette facilité permettait aux anonymes, une fois déconnectés du réseau, de s’y
reconnecter par l’achat d’une autre SIM déjà activée par l’opérateur. Ainsi, l’identification
administrative a été renforcée comme obligation et préalable d’accès au réseau, à charge de
l’opérateur. Les procédures d’activation et de désactivation ont été clarifiées. Pour éviter les
vices antérieurs de légalité formelle, le règlement arrêté des « droits et pénalités », plutôt que
des« amendes transactionnelles » en cas de manquement à l’obligation d’identification.2511
1070. Instruit par huit ans d’échecs répétés face au même défi d’identité d’internaute,2512
l’État congolais a fait preuve de minutie et de transparence dans la rédaction du dernier
règlement. En associant le marché à cette rédaction, il n’obtint pas l’application facile du
règlement, mais une contestation dudit règlement devant la cour constitutionnelle, sur la base
de l’article 162 de la Constitution.2513
1071. Dans leur requête déposée le 24 novembre 2015 au greffe de la cour
constitutionnelle sous le numéro de registre « RCONST n°177 », ils ont formulés trois
principaux griefs contre l’acte réglementaire attaqué.2514 En l’espèce, les opérateurs ont requis
l’annulation de l’arrêté pour excès de pouvoir devant la cour constitutionnelle. Premièrement,
même si le règlement est signé par six ministres, leur nombre ne saurait couvrir le fait que
seuls deux d’entre eux sont habilités par la loi à édicter des mesures de police des
télécoms.2515 Deuxièmement, la fixation des « pénalités » par le règlement de 2015 serait une

2508
Arrêté interministériel n°25/CAB/VPM/MIN/INTERSEC/024/2015, n°03/CAB/VPM/PTNTIC/2015, n°MNDAC-
RCAB/009/2015,n°004/CAB/MIN/J&DH/2015, n°CAB/MIN.FINANCES/2015/0144, n°008/CAB/MIN/CM/LMO/2015 du 19 mai
2015 modifiant et complétant l’Arrêté interministériel n°068/CAB/MIN/INTERSEC/2009, n°212/CAB/MIN/J/2009,
n°CAB/MIN/PTT/011/2009 du 21 décembre 2009 fixant les conditions de souscription à l’abonnement téléphonique en
République Démocratique du Congo, JO RDC, n°11, 56èmeannée, Kinshasa, 1er juin 2015, col.7.
2509
Ibidem : « Sont interdites : - l’identification par procuration […] ; - la réactivation de toute SIM avant l’identification de
son abonné » (Article 2, al. 3).
2510
Sur le plan marketing, divers slogans illustrent marketing « pay-and-go », « play and pay », « take-away », notre
traduction : « achète et accède ». « paie et joue », « prend et vas-y ».
2511
Article 12, arrêté interministériel du 19 mai 2015, préc. : « sous réserve des dispositions du Code pénal, tout exploitant
d’un réseau ou tout fournisseur des services de télécommunications ouverts au public qui n’a pas été identifié ou qui a
insuffisamment identifié ses abonnés ou qui manquerait d’interrompre le service à un abonné non identifié ou
insuffisamment identifié, s’expose aux sanctions, droits et pénalités prévus par la Loi. »
[http://www.legalnet.cd/legislation/Droit%2àeconomique:telecommunication/AIM.19.05.2015.html] (Consulté le 21 septembre 2015.)
2512
En 2008, les règles de police n’ont pas été connues de résultats vis-à-vis du marché, à cause de leur portée limité à la
téléphonie oubliant l’Internet. Elles se concentraient davantage sur des sanctions que sur la procédure administrative, tout en
assurant le fonctionnement du marché. En 2009, des modifications ont été apportées à la mesure précédente. Cependant,
l’opposition du marché se fondait toujours sur la contrainte de déconnecter des millions d’abonnés anonymes, dont le nombre
leur faisait redouter des pertes financières.
2513
Article 162, Constitution de la RDC du 18 février 2006, préc. : « La Cour constitutionnelle est juge de l’exception
d’inconstitutionnalité soulevée devant ou par une juridiction. Toute personne peut saisir la Cour Constitutionnelle pour
inconstitutionnalité de tout acte législatif et réglementaire »
2514
Vodacom, Tigo, Orange et Airtel, Requête en inconstitutionnalité de l’Arrêté interministériel (…) fixant les conditions de
souscription à l’abonnement téléphonique en République Démocratique du Congo, sous R.Const. n°177, 16 novembre 2015.
[Source : Greffe de la Cour Constitutionnelle, le Greffier principal, Lucie Baluti Mondo, Directeur]
2515
Leur argument se réfère à l’article 6-e) de la loi-cadre des télécoms. Ils soutiennent que le règlement en cause devrait
impliquer tout au moins les ministres des PTT et de l’intérieur pour les aspects essentiels du règlement de police (sécurité
publique et sécurité des réseaux). Tout au plus, le ministre des finances pouvait intervenir pour les taxes à prélever.
404

violation du principe de la légalité des impôts et taxes, qui ne peuvent être fixés que par la loi.
Troisièmement, une mesure de police n’a pas pour vocation d’établir des règles substitutives à
la loi, mais plutôt de l’appliquer. En conclusion, le marché accuse le règlement d’avoir créé
des procédures et des institutions juridiques sui generis. À ce jour, la cour constitutionnelle
n’a pas encore rendu son arrêt.
1072. Nonobstant le recours en inconstitutionnalité contre l’arrêté, le gouvernement
s’est résolu d’appliquer le 26 décembre 2015 le règlement, notant qu’il produit ses effets tant
qu’il n’est pas annulé. Par un communiqué officiel, les ministres des PTT et de l’intérieur
mettaient en demeure le public de s’identifier pour leur accès au réseau. Les opérateurs
déconnectèrent effectivement les usagers anonymes d’accès à leurs réseaux et services
numériques ouverts au public.2516 L’observation du marché démontre l’impact de la mesure,
telle que rapportée par l’ARPTC au cours des mois de septembre 2015 et 2016. Le marché a
enregistré une sensible variation de la totalité des abonnements téléphoniques et Internet,
ayant reculé de -12.452.288 millions d’usagers insuffisamment ou pas du tout identifiés.2517

Notre tableau
Indicateurs T3 2015 T3 2016 Différence Variation

Total abonnements 39.746.740 27.294.452 -12.452.288 -31,32 %


Souscription Internet mobile 5.170.685 6.183.537 +1.012.852 +19,58%
Souscription mobile money 5.796.545 1.581.720 -4.214.825 -72,71%
Source : ARPTC/observatoire du marché de la téléphonie mobile T3-16

1073. Si l’ordre public numérique a connu un succès, il a cependant provoqué un


ralentissement de la croissance des abonnés. Sur le marché congolais des télécoms, la mesure
d’identification des abonnés a provoqué un ralentissement de la croissance économique, selon
les opérateurs de télécoms. Ils ont déclaré que leurs revenus en début 2016 présentaient
comparativement à la même période d’avant une tendance à la baisse de 11 à 2%, en attestant
que « [c]ette situation était accentuée par la perte de millions d’abonnés à la suite du
processus d’identification des cartes SIM imposé par le gouvernement ».2518
1074. La loi assurait les interstices de régulation. Toutefois, le risque d’instabilité
s’accroit, quand le cadre réglementaire n’offre pas de lisibilité pour le marché.
L’identification des internautes illustre l’imposition des exigences non-concurrentielles
affectant la croissance du marché. Mais les carences du cadre légal concernent aussi les
régimes des activités numériques.

2516
VPM, Ministre de l’Intérieur et Sécurité et VPM, Ministre des PTNTIC, « Communiqué du Gouvernement relatif à
l’opération de contrôle d’identification des abonnés des services de télécommunications en République Démocratique du
Congo », Kinshasa, 26 décembre 2015,
[http://www.7sur7.cd/new/sur-decision-du-gouvernement-telecommunications-desormais-tout-abonne-doit-etre-identifie-par-son-
operateur/]( consulté le 15 septembre 2016).
2517
ARPTC, Observatoire du marché de téléphonie mobile, Rapport du 3e trimestre 2016, préc., p. 39.
2518
« Pourquoi la hausse des tarifs de l’Internet mobile ? », RFI, 11 juin 2016. [http://www.rfi.fr/afrique/20160611-rdc-
pourquoi-hausse-tarifs-Internet-mobile] (Consulté le 19 juin 2016).
405

SECTION II -
LE DÉFI DE COMBLEMENT DES VIDES LÉGISLATIFS
DU DROIT L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE EN RDC

1075. En 2008, le Sénat congolais a publié un rapport sur le secteur des télécoms en
2008, dans lequel il souligne « aucune société moderne ne peut harmonieusement fonctionner
sans une fenêtre sur le monde à travers l’Internet. Cet instrument qui constitue l’autoroute de
l’information grâce au système multimédia a réduit le monde au niveau d’un village
planétaire ».2519 Mais, la loi-cadre de 2002 s’avère incomplète et inadaptée face à l’économie
numérique ainsi que de plusieurs autres aspects de la société de l’information.2520
1076. L’aperçu général des carences de législation permet de poser le cadre du
renouveau du droit de l’économique numérique, les enjeux juridiques non légiférés étant ainsi
mis en lumière. (§1.) Contrairement à l’Europe et à la France, la RDC ne dispose pas d’un
droit de l’économie numérique encadrant la responsabilité des acteurs de l’Internet, la
protection de la personne en ligne ou encore la confiance dans les transactions opérées. Aussi,
les carences du droit congolais ne contribuent-elles pas à « instaure[r] un équilibre entre les
différents intérêts en jeu et établi[r] des principes qui peuvent servir de base aux normes et
accords adoptés par les entreprises ».2521 Selon les défaillances analysées, la réforme des lois
des télécoms doit s’effectuer à travers des ajustements des règles et des institutions juridiques
répondant aux enjeux de l’économie numérique. De cet ordre, figurent le droit de la protection
des données personnelles et la cybersécurité pour répondre aux enjeux de liberté et de
confiance dans les TIC. (§2)

§1. L’aperçu général des carences


de législation de l’économie numérique

1077. Pour rénover ou innover, il convient d’identifier les vides législatifs avant
d’aborder au dernier titre les solutions de lege ferenda en cours de discussion. Il s’agit des
défis ci-après ne disposant pas de réponses législatives appropriés, à savoir : la signature
électronique, la preuve numérique, comme aspects du commerce en ligne (A./), et les règles
de lutte contre la cybercrimanilité, la protection des données personnelles, comme aspects de
sécurisation de la personne en ligne. (B./)
A./ LES DÉFAILLANCES DE LA LÉGISLATION CONGOLAISE
FACE AU COMMERCE ÉLECTRONIQUE

1078. Le commerce électronique se pratique en RDC, mais il ne trouve pas à ce jour de


source de définition dans la législation congolaise. (1)
1079. Par ailleurs, le droit congolais ne prévoit pas de régime pour la preuve et la
signature électroniques, alors qu’elles sont des éléments indispensables pour la certification
des échanges (origine), l’authentification des sujets du commerce en ligne et de la sécurisation
de leurs transactions. (2)

2519
M. MUTINGA MUTUISHAYI et al, Rapport de la Commission d’enquête sur le secteur des télécommunications en RDC,
Sénat, RDC, mai 2008, pp. 39-4.1
2520
Ibidem.
2521
Considérant n°41, Directive 2000/31/CE, préc.
406

1. L’absence de définition législative du commerce électronique


1080. Plusieurs offres d’activités en ligne font état de l’existence du commerce
électronique congolais. L’exemple le plus courant est l’achat de recharge des crédits de
communications à distance sur les réseaux téléphoniques à partir de son téléphone. 2522 Dans la
pratique commerciale, les commandes en ligne contre accusé-réception réalisent les contrats
électroniques par double clic. Toutefois, le droit positif congolais ne définit pas ces activités,
ni leur réserve un régime spécifique.2523
1081. L’évocation du terme « commerce électronique » peut rappeler des liens
conceptuels évidents avec l’Internet ou avec les réseaux et médias numériques. Pour Vincent
Gautrais, dans les faits, « l’accomplissement d’activités commerciales de manière
automatique par l’utilisation des technologies de l’information et de la communication »
relève du commerce électronique. Quant au professeur Filiga Michel Sawadogo, « tout ou
partie des opérations relatives à la publicité, à l’accord des volontés des parties, à la livraison
du produit, à la prestation du service ou au paiement du prix, effectuées en ayant recours aux
nouvelles technologies de l’information et de la communication ».2524 En l’absence de
définition législative, « [c]es définitions [empiriques] traduisent la différence que le marketing
institue entre produits matériels, produits exclusivement informationnels et produits riches en
information ».2525
1082. Mais en droit, l’exactitude des mots produit et engendre des conséquences
juridiques. La RDC est connectée au commerce numérique mondial, mais se trouve
considérablement dépourvue d’une réglementation adéquate en rapport aux services de la
société de l’information. Le législateur de 2002 rapproche le commerce en ligne
des « services à valeur ajoutée » et des « services supports », en privilégiant les services de
base (transmission du signal) comme étant les seuls concernés par l’accord de l’OMC de
1997.2526 Le législateur congolais de 2002 n’a pas considéré les réalités du marché avant l’an
2000. Plusieurs acteurs avaient déjà fait leur entrée dans le secteur congolais de l’offre
d’accès à Internet et des contenus numériques en ligne. Après 62 ans d’attente des
réformes,2527 les « lois dérégulatrices » de 2002 des télécoms n’ont pas satisfait les attentes de
l’économie numériques. Leur champ ne couvre pas les aspects juridiques des services de la
société de l’information, tels que le commerce en ligne, l’écrit électronique, la preuve et la
signature électroniques, la responsabilité des prestataires techniques, le contrat électronique,
la publicité en ligne, la protection des données personnelles ou des œuvres d’esprit
numérisées ou diffusées sur l’Internet, etc.

2522
Le clavier alphanumérique des téléphones permettent de réaliser des commandes sous forme de syntaxe informatique et
d’obtenir des accusé-réceptions, par le même procédé automatique, généralement par SMS. L’écran du téléphone intelligent
sert de media d’accès au serveur de l’opérateur et la mémoire du téléphone fait office de support durable.
2523
K. NDUKUMA, op.cit., pp. 46-47.
2524
M. SAWADOGO FILIGA, « Approche nationale et régionale de la mise en place d’une réglementation du commerce
électronique : le cas du Burkina-Faso et de l’Afrique de l’Ouest », Conférence régionale africaine de haut niveau, Tunis, 19-
21 juin 2003, pp. 1-3. K. NDUKUMA, op.cit, p. 18.
2525
X. LINANT DE BELLEFONDS, op.cit., p. 3.
2526
C. GUERRIER, « Droit et accords OMC dans le domaine des télécommunications : la problématique », Droit de
l’informatique et des télécoms, revue trimestrielle, 16e année, 1991/1, pp. 95-96.
2527
Avant l’édiction de la loi sur les télécommunications en RDC, loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002, la précédent en
vigueur fut l’Ordonnance-législative 254/TELEC du 23 août 1940 du Gouverneur général du Congo à l’époque du Congo
colonie belge. Cf. JORDC, n° spécial, 25 janvier 2005, Kinshasa, p.18.
407

2. Le défaut de régime spécifique à la preuve numérique en RDC


1083. La valeur de l’écrit numérique n’est pas encore rendue équivalente à la preuve
littérale. Néanmoins, les facilités de l’outil numérique ont amené le législateur congolais en
2010 à conférer une valeur d’opposabilité aux textes à publier par Internet au journal officiel
en ligne.2528 Le code civil congolais ne précise pas la valeur équivalente d’un écrit numérique
à la preuve littérale du code civil congolais. Il en est de même pour la signature
électronique.2529 Cependant en France, la loi du 13 mars 2000 et son décret d’application du
30 mars 2001 avait introduit une réforme considérable, en transposition de la directive
européenne 1999/93/CE du 13 décembre 1999 « sur un cadre communautaire pour les
signatures électroniques ».2530 Cette directive « expurge des droits nationaux toutes les
dispositions qui seraient de nature à entraver l’efficacité juridique. Elle établit pour ce faire un
principe général d’équivalence entre l’écrit électronique entre l’écrit électronique et l’écrit
papier qui s’induit de la genèse et de l’objectif poursuivi par l’acquis communautaire ».2531 En
matière commerciale et pénale, la preuve peut s’établit par tous moyens de droit. L’exigence
d’équivalence concerne les rapports de droit civil.
1084. Des défis juridiques sont relatifs à la réception des traces et documents
numériques en tant que preuve. Ils concernent le droit commun de la preuve, car en matière
commerciale et pénale, la preuve est libre. Cette observation ramène la problématique de la
preuve numérique à de justes proportions. De très nombreuses activités numériques ne sont
pas intéressées par les mutations d’enjeu numérique, puisqu’elles ont lieu entre professionnels
(commerçants, B to B). Elles ne donnent pas lieu à des contestations requérant un moyen
probant des « actes ou des faits juridiques » contestés.2532 Particulièrement, les rapports B to C
soulèvent davantage l’enjeu législatif de la preuve électronique, car les actes ont une nature
mixte, à la fois de nature civile, du point de vue du consommateur et de nature commerciale,
du point de vue du cybercommerçant. Toutefois, la valeur probante de documents
informatiques n’est pas à confondre avec les usages informatiques, ni avec la preuve des faits,
en relation avec l’activité informatique. À la différence de la coutume qui ne se prouve pas,
l’usage doit être prouvé lorsque son existence est discutée.
1085. En effet, la notion de support durable invite à sortir de la chaine du traitement
numérique en ligne une inscription sur un CD-Rom ou un port microfilmé au titre d’archivage
numérique. Mais aujourd’hui le Cloud computing, l’archivage en ligne, permet de ne pas
échapper au numérique en temps réel, comme principalement celui de la conservation des
preuves, des traces et des données numériques du réseau dans ses déclinaisons (Internet,

2528
JO RDC, Recueil de textes sur l’amélioration du climat des affaires, n° spécial, 51ème année, Kinshasa, 3 mars 2010, p. 6
et 7. En RDC, dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires, deux lois promulguées en 2010 autorisent, pour besoin
d’opposabilité, les publications sur Internet, par voie numérique ou par voie d’insertion au JO, les actes législatifs et
réglementaires, ainsi que les actes de société et autres notifications officielles. Ces publications numériques ont le même
effet juridique (d’ordre public) que la publication papier sur journal officiel. Il s’agit de : 1) Loi n° 10/007 du 27 février 2010
modifiant l’ordonnance Ŕloi n° 68-400 du 23 octobre 1968 relative à la publication et à la notification des actes officiels ; 2)
Loi n°10/008 du 27 février 2010 modifiant et complétant le Décret du Roi souverain du 27 février 1887 sur les sociétés
commerciales tel que modifié par le décret-loi du 19 septembre 1965.
2529
Les articles 197 et 245 du Code civil congolais Livre III forment le droit commun de la preuve hiérarchisée: preuve
littérale, preuve testimoniale, présomptions, aveu de partie et serment.
2530
Directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 sur un cadre communautaire pour les
signatures électroniques, JOCE, 19 janv.2000, p.13.
2531
A. PENNEAU, « La forme et la preuve du contrat électronique », in J. ROCHFELD (sous la dir.), L’acquis communautaire…,
op.cit., pp. 255-342.
2532
Le droit distingue entre les faits juridiques et les actes juridiques. Les premiers peuvent être prouvés par tous moyens, les
seconds, en revanche, doivent être prouvés par un écrit pour toute transaction supérieure à un certain montant. Aux termes
des articles 1326 et 1341 du Code civil français, il s’agit de 800 euros.
408

Extranet, Outnet).2533 En France, dans une logique d’assimilation de la preuve électronique


aux propriétés probantes du papier, l’article 1316 de la loi du 13 mars 2000 dispose : « l’écrit
sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous
réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et
conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ». La preuve de l’écrit sous
forme électronique, pour des actes authentiques ou sous-seing privé, relève respectivement
des articles 1317 et suivants, ainsi que 1322 et suivants du CCF. Elle est admise dès lors que
les deux conditions de l’article 1316 du CCF sont remplies à la base.
1086. En revanche en RDC, les carences de régime de la preuve numérique demeurent
un enjeu législatif important. Le système probatoire traditionnel est structuré autour de
fonctions rassurantes : l’écrit assure une fonction de mise en alerte. Le papier demeure un
support qui fournit des garanties, en termes de document fidèle et durable. La fidélité,
caractéristique de la preuve littérale, recouvre deux significations : la non-altérabilité des
contenus et la permanence de la forme. Autant l’écrit traditionnel possédait d’emblée ces deux
qualités, autant le propre du numérique est de les exclure. Le document numérique ne
recherche pas la stabilité et n’est pas fait pour durer physiquement. Ces éléments contrastent
avec la fugacité et la volatilité des supports électroniques en présence sur Internet (site, page
web). Sur la question de sécurité juridique des contenus numériques, on s’accorde pour retenir
que l’informatique permet de fiabiliser la transmission des fichiers jusqu’à la sécurité absolue
(protocole et chiffrages). Sur la question de la permanence des formes, la rédaction d’un écrit
présente encore un avantage pour lequel le numérique ne fournit pas de substitut. Il en est
ainsi également de la signature électronique.
3. Le défaut de régime spécifique sur la signature électronique en RDC

1087. La preuve numérique connait un dénuement de reconnaissance législative en droit


civil congolais. Cette problématique s’associe à celle de la signature électronique. En effet,
cette dernière sert à assurer le rattachement d’un acte ou d’un fait sans équivoque, à une
personne agissant avec une volonté de qualité. La signature électronique consiste en l’usage
d’un procédé fiable d’identification, garantissant son lien avec l’acte et l’auteur auquel elle se
rattache. Un certificat qualifié est utile en cas de preuve du contraire. Le procédé
technologique de certification met en œuvre un dispositif technique sécurisé pour la création
et la vérification des signatures électroniques.2534 Ce sont ces moyens techniques et ces
procédures appropriées qui répondent aux défis de garantir la confidentialité et la « production
génétique » uniques des données de création de signature. Elles ne doivent entrainer aucune
modification du contenu de l’acte à signer, ni faire obstacle à une connaissance préalable et
exacte de son signataire. La protection contre la falsification et contre toute utilisation par les
tiers sont des garanties de sécurité. La certification par des organismes agréés, conformément
aux normes définies, renforce la garantie de qualité des dispositifs sécurisés de signature
électronique. Tous les procédés de signature électroniques cadrent avec l’esprit des « héritiers
fondateurs de l’Internet », ce sont « ceux qu’on appelle les libertariens californiens. […] Ils
font également confiance aux technologies et au code informatique pour défendre leurs

2533
T. MUSSA, Transactions et commerce électroniques, Preuve (par écrit) et signature électroniques, Première partie,
Cours, Master en Droit du cyberespace africain, 2006-2007.
2534
Cf. Article 21 du Règlement n°15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les États membres de
l’UEMOA.
409

valeurs […] l’anonymat [ou le pseudonymat2535] ou la cryptologie pour défendre la vie


privée ».2536
1088. Une trace informatique ne sert de preuve que dans la double condition de
rattachement de celle-ci à un individu et de l’intégrité de sa conservation, tandis que l’écrit
numérique est susceptible d’obtenir la vertu d’une signature numérique. Le document
informatique, lorsqu’il répond aux conditions posées par la loi vaut alors comme preuve de
premier rang ; si ce n’est pas le cas, il peut être considéré comme une copie ou un
commencement de preuve par écrit.2537 « La technologie, les protocoles à la base de l’Internet
sont bien libertarians ».2538Selon l’expression connue de Lawrence Lessig, « code is law » (le
code est la loi), le numérique fiabilise le « pseudonymat » lié à l’usage des médias
numériques. La signature électronique est un régulateur technique permettant l’identification
fiable de signature en ligne ou sur support numérique, au même titre que la main du signataire
sur le papier.2539
B. LES DÉFAILLANCES DE LA LÉGISLATION CONGOLAISE
SUR LES DONNÉES PERSONNELLES ET LA CYBERCRIMINALITÉ

1089. L’économie numérique expose la personne physique à plusieurs risques d’atteinte


se rapportant à la « vie en réseau » et aux aspects sous-jacents de sa personnalité. Cependant,
la législation congolaise ne prévoit pas de règles de protection des données personnelles (1),
ni un dispositif pénal approprié contre la cybercriminalité. (2)
1. L’absence de législation sur la vie privée et les données personnelles

1090. Quant aux données personnelles en ligne, elles ne font pas l’objet de définition ni
de régime spécifique dans la législation en RDC. La loi-cadre évoque cet aspect en termes de
possibilités, en rapport aux exigences essentielles, mais sans traitement particulier. En effet,
« la protection des données personnelles peut comprendre la protection des données
personnelles, la confidentialité des informations transmises ou stockées ainsi que la protection
de la vie privée ».2540 Ainsi, les utilisateurs des réseaux téléphoniques et des services Internet
(mobile)sont exposés à divers aléas d’aspiration, de collecte, de profilage, de traitement, de
modification et de diffusion à leur insu de leurs données informatisées, de connexion,
d’identification et de navigation. En la matière, l’on décèle quelques prescrits légaux portant
sur le principe de neutralité des acteurs du réseau, avec des exceptions autorisées quant au
secret des correspondances émises par la voie des ondes.
1091. En principe, « [l]’exploitant public, les exploitants concessionnaires des services
publics de télécommunications et les autres fournisseurs du service de télécommunications
ainsi que les membres de leur personnel, sont tenus de respecter le secret des
communications ».2541 Puisque le secret des correspondances émises par la voie des
télécommunications est garanti par la loi,« [i]l ne peut être porté atteinte à ce secret que par
l’autorité publique, dans les seuls cas de nécessité d’intérêt public prévus par la loi et dans les
limites fixées par celle-ci ».2542 Ces préventions sommaires, en matière d’interceptions et

2535
O. ITEANU, L’identité numérique en questions, Eyrolles, 2008.
2536
O. ITEANU, Quand le digital défie l’État de droit, op.cit., p. 25.
2537
V. FAUCHOUX et P. DEPREZ, op.cit., p. 177.
2538
O. ITEANU, Quand le digital défie l’État de droit, op.cit., pp. 24 et s.
2539
O. ITEANU, op.cit, pp. 24-25.
2540
Article 4-13, dernier alinéa, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2541
Article 53, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
2542
Article 52, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.
410

d’écoutes illégales2543 servent de manière large à assurer la protection des données à caractère
personnel en ligne.
1092. Toutefois, à l’ère numérique, ce régime de protection n’est pas suffisant, encore
moins que n’est sécurisant l’absence du concept « données personnelles » dans l’état actuel du
droit congolais. Les données personnelles sont au cœur des nouveaux défis du numérique. En
Europe, la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 les avait définies comme : « toute
information permettant l’identification de la personne ».2544 L’enjeu sur les données
personnelles à l’ère numérique est important, c’est une « source indiscutable de richesse, l’or
d’Internet ».2545 La généralisation de la collecte des informations et leur circulation est une
réalité amplifiée par le réseau, permettant le fichage, le profilage (profiling) ou l’analyse
statistique en masse (data mining). Les données à caractère personnel sont devenues un
marché à part entière. « Leur commercialité et donc leur aptitude à la circulation juridique,
soulève des questions en droit, mais s’impose en fait » comme enjeu de législation. Il est
question de concilier la circulation des données (free flow of information) et la protection de
la vie privée.2546
1093. Mais d’ores et déjà, les dispositions pénales de la loi-cadre sanctionnent les
formes d’atteinte intentionnelle aux données. Il en est ainsi du complément qu’elles apportent
aux infractions classiques du code pénal avec quelques incriminations nouvelles. Les articles
54-b), et -c)2547, et 552548de la loi-cadre traitent de plusieurs malveillances informatiques
assorties des peines prévues en ses articles 712549, 722550 et 732551. Mais, ces dispositions font
seulement allusion à la protection de la correspondance, alors que le code pénal français
assure avec précision la protection des données personnelles.2552 Si ces quelques efforts du

2543
Article 54 -a) et -b), Loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. : « Sont interdits : a) l’interception, l’écoute,
l’enregistrement, la transcription et la divulgation des correspondances émises par voie des télécommunications, sans
autorisation préalable du Procureur Général de la République ; b) l’émission des signaux d’alarme, d’urgence ou de
détresse ».
2544
Article 2, directive n°95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du
traitement des données à caractère personnel et la libre circulation des données.
2545
L. MARINO, « les nouveaux défis du droit des personnes : la marchandisation des données personnelles », in J. ROCHFELD,
Les nouveaux défis du commerce électronique… op.cit., p. 55 et s.
2546
Ibidem.
2547
Article 54, points b) et c), Loi-cadre sur les télécoms [RDC] de 2002 : « Sont interdits : […] b) l’émission des signaux
d’alarme, d’urgence ou de détresse, faux ou trompeurs ; c) l’émission des signaux et communications de nature à porter
atteinte à la sûreté de l’État ou qui seraient contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ou qui constitueraient un outrage
aux convictions d’autrui ou une offense à l’égard d’un État étranger. »
2548
Article 55, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc. : « Seules les nécessités de l’information motivées par les besoins de
la manifestation ultime de la vérité dans un dossier judiciaire peuvent autoriser le Procureur Général de la République de
prescrire l’interception des correspondances émises par voies de télécommunications ».
2549
Article 71, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.: « Sera puni d’une servitude pénale de six mois et d’une amende qui
ne dépassera pas 100.000 francs congolais constants, ou l’une de ces peines seulement, quiconque aura altéré, copié sans
autorisation ou détruit toute correspondance émise par la voie de télécommunications, l’aura ouvert ou s’en sera emparé pour
en prendre indûment connaissance ou aura employé un moyen pour surprendre des communications passées par un service
public de télécommunications ».
2550
Article 72, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.: « Tout agent au service d’un exploitant de services publics de
télécommunications qui aura commis l’un des actes prévus à l’article précédent, ou l’aura facilité ou qui aura
intentionnellement omis, dénaturé ou retardé la transmission d’une correspondance par voie de télécommunications, sera puni
d’une servitude pénale d’un an au plus et d’une amende ne dépassant pas 100.000 francs congolais constants ou de l’une de
ces peines seulement ».
2551
Article 73, Loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc.: « Seront punies d’une servitude pénale de six mois au plus et d’une
amende qui ne dépassera pas 100.000 francs congolais constants ou de l’une de ces peines seulement, les personnes désignées
à l’article précédent qui hors le cas où la loi les y obligerait, auront révélé ou ordonné de correspondance émise par voie de
télécommunications »
2552
Article 226-16, CPF : « Le fait de collecter des données par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite, ou de procéder à un
traitement d’informations nominatives concernant une personne physique s’y opposant pour des raisons légitimes ». Article
226-17, CPF : « Le fait de mettre ou de conserver en mémoire informatisée sans l’accord express de l’intéressé des données
nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions publiques, philosophiques
religieuses ou les appartenances syndicales ou les mœurs des personnes ».
411

législateur congolais contribuent à la protection pénale des activités numériques, le droit


congolais reste néanmoins rudimentaire quant à la contre la cybercriminalité.
2. La faiblesse du dispositif pénal contre la cybercriminalité
1094. En RDC, la cybercriminalité constitue un de nouveaux défis liés à l’économie
numérique et à la société de l’information. En tant qu’espace informationnel et
électromagnétique, le cyberespace fait naître des dangers civil et militaire, des attitudes
offensive et défensive, des usages angélique et criminelle selon les finalités des usagers. La
cybercriminalité présente une forme de décloisonnement des délinquances, alors que les
organes de répression, demeurent spécialisés par matière. Le profil multiforme de la
délinquance informatique peut être le fait des cybersoldats, des actes isolés des
« hacktivistes », des réseaux mafieux, des « mules » ou intermédiaires. Quant à certains cas
pratiques, la criminalité sur le Net atteint un niveau de forts enjeux financiers et économiques.
Il en est par exemple ainsi du cyber-blanchiment (fraudes aux cartes prépayées et monnaies
virtuelles), des cyber-rackets, de la cyberpornographie, les transferts de fonds anonymes, les
instruments de débits de transfert monétaire sans pièce d’identité, les by-pass des appels
téléphoniques non déclarés (Sim box).2553
1095. Toutefois, le droit positif congolais ne dispose pas d’une législation propre à la
cybercriminalité. Plusieurs infractions numériques ne disposent pas d’incriminations
spéciales. Cette carence législative rend aléatoire la typologie de la lutte pénale contre les
cybercrimes. Comme le code pénal congolais date de 19402554, certains actes de
cybercriminalité appellent le juge à effectuer une interprétation téléologique sur des
dispositions de droit commun.2555 Le pays est donc très exposé au phénomène criminel de
l’écosystème de l’Internet, à cause du manque d’institutions juridiques spécialisées. L’Internet
dispose d’une couche d’infrastructures, régie par les lois de télécoms ; d’une couche logique
(économique et sociale) s’échappant des canons traditionnels du droit de cet écosystème. La
complexité de la gouvernance du numérique s’en ressent. L’approche de la SMSI (Genève
2003, Tunis 2005) est la référence de base des structures de gouvernance, comme tel, au
niveau mondial, le Forum de la Gouvernance de l’Internet (FGI) et en France le Conseil
National Numérique.2556
1096. Plus largement en Afrique, la cybersécurité reste encore expérimentale, comme
réponse aux défis de la cybercriminalité. Les instruments juridiques de lutte sont en cours de
formulation pour les États du continent à travers leurs organisations sous-régionales et
régionales. En 2003, le COMESA adopta la loi-type sur la cybercriminalité et de la loi-type
sur les transactions électroniques. En 2009, la Communauté de l’Afrique de l’Est entreprit
l’harmonisation d’une « cyberlégislation » pour ses États membres. En 2010, la déclaration
des Chefs d’États de l’Union africaine sur la cybercriminalité a été rendue publique. La 23ème
session ordinaire de la conférence de l’Union africaine a adopté le 27 juin 2014 à Malabo la
Convention africaine sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel.

2553
M. QUÉMÉNER, « La criminalité économique et financière à l’ère numérique », Conférence internationale sur le
renforcement de la cybersécurité et de la cyberdéfense, OIF, Grand Bassam (Côte d’Ivoire), 8-10 février 2016.
2554
JO RDC, Code pénal congolais, Décret du 30 janvier 1940 tel que modifié et complété à ce jour, mis à jour au 30
novembre 2004, 45ème année, n° spécial, 30 novembre 2004, p. 1-64.
2555
J. KONGO, « Vol et diffusion des données numériques sur les réseaux sociaux, Me Kodjo : "la cybersécurité est la réponse
à la cybercriminalité », Le Pouvoir, 8e année, n°295, 27-31 mars 2017, Kinshasa, p. 7.
2556
P. OUÉDRAOGO, « L’organisation de l’écosystème numérique Internet, un enjeu majeur pour la cybersécurité dans les
pays en développement », Conférence internationale sur le renforcement de la cybersécurité et de la cyberdéfense, OIF,
Grand Bassam (Côte d’Ivoire), 8-10 février 2016.
412

Celle-ci requiert les ratifications des États africains pour son entrée en vigueur.2557 La RDC ne
l’a pas encore fait.
1097. En droit comparé, le code pénal français avait déjà introduit des ajustements,
imposés par la ratification de la Convention de Budapest sur la cybercriminalité du 23
novembre 2001.2558 Déjà la loi « Godfrain », loi n°88-19 du 5 janvier 1988, relative à la
fraude informatique visait l’atteinte aux systèmes d’information. Depuis lors, « l’utilisation
des technologies est un phénomène culturel qui concerne chacun de nous, quotidiennement.
Elle facilite de surcroît les actes de malveillances. Selon une étude publiée en février 2005
[…] 1500 menaces potentielles malveillantes naîtraient chaque mois contre 300 deux ans
auparavant ».2559 En France, les articles 226-15, alinéa 2, et 321-1 du CPF sont illustratifs de
la typologie des infractions d’accès illégal dans un système d’information et d’interception
illégale de données informatiques.2560Plusieurs lois et ordonnances spécifiques entre 2001 et
2006 ont complété l’arsenal répressif de la cybercriminalité en France, jusqu’à la loi sur la
République numérique (« loi Axelle Lemaire ») en octobre 2016. Cette dernière incrimine la
« revanche pornographique ».2561
1098. Cependant, l’enjeu global de la cybercriminalité est loin d’être appréhendé et
traduit dans les textes de loi de la RDC. Le cyberespace présente des risques globaux,
structurels et permanents. La dépendance au cyberespace et l’interdépendance des
infrastructures constituent un risque inhérent à la vie numérique. Le cyberespace est à la fois
individuel, institutionnel, national et international. En réalité, le même Internet pour tous
devient un enjeu de pouvoir et, par conséquent, un milieu de prolongation des réalités et des
actions du monde physique. Dans la mesure où le cyberespace offre un cadre de cyber-
invisibilité favorable au vandalisme, à la délinquance, à la cybercriminalité, à l’espionnage, au
terrorisme et aux conflits. Il apparaît la nécessité d’un continuum sécurité-défense, car tout
objet connecté devient une cyber-arme. La « sécurité périmétrique » est dépassée, dans la
société numérique mondialisée et connectée.2562
1099. À l’ère numérique, le choix du modèle d’évolution est déterminant pour le droit
pénal congolais, car chaque État en développement voudrait adopter le meilleur modèle
juridique. Par exemple, le Sénégal a fait le choix politique d’adhérer à la Convention de
Budapest sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001 plutôt que de ratifier la Convention
africaine de Malabo susdite de 2014 sur la cybersécurité. En effet, la première convention (de
Budapest) reste un traité international ouvert, d’initiative de la Commission de l’Union
européenne, qui présente plus d’avantage au regard de son niveau de protection et de son
envergure géopolitique (ratification outre-Atlantique par les USA et le Japon). Le projet de loi
sur les TIC et les télécoms innove en termes de solutions congolaises futures en matière de
lutte contre la cybercriminalité.

2557
C. AHOUTY, « Le cadre juridique de prévention et de lutte contre la cybercriminalité en Afrique », Conférence
internationale sur le renforcement de la cybersécurité et de la cyberdéfense, OIF, Grand Bassam (Côte d’Ivoire), 8-10 février
2016.
2558
CONSEIL DE L’EUROPE, convention sur la cybercriminalité, 23 novembre 2001, STE n°185.
2559
C. FÉRAL SCHUHL, op.cit, pp. 590. Rapport de Criminologie virtuelle de McAfee, étude paneuropéenne au sujet du
cybercrime organisé, février 2005.
2560
Article 321-1, CPF : « Le fait d’accéder ou de se maintenir frauduleusement, dans tout ou partie d’un système de
traitement automatisé de données est puni de 2 ans d’emprisonnement et de 300.000 euros d’amende. Lorsqu’il en est résulté
soit la suppression ou la modification de données contenues dans le système, soit une altération du fonctionnement de ce
système, la peine est de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende ».
2561
La loi pour la République numérique punit de 2ans de prison et 60.000 euros d’amende le fait pour quiconque publie les
photos ou images à caractère sexuel d’un quidam à son insu ou sans son consentement sur Internet.
2562
S. GHERNAOUTI, « Les enjeux de la cybersécurité et de la cyberdéfense », Conférence internationale sur le renforcement
de la cybersécurité et de la cyberdéfense, OIF, Grand Bassam (Côte d’Ivoire), 8-10 février 2016.
413

1100. Ainsi, la lutte contre la cybercriminalité reste un défi pour le droit congolais de
l’économie numérique. Il faut compléter les incriminations manquantes, autant qu’il est
question de combler les défaillances et de corriger les méprises de la loi-cadre de 2002,
notamment en ce qui concerne le droit de protection des données personnelles. (§2)

§2. L’approche comparée des défis congolais


de protection des données personnelles et de cybersécurité

1101. À l’échelle mondiale, les activités numériques sont devenues le creuset des
pratiques très diversifiées et intrusives, alliant plusieurs typologies de collecte, de traitement
et de circulation des données se rapportant à la personne humaine. Le fonctionnement de
l’informatique et du marché électronique est essentiellement fondé sur la donnée, qualifiable
de « pavé » de l’économie numérique ». Au vu des enjeux juridiques, les technologies de
l’information et de la communication, de plus en plus sophistiquées, mettent à rude épreuve le
principe du libre consentement de la personne dont les données sont collectées, traitées et
échangées dans l’économie numérique.2563 L’usage de l’informatique ou des réseaux de
télécoms suscite continuellement des appréhensions du citoyen-internaute au sujet de son
intimité et du respect de sa vie priée, tout autant que de la sûreté de sa personne et de la
sécurité de la société numérique dans son ensemble. En réalité, la dialectique est posée : « Les
technologies de l’information et de la communication qui portent à la fois le masque de la
liberté et de la criminalité incitent fortement à réfléchir à une nouvelle forme de contrat social
Ŕ un contrat numérique ? Ŕ dans lequel l’atteinte consentie aux libertés de l’individu dans le
cyberespace est le corollaire de leur protection et de leur épanouissement ».2564
1102. Pour répondre aux défis de l’économie numérique, la RDC s’est inscrite dans le
processus du renouveau de son cadre juridiques des télécoms. La prospective législative
concerne particulièrement la mise en place d’un système congolais de protection des données
personnelles (A) et la construction des bases de cybersécurité pour le pays. (B)
1103. La référence au droit comparé est nécessaire pour orienter la politique législative
en cours de structuration en RDC sur la protection des données. À cet effet, le modèle
européen comporte un niveau élevé de protection de la donnée et de la personne sur le réseau.
Les expériences européennes et françaises enrichissent les solutions à envisager, tout en
inspirant les mécanismes appropriés devant encadrer les risques et réprimer la criminalité
informatique. Elles inspirent d’autres systèmes législatifs et motivent l’adoption des normes
analogues par d’autres États. Pour la RDC, les nécessités du commerce juridique avec le
grand marché européen incitent à un rapprochement des systèmes de protection, voire une
mise à niveau du système le plus faible.

2563
J. EYNARD, Les données personnelles, quelle définition pour un régime de protection efficace ?, Michalon, paris, 2013,
pp. 8 et s
2564
W. GILLES et I. BOUHADANA, « Cyberespace, cybercriminalité et libertés », in W. GILLES et I. BOUHADANA (sous la dir),
Cybercriminalité, cybermenaces et cyberfraudes, éd. IMODEV, Paris, 2012, pp. 4-5, spéc. p. 4.
414

A./ LA PROSPECTIVE DU RENOUVEAU DES LOIS SUR LES DONNÉES PERSONNELLES


DANS L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE CONGOLAISE

1104. De l’expérience européenne et française, il découle que le droit de protection des


données s’adapte aux enjeux de l’informatique de base et de la sophistication des techniques
numériques. En fonction des époques, les régimes juridiques présentent des marqueurs du
progrès technologique, s’attachant aux évolutions des modes de traitement manuel,
automatisé et numérisé. Cependant, les niveaux de protection des données diffèrent d’un
continent à un autre, d’un pays à un autre. Pour l’essentiel, l’aperçu des références du droit
comparé est à rapprocher du contenu de la réforme de lege ferenda en cours au sein du
parlement congolais. Il est nécessaire de disposer d’une typologie pour guider l’analyse entre
le niveau très élevé de protection en France et en Europe et le niveau cognitif très
embryonnaire du droit positif congolais.
1105. Pour ce faire, notre thèse retient quelques références sur l’évolution des notions
des données personnelles, en vue d’en appréhender le régime. (1) La synthèse des enjeux sur
la donnée (2) permettent de situer les innovations du droit comparé, quant aux éléments du
système de protection, institué en la matière. (3)
1. La notion des données personnelles dans l’évolution de ses régimes de protection
1106. La protection de la vie privée et de la personnalité est un enjeu juridique
important, face aux techniques (automatisées) de collecte, de traitement et d’échange ou de
circulation des données se rapportant à la personne. À cet égard, la transformation du cadre
juridique est particulièrement perçue à travers l’évolution des concepts inhérents au régime
légal de leur protection, à savoir : « informations nominatives » (1978), « données à caractère
personnel » (1995) et « données personnelles » (2004). En pratique, « si la notion a […] un
intérêt ou un sens, c’est comme point d’imputation d’un régime juridique ».2565
1107. Au premier stade, la loi française « informatique et libertés » de 1978 n’était pas
pensée pour remettre en cause l’informatique, mais plutôt pour protéger le citoyen face au
traitement automatisé de ses « informations nominatives » par l’administration. Au départ, le
niveau légal de protection devait prémunir le citoyen face au contrôle de l’administration se
trouvant seule à l’époque en possession des moyens informatiques et des capacités
d’agrégation des identités en masse. Au deuxième stade de protection des « données à
caractère personnel » (1995), il ne s’agit plus uniquement d’informations nominatives, ni que
des possibilités de leurs traitements manuels et automatisés par l’administration. Il s’agit
plutôt de toutes les données de connexion, de navigation et d’identification qui permettent, de
manière plus ou moins directe, de saisir la personnalité de l’individu, de le profiler, de le
cibler et de l’identifier. Les techniques biométriques d’identification nominative se combinent
aux moyens de traitement numérique, autour de l’individualisation en ligne. Au troisième et
dernier stade de protection des « données personnelles », celles-ci « étant par nature plus
intrusives que les informations nominatives, le régime applicable aux premières peut être
repris pour les secondes. L’inverse, en revanche, n’est pas possible. ».2566
1108. En ce sens, la RDC réforme son cadre juridique des « contenants »2567 et du
« contenu »2568 des télécoms. De lege ferenda, son projet de loi sur les télécoms et les TIC a

2565
C. SEVELY-FOURNIER, Essai sur l’acte juridique extinctif en droit privé. Contribution à l’étude de l’acte juridique, t. 100,
2010, p. 38, cité par J. EYNARD, op.cit, p. 357.
2566
J. EYNARD, op.cit, 2013, p. 357.
2567
N. ARPAGIAN, La cybersécurité, mesurer les risques, organiser les défenses, 2e éd., Que sais-je ?, n°3891, PUF, coll.
Droit-Politique, Paris, 2016 (2010), p.8 : « les contenants, c’est-à-dire les moyens techniques (réseaux informatiques,
415

retenu la notion juridique de « données à caractère personnel », s’inscrivant ainsi au niveau


médiane de transformation du droit entre « informations nominatives » et « données
personnelles ». Les esquisses de la nouvelle législation congolaise se destinent à compléter la
notion générique de « correspondances émises par la voie des ondes ».2569 En l’état actuel du
droit congolais, il s’agit de la seule référence possible au traitement des informations
nominatives ou des données personnelles en ligne.
1109. Le projet législatif s’identifie à la méthode définitionnelle européenne. Certaines
définitions sont uniques au projet congolais, d’autres sont communes et d’autres encore ne
sont précisées qu’en Europe. de manière singulière, le texte congolais défini les « données »
comme toute représentation de faits, d’informations ou de notions sous une forme susceptible
d’être traitée par un équipement terminal, y compris un programme permettant à ce dernier
d’exécuter une fonction. En RDC comme en France, les « données à caractère personnel »2570
sont définies, avec leurs déclinaisons fournies seulement dans le texte congolais : données de
connexion, données de trafic, données informatiques, données relatives aux abonnées d’un
réseau, en y ajoutant les données génétiques. Toutefois, le règlement européen n°2016/679
ajoute les définitions des « données biométriques »2571 et « données de santé », tout en
complétant la notion des données génétiques. Elle donne une précision importante quant à
l’enveloppe logique des données : le « fichier » est tout ensemble structuré de données à
caractère personnel accessibles selon des critères déterminés, que cet ensemble soit centralisé,
décentralisé ou réparti de manière fonctionnelle ou géographique. (5)
2. La synthèse de l’évolution des enjeux de protection des données personnelles
1110. Au fil du temps, les enjeux législatifs sur la donnée se sont amoncelés en trois
étapes, depuis les débuts de l’informatique dans les années 1970 en Europe et en France
jusqu’à l’ère numérique actuelle. Ces étapes empreignent les transformations du droit à la
base du système composite de protection des données personnelles. Les premières législations
en Europe des années 1970 ont concerné les informations nominatives, la directive de 1995 a
consacré les données à caractère personnel et les plus récentes réformes ont concerné les
données personnelles.
1111. Premièrement, l’enjeu définitionnel est fondamental, dans la structuration des
régimes, ayant finalement dégagé la notion de données personnelles, comme autonome et
cumulative des informations nominatives et des données à caractère personnel. Toutes ces
notions paraissent irréductibles dans leurs singularités, mais peuvent être englobées dans les
données personnelles pour leur associer un niveau davantage élevé de protection juridique. La
notion des données personnelles est globalisante : elle se présente comme un œuf, avec son
blanc (données à caractère personnel) et son jaune d’œuf (informations nominatives).2572

téléphoniques, satellitaires…) utilisés pour les échanges de données, qui peuvent faire l’objet d’infiltration, d’altération, de
suspension voir d’interruption ».
2568
Ibidem, p. 8 : « les contenus, c’est-à-dire l’ensemble des informations qui circulent ou sont stockées sur des supports
numériques (sites Internet, bases de données, messageries et communications électroniques, transactions
dématérialisées…) ».
2569
Article 52, loi-cadre sur les télécoms [RDC], préc. : « Le secret de correspondances émises par la voie de
télécommunications est garanti par la loi. Il ne peut être porté atteinte à ce secret que par l’autorité publique, dans les seuls
cas de nécessité d’intérêt public prévus par la loi et dans les limites fixées par celle-ci ».
2570
Article 4-1), règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016, préc. : « "données à caractère personnel", toute information se
rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable ».
2571
Article 4-13), -14) et 15), règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016, préc., pour définir respectivement les données
génétiques, biométriques et de santé.
2572
J. EYNARD, op.cit., p. 357.
416

1112. Deuxièmement, l’émergence du droit protecteur et ses adaptations tendent à


concilier respect de la vie privée et circulation des données personnelles. Le système de
protection renforce l’obligation de loyauté des plateformes de traitement à l’ère numérique. Il
se fonde sur le principe du consentement a priori ou du moins de l’opposition a posteriori de
la personne pour le traitement des informations et des données la concernant. Cependant, des
activités numériques de plus en plus sophistiquées contournent le principe, en faisant
progressivement perdre à la personne le contrôle de ses données. Celle-ci n’est pas toujours au
courant des collectes qui l’enserrent et des traitements qui le cernent dans le cyberspace.
1113. Troisièmement, le niveau harmonisé de protection des données au sein de
l’Europe permet une circulation sécurisée des données au sein de l’Union et de l’espace
économique européen. L’échange des données devient plus problématique hors de l’« écrin
continental » européen. En direction des USA, des mécanismes particuliers comme le « Safe
harbor »2573 sont à relever. Mais, la RDC entame sa première expérience d’élaboration des
sources formelles du droit des données à caractère personnel. Le projet de loi sur les télécoms
et les TIC lui a consacré son « Titre III » 2574, en abordant en trois chapitres ses conditions de
traitement2575, les droits et obligations des acteurs2576, sa régulation2577 ainsi que les mesures
et les sanctions2578. Des dispositions spécifiques sont prévues dans un autre titre pour traiter
« de la protection de la vie privée des utilisateurs de réseaux et de services des
télécommunications et des technologies de l’information et de la communication ».2579
3. La typologie essentielle du système de protection des données personnelles
1114. Les techniques numériques mettent à l’épreuve la vie privée ainsi que les données
personnelles et/ou les informations nominatives. Elles aliment les risques d’atteintes diverses,
au regard de mondialisation des économies, de l’internationalisation des réseaux et surtout de
la globalisation du cyberespace.2580 Avec l’économie numérique, les marchés ne sont plus
isolés. Les pratiques ne sont plus localisées sur un territoire précis. Les droits nationaux ne
sont plus cloisonnés dans des territoires étatiques. La typologie des systèmes de protection
répond aux aspects dématérialisés de la donnée elle-même et de leurs traitements. Mais, les
institutions juridiques se destinent aussi à l’État, son administration et finalement au citoyen
personne physique.
1115. Le droit de la protection des données personnelles n’est pas laissé au seul droit de
la personnalité, ni assimilé au droit patrimonial : « somme toute, la reconnaissance du droit de
propriété impliquerait une moindre capacité de protection des pouvoirs publics, sans renforcer

2573
Le « Safe harbor » est un mécanisme conventionnel entre l’Union Europe et des opérateurs américains qui acceptent de
respecter le niveau de protection des données au même titre que les opérateurs européens et vers qui, pour ce motif, l’Union
Europe autorise le transfert international des données de ses citoyens.
2574
Cf. « Titre III : De la protection des données à caractère personnel », projet de loi sur les télécoms et les TIC en RDC,
préc. Il est à noter que ce titre a été inséré au projet de loi précité, alors qu’initialement il faisait l’objet d’un projet de loi à
part entière. Le gouvernement congolais avait entrepris de fusionner ses projets de textes de loi, en vue contourner les
préalables du droit constitutionnel congolais. Compte tenu de la difficulté de situer les télécoms dans les matières relevant du
« domaine de la loi » ou du « domaine de règlement ». Mais, le droit de la protection des données personnelles ne relève pas
entièrement du droit de la personnalité (à cause notamment de sa protection administrative). Néanmoins, il relève tout au
moins des « garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice de leurs libertés publiques», au sens de l’article
122-1 de la Constitution. Cet article défini les matières relevant du domaine de la loi et à soumettre au parlement. Ainsi le
gouvernement congolais a fait l’économie d’un projet de loi spécifique sur les données personnelles.
2575
Projet de loi sur les télécoms et les TIC en RDC, préc. : « Chapitre I : des conditions de traitement des données à
caractère personnel », inséré au Titre III.
2576
Ibid.: « Chapitre II : des droits et obligations des acteurs », inséré au Titre III.
2577
Ibid.: « Chapitre III : de la régulation en matière des données à caractère personnel », inséré au Titre III.
2578
Ibid.: « Chapitre IV : des mesures et des sanctions », inséré au Titre III.
2579
Ibid.: « Chapitre XI », inséré au Titre II : des technologies de l’information et de la communication ».
2580
Cf. « verbo » concernés M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation, préc.
417

pour autant la capacité des individus à veiller à leurs propres intérêts ».2581 Le système
juridique de protection est encadré par un « service public de la donnée »2582, sans lequel le
citoyen est désarmé vis-à-vis de la puissance économique et technologique des responsables
de traitement, vu les modes de plus en insidieux de collecte des données et informations les
concernant.
1116. Depuis 1978, la France a institué la CNIL, « Commission Informatique et
Liberté », comme l’institution pionnière sur le plan national.2583 Ne recevant d’instructions
d’aucune autorité; elle « accompagne les professionnels dans leur mise en conformité et aide
les particuliers à maîtriser leurs données personnelles et exercer leurs droits. Elle analyse
l’impact des innovations technologiques et des usages émergents sur la vie privée et les
libertés. Enfin, elle travaille en étroite collaboration avec ses homologues européens et
internationaux pour élaborer une régulation harmonisée ».2584 En tant qu’autorité de
régulation des données personnelles, ses quatre missions principales sont : informer et
protéger2585, accompagner et conseiller,2586 contrôler et sanctionner,2587 et enfin anticiper2588.
Les « outils » de la CNIL dans sa mission d’accompagnement sont : les correspondants
informatique et libertés (CIL) qui épaulent son travail ; les labels, packs de conformité
(référentiels sectoriels) ; les BCR (Binding Corporate Rules) qui encadrent les transferts de
multinationales hors de l’Union Européenne. Elle certifie la conformité des processus
d’anonymisation des données personnelles dans la perspective de leur mise en ligne et de leur
réutilisation.2589
1117. À l’instar de la France, la réforme congolaise prévoit la création d’une autorité de
régulation des données à caractère personnel, sous l’appellation d’ « Agence nationale des
Nouvelles technologies de l’information et de la communication », ANTIC en sigle.2590 À
l’avenir, elle est censée assurée le service public congolais de la donnée, comme
administration chargée de la régulation des activités de sécurité électronique. À ce titre,

2581
CONSEIL D’ÉTAT, Le numérique et les droits fondamentaux, La Documentation française, études, Paris, 2014, p. 267, in
La documentation française, n°16, 2015, p. 11.
2582
Cf. pour la source de l’expression : loi pour la République numérique, préc.
2583
Cf. pour la création (et composition) : Loi n°78 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés,
dite « Loi Informatique et liberté » (spéc. article 13, dont dernière modification est faite par la loi n°2017-55 du 20 janvier
2017). La CNIL est composée de 18 membres, dont 6 représentants de hautes juridictions (2 conseillers d’État, 2 de la Cour
de cassation, 2 de la Cour des comptes), 5 personnalités qualifiées (1 désigné de l’Assemblée nationale, 1 du Sénat et 3 du
Conseil des ministres), 4 parlementaires (2 pour le Sénat et l’Assemblée nationale), 2 membres du Conseil économique,
social et environnemental et 1 membre de la Commission d’accès des aux documents administratifs. Ses membres élisent leur
Président, chacun de commissaires ayant une durée de mandat de 5 ans.
2584
[https://www.cnil.fr/fr/les-missions] (consulté le 8 octobre 2016).
2585
Ibid. La CNIL informe les particuliers et les professionnels et répond à leurs demandes, en usant de pédagogies, de
l’éducation au numérique et d’outils pratiques, d’aide aux personnes se trouvant en difficulté dans l'exercice de leurs droits.
Elle a pour mission de promouvoir l’utilisation des technologies protectrices de la vie privée, notamment les technologies de
chiffrement des données.
2586
Ibid. La CNIL assure la régulation des données personnelles à travers différents instruments juridiques du système de
protection des données personnelles. Elle encourage, par des boîtes à outils, les organismes souhaitant optimiser leur niveau
de conformité.
2587
Ibid. La CNIL contrôle la mise en œuvre concrète des lois et notamment les systèmes de vidéo-protection autorisés par
les préfectures. Elle sanctionne par des amendes, versées compte du Trésor public, les infractions, avec possibilité de les
dénoncer ou de les référer à la juridiction compétence. Elle peut aussi enjoindre la cessation du traitement ou retirer
l’autorisation accordée par elle
2588
Dans le cadre de son activité d’innovation et de prospective, la CNIL met en place une veille, avec un laboratoire d’étude
de l’innovation, pour détecter et analyser les technologies ou les nouveaux usages pouvant avoir des impacts importants sur
la vie privée. Aussi, conduit-elle une réflexion sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par l’évolution
des technologies numériques.
2589
Source : [www.cnil.fr](consulté le 8 octobre 2016)
2590
Le projet de loi de loi sur les télécoms et les TIC (article 184) délègue son organisation et son organisation au premier
ministre, délibérant par décret sur proposition du ministre des PTNTIC, en concertation avec les ministres en charge des
départements suivants : Défense nationale, Intérieur, Sécurité et Justice.
418

l’agence (à créer) est censée veiller à la mise en œuvre des traitements des données à caractère
personnel conformément à la législation spécifique dont elle relève. Elle assure les missions
de liaison entre les responsables de traitements et les personnes concernées quant à leurs aux
droits et obligations, tout en s’assurant que les technologies employées ne comportent pas de
menace au regard des libertés publiques. D’autres tâches concernent l’homologation des
chartes, la réception des plaintes, la tenue des répertoires de traitement pour le public, la
fourniture des conseils notamment pour l’amélioration du système juridique, l’autorisation des
transferts transfrontaliers des données personnelles, la publication des rapports, avis et
autorisations accordées.2591
1118. Néanmoins, le niveau européen est le plus élevé. La réflexion des hautes instances
répond aux défis juridiques de la transformation numérique, par des dispositions qui « invitent
à une révolution de nos catégories et paradigmes juridiques […] Il s’agit de mettre davantage
les technologies numériques au service des droits fondamentaux des résidents européens.
C’est à partir de ce point d’ancrage personnel que doit se développer le droit du numérique
qui est désormais une composante essentielle des droits de l’Homme ».2592 En effet, une des
expressions significatives de la protection de la personne a émergé avec l’article 8 de la
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La loi française pour la République
numérique a institutionnalisé le droit à l’autodétermination personnelle, comme le fit
auparavant la jurisprudence constitutionnelle en Allemagne et en Europe.2593 La prérogative
« à décider de la communication et de l’utilisation de ses données à caractère personnel »2594
devient un droit fondamental, inaliénable, « dans l’intérêt global d’une société libre et
démocratique ».2595 Même dans la figuration d’une révision constitutionnelle, la prospective
du droit en RDC n’a pas encore effleuré l’idée de constitutionnaliser la protection des données
personnelles.2596 Le règlement européen 2016/679 du 27 avril 2016 sur la protection des
données qui entrera en vigueur le 25 mai 2018, introduit de nombreuses innovations dans le
système de protection, notamment : le « droit à l’oubli » numérique2597 ou encore l’obligation
dans certains cas de désigner un « Data protection Officer » (DPO).2598 Le règlement général
européen sur la protection des données de le même année « vise à contribuer à la réalisation
d’un espace de liberté de sécurité et de justice et d’union économique, au progrès économique

2591
Article 185, projet de loi sur les télécoms et les TIC
2592
J-M. SAUVÉ, op.cit., p. 16
2593
CJUE, Gde ch, aff. C-293/12, 8 avril 2014, Digital Rights Ireland Ltd.
2594
BVert 65, 1 Ŕ Volkszählung, 15 décembre 1983, cité par J-M. SAUVÉ, op.cit., p. 11.
2595
J-M. SAUVÉ, op.cit., p. 11.
2596
Cf. E. BOSHAB, Entre la révision de Constitution et l’inanition de la nation, Larcier, 2013, p. 11. Le professeur Boshab,
chef de département de droit public à l’Université de Kinshasa, a étudié en détail les stimuli et objets envisageables de la
révision de la Constitution du 18 février 2017 en RDC. Son étude arrive à l’appréciation suivante : « Dans les démocraties
naissantes comme celles qui peinent à s’affirmer en Afrique subsaharienne puisqu’elles n’ont pas encore quitté ; de manière
définitive, la zone de turbulence, deux facteurs méritent d’être intégrés dans l’analyse du foisonnement des clauses
constitutionnelles d’éternité ». Selon l’auteur, le « premier facteur le plus crucial est que ces démocraties […] fonctionnent
par injonctions et menaces d’isolement politique […] Le second facteur concerne l’idéalisation de la citoyenneté par le
droit ».
2597
Considérants n°65 et 66, règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016, préc. La personne peut « disposer d’un « droit à
l’oubli » lorsque la conservation de ces données constitue une violation du présent règlement ». Particulièrement, c’est
« avoir le droit d’obtenir que leurs données à caractère personnel soient effacées et ne soient plus traitées [si] elles ne sont
plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été collectées ou traitées d’une autre manière, lorsque les
personnes concernées ont retiré leur consentement au traitement ou […] s’opposent au traitement ».
2598
V. BENSOUSSAN-BRULÉ, A. COQUER, D. ENTRAYGUES, M. GRATEAU, B. LAPRAYE, H. LEGRAS, L. LEGRIS, A. MARC, V.
TIREL et CH. TORRES, Le data protection officer une fonction nouvelle dans l’entreprise, Bruylant, coll. Minilex, Bruxelles,
2017, pp. 1-129. Le DPO ou délégué à la protection des données est un nouveau métier de pilote de l’entreprise aux
exigences du règlement européen.
419

et social, à la consolidation et à la convergence des économies au sein du marché intérieur


ainsi qu’au bien-être des personnes physiques ».2599
1119. Dans la même expérience que le parlement européen, le législateur français a
renforcé en octobre 2016 « la protection de la vie privée en ligne ». À cet effet, la loi pour la
République numérique a consacré le principe de l’énonciation de la « mort numérique »
comme découlant de la liberté d’autodétermination informationnelle.2600 C’est pour chacun le
« droit à la libre disposition de ses données personnelles » : il consiste pour une personne à
décider de ce que deviendrait ses données personnelles après sa mort, comme une sorte de
testament.2601 Ce droit protecteur est entouré de la « confidentialité des correspondances
électroniques privées », prises au même titre qu’une lettre postale. Le secret de
correspondance ne connait de dérogation qu’en cas de consentement dûment exprimé et
régulièrement renouvelé pour des traitements automatisés statistiques ou visant à améliorer le
service lui rendu. La protection pénale est aussi de mise de manière renforcée (notamment en
cas de revanche pornographique.2602
1120. D’autres solutions protectrices des données personnelles débordent des aspects de
l’économie numérique qui nous concerne. Le passage à l’ère numérique apporte des exigences
de protection des données exploitées sous forme de « Big data ». L’utilisation des données
publiques est aujourd’hui effectuée par le secteur privé et la société civile, alors qu’elle était
essentiellement le fait des administrations qui les détenaient. Selon William Gilles,
« L’ouverture des gouvernements crée un nouveau contexte. À l’heure de l’open data, les
données publiques ne sont plus seulement détenues par les organismes qui les collectent, mais
se retrouvent désormais accessibles à tout un chacun. Ces données doivent certes faire l’objet
d’une anonymisation [ou d’une pseudonymisation avec le règlement européen 2016/679 du 27
avril 20162603] avant leur mise en ligne en vue de leur réutilisation éventuelle, mais aucune
certitude n’existe quant à l’absence d’identification ultérieure des usagers ».2604
1121. Fondamentalement, il est toujours question de considérer les droits consacrés par
la plupart des systèmes de protection des données personnelles, du fait de leur caractère
essentiel pour la personne physique. Ils se schématisent en droit à l’information, en droit
d’accès, en droit d’opposition, en droit de rectification et en droit de suppression par rapport à
la collecte, au traitement et à la circulation des données personnelles. La personne physique a
la liberté de les exercer et de les invoquer vis-à-vis du responsable privé ou public de
traitement, sous la garantie des sanctions.

2599
Considérants n°2, règlement (UE) n°2016/679 du 27 avril 2016, préc.
2600
« La #LoiNumérique en 15 points clés » [http://www.economie.gouv.fr/republique-numerique/15-points-cles] (consulté
le 1er mars 2017).
2601
Ibidem. Mort numérique : « Comme pour un testament, une personne aura le droit de faire respecter sa volonté sur le
devenir de ses informations personnelles publiées en ligne après son décès, auprès des fournisseurs de service en ligne ou
d’un tiers de confiance. »
2602
Ibidem. « La pénalisation des revanches pornographiques, pratique qui consiste à publier contre son consentement des
images érotiques ou pornographique d’une personne a été durcie à deux ans de prison et 60 000 euros d’amendes. » Cf. aussi
S. NAWAF SHATHIL, « L’insertion de l’infraction de vengeance pornographique dans le code pénal », e-juristes.org, posté le
10 juillet 2016, [http://www.e-juristes.org/linsertion-de-linfraction-de-vengeance-pornographique-dans-le-code-penal/]
(consulté le 10 mars 2017).
2603
Article 4-5), règlement (UE) n°2016/6719 du 27 avril 2016, préc. : « on entend par "pseudonymisation", le traitement de
données à caractère personnel de telle façon que celles-ci ne puissent plus être attribuées à une personne concernée précise
sans avoir recours à des informations supplémentaires, pour autant que ces informations supplémentaires soient conservées
séparément et soumises à des mesures techniques et organisationnelles afin de garantir que les données à caractère personnel
ne sont pas attribuées à une personne physique identifiée ou identifiable ».
2604
W. GILLES, « Démocratie et données publiques : à l’ère des gouvernements ouverts pour un nouveau contrat de
société ? », in I. BOUHADANA et W. GILLES (sous la dir.), Droit et gouvernance des données publiques et privées à l’ère
numérique, éd. IMODEV, Paris 2015, pp. 29 et s.
420

1122. De manière générale, les droits de la protection des données à caractère personnel
sont assortis des sanctions administratives, civiles et pénales. En France, les sanctions sont
insérées dans la section 5 du Code pénal français sous l’intitulé : « Des atteintes aux droits de
la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques ». Le code pénal est
complété ou modifié par d’autres textes législatifs et réglementaires.2605 Pour la RDC, le
projet de loi sur les télécoms et les TIC a envisagé au titre III, dont le « Chapitre IV : des
mesures et sanctions ». Les mesures de la future ANTIC ne consistent pas en des sanctions
mais en des avertissements et des mises en demeure. Les sanctions de nature administrative
sont à prononcer par l’ANTIC avec possibilité de porter recours devant le Conseil d’État.
Toutefois, les sanctions en cas d’infractions pénales sur les données personnelles sont à traiter
dans le Code pénal congolais ou au titre de la répression de la cybercriminalité.2606
1123. En définitive, à l’ère de la globalisation du monde, la mobilité des personnes se
combine également à « une professionnalisation croissante des solutions disponibles » pour la
captation des données (et la filière des faux papiers).2607 L’accès aux systèmes d’information
numérisés concentre l’attention sur les risques de fraude identitaire, documentaire (hors ligne)
et/ou en lien aux données (en ligne). Des questions se posent : « Quelles sont les finalités
recherchées par les auteurs de ces nouvelles intrusions ? […] Quelles en sont les volumétries
réelles ? Les systèmes mis en place pour les combattre sont-ils efficaces ? » 2608 Une approche
quantitative permet d’imaginer l’ordre de grandeur des enjeux et menaces des captations et
exploitations illicites des données, des atteintes et usages criminels les concernant. D’une part,
il s’observe l’« inquiétante recrudescence »2609 de la fraude identitaire ou documentaire ; mais
celle-ci s’inscrit comme une étape intermédiaire pour d’autres formes de « délinquance
astucieuse »2610sur les données en ligne. Il s’agit des « types de fraudes économiques et
sociales »2611, attenant aux contenants et aux contenus numériques. Durant ces vingt dernières
années, en apparaissant comme un « phénomène de société »2612, les arnaques et les fraudes
sur les données « administrativement » sensibles ou « identifiantes »2613 ont évolué en
« phénomène significatif »2614 de la cybercriminalité.2615 Par ailleurs, à elles-seules « les

2605
Articles 226-16 à 226-24, Code pénal (CP), modifiés par la loi du 6 août 2004. Article 226-17-1, CP, créé par l'article 39
de l'ordonnance n°2011-1012 du 24 août 2011. Article 226-19, CP, modifié par l'article 4 de la loi n° 2012-954 du 6 août
2012. Article 226-24, CP, modifié par l'article 124 de la loi n°209-526 du 12 mai 2009. Il s’agit selon les cas des peines
d’emprisonnements pouvant aller jusqu’à 5 ans ou des amendes pouvant aller jusqu’à 300.000 euros.
2606
Articles 190 et 196, projet de loi sur les télécoms et les TIC, préc.
2607
G. DE FELCOURT, L’usurpation d’identité ou l’art de la fraude sur les données personnelles, CNRS éd., Paris, 2011, pp.
49-50
2608
Ibidem, 32-33.
2609
Les fichiers d’état-civil contiennent des données administrativement « sensibles ». Ils ont tout aussi indispensables que
d’autres pour bénéficier de droits ou des prestations. Ils sont la cible de nombreuses tentatives d’utilisation frauduleuse, par
l’introduction de données fictives ou usurpées.
2610
OBSERVATOIRE NATIONAL DE LA DÉLINQUANCE (OND), La Criminalité en France, Rapport annuel 2008. Sur la période
indicative de 2001 à 2007, en partant des références de 1997 renseignant 39.000 cartes nationales d’identité perdues ou
volées en France, les chiffres ont été démultipliés par 100 , soit 800.000 CNI ainsi déclarées en 2007. Les passeports déclarés
tels étaient de l’ordre de 660 en 1999, contre 45.000 en 2005 et 68.000 en 2007.
2611
G. DE FELCOURT, op.cit, p. 42.
2612
Ibidem, p. 36.
2613
CONSEILS DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES, Fraude aux prélèvements obligatoires et son contrôle, 1er Rapport 2007, La
Documentation Française, Paris, mars 2017, pp. 1-329. [http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-
publics/074000186.pdf] (consulté le 8 octobre 2016) S’agissant uniquement du préjudice de la sécurité sociale, il se chiffre à
plusieurs milliards de dollars. Ce 1er rapport situait le préjudice entre 8 et 15 milliards d’euros en 2007, sachant que 15
milliards d’euros représentaient déjà 10% des prestations de la sécurité sociale ou la moitié du déficit des régimes sociaux. Le
fait que le numéro de sécurité sociale figure sur les bulletins de salaire.
2614
G. DE FELCOURT, op.cit, p. 42.
2615
OBSERVATOIRE NATIONAL DE LA DÉLINQUANCE (OND), La Criminalité en France, Rapport annuel 2008, préc. Cf. pour
Rapport public 2009 : [http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/104000678/index.shtml] La vertigineuse
421

données personnelles qui étaient considérées auparavant comme un divertissement pour


apprenti cyber-pirate, ont trouvé leur "monétarisation" »2616. En exploitant les vulnérabilités
de leurs collectes, traitements, stockages ou échanges, « les cybercriminels ont découvert de
nouveaux terrains de chasse avec les données personnelles »2617.
1124. En définitive, les pratiques illicites sur les données en ligne se réfèrent à la
cybercriminalité en général : elles mettent en danger les personnes dans leurs droits et leurs
« traces informatiques », y compris leur environnement numérique lui-même. Dans la société
numérique, il est devenu indispensable, pour les États, d’organiser la prévention et la
répression, voire une riposte musclée, proportionnée ou graduée2618, contre des atteintes
informatiques et des attaques multiformes sur la donnée (en tant que valeur et en tant que
pavé du numérique), sur la personne (en tant qu’utilisateur actif ou passif) et sur le réseau (en
tant que véhicule et contenant).2619

B./ LA PROSPECTIVE DE LA CYBERSECURITÉ FACE À LA CYBERCRIMINALITÉ


DANS L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE CONGOLAISE

1125. Dans le contexte de la RDC, les défaillances du droit pénal des TIC ont déjà été
présentées, avec l’aperçu essentiel des instruments de lutte contre la cybercriminalité au
niveau international, européen, africain et congolais. Au regard des expériences en Europe et
en France, il convient de préciser les enjeux de sécurité des TIC (1) et de dresser une
typologie juridiques de cybersécurité pour l’économie numérique congolaise. (2)
1. La synthèse des enjeux de cybercriminalité et de cybersécurité dans l’économie
numérique
1126. L’économie numérique est affectée par les propensions à la cybercriminalité et les
impacts décuplés des cyberattaques.2620. Les systèmes d’information deviennent des coffres-
forts à pénétrer en usant des fonctionnalités du réseau des télécoms Par le fait des individus
(souvent des hacktivistes) des groupements organisés en hackers ou des États eux-mêmes
(avec des cybersoldats), le numérique devient tantôt l’objet des infractions, tantôt le moyen de
perpétration des crimes. Les vulnérabilités des réseaux font de l’« Internet : le nouveau filon
des organisations criminelles ».2621.
1127. Dans le commerce en ligne et l’économie numérique, les techniques à distance et
la dématérialisation des transactions accroissent les risques de fraude, d’escroquerie ou
d’atteinte aux droits fondamentaux des utilisateurs de la part des détenteurs des moyens
numériques. La cybercriminalité s’appuie sur le large champ de l’anonymat et le recul de
l’emprise du pouvoir étatique dans le cyberespace. L’activité informatique relativise

tendance à la hausse des pièces d’identité déclarées perdues ou volées ne peut occulter l’usage desdites pièces comme moyen
de commission d’actes de cybercriminalité (usurpation d’identité).
2616
G. DE FELCOURT, op.cit, pp. 49-50.
2617
Ibidem.
2618
F. DOUZET, « Chine, États-Unis : la course aux cyberarmes a commencé », in X. Raufer (sous la coord.), La première
cyber-guerre mondiale ?, éd. MA, paris, 2015, pp. 73 et s. Par rapport à la cybersécurité, « le New York Times publie le 4
février 2013 les conclusions d’un rapport juridique secret sur les pouvoirs du Président Obama en matière de guerre pré-
emptive et de riposte dans le cyberespace. […] À la guerre globale contre le terrorisme se substitue ainsi un nouvel ennemi
asymétrique, tout aussi insaisissable, multiforme, capable de frapper n’importe quand et n’importe où, sans préavis, sans
nécessairement disposer des moyens d’un État et surtout, sans que l’on puisse l’identifier à coup sûr ».
2619
G. DE FELCOURT, op.cit, pp. 30-31.
2620
E. FILIOL et P. RICHARD, Cyber criminalité, Enquêtes sur les mafias qui envahissent le web, DUNOD, Paris, 2006, p.1.
« Les braquages de fourgons blindés existeront toujours mais on ne peut pas en faire plusieurs dans la journée ou dans la
semaine ! Dans le cas des attaques informatiques, c’est possible : on peut "automatiser" des opérations quotidiennes. Et, en
plus, le coût (en termes de moyens nécessaires à l’attaque et de risques juridiques et physiques est moins élevé… »
2621
Ibidem.
422

l’investissement humain et matériel, alors que les dégâts et préjudices qu’elle cause sont
décuplés dans des proportions inverses pour le citoyen ou la société, dans le réseau ou en
dehors réseau.2622
1128. Pour l’économie et la consommation, la souveraineté numérique se traduit par la
recherche de la confiance. De nombreux utilisateurs précisent que le manque de sécurité des
réseaux constitue leur crainte la plus importante. Leur hésitation à transmettre leurs adresses
physiques, leurs numéros de compte bancaire et les autres données à caractère personnel
traduisent bien un manque de confiance aux procédés de la vie en réseau. Ce manque de
confiance contraste avec l’engouement des utilisateurs pour le cyberespace. Ce qui porte à
croire que la sécurité suffisamment établie, les transactions s’en porteront qualitativement et
quantitativement mieux.
1129. Plusieurs règles et mécanismes sont de mise pour assurer la confiance en
l’économie numérique: régulation du marché des télécoms et de l’accès à l’Internet,
identification (des acteurs, des offres et des publicités), restrictions des pratiques (interdites,
mensongères et autres déloyales) sur le Web, systèmes réglementés d’expression de
consentement pour l’usage de ses données personnelles, leur collecte et leur utilisation loyale,
y leur pénalisation (spamming). Comme en France et en Europe, la nécessité apparait en RDC
d’entourer les acteurs et les activités de l’Internet de certaines obligations adaptées :
transparence, loyauté, respect de la vie privée et de l’ordre public. En outre, le droit comparé
renforce la protection des consommateurs, en ce qui concerne notamment le respect de l’ordre
public et des bonnes mœurs à travers les réseaux numériques.2623
1130. La cybersécurité est la réponse à la cybercriminalité. La sécurité crée, maintient et
rétabli une situation de confiance. Elle est aussi le dispositif contre une agression, un risque
ou un danger. Il appartient donc à chaque État de renforcer son dispositif législatif et
sécuritaire se rapportant aux TIC dans leur contenu et dans leur contenant. 2624À l’ère des
transformations techniques, la sécurité juridique s’apprécie par rapport aux « usages défensifs
et offensifs de ces systèmes d’information qui irriguent désormais nos organisations
modernes. »2625. Le cadre juridique protecteur de la donnée et le dispositif de sûreté de la
personne se justifient comme composante indispensable de l’ordre public numérique. La
législation étatique permet de construire un cadre protecteur du droit de l’accès aux télécoms
pour les citoyens et pour la société. Elle renforce la régulation étatique des activités
numériques. Le cyberespace ne peut finalement pas se passer de l’État, qui a l’apanage du
« service d’ordre » et du « service de justice » malgré le recul de na notion de « service
public ».2626 La déréglementation a supprimé le monopole public sur les TIC, mais elle a en
même temps réduit l’emprise de la puissance de l’État sur l’Internet de même que son
effectivité dans l’économie numérique. Bien plus, la libéralisation du marché est un atout de
consolidation des forces économiques portées par la mondialisation et la globalisation des
2622
O. KEMPF, Introduction à la cyberstratégie, 2e éd. Economica, Paris, 2015. F.-B. Huyghe, O. KEMPF et N. MAZZUCCHI,
Gagner les cyberconflits au-delà du technique, Economica, Paris, 2015. X. RAUFER (sous la coord.), La première cyber-
guerre mondiales ?, éd. MA, Paris, 2015.
2623
C. FERAL SCHUHL, op.cit, pp. 162-195. Textes applicables en France : Loi LCEN n° °2004-575 du 21 juin 2004 en France
a transposé la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique. Loi n°78-17 du 6 janvier 1978, relative à l’informatique
et aux libertés, modifiée et complétée par la loi n°2004-801 du 6 août 2004. Ordonnance n°2001-741 du 23 août 2001,
transposant en droit français la directive du 20 mai 1997. Textes applicables en Europe : Directive n°97/7/CE du 20 mai
1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrat à distance. Directive-cadre n°2005/29/CVE du 11
mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales qui vise à harmoniser les règles relatives aux pratiques déloyales au
sein du marché intérieur.
2624
N. ARPAGIAN, op.cit, p. 7
2625
Ibidem, p. 7.
2626
Cf. au sujet de ‘apanage des services de l’État : L. DUGUIT, Les transformations générales du droit public, préc.
423

économies. La lutte contre la cybercriminalité passe nécessairement par des efforts


coordonnés entre États et l’implication du secteur privé.
1131. En prenant appui sur les TIC, la cybercriminalité se présente comme un défi
mondial et une délinquance intelligente. Les outils numériques sont devenus un vecteur idéal
pour faciliter l’action des délinquants à commettre leurs forfaits. Les réseaux numériques
contribuent à la simplification de la communication et à la diffusion de l’information à
l’échelle planétaire. Ils favorisent ainsi la commission d’infractions des plus traditionnelles,
tout autant qu’ils ont fait émerger des infractions spécifiques. La cybercriminalité peut osciller
entre des buts économiques, idéologiques voire politiques ; elle reste cependant une activité
criminelle « susceptible de se commettre sur ou au moyen d’un système d’information
généralement connecté à un réseau ». 2627 Pour autant, « Ils nécessitent en conséquences une
adaptation constante des réponses judiciaires, des techniques et moyens policiers à la hauteur
des préjudices humaines et économiques subis ».2628 Le droit pénal comparé a circonscrit les
aspects de la cybercriminalité à travers les qualifications légales et les catégorisations des
atteintes. Ces dernières ne concernent pas uniquement les réseaux informatiques, les systèmes
d’informations, mais atteignent aussi des infrastructures d’importance vitale, les capacités de
défense ou de sécurité nationale, le fonctionnement de nos systèmes de vie économique et
sociale. Elles dépassent aujourd’hui les atteintes à la vie privée, pour atteindre d’autres
valeurs ainsi que la foi publique. De la sorte, il apparaît des risques et des menaces
cybercriminels, analysables, comme en termes de mode opératoire du crime informatique ou
comme des conséquences sociales néfastes. L’approche typologique de la cybercriminalité est
ainsi possible à travers le droit pénal spécial et l’évaluation des menaces sécuritaires pour la
société. Notre analyse se limite au cadre de l’économie numérique.
2. La typologique de la cybercriminalité économique sous l’angle du droit et de la sécurité
1132. La doctrine considère la cybercriminalité comme un ensemble, avec deux grandes
sous-catégories d’infractions : les infractions où l’information est l’objet du délit, et les
infractions où l’informatique est le moyen du délit. plus récente ajoute la catégorie où
l’informatique est le support de diffusion, dans le cadre des infractions déjà commises.2629
1133. Par atteinte à la sécurité des réseaux informatiques, on entend les atteintes à la
confidentialité, à l’intégrité, à l’authenticité à l’intégrité des systèmes et des données
informatiques. La section I de la Convention de Budapest reprend cette classification et les
principales incriminations. Elle concerne les atteintes à la sécurité des réseaux et des données
informatiques. Parmi les incriminations, figurent : l’accès illégal aux systèmes d’information,
l’interception illégale des données, l’atteinte à l’intégrité du système d’information ou au
réseau, l’atteinte à l’intégrité des données, l’abus de dispositif, la falsification informatique et
la fraude informatique.2630
1134. En somme, il est possible de s’en tenir à la « brève analyse d’une
hétérogénéité »2631 que représente la cybercriminalité, compte tenu de la multiplicité des
modes d’action criminelle via les moyens électroniques. Si déjà les terminologies fluctuantes
de la cybercriminalité est source de difficulté,2632 elle brouille plusieurs critères d’approche à
2627
M. QUÉMÉNER, Cybercriminalité, défi mondial, Economica, Paris, 2009, p. 3.
2628
Ibidem, p. 2.
2629
Ibid.
2630
Convention de Budapest sur la cybercriminalité, préc.
2631
F. DECHAMPS et C. LAMBILOT, Cybercriminalité, état des lieux, Anthemis, Belgique, 2016, p. 23 et s.
2632
S. W. BRENER, « Cybercrime Metrics : Old Wine, New Bottles ? », Virginia Journal of Law and Technology, 2004,vol.9,
n°1, pp. 43-57.
424

cause du gonflement du phénomène par infractions classiques antérieures à l’essor des


technologies électroniques, à la popularisation de l’informatique et à la globalisation de
l’économie numérique. La Convention de Budapest sur la cybercriminalité donne lieu à
distinguer quatre types d’infractions,2633 à savoir :
- les infractions contre la confidentialité, l’intégrité, et la disponibilité des données et
systèmes informatiques,2634
- les infractions informatiques,2635
- les infractions se rapportant au contenu,2636
- les infractions liées aux atteintes à la propriété intellectuelle.2637
1135. Pour la France, Nicolas Arpagian a précisé une typologie des aspects structurant la
cybersécurité autour de deux grandes menaces de cyberattaques. Le premier axe concerne les
« attaques sur les réseaux informatiques et téléphoniques » : espionnage, interceptions,
altération des données, prise de contrôle à distance d’un dispositif, d’un outil ou d’un système
informatique. Le deuxième axe se rapporte aux « attaques informationnelles » : attenter à l’e-
réputation, développer des stratégies d’influence à l’ère du Net, maîtriser la mémoire
collective, le piratage numérique comme arme économique ou de subversion, le commerce
illégal.2638
1136. En RDC, le projet de loi sur les télécoms et les TIC comportent un chapitre
d’incriminations de la cybercriminalité, en adaptant la procédure ainsi que certains éléments
constitutifs d’infractions par rapport aux TIC. La future législation présente un dispositif
pénal, clair dans sa typologique devant être suivie d’une politique de cybersécurité. En lien
étroit avec l’économie numérique,2639 la liste des futures incriminations légales synthétise
l’apport du projet de loi sur les télécoms et les TIC2640:
- des infractions se rapportant au contenu, spécialement la pornographie infantile ;
- des infractions liées aux activités des prestataires de services de communication au public
par voie électronique ;
- des infractions liées à la publicité par voie électronique ;
- des infractions liées à la prospection directe ;
- des infractions en matière de cryptologie ;
- de l’adaptation de certaines infractions aux TIC, lorsqu’elles sont utilisées comme moyen
pour des atteintes aux biens ou de commission d’infractions par tout moyen de diffusion
publique ;
- des atteintes à la défense nationale.
- D’autres infractions englobent plusieurs atteintes spécifiques contre : la confidentialité des
systèmes informatiques, l’intégrité des systèmes informatiques, la disponibilité des
systèmes informatiques, les données informatisées en général et les droits de la personne
au regard du traitement des données à caractère personnel.
2633
Cf. pour l’énumération : DECHAMPS et C. LAMBILOT, op.cit, p. 24.
2634
Art. 2, 3, 4, 5 et 6, Convention de Budapest, préc.
2635
Art. 7 et 8, Convention de Budapest, préc.
2636
Art. 9, Convention de Budapest, préc.
2637
Art. 10, Convention de Budapest, préc.
2638
Cf. pour la synthèse : N. ARPAGIAN, op.cit, p. 126.
2639
Dans la politique législative actuelle en RDC, c’est le projet de la loi sur les TIC, sous examen au parlement de puis avril
2017, qui apporte la réforme du code pénal congolais datant de 1940. Cf. Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal
congolais tel que modifié et complété à ce jour, JORDC, 47e année, n° spécial, 05 octobre 2006, pp. 5-68
2640
Articles 259 à 310, projet de loi sur les télécoms et les TIC [RDC], préc.
425

1137. Concernant la procédure, la future loi sur la cybercriminalité autorise, dans le


cadre d’enquêtes judiciaires et d’instructions criminelles, les perquisitions et saisies
informatiques, sans dresser d’hiérarchie de la preuve, ni faire d’exclusion d’autres sources
d’information. Les interceptions judiciaires, l’extraction et la conservation rapide des données
sont également admises. Les agents publics habilités (ANTIC) appliquent et constatent
l’application des mesures d’effacement total ou partiel des données à caractère personnel en
cas de traitement illicite ou de décision de justice.2641
1138. Cependant, la réponse pénale n’est pas la panacée contre la cybercriminalité ;
indifféremment des barèmes de sanction, de leurs fonctions dissuasives et intimidantes. Elle
doit être complétée d’autres moyens techniques et matériels de lutte, pour non seulement
réprimer et prévenir, mais aussi pour construire des systèmes plus robustes. Les réseaux et les
économies numériques doivent continuer à fonctionner malgré l’exploitation des
vulnérabilités et les attaques permanentes qu’ils subissent. « La réussite dans le cyberespace
dépend de la capacité à s’adapter à ce contexte de menaces dynamiques ».2642 En effet, « Dans
le cyberespace ; l’agresseur n’a besoin de trouver qu’une seule faille, alors que le défenseur
doit couvrir toutes les faiblesses imaginables ou inimaginables ».2643 Déjà auparavant,
l’économie et le TIC connaissait la vulnérabilité et la résilience.2644
1139. Concernant les défis et exigences la cybersécurité pour l’économie : « la résilience
est la capacité d’un système ou d’un domaine à résister aux attaques ou aux incidents, et de se
rétablir rapidement lorsque de telles circonstances surviennent ».2645 Le principe essentiel et
existentiel de l’Internet est l’ininterruption de son fonctionnement de l’Internet ; cette logique
empreint les solutions techniques et juridiques de lutte contre la cybercriminalité afin de
réprimer certes, mais sans affecter la continuité de fourniture des services de la société de
l’information.
1140. En définitive, le développement du marché numérique « oblige depuis plus de
vingt ans à repenser tous les fondamentaux de la société comme du droit […] même si le droit
et la nouvelle technologie n’évoluent pas à la même vitesse, le droit résiste bien aux
bouleversements technologiques ».2646 Dans ce contexte, les États repositionnent leur
architecture juridique pour faire face aux mêmes défis de globalisation du cyberespace
mondial.2647 Pour ce faire, « [c]haque État dispose de ses propres lois pour son propre
territoire. Les lois restent l’expression de la souveraineté des États, car l’État est lié à
l’apparition d’un ordre juridique, selon la formule "ubi lex, ubi societas".2648 Parfois, certains
États se regroupent pour harmoniser leurs droits locaux selon différents mécanismes. Dans
l’Union européenne, [il s’agit] des directives pour harmoniser les droits [nationaux.] Le
parlement de chaque État transpose ensuite la directive dans son droit local ».2649 La
construction juridique de l’Europe des télécoms a fait l’objet d’études spécifiques dans les

2641
Article 330 à 354, projet de loi sur les télécoms et les TIC [RDC], préc.
2642
J. LIMNNÉLL, Le cyber change-t-il l’art de la guerre ?, in X. RAUFER, op.cit, p. 36.
2643
Ibidem, p. 34.
2644
A. KABEYA TSHIKUKU, « Résilience économique : qu’attendre des TIC ?, Revue économique de politique économique :
Vulnérabilité économique et résilience, vol. 1, n° 1, Kinshasa, mars 2015, pp. 71-81. « Les TIC peuvent doper les rouages
nécessaires pour une résilience de l’économie, par leur "inclusivité" dans toutes les couches de la population. »
2645
J. LIMNNÉLL, op.cit, p. 38
2646
C. FÉRAL Schuhl, « Préface », in M. QUÉMÉNER, Cybersociété..., op.cit, p. 4.
2647
GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE, Les dividendes du numérique…, op.cit, p. 29. « La technologie influe sur les règles (le
cadre réglementaire et les normes) pour engendrer de nouvelles idées Ŕ par exemple, nouvelles méthodes de production des
biens et des services. Si la plupart des règles sont établies localement, la technologie fait l’objet d’échanges entre les marchés
et à travers les frontières ».
2648
R. CARRÉ DE MALBERG, Contribution générale à la théorie de l’État, Sirey, 1962.
2649
O. ITEANU, Quand le digital défie l’État de droit, Eyrolles, Paris, 2016, p. 12.
426

chapitres précédents.2650 Dans la méthode définie pour notre thèse, les expériences
européennes et françaises éclairent, par ses paradigmes et ses solutions avant-gardistes,
l’analyse sur les défis législatifs de la RDC. Il convient d’achever la prospective de lege
ferenda sur le renouveau des lois sur le commerce électronique et la régulation des TIC en
RDC. (Chapitre 2)

2650
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 1 de la présente thèse.
427

CHAPITRE 2 :
LA PROSPECTIVE DE RENOUVEAU DES DROITS CONGOLAIS
DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE ET DE LA RÉGULATION DES TIC
À L’AUNE DU DROIT INTERNATIONAL ET COMPARÉ

1141. Face aux enjeux de la société numérique, il a été remarqué que le gouvernement
congolais a bien entrepris des réformes législatives. Ce sont des projets législatifs concernant
les TIC et formés d’un ensemble de textes juridiques se rapportant aux réseaux et activités
numériques. Le secteur des TIC est au carrefour des progrès technologiques perceptibles dans
la nouvelle société congolaise de l’information. Les télécoms constituent effectivement le
vecteur essentiel et indispensable du commerce électronique, voire de la vie sociale des
populations qui y accèdent. La directive 2003/31/CE a rappelé à ce sujet le préalable ainsi que
l’importance de l’accès aux réseaux de télécoms afin non seulement de faciliter le commerce,
mais aussi de développer les activités économiques en ligne. Le sens de l’acquis européen est
précisé : « Le développement du commerce électronique dans la société de l’information offre
des opportunités [...] facilitera la croissance économique des entreprises [...] peut renforcer la
compétitivité [...] pour autant que tout le monde puisse accéder à l’Internet ».2651 Toutefois
l’accès au réseau et l’économie inhérente à celui-ci sont sources d’enjeux et des facteurs de
législation. En France, la réforme du droit, due à l’évolution technologique, a conduit à une
mutation des lois et institutions des « télécommunications », afin de les réaligner dans les
droits des communications électroniques, du commerce électronique et de l’économie
numérique.
1142. Ainsi, pour s’adapter à cette nouvelle donne essentiellement électronique, l’ART
en France (créée en 1996) a vu en 2005 les attributions étendues à la poste et aux
communications électroniques. De ce fait, elle est devenue l’ARCEP.2652 Sans à avoir
formellement la même position, l’ARPTC s’est vue dotée d’attributions dans le domaine de
l’Internet, le législateur lui conférant aussi la mission « de s’assurer que les citoyens
bénéficient des services fournis à l’aide de nouvelles technologies de l’information et de la
communication ».2653 Mais, l’institution d’un organe de régulation ne doit pas occulter
d’autres mécanismes régulateurs du marché tel que le contrat électronique. En effet, l’usage
des TIC suscite un enjeu, c’est celui de la confiance, d’un rôle à jouer dans la régulation des
contrats électroniques et futur d’accès universel, condition sine qua non de l’existence du
commerce électronique.
1143. En RDC, comme en Europe, il est nécessaire de disposer d’une loi sur le
commerce en ligne, mais il faut au préalable optimiser les moyens de connexion du pays à
l’Internet. La considération du législateur européen l’a ainsi confirmé.2654 C’est ainsi qu’il y a
deux autres volets de prospectives législatives pour la RDC au regard des nécessités de
transformation de son droit positif à l’épreuve des TIC. Deux projets de loi spécifiques
ajustent le cadre juridique congolais tant par rapport aux pratiques commerciales en réseau
que par rapport à la régulation des réseaux numériques d’accès eux-mêmes. Au cœur de cette
régulation se situe la nécessité de lutter contre la fracture numérique en organisant le « service

2651
Considérant n°2, directive 2000/31/CE, préc.
2652
A. MBAUNEWA NKIERI, Droit congolais des télécommunications, État des lieux, Analyse critique et comparative,
Juricongo, Kinshasa, 2012, p. 20.
2653
Article 3, r), loi (RDC) n°014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l’Autorité de Régulation de la Poste et des
télécommunications, in JO RDC, 44e année, numéro spécial, 25 janvier 2003, p. 53.
2654
Considérant n°2, directive 2000/31/CE, préc.
428

universel » afin de réaliser l’inclusion numérique des villes, des collectives et des populations
dans la société de l’information.
1144. Aussi, d’une part, l’un des projets de loi sur les TIC se rapporte spécifiquement
aux échanges électroniques et au commerce en ligne. Se développant à ce jour comme des
situations de fait en RDC, les activités numériques ne sont appréhendées ni dans un
quelconque cadre réglementaire, ni dans une définition législative dans l’ordre étatique
national. Certaines références très lapidaires sont possibles à envisager avec la loi-cadre de
2002 sur les télécoms, tout autant que des liens approximatifs à établir avec le droit commun
porté par le code général de commerce de 1913.2655 (Section 1).
1145. D’autre part, les nouvelles ébauches de textes de loi concernent l’ARPTC. Dans le
renouveau du droit des télécoms et des TIC, la compétence sectorielle de l’autorité de
régulation est revue pour encadrer plus largement les TIC, en l’instituant comme
« ARPTNTIC ». Ces deux projets de lois additionnels tendent à repositionner des points
précis des droits civils, commerciaux et de la régulation étatique afin de répondre aux enjeux
actuels d’encadrement juridique des TIC et de leurs promotions. Auparavant l’État-
entrepreneur pouvait, grâce à son monopole d’entreprise, financer des activités non-rentables,
notamment la couverture totale de la population en services des télécoms, en couvrant les
déficits d’accès au réseau. Mais avec la dérégulation du marché des télécoms, le service
universel s’est imposé comme une nécessité interventionniste pour assurer l’égalité et la
disponibilité d’accès minimal aux services publics, car ces aspects sont souvent délaissés par
l’économie concurrentielle.2656 Mais au-delà, des perspectives nouvelles se dessinent dans le
marché numérique mondial, fondant de nouveaux défis de souveraineté numérique sur les
anciens enjeux d’accès universel aux télécoms. Pour autant, la réforme du droit de la
régulation doit s’accompagner des politiques publiques concrètes ainsi que d’une
réorganisation institutionnelle du service public congolais des télécoms selon les aspects des
TIC. (Section 2).

SECTION I –
LA PROSPECTIVE D’UN « DROIT SPÉCIAL DES ÉCHANGES ET DU COMMERCE ÉLECTRONIQUES »
EN RDC FACE AU DROIT COMPARÉ

1146. Avec les enjeux de développement des réseaux et des activités numériques en
RDC, le projet de loi sur le commerce électronique s’adapte nécessairement au droit civil et
au droit commercial. (§1.) La politique législative congolaise assure dans un but spécifique de
confiance, la transition de ses règles juridiques pour toute forme d’échanges électroniques en
ligne, comme la France en 2004 avec la loi sur l’économie numérique (§2).

2655
Décret [du Roi de belges] du 2 août 1913, des commerçants et de la preuve des engagements commerciaux, B.O., 1913,
p. 775. Cf. Les codes Larcier de la République Démocratique du Congo, A- Droit commercial, 2010, t. III, De Boeck &
Larcier (Afrique éditions), Bruxelles, 2010, pp. 2-50.
2656
J. CATTAN, op.cit, p. 171.
429

§1. Les enjeux de repositionnement du cadre juridique


du commerce électronique congolais

1147. En RDC, la notion des télécoms n’a pas beaucoup évolué depuis 1940, année de la
première ordonnance législative de la colonie2657. Bien que le terme « télécommunications »
soit expressément défini, rien n’est vraiment prévu en droit positif congolais, au sujet du
commerce électronique. En effet, aucune source législative ou réglementaire, générale ou
particulière ne le définit ni le régit. Néanmoins, la typologie du commerce électronique ressort
implicitement dans les définitions des « services des télécommunications2658 », des « services
à valeur ajoutée2659 » et des « services de supports des données2660». C’est donc par une
interprétation terminologique de la loi que l’appréhension des aspects juridiques du commerce
électronique congolais est possible. Le législateur énumère dans cette liste explicite, des
services à valeur ajoutée ; certaines activités correspondent aux services de la société de
l’information pouvant relever du commerce électronique. En effet, « On peut citer comme
exemple, le traitement direct des données, l’enregistrement et la recherche directe des bases
de données, l’échange électronique de données, le courrier électronique ou la messagerie
vocale »2661. Ces pratiques sont réelles en RDC.
1148. Depuis 2002, le législateur congolais les considère comme étant seulement un
accessoire aux télécoms. Il y a méconnaissance législative du commerce en ligne. 2662 Les
activités d’intermédiaires ou de prestataires techniques ne sont pas définies, ni présentées dans
une logique de l’économie numérique. La loi-cadre se limite à les considérer comme des
régimes particuliers de concession des services publics. En RDC, il est nécessaire de combler
le vide législatif sur le commerce électronique en définissant son objet dans le projet de loi,
dit LECE, selon les apports existants du droit international, le droit comparé européen et
français restant des expériences de référence. (A/.)
1149. Toutefois de nouvelles perspectives se dessinent quant à l’effectivité du pouvoir
des géants économiques de l’Internet sur les valeurs fondamentales des États et leur puissance
publique. Pour tous les ordres juridiques, le commerce électronique pose ainsi un défi de
souveraineté numérique.2663 Aussi, le droit positif congolais doit-il atteindre un niveau de
prospective législative censée encadrer les problématiques nouvelles de la « pluri-
normativité » et des autorités « polycentriques » du commerce en ligne.2664 (B/.)

2657
Ordonnance législative n°254/Télec. du 23 août 1940, Moniteur congolais, JORDC, n° spécial, 25 janvier 2005,
Kinshasa, p.18.
2658
Article 4, point 4, Loi-cadre sur les télécommunications (RDC), préc. Le « Réseau indépendant » est « un réseau de
télécommunication réservé à un usage interne, privé ou partagé ».
2659
Article 4, point 18, LCT (RDC), préc. Par « services à valeur ajoutée », on entend « tous services de télécommunications,
n’étant pas des services de télécommunications finales ajoutant d’autres services au service support ou répondent à de
nouveaux besoins spécifiques de télécommunications. On peut citer comme exemple, le traitement direct des données,
l’enregistrement et la recherche directe des bases de données, l’échange électronique de données, le courrier électronique ou
la messagerie vocale ».
2660
Article 4, point19, LCT (RDC), préc. on entend par « services supports des données » : « un service de simple transport
de données dont l’objet est soit de transmettre, soit de retransmettre, soit d’acheminer des signaux entre les points des
terminaux d’un réseau de télécommunications sans faire subir à ces signaux des traitements autres que ceux nécessaires à leur
acheminement et au contrôle de ces fonctions »
2661
Article 4, litera 18, in fine, LCT (RDC), préc.
2662
Cf. Partie 2, Titre II, Chapitre 2, Section 2, §1, de la présente thèse.
2663
P. TRUDEL, « Ouverture Ŕ La souveraineté en réseaux », in A. BLANDIN-OBERNESSER (sous dir.), Droits et souveraineté
numérique en Europe, Coll. Rencontres européennes, Bruylant, Bruxelles, 2016, p.10.
2664
G. J. GUGLIELMI, « Préface », in LUCA BELLI, De la Gouvernance à la Régulation de l’Internet, Coll. Au fil des études :
Les Thèses, éd. Berge Levrault, Boulogne-Billancourt, 2016, p. 13.
430

A./ L’OBJET DE LA NOUVELLE LECE EN RDC FACE AUX VIDES LÉGISLATIFS DU COMMERCE
ÉLECTRONIQUE ET AUX RÉFÉRENCES JURIDIQUES INTERNATIONALES ET COMPARÉES

1150. Le commerce en ligne se déroule d’une manière empirique en RDC. le droit


congolais ne comporte pas de définition, ni de régime, législatif ou réglementaire, sur les
activités économiques réalisées à distance et par la voie électronique. Selon M. De Belleyme
au 17ème siècle « l’exactitude dans les mots produit et engendre l’exactitude dans les
choses »2665. Il n’en demeure pas moins que l’activité numérique est en plein essor dans le
pays. Mais l’inorganisation du droit du commerce électronique est un facteur de risque pour
les consommateurs et pour les prestataires, voire pour son appréhension fiscale par l’État,
même si une tentative de définition doctrinale a été faite à titre de contribution pour le droit
congolais.2666 Toutefois, le terme « commerce électronique » ne présente pas une acception
unique et universelle, dans les différents systèmes juridiques nationaux, communautaires ou
internationaux.
1151. De lege ferenda, il faudra, au niveau international, confronter la prospective
législative congolaise face aux faits du marché en tenant compte des efforts de
conceptualisation du commerce électronique en droit international. En premier lieu, il faut
donc examiner les différents champs définissant le commerce électronique, tel qu’envisagé en
RDC, et consacré en Europe et en France. En second lieu, des approches avec le droit
international doivent se faire pour appréhender leur influence sur le droit congolais, sachant
que la RDC n’a pas, à ce jour, ratifié des accords internationaux spécifiques au commerce
électronique. Les faits précèdent le droit du commerce électronique congolais. (1) Plusieurs
possibilités de législation sont offertes en droit international (2), mais la LECE présente une
particularité quant à son objet au regard du droit international et par rapport au droit comparé
européen et français. (3)
1. L’existence du commerce électronique dans les faits non légiférés en RDC

1152. Grâce aux opérateurs GSM, l’exercice du commerce électronique en RDC est
courant pour les offres d’achat et de recharge des crédits de communication. Ainsi, les
abonnés peuvent effectuer la provision de leurs comptes-clients en ligne à l’aide de
commandes dématérialisées de temps d’appel ou de navigation par média informatique. Par le
clavier alphanumérique des téléphones, les commandes sont faites sous forme de syntaxe
écrite et les accusé-réceptions sont fournis automatiquement sur l’écran du téléphone
intelligent ou par SMS du serveur de l’opérateur. Dans les faits, ces pratiques commerciales
se réalisent par des commandes en ligne contre accusés de réception sur la même plate-forme.
Cependant, les faits ne sont pas qualifiés de commerce électronique.2667
1153. Le prospective législative sur le commerce électronique se précise peu à peu en
RDC dans le but de cerner les aspects juridiques des services commerciaux de la société de
l’information. Sans aller dans une « pétition de principe »2668, la RDC connait bien par les

2665
BAYONNA BA-MEYA, « La terminologie juridique à l’épreuve de la pratique légale, judiciaire et sociale au Zaïre », Le
droit aux prises aux réalités socioculturelles, Actes des journées scientifiques organisées par la faculté de Droit du 25 au 26
février 1997, éd. UPC/CEDI, Kinshasa (RDC), p. 9. « Non, les écrits ne restent pas figés, statiques, car l’écrit c’est la parole
emprisonnée, c’est l’énergie en attente mais qui rayonne et influence. Non, les paroles prononcées ne s’envolent pas pour dire
qu’elles se dissipent dans le cosmos, car les paroles, parce que force créatrice, influencent et façonnent jusqu’au
comportement mental et social ».
2666
K. NDUKUMA, Cyberdroit, Télécoms, Internet, Contrats de e-commerce,.., op.cit, p. 63-77.
2667
Ibidem, p. 46-47.
2668
Y. GARNIER et M. VINCIGUERRA (sous la dir.), Le petit Larousse illustré, éd. Larousse, Paris, 2004, p. 771, Verbo
« pétition de principe » : « raisonnement vicieux à tenir pour vrai ce qui fait l’objet même de la démonstration ».
431

opérateurs des réseaux de télécoms, les faits du commerce électronique qui sont, en réalité,
des prestations techniques. Plusieurs activités commerciales en ligne se déroulent, mais sans
qualification, ni spécificité juridiques appropriées, permettant un encadrement législatif en
tant que faits sociaux nés de l’économie de l’information (« Net économie »).
1154. En droit comparé européen et français, l’objet du commerce électronique a été
« défini »2669 au titre premier de la première partie de notre thèse. À défaut de définition
terminologique, mais en se référant aux critères généraux des directives européennes
concernées2670, le contour juridique du commerce électronique s’est formé. L’article 14 de la
LCEN lui donne une définition législative, en transposition de la directive 2000/31/CE au
commerce électronique. Dans les textes internationaux, la CNUDCI et l’OCDE disposent
pour les États, des modèles de définitions, soit par des « lois-type », soit par des textes
présentant une valeur indicative ; leur forme juridique ne permet pas de les ratifier. Ces
définitions d’organisations internationales spécialisées ne sont pas d’autorité contraignante
pour l’ordre juridique interne congolais.
1155. Des concepts apparaissent inévitablement dès que le terme « commerce
électronique » est évoqué. Il s’agit notamment d’ « Internet » ou « réseau de télécoms », que
l’on considère comme le milieu approprié d’exercice, et la « vente » qui est le paradigme
incontournable de ce type de négoce. La RDC est connectée au commerce numérique
mondial, mais se trouve considérablement dépourvue d’une réglementation adéquate pour les
services de la société de l’information. En effet, après 62 ans de statu quo réglementaire,2671
les deux lois spécifiques aux télécoms portent essentiellement sur la téléphonie et l’Autorité
de régulation, mais non sur les produits et les implications sociétales d’Internet. Le commerce
électronique ne trouve pas, dans ces deux lois spéciales en rapport avec les TIC, un régime, ni
une satisfaction dans les régimes de droit commun. Ces derniers ne s’appliquent pas aux
aspects juridiques du commerce en ligne, tels que : l’écrit électronique (la preuve et la
signature électroniques), les prestataires des services de la société de l’information, le contrat
électronique, les communications commerciales en ligne, les données personnelles, les œuvres
numériques diffusées sur Internet, intermédiaires techniques…
1156. L’absence de définition juridique et de réglementation est frappante. À travers les
définitions des services des télécommunications, des services à valeur ajoutée et des services
supports, son sens peut implicitement être envisagé. La continuité logique entre la loi-cadre et
le commerce électronique n’apparaît pas, alors que l’Europe inclut les services de
communications électroniques dans les services de la société de l’information. Cependant
depuis l’an 2000, plusieurs opérateurs de télécoms ont fait leur entrée sur le marché de l’offre
d’accès à Internet et des contenus numériques en ligne. Pour Vincent Gautrais, dans les faits,
« l’accomplissement d’activités commerciales de manière automatique par l’utilisation des
technologies de l’information et de la communication » relève du commerce électronique.2672
Quant au professeur Filiga Michel Sawadogo, le commerce électronique est « tout ou partie
des opérations relatives à la publicité, à l’accord des volontés des parties, à la livraison du

2669
Cf. Partie 1, Titre I de la présente thèse.
2670
Spéc. : Directive 200/31/CE sur le commerce électronique ; directive 98/34/CE sur la société de l’information, directive
97/7/CE sur les contrats à distance, préc. Cf. J. BERGÉ ET S. ROBIN- OLIVIER, op.cit, p. 366. « Le droit européen a sa propre
"loi". »
2671
Avant l’édiction de l’actuelle loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécoms en RDC, la précédente en
vigueur fut l’Ordonnance-législative 254/TELEC du 23 août 1940 du Gouverneur général du Congo à l’époque du Congo
colonie belge. Cf. JO RDC, n° spécial, 25 janvier 2005, Kinshasa, p. 18.
2672
V. GAUTRAIS, L’encadrement juridique du contrat électronique international, thèse de doctorat, Faculté des Études
supérieures, Université de Montréal, Canada, 1998.
432

produit, à la prestation du service ou au paiement du prix, effectuées en ayant recours aux


nouvelles technologies de l’information et de la communication ».2673
2. Les définitions internationales pour le commerce en ligne congolais

1157. Sur le plan international, les définitions du commerce électronique provenant de


diverses sources, diffèrent les unes des autres. Celles données par les organisations
internationales ont généralement un champ de compréhension très large. Elles essaient
d’appréhender les aspects du commerce électronique dans l’ensemble de l’économie, des
processus industriels ou commerciaux et dans leurs solutions technologiques ou implications
politiques.2674 Par ailleurs, le concept du commerce électronique, pour ces organisations
multilatérales, est soit étendu2675, soit plus étroit2676 dans son objet. Certaines par exemple
englobent toutes les transactions financières et commerciales effectuées par voie électronique,
tels que les échanges de données informatisées (EDI), les transferts électroniques de fonds
(TEF) et toutes les transactions par carte de crédit ou de débit. D’autres limitent le commerce
électronique à la vente au détail pour les consommateurs effectuant des transactions sur des
réseaux ouverts comme l’Internet. La première définition renvoie à une forme de commerce
en ligne existant depuis des décennies. La seconde n’existe que depuis quelques années.2677
1158. L’OCDE et la CNUDCI (dont la RDC est membre) ont donné des définitions
essentielles. L’OCDE, compte tenu de la diversité des besoins des utilisateurs, a considéré
qu’une seule définition ne serait pas adaptée à tous les besoins. Aussi, le Groupe d’experts2678
a envisagé des définitions cohérentes, pouvant offrir des indicateurs utiles. L’OCDE s’est
efforcée d’atteindre un « compromis difficile »2679 quant aux critères très divergents pour une
définition du commerce électronique. Ils procèdent de la technologie utilisée en opposition

2673
M. SAWADOGO FILIGA, « Approche nationale et régionale de la mise en place d’une réglementation du commerce
électronique : le cas du Burkina-Faso et de l’Afrique de l’Ouest », Conférence régionale africaine de haut niveau, Tunis, 19-
21 juin 2003, p. 1-3. K. NDUKUMA, op.cit, p. 18.
2674
B. PATTINSON, « e-commerce Ŕ vers une définition internationale et des indicateurs statistiques comparables au niveau
international, Division de la politique de l’information, de l’informatique et de la communication »,
[http://www.insee.fr/fr/ppp/sommaire/imet97o.pdf] (consulté le 18 août 2016).
2675
Par exemple, l’objet de définition du commerce électronique peut inclure : la conception et ingénierie en collaboration,
commerce, transport, marketing, publicité, services d’information, règlement des comptes, marchés publics, santé, éducation)
2676
Par exemple, l’objet de définition du commerce électronique peut inclure uniquement la vente au détail ou la livraison par
voie électronique.
2677
Groupe de travail sur les indicateurs pour la société de l'information, « La définition et la mesure du commerce
électronique : Rapport sur l'état de la question », Document DSTI/ICCP/IIS(99)4/FINAL, OCDE, Forum sur le Commerce
électronique, Paris, octobre 1999, p. 10 [http://www.oecd.org/dataoecd/12/56/2092492.pdf] (consulté le 19 août 2016).
2678
Le Groupe de travail de l’OCDE sur les indicateurs pour la société de l’information (GTISI) avait décidé lors de sa
réunion d’avril 1999 de créer un groupe d’experts sur la définition et la mesure du commerce électronique. Le présent extrait
fait l’économie de leur rapport présenté au Forum de Paris sur le Commerce électronique les 12 et 13 octobre 1999. Leur
Rapport rend compte des travaux entrepris par le groupe d’experts en vue d’élaborer un cadre d’établissement des priorités
relatives à la mesure du commerce électronique.
2679
Groupe de travail sur les indicateurs pour la société de l'information, « la définition et la mesure du commerce
électronique : rapport sur l'état de la question », OCDE, Document n°DSTI/ICCP/IIS(99)4/FINAL, Paris, 7-8 octobre 1999,
p.4 :« À la suite d’un atelier de l’OCDE (21 avril 1999) qui a réuni des représentants du monde des affaires, des décideurs,
des chercheurs et des statisticiens pour examiner les questions de définition et de mesure du commerce électronique, le
Groupe de travail de l’OCDE sur les indicateurs pour la société de l’information (GTISI) a décidé lors de sa réunion d’avril
1999 de créer un groupe d’experts sur la définition et la mesure du commerce électronique, dont le mandat est de « compiler
les définitions du commerce électronique qui sont pertinentes pour les politiques et statistiquement applicables ». Quatorze
pays ainsi qu’Eurostat, et Singapour en qualité d’observateur, participent aux travaux de ce groupe d’experts3. Pour mener
leur réflexion, les membres du Groupe d’experts doivent être «pleinement informés des besoins des responsables des
politiques en termes d’indicateurs et de données dans le domaine du commerce électronique ».
433

avec le principe de la neutralité technologique2680, des parties2681, des types de


transactions2682, du particularisme du support utilisé ou du processus commercial.2683
1159. Selon l’OCDE, le commerce électronique peut être entendu comme « toutes
formes de transactions liées aux activités commerciales, associant tant les particuliers que les
organisations, et reposant sur le traitement et la transmission de données numérisées,
notamment texte, son et image. Il désigne aussi les effets que l’échange électronique
d’informations commerciales peut avoir sur les institutions et le processus, qui facilitent et
encadrent les activités commerciales » ; l’OCDE précise que ces effets sont un vecteur majeur
de croissance économique.2684 Les infrastructures de communication sont aussi définies selon
deux dimensions: les applications et les réseaux.2685
1160. Les travaux du groupe d’experts de l’OCDE ont permis de dresser une liste
d’éléments comparables au niveau international dans les processus industriels et commerciaux
tirant profit du support électronique :
- commande de biens et de services Ŕ à la fois, ventes et achats en ligne ;
- paiement en ligne des biens et services Ŕ à la fois, reçus et paiements ;
- réalisation de transactions financières autres que les paiements en ligne, par exemple
transactions bancaires ;
- livraison numérique de services Ŕ en tant que fournisseur et client ;
- marketing et promotion / recherche d’informations en ligne ;
- recrutement de personnel/recherche de travail en ligne ;
- utilisation des bases de données en ligne Ŕ en tant que fournisseur et utilisateur.2686
1161. La CNUDCI, dans sa « loi-type sur le commerce électronique » du 16 décembre
19962687, ne définit pas le commerce électronique, mais fournit uniquement une définition de
l'EDI2688, qui l’inclut. Cette loi-type, antérieure à la directive européenne 2000/31/CE sur le

2680
Si l’on se fie au Minitel, par exemple, ou seulement à l’Internet, il y a lieu que les découvertes nouvelles de technologies
dépassent le cadre de la définition. Il y a donc lieu de croire qu’une définition du commerce électronique sera forcément
dynamique et variera en fonction de l’objectif que l’on souhaite mesurer.
2681
Les définitions des décideurs sont en général très larges afin d’englober les incidences du commerce électronique, tous
les segments des transactions ainsi que tous les agents économiques. Toutefois, également dans le cas du commerce sur
l’Internet, on peut trouver diverses définitions selon la partie de la transaction sur Internet qu’elles englobent.
2682
Par exemple toutes les transactions financières et commerciales effectuées par voie électronique, notamment l’EDI, les
transferts électroniques de fonds (TEF) et toutes les transactions par carte de crédit ou de débit.
2683
Par exemple, des définitions larges englobant toutes les applications des communications qui servent aux activités
commerciales. Leur attention est centrée sur le commerce électronique considéré comme une stratégie ou un modèle
commercial plutôt que comme une application ou une technologie.
2684
OCDE, « Le commerce électronique opportunités et défis pour les gouvernements », cité par L. THOUMYRE, RDTI, 1997-
2001, p. 3 [http://www.juriscom.net/uni/mem/03/introduction.html#footnote23] (consulté le 11 janvier 2011).
2685
Groupe de travail sur les indicateurs pour la société de l'information, « La définition et la mesure du commerce
électronique : Rapport sur l'état de la question », OCDE, Document DSTI/ICCP/IIS(99)4/FINAL, Forum sur le Commerce
électronique, Paris, octobre 1999, p. 11.
2686
B. PATTINSON, op.cit, p. 119.
2687
Résolution 51/162 de l'Assemblée générale du 16 décembre 1996 portant sur la Loi type de la CNUDCI sur le commerce
électronique, Guide pour l'incorporation de la loi type de la CNUDCI, Nations Unies, New York, 1997.
2688
Selon la loi-type (Résolution 51/162, précitée, p. 18.) : « Au nombre des moyens de communication recouverts p a r la
notion de "commerce électronique" figurent les moyens de transmission ci-après, qui font appel à des techniques
électroniques: communication par EDI définie de manière restrictive, comme la transmission d'ordinateur à ordinateur de
données commerciales selon un mode de présentation uniformisé (format standard); transmission de messages électroniques
utilisant des normes publiques ou des normes exclusives; transmission par voie électronique de textes librement formatés, par
exemple par l'Internet. On a également noté que, dans certains cas, la notion de "commerce électronique" pourrait englober
l’utilisation de techniques comme le télex et la télécopie. »
434

commerce électronique, s’en est largement inspirée. Une seconde loi-type de la CNUDCI2689,
ayant un lien avec le commerce électronique, « a été adoptée le 5 juillet 2001, après la
directive n°1999/93 CE du 13 décembre 1999 et la loi française de transposition du 13 mars
2000 sur la signature électronique. Elle est moins innovante que la première loi-type, à
l’inverse, influencée par le texte communautaire. Le dialogue des législateurs est donc
réciproque ». 2690 La législation européenne ainsi que la transposition française par la LCEN
rappellent les solutions innovantes (pour l’époque) de la première loi-type de la CNUDCI, en
rapport aux questions suivantes:
- formation et validité des contrats ;
- moment et lieu de l’expédition et de la réception des messages ;
- accès sur l’échange informatisé des données, caractérisant davantage les relations B to C ;
- acceptabilité de l’écrit sous forme de « message de données » avec force probante.2691
1162. Ainsi, la future LECE tient compte des expériences de l’OCDE et de la CNUDCI
et de la reconnaissance du droit européen et français. Les TIC ont provoqué une
restructuration de l’espace économique mondial, en tant que marché électronique sans
frontière, sans les distances métriques. La mise en rapport des systèmes juridiques vise à
« assurer la cohérence des règles communautaires avec les règles internationales […] sans
préjudice des résultats dans les organisations internationales (entre autres, OMC, OCDE,
CNUDCI) ».2692 Les législateurs s’inspirent mutuellement, les ordres juridiques s’influencent
réciproquement. Ainsi sur le marché électronique mondial, la méthode de la CNUDCI a une
influence sur les lois communautaires et/ou nationales. En effet, « la méthode de la loi-type,
déjà retenue par la CNUDCI en matière d’arbitrage international, autorise la large diffusion
d’un modèle, incorporé en droit national par le législateur avec des variations plus ou moins
grandes. Cette méthode a permis la consécration de principes adressés au législateur et au juge
plutôt qu’aux opérateurs. ».2693 C’est ainsi que la loi-type CNUDCI a amené à la création de
principes applicables dans les droits nationaux du commerce (électronique), particulièrement :
la non-discrimination de la preuve littérale et de la preuve électronique ainsi que la neutralité
technologique. La CNUDI appelle les législateurs nationaux à rechercher une formulation des
règles de droit qui restent dans une neutralité technologique, afin d’éviter d’assimiler la
définition du commerce électronique à un type de technologie en présence.2694
1163. En pratique, si l’on prend en compte le type d’activité et le réseau sur lequel le
commerce électronique est dirigé, on arrive à toutes les combinaisons de définitions
concevables du commerce électronique international. Cela souligne également qu’il ne se
limite pas à une technologie ou à une application. Il désigne plutôt celle des TIC comme
l’ensemble de la chaîne de valeurs des processus commerciaux, menés par voie
électronique.2695 De toutes les définitions qui ont été développées, il apparaît clairement que
celles-ci devront inclure trois dimensions différentes :1) les réseaux de communication sur

2689
« Loi-type de la CNUDCI sur les signatures électroniques et son Guide d’incorporation », Résolution adoptée par
l’Assemblée générale [sur le rapport de la Sixième Commission (A/56/588)], Doc. A/RES/56/80, in
[http://www.uncitral.org/pdf/french/texts/electcom/ml-elecsign-f.pdf] (consulté le 21 août 2011).
2690
C. CASTETS-RENARD, op.cit, p. 142.
2691
Article 9 de la loi-type de la CNUDCI sur le commerce électronique qui ajoute : « Celle-ci s’apprécie eu égard à la
fiabilité du mode de création, de conservation ou de communication du message, la fiabilité du mode de préservation de
l’intégrité de l’information, à la manière dont l’expéditeur a été identifié et à toute autre considération pertinente. »
2692
Considérant, Directive 2000/31/CE, préc.
2693
[www.OCDE.org/fr] (consulté le 3 mai 2013). Cf. E. A. CAPRIOLI, op.cit, pp. 276 et s.
2694
O. CACHARD, op.cit, p. 17-18.
2695
Ibidem.
435

lesquels est basé le commerce électronique ; 2) les applications qui sont considérées comme
faisant partie dudit commerce ; 3) les transactions, échanges et activités économiques (ou les
processus industriels et commerciaux) exercés.
1164. En conclusion, comme dans les autres pays, le commerce en ligne est tributaire de
la voie électronique, qui correspond aux réseaux de communications électroniques. Pour
accéder au commerce en ligne, la disponibilité d’accès au réseau est indispensable. Il se pose
alors la question préalable d’un accès universel à moindre coût pour les citoyens, quel que soit
le lieu des prestataires et destinataires. Cette question est abordée dans le cadre des missions
de la régulation des télécoms.2696 La future loi sur le commerce électronique réserve son objet
à régir la particularité des échanges électroniques, civils et commerciaux, sans régir les
aspects périphériques de l’accès au réseau.
3. L’économie de la future LECE en RDC face au marché et au droit comparé

1165. La législation congolaise est silencieuse quant à la définition de l’objet et de la


terminologie du commerce électronique, mais un effort a été fait pour légiférer les activités
économiques en ligne. Leur appréhension juridique doit avoir une définition de référence.
Ainsi, l’article 4, 3 du projet de LECE (RDC) définit le commerce électronique comme
l’« activité commerciale par laquelle une personne effectue ou assure par voie électronique la
fourniture de biens ou de services ». Les « activités commerciales »2697 sont très étendues,
mais l’article 3 dudit projet de LECE (RDC) exclut de son champ d’application « les jeux
d’argent, même sous forme de paris et loteries, légalement autorisés », « la représentation et
l’assistance en justice », « les activités exercées par les notaires en application des textes en
vigueur ». En recourant au droit comparé, l’article 4 de la LCEN 2698 définit le commerce
électronique comme « l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à
distance et par voie électronique la fourniture des biens ou de services ».2699 Cette
comparaison amène à plusieurs observations quant aux futures définitions législatives en droit
congolais.
1166. Premièrement, le champ d’activités dans le commerce électronique congolais est
plus étroit qu’en Europe et en France. En droit du commerce électronique, l’acception plus
large de l’ « activité économique » du droit français et du droit européen contraste avec le
cadre restreint congolais des « activités commerciales ». La définition énumérative des dites
activités dans l’article 4, 1) du projet de LECE (RDC)2700 rappelle les actes de commerce,
traditionnels de l’article 2 du décret du roi du Congo-belge du 2 août 1923 sur les
commerçants et la preuve des engagements commerciaux.2701 Cette restriction dans le

2696
Cf. section II du présent chapitre de thèse.
2697
Article 4, point 1), du Projet de loi sur le commerce électronique en RDC : « toute relation d’ordre commercial, qu’elle
soit contractuelle ou non contractuelle. Les relations comprennent, sans s’y limiter, les échanges suivants : fourniture ou
échanges de marchandises ou de services ; accord de distribution ; représentation commerciale ; affacturage ; crédit-bail ;
services consultatifs ; ingénierie ; licence ; investissement ; financement ; opération bancaire ; assurance ; accord
d’exploitation ou concession ; coentreprise ou autre forme de coopération industrielle ou commerciale, transport des
marchandises ou de voyageurs par voie aérienne ou maritime, par chemin de fer ou par route ».
2698
Article 4 (in fine), Loi française n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la Confiance dans l’économie numérique, préc. :
« Sont également compris dans le champ de cette définition : « les services tels que ceux consistant à fournir des informations
en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d’accès et de récupération de données, d’accès à un
réseau de communication ou d’hébergement d’information, y compris lorsqu’ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les
reçoivent »
2699
K. NDUKUMA ADJAYI, op.cit, p. 49.
2700
Cf. supra la note précédente.
2701
Article 2, décret du 2 aout 1923, préc. : « La loi répute acte de commerce : A) tout achat de denrées et de marchandises
pour les revendre soit en nature, soit après les avoir travaillées et mises en œuvre, ou même pour en louer simplement
l’usage ; toute vente ou location qui est à la suite d’un tel achat ; toute location de meubles pour sous-louer, et toute sous-
436

domaine des activités commerciales amène à penser que le droit congolais de lege ferenda
n’envisage que des actes de commerce par nature, pratiqués en ligne. De ce point de vue, le
commerce électronique se limiterait à la réalisation d’actes classés par nature, dans le
commerce traditionnel. Toutefois, ce même article 4 étend le champ d’activités de sorte que :
« [l]es relations comprennent, sans s’y limiter, les échanges » qui s’effectuent par la « voie
électronique ».
1167. Deuxièmement, son objet paraît néanmoins plus restrictif que celui du commerce
en ligne européen et français par le fait que l’article 3, 1 du projet de la LECE exclut «
les jeux d’argent, même sous forme de paris et de loteries, légalement autorisées ». En
Europe, l’interdiction des jeux d’argent évolue et devrait inspirer le jeune législateur
congolais, s’il suit le droit comparé et les pratiques actuelles du marché électronique
congolais et international. En effet, le règlement du parlement européen du 10 septembre
20132702 a officiellement abrogé la restriction de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, qui
n’admettait que des jeux et concours promotionnels, tout en excluant les jeux de hasard, les
loteries et les transactions portant sur des paris. Ces derniers supposaient des enjeux
monétaires.2703
1168. La France a adopté depuis le 1er janvier 2010 la loi n°2010-476 du 12 mai 2010
relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de
hasard en ligne.2704 Un régulateur spécifique, l’ARJEL, a été créé.2705 Cependant en RDC, leur
exclusion annoncée dans le futur régime du commerce électronique. Les jeux d’argent en
ligne seront donc sous interdiction de principe dans le régime pénal congolais. En effet en
RDC, les jeux et loteries, sous peine de poursuites pénales, sont interdits par trois textes
législatifs datant tous de l’époque coloniale.2706
1169. Cependant, avec la libéralisation législative des services de télécoms par la loi-
cadre de 2002, la modernité des réseaux ainsi que l’augmentation du nombre des abonnés
téléphoniques et internautes mobiles ont suscité des pratiques commerciales pour les jeux
promotionnels, de paris et de tombola en ligne. Ainsi, sur le marché électronique, le
législateur fiscal2707 a admis ces pratiques prohibées, en principe, à la différence du législateur
pénal. La loi 04/015 relative aux actes générateurs des recettes pour le trésor public attribue
l’« Autorisation d’exploitation d’une entreprise de jeux de hasard (jeux permanents et jeux

location qui en est la suite ; toute entreprise de fournitures, d’agences, bureaux d’affaires, établissements de vente à l’encan,
de spectacles publics et d’assurances à primes ;toute opération de banque, change ou courtage ; les lettres de change,
mandats, billets ou autres effets à ordre ou au porteur ; toutes obligations des commerçants, même relatives à un immeuble, à
moins qu’il ne soit prouvé qu’elles aient une cause étrangère au commerce ; B) toute entreprise de construction et tous achats,
ventes et reventes volontaires de bâtiments pour la navigation intérieure et extérieure ; toutes expéditions maritimes ; tout
achat ou vente d’agrès, apparaux et ravitaillements ; tout affrètement ou nolisement , emprunt ou prêt à la grosse ; toutes
assurances et autres contrats concernant le commerce de mer ; tous accords et conventions pour salaires et loyers
d’équipage ; tous engagements de gens de mer, pour le service de bâtiments de commerce »
2702
Règlement du Parlement européen du 10 septembre 2013 sur les jeux d’argent et de hasard en ligne dans le marché
intérieur, Document (2012/2322 (INI)), préc.
2703
Cf. supra Partie 1, Titre 1, Chapitre 1, section 2, §2, point A/, 1. L’évolution du régime prohibitif des jeux d’argent en
ligne du champ du commerce électronique européen.
2704
JO RF, n°0110, 13 mai 2010, p.8881, texte n° 1.
2705
C. BLOUD-REY, « La régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard sous le prisme des régulateurs belge et français
» in, G. JUILIA (sous la dir.), op.cit, p. 76.
2706
Arrêté du Gouverneur général du 19 janvier 1901, Jeux de hasard, R.M., 1901, p.17. Décret du 17 août 1927, Loteries,
B.O, 1927, p.1487. Ordonnance-Loi n°11-41 du 16 mai 1951, Interdiction des concours et pronostics sportifs ou autres, B.O.,
1951, p.1154.
2707
Loi n°04-015 du 16 juillet 2004 fixant la nomenclature des actes générateurs des recettes administratives, judiciaires,
domaniales et de participations ainsi que leur modalités de perception, JO RDC, 22 juillet 2004, n° spécial, col.3.
437

ponctuels) » au ministre des sports et des loisirs.2708 Le législateur assume que cette
autorisation « résulte donc de l’analyse de tous les actes générateurs tant au regard de leur
fondement juridique (lettre, esprit et régularité des actes de création), de leur justification
économique que d’éventuels conflits de compétence qu’ils auront engendrés. [...] Par ailleurs,
la présente loi tient également compte de l’évolution de la législation notamment […] des
télécommunications. Ainsi, un certain nombres d’actes nouveaux ont été repris sur la
nomenclature des recettes ».2709 En dernière analyse, pour le commerce électronique,
l’exclusion des jeux d’argent et de loterie dans la future LECE (RDC) est rétrograde, mais
n’empêche pas son exercice en ligne, sous le couvert de la loi des finances et moyennant des
taxes spécifiques. Un texte précis devrait être adopté à défaut de modifier le projet de LECE
(en cours d’examen).
1170. Troisièmement, dans les travaux de ce projet de mise à jour du droit congolais, le
critère technologique de fourniture « à distance » n’apparait pas à côté de celui de la « voie
électronique », contrairement au droit européen et français. Le seul critère impératif retenu en
droit congolais, est le qualificatif d’une activité commerciale pour emprunter la voie
électronique. Dans son projet de définition législative congolaise, la future LECE la présente
comme « canal par lequel les données sont envoyées à l’origine et reçues à destination au
moyen d’équipements électroniques de traitement et de stockage de données et entièrement
retransmises, acheminées et reçues par fils, par radio, par moyens optiques ou par d’autres
moyens électromagnétiques y compris la compression numérique ».2710
1171. En revanche, la voie électronique européenne et française était, d’une manière
confuse, rattachée aux « services de la société de l’information », faisant suite aux sources
juridiques européennes dans leur évolution ratione temporis, face aux évolutions
technologiques actuelles.2711 Dans la transition, à la fois technologique et juridique de
l’expérience législative européenne, les repères successifs de référence restent le « télé-
achat »2712, les « contrats à distance »2713 et les « contrats électroniques » ou « contrat en
ligne »2714. La voie électronique européenne ne se dissociait pas de la « distance » en tant que
« technique de communication à distance ». Au sens européen, cette « distance » correspond à
« tout moyen qui, sans qu’il y ait présence physique et simultanée » des parties peut être
utilisé pour conclure un contrat ou pour commercialiser des services (financiers).2715 Au
niveau européen et français, la voie électronique se singularise donc par son support
électronique comme une des techniques de communication à distance, à la différence des
techniques de type postal, sur papier. Elle correspond aux « équipements électroniques de
traitement et de stockage de données, […] entièrement transmis, acheminé et reçu par fils, par
radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électroniques »2716. Il est précisé, en
Europe, que dans le lot de ces équipements sont « compris la compression numérique »2717.

2708
Ibidem : Loi n°04-015, point XXIX, 11, « Annexe, Nomenclature des actes générateurs des recettes administratives,
domaniales, judiciaires et de participation », annexe telle qu’amendée par la Loi 05-008 du 31 mars 2005, JO RDC, n°
spécial, Kinshasa, 4 avril 2005, col. 11.
2709
Exposé des motifs, Loi n°04-015, préc. Cf. Les Codes Larcier, Droit fiscal, t. V, éd. De Boeck Larcier (Afrique éditions),
Bruxelles (Kinshasa), 2010, p. 192.
2710
Article 4, point 35), projet de LTCE-RDC, préc.
2711
Cf. supra Partie 1, Titre 1, Chapitre 1, Section 2, §2, point B/ Le contrat électronique, une référence de transition des
normes à travers les sources ratione temporis européennes du commerce électronique.
2712
Directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989, préc.
2713
Directives 97/7/CE du 20 mai 1997 et 2002/65/CE préc.
2714
Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, préc.
2715
Article 2, par. 4, directive 97/7/CE, préc. Article 2, e), directive 2002/65/CE, préc.
2716
Article 1er, par. 2, directive 98/48/CE, préc.
2717
Ibidem.
438

1172. En Europe, la notion de service de la société de l’information envisage que le


réseau électronique soit un support de réalisation du « service envoyé à l’origine et reçu à
destination au moyens [desdits] équipements électroniques »2718. Le droit congolais n’est pas
aussi précis. En effet, la mutation numérique (qui influence le droit commercial) n’est pas le
fruit d’une évolution des techniques, mais d’un manque de réseau pour les technologies
mobiles GSM. À la différence des expériences européennes et françaises, le droit congolais
s’est transformé peu à peu dans le temps pour des faits technologiques (déjà légiférés) au fur
et à mesure de leurs apparitions. Ainsi, comme en Europe, la voie électronique congolaise
reste un média, une passerelle. Mais, le droit congolais n’impose pas de spécificités
techniques, quant aux propriétés de traitement et de stockage pour les équipements
électroniques concernés par le commerce électronique. En RDC, le recours au fax (réfuté en
Europe) pourrait s’exercer comme média.
1173. Quatrièmement, le terme générique « personne » dans la définition congolaise de
la future LECE permet d’arriver aux mêmes conclusions rationae personae, qu’en droit
comparé européen et français. S’agissant des types de rapport du commerce électronique
congolais, il leur est permis d’être B to B, B to C, C to C.2719
1174. En RDC, les mêmes conclusions se retrouvent par le choix du terme « personne »
dans la future LECE (article 4, point 3), comme dans la LCEN (article 14). Par ailleurs, la
directive 200/31/CE singularise les acteurs dans le commerce électronique en européen.
Aussi, la future LECE ajoute-t-elle à cette appellation de la personne, des définitions de
« consommateur »2720, de « destinataire de biens ou de services »2721 et de « prestataire de
services »2722. Dans le commerce en ligne, le « prestataire » fait souvent l’objet d’un statut
changeant entre la « personne commerçante » ou « personne bénéficiaire » des services de la
société de l’information2723, au regard du droit commercial classique.,2724 Le « destinataire de
service » en Europe n’a pas toujours répondu à toutes les exigences du statut de
consommateur. En effet, les rôles s’inversent souvent dans les habitudes de vente en ligne ou
suite au protocole TC/IP, permettant à chaque internaute d’être client/serveur depuis son poste
informatique.
1175. En outre, la LECE ne définit pas au préalable les « services [de la société de
l’information] » alors qu’en Europe le commerce électronique est compris dans ces services
(SSI). La future LECE, par les SSI, contourne la difficulté d’approche de l’objet du commerce

2718
Considérant n°17, Directive 200/31/CE, préc. Article 1 er, directive 98/34/CE, paragraphe 2, point a), 2), 2e tiret, préc.
2719
Cf. supra : Partie 1, Titre 1, Chapitre 2, Section 2 : Le choix stratégique du générique de la « personne » en France face à
la singularisation en Europe des acteurs du commerce électronique. S’agissant de la qualité commerciale ou mixte des
personnes et de leurs transactions en ligne, la nature juridique est en RDC la même qu’en France. Les parties au commerce
électronique sont commerçantes et professionnelles ou non-commerçantes et consommatrices, avec des variantes connues
dans leurs statuts respectifs, leurs (nouvelles) habitudes en ligne.
2720
Article 4, point 5, projet de LECE : « toute personne physique ou morale qui bénéficie des prestations de services ou
utilise les produits de commerce pour satisfaire ses propres besoins et ceux des personnes à sa charge ».
2721
Article 4, point 8), projet de LECE : « Destinataire de biens ou de services : toute personne physique ou morale qui, à des
fins professionnelles ou non, utilise les procédés de communication par voie électronique pour acquérir des biens ou pour se
procurer des services auprès de fournisseurs de biens ou de services, notamment pour rechercher une information ou la rendre
accessible »
2722
Article 4, point 22, projet de LECE : « Prestataire de services : toute personne physique ou morale utilisant les
technologies de l’information et de la communication, y compris les protocoles de l’Internet, qui met à la disposition des
personnes physiques ou morales, publiques ou privées, des biens et services »
2723
Cf. supra : Partie 1, Titre 1, Chapitre 2, Section 2, §1, Le statut européen de « prestataire » dans la transposition
française : au cœur de l’enjeu de redéfinition de la personne commerçante à l’ère numérique.
2724
Décret du 2 août 1913, « Article 3 : sont commerciales, et soumises aux règles du droit commercial, toutes les sociétés à
but lucratif, quel que soit leur objet, qui sont constitués dans les formes du Code du commerce. La qualité de commerçant
s’étend aux associés à responsabilité illimitée. »
439

électronique comme en Europe.2725 Ainsi, elle module le sens de ses termes en ajoutant
« biens ou services » ou encore « TIC », pour expliquer que les services ne doivent pas être
considérés comme seule activité2726, mais que l’usage des télécoms est essentiel, et la
livraison matérielle des biens est possible.2727 Cependant comme en France, la qualité,
l’existence et l’aptitude juridique de la personne restent l’exigence préalable pour l’exercice
du commerce électronique.2728 La particularité du droit commercial congolais est que « la
femme mariée et non séparée de corps ne peut être commerçante sans le consentement ».2729
Ainsi, cela pousserait la difficulté à chercher à distinguer en ligne, dans l’état civil, l’identité
des personnes mineures et des adultes.
1176. Cinquièmement, l’intitulé de la future LECE (RDC) ne concerne pas que le
commerce électronique mais tout échange électronique. Le contrat électronique n’est pas
défini dans le projet de LECE, ce sont surtout les « échanges électroniques »2730 et les
« échanges de données informatiques (EDI)»2731. Pour la RDC, l’OCDE présente beaucoup de
contours de définitions du commerce électronique, tandis que le droit européen ou français, en
l’espèce, reste limité dans son choix législatif. Le droit congolais de lege ferenda est influencé
par la loi-type du commerce électronique de la CNUDCI se référant largement à l’EDI, déjà
analysé supra. La future LECE (RDC) s’applique à la fois au champ du commerce en ligne et
aux échanges électroniques.
1177. Cependant, de nouveaux défis juridiques se présentent dans le commerce
électronique mondial. Les États, leurs droits et leurs valeurs fondamentales sont aux prises à
l’effectivité du pouvoir de contrôle des géants économiques de l’Internet. Les enjeux du
commerce électronique se portent vers les aspects de souveraineté numérique, suscitant pour
le droit des perspectives nouvelles de solutions. Les institutions de l’Europe et ses ordres
étatiques ont pris la mesure de ces nouveaux enjeux et mettent en œuvre des stratégies, mais
la prospective congolaise de la LECE semble limitée dans sa portée d’ajustement juridique.
(B./)
B./ LES DÉFIS DE SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE FACE À L’EFFECTIVITÉ DES GÉANTS DU NET
ET AUX VALEURS FONDAMENTALES DES ÉTATS DANS LE COMMERCE EN LIGNE

1178. « Au début des années 2000, […] une des grandes préoccupations était
d’encourager l’activité économique numérique. Ainsi le législateur a fait le choix d’alléger la
responsabilité des intermédiaires techniques. Trente ans plus tard, on constate […] : les
entreprises en ligne sont devenues pour certaines des acteurs économiques majeurs ».2732 Les
particularités du Web affectent l’effectivité de la souveraineté étatique dans le cyberespace,
face à deux phénomènes majeurs, à savoir : la « pluri-normativité » juridique et le pouvoir

2725
Cf. supra, Partie 1, Titre 1, Chapitre 1, Section 1, §1 : Le renvoi aux « services de la société de l’information » dans la
directive européenne 2000/31/CE sur le commerce électronique.
2726
Cf. supra : Partie 1, Titre 1, Chapitre 1, Section 1, §1, B/, point 1 : La problématique des biens du commerce électronique
dans le champ des services de la société de l’information.
2727
Cf. supra : Partie 1, Titre 1, Chapitre 1, Section 1, §1, point B/ : La terminologie « service » de la société de
l’information à l’épreuve du vocabulaire juridique.
2728
Cf. supra : Partie 1, Titre 1, Chapitre 2, Section 2, §2 : La qualité de « destinataire » des services de la société de
l’information et la complexification du statut de « consommateur » des activités économiques du numériques.
2729
Décret du 2 août 1913, des commerçants et de la preuve des engagements commerciaux, préc.
2730
Article 4, point 17), projet de LECE, « échanges électroniques : échanges qui s’effectuent au moyen des documents
électroniques ».
2731
Article 4, point 16), projet de LECE, « échanges de données informatisées (EDI) : transfert électronique d’une
information d’ordinateur à ordinateur mettant en œuvre une norme convenue pour structurer l’information ».
2732
M. CLÉMENT-FONTAINE, « de la contrainte à la coopération : l’évolution du régime de la responsabilité des intermédiaires
techniques », in M. BÉHAR-TOUCHAIS (sous la dir.), L’effectivité du droit face à la puissance des géants de l’Internet, Vol. 1,
Actes des journées du 14, 15 et 16 octobre 2014, éd. IRJS, Paris, 2015, pp. 3-15, spéc. p.3.
440

économique des géants du Net. C’est à juste titre que l’Europe entend faire de l’Internet sans
frontières, un véhicule de ses valeurs fondamentales au-delà des limites de son continent. Face
à cette ambition, la RDC présente toutefois des retards d’appréhensions juridiques des
nouvelles problématiques du commerce électronique mondialisé.
1179. La dérégulation a « débridé » les forces du marché électronique, dans des espaces
autrefois réservés aux monopoles naturels ou d’État, dont la connotation inspire la grandeur et
l’aspect stratégique d’une activité d’utilité publique. Le contrôle direct et exclusif de l’État se
fondait sur l’idée que « le pouvoir, la puissance sont par tradition liés à la possession, à la
propriété. L’État avec son territoire, sa population et son appareil politico-administratif,
fournit peut-être la meilleure incarnation de ce pouvoir-propriété ».2733 Il en fut ainsi des
services publics de télécoms, mais la dérégulation a confié leur exploitation à l’initiative
privée. Ce libéralisme a été stimulé l’innovation et la créativité en diversifiant les acteurs du
marché numérique. L’économie de marché, le progrès technologique et la diffusion de
l’Internet ont fait naître des « puissances privées "protéiformes" ».2734 Il en est ainsi des
géants du Web, qui sont des « champions économiques nationaux » cumulant simultanément
dans plusieurs territoires, leurs présences physiques ou leurs offres en ligne. Eu égard au
phénomène conséquent de « multiplication des flux et des réseaux, ce pouvoir-propriété est
pénétré de toutes parts. […] Le pouvoir réside alors dans la maîtrise de ces flux ou de ces
réseaux. […] le pouvoir se décompose […] ce qui reste du pouvoir se distribue en fonction de
la capacité à contrôler les flux ».2735 La dominance économique, à l’exemple du GAFAM, se
ressent sur l’effectivité des droits nationaux à leur endroit. Ces éléments de puissance privée,
à l’échelon planétaire, donnent lieu à de véritables points d’observation d’une nouvelle
« géopolitique du cyberespace ».2736 Il convient de rapprocher l’enjeu de puissance publique
territoriale face à ces puissances privées transnationales.
1180. Cependant, l’Afrique subit les flux européens en tant qu’espace de marché, alors
qu’il constitue un atout de masses de plus d’un milliard-cent habitants contre l’Europe avec
cinq cents millions et les États-Unis avec deux cents millions. La RDC compte environ 80
millions d’habitants (estimation faite à défaut de recensement générale de la population
depuis 1984 le dernier en date). Son marché de 28,33 millions d’abonnés téléphoniques
compte dans sa quasi-totalité des opérateurs multinationaux, dont Orange avec 8,73 millions
d’abonnés parmi lesquels 41,56% sont connectés à Internet mobile.
1181. En RDC, une convention signée entre Facebook et Tigo (absorbée par Orange en
avril 2016) donne à tous ses abonnés un accès gratuit à ce réseau social, pourvu qu’ils soient
actifs.2737 Cette multinationalisation de grandes entreprises occidentales leur permet de se
positionner à travers les souverainetés étatiques ou de se choisir elles-mêmes (hélas ! de plus
en plus) les normes de souveraineté (leur) applicables, à défaut d’imposer leurs propres
standards. Leur pouvoir effectif est constitué d’éléments dans leur concentration des valeurs
du clic, notamment le nombre d’internautes, le nombre d’utilisateurs par région ou par pays,

2733
Ibidem, p.52.
2734
J. MOULIN, « Rapport introductif », in S. CHARTY, op. cit., p.22. La « net économie » soulève « des questions situées au
croisement de l’économique et du politique au regard de l’émergence de quelques mastodontes majoritairement de nationalité
américaines mais largement transnationales et adeptes de ce que les américains nomment le « tax inversions » (l’optimisation
en termes de citoyenneté fiscale) qui se trouvent de facto en situation de quasi-monopole connectés ce qui pourra venir
heurter les concepts pivots du droit de la concurrence que sont les abus de position dominante et les ententes illicites entre
opérateurs ».
2735
P. MOREAU DEFARGES, La Gouvernance, préc., p.52.
2736
D. PAPIN (sous.dir.), « Géopolitique du Cyberespace », in 50 fiches pour comprendre la géopolitique, éd. Bréal, p.110.
2737
[https://www.agenceecofin.com/operateur/2808-31826-tigo-rdc-lance-facebook-gratuit] (consulté le 2 mai 2016). Voir
aussi : ARPTC, Observatoire du marché de la téléphonie mobile, préc., p. 4.
441

le chiffre d’affaires, la collecte des données numériques, sachant que le savoir-faire


technologique (know-how) et les brevets industriels, détenus à elle-seule par la Silicon Valley
(Californie), dépassent ceux de toute l’Afrique réunie.
1182. En outre, les normes étatiques ont du mal à trouver leur efficacité dans le
cyberespace, faute de territorialité qui en droit constitutionnel fait la force d’ancrage de la
souveraineté d’État. « On assiste à une érosion continue de celle-ci : la souveraineté dans le
monde aujourd’hui, et surtout, la mondialisation, et en premier lieu la globalisation de
l’économie et des communications, enlèvent à l’État une part croissante de sa liberté.
Comment pourrait-il prétendre fixer les impôts, ses droits de douane, la réglementation de
l’audiovisuel ou d’Internet en faisant abstraction de ce qui se passe chez ses voisions et sur le
marché mondial ? ». 2738 Les connexions numériques sont établies entre des éléments
constitutifs d’un réseau sans limitation de frontière à un seul État, en faisant de l’Internet le
prolongement des influences de la vie internationale.
1183. La problématique est de taille quand les États, comme la RDC, doivent faire face
aux enjeux (géopolitiques et économiques) du cybermonde transfrontière. L’enjeu de
« souveraineté numérique » dans un tel espace concerne la défense et la promotion de ses
valeurs nationales. La société mondiale de l’information appelle donc à la formation des
stratégies, tendant à la reconnaissance et à la valorisation d’une identité du droit africain du
cyberespace. Et pourtant, sur le plan territorial, les États africains connaissaient déjà entre eux
leur lot sporadique de conflits des frontières physiques, comme ceux impliquant la RDC avec
le Rwanda ou l’Angola.2739 En tant qu’espace, la RDC éprouve d’énormes difficultés à
répondre à la porosité de ses frontières physiques héritées de la colonisation, ainsi qu’en
assurer le respect.2740 Il faut y ajouter la situation post-conflit de la RDC, qui travaille à
rebâtir l’autorité de l’État sur l’ensemble de son territoire, depuis les rébellions de 1996-1997
et de 1998-2003.2741
1184. Il y a lieu de placer l’économie numérique sous l’angle de l’autorité de l’État. Cet
enjeu de souveraineté numérique exprime la tension d’ordre public existant entre les valeurs
fondamentales de la société et l’Internet, au vu des revendications d’anomie ou d’anarchie
qu’il comporte. En Afrique, l’État-régulateur (ou l’État tout court) doit s’interroger sur les
valeurs à promouvoir par l’instrument du droit afin que la société numérique congolaise ne
soit pas seulement informationnelle, mais également démocratique. Ces valeurs demeurent au
cœur des préoccupations d’intérêt général, car le Net n’efface pas l’homme, ni les nécessités
d’ordre public en société. Dans la société numérique, tous les espaces sont confrontés aux
mêmes défis sus-évoqués. Un cadre de dialogue classique des systèmes entre l’Europe et les
États africains se crée autour des principes de ces valeurs fondamentales portées par les
souverainetés des États. Mais, désormais et singulièrement ce dialogue s’élargit aux acteurs

2738
P. ARDANT et B. MATHIEU, Droit constitutionnel et Institutions politiques, 27è éd., LGDJ, coll. manuel, Paris, 2015-2016,
p. 34.
2739
A. MARIE-CHRISTINE, Les facteurs du refus : six séparatismes africains, Mémoires et documents de géographie, éd.
CNRS, Paris, 1987, p.31. Les africains ont accepté les limites territoriales tracées par les puissances coloniales, soit
unilatéralement pour des raisons d’administration, soit sur une base des traités internationaux. Deux facteurs ont été jusqu’ici
à l’origine des problèmes entres États africains. Dans le passé, les puissances coloniales ont rattaché à un autre pays une
bande de terre ayant appartenu à un ensemble géographique. Après l’indépendance, ces tracés artificiels ont donné des envies
de réclamer leur restitution ou des sécessions. C’est le cas de la Libye avec le Tchad en ce qui concerne la bande d’Aouzou,
un litige que la France et l’Italie ont légué aux nouveaux États d’Afrique. De son côté, le Tchad revendique un territoire
rattaché à la France quelques années avant la seconde guerre mondiale, à l’Oubangui-Chari devenu RCA depuis lors.
2740
C. NGUYA-NDILA MALENGELA, Frontières et voisinage en RDC, éd. Cedi, Kinshasa, avril 2006, p. 125.
2741
M. MUHINDO, RDC : une démocratie piégée, L’Harmattan, Paris, 2004, pp. 1 et s. P. BOUVIER, Dialogue intercongolais,
une négociation à la lisière du chaos, L’Harmattan, 2004, pp. 1 et s.
442

non-étatiques du Web dans leur diversité et les spécificités des défis en jeu. Dans le concert
des nations, chaque État joue sa partition, au regard de ses valeurs fondamentales et de sa
tradition juridique. L’enjeu est d’exporter ses valeurs et de faire valoir ses atouts dans le
cyberespace, pour que cet espace ouvert et collaboratif soit empreinteégalement des
particularités africaines. Cependant, leurs droits comparés n’ont pas le même niveau de
protection et de promotion d’une société de l’information juste et démocratique.
1185. En premier lieu, la volonté traduite par l’Europe est de faire d’Internet un outil en
faveur des droits de l’homme et de la démocratie ainsi que celle de parer aux risques mettant
en danger la prééminence du droit, la sécurité et la dignité. 2742 Pour autant, la stratégie 2012-
2015 ose, au-delà du domaine classique de coopération, axer celle-ci « sur la mise en place
d’accords de coopération entre les gouvernements, le secteur privé, la société civile et les
milieux techniques concernés ».2743 Si la coopération développée par le Conseil de l’Europe
pour la diffusion de ses valeurs est traditionnellement tournée vers les États, sa politique
publique du Net initie de tels accords et peut y être partie. Fondamentalement, la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, STE
n°005), demeure l’instrument général d’encadrement du dialogue des valeurs de l’Europe.
Même si celle-ci a été rédigée il y a plus de soixante ans, la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme confirme la vigueur téléologique de la CEDH rédigée en
1950 à servir comme « instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions de vie
actuelle ».2744 En rapport à la révolution numérique, la CEDH est de rédaction ancienne (par
ses soixante ans d’ancienneté), compte non tenu de ses protocoles additionnels et instruments
spécialisés qui la complètent. 2745
1186. Toutefois, la CEDH s’applique à l’environnement numérique, auquel les télécoms
ont donné lieu.2746 Sur ses valeurs des droits de l’homme, l’Europe s’est dotée des moyens de
coercition2747 et des mécanismes de suivi2748 des engagements des États de son espace. Il a
été démontré que l’Europe des communications électroniques dispose d’une ambition
d’apporter à l’écosystème du Net son capital singulier des valeurs : démocratie, primauté du
droit et droits de l’homme. L’effort constant de réaffirmation des valeurs européennes face au
repositionnement des enjeux du numérique est perceptible. L’adoption du « Guide des droits
de l’homme pour les utilisateurs d’Internet »2749 en tient lieu de preuve. Cet instrument, le

2742
S. TURGIS, op.cit, pp. 16-18.
2743
COMITÉ DES MINISTRES, Gouvernance de l’Internet – Stratégie du Conseil de l’Europe 2012 -2015, préc., §6.
2744
Cour européenne des Droits de l’Homme, 25 avril 1978, Tyrer c. Royaume-Uni, req. n°5856/72, § 31.
2745
Instruments spécialisés, complémentaires à la CEDH : a) Convention pour la protection des personnes à l’ égard du
traitement automatisé des données à caractère personnel (STE n°108) en 1981, b) la Convention sur la cybercriminalité (STE
n°185), dite Convention de Budapest, en 2001, c) de nombreux instruments déclaratoires en lien avec les problématiques
soulevées par Internet adoptés sont énumérés dans le document de Stratégie 2012-2015 sur la Gouvernance de l’Internet. Ŕ
Cf. S. TURGIS, op.cit., p.16-18.
2746
Pour actualiser l’interprétation de la CEDH, la Cour n’hésite pas à faire appel au contenu des deux conventions
spécialisées précitées lorsqu’elle est confrontée à des questions traitées par ces instruments. Consultez pour un appel à la
Convention n°108 : Cour eur. D.H., 25 février 1997, Z. c. Finlande, req. n°22009/93, §§ 95-97 ; Cour eur. D.H. (gde ch.), 16
février 2000, Amann c. Suisse, req. n°27798/93, §§ 65 ; Cour eur. D.H. (gde. Ch.), 4 mai 2000, Rotaru c. Roumanie, req.
n°28341/95, § 43 ; Cour eur. D.H. (gde. Ch.), 4 décembre 2008, S. c. Royaume-Uni, req. n°30562/04 et n°30562/04, § 66 ;
Cour eur. D.H. (gde ch.), 16 février 2000, Amann c. Suisse, req. n°27798/93, §§ 65. Ŕ Cf. Ibidem.
2747
La Cour européenne des droits de l, la Cour européenne des droits de l’homme est chargée de l’interprétation de la CEDH
et condamne les États lorsque, saisie par une requérant individuel ou étatique, elle constate une violation dispositions de la
Convention.
2748
Art.9bis, Règlement intérieur de la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des
données à caractère personnel, 2011 ; art. 2, Règlement intérieur du Comité de la Convention sur la Cybercriminalité, 2013.
Chacun a mis en place un Comité consultatif agissant par avis ou observations, (voies non délibératives), sur le respect par les
États européens des textes respectivement concernés.
2749
Recommandation du Comité des Ministres aux États membres du 16 avril 2014 sur un Guide de droits de l’homme pour
les utilisateurs d’Internet, CM/Rec (2014)6.
443

dernier en date, quoique non contraignant, témoigne largement de la vocation pédagogique de


l’Europe en matière d’infusion des droits de l’homme dans les pratiques de l’économie
numérique.
1187. En second lieu, l’UNESCO tient compte de cet enjeu des valeurs démocratiques et
de justice à l’ère numérique. Elle l’évoque en préambule de la Déclaration de Busan,
sanctionnant le « premier forum mondial sur les humanités » (Corée, 2011). Elle demeure
« consciente de l’urgente nécessité d’aborder les transformations des sociétés découlant de la
convergence économique, technologique […] et des forces politiques aussi bien que de la
montée des tensions entre les systèmes des croyances, des idéologies, des loyautés et des
identités ; [tout en] reconnaissant les attentes […] pour relever ces défis et créer des sociétés
plus justes, plus inclusives et équitables ».2750À la veille de la « Conférence mondiale sur les
humanités » (2017), l’UNESCO engage les États du monde sur la thématique : « les
humanités à l’ère de la science et de la technologie transformative » en vue de réfléchir aux
réponses à donner aux défis contemporains et urgents.2751
1188. En troisième lieu, le rapprochement de l’Afrique (cas de la RDC) est à effectuer
avec l’ordre des valeurs européennes.2752 La doctrine démontre l’existence d’un aspect
dichotomique entre régulation et démocratie, entre régulation et État de droit, et entre
régulation et prééminence du droit. Le système juridique africain, tel qu’analysé dans son
hétérogénéité, ne présente pas la même base d’intégration économique, ni la même expérience
politique que l’Europe.2753 La RDC, comme d’autres États africains, s’est trouvée en
transition politique dans les années 1990, au même moment qu’elle s’ouvrait à l’économie des
marchés. En ces années-là, « l’instauration du multipartisme est un trait commun du
mouvement constitutionnel en cours de développement dans États-africains au sud du Sahara.
[…] Il correspond à l’aspiration des populations. Il serait d’ailleurs peu réaliste de penser qu’à
elles seules des structures constitutionnelles peuvent avoir des effets magiques dans des pays
en proie au sous développement et dont la plupart sont encore à la recherche de leur identité
nationale ».2754 L’assise du système démocratique contribue à assurer l’impartialité de l’État
dans le jeu de concurrence du marché.
1189. Cependant, l’« exercice du pouvoir politique en Afrique échappe encore aux
procédures de contrôle et de sanctions démocratiques. De ce fait il ignore souvent le garde-fou
que constitue le système des incompatibilités entre fonction publique et fonction privée. [...]

2750
UNESCO, Déclaration de Busan vers une nouvelle humanité pour le 21 ème siècle, Premier Forum sur les humanités dans le
monde, Busan, République de Corée, 24-26 nov. 2011, doc. SHS/EGC/GEC/2011/PI/H/1. Vers. angl. orig. Intégrale :
« Aware of the urgent need to address social transformations stemming from the convergence of economic, technological,
environmental, social, cultural and political forces, as well as rising tensions between belief systems, ideologies, loyalties
and identities ; Recognizing the high expectations of policy makers, the media and the general public with the respect to
visions and insights to adress these challenges and create more inclusive, just and equitable societies, … » Notre traduction :
«Conscients de la nécessité urgente de faire face aux transformations sociales résultant de la convergence des forces
économiques, technologiques, environnementales, sociales, culturelles et politiques, ainsi que des tensions croissantes entre
les systèmes de croyances, les idéologies, les loyautés et les identités; Reconnaissant les attentes élevées des décideurs, des
médias et du grand public en ce qui concerne les visions et les idées pour relever ces défis et créer des sociétés plus
inclusives, justes et équitables, ... »
2751
UNESCO, 3ème Forum sur les humanités, 30 oct. Ŕ 1er nov. 2014, Daejeon Metropolitan City (Corée du Sud), sous l’égide
du Ministre coréen de l’éducation, en préparation de la Conférence mondiale sur les humanités prévue en 2017. La session
sur « la vie humaine dans la cyber-société » cadrait avec l’objectif
2752
S. TURGIS, Les valeurs du conseil de l’Europe appliquées à l’Internet, A. BLANDIN-OBERNESSER (sous la dir.), op.cit, p.
17. Stratégie du Conseil de l’Europe sur la gouvernance de l’Internet 2012-2015, Rapport à mi-parcours du Secrétaire
général du Conseil de l’Europe, SG/Inf(2014)7, 12 février 2014. « Les valeurs défendues par le Conseil de l’Europe depuis sa
création en 1949 Ŕ droits de l’homme, démocratie et prééminence du droit […] ».
2753
Cf. pour le système africain : Partie 1, Titre II, Chapitre 2 de la présente thèse.
2754
C. CONAC (sous la dir.), L’Afrique en transition vers le pluralisme politique, Economica, Coll. La vie du Droit en
Afrique, Paris, 1993.
444

Ces éléments attestent que les règles de gouvernance imposées aux États africains par les
instances internationales ne peuvent connaître d’effectivité en dehors d’une réforme préalable
qui organise le fonctionnement de ces États selon les mécanismes de l'État de Droit. ».2755
Tous les défis relevés rappellent ceux de confiance en l’économie numérique et au commerce
électronique, à prendre en compte de lege ferenda.
§2. Les innovations de confiance en l’économie numérique
pour le futur cadre juridique congolais
1190. Il est important de combler les vides juridiques en RDC, au regard de la réalité du
commerce électronique. Les nouvelles tendances de concentration des géants du Net et de leur
contrôle du comme électronique dépassent encore l’appréhension du législateur congolais qui
a limité son objet de lege ferenda à des aspects basics.2756
1191. Néanmoins, les ébauches législatives actuelles en RDC répondent aux objectifs
d’apporter des solutions juridiques aux problématique du commerce en ligne (A) tout en
répondant aux enjeux de confiance (B).
A./ LES APPORTS DE LA FUTURE LECE FACE AUX DEFIS LEGISLATIFS
DE LA SOCIETE DE L’INFORMATION

1192. La Loi-cadre de 2002 (LCT) sur les télécommunications considérait l’importance


du commerce électronique comme marginale. La croissance des télécoms débutait. Le but du
législateur était d’accroître l’offre d’accès au réseau téléphonique et de démanteler le
monopole. L’Internet était lui-même encore à un stade rudimentaire. Le législateur de la RDC
a édicté une « loi de téléphonie » et non pas une « législation d’économie numérique »
intégrant les apports sociétaux de l’Internet. Aussi, il est important de présenter le tableau des
infrastructures, des enjeux du commerce électronique, des politiques d’accès aux NTIC et de
leurs effets dans le monde et en Afrique sub-saharienne. Ensuite, les évolutions
technologiques ou économiques à valeur universelle et les objectifs législatifs européens
devraient se rapprocher pour être pris en compte par la lege ferenda, en Afrique et en RDC.
1193. La future LECE vise à établir un environnement juridique adapté, en permettant
surtout un développement du commerce en ligne. Mais, elle encadre plus globalement, par le
canal des TIC, les possibles échanges électroniques. Le commerce électronique en RDC
explique l’émergence de réseaux informatisés et leur emploi progressif par les citoyens et les
institutions, tant par les acteurs du commerce que par l’administration ou les pouvoirs
publiques. Cela a conduit à une constante augmentation des échanges électroniques. Ceux-ci
sont devenus indispensables, ils se retrouvent dans divers domaines de l’économie :
production, promotion, vente, distribution de produits, et se trouvent aussi dans d’autres
formes d’échanges : interrogation à distance, envoi d’une facture, émission d’un vote,
délivrance de documents administratifs.
1194. D’autre part, les insuffisances du cadre juridique actuel et l’absence d’une
réglementation spécifique sont des obstacles pour le développement des échanges
électroniques. Ils se trouvent également dans l’application des technologies pour les actes
commerciaux, les services administratifs, les éléments probants, introduits par les techniques
numériques comme l’horodatage, la certification et la cryptologie. Ainsi, en RDC, plusieurs

2755
J. DO-NASCIMENTO, op.cit, pp.142 à 150.
2756
Cf. Section I, §1, A./ du présent chapitre de thèse.
445

questions sont sans réponse et le cadre juridique actuel est caractérisé par plusieurs lacunes ou
carences.
1195. En premier lieu, la future LECE propose une réglementation (autrefois
inexistantes) pour la validité des documents électroniques et la reconnaissance de la signature
électronique. Ensuite, elle règle l’absence de dispositions organisant la dématérialisation des
formalités et la diffusion d’informations en ligne ainsi que l’archivage électronique. Enfin,
elle entend répondre au fait que les obligations des acteurs ne sont pas clairement définies
pour simplifier, dans le cyberspace, la liberté d’accès et d’information.
1196. Dans le chapitre des « obligations souscrites sous forme électronique »2757, des
principes généraux de la future LECE distinguent l’« échange de l’information » et la
« conclusion d’un contrat sous forme électronique ». Ainsi, comme en Europe et en France,
les e-contrats congolais ne peuvent porter sur les actes sous seing privé relatifs : au droit de la
famille et des successions ; aux sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou
commerciale entre non-professionnels. Cette exclusion concerne aussi les actes créateurs ou
translatifs des droits réels sur des biens immobiliers et sur ceux pour lesquels la loi requiert
l’intervention des Cours et tribunaux2758.
1197. Contrairement à la directive 200/31/CE et à la LCEN, les obligations informelles
de la phase précontractuelle congolaise en ligne sont envisagées uniquement par rapport aux
spécifications de l’offre (et non d’identification des parties)2759, avec possibilité d’y déroger
dans les contrats B to B entre professionnels. Les conditions techniques du double clic de
formation du contrat électronique, à savoir la commande contre accusé de réception, sont
également les mêmes, entre la directive 2000/31/CE, la LCEN et la future LECE congolaise,
avec pour seule différence, la non promptitude du délai d’accusé-réception pour la RDC. En
effet, « l’auteur de l’offre doit accuser réception par voie électronique de la commande qui
lui a été ainsi adressée dans un délai ne devant pas excéder cinq (jours) ».2760 En plus d’un
délai trop long d’acceptation et de l’absence de disposition quant au droit de rétractation pour
les contrats, conclus par voie électronique, la future LECE laisse apparaitre une faiblesse de
non conceptualisation des « contrats à distance » et une insécurité juridique des activités
numériques contractuelles.
1198. En outre, les échanges et le commerce électroniques présentent un potentiel
certain de croissance2761. Cette réalité des faits impose la mise en place d’un cadre normatif
approprié, sécurisant et efficace, correspondant à l’environnement juridique, culturel,
économique et social congolais. Pour éliminer les contraintes juridiques bloquant le recours
aux échanges électroniques, la future LECE met en évidence l’équivalence hiérarchique de la
preuve entre dossiers électroniques et dossiers papiers. Plusieurs principes et définitions
essaient de trouver des solutions congolaises pour résoudre dans la prospective juridique les
nouveaux aspects du commerce électronique.

2757
Titre III, future LECE (RDC), spéc. article 18.
2758
Article 19, future LECE (RDC), préc.
2759
Article 23, alinéa 2, future LECE, préc. : « L’offre énonce en outre : a) les caractéristiques essentielles du bien ou du
service ; b) les différentes étapes à suivre pour conclure le contrat par voie électronique ; c) les moyens techniques permettant
à l’utilisateur, avant la conclusion du contrat d’identifier les erreurs commises dans la saisie des données et de les corriger ; d)
la ou les langue(s) proposée(s) pour la conclusion du contrat ; e) en cas d’archivage du contrat, les modalités de cet archivage
par l’auteur de l’offre et les conditions d’accès au contrat archivé ; f) les moyens de consulter par voie électronique les règles
professionnelles et commerciales auxquelles l’auteur de l’offre entend, le cas échéant, se soumettre ».
2760
Article 24, alinéa 2, future LECE (RDC), préc.
2761
Cf. infra : chiffres présentés dans le cadre de l’objectif d’accès universel et d’inclusion numérique à la section 2, §2, du
présent chapitre.
446

1199. Premièrement, les notions de « communication électronique » (activité du réseau)


et de « commerce électronique » (activité commerciale dans le réseau) sont citées dans
l’exposé des motifs, ainsi que la responsabilité du commerçant électronique. Toutefois, dans
le texte, la communication électronique n’est pas définie. Deux autres notions confuses ont été
évoquées. La « communication par voie électronique » se conçoit comme offre des contenus à
la disposition publique, elle se fait par un procédé de communication électronique ou
magnétique.2762 Sans trop différencier, le « service de communication au public en ligne » est
défini comme « toute transmission de données numériques n’ayant pas un caractère de
correspondance privée, par un procédé de communication électronique utilisant le réseau
Internet permettant un échange réciproque ou non d’informations entre l’émetteur et le
récepteur ».2763 Au vu de l’expérience européenne et française, législateur congolais s’efforce
maladroitement de distinguer le service de communication électronique et les services de la
société de l’information, voire les communications commerciales.
1200. Deuxièmement, les sollicitations commerciales par l’interdiction de la publicité
par message électronique sont surveillées, en obligeant le consentement préalable des
destinataires. La RDC a adopté le système européen « opt-in » de la directive 2000/31CE.
Celle-ci 97/66/CE du 15 décembre 1997 sur les données personnelles et la vie privée contient
également une disposition applicable au spamming, qui prévoit pour les moyens, autres que
les automates d’appel ou les télécopieurs, que les États membres aient le choix entre le
système de l’opt-out et celui de l’opt-in2764. La même alternative est offerte par le législateur
communautaire dans la directive du 23 septembre 20022765 dite « services financiers à
distance ». Celle-ci dite « vie privée et communications électroniques » du 12 juillet 2002
n’autorise l’utilisation des communications électroniques qu’à des fins de prospection directe,
sur consentement préalable des abonnés, « en particulier au moyen d’automates d’appel, de
télécopies et de courriers électroniques, y compris les messages courts (SMS) ». 2766,2767 Alors
que l’article 22 de la LCEN l’interdit pour « les coordonnées d’une personne physique qui n’a
pas exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes par ce
moyen »2768. 2769
1201. Troisièmement, la future LECE inscrit le principe de la liberté de communication
par voie électronique. Elle précise comment s’exercent la liberté d’expression et le droit à
l’information, qui sont garantis respectivement par les articles 232770 et 242771 de la
Constitution congolaise.

2762
Cf. article 4, point 4, LECE-RDC.
2763
Article 4, point 27, LECE-RDC.
2764
Article 12 (« appels non sollicités »), Directive 97/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997
concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteurs des
télécommunications, JOCE, n°L 024, 30 janvier 1998, pp. 0001-0008.
2765
Article 10 (« communications commerciales »), Directive n°2002/65/CE du Parlement et du Conseil du 23 septembre
2002 concernant la commercialisation à distance des services financiers auprès des consommateurs, et modifiant les
directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7/CE et 98/27/CE, JOCE, n° L271, 9 octobre 2002, pp. 0016-0024.
2766
Considérant n°40, Directive 2002/58/CE du Conseil de l’Europe, n° 2002/58/CE du 12 juillet 2002 concernant le
traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications
électroniques (directive vie privée et communications électroniques), JOCE, n° L202, 31 juillet 2002, p. 0037
2767
Article 13, Directive 2002/58/CE, préc.
2768
C. Consom., art. L 121-20-5, portant application du nouvel art. 33-4-1 du CPT français.
2769
T. VERBIEST [2005], op.cit, p. 44-47.
2770
Article 23, Constitution de la RDC : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit implique la liberté
d’exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l’écrit et l’image, sous réserve du respect de la loi, de
l’ordre public et des bonnes mœurs ».
2771
Article 24, Constitution de la RDC : « Toute personne a droit à l’information. La liberté de presse, la liberté
d’information et d’émission par la radio et la télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de communication sont garanties
447

1202. Quatrièmement, la future LECE accepte l’équivalence entre l’écrit électronique et


le support papier, dans un double souci d’efficacité et de sécurité, à plusieurs niveaux :
obligations conventionnelles, preuve et signature électronique. Cette reconnaissance donne
suite à la loi-type de 2001 de la CNUDCI concernant les signatures électroniques. Elle est
inspirée par une approche de « définition d’un cadre neutre quant aux technologies
employées »2772, dans le cadre d’un « projet de règles uniformes sur les signatures
électroniques »2773 du groupe de travail de la CNUDCI à New York le 14 février 2000. À la
suite de la loi-type de la CNUDCI sur le commerce électronique de 1996, « l’objectif visé par
la loi-type 2001 était de favoriser le recours aux signatures électroniques, d’un usage courant
dans le commerce électronique, pour garantir l’identité des personnes. Cela supposait la mise
en place de critères d’efficacité technique et juridique qui leur assureraient une valeur
équivalente à celle de la signature manuscrite ».2774 Ainsi, les articles 37 à 47 de la future
LECE en RDC traitent de la preuve électronique, du certificat et de la signature électroniques,
ainsi que des équivalences sous un aspect de sécurisation et d’authentification des données et
des renseignements2775.
1203. Cinquièmement, les prestataires de services de communication par voie
électronique sont appelés à lutter contre l’acceptation, le traitement et la diffusion de contenus
illicites. La future LECE prévoit la constatation des infractions et des sanctions spécifiques
aux échanges électroniques. L’utilisation frauduleuse de la signature d’autrui est punie d’une
amende de 1.000.000 à 10.000.000 de francs congolais.2776 L’abus de faiblesse ou
l’ignorance d’une tierce personne pour lui faire souscrire une vente en ligne dans le cadre des
engagements au comptant ou à crédit est aussi punie d’amende de l’ordre de 10.000.000 de
francs congolais2777. Dans la future LECE, la divulgation d’informations confiées à l’autorité
de certification et/ou à ses agents ainsi que l’incitation ou la participation à la commission de
tels actes seront punis, en vertu de l’article 73 du Code pénal congolais (révélation du secret
professionnel2778).
1204. Sixièmement, dans le cadre des démarches administratives, la dématérialisation
des formalités et des procédures est prévue. La future LECE ajoute la sécurisation et
l’authentification des données ainsi que des renseignements. Cette prévision est en rapport
avec le chapitre sur la facturation et la déclaration fiscale, sous forme électronique. Avec la
condition d’authenticité d’origine des données et de l’intégrité de leur contenu, la future
LECE admet la facturation et la déclaration fiscale, au même titre que l’écrit sur support
papier2779. La consécration des techniques de compression numérique et de conservation

sous réserve du respect de l’ordre public, des bonnes mœurs et des droits d’autrui. La loi fixe les modalités d’exercice de ces
libertés. »
2772
« Droit de la preuve et signature électroniques », JCP, 2000, éd. G, n°11 (15 mars 2000), Actualité, p. 451 ; J.C.P, 2000,
éd. E, p. 385
2773
CNUDCI, Doc. A/C.N.9/WG.IV/W.P.84 du 8 décembre 1999 ; Groupe de travail CNUDCI sur le commerce
électronique, Doc. A/CN.9/465.
2774
A. OUATTARA, La preuve électronique. Etude de droit comparé Afrique, Europe, Canada, préface Jacques Mestre, vol. II,
coll. Horizons juridiques africains, Univ. Paul Cézanne Aix-Marseille III, Faculté de droit et de sc. Po., PUAM, Aix en
Provence, 2011, p.158-159.
2775
Titre V de la future LECE (RDC).
2776
Article 94, future LECE (RDC), préc.
2777
Article 95, future LECE, préc.
2778
Article73, Code pénal congolais (modifié par le Décret du 25 mai 1938), « Les personnes dépositaires par état ou par
profession des secrets qu’on leur confie qui, hors le cas où elles sont appelés à rendre témoignage en justice et celui où la loi
les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punies d’une servitude pénale de un à six mois et d’une
amende de mille à cinq mille francs, ou d’une de ces peines seulement. »
2779
Article 35, future LECE, préc.
448

électronique des données de facturation et de déclaration est envisagée dans les mêmes
conditions2780.
1205. En considérant l’ensemble des aspects des échanges et du commerce électronique,
la LECE (RDC) envisage des dispositions régissant les activités des prestataires techniques de
services de sécurisation des échanges électroniques, établis sur son territoire. De nouveaux
métiers vont ainsi apparaître dans le secteur informel du numérique, à savoir : les prestataires
de service d’archivage d’horodatage électronique, de service de recommandés et de
certifications électroniques.2781 Il s’agira de professions réglementées, avec des personnes de
confiance et accessibles, moyennant des conditions d’agrément, des conditions
administratives, techniques, financières et fiscales2782.
1206. Le vide législatif ou réglementaire sur le commerce électronique est un facteur
d’insécurité et de crainte, qui affaiblit la confiance pour les prestataires et les destinataires des
services de la société de l’information. Le cybermonde n’est pas une zone trouble, puisque le
droit existe. Cependant, la multiplicité des droits applicables en vue de réglementer cet
environnement numérique inquiète les consommateurs. En l’absence de textes législatifs
spécifiques, la complexité du droit applicable, au niveau interne et international accentue la
problématique.2783 En effet, par rapport aux actes juridiques sur Internet, il n’est pas toujours
évident de savoir quel est le droit applicable ou le juge compétent dans le cadre d’une seule
activité numérique.2784 Plusieurs branches du droit et plusieurs droits nationaux peuvent être
sollicités en même temps. En RDC, ces différents enjeux tendent comme en France à une
transition des normes législatives, afin d’établir la confiance pour un objectif législatif dans
les transactions électroniques.

B. / LES FORCES ET FAIBLESSES DE LA FUTURE LECE


DANS L’OBJECTIF DE CONFIANCE EN L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

1207. Les enjeux législatifs et régulateurs portent sur la prévention et la répression, face
aux questions de sécurisation du cyberespace, en particulier celle des activités numériques.
D’une manière globale, le sentiment d’insécurité est dû à la faiblesse de l’encadrement
juridique des transactions en ligne. Les intérêts concernés par celles-ci sont d’ordre
économique ou d’ordre extrapatrimonial. Le risque encouru par les utilisateurs des médias
informatiques pour commercer avec leurs pairs s’analyse comme un danger de perte des
valeurs. « S’agissant de l’apport du droit aux NTIC, il faut souligner que le droit n’est pas que
contrainte ; il est aussi un instrument essentiel de la sécurité des hommes, de protection de
leurs droits, valeurs ou cultures et de promotion de leurs activités ; il peut ainsi favoriser la
démocratie, la gouvernance et le développement économique et social. La législation est donc
nécessaire. Mais comment légiférer dans un domaine aussi délicat, et tout particulièrement en
matière de commerce électronique ? »2785
1208. S’il y a insécurité, cela implique un risque évident d’atteinte aux valeurs ou
intérêts que considéré comme suffisamment important pour ne pas le transiger sans une juste
compensation, ni un juste motif. Face à la puissance économique et à l’emprise matérielle des

2780
Article 36, future LECE, préc.
2781
Article 48, future LECE, préc.
2782
Article 49 à 53, LECE, préc.
2783
D. ROCH GNAHOUI, Transactions et commerce électronique, Cours de Master, Deuxie partie, Université Gaston Berger,
2006, p. 10 et s.
2784
E. A CAPRIOLI, op.cit, p. 11.
2785
M. SAWADOGO FILIGA, op.cit, p. 1-3.
449

champions économiques du Net ou même plus simplement des opérateurs locaux,


l’émergence de la valeur de l’information et des données personnelles, sa gestion, sa
protection et sa distribution sont sources de préoccupations pour tous les acteurs et usagers du
Net. L’information transite par eux, dans la crainte de divergences d’intérêts et de rapports de
force créés par ces géants, face aux recours des consommateurs ou face aux autres métiers
intermédiaires. Faute d’expérience et d’analyse sur la confiance en l’économie numérique en
RDC, il convient de s’inspirer du droit comparé européen et français.
1. La construction des objectifs de confiance dans le commerce électronique grâce aux
textes législatifs de la France et de l’Europe
1209. En Europe, « le développement des services de la société de l’information dans la
communauté [était] limité par un certain nombre d’obstacles juridiques au bon
fonctionnement du marché intérieur de nature à rendre moins attrayant l’exercice [...] de la
libre prestation des services ».2786 Les possibilités offertes par la société de l’information ont
permis à l’Europe de construire un marché intérieur, sans frontière physique. Sur le territoire
européen, l’Internet a apporté aux États membres, aux prestataires et aux consommateurs
l’intérêt et les avantages du commerce électronique, qui est sans limite frontalière. La
promotion du marché intérieur a trouvé appui à travers le « caractère naturellement
transfrontalier2787 » De ce point de vue, « La distribution est le premier canal par lequel le
web a fait sentir ses effets sur le fonctionnement des marchés, quels qu’ils soient.2788 » du
moteur technologique du commerce électronique.
1210. Toutefois, de nombreux points d’insécurité juridique due aux hésitations des
parties à s’engager, constituaient aussi un frein au développement du vaste marché ouvert au
commerce électronique. Au niveau européen, encore en 2007, le volume réduit des échanges,
témoignait de « la peur des ressortissants européens de subir des protections juridiques
différentes dans les autres pays ». Les échanges transfrontières ne représentaient que 7%,
tandis que la plupart des acquisitions des biens et des services par des consommateurs
étrangers étaient de l’ordre de 25%, pour des opérations réalisées « au cours des voyages de
loisir ». Pour asseoir la « confiance » des acteurs dans les mécanismes de marché, l’Europe
devait garantir au consommateur une réelle égalité des règles appliquées et une protection
élevée.2789 Or, le marché électronique et le réseau Internet sont certainement à l’échelle
mondiale des ensembles composites.
1211. Par les disparités législatives au sein du marché intérieur européen, le manque de
confiance affectait malheureusement la réalisation de son développement pour une véritable
harmonisation législative. La recherche de la confiance est devenue le but législatif européen
en matière de commerce électronique. Différents éléments confirment cet objectif de
construction dans l’acquis communautaire2790, en droit de l’Union européenne. Par sa lettre du
9 octobre 1997, la Commission européenne transmettait au Parlement européen un message
portant clairement sur la nécessité d’assurer dans la communication électronique la sécurité et

2786
Considérant n°5, directive 2000/31/CE, préc.
2787
J. ROCHFELD, « La définition du contrat électronique », in J. ROCHFELD (sous la dir.), op.cit, p. 5.
2788
X. GREFFE et N. SONAC, op.cit, p. 221.
2789
J. ROCHFELD, « Les nouveaux défis du droit des contrats : l’efficacité de la lutte contre les pratiques commerciales
déloyales de l’Internet », in J. ROCHFELD (sous dir.), Les nouveaux défis du commerce électronique, L.G.D.J., lextenso
éditions, Paris, 2010, p. 7. Pour les chiffres, cf. Eurobaromètre, oct. 2008, p.3, cité par J. ROCHFELD, ibidem.
2790
L’usage du terme « Communautaire » est retenu en vue de montrer la progression des efforts depuis la communauté
européenne jusqu’à l’Union européenne.
450

la confiance.2791 La résolution du Parlement européen2792 intervenue le 17 juillet 1998 sur


ladite communication « considère que le commerce électronique peut devenir l’un des
moteurs du développement de la société de l’information planétaire, que ce nouvel espace
économique «virtuel», qui présente un grand potentiel de création d’emplois, est toutefois
menacé par le manque de sécurité et de confiance sur les réseaux ouverts ».2793
1212. L’Europe avait fait, par les mécanismes traditionnels du marché électronique et
par les professionnels, l’expérience de la régulation, mais elle s’est résolue à ce que le
développement du marché se fasse par une législation spéciale, conciliante pour les intérêts
des acteurs. Le parlement européen « estime que le développement du commerce électronique
suppose un degré de confiance suffisant parmi les utilisateurs et qu'il y a lieu de fixer des
normes en ce qui concerne la fiabilité juridique de l'identification, de la validité des contrats,
de l'intégrité et de la communication, notamment ».2794 Il « souligne qu'il y a lieu de définir
des règles générales qui, d'une part, assurent un renforcement de la confiance à l'égard du
commerce électronique et, d'autre part, soient suffisamment souples et ouvertes pour faire
face à de nouveaux développements techniques2795 ». Dans cet objectif de confiance au sein
du marché électronique, la directive européenne du 5 avril 1993 concernant les clauses
abusives était un précurseur pour la protection des consommateurs. À ce sujet, la directive
97/7/CE du 20 mai 1997 en matière de contrats conclus à distance a également contribué à
cette confiance. Le caractère complémentaire2796 de la directive du 8 juin 2000 sur le
commerce électronique se greffe sur les objectifs de confiance des directives précitées, ainsi
que sur la directive 2002/65/CE concernant la commercialisation (vente) à distance de
services financiers aux consommateurs.
1213. Cependant, la directive européenne 200/31/CE sur le commerce électronique se
caractérise par une recherche de confiance, dans les objectifs législatifs de construction du
marché intérieur. En matière contractuelle, son article 9 engage les États de l’Union à adopter
des régimes favorables, rendant possible la conclusion des contrats par voie électronique et
qui levant tout obstacle d’ordre juridique (et non d’ordre pratique2797) pour l’utilisation des
contrats électroniques, sans porter atteinte à leur validité ou effet2798. En effet, « Parmi les
instruments juridiques de confiance, le contrat entretient des liens étroits avec la régulation.
2791
Par lettre du 9 octobre 1997, la Commission a transmis au Parlement européen une communication au Conseil, au
Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions intitulée "Assurer la sécurité et la confiance
dans la communication électronique - Vers un cadre européen pour les signatures numériques et le chiffrement"
(COM(97)0503 - C4-0648/97) [www.europarl.europa.eu] (consulté le 19 décembre 2013).
2792
JOCE, n° C 292 du 21/09/1998, p. 0217 : « Résolution sur la communication de la Commission au Conseil, au Parlement
européen, au Comité économique et social et au Comité des régions: "Assurer la sécurité et la confiance dans la
communication électronique - Vers un cadre européen pour les signatures numériques et le chiffrement" (COM(97) 0503 C4-
0648/97) », [www.eur-lex.europa.eu] (consulté le 19 décembre 2013).
2793
Paragraphe n°23 de la Résolution préc., intitulée : « Assurer la sécurité et la confiance dans la communication
électronique - Vers un cadre européen pour les signatures numériques et le chiffrement », COM(97) 0503 C4-0648/97, JOCE,
n° C 292 du 21/09/1998 p. 0217.
2794
Paragraphe n°12 de la Résolution, Ibidem.
2795
Paragraphe n°13 de la Résolution, Ibidem.
2796
M. ANTOINE, A. CRUCQUENAIRE, P. DE LOCHT, M. DEMOULIN, D. GOBERT, C. LAZARO, O. LEROUX et E. MONTERO, Le
commerce électronique européen sur les rails ? Analyse et propositions de mise en œuvre de la directive sur le commerce
électronique, Cahiers du Centre de Recherches Informatique et Droit, n°19, Bruylant, Bruxelles, 2001, p. 17-18.
2797
Le considérant n°37 précise que cette exigence européenne aux États membres ne concerne que les obstacles résultant
d’exigences juridiques et non pas les obstacles d’ordre pratique résultant d’une impossibilité d’utiliser les moyens
électroniques dans certains cas. Cf. aussi M. ANTOINE, A. CRUCQUENAIRE, P. DE LOCHT, M. DEMOULIN, D. GOBERT, C.
LAZARO, O. LEROUX et E. MONTERO, op.cit, p. 200. « Par exemple, les États membres n’ont pas l’obligation d’équiper
l’ensemble des ménages d’un ordinateur avec connexion Internet, ni de les former à l’utilisation de ces moyens de
communication afin que ceux-ci puissent désormais passer des contrats par voie électronique ! »
2798
Le considérant n°37 précise que cette exigence européenne aux États membres ne concerne que les obstacles résultant
d’exigences juridiques et non pas les obstacles d’ordre pratique résultant d’une impossibilité d’utiliser les moyens
électroniques dans certains cas.
451

La régulation intervient là où une mise en œuvre mécanique du procédé de réglementation ne


parviendrait pas à régir de façon satisfaisante cet ensemble complexe que constitue le marché
électronique. En ce sens, le contrat constitue l’un des « piliers de l’économie libérale».
Comme le font les contrats électroniques, la réitération des contrats-types participe à la
régulation du marché, notamment quand ces contrats imposent des obligations accessoires de
comportement aux cocontractants ».2799
1214. En effet, le droit européen a voulu que le contrat électronique soit un instrument
pour instaurer la confiance. L’emploi du terme combiné et, plus générique « contrat par voie
électronique » ressort à l’article 1er, alinéa 2, à l’intitulé de la section 3 et à l’article 9 de la
directive 2000/31/CE. Toutefois, le terme n’est pas défini dans le texte. En évoquant le
mot « objectif »2800 pour les dispositions pré-rappelées, cela signifie contribuer à la
construction du marché intérieur, assurer la libre circulation des services et rapprocher des
régimes nationaux applicables à certains aspects des services de la société de l’information,
spécifiquement visés, y compris, les contrats par voie électronique.
1215. En France, la LCEN ou « loi confiance » transpose la directive européenne
2000/31/CE sur le « commerce électronique », en fixant la définition et le régime des contrats
électroniques. Elle précise clairement la logique des instances européennes à créer la
« confiance » du consommateur. D’autre part, elle poursuivait une finalité particulière :
récupérer le retard dans le développement du commerce électronique.2801 Son intitulé n’a pas
été et ne demeure pas neutre : la confiance pour les professionnels, l’instauration des règles
clairement définies doivent permettre d’assurer durablement la confiance dans le commerce et
les échanges dématérialisés.
1216. Dans l’économie numérique française post-promulgation de la LCEN, la FEVAD
enregistrait un bilan fort éloquent, sur la base du facteur « confiance ». En réalité, « La vente
sur Internet s’est développée de manière exponentielle au cours des cinq dernières années
[2003-2007]. Le chiffre d’affaires des ventes en ligne a progressé de 35% au cours de l’année
2007 pour avoisiner les 16 milliards d’euros dépensés sur Internet. La même année, la vente
sur le réseau Internet comptait 3700 sites marchands actifs (soit 1,5 fois plus qu’en 20062802)
et près de 19,8 millions de cybermarchands. Ces derniers accordent une confiance de plus
grande en plus grande à Internet (taux de confiance2803 des internautes de 61%) ».2804 Avec la
LCEN, l’an « 2004 a été la première année où vous n’êtes plus exceptionnel quand vous
achetez sur Internet »2805. Au début de 2005, l’ « aspect social des techniques modernes de
communication s’exprime dans des activités numériques ».2806

2799
O. CACHARD, op.cit, p. 27. M-A FRISON-ROCHE, « Le contrat et la responsabilité : consentements, pouvoirs et régulation
économique », RTD civ., Dalloz, 1998, p. 45.
2800
Cf. article 1er, Directive 2000 sur le commerce électronique, à savoir : «1. La [...] directive a pour objectif de contribuer
au bon fonctionnement du marché intérieur en assurant la libre circulation des services de la société de l’information entre les
États membres. 2. La [...] directive rapproche, dans la mesure nécessaire à la réalisation de l’objectif visé au paragraphe 1,
certaines dispositions nationales applicables aux services de la société de l’information et qui concernent le marché
intérieur,…, les contrats par voie électronique… »
2801
J. ROCHFELD, « Commentaire de la loi pour la confiance dans l’économie numérique », RTD civ. 2004, p. 574 et s., cité
par J. ROCHFELD, op.cit, p. 20.
2802
Bilan 2007 de l’e-commerce 2007: la croissance se poursuit à un rythme soutenu, disponible sur le site FEVAD
(Fédération des entreprises de vente à distance).
2803
Baromètre e-commerce de l’ASCEL, bilan annuel, 2007, p. 10.
2804
V. FAUCHOUX et P. DEPREZ, op.cit, pp. 227 et 103.
2805
M. MOREAU, « Introduction », in J.-C. MOULIN et H. CAUSSE, op.cit, p.5. H. de MAUBLANC, Président de l’ASCER,
s’exprimant en 2005.
2806
Ibidem, p. 6.
452

1217. La LCEN recentre autour du contrat électronique des dispositions d’ordre public
pour encadrer la constitution et l’expression de la « lois des parties » par la voie électronique.
Ainsi, le contrat du commerce électronique se présente non seulement comme une technique
juridique, mais concentre aussi l’intérêt du marché et en assure une fonction régulatrice. Sa
technique principale, l’informatique « ne lui ôte pas son caractère "fondateur" ou "constitutif"
du e-commerce. Aucun marché n’existe sans contrat, affirmer l’inverse résulte d’une mode où
le marché est abusivement érigé en personne, en sujet, quand il n’est jamais que la résultante
des comportements, individuels […] le marché n’écarte donc pas le contrat, au contraire, le
contrat fait le marché. Sans lui, et au cas particulier, il y aurait simplement un "espace
électronique" ».2807
1218. Pour les consommateurs, les « avantages »2808 du marché électronique semblaient
s’affirmer selon les facteurs suivants : rapidité des transactions, large disponibilité d’accès à
un choix plus étendu à l’échelon mondial, compétition des prix entre les fournisseurs,
transparence tarifaire à l’aide d’outils informatiques de comparaison des prix. Toutefois,
d’énormes paradoxes contrebalancent ces avantages, suite à des inconvénients corrélatifs sur
le marché électronique ouvert, notamment : dispersion des prix par des ajustements sans
constat d’inflexion de la puissance du marché ; expansion des offres de produits d’occasion en
concurrence de prix face à des produits de meilleure qualité. Ces paramètres du marché
numérique2809 contrastent avec les avantages a priori démocratiques du Net. L’enthousiasme
pour le commerce électronique libre « butte contre l’observation quasi-monopolistique des
sites de ventes en ligne. Le commerce est dominé par des entreprises en position de quasi-
monopole détenant plus de 75% de parts de marché, que ce soit eBay pour le marché des
enchères en ligne, Amazon pour le commerce des produits culturels, Apple pour le marché de
téléchargement de musique ».2810
1219. En effet, dans un premier temps, l’avantage d’une comparaison tarifaire a permis
de faire exercer l’ « intelligence du consommateur », mais sans aboutir au nivellement
tarifaire des offres. « De plus, les prix moyens observés en ligne sont parfois supérieurs à
ceux observés dans le monde physique ! ».2811 En second lieu, l’importante croissance des
sites des enchères en ligne, l’acheteur cherchant le meilleur prix, n’est pas toujours conscient
de la qualité des produits. Le marché électronique connait une demande accrue vers la baisse
des prix, phénomène affectant l’offre du marché. « À des prix trop faibles de la concurrence,
les offrants des produits de bonne qualité peuvent ne plus suivre au-delà du seuil plancher et
ne demeureront que les offrants de pacotilles […] la bonne affaire réalisée sur le prix ne
conditionne pas sa qualité, face à l’asymétrie de l’information liée à l’usage des techniques de
communications à distance pour contracter ».2812 En dernier lieu, on espérait la baisse des
coûts due à la pression sur le prix, à la relativité des moyens d’accès, à la facilité accrue des

2807
H. CAUSSE, « Le contrat électronique, technique du commerce électronique », in J-C MOULIN et H. CAUSSE, op.cit, pp.
11-34, spéc., p.11.
2808
J. ROCHFELD, op.cit, pp. 4 et 5.
2809
X. GREFFE et N. SONNAC, op.cit, p. 221.
2810
P.WAELBROECK, « Le commerce électronique de produits culturels : enjeux informationnels », in X. GREFFE et N.
SONAC, op cit., idem, p.229.
2811
Ibidem, pp. 228 et 229.
2812
G. AKERLOF, « The Market for “Lemons” : Quality Uncertainty and the Market Mechanism », cité par P. WAELBROECK,
op.cit, p.229 [http://fr.wikipedia.org/wiki/The_Market_for_%22Lemons%22] (consulté le 19 décembre 2013). Selon G. AKERLOF,
prix Nobel d’économie en 2001 : « Dans ce marché, les vendeurs qui savent que leur voiture est en bon état veulent en tirer
un prix correspondant à la qualité de leur véhicule, tandis que les vendeurs de guimbardes sont prêts à les vendre à un prix
faible. [...] Sachant cela, le vendeur d'une bonne voiture qui ne veut pas vendre son véhicule à moins que sa valeur refuse
toujours l'offre qui lui est faite. De ce fait ne restent sur le marché que les guimbardes, et les bonnes voitures d'occasion ne
trouvent pas preneur ».
453

produits pour les consommateurs, à la diminution des barrières d’accès pour de larges offres
transfrontières et d’origines « multi-prestataires » dans le cyberespace. Ce sont d’énormes
inconvénients directs qui peuvent freiner la confiance, nécessaire au développement du
marché (électronique).
1220. En général, en compensant les avantages du commerce en ligne, des inquiétudes
sont nées concernant les caractéristiques du support de déroulement du commerce
électronique, à savoir : la dématérialisation associée à la rapidité, la distance impliquant
l’internationalité ainsi que la fugacité et la valeur de l’information (authenticité, intégrité et
confidentialité). Ces facteurs inhibiteurs de confiance ont principalement conduit à une mise
en cause de la sécurité des consommateurs, confrontés à des risques nouveaux et apparents.
En premier lieu, la dématérialisation des produits et l’absence physique des parties amènent à
une perception altérée des biens plus que des services, et ajoutent des craintes sur la
« séduction de l’écran ».2813 Ces facteurs sont de nature à altérer le comportement normal du
consommateur, qui acquiert sans réfléchir et de façon émotive, un produit offert en ligne.
1221. En second lieu, face à la distance, en cas d’inexécution, une machine ne peut
prendre en compte entièrement l’identité de celui qui l’actionne, et les qualités du produit ne
peuvent encore moins rassurer sur l’identification du fournisseur, ni sur sa volonté réelle de
conclure le contrat. Ce sont ces éléments qui constituaient la base du manque de confiance des
consommateurs. L’extranéité manifeste de la distance ainsi que les externalités du réseau
renforcent les doutes de non prestation ou de non-livraison, ainsi que ceux de l’éloignement
des moyens judiciaires ou personnels d’action, face à l’éventualité de la disparition d’un site
marchand, souvent situé à l’étranger. À cela s’ajoutent les difficultés habituelles de la langue
et du monde des affaires, en droit international privé. Enfin, face à la valeur de l’information
et à sa fugacité, des risques nouveaux inhibent les engagements des consommateurs en ligne :
exposition aux malversations, compromission des données personnelles et bancaires,
dénuement des moyens de preuve.2814
2. Les transformations du cadre juridique congolais face aux enjeux de confiance dans le
commerce électronique local et international
1222. La RDC, fait partie de la société mondiale de l’information. Elle se trouve face
aux mêmes enjeux. La future LECE tient compte de ces protections créées en Europe et en
France sur la confiance. Cependant, les réalités socioculturelles congolaises contrastent avec
l’élan de modernité du commerce électronique. La barrière de la langue est un frein important
à son accès mondial. La culture de l’oralité ainsi que l’analphabétisme n’encouragent pas la
majorité des congolais à recourir au formalisme technique et juridique. Les opérateurs de
télécoms essaient au maximum de simplifier les syntaxes ou de préconfigurer des icônes
faciles d’utilisation pour les consommateurs. Les firmes internationales, les ambassades
étrangères, les entreprises étrangères et les agences de l’ONU contraignent les demandeurs
d’emploi, d’informations ou de services à recourir aux sites dédiés à l’information en

2813
S.A.MAÏGA, Le Contrat conclu par Internet et la protection des consommateurs, th. sous dir. de Denis Mazeaud, Univ.
Panthéon-Assas (Paris II), soutenu publiquement le 19 décembre 2008, p.22.
2814
Ibidem.
454

ligne.2815 Les journaux en ligne sont de plus en plus lus par des intellectuels congolais sur des
sites web typiquement congolais.2816
1223. Néanmoins, la défaillance du réseau postal désavantage la livraison des produits
commandés en ligne. Mais sur ce point, des agences ciblent les communautés congolaises
dans les pays occidentaux. Cette « diaspora congolaise » est familière aux activités
électroniques en Europe, aux États-Unis d’Amérique. L’offre des produits locaux leur est
adressée par des opérateurs congolais pour passer des commandes depuis l’étranger au profit
de leurs familles, localisées en RDC. Les services de livraison sont assurés par le
cybercommerçant qui garantit la chaine complète de l’offre à la livraison matérielle.2817 Il
s’agit-là d’expériences répandues en RDC en matière de commerce électronique.
1224. Le sentiment de confiance en la dématérialisation des valeurs se ressent de plus en
plus en RDC. Le recours aux services de monnaie mobile s’amplifie, de même que l’achat en
ligne des crédits de communication téléphonique et d’Internet. La banque en ligne se
développe, avec la bancarisation obligatoire des salaires des fonctionnaires de l’État
congolais, et les banques leur offrent des moyens de paiement électronique. Dans les
supermarchés, des TPE sont de plus en plus présents. Cependant, la vente sur les places de
marché (physique) est encore habituelle chez les consommateurs. À défaut d’existence
d’associations et en l’absence de fédérations de vendeurs en ligne, il est difficile de disposer
d’un baromètre statistique de confiance. N’ayant pas de « Ministère de l’économie
numérique », la structuration du marché électronique congolais n’est pas assurée
harmonieusement par l’intervention de plusieurs ministères traditionnels, respectivement en
charge de l’économie, du commerce et de l’industrie ou des PTNTIC.
1225. Face aux attentes, la future LECE marquera un virage important pour formaliser
les normes, les filières de métier de la net économie, tout en dotant le pays d’une loi de
confiance pour le commerce électronique congolais. La transition des normes sur les services
de la société de l’information doit donner lieu à la création d’organes spécialisés pour réguler
le marché numérique congolais. La réforme du régulateur est également envisagée comme
soutien des transformations du cadre juridique général des TIC et de celui spécifique au
commerce électronique. En effet, ce dernier reste particulièrement attaché au préalable d’une
disponibilité d’accès aux communications électroniques.
1226. Ainsi, en lien avec les objectifs de confiance en l’économie numérique à mettre à
la charge des autorités publiques sectorielles et avec la loi spécifique sur le commerce en
ligne, l’Autorité de régulation des télécoms en RDC veille sur un accès universel et/ou
d’inclusion numérique. Ces objectifs relatifs aux TIC et au numérique sont primordiaux.
D’où, le législateur a amorcé la restructuration de l’ARPTC en vue de la repositionner sur
l’axe de nouveaux enjeux du numérique. (Section 2.)

2815
Le site [www.mediacongo.net] demeure le plus grand site d’agrégat des offres en ligne, mais n’assure pas le moyen de
paiement ou de correspondance sur son site. Le destinataire est obligé de se rendre sur le site web ou sur les installations
physiques de l’offreur pour poursuivre la transaction concernée.
2816
Beaucoup d’autres sites affichent le nombre de visiteurs par jour ou par articles [www.7sur7.cd]; [www.congotime.com];
[www.lepotentielenligne.com]; [www.dgitalcongo.net]; [www.lesoftonline.com]
2817
[www.kitunga.be]; [www.monkitunga.com] (à traduire « kitunga » du lingala, dialecte congolaise, par « le panier » en
français), pour symboliser le fait d’acheter en ligne depuis l’Europe les denrées et produits de première nécessité disponibles
sur le marché physique en RDC, pour obtenir leur livraison à la famille restée dans le pays.
455

SECTION II –
LA RESTRUCTURATION DE L’ARPTC EN « ARPTNITIC »
À L’ÈRE DU NUMÉRIQUE ET DE L’INTERNET

1227. De lege ferenda, l’ARPTC « créée par la loi n°014/2002 du 16 octobre 2002
devient l’Autorité de Régulation des Postes, des Télécommunications et des Technologies de
l’Information et de la Communication du Congo, ci-après "l’Autorité de Régulation", en
abrégé "ARPTTIC". Elle est dotée de la personnalité juridique et jouit de l’autonomie
financière et de l’indépendance administrative. L’Autorité de Régulation relève du Président
de la République ».2818
1228. D’une part, cet article important exprime une problématique (de longue date) que
le projet de loi ne résout toujours pas. Depuis l’accord de l’OMC du 16 octobre 1997 sur les
télécommunications, l’autonomie décisionnelle de l’ARPTC reste un enjeu non résolu, quant
à son rattachement à la présidence de la RDC, face au Ministère des PTT. (§1)
1229. D’autre part, les transformations législatives n’innovent pas suffisamment les
enjeux et objectifs fondamentaux, assignés à la régulation. En tant qu’enjeu contemporain de
la régulation à l’ère numérique, l’« interrégulation » et la « régulation convergence » ne
figurent pas dans le projet de la nouvelle loi sur l’ARPTC, qui conserve sa logique sectorielle.
Par ailleurs, en tant qu’enjeu traditionnel de régulation des télécoms, la « fracture
numérique » présente des aspects politiques, juridiques et statistiques qui interpellent sur les
compétences de l’ARPTC, dans la promotion des TIC en RDC. (§2)

§1. Le regard critique sur le statut administratif de l’ARPTC


pour une transformation de son « rattachement tutélaire »
à la Présidence de la République

1230. Les innovations dans le projet de loi sur l’ARPTC sont appréciables concernant la
mise en place des attributions du régulateur à l’ère numérique. (A./) Néanmoins, le choix
incohérent du législateur semble rester en maintenant l’ARPTC sous la « tutelle » du
Président de la République. Cela mérite des critiques, vu le caractère politique de ce
rattachement, sans harmonisation avec des enjeux juridiques. (B./)
A. / LES INNOVATIONS DE LA TRANSITION DES TEXTES JURIDIQUES SUR L’ARPTC

1231. Le projet de loi modifiant et complétant la loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 sur
la création de l’ARPTC a pour objet la révision et la précision des missions, des compétences
et des pouvoirs ainsi que l’organisation et les modalités de fonctionnement du régulateur du
secteur des PTNTIC, dénommé « Autorité de régulation des Postes, Télécommunications et
des TIC », en abrégé « ARPTTIC ». Elle est prévue pour se substituer à l’actuelle ARPTC.
Elle a pour objectif d’assurer la cohérence avec les dispositions des lois sur les Postes, sur les
Télécoms et les TIC, de renforcer l’indépendance et l’autonomie de l’autorité de régulation,
de préciser ses pouvoirs et d’adapter son rôle à l’évolution du secteur des PTNTIC. Le but est
de suivre et d’assurer le développement d’une concurrence effective et durable.
1232. De ce fait, le projet de loi s’est inscrit dans le but de réaffirmer l’indépendance de
l’Autorité de régulation, de clarifier la répartition des compétences entre le régulateur et le
ministre ayant en charge les secteurs des PTT ; de compléter ou modifier les attributions du

2818
Tel est l’énoncé de l’article premier du projet de loi modifiant et complétant la loi sur l’ARPTC. (Source : Secrétariat
général du Gouvernement de la RDC, 2016)
456

régulateur. Il s’agit notamment de transformer: l’interconnexion, l’accès à la boucle locale


fixe et aux capacités à haut débit disponibles sur le ou les câbles sous-marins atterrissant en
RDC ; le partage d’infrastructures, l’analyse concurrentielle du marché, la définition des
opérateurs puissants et des obligations spécifiques qui peuvent leur être imposées, le
règlement des différends et la gestion des ressources rares (spectre de fréquences
radioélectriques et numérotation).
1233. De lege ferenda, les attributions du régulateur sont réalignées en fonction des
TIC, là où auparavant l’ARPTC se limitait aux télécoms de base. Dans la réforme, celle-ci
veille au respect des lois, règlements et conventions concernant les PTNTIC. Elle veillera au
respect du principe de neutralité technologique, assistera le ministre des PTT notamment dans
la préparation de la législation des Postes, Télécoms et des TIC, assurera la protection des
usagers ainsi que la rédaction d’avis et de propositions. Elle continue à veiller à ce que les
différents acteurs titulaires de licence respectent l’autorisation ou la déclaration de la
réglementation applicable en matière de communications électroniques. Elle continue à
assurer plus particulièrement, sans que cette liste ne soit exhaustive, le contrôle des
homologations et des caractéristiques obligatoires des équipements, la surveillance de leurs
conditions d’utilisation, les ressources rares, ou encore le contrôle du respect des cahiers des
charges et autres obligations incombant aux opérateurs. Le développement des marchés après
la déréglementation a créé des situations oligopolistiques. L’ARPTC cherche, en particulier, à
renforcer la sécurité des marchés, en surveillant les obligations imposées à ceux exerçant une
puissance significative sur un marché pertinent.
1234. Au regard de ses compétences actuelles, l’ARPTC va être fondée à étudier les
demandes de licences en matière de télécoms, de cryptologie et des postes. En ce qui concerne
les télécoms et les TIC, pour répondre aux demandes de licences, elle va préparer et mettre en
œuvre les procédures d’attribution de licences, par appel à concurrence prévues par les lois
sur les PTNTIC et conduire leur processus technique d’attribution. En matière de cryptologie
et de sécurisation des échanges électroniques, des questions se posent sur la certification,
l’horodatage, l’archivage et les recommandés électroniques. En analysant les demandes
d’accréditation des prestataires concernés, le processus technique de leurs attributions sera
suivi conformément aux lois sur les PTNIC.
1235. De même, en cas d’atteinte grave et immédiate à une règle régissant le secteur en
matière de fourniture et de continuité de service des Télécommunications, l’Autorité de
Régulation peut, après avoir entendu les parties en cause, prendre des mesures conservatoires
en vue notamment d’assurer la continuité du fonctionnement des réseaux et des services.
Celles-ci doivent être strictement limitées dans le temps et nécessité pour faire face à la
situation. Plus loin dans le projet de loi, il est à noter qu’en cas d’atteinte grave et flagrante
aux règles régissant le secteur des télécommunications et des technologies de l’information et
de la communication, l’autorité de régulation peut, après avoir demandé aux parties de
présenter leurs observations, ordonner des mesures provisoires appropriées en vue d’assurer la
continuité du fonctionnement des réseaux et des services.
1236. Par ailleurs, en matière de conciliation des acteurs, l’Autorité de régulation peut se
saisir d’office dans les cas où il existe un refus d’interconnexion ou d’accès, y compris en cas
de découpage de la boucle locale. Elle dispose des mêmes prérogatives s’il y a échec dans les
négociations commerciales ou un désaccord sur la conclusion, l’interprétation ou l’exécution
d’une convention d’interconnexion ou d’accès à un réseau des télécoms et des TIC autre que
457

des dégroupages de la boucle locale. En cas de non conciliation, l’Autorité de Régulation


pourra procéder par un arbitrage, uniquement sur saisine de l’une ou l’autre partie.
1237. Il convient de noter aussi qu’en cas d’échec des négociations commerciales,
l’Autorité de Régulation peut également être saisie pour régler des différends entre opérateurs,
dans leurs activités spécifiées. Il s’agit limitativement du partage d’infrastructures 2819, de
l’itinérance nationale2820 et de l’accès à des capacités internationales.2821
1. La discussion juridique sur le statut administratif ambigu et le rattachement
conflictuel de l’ARPTC avec les lois de la RDC
1238. Au cours de la session de septembre 2014, une proposition de loi sur la révision
de la loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l’ARPTC, fut présentée à
l’Assemblée nationale de la RDC par un député de l’opposition.2822 Contenant trois articles,
l’essentiel de cette initiative législative visait à faire relever l’ARPTC, non plus du Président
de la République, mais du ministre des PTNTIC. Celle-ci intervenait en même temps que le
gouvernement qui proposait un avant-projet de loi portant le même intitulé et le même objet.
Ces deux initiatives contradictoires sont dans le contenu de l’article 2 de la loi n°014/2002.
La proposition de loi attribuait la tutelle de l’ARPTC au Ministère des PTT, alors que le projet
de loi tendait au maintien du statu quo sous tutelle du Président de la République.
Conformément à l’article 130 de la constitution de la RDC2823, ladite initiative fut transmise
au Gouvernement pour un examen approfondi par la Vice-Primature chargée des PTNTIC.2824
1239. Deux motifs essentiels, suite à des considérations à la fois politiques et juridiques,
sont à la base de ce changement de rattachement hiérarchique de l’ARPTC. Le premier motif
évoqué par le député, auteur de la proposition de loi, se fondait sur le caractère anachronique
de la situation politique de 2002. Ainsi, ce rattachement de l’ARPTC à la Présidence de la
République pouvait s’expliquer. Depuis la Constitution du 18 février 2006, « la RDC n’est
plus un pays en conflit où les pouvoirs du Président de la République étaient étendus pour les
besoins de la sécurité et de la paix. » Le second motif se fonde sur l’actuel rattachement
hiérarchique de l’ARPTC à la Présidence de la République qui la soustrait du contrôle
parlementaire.
1240. En effet, aux termes des articles 145, 146 et 100 de la Constitution du 18 février
2006 de la RDC, le principe de l’irresponsabilité politique du président de la république
devant l’assemblée nationale profite à ses services subordonnés. Seuls le premier ministre et
les membres du gouvernement peuvent faire l’objet du contrôle parlementaire : motion de
censure, motion de défiance, questions orales (avec ou sans débat), questions écrites,
interpellation. Or, l’ARPTC intervient conjointement avec le Ministre des PTNTIC dans le
secteur concerné. Il semble incohérent que le ministre des PTNTIC réponde devant
l’assemblée nationale de la politique dudit secteur, alors qu’il n’a pas d’autorité sur celle

2819
À savoir : « Les possibilités et les conditions d’une utilisation partagée entre opérateurs d’installations existantes situées
sur le domaine public ou sur une propriété privée prévues par la loi relative aux télécoms et aux TIC. »
2820
À savoir : « La conclusion ou l’exécution de la convention d’itinérance nationale prévue par la loi relative aux télécoms
et aux TIC. »
2821
À savoir : « La conclusion ou l’exécution de la convention d’accès à des capacités internationales disponibles sur le ou
les câbles sous-marins atterrissant en RDC prévue par la loi relative aux télécoms et TIC. »
2822
Il s’agit de l’Honorable Jean-Baudouin Mayo Mambeke, député élu de Kinshasa, à la suite de la question orale qu’il avait
posée au cours de la session antérieure au Ministre des PTNTIC.
2823
Article 130, alinéa 3, Constitution de la RDC : « Les propositions de loi, sont avant délibération et adoption, notifiées
pour information au Gouvernement qui adresse, dans les quinze jours suivant leur transmission, ses observations éventuelles
au Bureau de l’une ou l’autre Chambre. Passé ce délai, ces propositions de loi sont mises en délibération ».
2824
Les détails en ont été présentés supra : Partie 2, Titre 1, Chapitre 1.
458

disposant des prérogatives conjointes de contrôle des activités de son secteur. En comparant
avec les autres secteurs d’utilité publique, la proposition de loi évoquait celui de l’électricité
ou de l’aviation civile, dont les régulateurs institués relèvent respectivement du ministère de
l’énergie ou de celui des transports. Les arguments sont ceux proposés par l’auteur de la loi
réformatrice. Mais, la critique en droit est nécessaire pour apprécier si une telle révolution
dans la tutelle de l’ARPTC est soutenable au regard de la législation nationale congolaise.
1241. Dans un premier temps, les deux lois n°013/2002 et n°014/2002 promulguées à la
même date, le 16 octobre 2016 demeurent en contradiction manifeste, quant à la tutelle de
l’ARPTC.2825 De manière flagrante et difficile dans la pratique, la contradiction existe entre
l’exposé des motifs de la LCT et l’article 2 de la loi spécifique sur l’ARPTC. En effet, le
premier législateur dispose que « Les principales innovations qu’introduit la Loi-cadre sur les
télécommunications [...] concernent : la création d’une Autorité de régulation, placée sous la
tutelle du Ministre des P.T.T.».2826 L’article 8, dernier alinéa de la LCT ajoute qu’« Une Loi
crée l’Autorité de Régulation et fixe ses statuts ». En revanche, l’article 2 de la Loi
n°014/2002 sur la création de l’ARPTC dispose : « L’Autorité de régulation relève du
Président de la République ».2827 Au regard des principes généraux du droit2828, une loi
spéciale (loi n°014/2002 sur l’Autorité de Régulation) peut déroger à une loi générale (loi-
cadre n°013/2002 sur les télécommunications). Mais, il est évident que, sur le rattachement
hiérarchique de l’ARPTC, il y a contradiction dans l’esprit et la lettre de ces deux lois,
promulguées le même jour.
1242. En outre, l’ambigüité du terme « relever de » employée par cette autre loi
n°014/2002 se rajoute à la confusion. Le ministère s’interroge si « Relever du Président de la
République » au sens de l’article 2 de la Loi n°014/2002 créant l’ARPTC équivaut à une
dépendance hiérarchique. Selon les arguments du Ministère des PTT, le législateur ne dit
aucunement que l’ARPTC est sous la tutelle du Président de la République. Cette dernière
constitue tous les moyens de contrôle dont dispose l’institution ou l’organe tutélaire sur
l’entreprise. Elle est d’ordre administratif, judiciaire, technique, économique ou financier. La
tutelle administrative s’exerce sur les actes, à tous les niveaux et à tous les stades de la
procédure. Pour l’ARPTC, il s’agit d’une « tutelle d’opportunité » « qui subordonne à
l’accord des autorités de tutelle la perfection juridique des décisions des autorités sous tutelle
et s’analyse exactement en coopération entre ces deux catégories d’autorités, partant en une
coadministration ».2829 Ce n’est pas ainsi pour l’ARPTC : le Président de la République
n’intervient pas à tous les stades pour toutes ses activités.
1243. Ainsi, le budget de l’ARPTC est approuvé par le Collège de l’ARPTC et non le
Président de la République ou le Ministre des PTT. Ce dernier en reçoit simplement
information.2830 De même toutes les décisions prises par le Collège en matière de régulation
(en rapport avec ses missions) ne sont pas entérinées par le Président de la République. Il
semble que le fait de faire relever l’ARPTC de la plus haute autorité du pays permet de
souligner davantage son indépendance, due à un simple rattachement plutôt qu’à un véritable
2825
Il s’agit de la loi-cadre n°013/2002 sur les télécommunications en RDC et la Loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 portant
création de l’ARPTC.
2826
JO RDC, 44e année, n° spécial, 25 janvier 2003, p. 19.
2827
Ibidem, p. 48.
2828
J. HILAIRE, Adages et maximes du droit français, Dalloz, Paris, 2013, p. 185. G. CORNU[2010], op.cit, p. 965.
« Generalia specialibus non derogant » : les dispositions générales ne dérogent pas aux dispositions spéciales. « Specialia
generalibus derogant » : les dispositions spéciales dérogent aux dispositions générales ou le régime des choses spéciales
déroge au régime général. « In toto jure generi per speciem derogateur »: En droit, l’espèce déroge au genre.
2829
G. CORNU [2016], op.cit, p.922-923. Verbo : « tutelle »,
2830
Article 23 de la Loi n°014/2002.
459

pouvoir tutélaire. Par contre, les actes précis de gestion interne de l’ARPTC sont réellement
subordonnés à l’approbation ou à l’aval du Ministre des PTT dans deux cas : soit, pour leur
caractère exécutoire2831, soit pour la définition de leurs sanctions ou de leur procédure de mise
en œuvre2832.
1244. Le parti pris par le directeur de la réglementation de l’ARPTC ne résiste pas à la
critique, quand elle considère comme une « coquille » (lapsus du législateur) la tutelle du
Ministre des PTT sur l’ARPTC, telle que figurant à l’exposé des motifs de la LCT. 2833 Il en
est de même de l’argument simpliste, de considérer l’exposé des motifs (évoquant la tutelle du
ministre des PTT) comme détachable du texte de loi et l’article 2 de la loi n°014/2002
(évoquant le rattachement au Président de la République) comme étant une disposition
intangible dans le texte. Le contenu est cohérent avec des effets quant aux mécanismes
d’approbation (contrôle) de certains actes de l’ARPTC par le Ministre des PTT. Par contre, le
rattachement de l’ARPTC au Président de la République est dénué de contenu subséquent à ce
prétendu pouvoir hiérarchique. Les prérogatives tutélaires sont d’attribution et ne peuvent se
satisfaire de « décorum ». Par conséquent, le rattachement de l’ARPTC à la Présidence de la
République parait, en toute évidence, être un choix politique. En revanche, l’exposé des
motifs de la loi-cadre est conséquent, sur le plan législatif, en conférant un contenu légal
conforme à la tutelle voulue et s’exprimant sur certains actes administratifs de l’ARPTC par
les pouvoirs tutélaires du ministre des PTT.
1245. En effet, la loi-cadre de 2002 sur les télécoms renforce l’idée d’attribuer au
ministre des PTT l’approbation de plusieurs actes de l’ARPTC.2834 Cependant, la Loi
n°014/2002, dans son article 2, dispose que l’ARPTC relève du Président de la République,
mais ne donne aucune précision. Sans incidence juridique sur la tutelle, cette loi n°014/2002
fixe le pouvoir discrétionnaire du Chef de l’État pour la nomination des Président et Vice-
président de l’ARPTC. 2835 De même, ladite loi prescrit que le Président de la République
reçoit le Rapport des comptes de l’ARPTC, alors même que celui-ci est rendu public et
partagé à la connaissance des Ministres des finances et des PTT, sans aucun quitus à y
apporter2836.
1246. Ainsi, la confusion des deux lois sur la tutelle de l’ARPTC est contraire aux
objectifs d’une bonne gouvernance. La contradiction est, en effet, source de conflits entre
autorités publiques, intervenant dans le même secteur libéralisé des télécoms. Elle fait
obstacle aux objectifs d’une bonne conduite de politique sectorielle, responsable, faute d’un
exercice harmonieux de régulation. La restructuration de l’Autorité de régulation est devenue
une nécessité et une urgence. Les évolutions des propositions de régulation dans le monde
motivent pour corriger ces erreurs. Mais, le statut de l’ARPTC de 2002 n’est plus conforme
au régime général des établissements publics. La loi de 2002 se réfère encore à la loi-cadre du
06 janvier 1978 sur les entreprises publiques.2837 Cependant, depuis la promulgation en 2008

2831
Article 19, LCT-RDC, préc.
2832
Article 6, Loi n°014/2002 sur l’ARPTC, spécialement en ce qui concerne la prise d’un Arrêté du Ministre des PTT pour
la mise en mouvement du pouvoir d’arbitre équitable des litiges entre opérateurs dévolus à l’ARPTC par l’article 5 de la
même loi.
2833
LEPAGE BUSHABU WOTO, op.cit, p. 18 et s.
2834
Article 19, alinéa 1 et article 25, alinéa 1, LCT, préc.
2835
Article 10 alinéa 1, Loi-cadre sur les télécommunications RDC, préc.
2836
Article 28, alinéa 2, Loi n°014/2002, préc.
2837
JO RDC, 44e année, n) spécial, 25 janvier 2003, p. 19 et 49. L’exposé des motifs de la même loi créant l’ARTPC précise
que « l’option a été levée pour un organe public doté d’un statut intermédiaire situé entre le régime des entreprises publiques
instituées par la loi cadre du 06 janvier 1978 et le régime d’une régie mais doté d’une large autonomie »
460

du paquet des lois sur les entités administratives du portefeuille de l’État en RDC, cette loi
référence de 1978 est déjà abrogée.
2. L’ARPTC en porte-à-faux de l’évolution des lois sur le portefeuille de l’État
1247. La loi n°08-009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales applicables aux
établissements publics englobe le statut actuel de l’ARPTC. En effet, « La loi n°78-002 du 06
janvier 1978 portant dispositions générales applicables aux entreprises publiques inclut dans
sa définition tout établissement public quelle qu’en soit la nature. Il en découle que certains
établissements publics ne réalisant pas d’activités lucratives se sont retrouvées assujettis aux
mêmes contraintes que les structures opérant dans le secteur marchand ».2838 Aux termes de
l’article 1er de la loi n°014/2002 sur l’ARPTC, celle-ci « est une personne morale de droit
public dotée de la personnalité morale ». Et pourtant, selon l’article 3 de la loi n°08-009,
« L’établissement public est toute personne morale de droit public créée par l’État en vue de
remplir une mission de service public […] dispose d’un patrimoine propre […] jouit de
l’autonomie de gestion et est placé sous la tutelle du Ministre ayant dans ses attributions le
secteur d’activités concerné par son objet ».
1248. Le régime de l’ancienne loi-cadre du 06 janvier 1978 (où l’ARPTC était
comprise) est reprécisé par la loi n°08-009 du 7 juillet 2008 sur le portefeuille de l’État. Il
n’est plus inscrit de statut intermédiaire, car « suivant son objet, l’établissement public est à
caractère soit administratif, soit social et culturel, soit scientifique et technique ».2839 Ainsi,
son statut administratif, dûment précisé dans la loi sur sa création 2840, est renforcé par son
appartenance à la catégorie d’établissement public, plutôt qu’à celle d’entreprise publique.
L’ARPTC ne peut donc pas être qualifiée d’ « entreprise publique ». En effet, l’article 3,-3 de
la loi n°08-10 du 07 juillet 2008 organisant le portefeuille de l’État entend par « entreprise
publique : toute entreprise du portefeuille de l’État dans laquelle l’État ou toute personne
morale de droit public détient la totalité ou la majorité absolue des actions ou parts sociales ».
L’ARPTC ne dispose d’aucune structure d’actionnariat. Elle est un établissement public, tout
au moins un service public, au sens de la loi n°08-010 fixant les règles relatives à
l’organisation et à la gestion du portefeuille de l’État2841, et de la loi n°08-009 du 07 juillet
2008 sur les dispositions générales applicables aux établissements publics. Pour confirmer
cette assertion, l’article 11 de la Loi n°08-007 du 07 juillet 2008 portant sur les dispositions
générales relatives à la transformation des entreprises publiques précise que « Les entreprises
publiques dont les activités sont, soit non lucratives et non concurrentielles, soit le
prolongement de celles de l’Administration publique, soit bénéficiant d’une parafiscalité et
qui poursuivent une mission d’intérêt général, sont transformées, selon le cas, en
établissements ou en services publics ».2842
1249. L’ARPTC ne figure pas sur la liste des entreprises publiques transformées en
sociétés commerciales, ayant pour conséquence leur émancipation sous toute forme de tutelle,
dont l’administration et la gestion, (faisant partie du portefeuille de l’État) sont assurées par le

2838
Les Codes Larcier (RDC), Droit administratif, t.VI, B, éd. De Boeck et Larcier (Afrique édition), Bruxelles (Kinshasa),
2010, p.912.
2839
Article 4, Loi n°08-009 du 7 juillet 2008, préc.
2840
JO RDC, 44e année, n° spécial, 25 janvier 2003, p. 50. « N’ayant pas la vocation de générer et de recouvrer directement
des recettes, l’autorité ne peut disposer de conseil d’administration ni d’un collège des commissaires aux comptes à cause de
l’inadéquation de leur rôle classique avec le statut de l’Autorité et des difficultés de prise en charge financière de ces
organes ».
2841
JO RDC, n° spécial, 12 juillet 2008, p.25.
2842
JO RDC, n° spécial, 12 juillet 2008, p.5.
461

Ministre ayant le portefeuille de l’État.2843 Le statut intermédiaire de l’ARPTC, défini dans la


loi n°014/2002 portant sur sa création, n’a donc plus qu’un seul aspect, dérogatoire à la
législation générale sur les établissements publics de 2008. Il s’agit de l’absence de Conseil
d’administration et d’un Collège des commissaires aux comptes au sein de l’ARPTC (pour les
raisons susmentionnées). Le manque de structure organique classique d’un établissement
public2844sous l’autorité de l’ARPTC ne supprime pas les fonctions du conseil
d’administration, de la direction générale et des commissaires aux comptes qui sont, en
réalité, exercées par le Collège de l’ARPTC à savoir, son Président et le Ministre des Finances
en tant que contrôleur des comptes2845 de l’ARPTC. Ce Statut bivalent de l’ARPTC, « situé
entre le régime des entreprises publiques et le régime d’une régie dotée d’une large
autonomie »2846 ne dépasse aucunement le cadre général de la loi n°08-009 du 07 juillet 2008.
Cette dernière connait distinctement ces deux statuts sûrement réunis en un seul, dans le chef
de l’ARPTC. De ce statut, l’article 25 en déduit une tutelle obligatoire.
1250. Dès lors, il n’est plus possible que l’ARPTC dispose d’un statut sui generis ou
d’une « autorité administrative indépendante », comme l’ARCEP en France. Elle ne pourrait
pas non plus tirer la particularité de son statut du fait de son rattachement au Président de la
République. La vocation de tout établissement public est de disposer d’une tutelle, le choix
dépend du législateur. En 2002, la loi créant l’ARPTC l’a fait « relever » du Président de la
République. Cependant, le principe de la réforme du statut des entreprises publiques, en
établissements publics, exige une tutelle exercée par les ministres sectoriels pour tout service
public de son département. Une évolution est intervenue dans le régime de référence de la loi
de 2002, attenant aux entreprises publiques de 1978 désormais transformées en établissements
publics depuis 2008. Ainsi, elle doit relever d’un Ministère et non du Président de la
République.
1251. Cependant, son « principe d’autonomie décisionnelle »2847 selon l’accord de
l’OMC de 1997 ne paralyse pas le prescrit congolais de la tutelle ministérielle pour tout
service et établissement public. La tutelle, s’exerce sur des actes précis et n’affectent donc pas
l’autonomie, ni l’indépendance d’une autorité. Au contraire, le rattachement au Président de la
République donne un poids politique plus important que s’il s’agissait du rattachement au
Ministère. Dans tous les cas, l’indépendance administrative n’est pas liée au rang protocolaire
de l’autorité de rattachement, mais à une marge de liberté et d’autonomie d’action. De ce
point de vue, la proposition de réforme de loi n°014/2002 portant sur la création et le
fonctionnement de l’ARPTC doit tendre à soumettre son statut au droit des services publics et
à l’organisation du portefeuille de l’État. Il est aussi impératif de mettre fin à cette
contradiction du législateur concernant deux lois promulguées à la même date et dans le
même secteur des télécoms entre la tutelle fondée du Ministère et celle décrétée de la
Présidence de la République sur une même entité publique, à savoir l’ARPTC.

2843
Article 8, Loi 08-010 du 7 juillet 2008 fixant les règles relatives à l’organisation et à la gestion du portefeuille de l’État.
V. aussi Décret 09/12 du 24 avril 2009 établissant la liste des entreprises publiques transformées en sociétés commerciales,
établissements publics et services publics.
2844
Article 6 de la loi 008-009 du 7 juillet 2008 : « Les structures organiques d’un établissement public sont : 1. Le conseil
d’administration ; 2. La direction générale ; 3. Le collège des commissaires aux comptes ».
2845
Article 27, Loi n°014/2002 portant création de l’ARPTC.
2846
JO RDC, 44e année, n° spécial, 25 janvier 2003, p.49.
2847
Cf. supra, Partie 1, Titre 2, Chapitre 2, Section 1, §1 « La mise en œuvre de la déréglementation dans sa déclinaison
générique africaine », spécialement point B/ « La fonction de régulation face aux enjeux de défaillance des marchés et de
capture du régulateur en Afrique »
462

B. / L’AMBIGÜITE LEGISLATIVE ET ADMINISTRATIVE DU RATTACHEMENT HIÉRARCHIQUE


ET FONCTIONNEL DE L’ARPTC

1252. Des facteurs d’ordre constitutionnel et d’ordre législatif motivent le changement


du rattachement hiérarchique de l’ARPTC. Les enjeux de l’ère numérique incitent à une
transition des normes. Mais la réadaptation des règles institutionnelles du secteur des TIC a
aussi une influence dans le dynamisme des textes constitutionnels et dans les branches
externes du droit public, en tant que « droit de l’État ».2848 En l’occurrence, le droit
constitutionnel et le droit des services publics congolais imposent des règles organiques et
fonctionnelles, applicables aux autorités ministérielles et administratives de gouvernance du
sectorielle. En effet, la régulation des enjeux de l’ère numérique est fortement liée au statut
administratif du ministre des PTT et de l’ARPTC, quant à la définition sur leurs rapports de
collaboration ou de subordination. De ce point de vue, le droit public peut être identifié
comme « une réglementation fondatrice confrontées aux transformations numériques » et,
dans un autre, comme « une réglementation fondatrice pour les usages de l’informatique ».2849
1. La fragilité des arguments de rattachement tutélaire de l’ARPTC à la Présidence de la
République
1253. Depuis sa création (il y a douze ans), l’ARPTC a connu quatre (04) Collèges
successifs dont les membres sont nommés par le Président de la République. En RDC, le
conflit entre deux lois du 16 octobre 2002 sur les télécoms et sur l’ARPTC est resté en l’état
actuel du droit. Dans les développements antérieurs, le Directeur de la Réglementation de
l’ARPTC avait fait une étude sur le double énoncé de la tutelle de l’ARPTC devant être
exercée par le ministère des PTT, mais dans les faits c’est la Présidence de la République.2850
Au départ, le rattachement de l’ARPTC au Président de la République pouvait encore se
justifier pour établir son autonomie et son efficacité, face aux interférences des membres du
gouvernement. À cet effet, trois raisons essentielles étaient exposées dans les motifs de la loi
n°014/2002 sur la création de l’ARPTC. Il fallait, « à l’instar de certains autres pays, renforcer
son indépendance vis-à-vis du Ministre qui exerce aussi la régulation au nom de l’État
congolais ». De plus, « le secteur étant stratégique sur le plan de la sécurité, il ne faudrait pas
qu’il soit sous l’influence de plusieurs personnes ».2851 En 2002, il était admis que « le
contexte sociopolitique de notre pays [RDC] le recommande aussi ».
1254. Cependant, quatorze ans après, l’évolution du droit positif congolais conduit peu à
peu à ce que l’ARPTC ne relève plus du Président de la République mais du Ministre des
PTT. Premièrement, par souci d’indépendance, la proposition de loi modifiant la tutelle de
l’ARPTC soutient que « la dépendance de l’Autorité de régulation au Président de la
République la soustrait du contrôle parlementaire dans la mesure où le Président de la
République est irresponsable devant l’Assemblée nationale ». Le choix de tutelle
administrative, initialement fait pour renforcer l’indépendance de l’ARPTC face au ministre

2848
D. TRUCHET, Le droit public, Le droit de l’État, PUF, coll. « Que sais-je ? », 3e éd., n°1327, Paris, 2014 (2003), pp. 43 et
47. « Il est indispensable d’organiser ces règles dans un ensemble cohérent : c’est une exigence d’ordre, de méthode et
d’efficacité du droit public/ de justice et de démocratie aussi : qu’en resterait-il si, par exemple, le législateur s’affranchissait
du respect de la constitution ou l’administration de celui de la loi… ? »
2849
H. OBERDORFF, « L’espace numérique et la protection des données personnelles au regard des droits fondamentaux » in
Revue de droit public et de la science politique en France et à l’étranger, R.D.P., 2016, n°1, Lextenso, Issy-les-Moulineaux,
janvier 2016, p. 42-43.
2850
LEPAGE BUSHABU WOTO, op.cit, p. 59 et s. Cf. supra, Partie 2, Titre 1, Chapitre 1, Section 2, §1, B/, « Les erreurs
exemplaires de réglementation sous la LCT de 2002 ».
2851
« Exposé des motifs », Loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc.
463

des PTT, crée une situation excessive. L’ARPTC est considérée comme un service de la
Présidence de la République. Son rattachement hiérarchique est en contradiction avec
l’application de l’article 100 de la Constitution, alinéa 2, en vertu duquel « le Parlement […]
contrôle le Gouvernement, les entreprises publiques ainsi que les établissements et les
services publics ».
1255. Deuxièmement, le rattachement de l’ARPTC au Président de la République est
aussi pour une raison de sécurité, mais la proposition de loi soutient que « La Constitution qui
répartit les compétences entre les institutions, dispose en son article 91 alinéa 3 : la défense,
la sécurité et les affaires étrangères sont des domaines de collaboration entre le Président de
la République et le Gouvernement ». Le portefeuille des télécoms n’entre pas formellement
dans ce cadre limitatif. Les télécoms relèvent du Gouvernement qui en répond devant
l’Assemblée nationale, conformément à l’article 91 alinéa 5 de la Constitution.
1256. Ces raisons de sécurité sont avancées pour justifier la dépendance de l’ARPTC au
Président de la République. Cependant, elle (ARPTC) ne dispose pas dans ce domaine
(sécurité) d’attribution légale précise. Mais au contraire, l’article 6, e de la loi-cadre de 2002,
confère au ministre des PTT la mission de police et de surveillance générale du secteur des
télécoms, en collaboration avec les ministres ayant en charge la Justice, la Défense, la
Sécurité.
1257. Troisièmement, concernant l’évolution du contexte politique, la proposition de loi
soutient que « Par souci d’efficacité, de cohérence et de conformité à la Constitution en
vigueur, il est dès lors, impérieux que la tutelle de l’autorité de la poste et des
télécommunications revienne au Ministre qui a en sa charge, ce secteur au sein du
Gouvernement ». S’agissant de l’efficacité, deux autorités (Ministère des PTT et ARPTC)
interviennent en matière de réglementation et de régulation des télécoms. L’article 8, alinéa 2,
h) de la loi-cadre sur les télécoms présente l’ARPTC comme une autorité d’exécution de la
politique sectorielle, par sa mission de régulation. « Elle a pour attribution de : [...] Contribuer
à définir et à adapter, conformément aux orientations de la politique gouvernementale, le
cadre juridique général dans lequel s’exercent les activités relevant du secteur des
télécommunications ». En tant qu’instrument d’exécution du programme gouvernemental, elle
ne devrait pas raisonnablement demeurer rattacher au Président de la République.2852
1258. S’agissant de cohérence, le ministre veille à : a) assurer la séparation et
l’indépendance de la fonction de régulation du secteur des télécoms de celle de l’exploitation
des réseaux ou de fourniture de services des télécoms (article 7, a) de la LCT (RDC); cette
tâche n’incombe pas au Président de la République agissant (article 69 de la Constitution)
mais bien au ministre (article 93 de la Constitution). Celui-ci est responsable de son
département, il applique dans son secteur, le programme gouvernemental. Cette position est
cohérente avec l’article 91 de la Constitution, qui dispose : « Le Gouvernement conduit la
politique de la Nation ». Ce qui va de pair avec l’article 91, alinéa 5 de la Constitution
fondant la responsabilité du Gouvernement devant le parlement qui l’investit sur base d’un
programme (article 90, alinéas 3 et 4 de la Constitution). Le gouvernement dispose de
l’Administration publique (article 91, alinéa5 de la Constitution), et qui permet ainsi aux
ministres sectoriels d’exercer un contrôle sur les services et établissements publics.
Concernant la « montée en puissance des exécutifs contemporains [d]ans la plupart des
démocraties occidentales, le pouvoir exécutif n’est pas seulement un pouvoir d’exécution. Il

2852
Article 91, alinéas 1 et 2, Constitution de la RDC, préc. : « Le Gouvernement définit, en concertation avec le Président de
la République, la politique de la nation et en assume la responsabilité. Le gouvernement conduit la politique de la nation. »
464

apparait désormais comme le véritable centre d’impulsion et de décision, en matière politique,


économique ou sociale [...] Fort, souvent, d’une majorité politique dont il est issu et qu’il
dirige, l’organe exécutif s’impose ainsi face à un Parlement, fréquemment affaibli dans
l’exercice de sa fonction de contrôle »2853.
2. Les limites du droit des services publics congolais dans la réforme du statut de
l’ARPTC au regard de l’ARCEP ou du ministère de l’économie numérique en France
1259. En France, l’ARCEP a une compétence plus vaste encore en ce qu’elle régule
également les activités postales et a pour office de favoriser l’exercice d’une « concurrence
effective et loyale au bénéfice des utilisateurs », ce qui la rapproche singulièrement de l’office
général de l’autorité de la concurrence. le régulateur doit encore tenir compte de l’ « intérêt
des territoires » et de l’accès des utilisateurs aux services et aux équipements. L’ARCEP a
compétence pour réguler ce qui contient les informations transportées (contenant) tandis que
le conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a compétence pour réguler les informations
transportées (contenu). Cette distinction contenant/contenu fonde la dualité des régulateurs.
Mais elle est fragile et peu utilisée à l’étranger, d’autres pays préfèrent avoir un seul
régulateur pour le contenant et pour le contenu, dans la mesure où les informations peuvent
passer par divers contenants (par exemple, la télévision ou le téléphone). C’est pourquoi on
évoque parfois l’hypothèse de fusion des deux autorités de régulation. 2854
1260. Dans sa fonction économique, l’ARCEP surveille les marchés de gros, dans
lesquels les opérateurs doivent se comporter d’une façon transparente (transparence), non
discriminatoire et publier une offre de référence. Elle fixe les prix et oblige à une orientation
du tarif vers le coût, favorisant en aval le dynamisme concurrentiel (tarification). Ce
régulateur veille à l’accès au réseau de transports et au réseau de distribution jusqu’au
consommateur final (problématique de la boucle locale, voir Télécommunications). S’agissant
de la régulation technique, l’ARCEP peut assigner aux opérateurs des fréquences
radioélectriques qui sont des ressources rares (facilités essentielles), dont l’attribution peut
être retirée à l’opérateur en cas de manquement.2855 Au-delà de ces dimensions très
techniques, le régulateur exerce une fonction politique parce qu’il projette dans l’avenir une
certaine conception du secteur. Ainsi il peut estimer que la fibre optique doit être ou non
favorisée et contraindre les opérateurs en ce sens. De la même façon, il peut ou non adhérer à
la théorie de la « neutralité du Net », au nom de laquelle il peut imposer aux propriétaires d’un
réseau de l’ouvrir à d’autres utilisateurs, même si des investissements supplémentaires à
compenser sont nécessaires pour atteindre l’objectif de la régulation du droit de l’accès.
1261. La « capture du régulateur » est le terme usuellement employé dans les théories
économiques. Elle vise la situation dans laquelle une institution Ŕ en pratique le régulateur Ŕ
perd son indépendance par influence exercée par un tiers sur lui. La publicité des rapports par
le régulateur est sa façon de rendre des comptes en faisant usage des modes de responsabilités
et de « redévabilité » (reddition des comptes), mis en balance avec son indépendance. Or si le
régulateur est capturé par le secteur à contrôler, le système même de régulation s’ébranle. Il
« a pour fonction de contrôler en permanence le secteur, pour prendre en ex ante la

2853
L. FAVOREU, P. GAÏA, R. GHEVONTIAN, J.-L. MESTRE, O. P FERSMANN, A. ROUX et G. SCOFFONI, Droit constitutionnel,
Dalloz, coll. précis, 18e éd. 2010, Paris, 2015, p. 668.
2854
M.-A. FRISON-ROCHE, op.cit, pp. 14-15
2855
L’ARCEP dispose du pouvoir de retirer des fréquences aux opérateurs ne remplissant pas leurs obligations et peut
prendre des mesures conservatoires. Celles-ci peuvent être attaquées devant la Cour d’appel de Paris, sauf des cas de recours
devant le Conseil d’États. L’autorité exerce un pouvoir de règlement de différends et un pouvoir de sanction.
465

réglementation qui convient et pour sanctionner en ex post les manquements qu’il a pu


constater », sinon sa capture par le marché annihile son office.2856
1262. Actuellement, la RDC ne peut comme en France reconnaître à l’ARPTC, le statut
d’ « Autorité administrative indépendante » (AAI). Elle doit arriver à une réforme plus
globale du statut des services publics. L’ARCEP française se distingue, en effet, de l’ARPTC,
par son statut d’AAI, comme le sont les autorités de la concurrence, le CSA, le CRE,
l’Autorité de marchés financiers, CNIL. À ce titre, elle fait partie de l’État français, tout en
étant indépendant du gouvernement. Son attribution lui vient certes du Parlement, mais depuis
2016, son budget est imputé sur le programme budgétaire 134 du ministère de l’Economie.
1263. En droit congolais, les formes les plus importantes d’autonomies reconnues à des
services publics se limitent aux « Institutions d’appui à la démocratie », directement créées
par la Constitution2857. En effet, ce statut organique et fonctionnel, détaché des pouvoirs
judiciaire, législatif et exécutif, n’est reconnu qu’à la Commission nationale électorale
indépendante (CENI)2858 et au Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication
(CSAC)2859. Quoique disposant d’un statut atypique en droit des services publics, l’ARPTC
ne peut en aucun cas être assimilée ni prétendre au statut de ces institutions (défini
directement par la Constitution), sauf dérogation par une « loi organique 2860».2861
1264. Nous avons déjà vu que la loi n°008-009 sur les établissements publics est
intervenue dans le paquet des lois du 07 juillet 2008 relatives à l’organisation et à la gestion
du portefeuille de l’État ainsi qu’au désengagement de l’État. Cette réforme générale des
services administratifs étatiques réserve le pouvoir tutélaire des établissements publics aux
ministres et non au Président de la République. En quoi consiste son pouvoir hiérarchique sur
l’ARPTC ? Quel est son contenu ? En droit, les compétences étant d’attribution2862, il ne
ressort de l’analyse aucun contenu juridique lié à la fonction hiérarchique que la loi
n°014/2002 confère à la présidence de la RDC sur l’ARPTC. Il a été constaté également que
le législateur de 2002 n’en tire pas des conséquences juridiques devant permettre d’organiser
ce rattachement hiérarchique. La situation politique conjoncturelle en RDC (guerre civile de
1998 à 2003) avait amené le législateur de 2002 à choisir, selon des nécessités de contrôle
stratégique des télécoms.2863 Au vu de toutes les attributions tutélaires conférées au ministère

2856
M.A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation, coll. « que sais-je ? », PUF, 1re éd., 2011, pp. 33-34
2857
D. BARANGER, Le droit constitutionnel, à la recherche de l’ordre politique idéal, PUF, coll. « Que sais-je ? », n°3634, 6e
éd., Paris, 2013 (2002), p. 9. « Le pouvoir constitutionnel, qui est une mise en forme du pouvoir politique par le droit, est
exercé par des institutions et suppose la formulation des règles juridiques. Une institution n’est autre qu’une action humaine
dissociée de son auteur et considérée en elle-même. »
2858
Article 211, Constitution de la RDC, péc. : « Il est institué une Commission électorale nationale indépendante dotée de la
personnalité juridique. […] Une loi organique fixe l’organisation et le fonctionnement de la Commission électorale nationale
indépendante ».
2859
Article 212, Constitution de la RDC, préc. : « Il est institué un Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la
communication dotée de la personnalité juridique. […] La composition, les attributions, l’organisation et le fonctionnement
[…] sont fixés par une loi organique».
2860
P. AVRIL et J. GICQUEL, Lexique de droit constitutionnel, Vocabulaire citoyen, PUF, coll. Que sais-je ?, 4e éd., Paris, 2014
(2003), p. 73. En France comme en RDC, la « Loi organique » conserve la même définition. « Traditionnellement, loi
relative à l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics. […] La Constitution de 1958 (art.46) a défini cette notion
jusque-là imprécise : est organique, la loi prévue par la Constitution, adoptée selon une procédure particulière, et
obligatoirement soumise au contrôle du Conseil constitutionnel (art.61, al. 1er)»
2861
Article 222, Constitution de la RDC : « Toutefois, par une loi organique, le Parlement pourra, s’il échet, instituer
d’autres institutions d’appui à la démocratie ».
2862
G. CORNU [2005], op.cit, p. 89. En parlant d’une autorité ou d’un organe, il s’agit du « contenu d’une fonction conférée
par la loi ; plus précisément : catégorie d’actes ou de matières qui entre dans les pouvoirs ou la compétence de cette autorité
ou de cet organe ».
2863
P. BOUVIER, Le dialogue intercongolais, Anatomie d’une négociation à la lisière du chaos, contribution à la théorie
générale de la négociation, L’Harmattan, coll. Cahiers africains, n°63-64, Paris, 2004, p.50-53, . La guerre de contestation de
légitimité contre le Président Mzee, tombeur de Mobutu en RDC, éclate en RDC en aout 1998 dans la partie Est du pays. Il
466

des PTT sur plusieurs actes de l’ARPTC (dans la loi n°014/2002), le projet législatif qui en
porte modification, ne devrait-il pas se détacher du choix purement politique de la tutelle
présidentielle ? Dans la réforme en cours du cadre légal, le Ministre des PTT en charge du
processus a choisi de ne pas intervenir, en invitant le Chef de l’État à statuer lui-même sur la
question.
1265. La nature du pouvoir hiérarchique du Président de la République sur l’ARPTC
devrait se structurer autour du contrôle des actes de l’organe placé sous son autorité.
Cependant, aucune disposition de la loi n°014/2002 ne dispose concrètement d’une
quelconque attribution en ce sens, à son profit. La tutelle dont il est question ne permet ni
d’exercer de contrôle financier (audit)2864, ni à d’approuver préalablement certains de ses
actes, ni présenter un Rapport d’exercice comptable destiné à un contrôle postérieur. 2865 Le
corps de la loi sur la création de l’ARPTC n’indique pas clairement les matières sur lesquelles
s’exercerait une telle tutelle. En effet, comme le précise la doctrine : « À la différence du
pouvoir hiérarchique qui est de droit commun, la tutelle est conçue comme un pouvoir
exceptionnel. La tutelle ne se présume pas ; elle n’existe que dans la mesure et les limites où
la loi l’a organisée… ».2866
1266. En revanche, les lois n°013/2002 (LCT) et n°014/2002 sur l’ARPTC ont
effectivement organisé les actes tutélaires du Ministère des PTT sur l’ARPTC. Tel en est le
cas des dispositions concernant l’approbation du Ministre des PTT sur les actes du collège de
l’ARPTC, dans la LCT (RDC). Premièrement, « La licence d’exploitation et le cahier des
charges sont préparés par l’Autorité de Régulation approuvés et signés par le Ministre et
publiés au journal officiel ».2867 Deuxièmement, « L’Autorisation et le cahier des charges qui
lui est annexé, sont délivrés par l’autorité de régulation, après approbation du Ministre ».2868.
Finalement, le Professeur Vunduawe, doyen des juges de la Cour constitutionnelle de la RDC
tranche qu’« En droit positif congolais, le contrôle de tutelle sur les actes s’exprime de deux
manières : […] par tutelle a posteriori, lorsque le caractère exécutoire est subordonné à
l’approbation qui rétroagit à la date de l’édiction de la décision ».2869 Ainsi, l’exercice a
posteriori d’un pouvoir d’approbation du Ministre sur les actes de l’ARPTC constitue bien un
exercice de contrôle tutélaire pour les actes de cette institution, selon le vœu de la loi-cadre

faudra la signature de l’Accord de cessez-le-feu à Lusaka (Zambie) le 10 juillet, le 30 juillet et le 31 août 1999 pour entamer
les négociations de paix dans le cadre du « dialogue intercongolais ». L’ « Accord global et inclusif sur la transition en
République Démocratique du Congo » est signé le 17 décembre 2002 à Pretoria (Afrique du Sud) entre les opposants armés,
le Gouvernement et l’opposition politique. L’accord vise le partage équitable et équilibré du pouvoir au sein du
Gouvernement, du Parlement, des Ambassades, de l’Armée, de la Police, des entreprises et établissements publics. Le
Ministère des PTT doit revenir, aux termes de cet accord, à la rébellion de l’Est du pays (le RCD-Goma) à l’origine de la
guerre dans le pays. La promulgation de la « Constitution de transition » du 4 avril 2003 maintient le Chef de l’État au-dessus
de l’exécutif, sans Premier Ministre. La volonté est de rattraper par l’envers ce qui a pu être concédé par endroit. Ainsi,
quelques mois avant l’accord du 17 décembre 2002, la Présidence de la République anticipe au niveau du Parlement,
« Assemblée Constituante et Législative-Parlement de transition » (ACL-PT, en sigle), non encore passée sous la coupe
réglée de l’Accord pour que les lois du 16 octobre 2002 interviennent en matière des télécoms. La tutelle présidentielle sur
l’ARPTC est demeurée en l’état à ce jour. Et le Président de la République étant la plus haute institution, tout changement
législatif reste délicat, d’autant que l’ARPTC se plait elle-même dans le statu quo.
2864
JO RDC, 44e année, Numéro spécial, 25 janvier 2003, p.50. L’exposé des motifs de la Loi n°014/2002 sur l’ARPTC
renseigne que « cependant, le contrôle financier de l’Autorité reste ouvert au Ministre ayant les finances dans ses attributions
à travers les audits externes et les mécanismes classiques de contrôle usités par ce Ministère ».
2865
Article 28, alinéa 2, loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc. « Le rapport [annuel de l’ARPTC] est rendu public et adressé
au : Président de la République, Ministre ayant les Finances [...] et Ministre ayant les postes et télécommunications dans ses
attributions »
2866
A. DE LAUBADERE, Manuel de Droit Administratif, 12è éd., L.G.D.J, Paris, p. 167.
2867
Article 19, alinéa 1, LCT 2002, préc.
2868
Article 25, alinéa 1, LCT 2002, préc.
2869
VUNDUAWE TE PEMAKO, Traité de Droit administratif, Larcier, Bruxelles, 2007, pp. 839-840.
467

sur les télécoms dont, sur ce point précis la loi créant l’ARPTC ne déroge pas puisque
silencieuse.
1267. À la différence de l’ARPTC rattachée au Président de la république, l’évolution de
la législation congolaise sur les services publics consolide, dans ses options, les pouvoirs de
« tutelle d’opportunité » du ministre des PTT sur les actes de l’ARPTC. Il en est ainsi des
choix postérieurs à la loi n°08/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales,
applicables aux établissements publics.2870 L’article 19, alinéa 1 et 25 de la loi-cadre de 2002
prescrit le mécanisme d’approbation préalable par le ministère des PTT pour plusieurs actes
de l’ARPTC. Aux termes de l’article 25 de la loi n°08-009 du 7 juillet 2008 sur les
établissements publics, il est de principe que « L’établissement public est placé sous la tutelle
du ministre en charge du secteur d’activités concerné». D’autre part, l’alinéa 2 du même
article précise que : « Les statuts de l’établissement public déterminent les matières sur
lesquelles portent la tutelle ainsi que les mécanismes de son exercice ». La forme d’expression
de la tutelle est définie à l’alinéa 3 de ce même article 25 qui explique que « Le Ministre de
tutelle exerce son pouvoir de contrôle par voie d’approbation ou d’autorisation ».
1268. Il est vrai que dans les structures de l’ARPTC (dirigée surtout par un Collège),
l’absence de conseil d’administration peut poser question sur la tutelle définie par les articles
26 à 29 de la loi n°08-009 du 7 juillet 2009 sur les actes d’administration concernés.
Cependant, la LCT de 2002 renforce la conviction d’un contrôle tutélaire du Ministre des PTT
sur les décisions du Collège de l’ARPTC. Cependant le législateur congolais des télécoms ne
précise pas comment prendre les approbations, car par délégation prévue par la constitution, le
Ministre des PTT « statue par arrêté »2871 et dispose de latitude dans sa décision. Le
législateur est également silencieux sur le délai nécessaire du ministre, pour donner cette
approbation. En analysant, il est facile de soutenir, avec une rigueur scientifique, que le
Régulateur est soumis au régime de tutelle d’opportunité du ministre des PTT, l’approbation
(des autorisations et licences) sur les actes préalables de l’ARPTC étant indiscutablement un
mécanisme de contrôle hiérarchique du ministre.2872
1269. L’exercice de la tutelle sur les actes est plus « respectueux de l’autonomie2873 » de
chaque autorité. Il est important de le souligner puisque l’idée de tutelle n’est pas contraire à
l’autonomie ni à l’indépendance de l’ARPTC, voulue par l’accord de l’OMC de 1997 et
traduit par le législateur de 2002. Celle-ci étant limitée à des actes précis, par des approbations
ponctuelles ; elle ne nuit pas à l’efficacité de l’autorité de régulation, ni ne crée davantage
d’interférence à son action. La tutelle de fait et de droit du ministre, sur les actes de l’ARPTC
n’est donc pas contraire à son autonomie statutaire et fonctionnelle.
1270. Plus de 10 ans après sa création et son fonctionnement, les innovations du projet
de loi, spécifique à l’ARPTTIC sont susceptibles d’apporter des évolutions au statut et aux
prérogatives de l’ARPTC. Mais malheureusement, le projet de loi de restructuration de
l’ARPTC est plus orienté par une prise de position politique, tendant au renforcement de son
autonomie face au Ministère des PTT. Dans son rapport d’enquête de 2008 sur le cadre
réglementaire, le Sénat congolais est éloquent : « L’importance t la place de la régulation
dans un secteur aussi vital que les télécommunications qui évoluent désormais dans un
environnement concurrentiel et libéral ne sont plus à démontrer. Aussi, le caractère

2870
JO RDC, n° spécial, 12 juillet 2008, p.17.
2871
Article 93, alinéa 2, Constitution de la RDC, préc.
2872
A. MBAUNEWA NKIERI, op.cit, p. 163-164.
2873
Dalloz, Lexique des termes juridiques, 17e éd., Dalloz, Paris, 2009, p. 723.
468

incontournable de la régulation pour gérer ce secteur conformément aux normes de l’Union


Internationale des Télécommunications requiert-elle une intervention efficiente et régulière du
Ministère des PPT dans la sphère des compétences qui est la sienne. Or, les lois sus-indiquées,
au lieu de permettre le développement escompté et favoriser une exploitation optimale du
secteur des télécommunications en RDC sont plutôt à la base de la confusion ayant entraîné
les conflits de compétences entre le Ministère des PTT, l’Autorité de Régulation et le
Secrétariat général aux PTT ».2874
1271. Pourquoi ne pas franchir le cap de création d’un ministère de l’économie
numérique distinct du ministère des PTT, afin d’éviter des confusions de rôles d’autorités
étatiques dans un seul et même secteur des télécoms ?
1272. À ce jour en RDC, les activités du portefeuille des PTT de 1996 s’insèrent dans
l’économie numérique, mais les transformations structurelles n’ont pas suivi. La régulation
des télécoms est restée sectorielle, tandis que deux organes étatiques continuent d’assurer la
représentation et la réglementation de l’État sur le même marché.
1273. En France, sur le plan organique, le Ministère de l’économie numérique a
supplanté le traditionnel ministère des PTT, en l’insérant dans le Ministère de l’économie et
des finances. Les compétences du Secrétariat d’État en charge du numérique se consacrent à
« la promotion et la diffusion numérique, aux contenus numériques, à la politique de données
numériques et d’inclusion numérique ainsi que celles relatives aux droits et libertés
fondamentaux dans le monde numérique et à la sécurité des échanges, des réseaux et des
systèmes d’information ».2875 Il est tout normal que dans un marché libéralisé des
communications électroniques, l’État désengagé de l’exploitation puisse s’assurer de
« l’élaboration de la réglementation relative au numérique, en particulier aux
communications numériques ». C’est en ce sens que l’État « participe à la mise en œuvre du
programme des investissements d’avenir dans le domaine numérique ». Le gouvernement
contribue « à accélérer la transformation numérique de l’action publique et de l’économie ».
Il joue également un rôle incitatif « au développement des entreprises et des acteurs français
au numérique ».2876

§2. La reconfiguration de l’ARPTC en « ARPTNTIC »


entre les enjeux classiques de « service universel »
et les tendances nouvelles du numérique

1274. La réforme congolaise de l’ARPTC projette d’élargir son intitulé sur les questions
des NTIC, en changeant son appellation en « ARPTNIC ». Mais, en premier lieu, l’ARPTC
est l’autorité centrale de mise en œuvre du « service universel » des télécoms2877 et de
l’ « inclusion numérique ».2878 La lutte contre la fracture numérique demeure pour le pays un
enjeu majeur, de transition, dans sa participation à l’ère numérique. (A./). De plus, la réforme
de l’ARPTC est encore loin des enjeux des tendances nouvelles de la régulation à l’ère
numérique. Le projet de loi sur l’ARPTC n’envisage pas la régulation convergente ni
l’interrégulation, en dépit du caractère transversal des NTIC. (B./).

2874
M. MUTINGA MUTUISHAYI et alli, op.cit, , p. 5-6.
2875
Décret n°2014-435 du 29 avril 2014 relatif aux attributions déléguées à la Secrétaire d’État chargée du numérique.
2876
Ibidem.
2877
Article 3, point q), Loi n°014/2002, préc. : L’ARPTC a pour mission de « veiller à ce que les fonds du service universel
soient utilisés pour assurer la prestation d’un service universel dans le domaine postal et des télécommunications ».
2878
Article 3, point r), Loi n°014/2002, préc. : L’ARPTC a pour mission de « s’assurer que les citoyens bénéficient des
services fournis à l’aide des nouvelles technologies de l’information et de la communication ».
469

A. / LA DISPONIBILITE DE L’ACCÈS UNIVERSEL ET L’INCLUSION NUMÉRIQUE


AU CENTRE DES OBJECTIFS DE LA RÉGULATION

1275. En droit congolais, le service universel est « le droit de chacun au bénéfice du


service téléphonique de base, du télex, des publiphones à un coût raisonnable depuis toute
région habitée du pays ».2879 Cet enjeu primaire s’insère dans un objectif politique, encadré
par une législation. Même en Europe, l’enjeu est « de garantir un accès aux services de
communications électroniques à l’ensemble de la population et sir l’ensemble du territoire en
substituant l’action des autorités publiques aux mécanismes de marché ».2880 C’est pour
arriver à un « accès minimal en économie concurrentiel », que la directive européenne
97/33/CE a pris le soin de le définir.2881
1276. Le manque d’accès au réseau rend le commerce électronique impossible. De
même, sans grande télé-densité, ce négoce ne peut se développer, le réseau étant porteur des
valeurs du commerce en ligne. Cela rappelle l’interprétation de portée universelle du
législateur européen, selon laquelle « le développement du commerce électronique dans la
société de l’information offre des opportunités importantes […] pour autant que tout le
monde puisse accéder à l’information ».2882
1277. Ainsi, les politiques publiques sont un levier pour les indicateurs clés des TIC,
permettant à la RDC de se rattacher au commerce électronique mondial, dominé par les
grands pôles européen et américain. Le législateur congolais des télécommunications a donné
mission à l’ARPTC de « s’assurer que les citoyens bénéficient des services fournis à l’aide
des nouvelles technologies de l’information et de la communication ».2883 Les politiques
publiques font intervenir une législation et une régulation avisées, afin de constituer un levier,
pour un changement positif des indicateurs clés des TIC et pour améliorer le PIB national.
1. L’accès universel comme aspect fondamental du droit de la régulation
1278. En droit des télécoms, l’accès est un aspect essentiel. Dans l’économie de marché,
l’accès est ouvert pour un nouvel entant, sauf les barrières construites par un comportement
anticoncurrentiel dont la sanction est réservée à une autorité de concurrence intervenant ex
post. L’« impératif d’accès est une conséquence de la dérégulation parce qu’il y a une volonté
politique à organiser l’accès en construisant la concurrence face à la puissance des opérateurs
au regard de nouveaux entrants. Ainsi se dégage l’idée d’un droit fondamental d’accès dont le
régulateur est l’organisateur ex ante et le gardien ex post.2884
1279. En Europe, le Livre vert de 2003 sur l’intérêt général conservait encore l’idée des
années 1990 des services universels comme « un ensemble d’exigences d’intérêt général »
dans l’objectif de mise à disposition à tous consommateurs et utilisateurs de certains services
« indépendamment de leur position géographique, au niveau de qualité spécifié et, compte
tenu des circonstances nationales particulières, à un prix abordable ».2885 Mais, définitivement,
la relation n’est plus aussi étroite comme au départ entre service public et service

2879
Article 4, point 30, LCT, préc.
2880
J. CATTAN, op.cit, p. 191.
2881
Article 2, paragraphe 1, point g), directive 97/33/CE sur l’interconnexion, préc. Le service universel est « un ensemble de
services minimal défini d’une qualité donnée, qui est accessible à tous les utilisateurs indépendamment de leur localisation
géographique et, à la lumière des conditions spécifiques nationales, à un prix abordable »
2882
Considérant n°2, Directive 2000/31/CE, préc.
2883
Article 3, r), Loi n°014/2002, préc.
2884
M.A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation, op.cit, p. 7.
2885
P. CHAMPSAUR, L’interconnexion et le financement du service universel dans le secteur des télécommunications, La
documentation française, Paris, avril 1996, p. 13, cité par J. CATTAN, op.cit, p. 190.
470

universel.2886 Un compromis a été trouvé en Europe entre la libération des activités de réseau
imposée par le droit communautaire et les conceptions nationales Ŕ notamment française Ŕ du
services public ».2887 De nous jours, en Europe la directive 2002/22/CE du 7 mars 20022888
modifiée par la directive 2009/136/CE du 25 novembre 2009, dite « directive "service
universel" » encadre cette question qui occupe une place de choix dans la dérégulation des
télécoms. Elle garde la connotation de « fournir un ensemble minimal de services déterminés
à tous les utilisateurs finals à un prix abordable ».2889
1280. En RDC, les articles 39 et 40 de la Loi-cadre sur les télécoms en RDC attestent de
l’adoption des principes identiques de service universel, qui ont été adoptés dans le cadre de
la dérégulation et mis à la charge de l’autorité de régulation.
1281. En effet, cette régulation du service universel ne se posait guère tant que le régime
de monopole était en vogue. Avant la libéralisation, l’État entrepreneur pouvait, grâce à ses
rentes monopolistiques, financer des activités non-rentables, notamment la couverture totale
de la population en services des télécoms. Le service universel s’est posé, en économie
concurrentielle, comme un enjeu d’égalité et de disponibilité d’accès minimal aux services
publics. Le marché pourrait réponde à ce besoin de résorption des contraintes géographiques
et tarifaires, mais les résultats économiques restent le but des opérateurs. Le service universel
apparaît alors comme le "filet de secours" de l’économie de marché, sans pour autant que
l’intervention extérieure du régulateur ne provoque une distorsion de la concurrence. 2890 À cet
effet, plusieurs mécanismes sont de mise pour prévenir le risque d’exclusion sociale des
citoyens tout en préservant le marché, notamment : les obligations spécifiques de prix
raisonnable, de déploiement du réseau, de raccordement, les services obligatoires, la
péréquation financière, fourniture ininterrompu des services dans une qualité donnée
(continuité), désignation de l’opérateur historique comme agent d’exécution de ces
obligations, etc.2891
1282. Dans l’expérience comparée de la France, l’un des trois objectifs majeurs de la loi
pour la République numérique concerne l’« accès au numérique »2892 au moyen de mesures de
trois ordres. D’abord, le concept « numérique et territoires »2893 s’installe dans les
compétences et l’organisation des collectivités territoriales. Les mesures de « couverture
numérique » impliquent lesdites collectivités à plusieurs égards : accélération, facilitations
réglementaires, soutien financier pour le déploiement des infrastructures de réseau (pylônes
pour la téléphonie mobile). Depuis 2013, la France met en œuvre un plan d'équipement de
tout son territoire en réseaux à fibre optique à l’horizon 2022. Précisément, le très haut débit
(THD) doit mobiliser un investissement public et privé, d'un montant global de 20 milliards

2886
Commission européenne, Livre vert sur les services d’intérêt général, COM (2003) 270, 21 mai 2003, p. 16.
2887
E. GUILLAUME, « Le service universel des communications électroniques », in Lamy, Droit des médias et de la
communication, Étude 435, juin 2009, cité par J. CATTAN, op.cit, p. 174.
2888
Directive 2002/22/CE du P.E et du Conseil du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs
au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »), JOCE L 108, 24 avril
2002, p. 51 et s.
2889
Considérant n°4, Directive 2009/136/CE du P.E et du Conseil du 25 novembre 2009 modifiant la directive 2002/22/CE
concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications
électroniques, la directive 2002/58/CE concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie
privée dans le secteur des communications électroniques et le règlement (CE) n°2006/2004 relatif à la coopération entre les
autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs, JO L
337, 18 décembre 2009, p. 11-36.
2890
J. CATTAN, op.cit, p. 171.
2891
Article 35-1 à -6, CPCE.
2892
Titre 3, Loi pour la République numérique, préc.
2893
Chapitre 1er, Titre 3, Loi pour la République numérique, préc.
471

d’euros. En fait, « Le droit à la fibre, notamment, permettra à n'importe quel résident d'un
immeuble, propriétaire ou locataire, d'obtenir le raccordement de son logement au réseau de
fibre optique, sans avoir à solliciter l'autorisation de sa copropriété, dès lors que les accès
physiques le permettent. ».2894
1283. Ensuite, plusieurs « facilitations d’usages »2895 intéressent le commerce et les
échanges électroniques, pour les usages comme : le « recommandé électronique » et la
« fourniture des services de paiement dans le cadre de l’exclusion de demande d’agrément
applicable à certains instruments de paiement »,2896 la « simplification des ventes
immobilières » ou encore la reconnaissance officielle de l’e-sport en tant que pratique
professionnelle compétitive des jeux vidéo. Pour ces derniers, la « loi Numérique » prévoit
une régulation des jeux en ligne, un statut social pour les joueurs professionnels et un régime
d’autorisation parentale concernant les joueurs et les spectateurs mineurs.
1284. Enfin, l’« accès des publics fragiles au numérique »2897 est organisé par la loi. Au
sens de l’article 104 de la « loi Numérique », cet « accès des publics fragiles au numérique »
tient compte de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances,
la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. En particulier, les collectivités
sont censées assurer une accessibilité du numérique aux personnes handicapées
[malentendantes] pour les services téléphoniques ou pour l’Internet [aux personnes non-
voyantes]. Cette obligation d’accessibilité concerne également les grandes entreprises de
distribution ou les constructeurs des téléphones. Pour le dix prochaines années, cette mesure
enjoint l’organisation des filières de « télé-conseillers » ou de « traducteurs en langage de
signe » ainsi que la gestion de services d’accessibilité téléphonique grâce à une mutualisation
des coûts au sein d’un groupement interprofessionnel associant nécessairement les opérateurs
de communications électroniques. Par ailleurs, la « loi Numérique » instaure le « droit au
maintien de la connexion » en faveur des personnes les plus démunies, en cas de défaut de
paiement, pour le temps de l’instruction de leur demande d’aide auprès des services
départementaux. En outre, les collectivités françaises doivent déployer une stratégie de
développement des usages et services numériques à l’échelle territoriale. L’offre de « services
de médiation numérique » devrait servir à accompagner les populations dans l’utilisation du
numérique.
1285. En RDC, « aux fins de financer le service universel et de garantir le
développement des télécommunications dans les zones rurales et isolées, il est créé un fonds
de service universel et de développement de télécommunications ».2898 Ce fonds n’est
toujours pas créé. Par ailleurs, en principe, « Les recettes tirées des frais de licence,
d’autorisations de déclarations, de taxes et redevances, en rapport avec les
télécommunications, servent, essentiellement, au développement des
2899
télécommunications » . Le trésor public, au nom du principe de son unicité, encaisse

2894
« La #LoiNumérique en 15 points clés » [http://www.economie.gouv.fr/republique-numerique/15-points-cles] (consulté
le 1er mars 2017).
2895
Chapitre 2, Titre 3, Loi pour la République numérique, préc.
2896
« La #LoiNumérique en 15 points clés » [http://www.economie.gouv.fr/republique-numerique/15-points-cles] (consulté
le 1er mars 2017). Cette mesure de la « loi Numérique » contribue à la facilitation des campagnes de dons par SMS. Ainsi,
« les associations faisant appel public à la générosité pourront désormais recevoir des dons par SMS. Chaque donateur pourra
donner jusqu'à 50 €, dans une limite de 300 € par mois, par le simple envoi d'un SMS depuis son téléphone mobile. Cette
mesure, réclamée par de nombreuses associations, afin notamment d'élargir et de rajeunir leurs communautés de donateurs,
doit entrer en application à la fin de l’automne. »
2897
Chapitre 3, Titre 3, Loi pour la République numérique, préc.
2898
Article 39, LCT, préc.
2899
Article 40, LCT, préc.
472

lesdites recettes et exécute les dépenses générales inscrites au Budget de l’État, sans assurer la
subvention du développement du secteur. En juillet 2009, le « document de politique
sectorielle » sur le secteur des télécoms et des TIC de la RDC dressait au Congo et en Afrique
centrale le bilan réel de l’accès aux télécoms, de la pénétration des TIC, du développement et
de la gouvernance numériques2900. Il était question d’actualiser ce document tous les cinq ans,
mais cela n’a pas été réalisé. L’enjeu primordial est celui du bénéfice de l’offre d’accès aux
communications numériques, afin d’être connecté au commerce électronique pour y prester
ou consommer. Cet enjeu largement pris en compte en Europe2901 et en Amérique du Nord2902
est d’assurer l’accès universel aux moyens de communications et au commerce électroniques.
2. L’accès aux communications électroniques comme préalable pour le commerce
électronique dans la lutte contre la fracture numérique
1286. Les télécoms constituent la base du commerce électronique. Cependant, les
infrastructures techniques de ces activités numériques demeurent fortement concentrées en
Europe et aux USA. Selon Coley, Cradler et Engel (1997), l’accès à l’Internet n’est pas
distribué de façon strictement aléatoire, est surtout en lien avec le niveau de revenus et
d’instruction. Concernant l’information, les préoccupantes disparités économiques avec
l’étendue des TIC ont amené Lloyd, ancien Président de la Fondation Markle, à parler de
« fracture numérique » entre les riches et les pauvres.2903 Au cours de l’année 2000, 85% des
sites Internet sont installés aux États-Unis, les autres étant principalement en Europe
occidentale et dans quelques pays d’Asie. Ainsi, avec moins de 5% de la population mondiale,
les États-Unis détenaient 25% des usagers de l’Internet. « Selon l’institut Forest Research, le
monde devrait compter en 2013 quelque 2,2 milliards d’internautes. Ce qui représentait une
progression de 45% en cinq ans, puisque l’évaluation 2009 recensait 1,5 milliards
d’utilisateurs du Net […] L’Amérique du Nord (qui représentait 17% de la population
mondiale connectée en 2008, tombera à 13% en 2013. L’Europe passera également de 26% à
22%. Tandis qu’à l’inverse, la Zone Asie-Océanie grimpera de 38% à 43%. Autant de
données factuelles que la réalité politique ne pourra longtemps ignorer ».2904
1287. Un développement aussi inégal crée nécessairement une « fracture numérique »
entre ces régions du monde. Les pays dont le revenu par habitant est le plus élevé, sont aussi
ceux où l’introduction de l’Internet est la plus large. Cette inégalité de l’accès à l’Internet se
traduit inévitablement par des différences dans la réalisation du commerce électronique,
appelées « fracture commerciale ». Pour les pays du sud, le manque de médias informatiques
crée une inégalité d’accès au cyberespace et, par conséquent, à ses avantages économiques.
Le manque d’accès à l’information freine les conceptions nouvelles du pouvoir. Le Président
des États-Unis, Barack Obama en février 2015, déclare : « Nous avons possédé Internet. Nos

2900
Ministère des PTT, Document de Politique sectorielle, stratégie de développement du secteur des télécommunications et
des technologies de l’information et de la communication de la RDC, juillet 2009, Kinshasa, pp. 45, spéc., p. 3,4, et 5.
2901
Considérant n°2, Directive 2000/31/CE, préc. : « le développement du commerce électronique dans la société de
l’information offre des opportunités importantes [...] pour autant que tout le monde puisse accéder à l’information ».
2902
Cf. pour les États-Unis : Communications Act, 1934, Titre 1, Section 2. La législation de 1934 a adopté en des termes
vagues mais bien novateurs l’objectif de service universel, comme celui de la recherche de l’accès universel. Le sens est celui
de « la couverture universelle d’une population et d’un territoire en services de communication. K. P. JAYAKARA et H.
SAWHNEY, « Universal service : beyond established practice to possibility space », Telecommunication policy, Vol. 28, 2004,
p. 320 et 342, cité par J. CATTAN, op.cit, p. 172.
2903
A. CARLOS GAMBOA, RON LAPORTE et F. SAUER, « Réduire la fracture numérique », in PNUD, Coopération Sud – Tous
« Branchés » : les technologies de l’information et de la communication pour le développement, numéro un, PNUD, New
York, 2001, pp. 106-107.
2904
N. ARPARGIAN [2010], op.cit, p. 13-14.
473

entreprises l’ont créé, l’ont étendu, l’ont perfectionné, de telle manière qu’ils [les Européens,
ndlr] ne peuvent pas lutter 2905».2906
1288. En RDC, la cartographie effectuée dans le cadre des politiques de réformes du
secteur des PTT est la référence officielle actuelle, faute de mise à jour depuis 2009. En juillet
2009, l’accès à l’Internet reste très limité, avec environ 10.000 abonnés concentrés à Kinshasa
et dans les principales villes du pays. Les tarifs sont très élevés et les bandes passantes
offertes, très limitées, du fait de l’absence d’infrastructures nationale et internationale à haut
débit. De nombreux réseaux indépendants, déclarés ou non, utilisent des connexions directes
par satellites, desservis par des fournisseurs internationaux. Dans ces conditions, le
développement des TIC est lent et coûteux. Leur entrée dans le pays est vraiment réduite.
C’est ainsi que le nombre de foyers disposant d’un ordinateur était, en 2007, de 0,3% contre
10,1% au Cameroun; 5% au Congo Brazzaville et 4,3% au Gabon, alors qu’en RDC il était de
0,2% contre respectivement 5,2%, 1,4% et 3,6% dans les pays ci-dessus cités. L’indice de
développement des TIC (ICT Development Index) établi par l’UIT mesure leur niveau
d’augmentation dans plus de 150 pays. En 2007, cet indice plaçait la RDC à la 151 ème place
sur 154, avec un indice de 0,95%. Les trois sous-indices placent celle-ci à la 154ème place
pour l’accès aux TIC, à la 151ème pour leur utilisation et à la 137ème position pour leurs
compétences. L’indice de développement de la gouvernance électronique de l’ONU classe la
RDC, 162ème sur 192 pays, avec un indice de 0,2177. Celui-ci, nommé « IDI 2907» est composé
aussi de trois sous-indices : mesures du web, des infrastructures de télécoms et du capital
humain.
1289. En 2011, sur ce registre IDI, la RDC a été classée 146ème pays sur 157 avec un
indice de 1,30. En 2012, elle était au 147ème rang sur 157 pays avec un indice de 1,31. Durant
cette même période (2011-2012), c’est la Corée du Sud qui était au 1er rang sur 157 pays avec
8,57 et 8,51 d’indice ; les USA, 17ème avec 7,53 d’indice et 16ème avec 7,35 ; la France 19ème
avec 7,26 et18ème avec 7,53 d’indice ; le Niger étant toujours le dernier pays classé sur les
157, avec 0,99 et 0,93 d’indice.2908 Ces chiffres démontrent que le taux de pénétration des TIC
en RDC est un défi pour le gouvernement et les opérateurs congolais. Au regard des
populations à faibles revenus et résidant en majorité en zones rurales, la fracture numérique
est considérée comme due à un isolement plus important des pauvres par rapport au reste de la
communauté mondiale. La technologie devient un enjeu de changement social, d’accès à la
connaissance et à l’information. Avec les TIC, la quantité d’informations dont peut disposer
un individu, double tous les cinq ans, avec des perspectives plus importantes. L’essor de la
télématique, comme élément de notre vie quotidienne dans le monde moderne, a marqué le
début d’une ère nouvelle : l’« ère de l’information ».2909
1290. C’est en 2013, que « l’effectivité de la connectivité large bande mobile a été
établie à partir de l’année 2013, après toutes les opérations de paramétrage des nouveaux
réseaux 3G au cours de l’année 2012 par les opérateurs détenteurs de licence 3G ». 2910. Les
tendances de l’ère numérique présentent en RDC une nette évolution. Les réseaux à large
bande mobile offrent l’accès au commerce électronique. En 2012, les quatre opérateurs de

2905
« White House. Red Chair. Obama Meets Swisher », Kara Swisher, Recode.net, 15 février 2015,
[www.recode.net/2015/02/15/white-house-red-chair-obama-meets-swhisher/] (consulté le 23 décembre 2016).
2906
N. ARPARGIAN [2016], op.cit, p. 14.
2907
IDI : ICT Development Index ; indice de développement des TIC.
2908
ITU, Measuring the information society 2013, Geneva, p.17.
2909
A. CARLOS GAMBOA, RON LAPORTE et F. SAUER, op.cit, pp. 106-107.
2910
ARPTC, « L‘accès aux réseaux large bande mobile en République Démocratique du Congo », in UIT, 11th World
Telecommunication/ICT, Indicators symposium (WTIS-13), Mexico, 4-6 december 2013, Document INF/3-F21, nov.2013,
474

téléphonie mobile GSM auquel s’est ajouté un cinquième2911, ont acquis chacun une licence
3G de troisième génération, pour élargir leur offre de services Internet GPRS et EDGE. Le
« taux d’abonnement au large bande mobile est en moyenne de 3% depuis le lancement de ce
service sur les réseaux large bande 3G en RDC. La part des revenus Internet mobile large
bande par trimestre est en moyenne de 1% en 2012 et tend vers 2% en 2013. Les revenus voix
et SMS et autre SVA [services à valeur ajoutée] représentent en moyenne 98% du revenu
global dont la plus grande partie pour la voix (91%) ».2912

Tableau d’évolution trimestrielle des abonnements par opérateur (ARPTC)2913


Opérateurs 1er trimestre 2ème trimestre 3ème trimestre 1er trimestre 2ème trimestre
2012 2012 2012 2013 2013
Airtel 7.201.795 7.416.971 7.919.406 7.679.809 7.880.556
Vodacom 6.239.451 6.69.284 7.085.811 7.296.066 8.310.725
Tigo 2.554.169 2.642.237 3.000.701 2.935.742 2.9964.026
Orange 1.494.263 1.527.950 1.836.116 1.800.585 1.754.829
Africell - - 416.723 1.294.517 1.497.211
Total 17.489.678 18.283.442 20.258.757 21.006.716 22.407.347

Tableau : En RDC, évolution des abonnements de téléphonie mobile,


du taux de pénétration et sa couverture en RDC (source : INS)2914
Année Nombre Nombre Taux de Couverture de la
d’abonnements de d’abonnements de pénétration population par le
téléphonie mobile téléphonie mobile mobile (%) réseau téléphonique
pour 100 hab. (%)
2003 1.246.225 2,15 - -
2004 1.990.722 3,43 - -
2005 2.747.094 4,58 - -
2006 4.415.470 7,12 20 50
2007 6.490.080 10,82 20 50
2008 9.937.622 16,02 20 50
2009 9.458.557 15,25 20 50
2010 11.604.914 17,32 20 50
2011 15.644.877 21,58 20 50
2012 20.258.757 27,59 20 50
2013 28.231.900 37,33 20 50

3. Les technologies mobiles dans la lutte contre la fracture numérique et le


développement en Afrique
1291. Selon GSM Association2915, la technique GSM est la plus efficace pour connecter
les pays africains et pour libérer le potentiel de leurs marchés émergents. L’UIT affirme que
« dans les pays où la communication par les mobiles constitue la première forme d’accès, des
échanges plus nombreux d’information sur le commerce sont une contribution aux objectifs
de développement ».2916 La téléphonie mobile est un important catalyseur du développement

2911
Airtel, Vodacom, Oasis/Tigo, Orange auquel s’ajoute Africell.
2912
ARPTC, « L‘accès aux réseaux large bande mobile en République Démocratique du Congo », in UIT, 11th World
Telecommunication/ICT, Indicators symposium (WTIS-13), Mexico, 4-6 december 2013, Document INF/3-F21, nov.2013,
2913
Ibidem.
2914
Tableau 3. 203, Institut National de Statistiques, op.cit, p. 465.
2915
L’Association GSMA défend les intérêts de plus de 680 opérateurs de téléphonie mobile dans 213 pays du monde Fer de
lance en matière d’initiatives techniques et commerciales ainsi que de politiques publiques, GSMA œuvre pour l’amélioration
des services de téléphonie mobile dans le monde entier. Avec plus de 17 milliards de clients dans le monde et une couverture
d’environ 80% de la population mondiale par les réseaux mobiles, l’aventure GSM est celle d’une croissance sans précédent.
2916
UIT, Le mobile dépasse le fixe : Conséquences en matière de politique et de régulation, 2003.
475

économique et social et joue déjà un rôle essentiel pour surmonter la fracture numérique.
L’Afrique est avant tout une culture orale, les gens sont habitués à parler. Le téléphone mobile
s’avère l’outil peut être approprié, alors que les ordinateurs ont besoin d’électricité et
d’utilisateurs alphabétisés. Les mobiles rapportent de l’argent et des emplois. Ils enrichissent
la vie des gens. Ainsi, les kiosques à téléphone sont un progrès important qui permet un accès
aux personnes pauvres et aux villageois. En Tanzanie rurale, une étude menée pour le PNUD
a démontré que même si seulement 5% des personnes y ayant répondu possédaient un mobile,
4,49% en avaient déjà utilisé un et 95% en avaient entendu parler.2917
1292. En Afrique, ont été établies plus de connexions pour les mobiles que pour les
autres technologies (fixes et fixes sans fil). Auparavant pour l’Internet fixe, « quinze
fournisseurs d’accès Internet étaient reconnus en 2005, avec un nombre d’internautes estimé à
140.625, celui des abonnés à Internet WLAN à 24.000 et celui des abonnés Internet à large
bande à 1.500 la même année » pour une population de 60 millions d’habitants à l’époque2918.
La téléphonie mobile apporte déjà une contribution significative à l’Afrique sub-saharienne,
en raison de son impact positif sur l’emploi, sur l’efficacité économique, sur les recettes
fiscales et sur le PIB. Selon le projet du millénaire de l’ONU : « Les TIC sont un puissant
outil pour la réalisation des objectifs de développement parce qu’elles améliorent
considérablement la communication et les échanges de savoir et d’information, tout en
renforçant et créant de nouveaux réseaux sociaux et économiques ».2919

Tableau : évolution des revenus de la téléphonie mobile


et sa part dans le PIB en RDC (source : INS)2920
Année Revenu de téléphonie Chiffre d’affaires mensuel moyen réalisé Part du revenu de la
mobile en $ USD par les entreprises de téléphonie mobile téléphonie mobile dans le PIB
avec un client en $USD en %
2003 264.000.000 17,65 2,49
2004 338.000.000 14,12 2,99
2005 428.000.000 12,99 5,78
2006 557.674.580 12,69 5,39
2007 667.081.714 10,01 7,20
2008 760.717.000 8,05 7,80
2009 612.587.411 5,49 4,20
2010 638.842.878 5,06 4,07
2011 790.595.893 4,88 4,71
2012 965.439.443 3,71 5,39
2013 1.012.517.982 3,44 5,19

4. La régulation au centre des enjeux de lutte contre la fracture numérique


1293. La définition de politiques cohérentes est une solution pour que les États
concernés (ceux de l’hémisphère sud) luttent contre la fracture numérique. Or, la RDC ne
dispose pas de document de politique sectorielle à jour ; le dernier est de 2009. Il permet de
définir clairement les objectifs de développement, dans le domaine des communications
électroniques. À titre d’exemple, en République Démocratique du Congo, le législateur est

2917
PNUD, Etude Sur la faisabilité socio-économique des TIC, mars 2005, [http://www.undporg/business/gsb/tanzania.html]
(consulté le 13 août 2016).
2918
OCPT/CRDI, « Etude de faisabilité pour une dorsale ouverte Internet en République Démocratique du Congo », in
Alternative, juin 2003, [http://web.idrc.ca/uploads/user-S/12095032471FINAL-RDC-TIC.pdf] (consulté le 12 juin 2013).
2919
ONU, « Application des connaissances au Développement », Projet millénaire ONU, Innovation, Commission sur les
sciences, la technologie et l’innovation, 2005.
2920
Tableau 3.206, Institut National de la Statistique, op.cit, p. 467.
476

seulement intervenu en 2002 pour régir les télécoms par une loi se limitant aux services de
téléphonies de base, sans viser expressément l’Internet. En effet, dans de nombreux pays
d’Afrique sub-saharienne, les opérateurs de téléphonie mobile sont exposés à des risques
« régulatoires2921 » importants, ce qui accroît le coût du capital et conduit à un degré
d’investissement sub-optimal.2922 Les meilleures pratiques de régulation interviennent dans la
lutte contre la fracture numérique. Les États, telle que la RDC, doivent effectuer sur les
télécoms la transition des normes juridiques, en corrigeant certaines faiblesses, notamment :
une législation sectorielle insuffisante ; une définition du régime pas très précise; une
politique de régulation peu claire, notamment en matière de licences et d’affectation du
spectre des fréquences radioélectriques ; un manque d’indépendance dans la résolution des
conflits et d’autonomie des régulateurs, par rapport à l’intervention politique.
1294. En raison de ces disparités, les politiques du commerce électronique proposées par
plusieurs pays développés ne sont pas nécessairement adaptées aux pays en développement.
Selon leurs attentes, ces propositions sont à apprécier par les PVD. En 1997, « The
Framework for Global Electronic Commerce », rendu public par la Maison Blanche a permis
aux USA de préconiser efficacement l’adoption de cinq principes dans les politiques du
commerce électronique mondial. Les politiques publiques doivent servir de levier dans
différents axes de réduction de la fracture commerciale de l’Afrique centrale. Ainsi, le secteur
privé doit en prendre l’initiative. Les gouvernements doivent éviter d’imposer des restrictions
inutiles sur le commerce électrique. Si une intervention gouvernementale est nécessaire, son
objet doit être de soutenir et d’appliquer au commerce électronique, une législation prévisible,
réduite au minimum, cohérente et simple. Ils devraient reconnaître les qualités exceptionnelles
de l’Internet. Le commerce électronique, par le support Internet, devrait être facilité à
l’échelle mondiale.2923
1295. Pour l’Afrique (RDC), différents experts sont convaincus qu’une réduction des
obstacles à l’acquisition des mobiles peut enclencher un processus durable de réduction de la
fracture numérique. Il faut agir sur le coût des appareils, des services et des taxes de télécoms.
Le lien entre les taxes et la fracture numérique a montré que les États africains ont souvent
taxé les mobiles comme bien de luxe et leur ont ainsi imposé un niveau de prix qui ne peut
être envisagé par ceux qui seraient prêts à en bénéficier. Dans 26 sur 50 pays en voie de
développement, on a observé que les taxes représentent plus de 20% du coût total
d’acquisition et d’utilisation d’un téléphone mobile. Dans quatorze des pays en voie de
développement (PVD), l’utilisateur moyen de téléphone mobile paie plus de 40$ US de taxe
annuelles sur les appareils et les services de téléphonie mobile. En conclusion, on peut dire
que si un État baisse d’un seul point sa taxe sur la vente des services mobiles, le nombre
d’utilisateurs de mobiles augmente dans ce pays de plus de 2% entre 2006 et 2010. Dans une
majorité de PVD, le système des télécoms est inapte à assurer les services essentiels. Avec
l’idée de « chaînon manquant », dans de grandes régions du territoire, il n’existe aucune

2921
Le risque « régulatoire » implique à la fois les impacts positifs ou négatifs de la réglementation et de régulation sur les
activités liées aux NTIC.
2922
D’après notre analyse des politiques d’investissement de différents opérateurs, un environnement régulatoire basé sur les
meilleures pratiques pourrait avoir accru aujourd’hui l’investissement en faveur des mobiles d’environ 25%. Cela correspond
à environ 46 Mb $ US.
2923
S. TANGKITVANICH, « Vues du sud, les politiques du commerce électronique planétaire », in PNUD, op.cit, pp. 18-19.
477

infrastructure, alors qu’une forte concentration est constatée dans de grandes villes. Une telle
disparité est inacceptable pour des raisons humaines et d’intérêt général.2924
1296. Dans la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne, la pénétration des mobiles est
beaucoup plus grande que celle des fixes. La vitesse de propagation du mobile est
considérable dans les régions où son usage avait été limité auparavant. En Afrique sub-
saharienne, depuis fin 2000, le nombre d’abonnés avait presque été multiplié par huit, avec la
vague des déréglementations. On compte actuellement environ 83 millions d’abonnés, contre
651 millions en 2016. Toutefois, dans la plupart des pays, la pénétration en 2004 restait
inférieure à 10% de la population, ce qui témoigne encore d’un grand marché à pourvoir et
d’un énorme potentiel de croissance pour l’avenir.
1297. En conclusion, les effets positifs ou négatifs des politiques réglementaires et des
risques de régulation se ressentent en fonction des taux de croissance du nombre d’abonnés au
mobile. La Sierra Léone demeure en Afrique l’exemple le plus frappant des effets pervers
d’une réglementation contreproductive, avec des effets négatifs sur l’accès universel.2925 Les
carences législatives, réglementaires et régulatoires constituent des facteurs de risque et
d’échec dans le droit des enjeux nouveaux de l’ère numérique. Concernant les TIC, l’omission
par la réforme des tendances de convergence et de transversalité peut rendre incomplète et
inadéquate la régulation sectorielle. Elle est aux prises sur le marché électronique avec les
enjeux économiques, techniques et de gouvernance. La transition des normes de régulation
sectorielle en RDC doit comprendre les aspects d’une régulation multisectorielle et réflexive,
conformément aux mutations de la société numérique en Europe et en France.

B. / LES ENJEUX LÉGISLATIFS DANS LES TENDANCES ACTUELLES DE CONVERGENCE,


D’INTERRÉGULATION ET DE GOUVERNANCE DU NET
POUR LA RESTRUCTURATION DE L’ARPTC

1298. À l’ère numérique, les tendances nouvelles de la régulation sont de la démarquer


de l’« intra-régulation » avec le ministère des PTNTIC. La logique des PTT alimente encore
la méthodologie congolaise de gestion des TIC à l’ère de la convergence numérique. Le
marché électronique congolais reste encore organisé autour d’un régulateur spécifique, attaché
à chaque objet technique : le téléphone ou la télévision.2926 C’est la forme d’une régulation
sectorielle qui se caractérise par un corps de règles et d’institutions particulières avec des
objets sectorisés dans la limite de sa mission. Comme suite à l’accord de l’OMC de 1997,
l’ARPTC travaille encore à affirmer son espace d’action. Depuis plus de deux décennies les
télécoms interviennent pratiquement dans une logique de marché, très éloignée de la
conception primaire de concession des monopoles publics. En RDC, comme en France, le
régulateur du secteur des TIC est l’autorité de la concurrence ainsi que celui de la gestion des
aspects techniques et de développement du marché libéralisé des télécoms. En France, les
dispositions législatives encadrant le statut et le rôle de l’ARCEP figurent dans le CPCE.

2924
D. MAITLAND, « Connecter ceux qui ne le sont pas », in GSMA, Régulation et fracture numérique, comment les
meilleures pratiques de régulation en matière de téléphonie mobile peuvent accroître les investissements et la pénétration
des marchés émergents ?, 2005, p. 7, [www.gsmworld.com] (consulté le 12 août 2011).
2925
GSMA, Régulation et fracture numérique, rapport, 2005. [www.gsmworld.com] (consulté le 12 aout 2011). En Sierra
Leone, bien que l’accroissement de la pénétration ait été important en 2001, le nombre d’abonnés a diminué ces deux
dernières années en référence à 2005. Le seul autre pays à avoir subi une croissance négative de la pénétration est la Somalie,
pays sans gouvernement et en proie à une guerre civile permanente. La Sierra Leone n’a pas d’instance régulatrice
indépendante et de législation en matière de télécoms. L’approche de la question par le gouvernement a été quelque peu
imprévisible. Par exemple, en 2004, le ministre des Finances a décidé d’imposer une taxe onéreuse sur le temps d’antenne.
2926
M. DE SAINT PULGENT, op.cit, p. 4.
478

L’ARCEP est notamment chargé d’accompagner l’ouverture à la concurrence du secteur des


télécoms, et de réguler les marchés correspondants. Dans ce secteur d’activité, le rôle
essentiel du régulateur sur le marché des communications électroniques est de veiller à
l’exercice d’une concurrence effective et loyale pour les consommateurs.2927
1299. Cependant, les enjeux de l’ère numérique ne se satisfont pas des missions
restreintes de services publics classiques, ni du simple décloisonnement du monopole
sectoriel. « Aujourd’hui, les secteurs en cause ne peuvent plus rester cloisonnés et étanches
tant les points de jonction et de convergence se multiplient avec l’essor du numérique et de
l’évolution des techniques ». L’idée devient récurrente de rapprocher la régulation technique
des réseaux avec celle de la communication audiovisuelle.2928 En France, le Président
François Hollande a plaidé en octobre 2014 en faveur d’un rapprochement des compétences
du CSA et de l’ARCEP, sans forcément arriver à une « fusion ».2929 Avec la convergence
numérique, les télécoms sont devenues de véritables services de la société de l’information,
insérés dans l’économie numérique.
1. Pour une éventuelle législation en RDC sur les enjeux de la régulation
convergente comme en Europe
1300. En lien avec la transition des normes sur les enjeux du numérique, un exemple
intéressant provient du projet de la future loi sur les télécoms et les TIC en RDC. Elle entend
créer une Agence nationale des TIC (ANTIC) dotée d’une mission de régulation et d’un suivi
des activités de sécurité électronique.2930 Elle est aussi censée assurer la régulation des
données personnelles.2931 Le modèle d’interrégulation a donc été envisagé dans la future loi
congolaise. Pour une économie de moyens, à titre transitoire, l’ARPTC va se charger de la
régulation convergente sur des questions classiques lui incombant et des questions nouvelles
dévolues à l’ANTIC, comme une interrégulation avec l’ARPTC.
1301. Aux termes du futur article 180 du projet de loi sur les télécoms et les TIC en
RDC, « sous réserve de la création de l’ANTIC, la régulation des données à caractère
personnel en RDC sera assurée par l’ARPTNTIC ». au sens du futur article 183 de ce projet,
« L’Autorité de Régulation exerce les [deux] missions suivantes : [1°] veiller à la mise en
œuvre des traitements des données à caractère personnel, conformément aux dispositions de la
présente Loi ; [2°] informer les personnes concernées et les responsables de traitement de
leurs droits et obligations et s’assurer que les Technologies de l’Information et de la
Communication ne comportent pas de menace au regard des libertés publiques et de la vie
privée ».
1302. Ainsi, la transformation législative à l’ère numérique innove en cumulant au sein
de l’ARPTC, deux missions analogues qui, en droit français, sont attribuées à deux AAI
distinctes, à savoir : l’ARCEP et la CNIL.2932 La comparaison des expériences en RDC et en

2927
Article L.36-5 s. et L.130 s., CPCE français, préc.
2928
M. DE SAINT PULGENT, op.cit, p. 4.
2929
Le monde, 14 janvier 2015. La position du nouveau président de l’ARCEP repousse l’idée d’une fusion.
2930
Article 189 (ou 190 nouveau) du Projet de loi sur les télécoms et les TIC en RDC, préc. « Il est institué une Agence
Nationale des Technologies de l’Information et de la Communication chargée de la régulation des activités de sécurité
électronique. »
2931
Article 183 (ou 181 nouveau) du Projet de loi sur les télécoms et les TIC en RDC, préc.
2932
A. DEBET, J. MASSOT et N. METALLINOS, Informatique et libertés, la protection des données à caractère personnel en
droit français et européen, éd. Lextenso, coll. les intégrales, n°10, Issy-les-Moulineaux, 2015, pp.773-909, spéc. p. 800.
« Aucune des missions confiées à la CNIL par la loi du 6 janvier 1978 n’a été abandonnée dans la version résultant de la loi
du 6 août 2004. ». Conformément à l’article 11 1° de cette version de loi de 2004, la CNIL « informe toutes les personnes
concernées et tous les responsables de traitement de leurs droits et obligations ». L’article 11 2° dispose que la CNIL « veille
479

France laisse à conclure à une concordance des missions spécifiques de régulation. Il s’agit de
confronter, d’une part, les missions ANTIC et celles de la CNIL, pour la régulation des
données à caractère personnel et, d’autre part, les missions ARPTNTIC et celles de l’ARCEP,
pour la régulation des télécoms.2933 L’insertion des principes de la gouvernance se joint
également aux enjeux de la régulation du numérique.
2. Pour une intégration en RDC des enjeux de la gouvernance dans la régulation
congolaise des télécoms à la lumière de l’expérience européenne
1303. En Europe, le 26 mai 1994 marque déjà un tournant dans le repositionnement du
droit positif face à la convergence des communications électroniques. À cet égard, la
libéralisation du cadre réglementaire et le rôle du secteur privé étaient considérés, dans le
« Rapport Bangemann », comme les matériaux de construction de « L’Europe et la société de
l’information planétaire ». En décembre 1993, à la demande du Conseil européen, ce rapport
recommandait à la Communauté européenne de « placer sa confiance dans les mécanismes du
marché qui sauront nous amener dans l’ère de l’information ». En dénonçant les entraves du
monopole public à l’encontre du développement du marché électronique, ce rapport, qui porte
bien le nom de son coordonnateur, recommandait la libéralisation des infrastructures non pas
progressivement, mais le plus rapidement possible avant le terme de 1998.2934 Au sens du
Livre vert « Croissance, compétition, emploi » présenté à la Commission européenne en
décembre 1993, (auquel ce rapport faisait suite) les télécoms de base étaient déjà perçues
comme les « artères du marché unique » et le « sang de la compétitivité européenne ».2935
Depuis longtemps, l’essor des réseaux d’information, y compris l’Internet, participait à créer
« le nouveau système nerveux de notre planète ».2936
1304. Dans les perspectives du Livre vert de 19942937 Ŕ citant le Rapport Bangemann
une dizaine de fois en quarante-quatre pages Ŕ « les infrastructures des télécommunications
formeront la base fondamentale sur laquelle reposeront la société et l’économie européenne
au cours des décennies à venir ». La temporalité de la déréglementation du « socle
analogique » de l’ère numérique place l’expérimentation du modèle de régulation sectorielle
des télécoms face à des problématiques supplémentaires de mutations numériques : explosion
du téléphone mobile et d’Internet, accès haut débit, convergence multimédia, multiplications
des services numériques. Le Web, qui symbolise le tout numérique, le tout connecté et le tout
convergent (audiovisuel, informatique et télécoms) accentue véritablement l’exacerbation des
enjeux du marché électronique sur le champ du droit.
1305. Le dialogue de cette ère du numérique n’est plus seulement celui des systèmes
juridiques des États dans un cadre multilatéral. Il implique aussi un rapport de forces, à travers
le système télécoms mondialisé (Internet), mettant l’ordre juridique des États en discussion
entre eux avec aussi des entités non-étatiques, dont l’effectivité des pouvoirs économiques et
normatifs justifie aujourd’hui l’interlocution internationale. Il faut intégrer, à cet égard, que

à ce que les traitements de données à caractère personnel soient mises en œuvre conformément aux dispositions de la présente
loi ».
2933
Cf. Supra pour les développements spécifiques en rapport aux enjeux de données à caractère personnel. (Partie 2, Titre 2,
Chapitres 1 et 2)
2934
Groupe de haut niveau sur la société de l’information, L’Europe et la société de l’Information planétaire, 26 mai 1994,
pp. 1-32 dit « Rapport Bangemann » du nom de Martin Bangemann, vice-président de la Commission européenne alors
présidée par Jacques Delors.
2935
I. CROCQ, op.cit, p.1.
2936
M. QUÉMÉNER [2013], op.cit, p. 9.
2937
Commission des CE, Livre vert sur la libéralisation des infrastructures de télécommunications et des réseaux de
télévision par câble, octobre 1994.
480

« Internet a été construit sur un réseau technique : le web. Il a engendré un espace : le


numérique. Sur ce nouvel espace, des entreprises ont développé des services, des prestations
et des biens, tandis que les personnes y ont trouvé des moyens d’expression nouveaux et
profitent de richesses nouvelles. Cela a engendré une économie que certains appellent
« nouvelle économie », tandis que d’autres allant plus loin y voient une ère ».2938
1306. Sur la base des enjeux de la convergence numérique des communications
électroniques, la régulation sectorielle connait de nombreux problèmes. La gouvernance sert
alors à compléter les limites de la régulation, sur des aspects où la réglementation nationale ex
post ou ex ante peut être dépassée ou impossible à se développer. À titre illustratif, « certaines
activités économiques nouvelles peinent à rentrer dans les cadres définis antérieurement pour
les activités plus classiques. »Il en est « ainsi du combat qui oppose l’ARCEP à la société
"Skype" qui refuse de se soumettre globalement au code des postes et télécommunications
prétexte pris qu’elle ne fait que transiter de la voix sur l’Internet. Ce faisant, cette nouvelle
activité qui fait néanmoins concurrence aux opérateurs de téléphonie traditionnels ne joue pas
avec les mêmes règles ("level playing field") et il existe là de potentielles distorsions de
concurrence. »2939
1307. D’autre part, l’internationalisation des réseaux de communications numériques
réduit les repères de localisation des faits et affecte l’exercice de la souveraineté nationale
sans sa territorialité. La régulation a été contrainte par la mondialisation à « penser global » et
à « agir global » dans une « géographie juridique » qui n’adhère pas à la configuration de
l’Internet. Sans bouleverser l’ensemble du droit, la RDC, en référence à d’autres États,
travaille à des adaptations pour trouver des solutions d’« ancrage territorial des mécanismes
de responsabilité ». Celles-ci viseront à créer un équilibre dans la responsabilisation des
acteurs du Net sur des matières où la liberté pour les internautes doit être assurée, où la
censure ne doit pas être laissée totalement aux intermédiaires techniques et où l’État n’est pas
entièrement en mesure de jouer la police générale sur toutes les activités d’Internet étant en
quasi-totalité entre les mains des prestataires privés. Ainsi, il faut créer des acteurs publics
faisant application du droit national. Il faut, par ailleurs, participer à la création du droit
international. Il faut, en outre, penser à des mécanismes supranationaux d’harmonisation des
lois nationales et d’encadrement des flux d’informations qui dépassent des périmètres
harmonisés du droit communautaire ou national. 2940
1308. En Europe, le rapport a été établi dans la jonction des secteurs publics : la
transversalité entre le secteur régulé des communications électroniques et d’autres activités
régulées de la société. Les axes de la gouvernance portent donc en premier lieu sur la
régulation convergente et la régulation multisectorielle. En effet, à l’ère du numérique, les
enjeux de société de l’information confrontent les « réglementations sectorielles des
communications électroniques face aux secteurs impactés, eux aussi souvent réglementés par
ailleurs. ».2941 Ensuite, la modernisation du rôle du régulateur est liée à la problématique de
faire appliquer la souveraineté nationale dans le cyberespace et de soumettre aux lois
2938
M.-A. FRISON ROCHE, Internet et espace d’interrégulation, coll. the Journal of the Régulation, Dalloz, Paris, 2016,p.VII.
2939
J. MOULIN, « Rapport introductif », in S. CHARTY (sous la dir.), La régulation d’Internet, regards croisés de droit de la
concurrence et de droit de la propriété intellectuelle, (Actes de colloque), coll. droit privé & sciences criminelles, éd. mare &
martin, Nantes, 2015, p. 22.
2940
N. MALLET-POUJOL, op.cit, p. 12-13.
2941
JJ. LAFFONT et J. TIROLE, op.cit, p. 2. Les économistes ont fait des implications économiques de ces dividendes tout un
domaine de leur étude dans la « nouvelle économie publique (qualifiée aussi s’économie de la régulation) » Ŕ V. aussi
Groupe de la Banque Mondiale, Les dividendes numériques, préc., p.32.ŖLes travaux des économistes comme Jean Tirole ont
montré que la réglementation mise en place dans de tels secteurs doit être soigneusement adaptée pour garantir la
concurrence sans nuire aux intérêts des consommateurs »
481

nationales les acteurs multinationaux de l’Internet. Enfin, la production des normes de


gouvernance n’est pas qu’étatique, la plupart des normes techniques sur des aspects clés de la
fonctionnalité du net se trouve en dehors de la puissance publique. Leur effectivité et leur
universalité tiennent de leur consubstantialité à l’Internet ; elle est globale par essence et
fonctionne sur la base desdites normes. Tous les États requièrent leur implication dans la
définition des « politiques d’intérêt général concernant les ressources clés mondiales de
l’Internet », soit par les organes de l’ONU, soit dans le cadre d’une coopération des États, au
lieu de pérenniser par les instances privées, leur mode de gestion actuelle. L’État doit disposer
d’un organe qui puisse agir dans « droit flou », selon les lois étatiques, sans altérer le
fonctionnement du marché numérique, car le but est d’en assurer le fonctionnement.2942
1309. Si l’application des règles du monde « réel » au monde « virtuel », ne fait guère de
doute, la particularité de l’environnement numérique requiert aussi qu’il soit doté de ses
propres règles. Il en est aussi du droit d’auteur avec le courant « libriste » des libertariens. Ses
ténors soutiennent que les actifs véhiculés par Internet sont des biens de l’humanité, comme
les océans, l’air et la couche d’ozone. Cependant, l’information circulant dans les réseaux a un
coût pour son producteur, particulièrement pour les biens culturels, alors que les technologies
numériques rendent finalement sa consommation et sa reproduction faciles. Les « libristes »
en revendiquent la gratuité, car une génération d’internautes a été habituée à ce mode de
consommation. Comme toute valeur qu’il est possible de numériser, les œuvres intellectuelles
deviennent plus facilement accessibles par support électronique. Et, à moindre coût
d’opportunité, cela favorise, par exemple, tromperies et contrefaçons. En tant que « réseau de
communication universelle et polymorphe, [...] Internet est une agora universelle accessible à
tous et de partout (ou presque). Chacun peut non seulement y recueillir les informations mais
aussi, et c’est peut-être le plus novateur, en offrir gratuitement. [...] les frontières entre la
communication publique et celle privée s’évanouissent ».2943
3. Pour une éventuelle législation en RDC sur les enjeux de la régulation
convergente en droit comparé
1310. Procédé manquant de « définition indiscutable2944 », la régulation, inséparable de
la gouvernance, témoigne de l’érosion de l’emprise de la souveraineté de l’État et de
l’obscurcissement des frontières définies entre secteurs régulés à travers : corégulation,
autorégulation, interrégulation. « Appliquée à un marché, la régulation vise à créer et même à
imposer un équilibre entre forces ou des règles, dont le jeu spontané ne permettrait pas un
fonctionnement satisfaisant ».2945 À une époque, le modèle de régulation sectorielle faisait
face aux exigences d’un marché libéral des télécoms de base ; mais la régulation
multisectorielle répond à la convergence des réseaux, qui intègrent un ensemble de services et
suscitent des enjeux, dans plusieurs directions du droit.

2942
N. MALLET-POUJOL, op.cit, p. 14-17.
2943
L. DE SOUZA et A. LATREILLE, « Les nouveaux défis du droit de la propriété intellectuelle : l’usage des signes distinctifs
et les communications électroniques », in J. ROCHFELD, Les nouveaux défis du commerce électronique, op.cit, p. 127. Les
auteurs poursuivent en affirmant : Pour ces raisons, Internet constitue probablement aujourd’hui le plus important vecteur de
reproduction de signes distinctifs sous la forme nominale (suite de caractères alphanumériques, dite aussi marque verbale) ou
figuratives (dessins), notamment de marques protégées.
2944
T. PENARD et N. THIRION, op.cit, p. 1. Cf. M.-A. FRISON-ROCHE, « Le droit de la régulation », in Cahier Dalloz, Droit des
affaires, Paris, n°7, 2001, p. 610 et s. CHAMPAUD, « Régulation et droit économique », R.I.D.E., 2002, L. BOY, « Réflexion
sur le "droit de la régulation" : à propos du texte de M-A. Frison-Roche », R.I.D.E, n°37, 2001, pp. 3031 et s.
2945
M. DE SAINT PULGENT, « Les besoins d’interrégulation engendrés par Internet. Propos introductifs. », in M.-A. FRISON
ROCHE (sous la dir.), op.cit, p. 3.
482

1311. Un régulateur convergent est chargé de réguler les télécoms, de la fourniture de


services Internet, des multimédias et de la radiodiffusion et télédiffusion. L’objectif recherché
est de bénéficier de synergie entre les activités relevant des communications électroniques et
de la diffusion traditionnelle de l’audiovisuel, pour une régulation efficace et réactive sur
l’ensemble des aspects des TIC. La convergence numérique rend évident la nécessité d’établir
des entités de régulation convergentes. Mais des résistances contre cette tendance sont
apparues dans certains pays, notamment en France. Les activités relatives à la régulation des
télécommunications et de la radiodiffusion seront de plus en plus intégrées, du fait de la
convergence des TIC. Pour obtenir une régulation efficace, il est évident que les activités
caractérisées par un degré élevé d’interactions doivent être réunies dans le même organisme
de régulation afin que celles-ci fréquentes et complexes soient gérées en interne au niveau des
positions de travail de cet organisme et non par des réunions formelles entre différentes
institutions. Cela permet d’éviter de « disséminer » des responsabilités relatives aux diverses
technologies, dans plusieurs structures étatiques, toujours difficiles à coordonner.
1312. En France, la fusion de l'ARCEP, du CSA, de l'HADOPI et de l'Agence nationale
des fréquences (ANFr) ces dernières années, fait l'objet de débats récurrents. Si, pour l’avis
général, le concept parait naturel, des obstacles en ont empêché sa réalisation. Au Royaume-
Uni, l'OFCOM, formé par la fusion de cinq instances régulatrices distinctes, l’OFTEL
(régulateur des télécommunications), de la Commission Indépendante de la Télévision, de
l’Autorité de la Radio, de la Commission des Standards de Radiodiffusion et de l’Agence de
Radiocommunication, est considéré comme la référence en matière de régulateurs
convergents. Il en existe aussi aux USA avec le FCC et au Canada, avec le Conseil de la
radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). En Afrique du Sud, l’ICASA,
« Independent Communications Authority of South Africa » a été formée par la fusion de deux
organes de régulation précédents, la « South African Telecommunications Regulatory
Authority» (SATRA) pour les télécommunications et TIC et la « Independent Broadcasting
Authority » (IBA) pour la radiodiffusion et la télédiffusion. En Tanzanie, la Tanzania
Communications Regulatory Authority (TCRA), a été établie par la fusion de la « Tanzania
Communications Commission », régulateur des télécommunications, et de la « Tanzania
Broadcasting Commission », régulateur de la radiodiffusion.
1313. Cependant, en RDC, l’opportunité d’engager une véritable expérience de la
régulation de la convergence n’a pas réussi : les mesures gouvernementales de redéfinition du
« paysage audiovisuel congolais » n’ont pas été un exemple de succès.2946 En avril 2015, la
migration technologique nationale a placé l’adoption de la télévision numérique terrestre
(TNT) au carrefour de différentes techniques de fourniture de services TV et de la régulation
de plusieurs technologies convergentes. La convergence de la régulation s’applique bien «
aux développements légaux se rapportant aux plateformes qui permettent une convergence
technique entre les contenus basés sur l’Internet, les services de diffusion, la télévision
connectée ou les dispositifs de télévision intelligente ».2947

2946
Arrêté interministériel n°002/TNT/CAB/M-CM/LMO/2015 et n° CAB/VPM/PTNTIC/TLL/0002/2015 du 25 avril 2015
du Vice-premier Ministre, Ministre des PTT et du Ministre de l’information et média portant définition des acteurs du
nouveau paysage audiovisuel congolais, récupération par l’État congolais des fréquences analogiques octroyées aux chaines
de télévision et interdiction d’importation en République Démocratique du Congo des récepteurs analogiques, JO.RDC, n°11,
1er juin 2016, col. 24.
2947
S. MÜLLER, « Chapitre 7 Convergence of Regulation : Audiovisual Media Services, Internet and Regulation », in P-F.
DOCQUIR et M. HANOT (sous dir.), Nouveaux écrans, nouvelle régulation ?, Larcier, coll. droit des technologies, Bruxelles,
2013, pp. 155-167, spéc. p. 115. « This chapter examines the legal developments pertaining to platforms that allow technical
convergence between Internet based content, broadcast services, and connected TV or smart TV devices ». Notre traduction :
483

1314. Par arrêté du 25 avril 2015, le processus de migration du pays de la télévision


analogique à la TNT a abouti à la création d’un nouveau Comité national de migration de la
TNT. Ce dernier est sous l’autorité du ministre de la communication et des médias.
Contrairement aux objectifs de sa création en 2002, l’ARPTC a constaté que la mission légale
était contournée de ainsi que le dédoublement de ses compétences, au profit dudit Comité ad
hoc par un arrêté ministériel. Pour l’économie numérique, la synergie est nécessaire entre les
organes distincts de régulation de la TNT et des télécoms de base. C’est à l’aune de la
convergence que se présente la tendance internationale vers l’« interrégulation », ayant guidé
l’initiative des arrêtés sur la migration de la TV analogique vers la TNT. Mais, lesdits arrêtés
ont eu la faiblesse d’exclure l’ARPTC du processus et d’empiéter sur ses prérogatives, en
créant une commission ad hoc sous l’égide du gouvernement.2948
1315. En effet, dans cette démarche, le nouveau paysage audiovisuel congolais adapté à
la TNT a été restructuré autour des prestataires techniques, classés en quatre types d’acteurs
ou exploitants. Premièrement, la catégorie des « éditeurs de programmes » identifie
l’opérateur assumant exclusivement les tâches de production studio et/ou d’édition de contenu
ou programmes. L’opérateur TV est considéré traditionnellement comme chaine de télévision.
Il assume dans la télédistribution actuelle, la production, la transmission et la diffusion. Dans
la migration vers la TNT, il devient « éditeur de programmes », en se limitant désormais aux
seuls travaux définis pour sa catégorie.
1316. Deuxièmement, une autre catégorie, les « opérateurs de Multiplex », est formée
par des assembleurs de contenu se limitant à agréger les programmes et services provenant de
plusieurs éditeurs ou opérateurs télécoms, afin de former des bouquets et les rendre
disponibles à un diffuseur pour la distribution. Troisièmement, le « diffuseur » est un
opérateur qui assure la fonction essentielle de diffusion dans le spectre des fréquences
hertziennes et effectue le transport et la distribution des programmes par fibre optique, par
câble, par satellite ou par faisceau hertzien (FH). Il est le seul habilité à détenir des fréquences
dans le cadre des licences attribuées par l’autorité compétente. Quatrièmement, le
« fournisseur des services (Télé-distributeur) » assemble des programmes d’origine étrangère
et locale dans des bouquets, afin de les commercialiser à l’intention des clients particuliers,
moyennant un abonnement mensuel ou annuel. Cet opérateur offre en RDC des bouquets TV
au diffuseur qui en assure la distribution à travers le réseau TNT.2949
1317. En application de cet Arrêté interministériel, le ministre de la communication et
des médias a pris un autre arrêté2950 afin d’habiliter vers la TNT la coordination du Comité
national de la migration, à recevoir les demandes et conduire les procédures de délivrance des
licences d’exploitation des services TNT.2951 Cet arrêté dispose que, dans le mois suivant le
dépôt du dossier, soit notifié au candidat ou soumissionnaire, pour la prise en compte de sa
demande. Celui-ci transmet le dossier, après notification, aux autorités de régulation pour
avis. Après avis favorable, la délivrance de la licence d’exploitation de la TNT peut intervenir

« Ce chapitre examine les développements juridiques relatifs aux plates-formes permettant la convergence technique entre le
contenu Internet, les services de diffusion et les appareils de télévision connectée ou de télévision intelligente ».
2948
Précisément : le ministère des PTNTIC et celui de la Communication et Médias.
2949
Article 2, Arrêté interministériel n°002/TNT/CAB/M-CM/LMO/2015 et n° CAB/VPM/PTNTIC/TLL/0002/2015 du 25
avril 2015, préc.
2950
Arrêté ministériel n° CAB/M-CM/LMO/006/2015 du 25 avril 2015 du Ministre de la Communication et Médias portant
procédure d’obtention d’autorisation d’exploitation de la TNT, in JO RDC, col. 27.
2951
Article 1, Arrêté susdit: « La Coordination du Comité national de la Migration vers la TNT procède à des appels à
candidature pour la fourniture des services de la télévision numérique terrestre à vocation nationale ou régionale pour le
réseau public et à l’examen des dossiers des soumissionnaires privés pour les réseaux privés ».
484

par décision du ministre ayant la communication et les médias dans ses attributions.2952 Les
catégories de service placées sous l’autorité de cette coordination sont notamment : le service
d’édition de programme ou édition de contenu, le service de multiplexage, le service de
diffusion, le service de télédistribution, le service payant ou gratuit, le service thématique ou
généraliste, le service en définition standard ou haute définition, le service d’édition en ligne,
les services linéaires et/ou services enrichis ou services interactifs, la commercialisation des
matériels et équipements numériques.2953
1318. Cependant, concernant l’ensemble de ces services, la Loi n°014/2002 sur la
création de l’ARPTC confère à celle-ci les compétences d’« instruire les dossiers de demande
de concession, délivrer, suspendre ou retire les autorisations, recevoir les déclarations, établir
les cahiers de charges correspondant aux autorisations, veiller au respect des obligations
contractées par leurs utilisateurs, fixer périodiquement le nombre de nouveaux opérateurs
admissibles au bénéfice d’une concession ou d’une autorisation ».2954 Ainsi, cet arrêté se
superpose aux attributions données par la loi à l’Autorité de régulation, tout en créant une
structure ad hoc, en parallèle à ces prérogatives. L’esprit du législateur était de concentrer
l’étude des dossiers techniques (licences, fréquences, cahiers des charges) en rapport avec les
technologies des télécoms ou les technologies de la communication audiovisuelle.
1319. D’une part, l’Arrêté n° CAB/M-CM/LMO/006/2015 du Ministre de la
communication et des médias se caractérise par un excès de pouvoir, devant entrainer la
nullité de son acte. En prescrivant que « tout dépôt de dossier donne lieu, suivant le service, la
zone ou l’opération visée, au paiement de frais non remboursables »2955, un autre motif
d’ordre fiscal (pour excès de pouvoir) vicie l’Arrêté pour établir des droits de perception des
frais au profit du Comité de migration de la TNT dans l’étude des dossiers ; c’est une
violation des dispositions d’ordre public en matière de procédures et principes de droit.2956
Mais surtout, cet arrêté sépare les procédures de régulation conjointe des TIC, voulue par la
loi, sur l’unicité en RDC des régimes de régulation technique, de toutes les communications
numériques dont font partie la TNT et les réseaux télécoms ouverts au public.
1320. L’ARPTC avait introduit, auprès des ministres signataires, un recours
administratif pour annule ces arrêtés. Dans un silence persistant, elle agit dans le cadre de ses
prérogatives légales sans tenir compte du contenu de ces arrêtés, en se réservant le droit
d’adresser un recours en annulation devant le Conseil d’État.2957 Elle peut aussi, par voie
d’exception, adresser une requête auprès de la Cour constitutionnelle si son application lui en
était requise, en tenant compte de la position politique des membres du gouvernement
concernés.2958 Au lieu de juxtaposer des compétences et démultiplier des intervenants publics
pour des technologies alternatives comme en RDC, d’autres États du monde, en Afrique et en

2952
Article 8, Arrêté n° CAB/M-CM/LMO/006/2015 du 25 avril 2015, préc.
2953
Article 2, Arrêté n° CAB/M-CM/LMO/006/2015 du 25 avril 2015, préc.
2954
Article 3, Loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc.
2955
Article 5, Arrêté n° CAB/M-CM/LMO/006/2015 du 25 avril 2015, préc.
2956
Article 2, Loi n°014-015 du 16 juillet 2004, préc. : « Il ne peut être institué d’autres actes générateurs des recettes
administratives, judiciaires, domaniales et de participation qu’en vertu d’une loi, et après avis préalable du ministre ayant
les finances dans ses attributions. » Cf. aussi. Loi n°004-2003 portant réforme des procédures fiscales, JO RDC, n° spécial,
31 mars 2003, p. 5. Cf. aussi Loi n°06/003 du 27 février 2006 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi
n°004/2003 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales, JO RDC, 47e année, n° spécial, 15 mars 2006, pp.6-9.
2957
Article 155, Constitution de la RDC, préc. : « Sans préjudice des autres compétences que lui reconnaît la Constitution ou
la loi, le Conseil d’État connaît, en premier et dernier ressort, des recours pour violation de la loi formés contre les actes,
règlements et décision des autorités administratives centrales ».
2958
Article 162, Constitution de la RDC, préc. : « La Cour constitutionnelle est juge de l’exception d’inconstitutionnalité
soulevée devant ou par une juridiction. Toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle pour inconstitutionnalité de tout
acte législatif ou réglementaire ».
485

Asie, ont développé des expériences plus harmonieuses de régulation convergente. La RDC
pourrait s’en inspirer face aux enjeux d’une régulation adéquate à l’ère numérique.
1321. En Malaisie, la Malaysian Communications and Multimedia Commission
(MCMC), créée en 1998, est le seul régulateur des secteurs des télécommunications, de la
radiodiffusion et de l'informatique. En 2008, le gouvernement coréen a créé la Korea
Communications Commission (KCC) en fusionnant le régulateur des télécommunications et le
régulateur de la radiodiffusion, alors qu’ils furent respectivement le ministère de
l'information, de la communication (MIC) et la Commission coréenne de la radiodiffusion
(KBC). La KCC a fusionné sous une seule autorité réglementaire les télécommunications, les
allocations de fréquences et la radiodiffusion, y compris leurs contenus, afin de s'adapter à la
montée des technologies de convergence, en particulier la télévision sur Internet (IPTV).
L'introduction de l'IPTV en Corée a été retardée de plusieurs années, du fait de différends
entre le MIC et la KBC, à propos de la juridiction. Toutefois, après la création de la KCC, le
régulateur issu de la convergence a finalisé les règles permettant aux opérateurs de fournir
l'IPTV. À la fin de l’année 2009, la Corée comptait un million d'abonnés à l'IPTV.
1322. Progressivement, d'autres pays transforment des régulateurs spécifiques aux
télécommunications en régulateurs convergents portant sur l'ensemble des TIC. Ainsi, la
portée du régulateur du Kenya a été étendue, comme cela est présenté dans le site de la CCK,
le régulateur du Kenya. La Commission des communications de ce pays (CCK) est l'autorité
de régulation du secteur des communications.2959
4. Pour une réforme de la régulation et de la gouvernance de l’Internet en RDC au
regard des problématiques de souveraineté dans la société numérique mondiale
1323. Le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI : Genève 2003, Tunis
2005) marque, pour toute la Terre, le tournant officiel d’appréhension de l’Internet par le
droit. En effet, une société de l’information a émergé, à l’ombre de la « souveraineté
postmoderne ».2960 L’Europe avait adopté en 1998 une directive spécifique sur les services de
la société de l’information.2961 Les enjeux de la gouvernance de l’Internet se complètent à
ceux de la dérégulation des télécoms des années 1990-2000. La révolution numérique est
advenue à la suite du déclin des monopoles et de l’ascension de l’économie numérique, post-
éclatement de la bulle Internet (2003). La société mondiale de l’information n’a pas aboli
l’État, mais elle en a fait, par conséquent, un « État démythifié »2962 ou « État englobé ».2963
La mondialisation (de l’Internet) en a « fait seulement le rouage privilégié de la gouvernance
planétaire ».2964
1324. À l’ère numérique, des transformations du droit s’opèrent, « substituant
l’horizontalité à la verticalité » et créant des rapports juridiques de l’État dans « un espace

2959
Créée en 1999 par la Loi sur les communications (KCA) n°2 de 1998, le mandat initial de la CCK était la régulation des
sous-secteurs des télécommunications et des postes, et la gestion du spectre des fréquences radioélectriques du pays. Les
changements et l'évolution rapide de la technologie ont pratiquement effacé les distinctions traditionnelles entre les télécoms,
les technologies de l'information et de la radiodiffusion. Par conséquent, le gouvernement kenyan, en janvier 2009, a adopté
la loi sur les communications du Kenya (amendement). Cette dernière a renforcé la portée de la réglementation et de la
compétence de la CCK, et l’a effectivement transformée en un régulateur convergent. La CCK est maintenant chargée de
faciliter le développement des secteurs de l'information et de la communication (y compris les services de la radiodiffusion,
des multimédias, des télécoms et postaux) et le commerce électronique.
2960
P. TRUDEL, op.cit., p. 11.
2961
Directive 98/34/CE, préc.
2962
J. CHEVALLIER [2014], op.cit., p. 69.
2963
Idem, p. 48.
2964
P. MOREAU DEFARGES, op.cit., 52.
486

public en mouvement constant ».2965 Le cyberespace agit sur les attributs de souveraineté, car
cet espace numérique enchevêtre la technique et le politique, le public et le privé, le national
et l’international. L’Internet est en effet planétarisé, dématérialisé, décentralisé, délinéarisé. Il
reste ouvert 24h/24, 7 jours sur 7, pour toutes sortes de transactions sans limites des frontières
nationales. Il semble déposséder l’État du monopole de contrôle de l’espace public, c’est-à-
dire le lieu de citoyenneté, l’assise de souveraineté, où il se déployait en maître de la
coercition légitime. « Classiquement la souveraineté s’entend de l’existence d’un monopole
étatique sur l’énonciation et l’application du droit ».2966 L’ère numérique annonce celle de la
« souveraineté en réseau ».2967 Mais, la « pluri-normativité » 2968 du Web amène au constat
que l’État n’est plus le seul centre d’émission de la norme dans la société numérique. 2969 Ne
s’agit-il pas d’une situation de l’« État polycentrique »2970 ? Cette notion décrit l’existence
d’entités autonomes au sein de l’État et rappelle l’idée de « voir comme consommée
l’installation au niveau mondial du pluralisme juridique ».2971
1325. Dès lors, la problématique des souverainetés nationales est posée face à l’Internet
planétaire, bien au-delà de la simple transnationalité qui, en droit international privé, suscite
des conflits des lois civiles ou pénales.2972 Si la dérégulation des télécoms de base
complexifiait déjà le phénomène de millefeuille législatif, elle s’est pourtant limitée à une
reconfiguration législative du mode d’intervention de l’État dans un marché d’ancien
monopole public. Cependant, la « société d’information planétaire »2973 apporte une nouvelle
réalité de démultiplication des centres d’édiction des normes techniques et/ou des « lois
privées du marché ». Autrement dit, les « polycentres » confirment la « consolidation d’un
environnement pluri-normatif caractérisé par la prolifération d’un réseau décentralisé de
"centres de régulation" prônant la négociation d’outils régulatoires souples, catégorisables
comme la soft law ».2974
1326. En effet, des organismes privés, comme l’ICANN, le W3C ou l’ITF, fixent des
protocoles de routage et des attributions des ressources-racines, indispensables à de la
fonctionnalité sémantique de l’Internet. Cette gestion privée de l’ « ordre public numérique »
est devenue le défi commun de tous les systèmes juridiques : l’Internet a des institutions de
droit privé (pour la plus part basés aux États-Unis) qui édictent des normes suis generis, à
portée universelle. Pour le premier cas du genre : « L’ICANN gère sans aucun doute un
service public international puisqu’elle permet un accès ordonné à l’Internet dans le monde
entier, notamment en coordonnant l’attribution des indicateurs uniques d’Internet, les « IP »

2965
Ibid., p. 44-45.
2966
P. TRUDEL, « Ouverture Ŕ La souveraineté en réseaux », in A. BLANDIN-OBERNESSER (sous dir.), Droits et souveraineté
numérique en Europe, Coll. Rencontres européennes, Bruylant, Bruxelles, 2016, p.10.
2967
Ibidem, p. 5-7.
2968
La problématique ressortie par le terme « plurinormativité » est partagée avec le Professeur Sawadogo Filiga Michel,
«Approche nationale et régionale de la mise en place d’une réglementation du commerce électronique : le cas du Burkina Ŕ
Faso et l’Afrique de l’Ouest », Conférence régionale africaine de haut niveau, Tunis, 19-21 juin 2003 (inédit)
2969
LUCA BELLI, De la gouvernance à la régulation de l’Internet, Préface de Louis Pouzin et Gilles J. Guglielmi, Coll. Au fil
des études Ŕ Les thèses, éd. Berger-Levrault, Boulogne-Billancourt, 2016, pp.3-10.
2970
J. CHEVALLIER [2014], op.cit., p. 85.
2971
G. J. GUGLIELMI, « Préface », in LUCA BELLI, De la Gouvernance à la Régulation de l’Internet, Coll. Au fil des études :
Les Thèses, éd. Berge Levrault, Boulogne-Billancourt, 2016, p. 13.
2972
G. CORNU, op.cit, p. 567. Verbo, « Droit international privé » : au sens étroit et traditionnel à partir du XIX e siècle (le
plus important aujourd’hui), branche du Droit ayant pour objet le règlement des relations internationales de Droit privé,
notamment par le procédé du conflit des lois. Dans son sens large et ancien (aujourd’hui peu usité), cette branche de droit a
pour objet le règlement des relations internationales affectées par la diversité des Droits internes.
2973
Groupe de haut niveau sur la société de l’information, L’Europe et la société de l’Information planétaire, 1994 (dit
« Rapport Bangemann » du nom de Martin Bangemann, vice-président de la Commission européenne alors présidée par
Jacques Delors.)
2974
LUCA BELLI, op.cit., p.18.
487

(Internet protocols), qui permettent d’accéder à l’Internet et que des bureaux


d’enregistrement, qu’elle accrédite, transforment en adresses électroniques ».2975
1327. Pour le second cas du genre : En principe, la loi est l’expression de la
souveraineté, Les procédures parlementaires ou référendaires sont, pour la souveraineté, la
forme par laquelle le droit constitutionnel habilite les lois à produire des effets juridiques
précis, assortis des incriminations et des peines.2976 L’organisation des services d’ordre et de
justice sont les devoirs de structuration du pouvoir de l’État. 2977 Les chartes, dites également
« le code », en tant que « processus auto-organisationnel » restent d’origine des souverainetés
infra-étatiques, mais qui prennent une dimension supranationale à l’échelon du Web. Elles
demeurent des « obligations communes et mutuelles ».2978 La coercition reste également de
l’apanage de la puissance publique, mais avec les normes techniques d’une part et les codes
privés d’autre part, l’Internet présente des sanctions impératives. À vrai dire, « La sanction
éventuelle pour un comportement non-conforme peut être une punition juridiquement
étatique, mais l’instrument répressif est plutôt la réprobation du groupe ».2979 En particulier,
pour les normes techniques infra-étatiques du Web, leur impérativité réside dans le rejet
d’opérabilité avec le système global, si elles sont enfreintes. La sanction de violation des
normes numériques n’est pas juridique mais factuelle, car il faut observer les standards
techniques pour indispensablement accéder au système. D’où leur impérativité par
l’effectivité, mais pas au même titre que la norme juridique.
1328. Pour le dernier cas du genre : au premier cadran des télécoms de base, la
réglementation s’était détachée de la régulation, mais encore cette dernière se complète
inséparablement de la gouvernance numérique. L’action de légiférer ou de réglementer relève
de la souveraineté, mais celle-ci subit des influences du réseau. Selon François Ost et Michel
van de Kerchove, la « loi [est] en érosion constante », car la régulation se démarque de la
réglementation des télécoms de base, en marquant déjà une étape de transition de la force
pyramidale de la norme juridique. « La loi au sens formel du terme se voit traditionnellement
reconnaitre sinon une souveraineté, tout au moins une "quasi-souveraineté"2980 dans la
hiérarchie des sources formelles du droit.2981 » La pyramide tient à la nature du droit : il est
« linéaire » au sens unique de l’ordre sans inversion, ni rétroaction, il est « arborescent », se
démultiplication à partir d’un foyer de création unique, et « hiérarchique » en disposant de la
supériorité étatique et de la subordination des sujets.2982

2975
A. PELLET, « Une gestion de l’ordre public de l’Internet ? », in Société française pour le Droit de l’Internet, Internet et
le droit international, Colloque de Rouen, éd. A. Pedone, Paris, 2014, p. 239
2976
Selon le principe de souveraineté : article 3, Constitution française de 1958 : « La souveraineté nationale appartient au
peuple, qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum » ; article 5, Constitution congolaise de 2006 : « La
souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l’exerce directement par voie de référendum
ou d’élections et indirectement par ses représentants». L. FAVOREU, P. GAÏA et al, Droit constitutionnel…, op.cit, pp. 25 et
s. (sur l’État de droit, L’encadrement juridique du pouvoir).
2977
L. DUGUIT, Les transformations générales du droit public, op.cit, p. 24 et s.
2978
P. MOREAU DEFARGES, La Gouvernance, préc., p. 60-61.
2979
Ibidem, p. 61.
2980
F. DELPÉRÉE, « La Constitution et la règle de droit », in Annales de droit, t. XXXII, n°2-3, 1972, p.190.
2981
A. MAST, Précis de droit administratif belge, Bruxelles-Gand, 1964, p. 10. E. ERGEC, Introduction au droit public, t. I, Le
système institutionnel, 2e éd. revue et augmentée, Bruxelles, E. Stony-Scientia, 1994, p. 107. La loi est l’expression de la
volonté nationale. La plénitude de compétence du pouvoir législatif lui permettant d’exercer toutes les compétences que la
constitution n’a pas confiées à d’autres pouvoirs.
2982
Au sujet de « la souveraineté traditionnelle de la loi » : F. OST et M. VAN KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour
une théorie dialectique du droit, Publications des Presses des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 2002, p. 78. (F.
OST et M. VAN KERCHOVE, « De la pyramide au réseau ? Vers un nouveau mode de production du droit ? », R.I.E.J., 2004.
488

1329. Cependant, la convergence numérique des télécoms renforce la réalité « tout le


droit n’est pas dans la loi ».2983 La révolution numérique a distancé le « temps des
institutions » du « temps des réseaux », non seulement en appelant à des interstices
réglementaires, avec des subdélégations au régulateur, mais plus visiblement en mettant
d’avantage l’accent sur l’efficience d’une « régulation ex ante » sur une « régulation ex post
».2984 Internet est une de ces « forces imaginantes » du droit, selon Mme Mireille Delmas-
Marty, qui affecte sensiblement les systèmes juridiques classiques, Elle souligne que le droit
étatique se caractérise par des termes statiques comme « fondement », « socle », traduisant ses
institutions juridiques, intériorisées par les gouvernants et les gouvernés. 2985 En convergeant
avec la pensée de Monsieur Jacques Chevallier, La figure postmoderne du réseau tend dès lors
à se substituer à celle de la pyramide ».2986 La régulation réadapte la portée de la
règlementation, qui devait rester impersonnelle, générale et antérieure aux faits, car « Il ne
s’agit pas de le faire plier le droit sous le joug de l’économie mais de prendre dorénavant en
compte, en temps réel, les critères pertinents de l’économie dans l’élaboration du droit. »2987
1330. Ainsi, la fonction de régulation fait appel au mode de réflexivité de la
gouvernance, sans trop s’éloigner du mode de l’impérativité du gouvernement. Elle peut donc
s’étendre au-delà de la typologie sectorielle de ses compétences. Il s’agit là de « différents
mécanismes de gouvernance qui ont permis, et qui continuent à permettre une pluralité de
parties prenantes de façonner l’évolution de l’Internet. L’émergence du concept gouvernance
et les déclinaisons de la notion de régulation ». Ces mécanismes de régulation sectorielle,
convergente et de gouvernance interrogent simultanément les droits africains et européens
quant à « l’application de ces concepts dans l’écosystème internautique ».2988 Les pays
africains de jeune démocratie, comme la RDC, restent encore en quête de stabilité politique.
Si celle-ci travaille encore à sauvegarder et à solidifier son ordre constitutionnel face aux
conflits armés et de légitimité, la transition vers la régulation et la gouvernance de l’Internet
s’avère un défi, qui mérite d’être approfondi dans un cadre de développement plus
spécifique.2989
1331. En définitive, la régulation des télécoms ne saurait plus rester sectorielle, en
insistant sur son autonomie et sa légitimité afin d’arbitrer le jeu économique du marché
ouvert.2990 Dans le monde, « le développement du numérique et de l’Internet a contribué au
déplacement des frontières entre acteurs de ces secteurs et soulèvent des questions sur des
voies de régulation à adopter, les autorités légitimes, l’enchevêtrement des législations, la
réactivité du droit dans un environnement technologique en mouvement rapide ».2991 Suivant
l’expérience française, les régulateurs des télécoms, côtoient dans les secteurs avoisinant de
leurs activités des entités administratives indépendantes sur le même type sectoriel : ARCEP,

2983
W. GANSHOF VAN DER MERSCH, « Propos sur le texte de loi et les principes généraux du droit », in J.T, 1970.
2984
M-C. ROQUES-BONNET, op.cit., p.169. « Le Rapport rendu le 27 juin 2007 identifiait une nouvelle « logique de
l’organisation institutionnelle française », celle de la régulation dite « ex ante », c’est-à-dire prenant « le soin de fixer des
règles censées éviter des pratiques anticoncurrentielles ».
2985
M. DELMAS-MARTY, « À l’heure de la mondialisation, nous avons besoin d’un droit flou », Libération, Interview par
Robert Maggiori et Anastasia Vécrin, 23 septembre 2016.
2986
J. CHEVALLIER, op.cit., p.85.
2987
A. RUTILY et B. SPITZ, « Les nouveaux enjeux de la révolution numérique », Hermès, n°44, 2006, p. 29.
2988
LUCA BELLI, De la gouvernance à la régulation de l’Internet, Préface de Louis Pouzin et Gilles J. Guglielmi, Coll. Au fil
des études Ŕ Les thèses, éd. Berger-Levrault, Boulogne-Billancourt, 2016, p.9.
2989
Cf. Partie 2, Titre 1, Chapitre 1 de la présente thèse, avec les développements consacrés à l’avènement de la société
numérique congolaise.
2990
A. PERROT, « Les frontières entre régulation sectorielle et politique de la concurrence », Revue française d’Economie,
n°4, 2002, Vol. XVI, pp. 81-110.
2991
A. RUTILY et B. SPITZ, op.cit, p. 29.
489

CSA, HADOPI, DGCCRF, etc. Comparativement, la RDC n’a pas suivie l’expérience de
création des mêmes autorités sectorielles. L’ARPTC travaille à côté des administrations
classiques (ministères) intervenant de télécoms, de concurrence et de propriété intellectuelle.
Par ailleurs, la convergence numérique des médias et des réseaux appelle à une extension de
son champ pour une « inter-régulation » avec d’autres secteurs régulés, eu égard à la
transversalité des TIC.2992 La première réforme avait produit « la régulation, démantelant les
corsets rigides de la réglementation », mais l’Internet appelle à une « régulation réflexive » ou
« procédurale ».2993 Désormais, « la norme doit se cristalliser au carrefour de la contrainte et
du consentement, ne fonctionnant que si elle est intériorisée et vécue ». Une fois « les vieux
carcans législatifs et administratifs » démantelés, « l’économie ne doit plus être enfermée
dans les corsets bureaucratiques, elle doit être régulée, encadrée par des normes souples.
« Dans le sillage de la gouvernance, éclosent les autorités indépendantes, instances collectives
de surveillance ».2994 L’Internet est donc devenu le terrain de jeu de la régulation et de la
gouvernance, en requérant un ou des arbitres chargés au bon déroulement de la partie et de
sanctionner l’envers des règles du droit, du marché ou de la technique.
1332. L’ensemble des développements de notre thèse démontre des transformations du
droit et de ses institutions en vue de les adapter aux évolutions des technologies numériques,
au regard de leur popularisation dans l’économie et la société. En effet, le réalignement
nécessaire des points du droit public et du droit privé a été la trame d’analyse des réformes
balbutiantes en RDC face à l’expérience avant-gardiste et éprouvée de l’Europe et de la
France, pour un droit de l’économie numérique adapté aux défis de la société de
l’information.

2992
V. A. DELION, « Notion de régulation et droit de l’économie », in Annales de la Régulation, Paris, LDGJ « Bibl. de
l’Institut A. Tunc », T. IX, vol. I, 2006, p. 23. M-A FRISON-ROCHE, « L’hypothèse de l’interrégulation », in Les risques de
régulation, Paris, Dalloz/Presses de Sciences Po, coll. « Droit et Économie de la Régulation », 2005, T. III, p. 60-69.
2993
G. TEUBER, Droit et réflexivité, l’auto-référence en droit et dans l’organisation, traduction N. Boucquey, Story-LGDJ,
Paris-Bruxelles, 1994. Il se contente au mieux de fixer quelques objectifs généraux, à charge pour les acteurs privés de
déterminer eux-mêmes, au terme d’une délibération réglée, les normes susceptibles des les atteindre. La légitimité de la
norme régulatoire est celle dans laquelle les régulés se reconnaissent ou adhèrent pas la persuasion intellectuelle.
2994
P. MOREAU DEFARGES, La Gouvernance, préc., p. 63.
490
491

CONCLUSION

1333. À l’échelle planétaire, l’expansion du cyberespace et les progrès technologiques


produisent de nouvelles réalités sociétales dans les ordres juridiques, soient-ils national,
communautaire ou international. En appréhendant les nouveaux enjeux de la révolution
numérique, les États du monde ont réformé plusieurs aspects institutionnels de leurs cadres
légaux et réglementaires. En Europe, en France, en Afrique et en RDC, la transition des
normes juridiques est rythmée par la prise en compte des mutations technologiques. « Au-delà
de ses multiples définitions, le droit est l’institution, l’instrument et l’expression de la
civilisation ; […] il est lié au temps, à l’histoire et à la patrie »2995. Ainsi, les législateurs
adaptent les règles étatiques et les institutions juridiques afin de couvrir les artefacts du
numérique, tout en encadrant les droits subjectifs menacés et/ou favorisés par de nouvelles
pratiques du marché électronique.
1334. La révolution numérique a favorisé l’« interdépendance sociale »2996 et une
« transformation économique formidable ».2997 « Transposée à l’Internet, la métaphore de
Mac Luhan sur le "village global" [est] à la figure parachevée dans les réseaux sociaux »2998.
La réalité contemporaine est devenue celle du même Internet pour tous et partout. Le
cyberespace est une concrétisation du « village planétaire ».2999 « Qu’on le veuille ou non,
tout nous parait démontrer […] que le système de droit sur lequel nos sociétés modernes
avaient jusqu’à présent vécu, se disloque, et qu’un nouveau système s’édifie sur des
conceptions tout à fait différentes ».3000 La technologie numérique soulève des problématiques
identiques dans tous les États connectés aux télécoms, mais les engage chacun dans des
expériences juridiques particulières. Les enjeux de l’économie numérique sont indifférents du
territoire sur lequel se rattachent le droit ainsi que le pouvoir des États. Il en découle un
mouvement des politiques législatives et de nouvelles trajectoires des réformes juridiques. Au
regard des transformations du Droit, « [l]e phénomène est général. Il atteint toutes les
institutions juridiques, celles de droit privé […] et aussi les institutions de droit public. Il se
produit dans tous les pays parvenus à un même degré de civilisation. ».3001 L’architecture
actuelle du droit de l’économie numérique découle du processus de dérégulation et de
l’évolution du droit international du commerce, face à la mondialisation de l’économie de
marché, au recul de la notion classique de service public et de la popularisation des usages
applicatifs du Web dans la vie sociale.
1335. Le renouveau du droit s’avère nécessaire pour la mise à jour de la règle étatique,
pour jalonner les perspectives technologiques ou pour encadrer les tendances du marché. Les
pouvoirs publics se disposent à un travail de réexamen des lois, étant donné que les
innovations de la technique et de l’économie restent dynamiques. Depuis le télégraphe du
XVIIIe siècle jusqu’à l’ère numérique actuelle, notre thèse a appréhendé l’essentiel des
transformations du droit au regard des facteurs économiques et technologiques de législation,
en clarifiant les problématiques, en structurant les solutions juridiques et en énonçant les
prescriptions nécessaires en Europe, en France, en Afrique et en RDC. Pour autant, elle a
2995
P. MALAURIE et P. MORVAN, Introduction au droit, LGDJ, 6e éd., coll. Droit civil « Philippe Malaurie et Laurent Aynès »,
Paris, 2016, p.13.
2996
L. DUGUIT, Les transformations du droit public, La mémoire du droit/Librairie Armand Colin, Paris, 1999 (1913), p. XVII.
2997
Ibidem, p. XVI.
2998
N. MALLET-POUJOL, op.cit., p. 12.
2999
MASRSHALL MCLUHAN, The Medium is the Message, 1967.
3000
L. DUGUIT, op.cit, p. X.
3001
Ibid.
492

retenu, à l’analyse, les enjeux juridiques des services de la société de l’information : ceux se
rapportant aux communications et au commerce électroniques.
1336. Sa première partie se fonde sur le commerce électronique dans le système
juridique européen et français, en vue de construire des paradigmes juridiques comparables
et/ou applicables à l’Afrique et à la RDC. Sur la base des riches et avant-gardistes acquis
européen, la seconde partie de thèse évalue la transition des normes juridiques dans le système
africain et congolais, en fonction de la dérégulation mondiale des télécoms et de l’avènement
de l’économie numérique. La méthode de droit comparé a tracé les schèmes des institutions
juridiques réformées dans ce contexte, afin d’en préciser, pour la RDC, les forces, les
faiblesses, les correspondances et les décalages avec l’Europe et la France, en proposant des
pistes d’amélioration.
1337. Pour l’ensemble, notre thèse a retenu quatre axes de structuration du droit de
l’économie numérique dans une approche comparée, partant du cadre existant en Europe et en
France (Partie 1) vers l’ajustement du cadre international, africain et congolais. (Partie 2).
L’expansion des télécoms et la numérisation sont à la base de la révolution numérique, dont
les aspects sociétaux constituent une véritable source matérielle du droit. « Mais l’art du
compromis entre le fait et le droit est, on le sait, toujours délicat ».3002 Les phénomènes
économiques sont corrélatifs aux réseaux ; ils deviennent sources d’enjeux juridiques de la
nouvelle forme de commerce en ligne et de l’économie informationnelle.
1338. Le premier axe a permis de construire le modèle d’encadrement juridique réalisé à
travers le temps pour le commerce en ligne européen et français. Les bases de la
réglementation ont suivi l’évolution des techniques de communication à distance pour le
téléachat (en 1989), pour les contrats à distance (en 1997) ou pour la fourniture des services
financiers à distance (en 2002). Mais, la voie électronique a particulièrement révolutionné
l’offre des services de la société de l’information, dont les aspects sont réglementés en Europe
dès 2000 par la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique. Le deuxième axe a
permis d’appréhender l’évolution des politiques législatives se rapportant aux télécoms de
base et aux communications électroniques dans le système européen et français. (Titre 1) Le
droit international du commerce a transplanté en Afrique et en RDC, les standards juridiques
européens des télécoms, sous la poussée de la mondialisation des marchés, de la diffusion
technologique, de l’internationalisation des réseaux et de la multinationalisation des
opérateurs européens en RDC. (Titre 2)
1339. C’est ainsi que l’ordre juridique congolais a fait application du modèle
international de dérégulation, en ouvrant les droits de l’accès aux télécoms autrefois
monopolistiques. Dès lors, les services publics nationaux sont en processus de transformation
dans l’économie de marché. Partout, le droit de la régulation a suscité des défis nouveaux
entre les acteurs étatiques pour la séparation des fonctions de régulation, d’exploitation et de
réglementation. La concurrence sur le marché électronique présente aussi des prédominances
de l’autorégulation voulue par les forces économiques. (Titre 3) Le fonctionnement du
marché électronique a abouti à l’émergence de l’économie numérique et de la société de
l’information en RDC. La législation telle que pensée au départ n’est pas en mesure de
définir, ni de régir les contingences de la révolution numérique, particulièrement les données
personnelles et la cybercriminalité. Pour autant, des travaux de lege ferenda sont en cours
depuis avril 2017 au Parlement congolais. De nombreux défis législatifs sont ainsi nés de

3002
M. QUÉMÉNER et Y. CHAPRENEL, Cybercriminalité, droit appliqué, Economica, coll. Pratique du droit, Paris, 2010, p. 2.
493

l’Internet : cybersécurité, preuve et signatures électroniques, gouvernance du numérique,


interrégulation, commerce électronique, etc. Ces aspects nouveaux motivent une refondation
du droit de l’économie numérique en RDC, sur socle de la régulation sectorielle et au vu de
l’expérience comparée. (Titre 4).
1340. Sur tous ces axes, le recours aux expériences internationales, européennes et
françaises sont indispensables, au regard des deux grandes phases de mondialisation du réseau
électronique et de globalisation de l’économie numérique. Deux étapes complémentaires ont
donné lieu au marché numérique mondial : ce sont des étapes d’économie de marché
correspondant aux mouvements de modernisation de l’État et aux mutations technologiques
de l’Internet. Les directions prises, en conséquence, par les transformations de l’économie et
du droit Ŕ droit public économique Ŕ sont la dérégulation des services publics
monopolistiques et la régulation ou la gouvernance de l’Internet.3003
1341. En premier lieu, le point de départ de la transformation des services public a porté
sur l’ouverture du marché des télécoms. Le droit de l’accès est compris comme la transition
du monopole vers une concurrence effective, sous la régulation d’une autorité administrative
indépendante. Cette phase de transition a d’abord consisté à lever progressivement toutes les
barrières Ŕ politiques, économiques ou réglementaires Ŕ d’accès au marché et à
l’interconnexion, à la faveur de nouveaux entrants sur le marché. Elle a ensuite permis de
supprimer toute forme de droits exclusifs ou de préférence technologique dans les offres des
services de télécoms aux consommateurs, anciens usagers des services monopolistiques. Il est
dès lors normal que l’accès corresponde « à la mise à disposition de ressources et/ou de
services pour la fourniture de communications électroniques. Cela concerne l’accès à des
éléments de réseaux, des bâtiments, des pylônes et des systèmes de logiciels. ».3004
1342. Enfin, l’adoption des règles technologiquement neutres a permis d’assurer la
pleine concurrence, en accompagnant l’ouverture de tous les secteurs du marché de télécoms
qui ne l’étaient pas. Toutes ces mesures ont apporté la convergence entre les secteurs des
télécommunications, de la radiodiffusion et des technologies de l’information. Au lieu des
« télécommunications », la nouvelle terminologie « communications électroniques » traduit le
passage à l’ère numérique, caractérisée par la part toujours grandissante prise par l’Internet
dans la société et dans l’économie.3005
1343. En Europe, en France, en Afrique et en RDC, est né un droit de la régulation
sectorielle des télécoms de base. Le « droit public de la régulation de l’économie »3006 prend
souvent « l’allure hétéroclite de ses instruments et l’apparence d’autonomie de ses diverses
facettes ».3007 Le droit public valorise l’aspect de l’instrument au détriment du rôle « cadre »
qui est aussi celui du droit de l’action publique.3008 Il ne s’agit pas de réserver cette notion à
l’encadrement concurrentiel de certains secteurs économiques.3009 La régulation est largement
entendue comme « la démarche pragmatique et globale consistant à poursuivre un objectif
déterminé par l’utilisation, généralement combinée, de méthodes choisies parmi une palette

3003
J.-P COLSON et P. IDOUX, Droit public économique, op.cit., pp. 1 et s.
3004
D. BOULAUD, Le nouveau cadre européen des communications électroniques, quelle régulation pour quels équilibres,
Assemblée nationale, Rapport d’information, n°3048, 11e législature, délégation pour l’UE, Paris, 2001, pp. 13-15.
3005
Ibidem, p. 13-15. J. CATTAN, op.cit., p. 25 et s. WAEL EL ZEIN, op.cit., pp. 3 et s.
3006
B. DU MARAIS, Droit public de la régulation économique, Presses de Sciences Po et Dalloz, 2004.
3007
J.-P COLSON et P. IDOUX, Droit public économique, op.cit., p. 33 et s.
3008
J. CHEVALLIER, « Droit et action publique », in Le droit figure du politique, Mélanges en l’honneur de Michel Miaille,
Faculté de droit de Montpellier, 2008, vol. 2, p. 421.
3009
M.-A. FRISON-ROCHE, « Le droit de la Régulation », Rec. Dalloz, 2001, n°7, p. 610.
494

d’instruments variés, en fonction d’un calcul d’efficacité optimale ».3010 Le terme a pu


susciter des malentendus,3011 mais il fédère par son caractère malléable, des objectifs assez
contradictoires dans leur principe.3012 En effet, l’idée de service public côtoie désormais celle
de l’économie (néo)libérale.
1344. Il est acquis que la raison d’être de l’administration est d’organiser la fonction
centrale de satisfaction de l’intérêt général, à travers deux types d’actions : la police et le
service public, présentant une finalité supérieure à la somme des volontés individuelles. La
raison d’être de l’administration réside dans la fonction centrale qui lui est impartie.3013 Les
unes ont pour objet en quelque sorte de « matérialiser », de « concrétiser » l’intérêt général
par la réalisation de prestations portant sur des biens et des services, ce sont les activités de
service public. Les autres se traduisent pas un travail de réglementation, d’encadrement
juridique de multiples activités sociales dans le but précis d’assurer le respect de l’ordre
public, il s’agit des activités de police administrative. Ces deux fonctions n’apparaissent pas
au même moment, mais convergent finalement, car n’étant pas désolidarisées, elles
s’entrecroisent souvent.3014 En 1926, la doctrine française situait ladite notion à la frontière du
droit constitutionnel et du droit administratif, comme un des fondamentaux du droit public
moderne. « La volonté du gouvernant […] n’av[ait] de valeur et de force que dans la mesure
où elle poursuit l’organisation et le fonctionnement d’un service public. » (Léon Duguit).3015
Elle faisait également le constat que « le service public apparait d’abord comme une
intervention politique avant de devenir une notion juridique » (Rainaud).3016 De ce fait, il est
sujet aux fluctuations d’ordre politique, en faisant déborder la notion des stricts schèmes du
droit.3017 Cependant, le XXe siècle a permis d’observer l’essor et le recul du service public :
d’une part, l’extension du champ d’intervention des personnes publiques et, d’autre part, la
mobilisation des personnes privées en vue de l’exécution des missions d’intérêt général. 3018
Ces éléments marquent le recul de l’État-entrepreneur, vers un État-postmoderne : l’État
concurrencé, l’État-régulateur de Jacques Chevalier.3019 La recherche de l’efficacité de

3010
J.-P COLSON et P. IDOUX, op.cit., p. 33 et s.
3011
G. MARCOU et F. MODERNE (dir.) : Droit de la régulation, service public et intégration régionale, l’Harmattan, 2005, vol.
1, p. 11 s ; « la notion de régulation » AJDA 2006, p. 347 s. et « L’ordre économique aujourd’hui. Un essai de redéfinition »,
in La notion de régulation en droit administratif français, LGDJ, Bibl. de droit public, t. 259, 2009 ; M. BAZEX, G. ECKERT,
R. LANNEAU, C. LE BERRE, B ; DU MARAIS et A. SEE (dir), Dictionnaire des régulations, LexisNexis, 2016. Cf. aussi : J.-B.
AUBY, « Régulations et droit administratif », in Études G. Timsit, Bruylant, 2004 ; et d’autres travaux de G. MARCOU,
« Régulation et services publics. Les enseignements du droit comparé », in G. MARCOU et F. MODERNE, Droit de la
régulation, service public et intégration régionale, vol. 1, coll. comparaisons et commentaires, Paris, L'Harmattan, Paris,
2005.
3012
J.-P COLSON et P. IDOUX, op.cit., p. 38.
3013
M. DE VILLIERS et T. DE BERRANGER (sous la dir.), Droit public général, institutions politiques, administratives et
européennes, droit administratif, finances publiques et droit fiscal, Lexis/Nexis, Coll. Manuel, Paris, 2015, p. 513.
3014
Ibidem, pp. 514 et s.
3015
Ibid. Pour Rolland, le Service public est « une entreprise ou une institution d’intérêt général destinée à satisfaire des
besoins collectifs du public […] par une organisation publique, sous la haute direction des gouvernants ».
3016
Cf. J-M. RAINAUD, La crise du service public français, PUF, coll. Que sais-je ?, Doir et science politique, 1999.
3017
M. DE VILLIERS et T. DE BERRANGER (sous la dir.), op.cit, p. 522.
3018
Cf. les grands arrêts de la jurisprudence administrative (GAJA), ayant validé l’ouverture des services publics aux
personnes privées, avant et pendant la seconde grande guerre, en marquant par cette mobilisation du secteur privé le recul de
l’État-entrepreneur : Conseil d’État, Arrêt, Caisse primaire Aide et Protection, 13 mai 1938 ; Arrêt Monpeurt, 31 juillet
1942 ; Bouguen, 2 avril 1943 ; Arrêt Etablissement Vezia, 20 décembre 1935. Il s’installe l’idée selon laquelle il y a peut-être
entre les personnes privées et le service public une catégorie intermédiaire de personnes privées investies d’intérêts publics.
Ensuite, l’Arrêt du Conseil d’État du 13 mai 1938, Caisse primaire Aide et Protection (GAJA), juge que ce n’est pas parce
qu’une personne privée qui prend en charge un service public que ce n’est plus un service public. D’autres grands arrêts du
Conseil d’État confirment cette ouverture à la veille de la guerre, notamment : Cons. d’État, Arrêt Monpeurt, 31 juillet 1942
et Arrêt Bouguen, 2 avril 1943 (GAJA). [www.conseil-État.fr/Decisions-Avis-publications/Decisions/Les-decisions-les-plus-
importantes-du-Conseil-d-État] (consulté le 4 avril 2017)
3019
J. CHEVALLIER, L’État post-moderne, op.cit, pp. 63 et s.
495

gestion a coïncidé avec la limitation des extensions du secteur public, soit par souci
d’économie financière soit pour des raisons idéologiques ou politiques. 3020
1345. Ainsi, le service public a connu plusieurs causes de transformation de nature
politique, économique et technologique, auxquelles précisément le marché électronique
contribue. Si le XXe siècle est celui de la mutation profonde de l’État, c’est aussi le passage
d’un État libéral et neutraliste (XIXe siècle) à un État néolibéral et interventionniste. Ce siècle
marque effectivement la remise en question de la notion classique de service public.3021
L’Internet y contribue, en prônant la régulation par le marché et par le « code informatique »,
plutôt que par l’État.3022
1346. En effet, le développement du marché numérique « oblige depuis plus de vingt
ans à repenser tous les fondamentaux de la société comme du droit […] même si le droit et la
nouvelle technologie n’évoluent pas à la même vitesse, le droit résiste bien aux
bouleversements technologiques ».3023 Dans ce contexte, les États repositionnent leur
architecture juridique pour faire face aux mêmes défis de globalisation du cyberespace
mondial.3024 « Chaque État dispose de ses propres lois pour son propre territoire. Les lois
restent l’expression de la souveraineté des États, car l’État est lié à l’apparition d’un ordre
juridique, selon la formule "ubi lex, ubi societas".3025 Parfois, certains États se regroupent
pour harmoniser leurs droits locaux selon différents mécanismes. Dans l’Union européenne,
[il s’agit] des directives pour harmoniser les droits [nationaux.] Le parlement de chaque État
transpose ensuite la directive dans son droit local ».3026 La construction juridique de l’Europe
des télécoms a fait l’objet d’études spécifiques dans la première partie de thèse, aux chapitres
relatifs aux acquis communautaires du droit européen, leur transposition législative en France
avec ses originalités.3027
1347. Sous le sceau des mutations technologiques, les directives « ONP » des années
1990 opéraient déjà en Europe une rupture sans « provoquer le passage instantané du
monopole à la concurrence » : le processus était « en effet appelé à accompagner une situation
transitoire […] de longue durée ».3028 Ensuite, la directive « cadre » du paquet télécoms de
2002 a assoupli la régulation du secteur des communications électroniques, afin de mieux
s’adapter au degré de concurrence existant sur chacun des marchés pertinents définis par la
Commission européenne. Elle « favorisait la libéralisation des télécommunications par une
adaptation des règles juridiques aux évolutions, à la fois rapide et permanente, d’un secteur
aux frontières incertaines. ».3029

3020
Ibid., p. 523.
3021
Ibid., p. 528. Les « lois de Rolland », dans leur formulation classique et initiale, sont au nombre de trois, elles
s’expriment sous forme de principes « d’égalité » de « continuité » et d’« adaptation ou de mutabilité ». Sur la continuité
Maurice Hauriou insiste ainsi précisément sur l’idée de continuité, de stabilité dans le temps de ce qu’il appelait lui-même
« l’entreprise de la chose publique ». Gaston Jèze ajouta un troisième élément de définition en faisant du service public : une
activité d’intérêt général, exercée par une personne publique et soumise au droit public. Il porte sur une matière spécifique,
exercée par des organes spécifiques, pour satisfaire l’intérêt général en s’inscrivant dans une logique d’intérêt général.
3022
O. ITEANU, Quand le digital défie l’état de droit, op.cit, pp. 17 et s.
3023
M. QUÉMÉNER et Y. CHAPRENEL, Cybercriminalité, droit appliqué, op.cit, p. 2.
3024
GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE, Les dividendes du numérique…, op.cit, p. 29. « La technologie influe sur les règles (le
cadre réglementaire et les normes) pour engendrer de nouvelles idées Ŕ par exemple, nouvelles méthodes de production des
biens et des services. Si la plupart des règles sont établies localement, la technologie fait l’objet d’échanges entre les marchés
et à travers les frontières ».
3025
R. CARRÉ DE MALBERG, Contribution générale à la théorie de l’État, Sirey, 1962.
3026
O. ITEANU, Quand le digital défie l’État de droit, Eyrolles, Paris, 2016, p. 12.
3027
Cf. Partie 1, Titre I, Chapitre é de la présente thèse.
3028
D. BOULAUD, op.cit, p. 11.
3029
Ibidem.
496

1348. Enfin, le troisième « paquet télécom », adopté le 25 novembre 2009 et en cours de


réexamen, poursuit l’objectif d’allègement progressif du dispositif général de régulation, en
contrepartie d’un renforcement des mesures spécifiques, susceptibles d’être prises le cas
échéant, pour garantir la pleine concurrence, le bon fonctionnement du marché. Aujourd’hui
en France, la compétence de la régulation est plus vaste encore en ce qu’elle concerne les
activités postales et favorise l’exercice d’une « concurrence effective et loyale au bénéfice des
utilisateurs », en se rapprochant d’une régulation de la concurrence.3030 En plus de la
régulation sectorielle exercée par l’ARCEP, la LME du 4 août 2008 a en effet institué
l’« Autorité de la concurrence »,3031 ayant mission de contrôle des pratiques
anticoncurrentielles3032 et des concentrations.3033 Si les règles du droit de la concurrence
interviennent pour sanctionner les abus de position dominante, l’évolution des besoins de la
régulation étatique est néanmoins toujours à considérer au regard des pratiques innovantes du
marché.
1349. Avant leur déréglementation, les télécoms ont été longtemps un secteur
économique caractérisé par un monopole naturel et réglementaire. Lorsque le droit commun
de la concurrence est appliqué dans le secteur des communications électroniques, cela
démontre qu’il existe également des spécificités d’expansion dynamique de ce secteur. La
convergence des technologies a une influence sur l’analyse des autorités compétentes. Alors
que le droit de la régulation sectorielle prévoit une imposition des obligations réglementaires
ex ante aux entreprises disposant d’une puissance significative sur le marché, le droit de la
concurrence prévoit, quant à lui, la possibilité d’une double intervention, à savoir ex post,
sanctionnant un comportement abusif de manière rétroactive, et ex ante, répondant à des
problèmes de concurrence potentiels.3034 Ainsi, en France, l’ARCEP a succédé en 2005 à
l’ART, laquelle fut créée en 1996, première autorité de régulation du genre en ce qu’elle
inaugurait la vague de libéralisation des secteurs naguère monopolistiques sous l’impulsion du
droit communautaire.
1350. Mais, dans leur fondement, comment les expériences européennes et françaises
sont-elles parvenues en RDC ? Dans les années 1980-1990, la mondialisation des réseaux a
confronté non seulement les marchés africains et européens, mais aussi leurs systèmes
juridiques. L’effet naturel du commerce est de porter à la paix. « Deux nations qui négocient
ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt
de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels ».3035 L’approche du

3030
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation, préc., p. 14-15.
3031
Article 1er, al. 2, a), b) et al. 3, a)b)c) d), Règlement (CE) n°139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle
des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations), JOUE L 24/1, 29 janvier 2004, pp. 1-22.
Pour être de dimension communautaire, la « concentration » est question de chiffre d’affaires total réalisé (sur le plan
mondial : plus de 5 milliards d’euros) ou sur le plan du marché de l’UE (plus de 250 millions d’euros), sous réserve d’autres
cas prévus au même article.
3032
Il s’agit des pratiques antitrust et des abus de position dominante, couvertes notamment par les textes communautaires
européens de droit matériel, appliquant le TFUE. Il s’agit des règles spéciales applicables aux accords verticaux (Blocs
d’exemption, article 81 §3 du traité CE, devenu l’article 101 §3 TFUE), notamment : Règlement (UE) n°330/210 de la
Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du TFUE à des catégories d’accords
verticaux et de pratiques concertées et Règlement (CE) n°772/2004 de la Commission du 27 avril 2004 concernant
l’application de l’article 81, paragraphe 3, du TFUE à des catégories d’accord de transfert de technologie. D’autres règles
sont spécifiques à des secteurs comme l’automobile [Règlement (UE) n°461/2010 du 27 mai de la Commission du 20 avril
2017] ou encore font l’objet des lignes directrices sur les restrictions verticales, sur l’applicabilité de l’article 101 du TFUE.
3033
Articles 85, 96 et 97, Loi de modernisation de l’économie n°2008-776 du 4 août 2008, JO RF, 5 août 2008. Cette loi
transforme le Conseil de la concurrence en Autorité de la concurrence, pour rapprocher le système français de la régulation
de la concurrence du standard européen. En ce sens, elle a rassemblé les attributions et les moyens au sein d’une autorité
indépendante unique. Cf. aussi [http://www.autoritedelaconcurrence.fr] (consulté le 16 mars 2017).
3034
D. POPOVIC, op.cit, p. 8.
3035
MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, de l’esprit du commerce (1748), in dicocitations.lemonde.fr.
497

droit international permet d’évaluer la pertinence des réformes congolaises, à la lumière des
expériences comparées, européennes et françaises3036 et en fonction des standards de
l’OMC.3037
1351. Avec pertinence, la directive 2000/31CE, régissant les aspects juridiques des
services de la société de l’information, entend ne « pas s’appliquer aux services fournis par
des prestataires établis dans un pays tiers. Compte tenu de la dimension mondiale du service
électronique, il convient toutefois d’assurer la cohérence des règles communautaires, avec les
règles internationales […] sans préjudice des résultats des discussions en cours sur les
aspects juridiques dans les organisations internationales ».3038 En effet, les organisations
internationales, OMC, UIT, BM, FMI, ont été les agents d’attelage de l’Afrique au
mouvement de démonopolisation des services publics, comme une harmonisation
multilatérale des réformes institutionnelles liées à l’occidentalisation des marchés des services
dans le monde. C’est ainsi que les standards européens, tels que véhiculés par l’économie de
marché, sont parvenus jusqu’en RDC.3039
1352. Dans le monde entier, le passage à l’économie des marchés a concerné au premier
chef le décloisonnement des services publics des télécoms dans la mondialisation, avant de
résulter à l’économie numérique. En RDC, depuis 2002, deux lois sectorielles des télécoms
ont adopté en droit positif congolais le même schéma d’organisation des marchés post-
monopolistiques.3040 Le droit de l’accès aux télécoms s’en est trouvé transformé ainsi que les
modes d’intervention de l’État dans les services publics. Deux titres d’analyse détaillée, dans
notre thèse, attestent de la refondation du droit congolais dans la dérégulation mondiale des
télécoms d’abord et ensuite de la prospective de son renouveau dans l’économie numérique
mondialisée.3041 Les réformes législatives de 2002 ont fondé le droit de la régulation
sectorielle du marché, en transformant partiellement les services publics monopolistiques
congolais. À cet effet, des mesures politiques et législatives ont réaménagé le monopole
public des télécoms pour répondre au jeu de la concurrence internationale, en permettant
officiellement l’entrée d’opérateurs privés multinationaux dans un marché dual. Les
équipements et les services des télécoms sont libéralisés, tandis que le segment des
infrastructures reste exclusif pour l’exploitant public national. Principalement, le législateur a
séparé l’exploitation des activités électroniques d’avec le rôle de puissance publique. Pour
autant, il a instauré une autorité de régulation des télécoms (ARPTC), chargée de veiller à
l’équilibre du système de marché (dé)régulé entre les acteurs publics et privés, entre les
intérêts économiques et l’intérêt général.3042 Analyser la ratio legis de ces lois a permis
d’appréhender les aspects des changements de même que leurs valeurs en droit positif
congolais.3043 Ce dernier présente d’importantes carences de qualification et de régime face

3036
Cf. Partie 1, Titre I, Chapitre 2, de la présente thèse. En France, la dissociation des services postaux de ceux des télécoms
est réalisée. Des entités différentes ont été instituées avec un statut d’indépendance clairement affirmé pour la régulation, face
à l’administration et au marché. L’approfondissement de la démonopolisation a été axé sur la privatisation de l’exploitant
public (France télécom) par association des capitaux publics et privés, nationaux et internationaux. Comparativement, il
convient d’analyser, en droit congolais, l’état d’« implémentation » de ce modèle depuis son adoption en 2002.
3037
Cf. supra : Partie 1, Titre II, Chapitre 1, de la présente thèse.
3038
Considérant n°58, Directive 2000/31/CE, préc.
3039
Cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 2 de la présente thèse.
3040
Loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC. Loi n°014/2002 portant organisation et
fonctionnement de l’Autorité de régulation des postes et des télécommunications en RDC, ARPTC en sigle.
3041
Cf. Partie 2, Titres 1 et 2 de la présente thèse.
3042
Article 8, loi-cadre sur les télécoms (RDC), préc. Cf. aussi : article 3, loi n°014/2002 sur l’ARPTC, préc.
3043
L’orientation de notre thèse ne s’est pas désaxée sur une étude économique du marché dérégulé. Le choix d’analyse ne
détaille pas les effets bénéfiques des réformes effectuées, notamment : augmentation du parc téléphonique, amélioration de la
qualité des services, participation du secteur à la croissance du PIB et des conditions de vie, numérisation de l’administration,
498

aux activités numériques. Les défis législatifs sont importants dans le sens des services de la
société de l’information. La régulation ex ante agit avec pragmatisme, en appelant la
collaboration d’autres autorités sectorielles en dehors du domaine des télécoms. Ces
innovations des pratiques locales tendent à adopter des mécanismes d’interrégulation,
notamment à travers des règlements de police afin de garantir un minimum d’ordre public
numérique sur des axes stratégiques de l’économie numérique.
1353. En RDC, la législation des télécoms date de 2002 et n’a plus été révisée depuis
lors. Faute de mise à jour le cadre légal des télécoms est aujourd’hui dépassé par la diffusion
des techniques numériques dans le marché mondialisé et globalisé, dans lequel le pays se
trouve. Le constat est que les réformes congolaises ont suivi le même schéma de dérégulation
qu’en Europe et en France, mais en présentant de grandes démarcations. Le droit congolais
des télécoms ne s’inscrit pas dans un cadre communautaire africain d’harmonisation des
règles, comme la France. L’Europe a mis en place des législations allant des directives
« ONP » (1990) au « paquet télécom » (2002, 2009) périodiquement réexaminés encore à ce
jour. Mais, le cadre légal congolais n’évolue pas non plus tout autant. Par exemple, les droits
exclusifs sont maintenus dans la loi-cadre sur les télécoms de 2002 en RDC, en faveur des
exploitants publics, alors que la France depuis 1996 a supprimé dans ses lois des « idées de
"nationalisations rampantes", phénomène par lequel l’État, sous couvert de ses entreprises
publiques et au nom d’un impérialisme technocratique très fort, ne cesse de continuer à
intervenir dans l’économie et à accentuer son intervention ».3044 Le recul de l’État-puissance
publique, marquant le recul de l’incompatibilité de principe initiale entre les personnes
privées et l’exécution de missions de service public.
1354. Contrairement à la RDC (avec son opérateur public SCPT/RENATELSAT), la
France a approfondi sa déréglementation des télécoms par la réforme conjointe du statut
administratif et la privatisation de son opérateur historique « France Télécom » devenu
« Orange ». Par ailleurs, en Europe et en France, les transformations du marché et du droit des
télécoms ont été fonction de l’évolution orchestrée au niveau législatif. À la différence, les
ajustements du droit congolais ont pour particularité d’avoir été effectués uniquement grâce à
des mesures administratives, agissant par pragmatisme juridique dans les interstices de la loi-
cadre sur les télécoms, devenant d’année et année obsolète depuis ces quinze dernières
années.
1355. En second lieu, une autre ère technologique a vu le jour sur le socle de la
dérégulation : celle de l’économie numérique. Elle suscite des enjeux juridiques particuliers,
liés aux nouveaux modes de production, de consommation, d’échange à travers l’Internet
grand public et le commerce en ligne. Notamment, l’Internet a fait des télécoms un
incontournable véhicule pour la fourniture des services financiers, le commerce électronique,
les activités informatives dans les domaines de la presse ou encore de la production et de la
consommation de contenus audiovisuels. Face au phénomène, international, mondial et

avantages des services alternatifs (convergence ), disponibilité de l’offre des services de base, commerce électronique,
diversité de l’offre des services à valeur ajoutée et des services de base, etc. L’orientation n’est pas axée sur une étude
économique du marché dérégulé.
3044
D’autres séries facteurs essentiels avaient contribué au préalable à la mutation de l’État-interventionniste, et surtout à
accentuer l’intervention publique dans la société sous forme de services publics. Il s’agit notamment de : (i) la conjoncture
des guerres et reconstructions, qui replace l’État comme un prestataire des services face au libéralisme économique ne
pouvant désormais pas être pensé comme une fin en soi ; (ii) le fondement idéologique qui favorisait l’interventionnisme
étatique, suite à la méfiance traditionnelle des mouvements politiques de gauche à l’égard des conséquences des lois de
marché.
499

finalement africain, les nouvelles politiques législatives de dérégulation des télécoms ont
précédé et préparé l’avènement de l’Internet grand public.
1356. En ce sens, le marché congolais est en pleine transition numérique. Depuis 2006,
les opérateurs privés des télécoms ont manifesté leur volonté de passer d’une offre de
télécoms de base à l’Internet mobile.3045 La numérisation transforme les anciennes techniques
analogiques, en révolutionnant l’offre des produits et services sur le marché électronique.
L’Internet dispose des protocoles qui assurent, grâce à la digitalisation (numérisation),
l’interopérabilité de réseaux locaux et nationaux, privés et publics, analogiques et numériques,
tout en fusionnant l’audiovisuel, l’informatique et les télécoms.3046 Les communications
numériques suggèrent la convergence des industries et des médias.3047 Autrefois, les écrans
servaient des secteurs traditionnels différents selon leurs usages disjoints : microinformatique,
télévision, minitel, cinéma, etc. Aujourd’hui, les tablettes numériques, les portables, les
ordinateurs ou encore les Smartphones disposent d’un écran réunissant ces multiples fonctions
autrefois séparées.3048 Cette tendance des technologies et des marchés, voire des finances3049,
entraine l’interpénétration de plusieurs secteurs régulés ainsi que la juxtaposition de diverses
réglementations.
1357. C’est ainsi qu’à l’ère du temps, l’économie numérique s’est imposée non
seulement comme un « puissant moteur de croissance » à la « mesure des gains de
productivité », mais aussi comme une « économie des systèmes dans laquelle les agents
risquent d’être prisonniers de technologies données ».3050 Avec l’apport multiforme de
l’Internet adossé au numérique, les services de télécoms de base débordent de leur champ
jadis sectoriel, en permettant la transversalité avec d’autres secteurs d’activités tout aussi
régulées ou non. De ce fait, les défis juridiques de l’économie numérique transcendent ceux
de la régulation sectorielle. Au niveau législatif, les nouvelles tendances du numérique
débordent les dispositions du cadre légal congolais de 2002. Toutefois, seuls les efforts de la
régulation ont accompagné au fur et à mesure les nouvelles tendances du marché électronique,
en les anticipant quelque fois au niveau réglementaire. En revanche, en Europe et en France,
les transformations ont été opérées au niveau législatif depuis 1988 grâce aux directives de la
Commission,3051 voire même plus tôt en 1982 avec les « premières lois dérégulatrices »
françaises sur la communication audiovisuelle.3052

3045
Cette date correspond à l’introduction du GPRS en RDC, permettant aux réseaux cellulaires de télécoms d’offrir des
services d’Internet mobile.
3046
P.-F. DOCQUIR et M. HANOT, Nouveaux écrans, nouvelles régulation ?, Larcier, Bruxelles, 2013, p. 9 et s.
3047
Ibidem, p. 9. Pour les auteurs : « La convergence et la digitalisation révolutionnent l’offre, les contenus et les modes de
consommations médiatiques, entrainant les médias historiques […] à la définition d’un nouveau modèle de communication. »
3048
V.-L BENABOU et J. ROCHFELD, À qui profite le clic ?, le partage de la valeur à l’ère numérique, Odile Jacob, Coll.
« Corpus », Paris, 2015, p. 25. M. QUÉMÉNER, Cybersociété entre espoirs et risques…,op.cit, pp. 9 et s. C. FÉRAL-SCHUHL,
« Préface », in M. QUÉMÉNER, op.cit, pp. 5-6, spéc. p. 5. M. QUÉMÉNER, Cybersociété entre espoirs et risques…,op.cit, pp. 9
et s. F. BENHAMOU, « L’irrésistible ascension de l’Internet », Cahiers français, n°372, préc., pp.1-11. N. MALLET-POUJOL,
« Le droit de l’Internet à l’épreuve de la mondialisation », Ibidem, pp. 13-19.
3049
P. STOFFER, Droit de la monnaie électronique, éd. RB/Eyrolles, coll. Droit, Paris, 2014, p. 24. M. PEDRIX, « La
problématique de paiement par carte prépayées », Bull. Banque de France, 2e trimestre 1994, suppl. études, p. 98. Ce dernier
cité par P. Stoffer souligne que : « Les unités chargées sur une carte prépayée ne peuvent totalement être assimilées ni à l’une
ni à l’autre des deux formes de monnaie traditionnelle […] cet encoure constitue une nouvelle forme de monnaie que l’on
pourrait qualifier de "monnaie électronique", bien que ce terme renvoie davantage au mode de transfert de ce type de
monnaie qu’à sa nature ». La mise en donnée du monde a facilité la circulation des valeurs monétaires et des services
financiers dématérialisés.
3050
N. COUTINET, « Les technologies numériques et leur impact sur l’économie », Cahiers français, n°372, Paris, 2013,
pp.20-32, spéc. pp. 20 et 22.
3051
Directive 88/301/CEE de la commission du 16 mai 1988 relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de
télécommunication, JO CE L131, 25 mars 1988, pp. 73-77. C'est à juste titre que l’article 2 de la directive 88/301 impose
l'abolition des droits exclusifs d'importation et de commercialisation dans le secteur des terminaux de télécommunication.
500

1358. À la suite de la réglementation des télécoms de base, la seconde étape


technologique concerne l’avènement de l’Internet et les transformations qu’il induit. Le
Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI, tenu à Genève en 2003, puis à Tunis
en 2005) marque le point de départ officiel pour le renouveau des aspects du droit partout
dans le monde.3053 Il est vrai que l’avènement de l’économie numérique doit ponctuer la
transition des normes juridiques en RDC. L’économie inhérente aux réseaux numériques est
un tournant décisif pour les législations, car le phénomène Internet est planétaire. Il place tous
les États face aux mêmes enjeux juridiques de la révolution numérique. À l’ère numérique, la
globalisation ignore les frontières administratives : le marché numérique est transfrontière,
déterritorialisé, présentant une ubiquité de l’information, une « dilatation de l’instant »
(Olivier Cachard)3054 des réseaux, moyennant une « lecture spatiale éclatée » (Judith
Rochfeld)3055 des contenus en ligne.
1359. Aussi, l’architecture actuelle du nouveau droit de l’économie numérique découle-
t-il d’une évolution du cadre réglementaire. Au départ, le droit de l’accès aux communications
électroniques était seulement compris comme la transition du monopole vers une concurrence
effective, sous la régulation d’une autorité administrative indépendante (AAI). Il a été dit que
l’adoption des règles technologiquement neutres a permis d’assurer la pleine concurrence, en
accompagnant l’ouverture de tous les secteurs du marché de télécoms qui ne l’étaient pas.
Internet sert de passerelle de diffusion, de circulation et d’échanges de contenus, à l’aide des
protocoles de navigation et autres procédés numériques. La convergence est acquise entre les
secteurs des télécommunications, de la radiodiffusion et des technologies de l’information.
Les télécoms sont muées en « communications électroniques » en considération des apports
de l’Internet dans la société et dans l’économie.3056 Toutefois, en RDC, la réforme des lois a
retenu les termes associés : « télécoms et TIC ».
1360. Selon l’OCDE3057, le secteur des TIC concerne les domaines de la production3058,
de la distribution3059 et des services3060. « Après la terre, la mer, l’espace aérien et l’espace
extra-atmosphérique, l’homme investit aujourd’hui le cyberespace3061. […] Les autres espaces
préexistent et imposent leurs contraintes […] le cyberespace, interconnexion mondiale des
réseaux qui transmettent, traitent ou stockent des données numériques, est quant à lui, bâti

Son article 3 en fixe des limites qui s’imposent uniquement par des exigences de sécurité, de protection des réseaux et
d'interopérabilité des équipements.
3052
Cf. version initiale : loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, JORF, 30 juillet 1982, p. 2431.
3053
[http://www.itu.int/net/wsis/index-fr.html] (Consulté le 15 octobre 2017) Le Sommet mondial sur la société de
l’information (SMSI) s'est déroulé en 2 phases. La première phase, accueillie par le Gouvernement suisse, a eu lieu à Genève
du 10 au 12 décembre 2003 et la deuxième phase, accueillie par le Gouvernement tunisien, a eu lieu à Tunis du 16 au 18
novembre 2005 Le SMSI a été approuvé par l’Assemblée générale de l’ONU aux termes de sa Résolution 56/183 (21
décembre 2001). L’objectif de la première phase était le suivant: formuler de façon parfaitement claire une volonté politique
et prendre des mesures concrètes pour poser les bases d'une société de l'information accessible à tous, tout en tenant
pleinement compte des différents intérêts en jeu. L'objectif de la deuxième phase était le suivant: mettre en œuvre le Plan
d'action de Genève et aboutir à des solutions et parvenir à des accords sur la gouvernance de l'Internet, les mécanismes de
financement, et le suivi et la mise en œuvre des documents de Genève et Tunis.
3054
O. CACHARD, La régulation mondiale du marché électronique, op.cit, p. 17 et s.
3055
J. ROCHFELD, Les nouveaux défis du commerce électronique, op.cit, pp. 6-8.
3056
Ibidem. J. CATTAN, op.cit., p. 25 et s. WAEL EL ZEIN, op. cit., p. 3 et s.
3057
N. COUTINET, op.cit., p. 21. Cf. aussi [http://www.eventsrdc.com/rdc-une-loi-sur-les-tic-en-elaboration/] (consulté le 28
août 2016).
3058
Secteurs producteurs de TIC : fabrication d’ordinateurs et de matériel informatique, de TV, radios, téléphones, …
3059
Secteurs distributeurs de TIC : commerce de gros de matériel informatique…
3060
Secteur des services de TIC : télécommunications, services informatiques, services audiovisuels…
3061
Le terme « cyberespace » apparait pour la première fois dans l’ouvrage William Gibson, Neuromancer, Ace Books, New-
York, 1er juillet 1984. L’auteur le définit comme une « hallucination consensuelle vécue quotidiennement par des dizaines de
millions d’opérateurs dans tous les pays ».
501

sans véritable plan, sans limite spatio-temporelle ».3062 L’écosystème numérique a des
incidences dans la vie réelle. L’exemple typique est celui de la télécommande de télévision ou
le drone armé, dont les actions et les effets se situent à la fois dans le monde cybernétique et
dans le monde cinétique.
1361. Par conséquent, les enjeux de « souveraineté numérique » émergent face aux
implications de l’Internet dans l’ordre étatique. Il y a convergence totale : le numérique est le
centre des flux d’activités de la société moderne. Toutes ces propriétés des communications
électroniques constituent à la fois l’enjeu et l’objet de législation, mais aussi de l’ordre public
du cyberespace et du monde physique. « Classiquement, la souveraineté s’entend de
l’existence d’un monopole étatique sur l’énonciation et l’application du droit. La souveraineté
s’entend notamment du pouvoir de dire le droit, de commander par la norme. "Dire la loi est
le premier fondement de la souveraineté3063" ».3064 Mais, la gouvernance numérique est une
contingence nécessaire pour maintenir la souveraineté face à l’effectivité du pouvoir des
géants de l’Internet et face au foisonnement polycentrique des normes, techniques, privées et
extra-législatives, régulant indispensablement l’Internet.
1362. Dans ce contexte, le nouvel « espace de gouvernance » d’accès aux
communications électroniques devrait désormais associer « un pouvoir doux (soft power)
agissant par l’incitation et la persuasion » et « un pouvoir dur (hard power), imposé par la
force […] pour tenir le système, [dans] un intérêt commun très fort : que ce système
fonctionne ! » 3065Au-delà des aspects simplement économiques, l’État doit concilier de
nombreux défis portant sur la « valeur du clic » face aux valeurs juridiques à protéger. Le
marché numérique appelle des mécanismes « aconcurrentiel »3066 en vue d’assurer la
préservation des droits humains, la démonopolisation de l’accès aux technologies, l’accès
universel, la protection des consommateurs et la sécurisation de la société de l’information.
1363. Ainsi, les causes de « déplacement du centre de gravité de la régulation
sectorielle » sont fonction de plusieurs influences : la prise de conscience occasionnée par les
diverses crises du système de régulations, la prise en compte de la régulation transversale ou
la prise en compte des évolutions technologiques.3067 Les travaux récents dépassent le stade
d’accompagnent momentanément de l’ouverture à la concurrence de secteurs d’activités
anciennement monopolistiques. Selon M.-A Frison-Roche, « les contours de la régulation sont
en train de changer parce que l’objet de la régulation est en train de changer ».3068 En France,
l’ARCEP « a annoncé de nouvelles orientations stratégiques, davantage tournées vers la
promotion et la surveillance de la neutralité du net que vers l’instauration de la concurrence

3062
M. WATIN-AUGOUARD, « Préface : une "cyber-guerre mondiale" ? : la vision stratégique », in X. RAUFER, La première
cyber-guerre mondiale, MA éditions, Paris 2015, pp. 9-10.
3063
K. BENYEKHLEF, Une possible histoire de la norme, Montréal, éd. Thémis, 2008, p. 55 et 56.
3064
P. TRUDEL, op.cit., p.10.
3065
P. MOREAU DEFARGES, La Gouvernance, une gestion idéale?, 5ème éd., « Que sais-je ? » n°3676, Coll. Droit-Politique,
PUF, Paris, 2015, p.51, 53.
3066
Malgré sa non hiérarchisation dans les normes par la jurisprudence, deux traces de nettes de l’existence et de l’effectivité
du principe de mutabilité : 1) l’administration peut décider de la modification ou de la suppression des services fournis aux
usagers, donc pas des droit reconnu aux usagers pour le maintien des prestations fournies par le service public (CE, 27 janv.
1961, Vannier : Rec. CE 1961, p. 60, 2) droit de modification unilatérale du contrat administratif signé avec un cocontractant
privé dès lors que celui-ci s’avère incapable de s’adapter aux nouveaux besoins, notamment aux nouvelles techniques, dont la
mise en œuvre apparaît nécessaire à l’optimisation de la mission de service public en cause (CE, 10 juin 1902, Cie Nouvelle
du gaz de Déville-lès-Rouen : GAJA) Des principes supplétifs autour du noyau dur : gratuité, neutralité, transparence et
participation
3067
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit., p. 459, 474.
3068
M-A. FRISON-ROCHE, « Les nouveaux champs de la régulation », in La régulation, RFAP 2004-1, n°109, p. 53 et s, cité
par J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit., p. 474.
502

entre les opérateurs, désormais largement réalisée ».3069 Ces influences concernent
particulièrement les enjeux juridiques de la deuxième étape technologique se rapportant à
l’ère numérique, caractérisée par des activités économiques et commerciales sur l’Internet. Il
n’en demeure pas moins qu’en formant l’architecture de l’Internet, les télécoms participent
d’un modèle économique spécifique à des transformations tout aussi spécifiques pour le droit.
1364. Hélas, la régulation des télécoms en RDC est encore limitée au stade de la mise en
concurrence des acteurs par l’ouverture du marché, tandis que l’expérience européenne
dépasse largement ce stade. Le champ des enjeux congolais reste limité au droit de la
régulation sectorielle, contrairement à l’expérience française dotée aussi d’une « régulation
transversale »3070 et d’un ministère de l’économie numérique en rupture avec l’approche de
l’intra-régulation du ministère des PTT et de l’ARPTC. En RDC, la régulation a encore du
mal à trouver sa place d’indépendance à côté du Ministère des PTT, du fait que ce dernier
dispose à la fois du pouvoir de réglementation et de régulation.
1365. En France, l’ARCEP a succédé en 2005 à l’ART, créée en 1996 comme la
première des AAI à inaugurer (et à achever) la vague communautaire des libéralisations des
secteurs autrefois monopolistiques, tandis qu’un ministère (secrétariat d’État) de l’économie
numérique assure les politiques publiques. Faute de mieux, les actes réglementaires du
Ministre des PTT sont d’une portée multisectorielle, qui permette de renforcer les attributions
strictement sectorielles de l’autorité de régulation (ARPTC), sans quoi leurs actes ne se
limiteraient qu’au marché des télécoms (interrégulation). L’avantage de ce normativisme,
involontaire au départ, est d’avoir produit une réglementation la plus proche des lois du
marché (régulatiob réflexive), tout en préservant les intérêts du public et de l’État dans
l’accession du pays à l’économie numérique. Les autorités nationales de réglementation
gèrent ainsi de nombreux défis législatifs, en attendant de nouvelles lois adaptées répondant à
la convergence technologique des médias et indutries des télécoms et de l’audiovisuel
(régulation convergente).3071
1366. Certes l’Europe et la France disposent d’une expérience politique et juridique
avancée, mais l’ouverture de l’Afrique et de la RDC au monde numérique l’oblige à amorcer
et à maintenir le cap des transitions nécessaires de son droit. La neutralité technologique place
tous les États, dans une perspective globale d’échange des flux de réseau, justifiant le
repositionnement de tous les cadres juridiques face aux défis de notre ère numérique.
1367. Le droit est appelé à encadrer l’œuvre des « bâtisseurs d’un nouveau monde »,
construit autour d’« une succession des avancées technologiques mises au point de façon
souvent empirique par [c]es pionniers sans se douter de "la forme que prendrait leur
"cathédrale sans plan" ».3072 Le droit demeure le procédé par excellence de mise en ordre
social procédant d’un double mouvement, d’une part, d’affirmation de valeurs et de
disqualification de l’envers ou de la transgression, d’autre part. À juste titre, « S’agissant de
l’apport du droit aux NTIC, il faut souligner que le droit n’est pas que contrainte ; il est aussi
un instrument essentiel de la sécurité des hommes, de protection de leurs droits, valeurs ou
cultures et de promotion de leurs activités ; il peut ainsi favoriser la démocratie, la

3069
Ibidem, p. 458.
3070
J.-PH. COLSON et P. IDOUX, op.cit., p. 475. « Les régulations transversales sont, comme les autres modes de régulation
économique, des modes d’encadrement des conduites au regard de certaines règles et finalités. Elles se distinguent des
précédentes, dans la mesure où elles ont vocation à s’appliquer indifféremment à l’ensemble des secteurs d’activité ou, du
moins, sont susceptibles de tous les intéresser directement. »
3071
Pour déffinition des régulations :M-A. FRISON-ROCHE (sous la dir.), Internet, espace d’intérrégualtion, préc, pp. 3-5.
3072
WATIN-AUGOUARD, « Préface », in F. LORVO, op.cit., p.7.
503

gouvernance et le développement économique et social. La législation est donc nécessaire.


Mais comment légiférer dans un domaine aussi délicat, et tout particulièrement en matière de
commerce électronique ? ».3073 Autant les techniques numériques renforcent les avantages de
l’économie, autant elles en synthétisent les risques, en brouillant les frontières du droit. Elles
« portent à la fois le masque de la liberté et de la criminalité ».3074
1368. À l’ère numérique, la personne humaine doit bénéficier des garanties de
protection renforcée. Il importe de répondre aux enjeux législatifs et régulateurs de l’Internet
sur un double volet : la sécurisation juridique et la protection pénale des activités
(économiques) du cyberespace. Face à la cybercriminalité, il convient de protéger tout autant
les données personnelles que l’environnement numérique lui-même. « La communication est
réglementée dans un état libéral car elle est collective. Si la communication privée relève de la
liberté individuelle de chaque personne, justifiant ainsi que les correspondances privées sont
inviolables, la communication publique, quant à elle, utilise plusieurs canaux : l’écrit, le son
et l’image ».3075 Un dispositif pénal de cybersécurité assure la lutte contre les attaques
criminelles sur le réseau et sur son contenu.
1369. Aussi, la Charte européenne des droits fondamentaux a-t-elle fondé le droit
inaliénable à l’autodétermination informationnelle (article 8), en lui conférant une valeur
constitutionnelle.3076 En France, la loi pour la République numérique a renforcé « la
protection de la vie privée en ligne » en consacrant à cet effet le principe de l’énonciation de
la « mort numérique ».3077 Dans le cadre de l’autodétermination informationnelle, c’est pour
chacun le « droit à la libre disposition de ses données personnelles ».3078 Ce droit protecteur
est entouré de la « confidentialité des correspondances électroniques privées », prises au
même titre qu’une lettre postale. Le secret de correspondance ne connait de dérogation qu’en
cas de consentement dûment exprimé et régulièrement renouvelé pour des traitements
automatisés statistiques ou visant à améliorer le service lui rendu. La protection pénale est
aussi de mise de manière renforcée (notamment en cas de revanche pornographique).3079
1370. Malgré toutes les avancées enregistrées, un préalable technique s’impose à toute
activité numérique : l’accès aux télécoms est un aspect essentiel, autour desquels l’État doit

3073
M. SAWADOGO FILIGA, « Approche nationale et régionale de la mise en place d’une réglementation du commerce
électronique : le cas du Burkina-Faso et de l’Afrique de l’Ouest », Conférence régionale africaine de haut niveau, Tunis, 19-
21 juin 2003.
3074
W. GILLES, « Cyberespace, cybercriminalité & liberté », in I. BOUHADANA et W. GILLES, Cybercriminalité, cybermenaces
& cyberfraudes, Les éditions IMODEV, Paris 2012, p. 4.
3075
L. DELPRAT et C. HALPERN, Communication et Internet : pouvoirs et droits, éd. Vuiber, coll. lire agir, Paris, 2007, pp. 9-
266.
3076
Parlement européen, Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, JOCE C 364, 8 décembre 2000, pp. 1-22.
« Article 8 : Protection des données à caractère personnel1. Toute personne a droit ‡ la protection des données à caractère
personnel la concernant. 2. Ces données doivent être traitées loyalement, ‡ des fins déterminées et sur la base du
consentement de la personne concernée ou en vertu d'un autre fondement légitime prévu par la loi. Toute personne a le droit
d'accéder aux données collectées la concernant et d'en obtenir la rectification. 3. Le respect de ces règles est soumis au
contrôle d'une autorité indépendante. »
3077
« La #LoiNumérique en 15 points clés » [http://www.economie.gouv.fr/republique-numerique/15-points-cles] (consulté
le 1er mars 2017).
3078
Ibidem. Mort numérique : « Comme pour un testament, une personne aura le droit de faire respecter sa volonté sur le
devenir de ses informations personnelles publiées en ligne après son décès, auprès des fournisseurs de service en ligne ou
d’un tiers de confiance. »
3079
Ibidem. « La pénalisation des revanches pornographiques, pratique qui consiste à publier contre son consentement des
images érotiques ou pornographique d’une personne a été durcie à deux ans de prison et 60 000 euros d’amendes. » Cf. aussi
S. NAWAF SHATHIL, « L’insertion de l’infraction de vengeance pornographique dans le code pénal », e-juristes.org, posté le
10 juillet 2016, [http://www.e-juristes.org/linsertion-de-linfraction-de-vengeance-pornographique-dans-le-code-penal/]
(consulté le 10 mars 2017).
504

entreprendre des politiques de lutte contre la fracture numérique. 3080 La fracture numérique
reste donc l’enjeu fondamental de l’économie numérique, appelant l’implication du droit et de
la politique. Autour des objectifs d’ordre politique, le législateur européen considère en effet
que « [l]e développement du commerce électronique dans la société de l’information offre des
opportunités [...] facilitera la croissance économique des entreprises [...] peut renforcer la
compétitivité [...] pour autant que toute le monde puisse accéder à l’Internet ».3081
1371. Ainsi se dégage l’idée d’un préalable de l’accès dont le régulateur est
l’organisateur ex ante et le gardien ex post.3082 Dans l’économie de marché, l’accès doit être
ouvert pour les nouveaux entrants, sauf les barrières construites par un comportement
anticoncurrentiel, dont la sanction est réservée à une autorité de concurrence intervenant ex
post. L’« impératif d’accès » est une conséquence de la dérégulation parce qu’il y a une
volonté politique à organiser l’accès en construisant la concurrence face à la puissance des
opérateurs au regard de nouveaux entrants.3083
1372. En Europe, la notion française de service public a influencé le droit
communautaire des télécoms en retenant la notion de « service universel ». En ce sens, le
Livre vert de 2003 sur l’intérêt général3084 avait envisagé le « service universel » comme un
ensemble d’exigences aux opérateurs privés, dans l’objectif de mettre à disposition à tous les
utilisateurs certains services « indépendamment de leur position géographique, au niveau de
qualité spécifié et, compte tenu des circonstances nationales particulières, à un prix
abordable ».3085 Dans le même ordre d’idées, la loi-cadre n°013/2002 sur les télécoms a défini
en RDC, le droit de chaque congolais, habitant les zones rurales, urbaines ou isolées à
bénéficier du service de la téléphonie vocale, du télex, des cabines publiques, à un coût
raisonnable. Pour le financement du service universel, la loi-cadre a préconisé la création d’un
« Fonds de développement des télécoms ». En application de son article 39, ce fonds devait
être constitué à partir des taxes à prélever sur des recettes de prestataires des services sur le
marché, Mais, quinze ans après, l’arrêté ministériel d’application n’a jamais été édicté à cet
effet.3086
1373. En résumé, toute la trame des développements précédents a fini d’exposer
l’appréhension évolutive des enjeux de mutations technologiques, en droit européen, ensuite
en droit français et enfin dans le système juridique africain. Il a été distingué des âges de
développements technologiques ainsi que des axes d’enjeux correspondant aux
transformations qu’ils impulsent sur les droits en Afrique et en Europe. Le socle analogique
des télécoms de base, l’ère de la convergence des communications électroniques et enfin la
société de l’information (ère numérique) sont la trame de ces transformations d’institutions

3080
J-J. LAVENUE, « Smart-cities; sécurité et principe d'égalité », IMODEV, Academic days, open gouvernance issues, Panel :
« Fracture numérique, Participation citoyenne & Gouv. ouverts », Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, 5 décembre 2016
[http://cms.imodev.org/nos-activites/europe/france/academic-days-on-open-government-issues-december-5-6th-2016-paris-
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numerique-participation-citoyenne-open-gov/] (consulté le 21 mai 2017).
3081
Considérant n°2, directive 2000/31/CE, préc.
3082
M.-A. FRISON-ROCHE, Les 100 mots de la régulation, op.cit, p. 7.
3083
D. BOULAUD, op.cit, p. 11 et s.
3084
COMMISSION EUROPEENNE, Livre vert sur les services d'intérêt général du 21 mai 2003, JOCE, C 76, 25 mars 2004,
COM(2003) 270 final. « Ce livre vert vise à organiser un débat ouvert sur le rôle de l'Union européenne dans la promotion de
la fourniture de services d'intérêt général, dans la définition des objectifs d'intérêt général poursuivis par ces services et sur la
manière dont ils sont organisés, financés et évalués. »
3085
P. CHAMPSAUR, L’interconnexion et le financement du service universel dans le secteur des télécommunications, La
documentation française, Paris, avril 1996, p. 13, cité par J. CATTAN, op.cit, p. 190.
3086
Exposé des motifs et article 39, Loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC, préc., p.
23 et 40.
505

juridiques. Les chiffres et statistiques présentent l’ordre des enjeux techniques et économiques
pour le droit face aux services de la société de l’information et des communications
électroniques, tant en Europe, en France, qu’en Afrique.
1374. Des échecs répétés des politiques ont été constatés en RDC : inachèvement du
processus de dérégulation, vides législatifs sur la preuve et la signature électroniques, conflits
des compétences entre le ministre des PTT et l’ARPTC. À la suite des démonopolisations des
années 1980, l’approche libérale a suscité des enjeux juridiques des marchés émergents en
RDC : croissance des forces oligopolistiques, là où le monopole public concentrait les offres
de services. Le droit de l’accès aux télécoms est encore restreint par des droits exclusifs sur
les infrastructures de l’exploitant public. La restructuration des formes d’intervention de
puissance publique se confronte à l’autorégulation du marché. Cela est constaté, par exemple,
à la suite de l’accaparement des organes de régulation, des privatisations mal conçues, de la
gestion inefficace du spectre des fréquences, de la taxation excessive du secteur ou du
monopole exercé sur les lignes internationales.3087 Mais d’autres défis sont apparus avec la
convergence numérique des technologies de l’information et de la communication, dans le
cyberespace.
1375. Ainsi, notre sujet de recherche a permis de prescrire les solutions aux défis
législatifs du numérique. D’abord, la formulation des enjeux constitue en lui seul un défi car
l’ère numérique est un creuset des évolutions et un amas des technologies. Il a fallu dégager
les aspects factuels à confronter dans tous les systèmes juridiques en présence comme
dénominateur commun, codifié de manière uniforme. Ce produit des facteurs était nécessaire
car la comparaison ne peut confronter ou rapprocher que des enjeux uniformisés, au vu de
leurs éléments récurrents (aspects factuels communs). Ensuite, l’étude des systèmes juridiques
européens et français ont été privilégiées au départ, dans le triple objectif : 1° d’en parcourir
les sources, 3° d’en étudier les solutions juridiques et 3° d’en modéliser les paradigmes, face
aux enjeux susdits (aspects juridiques de référence).
1376. Des facteurs particuliers de difficulté méritent d’être relevés après avoir achevé
notre analyse à travers trois ordres juridiques sur une période de plus d’un demi-siècle de
temps législatif. Le millefeuille législatif européen et français présente une dispersion des
sources, en plus de l’objet de notre recherche qui est éparpillé dans plusieurs branches du
droit et charrie de nombreux aspects des technologies électroniques. « Le droit des médias et
de la communication touche à l’ensemble des branches du droit, aussi bien au droit public
qu’au droit privé, au droit interne, qu’au droit européen et international. Dans ce contexte, les
techniques et les supports d’information et de communication sont multiples et se développent
de plus en plus ».3088 Vu la relative nouveauté des phénomènes de l’économie numérique, des
paradigmes de solutions sont encore en cours de construction par rapport au cyberespace.
« Chaque innovation affecte ses fondations, modifie son architecture, bouleverse ses
équilibres avec une vitesse qui dépasse toujours plus celle de la compréhension
humaine. ».3089 Les résultats de nos recherches sont originaux, du fait que les régimes
juridiques, ni la doctrine, ne se présentent pas dans une classification traditionnelle, ni dans un
corps de règles uniques, encore moins dans un seul domaine. Les disparités des sources
formelles, entre l’Europe et l’Afrique, la France et la RDC, ont nécessité un effort de

3087
Cf. M.-A. FRISON-ROCHE, op.cit, pp. 7 et s. J.-P COLSON et P. IDOUX, Droit public économique, op.cit., pp. 1 et s.
3088
L. DELPRAT et C. HALPERN, Communication et Internet : pouvoirs et droits, éd. Vuiber, Paris, 2007, pp. 9 et s.
3089
Ibidem.
506

référencement des temps des réformes, de leurs objectifs processuels et de leur contexte
situationnel. Il ne peut être comparé que ce qui peut être comparable.
1377. Enfin, notre thèse a conservé un regard précis sur les droits européens et français
tout autant qu’elle a inséré l’étude sur la RDC dans le cadre général africain. L’étude en
particulier du système juridique congolais démontre son triple niveau de comparaison par
rapport aux droits en Europe et la France, à savoir : 1° le retard des transformations du droit
positif en RDC face aux enjeux du numérique ; 2° la situation objective des succès, des
carences et des erreurs des transformations déjà opérées et celles de lege ferenda ; 3° la
prescription des solutions comparatives sur la base des paradigmes dûment modélisés et
adaptés en fonction des besoins réels de la société congolaise (aspect situationnel et
d’expérimentation).
1378. Le sujet de notre thèse affiche la nette ambition de disposer d’un « droit de
l’économie numérique » pour la RDC. Cette ambition justifiée se précise autour de trois
ébauches de textes, en cours d’examen actuellement depuis avril 2017 au Parlement
congolais. Au regard du marché numérique mondial, du droit international et des expériences
comparées en Europe et en France, le principal texte de loi concerne les télécoms et les TIC,
tandis que deux autres textes sont spécifiques, d’une part, pour les échanges et le commerce
électroniques, et d’autre part, pour la réforme de l’ARPTC. À l’ère des TIC, le projet envisage
d’étendre les compétences du régulateur sectoriel en une Agence de promotion et de
régulation des nouvelles technologiques de l’information et de la communication.
1379. Au sens de Jean Carbonnier : « Parce que le temps de la régulation et de la loi est
en général beaucoup trop long par rapport à la réactivité des marchés. Parce que chaque
règlement peut susciter son propre contournement par le biais des novations
technologiques »3090, de nouvelles perspectives s’ouvrent et prendront du temps à se préciser
alors que notre thèse en a profilé les contours et en a anticipé les directions dans le cadre
d’une prospective législative. Les perspectives du droit congolais de l’économie numérique
sont tout autant ancrées dans l’« africanologie »3091 qu’insérées dans la culture de l’universel,
en se référant aux schèmes européens.

3090
J. CARBONNIER, Droit et passion du droit sous la Vè République, éd. Flamarion, coll. champs essais, n°819, 1996, p. 7.
3091
J. SHAMUANA MABENGA, Africanologie, ébauche d’une discipline scientifique, L’Harmattan-RDCongo, Paris, 2017, p.
83. « Que comporte, exactement, ce terme "africanologie" qui, né de l’intuition de Cheikh Anta Diop, n’a pas pu être
développé par les autres penseurs et écrivains de l’Afrique contemporaine ? ». Selon l’auteur, en évoquant l’ « esprit
africain », voisin à l’idée d’une « africitude », « il pourrait également s’agir, dans un proche avenir, d’une discipline reconnue
par l’épistémologie qui, utilisant sa spécifique approche méthodologique, s’occupe de l’étude des phénomènes et des
problèmes propres aux nations, aux sociétés, aux individus et à l’univers continental de l’Afrique ». Finalement, il défini
« l’africanalogie [comme] une science qui étudie spécialement l’Afrique et les Africains, selon les différentes branches du
savoir ».
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droit face à la puissance des géants de l’Internet, Actes des journées du 14, 15 et 16 octobre
2014, vol.1, IRJS éd., Paris, 2015.
199. BÉHAR-TOUCHAIS M., L'effectivité du droit face à la puissance des géants de l'Internet,
Actes des journées du 20, 21 et 22 octobre 2015, IRJS éditions, t. 74, vol. 2, Paris, 2016.
200. BLAISE J. B., « Influences croisées entre droits nationaux et droit communautaire de la
concurrence : France » et NÖLKENSMEIER H., « Influences croisés entre droits nationaux et
droit communautaire de la concurrence : Allemagne », in Droits nationaux, droit
communautaire: influences croisées, en hommage à Louis Dubouis, La documentation
française, 2000, coll. Monde européen et international
201. BLANCHARD M., « La phase précontractuelle Ŕ La communication commerciale
électronique », in ROCHFELD J. (sous la dir.), L’acquis communautaire, le contrat
électronique, Economica, coll. Études juridiques, n°34, Paris, 2010.
202. BLANDIN-OBERNESSER A. (sous la dir.), Droits et souveraineté numérique en Europe, 1re
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Cyberfraudes, IMODEV, Paris, 2012.
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libéral en Europe, L’Harmattan, 1994.
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319. BÉHAR-TOUCHAIS M., « Abus de puissance économique et droit international privé »,
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322. CAFAGGI F., « Le rôle des acteurs privés dans les processus de régulation : participation,
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323. CASSADA D. et SADIN E., « Big brother n’existe pas, il est partout », Multitudes, 2010/1/.
324. CHABOT, Revue Lamy Droit des affaires, Paris, mars 2009.
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III. LÉGISLATION INTERNATIONALE

455. Accord de création de l'OMC du 24 avril 1996.


456. Convention de Vienne.
457. Loi type de la CNUDCI sur le commerce électronique, adoptée le 12 juin 1996.
458. Recommandation UIT-R SM 1132-2, Principes généraux et méthodes de partage des
fréquences entre services de radiocommunication ou entre stations radio électriques,
1995-2000-2001.
459. Résolution 51/162 de l'Assemblée générale du 16 décembre 1996 portant sur la Loi type
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CNUDCI, Nations Unies, New York, 1997.
460. 4e Protocole de l’AGCS/OMC du 17 février 1997.

IV. LÉGISLATION EUROPÉENNE

1) Traités, conventions et accords

461. Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, signée entre les États membres de la
Communauté économique européenne, concernant la compétence judiciaire et l’exécution
des décisions en matière civile et commerciale, modifiée et complétée (JO CE du 11 avril
1983, n° C97, Nouvelle version : JO CE 1989, l. 258, RC 1991. 437, RC 1997. 874).
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462. Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, version (FR) consolidée, JO UE, C
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463. CONSEIL DE L’EUROPE, Convention sur la cybercriminalité, Budapest, 23 novembre 2001,
STE n°185.

2) Règlements

464. Règlement (CE) n°2887/2000 du Parlement et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif au


dégroupage de l’accès à la boucle locale, JO CE, L 336, 30 décembre 2000.
465. Règlement CE n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence
judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
466. Règlement n°593/2008 du P.E.et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux
obligations contractuelles, dit Rome I
467. Règlement 544/2009/CE du 18 juin 2009 modifiant le règlement 717/2007/CE concernant
l’itinérance sur les réseaux publics de téléphonie mobile à l’intérieur de la communauté et la
directive 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services
de communications électroniques, JO CE, L 167, 29 juin 2009.
468. Règlement (CE) n°1211/2009 instituant l’Organe des régulateurs européens des
communications électroniques (ORECE) ainsi que l’Office (BEREC), JO CE, L 337, 18
décembre 2009.
469. Règlement (UE) 531/2012 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2012
concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de
l’Union (refonte), JO UE L 172/10, 30 juin 2012.
470. Règlement 910/2014 du PE et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification
électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du
marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE, JO UE, L 257, 28 août 2014.
471. Règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015
établissant des mesures relatives à l’accès à un Internet ouvert et modifiant la directive
2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux
et services de communications électroniques et le règlement (UE) n o531/2012 concernant
l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, JO
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472. Règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016,.
473. Règlement Rome II relatif à la loi applicable à la responsabilité délictuelle, même dans les
litiges internationaux.

3) Directives

474. Directive 88/301/CEE de la Commission du 16 mai 1988 relative à la concurrence dans


les marchés de terminaux de télécommunications, dite directive « terminaux de
télécommunications », JO CE, L113, 27 mai 1988.
475. Directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines
dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à
l’exercice de l’activité de radiodiffusion, JO CE, L 298, 17 octobre 1989.
476. Directive 90/387/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative à l’établissement du marché
intérieur des services de télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture d’un
réseau ouvert de télécommunication, JO CE, n° L 192 du 24.07.1990.
477. Directive 90/388/CEE de la Commission du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans
les marchés des services de télécommunications, dite directive « services de
télécommunications », JO CE, L192, 24 juin 1990.
478. Directive 92/44/CEE du Conseil du 5 juin 1992 relative à l’application de la fourniture
d’un réseau ouvert aux lignes louées, JO CE L 165, 19 juin 1992,
530

479. Directive 94/46/CE de la Commission du 13 octobre 1994 modifiant les directives


88/301/CEE et 90/388/CEE en ce qui concerne en particuliers les communications par
satellite, JO CE L 268, 19 octobre 1994.
480. Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la
protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel
et à la libre circulation de ces données, JO UE, 23 novembre 1995.
481. Directive 95/51/CE de la Commission du 18 octobre 1995 modifiant les directives
98/388/CEE et 90/388/CEE en ce qui concerne la suppression des restrictions à l’utilisation
des réseaux câblés de télévisions pour la fourniture de services de télécommunications déjà
libéralisés, JO CE, L 256, 26 octobre 1995.
482. Directive 96/2/CE de la Commission du 16 janvier 1996 modifiant la directive
90/388/CEE en ce qui concerne les communications mobiles et personnelles, JO CE, L 20,
26 janvier 1996.
483. Directive 96/19/CE de la Commission du 13 mars 1996 modifiant la directive 90/388/CEE
en ce qui concerne la réalisation de la pleine concurrence sur le marché des services de
télécommunications, JO CE, L 74, 22 mars 1996.
484. Directive 97/13/CEE du Conseil du 10 avril 1997 relative à un cadre commun pour les
autorisations générales et les licences individuelles dans les secteurs des télécommunications,
JO CE L 117.
485. Directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997, relative à
l’interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d’assurer un service
universel et l’interopérabilité par l’application des principes de fourniture d’un réseau ouvert
(ONP), JO CE, L199/32, 26 juillet 1997.
486. Directive 97/36/CEE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 modifiant la
directive 89/552/CEE, JO CE, L 202, 30 juillet 1997.
487. Directive 97/51/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant
l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et
l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement
concurrentiel, JO CE, L295, 29 octobre 1997.
488. Directive 97/55/CE du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive
84/450/CEE du Conseil, JO CE L 290 du 23 octobre 1997.
489. Directive 97/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant
le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le
secteurs des télécommunications, JO CE, n°L 024, 30 janvier 1998,.
490. Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la
protection des consommateurs en matière des contrats à distance, JO CE, L 144, 4 juin 1997.
491. Directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant
l'application de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et
l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement
concurrentiel, JO CE, L 101, 1er avril 1998.
492. Directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une
procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques, JO CE
n° L 204, 21.7.1998.
493. Directive 98/48/CE du Parlement européen et du conseil du 20 juillet 1998 portant
modification de la directive 98/34/CE du 22 juin 1998 prévoyant une procédure
d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO CE, L 204, 21
juillet 1998, p. 37), JO CE, L 217, 5 août 1998.
494. Directive 1999/64/CE de la Commission du 23 juin 1999 modifiant la directive
90/388/CEE en vue de garantir que les réseaux de télécommunications et les réseaux câblés
de télévision appartenant à un seul et même opérateur constituent des entités juridiques
distinctes, JO CE L 175, 10 juillet 1999.
495. Directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 sur un
cadre communautaire pour les signatures électroniques, JO CE L 13, 19 janvier 2000.
531

496. Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à


certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du
commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce
électronique »), JO CE n°178, 17 juillet 2000.
497. Directive 2002/19/CE du 7 mars 2002 (directive « accès »), JO CE, L 108, 24 avril 2002.
498. Directive 2002/20/CE du 7 mars 2002 (directive « autorisation »), JO CE, L 108, 24 avril
2002.
499. Directive 2002/21/CE du P.E et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre
réglementaire commun pour les réseaux et les services de communications électroniques
(directive « cadre»), JO CE, L108/33, 24 avril 2002,.
500. Directive 2002/22/CE du 7 mars 2002 (directive « service universel »), JO CE, L 108, 24
avril 2002.
501. Directive 2002/58/CE du Conseil de l’Europe, n° 2002/58/CE du 12 juillet 2002
concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée
dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications
électroniques), JO CE, n° L202, 31 juillet 2002
502. Directive 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002
concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs,
et modifiant les directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7/CE et 98/27/CE, JO CE, L 271, 09
octobre 2002.
503. Directive 2002/77/CE de la Commission du 16 septembre 2002 relative à la concurrence
dans le marché de réseaux et des services de communications électroniques, JO CE L 249, 17
septembre 2002.
504. Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux
pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le
marché intérieur, JO UE, L 149, 11 juin 2005.
505. Directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive
2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux
et services de communications électroniques, la directive 2002/58/CE concernant le
traitement des données à caractère personnel et la protection et de la vie privée dans le
secteur des communications électroniques et le Règlement (CE) n°2006/2004 relatif à la
coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation
en matière de protection des consommateurs, JO CE, L 337 du 18 décembre 2009.
506. Directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes
d’ordinateur, JO CE, L 111, 5 mai 2009.
507. Directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009
modifiant les directives 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les
réseaux et services de communications électroniques, 2002/19/CE relative à l’accès aux
réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur
interconnexion, et 2002/20/CE relative à l’autorisation des réseaux et services de
communications électroniques, JO UE, L 337/37, 18 décembre 2009.
508. Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative
aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive
1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du
Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JO UE, L 304, 22
novembre 2005.
509. Directive 2014/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à des
mesures visant à réduire le coût du déploiement de réseaux de communications électroniques
à haut débit, JO UE, L 155, 23 mai 2014.
532

4) Résolutions et décisions du Parlement européen

510. Décision 676/2002/CE du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire pour la politique
en matière du spectre radio électrique dans la Communauté européenne, J.O. L 108 du 24
avril 2002.
511. Résolution du Parlement européen du 5 février 2009 sur les échanges commerciaux
internationaux et l'internet (2008/2204(INI)), JO UE n° C67, 18 mars 2010.

512. Décision n°676/2002/CE du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire


pour la politique, en matière de spectre radioélectrique dans la communauté européenne, JO
CE, L108, 24 avril 2002.

5) Projets, communications, lignes directrices

513. Lignes directrices concernant l’application des règles de concurrence de la Communauté


au secteur des télécommunications, JO CE n° C233, 6 septembre 1991.
514. Commission de la Communauté européenne, Programme d’action : vers un marché
communautaire compétitif en matière des télécommunications en 1992 – Mise en application
du livre vert sur le développement du marché commun des services et équipements des
télécommunications (état des discussions et propositions faites à la Commission, tel
qu’approuvé), Communication de la Commission, 9 février 1998, COM/88/48/FINAL.
515. Commission de l’Union européenne, Vers un cadre européen global pour les jeux de
hasard en ligne, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au
Comité économique et social et au Comité des régions, 23 octobre 2012, Doc. 596 final.
516. Lignes directrices de la Commission sur l’analyse du marché et l’évaluation de la
puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les
réseaux et les services de communications électroniques, JO CE, 11 juillet 2002, C 165.

6) Textes officiels

517. Commission de la Communauté européenne, Livre vert sur le développement du marché


commun des services et équipements des télécommunications, Bruxelles, COM (87) 290, 30
juin 1987.
518. Commission de la Communauté européenne, Vers une économie européenne dynamique,
Livre vert sur le développement du marché commun des services et équipements de
télécommunications, COM (87) 290 final, 30 juin 1987.
519. Commission des CE, Livre vert sur la libéralisation des infrastructures de
télécommunications et des réseaux de télévision par câble, octobre 1994.
520. Commission européenne, Livre vert sur la libéralisation des infrastructures de
télécommunications et des réseaux de télévision par câble – Partie II – Une approche
commune de la fourniture d’infrastructures de télécommunications au sein de l’Union
européenne, COM (94), octobre 1994 et janvier 1995.
521. Commission européenne, Livre vert sur les communications commerciales dans le marché
intérieur, 8 mai 1996, COM (1996)192 final.
522. Commission européenne, Livre vert sur la convergence des secteurs des
télécommunications, des médias et des technologies de l’information, et les implications pour
la réglementation, COM(97) 623 final, 3 décembre 1997.
523. Commission européenne, Livre vert sur les services d’intérêt général, COM (2003) 270,
21 mai 2003.
524. Commission européenne, Accord de partenariat ACP-CE, signé à Cotonou le 23 juin
2000, révisé à Luxembourg le 25 juin 2005, Coll. développement, Office des publications
officielles des CE, Luxembourg, 2006.
533

525. Commission européenne, Livre vert sur la révision de l’acquis communautaire en matière
de protection des consommateurs, COM (2006) 744 final, Bruxelles, 8 février 2007.
526. Commission de l’UE, Livre vert sur les jeux d’argent et de hasard en ligne dans le marché
intérieur, 24 mars 2011, COM (2011) 128 final, SEC (2011) 321 final.
527. Comité des ministres, Gouvernance de l’Internet – Stratégie du Conseil de l’Europe 2012-
2015, 15 mars 2012, CM(2011)175 final 2.
528. Commission européenne, Livre vert « se préparer à un monde audiovisuel totalement
convergent : croissance, création et valeurs », COM (2013) 231, 24 avril 2013.
529. Commission européenne, Livre vert sur les relations entre l’Union européenne et les pays
d’Afrique, des caraïbes et du Pacifique (ACP) à l’aube du 21 e siècle – Défis et options pour
un nouveau partenariat, 21 novembre 2016, COM(96)0570 Ŕ C4-0639/96, [Courrier
(Bruxelles), 1997-03/04, n°162].
530. Eurobaromètre, n° 186, enquête menée en octobre 2006 ; Commission européenne, Livre
vert, COM (2006) 744.
531. Eurobaromètre, octobre 2008
532. JO CE, L74/13, 22 mars 1996.
533. JO CE, L199/32, 26 juillet 1997.
534. JO CE, L 204, 21 juillet 1998.
535. JO CE, L 217, 05 août 1998.
536. JO CE L 178, 23 janvier 1999.
537. JO CE, L 249, 17 septembre 2002.
538. JO CE, L 337, 18 décembre 2009.
539. JO UE, L 119, 4 mai 2016.
540. Recommandation 84/550/CEE du 12 novembre 1984 concernant la première phase
d’ouverture des marchés des télécommunications, Doc. 3198H0550, JO CE, 16 nov. 1984.
541. Recommandation de la Commission concernant l’interconnexion dans un marché des
télécommunications libéralisé : - partie 1 : « Tarification de l’interconnexion », le 8 janvier
1998, JO CE L73, 12 mars 1998; - partie 2 : « Séparation comptable et comptabilisation des
coûts », le 8 avril 1998, JO CE L141, 13 mai 1998.
542. Recommandation 2003/311/CE de la Commission du 11 février 2003 concernant les
marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications
électroniques, susceptibles d’être soumis à une réglementation ex ante conformément à la
directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil relative à un cadre réglementaire
commun pour les réseaux et services de communications électroniques, JO. CE du 8 mai
2003, L 114.

V. LÉGISLATION FRANÇAISE

1) Textes législatifs

543. Constitution française, 4 août 1958, version du 7 août 1958.


544. Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, JO
RF, 7 janv.1978.
545.
546. Loi n°81-994 du 9 novembre 1981 portant dérogation au monopole d’État de la
radiodiffusion, JO RF, 10 novembre 1981.
547. Loi n° 82-652 du 29 juillet 1981 sur la communication audiovisuelle, JO RF, 30 juillet
1982.
548. Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, JO RF, 1er
octobre 1986.
549. Loi n°90-58 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public des postes et des
télécommunications, JO RF, n°174, 08 juillet 1990.
534

550. Loi n°90-1170 du 29 décembre 1990 sur la réglementation des télécommunications, JO


RF, n°303, 30 décembre 1990.
551. Loi n°96-659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, JO RF, n°174,
27 juillet 1996.
552. Loi n°96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom, JO RF,
n°174, 27 juillet 1996.
553. Loi n°2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des
télécommunications et à France Télécom, JO RF, n°1, 1er janvier 2004.
554. Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique [dite
« LCEN »], JO RF, n°143, 22 juin 2004.
555. Loi n°2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux
services de communication audiovisuelle, JO RF, 10 juillet 2004.
556. Loi n°2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard
des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n°78-17 du 6 janvier 1978
relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, JO RF, n°182, 7 août 2004.
557. Loi de 1905 sur les fraudes et les falsifications, assurant sa protection de ses règles de
protection à toute personne.
558. Loi de 1972 sur le démarchage. Loi de 1978 sur les clauses abusives.
559. Loi n°2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, JO RF,
n°117, du 21 mai 2005.
560. Loi n°2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des
consommateurs, JO RF, n°3, 4 janvier 2008.
561. Loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie [dite « LME »], JO RF,
n°181, 5 août 2008.
562. Loi n°2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, JO
RF, n°0293, 18 décembre 2009.
563. Loi n°2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du
secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, JO RF n°0110, 13 mai 2010.
564. Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation [« loi Hamon »], JO RF,
n°0065, 18 mars 2014.
565. Ordonnance n°2001-741 du 23 août 2001 portant transposition de directives
communautaires et adaptation au droit communautaire en matière de droit de la
consommation, JO RF 25 août 2001.
566. Ordonnance n°2005-648 du 6 juin 2005 relative à la commercialisation à distance des
services financiers auprès des consommateurs, transposant la directive 2002/65/CE.
567. Ordonnance 2005-674 du 16 juin 2005 relative à l’accomplissement de certaines
formalités contractuelles par voie électronique, JO RF, n°140, 17 juin 2005.
568. Décret n°2011-219 du 25 février 2011 relatif à la conservation et à la communication des
données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis
en ligne.
569. Ordonnance n°2011-1012 du 24 août 2011 relative aux communications électroniques, JO
RF, 26 août 2011.
570. Ordonnance n°2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur
le capital des sociétés à participation publique, JO RF, n°0194, 23 août 2014.
571. Code civil, tel que modifié par l’article 2 de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016
portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, JO
RF, n°0035, 11 février 2016, texte n°26.
572. Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique [« loi Axelle
Lemaire »], JO RF, 8 octobre 2016.
573. Code du commerce.
574. Code des procédures civiles d’exécution.
575. Code Pénal Français.
576. Code de la Poste et des communications électroniques.
535

577. Code de la Santé publique.


578. Code de la consommation.
579. Code de la sécurité intérieure, créé par la loi n°2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à
la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions
concernant la défense et la sécurité nationale.

2) Textes réglementaires

580. Arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l’information du consommateur sur les prix, JO. 4
août 1988.
581. Décret n°87-775 du 24 septembre 1987 relatif aux liaisons spécialisées et aux réseaux
téléphoniques ouverts à des tiers.
582. Décret n° 90-1213 du 29 décembre 1990 relatif au cahier des charges de France Télécom
et au code des postes et télécommunications, articles 15 à 22, J.O. RF, 30.12.1990.
583. Décret n°92-280 du 27 mars 1992 pris pour l’application des articles 27 et 33 de la loi n°
86-1067 du 30 septembre 1986 fixant les principes généraux définissant les obligations des
éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat.
584. Décret n°2001-1331 du 28 décembre 2001, modifiant le décret n°92-280 du 27 mars 1992
pris pour l’application du 1° de l’article 27 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986
relative à la liberté de communication et fixant les principes généraux concernant le régime
applicable à la publicité et au parrainage.
585. Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du
régime général et de la preuve des obligations, JO RF, 0035, 11 février 2016.
586. Arrêté du 25 février 2016 portant désignation de l'organisme chargé de gérer la liste
d'opposition au démarchage téléphonique, JO RF, n°0050, texte n°36, 28 février 2016.
587. Circulaire du 16 mars 1988 prise en application du décret n°87-775 du 24 septembre 1987
relatif au régime général des liaisons spécialisées et au régime des réseaux télématiques
ouverts à la des tiers utilisant des liaisons spécialisées.

3) Textes officiels et rapports institutionnels

588. JO RF, 1er janvier 2004.


589. JO RF, 22 juin 2004.
590. JO RF, 10 juillet 2004.
591. JO RF, n°0110, 13 mai 2010.
592. JO RF, n°0065, 18 mars 2014, texte n°1.
593. JO RF, n°0064, 16 mars 2016, texte n°29.

VI. LÉGISLATION CONGOLAISE

1) Textes législatifs

594. Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, telle que


modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la
Constitution du 18 février 2006 (Textes coordonnés), JO RDC, numéro spécial, 5 février
2011.
595. Code pénal congolais : Décret du 30 janvier 1940 tel que modifié et complété à ce jour,
mise à jour au 5 octobre 2006, JO RDC, 47e année, n° spécial, Kinshasa, 05 octobre 2006.
596. Arrêté du Gouverneur général du 19 janvier 1901, Jeux de hasard, R.M., 1901.
597. Loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RDC [LCT], JO
RDC, n° spécial, 44e année, 25 janvier 2003.
598. Loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 portant création de l’Autorité de régulation des postes
et des télécommunications, JO RDC, 44ème année, numéro spécial, Kinshasa, 25 janvier 2003.
536

599. Loi n°004-2003 du 14 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales, JO RDC, n°
spécial, Kinshasa, 31 mars 2003.
600. Loi n°04/015 du 16 juillet 2004 fixant la nomenclature des actes générateurs des Recettes
Administratives, Judiciaires, Domaniales et des Participations ainsi que leurs modalités de
perception, JO RDC, 45e année, n° spécial, Kinshasa, 22 juillet 2004, (Autre publication : JO
RDC, 47e année, n° spécial, 18 aout 2006,).
601. Loi n°06/003 du 27 février 2006 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi
n°004/2003 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales, JO RDC, 47e année, n°
spécial, 15 mars 2006.
602. Loi n°08/007 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales relatives à la transformation
des entreprises publiques JO RDC, 49è année, n° spécial, 12 juillet 2008.
603. Loi n°08/009 du 7 juillet 2008 portant dispositions générales applicables aux
établissements publics, JO RDC, 49e année, n° spécial, 12 juillet 2008.
604. Loi 08-010 du 7 juillet 2008 fixant les règles relatives à l’organisation et à la gestion du
portefeuille de l’État, JO RDC, 49e année, n° spécial, 12 juillet 2008.
605. Loi organique n° 16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et
fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif, JO RDC, n° spécial, Kinshasa, 18
octobre 2016.

2) Textes réglementaires

606. Ordonnance n°17/025 du 10 juillet 2017 fixant les attributions des ministères, JO RDC, n°
spécial, 58e année, Kinshasa, 19 juillet 2017.
607. Ordonnance législative n°254/Télec. du 23 août 1940, Moniteur congolais, JO RDC, n°
spécial, 25 janvier 2005, Kinshasa.
608. Ordonnance-loi n°68-475 du 13 décembre 1968 portant création de l’OCPT, Moniteur
congolais, n°3, 1er février 1969.
609. Ordonnance-loi n°71-015 du 15 mars 1971 sur les installations radioélectriques privées,
Moniteur congolais, n°8, 15 avril 1971.
610. Ordonnance n°78-222 du 5 mai 1978 portant statut de l’ONPTZ, JOZ., n°12, du 15 juin
1978.
611. Ordonnance n°83-178 du 28 septembre 1983 portant création de la commission de la
police du commerce, JOZ, n°19, 1er octobre 1983.
612. Ordonnance n°87-243 du 22 juillet 1987 portant réglementation de l’activité informatique
en République du Zaïre, JOZ, n°15, 1er août 1987.
613. Ordonnance-loi n°41-63 du 24 février 1950 sur la concurrence déloyale et sa répression,
Bulletin Administratif [Congo-Belge], 1950.
614. Ordonnance-loi n°11-41 du 16 mai 1951, Interdiction des concours et pronostics sportifs
ou autres, B.O., 1951.
615. Ordonnance n°12/008 du 11 juin 2012 fixant les attributions des Ministères, JO RDC, 53 e
année, n° spécial, 14 juin 2012.
616. Ordonnance [du Président de la RDC] n°14/073 du 5 décembre 2014 portant approbation
de l’Accord de don H81-ZR conclu entre la RDC et la Banque mondiale, au titre de la 5e
phase du programme régional de réseaux de télécommunication haut débit en Afrique
centrale (CAB5), JO RDC, 56è année, n° spécial, 10 janv. 2015, col.2.
617. Ordonnance n°15/015 du 21 mars 2015 fixant les attributions des ministères, JO RDC, 53e
année, n° spécial, 14 juin 2012, JO RDC, n° spécial, 56e année, 27 mars 2015, col. 23 et s.
618. Ordonnance n°15/017 du 25 mars 2015 portant nomination des mandataires publics au sein
de la Société commerciale des postes et télécommunications, en sigle SCPT, JO RDC, 56e
année, 1er avril 2015, col. 9-10.
619. Décret [du Roi de belges] du 2 août 1913, des commerçants et de la preuve des
engagements commerciaux, B.O., 1913.
620. Décret sur les loteries du 17 août 1927, Bulletin officiel, Congo-Belge, 1927.
537

621. Décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile, Moniteur congolais, 1960.
622. Décret du 20 mars 1961 sur la réglementation des prix, Moniteur congolais, 1961.
623. Décret-loi sur le prix du 20 mars 1961, tel que modifié par l’Ordonnance-loi n°83-026 le
12 septembre 1983, in Les codes Larcier de la République démocratique du Congo, t.III, vol.
2, éd. De Boeck & Larcier (Afrique éditions), Bruxelles (Kinshasa), 2003.
624. Décret n°03/027 du 16 septembre 2003 fixant les attributions des ministères du
gouvernement de transition, JO RDC, n° spécial, 44e année, 23 septembre 2003.
625. Décret 09/12 du 24 avril 2009 établissant la liste des entreprises publiques transformées en
sociétés commerciales, établissements publics et services publics, JO RDC, 50 e année, n°
spécial, 30 avril 2009,
626. Décret n°012/15 du 20 février 2012 fixant les modalités de calcul et les taux des revenus
des prestations de l’Autorité de Régulations de la Poste et des Télécommunications,
« ARPTC » en sigle, JO RDC, n°6, 15 mars 2012, col.9-10.
627. Arrêté interdépartemental DENI/CAB06/005/87 portant mesures d’exécution de
l’ordonnance n°83-178 portant création de la commission de la police du commerce,
Législation et réglementation économiques et commerciales, 2e éd., 1998.
628. Arrêté ministériel n°CAB/MIN/PTT/0027/31/93 du 18 novembre 1993 fixant les
conditions d’exercice des activités du secteur de télécoms, JO RDC, n° spécial, 44 e année,
Kinshasa, 25 janvier 2003.
629. Arrêté interministériel n°006/CAB/MIN/FIN&BUD/2003 et n°001/CAB/MIN/PTT/2003 du 25
janvier 2003 portant fixation de la taxe terminale sur les communications internationales
entrantes, JO RDC, n° spécial, 44e année, 25 janvier 2003.
630. Arrêté interministériel n°005/CAB/MIN/PTT/2005 et n°110/CAB/MIN/FINANCES/2005 du 29
juillet 2005 portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative
du Ministère des PTT, JO RDC, n° spécial, 46e année, Kinshasa, 1er novembre 2005, col. 57-
60.
631. Arrêté n°003 /CAB/MIN/PTT/2009 du 26 février 2009 portant création du Plan National
de Numérotation et Arrêté n° 004/CAB/MIN/PTT/2009 du 26 février 2009 portant fixation
des modalités de gestion du Plan National de Numérotation, JO RDC, 50 e année, n°5, 1er
mars 2005, col. 1-10.
632. Arrêté interministériel n°068/CAB/MIN/INTERSEC/2009, n°212/CAB/MIN/J/2009, n°
CAB/MIN/PTT/011/2009 du 21 décembre 2009 modifiant et complétant l’Arrêté interministériel
n°25/CAB/MINÉTAT/INTERDESEC/010/2008 et n°003 CAB/MIN/PTT/2008 du 8 mars 2008 du Ministre
d'État en charge de l'intérieur et du Ministre des PTT fixant les conditions de souscription à
l'abonnement téléphonique en République Démocratique du Congo.
633. Arrêté interministériel n°002/TNT/CAB/M-CM/LMO/2015 et n°
CAB/VPM/PTNTIC/TLL/0002/2015 du 25 avril 2015 du Vice-premier Ministre, Ministre
des PTT et du Ministre de l’information et média portant définition des acteurs du nouveau
paysage audiovisuel congolais, récupération par l’État congolais des fréquences analogiques
octroyées aux chaines de télévision et interdiction d’importation en République
Démocratique du Congo des récepteurs analogiques, JO.RDC, n°11, 1er juin 2016, col. 24.
634. Arrêté ministériel n° CAB/M-CM/LMO/006/2015 du 25 avril 2015 du Ministre de la
Communication et Médias portant procédure d’obtention d’autorisation d’exploitation de la
TNT, in JO RDC, col. 27.
635. Arrêté interministériel n°25/CAB/VPM/MIN/INTERSEC/024/2015,
n°03/CAB/VPM/PTNTIC/2015, n°MNDAC-
RCAB/009/2015,n°004/CAB/MIN/J&DH/2015, n°CAB/MIN.FINANCES/2015/0144,
n°008/CAB/MIN/CM/LMO/2015 du 19 mai 2015 modifiant et complétant l’Arrêté
interministériel n°068/CAB/MIN/INTERSEC/2009, n°212/CAB/MIN/J/2009,
n°CAB/MIN/PTT/011/2009 du 21 décembre 2009 fixant les conditions de souscription à
l’abonnement téléphonique en République Démocratique du Congo, JO RDC, n°11,
56èmeannée, Kinshasa, 1er juin 2015, col.7.
538

636. Arrêté interministériel n°001/CAB/VPM/MIN/PTT/2011 et


n°045/CAB/MIN/FINANCES/2011 modifiant et complétant l’Arrêté interministériel
n°005/CAB/MIN/PTT/2009 et n°071/CAB/MIN/FINANCES/2009 du 26 février 2009
portant fixation de taux de la taxe de numérotation à percevoir à l’initiative de l’ARPTC pour
l’utilisation des ressources en numérotation, JO RDC, 52è année, n°4, 15 fév.2011, col. 6
[www.legalnet.cd/Legislation/JO/2011/JO%2015%2002%202011.Sommaire.pdf] (consulté le 15 juin 2016).
637. Arrêté ministériel n°008/MINPF/LMM/2016 du 01 novembre 2016 portant suspension d’un
mandataire public au sein de la société congolaise des postes et télécommunications, en sigle
"SCPT SA" [inédit]. « Le directeur général de la SCPT, Didier Musete suspendu, 3 novembre
2016, MCNTEAM, Mediacongo [http://www.mediacongo.net/article-21757.htmlactualité]
(consulté le 4 novembre 2016.)

3) Textes officiels et rapports institutionnels

638. AGENCE NATIONALE POUR LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS, « Nouvelles technologies


de l’information et de la communication », Cahier sectoriel, ANAPI, Kinshasa, mai 2017.
639. ASSEMBLÉE NATIONALE, Règlement intérieur, JO RDC, 48e année, Kinshasa, numéro
spécial, 20 février 2007.
640. COPIREP, Rapport annuel 2013, Établissement public, Kinshasa.
641. Gouvernement de la RDC, Programme économique du gouvernement, (PEG) 2010,
Kinshasa.
642. Gouvernement de la RDC, Programme économique du Gouvernement (PEG),
Kinshasa/RDC, 15 septembre 2011.
643. Gouvernement de la RDC, Programme économique et social, vision, défis, stratégies et
politiques et sectorielles, septembre 2011, Kinshasa.
644. Institut National de la Statistique, Annuaire statistique 2014, Ministère du plan et
révolution de la modernité / PNUD, Kinshasa, juillet 2015.
645. JO RDC, n° spécial, 44e année, Kinshasa, 25 janvier 2003.
646. JO RDC, n° spécial, 46e année, Kinshasa, 25 janvier 2005.
647. JO RDC, 46e année, Kinshasa, 1er septembre 2005.
648. JO RDC, n°15, 47e année, Kinshasa, 1er août 2006, col. 21 et s.
649. JO RDC, n° spécial, 47e année, Kinshasa, 18 août 2006.
650. JO RDC, n° spécial, 49e année, Kinshasa, 12 juillet 2008.
651. JO RDC, Recueil de textes sur l’amélioration du climat des affaires, n° spécial, 51ème
année, Kinshasa, 3 mars 2010.
652. JO RDC, n°23, 53è année, Kinshasa, 1er décembre 2012.
653. JO RDC, 1er déc.2011, n°23.
654. JO RDC, n°8, 15 avril 2009, 1re partie, « Avis et annonces », col. 74.
655. Ministère des PTT, Document de Politique sectorielle, stratégie de développement du
secteur des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication
de la RDC, juillet 2009, Kinshasa.

4) Décisions du collège de l’Autorité des postes et télécommunications (ARPTC)

656. Décision n°001/ARPTC/2005 du 25 avril 2005 relative au désaccord entre l’Office


congolais des postes et télécommunications (OCPT) et les sociétés de télécommunications
(inédite). [Source : archivage de la notification de la décision faite à la société Vodacom
Congo, l’une des parties litigantes].
657. Décision n°002bis/ARPTC/CCG/2006 du Collège de l’ARPTC du 27 janvier 2006
autorisant la société Celtel Congo à fournir les services Internet.
658. Décision n°003/CLG/ARPTC/2006 fixant les règles de procédure applicables en cas de
manquements par les opérateurs de postes ou de télécommunications à leurs obligations
légales.
539

659. Décision n°004/CLG/ARPTC/2006 fixant la procédure de règlement des différends en


matière de poste ou de télécommunications.
660. Décision n°016/ARPTC/CLG/2006 du 23 juin 2006 portant définition des principes
d'interconnexion, JO RDC, n°15, 47e année, Kinshasa, 1er août 2006, col. 13 et s.
661. Décision n°005/ARPTC/CLG/2007 du 29 juin 2007 du Collège de l’ARPTC portant
identification des abonnés du service de la téléphonie mobile JO RDC, 48 e année, n° 10,
Kinshasa, 15 octobre 2007, col. 1 et 2.
662. Décision n°001/ARPTC/CLG/2009 du 14 janvier 2009 et n°005/ARPTC/CLG du 24
février 2009.
663. Décision n°008/ARPTC/CLG/2011 du 28 février 2011 du Collège de l’ARPTC modifiant
la Décision n°044/CLG/ARPTC/2008 du 25 août 2008 portant conditions et modalités de
promotion des services de télécommunications en République Démocratique du Congo, JO
RDC, n°8, 52e année, 15 avril 2011, col. 27.
664. Décision n°036/ARPTC/CLG/2011 du 14 juin 2011 du collège de l’ARPTC portant
attribution d’un canal de fréquences de service de radiodiffusion télévisuelle à la chaîne de
télévision Broad Casting Network « BNTV/Barala » à Kinshasa, JO RDC, 1er déc.2011, n°23,
col. 23.
665. Décision n°037/ARPTC/CLG/2011 du collège de l’ARPTC du 27 avril 2011 attribuant
les fréquences à l’Ambassades des États-Unis à Kinshasa, JO RDC, n°23, 52è année, 1er déc.
2011, col.24.
666. Décision n°038/ARPTC/CLG/2011 du collège de l’ARPTC du 27 avril 2011 autorisant la
Banque First International Bank (FIBANK) à installer et exploiter un réseau indépendant
constitué de quatre stations VSAT, JO RDC, n°23, 52è année, 1er déc. 2011, col. 25.
667. Décision n°062/ARPTC/CLG/2011 du collège de l’ARPTC du 02 septembre 2011
attribuant les fréquences à l’Ambassades d’Afrique du Sud à Kinshasa, JO RDC, n°52, 52 è
année, 1er déc. 2011, col. 52.
668. Décision n°26/ARPTC/CLG/2011 du Collège de l’ARPTC attribuant les fréquences
faisceaux hertziens dans les bandes de 8 GHz et de 11 GHz à la société CIELUX, JO RDC,
52è année, n°23,1er déc.2011, col. 11.
669. Décision n°29/ARPTC/CLG/2011 du Collège de l’ARPTC portant sélection de la société
CYBERNET comme attributaire d’une licence d’établissement et d’exploitation d’un réseau
de Télécommunications par satellite de type VSAT, JO RDC, 52è année, n°23, 1er déc.2011,
col. 15.
670. Décision n°003/ARPTC/CLG/2012 du Collège de l’ARPTC autorisant la société Oasis
Sprl à fournir le service Internet au public, JO RDC, 53è année, n°23, 1er décembre 2012, col.
11.
671. Décision n°009 ARPTC/2012 du Collège de l’ARPTC modifiant la décision
n°028/ARPTC/CL/2011 portant définition des principes de tarification du service de détail
voix applicables par les exploitants des réseaux et services de télécommunications ouverts au
public en RDC, JO RDC, 53e année, n°23, 1er décembre 2012, col. 20.
672. Décision n°021/ARPTC/CLG/2012 du 03 mars 2012 du Collège de l’ARPTC portant
suspension des promotions des services de télécommunications en RDC [inédit]
673. Décision n°028/ARPTC/CLG/2012 du Collège de l’ARPTC attribuant les fréquences
additionnelles dans la bande GSM 900 à la société Oasis Sprl, JO RDC, 53e année, 1er
décembre 2012, col. 53.
674. Décision n°33/ARPTC/CLG/2012 du Collège de l’ARPTC attribuant les fréquences
additionnelles dans la bande GSM 900 à la société CCT Sarl, JO RDC, 53è année, 1er
décembre 2012, col. 54.
675. Décision n°001/ARPTC/CLG/2015 du 02 février 2015 portant encadrement des tarifs voix
applicables par les exploitants des réseaux et services des télécommunications ouverts au
public en RDC. [inédit]
540

VII. JURISPRUDENCES

1) Jurisprudence américaine

676. Cour d’appel fédérale du 9e circuit, 23 août 2004 et 12 janvier 2006 et 12 janvier 2006,
LICRA and UEJF v. Yahoo !, n° 01-17424.

2) Jurisprudence européenne

677. CJCE, affaire Factort, arrêt du 25 juillet 1991, C-221/89, Rec., 1991.
678. CJCE, 17 novembre 1992, Royaume d’Espagne, Royaume de Belgique et République
indienne c/ Commission, aff. Jointes C-271/90, C-281/90 et C-281/90, Recueil 1992.
679. CJCE, affaire C-69/91, 27 octobre 1993, Procédure pénale contre Francine Decoster,
épouse Gillon, Rec. 1993.
680. CJCE, Compagnie Maritime belge c/ Commission, C-395/96 C-396/6 P, TPI, Gencor Ltd/
Commission, aff. T-102/96.
681. CJCE : affaires Francesco Benicasas / Dentalkit Srl, 3 juillet 1997, activités CJCE, 1997,
n°20.
682. TPI, Gencor Ltd/ Commission, arrêt 25 mars 1999, aff. T-102/96, Recueil, 199, II,
683. Arrêt du 16 octobre 2008, Bundesverband der Verbraucherzentralen und
Verbraucherverbände, C-298/07, Rec. p. I-7841,
684. CJCE, 23 avril 2009, VTB-VAB c/ Total Belgium NV, Aff. C-261/07, D. 2009, AJ.
685. CJCE, Arrêt du 23 mars 2010, Google France et Google, C-236/08 à C-238/08.
686. CJCE, Arrêt du 25 mars 2010, BergSpechte, C-278/08.
687. CJUE, Affaire Peter Pammer et Hôtel Alpenhof GesmhH, C-585/08 (jointe à C-144/09), 7
décembre 2010, RJ, 2010, I-12527.
688. CJUE, Arrêt du 12.07.2011, L’Oréal SA, Lancôme parfums et beauté & Cie, Laboratoire
Garnier & Cie, L’Oréal (UK) Limited contre eBay International AG, eBay Europe SARL,
eBay (UK) Limited, Affaire C-324/09, Recueil de la jurisprudence 2011 I-06011.
689. CJUE, France c/ Commission, C-559/12P, 3 avril 2014.
690. CJUE, Gde ch, aff. C-293/12, 8 avril 2014, Digital Rights Ireland Ltd.
691. CJUE, Affaire Google Spain SL et Google Inc. c/ Agencia Espaňola de protección de
Datos et Mario Costeja González, C-131/12, Arrêt (grande chambre), 13 mai 2014.
692. CJCE, Compagnie Maritime belge (transport SA) et Dafra-Lines A/S c/ Commission, aff.
Jtes C-395/96 C-396/6 P, 16 mars 2000, Recueil de la jurisprudence, 200, I, pp. 1365
693. CJCE, République française c/ Commission, C-202/88, 19 mars 1991, concurrence dans
les marchés des terminaux de télécoms.
694. CJUE, France vs. Commission, affaire C-559/12P, avril 2014, Communiqué de presse
n°48/14, Luxembourg, 3 avril 2014

3) Jurisprudence française

695. Cass. Com., 9 novembre 1970, Bull. IV, n° 298, in CAMPANA M.-J., Code de commerce,
20e éd., Litec, Paris, 2008.
696. Cass. Com., 18 février 1975 : Bull. civ. IV, n°48.
697. Cass. crim., 12 novembre 1986, Bull. Crim., n°861.
698. Cass. Civ. 28 avril 1987 RTD civ. 1987-537.
699. Cass. Civ. 1ère, 25 mai 1992, D. 1993.
700. Cass. Civ., 1ère, 24 nov. 1993, JCP, éd. G. 1994, n°22334.
701. Cass. Civ. 1re, 4 mai 1999, D. 1999. IR 170.
702. Cass. Crim., 14 oct. 1998, D. 1999.
703. Cass. Civ. 1re, 10 juillet 2001, D. 2002, Somm. 932.
704. Cass. Civ., 1re Ch., 15 mars 2005, n°02-13285.
541

705. Cour Cass., crim., 9 septembre 2008, Giuliano, n°07-87281.


706. Cass. Civ. 1re, 2 juillet 2014, D. 2014, 1492.
707. Conseil d’État, Arrêt du Bac d’Eloka, Société commerciale de l’Ouest africain, 22 janvier
1921.
708. Conseil d’État, Arrêt, Caisse primaire Aide et Protection, 13 mai 1938 ; Arrêt Monpeurt,
31 juillet 1942 (GAJA).
709. Conseil d’État; Arrêt Bouguen, 2 avril 1943 (GAJA)
710. Conseil d’État, Arrêt Etablissement Vezia, 20 décembre 1935 (GAJA).
711. Conseil d’État, Arrêt, Caisse primaire Aide et Protection, 13 mai 1938 (GAJA),
712. Cons. d’État, Arrêt Monpeurt, 31 juillet 1942 (GAJA)
713. Conseil d’État, Arrêt Bouguen, 2 avril 1943 (GAJA).
714. Cour d’appel de Paris, Facebook Inc. c/ Monsieur X, 12 février 2016, n°15/08624.
715. TGI, Paris, Ordonnance, Juge des référés, 22 mai 2000.
716. TGI Paris, 8 juillet 2005, Real de Madrid Football club c/ Zinedine Zidane, David
Beckham, Raul G. et al. c/ Hilton Group PLC, sporting Exchange TD, William H.,
sportingbet PLC et al.
717. TGI, Troyes, Aff. Hernès International c/ SA eBay France et eBay International AG, 4
juin 2008, RLDI, n° 39, 2008, n°1296 ;
718. TGI, Paris, Max Mosley c. Google Inc. et Google France, RG 11/07970.

VIII. RAPPORTS PUBLICS

1) Organisations internationales

719. BANQUE MONDIALE, Les dividendes du numérique, Rapport sur le développement dans le
monde 2016, Washington, avril 2016.
720. SMSI, Agenda de Tunis pour la société de l’information, 18 novembre 2005, WSIS-
05/TUNIS/DOC/6(Rév.1).
721. UIT, Tendances des réformes dans les télécommunications, 2002, Une régulation
efficace, Rapport, Genève, 2002.

2) Entités européennes

722. LAMOULINE C. et POULLET Y., Des autoroutes de l’information à la « démocratie


électronique » : de l’impact des technologies de l’information et de la communication sur
nos libertés, Rapport présenté au Conseil de l’Europe, Bruylant, Bruxelles, 1997.
723. LEVY P., Cyberculture, Rapport au Conseil de l’Europe dans le cadre du projet
« Nouvelles technologies : coopération culturelle et communication », Paris, Odile Jacob,
1997.
724. Rapport de Criminologie virtuelle de McAfee, Etude paneuropéenne au sujet du cybercrime
organisé, Février 2005.
725. Rapport intermédiaire de la Commission européenne concernant la vente de billets d’avion
sur Internet. MEMO 09/379, EU-Investigation into websites selling consumer electronic
goods.
726. Stratégie du Conseil de l’Europe sur la gouvernance de l’Internet 2012-2015, Rapport à mi-
parcours du Secrétaire général du Conseil de l’Europe, SG/Inf (2014)7, 1er février 2014.
727. CJCE, « L’influence du droit national et de la juridiction des États membres sur
l’interprétation du droit communautaire », Acte du colloque organisé par le CJCE, le 26
mars 2007 pour le cinquantième anniversaire des Traités de Rome.
542

3) Entités françaises

728. BERGOUGNOUX J., Services publics en réseaux : perspectives de concurrence et nouvelles


régulations, Rapport du groupe présidé par Jean Bergougnoux, Commissariat général du
Plan, La documentation française, 2000, cité par BUSHABU WOTO L., De la mise en œuvre
de la régulation des télécommunications en droit congolais (RDC), Mémoire pour obtention
de BADGE, Promo 2005, Télécom Paris Ecole nationale supérieure des télécoms
(ENST)/Arcep Burkina-Faso/Institut de la Banque mondiale/ESMT Dakar, Ouagadougou,
2005.
729. Conseil d’État, « L’intérêt général », Rapport public 1999, EDCE, n°50, La Documentation
française.
730. BOULAUD D., Le nouveau cadre européen des communications électroniques pour quels
équilibres ?, Assemblée nationale, Rapport d’information, n°3048, 11e législature, 2001,
Paris.
731. OBSERVATOIRE NATIONAL DE LA DÉLINQUANCE (OND), La Criminalité en France, Rapport
annuel 2008.
732. Section du Rapport et des études, étude générale adoptée par l’Assemblée générale du
Conseil d’ État, 2 juillet 1998, Paris, La documentation française, 1998.
733. Rapport à Monsieur le garde des Sceaux, Ministre de la Justice, 22 septembre 2005, La
documentation française, 2006.

4) Entités congolaises

734. ASSEMBLÉE NATIONALE, Rapport de mission de la commission d’enquête parlementaire sur


le backbone national en fibre optique, Commission d’enquête sur la non-connexion à la
fibre optique (sigle : A.N/C.E/FIB.OPT), Kinshasa, mai 2014.
735. AUTORITÉ DE RÉGULATION DE LA POSTE ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, Rapport public
d'activités 2003, Kinshasa, 2003.
736. AUTORITÉ DE RÉGULATION DE LA POSTE ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, Observatoire du
marché de la téléphonie mobile, Rapport du 2e trimestre 2015, Direction économie et
prospective, Kinshasa, 2015.
737. AUTORITÉ DE RÉGULATION DE LA POSTE ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, Observatoire du
Marché de la téléphonie mobile, Rapport du 3e trimestre 2016, Direction économie et
prospective, Kinshasa / RDC.
738. AUTORITÉ DE RÉGULATION DE LA POSTE ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, Observatoire du
marché de la téléphonie mobile, Rapport du 2è trimestre 2017, Direction Économie et
Prospective, Kinshasa, avril-juin 2017.
739. MUTINGA MUTUISHAYI M. et al, Rapport de la Commission d’enquête sur le secteur des
télécommunications en RDC, Sénat, RDC, mai 2008.

IX. AUTRES RESSOURCES DOCUMENTAIRES

1) Autres documents officiels

740. ANSIP A. [vice-président de la Commission européenne, chargé du marché unique


numérique] et OETTINGER G. [commissaire européen à l’économie et à la Société
numériques], Présentation de la stratégie européenne pour un marché unique,
(#DigitaSingleMarket), Bruxelles, 6 mai 2015.
741. ARCEP, Communiqué de Presse, « L’Arcep contribue à la consultation publique de la
Commission européenne sur la révision du cadre réglementaire des télécoms », 28 janvier
2016.
543

742. ARPTC, « L‘accès aux réseaux large bande mobile en République Démocratique du
Congo », in UIT, 11th World Telecommunication/ICT, Indicators symposium (WTIS-13),
Mexico, 4-6 december 2013, Document INF/3-F21, nov.2013.
743. Baromètre e-commerce de l’ASCEL, bilan annuel, 2007.
744. CNUDCI, Doc. A/C.N.9/WG.IV/W.P.84 du 8 décembre 1999 ; Groupe de travail CNUDCI
sur le commerce électronique, Doc. A/CN.9/465.
745. Conseil d’État, La France dans la transformation numérique : quelle protection des droits
fondamentaux ?, un colloque organisé par le Conseil d’État le 6 février 2015, La
documentation française, n°16, Paris, 2016.
746. Conseil d’État, Le numérique et les droits fondamentaux, La documentation française, Étude
du Conseil, Paris, 2014.
747. CONSEIL D’ÉTAT, Le numérique et les droits fondamentaux, La Documentation française,
études, Paris, 2014, in La documentation française, n°16, 2015.
748. COPIREP, Présentation du Projet CAB5 au VPM, Ministre des PTNTIC, Hôtel Kempinski,
Kinshasa, 9 janvier 2015.
749. ITU, Measuring the information society 2013, Geneva.
750. Journaux officiels, Communications électroniques et services de communication
audiovisuelle, les éd. Journaux officiels, coll. « aux sources de la loi », Paris.
751. Règlement n°15/2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les États membres
de l’UEMOA.
752. ROMIEU, Conclusions sous Conseil d’État, 22 mai 1903, Caisse des Écoles, Rec.,
753. UIT, Atelier pour la création de nouveau plan de numérotage national en Afrique, Cotonou
(Bénin), 30 juin-04 juillet 2003.
754. UIT, Le mobile dépasse le fixe : Conséquences en matière de politique et de régulation,
2003.
755. CEEAC, Vision stratégique de la CEEAC à l’horizon 2025, secrétariat général, adopté par la
13e conférence des Chefs d’États et de gouvernement, Brazza, 30 octobre 2007.

2) Textes inédits

756. Accord de don H81-ZR conclu entre la RDC et la Banque mondiale, au titre de la 5 e phase
du programme régional de réseaux de télécommunication haut débit en Afrique centrale
(CAB5) [Inédit].
757. AFRICELL S.A. (DG), AIRTEL S.A (DG A.I. & LEGAL & REGULATORY), ORANGE SA (DG &
S.G), TIGO (D.G & REGULATORY), VODACOM CONGO S.A (D.G & LEGAL) et YOZMA S.A
(D.G & P.R), Compte-rendu de la réunion tenue par les opérateurs télécoms sur la
régulation des prix le 19 décembre 2014 au siège de Tigo [inédit].
758. Archives de la Vice-primature, Ministère des PTNTIC (RDC), décembre 2014 à février
2016.
759. Archives de la Vice-primature, Ministère des PTNTIC (RDC), Compte-rendu d’entretien,
février 2015.
760. Arrêté interministériel n°004/CAB/MIN/PTT/2005 et n°015/CAB/MIN/FINANCES/2005 du 28 juillet
2005 portant taux de la taxe de régulation à percevoir à l’initiative du Ministère des PTT et
de l’ARPTC [inédit].
761. Arrêté interministériel n°25/CAB/MINÉTAT/INTERDESEC/010/2008 et n°003/CAB/MIN/PTT/2008 du
8 mars 2008 fixant les conditions de souscription à l’abonnement téléphonique [inédit].
762. Arrêté ministériel n°026/CAB/VPM/MIN/PNTC/LKNG/OPS/2012 du 30 mars 2012
portant mesures d’application du décret 012/15 du 20 février 2012 fixant les modalités de
calcul et les taux des revenus des prestations de l’ARPTC [inédit].
763. Arrêté ministériel n°CAB/MIN/PT&NTIC/0011/09/2012 du 10 septembre 2012 portant
attribution de la licence d’établissement et d’exploitation de réseau public de
télécommunications de troisième génération « 3G » en R[DC] [inédit].
544

764. Arrêté interministériel n°CAB/MIN/PT&TIC/059/2014 et


n°CAB/MIN/FINANCES/2014/109 du 5 juillet 2014 portant fixation des taux des droits,
taxes et redevances à percevoir à l’initiative du ministère des Postes, télécommunications et
nouvelles technologiques de l’information et de la communication [inédit].
765. BAUDRIER A., Administration et droit de la régulation, Cours ENST-Paris, Ouagadougou,
13 juin 2005 [inédit].
766. CISSÉ A., Objet du Droit du cyberespace, Cours de Master 2 Pro, Université Gaston Berger,
Saint-Louis/Sénégal, 2005-2006 [inédit], cité par K. NDUKUMA, Cyberdroit, télécoms,
Internet, contrats de e-commerce, Presses Universitaires du Congo (PUC), Kinshasa, 2009.
767. Déclaration d’indépendance du cyberespace de John Perry BARLOW Davos, 1996, publié en
Français par le webzine Cybersphere, aujourd’hui disparu.
768. Décret-loi n°101 du 3 juillet 2000 portant fixation de la nomenclature des actes générateurs
des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations et de leurs
modalités de perception [inédit].
769. Groupe de haut niveau sur la société de l’information, L’Europe et la société de
l’Information planétaire, 26 mai 1994.
770. Lettre n°CAB/VPM/MIN.PTNTIC/TLL/NAK/ktc/0114/2015 du 7 janvier 2015 du VPM,
Ministre des PTNTIC en réponse à la lettre n° CAB/PM/CJFAD/SML/2014/00016801 du
26 décembre 2014 du Premier Ministre de la RDC.
771. Lettre n° 1029/04/2015 du 20 avril 2015 du directeur de cabinet du Chef de l’État.
772. Lettre n°753/BM/RDC/RR/EPM/JN/2015 du 20 octobre 2015 du Représentant résident de
la Banque mondiale en RDC (Emmanuel Pinto Moreira), en réaction la lettre n° Vodacom-
Cgo/LR&I/CL/AB/DB/0189/09/15 du 25 sept. 2015 relative au « projet de loi sur les
télécommunications en RDC ».
773. Lettre n°CAB/PM/CNTIC/PCK/2015/8005 du 17 décembre 2015 du Premier Ministre de la
RDC, Matata Ponyo Mapon, ayant pour Objet: Relance de programmation en commission
des lois des textes sur les télécoms et TIC.
774. Lettre collective n°DPE/LYK/BL/F.0516/2014 du 12 mai 2016 de la Fédération des
entreprises du Congo (FEC) adressée au VPM, Ministre des PTT, concernant :
« Transmissions […] commentaires des opérateurs [privés] de Téléphonie et des ISP réunis
au sein de la FEC ».
775. Lettre n°CAB/PTNTIC/TLL/KNZ/hle/0889/2016 du 31 mai 2016 du Vice-Premier
Ministre, Ministre des PTNTIC, Thomas Luhaka, adressée au Président de l’ARPTC,
concernant la « Hausse des prix de services des télécommunications ».
776. Projet de loi sur le commerce électronique en RDC, Gouvernement/Assemblée nationale,
Assemblée nationale [inédit].
777. Projet de loi sur les télécoms et les TIC, Assemblée nationale [inédit].
778. Projet de loi modifiant et complétant la loi n°014/2002 du 16 octobre 2002 portant
organisation et fonctionnement de l’ARPTC en signe, Assemblée nationale [inédit].
779. TIDJANE DEME, Demande de licence d’opérateur d’infrastructure en RDC, Google Sénégal,
Dakar, 19 mars 2015.
780. Vodacom, Tigo, Orange et Airtel, Requête en inconstitutionnalité de l’Arrêté
interministériel (…) fixant les conditions de souscription à l’abonnement téléphonique en
République Démocratique du Congo, sous R.Const. n°177, 16 novembre 2015. [Source :
Greffe de la Cour Constitutionnelle, le Greffier principal, Lucie Baluti Mondo, Directeur]

X. RESSOURCES EN LIGNE

781. ABDOUL KARIM SALL, BENARD Y., JAFFAR H., MOUNGALLA T. et ASU E., «Décollage digital
du continent : le défi des infrastructures » (panel 1), Forum Forbes Afrique, 21 juil. 2015 :
[http://formuforbesafrique.com/blog/sessions/décollage-digital-du-continent-le-defi-des-
infrastructures/] (consulté le 13 juillet 2016).
545

782. ABDOULAYE BIO TCHANE, « révolution mobile et numérique en Afrique : le saut qualitatif
pour fournir les biens et services », Forum Forbes Afrique, 21 juil. 2015 :
[http://formuforbesafrique.com/blog/sessions/presentations-de-letude programme/] (consulté le 12
juillet 2016).
783. Acte constitutif de l’UA, signé à Lomé (Togo) le 11 juillet 2000
[www.achpr.org/fr/instruments/au-constitutive-act] consulté le 12 juillet 2016).
784. AGCS, Accord général sur le commerce et les services (OMC), institué par l’acte final de
Marrakech du 15 avril 1994. [www.wto.org] (consulté le 14 juin 2015).
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liberalisation-des167/] (consulté le 7 avril 2017).
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spinoffs in history ? », [http://www.investopedia.com/ask/answers/09/att-breakup-
spinoff.as] (consulté le 05 avril 2017).
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mars 2016, in [www.degez-kerjean.fr] (consulté le 17 mars 2017).
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2015 [https://www.alain-bensoussan.com/communs-informationnels-numérique/2015/12/23/]
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796. BERNER X., « La loi Numérique : le décret sur la loyauté des plateformes prend forme », 26
janvier 2017, in [www.nextimpact.com] (consulté le 1er juin 2017).
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issues, 5 et 6 décembre 2016, IMODEV/ Univ. Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 2016
(Texte lu le 5/12/2016). Cf. [http://academicdays.imodev.org].
798. BROUSSARD M.-A., « Les Casinos virtuels, une zone de non droit ? » [http://www.droit-
tic.com/pdf/casinos_virtuels.pdf] (consulté le 13 novembre 2013).
799. BRUNSHWIG H., Le partage de l’Afrique noire, Paris, Flammarion, 2009 (1971), cité par DE
GEMAUX C., « La Conférence de Berlin, 1885 », Herodote.net, Toute l’histoire en un clic.
[www.herodote.net/Text/berlin-1885.pdf] (consulté le 12 juillet 2016).
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administratives indépendantes », intervention au Comité d’évaluation et de contrôle des
politiques publiques (CEC) sur les AAI, jeudi 11 février 2010, [http://www.conseil-
État.fr/Actualites/Discours-Interventions/Les-autorites-administratives-independantes]
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801. CARIOU C. et GAULON-BRIAN M., « Du Minitel à l'internet », La revue des Industries
créatives et des médias, publié le 29 mars 2012
[http://www.inaglobal.fr/telecoms/article/du-minitel-linternet] (consulté le 3 décembre
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802. Cass. Civ. 1re, 30 janvier 1996, n°93-18684, Bulletin 1996, n°55, p. 35
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sécurité informatique, juillet 2006,
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[http://foad.refer.org/IMG/pdf/cours_objet_droit_du_cyberespace.pdf] (consulté le 22 nov. 2012).
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concurrence », Ordre des avocats au conseil d’État et à la cour de Cassation Paris, 7
novembre 2008, [http://www.ordre-avocats-cassation.fr/upload/revues/georges-
decocq_28.pdf] (consulté le 11 mai 2012).
806. CNC, « Les nouvelles formes de consommation des images: TNT, TVIP, VOD, sites de
partage, piraterie… », Analyse qualitative, novembre 2007, [www.cnc.fr,doc.pdf] (consulté
le 23 décembre 2013).
807. COCHET-CORDEY F., Vulnérabilité et droit. Le développement de la vulnérabilité et ses
enjeux en droit, Grenoble, Presses Univ. de Grenoble, 2000, 13,
[www.pug.fr/telech_ouvrage:vulnerabilité.pdf] (consulté le 28 décembre 2013).
808. COHEN D., GORDON D., ZHANG S., GALZI O. et BHATTACHARYA K., « Le numérique, vecteur
de croissance inclusive pour l’Afrique», 21 juil. 2015, panel 2, in Forum Forbes Afrique
2015, préc., [http://formuforbesafrique.com/blog/sessions/le-numérique-vecteur-de-croissance-inclusive-pour-
lAfrique/] (consulté le 3 juillet 2016).
809. COLOMA T. « Quand le fleuve Congo illuminera l’Afrique, Le ’’Contrat du siècle’’, Le
Monde diplomatique, février 2011, [https://www.monde-
diplomatique.fr/2011/02/COLOMA/20108].
810. Conseil constitutionnel, décision relative à la loi transférant à la juridiction judiciaire le
contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, 23 janvier 1987.
[http://maf.fr/fr/article/decision-du-23-janvier61987-Conseil-de-la-concurre/] (consulté le
16 mars 2017).
811. Conseil d’État français, 10 juillet 1981, n°05310, recueil Lebon. En cause : Conseil d’État,
commissaire aux comptes de société vs décision du médiateur, statuant au contentieux sur
requête pour excès de pouvoir, à propos de la nature juridique du médiateur.
[http://www.legifrance.gou.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CÉTATEXT000007664894]
(consulté le 16 mars 2017)
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contrôle, 1er Rapport 2007, La Documentation Française, Paris, mars 2017,
[http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/074000186.pdf]
(consulté le 8 octobre 2016).
813. Constitution de la Transition en RDC du 4 avril 2003 [http://mjp.univ-
perp.fr/constit/cd2003.htm] (consulté le 23 novembre 2016).
814. Cour d’appel de Pau, 23 mars 2012, n° 11/03921
[http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article3382] (consulté le
21 mai 2013).
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télécommunications : l’ARPTC se conforme à l’avis de la CSJ », février 2015,
[www.forumdesas.org/spip.php?article3387] (consulté le 9 juillet 2016).
817. DECOCQ G., « L’influence des droits nationaux sur le droit communautaire de la
concurrence », Ordre des avocats au conseil d’État et à la cour de Cassation Paris, 7
novembre 2008, [http://www.ordre-avocats-cassation.fr/upload/revues/georges-
decocq_28.pdf] (consulté le 11 mai 2012).
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juridiques », conférence présentée le 26 janvier 2006, Université Bordeaux IV, sur
l’invitation de Ponthoreau M.-C., en référence à DELMAS-MARTY M., Les forces
imaginantes du droit (II), Le pluralisme ordonné, Seuil, 2006,
[http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/article_Dalloz.pdf] (consulté le 22 novembre 2012).
819. DEVILLE Y., « W@ Électricité : consommation, MDE, dérégulation,... », Glossaire. :
[http://alpestat.com/lexique/html/_subventions_croisees.html] (consulté le 16 déc. 2013).
820. Dictionnaire Larousse, [http://www.larousse.fr] (consulté le 25 novembre 2013).
821. Dictionnaire Larousse, [www.larousse.fr] (consulté le 26 novembre 2013).
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[http://7sur7.cd/new/primature-augustin-matata-ponyo-sort-par-la-grande-porte-discours-bilan] (consulté le 24
novembre 2016).
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l’information », Paris X Nanterre, CRIS/SERIES, octobre 2012,
[http://archives.limsi.fr/WkG/PCD2000/textes/perriault.htlm].
824. DO-NASCIMENTO J., « Le développement du téléphone portable en Afrique », p.1 [www.iut-
orsay.u-psud.fr] (consulté le 21 novembre 2016).
825. Dossier :[https://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPubliee.do?idDocument=JORFDOLE0000315898
29&type=general&legislature=14] (consulté le 26 décembre 2016).
826. Dossier: « Articles de presse de la catégorie "SMS" »: « RDC: l’envoi et la réception des
SMS rétablis après 17 jours d’interruption », 07 février 2015 ; « RDC : les entreprises des
télécommunications annoncent la reprise des SMS dimanche 8 février [2015]», 06 février
2015 ; « SMS et Internet coupés en RDC », 20.01.2015 » ; « Le phare : « Internet et textos :
la censure continue », 03 février 2015 [www.radiookapi.net/mot-cle/sms] (consultés le 10
juillet 2016).
827. ESSOLOMWA L., « Téléphonie mobile : la RDC entre consolider les groupes et ouvrir le
marché », 24 juin 2016, Adiac-Congo/MCN, MediaCongoNet, [www.mediacongo.net/article-
actualité-18636.html] (consulté le 8 juillet 2016).
828. Eurobaromètre sur la protection des consommateurs dans le marché intérieur, enquête
menée de février à mars 2006 et publiée en septembre 2006
[http://ec.europa.eu/consumers/topics/eurobarometer_09-2006_en.pdf] (consulté le 1er
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lois de 1990 », Les cahiers de l’AHTI, n°9, janvier 2008, p.19
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555

TABLE DES MATIÈRES Pages


Dédicace_____________________________________________________________________________ 3
Remerciements________________________________________________________________________ 5
Épigraphe ____________________________________________________________________________ 7
Abréviations usuelles___________________________________________________________________ 9
Introduction___________________________________________________________________________ 15
Section I : Les aspects sociétaux des transformations du droit face à l’économie
Numérique___________________________________________________________________ 16
§1. Les enjeux juridiques de l’économie numérique mondiale_____________________________ 16
§2. Les nécessités et les schèmes des transformations du droit international
et des droits comparés de l’économie numérique _____________________________________ 22
Section II : L’avènement d’un droit congolais de l’économie numérique en référence
aux droits européens et français________________________________________________ 30
§1. Le cadre juridique européen et français de l’économie numérique_______________________ 30
§2. La refondation du droit congolais de l’économie numérique sur le socle
de la déréglementation mondiale des télécoms________________________________________ 37

PREMIÈRE PARTIE :
LES RÉFÉRENCES DU CADRE JURIDIQUE EUROPÉEN ET FRANÇAIS FACE
AUX ENJEUX ÉCONOMIQUES DE LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE EN AFRIQUE
ET EN RDC_____________________________________________________________________ 47

TITRE I :
LES TRANSITIONS DES DROITS EUROPÉEN ET FRANÇAIS
DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE ET DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE _________________________ 51

CHAPITRE I : LES CRITÈRES ESSENTIELS DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE


DANS LE « MILLEFEUILLE LÉGISLATIF » EUROPÉEN FACE AU DROIT FRANÇAIS____ 57
Section I : Les critères généraux qualificatifs du commerce électronique dans
l’acquis européen___________________________________________________________ 59
§1. Le renvoi aux « services de la société de l’information » dans la directive
européenne 2000/31/CE sur le commerce électronique____________________________ 59
A/ LE CHAMP ESSENTIEL DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE EUROPÉEN SOUS LE PRISME DES
SERVICES DE LA SOCIÉTE DE L’INFORMATION ___________________________________________ 60
B/ LA TERMINOLOGIE « SERVICE » DE LA SOCIÉTÉ DE L’INFORMATION À L’ÉPREUVE DU
VOCABULAIRE JURIDIQUE___________________________________________________________ 63
1. La problématique des biens du commerce électronique dans le champ
des services de la société de l’information_____________________________________________ 63
2. Les activités typiques du commerce électronique et les activités dérivées______________________ 67
§2. La détermination des critères technologiques fondamentaux du commerce
électronique européen_____________________________________________________ 68
A/ LES MÉCANISMES-MAÎTRES DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE_____________________________________ 68
1. Le critère technologique de définition dit « à distance » et ses distorsions
dans l’acquis européen du commerce électronique_______________________________________ 69
2. Le critère technologique de définition dit « par voie électronique » dans
l’acquis européen du commerce électronique ___________________________________________ 73
B/ LES SPÉCIFICATIONS DES CRITÈRES TECHNOLOGIQUES POUR UNE SYNTHÈSE DE L’OBJET DU COMMERCE
ÉLECTRONIQUE EUROPÉEN 76
1. La nature juridique des équipements de communications à distance et
électroniques admis dans le commerce électronique européen______________________________ 76
2. La spécificité juridique des « moyens de communications individuelles »
dans le commerce électronique européen______________________________________________ 80
3. La spécificité juridique des moyens de communication grand public
dans la définition du commerce électronique européen____________________________________ 83
4. Le cas particulier de la vidéo à la demande (VoD) dans le commerce électronique européen_______ 85
5. L’objet recomposé du « commerce électronique » dans le sens restitué du droit de l’UE________ 87
556

Section II : Les impacts nouveaux du droit français sur l’objet et la temporalisation


du commerce électronique européen ____________________________________________ 89
§1. Les sources de définition française du commerce électronique dans l’évolution
des transpositions de l’acquis européen___________________________________________ 90
A/ LES FONDEMENTS DE LA TRANSPOSITION FRANÇAISE DES DIRECTIVES EUROPÉENNES
APPLICABLES AU COMMERCE ÉLECTRONIQUE_________________________________________________ 91
1. La temporalité des sources françaises du commerce électronique ______________________________ 91
2. L’insertion de la LCEN dans plusieurs branches du droit commun français______________________ 93
3. Le champ ratione loci de la loi de transposition française dans les enjeux
de territorialité à l’ère numérique______________________________________________________ 94
4. Les ajustements localisateurs de la dématérialisation du commerce électronique__________________ 96
B/ LES LIGNES DE RAPPROCHEMENT DE L’OBJET DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE FRANÇAIS ET EUROPÉEN______ 98
1. La clarification française de l’ambiguïté européenne des « services de
la société de l’information »_________________________________________________________ 98
2. L’efficacité des critères légaux du commerce électronique français_____________________________ 100
§2. Les esquisses d’originalité de l’objet du commerce en ligne électronique français face aux
typologies du droit classique______________________________________________________ 102
A./ LES ESQUISSES D’ORIGINALITÉ DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES EN LIGNE FACE À LA TYPOLOGIE
DES ACTES DE COMMERCE TRADITION_______________________________________________________ 102
1. Les activités du commerce électronique au regard du Code de commerce________________________ 103
2. La typologie contractuelle et non-contractuelle du commerce électronique ______________________ 105
3. Le contrat électronique dans les évolutions de la transposition française de l’acquis européen ___ 106
B/ LES TYPOLOGIES SPECIALES DES ACTIVITÉS NUMÉRIQUES D’« INTERMÉDIATION TECHNIQUE » ET
DE « COMMUNICATIONS COMMERCIALES » DANS LA TRANSPOSITION FRANÇAISE DE L’ACQUIS EUROPÉEN__ 110
1. La typologie particulière des prestataires techniques du commerce électronique entre fourniture
de moyens techniques et fourniture de contenus dans ses enjeux, statuts et régimes en droits européen et
français_______________________________________________________________________ 111
2. La typologie européenne de « communication commerciale » dans les enjeux français
de la « publicité par voie électronique » ou « e-publicité »___________________________________ 116

CHAPITRE 2 : LES TRANSITIONS DU DROIT DES TÉLÉCOMS ET DES COMMMUNICATIONS


ÉLECTRONIQUES EN EUROPE ET EN FRANCE ________________________________________________ 127
Section I : La construction juridique de l’Europe des Télécoms » dans les enjeux
des communications électroniques______________________________________________________ 129
§1. Les enjeux de construction du marché européen des télécoms et des
communications électronique____________________________________________________ 130
A./ LA FINALITÉ DES TRANSFORMATIONS JURIDIQUES DU SECTEUR DES TÉLÉCOMS___________________ 130
1. Les monopoles publics face à la libéralisation des télécoms en Europe__________________________ 131
2. Les enjeux politiques de base dans la dérégulation des télécoms ______________________________ 135
B./ LES MESURES POLITIQUES ET JURIDIQUES DE DÉMONOPOLISATION DE L’EUROPE DES TÉLÉCOMS _____ 137
1. Les préalables politiques de la libéralisation du marché européen______________________________ 137
2. La portée politique des directives fondatrices de la libéralisation du marché des télécoms____________ 139
§2. Les transitions du cadre réglementaire européen des télécoms dans les enjeux
de convergence numérique______________________________________________________ 142
A. / LES ACQUIS COMMUNAUTAIRES DE LA DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS___________________________ 142
1. Les mesures de la libéralisation du marché des télécoms de base ______________________________ 143
2. Les mesures d’harmonisation en appui de la libéralisation du marché des télécoms________________ 144
B./ LES TRANSITIONS DU DROIT SECTORIEL DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES____________________ 148
1. Les règles du « paquet télécom 2002 » dans le marché numérique_____________________________ 150
2. Les règles du « paquet télécom 2009 » dans la transition numérique___________________________ 153
3. Les amendements des règles du « paquet télécom 2009 » ___________________________________ 154
Section II : Les transformations du droit français dans les enjeux de l’« Europe des télécoms »
et du marché numérique_______________________________________________________ 157
§1. Les transformations du secteur français des télécoms de 1982 à 2003
au regard de l’acquis communautaire européen ____________________________________ 159
A./ LES LOIS FRANÇAISES DE DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS DANS LA CONSTRUCTION DU MARCHÉ EUROPÉEN_ 160
1. Les lois pionnières de restructuration du monopole des télécoms ______________________________ 160
2. Les lois françaises de libéralisation des télécoms dans l’harmonisation européenne ________________ 163
3. La logique semi-libérale de lois réformatrices des télécoms de 1990 __________________________ 164
4. La logique libérale des lois sectorielles des télécoms de 1996________________________________ 166
557

B./ LA LOI DE PRIVATISATION DE « FRANCE TÉLÉCOM » ANCIEN OPÉRATEUR DE MONOPOLE (2003)________ 169
§ 2. Les transpositions des règles européennes du « paquet télécom »
dans la transition numérique du marché français__________________________________ 172
A/ LA TRANSPOSITION FRANÇAISE DES ACQUIS DU « PAQUET TÉLÉCOMS 2002 »
ET DE LA DIRECTIVE 2000/31/CE________________________________________________________ 173
1. Le passage de la notion « télécoms » aux « communications électroniques »__________________ 173
2. Le renouveau des objectifs des lois des télécoms de 2004 à l’ère numérique _________________ 175
B/ LA TRANSPOSITION FRANÇAISE DU « PAQUET TÉLÉCOMS 2009 » DANS LES PERSPECTIVES
DE LA TRANSITION NUMÉRIQUE POST-DÉRÉGLEMENTATION______________________________________ 178
1. Les finalités de la transposition française du « paquet télécom 2009 » _______________________ 179
2. Les communications électroniques dans les enjeux de « transition numérique »
pour une « République numérique » ___________________________________________________ 182

TITRE II :
LA TRANSITION DU DROIT INTERNATIONAL DE L’ACCÈS AUX TÉLÉCOMS À LA BASE
DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE AU DÉPART DE L’EUROPE POUR L’AFRIQUE ET LA RDC______ 187

CHAPITRE 1 : LES DROITS EUROPÉENS, FRANÇAIS, AFRICAINS ET CONGOLAIS


DANS LA DÉRÉGULATION DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE À TRAVERS L’OMC________ 193

Section I : L’inclusion de l’Afrique dans le renouveau du droit international des services


des télécoms_________________________________________________________________ 196
§1. Le rapprochement des règles africaines et européennes des télécoms à travers l’OMC______ 197
A./ LES ACCORDS DE L’OMC POUR L’INCLUSION DES ÉTATS AFRICAINS DANS LA DÉRÉGULATION
DES TÉLÉCOMS ______________________________________________________________________ 197
B./ LA COMPARAISON DES MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE DE LA DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS
EN EUROPE ET EN AFRIQUE____________________________________________________________ 202
§2. Les disparités du système juridique africain en contraste de son économie numérique______ 206
A./ L’HÉTÉROGÉNÉITE DU SYSTEME JURIDIQUE DE L’AFRIQUE FACE AUX ENJEUX MONDIAUX DES TÉLÉCOMS__ 206
B./ LES ASPECTS CLÉS L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE DANS LES MARCHÉS AFRICAINS ET CONGOLAIS___________ 212
1. Le profilage statistique de l’économie numérique africaine____________________________________ 212
2. La situation du marché de la téléphonie et de l’économie numérique en RDC_____________________ 214

Section II : La comparaison des droits en l’Afrique et l’Europe dans le cadre des


télécoms de base et de l’Internet_________________________________________________ 216
§1. La dérégulation du « socle analogique » des télécoms dans les expériences
africaines (RDC) et européennes__________________________________________________ 217
A./ L’UNIFORMITÉ DES ENJEUX DE DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS EN EUROPE ET EN AFRIQUE_____________ 218
B./ LES ÉCARTS D’EXPÉRIMENTATION DE LA DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS ENTRE L’EUROPE ET L’AFRIQUE__ 223
1. L’absence de préalable cognitif africain de la dérégulation______________________________ 223
2. La prééminence de l’autorégulation sur les lois étatiques conséquentes____________________ 224
3. La puissance du marché électronique mondial face aux États-régulateurs en Afrique__________ 226
§2. Les enjeux juridiques du cyberespace africain (congolais) face à l’économie
numérique européenne et française_______________________________________________ 228
A./ LES ASPECTS JURIDIQUES DE L’ARCHITECTURE PLANÉTAIRE D’INTERNET__________________________ 229
B./ LA « PROBLÉMATIQUE DE L’ÉTAT » DANS LA GLOBALISATION DE L’ÉCONOMIE
NUMÉRIQUE EN AFRIQUE ET EN EUROPE __________________________________________________ 232
1. La problématique générale d’un droit pour l’Internet___________________________________ 232
2. L’étude des problématiques juridiques spécifiques de l’Internet___________________________ 234

CHAPITRE 2 : LE PROCESSUS DE DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS EN RDC


DANS SES LOIS DE 2002 FACE AUX MARCHÉS EUROPÉENS ET FRANÇAIS ___ 239

Section I : La transformation des services publics des télécoms dans les lois de 2002 en RDC
pour l’ouverture de la RDC au marché mondial______________________________________ 240
§1. Le secteur des télécoms en RDC avant 2002 entre démonopolisation « de facto »
et libéralisation partielle « de jure » _________________________________________ 240
A./ LA TRASITION COMPARÉE DES MONOPOLES CONGOLAIS ET FRANÇAIS DES TÉLÉCOMS
VERS L’ÉCONOMIE DE MARCHÉ INTERNATIONAL_______________________________________________ 241
B./ L’ADOPTION DES PRINCIPES D’ÉCONOMIE DE MARCHÉ EN DROIT PUBLIC CONGOLAIS __________________ 246
558

§2. Les transformations générales des institutions juridiques


du secteur des télécoms de base en RDC__________________________________________ 248
A./ L’APPARITION DU DROIT DE LA RÉGULATION SECTORIELLE DES TÉLÉCOMS EN RDC ___________________ 249
B./ LA THÉORISATION DES RESTRUCTURATIONS DE L’EXPLOITANT PUBLIC DANS LES EXPÉRIENCES
COMPARÉES EN EUROPE (FRANCE) ET EN AFRIQUE (RDC) ______________________________________________ 252

Section II : L’application du modèle de l’OMC dans la restructuration des télécoms en RDC __________ 256
§1. La dissociation dans les lois des télécoms de 2002 des fonctions de réglementation « ex post »
et de régulation « ex ante » ____________________________________________________________ 257
A. / LES AXES DE LA DÉRÉGLEMENTATION DU SECTEUR DES TÉLÉCOMS EN RDC ____________________ 258
B./ LES DOMAINES DE RÉGULATION DES TÉLÉCOMS ET DE L’INTERNET DANS LES ÉVOLUTIONS
DES DROITS COMPARÉS ______________________________________________________________________ 261
§2. Les contraintes générales de la régulation du marché libéralisé des télécoms
face à la diversité des prestataires en RDC _______________________________________________ 266
A./ LA NÉCÉSSITÉ DE LA RÉGULATION DU MARCHÉ LIBÉRALISÉ DES TÉLÉCOMS EN RDC______________________ 266
B./ L’AUTORITÉ DE LA RÉGULATION ÉTATIQUE FACE AU MARCHÉ OUVERT DES TÉLÉCOMS _________ 271
1. Les aspects économiques de la régulation des télécoms_________________________________________ 271
2. Les aspects juridiques d’organisation de la régulation ex ante___________________________________ 273

DEUXIÈME PARTIE :
L’ENCADREMENT JURIDIQUE DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE
DE LA RDC EN RÉFÉRENCE À L’EUROPE ET À LA FRANCE_______________________________ 279

TITRE I
LA REFONDATION DU DROIT CONGOLAIS DANS LA RÉGULATION MONDIALE
DES TÉLÉCOMS DE BASE ________________________________________________________________ 285

CHAPITRE 1 : LES ENJEUX PARTICULIERS DU DROIT DE LA RÉGULATION


DANS LE MARCHÉ CONGOLAIS DES TÉLÉCOMS __________________________ 287
Section I : Les contraintes de la dérégulation du marché en RDC face à l’exploitant public des télécoms 288
§1. Le contraste entre les droits exclusifs résiduels de l’exploitant public
et son inactivité sur le marché congolais des télécoms____________________________ 288
A./ LA DIMENSION DU CONTRASTE ENTRE LA LIBÉRALISATION ET LES DROITS EXCLUSIFS __________________ 289
1. La tutelle administrative comme aspect rétrograde de la dérégulation en RDC __________________ 289
2. Le contraste entre le fait et le droit dans le statut de l’exploitant public __________________ _____ 290
B./ L’AVIS DU RÉGULATEUR SUR LE CONTRASTE DES DROITS DE L’EXPLOITANT PUBLIC ET DU MARCHÉ _______ 294
§2. Les aspects controversés de l’assise d’autonomie du régulateur (ARPTC)
face à l’exploitant public des télécoms______________________________________________ 297
A./ L’AUTONOMIE DU NOUVEAU RÉGULATEUR (ARPTC) AUX PRISES AUX DROITS EXCLUSIFS
DE L’EXPLOITANT PUBLIC ________________________________________________________________ 298
B./ LE PRAGMATISME DE LA LA TAXE DE RÉGULATION ENTRE CONTROVERSES STATUTAIRES
ET MALADRESSES RÉGLEMENTAIRES ________________________________________________________ 302
Section II : Les « erreurs exemplaires » de réglementation sous la loi-cadre n°013/2002
sur les télécoms en RDC ______________________________________________________ 308
§1. Les sources légales des conflits des compétencesentre l’ARPTC et le Ministère des PTT 308
A. / LES CONFLITS DE COMPÉTENCES ENTRE L’ARPTC ET LE MINISTRE DES PTT__________________________ 308
B./ LES ERREURS SPÉCIFIQUES D’ATTRIBUTION DES COMPÉTENCES ENTRE L’ARPTC ET LE MINISTRE DES PTT___ 310
1. L’empiètement des pouvoirs du ministère des PTT sur la procédure de règlement
et des sanctions des différends du marché_________________________________________________ 310
2. Le conflit des compétences dans l’homologation des équipements______________________________ 311
3. Le conflit des compétences dans la gestion du plan national de numérotation____________________ 312
4. Le conflit des compétences dans la gestion des fréquences radioélectriques______________________ 314
§2. Les contradictions des logiques du cadre réglementaire de 2002
sur les aspects fonctionnels du marché__________________________________________ 315
A./ L’INADÉQUATION DU NIVEAU DES RÉFORMES LÉGISLATIVES AU REGARD DES MUTATIONS DU MARCHÉ
ÉLECTRONIQUE ___________________________________________________________________________ 315
B./ L’INADÉQUATION DES RÉGIMES DU DROIT CONGOLAIS DES TÉLÉCOMS AU VU DU DROIT COMPARÉ_________ 317
1. Le régime suranné et désuet du réseau de l’exploitant public_________________________________ 318
2. Le régime légal indifférencié des « réseaux concessionnaires »________________________________ 319
3. L’imprécision du régime légal des « réseaux indépendants »__________________________________ 321
559

CHAPITRE 2 : LES DÉFIS LÉGISLATIFS DE LA DÉRÉGULATION DES TÉLÉCOMS POUR


L’ACCÈS DE LA RDC À L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE_________________________ 327
Section I : Les défis de parachèvement et de correctif de la dérégulation des télécoms
de 2002 en RDC à l’ère numérique_______________________________________________ 328
§1. Le défi de séparation des fonctions d’exploitation, de régulation
et de réglementation du « marché dual » des télécoms en RDC__________________________ 329
A/ L’AFFIRMATION ÉQUIVOQUE DE LA LIBRE CONCURRENCE DES TÉLÉCOMS EN RDC____________________ 330
B/ LE DÉFI DES DROITS EXCLUSIFS DANS LA RELANCE D’ACTIVITÉS DE L’EXPLOITANT____________________ 336
§2. La reconfiguration de la puissance publique
face aux forces économiques du marché congolais des télécoms__________________________ 342
A/ LA RÉGULATION ÉTATIQUE FACE AUX DÉFIS DE CORÉGULATION ET D’AUTORÉGULATION______________ 342
1. La corégulation avec les opérateurs privés du marché congolais des télécoms____________________ 343
2. La dominance de l’autorégulation dans la conduite du marché de détail________________________ 344
B/ LA RÉGULATION ÉTATIQUE FACE AU DÉFI LÉGISLATIF DE L’INTERCONNEXION ET DE L’INTERNET EN RDC__________ 347
1. La dominance de l’autorégulation du marché de l’interconnexion____________________________ 347
2. La dominance de l’autorégulation dans les services de l’Internet_____________________________ 351
Section II : Le défi de régulation conjointe du domaine des télécoms entre ARPTC
et ministre des PTT__________________________________________________________ 353
§1. L’enjeu de dissociation effective des compétences entre le ministre des PTTC et l’ARPTC___ 354
A/ LES DÉFI DE L’« INTRA-RÉGULATION » DANS LA GESTION DES RESSOURCES ESSENTIELLES DES TÉLÉCOMS_____ 354
B/ LE LÉGISLATIF D’ORGANISATION DES RAPPORTS DE DROIT PUBLIC DANS LE SECTEUR DES TIC EN RDC_________ 358
§2. La régulation technique des télécoms dans les enjeux de dualité des compétences
entre les autorités sectorielles___________________________________________________ 361
A/ LES ENJEUX DE DISSOCIATION DES ATTRIBUTIONS ENTRE LE MINISTRE DES PTT ET L’ARPTC
DANS LE SECTEUR DÉRÉGULÉ DES TÉLÉCOMS________________________________________________ 362
1. Les enjeux de la régulation technique des « ressources radio » entre les autorités
de réglementation et de régulation____________________________________________________ 363
2. Le défi de coordination transfrontalière des fréquences radioélectriques
au regard de l’« intra-régulation » en RDC_____________________________________________ 366
B/ LE RÉCONFIGURATION TECHNIQUE DES RESSOURCES EN NUMÉROTATION
ENTRE LES AUTORITES CONGOLAISES DE REGLEMENTATION ET DE REGULATION__________________________ 368

TITRE II :
LA REFONDATION DU DROIT CONGOLAIS À L’ÈRE DEL’ÉCONOMIENUMÉRIQUE_____________ 373

CHAPITRE 1 : LE RENOUVEAU DU DROIT CONGOLAIS FACE AUX DÉFIS


DEL’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE ____________________________________________ 377

Section 1 : Les nouveaux défis juridiques de l’accès du marché congolais : des télécoms
à l’économie numérique______________________________________________________ 379
§1. L’émergence de l’économie numérique congolaise comme objet de réglementation
et facteur de législation________________________________________________________ 380
A./ LA TRANSFORMATION DU DROIT DE L’ACCÈS AUX TÉLÉCOMS À TRAVERS LES ÉTAPES
DE LA CONVERGENCE NUMÉRIQUE ET DE L’INTERNET EN RDC__________________________________ 381
1. La place du « phénomène Internet » dans la loi en RDC, en France et en Europe_______________ 381
2. L’émergence de l’économie numérique congolaise dans la pratique du marché
et le pragmatisme juridique de la régulation ex ante_______________________________________ 383
B./ LA STRUCTURATION JURIDIQUE DES DÉFIS ACTUELS DE LA CONVERGENCE DU NET ET DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE EN RDC 388
1. La structuration des enjeux juridiques de la convergence numérique en RDC ___________________ 389
2. Le pragmatisme juridique face aux innovations du marché 390
§2. Les défis d’ajustement des institutions juridiques de 2002 face à l’économie
numérique en RDC ____________________________________________________________ 392
A./ L’IDENTIFICATION DES DÉFIS DE L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE EN RÉFÉRENCE AUX OUTILS NUMÉRIQUES GRAND PUBLIC______ 393
1. Les dispositifs classiques et l’atypisme des opérateurs alternatifs de l’Internet___________________ 393
2. La sécurité publique et les opérateurs alternatifs dans l’économie numérique____________________ 395
B./ LES LIMITES SECTORIELLES DE L’ARPTC EN FAVEUR DE L’INTERRÉGULATION PAR LE MINISTÈRE DES PTT_____________ 397
1. L’ébauche des domaines de l’interrégulation dans l’économie numérique______________________ 398
2. Le processus juridique d’interrégulation dans le défi d’identification__________________________ 401
560

Section II : Le défi de comblement des vides législatifs du droit l’économie numérique en RDC________ 405
§1. L’aperçu général des carences de législation de l’économie numérique__________________ 405
A./ LES DÉFAILLANCES DE LA LÉGISLATION CONGOLAISE FACE AU COMMERCE ÉLECTRONIQUE 405
1. L’absence de définition législative du commerce électronique_______________________________ 406
2. Le défaut de régime spécifique à la preuve numérique en RDC ______________________________ 407
3. Le défaut de régime spécifique sur la signature électronique en RDC__________________________ 408
B./ LES DÉFAILLANCES DE LA LÉGISLATION CONGOLAISE SUR LES DONNÉES PERSONNELLES
ET LA CYBERCRIMINALITÉ_________________________________________________________________________________ 409
1. L’absence de législation sur la vie privée et les données personnelles__________________________ 409
2. La faiblesse du dispositif pénal contre la cybercriminalité___________________________________ 411
§2. L’approche comparée des défis congolais de protection des données personnelles
et de cybersécuirté_____________________________________________________________ 413
A/ LA PROSPECTIVE DU RENOUVEAU DES LOIS SUR LES DONNÉES PERSONNELLES DANS L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE CONGOLAISE 414
1. La notion des données personnelles dans l’évolution de ses régimes de protection________________ 414
2. La synthèse de l’évolution des enjeux de protection des données personnelles___________________ 415
3. La typologie essentielle du système de protection des données personnelles_____________________ 416
B/ LA PROSPECTIVE DE LA CYBERSECURITÉ FACE À LA CYBERCRIMINALITÉ DANS L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE CONGOLAISE______ 421
1. La synthèse des enjeux de cybercriminalité et de cybersécurité dans l’économie numérique_________ 421
2. La typologique de la cybercriminalité économique sous l’angle du droit et de la sécurité ___________ 423

CHAPITRE 2 : LA PROSPECTIVE DE RENOUVEAU DES DROITS CONGOLAIS DU COMMERCE


ÉLECTRONIQUE ET DE LA RÉGULATION DES TIC À L’AUNE DU DROIT
INTERNATIONAL ET COMPARÉ_____________________________________________________ 427

Section I : La prospective d’un « droit spécial des échanges et du commerce électroniques »


en RDC face au droit comparé______________________________________________ 428
§1. Les enjeux de repositionnement du cadre juridique du commerce électronique congolais_____ 429
A./ L’OBJET DE LA NOUVELLE LECE EN RDC FACE AUX VIDES LÉGISLATIFS DU COMMERCE ÉLECTRONIQUE ET
AUX REFERENCES JURIDIQUES INTERNATIONALES ET COMPARÉES__________________________________ 430
1. L’existence du commerce électronique dans les faits non légiférés en RDC______________________ 430
2. Les définitions internationales pour le commerce en ligne congolais___________________________ 432
3. L’économie de la future LECE en RDC face au marché et au droit comparé_____________________ 435
B./ LES DÉFIS DE SOUVERAINETE NUMERIQUE FACE A L’EFFECTIVITE DES GÉANTS DU NET
ET AUX VALEURS FONDAMENTALES DES ÉTATS DANS LE COMMERCE EN LIGNE_______________________ 439
§2. Les innovations de confiance en l’économie numérique pour le futur cadre juridique congolais 444
A./ LES APPORTS DE LA FUTURE LECE FACE AUX DEFIS LEGISLATIFS DE LA SOCIETE DE L’INFORMATION__________________ 444
B./ LES FORCES ET FAIBLESSES DE LA FUTURE LECE DANS L’OBJECTIF DE CONFIANCE EN L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE_________ 448
1. La construction des objectifs de confiance dans le commerce électronique
grâce aux textes législatifs de la France et de l’Europe_____________________________________ 449
2. Les transformations du cadre juridique congolais face aux enjeux de confiance
dans le commerce électronique local et international______________________________________ 453

Section II : La restructuration de l’ARPTC en « ARPTNITIC » à l’ère du numérique et de l’Internet____ 455


§1. Le regard critique sur le statut administratif de l’ARPTC pour une transformation
de son « rattachement tutélaire » à la Présidence de la République_________________________ 455
A./ LES INNOVATIONS DE LA TRANSITION DES TEXTES JURIDIQUES SUR L’ARPTC________________________________ 455
1. La portée des modifications législatives en cours des attributs de l’ARPTC______________________ 457
2. L’ARPTC en porte-à-faux de l’évolution des lois sur le portefeuille de l’État____________________ 460
B./ L’AMBIGÜITE LÉGISLATIVE ET ADMINISTRATIVE DU RATTACHEMENT HIÉRARCHIQUE ET FONCTIONNEL DE L’ARPTC_ 462
1. La fragilité des arguments de rattachement tutélaire de l’ARPTC à la Présidence de la République___ 462
2. Les limites du droit des services publics congolais dans la réforme du statut de l’ARPTC
au regard de l’ARCEP ou du ministère de l’économie numérique en France_____________________ 464
§2. La reconfiguration de l’ARPTC en « ARPTNTIC » entre les enjeux classiques
de « service universel » et les tendances nouvelles du numérique___________________________ 468
A. / LA DISPONIBILITÉ DE L’ACCÈS UNIVERSEL ET L’INCLUSION NUMÉRIQUE 469
AU CENTRE DES OBJECTIFS DE LA RÉGULATION
1. L’accès universel comme aspect fondamental du droit de la régulation_______________________ 469
2. L’accès aux communications électroniques comme préalable
pour le commerce électronique dans la lutte contre la fracture numérique_______________________ 472
3. Les technologies mobiles dans la lutte contre la fracture numérique et le développement en Afrique 474
4. La régulation au centre des enjeux de lutte contre la fracture numérique ________________________ 475
561

B./ LES ENJEUX LÉGISLATIFS DANS LES TENDANCES ACTUELLES DE CONVERGENCE, D’INTERRÉGULATION
ET DE GOUVERNANCE DU NET POUR LA RESTRUCTURATION DE L’ARPTC__________________________ 477
1. Pour une éventuelle législation en RDC sur les enjeux de la régulation convergente
comme en Europe______________________________________________________________ 478
2. Pour une intégration en RDC des enjeux de la gouvernance dans la régulation congolaise
des télécoms à la lumière de l’expérience européenne ____________________________________ 479
3. Pour une éventuelle législation en RDC sur les enjeux de la régulation convergente
en droit comparé_______________________________________________________________ 481
4. Pour une réforme de la régulation et de la gouvernance de l’Internet en RDC au regard
des problématiques de souveraineté dans la société numérique mondiale_____________________ 485

CONCLUSION_________________________________________________________________________ 491

BIBLIOGRAPHIE__________________________________________________________________________ 509
I. Ouvrages___________________________________________________________________________ 509
II. Articles____________________________________________________________________________ 522
III. Législation internationale________________________________________________________________ 528
IV. Législation européenne__________________________________________________________________ 528
V. Législation française_____________________________________________________________________ 533
VI. Législation congolaise__________________________________________________________________ 535
VII. Jurisprudences_____________________________________________________________________ 540
VIII. Rapports publics_____________________________________________________________________ 541
IX. Autres ressources documentaires______________________________________________________ 542
X. Ressources en ligne_____________________________________________________________________ 544
TABLE DES MATIÈRES_____________________________________________________________________ 555

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