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DROIT CIVIL
Tome 1
Les obligations
CRDJ
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Du même auteur
1. Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois, Kinshasa, PUZ, 1977
2. Le Droit de l’automobile et de la sécurité routière au Zaïre (sous la direction de),
Kinshasa, PUZ, 1982.
3. Le Code pénal zaïrois (sous la direction de ), Kinshasa, SDE, 1983
4. Le Code judiciaire zaïrois (sous la direction de), Kinshasa, SDE, 1986.
5. Code civil et commercial congolais, Kinshasa, CRDJ, 1997.
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Sommaire
Préface
disposition des différents acteurs un instrument de travail qui jouera le rôle non
seulement de prévention de ce risque, mais aussi de sa réparation.
En d’autres termes, un étudiant bien formé est appelé à devenir un cadre
compétent, meneur d’hommes et de femmes et agent de développement. Cela rentre dans
les missions de l’Université.
A l’inverse, un étudiant mal formé risquera de causer beaucoup de dégâts dans sa
vie professionnelle en posant des actes dommageables aux usagers des services publics, à
l’entreprise, à l’Etat ou à la Nation.
De tels dommages ne pourront être évités que par ceux des juristes qui auront
reçu une formation solide leur permettant en tant que magistrat, par exemple,
d’appliquer correctement la loi, soit en tant que premier juge, soit en tant que juge
d’appel ou de cassation.
Je recommande aux uns et aux autres de tirer profit de ce précieux ouvrage en
faisant de celui-ci leur guide du meilleur usage de la règle du Droit civil.
MUKADI BONYI
Professeur ordinaire
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Art. : Article
BA : Bulletin des arrêts
BO: Bulletin officiel
Cass. b. : Cour de cassation belge
Cass. fr : Cour de cassation française
CRDJ: Centre de recherches et de diffusion juridiques
CRDS : Centre de recherche en droit social
CSJ : Cour suprême de justice
D. : Dalloz
DL : Décret- loi
DP : Dalloz Périodique
Édit. : édition
Elis: Cour d’appel d’Elisabethvile (Lubumbashi)
JCP : Juris classeur périodique
JO: Journal officiel
JT : Journal des Tribunaux
Jur. Col : Revue de doctrine et de jurisprudence coloniale
Kin : Cour d’appel de Kinshasa
L’shi : Cour d’appel de Lubumbashi
Léo : Cour d’appel de Léopoldville
LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence
MC : Moniteur congolais
OL : ordonance-loi
Op. cit: ouvrage cité
Ord. : Ordonnance
Pas. : Pasicrisie
PUC : Presses universitaires du Congo
PUF : Presses universitaires de France
TITRE PRELIMINAIRE
Au Congo comme dans les autres pays, le droit des obligations revêt une
importance considérable, à la fois au point de vue pratique et au point de vue théorique.
Au point de vue pratique, la théorie des obligations revêt une importance
considérable. D’une part, elle s’avère utile à la vie juridique quotidienne de tous les
citoyens et de toutes les personnes juridiques. Ces derniers, en effet, concluent chaque
jour des contrats et engagent leur responsabilité. Leurs rapports d’obligation sont régis Commentaire [B1]:
Importance des obligations
par la théorie des obligations.
D’autre part, en plus du fait qu’elle constitue la base du droit des affaires et du
droit économique (1), la théorie des obligations fournit aux autres branches du droit les
principes moteurs de solution. Le droit des personnes connaît, par exemple, l’obligation
alimentaire, les obligations entre époux ou entre parents et enfants ou les obligations du
tuteur.Le droit des biens organise notamment les obligations de voisinage ou celle de
l’usufruitier envers le propriétaire; *enfin+ l’étude du transfert des droits réels mobiliers et
immobiliers ne peut être comprise sans référence aux obligations. Le droit commercial
avec toutes ses branches (droit des sociétés, droit maritime, droit des assurances...) est,
dans une large mesure, une branche du droit des obligations.On peut dire que le droit
public (administratif ou constitutionnel) et même le droit international privé ou public
n’ignorent pas les règles des obligations. Exemples : Les contrats administratifs, la
responsabilité des Etats et de la puissance publique, les conflits de lois en matière
délictuelle ou contractuelle...
La théorie des obligations est donc d’une importance pratique notoire(2).
Au point de vue théorique, également, l’intérêt de la théorie des obligations est
certain. Son aspect technique lui a conféré un caractère scientifique accentué. En effet, les
principes de base sont échafaudés suivant une logique et une symétrie rigoureuse. C’est
pour cette raison, entre autres, que ce droit a pu facilement faire l’objet d’une codification
internationale sur plus d’un point. Exemple : Vente internationale, projet du code franco-
italien des obligations.
Par ailleurs, le droit des obligations est fortement imprégné des idées
philosophiques, morales, sociales, économiques et politiques et, à ce titre, constitue un
reflet de l’évolution générale du contrat, de la responsabilité civile, etc. (3).
B. Origine du droit congolais des obligations(4).
Le droit congolais des obligations, comme l’ensemble de tout le droit privé (voire
de tout le droit), est fortement influencé par le droit civil belge, lui-même influencé par le
droit français et le code napoléonien de 1804.
C’est à la suite de la colonisation du Congo par la Belgique que cette influence s’est
marquée. La plupart des articles de notre code civil relatifs aux obligations sont une copie
fidèle des articles correspondants du code civil belge.
En fait, on ne peut parler des origines du code civil congolais des obligations sans
se référer à l’évolution politique du pays.
C’est plus précisément à l’époque de l’Etat Indépendant du Congo et à l’Acte de
Berlin du 23 février 1885 que remontent le Code civil congolais et particulièrement le livre
des obligations qui fait l’objet de la présente étude. On sait, en effet, qu’une des conditions
imposées au Roi Léopold II par les puissances cosignataires de l’Acte pour la
reconnaissance du futur territoire congolais en Etat Indépendant et Souverain - l’Etat
Indépendant du Congo - était d’instaurer de façon très urgente et très précise, d’une part,
une organisation judiciaire bien efficace et, d’autre part, - c’est ce qui nous intéresse ici -
2 Marty (G) & Raynaud, Droit civil, T. II, 1er Vol., Paris, Sirey, 1962, n° 6
3 Marty (G)& Rayanaud (P), op. cit., n° 6 in fine ; Savatier (R), Les métamorphoses du droit civil d’aujourd’hui, 3 séries,
Sirey,Paris, depuis 1959.
4 Sohier (A), Droit civil du Congo belge, T. II, Larcier, Bruxelles, 1956, pp. 9 et s.
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5 BO 1888, p. 109 et Kalongo Mbikayi, Code civil et commercial congolais, CRDJ, Kinshasa, 1997, pp. 281-343
6 Décret du 4 mai 1895, in BO, p. 138, codes Piron, 1960, I, pp. 50 et s. Le livre des Biens a été promulgué par le décret
du 31 juillet 1912 in BO, p. 799 et codes Piron, 1960, I pp. 82 et s.
7 Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la Famille, JO, numéro spécial, 1er août 1987, pp. 1 à 186.
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Il était nécessaire de bien situer les origines de notre droit des obligations pour
mieux indiquer son évolution future. Cette évolution précisément est liée à celle de tout
notre droit civil.
Même après l’indépendance, le code civil n’a guère été modifié. Il convient
toutefois de signaler que la réforme du droit congolais a été envisagée. Le Parlement a
proposé la création d’une commission qui étudiera la question de la réforme et de
l’unification du droit congolais. La commission, que nous avons eu le privilège de
présider durant plusieurs années, a pour mission d’examiner si toutes les règles
techniques civiles contenues dans l’ancien code se maintiendraient toujours, compte tenu
de l’impératif de développement et de celui du respect de la mentalité juridique de nos
concitoyens. Elle doit également examiner s’il faut abolir toutes les règles de droit écrit et
imposer des règles coutumières ou encore s’il faut donner préférence à une symbiose
harmonieuse(10).
Sans pouvoir préjuger définitivement des résultats de la commission devenue
depuis la loi n° 76-017 du 15 juin 1976 Commission permanente de réforme du Droit
congolais, il y a lieu de croire que les règles des obligations étant techniques et
8 Voir Mushigo-a-Gazanga Gigombe, Les principes généraux du droit et leurs applications par la Cour suprême de
justice du Congo, Bruxelles, Academia Bruylant, 2002
9 Kalongo Mbikayi et Buka eka Ngoy, Le juge zaïrois et l’interprétation des principes généraux du droit national, RZD, n°
spécial, 1971, pp. 31 à 41.
10 Kalongo Mbikayi et Ndeshyo Rurihose, Le recours à l’authenticité et le droit zaïrois, in RJZ, n° 3, 1976, pp. 39 – 44, et
n° 1-2-3, 1977, p. 24- 41.
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3. Notion de l’obligation
Le mot « obligation » a plusieurs sens. Nous allons les examiner rapidement pour
ne retenir que celui qui nous intéresse dans le cadre du présent ouvrage.
Dans un premier sens - un sens très large - ce mot peut désigner tout ce que la loi
ou même la morale commande à un individu de faire, sans que l’individu concerné n’en
soit nécessairement tenu à l’égard d’une personne déterminée, qui serait son créancier.
Dans un sens plus général, l’on dira, par exemple, que tout Congolais adulte a l’obligation
de payer les impôts, tout propriétaire d’immeuble celle de respecter les règlements
d’hygiène ou de voirie; l’on dira de même que chacun a l’obligation de respecter ses
parents, chacun a l’obligation de respecter les biens d’autrui, etc. La liste des exemples est
quasiment illimitée, le mot « obligation » ayant dans cette acception une portée
excessivement étendue.
Le droit l’utilise, au contraire, dans ses sens beaucoup plus étroits. En droit
commercial, le mot « obligation » peut signifier le titre négociable (nominatif ou au
porteur) qui représente la part de créance qu’a son titulaire dans un emprunt fait sous
cette forme par une société commerciale ou par une collectivité publique. Dans la pratique
notariale, « l’obligation » désigne l’acte notarié constatant un prêt garanti par une
hypothèque. L’on peut continuer la liste de ces significations restreintes mais limitons-
nous à celle qui nous intéresse dans le cadre de ce cours.
Au sens du droit civil, « l’obligation » ou droit de créance est « un lien de droit
entre deux personnes en vertu duquel l’une d’elles, le créancier, peut exiger de l’autre, le
débiteur, une certaine prestation(12).
Ainsi définie, l’obligation que nous classons dans notre schéma ci-dessus parmi les
droits patrimoniaux ou pécuniaires se distingue nettement du droit réel. Les oppositions
et comparaisons entre droit de créance et droit réel sont étudiées en Droit civil des
Biens.On rappelera ici un trait distinctif : le droit réel porte sur une chose, tandis que
l’obligation ou droit de créance est un lien entre deux personnes. D’où sa désignation de
droit personnel par opposition au droit réel.
11 Plaidoyer pour un droit du développement au Zaïre, cours inaugural de l’année académique 1986 – 1987. Voir la
théorie de la dysfonctionnalité ou de l’impuissance du Droit et le slogan « intériste et extériste ».
12 Julliot de la Morandière (L), Précis de droit civil, T II, 3è éd., Dalloz, Paris, 1964, n° 256.
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A B
Créancier Débiteur
Pour mieux nous pénétrer du sens de l’obligation en droit civil, analysons les
termes de la définition donnée plus haut, car c’est dans ce sens que nous l’utiliserons dans
cet ouvrage.
L’obligation est un lien de droit. Cela signifie que c’est un lien reconnu par
l’autorité publique ou l’Etat. Une telle obligation existe aux yeux de l’Etat, elle est
protégée par lui et l’on dit qu’elle est une obligation juridique. Elle est ressentie de façon
consciente comme une chaîne « vinculum » entre parties et sanctionnée devant les
tribunaux de l’Etat. Il en est ainsi par exemple de l’obligation qu’à la suite d’un contrat de
vente, l’acheteur a de payer le prix ou le vendeur de transférer à l’acheteur la propriété de
la chose vendue et de la lui livrer. De même, le locataire peut exiger du bailleur la
délivrance de la chose louée et le bailleur peut exiger à son tour du locataire le paiement
du loyer. On dira aussi, dans un dernier exemple, qu’à la suite d’un dommage causé par
autrui, la victime peut exiger de l’auteur fautif du dommage la réparation du préjudice.
L’obligation ainsi engendrée est un devoir juridique.
Déjà, à ce niveau de notre analyse, nous percevons la différence entre une
obligation juridique et une obligation morale. Cette dernière, en effet, n’est pas un lien de
droit, c’est un simple devoir moral très général qui pèse sur la conscience de l’individu ou
un devoir mondain ou religieux et dont l’existence est totalement ignorée par le droit. Elle
est, par conséquent, dépourvue de tous les effets que le droit - comme nous le verrons
plus loin - attache aux obligations juridiques. A titre d’exemple, nous pouvons citer, dans
le sens des obligations morales ainsi conçues, les obligations imposées à un croyant par les
dix commandements de Dieu ou celle que les règlements d’un groupe confessionnel ou
culturel, ou sportif (par exemple : l’Eglise catholique, une amicale, un cercle sportif ...)
imposent à ses membres.
Ainsi, le droit ignore totalement l’existence de l’obligation pour tout croyant
d’adorer son Dieu; il ignore aussi totalement celle de l’obligation pour tout chrétien
catholique d’aller à la messe le dimanche ou celle d’un membre d’une amicale de quartier
de porter une jupe bleue ou de respecter tel règlement. Il n’y a dans tous ces cas que des
obligations morales, c’est-à-dire des obligations sans existence juridiquement reconnue,
des obligations imposant un devoir moral, mondain ou de bienséance et non un devoir
juridique.
Ces obligations ne sont pas protégées par le droit, elles ne sont pas sanctionnées
devant les tribunaux de l’Etat, à savoir les tribunaux reconnus par l’autorité publique.
Faudrait-il pour autant penser que toutes les obligations juridiques sont identiques
au point de vue de leur caractère ou de leurs effets ?
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vertu des contrats de vente, exigent le paiement des choses vendues aux acheteurs, des
locataires qui exigent des bailleurs la délivrance des choses louées ou des bailleurs qui
exigent le paiement des loyers de leurs locataires, des victimes d’un dommage subi
injustement qui exigent réparation par son auteur responsable.
Les exemples abondent pour montrer que l’obligation juridique civile est
réellement, comme l’indique ce schéma, un lien de droit (vinculum juris) en vertu duquel,
le créancier peut contraindre le débiteur à fournir la prestation qu’il doit.
A Rapport d’obligation B
Créancier Débiteur
Lien de droit
1° Origine et notion
L’obligation naturelle a son origine en droit romain; elle visait notamment les
obligations des esclaves. Elle nous est parvenue par l’intermédiaire du code civil
Napoléon dont le nôtre s’est largement inspiré.
Mais qu’est-ce que l’obligation naturelle? Notre Code civil ne répond pas à la
question. Il se contente simplement d’appliquer en son article 133, al.2, livre III, la notion
de l’obligation naturelle. Il est aisé de connaître cette notion quand on connaît
l’enseignement de Pothier, à cet égard, puisque c’est la pensée de celui-ci qui a été
adoptée par les auteurs du code civil Napoléonien.
Dans l’enseignement de Pothier, l’obligation naturelle n’a rien à voir avec le devoir
moral ». Ce dernier « n’a aucun caractère juridique, tandis que l’obligation naturelle
constitue un véritable lien de droit, mais qui n’a jamais atteint la perfection des
obligations civiles ou qui l’a perdue »(13).
La doctrine traditionnelle a donc toujours défini l’obligation naturelle comme
« une véritable obligation qui par suite des causes particulières, est privée de la force
coercitive ». C’est une conception restrictive qui limite les obligations naturelles aux
seules obligations dégénérées ou manquées, dont on trouvera plus loin l’explication.
La jurisprudence a de l’obligation naturelle une conception extensive qui a permis
l’élaboration d’une théorie moderne. Selon les auteurs de cette théorie, la doctrine
traditionnelle est superficielle de plus, les hypothèses retenues par elles ne sont pas seules
où il y a obligation naturelle.
Appuyés par la jurisprudence, ils soutiennent qu’une obligation naturelle est
parfaitement concevable dans le cas d’un devoir moral lorsque celui-ci est suffisamment
précis et impérieux (analyse des mœurs, des circonstances...). Ils admettent ainsi qu’il y a
obligation naturelle toutes les fois qu’une personne s’oblige envers une autre ou lui verse
une somme d’argent, non sous l’impulsion d’une intention libérale, mais afin de remplir
un devoir de conscience ou d’honneur.
Devant cette évolution, nous pourrons retenir de l’obligation naturelle la définition
qu’en donne le vocabulaire juridique de Henri Capitant : « L’obligation naturelle est celle
que le débiteur ne peut être contraint d’exécuter par les voies légales, mais qui est
susceptible d’une reconnaissance ou d’une exécution volontaire valable »(14).
2° Différentes hypothèses des obligations naturelles
Cette définition est applicable aux hypothèses de la théorie classique comme à
celles de la théorie moderne.
Hypothèses de la théorie classique
Obligation civile dégénérée. Il s’agit d’une obligation paralysée par une exception
péremptoire (prescription, serment litis décisoire ou supplétoire prêté par le débiteur et
par hypothèse faux, autorité de la chose jugée). Dans tous les cas, il ne subsiste plus
qu’une obligation naturelle.
Obligation civile manquée. Une obligation civile devait naître le débiteur doué de
discernement et dont la volonté est saine a voulu s’obliger, mais en raison d’une règle
juridique générale, l’obligation n’est pas née sur le plan juridique : elle n’est qu’une
obligation naturelle. C’est le cas d’une donation ou d’un testament passé hors des formes
légales lorsque la volonté des parties était pleinement consciente. C’est aussi le cas d’un
engagement annulé pour défaut de capacité : il subsiste dans ces exemples une obligation
naturelle à charge du débiteur.
Hypothèses de la théorie moderne : obligations de conscience ou d’honneur.
Obligation alimentaire. On admet qu’en dehors des obligations alimentaires
imposées par la loi, il existe des obligations naturelles de fournir des aliments notamment
entre proches collatéraux, vis-à-vis de la belle-mère qui se remarie, ou encore, avant le
code de la famille du 1er août 1987, vis-à-vis d’un enfant « naturel » non reconnu (15), et
même pour certains, vis-à-vis d’un enfant « adultérin » (16).
Obligation de réparer un préjudice. La jurisprudence a fréquemment admis qu’il
pouvait exister une obligation naturelle de réparer un préjudice causé, lorsque les
conditions des articles 258 et suivants ne sont par réunies, il faudrait ajouter à cela les
obligations illicites. Il s’agit des obligations nées d’une convention qui porte atteinte à
l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
On admet généralement qu’une obligation civile nulle comme ayant une cause
immorale ou illicite ne laisse pas subsister une obligation naturelle. Dans quelques cas
cependant, la doctrine l’admet. Il en est ainsi notamment, pense-t-on, des dettes de jeu et
pari. Cette opinion se fonde sur l’article 1967 du code civil napoléonien qui prévoit qu’il
n’y a pas d’action pour le créancier, en ce qui concerne les contrats de jeu et de pari.
Cependant, si le perdant s’est exécuté, il ne peut réclamer restitution. Cela fait penser à
une obligation naturelle, mais si le législateur a défendu au créancier d’intenter une action
ou au débiteur de revenir sur son exécution, c’est, semble-t-il, parce que l’on n’admet pas
que quelqu’un fasse valoir devant le tribunal un argument fondé sur l’acte illicite (On
songera aux adages : « Nemo auditur <» et « In pari causa ... ») (17).
Dans ce cas, la simple promesse de payer est sans effet juridique. Il ne s’agit donc
pas d’une application de la théorie des obligations naturelles.
3° Effets
Il y a obligation naturelle véritable là où existe une obligation qui peut se
transformer en une obligation civile soit par le fait d’un paiement volontaire, soit par celui
d’une reconnaissance ou d’une promesse de payer valable. L’obligation naturelle est donc
celle qui peut évoluer et devenir une obligation juridique parfaite, c’est-à-dire une
obligation garantie par une sanction.
Avant cette évolution ou transformation de l’obligation naturelle, la contrainte est
impossible : le créancier n’a pas d’action pour forcer le débiteur à s’exécuter. Si le débiteur
s’est exécuté volontairement, il y aura paiement valable qui interdit la restitution : le
paiement d’une obligation naturelle éteint la dette du débiteur envers le créancier. C’est
pourquoi, l’article 133 alinéa 2, livre III du Code civil congolais dispose « La répétition
n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement
acquittées ».
Non seulement l’on doit dire que l’exécution volontaire d’une obligation naturelle
éteint la dette, mais il faut aussi souligner que l’obligation ainsi payée a cessé d’être
naturelle : elle est devenue civile, le créancier pouvant désormais contraindre son débiteur
à l’acquitter. C’est ainsi qu’entre un enfant né hors mariage non reconnu et son auteur, il
existe une obligation naturelle d’aliments. Mais, si volontairement son auteur exécute ou
offre d’exécuter cette obligation à l’égard de son enfant l’obligation est consolidée : elle se
transforme en obligation civile. L’enfant peut désormais contraindre son auteur à payer
ladite obligation.
Jugé en ce sens, que le père qui n’a pas reconnu son enfant naturel, mais subvient à
ses besoins, par devoir de conscience, et charge un tiers d’en prendre soin à ses frais,
promet l’exécution d’une obligation civile (18).
On comprend ainsi pourquoi l’obligation naturelle se caractérise par l’absence
actuelle de sanction. On remarquera toutefois que tant que l’obligation naturelle demeure
à l’état d’obligation juridique imparfaite, elle ne peut être invoquée en compensation par
le débiteur contre son créancier ; elle ne peut faire l’objet d’un cautionnement valable, car
la caution ne peut être tenue d’une autre façon que le débiteur principal.
A’ 1500
A’’’ 2000
Remarque : Si la recherche de la satisfaction des besoins économiques est le critère
principal du caractère patrimonial de l’obligation, il faut se garder néanmoins de classer
parmi les droits patrimoniaux toutes les obligations qui impliquent une certaine
20 Cet article était le n° 24 avant la loi du 18 juillet 1980, JO n° 15 du 1er août 1980, p. 29.
24
Les obligations se classent principalement soit d’après leur objet, soit d’après leurs
sources.
21 Mazeaud (H. L. et J.), Leçons de droit civil, II, Vol. I, 4ème éd., par M. de Juglart, Paris, Montchrestien, 1969, n° 10
22 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 259, p. 138
23 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 258.
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demeure de le faire, les risques lui incomberaient si la chose qu’il détient encore au
moment de la mise en demeure venait à périr ou à se détériorer. Dans ce cas, res perit
debitori (débiteur de l’obligation de livrer) la mise en demeure apparaît ainsi importante,
il convient d’en préciser la portée.
Mettre quelqu’un en demeure, c’est l’obliger à remplir son engagement, à exécuter
son obligation. Par extension, la demeure signifie l’ordre, l’injonction. De la sorte, mettre
en demeure, c’est donner l’ordre à quelqu’un de s’exécuter, lui enjoindre de s’exécuter.
L’article 38 du Code civil qui donne la notion de mise en demeure dispose que le
débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation, ou par un acte équivalent, soit
par l’effet de la convention lorsqu’elle porte que sans qu’il soit besoin d’acte et par la seule
échéance du terme, le débiteur sera en demeure.
On remarque d’ores et déjà que la mise en demeure n’est soumise à aucune forme
sacramentelle.
Cas de perte d’un corps certain
L’article 194 du Code civil, livre III porte une règle différente en cas de perte du
corps certain intervenue sans faute du débiteur. La solution dans ce dernier cas est
l’extinction de l’obligation, c’est-à-dire que le débiteur de l’obligation de livrer est libéré
alors que le créancier reste tenu de payer le prix. Mais l’article 194 précise que l’obligation
est éteinte si la chose a péri avant que le débiteur ne fût mis en demeure.
b. Livraison de la chose
La livraison de la chose est la deuxième obligation du débiteur que l’on peut
relever dans l’obligation générale de donner.
Il s’agit de la livraison matérielle de la chose et de sa mise à la disposition du
créancier. C’est ce que le code nomme « la tradition » du latin « trahere » qui signifie
« livrer ». Nous développerons en différents aspects de cette question quand nous
étudierons le paiement et la vente. Disons simplement que la non exécution de cette
obligation peut donner lieu à des sanctions civiles à l’encontre du débiteur.
c. Conservation de la chose
En attendant le moment de la livrer, le débiteur doit conserver la chose en bon
père de famille. Il serait sur le plan civil responsable de la non-conservation de la chose.
Le but de cette obligation est d’éviter la négligence et les abus qui débiteur qui sachant
qu’il n’est plus désormais le propriétaire de la chose qu’il détient pourrait se montrer non
consciencieux.
Remarque sur la mesure de la sanction.
Le débiteur qui ne conserverait pas la chose en bon père de famille serait tenu de la
culpa levis in abstrato. Cette responsabilité est plus ou moins étendue suivant les contrats
(Art. 36 al. 2 du Code civil, livre III). Mais quelle est donc la nature de cette faute dont sera
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tenu le débiteur de l’obligation de conserver que nous avons appelée « faute légère en
rapport au comportement du bon père de famille ou culpa levis in abstracto ?
Quid de la culpa levis in abstracto ?
C’est celle que ne peut commettre un homme diligent placé dans les mêmes
situations concrètes et objectives. Mais quelle est la place de cette faute, de cette culpa
levis in abstracto par rapport à d’autres degrés de faute C’est le droit ancien qui a prévu
en théorie ces catégories, ces gradations de faute (24) Il s’agissait en les citant de la plus
lourde à la plus légère :
1. Dol ou faute intentionnelle
A celle-ci on assimilait la négligence grossière ou faute lourde. C’est la culpa lata
aecquiparatur dolo. Conséquence de cette faute : Elle engageait toujours la responsabilité
du débiteur.
2. Culpa levis in abstracto
Faute légère appréciée par comparaison avec le type abstrait du bon père de
famille. Conséquence : Le débiteur en répondait si le contrat était conclu pour l’utilité des
deux parties.
L’article 36 est peu différent.
3. Culpa levis in concreto
Faute légère appréciée par comparaison avec la conduite du débiteur dans ses
propres affaires.
Conséquence
Le débiteur n’en répondrait pas si le contrat était conclu dans l’intérêt du
créancier, on estimait qu’on ne pouvait demander au débiteur d’être plus diligent que
pour ses propres choses.
B. Obligations de faire et de ne pas faire
1. Notion
L’obligation de faire est le lien de droit par lequel le débiteur s’engage à exécuter
pour le créancier, une prestation positive, à accomplir un fait. C’est le cas de l’obligation
du peintre qui s’engage à faire votre portrait, de l’architecte à construire tel type de
maison.
L’obligation de ne pas faire, par contre, est le lieu de droit par lequel le débiteur
promet une prestation négative, promet de s’abstenir de tel ou tel agissement. C’est le cas
d’une Promesse de ne pas bâtir, de ne pas livrer un secret de fabrique, de ne pas exercer
tel commerce dans telle région, etc. C’est aussi l’obligation pour le vendeur de ne pas
troubler par son fait la paisible jouissance de la chose vendue à l’acheteur< C’est
l’obligation de ne pas s’engager dans une entreprise concurrente dans tel délai<
2. Contenu
Les articles 40 et 43 du Code civil, livre III ne précisent pas le contenu exact des
obligations de faire et de ne pas faire; ils n’envisagent que les conséquences de leur
inexécution. La doctrine a pu dégager cependant certaines catégories d’obligations telle
les obligations de résultat et de moyen d’une part (25) et les obligations de sécurité d’autre
part.
a) Obligations de résultat et obligations de moyen
Obligation de résultat
Ici, les parties ont voulu que le débiteur procure, par son fait, un certain résultat
qu’il lui garantit. Dans le contrat d’entreprise par exemple, l’entrepreneur s’engage à
fournir tel ouvrage, à telle date (une maison, un mur), à faire un portrait; à transporter
telle personne ou telle chose d’un lieu à un autre.
Obligation de moyen
Ici, le débiteur s’oblige à employer certains moyens sans garantir aucun résultat. Il
s’oblige à fournir un comportement prudent, une attitude diligente en vue d’un fait
précis, mais qu’il ne garantit pas.
Le contrat médical et le contrat d’enseignement par exemple engendrent des
obligations de moyen : Il s’agit pour le contrat médical de l’obligation du médecin de
donner des soins sans garantir la guérison nécessairement; et pour le contrat
d’enseignement de l’obligation de l’enseignant de donner des leçons sans garantir la
réussite. Il doit être entendu dans toutes ces hypothèses que les moyens utilisés doivent
être d’un bon père de famille.
Intérêt de la distinction
L’intérêt de la distinction apparaît sur le plan de la faute en cas d’inexécution de
l’obligation par le débiteur. La force de la présomption de la faute du débiteur est
différente selon qu’il s’agit des obligations de résultants ou des obligations de moyen en
effet, dans le cas des obligations de résultat, également appelées obligations déterminées,
il suffit au créancier de prouver que le résultat n’a pas été atteint; la faute du débiteur est
ici présumée de façon irréfragable. Le débiteur ne peut se dégager qu’en démontrant une
cause étrangère. Dans le cas d’une obligation de moyen, un examen de la conduite du
débiteur devient nécessaire, lorsque le résultat escompté n’est pas atteint : la présomption
de faute du débiteur est ici renversable : « Le créancier, pour démontrer que l’obligation
n’a pas été exécutée, doit prouver que le débiteur ne s’est pas comporté avec la prudence
et la diligence auxquelles il était tenu; la preuve d’une imprudence ou négligence du
25 Frossart (J), La distinction des obligations de moyen et des obligations de résultat, Paris, LGDJ, 1985.
29
La loi peut être une source des obligations. Mais en dehors d’elle, la source de
l’obligation est l’acte ou le fait juridique auquel la loi s’attache pour considérer l’obligation
comme née (28). Il s’agit du contrat, du délit et du quasi-délit et enfin, du quasi-contrat.
a. Le contrat est l’accord de volonté entre le créancier et le débiteur en vue de faire
naître l’obligation (Cfr Art. 1er du Code civil, livre III);
b. Le délit ou le quasi-délit est tout fait illicite, toute faute (délit) ou toute imprudence
et négligence (quasi-délit) qui cause un dommage à autrui et qui nécessite
réparation (Art. 258 et suivants du Code civil, livre III).
c. Enfin, le quasi-contrat est un fait licite qui, à l’instar d’un contrat mais sans qu’il y
ait accord de volontés, engendre les obligations. Cette dernière source suscite de
nombreuses controverses en doctrine (29). Elle englobe notamment la gestion
d’affaires (Art 2484 du Code civil, livre III), l’enrichissement sans cause (Art. 252
du Code civil, livre III) et le paiement de l’indu (Art. 253).
Remarque
30 Voir la thèse précitée de Nooman M.K. Gomaa et Marty (G) & Raynaud (P), op. cit. n° 22 ; Kalongo Mbikayi,
Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois, Kinshasa, PUZ, 1977.
31
Titre V : Garanties générales du droit de créance ou les droits du créancier non payé sur
la personne et sur les biens de son débiteur
32
PREMIERE PARTIE :
SOURCES DES OBLIGATIONS
33
34
Titre I : CONTRATS
Nous examinerons les principes généraux des contrats en six chapitres : Notions
générales, classifications des contrats (chapitre I), Conditions de formation et de validité
des contrats (chapitre II), Annulation des contrats et prescription de l’action en nullité
(chapitre III), Effets des contrats entre les parties (chapitre VI), Effets des contrats à l’égard
des ayants cause des parties et à l’égard des tiers (chapitre V) et Extinction et résolution
des contrats (chapitre VI).
d’une seule volonté, ne peut faire naître d’obligations. Ceci, il convient de le dire, est la
conséquence du principe libéral qui sert de base aux codes civils occidentaux que nous
avons hérité.
Mais, il faut dire également que le droit moderne a apporté à ce principe libéral et
individualiste des restrictions importantes. C’est ainsi que l’on remarque que certains
actes appelés à juste titre par la doctrine « actes - règles » (Julliot n° 274) posés par une
seule ou par certaines parties sortent des effets juridiques même à l’égard des tiers (c’est-
à-dire personnes non parties au contrat). C’est le cas : du testament qui est un acte
unilatéral, une œuvre unilatérale d’une volonté particulière, qui peut imposer au
légataire, à titre de charge, une obligation à l’égard d’une autre personne; des contrats
collectifs conclus par quelques personnes, organes directeurs d’une personne morale ou
d’un syndicat et visant des intérêts collectifs ou syndicaux s’imposant à des tiers.
C’est la conséquence de la socialisation du droit dont le résultat est la pénétration
du droit public dans le droit privé. Nous reviendrons sur ces notions en examinant la
classification moderne des contrats. Mais indiquons auparavant la situation du contrat
dans l’ensemble des faits juridiques.
Schéma : Situation du contrat dans l’ensemble des faits juridiques
Faits juridiques :
L’on sait que le fait 1. Il peut être un acte matériel pur lorsqu’il
juridique est l’événement n’a pas pour but de produire ces effets,
qui crée un droit, le mais les produits. C’est l’hypothèse de
modifie, le transfert ou l’acte domma-geable culpeux.
l’éteint. C’est le cas de la 2. Il peut enfin consister en un véritable
naissance, de la mort ou acte juridique. Il s’agit dans ce dernier cas
de l’incendie. de la manifestation de volonté ayant
pour but de produire des effets
juridiques.
a) L’acte juridique peut être unilatéral.
Il s’agira de la manifestation d’une
seule volonté ex. testament.
b) Comme il peut aussi être bilatéral.
Dans ce cas, il s’agira de la
manifestation de deux volontés au
moins : c’est le contrat qui li même
peut être comme nous l’expliquerons
bientôt, unilatéral (dépôt, donation,
prêt) ou bilatéral (vente, louage,<)
36
33 Julliot de la Morandière (L), op.cit., n° 275 ; Savatier (R), op. cit., 1ère série, 4ème éd., n° 16 à 24 « L’éclatement de la
notion traditionnelle de contrat ».
38
conclus par des individus, en vue de ces intérêts, contrats qui s’imposeront à toutes les
personnes, englobées dans lesdits intérêts collectifs, bien que ces personnes n’aient pas
participé à la conclusion des accords. Nous en avons une illustration avec les contrats
collectifs, comme des conventions collectives du travail.
Ainsi, dans la donation, seul le donateur est obligé, alors que son obligation est née
de l’accord entre lui-même et le donataire (qui devait accepter l’offre).
Intérêt de la distinction
L’intérêt de la distinction entre contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux
est grand à plusieurs égards.
En matière de preuve, les règles sont différentes selon qu’on se trouve devant un
contrat synallagmatique (art. 207) ou un contrat unilatéral (art.208). L’écrit sous seing
privé est en effet soumis à des règles différentes selon qu’on se trouve devant un contrat
synallagmatique ou unilatéral.
Dans les contrats synallagmatiques, les obligations naissant à charge de chacune
des parties se servent réciproquement de cause. Si l’une des parties n’exécute pas ses
obligations, l’autre partie peut refuser d’exécuter les siennes en vertu du principe de
« l’exceptio non adimpleti contractus ».
La notion de cause est différente dans les contrats unilatéraux. Et ceci a des
répercutions considérables non seulement sur l’exécution du contrat comme on l’a dit,
mais également sur sa formation, sur la question des risques (qui ne se pose que pour les
contrats synallagmatiques), et sur la résolution des contrats synallagmatiques (Code civil,
livre III, art. 82). Avant de passer à l’examen de la deuxième grande catégorie de contrats,
disons un mot sur une espèce particulière de contrats synallagmatiques : les contrats
synallagmatiques dits « imparfaits ».
3° Contrats synallagmatiques imparfaits
Il s’agit des contrats qui, au départ sont unilatéraux, mais dans la suite deviennent
synallagmatiques parce qu’une obligation est née à charge du créancier. Dans le cas du
dépôt par exemple, on sait qu’au départ, le dépôt est un contrat unilatéral. Mais si au
cours de ce contrat, le dépositaire a fait de dépenses pour assurer la conservation de la
chose en dépôt, il peut en exiger le remboursement au déposant, alors qu’à l’origine le
contrat ne fait naître l’obligation qu’à charge du dépositaire, à savoir l’obligation de
restituer le dépôt, c’est-à-dire la chose livrée en dépôt. Il peut en être de même dans le
gage ou le mandat. Aussi, appelle-t-on souvent ces contrats « contrats synallagmatiques
imparfaits ».
Notons que les auteurs classiques admettent en général qu’ils demeurent
unilatéraux, la nouvelle obligation pour eux n’étant seulement que subsidiaire et
éventuelle, elle n’est pas la cause de l’obligation principale vue lors de la formation du
contrat. Mais cette conception est aujourd’hui contestée (34).
Et c’est ainsi que l’appellation contrats synallagmatiques imparfaits est plus
généralement reçue, car l’on prend en considération plus l’exécution du contrat que sa
formation.
II. Contrats à titre onéreux et contrats à titre gratuit
Suivant l’article 6 du Code civil, livre III, « le contrat à titre onéreux est celui qui
assujettit chacune des parties à donner ou à faire quelque chose ».
Cette définition est inexacte, car elle est déjà connue du contrat synallagmatique.
L’erreur du Code civil est compréhensible. C’est qu’en effet, les contrats synallagmatiques
sont généralement à titre onéreux, comme les contrats unilatéraux sont généralement à
titre gratuit. Mais l’inverse n’est pas vrai, tous les contrats à titre onéreux ne sont pas
nécessairement synallagmatiques. L’on peut rencontrer certains contrats unilatéraux qui
soient à titre onéreux; tel le prêt à intérêt : le prêteur agit en vue de retirer un intérêt de
son argent, l’emprunteur s’engage en vue de jouir de la somme qui lui a été remise. Par
ailleurs l’on peut avoir des contrats synallagmatiques à titre gratuit (35). C’est le cas des
donations avec charges.
Qu’est-ce alors un contrat à titre onéreux ?
Il importe d’indiquer d’abord que la distinction des contrats à titre onéreux et
contrats à titre gratuit se rattache au but poursuivi par les contractants. Dans les contrats à
titre onéreux, celui qui s’oblige le fait en vue d’obtenir de son co-contractant un avantage
correspondant à celui qu’il lui procure. C’est donc, donnant-donnant. Il s’engage à fournir
une prestation parce qu’il espère en contrepartie un avantage donné.
Ainsi dans un prêt à intérêt qui est un contrat unilatéral à titre onéreux, le prêteur
agit en vue de retirer un intérêt de son argent, l’emprunteur s’engage en vue de jouir de la
somme qui lui a été remise. Le mot « engagement » ne signifie pas ici qu’il y a obligation
réciproque. Le texte vise plutôt le but de l’engagement. De même dans une vente, le
vendeur escompte bénéficier du prix de la chose, tandis que l’acquéreur, lui, escompte
exercer tous les droits de propriété sur la chose à acquérir.
C’est tout différent des contrats à titre gratuit appelés aussi contrats de
bienfaisance, dans lesquels la personne qui s’oblige ne s’attend en retour à aucun
avantage (Code civil, livre III, art. 5). Dans ces contrats, l’une des parties procure à l’autre
un avantage purement gratuit. Son comportement est caractérisé par l’intention libérale,
l’animus donandi. Cette partie qui agit sans escompter un avantage peut le faire soit dans
le dessein d’enrichir le patrimoine de l’autre partie, c’est le contrat à titre gratuit
proprement dit. Telle la donation entre vifs, soit encore en vue non pas d’enrichir le
patrimoine de l’autre partie mais de lui rendre simplement service.
Sont ainsi des contrats à titre gratuit : le prêt d’argent sans intérêt, le dépôt non
salarié, le prêt à usage, le coup de main et, le contrat d’hébergement, qui est un contrat par
lequel une personne en loge une autre à titre provisoire sans lui faire payer de loyer (36).
35 En ce sens, Marty (G) & Raynaud (P), op. cit., n° 64, p. 54.
36 Kalongo Mbikayi, Les baux. Examen de jurisprudence, RZD, 1975.
42
Ces contrats sont également dits désintéressés. Les contrats de bienfaisance comportent
ainsi les contrats à titre gratuit et les contrats (à titre) désintéressés. L’on peut également
présenter (37) autrement le schéma en considérant qu’il y a d’une part :
- les contrats à titre gratuit proprement dits, qui supposent un enrichissement du
patrimoine d’autrui grâce à une intention libérale;
- et les contrats de bienfaisance, qui constituent une notion moins large que les
contrats à titre gratuit.
Intérêt de cette distinction
La classification des contrats en contrats à titre onéreux et contrats à titre gratuit
n’offre pas grand intérêt. Il y a lieu de signaler seulement que :
1°. les contrats de bienfaisance sont généralement présumés faits « intuitu
personae », c’est-à-dire en considération de la personne à laquelle on veut rendre
service;
2°. la responsabilité du débiteur est en général appréciée de façon moins sévère que
le droit commun dans les contrats à titre gratuit. Ainsi le donateur, à la
différence du vendeur, ne doit pas garantir. Ici, la faute n’est pas la culpa levis in
abstracto, mais la culpa levis in concreto (Code civil, livre III, art.493, 494, 2,
dépôt et art. 533, mandat).
III. Contrats commutatifs et contrats aléatoires
Il s’agit ici d’une subdivision des contrats à titre onéreux. Selon l’article 4, alinéa 1er
du Code civil livre III, le contrat commutatif est un contrat à titre onéreux dans lequel
l’avantage poursuivi par chacune des parties est d’ores et déjà susceptible d’être appréciée
par elle. Constituent ainsi des contrats commutatifs, une vente à prix déterminé d’une
chose déterminée, un bail à loyer déterminé.
Le contrat est aléatoire, par contre, lorsque l’avantage consiste dans la chance de
gain ou de perte d’après un événement incertain. Les avantages ou les pertes qui résultent
de ce contrat dépendent donc d’un événement incertain (art. 4 al. 2), un aléa. C’est le cas :
- de la vente dont le prix est une rente viagère ;
- du jeu (si vous gagnez, aux cartes je vous donnerai 500 Fc) ;
- du pari (je vous dis que j’aurais un garçon mais si cela n’arrive pas, je vous devrai
10.000 Fc) ;
- du contrat d’assurance (je vous indemniserai jusqu’à concurrence de 500.000 Fc si
le risque assuré se réalisait).
Le seul intérêt de cette distinction réside dans le fait que les contrats réellement
aléatoires ne sont pas susceptibles d’encourir de sanction pour cause de lésion. Nous y
38 Contrairement à une certaine doctrine, la donation entre vifs n’est pas un contrat solennel. Léo, 22 juillet 1947, RJCB,
1948, p. 94. Voir aussi art. 875 du Code de la famille sauf pour l’institution contractuelle qui doit être stipulée par acte
authentique : art. 908 du Code de la famille.
44
39 Saleilles, De la déclaration de volonté. Contribution à l’étude de l’acte juridique dans le droit civil allemand, Paris
1929, art. 133, n° 89, p. 229 et s.
40 Bartin, in Aubry et Rau, Droit civil français, tome IV, 6 ème éd., Paris 1942, § 341, p. 419, note 8 bis ; Boulanger,
Encyclopédie Dalloz, Droit civil, V° Contrats et Conventions n° 4.
45
son imprécision et de la difficulté de définition, il n’en reste pas moins vrai qu’elle est
entrée dans le vocabulaire juridique. Et la majorité de la doctrine(41) admet la réalité du
contrat d’adhésion.
Parmi les définitions proposées par la doctrine, nous retiendrons les deux
définitions suivantes : « Le contrat d’adhésion est un contrat dont le contenu a été fixé,
totalement ou partiellement, de manière abstraite et générale avant la période
contractuelle » (42).Il s’agit du « contrat dont les conditions ont été déterminées à l’avance
et unilatéralement par les parties économiquement fortes et qui le proposent à d’autres,
sans possibilité pour ces dernières de discuter et, a fortiori, de le faire modifier » (43).
Il résulte de ces définitions qu’il existe une variété des contrats d’adhésion. Ainsi
en est-il des contrats de transport, de banque, de bail et d’assurance. Le contrat de
transport conclu avec une compagnie de chemin de fer ou de navigation aérienne ou
maritime contient des clauses rédigées à l’avance par l’une des parties économiquement
forte (ici la compagnie) et qui les propose à l’autre partie (le client) qui ne fait qu’adhérer à
ces clauses préétablies.
Il est important de noter que les contrats d’adhésion donnent souvent lieu à des
clauses abusives dont il est intéressant d’étudier la variété et contre lesquelles il existe
divers modes de protection dont les organismes et mouvements des consommateurs ont
fait leur principal objectif.
Mais il arrive parfois que les clauses du contrat ne soient l’œuvre d’aucune des
deux parties. Il s’agit dans ce cas de contrat type ou standard qui constitue en réalité avec
les conditions générales d’affaires, des variétés des contrats d’adhésion.
C. Contrats types ou standards
Le contrat type est « une simple formule établie par un organisme professionnel ou
par l’administration, destinée à servir de modèle pour des futurs contrats que des sujets
de droit concluront éventuellement plus tard » (44).
Il s’agit d’un contrat rédigé impérativement soit par l’Etat, soit par les organismes
professionnels (contrat d’assurance en ce qui concerne les conditions générales, statut des
fonctionnaires). Un employeur et un ouvrier peuvent ainsi se voir appliquer un statut
préétabli par l’Etat, par exemple, en matière de sécurité sociale.
L’accord des deux parties n’est plus alors que la condition d’application à ces deux
particuliers d’un statut obligatoire pour eux. D’où l’appellation « d’acte-condition »
attribué parfois à ces contrats. Il nous reste à présent à dire un mot sur les conditions
41 Carbonnier (J), Droit civil, t. IV, 1972 n° 13 p. 52-53 ; Planiol (M) et Ripert (G), Traité de Droit civil, 2è éd., t. IV n°
122, p. 136 ; Berlioz, Le contrat d’adhésion, Paris 1973 n° 41 p. 27 ; De Page (H), op. cit., t.II, 1964 n° 550, p. 536.
42 Berlioz, op. cit., eodem loco.
43 Pindi Mbensa, Réglementation juridique des clauses abusives dans les conditions générales de vente en droit zaïrois.
Etude de lege ferenda. Thèse de doctorat, Katholieke Universiteit Leuven, 1979.
44 Leaute (J), Les contrats types, in RTDC 1953, p. 430, n° 1.
46
générales d’affaires.
D. Conditions générales d’affaires (45)
1. Notion et variétés
D’une manière générale, l’expression « conditions générales » vise les clauses
rédigées avant la conclusion des contrats individuels dans lesquels elles sont destinées, en
principe, à s’intégrer. La nouvelle loi allemande sur la réglementation juridique des
conditions générales de contrat donne la définition suivante : « Les conditions générales
sont toutes les conditions qui sont formulées pour une multitude de contrats et qui sont
imposées par l’une des parties au contrat "utilisateur", à l’autre partie au contrat lors de la
conclusion du contrat ».
Il n’importe pas que les dispositions forment une partie séparée au contrat ou bien
qu’elles soient incorporées dans le texte du contrat ni de savoir quelle étendue elles ont, ni
dans quelle forme d’écriture elles sont rédigées, ni quelle forme est donnée au contrat. Il
n’y a pas des conditions générales si les conditions du contrat sont négociées en détail par
les parties au contrat (art. 1er).
Il existe plusieurs variétés des conditions générales.Lorsqu’on envisage celles-ci
selon leur mode d’élaboration on peut distinguer :
1°. les conditions générales élaborées par l’une des parties à transaction;
2°. les conditions générales élaborées par un groupe des parties qui sont dans la
même situation (vendeurs, assureurs, employeurs, transporteurs, expéditeurs,
bailleurs, etc.);
3°. les conditions générales élaborées par une organisation représentant les deux
parties ou encore par une organisation représentant l’une des parties à une
transaction et agissant de concert soit avec des organisations représentant l’autre
partie, soit avec un organisme public représentant les intérêts de ceux qui ont
besoin de protection, soit avec les deux;
4°. les conditions générales élaborées par une organisation qui ne représente aucune
des parties.
2. Distinction d’avec les contrats d’adhésion et les contrats types
a) Conditions générales et contrats d’adhésion
Les conditions générales ressemblent à des contrats d’adhésion (ou sont des
variétés des contrats d’adhésion) lorsqu’elles sont imposées par l’une des parties « en
position de force sur le marché », soit le vendeur lui-même, soit une organisation dont il
fait partie.
Dans ce cas, le document contractuel revêt généralement la forme d’un bon de
commande, d’une facture ou d’un contrat complet que l’acheteur doit signer pour accord.
Il importe cependant d’observer que malgré cette ressemblance, l’idée de contrat
d’adhésion ne peut caractériser les conditions générales. En effet, les conditions générales
peuvent être librement discutées par le co-contractant, surtout quand il s’agit des marchés
importants alors que le contrat d’adhésion ne peut, en principe, être discuté par
l’adhérant.
Remarquons toutefois qu’il n’est pas toujours facile, dans la pratique, d’opérer une
distinction rigoureuse entre les conditions générales et les contrats d’adhésion.
b) Conditions générales et contrats-types
Les conditions générales doivent être distinguées des contrats-types, c’est-à-dire
des modèles de contrat pré-imprimés, prêts à servir selon les besoins pour éviter d’avoir à
élaborer à chaque fois un nouveau document.
Dans ces modèles de contrat, il est admis que l’utilisation des clauses spécifiques
donne matière à négociation, et très souvent, il existe des clauses différentes, adaptées à
des situations différentes. Par contre, les clauses contenues dans les conditions générales
élaborées par l’une des parties au contrat ou par un groupe des parties (entente) ne sont
pas, en principe, négociables. Cette distinction n’est cependant pas toujours rigoureuse.
Il nous reste à examiner une dernière catégorie moderne, celle qui distingue les
contrats individuels de contrats collectifs.
II. Contrats individuels et contrats collectifs
Cette catégorie met en relief les effets du contrat. Dans la conception classique, les
contrats sont en principe individuels. Ils ne font naître d’obligations qu’à l’égard des
personnes mêmes qui y sont intervenues. Mais le droit moderne connaît de plus en plus, à
côté de ces contrats individuels, des contrats collectifs. Ces contrats sont conclus par deux
ou plusieurs individus mais ils lient une collectivité, ou les membres d’un groupe plus ou
moins important de personnes qui n’y ont pas participé personnellement. Le contrat
collectif de travail ou convention collective et l’assurance collective constituent
d’excellents exemples des contrats collectifs(46).
Ainsi, la convention collective signée à telle date par le représentant des
travailleurs (délégation syndicale) de Marsavco et l’employeur liera toute personne qui
par la suite sera engagé par cette société et sur les domaines qui feront l’objet du contrat.
De même l’assurance collective conclue entre la Sonas et les représentants de l’Utexafrica
à telle date lierait tout employé futur de cette société là.
46 Sur ces questions, consulter Mukadi Bonyi, Droit du travail, Bruxelles CRDS 2008 ; Droit de la sécurité sociale,
Kinshasa, Ntobo, 1995
48
Section 1 : Consentement
Le Code civil congolais, en ses articles 9 à 18, n’aborde que la question des divers
vices qui peuvent infecter le consentement (§2) mais, il y a lieu d’examiner le
consentement en lui-même, son existence, son mode d’expression et le moment de sa
réalisation (§1).
§1. Consentement en lui-même
Une plus grande compréhension de cette notion de consentement en exige
cependant l’examen de divers aspects : de qui doit émaner le consentement ? Dans quelle
mesure le consentement est-il nécessaire et sur quoi doit-il porter ? En quelle forme doit-il
être exprimé ? A quel moment précis le concours de volontés est-il réalisé ?
I. De qui doit émaner le consentement ?
Le consentement doit émaner de toutes les personnes parties au contrat, créancière
comme débitrice. Chacune de ces personnes doit pouvoir manifester sa volonté de
contribuer à la naissance du contrat et d’en accepter les effets.
La rédaction de l’article 8 pourrait faire croire que seule est exigée dans un contrat,
la volonté de la partie qui s’oblige, c’est-à-dire la volonté du débiteur. Nous savons en
réalité, que le contrat ne peut être formé que de l’accord d’au moins deux volontés, celle
du créancier et celle du débiteur. Le contrat, nous le savons aussi, est tout différent d’un
49
acte unilatéral.
Quant au consentement, il réside, comme l’indique son étymologie (cum sentire)
dans l’accord, dans le concours d’au moins deux volontés : celle du débiteur qui s’oblige
et celle du créancier envers lequel il s’oblige. Mais il n’est pas exigé que seule la partie au
contrat y intervienne de façon exclusivement personnelle. La représentation est admise en
matière contractuelle.
Une personne peut, en effet, passer un contrat par l’intermédiaire d’un
représentant, c’est-à-dire d’une personne qui contracte au nom du représenté, en vertu du
pouvoir qu’elle détient soit de la loi, soit d’un accord avec le représenté (le mandat). Nous
reviendrons encore sur cette notion de représentation dans l’étude des effets du contrat à
l’égard des tiers.
Si donc il est possible d’être représenté dans un contrat, peut-il être possible aussi
de passer un contrat avec soi-même ?
Le contrat avec soi-même est possible mais il n’est pas licite dans toutes ses
hypothèses. Il faut supposer que l’individu qui contracte avec lui agit en des qualités
différentes, en fonction d’intérêts juridiquement distincts. Mais la loi interdit
généralement de tels contrats lorsqu’il est présumé que l’individu qui prétend agir ainsi
ne défendra pas de façon égale les deux groupes d’intérêts.
Hypothèses
Deux séries d’hypothèses doivent être distinguées suivant qu’il y a ou non
représentation.
a) Représentation
Dans cette hypothèse, l’individu représente une seule partie ou même les deux
parties : le mandataire chargé de vendre ou le tuteur d’un mineur qui voudrait acquérir le
bien du mandant ou du mineur. Ces individus traitent avec eux-mêmes. Si deux sociétés
veulent contracter et que le même gérant consent au nom des deux, on dira que ce gérant
a contracté avec lui-même. Mr. Gillon, recteur de l’Université, peut contracter avec Mr.
Gillon, Administrateur du Centre de Recherches Nucléaires. Les Holding Onatra (Office
national de transport) regroupant trois sociétés différentes : l’Office de transport et des
ports, l’OTP, l’Office du chantier naval, l’OCN et l’Onatra Holding. Et le groupe Unilever
Congo composé des sociétés Marsavco, Sedec, et Plantations Lever au Congo ont connu la
pratique du contrat avec soi-même, les gérants des sociétés de ces groupes pouvant être
les mêmes personnes. En réalité, dans ces hypothèses, il y a deux parties et deux ordres
d’intérêts différents.
b) Hypothèse de non représentation
C’est le cas lorsqu’une même personne est titulaire de deux patrimoines ou du
moins de deux masses de biens distincts et entend établir une relation juridique entre
elles. C’est par exemple, le cas très rare, d’un héritier qui accepte une succession sous
50
bénéfice d’inventaire, et qui se porte acquéreur des biens de la succession qu’en qualité
d’héritier bénéficiaire et d’administrateur, il la met en vente. On est ainsi à l’extrême
pointe des possibilités offertes par la notion de représentation(47).
Validité de ces contrats avec soi-même
En général, la loi interdit ces contrats ou du moins les soumet à certains contrôles
surtout en cas de représentation (cfr les hypothèses ci-dessus) et ce malgré les avantages
de rapidité et de simplicité qu’ils présentent. Cette prudence de la loi se comprend. Il peut
en effet être dangereux de laisser une seule personne apprécier deux groupes d’intérêts
lorsque l’un des groupes la touche plus personnellement(48). On veut protéger ainsi les
intérêts des personnes absentes, disons mieux, non présentes: le mineur et le mandant.
« Mais, en dehors des prohibitions ou réglementations particulières du contrat
avec soi-même, dès l’instant que celui-ci est analysé comme un contrat et non comme un
acte unilatéral, il doit être considéré comme valable en principe, en vertu de la règle de la
liberté de conventions »(49).
II. Nécessité et portée du consentement
Acte bilatéral, le contrat implique nécessairement la volonté des deux parties. Pour
qu’il y ait contrat, il faut que les deux parties manifestent clairement et librement leur
intention et leur volonté de se lier, leur volonté d’accepter tout le contenu de leur contrat.
Et il faut que tout au cours du contrat, l’accord des deux parties se maintienne. La
prorogation comme la fin du contrat doit de même constamment être acceptée de l’accord
des deux parties. Tout ceci suppose donc que les parties discutent librement de toutes les
clauses du contrat et doivent les accepter au préalable pour que naisse le contrat. Les
parties ne seraient engagées, c’est-à-dire ne se soumettraient à l’application de ces clauses
que si elles décident librement et manifestent clairement leur volonté.
Il y a lieu de noter que si le principe de la libre discussion des clauses du contrat
explique la nécessité du consentement dans la majorité des contrats, il est des exceptions
où la libre discussion est restreinte. C’est notamment les cas connus des contrats
d’adhésion,des contrats types et de certaines atteintes à la liberté même de contracter
telles que les avant-contrats ou promesses de contracter, les promesses de ne pas
contracter, les interdictions légales du refus de contracter et les contrats imposés.
a) Les avant-contrats ou promesses de contracter (la partie qui promet n’est pas
libre, elle doit se réserver pour la personne à laquelle elle a promis de contracter)(50). Cette
promesse de contracter peut être, soit une simple offer, soit une promesse unilatérale ou
une promesse bilatérale.
Et dans ce dernier cas, elle vaut contrat. Il en est ainsi de la promesse réciproque
de vente (art. 270 du Code civil congolais). La première hypothèse, simple offre ou
sollicitation, est celle d’un acte unilatéral, la deuxième hypothèse vise le cas d’un contrat
unilatéral et le troisième cas est un contrat bilatéral.
b) Les promesses de ne pas contracter. Dans cette hypothèse le débiteur s’engage à
ne pas contracter avec une personne. C’est ce qui se passe dans un Contrat d’exclusivité.
c) Les interdictions légales du refus de contracter(51).
De quoi s’agit-il ? Dans certains pays, la loi interdit à un membre d’une profession
ayant monopole, tel un notaire, ou un pharmacien de refuser de passer un contrat avec un
client. La loi punit parfois aussi un commerçant qui refuse de satisfaire dans la mesure de
ses disponibilités, aux demandes de ses clients.
d) Les contrats imposés (52). C’est l’exemple de prorogation du bail par la loi, du
contrat d’assurance obligatoire.
III. Forme du consentement
Après une longue période de formalisme(53), l’on peut dire que la matière des
contrats est dominée aujourd’hui par le principe du consensualisme. C’est dire qu’en
règle générale, le contrat naît, sauf lorsqu’il est solennel ou réel, dès qu’il y a accord des
volontés, dès qu’il y a consensus. D’où ce fameux adage combien éloquent « solus
consensus obligat ». Le seul consentement des parties est suffisant pour faire naître une
obligation.
Et sauf pour les contrats solennels, le consentement peut prendre n’importe quelle
forme : un geste, une parole, un écrit. Mais l’écrit n’est nullement exigé. Ceci est
extrêmement important dans nos sociétés africaines où les analphabètes sont encore
nombreux. Il nous appartient de déterminer de lege ferenda les différentes formes de
consentement.
Mais en attendant que notre futur droit se prononce, l’on peut affirmer que le droit
civil actuel est dominé par le principe de la consensualité. Seulement, s’il est vrai que le
consentement suffit pour qu’il y ait contrat sans exigence de quelque forme particulière, il
faut tout au moins que ce consentement soit exprimé. Et à cet égard, il convient de
discerner deux éléments dans le consentement : d’une part, un élément interne ; la
conscience des éléments du contrat envisagé et l’intention, la volonté de le réaliser, et
d’autre part un élément externe ; la manifestation extérieure de l’intention de contracter,
l’expression de la volonté.
Il est important de discerner ces deux éléments du consensus car ils peuvent être
contradictoires. Dans ce cas, quelle sera la solution à suivre ?
51 Miteo Nkashama Dibwe, Les interdictions légales du refus de contracter, dissertation, Unikin, 1979.
52 Développement in Marty (G), & Raynaud (P), op. cit., n ° 118.
53 Ourliac (P) et Malafosse, Histoire du droit privé, I, Les obligations, Paris, PUF, 1961, pp. 18 et s.
52
2. Formes de publicité
Elles sont exigées pour que les effets de certains contrats soient opposables aux
tiers ou à certains tiers. C’est le cas de la publicité foncière au Congo depuis la
modification de la loi portant régime général des biens, régime foncier etc. Cette loi exige
une publicité pendant deux ans du changement du titulaire du certificat d’enregistrement
afin que ce dernier sorte ses effets à l’égard des tiers. Le droit français organise aussi la
publicité foncière en matière de contrats portant sur immeubles. Le non accomplissement
de la formalité n’empêche pas le contrat d’être valable entre parties. Il est bon de relever
aussi la publicité préalable qui était organisée en droit congolais en matière d’immeubles
abandonnés.
3. Formes probantes
Il s’agit ici des formalités accomplies par les parties si elles veulent se ménager la
preuve de leur contrat. Il faut, selon l’article 217 du Code civil, un écrit pour toute
convention portant sur une somme supérieure à 2.000FC. Si on n’accomplit pas cette
formalité, le contrat reste valable, mais les parties encourent une difficulté de preuve. Car
la preuve, par témoins et présomptions n’est pas admise en cette hypothèse.
IV. Réalisation du concours des volontés
Le contrat, avons-nous dit, supposait un accord de volontés. La question que nous
examinons ici est celle de savoir à quel moment précisément se réalise ce concours des
volontés. Deux situations sont possibles à cet égard.
a) Lorsque la conclusion du contrat se fait en un seul trait de temps, il n’y a aucun
problème. Le concours des volontés se réalisera alors au moment même de cette
conclusion du contrat et à ce lieu là. C’est le cas ordinaire des contrats conclus par
téléphone entre les deux parties intéressées. Dans ces conditions, le concours des
volontés est instantané sauf en ce qui concerne le lieu. L’apparition dans le
commerce juridique du télex et le téléfax conduiront à une solution semblable à
celle du téléphone. Mais des règles particulières devraient être adaptées au contrat
sur Internet avec le phénomène de la mondialisation.
b) Mais la situation change lorsque la manifestation des volontés doit se faire en
deux ou plusieurs phases : l’une des parties faisant une offre (ou pollicitation),
l’autre partie devant accepter cette offre. C’est le cas des contrats par
correspondances ou entre personnes non présentes ou entre personnes éloignées.
L’offrant par exemple est un commerçant de Kinshasa et, l’acceptant, un
commerçant de Lubumbashi.
A B
Kinshasa Lubumbashi
Offrant Acceptant
c) La question dans ces conditions revient alors à savoir à quel moment et à quel lieu
54
l’on devra considérer la rencontre, le concours des deux volontés comme réalisé.
Si en pratique, ce concours des deux volontés est précédé de nombreux
pourparlers aboutissant à de nombreuses offres en partie acceptées et en partie rejetées,
l’on peut affirmer d’une façon schématique que ce concours se réalise lorsque l’offre ou
pollicitation est acceptée. Voyons donc ces deux étapes ainsi que les questions pratiques
qu’elles posent.
L’offre ou pollicitation
1. Notion
L’offre ou pollicitation est une proposition de contracter à certaines conditions,
adressées à une personne déterminée ou à des personnes indéterminées (offre au public
par annonce, affiche). Dans ce cas, l’offre est expresse. Mais l’offre peut être aussi tacite.
C’est le cas pour le commerçant qui place à l’étalage un objet avec un prix ou du
conducteur de taxi qui cherche ou attend la clientèle, son signal taxi bien exposé.
2. Caractères de l’offre
L’offre au sens juridique du terme, doit être, à la différence d’une simple
proposition de pourparlers, ferme, non équivoque, précise et complète.
a) Ferme
L’offrant ou le pollicitant doit exprimer une volonté bien nette de conclure le
contrat si son offre est acceptée. Cette détermination de conclure le contrat dans le chef de
l’offrant différenciera ainsi l’offre au sens juridique, d’une proposition qui tend
seulement à engager des pourparlers. Une offre sans engagement n’est pas non plus une
offre au sens juridique. Il est donc exigé autre chose qu’une déclaration d’intention.
b) Non équivoque
L’offre doit être exempte de quelque doute. Il est évident que les marchandises
exposées avec prix dans un magasin font l’objet d’une offre non équivoque au public :
elle est simplement tacite. En cas de contestation, la détermination du caractère non
équivoque sera laissée à l’appréciation du juge(54).
c) Précise et complète
L’offre doit pouvoir contenir tous les éléments du contrat à conclure de façon à ce
que l’acceptant agisse en connaissance de cause. Par exemple : en cas d’offre de vente, le
pollicitant doit indiquer le prix et la chose à vendre de façon bien déterminée.
Il n’est pas toujours exigé que l’offre soit adressée à une personne déterminée ;
l’offre au public (étalage au magasin, affiches) est également admise. Dans un contrat
intuitu personae, la détermination de la catégorie des personnes susceptibles d’accepter
54 Des cas où on a dû discuter l’intention du vendeur quant à une robe exposée à l’étalage (vitrine), Trib. Com. Seine,
28 mai 1921, D. 1923. 2.152 ; A. Robert, Une source mineure de droit civil : les affiches et écriteaux, JCP 1958, I.
1458.
55
territoriale).
Les solutions proposées pour résoudre cette question restent jusqu’à ce jour
controversées en doctrine comme en jurisprudence. Les uns prétendent que le contrat se
forme lorsque l’acceptation est émise (c’est le système de l’émission), les autres, qu’il n’est
conclu qu’au moment où l’acceptation a été portée à la connaissance de l’offrant, (c’est le
système de la réception ou de l’information).
A ces deux systèmes principaux qui sont d’ailleurs susceptibles de variantes que
nous examinerons bientôt, s’ajoute une troisième position doctrinale selon laquelle la
solution ne peut être recherchée que dans l’intention des parties. Voyons tour à tour
chacun de ces systèmes.
1. Système de l’émission
Selon le système de l’émission, le contrat se formerait au moment et au lieu où
l’acceptation est émise. Plusieurs variantes accompagnent ce système : la déclaration et
l’expédition.
Il faudrait avoir en tête pour mieux comprendre ce système l’exemple du
commerçant A de Kinshasa qui fait une offre au commerçant B de Lubumbashi.
OFFRANT DESTINATAIRE-ACCEPTANT
A B
Kinshasa Lubumbashi
Certains, c’est les moins exigeants, affirment que l’acceptation a lieu au moment où
l’acceptant (le destinataire) déclare vouloir accepter. C’est le système dit de déclaration.
Ainsi, le contrat par correspondance serait conclu au moment où l’acceptant signe sa lettre
d’acceptation.
Les tenants de ce système de la déclaration ont invoqué pour le fonder, les articles
du Code relatifs à la stipulation pour autrui (art. 21 du Code civil, livre III) et au mandat
(art. 527 al.2).
L’article 21 du Code civil décide que la stipulation pour autrui produit effet à
l’égard du tiers bénéficiaire lorsque celui-ci a déclaré vouloir en profiter, sans exiger que
sa déclaration soit portée à la connaissance du promettant. L’article 527, alinéa 2 quant à
lui admet que l’acceptation du mandat peut être tacite et n’être pas connu du mandat.
On ajoute à l’appui de cette thèse que l’accord doit être considéré comme réalisé
lorsque la volonté du destinataire concorde avec celle de l’offrant (coexistence des
volontés et non concours); que c’est du reste l’intérêt de tous que le contrat soit définitif le
plus tôt possible.
Cette théorie de la déclaration a été critiquée. On a estimé en effet qu’elle laissait
trop dépendre la formation du contrat du bon vouloir du destinataire de l’offre qui pourra
à son gré expédier sa lettre d’acceptation, en retarder l ‘envoi ou la détruire. La preuve de
57
la déclaration peut par ailleurs être difficile. D’où la proposition de certains de fixer le
moment de la formation du contrat à celui où l’acceptant se dessaisit de son acceptation et
ne peut plus revenir sur elle, par exemple en mettant une lettre à la poste ou en expédiant
un télégramme pour l’adresser à l’offrant. C’est le système de l’expédition (60).
Mais malgré ses avantages sur la première, cette dernière théorie ne manque pas
d’inconvénients. L’acceptant peut en effet, toujours dans ce système, revenir sur sa
décision en atteignant l’offrant par un procédé plus rapide que sa lettre ou son
télégramme et paralyser ainsi l’effet de la première acceptation. Il peut par exemple
envoyer un télégramme au lieu d’une lettre, un télex au lieu d’un télégramme. Les
moyens de communication aujourd’hui évoluent très vite : c’est le cas du téléphone et de
l’internet.
2. Système de la réception
Selon ce système, le contrat n’est formé qu’au moment et au lieu où l’offrant a eu
connaissance de l’acceptation de son offre.
A B
Kinshasa Lubumbashi
Certains, des plus exigeants, ont affirmé que l’offrant doit personnellement et de
façon directe, réceptionner l’acceptation, être matériellement informé de cette acceptation
en lisant par exemple la lettre par laquelle l’acceptant marque son accord (c’est le système
dit de l’information).
Mais pour contourner les difficultés de preuve (savoir que l’offrant a effectivement
lu la lettre d’acceptation et le moment précis où il l’a fait), l’on a assorti le système de la
réception d’un correctif qui en facilite la mise en oeuvre : le contrat, dira-t-on alors, est
formé dès l’instant que l’acceptation arrive chez l’offrant et celui-ci est présumé en avoir
eu connaissance aussitôt; en ce moment l’acceptant est désormais dans l’impossibilité de
revenir sur sa décision; c’est le système de la réception proprement dit.
Fondement du système
Ce système de la réception se fonde également sur l’article 932 du Code civil
français et chez-nous, l’article 875 du Code de la famille, aux termes desquels la donation
n’a d’effet à l’égard du donateur qu’autant que l’acceptation du donataire lui a été
notifiée.
Au surplus, ce système soutient que le contrat ne peut résulter de la coexistence
des deux volontés (comme c’est le cas de l’émission), mais de leur concours.
3. Troisième tendance
Une troisième tendance, avons-nous dit, considère que la solution ne peut être
recherchée que dans l’intention des parties ou à défaut dans la nature des contrats. Ainsi,
les commandes avec ordre du délai d’acceptation exigent quant à elles acceptation.
Jurisprudence
La jurisprudence française est restée controversée quant au critère à retenir (61).
L’on peut néanmoins dégager de cette jurisprudence française qu’en ce qui concerne la
détermination de la compétence territoriale du tribunal, l’on se réfère au lieu où
l’acceptation est émise tandis que le moment de formation du contrat qui est retenu est
celui de réception de l’acceptation(62).
La jurisprudence belge quant à elle semble donner préférence au système de la
réception pour déterminer le lieu et le moment de la formation du contrat(63). Notre
jurisprudence semble s’orienter vers le système de la réception. C’est ainsi qu’il a été jugé
notamment que:
1°. une lettre modifiant une polictation envoyée télégraphiquement ne peut avoir cet
effet que si elle parvient au destinataire avant l’arrivée chez le pollicitant de
l’acceptation du destinataire au télégramme (64);
2°. dès le moment où dans une convention conclue par correspondance l’acceptation
sans réserve parvient au pollicitant, l’accord est conclu définitivement et la
notification ultérieure à celui-ci que la convention ne peut être conclue est
inopérante(65);
3°. quelque soit l’avancement des pourparlers poursuivis entre parties, un contrat
n’est définitivement formé que lorsque l’acceptant a par lui-même ou par un
mandataire qualifié, porté son consentement à la connaissance du pollicitant(66);
Lorsqu’après les pourparlers au sujet d’une collaboration entre services, il résulte
des correspondances échangées(67) entre les parties que l’appelant et l’intimé ont accepté
chacune leur coopération, il y a accord de volonté formant un contrat au sens de l’art 1er
du Code Civil, Livre III, surtout si ce contrat a reçu son exécution partielle pendant un
certain temps(68).
Appréciation
Nous pensons personnellement qu’il faut se référer à l’intention des parties, aux
circonstances et à la nature du contrat. A défaut de découvrir cette intention des parties,
nous soutenons, contrairement à certains auteurs, le système de la réception. C’est celui
qui, lorsque les deux parties sont éloignées, garantit le concours de leurs volontés.
61 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 323 et Marty (G), op. cit., n° 110.
62 Marty (G) idem et Julliot de la Morandière, idem.
63 Répertoire pratique du droit belge, V° Contrat n° 200 et s. ; Gand, 21 novembre 1921, Pas., 1922, II, 61
64 Léo, 29 septembre 1925, Jur. Col. 1929, p. 84.
65 Léo, 14 mai 1929, Jur. Col. 1930 – 1931, p. 146.
66 Sentence arbitrale, 22 janvier 1932, Jur. Col. 1932 – 1933, p. 23.
67 L’shi, 18 janvier 1974, RJZ, 1974, p. 246.
68 Contra Marty (G) & Raynaud (P), op. cit., n° 111.
59
On suppose ici que les deux parties n’ont pas en vue le même contrat. Ainsi par
exemple, l’une des parties croit acheter à tempérament alors qu’en réalité il s’agit pour
l’autre d’un simple bail; l’une des parties croit qu’il s’agit d’une donation alors que l’autre
pense à une vente à crédit ou à une vente simple voire à un prêt, l’une des parties pense à
un prêt, l’autre à une location. De telles hypothèses sont rares en jurisprudence, même
chez nous.
Sanction
Logiquement, il faut dire qu’il y a absence totale de consentement entraînant donc
une nullité absolue. Mais il faut bien noter qu’une tendance récente se fait jour dans la
jurisprudence française suivant laquelle le défaut de consentement devrait être traité
comme un simple vice sanctionné par la nullité relative. L’erreur sur la nature du contrat
notamment est considérée par la jurisprudence française comme une erreur sur la
substance dont la sanction, on le verra, est la nullité relative(73).
La jurisprudence congolaise est tellement rare à ce sujet que nous ne pouvons pas
encore parler en ce moment de son orientation sur la question débattue.
2. Erreur sur l’identité de l’objet (error in corpore) du contrat
Il s’agit d’un malentendu à la suite duquel chaque partie a en vue une chose
différente. Ex : Un client a cru acquérir tel objet, par exemple une maison située à Binza
dans un quartier résidentiel, alors que le vendeur, lui, avait en vue l’une de ses bicoques
de Kimbanseke ou de Ngaba. Le client pensait acquérir l’une des quatre Mercedes du
vendeur alors que celui-ci avait en vue d’une de ses vielles Mazda. Cette hypothèse
appelle les mêmes observations que la précédente.
3. Erreur sur la cause du contrat(74)
L’article 30 du Code civil a affirmé qu’en cas d’erreur sur la cause, le contrat n’aura
aucun effet. La sanction est donc la nullité absolue. Mais l’influence de la jurisprudence a
été très marquante. Alors que certains auteurs, à l’appui du code, affirment que l’erreur
sur la cause du contrat devrait entraîner en réalité une absence de consentement et partant
la nullité absolue, voire l’inexistence du contrat(75), la jurisprudence française suivie par
une certaine doctrine a fait remarquer que les erreurs, vices de consentement, étaient en
réalité des erreurs sur la cause et que partant, leurs sanctions devraient être la nullité
relative.
Le premier argument de cette tendance est que la nullité relative est une sanction
protectrice(76), car il y avait pratiquement intérêt à réserver l’action aux parties victimes de
73 Marty (G) & Raynaud (P), op. cit.,n° 95, p. 119 et 126.
74 Ghestin (J), op. cit., n°s 23 et s., 52 et s.
75 Il faut préferer, nous l’avons déjà dit, la notion de nullité absolue, cfr. Julliot de la Morandière, op. cit, n° 126.
76 Marty (G) & Raynaud (P), op. cit.,n° 126.
61
77 Julliot de la Morandière, op. cit. n° 326 in fine ; Planiol (M) et Ripert (G), T VI par Esmein, n° 175 ; Marty (G) &
Raynaud (P), op. cit., n° 126, p. 118.
78 Certains arrêts tout en consacrant la nullité relative se sont efforcés de rattacher l’erreur sur la cause à l’erreur sur la
substance ; cfr. Note 1 in Marty (G) & Raynaud (P), op. cit., n° 126, p. 119.
62
nullité relative du contrat lorsqu’elle porte sur la substance de la chose qui en est l’objet et
sur la personne en cas de contrat intuitu personae. Il faut encore ajouter à ces deux
catégories, l’erreur de droit.
1. Erreur sur la substance de la chose
C’est l’article 10, alinéa 1er du Code civil congolais qui prévoit cette erreur.
L’expression « substance » a donné lieu à de fortes controverses.
Suivant une conception ancienne, certains auteurs considéraient que l’erreur sur la
substance ne pouvait être que l’erreur sur les éléments entrant dans la composition
physique de cette chose.C’est la thèse dite objective. Constituent des exemples d’erreur
sur la substance, le fait d’acheter un pot de bois alors que l’on croyait qu’il était en argile
et le fait d’acheter un couvert qu’on croyait en argent, alors qu’il était en cuir argenté.
Mais à l’heure actuelle, cette conception objective est abandonnée. La
jurisprudence entend aujourd’hui par « erreur sur la substance de la chose », l’erreur qui
tombe sur la qualité de la chose que la partie a eu principalement en vue, en d’autres
termes, la qualité dont l’existence supposée, a été déterminante de son consentement, celle
sans laquelle elle n’aurait pas contracté(79).
Comme on le voit, la jurisprudence moderne introduit un élément subjectif dans la
conception de l’erreur sur la substance de la chose. Les qualités substantielles ne sont
donc plus liées exclusivement à la conception physique et préétablie de la chose, elles
dépendent dans chaque espèce d’une recherche d’intention et varient suivant les
circonstances.
Ainsi, l’on pourra dire qu’il y a erreur sur la substance de la chose, lorsque :
1°. j’achète tel mobilier croyant qu’il est de telle époque, alors qu’il n’en est rien;
2°. j’achète telle œuvre croyant qu’elle est réalisée par tel artiste (Picasso, Kalumba,
Liyolo, etc.) alors qu’elle est de tel autre;
3°. j’achète une poupée croyant qu’elle provient du Japon alors qu’elle a été réalisée
par imitation ici à Kinshasa;
4°. j’achète telle voiture croyant qu’elle date de telle période célèbre alors qu’elle est
récente;
5°. j’achète tel chapelet croyant qu’il contenait de l’eau de Lourdes alors qu’il est
une vulgaire imitation;
6°. j’achète tel ballot de wax croyant qu’il provient de Hollande alors qu’il a été
fabriqué par Lilena ou CPA ou par les mamans moziki de Ndjili Brasserie.
L’époque, le lieu de provenance de la chose, l’artiste qui l’a réalisée sont autant de
79 C’est la formule consacrée par Pothier, Les obligations n° 12. Voir aussi Cass. B. 8 mai 1905, Pas. 1905, I, 314 ;
Cass. fr. 28 janvier 1913, s. 1913, I, 487 ; Julliot de la Morandière, op. cit. n° 328 in fine, Marty (G) & Raynaud (P),
op. cit., n° 123 et s.
63
qualités qui pouvaient déterminer le choix d’une partie. Et une erreur à leur sujet
constitue une erreur sur la substance de la chose.
2. Erreur sur la personne
er
Suivant l’alinéa 1 de l’article 10 du Code civil, l’erreur sur la personne n’est cause
de nullité du contrat que lorsque la considération de la personne était déterminante pour
s’engager. L’on dira d’une façon générale, que l’erreur sur la personne entraîne une
nullité en cas de contrat intuitu personae.
Si la considération de la personne est facile à relever dans certains contrats de
bienfaisance, les sociétés de personnes (sociétés en commandite simple ou en nom
collectif, voire les sociétés privées à responsabilité limitée), elle peut s’avérer déterminante
dans certains autres contrats. Et il appartient à ce propos au juge d’en apprécier
l’importance. Dans certains contrats de bail, par exemple la considération de la personne
peut être déterminante.
Ainsi, si le bailleur n’entend louer sa maison qu’à un couple, il peut demander
l’annulation d’un contrat qu’il passerait avec un faux ménage qui aurait trompé sa
vigilance (80).
Dans certains pays, la location des maisons à certains hommes dits de couleur est
difficile, de sorte qu’au téléphone on peut faire croire au bailleur qu’on n’est pas homme
de couleur et obtenir le bail. Dans ce cas aussi, le bailleur peut demander et obtenir
annulation du contrat pour erreur sur la personne.
De même qu’en matière d’erreur sur la personne, la partie actionnée en nullité doit
avoir connu ou dû connaître l’importance attachée à son co-contractant à la considération
de l’identité ou des qualités de la personne.
3. Erreur de droit
En plus de l’erreur sur la substance de la chose et de l’erreur sur la personne
prévues par l’article 10 du Code civil congolais et qui constituent des erreurs de fait, la
doctrine a prévu également une troisième erreur qui vicie le consentement. Il s’agit de
l’erreur de droit. L’erreur de droit est celle qui consiste dans le fait d’ignorer une
prescription légale. Elle peut porter sur l’existence, la nature ou l’étendue des droits
faisant l’objet du contrat. Quelques exemples :
- un héritier cédant à vil prix ses droits successifs parce qu’il se trompe sur
l’étendue de la part héréditaire que la loi lui attribue. C’est le cas lorsqu’il croyait
à tort que ses droits successifs n’étaient que des droits de nue-propriété;
- acheter un terrain à construire dans l’ignorance d’un arrêté ministériel grevant la
zone d’une servitude non aedificandi.
L’erreur de droit peut porter aussi sur une règle juridique qui avait constitué un
81 Decottignies (R), L’erreur de droit, RTDC. 1951, pp. 309 et s. ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit.,n° 128.
82 Marty (G) & Raynaud (P), Op. cit.,n° 129 et s.
83 Maury, Etudes à la mémoire de Capitant, pp. 498 à 502 ; Ripert et Boulanger, Traité de droit civil, II, n°s 168 et 169.
84 De Page (H), Traité élementaire de droit civil belge, I, n° 43 et 46 ; Cass. b., 6 janvier 1944, Pas. I, p. 133.
65
85 Colin (A) et Capitant (H), op. cit., tome II, n° 60 ; Demogue (R), op. cit.,tome I, n° 237.
86 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 332.
87 Idem
88 En ce sens Julliot de la Morandière (L), op. cit. n° 333.
89 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n° 133.
66
machinations ou des actes combinés, par exemple, emploi de fausses pièces ou de faux
témoins(90).
Le dol civil est en réalité une fraude plus large. Il peut consister suivant les
circonstances en vraies manœuvres frauduleuses telles que nous venons de les décrire
(dol pénal, escroquerie, usage de faux noms, de faux documents pour persuader l’autre
partie de contracter) ou en mensonges (ou allégations mensongères) présentant une
certaine gravité.
Il convient de noter à cet égard que vanter sa marchandise de façon excessive n’est
pas un dol. « Achetez savon Lux - savon des vedettes ». C’est une simple réclame. Et tous
les commerçants le font. Mais aller jusqu’à lui attribuer une qualité fausse mais que le
contractant considère comme particulièrement importante devient un dol civil. Ceci
dépasse les limites de la réclame et devient une réclame mensongère.
Si on prétend que ce savon-là vous transformera la peau en une semaine pour
devenir une « blanche », l’on va plus loin qu’une réclame.
Une simple réticence, c’est-à-dire le fait de dissimuler certains faits que l’on est tenu
par le contrat de déclarer ou de garder le silence sur un point où l’on avait le devoir de
renseigner son partenaire (91). Par exemple : Ne pas signaler les vices.
Tout silence n’est pas dolosif. Il faut, pour l’être, qu’il soit condamnable. Et il
appartient au juge d’apprécier les cas suivant les circonstances et la nature des contrats.
On dira par exemple qu’il y a dol lorsqu’une personne omet sciemment dans un contrat
d’assurance, de faire les déclarations prescrites par la police(92).
2° Rapport du dol et de l’erreur
Le dol et l’erreur sont des vices du consentement qui ne se confondent pas. Le dol
ne se présume pas. Il doit être prouvé par celui qui l’invoque (art. 17). Sa preuve est plus
facile que celle de l’erreur car il consiste à des manoeuvres frauduleuses.
Toute erreur n’entraîne pas une nullité. Exemple : erreur sur les motifs et sur la
valeur de l’objet. Mais toute erreur résultant d’un dol entraîne toujours une nullité.
Le dol constitue une faute de la part de celui qui l’a commise. La victime obligée
de demander l’annulation du contrat pourra réclamer, en outre des dommages-intérêts,
sur base de l’article 258 du Code civil congolais, la victime peut obtenir réparation même
en cas de dol incident (qui lui ne donnerait pas lieu à l’annulation du contrat).
93 Le dol étant un délit, la doctrine pense que même lorsqu’il provient d’un tiers, il devrait entraîner la nullité.
94 Critique de cette explication in Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n° 136, p. 129. Pour Marty, la solution de l’article 16
est peu en harmonie avec l’idée de vice du consentement, mais s’accorde mieux avec l’aspect délictuel de la théorie
du dol.
95 Ce n’est pas la seule sanction. Le dol peut donner lieu également à des dommages-intérêts. Même quand sa preuve
est difficile et que partant l’annulation est difficile, l’allocation des dommages-intérêts reste possible sur base de
l’article 258 (Le dol a un caractère délictuel en plus de sa qualité de vice de consentement). N.B. Il a un caractère
dualiste.
96 S’agissant d’unfait, il peut être établi par tous les moyens, y compris les présomptions.
68
D’après les articles 12 et 13 du Code civil congolais, la violence est le fait d’inspirer
à une personne la crainte d’un mal pour elle ou pour un de ses proches. Il faut bien noter
que le consentement a lieu, mais il a lieu à la suite d’une coercition « Coactus voluit sed
voluit », c’est un consentement forcé.
Examinons de plus près les éléments de cette notion (1) et comparons-les à une
notion déjà examinée, le dol (2).
1. Eléments constitutifs de la violence
La violence peut consister non seulement en la crainte d’un mal physique
(menaces, sévices, tortures), mais également en la crainte d’un mal d’ordre moral ou
d’ordre pécuniaire. La violence physique n’exige aucun commentaire particulier. Il s’agit
des voies de fait ou des menaces sur la personne de l’une des parties au contrat. La
violence morale quant à elle est celle qui résulte de la menace d’un mal qui sera infligé à
un de ses proches, si l’on n’accepte pas soi-même à contracter. Elle peut viser également le
contractant lui-même en ce qui concerne sa réputation, son honneur.
Le mal dont on menace le proche peut être physique (menace de mort, privation
de la liberté), moral (porter atteinte à sa réputation, à son honneur) ou pécuniaire ou
matérielle. C’est l’hypothèse du chantage. Du genre « si tu ne me donnes pas 2.000.000 Fc,
je tuerai ton bébé ».
La violence matérielle, par opposition à la violence physique ou corporelle, vise un
mal qui porte atteinte à ses biens matériels, à sa fortune (dynamiter son usine ou ses biens
...). Le mal dont on est menacé peut être présent ou futur. Comme on le voit, la violence a
toujours un effet psychologique.
2. Violence et dol
Le dol et la violence sont des vices de consentement très différents. Alors que le
dol, pour entraîner la nullité du contrat, doit être provoqué par l’une des parties
seulement ; la violence, quant à elle, entraîne la nullité du contrat, même lorsqu’elle
provient d’un tiers au contrat. Le droit positif est ainsi à juste titre plus sévère à l’égard de
la violence car le trouble causé par la violence est plus dangereux pour la société que celui
causé par le dol à l’une des parties.
Conditions d’annulation du contrat pour violence
Pour qu’un contrat puisse être annulé pour violence, il faut que la violence ait une
certaine gravité, d’une part, et d’autre part qu’elle soit injuste.
1. La violence doit avoir une certaine gravité
Elle doit, dit l’article 12, alinéa 1er « être de nature à faire impression sur une
personne raisonnable ». L’on vise, en réalité par là non pas la capacité de résistance de
l’homme raisonnable, mais l’efficacité de la menace telle que l’apprécie l’homme
raisonnable. Il est vrai par exemple que menacer de tuer à l’aide d’un papier ou d’un
bâton n’est pas raisonnablement une menace sérieuse.
69
En fait, la gravité exigée n’est pas aussi d’extrême absolue que ne semble le dire
l’al. 1 de l’art. 12. L’al. 2 de cet article tempère en effet cette exigence de l’art. 12 al. 1 qui se
réfère au critère abstrait de l’homme raisonnable, puisqu’il (al. 2 de l’art. 12) dispose qu’on
a égard, en cette matière, à l’âge, au sexe et à la condition des personnes ».
C’est dire que l’appréciation de la violence est en définitive subjective et varie
suivant la personne qui en est victime. La jurisprudence se fonde davantage d’ailleurs sur
l’al. 2 de l’art. 12 plutôt que sur le premier. Exemples : Il est évident que lorsqu’un garçon
de 10 ans oblige un adulte à contracter sous la menace d’une violence physique, cette
prétendue victime ne sera pas fondée à invoquer le vice de violence. Le contraire est
fondé. D’autre part, la menace de vous jeter un sort dans notre société, peut constituer une
menace morale des plus importantes car la crédulité des gens n’est pas négligeable en ce
domaine. Le juge aura dans ce cas à apprécier suivant la personnalité de chacun
(intellectuel, villageois ou pas).
Une autre observation doit être faite à propos de cet article 12. Lorsque ce dernier
porte que « le mal doit être considérable et présent », cela ne veut pas dire que le mal
futur ou conditionnel ne peut faire l’objet d’une violence. Ce que le code veut mettre en
relief, c’est le fait que la violence doit être déterminante au moment du consentement (97).
Il n’est pas nécessaire, au surplus, que la menace soit dirigée personnellement
contre celui que l’on veut contraindre. Nous l’avons dit et l’art. 13 le confirme, « la
violence est une cause de nullité du contrat, non seulement lorsqu’elle a été exercée sur la
partie contractante, mais encore lorsqu’elle l’a été sur son époux ou sur son épouse, sur les
ascendants ou les descendants ». On a beaucoup discuté sur le point de savoir si la liste
des personnes énumérées à l’art. 13 était exhaustive ou pas. La réponse de la doctrine
moderne que nous soutenons est que la liste de l’art. 13 n’est qu’indicative. Souple, cette
réponse « laisse au juge le pouvoir d’apprécier le caractère déterminant d’une menace
dirigée contre un proche du contractant, que ce proche figure ou non sur la liste légale (98).
Cette position de la doctrine coïncide fort heureusement avec notre conception
élargie de la famille. La menace portant sur un membre de la famille congolaise ou
africaine élargie peut donc donner lieu à l’annulation d’un contrat pour violence. La seule
question qu’il y a lieu de se poser chez nous comme en occident, lorsque la menace est
dirigée contre un tiers, est de savoir si cette menace a pu avoir un effet déterminant sur la
volonté du contractant.
Exemple : Il appartiendra au juge de voir, suivant le cas, si des menaces sur une
fiancée, un noko, une tante, un collatéral frère, soeur, cousin, neveu, beau-frère ... seront
prises en considération ou pas. Que se passerait-il en ce qui concerne la concubine ?
De qui doit émaner la violence ? Aux termes de l’art 11, il importe peu que la
violence ait été exercée par un contractant ou par un tiers. C’est là, nous l’avons dit, une
différence fondamentale entre le dol et la violence(99).
Enfin, avant de voir la deuxième condition d’annulation de contrat pour violence,
il convient de terminer l’examen du caractère déterminant de la violence en examinant la
violence résultant des circonstances extérieures. De quoi s’agit-il ?
C’est l’hypothèse connue sous le nom d’état de nécessité. Dans cette hypothèse, un
individu profite des circonstances extérieures généralement périlleuses qui pèsent sur la
volonté d’une autre personne pour conclure avec celle-ci un contrat. Exemple : C’est
généralement le cas d’un individu qui conditionne le sauvetage d’un autre à la promesse
par la personne en détresse d’une somme d’argent excessive ou pas; vous êtes en train de
sauver une personne attaquée par des brigands dans la voiture qui le sauve et que vous
pilotez, vous obtenez de lui, de vous remettre une forte somme.
On voit, par ces exemples, que la violence n’est pas exercée par la partie qui
obtient le contrat en sa faveur; cette violence provient des circonstances extérieures. De
cette façon, il est difficile, à première vue, comme dispose l’article 9 du Code civil
congolais, de dire que le contrat a été « extorqué » par la violence. La formule de l’article 9
suppose, semble-t-il, une violence pratiquée en vue du contrat dont il s’agit.
Or, dans l’hypothèse examinée, la violence n’est pas pratiquée par la personne qui
obtient le contrat. Cette dernière personne ne fait que profiter de la violence qui s’exerce
sur l’autre pour l’amener à contracter avec elle.
Solutions juridiques
Les solutions juridiques à cette question (validité du contrat) ont été controversées
en doctrine comme en jurisprudence(100). Certains ont tenté de justifier l’annulation du
contrat en invoquant l’absence de consentement ou l’illicéité(101), quitte à accorder à
l’autre une juste rémunération sur le fondement de la gestion d’affaires ou de
l’enrichissement sans cause. Cette justification ne nous paraît fondée sur aucun texte de
loi et repose plutôt sur l’équité dont on peut discuter.
D’autres auteurs invoquent, par contre, la violence résultant de l’exploitation de
l’état de nécessité. Esmein explique mieux cette tendance en écrivant que « le
consentement est bien extorqué alors même que le péril provient d’événements extérieurs,
si le bénéficiaire de la promesse ou un tiers exerce une pression pour l’obtenir par là,
l’impose en abusant de la situation »(102).
La jurisprudence reste également divisée(103). Mais on peut dire que le plus
99 Certains auteurs comme Marty et Raynaud estiment que le dol devrait aussi entraîner la nullité même s’il provient
d’un tiers car en fait le dol est plus lié au délit qu’au vice de consentement, op. cit., n°144
100 Voir développement in Marty (G) et Raynaud (P), op .cit., n°145 d.
101 Voir Graulich (P), cité par Vigneron ( R), cours polycopié au n°46
102 Esmein in Planiol (M) et Ripert (G), op. cit., T. VI n° 195 ; De Page (H),op. cit., T. I. n°62
103 Pour la France, par exemple :
71
a) Pour l’annulation, Trib. civ., Seine, 12 mars 1945, Gaz. Pal. 28-30/3/1945, RTDC 1945, p. 108, observations
de N. Boitard
b) Contre l’annulation ; Trib. civ. Metz, 4 juillet 1946, Gaz. Pal. 1947, I. 34, Colmar, 12 juillet 1946, S. 1946,
2.124 ; Gaz. Pal. 1947. 90 ; Trib. civ. Saumur, 5 juin 1947, Gaz, Pal. 1947. 2 .59 ; Trib. Civ. Seine, 7 mai 1954,
D. 1954, Som. 69.
104 Voir en droit belge l’article 262, LII, code de commerce et loi belge du 14 septembre 1911. En droit français, l’article
7 de la loi du 29 avril 1916 sur l’assistance en mer qui permet de réduire l’indemnité exigée par le navire sauveteur.
105 Voir en droit belge, l’article 262 LII du code de commerce et loi belge du 14 septembre 1911. En droit français,
l’article 7 de la loi du 29 avril 1916 sur l’assistance en mer qui permet de réduire l’indemnité exigée par le navire
sauveteur.
106 Codes Piron, T. III, p. 974 et BO 1923, p. 1070. Il s’agit de la convention internationale pour l’unification de certaines
règles en matières d’abordage ainsi qu’en matière d’assistance et de sauvetage maritime, signée à Bruxelles et
approuvée par la loi du 14 septembre 1911, BO 1913, p. 184. Le texte a été admis après l’indépendance. Voir OL n°
67/174 du 6 avril 1967 in MC 1967, p. 193.
72
En réalité, sur l’ensemble de cette question, c’est surtout les principes généraux du
droit belge et du droit français qui ont servi de source d’inspiration au droit congolais.
b. Principes généraux en droit belge et en droit français
1° Exposé sommaire
En principe, la lésion ne constitue pas une cause de nullité des contrats (117). Ce
n’est que très exceptionnellement qu’elle entraîne la nullité du contrat.
A l’égard de certaines personnes, à savoir les mineurs, encore qu’une distinction
s’impose-t-elle à cet égard, lorsque le mineur doué de discernement passe seul un acte
que le tuteur lui-même ne pourrait passer sans s’y faire habiliter ou sans accomplir
certaines formalités, cet acte est « nul de plein droit »; s’agit-il par contre d’un acte que le
tuteur a pouvoir d’accomplir seul, sans habilitation ni formalité, la précision ne sera
accordée par le juge que si l’acte accompli par le mineur seul se révèle pour lui
lésionnaire (118).
Entre majeurs à l’égard de certains contrats, à savoir :
a. la vente d’immeuble : elle est rescindable au profit du seul vendeur et pourvu que
la lésion excède les sept douzièmes (art. 1674 du code napoléonien);
b. le partage : il est rescindable au profit du copartageant lésé de plus du quart (art
887 du code napoléonien) (119).
2° Fondement juridique de la rescision pour lésion
Il est bien évident que la lésion, qui consiste dans un préjudice, n’est pas en soi un
vice de consentement, mais selon une certaine tradition (qui semble bien avoir inspiré les
solutions du code napoléonien, puisque la matière y est réglée sous la rubrique « du
consentement »), on considère que l’individu n’a pu conclure un contrat aussi
désavantageux que parce qu’il s’est trompé ou a été contraint. Bref, la lésion dans le cas où
elle est retenue comme cause d’annulation, serait ainsi l’indice d’un vice de consentement:
soit l’erreur sur la valeur de la chose, résultant du dol, soit la violence c’est-à-dire
contrainte dont le contractant aurait été l’objet. C’est la tendance ancienne qui est
subjective et individualiste.
Il n’empêche cependant que la lésion demeure un vice objectif doté par le
législateur napoléonien d’une sanction propre; il n’est pas nécessaire d’établir l’erreur, le
dol ou la contrainte qui l’a provoquée. Bien plus, la lésion vicie l’acte même si le
défendeur établit d’une façon certaine qu’il n’y a eu, en fait, ni erreur, ni dol, ni violence,
t-il, que le contrat étant annulé – l’objet du paiement devrait être restitué.
117 Art. 1118 du code Napoléon ; la lésion ne viole des conventions que dans certains contrats et à l’égard de certaines
personnes.
118 Art. 1305 du code Napoléon : « La simple lésion donne lieu à la rescision en faveur du mineur non émancipé… » ;
voir pour plus de développement, Renard, Vieujean et Hannequart, Novelles de droit civil, T. IV, Vol 1, n°2431 et s.
119 Voir plus de développement De Page (H), op. cit.,T. IV, n+329 et s., T. IX. n° 461 et s.
75
120 Cass. fr., Req., 28 décembre1932, DP1933, I.87. Sur d’autres conceptions de la lésion, voir Ripert et Boulanger, op.
cit., T II, n°265 et s. ; Cass. b., 13 juillet 1923, Pas. 1913-I.441.
121 Starck (B), Droit civil : obligations, Paris, Litec, 1972, n°1555, 1558
122 Julliot de la Morandière,op. cit., n°342, in fine ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°155.
123 Art. 21 du Code fédéral suisse des obligations: “En cas de disproportion évidente entre la prestation promise par
l’une des parties et la contre-prestation de l’autre, la partie lésée peut dans le délai d’un an, déclarer qu’elle résilie le
contrat et répéter ce qu’elle a payé, si la lésion a été déterminée par l’exploitation de sa légèreté ou de son
inexpérience”. Art. 138 du Code civil allemand : « l’acte juridique contraire aux bonnes mœurs est nul. Est nul en
particulier l’acte juridique par lequel quelqu’un, exploitant la détresse, la légèreté ou l’inexpérience d’autrui, se fait
promettre ou donner pour lui ou pour un tiers, en échange d’une prestation des avantages primordiaux qui excèdent
la valeur de cette prestation de telle manière que, d’après les circonstances, les avantages soient par rapport à cette
prestation dans une disproportion choquante.
124 Article 2 de l’arrêté royal belge n°89 du 30 novembre 1939 remplaçant l’article 6 de la loi du 21 décembre 1896 ; loi
française du 8 juillet 1907 modifiée par celle du 10 mars 1937
125 Art. 1907 en note, plus décret belge du 8 août 1935 qui a rétabli, le délit d’usure ; loi française n°66-1010 du 28
décembre 1966. Pour d’autres lois françaises, voir B. Starck, op. cit., n°1593 à 1599.
126 Voir texte in Codes Piron, T. I, p. 325.
127 Art. 1097 du Code civil belge : « Sans préjudice de l’application des dispositions protectrices des incapables ou
relatives à la validité des conventions, si, abusant des besoins, des faiblesses, des passions ou de l’ignorance de
l’emprunteur, le prêteur s’est fait promettre pour lui-même ou pour autrui, un intérêt ou d’autres avantages excédant
76
manifestement l’intérêt normal ou la couverture des risques du prêt, le juge, sur la demande de l’emprunteur, réduit
ses obligations au remboursement du capital prêté et au paiement de l’intérêt légal. La réduction s’applique aux
paiements effectués par l’emprunteur, à condition que la demande soit intentée dans les trois ans à dater du jour du
paiement ».
128 Voir ce texte in Kalongo Mbikayi, Code civil et commercial, Kinshasa, CRDJ, 1997, p. 296.
129 Codes Piron, T. I. p. 325, avant l’article 131 bis.
130 BO 1959, I pp. 2187 et s.
131 Voir note 122.
77
jurisprudence créera.
Voici néanmoins les cas visés par l’article 131 bis :
1. Opération de crédit
L’expression « opération de crédit » ne possède pas, semble-t-il, de définition
juridique consacrée(132). Il faut entendre par là tout acte juridique « aboutissant au même
résultat économique qu’un prêt de capitaux », tels que l’escompte, l’ouverture de crédit, le
report, le compte courant, la vente à tempérament (133).
2. Contrat de prêt
Il s’agit du prêt de consommation (mutuum) consenti à titre onéreux. Le prêt à
titre gratuit (et le prêt à usage) est nécessairement gratuit (art 449), il ne peut évidemment
entraîner de lésion et n’est donc pas visé par l’article 131 bis.
3. Contrat indiquant une remise de valeur mobilière
A ce sujet, il convient de s’entendre, en premier lieu, sur le sens à donner à
l’expression « valeur mobilière ». Celle-ci doit être prise, semble-t-il, dans son acception
civile de « meuble incorporel ».
L’expression englobera donc tous les biens rangés sous ce vocable par la tradition
napoléonienne et l’art 4 de la loi du 20 juillet 1973 à savoir, essentiellement, les droits réels
mobiliers (autres que le droit de propriété) et les créances mobilières(134). Seraient donc
inclus notamment, les titres au porteur et les billets de banque(135).
Il reste, pour déterminer le champ d’application du décret de 1959, à préciser le
sens de l’expression « contrat indiquant une remise. ».
De prime abord, il semblerait que dès le moment où une remise de valeur
mobilière (au sens défini plus haut) est « indiquée » dans un contrat à titre onéreux
commutatif, serait-ce dans une clause accessoire, l’article 131 bis trouverait à s’appliquer.
Pareille interprétation ne peut être acceptée, croyons-nous. Il faut que l’une des
obligations née du contrat consiste en la remise d’une valeur mobilière, en d’autres
termes, que le contrat « porte » sur la remise d’une telle valeur.
Ce point précisé, suffit-il que l’une des obligations engendrées par le contrat
consiste en la remise d’un meuble incorporel ? La lecture de l’article 131 bis le donne à
penser. Cependant, selon le Conseil de législation, l’expression recouvre, soit un contrat
translatif de propriété, soit une tradition réelle constitutive du contrat, mais non la simple
délivrance d’un bien en vue de l’exercice d’un droit de jouissance »(136).
Il n’est, croyons-nous avec R. Vigneron, qu’une seule façon de concilier cet extrait
des travaux préparatoires avec le texte légal : c’est d’admettre que, outre les contrats réels,
l’article 131 bis vise tous les contrats translatifs bilatéralement (nous désignons par là les
conventions de type « do ut des » dans lesquels l’une au moins des obligations de faire
porte sur une valeur mobilière (137).
Seront donc compris dans le champ d’application de l’article 131 bis, outre les
opérations de crédit et le contrat de prêt, déjà mentionnés :
- les autres contrats réels à titre onéreux (dépôt et gage) (138);
- toutes les ventes, que le bien vendu soit un meuble incorporel (cession de créance
à titre onéreux par exemple), un meuble corporel ou un immeuble (139);
- le contrat d’échange, pour autant que l’un des termes de l’échange porte sur une
valeur mobilière;
- le partage, dans la mesure où la masse à partager comprend une valeur
mobilière(140);
- le contrat de société;
- tous les contrats innomés, enfin générateurs d’un double transfert réciproque, et
dont l’un d’eux a pour objet des valeurs mobilières.
Signalons enfin que tous ces contrats sont soumis au régime de la lésion « quelle
que soit leur forme apparente ». Il n’y a, dans cette précision apportée par l’article 131 bis,
que l’application à notre matière du principe de l’article 54(141).
En revanche, demeurent étrangers au décret du 26 août 1959 notamment :
- les contrats à titre gratuit et les contrats réellement aléatoires pour lesquels
aucune lésion n’est concevable;
- les contrats générateurs d’obligations de faire ou de ne pas faire, tel que le louage
des choses, les contrats d’entreprise et de travail, le mandat, remarquons que les
obligations de ce type sont précisément celles dont l’évaluation présente le plus
de difficultés;
136 BO 1959, I, p. 2189. Cette précision fut apportée en vue d’expliquer l’exclusion du contrat de bail du champ
d’application de l’article 131 bis.
137 Voir pour plus de développements R. Vigneron, art. préc., n°18.
138 Pour le caractère réel du contrat de gage, renvoi au cours de droit civil, partim : sûretés, réelles et personnelles.
139 En toutes hypothèses, en effet, le paiement du prix, lequel est une valeur mobilière requise par la disposition légale.
140 Quant aux partages qui ne comprennent que des immeubles ou des meubles corporels, il nous paraît qu’il s’agit là
d’une lacune importante, susceptible d’être comblée par le recours à l’ordonnance du 14 mai 1886 (sur l’existence
d’un principe général du droit commun aux nations civilisées et selon lequel « l’égalité est l’âme du partage », V. De
Page (H), Le problème de la lésion dans les contrats », p. 9 note 2 et p. 35.
141 Voir infra, l’interprétation des conventions, Del Marmol (P), op. cit., n° 237
79
155 Laquelle ne pourrait être ici qu’une erreur sur la valeur, donc inopérante (voir supra, n° 37).
156 Dans ce sens, De Page (H) et Dekkers (R), T. V., n°158, DC, Del Marmol, op. cit. n°381 ; l’état de nécessité, dans la
mesure où l’on admet l’assimilation au vice de violence (supra n°46), paraît cependant pouvoir présenter des
analogies avec les abus dont parle l’article 131 bis ; voir De Page (H), Le problème de la lésion, p. 74).
157 Voir art. 96 bis, al. 2 du Code pénal
158 Art. 118 et 121 du Code civil, livre III.
159 Art. 64 du Code civil, livre III.
160 Voir en ce sens, Pand. belges ; V° usure, n°353 et s. ; Del Marmol (P), op. cit., n°408 ; Renard, Vieujean et
Hannequart, Novelles de dorit civil, T.IV, V, I, n° 980.
82
161 Leur inadvertance est d’ailleurs corrigée partiellement par l’alinéa 2 de l’article 96 bis du Code pénal ; « réduit ses
obligations… », voir pour plus de développement R. Vigneron, op. cit., n°37
162 De Page (H), Traité, T.V., n°163 ; Renard, Vieujean et Hannequart, Novelles de droit civil, T.IV, V, I, n°980.
163 Renvoi au chapitre III relatif à la nullité des contrats.
83
régime prévu par l’art 131 bis. L’action n’est accordée qu’à la partie lésée, le juge n’a pas,
en ce domaine, de droit d’initiative, la confirmation est permise et l’action s’éteint au bout
de trois ans.
Il faut en conclure comme le fait M. Vigneron que le législateur de 1959 a
implicitement dérogé au régime de droit commun des conventions illicites, en ce qui
concerne les contrats lésionnaires rentrant dans le champ d’application de l’art 131 bis.
Quoique contraire aux bonnes mœurs, ils ne sont pas nuls, mais simplement sujets à
réduction.
En fin de compte, il y a lieu de préférer la formulation générale de l’art 21 du code
suisse des obligations, qui est plus précise et plus claire en ce qui concerne les contrats
visés et les conditions d’application. Mais il vaudrait même retenir la sanction qui permet
le maintien du contrat en lui-même.
La matière de la capacité est étudiée dans le cours de droit civil des personnes et
un peu en droit international privé pour la capacité » des étrangers (leur loi nationale).
C’est donc de façon très brève que nous en parlerons. Et le code civil lui-même n’a réservé
à ce problème que deux articles : l’art 23 et l’art 24. Il faudra dans notre pays, se référer
pour les principes généraux au nouveau code de la famille (164).
§1. Notions et principe d’application en matière des contrats
La capacité est l’aptitude qu’a une personne à être titulaire des droits (capacité de
jouissance) et à les exercer (capacité d’exercice).
Cette notion, et spécialement la capacité d’exercice, s’applique à la possibilité de
contracter. Et en matière de contrats précisément, le principe contenu dans l’article 23 du
Code civil, livre III est que « toute personne peut contracter si elle n’en est pas déclarée
incapable par la loi ». La capacité de contracter est donc le principe, l’incapacité,
l’exception.
L’incapacité ne peut résulter que d’un texte légal dont l’interprétation est toujours
stricte. Pour les étrangers, on se réfère à leur loi nationale pour déterminer leur capacité
ou leur incapacité. C’est dire qu’à cet égard, ce qui vaut en droit étranger n’est pas
nécessairement repris dans le droit congolais. L’âge de la capacité par exemple peut
varier.
§2. Espèces d’incapacités
Autant la capacité est de jouissance et d’exercice, autant l’incapacité est de
jouissance et d’exercice.
I. Représentation
Elle consiste dans la substitution d’une personne capable à une personne incapable
dans l’exercice du droit. Le représentant légal agit ainsi en lieu et place de l’incapable
représenté. Et par voie de conséquence, les effets juridiques de l’acte posé n’affectent que
le représentant incapable.
En matière contractuelle donc, l’incapable sera débiteur ou créancier dans le
rapport d’obligation avec les tiers.
La représentation est volontaire ou légale. Elle est volontaire lorsqu’elle résulte
d’un mandat et légale lorsque le pouvoir du représentant provient de la loi.
Sont soumis à ce régime :
- le mineur d’âge-tuteur ;
- l’aliéné qui n’a pas de discernement ;
- l’interdit (tout majeur ou tout mineur émancipé qui est dans un état habituel
d’imbécillité, de démence ou de fureur même si cet état présente des intervalles
lucides (Code de la famille, art. 215, 304).
L’interdiction est demandée par un parent, un époux ou le ministère public et
prononcée par le tribunal. On n’est donc pas interdit de façon automatique. L’interdiction
intervient, à la suite d’une procédure appropriée, d’une décision judiciaire. L’interdit est
aussi représenté par un tuteur. L’absent est aussi représenté par un administrateur (Code
de la famille, art. 173-205).
II Assistance
Ici, l’incapable passe l’acte mais en présence de l’assistant qui a un pouvoir de
veto. L’assistance concerne :
1°. les mineurs émancipés par voie judiciaire ;
Les personnes placées sous curatelle (Code de la famille, art. 312). Il s’agit des
prodigues, des faibles d’esprit auxquels il est défendu de plaider, de transiger,
d’emprunter, de recevoir un capital mobilier et d’en donner décharge, d’aliéner ou de
grever leurs biens d’hypothèques sans l’assistance d’un conseil qui leur est nommé par le
tribunal.
De lege ferenda, il faudrait songer à la protection des handicapés physiques.
III. Autorisation
Elle s’applique à la femme mariée lors de certains actes importants. Elle est écrite
ou verbale. Mais pour les actes juridiques du ménage, l’autorisation est présumée suivant
la théorie du mandat domestique. Si l’incapacité de la femme mariée était généralement
justifiée par la nécessité de l’unité de commandement dans le ménage et son harmonie, la
tendance à l’égalité entre l’homme et la femme milite pour la pleine capacité de la femme
mariée. Le libellé de l’article 215 du code de la famille indique en son second alinéa que la
86
capacité de la femme mariée n’est que limitée. On sait en effet que celle-ci dans le cadre
des régimes matrimoniaux est reconnue capable de poser, seule à l’instar de la femme
non mariée, des nombreux actes juridiques comme je l’ai démontré dans une récente
publication (165). Dans certains cas, l’autorisation du mari n’est pas nécessaire (art. 451).
Remarques importantes
L’interdiction et le placement sous curatelle ne sont pas automatiques; elles
doivent être l’oeuvre du tribunal. Ainsi, tout fou n’est pas interdit ni mis sous conseil
judiciaire. Il faut qu’il soit mis sous conseil judiciaire ou interdit à la suite d’une procédure
appropriée. De même, tout prisonnier n’est pas interdit, comme c’est le cas en Belgique
(166). La condamnation à une peine n’entraîne pas automatiquement l’interdiction légale.
L’objet du contrat est réglementé par les articles 25 à 29 du Code civil, livre III.
§1. Définition
Bien que le code emploie indifféremment les expressions « objet du contrat » et
« objet de l’obligation », il faut bien reconnaître que c’est la dernière expression qui est la
plus exacte. Car, un contrat n’a pas à proprement parler d’objet. Il a pour effet
d’engendrer des obligations, et c’est chacune de ces obligations qui a un objet.
L’objet de l’obligation n’est pas tellement une chose matérielle dans le sens d’une
res, c’est plutôt d’une façon générale la prestation engendrée qui est elle-même l’effet d’un
contrat. Cette prestation peut consister à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose
(dare, facere, non facere).
Ainsi, dans la vente, l’objet ce n’est pas tant la chose vendue que les prestations
engendrées par la vente à savoir d’une part le transfert de la propriété et la livraison de
cette chose à l’acquéreur et d’autre part le paiement du prix.
Nous avons examiné le contenu de chacune des prestations consistant à donner,
faire ou ne pas faire quelque chose lorsque nous avons au début de ce cours, classé les
obligations d’après leur objet.
§2. Caractères de l’objet
L’objet doit être principalement déterminé ou déterminable, possible, licite et
moral.
I. L’objet doit être déterminé ou déterminable
En disant que l’objet doit être déterminé ou déterminable, la loi (art. 28 du Code
civil, livre III) vise le fait que la prestation que doit engendrer l’obligation doit être
précisée par les parties quant à son contenu, sa nature. D’une façon générale, donc les
parties doivent bien préciser les divers éléments de leurs prestations réciproques. Il n’est
pas dit qu’au moment du contrat, tous les éléments doivent être examinés. Ce qui
importe, c’est qu’au moins ces éléments soient déterminables. Et ceci peut varier d’une
obligation à l’autre.
a) En ce qui concerne les obligations de donner
C’est la « chose » qui fera l’objet du transfert de propriété qu’il faudra bien
déterminer pour éviter des équivoques et pour bien circonscrire l’objet sur lequel
porteront les droits du créancier.
Cette chose peut être un corps certain lorsqu’il s’agit d’une chose envisagée dans
son individualité. Exemple : La vente de tel bien meuble ou immeuble bien précis.
Cette chose peut être également une chose de genre lorsqu’il s’agit d’une chose
fongible, déterminée seulement dans son espèce (Art 38 al. 1). Ainsi, on ne peut pas dire
« je vous vends un animal », ou un « véhicule », on devra au moins préciser l’espèce dans
le genre. Exemple : Un cheval (dans le genre d’animaux), une voiture automobile (dans le
genre véhicule).
Le nombre (c’est-à-dire la quantité), la qualité, le poids, la mesure de la chose elle-
même, dit l’art. 28 al. 2, ne doivent pas nécessairement être donnés, pourvu qu’ils soient
susceptibles de détermination au moment de l’exécution, soit par les parties elles-mêmes,
soit par les usages.
La jurisprudence décide qu’une obligation n’est nulle pour manque d’un objet
certain formant la matière de l’engagement que s’il y a incertitude ne permettant pas
d’établir à quoi les parties se sont engagées (167). Et la sanction pouvant résulter du fait que
l’objet d’un contrat n’est pas déterminé et est indéterminable ou qu’il n’est pas possible est
la nullité « relative »; elle ne peut être appliquée d’office par le juge (168).
b) En ce qui concerne les obligations de faire ou de ne pas faire
Il n’y a rien d’autre à dire que d’exiger que les parties précisent bien les prestations
qu’elles veulent faire naître. Pas de problèmes pour les contrats nommés car la nature des
prestations est précisée déjà par la loi. Pour les autres, les parties usant de leur autonomie
de volonté, doivent, le plus possible, bien déterminer leurs prestations. C’est ce que veut
dire l’article 26 du Code civil congolais.
II. L’objet doit être possible
Il s’agit de la possibilité non seulement de la prestation elle-même, c’est-à-dire de
sa potentialité à être réalisée, de sa faisabilité, mais encore de la chose objet de la
prestation. Cette chose doit d’abord exister avant d’être possible. On ne saurait en effet
valablement s’engager à une prestation impossible, car à l’impossible nul n’est tenu. Il
s’agit dans ce dernier cas, d’une impossibilité absolue et non pas d’une impossibilité
relative.
L’impossibilité absolue est celle qui s’exerce à l’égard de tout le monde, dans les
mêmes circonstances de lieu et de temps, tandis que l’impossibilité relative est celle qui ne
s’exerce qu’à l’égard de certaines personnes. Si telle personne est incapable pour diverses
raisons (physique, morale) de fournir telle prestation que telle autre personne peut
fournir, l’on ne parlera pas d’une impossibilité absolue. Exemples : S’engager à mettre
toute l’eau du fleuve dans un verre est d’une impossibilité absolue ; de même que
s’engager dans les circonstances actuelles à aller sur les étoiles.
Mais si pour un pauvre villageois, s’engager à livrer 10 tonnes de sable en une
semaine est une impossibilité, cette impossibilité tombe dans le chef d’une grosse société
équipée de tous les moyens techniques.
Ce qui importe donc, c’est l’impossibilité absolue. Il y a lieu à ce propos de dire
que cette impossibilité est appréciée au moment du contrat, c’est-à-dire compte tenu des
moyens dont disposent les parties. Ainsi, il y a quelques années, s’engager à aller sur la
lune était, d’une impossibilité absolue, alors que aujourd’hui la chose devenue possible
pour certains Etats.
III. L’Objet doit être licite et morale
Les notions de licéité et de moralité se rapprochent mais ne se confondent pas.
Illicite signifie contraire à la loi, aux règles impératives de droit, plus spécialement à
l’ordre public, tandis que immoral concerne tout ce qui est contraire à la moralité aux
bonnes mœurs. Ces notions, sont forcément relatives en ce sens qu’elles varient suivant
les pays et les temps.
Les règles positives d’un pays étant généralement originales, la conception de
l’ordre public, c’est-à-dire l’ensemble des valeurs estimées indispensables par un pays
pour son fonctionnement général et le bien commun de la population, variera
nécessairement.
De même l’idée de la moralité variera d’un pays à l’autre et ce, suivant les temps et
les conceptions politiques, sociales et économiques du moment (il existe une moralité des
affaires, le sens de l’honnêteté, de la parole donnée dans le commerce, une moralité dans
les rapports sociaux, dans le sport, (la boxe ou le contrat de claque, jadis considérés
comme immoraux, sont bien reçus de nos jours).
C’est dire que la réglementation de l’objet du contrat quant à son caractère licite et
moral est très relative et très variable. A l’intérieur d’un pays, ces notions demeurent
également souples et variables: tantôt elles sont précisées de façon expresse par la loi;
tantôt elles sont laissées à l’appréciation du juge qui les dégage alors de l’ensemble de la
législation en vigueur et de la tendance générale du sentiment de moralité de la
89
communauté nationale.
Ce dernier sentiment de moralité résulte lui-même de la conception de la
hiérarchie des valeurs que se fait la communauté nationale, de l’idée du bien et du mal
dans tous les rapports sociaux et dans toutes les activités sociales des citoyens. Des
considérations d’ordre philosophique, politique, économique interviennent donc dans la
connotation du caractère moral.
En matière contractuelle en tout cas, une règle s’est dégagée chez nous, comme
ailleurs, suivant laquelle « est nul tout contrat dont l’objet serait contraire à l’ordre public
ou aux bonnes moeurs ». Cette règle constitue, nous l’avons déjà dit, une limitation
considérable de l’autonomie de volonté en matière contractuelle. Examinons deux
applications dont fait notre Code civil, à savoir que le contrat ne peut avoir pour objet une
chose hors du commerce; qu’il ne peut pas non plus avoir pour objet une succession
future.
a) Les choses et les droits hors du commerce
Il n’y a, dit l’article 27 du Code civil, livre III, que « les choses qui sont dans le
commerce qui puissent être l’objet des conventions ». Certaines choses sont hors du
commerce par leur nature: il s’agirait alors des choses impossibles (les étoiles, les astres,
les choses communes). Mais d’autres sont mises hors du commerce en vertu d’une
disposition expresse de la loi. Les prestations qui y ont trait sont alors illicites. C’est
notamment le cas pour les biens du domaine public de l’état qui sont inaliénables, sauf
désaffectation, les droits de la personnalité (état et capacité des personnes), les fonctions
publiques, la liberté du travail (art. 428) et du commerce.
La loi apporte enfin des restrictions à la circulation de certains biens dans l’intérêt
de l’ordre public (intérêt de la communauté nationale ou des particuliers).
Ainsi, la loi interdit des contrats entre particuliers portant sur les substances
vénéneuses et toxiques(169), les animaux atteints ou soupçonnés d’être atteints de
maladies contagieuses(170), les armes de guerre et les explosifs.
b) Les successions futures
Si la chose, objet de la prestation peut être future (vente sur les futures mangues
d’un jardin botanique; vente sur le croit d’un troupeau...) et donc constituer un objet licite
(art. 29 al. 1), il n’en va pas de même pour la succession future.
L’alinéa 2 de l’article 29 ainsi que l’article 277 du Code civil, livre III reproduisant
en cela les articles des codes étrangers (belge et français) prohibent en principe les pactes
sur successions futures, c’est-à-dire les conventions portant sur des successions non
169 Art. 38 de l’ordonnance du 15 mai 1933 concernant les substances toxiques et vénéreuses; codes Piron, III, p. 680.
170 Art. 151 du décret du 28 juillet 1938 relatif à la police sanitaire des animaux domestiques, codes Piron, III, p. 294.
Voir le cas de la vache folle en Angleterre.
90
encore ouvertes.
L’article 29, alinéa 2 dispose : « On ne peut, cependant renoncer à une succession
non ouverte ni faire stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement
de celui de la succession duquel il s’agit ».
De son côté, l’art 277 dispose qu’on ne peut vendre la succession d’une personne
vivante, même de son consentement. Ces dispositions qui tirent leurs origines du droit
romain et de l’ancien droit français sont non seulement plus sévères (le droit romain
permettait les pactes sur succession à condition que le de cujus y consente), mais encore
elles s’appliquent à toutes espèces des pactes sur une succession non ouverte (pacte sur sa
propre succession, renonciation anticipée à sa succession, pacte concernant la succession
d’un tiers). Diverses raisons expliquent la philosophie de tels pactes.
En ce qui concerne les pactes sur sa propre succession, on fait valoir que de tels
pactes privent l’individu (le de cujus) de la liberté dont il doit jouir jusqu’à sa mort de
régler la dévolution de son patrimoine.
En ce qui concerne les pactes sur la succession d’autrui, on invoque contre eux le
fait qu’ils sont dangereux et immoraux, car impliquant la spéculation sur la mort d’une
personne (parent) encore vivante (171) et mieux, le fait que de tels actes encourageraient la
prodigalité (dépenses exagérées et légères) dans le chef de l’héritier présomptif et d’autre
part, l’exploitation et l’usure dans le chef de contractant.
Quant à la prohibition de la renonciation anticipée à sa succession (c’est le cas par
lequel un successeur présomptif abdique des droits héréditaires dans la succession non
encore ouverte de l’autre partie), elle a pour but d’assurer l’égalité des partages. L’article
29 du Code civil, livre III prévient ainsi les pratiques de l’ancien droit français qui
tendaient à faire renoncer les filles et les puînés (généralement dans leur contrat de
mariage), à leurs droits et biens dans la succession au profit des aînés. Disons enfin que ce
que la loi interdit c’est les pactes portant directement sur succession future et non des
conventions qui font allusion à une succession future.
Ainsi, un débiteur peut valablement faire coïncider la date de l’exigibilité de sa
dette au jour où il recueillera sa succession, car l’objet d’une telle clause est simplement de
fixer la date d’exigibilité de sa dette, et non de profiter de ladite succession.
Section IV : Cause
La cause est énoncée par l’article 8 du Code civil, livre III à l’instar des articles
correspondants du code Napoléon, comme la quatrième et dernière condition essentielle
de validité d’un contrat. Ainsi, précisément, l’article 8 parle de la « cause licite »
caractérisant ainsi la cause du contrat. Les articles 30, 31 et 32 du Code civil, livre III
171 Exception pour certains contrats, tels que l’assurance sur la vie au profit d’un tiers.
91
172 Qui le premier critiqua la cause dans une brochure édictée en 1826 et intitulée « La cause est-elle une condition
essentielle de la validité des conventions ? » Auteurs anti-causalistes, notamment : Belgique : Laurent, Principes du
droit civil, T. XVI n°111 ; Dabin (J), la théorie de la cause, thèse Liège, 1919, Belge Jud. 1929, p. 329 et s. France :
Baudry- Lacantinerie et Barde, T. I, n°s 321 et s.
Planiol (M), Traité élémentaire, T. II n° 1037.
173 Sur ces questions, Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n° 174 et s. pp. 157 et s.
174 Celui des néo-causalistes (néo car il y a une théorie classique de la cause) qui a donné le ton, c’est Capitant, De la
cause des obligations, 1923 et après lui, il y a eu Josserand, Ripert et Jonasco (in RTDC 1931, p. 29 et s.), il faut
citer parmi les néo-causalistes ceux qui ne voient en la cause qu’un élément objectif (l’élément économique, source
d’équivalence dans les prestations), ceux qui y voient un élément subjectif (les mobiles déterminants, ce qui permet
de parler de cause immorale et illicite, ex. Capitant) et enfin, ceux qui sont dualistes, voire pluralistes (qui y voient les
deux éléments ou plus. Ex. Hamel (J), La notion de cause dans les libéralistes. Etude de la jurisprudence française
et essai de définition, thèse Paris 1920 ; Maury, Essai sur la notion d’équivalence, thèse précitée, Encyclopédie
Dalloz, Répertoire de droit civil, V° cause…). Pour plus de développement, Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°176
et s.
92
I. Théorie classique
La théorie classique voit dans la cause le « but immédiat et déterminant en vue
duquel le débiteur s’engage envers le créancier »(175).
La théorie classique ne parlait alors que de l’obligation et non comme le fait la
théorie moderne, de cause du contrat, la différence provenant du fait que pour la théorie
classique, le but immédiat était envisagé séparément par rapport à chaque contractant,
alors que la théorie moderne envisage le but poursuivi en commun par les deux
contractants, la raison déterminante qui a amené les deux parties à contracter (176). Elle
distingue alors ce but du consentement de l’objet et des motifs.
1° Distinction d’avec le consentement
Le consentement c’est la volonté de s’engager. Philosophiquement, ce
consentement peut être considéré comme la cause première de l’obligation, la source de
l’obligation, la cause dite efficiente(177). Quant à la cause juridique envisagée, c’est la cause
finale, c’est-à-dire le but poursuivi par la volonté qui s’engage. On s’engage dans le
rapport d’obligation d’abord parce qu’on l’a voulu et ensuite parce qu’on poursuit tel but
- tel effet juridique.
2° Distinction d’avec l’objet
La théorie classique a affirmé que l’objet, c’est ce à quoi on s’engage, quid debetur;
tandis que la cause était ce pourquoi l’on s’engageait, cur debetur ?
3° Distinction d’avec les motifs
Cette distinction est la plus importante. Les motifs qui ne doivent pas être
confondus avec la cause et dont le juge n’a pas à s’occuper, sont « toutes les raisons
multiples et plus ou moins lointaines qui ont poussé la volonté à s’engager »(178).
Ce sont des mobiles lointains, indirects de l’obligation, tandis que la cause est le
mobile immédiat et direct.
En fait, parmi les motifs, le droit détache, pour ne tenir compte que de lui, le motif
déterminant et immédiat qui, en dernière analyse, justifie la décision prise et lui donne le
nom de cause. Les motifs et mobiles lointains sont variables, alors que la cause est
toujours la même dans les contrats de même espèce.
Ainsi, toujours suivant la théorie classique, dans les contrats à titre onéreux,
l’obligation de chaque partie a pour cause, d’une façon générale, l’avantage qu’elle espère
obtenir du contractant.
Dans les contrats synallagmatiques qui font naître des obligations réciproques, la
175 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°170, p. 203; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°173, p. 156.
176 Julliot de la Morandière (L), op.cit., n° 389, p. 210.
177 Idem, n° 370 ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n° 171.
178 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 370.
93
cause de l’obligation de chacune des parties réside dans l’obligation de l’autre. Ainsi dans
la vente, l’obligation du vendeur est de transférer la propriété de la chose vendue, tandis
que l’obligation de l’acheteur est de payer le prix. On peut dire que la cause de
l’obligation du vendeur c’est le paiement du prix par l’acheteur, prix dont il profitera,
tandis que la cause pour l’acheteur réside dans le transfert qui lui est fait par le vendeur
de la chose vendue afin qu’il puisse exercer sur elle tous les droits de propriété.
Si dans cet exemple de la vente, la cause est toujours l’obligation de l’autre, les
motifs sont quant à eux très variables. L’acheteur peut vouloir être propriétaire de telles
choses parce que sa femme la lui demande ; il veut remplacer celle qu’il avait ; son
standing l’exige; il croit qu’on lui a volé la sienne, etc.
Et le vendeur peut vendre sa chose et en désirer le prix pour divers motifs : s’en
débarrasser; besoin d’argent pour aider un parent, ami ou pour s’acquitter d’une dette.
Dans les contrats unilatéraux, d’une façon générale, la cause de l’obligation dans
les contrats unilatéraux, c’est le fait d’avoir reçu déjà quelque chose. C’est en effet, parce
qu’il a déjà reçu quelque chose que le débiteur s’oblige à la restituer.
Dans les contrats unilatéraux réels plus particulièrement (prêts, dépôt, gage), la
cause de l’obligation de restituer la chose prêtée, déposée ou mise en gage qui pèse sur
l’emprunteur, le dépositaire ou le créancier gagiste, est (la remise matérielle, mieux) la
réception de la chose. Car, dit la théorie classique, c’est encore en vue de l’obtenir et parce
qu’il a reçu la chose que le débiteur s’engage à restituer.
Si telle est généralement la cause dans les contrats unilatéraux, les motifs, les
mobiles pour lesquels le débiteur a voulu emprunter, recevoir la chose en dépôt ou en
gage peuvent varier :emprunter de l’argent soit pour voyager, soit pour se marier;recevoir
une chose en dépôt soit par charité, soit pour réciproquer un pareil geste, etc.
Dans les contrats à titre gratuit, il faut rechercher la cause ailleurs que dans la
poursuite d’un avantage corrélatif. La doctrine affirme que la cause du contrat à titre
gratuit est l’intention libérale, l’animus donandi(179). Cette cause est stable alors que les
motifs de cette intention libérale peuvent varier : rendre service, acte de charité, satisfaire
un caprice, etc.
II. Théorie anti-causaliste
La théorie classique de la cause fut depuis 1826 critiquée très violemment. Certains
auteurs affirmèrent alors que la théorie de la cause était fausse et inutile. L’existence
même de la cause fut contestée.
Pour ces auteurs, les anti-causalistes, un contrat est complet, dès qu’il y a
consentement, objet et capacité. La cause, pour eux, n’ajoutait absolument rien à ces trois
179 Domat (J), Les lois civiles dans leur ordre naturel, livre I, titre I, sec. I, Pothier, op. cit., 1ère partie, chap. I, sect. I, art.
3 n° 42.
94
premiers éléments; elle n’était qu’une façon de considérer soit le consentement, soit
l’objet(180).
Ainsi, dans les contrats synallagmatiques, disaient les anti-causalistes, la cause
n’est autre chose que la prestation de l’autre partie : elle se confond donc avec l’objet du
contrat.
Dans les donations entre vifs et d’une façon générale dans le contrat à titre gratuit,
elle se confond avec le consentement (Il s’agit de l’intention libérale).
Enfin, dans les contrats unilatéraux réels, les anti-causalistes critiquent l’idée
même de cause. Ils affirment que la remise de l’objet qui est considérée comme une cause,
n’en est pas une, ce n’est qu’un fait qui, d’après la nature de ces contrats, est nécessaire
pour leur formation (181).
III. Conception moderne de la cause
La théorie anti-causaliste n’a pourtant pas abouti à la suppression de la notion de
la cause dans la théorie des obligations. Son mérite a consisté à faire préciser davantage
cette notion.
Du reste, l’utilité de la cause s’est avérée importante dans la jurisprudence
moderne. Ses applications sont nombreuses; nous y reviendrons dans l’étude des effets
juridiques de la cause.
Pour en revenir à la tendance dominante de la doctrine moderne sur la matière,
nous dirons que la conception dominante de la cause est dualiste (182); elle inclut dans la
notion de la cause à la fois des éléments objectifs et subjectifs (183). Ainsi, dans certains cas,
la notion de la cause a pour rôle de protéger un des contractants à l’égard de l’autre; il en
sera ainsi dans les contrats à titre onéreux. La cause est alors conçue objectivement et sert
à protéger l’équilibre, l’équivalence voulue entre les parties. Ceci apparaît plus clairement
dans les contrats synallagmatiques avec le principe de la simultanéité et de la connexité
des obligations (absence de cause ou fausse cause).
Dans d’autres cas, il s’agit de protéger l’ordre et la morale publics. Dans ce cas, la
cause est cherchée subjectivement dans les motifs poursuivis en commun, ou peut-être
même, d’après quelques auteurs, dans les motifs individuels de chaque partie, s’ils ont été
déterminants pour celle-ci- (cause immorale ou illicite). Comme on le voit, la notion de la
cause est envisagée par rapport au contrat et non par rapport à l‘obligation
180 Julliot de la Morandière (L), op. cit., 383. D’autres développements, in Marty (G) & Raynaud (P), op. cit., n°174 et s.
181 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 383 in fine.
182 Idem, n° 392, p. 212 ; Marty (G), op. cit. n° 183, 3°.
183 Exemples in Julliot de la Morandière (L), op. cit. n° 392 bis.
95
Fausse cause
La fausse cause comme l’erreur sur la cause, constitue un vice de
consentement(187). Ainsi, en cas de fausse cause, comme en cas d’erreur sur la cause, le
contrat sera irrégulier non pas pour absence d’un de ses éléments essentiels, mais pour
vice de consentement.
Nous avons déjà examiné la sanction d’un tel vice. Nous avons dit, en effet, que
suivant une doctrine constante, la sanction était dans ce cas une nullité absolue au motif
qu’il s’agissait là d’une erreur obstacle (188), mais que suivant une jurisprudence récente,
on tendait en France à rapprocher l’erreur sur la cause de l’erreur sur la substance pour la
sanctionner de la même nullité, à savoir la nullité relative. Cette dernière position se
fondait sur le fait que la nullité relative jouait mieux le rôle de protection des intérêts
individuels de la partie dont le consentement était vicié, puisque cette nullité lui laissait la
liberté de confirmer ou non l’acte vicié. Il peut y avoir fausse cause dans les deux cas : la
cause erronée et la cause simulée(189).
a) Cause erronée
Le débiteur croyait à l’existence d’une cause qui n’existait pas. Cette hypothèse
peut du reste se ramener à celle d’absence de cause déjà examinée. Pensons à l’exemple
précité d’un individu qui s’engage à réparer un dommage croyant à tort qu’il en était
responsable (190) ; ou au cas où je m’oblige à vous payer telle somme en exécution d’un
testament de mon oncle alors que par la suite on découvre que mon oncle avait révoqué le
legs à votre profit. Assurer une chose dans l’ignorance qu’elle l’était déjà.
b) Cause simulée
Les parties donnent à leur contrat une cause autre que la cause véritable. Elles
déguisent, par exemple, une donation sous l’apparence d’une vente en donnant pour
cause apparente à l’obligation de transférer la propriété une obligation réciproque d’en
payer le prix alors qu’aucun prix n’est convenu et que la cause véritable est l’intention
libérale. Les effets de complaisance constituent un autre exemple. Une personne accepte
un effet de commerce tiré sur elle, alors qu’elle ne doit rien au tireur et qu’elle n’a pas
vraiment l’intention de s’obliger.
Quelle est la conséquence de la cause simulée ? Il faut noter que la cause simulée
n’annule pas toujours l’obligation, car la simulation est permise en droit. Il n’y a nullité
que si, en réalité, la cause réelle est absente ou si la cause véritable est illicite. Il en sera
ainsi en cas de simulation d’une vente par une donation alors que la chose est inexistante
ou placée hors du commerce par une loi impérative.
c) Cas de billet non causé
L’hypothèse du billet non causé est prévue et réglementé par l’article 31 du Code
civil congolais qui dispose que « la convention n’est pas moins valable, quoique la cause
n’en soit pas exprimée ». Cette hypothèse ne doit pas être confondue avec celle d’absence
de cause. Elle vise simplement le cas où la cause existe mais n’est pas exprimée dans
l’écrit (le billet) qui constate une obligation.
Illustrons ceci par : Je m’engage à payer à telle personne 1.000 FC, telle date... ». Le
billet reste ainsi libellé sans précision quant à la cause de son obligation. L’article 31 ne
consacre pas non plus l’acte abstrait puisqu’ici la cause existe alors que l’acte abstrait est
détaché de la cause.
Quel est alors le rôle de cet article 31 relatif au billet non causé ? L’article 31 se
rapporte à la preuve de la cause en cas de billet non causé. Il a pour but de déclarer
« valable » tout billet qui n’exprime pas de cause,de donner valeur probante au billet non
causé.
Et à raison de cette preuve de la cause en cas de billet non causé, la doctrine
enseigne que son existence est présumée mais que sa charge incombe non au créancier,
comme ce devrait être le cas selon les principes normaux de la preuve suivant lesquels
« actori probatio incumbit », mais au débiteur.
« Le créancier qui produit un billet non causé est donc dispensé de la preuve de la
cause, c’est au débiteur qui veut se décharger à démontrer l’absence de cause ou le
caractère illicite de la cause de son engagement » (191).
Il faut toutefois préciser que la cause n’est présumée pour le créancier que dans ses
rapports avec le débiteur. Mais dans les rapports entre lui (le créancier) et les tiers, la
charge de la preuve lui reviendra comme l’exige la procédure normale de la preuve.
B. Cas de la cause immorale et illicite
L’obligation sur une cause illicite, dit l’art 30, ne peut avoir aucun effet. Et l’article
32 éclaircit la notion d’illicéité en disposant que « la cause est illicite quand elle est
prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs, ou à l’ordre public ». La
simple lecture de cette disposition nous révèle que la loi assimile la cause immorale à la
cause illicite et fait de l’une et de l’autre une condition de validité du contrat.
C’est d’ailleurs dans l’application de ces critères que la jurisprudence et la doctrine
modernes en sont arrivées, plus qu’à propos de l’absence de cause ou de la fausse cause, à
une conception dualiste de la cause incluant dans cette dernière notion à la fois des
191 Julliot de la Morandière (L), op.cit., n°382 in fine, Marty (G), op. cit., n°195, Bruxelles, 25 octobre 1941, Pas. 1942,
II, p. 26.
99
192 Marty (G),op. cit., n°191.Voir aussi Civ. Com., 25 octobre 1949, Gaz. Pal., 1950.1.27.
193 Marty (G), idem, Paris, 1er octobre 1940, Gaz. Pal. 1940, 2.146 pour la vente; pour bail, Cass.fr., civ., 15 novembre
1938, Gaz. Pal. 1939. 1.194 ,JCP 1939, II. 950.
194 Léo, 18 novembre 1930, RJCB 1931, p. 335. Le trafic d’influence est d’ailleurs érigé en infraction.
195 Cfr. arrêt CSJ en l’affaire Socobanque ; voir aussi Elis., 2 février 1924, 24 février et 30 mars 1925, Jur. Kat. II, p.
83, I, p. 13.
196 Kin, 11 janvier 1974, RJZ 1976, p. 14.
100
Certains, interprétant de façon très stricte l’article 30 du Code civil, livre III qui
dispose que les contrats sur une cause illicite et immorale n’ont aucun effet, enseignent
que la restitution n’aura absolument pas lieu, qu’il y a lieu de rejeter la demande en
restitution.
On a critiqué cette position en prétendant que le refus de l’action en répétition
aboutissait, contrairement au prescrit de l’article 30 du Code civil congolais, à donner effet
à une convention illicite, étant donné que le statu quo ante n’était pas rétabli, le créancier
gardant les prestations fournies alors que la conséquence de la nullité eût été de restituer
toutes ces prestations reçues en suite du contrat immoral ou illicite.
Les tenants de cette première position que nous exposons se sont justifiés en
disant que les termes de l’article 30 sont généraux et qu’au surplus, ce que la loi combat,
c’est l’indignité et la déloyauté du demandeur en répétition et que c’est cette indignité qui
fait débouter ce dernier de son action en répétition.
Certains auteurs ont pensé qu’il ne fallait écarter l’action que lorsqu’elle émanait
d’un solvens informé du caractère immoral de l’acte. Cette tendance semble ainsi protéger
le solvens de bonne foi, mais aurait contacté avec un accipiens informé du caractère
immoral de l’acte. Cette solution n’est pas défendable, car nous l’avons déjà dit. Dès que
l’ordre public est intéressé, il importe peu que la connaissance du caractère immoral soit
le fait des deux parties ou d’une seule. Il suffit qu’une seule des parties ait cherché le but
immoral pour que l’acte soit nul de nullité absolue.
Certains autres ont cru soutenir la restitution lorsque le contrat n’était contraire
qu’à l’ordre public et aux bonnes moeurs (moralité sexuelle). Dans ce dernier cas, il y
aurait toujours refus. Cette solution est mal fondée, car l’article 32 assimile, nous le
savons, la cause immorale à la cause illicite. L’une et l’autre thèse entraîne en pratique des
inconvénients, notamment le fait de sanctionner le contractant de bonne foi.
C’est pourquoi, les tendances dominantes consistent à ne pas appliquer de façon
aveugle la maxime étudiée « les tribunaux, dans chaque cas, doivent se demander quelle
est la solution la meilleure, le refus de l’action ou non, pour sanctionner l’immoralité ou
l’illicéité commise et n’admettre le refus de l’action que lorsque cette sanction n’entraîne
pas des inconvénients plus graves que ceux qui résulteraient de son défaut d’application,
ce qui est le cas, notamment lorsque la turpitude du demandeur est moindre que celle du
défendeur auquel profiterait le rejet de l’action... ». Le juge s’inspirera donc non point de
l’intérêt des parties, mais uniquement de l’intérêt public; il recherchera, dans le cas
d’espèce qui lui est soumis, si la sanction que constitue la nullité absolue établie par l’art
30 du code civil congolais, sera rendue plus efficace par le rejet de la répétition que par
l’accueil de celle-ci, accueil qui est la conséquence normale de la nullité.
Les adages « Nemo auditur » et « In pari causa » peuvent, pourtant servir de
103
208 Cass. b., 1ère chambre, 8 décembre 1966, plus conclusions conformes du Procureur général près de la Cour de
cassation, JT 1967, p. 129, Pas. 1967, I. 434
209 Léo, 24 novembre 1964, RJC, p. 195 ; L’shi, 18 avril 1967, RJC 1967, p. 146
104
§1. Définition
La nullité est une sanction juridique qui frappe normalement un acte juridique
irrégulier du point de vue des éléments requis pour sa validité, tels que prévus par
l’article 8, livre III du Code civil à savoir : le consentement de la partie qui s’oblige, sa
capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l’engagement, une cause
licite dans l’obligation. Une convention qui ne respecte pas cette règle de formation
pourrait être sanctionnée par la nullité. Celle-ci a pour effet de priver l’acte ainsi
irrégulier des effets juridiques qu’il aurait dû normalement produire, s’il était régulier.
Cette sanction doit toujours être prononcée par le juge. Elle n’est donc pas automatique
sauf quand elle est de plein droit. Dans ce cas, le texte lui-même le dit.
C’est dire qu’avant l’intervention du juge, l’acte n’est qu’annulable. Notons par
ailleurs que l’on pourrait faire valoir la nullité d’après deux moyens distincts : soit par la
voie d’action qui est positive (initiative du demandeur), soit par la voie d’exception, qui
est passive. Il importe cependant de distinguer la nullité d’avec des notions voisines.
§2. Distinction entre la nullité et des notions voisines
I. Nullité, résolution, résiliation et révocation
La résolution, la révocation et la résiliation sont des faits juridiques, des
événements qui mettent fin à l’efficacité d’un contrat qui, dès son origine, était valable.
Elles ne doivent donc pas être confondues avec la nullité qui, elle, suppose que dès son
origine, l’acte n’était pas valide car il lui manquait un des éléments requis pour sa validité
(Cfr art. 8, livre III du Code civil congolais).
La résolution est la dissolution d’un contrat par le tribunal pour inexécution par
l’une des parties de ses obligations.
La révocation est l’acte par lequel les deux parties mettent volontairement fin à
leur contrat.
La résiliation a le même sens que la révocation, avec cette différence qu’elle
concerne spécialement les contrats successifs. Ici, une seule partie peut mettre fin au
contrat; elle peut résilier le contrat, dira-t-on si les clauses du contrat le lui permettent.
105
210 La nullité n’est pas automatique, sauf de cas de la nullité de plein droit. Mais alors le texte lui-même le dit. Avant
l’annulation de l’acte par le juge, l’acte n’est qu’annulable.
211 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit. n° 111, p. 123.
212 Mazeaud (H., L. et J.), Leçons de droit civil, T. II, 3ème éd., Paris, 1966, n°296, p. 242.
106
213 Pour les développements, cons.Starck (B), op. cit. , n°1931, p. 497 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 399.
107
incapacités d’exercice la nullité relative. Et pourtant, l’on rencontre dans les droits
étrangers des incapacités de jouissance sanctionnées seulement par une nullité relative
(214), et des incapacités d’exercice sanctionnées par une nullité absolue. C’est le cas du
prisonnier qui est frappé en droit belge et français d’une interdiction légale et dont les
actes sont frappés par une nullité absolue dans l’intérêt public du renforcement de la
peine.
Le deuxième critère de différence entre la nullité absolue et la nullité relative
réside dans les conditions d’exercice de l’action en nullité : ce critère est satisfaisant que le
premier.
§2. Conditions d’exercice de l’action en nullité
Qu’il s’agisse de la nullité absolue ou de la nullité relative, l’on doit toujours
recourir au juge pour obtenir, par la constatation judiciaire de la nullité, la destruction de
l’apparence ou de la présomption de validité dont bénéficie l’acte annulable, avant son
annulation. N’échappent à cette règle que des cas exceptionnels comme celui de nullité de
plein droit, encore que dans ce dernier cas, les textes doivent explicitement le dire.
La nullité, quelle qu’elle soit, n’est donc pas automatique. Elle est le résultat d’une
demande en justice. L’annulation de l’acte peut avoir lieu, rappelons-le, par voie d’action,
lorsque le demandeur en nullité prend les devants pour la faire prononcer. Elle a lieu par
voie d’exception quand le débiteur, poursuivi par le créancier, refuse l’exécution en
invoquant la nullité. Il opposera dans ce cas l’exception de la nullité.
Lorsqu’on examine les conditions de recours exercé devant les tribunaux pour
obtenir l’annulation de l’acte, on voit nettement se distinguer la nullité absolue d’avec la
nullité relative. Le critère tiré de ces conditions paraît satisfaisant. Les nullités absolues
peuvent être invoquées par tout intéressé, les nullités relatives ne peuvent, quant à elles,
être invoquées que par certaines personnes auxquelles la loi reconnaît cette faculté.
Voyons de plus près ce critère relatif à la mise en oeuvre de la nullité en passant en
revue tour à tour les personnes qui peuvent invoquer respectivement la nullité relative ou
la nullité absolue.
I. Personnes qui peuvent invoquer la nullité relative
La nullité relative ne peut en principe être intentée que par la ou les personnes que
la loi a voulu protéger en établissant la nullité : le co-contractant dont le consentement a
été vicié, en cas de vice de consentement, et, en cas de minorité, l’incapable devenu
majeur.
Mais d’autres personnes peuvent intenter cette action, alors, elles le font du chef de
l’intéressé principal à savoir la partie que l’on veut protéger. Ces personnes sont :
- le représentant légal de l’intéressé principal, tel est le tuteur du mineur;
217 Julliot de la Morandière (L), op. cit. n° 403. Voir aussi sur l’ensemble de cette question, Couturier (G), La
confirmation des actes nuls, Paris, LGDJ, 1972.
110
218 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 410. Contra Cass. fr., 17 novembre 1958, D. 1959.18. Avant le nouveau
Code de la famille, il s’agissait des enfants « naturels ». Voir ce Code pour les délais de l’action.
112
D’après ses termes, l’article 196 s’applique à l’action en nullité d’une convention. Il
ne doit dès lors pas s’appliquer aux actes unilatéraux, tels que la renonciation au
testament.
3. Fondement de la prescription
On affirme unanimement que la prescription édictée par l’article 196 du Code civil,
livre III est basée sur une idée de confirmation tacite. La loi présume que le contractant
qui, ayant le droit de faire annuler le contrat, reste dix ans sans intenter l’action, y a
renoncé.
Cette conception explique que l’article 196 du Code civil, livre III soit inapplicable
aux nullités absolues qui ne sont pas susceptibles de confirmation. Bien que contestée par
certains auteurs (219), elle trouve son appui dans l’article 15 du Code civil congolais qui
rapproche la confirmation tacite de la prescription.
4. Point de départ de la prescription décennale
La prescription ne commence à courir qu’à dater du jour où la confirmation peut
se faire valablement. Ainsi, en cas de vices de consentement, à partir du jour où la
violence a cessé ou du jour où l’erreur ou le dol ont été découverts (art. 196, al.2).
En droit belge ou français, le point de départ de la prescription a été réglementé de
façon précise par des lois particulières en ce qui concerne les incapables. L’article 196 est
muet à ce sujet, mais l’on peut dire que pour les mineurs, le point de départ se situe à la
majorité et pour les femmes mariées, lors de la dissolution du mariage, pour les personnes
interdites et placées sous le conseil judiciaire, l’on peut suivre les principes généraux du
droit français et belge et dire que ce point de départ est le jour où l’incapacité ayant pris
fin par la main levée ou de la mise sans cause telle de l’interdiction, l’ancien interdit ou la
personne anciennement placée sous conseil judiciaire a eu connaissance de l’acte
annulable.
5. Nature de la prescription décennale
Il s’agit bien d’un délai de prescription et non d’un délai préfix.
Il convient de rappeler que les effets de la nullité sont les mêmes, qu’il s’agisse de
la nullité absolue ou de la nullité relative. Ce qui oppose ces deux sortes de nullités, ce
sont, nous l’avons vu, leurs conditions d’exercice et leurs modes d’extinction, mais non
leurs effets. Dans l’un ou l’autre cas donc, l’annulation interviendra. Il s’agira seulement
d’en examiner l’étendue (1), d’étudier la rétroactivité (2) et les questions de responsabilité
civile qui peuvent se poser (3).
220 Cass. fr.,Req., 31 octobre 1938, D. 1939, I. 62 ; Starck (B), op. cit., , n°1686, p. 509 et s ; Julliot de la Morandière
(L),op. cit., n°416. Voir aussi sur l’ensemble de la question, les effets de la nullité : Weill (A), op. cit., IV, p. 155 n°48
à 50 ; Starck(B), op. cit., n°1663 et s, p. 504
221 Julliot de la Morandière (L) , op. cit., n°s 417 et s. ; Starck (B), op. cit., n° 1670 et s., pp. 505 et s.
114
222 Art. 227 et 232 de la loi du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, telle que modifiée à ce jour.
223 Art. 232 de la loi du 20 juillet 1973 portant régime général des biens telle que modifiée à ce jour.
224 Voir développements in Starck (B), op. cit. n°s 1683 et s., p. 508.
115
116
Introduction
1. Les chapitres IV et V sont séparés pour une simple raison didactique. Ces deux
chapitres concernent, en effet, un même problème : l’étude de l’exécution même du
contrat, plus précisément, l’étude de l’exécution des obligations créées par le contrat.
Cette exécution des obligations du contrat peut s’analyser en se référant tantôt aux
rapports entre parties (Chap IV), l’on vise ici les effets internes des contrats, tantôt aux
rapports avec les tiers (Chap V), il s’agit ici des effets externes des contrats à l’égard des
tiers.
Il convient de noter aussi que si l’on parle d’effets des contrats au lieu d’effets des
obligations, ce qui serait plus exact, l’on veut se limiter aux effets des obligations issues de
cette source des obligations qu’est le contrat. Le contrat, on le sait, n’est pas l’unique
source des obligations.
C’est pourquoi il serait tout aussi erroné de parler d’effets des obligations tout
court alors qu’on veut parler des effets des seules obligations issues des contrats.
Quand donc nous parlerons d’effets des contrats, il faut entendre par cette
expression les effets des obligations issues des contrats car de façon stricte, l’effet du
contrat, c’est précisément la création des obligations dont nous avons déjà examiné le
contenu. Revenons au chapitre IV, après cette précision quant à son titre.
2. Principe des effets des contrats entre les parties
C’est l’article 33 du Code civil, livre III qui énonce le principe de base dans les
rapports des parties entre elles. « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi,
dit cet article, à ceux qui les ont faites ». Les mots « légalement formées » visent le fait que
les conventions doivent être faites conformément à la loi (art. 8 du Code civil, livre III),
c’est-à-dire ne doivent être entachées d’aucune cause de nullité.
Quant aux mots « tiennent lieu de loi », ils signifient que chaque contractant est lié
par le contrat comme il le serait si son obligation lui était imposée par la loi. Ceci implique
que chaque contractant est tenu d’exécuter sa prestation sous peine d’y être contraint par
la force publique. Et si l’exécution directe n’est pas possible, il sera condamné à des
dommages – intérêts représentant les préjudices que l’inexécution cause au créancier.
Ce principe appelle des commentaires et implique des conséquences que nous
étudierons dans quatre sections: le principe de la force obligatoire des contrats (section 1),
les conditions de l’exécution forcée des contrats (section 2), les cas particuliers de
l’exécution des contrats synallagmatiques (section 3) et les conséquences de l’inexécution
ou du retard dans l’exécution ou la théorie de la responsabilité contractuelle (section 4).
117
225 Magdi S. Khalil, Le dirigisme économique et les contrats, Paris, LGDJ, 1967 ; Mostapha M. El Gammal, L’adaptation
du contrat aux circonstances économiques, Paris, LGDJ, 1967
118
les parties ne peuvent pas le révoquer. Elles doivent respecter son contenu réel et
l’exécuter de bonne foi.
I. Irrévocabilité du contrat entre parties
Les conventions, dit l’article 33, alinéa 2 du Code civil, livre III, ne peuvent être
révoquées que du consentement mutuel des parties. C’est dire que les contrats conclus par
les parties, restent irrévocables pour elles, tant qu’elles n’ont pas été amenées à en
modifier les éléments par un nouvel accord des volontés (226).
De même qu’une loi ne peut être abrogée que par une autre loi, de même les
parties sont liées par leur contrat jusqu’à ce qu’un nouvel accord entre elle vienne détruire
le premier.
Ce principe de l’irrévocabilité du contrat comporte quelques atténuations. Il est en
effet des cas où les parties accordent à l’une d’entre elles un droit de résiliation unilatérale
du contrat. C’est le cas dans les contrats successifs ou dans le contrat d’entreprise où le
maître de l’ouvrage peut prendre l’initiative de mettre fin au contrat.
Dans certains contrats successifs à durée déterminée, c’est la loi elle-même qui
permet à l’une des parties de résilier unilatéralement le contrat. Exemple : le mandat finit
par la seule volonté du mandataire (art. 544 du Code civil, livre III). La faculté d’user du
droit de résiliation unilatérale ne doit pas donner lieu à un abus de droit, ce qui serait le
cas si l’exercice de ce droit était sans juste motif et avec la seule intention de nuire.
II. Respect du contenu de l’accord
L’irrévocabilité du contrat est le premier aspect de la force obligatoire du contrat
entre les parties.Il est un deuxième aspect de la force obligatoire du contrat entre parties,
c’est que les parties sont liées pour « ce qu’elles ont réellement convenu entre elles », c’est-
à-dire pour le contenu réel de leur contrat (art. 34 du Code civil, livre III).
Il arrive souvent, en effet, que pour diverses raisons, les parties dissimulent leurs
véritables conventions sous l’apparence d’un contrat apparent ou ostensible. Dans ce cas,
elles seront liées par ce contrat simulé appelé contre-lettre qui traduit leur véritable
volonté.
Arrêtons-nous un instant sur cette hypothèse de la simulation. Elle est prévue par
l’article 203 du Code civil, livre III. Celui-ci dispose que « les contre-lettres ne peuvent
avoir leurs effets qu’entre les parties contractantes; elles n’ont point d’effets contre les
tiers ».
Pour l’article précité, la contre-lettre c’est la convention véritable. En réalité, la
contre-lettre est l’acte instrumentaire, l’écrit, destiné à rester secret entre les parties faisant
preuve de ce qu’elles ont conclu et modifiant les stipulations d’un acte apparent.
Conditions de la simulation
Trois conditions doivent être réunies pour qu’il y ait simulation.
1°. Les parties doivent être d’accord sur le contrat secret qui est celui qu’elles ont
voulu passer en réalité. Il s’agit bien d’un contrat secret sortant tous les effets d’un
contrat. Ce n’est donc pas une convention fictive. D’autre part, l’exigence de
l’accord entre les deux parties distingue bien la simulation du dol par lequel un
des contractants cherche à tromper l’autre.
2°. L’acte secret doit être contemporain de l’acte apparent. Même si l’acte apparent est
fait un ou deux jours après, l’essentiel est qu’il soit fait dans la même période et
que dans l’intention des parties, les deux actes soient applicables simultanément
(227).
3°. Enfin, l’acte modificateur doit être secret et son existence ne doit pas être révélée
par l’acte apparent.
Eléments sur lesquels peut porter la simulation
La simulation peut porter sur divers éléments du contrat, notamment sur l’objet, la
cause ou la personne d’un des contractants.
Il peut y avoir simulation sur l’objet en cas de simulation du prix réel dans une
vente. La cause peut être simulée lorsque l’on cherche à cacher la vraie nature du contrat,
par exemple en cas de donation déguisée sous l’apparence d’une vente. La simulation sur
la personne d’un des contratctants peut être réalisée au cas où une donation est faite à une
personne interposée qui n’est pas le véritable gratifié.
Remarquons que la simulation ne suppose pas nécessairement la fraude. Souvent,
c’est une fraude fiscale (cas de donation déguisée en vente pour éviter de payer des droits
élevés) ou civile (on évite l’application des règles d’ordre public telles que les règles sur
les incapacités de recevoir ou celles sur la réserve héréditaire). Mais il peut y avoir
simulation sans fraude.Tel est le cas d’un donateur qui veut garder l’anonymat.
Effet des contre-lettres entre parties
L’article 203 nous donne la réponse à cette question. Les contre-lettres sortent des
effets pour les parties seulement, si elles respectent les conditions de l’article 8 du Code
civil congolais. Seules des lois particulières peuvent faire échec à cette solution de l’article
203.
Preuve de l’acte secret
On se réfère au droit commun des preuves des actes juridiques. Il faut produire un
écrit ou un commencement de preuve par écrit.
III. Exécution de bonne foi
La force obligatoire du contrat entre parties implique également que ces dernières
doivent l’exécuter de bonne foi (art. 33, al. 3). Ceci signifie que les parties doivent faire
montre de loyauté lorsqu’elles exécutent les obligations issues du contrat qu’elles ont
volontairement conclu. A cet effet, elles sont tenues de coopérer, elles ont le devoir de
collaborer à cette bonne exécution : elles doivent se faciliter la tâche. C’est la jurisprudence
qui a dégagé ce devoir de coopération des contractants. Celui-ci se traduit notamment par
l’obligation de renseignement qui peut incomber à l’un des contractants pour faciliter à
l’autre une meilleure exécution de ses obligations (228).
§2. Force du contrat à l’égard du juge
I. Principe
Si les parties n’exécutent pas volontairement leur contrat, c’est au juge que le
créancier s’adressera pour obtenir l’ordre d’exécution forcée. Le juge est dans ce cas lié
par le contrat, comme il le serait par une loi.
C’est là la thèse classique qui tend à sauvegarder la volonté individuelle des
parties même pour le juge. La thèse la plus sociale prétend que le juge peut interpréter le
contrat en rapport avec l’équité, les usages et la bonne foi considérés comme des notions
objectives supérieures à l’intention des parties (229). Ceci comporte deux conséquences
principales.
1° Le juge ne peut modifier le contrat
Le contrat s’impose au juge en ce sens qu’il est obligé d’appliquer le contrat tel
qu’il a été voulu par les parties. Il n’a pas le droit d’en modifier les clauses valables sous
aucun prétexte (par exemple que ces clauses seraient contraires à l’équité). Ainsi jugé que
lorsque les marchandises ont été entreposées, les frais d’entrepôt doivent être calculés au
prix convenu entre les parties et le juge ne pourrait, pour des motifs d’équité, limiter la
condamnation à la valeur de la marchandise (230). Le seul pouvoir que la loi accorde au
juge, c’est celui d’accorder des délais de grâce; il doit respecter la foi due aux actes.
Cette force obligatoire s’impose tellement au juge que la Cour suprême de justice a
décidé que « la convention avenue entre parties faisant la loi qui les régit dans
l’interprétation et l’exécution de leurs obligations, l’arrêt qui méconnaît ce principe prévu
à l’article 33 du Code civil, livre III, doit être cassé sur ce point(231).
2° Le juge doit interpréter fidèlement le contrat
Tous les contrats pour lesquels le juge doit donner une exécution forcée ne sont
pas toujours clairs. En cas de quelques difficultés sur le sens du contrat, le juge sera amené
à interpréter le contrat, comme il le ferait de la loi. Et les méthodes sont celles qu’il utilise
pour interpréter la loi : il doit rechercher la volonté commune des parties (art. 54 et s du
Code civil, livre III) ; en cas de doute sur la volonté réelle, le juge se référera à l’article 33,
alinéa 2 d’après lequel les conventions doivent être exécutées de bonne foi.
Comme l’écrit Weill, la bonne foi n’est pas autre chose que le respect consciencieux
de ce que les parties ont voulu, par leur contrat (232). Si les termes de l’accord prêtent à
controverse, le juge doit adopter le sens qui, d’après les usages (art. 57-58) et d’après
l’équité (art. 31), s’imposerait normalement à un individu honnête et loyal en affaires.
Ajoutons que l’article 60 du Code civil, livre III décide que « dans le doute, la
convention s’interprète contre celui qui a stipulé (le créancier) et en faveur de celui qui a
contracté l’obligation (le débiteur). Quand le contrat n’est ni ambigu ni à double sens, il
n’y a pas lieu à application de l’article 60, livre III du Code civil (233).
En application de ces principes, la jurisprudence congolaise a eu à décider que
dans les conventions, il ne faut pas tant s’arrêter au sens littéral des termes qu’à la
commune intention des parties contractantes (234). Le juge parfois confronté à des clauses
mal rédigées dites « clauses pathologiques », sera donc obligé de rechercher la volonté
réelle des parties avant de suivre les solutions proposées par les articles 54 et suivants du
Code civil, livre III.
II. Observations
Malgré les termes de l’article 33 du Code civil, livre III, le contrat n’a cependant
pas la même valeur que la loi. Il reste subordonné à la loi. Le juge doit contrôler si le
contrat reste légalement formé et peut de ce fait relever d’office les causes de nullités sur
l’ordre public.
Les parties doivent invoquer et prouver le contrat dont elles se prévalent, tandis
qu’elles n’ont pas à faire la preuve des règles sur lesquelles elles fondent leurs prétentions.
Dans les pays où la Cour de cassation a déjà une longue expérience, le rôle de cette
Cour dans l’interprétation des contrats marque aussi la différence entre le contrat et la loi.
D’une façon générale, la Cour peut connaître d’un pourvoi en cassation pour violation de
la loi et non pour violation du contrat, estimant que l’interprétation des contrats est une
question de fait et non une question de droit et doit donc relever des pouvoirs souverains
des juges du fond.
Mais la Cour de cassation en France n’a pas pu laisser les juges du fond
complètement libres. Elle a d’abord affirmé son pouvoir de contrôle en cas de
dénaturation pour freiner les écarts d’interprétation commis par les juges du fait, lorsque
235 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°220, B. Voir pour le droit congolais, Mbiango Kekese, « Le contrôle de la Cour
suprême sur l’indépendance des actes juridiques », in RJC, n°3, 1976, pp. 1-38
236 Weil (A), op. cit., n° 362 a).
237 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 448 et s.
123
238 Elis, 2 février 1917, RJCB, 1932, p. 56 ; Léo, 4 octobre 1928, Jur. col. 1929, p. 210 avec note ; Léo, 29 juin 1943,
RJCB 1944, p. 22.
239 Elis, 13 février 1926, Jur. Kat II, p. 257 ; 31 octobre 1914, Jur. col. 1925, p. 236 ; Cass. b., 17 octobre 1927, JTO,
124
noter que la sommation est un acte signifié par l’huissier et qui a spécialement pour objet
de mettre le débiteur en demeure de s’exécuter. L’acte équivalent peut être le
commandement ou une citation en justice. Le commandement est un acte d’huissier mais
plus énergique que la sommation, car il est fait en vertu d’un texte exécutoire, acte notarié
ou jugement. Il est préliminaire d’une saisie.
Et il ressort de la jurisprudence congolaise que le juge du fond apprécie
souverainement le caractère d’une correspondance invoquée à titre de mise en demeure
(lettre recommandée, lettre missive et en droit commercial où la procédure est encore
simplifiée : une simple lettre missive, un télégramme, une réclamation verbale, etc.). Il
apparaît en conclusion que dans notre droit, tout procédé par lequel le créancier veut
signifier au débiteur qu’il doit exécuter son jugement peut constituer pour ce dernier la
mise en demeure.
IV. Effets
La mise en demeure permet au créancier de réclamer des dommages-intérêts au
débiteur, à raison du retard dans l’exécution (retard dont il devient légalement
responsable). Il s’agit dès lors des dommages-intérêts moratoires (art. 44 du Code civil,
livre III). Avant la mise en demeure, le créancier paraît ne souffrir d’aucun retard. Il est à
noter que pour qu’il y ait dommages intérêts compensatoires (cas d’inexécution pour
faute du débiteur), la mise en demeure n’est pas nécessaire (240).
Quand l’obligation a pour objet la livraison d’un corps certain, les risques de la
chose, qui jusque là pesaient sur le créancier, incombent au débiteur à dater de la mise en
demeure (art. 37, al. 2).
V. Cas où la mise en demeure est inutile
Le créancier peut être dispensé de la mise en demeure :
1°. par la nature même de l’obligation du débiteur. Il en est ainsi pour les
obligations de ne pas faire. Ce cas est réglementé par l’article 43 du Code civil,
livre III qui dispose que « si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient
doit des dommages - intérêts par le seul fait de la contravention. Il en est de
même lorsque la chose que le débiteur s’était obligé de donner ou de faire ne
pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu’il a laissé passer (art.
44 in fine). Exemple : A s’engage à installer des lampes colorées dans le jardin de
B à l’occasion du bal de mariage de son fils. Si A ne s’exécute pas à la date du bal,
B aura droit à des dommages-intérêts sans avoir besoin de faire une sommation à
son débiteur ;
2°. par la convention, lorsqu’il est stipulé que l’échéance d’un terme donné
équivaudra à la mise en demeure (art. 38 du Code civil, livre III) ;
3°. par le fait que le débiteur a pris les devants et a lui-même manifesté sa volonté de
ne pas exécuter (241).
Il faut noter que la mise en demeure ne se conçoit que pour l’exécution d’un
contrat. L’obligation étant née de la volonté des parties, il faut que la volonté du créancier
s’affirme à nouveau pour que le débiteur, soit par la force, obligé de s’exécuter. Mais il
n’est pas de même pour les obligations délictuelles. Celles-ci ont leur source dans la loi et
sont fondées sur l’ordre public. La victime n’a pas à affirmer par un acte spécial sa volonté
d’obtenir réparation. Ainsi par exemple en cas d’accident de roulage, la victime ne peut
mettre en demeure l’auteur de l’accident pour le payer. Toutefois, le créancier qui a une
indemnité délictuelle n’obtiendra d’intérêts moratoires qu’après mise en demeure.
§2. Causes d’exonération
Cette matière est réglementée par les articles 45 et 46 du Code civil congolais.
L’article 45 dispose que « le débiteur est condamné s’il y a lieu, au paiement des
dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard
dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause
étrangère qui ne peut lui être imputable encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa
part ». Le débiteur ne sera donc exonéré que si l’inexécution ou le retard dans l’exécution
provenait d’une cause étrangère. Et l’article 46 cite la cause étrangère : il s’agit du cas
fortuit ou de force majeure. Mais en plus du cas fortuit et de la force majeure, il y aura lieu
d’exposer la théorie de l’imprévision qui, dans des hypothèses où il n’y a pas à
proprement parler force majeure autoriserait, d’après certaine doctrine, le juge à modifier
le contrat dans l’intérêt du débiteur. Nous verrons aussi les autres causes d’exonération et
la preuve de la libération.
Ce paragraphe 2 se présentera comme suit :
1. le cas fortuit et la force majeure : conditions et effet;
2. les autres causes d’exonération;
3. la preuve de la libération;
4. la théorie de l’imprévision.
I. Cas fortuit et force majeure
1. Notions
Bien que certains auteurs aient voulu distinguer le cas fortuit et la force majeure,
en affirmant que le cas fortuit serait un événement interne, se rattachant à l’activité du
débiteur ou de son entreprise (maladie du débiteur, rupture du moteur dans la voiture
qu’il conduit chez le créancier...), et que la force majeure serait un événement externe par
rapport au débiteur (foudre, inondation, ouragan, etc.) (242), il résulte de l’analyse du Code
241 Cass. fr. civ., 24 juillet 1928, DP 1930. I. 16 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 452
242 Notamment Colin (A) et Capitant (H), op. cit.,T. II, n° 126 et 127.
126
civil que ce dernier emploie indifféremment l’une ou l’autre des deux expressions ou les
deux à la fois (243). Le Code civil ne définit d’ailleurs pas ces deux notions dont il
reconnaît seulement qu’elles sont synonymes (244). Mais l’on admet généralement que « un
cas de force majeure est un événement impossible à prévoir et à éviter et qui empêche le
débiteur à exécuter ses obligations » (245).
2. Conditions de cas fortuit ou de la force majeure
Trois conditions sont nécessaires, d’après la jurisprudence, pour que le débiteur
soit libéré pour cas fortuit et force majeure.
1° Il faut que l’inexécution provienne d’une cause étrangère au débiteur. Il n’y a
pas de force majeure, si l’événement peut être rattaché à une faute, même non
intentionnelle, commise par celui-ci. Il n’y a pas force majeure lorsque par exemple,
l’obstacle a été créé par le débiteur (246). La déclaration de faillite ne constitue pas un cas
fortuit ou de force majeure car elle est due à la faute de celui qui en est l’objet et auquel
l’inexécution est imputable(247). En France, la jurisprudence va plus loin et écarte en
général la force majeure lorsque l’inexécution provient d’un vice de la chose employée
pour l’exécution du contrat;
2° Il faut que l’événement ait été inévitable, c’est-à-dire irrésistible et la
jurisprudence ajoute « imprévisible » car si l’événement pouvait être prévu au moment
du contrat, les parties ont dû en tenir compte dans leur convention. D’autre part, si,
imprévisible lors du contrat, il pouvait être prévu par le débiteur en cours d’exécution,
celui-ci est en général en faute de ne pas l’avoir évité (248). La condition d’imprévisibilité
doit toutefois être entendue de façon raisonnable, car après tout, avec l’évolution de la
science, presque tous les événements sont prévisibles. On peut prévoir les pires
catastrophes: guerre, tremblement de terre... On s’attache donc à des critères accessoires
d’anormalité, de soudaineté, de rareté. Il faut distinguer entre les faits normalement
prévisibles par un homme clairvoyant, avisé au moment du contrat et les autres. En
d’autres termes, il s’agit de déterminer ce que le débiteur aurait dû prévoir (249).
Toutefois, un événement même prévu peut être irrésistible et constituer une force
majeure. On ne peut pas l’empêcher d’être là. Exemple : une tempête, un cyclone, un
ouragan violent.
3° Il faut enfin, dit l’article 46 du Code civil, livre III que le débiteur ait été
empêché d’exécuter son obligation. Lorsqu’il est réel, l’obstacle doit avoir été pour le
243 Art. 46, 194, 379, 455, 500 etc. du Code civil, livre III
244 Voir aussi Mazeaud (H, L et J) et Tunc (A), op. cit., T. II n° 1151 et s.
245 Dictionnaire de droit, Dalloz, V° Force majeure.
246 Léo, 6 avril 1926, Jur. Col. 1927, p. 93.
247 Léo, 13 novembre 1926, Jur. Col. 1929, p. 159.
248 Art. 454, 455 du Code civil, livre III sur le prêt
249 Weil (A), op. cit., n° 413, p. 438 et note 3
127
débiteur, insurmontable. Cette insurmontabilité est une question de fait, qui dépend des
circonstances. Elle doit être appréciée in abstracto et non pas en rapport aux forces
personnelles du débiteur. En effet, c’est par référence à un critère abstrait qui serait non
pas l’homme le plus fort et le plus diligent, mais le bon père de famille, qui est toujours
diligent, placé dans les mêmes conditions de circonstances de temps et de lieu (250).
La jurisprudence se montre cependant chez-nous, comme ailleurs, très sévère
pour admettre l’insurmontabilité. Elle exige que l’empêchement du débiteur soit absolu
et constitue une réelle impossibilité et non des obstacles passagers rendant l’exécution
plus onéreuse seulement ou plus difficile (251).
On a jugé également qu’il n’y avait pas force majeure lorsque l’obstacle a été créé
par le débiteur lui-même (252). La doctrine mentionne d’autres cas où n’intervient pas
l’exonération pour force majeure (253).
Ainsi, l’état de guerre n’est pas en soi un cas fortuit ou de force majeure. C’est un
fait rendant l’exécution plus difficile seulement en raison de la mobilisation du personnel
ou de la pénurie des produits. Seuls des faits de guerre précis, tels que la réquisition, le
bombardement, la destruction, peuvent revêtir ce caractère. Les contrats restent donc
valables pendant la guerre. On pourra appliquer le même raisonnement aux pillages qui
ne devraient pas être considérés comme des évènements de force majeure.
Il en est de même de l’ordre de l’autorité, du fait du prince, qui peut être prévu et
qui peut parfois être évité, surtout si l’ordre est illégal(254).
De même, la guerre, à moins qu’elle ne soit générale, n’est pas pour un patron une
force majeure l’exonérant de ses obligations vis-à-vis de ses clients (255).
Cette sévérité de la jurisprudence s’explique par le fait qu’en droit français ou
belge, la stabilité des contrats est un principe essentiel : le débiteur reste tenu, devrait-il
être ruiné par l’exécution de son obligation (256).
Il aura donné sa parole au créancier qui l’a prise en compte dans son commerce
juridique. « Au commencement était la parole, la parole engendra le contrat et le contrat
était la personne même du contractant ». D’où le respect de la parole est de rigueur.
3. Effets du cas de fortuit et de la force majeure
Le cas fortuit et la force majeure libèrent le débiteur. L’obligation est éteinte et le
débiteur ne doit aucun dommages -intérêts (art. 46 et 191).Il en est cependant autrement si
le débiteur a pris à sa charge les cas fortuits (art.423 du Code civil congolais ); quand le
débiteur est en demeure de s’exécuter (art. 37, al. 2 et 194 du Code civil, livre III).
Notons que si la force majeure se combine avec une faute du débiteur (faute
n’ayant pas provoqué la force majeure), la libération ne sera alors que partielle puisque
l’impossibilité d’exécution n’est que partielle (257). En cas d’impossibilité momentanée
seulement, il n’y a pas force majeure, mais suspension de l’exécution du contrat. Celui-ci
peut cependant continuer à sortir ses effets si cela est encore utile.
II. Autres causes d’exonération
Le débiteur est encore exonéré par une cause étrangère au cas où l’inexécution est
due, soit à la faute du créancier lui-même, soit à la faute d’un tiers.
1. Faute du créancier lui-même
Il faut dans ce cas prouver que cette faute a été la cause génératrice et exclusive de
l’inexécution. Exemple : Le transporteur ne peut s’exonérer de son obligation de sécurité
qu’en prouvant que l’accident qui a causé la mort du voyageur est dû à la faute exclusive
de celui-ci (258).
2. Faute d’un tiers
Dans ce cas, il faut, selon la jurisprudence :
1°. que le débiteur n’ait pu ni prévoir ni empêcher cette faute qui se ramène ainsi
pour lui à un véritable cas de force majeure;
2°. que le tiers fautif ne soit pas le représentant légal ou conventionnel du débiteur,
ou son préposé, chargé d’exécuter pour lui le contrat ou de l’aider dans cette
exécution.
III. Preuve de la libération
Suivant l’article 197, al. 2 du Code civil, livre III, la charge de la preuve de la
libération pèse sur le débiteur. Le créancier aura à démontrer seulement l’existence et la
teneur du contrat. C’est au débiteur à prouver, soit qu’il a payé, soit l’existence d’une
cause libératoire. Les articles 45 et 194 du Code civil congolais décident, en conséquence,
que le débiteur qui n’a pas exécuté, sera condamné s’il ne justifie pas qu’il a été empêché
par un fait l’exonérant. La doctrine et la jurisprudence traduisent cette règle en disant que
le débiteur qui n’exécute pas son obligation, est présumé en faute.
Il y a à cet égard une opposition entre la responsabilité contractuelle et délictuelle.
Car, comme nous le verrons, en matière délictuelle, c’est la victime qui doit démontrer la
faute de l’auteur du dommage alors qu’en matière contractuelle, c’est le débiteur qui doit
prouver le fait qui l’a exonéré, c’est le débiteur qui est présumé en faute (259).
Mais cette présomption de faute qui pèse sur le débiteur qui n’a pas exécuté, est
susceptible de preuve contraire. Mais quelle preuve doit donc faire le débiteur ?
D’après l’article 45 du Code civil congolais, en principe, le débiteur ne peut se
contenter de la preuve de l’absence de faute, de démontrer qu’il a agi en bon père de
famille; il doit prouver de manière précise le fait étranger qui empêche l’exécution et
démontrer que ce fait présente les caractères d’une cause exonératoire(260).
En effet, la force majeure constituant une circonstance absolument indépendante
de la volonté de l’auteur du recours, il appartient à celui qui l’invoque de le prouver (261).
Cette solution comporte quelques réserves, à propos notamment de l’obligation de
livrer un corps certain et à propos de l’obligation de moyen (qui est une obligation de
faire).
A propos de l’obligation de livrer un corps certain, si en effet, on lit l’article 194
du Code civil congolais qui traite de la perte de la chose due, l’on voit que le débiteur a
deux moyens de renverser la présomption de faute qui pèse sur lui pour inexécution de
son obligation : il peut soit prouver le cas fortuit ou de force majeure (art. 194, al. 3), la
règle générale de l’article 197, al. 2 du Code civil livre III, reprise expressément dans
d’autres dispositions (art. 390 sur l’incidence d’une maison louée), il peut également se
contenter de prouver que la perte ou la détérioration de la chose est survenue « sans sa
faute » (art. 194 al. 1) en dehors de la mise en demeure. Ceci revient à dire que le débiteur
pourra se contenter de prouver qu’il a apporté à la conservation de la chose les soins
auxquels la loi (art. 36 du Code civil congolais) l’oblige, à savoir les soins d’un bon père
de famille (262) ou même dans certains contrats, les mêmes soins qu’à ses propres
affaires(263).
A propos des obligations de moyens également, la règle selon laquelle le débiteur
est présumé en faute comporte une exception. Contrairement au cas de l’obligation de
résultat où le débiteur qui n’a pas procuré au créancier le résultat escompté est présumé
en faute de façon irréfragable s’il ne prouve pas le cas fortuit, le débiteur de l’obligation
de moyen aura fait la preuve qui lui incombe, s’il démontre qu’il a fourni les services
promis.
En principe, les prestations promises par les contractants doivent être exécutées
simultanément. Ainsi, dans la vente, l’acheteur paie le prix en même temps qu’il prend
livraison de la chose. De là, il résulte que si l’un des contractants n’exécute pas son
obligation au moment où il doit, l’autre peut refuser lui-même de s’exécuter et opposer à
la demande de l’autre contractant l’exceptio non adimpleti contractus ou l’exception
d’inexécution(271).
Ainsi, le garagiste locataire d’ouvrage ne peut être tenu de payer les dommages et
intérêts au maître d’ouvrage pour le retard dans l’exécution de ses obligations lorsque le
retard invoqué est provoqué par la violation par le maître d’ouvrage de ses propres
obligations de fournir les pièces nécessaires en temps utile et de payer d’avance le prix
convenu(272).
De même, le paiement d’un salaire durant la suspension d’un contrat de travail
n’est pas dû, vu que dans ce contrat synallagmatique, le défaut de prester le travail
entraîne en contrepartie le défaut de paiement du salaire(273).
Le contrat en lui-même n’est pas pour autant annulé, il subsiste. La seule question
qui se pose est que l’une des parties ne va pas exécuter son obligation tant que l’autre, le
débiteur, ne le fait pas. L’extinction du contrat ne peut intervenir qu’en justice à la suite
274 Pour la France, notamment Cass. fr. civ., 5 mai 1920, DP 1926. I. 37
275 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 472.
134
contractant qui ne reçoit pas livraison de l’objet qu’il a stipulé fut obligé néanmoins
d’exécuter sa propre obligation.
En cas de risque, cas fortuit et de force majeure, la résolution a lieu de plein droit si
la chose périt totalement (Code civil, livre III, art 379).
L’article 298, alinéa 1er du Code civil livre III prévoit ainsi que « si au moment de la
vente, la chose vendue était périe en totalité, la vente serait nulle ». De son côté l’article
379 dit que « si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas
fortuit, le bail est résilié de plein droit< ». Mais en cas de perte partielle ou en cas de
doute sur l’existence du cas fortuit, c’est le tribunal qui devra trancher le litige. Il n’y a pas
donc de résolution de plein droit. Les parties ont aussi un rôle important dans la solution
à intervenir (Voir art 270, 379, 397, 436 précités). Selon le principe donc, le contrat est
éteint et les risques sont supportés par le débiteur.
II. Exception à ce principe
A ce principe de la connexité des obligations réciproques des contrats
synallagmatiques qui se traduit lui-même en cas de risques par la règle res perit debitori,
il faut apporter une exception lorsque le contrat emporte transfert de la propriété. La règle
applicable à cet égard est celle de l’article 37 du Code civil congolais suivant laquelle « res
perit domino ».
Le dominus qui est visé, c’est le créancier de la livraison, c’est-à-dire l’acheteur de
sorte qu’en matière des contrats emportant transfert de propriété, la règle devient « res
perit creditori ». C’est dire que si la chose, objet du contrat périt par cas fortuit avant
d’être livrée à l’acheteur, la perte est, non pas pour le vendeur comme le voudrait la règle
énoncée ci-dessus (276), mais pour l’acheteur, qui n’en reste pas moins tenu de payer le
prix.
Quelle est la justification de cette règle ?
C’est l’article 37, alinéa 2 qui donne la justification à cette règle en décidant que
l’acheteur devient propriétaire au moment même du contrat en matière mobilière. C’est
donc en tant que propriétaire de la chose qu’il en supporte les risques.
D’où cette meilleure formulation de la règle en « res perit domino » à la place de
« res perit creditori ». Le vendeur a donc rempli son obligation principale qui était le
transfert de propriété. Cette obligation, dit l’article 37, alinéas 1 et 2, est considérée comme
parfaitement remplie dès le consentement des parties, encore que la tradition, c’est-à-dire
la livraison de la chose, n’ait point été faite. Il n’y a d’exception que pour les immeubles et
les choses de genre non individualisées.
Il est donc juste que si le vendeur a exécuté son obligation, l’acheteur doit exécuter
la sienne, c’est-à-dire payer le prix. Si la chose périssait, cette perte ne peut empêcher
l’acheteur de payer le prix, cette perte étant un risque naturel et normal pour tout
propriétaire.
En définitive, la règle « res perit domino » apparaît non pas comme une exception
au principe de la connexité des obligations, mais comme sa parfaite application. Il faut
bien entendu rappeler que la règle res perit domino ne se s’applique que pour les contrats
emportant transfert de la propriété. Ceci reviendra à dire, que la chose resterait aux
risques du débiteur, c’est-à-dire en cas de vente, du vendeur, toutes les fois que la perte
est survenue alors que celui-ci (le vendeur) était encore propriétaire de la chose vendue.
Il en sera ainsi notamment :
1°. lorsque les parties ont décidé que l’acheteur de la chose n’en deviendrait
propriétaire qu’au jour de la délivrance matérielle ;
2°. en matière immobilière avant l’enregistrement;
3°. en cas de vente de la chose déterminée seulement in genere, dont
l’individualisation ne doit se faire que plus tard. Ainsi, en cas de vente de 10 sacs
de riz, sans précision, si avant la livraison, il y a incendie dans le hangar du
vendeur où se trouvaient entassés l’ensemble des sacs de riz, sans
individualisation, les risques seront pour le vendeur ;
4°. en cas de mise en demeure du vendeur, les risques sont pour lui (art. 37, alinéa
2);
5°. en cas de vente sous condition suspensive, car pour que la vente se forme, il faut
que la chose existe au moment où la condition se réalise (Code civil, livre III, art.
80, al. 1er) ;
6°. en cas de vente sous condition résolutoire. Il y a controverse dans cette hypothèse
(277). Certains auteurs affirment que les risques sont pour l’acheteur (278) tandis
que d’autres affirment qu’ils sont pour le vendeur (279). La première position est
plus correcte puisqu’ avant la réalisation de la condition résolutoire, la propriété
passe chez l’acheteur;
7°. en cas de force majeure, il y a l’exception prévue par l’article 194, alinéa 1 er du
Code civil, livre III concernant les corps certains (l’obligation est éteinte).
Cas de risques partiels
Si l’impossibilité d’exécution d’une des obligations n’est que partielle, la solution
que l’on tire généralement est celle de l’article 379 sur le bail. Elle varie suivant que cette
exécution partielle a ou pas d’intérêt pour l’autre partie. Si l’exécution partielle n’a plus
d’intérêt pour l’autre partie, celle-ci est libérée de son obligation propre. Si elle conserve
de l’intérêt, elle sera exécutée, mais les obligations de l’autre partie seront réduites (280).
La force obligatoire du contrat exige, nous le savons, que les parties exécutent
volontairement leurs obligations. Il s’agit de l’exécution en nature. Seuls la force majeure,
le cas fortuit et certaines causes libératoires que nous avons vues peuvent exonérer les
parties de leurs obligations.
Si cependant, le débiteur ne s’exécute pas, le créancier peut l’y contraindre par la
force. C’est l’exécution forcée qui peut être en nature ou par équivalent lorsque
l’exécution en nature est devenue impossible ou que le débiteur ne veut absolument pas
s’exécuter ou encore qu’étant possible, l’exécution n’est opérée qu’avec retard.
Les conséquences de l’inexécution ou du retard dans l’exécution de l’obligation qui
sont en même temps les sanctions de la force obligatoire du contrat sont double :
l’exécution en nature de l’obligation (§1) et l’exécution par équivalent ou en dommages -
intérêts (§2).
§1. Exécution directe ou exécution en nature de l’obligation
I. Principe
Etant donné que le contrat vise l’exécution de telle ou telle obligation précise, c’est
de préférence de cette obligation là que le créancier demandera exécution. Si le débiteur
ne s’exécute pas volontairement, le créancier se tournera vers le juge pour obtenir de force
l’exécution de cette obligation qui a été prévue par les parties. C’est cela l’exécution
directe ou en nature.
II. Obligations susceptibles d’exécution forcée en nature
L’exécution forcée en nature vise à contraindre le débiteur à exécuter l’obligation
telle qu’elle a été voulue par les parties.
1. Obligation de donner
L’exécution directe n’est à première vue possible que pour les obligations de
donner. C’est plus particulièrement l’obligation de délivrance qui sera le plus facilement
exécutée par la force publique grâce par exemple à la saisie judiciaire pour se faire mettre
en possession de la chose que le débiteur refuse de lui livrer.
Si la saisie des choses promises est impossible, le créancier pourrait être autorisé
par le juge à les acheter d’un autre aux frais du débiteur(282). La contrainte par corps,
En conclusion, l’article 40 du Code civil, livre III n’est pas d’application générale.
En réalité, il n’a fait que reproduire dans notre Code le vieil adage du droit romain
« nemo protest cogi ad factum » qui peut se traduire par « nul ne peut être contraint dans
sa personne à faire ou ne pas faire quelque chose, car ce serait une violence qui ne peut
être un mode d’exécution du contrat »(283).
Mais en pratique, l’article 40 n’est d’application que lorsqu’il est vraiment
impossible de contraindre le débiteur à l’exécution forcée en nature. Tel sera le cas
notamment :
1°. lorsque l’exécution en nature est devenue impossible du fait par exemple que la
chose à livrer a péri ou qu’elle n’a pas été livrée à une date utile pour le créancier.
Exemple : livrer le champignon pour le mariage et il l’est longtemps après les
festivités ;
2°. lorsque l’exécution en nature ne peut être possible qu’avec le concours du seul
débiteur qui ne veut pas bouger. C’est le cas où s’applique pleinement l’adage
« nemo potest cogi ad factum ».
C’est ainsi que si l’obligation du débiteur consistait, par exemple, à dessiner tel
plan pour l’immeuble dont le débiteur architecte connaît seul le secret, l’y forcer serait
inefficace.
Il en serait de même de l’obligation pour tel artiste de chanter ou jouer tel rôle. Le
forcer serait difficile. On se trouve ici dans des cas où « l’intuitu personae » joue.
III. Moyens de contrainte
Dans tous les cas, le créancier qui souhaite obtenir une exécution forcée en nature
dispose de divers moyens de contrainte directs ou indirects.
Parmi les moyens de contrainte directs l’on peut citer la saisie (arrêt, conservatoire,
brandon) qui vise spécialement l’obligation de délivrance; la force publique à laquelle on
recourt dans les hypothèses visées à l’article 41 du Code civil, livre III grâce à un titre
exécutoire; la faillite et la déconfiture.
Parmi les moyens indirects, on devra citer les voies d’exécution telles que la
contrainte par corps, la menace d’action en resolution, l’exception d’inexécution et, les
astreintes qui concernent surtout les obligations de faire et de ne pas faire.
Ce dernier moyen qui est de pratique jurisprudentielle aboutit souvent à
triompher du mauvais vouloir du débiteur. Mais arrêtons-nous davantage sur l’astreinte.
1. Notion de l’astreinte
L’astreinte est un procédé indirect de contrainte consistant pour le juge à
condamner le débiteur qui refuse ou qui tarde à s’exécuter, à payer au créancier une
somme d’argent égale à tant par jour, et ce pour toute la durée de l’inexécution ou du
284 Voir autres précisions Vocabulaire Dalloz, v° Astreinte ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°479 ; Colin (A) et
Capitant (H),op. cit., II, n°175. L’astreinte vise surtout les obligations de faire et de ne pas faire qui posent
précisément des problèmes en ce qui concerne l’exécution forcée en nature.
285 Dalloz, 1972, p. 361
286 Nouveau Répertoire Dalloz, mise à jour 1978, T.I., 281 ; Chabas (F), La réforme de l’astreinte (loi du 5 juillet 1972),
D. 1972, chron. 271
287 Dalloz, 1980, p. 285 ; Baraduc –B (E), L’astreinte en matière administrative, D. 1981 chron. 95 ; Nouveau Répertoire
Dalloz, v° Astreinte, p.90 mise à jour 1980 et 1982
140
En Belgique, c’est la loi du 31 janvier 1980 qui introduit l’astreint dans ce pays (288).
Quant à la jurisprudence belge (289), suivie en cela de la majorité de la jurisprudence
congolaise, elle n’admet pas la légalité de ce procédé (283). A l’instar de l’ancienne
jurisprudence belge(290), les critiques opposées contre l’astreinte sont restées les mêmes au
Congo qu’en France. Elles ont été formulées en son temps en France avant la loi de 1972.
1° En tout premier lieu, on a objecté à la théorie de l’astreinte le fait qu’elle ne
repose sur aucun fondement légal et qu’au contraire elle donne au juge le pouvoir de
sanctionner ses injonctions par des condamnations pécuniaires à titre de contrainte, ce qui
est contraire aux articles 48 et 49 du Code civil congolais.
Le Code civil ne prévoit en effet, qu’une alternative ou l’exécution directe est
possible, et dans ce cas le tribunal doit y condamner le débiteur, ou elle est impossible et
il ne peut alors qu’accorder au créancier des dommages-intérêts dont les articles 48 et 49
déterminent l’étendue. Il n’y a pas de peines mêmes civiles, sans la loi. Voici en effet
comment disposent les articles précités.
Article 48 : « Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été
prévus ou que l’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point, par son dol que
l’obligation n’est point exécutée.
Article 49 : « Dans le cas même où l’inexécution de la convention résulte du dol du
débiteur, les dommages & intérêts ne doivent comprendre, à l’égard de la perte éprouvée
par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe
de l’inexécution de la convention ».
2° La deuxième objection contre le procédé de l’astreinte est qu’il viole le principe
de la chose jugée. En effet, une fois qu’un tribunal a statué, il est dessaisi. Son jugement
devient quant à lui définitif et il ne peut plus le modifier. Or, le caractère comminatoire et
provisoire de l’astreinte fait que le tribunal peut revenir sur le chiffre qu’il a avancé pour
le supprimer, l’augmenter ou le réduire.
Ceci dit, il y a lieu de noter qu’en Belgique (291), comme chez nous (292), le juge peut
sans se référer au procédé de l’astreinte, déterminer des dommages-intérêts moratoires
288 Voir à ce sujet Malengreau (X), L’introduction de l’astreinte en droit belge, Louvain, collection Centre Droit des
obligations, doc. 80/5. La loi du 31 janvier 1980 portant approbation de la convention Benelux portant loi uniforme
relative à l’astreinte et de l’annexe (loi relative à l’astreinte) signées à La Haye, le 26 novembre 1973 a introduit dans
le code judiciaire, quatrième partie, livre IV un nouveau chapitre XXIII, intitulé « De l’astreinte ».
289 A l’exception de 1ère inst. Léo, 12 juillet 1935, RJCB 1940, p. 105 avec note, E.F., les autres décisions en la matière
sont contre l’astreinte. Cfr. 1ère inst. Coq ; 15 novembre 1926, RJCB, 1930, p. 269 ; 1ère inst. Elis., 20 mai 1932,
RJCB. 1932, p. 255 ; 27 juillet 1939, RJCB 1947, p. 65 ; Elis., 20 août 1968, 19 décembre 1968, 24 décembre 1968,
RJCB 1969, n°1, pp.47 à 53
290 Cass.b., 24 janvier 1924, Pas. 1924, I, 151 et conclusions Terbonden ; 22 novembre 1927. I. 92 ; 10 mars 1932,
Pas. 1932 I.9 ; 14 mai 1936, Pas. I. 257 ; cass. 30 septembre 1937, Pas. 1937. I. 249
291 Cass. b . 17 mars 1921, Pas. 1921. I. 297 ; 25 février 1937, Pas. I. 73
292 Elis, 7 avril 1964, RJCB, p. 171. Voir en France, les difficultés que soulève l’application des astreintes, Weil (A), op.
cit., n°814 et s., Cass. fr. civ., 20 octobre 1959 D.59, 537, note Holleaux
141
qui résulteraient du retard prévisible dans l’exécution d’une obligation et qui porterait
préjudice au créancier. Ces dommages-intérêts n’ont rien de commun avec l’astreinte. Ils
constituent une condamnation prononcée à titre d’indemnités et non à titre de contrainte
et il s’agit là d’une condamnation définitive et non provisoire. En ce qui concerne la
liquidation, on se réfère non au préjudice du retard, mais à la gravité de la faute. On
distingue ainsi l’astreinte des dommages intérêts car le cumul est admis. Sinon, il n’y a
pas d’efficacité à l’astreinte.
§2. Exécution par équivalent ou en dommages intérêts
Lorsque l’exécution en nature est vraiment impossible, l’obligation contractuelle
se résout en dommages - intérêts au bénéfice du créancier. En d’autres termes, le
créancier de l’obligation contractuelle inexécutée aura droit de la part du débiteur à une
certaine somme d’argent à tire d’indemnité du préjudice que lui aura causé l’inexécution
de l’obligation. On parle dans ces conditions également de la responsabilité contractuelle
du débiteur qui n’est en fait qu’un aspect particulier de la responsabilité civile générale.
Nous y reviendrons.
Mais signalons qu’en matière contractuelle, la responsabilité du débiteur ne peut
intervenir que lorsque se trouvent réunies certaines conditions précises dont le
mécanisme est d’ailleurs repris à la responsabilité civile générale. Il faut :
1°. que l’inexécution de l’obligation du débiteur entraîne un dommage au créancier
et que ce dommage soit bien le fait de cette inexécution. Notons que la preuve du
dommage incombe au créancier;
2°. que cette inexécution soit imputable au débiteur (exclusion du cas fortuit et de la
force majeure);
3°. que le débiteur ait été mis en demeure;
4°. que l’inexécution n’ait pas été couverte par une clause d’irresponsabilité.
Certaines de ces conditions ont déjà été examinées. Les autres sont empruntées au
mécanisme de la Responsabilité civile générale. Nous les développerons dans le titre
suivant. Il importe ici d’examiner d’abord la nature des dommages-intérêts eux-mêmes
(I) et d’étudier ensuite diverses questions soulevées par cette notion notamment leur
fixation générale par le juge (II), la fixation particulière des dommages et intérêts par la
loi en ce qui concerne les obligations ayant pour objet une somme d’argent (III) et enfin
les clauses conventionnelles spéciales relatives à la responsabilité contractuelle du
débiteur et aux dommages-intérêts (IV).
I. Nature des dommages-intérêts
Les dommages-intérêts (DI) sont soit compensatoires soit moratoires.
Les DI compensatoires sont ceux destinés à réparer le préjudice causé au créancier
par la non-exécution de l’obligation du débiteur (impossibilité d’exécution ou expiration
142
du temps utile pour l’exécution). Ils compensent, c’est-à-dire ils tiennent lieu de
l’exécution en nature et ne peuvent donc pas se cumuler avec cette exécution en nature.
Les DI moratoires quant à eux sont ceux destinés à réparer le préjudice que cause
au créancier le retard apporté par le débiteur à l’exécution de son obligation, à dater du
jour où il a été mis en demeure. Ces DI moratoires restent dus alors même que le débiteur
a ensuite accompli sa prestation. Ils peuvent ainsi se cumuler avec l’exécution en nature
qui aura été tardive. Peut-on concevoir que ces DI moratoires se cumulent avec les DI
compensatoires que le créancier recevrait une indemnité calculée à un double titre ? La
Cour suprême de justice a répondu par la négative (287 bis, voir note 291 bis).
II. Fixation des DI par le juge
A. Principe
Le juge fait une évaluation souveraine du montant des DI, le but étant la
réparation intégrale du préjudice évalué au jour du prononcé. Il s’agit d’une question de
fait qui échappe au contrôle de la Cour de cassation. Seront donc pris en
considération aussi bien:
1° le préjudice moral que le préjudice matériel comprenant le lucrum cessans
(manque à gagner) que le damnum emergens (perte subie) (art. 47 du Code civil congolais
(293). Exemples : A attend de B, x tonnes de sucre. B ne livre pas. Si A achète à C ce sucre à
un taux élevé, il peut demander à B le remboursement du supplément du prix et le
bénéfice manqué (bénéfice de vente qu’il a pu manquer).
Si un acheteur engagé pour un spectacle manque, il faut payer : a) les frais de
location de la salle, frais de publicité, b) le bénéfice net qui aurait été réalisé si le spectacle
avait eu lieu ;
2° le préjudice futur que le préjudice actuel à condition qu’au jour du jugement ce
préjudice soit d’ores et déjà certain. On écarte le préjudice purement éventuel ;
Lorsque l’existence d’un préjudice est établie, mais que le demandeur ne fournit
pas des éléments de base certains pour en calculer le montant, celui-ci doit être évalué ex
aequo et bono (294).
B. Limitations
A ce principe de la réparation intégrale, existent deux limitations.
1° Le préjudice indirect est exclu de la réparation (art. 49 du Code civil congolais).
Il faut donc une relation de cause à effet; il peut y avoir plusieurs dommages qui résultent
de l’inexécution du contrat. Ce qui est retenu, c’est la seule suite immédiate et directe de
l’inexécution de la convention. Sur la cascade des dommages, seul le dommage direct sera
retenu à la réparation.
Ainsi lorsqu’à la suite de l’inexécution par A de son obligation de livrer telles
marchandises, le contractant A en est tombé malade, s’est absenté de son travail et a été
renvoyé. A ne peut réclamer le dédommagement de ce dernier préjudice, car celui-ci est
indirect. Il ne peut exiger que le dédommagement du préjudice subi par sa firme. De
même, si l’organisateur d’un spectacle qui n’a pas eu lieu tombe malade de ce fait, il ne
pourra réclamer le remboursement de frais médicaux.
2° Le préjudice impossible à prévoir ou qui n’a pas été prévu. Il faut noter qu’il
s’agit du préjudice qui n’a pas été prévu de bonne foi. Il est exclu de la réparation
intégrale sauf quand il y a dol. On protège ainsi le débiteur de bonne foi (art. 48 du Code
civil congolais). Il convient de noter que la prévisibilité concerne la qualité et non
l’existence de ce dommage (295). Dans ce cas, le débiteur qui a commis un dol ou une faute
intentionnelle réparera même les dommages non prévus, par exemple les valeurs
supérieures à celles généralement supportées en cas de dégradation de bagages.
III. Fixation des DI par la loi dans les obligations ayant pour objet une somme d’argent
La question est réglée par l’article 51 du Code civil, livre III. Il ne peut s’agir ici
que des DI moratoires et non compensatoires, car on ne peut transformer une somme
d’argent en une autre somme d’argent. Dans les obligations qui portent sur une somme
d’argent, les DI moratoires ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts
fixés par le juge (296). Par ailleurs la Cour suprême de justice a clairement dit que les
intérêts moratoires ne pouvaient être cumulés avec des intérêts compensatoires (297).
A. Principe et procédure
La solution adoptée par l’article 51 du Code civil, livre III pour fixer les DI en cas
d’inexécution d’une obligation ayant pour objet une somme d’argent est différente de
celle du Code Napoléon. En effet, alors que dans le Code Napoléon, les DI sont calculés
suivant un taux fixé par la loi et de manière générale, fixe et invariable, chez nous ce taux
est fixé par le juge suivant le taux moyen courant de l’argent. Mais comme en France, ce
taux est chez nous invariable et fixe; c’est donc un forfait judiciaire(298). On parle d’ailleurs
chez nous d’intérêts judiciaires au lieu d’intérêts légaux comme en droit français et belge.
La jurisprudence congolaise révèle que ce taux d’intérêts judiciaires est fixé à 6 % en
matière civile et 8 % en matière commerciale (299). Ces intérêts, dit l’article 51, alinéa 3, ne
sont dus que du jour de la demande (exemple : art. 329, al. 4 ; 502 et 537) sauf
exception(300).
D’autre part, les DI judiciaires ne sont pas alloués d’office. Ils ne le sont que sur
demande expresse formulée par le créancier dans son exploit introductif d’instance ou
dans ses conclusions. La simple mise en demeure ne suffit pas pour obtenir les DI. Il faut
les demander de façon expresse et ils ne peuvent être exigibles qu’à partir de la date de la
demande en justice seulement (301).
Par ailleurs, les conditions d’obtention de ces intérêts judiciaires sont simplifiées.
L’article 51, alinéa 2 du Code civil, livre III dispose que le créancier n’a pas à prouver le
dommage subi. La loi présume l’existence de ce préjudice. En effet, le non-payement de la
somme qui lui est due prive nécessairement le créancier de l’intérêt qu’il en aurait retiré.
Elle lui cause donc toujours un préjudice.
B. DI conventionnels
Le taux de l’intérêt judiciaire n’est pas d’ordre public. Les parties peuvent donc y
déroger en fixant librement un taux différent. C’est l’intérêt conventionnel (art. 480 du
Code civil congolais). Notons que dans certains pays même ce taux d’intérêt
conventionnel a été réglementé et limité pour protéger les débiteurs qui ont besoin
d’argent contre l’usure de certains créanciers.
C. Intérêt des intérêts dus par le débiteur ou anatocisme (302)
Par anatocisme, du grec « ana tokos » : « nouveau produit », on entend, comme
souligne le Répertoire pratique du droit belge, la capitalisation des intérêts (303).
L’anatocisme ou le problème de la capitalisation des intérêts est réglementé par
l’article 52 du Code civil congolais : « Les intérêts échus des capitaux peuvent produire
des intérêts ou par une demande judiciaire ou par une convention spéciale, pourvu que,
soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une
année entière ». Le Code civil est donc sévère et tend à protéger les débiteurs contre des
créanciers qui pourraient exploiter leurs besoins.
La capitalisation des intérêts est donc permise dans notre droit. Les intérêts
peuvent produire des intérêts, en vertu d’une convention ou d’une demande en justice,
mais précise l’article 52, il ne doit s’agir que d’intérêts dus au moins pour une année
entière et d’intérêts échus (304). La capitalisation trimestrielle ou semestrielle est exclue.
D. Exception
Contrairement à l’article 51, l’article 52 du Code civil, livre III édicte que les
revenus échus tels que fermages et loyers (305) produisent intérêts non pour une année
entière, mais du jour de la demande ou de la convention. Cette exception s’explique par le
fait que ces créances périodiques ne représentent pas les intérêts du capital auquel elles
viendraient s’ajouter. Dès lors, leur capitalisation offre le même danger que celle des
intérêts (306).
IV. Clauses conventionnelles relatives à la responsabilité du débiteur et aux DI (307)
302 Verbraeken (C) et De Schoutheete (A), « L’anatocime », in JT, n° 5495 du 18 février 1989, pp. 11-103
303 RPDB, v° Obligation, n° 881.
304 Voir pour l’interprétation Cass. b., 22 décembre 1938, Pas. I, 405. Pour les développements, Verbraeken ( C) et De
Schoutheete (A) , op. cit., p. 101
305 On y ajoute les comptes courants par la simple coutume commerciale. Cass. b., 27 février 1930, Pas. 1930, I, 129 ;
RTDC 1931, p. 708 et 1932, p. 849 ; Sohier (A), Novelles de Droit colonial, T. IV, n° 89.
306 Voir pour la critique Weil (A), Droit civil. Les obligations, Précis Dalloz, Paris, Dalloz, 3è éd. 1980, n° 443- 444.
307 Développement in Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 498 et s.
146
convient de voir, par exemple, les clauses générales du connaissement dans les
transports maritimes pour s’en rendre compte (308).
Trois sortes de clauses sont possibles : les clauses fixant forfaitairement des DI ou
clauses pénales, les clauses limitant à un certain maximum la responsabilité du débiteur
et enfin, les clauses de non-responsabilité.
A. Clauses pénales
1. Définition
La clause pénale constitue une convention subsidiaire à un contrat principal et par
laquelle les contractants évaluent par avance les dommages-intérêts dus par le débiteur,
en cas de retard ou d’inexécution de la convention principale (Code civil, livre III, art. 124,
al. 1).
Ce qui est fixé à l’avance, ce n’est pas une peine (amende ou privation de liberté)
comme peut le faire penser le terme pénal mais une certaine indemnité. A première vue,
la clause pénale apparaît comme un moyen de contrainte sur le débiteur. En réalité, tel
n’est pas l’effet essentiel de la clause pénale, car le plus souvent la clause pénale bénéficie
au débiteur, son but étant de diminuer forfaitairement les DI qui pourraient être dus en
droit commun (309).
Ces clauses sont très fréquentes : c’est notamment le cas des clauses de dédit en
matière de contrat d’emploi (310) et des clauses pénales en matière de contrat de fourniture
des travaux.
2. Caractères
La clause pénale présente deux caractères : elle tient de lieu de DI ; elle est un
forfait.
1° La clause pénale tient de lieu de DI. Ceci signifie d’abord que le débiteur n’est
tenu de payer la clause pénale que dans le cas où il peut être condamné à des DI. C’est
dire que les conditions de débition des DI doivent être remplies : l’inexécution ou le retard
d’exécution doit lui être imputable (ce qui exclut le cas de force majeure); le débiteur doit
être mis en demeure (art. 128 du Code civil congolais). En effet, après mise en demeure du
débiteur par le créancier, il est licite d’appliquer la clause pénale prévue dans la
convention en cas de rupture fautive de celle-ci par l’acheteur (311). Le créancier n’est pas
obligé de prouver que l’inexécution lui cause préjudice puisque ce préjudice a été à
l’avance présumé et évalué dans le contrat. En d’autres termes, l’existence et le quantum
308 Ces clauses déterminent les dommages-intérêts en cas de perte ou d’avarie des marchandises transportées.
309 De Page (H), op. cit., t. III, n° 117 et 119. L’article 127, al. 1 er fait allusion à une sorte de négociation entre les
parties.
310 Voyez notamment Elis, 25 septembre 1915 et novembre 1915, Jur. Col. 1929, p. 44 avec note et p. 169 ; Léo, 19
décembre 1929, RJCB 1930, p. 73 ; Elis, 17 janvier 1942, p. 45.
311 L’shi, 28 janvier 1972, RJZ 1972, p. 69
147
du préjudice ne doivent pas être discutés comme l’ont voulu les parties.
Par ailleurs, une autre conséquence du fait que la clause pénale tient lieu des DI
est que le créancier a toujours le droit, lorsque le débiteur ne s’exécute pas, de poursuivre
l’exécution directe de l’obligation toutes les fois qu’elle est possible. C’est seulement au
cas où elle est impossible, dit l’article 126 du Code civil, livre III, qu’il doit se contenter de
demander la « peine » stipulée.
Enfin, la dernière conséquence de ce premier caractère de la clause pénale est que
le créancier ne peut demander en même temps le principal, c’est-à-dire l’exécution directe
de la prestation et la peine, à moins que cette dernière n’ait été stipulée pour le simple
retard (Code civil, livre III, art. 127, al. 2).
2° La clause pénale est un forfait. Contrairement aux intérêts judiciaires ou
conventionnels étudiés précédemment et qui sont variables, les DI fixés par la clause
pénale sont un forfait déterminé à l’avance et de façon définitive par les parties en cas
d’inexécution ou de retard d’exécution. Le juge ne peut donc pas en conséquence allouer
au créancier une somme plus forte ni moindre quand bien même il trouverait le chiffre
insuffisant ou excessif. Telle est la disposition de l’article 50 du Code civil congolais dont
le but est aussi de limiter le nombre de procès (312).
Toutefois, la loi elle-même ainsi que la jurisprudence permettent au juge, dans
certains cas, de modifier l’indemnité forfaitaire prévue conventionnellement par les
parties. L’article 129 du Code civil, livre III permet au juge de modifier la peine lorsque
l’obligation n’a été exécutée qu’en partie; la jurisprudence admet également qu’en cas de
dol ou de faute lourde du débiteur, il peut être alloué des DI dépassant le forfait (313).
D’autre part, lorsque la clause fixe l’indemnité à un chiffre tellement bas qu’elle
équivaut en fait à une clause de non responsabilité, il arrive souvent que la jurisprudence
permette au juge d’augmenter l’indemnité, voire d’annuler la clause.
Rappelons avant de passer à la deuxième catégorie des clauses que la clause
pénale est une convention accessoire à la convention principale. C’est dire que si la
convention principale est nulle, cette nullité entraîne celle de la clause pénale (art. 125).
Par contre, la nullité de la clause pénale n’entraîne point celle de l’obligation principale
(art. 125, al. 2). Lorsque l’obligation principale est anéantie, la clause pénale devient
inopérante.
312 Le Code civil allemand et le Code fédéral suisse permettent au juge de diminuer ou de renforcer les DI en cas de
nécessité. Je pense personnellement qu’une telle disposition enlève à la clause pénale son caractère forfaitaire et
son économie qui est d’éviter les procès. En ce sens, Colin (A) et Capitant (H),op. cit., t. II, n°164. Voir aussi De
Page (H),op. cit., t. III, n°12 4bis. Chez nous aussi l’article 31, al. 4 du décret-loi du 21 février 1965 sur le pouvoir de
modérer l’indemnité excessive.
313 Planiol (M) et Ripert (G),op. cit.,t. VII, n° 869 ; RTDC, 1936, p. 684 ; Mazeaud (H, L et J) et Tunc (A), op. cit., t. III, n°
2628 et s.
148
314 En effet, il a été jugé que la clause limitative de responsabilité prévue par l’art. 12 du Décret du 30 mars 1931 relatif
à la responsabilité des transporteurs n’est applicable qu’en cas de faute légère (Kin, 31 août 1971, RJZ, 1973, p.
170).
315 BO 1931, p. 257 ; Les Codes Larcier. République démocratique du Congo, t. III, vol. I, 2002, p. 122.
149
leurs responsabilités sauf en ce qui concerne les bénéficiaires de libre parcours ou ceux qui
commettent des fautes personnelles. Quant à la jurisprudence, elle admet chez nous
comme ailleurs, le principe de s’exonérer par convention de la responsabilité
contractuelle(316). Toutefois, ce principe connaît des atténuations :
1°. en cas de faute lourde et de dol du débiteur, la clause d’exonération n’a aucun
effet. Il est inéquitable et contraire à l’ordre public de s’exonérer à l’avance contre
son dol ou sa faute lourde. Les notions de dol et de fautes lourdes (assimilées au
dol suivant l’adage culpa lata dolo aequiparatur) sont des questions de fait
laissées à l’appréciation du juge(317) ;
2°. certains auteurs enseignent également que l’engagement du débiteur risque de
ne pas être sérieux à la suite d’une clause de responsabilité et ce compte tenu de
la nature propre de cette obligation du débiteur, la clause d’irresponsabilité
n’aurait aucun effet. C’est souvent le cas pour l’obligation de l’architecte (318) ;
3°. les clauses d’irresponsabilité relatives à l’intégrité physique de la personne sont
aussi sans effet.
Appréciation
J’avoue personnellement être défavorable à la validité de clauses d’irresponsabilité
contractuelle, car de la même manière qu’il faut rejeter les clauses d’irresponsabilité
délictuelle qui favorisent la négligence et le manque de circonspection de la part du
débiteur de l’indemnité - ce qui serait contraire à la morale et à l’ordre public - de la même
manière il faudrait être circonspect sur ce qui concerne les clauses d’irresponsabilité
contractuelle : celles-ci inciteraient en effet les débiteurs à ne pas exécuter leurs obligations
de bonne foi comme l’exige l’article 33 du Code civil, livre III, puisqu’ils sauraient leur
négligence couverte par la convention.
Enfin d’une façon générale je suis pour une généralisation du monde d’évaluation
316 La clause d’irresponsabilité délictuelle est à mon avis contraire à l’ordre public.
317 Cette assimilation dol - faute lourde est consacrée dans notre droit de la même manière qu’en France (voir Mazeauc
(H, L et J) et Tunc (A),op. cit., t. I, n°675-2 ; Marty (G) & Raynaud (P),op. cit.,t. II, vol. I, n°413 ; Orban (P),op. cit.,
n°266 ; Rae (M), op. cit., n°241 ; Léo, 13 mars 1926, Jur. Col. 1928, p. 77 ;16 mars 1959, RJCB 1960, p. 9, 1 ère Inst.
Léo, 22 fév. 1928, Jur. Col. 1928, p. 56 ; 1ère inst. Stan, 30 avril 1951, RJCB 1952, p.189, 1ère inst. Léo, 18 mai 1953,
RJCB 1954, p. 19 ; 1ère inst. Stan, 10 juillet 1953, RJCB 1954, p. 101 ; Kin, 31 août 1971, RJZ 1973, p. 170. Notons
toutefois que le droit belge a introduit une distinction entre le dol et la faute lourde à la suite des arrêts de la Cour de
cassation du 25 septembre 1959, Pas. 1960, I, 133 ; 5 janvier 1961, Pas. 1961, I., 483. La jurisprudence congolaise
a été influencée par cette évolution du droit belge. Cfr Léo, 2 juillet 1959, RJCB 1960, p. 222 ; comp. Elis, 23 janvier
1962, RJCB 1963, p. 12 ; voir aussi les études de Desimplaere, « La faute grave du conducteur d’automobile et le
contrat d’assurance de responsabilité civile en droit belge », RJCB 1956, p. 77 et s. 161 et s. ; Rae (M), « La validité
des clauses élisives de la responsabilité ou limitatives des dommages-intérêts dans les contrats de transport en cas
de faute lourde ou de dol », RJCB 1961, p. 43 et s.
318 En ce sens, De Page (H),op. cit., t. II, n°608, 1052 et s. ; Van Ryn, étude dans RGAR 1931, n°703 et
« Responsabilité aquilienne et contractuelle », n°225 et s. 241 et s. ; Mazeaud (H, L et J) et Tunc (A), op. cit., t. III,
2519 et s.
150
des DI. Je propose à cet égard que le taux des DI actuellement dégagé par la jurisprudence
soit fixé par la loi pour éviter toute contestation et tout arbitraire. Les DI judiciaires
deviendraient ainsi au Congo comme ailleurs des DI légaux auxquels on ne peut déroger
que par une convention expresse des parties qui préféreraient les intérêts conventionnels.
Quant à l’astreinte, j’avoue que même si son efficacité est certaine surtout avec les
lois en France et en Belgique et avant elles, la tendance de la Cour de cassation en
France(319) de cumuler les DI légaux, peut par contre produire le même effet que
l’astreinte et forcer le débiteur à veiller à l’exécution de son obligation.
Enfin, pour favoriser le développement du commerce, il convient de maintenir les
diverses clauses relatives aux DI avec les tempéraments que nous avons déjà examinés à
savoir, écarter les clauses en cas de dol, de faute lourde ou celles relatives à
l’irresponsabilité.
320 Weil (A), La relativité des contrats en droit privé français, Thèse Strasbourg 1939 ; Savatier ( R), RTDC 1934, p.
525.
153
effets, qui sont donc étrangers au contenu de ce contrat qui ne rentrent pas dans cette
sphère contractuelle, ne s’y soient pas soumis. C’est évident, les tiers ne peuvent pas être
liés par un effet juridique qu’ils n’ont pas volontairement recherché. C’est la logique de
notre conception du contrat selon laquelle on ne peut être soumis aux effets juridiques du
contrat que lorsque sa volonté individuelle en a décidé. La chaîne juridique tient
seulement ceux qui l’ont ainsi voulu c’est-à-dire, les seules parties contractantes et non ces
tiers.
Effets internes et effets externes du contrat
Es-ce à dire que les tiers doivent ignorer les effets du contrat quand bien même il
ne leur serait pas obligatoire ? En d’autres termes, les tiers peuvent-ils ignorer l’existence
du contrat ou contribuer sans égard à violer le caractère obligatoire du contrat entre les
parties ? C’est suite à cette question que la doctrine moderne a distingué d’une part, le
problème de la relativité et celui de l’opposabilité et d’autre part, les notions d’effets
internes et d’effets externes du contrat. Le problème soulevé est très complexe; nous ne
pouvons ici que le résumer(321). En fait, on associe la notion de relativité à celle d’effets
internes et de l’opposabilité à celle d’effets externes.
I. Relativité des effets internes du contrat
Lorsque l’on parle d’effets obligatoires du contrat qui sont relatifs, l’on vise les
effets internes du contrat, c’est-à-dire les obligations et les droits qui naissent du contrat et
qui ne s’adressent qu’aux seules parties qui les ont voulus en donnant leur consentement,
aux seules parties qui sont directement dans la sphère contractuelle.
Si dans un contrat de vente, A acheteur s’engage à payer à B vendeur le prix de la
chose et que B à son tour s’engage à livrer la chose et à en transférer la propriété, les
obligations précitées ne naissent que dans le chef des deux parties A et B. A ne peut
obliger C ou D à exécuter l’obligation de B ni B obliger D à exécuter celle de A, car C et D
n’ont pas voulu les effets du contrat A-B. Ce contrat- là leur est « une res inter alios acta »,
une chose qui leur est étrangère.
Le contrat A - B ne sort des effets obligatoires qu’à l’égard de A et de B. On dira
que cet effet obligatoire du contrat A - B est relatif, car il ne s’adresse qu’à l’égard de A et
B et non à l’égard des autres qui ne peuvent pas non plus l’invoquer pour en tirer profit.
Ce qui est obligatoire relativement aux parties et non relativement aux tiers, c’est donc « le
but » du contrat, c’est-à-dire le contenu interne du contrat.
Ces effets internes ne sont pas obligatoires à l’égard des tiers qui ne les ont pas
« voulus ». Et ceci est la logique de notre conception du contrat qui donne une place de
choix au respect de la volonté individuelle. Mais à l’égard des tiers, le contrat n’est pas
pour autant inexistant. Les effets, non pas internes, mais externes de ce contrat, leur sont
321 Voir l’intéressante étude de M. Fontaine, Les effets des contrats à l’égard des tiers, les effets internes et les effets
externes de contrat, Louvain, Centre de droit des obligations, doc. 89/12.
154
opposables.
II. Opposabilité des effets du contrat à l’égard des tiers
Même s’il n’a pas été conclu par les tiers, le contrat reste pour ces derniers un fait
social (322) qui existe. En tant que tel, les tiers doivent le respecter. Lorsqu’en effet les
parties opposent le contrat aux tiers, elles ne prétendent pas lier ces derniers sans leur
volonté en leur étendant les effets internes du contrat; elles entendent seulement leur faire
respecter les effets que celui-ci produit entre elles. De la sorte, on peut mieux s’exprimer
en disant que seuls sont opposables aux tiers, non les effets internes,opposables seulement
entre parties, mais les effets externes ou indirects (323) du contrat entre parties.
Ceci produit d’importantes conséquences dont en voici les principales (324) :
1° le contrat crée entre les parties une situation juridique opposable à tous.
Exemple : celui qui acquiert un droit en vertu d’un contrat opposera ce droit à l’égard de
tous, sauf application des règles spéciales en matière immobilière par exemple;
2° le tiers qui se rend complice de la violation par une des parties de ses
obligations contractuelles est considéré comme ayant commis une faute délictuelle et peut
se voir réclamer des dommages-intérêts par le créancier lésé (325).
III. Quelques exceptions à la règle res inter alios acta (326)
Avant même d’examiner les principales dérogations prévues par l’article 63 du
Code civil, livre III, il y a lieu de voir dès maintenant quelques exceptions à la règle res
inter alios acta. Ces exceptions se fondent toutes sur la bonne foi et l’intérêt social. Dans ce
cas, les tiers sont personnellement tenus par des contrats passés par des personnes avec
lesquelles ils n’ont pas traité et dont ils ne sont pas les ayant cause.
Ainsi, les contrats constituant des actes d’administration passés par le possesseur
du bien d’autrui, continuent à produire effet à l’égard du propriétaire. C’est le cas des
contrats de location passés par l’acquéreur à réméré, visé par l’article 349, alinéa 2 du
Code civil, livre III.
Par ailleurs, les contrats, même d’aliénation, passés par l’héritier apparent, sont
opposables au véritable héritier par l’acquéreur de bonne foi conformément à l’adage
« error communis facit jus ». Ceci vaut pour le droit belge et français.
Enfin, en vertu de l’article 133 du Code civil congolais, le paiement fait de bonne
foi au possesseur de la créance est opposable au véritable créancier.
§3. Personnes visées à l’article 63 du Code civil congolais
L’article 63 du Code civil, livre III parle des tiers sans les définir. Ces tiers se
définissent en réalité par opposition aux parties contractantes. Celles-ci sont les personnes
ayant donné personnellement leur consentement, étant présentes(327) et celles qui ont été
représentées à la formation du contrat.
Quant aux tiers, ce sont tous ceux qui n’ont été ni parties ni représentées. En
pratique, la distinction n’est pas si facile, car parmi les tiers, il y a, d’une part, ceux qui
sans avoir été à proprement parler parties au contrat, ont quelques rapports avec celui-ci
ou avec un contractant.Il s’agit des ayants cause, parmi lesquels il faudra distinguer les
ayants cause à tire universel et les ayants cause à titre particulier, et d’autre part, ceux qui
n’ont absolument aucun rapport avec les parties ou le contrat et qu’on appelle, les pénitus
extranei, c’est-à-dire littéralement traduit, les « complètement tiers ».
Voyons donc ces différentes catégories de tiers, en soulignant déjà que la question
qui se pose pour les ayants cause est celle de savoir si, s’étant vu transmettre tout ou
partie de droits, voire un seul droit d’une des parties, l’ayant cause peut à ce titre profiter
ou subir des effets du contrat.
I. Représenté
Le représenté n’est pas un tiers, contrairement au représentant. En effet, le
représentant agit au nom et pour le compte du représenté à qui s’imposeront les effets
internes du contrat passé pour lui par le représentant.
II. Ayants cause à titre universel
Les ayants cause à titre universel, c’est-à-dire les héritiers ou légataires qui
succèdent à l’universalité ou à une quote-part de l’université du patrimoine d’un défunt,
ne sont pas des tiers au sens de l’article 63. Les contrats passés par leur auteur produisent
effet à leur égard. Ils succèdent aux créances comme aux dettes car ils sont censés
continuer la personne du défunt. L’article 22 du Code civil congolais, livre III confirme
cette solution en portant en principe que chacun « est censé avoir stipulé pour soi et pour
ses héritiers et ayants cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la
nature de la convention ».
La finale de cet article 22 permet ainsi d’écarter la succession à un contrat qui était
conclu par le défunt, intuitu personae. Il en est ainsi de la société en commandite simple
327 On vise les personnes présentes et qui ont participé réellement au contrat en donnant leur consentement exprès ou
tacite à ce que tous les effets du contrat ou une partie des effets du contrat leur soient applicables. Ainsi, les
simples observateurs ne doivent pas être considérés comme parties au contrat au sens qui nous intéresse.
Voir à ce sujet Vasseur (M), « Essai sur la présence d’une personne à un acte juridique accompli par d’autres »,
RTDC, 1949, p. 173 et s ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°78.
156
328 En ce sens, Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°513 ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°238, qui donne de
longs développements en précisant notamment que l’ayant cause à titre particulier ne succède pas à l’auteur du contrat
lorsqu’il s’agit d’une dette, car la cession de dette n’existe pas, et qu’il succède aux dettes et créances lorsqu’il s’agit
d’un contrat synallagmatique portant sur le bien acquis.
329 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°513, voir aussi Weil (A), op. cit., p. 534, n°510
157
acquérir.
Le juge devra apprécier souverainement devant chaque cas d’espèce pour voir si
un contrat antérieur à une incidence ou non sur la nature du droit ou si au contraire, ce
contrat n’entraînant qu’une obligation personnelle de l’auteur, ne devant pas se
répercuter sur le droit à acquérir par l’ayant cause à titre particulier.
Applications (330)
L’acquéreur d’un immeuble n’est pas lié par un contrat, en vertu duquel son
vendeur avait assumé des obligations relatives à des fournitures d’eau à son voisin.
Exemple : Dans des parcelles à Kinshasa, des voisins sans robinet viennent puiser
l’eau dans l’unique parcelle où il y a un robinet moyennant une certaine indemnité. Il
s’agit là non d’une servitude réelle (d’un droit réel de servitude) affectant le droit de
propriété sur l’immeuble, mais d’un arrangement personnel engageant l’auteur de ce
contrat. C’est une obligation personnelle de l’auteur qui ne doit pas avoir d’effet à l’égard
de l’ayant cause (à titre particulier de l’immeuble).
L’acquéreur n’est pas non plus lié par le contrat par lequel l’auteur s’était engagé à
livrer régulièrement à des tiers des fleurs de son jardin.
L’application de ce principe est parfois freiné par la loi elle-même qui, dans
certains cas, admet que l’ayant cause à titre particulier serait tenu par les contrats de son
auteur, bien que ces contrats n’aient pas pour objet la nature du droit ultérieurement
transmis.
On citera, à titre d’exemple, le cas prévu à l’article 399 du Code civil congolais,
livre III. L’acquéreur ne doit pas expulser le locataire qui a un bail ayant date certaine
antérieure à la vente, bien que le bail ne fasse naître qu’un droit personnel n’affectant pas
la nature du droit de propriété.
IV. Créanciers chirographaires (331)
On a longtemps pensé que les créanciers chirographaires étaient, en vertu du droit
de gage général qu’ils ont sur le patrimoine de leurs débiteurs, des ayants cause à titre
universel de leurs débiteurs. Cette formule est inexacte.
Le droit de gage est une chose, l’effet du contrat du débiteur sur le patrimoine du
créancier, une autre chose. En effet, les créanciers ne deviennent personnellement ni
créanciers des créances, ni débiteurs des obligations nées des contrats passés par leurs
débiteurs. Ce qui est vrai, c’est que ces contrats du débiteur ont des répercussions à leur
égard. Les créanciers ont en effet un droit de gage général sur le patrimoine de leur
débiteur, et ce droit sera affecté par lesdits contrats. Si ceux-ci font naître des créances,
l’actif du patrimoine sera augmenté; s’ils font naître des obligations, celles-ci accroissent le
passif, et les anciens créanciers devront subir le concours des nouveaux créanciers.
C’est pourquoi, pour protéger ce droit général de gage des créanciers, la loi,
spécialement en ses articles 64 et 65 du Code civil congolais, a accordé aux créanciers deux
actions spéciales : l’action oblique et l’action paulienne qui leur permettent de profiter des
contrats conclus par leur débiteur ou d’en écarter les conséquences à leur égard. Nous y
reviendrons. Parfois même, la loi accorde aux créanciers des actions directes. C’est le cas
notamment de l’action directe de la victime contre l’assureur, de celle du propriétaire
envers le sous-locataire (art. 409 du Code civil congolais), de celle des ouvriers du
bâtiment contre le client de l’entrepreneur, du mandant contre la personne que le
mandataire s’est substitué (art. 535, al.2 du Code civil, livre III).
Donc, « c’est une catégorie originale de tiers sui generis, qui ne saurait être
confondue avec les autres » car, ils peuvent attaquer les conséquences des actes de leurs
débiteurs soit par l’action paulienne soit par l’action oblique.
V. Tiers penitus extranei
Les tiers complètement étrangers qui ne sont pas les ayants cause d’une des
parties, et qui n’ont aucun rapport avec celle-ci ne peuvent subir les effets du contrat.
C’est en principe à eux que s’applique pleinement l’article 63.
Les articles 63 et 203 du Code civil congolais ont prévu des dérogations au
principe de la relativité des conventions. A ces dérogations légales on en ajoutera d’autres
qui peuvent être voulues par les parties. Tel est le cas de la représentation et des contrats
collectifs. Les dérogations prévues par l’article 63 visent le cas de la stipulation pour
autrui et celui de la promesse pour autrui (clause de porte-fort). L’article 203 vise le cas de
la simulation.
Nous allons ainsi examiner d’abord les dérogations légales, c’est-à-dire prévues
expressément par la loi : la promesse pour autrui (§1), la stipulation pour autrui (§2) et la
simulation (§3), puis les dérogations non expressément prévues par la loi mais bien par
les parties comme la représentation (§4) et les contrats collectif (§5).
§1. Promesse pour autrui
I. Nullité de la promesse pour autrui
L’article 19 du Code civil, livre III pose le principe de la prohibition des promesses
pour autrui. Il dispose « qu’on ne peut, en général, s’engager ni stipuler en son propre
nom que pour soi-même ». Cette disposition n’est du reste qu’une application du principe
de la relativité des conventions prévu par l’article 63 déjà examiné. A ne peut pas
promettre à B le paiement par C d’une somme d’argent tant que C n’a pas participé à la
conclusion du rapport d’obligation A-B ni en personne, ni comme mandataire, ni comme
159
gérant d’affaires, ni comme représentant. Il est donc étranger au rapport A - B; il n’est, par
rapport à B ni son co-contractant, ni son gérant, ni son représentant. D’autre part, tant que
A ne s’oblige pas lui-même à l’égard de B, la promesse ne produit aucun effet juridique
obligatoire.
II. Validité de la promesse de porte-fort
Si, en principe, la promesse pour autrui est prohibée par la loi en la sanctionnant
de nullité, une exception est prévue lorsqu’il y a promesse de porte-fort.
L’article 20 du Code civil congolais faisant suite à l’article 19, permet en effet que
« l’on se porte fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci, sauf l’indemnité contre
celui qu s’est porté fort ou qui a promis de faire ratifier si le tiers refuse de tenir
l’engagement ».
Schéma
A B
C
A se porte fort pour un tiers C en promettant à son co-contractant B le fait de C.
Ce fait peut être matériel, comme la participation d’un athlète à une compétition
sportive promise par un entraîneur A à l’autorisateur de la compétition (B), le
dégagement de la route par C afin de permettre le passage de B, etc.
Mais ce fait est plus souvent, un acte juridique positif ou négatif la conclusion d’un
engagement, d’un contrat, par exemple l’intervention des véhicules de C promise à B en
vue d’un transport important de marchandises de B, la ratification d’un acte ou une
abstention comme par exemple l’abstention de toute action en revendication(332). Dans
tous les cas, l’on voit que la clause de porte fort conclue entre A et B engage un tiers C.
III. Formes et hypothèses des clauses de porte-fort
La promesse de porte-fort n’est soumise à aucune forme particulière pour sa
validité. Le plus souvent elle est faite sous forme de convention adjointe à un contrat que
passe une personne au nom d’une autre.
Quant aux hypothèses pratiques de cette clause, elles sont généralement limitées
au cas où il est en fait impossible d’obtenir l’engagement valable d’un tiers soit à raison de
son éloignement, soit à raison de son incapacité.
L’éloignement peut viser le cas d’un co-propriétaire C d’un bien d’un individu
333 Cass. b., 15 décembre 1932, Pas. 1933, I.52 ; Cass. fr., civ. 30 janvier 1957, D. 1957, 82
334 Léo, 2 mai 1939, RJCB 1939, p. 187
161
C Tiers bénéficiaire
La stipulation pour autrui est, en principe, interdite par le Code civil, livre III (art.
19) qui, dans l’article 21 n’en admet la validité que dans les cas exceptionnels et sans en
préciser très nettement les conditions et les effets. Elle a pris, au cours du XIXème siècle une
grande importance grâce à la jurisprudence qui a étendu ses cas d’application.
II. Validité de la stipulation pour autrui
Alors qu’elle était ignorée en droit romain, la stipulation pour autrui a été
progressivement reconnue au cours des temps. Le Code Napoléon suivi par notre code
civil a admis sa validité exceptionnellement. L’article 21 ne la reconnaît en effet que :
1°. lorsque telle est la condition de la donation que l’on fait à une personne. C’est la
donation avec charge (donation sub modo) ;
2°. lorsqu’elle est la condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-même.Par
exemple, le vendeur stipule que partie du prix sera versée à lui-même, partie à
une autre personne.
Mais la jurisprudence postérieure au Code civil a généralisé la validité de la
stipulation pour autrui, sous la poussée des nécessités pratiques. On a ainsi étendu les
exceptions ci-dessus en reconnaissant la validité de la stipulation pour autrui, chaque fois
qu’il était acquis que le stipulant pouvait y avoir un intérêt même moral.
Les applications pratiques de la stipulation pour autrui sont donc variables. En
effet, en plus des cas anciens à savoir les exceptions du Code civil, telles la donation avec
charges et la vente avec attribution du prix à soi-même et à un tiers, l’on a d’abord
335 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°254 et s. ; Julliot de la Morandière (L), op. cit, n°259 et s.
162
appliqué la stipulation pour autrui à l’assurance-vie (ou assurance en cas de décès) (336),
bien qu’elle ne reproduise pas les conditions exceptionnelles de la loi, spécialement
l’article 21 du Code civil, livre III (337).
Mais par utilité sociale, on a reconnu la validité de la stipulation pour autrui en cas
d’assurance susmentionnée. Outre ce cas d’assurance-vie ou en cas de décès, on a étendu
l’application de la stipulation pour autrui à d’autres cas encore, notamment la stipulation
faite par l’expéditeur au profit du destinataire dans le contrat de transport, les clauses
insérées au profit des ouvriers dans les cahiers de charge des marchés des travaux publics
ou de fournitures (338), l’assurance pour le compte de qui il appartiendra, par laquelle le
propriétaire d’une chose l’assure non seulement à son profit mais au profit des
propriétaires successifs, par exemple pendant le temps où une marchandise voyagera (339)
et l’assurance des domestiques et gens de maison, contre les accidents qu’ils subiraient.
III. Mécanismes et effets de la stipulation pour autrui
La seule réglementation légale des effets de la stipulation pour autrui est contenue
dans l’article 21 in fine du Code civil congolais : « Celui qui a fait cette stipulation ne peut
la révoquer si le tiers a déclaré vouloir en profiter ». Cet article ne précise ainsi que deux
points :
1°. le tiers a la faculté d’accepter ou de décliner la stipulation à son profit;
2°. jusqu’à ce que le tiers ait accepté, le stipulant peut révoquer la stipulation.
Mais, sur ces bases, la jurisprudence a eu à mieux dégager les rapports entre le
promettant et le tiers, entre le promettant et le stipulant, entre le tiers et le stipulant.
A. Rapports du tiers bénéficiaire et du promettant
Droits directs du tiers
Stipulant Promettant
A 2 B
3 1
C Tiers bénéficiaire
336 Assuré = stipulant ; compagnie d’assurance = assureur promettant et tiers bénéficiaire, la personne pour qui on a
stipulé (conjoint, enfant, parents…).
337 En effet, l’assuré en payant les primes, ne fait pas une donation à la compagnie par laquelle il n’a aucune intention
libérale ; l’assuré, en outre, ne stipule rien pour lui-même, le capital n’étant payable qu’à son décès.
338 Cass. fr., 3 mars 1909, S. 1911, I. 369
339 Elis, 7 février 1956, RJCB, p. 193
163
D’après l’article 21, dès le contrat stipulant - promettant, ce dernier est lié à l’égard
du tiers et ne peut se dégager par sa seule volonté. La faculté de révocation, précise
l’article 21, n’appartient qu’au stipulant. Quant au tiers, il n’est pas lié d’office; il a la
faculté d’accepter ou de ne pas accepter, dit l’article 21.
Si le tiers accepte, expressément ou tacitement, et même après le décès du
stipulant, il a un droit direct, et conséquemment, une action directe à l’encontre du
promettant (340). Il devient donc créancier du promettant. Précisons que le droit direct du
tiers naît, dès le contrat primitif, c’est-à-dire dès la stipulation, directement en son
patrimoine, sans passer en aucune façon par le patrimoine du stipulant. Le moment de la
naissance du droit du tiers bénéficiaire correspond à la date de la stipulation. Il est donc
antérieur à l’acceptation du bénéficiaire. L’acceptation du tiers apparaît alors comme une
condition d’efficacité de la stipulation pour autrui, le tiers ne devient pas créancier sans le
vouloir(341).
Les conséquences de ce droit direct sont, dès lors, que :
1°. les sommes dues par le promettant au tiers, et n’ayant pas appartenu au stipulant
ne sont pas comprises dans la succession de celui-ci(342);
2°. les sommes ne peuvent être réclamées, au moyen de l’action paulienne, par les
créanciers du stipulant mort insolvable(343).
Pour expliquer ces résultats contraires à l’article 63, la doctrine a imaginé divers
systèmes : le système de l’offre de la gestion d’affaires et le système de l’engagement
unilatéral de volonté(344).
Mais tous ces systèmes ont été inopérants. Il suffit seulement de reconnaître
comme le fait l’article 63 lui-même que la stipulation pour autrui est une exception du
principe.
Avec le progrès des idées sociales, on ne doit plus répugner à l’heure actuelle à
admettre que les parties à un contrat peuvent ne pas agir uniquement pour leurs intérêts
propres et peuvent, dans le cas de plus en plus nombreux où la loi admet la validité de la
stipulation pour autrui, faire naître une créance à l’égard d’un tiers »(345). Aujourd’hui, on
ne cherche pas à étudier la nature ni le fondement juridique de la stipulation pour autrui.
La doctrine estime que c’est une institution autonome.
340 Léo, 14 mai 1957, RJCB, p. 365 ; Elis., 7 février 1956, RJCB, p. 193 ; 1ère inst. L’shi, 17 mai 1967, RJCB 1969, p.
217.
341 Cass. fr. civ., 2 juillet 1884, S. 1885, I. 5, note Labbe, D. 1885, I. 150
342 Voir en France, art. 68 de la loi du 13 juillet 1930 sur l’assurance.
343 Art. 69 de la même loi.
344 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 538, 539 et 540.
345 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°541. La doctrine et la jurisprudence ont suivi la même voie pour instituer
l’action directe des victimes contre les assureurs. Le fondement et la nature juridique de l’action directe n’ont pas
encore été déterminés en doctrine et pourtant les nécessités de protection de la victime ont généralisé son
application.
164
346 En ce sens, Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°257, p. 234
347 Notamment Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°262, p. 237
348 Cass. fr., civ. 1ère sect., 12 juillet 1956, D. 1956. 749, note de M. Radouant
165
mieux situer le bénéficiaire sur la tête duquel se fixera le droit direct contre le promettant.
Ainsi donc, il n’est pas nécessaire que le bénéficiaire soit nommément désigné lors du
contrat. Ce qui importe c’est qu’il soit déterminable au moment où la stipulation doit
sortir ses effets. On admet ainsi que sont valables :
1°. l’assurance pour le compte de qui il appartiendra. Ici, les propriétaires futurs sont
inconnus au moment du contrat, mais ils seront déterminés à un moment donné
à la suite d’une succession de divers événements;
2°. les stipulations au profit des pauvres de telle Commune et pas des pauvres en
général;
3°. l’assurance sur la vie contractée par une personne au profit de ses héritiers sans
qu’il soit besoin d’inscrire leurs noms dans la police(350).
b) Stipulation au profit d’une personne future
La situation concerne généralement les stipulations au profit des personnes qui ne
sont pas encore nées au moment du contrat. Les solutions en droit comparé sont
controversées. On s’est souvent fondé pour les proposer sur les textes relatifs à la
donation, spécialement l’article 906 du Code civil français (351).
Chez nous, le Code de la famille admet la validité de la donation ou du testament
au profit d’un enfant conçu pour autant que l’enfant soit né viable (art. 840). Cette
disposition est conforme à la tendance de la doctrine (352) et de certaines législations
modernes (353), qui reconnaissent la valadité de la stipulation au profit des enfants nés ou à
naître. Cette solution rejoint d’ailleurs celle de la stipulation au profit des personnes
déterminables examinées précédemment.
§3. Cas de simulation
Nous avons déjà examiné le mécanisme de la simulation et ses effets à l’égard des
parties. Nous ne traiterons ici que des effets de la contre-lettre à l’égard des tiers.
Effets de la contre-lettre à l’égard des tiers
Le principe de solution se trouve posé dans l’article 203 du Code civil congolais.
Après avoir affirmé que la contre-lettre produirait des effets entre les parties, le même
article 203 ajoute que la contre-lettre n’a point d’effet contre les tiers.
Sens du mot tiers
Ce mot n’a pas ici le même sens que dans l’article 63 du Code civil, livre III.
1° Quid des ayants cause à titre universel ?
Au sens de l’article 203, ces personnes ne sont pas des tiers. L’article 203 a ainsi à
leur sujet, la même portée que l’article 63. Ces personnes seront placées dans la même
situation que les parties dont elles sont les « continuatrices ». A leur égard donc, c’est
seule la contre-lettre qui compte.
2° Quid des penitus extranei ?
Les penitus extranei ne sont pas les tiers visés principalement par l’article 203.
Etant des tiers au sens de l’article 63, ces penitus extranei n’ont pas en principe à
supporter les effets des contrats auxquels ils n’ont pas été parties, on n’a donc pas à se
préoccuper à leur égard des conséquences de l’acte apparent ou de l’acte simulé : ni l’un
ni l’autre ne leur est opposable (354).
3° Ayants cause à titre particulier et créanciers chirographaires des parties
Ce sont ceux qui sont spécialement visés par l’article 203, dans la mesure où les
contrats passés par leurs auteur ou débiteur ont un effet direct ou indirect, à leur égard
(355). La question qui se pose est celle de savoir lequel, du contrat apparent ou du contrat
simulé devra s’appliquer vis-à-vis d’eux.
La solution est dictée par l’article 203 in fine qui ne prévoit du reste que le cas où
la contre-lettre tend à s’appliquer contre les tiers. Dans ce cas, la contre-lettre, dit l’article
203 in fine, n’a aucun effet contre le tiers. Dans le cas du bail à date certaine opposable à
l’acquéreur d’un immeuble, si un acte simulé en réduit le loyer, cet acte-là ne serait pas
opposable à l’ayant cause à titre particulier. De même, n’est pas opposable à un créancier
chirographaire, un acte simulé qui tendrait à diminuer le patrimoine du débiteur. C’est le
cas de ce débiteur qui devait recueillir une créance de 1.000.000 de FC pour augmenter
son patrimoine, mais par acte simulé il réduit le montant de la créance à 500.000 FC par
exemple.
Pour le créancier chirographaire, l’acte simulé n’a aucun effet, car il est contre lui.
Il est à noter que la contre-lettre serait opposable aux tiers, si ceux-ci en avaient connu
l’existence quand ils traitaient eux-mêmes avec les parties. Mais qu’en est-il dans
l’hypothèse où la contre-lettre profite aux tiers ?
Lorsqu’elle est stipulée contre les tiers, la contre-lettre, nous venons de le voir, ne
leur est pas opposable. Quelle est la situation lorsque la contre-lettre leur profite ? La
solution qui résulte a contrario de l’article 203 du Code civil, livre III est que les tiers, tout
comme les parties et leurs ayant cause universels peuvent invoquer la contre-lettre.
Pour écarter l’acte apparent qui, dans ce cas leur est nuisible, les tiers ainsi que les
parties disposent de l’action en déclaration de simulation. Et la preuve de la simulation
peut être faite par les tiers à l’aide de tous les moyens.
A’ Représenté
II. Caractères et hypothèse
La représentation revêt ces caractères propres et ne doit pas de ce fait se confondre
avec d’autres situations différentes pour lesquelles on parle parfois de représentation
imparfaite telle que la pratique de la commission ou celle de prête-nom.
a) Le représentant qui passe le contrat, agit au nom du représenté et fait connaître
son intention à celui qu’il contracte. Il doit veiller à ce que sa qualité d’intermédiaire ne
soit pas ignorée. Ne sont ainsi pas des représentants parce qu’ils laissent ignorer leur
qualité d’intermédiaire auprès des co-contractants ou des tiers, les commissionnaires du
droit commercial et celui qui agit pour le compte d’autrui comme prête-nom ou personne
interposée. Ces personnes (les commissionnaires et le prête-nom agissent certes pour le
compte d’autrui, mais restent juridiquement engagées personnellement envers celui avec
lequel elles passent l’acte juridique (contrat, marché...). Ce sont elles qui sont parties au
contrat et non pas les personnes auxquelles en définitive reviendront les bénéficiaires et la
charge. La volonté de représentation doit donc être nette.
b) Le représentant doit avoir pouvoir de représenter celui pour le compte duquel il
356 En ce sens, Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°281 et Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 522
357 Weil (A), op. cit., n° 79 et s, spécialement n° 85 et s ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°79, 90 ; Julliot de la
Morandière (L), op. cit., n°524 et s ; Starck (B), op. cit., n°1195 et s ; Mazeaud (H., L et J), Leçons de droit civil,op.
cit., t.II., vol.s, n°147 et s.
169
358 En ce sens Weil (A) et Terre (F), op. cit., n° 83, p. 86 ; Starck (B), op. cit., n°1220, p. 390
170
représenté par contre doit rembourser au représentant ses avances et ses frais et payer si
la représentation était à titre onéreux.
§5. Contrats collectifs (359)
I. Notion
Il s’agit de contrats passés entre deux ou plusieurs personnes mais dont les
clauses seront obligatoires pour un ensemble d’autres individus ayant un intérêt
commun.
A B
C Tiers
II. Effet
Les contrats collectifs constituent une atteinte à la liberté contractuelle puisque
des individus se trouveront liés par un contrat auquel ils n’ont pas personnellement été
partis.
III. Application
Les conventions collectives de travail constituent un cas d’application des contrats
collectifs. Il s’agit de l’accord conclu entre un ou plusieurs employeurs ou un ou plusieurs
syndicats d’employeurs d’une part, et un ou plusieurs syndicats de travailleurs de
l’autre, dans le but de fixer les conditions du travail. Certaines conventions collectives
sont conclues librement. D’autres sont conclues par des commissions mixtes réunies à
l’initiative du Gouvernement, « ministère du Travail » ou à l’initiative de l’une des
organisations syndicales la plus représentative.
Le contrat a une naissance (conditions de formation et sanction), une vie (les effets
juridiques), mais aussi une fin. C’est l’objet du présent chapitre.
Nous verrons dans la section I les clauses générales d’extinction et dans la section
II les règles particulières propres à l’extinction des contrats synallagmatiques.
Les causes suivantes constituent d’une façon générale des modes d’extinction du
contrat :
1°. l’exécution de ses obligations par chacune des parties. C’est le mode le plus
normal par lequel prennent fin les contrats ;
2°. l’accord des parties. Puisque le contrat naît du mutuus consensus, il peut de
même prendre fin du mutuus dissensus (art. 33, al. 2). Les parties, dit l’article 33,
alinéa 2 du Code civil, livre III, peuvent en effet révoquer leur contrat d’un
consentement mutuel. Cette cause d’extinction opère de façon rétroactive pour
les contrats instantanés qui sont censés n’avoir jamais existé; elle opère au
contraire sans rétroactivité pour les contrats successifs, lorsque les parties
décident volontairement d’y mettre fin alors qu’ils ont déjà reçu exécution. On
parle dans ce cas de la résiliation conventionnelle ;
3°. l’arrivée du terme convenu pour les contrats successifs, spécialement, met fin au
contrat. C’est le cas du bail de deux ans ;
4°. la volonté de l’une des parties dans les contrats successifs à durée indéterminée
(résiliation unilatérale) ;
5°. la mort de l’un des contractants, en cas de contrat conclu intuitu personae. A titre
d’exemple, le contrat de mandat ou le contrat d’entreprise.
Section 2 : Résolution judiciaire du contrat synallagmatique
Nous avons vu à propos des contrats synallagmatiques que leur exécution était
soumise au principe de la simultanéité et que, par conséquent, en cas d’inexécution
effective de l’une des parties, l’autre pouvait opposer l’exception d’inexécution (exceptio
non adimpleti contractus.
L’invocation de cette exception n’équivaut pas à la résiliation unilatérale du
contrat, ni non plus à la résolution du contrat. L’article 82 du Code civil congolais règle la
sanction d’inexécution par l’une des parties de son obligation contractuelle en matière de
contrats synallagmatiques. Suivant cet article, la partie lésée a une option :
173
1°. elle peut soit demander l’exécution forcée en nature ou à défaut, c’est-à-dire
lorsque l’exécution forcée en nature n’est pas possible, une exécution par
équivalent;
2°. elle peut aussi demander une résolution judiciaire du contrat avec DI, s’il y a lieu.
Nous étudierons d’abord ce droit d’option du créancier ainsi que son fondement
(§1), puis nous examinerons les conditions d’application et les effets de la résolution
lorsqu’elle est demandée (§2). Nous nous interrogerons après sur les types de contrats
auxquels s’applique cet article 82 (§3) et verrons enfin les diverses clauses expresses de
résolution qui peuvent affecter le contrat (§4).
§1. Droit d’option du créancier. Son fondement
Le droit d’option du créancier, ignoré du droit romain, mais soutenu surtout par le
doit canonique, se trouve aujourd’hui consacré dans notre Code civil, livre III par l’article
82. Celui-ci est la fidèle reproduction de l’article 1184 du Code Napoléon. Cet article
dispose :
« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats
synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son
engagement.
Dans ce cas, le contractant n’est point résolu de plein droit. La partie envers
laquelle l’engagement n’a pas été exécuté a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la
convention avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un
délai selon les circonstances ».
Fondement du droit d’option
Le droit d’option se fonde non seulement sur le principe général de l’exécution de
bonne foi des contrats (art. 33), mais surtout sur la notion même de cause dans les contrats
synallagmatiques (360).
On sait que dans ces contrats, la cause c’est les obligations réciproques des parties.
Si l’une des parties ne s’exécute pas, l’autre ne le fera non plus, car sa propre obligation
n’aurait plus de cause. Le droit commun propose quelques solutions à la partie lésée, elle
peut demander l’exécution forcée ou si celle-ci n’est pas possible, l’exécution par
équivalent.
Ces solutions ne sont pas toujours heureuses. L’exécution forcée peut être coûteuse
et lente et parfois même impossible à obtenir. Dans ces derniers cas, la partie lésée est
amenée à se contenter seulement des dommages-intérêts. Dans ces deux hypothèses, à
360 Weil (A), op. cit., n°477 et s. D’après A. Weil, il y a d’autres raisons qui justifient ce droit : il s’agit des raisons
économiques, morales (équité) et historiques. Sur ce dernier point, le droit économique a joué un rôle remarquable
(op. cit., n°477 et 478).
174
savoir l’exécution forcée ou le paiement des dommages et intérêts, la partie lésée reste liée
à l’égard de l’autre partie.
L’article 82 du Code civil, livre III ajoute à ces deux solutions de droit commun,
une troisième solution : la résolution judiciaire du contrat. Cette dernière résolution elle-
même se fonde également sur l’idée de cause dans les contrats synallagmatiques. En effet,
puisque le but escompté par chaque partie est l’obligation de l’autre, il apparaît logique et
équitable que la partie réellement lésée arrive à se délier de son obligation.
Cependant, la résolution du contrat ne doit pas dépendre uniquement de la
volonté de celui qui se plaint d’un fait d’inexécution car il pourrait abuser de ce droit au
cas de simple retard de son adversaire ou d’inexécution partielle. C’est pourquoi l’article
82 du Code civil, livre III a cru nécessaire de faire intervenir le juge pour apprécier le bien-
fondé de la demande en résolution et pour dire si elle est ou non justifiée par les faits
reprochés à l’autre partie.
§2. Conditions d’application et effets de la résolution
I. Conditions d’application
A. Mise en demeure
On sait que dans notre droit les formes de la mise en demeure sont très simplifiées
(361). On admet généralement que l’assignation vaut mise en demeure. Celle-ci peut être
faite par lettre recommandée. Des pourparlers et même des accords « de principe » faits
sous toutes réserves ne peuvent être considérées comme valant renonciation à se
prévaloir d’une mise en demeure (362). Il a été jugé dans ce sens que même dans un bail
écrit, il est de jurisprudence constante qu’à défaut de pacte commissoire express, une
mise en demeure est nécessaire pour mettre fin au bail : une simple réclamation de
paiement ne suffit pas (363). Lorsque le temps prévu pour l’exécution du contrat
synallagmatique est écoulé, une mise en demeure préalable n’est plus nécessaire (364).
B. Inexécution de l’obligation par l’autre partie
L’article 82 du Code civil, livre III est très large à cet égard. Il vise le cas
d’inexécution totale ou simplement partielle et même le cas d’exécution tardive. D’autre
part, il faut qu’il y ait réellement inexécution. C’est dire que si le débiteur offre de
s’exécuter même en cours d’instance, le créancier ne peut l’empêcher.
La jurisprudence congolaise est dans le même sens lorsqu’elle décide que le
créancier à qui est offerte l’exécution directe des obligations d’un contrat n’est pas fondé
à réclamer leur exécution par équivalent ni de dommages et intérêts compensatoires du
361 Elis., 12 octobre 1912, RJCB 1931, p. 129. Ici la Cour d’appel a estimé qu’il a joué un rôle nécessaire que la mise en
demeure soit préalable à l’assignation.
362 Elis, 22 mars 1966, RJCB 1966, p. 136
363 L’shi, 3 août 1973, RJZ 1973, p. 266
364 Elis, 26 avril 1955, RJCB 1955, p. 123
175
371 Contra, Elis, 7 juin 1955 (RJCB, p. 576) qui a jugé que même lorsqu’il s’agit de la résolution d’un contrat successif,
tel le bail, la résolution, en principe, opère « ex tunc », encore qu’elle doive être prononcée par le juge.
372 Elis, 26 avril 1955, RJCB 1955, p. 255
373 Il est à signaler qu’on a beaucoup discuté du point de savoir si l’on pouvait étendre l’application de cet article aux
contrats de prêt et de gage (V. développements in L. Julliot de la Morandière, n°566, 567). Signalons enfin qu’on a
écarté l’application de cet article, en France, aux contrats aléatoires et au partage, à la cession d’office ministériel.
Voir A. Weil, op. cit., n°481
177
ne pas y voir par exemple une faute grave et donc ne pas prononcer la résolution sous
prétexte que la condition d’inexécution primitive n’est pas réalisée. Les parties peuvent
ainsi décider qu’en cas de simple retard ou d’exécution partielle, ce fait sera considéré
comme faute grave entraînant l’inexécution réelle. Elles suppriment ainsi le pouvoir
d’appréciation du juge portant sur une des conditions de fond d’application de l’article
82.
Dans le cas d’une clause limitant simplement les pouvoirs du juge, ce dernier
garde néanmoins la liberté d’accorder la résolution ou pas.
Le pacte commissoire exprès simple déroge quant à lui à l’article 82. Il diffère du
pacte commissoire exprès étendu, en ce sens qu’il se contente de stipuler sans plus que le
contrat sera résolu de plein droit à défaut pour l’une des parties de remplir ses
obligations.
Conséquences de ce pacte
Le pouvoir d’appréciation du juge quant à la gravité du manquement commis par
l’une des parties et quant à la possibilité d’accorder des délais pour l’exécution de
l’obligation, est supprimé. Dès qu’il y a inexécution, la résolution intervient de plein droit.
Le juge est tenu de la prononcer. Son intervention ne peut avoir lieu qu’en cas de
contestation : savoir par exemple si l’inexécution est réalisée ou pas; voir si l’invocation
du cas fortuit est fondée ou pas; sur ces éléments le juge conserve son pouvoir
d’appréciation. Mais dès que les conditions d’application de l’article 82 sont réunies (mise
en demeure, inexécution), la résolution intervient de plein droit. En conséquence :
1°. le juge se contente de prononcer la résolution. Celle-ci doit donc être prononcée
en justice. Mais il ne lui appartient pas de l’accorder ou de ne pas l’accorder. Il est
tenu de la prononcer ;
2°. l’obligation de la mise en demeure se maintient. En effet, malgré ce pacte, le
créancier reste donc libre de poursuivre la résolution ou de demander l’exécution
au débiteur, car le pacte commissoire exprès simple est fait à son profit. C’est
seulement quand il demande la résolution que le juge est obligé de la prononcer.
C’est dire que le débiteur n’est pas fondé à invoquer sa propre inexécution pour
obtenir sur base du pacte, la résolution du contrat et donc sa libération totale. Ce
serait un moyen trop commode pour lui de se soustraire à son engagement (374).
L’article 333 du Code civil, livre III sur la vente est une application de cette
assertion. La jurisprudence a par ailleurs fait du pacte commissoire des applications
nombreuses. Il a été jugé notamment que :
374 Exemple art. 333 du Code civil ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 568
178
375 1ère inst. Léo, 27 mai 2958, RJCB 1960, p. 51, Appel RU, 22 novembre 1955, RJCB 1956, p. 129. En fait, ces
décisions se rapprochent des clauses limitant le pouvoir d’application.
376 1ère inst. Elis, 8 mars 1957, p. 263
377 L’shi, 14 janvier 1969, RJC, 1969, p. 270
378 Léo, 14 avril 1964, RJC 1965, p. 19
379 Ici aussi le créancier peut toujours préférer l’exécution. C’est quand il est impossible que les effets du pacte sont tels
que décrits ici.
179
180
380 Kalongo Mbikayi, La responsabilité extra-contractuelle en droit zaïrois, in Journal of African law, volume 17 n°1,
London, Spring 1973, pp. 41-65
181
381 Pour les développements, Kalongo Mbikayi (B.O), Problème d’adaptation des principes moteurs de la responsabilité
civile en droit privé zaïrois, in Cahiers congolais XIII, 1970 n°1, p. 75 ; Responsabilité civile et socialisation des
risques en droit zaïrois, Kinshasa, PUZ, 1977.
382 Kalongo Mbikayi, Progrès technique et Responsabilité civile, cours approfondi,1ère licence en droit, Unikin.
182
d’autrui (chapitre II) et d’un fait de choses (chapitre III). Nous aborderons l’examen des
rapports entre la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle (chapitre IV)
avant de terminer ce titre par l’examen des critiques et de l’évolution moderne de la
responsabilité civile (chapitre V).
183
184
La responsabilité de droit commun est, comme on l’a dit, la responsabilité pour fait
personnel. Les autres constituent des exceptions.
Ce sont les articles 258 et 259 du Code civil, livre III, qui constituent le siège de
cette matière. Aux termes de l’article 258, « tout fait quelconque de l’homme qui cause à
autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». De son
côté, l’article 259 édicte que « chacun est responsable du dommage qu’il a causé, non
seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».
Il ressort de ces deux articles que trois conditions doivent être remplies pour que
soit établie cette responsabilité civile de droit commun :
1°. l’existence d’un dommage ou préjudice (section 1) ;
2°. la preuve que ce dommage a été engendré par la faute de son auteur (section 2) ;
3°. enfin l’établissement d’un lien causal entre le dommage subi et la faute invoquée
(section 3).
Dès que ces trois conditions sont établies par la victime, il naît au bénéfice de celle-
ci une créance en réparation contre l’auteur de la faute. Pour faire valoir cette créance et la
préciser, la victime dispose d’une action en justice, l’action en responsabilité. La section 4
de ce chapitre sera consacrée à cette question et l’on clôturera l’étude du droit commun de
la RC en s’interrogeant sur le fondement même de cette responsabilité (Section 5).
Section 1 : Dommage
proches seulement ? Les solutions en jurisprudence sont restées divergentes (388). Il s’agit
dans le dernier cas, du dommage affectif.
Ainsi jugé que la souffrance éprouvée par une femme à la vue de son mari en proie
à des grandes douleurs à la suite d’un accident survenu par faute d’autrui constitue un
préjudice moral lui donnant droit à la réparation (389).
Controverses relatives à la réparation du dommage moral
La réparation du dommage moral a donné lieu à des controverses nombreuses.
Certaines législations ne l’ont jamais admise, d’autres tendent à la supprimer. L’objection
la plus grave tient au caractère particulier du dommage moral. On a estimé que comme
tel, ce dommage n’était pas évaluable en argent sauf de façon arbitraire qu’il ne pouvait
pas en conséquence donner lieu à une action en responsabilité civile. A cet effet, les juges
parlent d’évaluation ex aequo et bono. C’est le cas de la rétractation publique pour
atteinte à l’honneur.
Pour les autres hypothèses, le principe de la réparation a été soutenu par des idées
beaucoup plus liées à l’équité qu’au droit. On a estimé en effet qu’à défaut d’autres
réparations, plus adéquates, une somme d’argent était au moins une compensation pour
qui souffre par la faute d’autrui. Faute de mieux, l’argent sert, dit-on, à panser les
blessures et à atténuer quelque peu le dommage ressenti par la victime. Ainsi par
exemple, en cas de dommage subi par suite de la mort d’une fiancée, l’argent ne vaut
vraiment pas la fiancée mais c’est une sorte de geste, de fiction dont le but social est de
contribuer tant soit peu à diminuer la douleur de la victime.
Nature juridique de l’indemnité perçue par la victime d’un dommage moral
Il ne s’agit à proprement parler que de dommages-intérêts calculés sur les
préjudices comme en droit commun. Il s’agit d’une sorte de peine civile à l’encontre de
celui qui a commis la faute (390).
Il y a lieu de noter toutefois qu’un dommage peut avoir à la fois un aspect matériel
et moral. Sa réparation subira ce double aspect. La victime obtiendra de vrais dommages-
intérêts pour le préjudice matériel et une indemnité à titre de peine civile pour le
dommage moral, même si pour ce dernier cas, la réclamation de la condamnation du
défendeur sur un « franc symbolique ».
388 Voir cas d’application pour la France : Cass. crim, 5 juin 1916, D. 1956. 216 ; Cass . fr. civ., 16 janvier 1962, D.1962.
199. La chambre civile étend beaucoup la notion du dommage moral, l’appliquant facilement au cas de perte d’un
animal ; pour la concubine, Cass. fr. crim., 26 novembre 1962, JCP 1962, II, 12971; observations Tunc, RTC 1963,
p. 337 et 1964, p. 106. Voir aussi RCJB, 1949, p. 21 et s. ; 1952,p. 82 et 93 ; 1955, p. 255 ; Brux., 29 avril 1950,
Pas. 1950, II, 81.
389 L’shi, 1er décembre 1970, RJC 1971, p. 35.
390 En ce sens, Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°382 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., 583 ; Ripert (G), Le prix
de la douleur, D. 1948, chr., p.1.
188
391 On peut dans une dissertation étudier la question sous le titre « Le droit à la réparation du dommage moral en droit
congolais ».
392 L’shi, 7 août 1974, RJZ, 1977, n°1, 2 et 3, pp. 74-75.
189
393 Art. 53 du DL du 29 juin 1961 organique de la sécurité sociale, MC 1961, p. 330 ; Mukadi Bonyi, Droit de la sécurité
sociale, Kinshasa, éd. Ntobo, 1995, n° 100 et s.
394 Solution tirée de l’art. 22 de la loi belge sur l’assurance.
395 Sur ces questions, voir Kalongo Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois, op. cit., p.
204.
396 Weill (A), op. cit., n° 599.
397 Gomaa (N), La réparation du dommage et l’exigence d’un intérêt légitime juridiquement protégé, D. 1970,
chron.XXXI, p. 145 ; Weill (A), op. cit., n° 599.
191
Section 2 : Faute
La faute n’a pas été définie par la loi elle-même. Elle donne lieu en doctrine et en
jurisprudence à de nombreuses tentatives de définition théorique que le cadre général et
limité de notre droit ne permet pas de passer en revue(400).
Cependant, de la masse de toutes ces définitions, une semble dominante : c’est
celle qui se réfère au comportement d’un homme prudent et diligent, nous y reviendrons.
Il suffit de noter que le Code civil, lui, ne prévoit de façon générale sans les définir, que
deux catégories de faute : la faute intentionnelle, l’imprudence et la négligence (le quasi-
délit visé à l’article 259).
L’une et l’autre donnent lieu à la réparation intégrale du dommage qu’elles
engendrent même si leur degré de gravité est différent. Ceci dit, essayons à présent de
cerner les éléments internes qui peuvent permettre une meilleure compréhension de la
faute. Ces éléments sont la culpabilité de l’auteur du fait, c’est l’étude du fait illicite lui-
même, (paragraphe 1) et l’imputabilité de ce fait à son auteur qui constitue l’élément
objectif (§2)(401).
§1. Culpabilité de l’auteur ou la recherche proprement dite du fait illicite
A défaut d’une définition légale, la jurisprudence et la doctrine ont dégagé de
nombreuses définitions pouvant se grouper en trois hypothèses. Il peut y avoir faute, fait
illicite, c’est-à-dire fait socialement mauvais :
1°. en cas de violation d’un texte impératif (I);
2°. en dehors de la violation d’un texte impératif mais par comparaison avec le
comportement d’un homme prudent (II);
3°. en cas d’abus de droit, c’est-à-dire lorsqu’on agit dans les limites d’un droit
défini mais avec l’intention de nuire (III).
I. Faute, violation d’un texte
Est constitutif de faute tout manquement volontaire ou involontaire aux
dispositions législatives ou réglementaires impératives ordonnant ou prohibant tel ou tel
acte. Les textes violés peuvent être des textes pénaux, d’ordre administratif (cas des
règlements d’hygiène par exemple), d’ordre privé (en matière d’empiétement, par
exemple construire sur un terrain d’autrui).
400 V. spécialement Mazeaud (H, L et J) et Tunc (A), Traité théorique et pratique de la responsabilité civile ; Starck (B),
Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine
privée, thèse, Paris 1947 ; le Procureur général Paul Leclercq, Discours prononcé à l’audience solennelle de
rentrée de la Cour de cassation de Belgique le 17 novembre 1927, Pas. 1928, I, 1 ; Marty (G), L’expérience
française en matière de responsabilité civile et les enseignements du droit comparé, Mélanges Maury, T. II, p. 173 et
s., Lindon (R), La gamme des fautes, DH 1940, chr.p. 173 et s ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°593 et s.
401 En ce sens, Julliot de la Morandière (L), op. cit. n° 593 et s.
193
Mais la plupart du temps, l’on vise surtout les violations des textes répressifs.
C’est pourquoi dans ce cas il s’établit un rapport entre la faute civile et la faute pénale
qu’il faut examiner.
Rapports entre la faute pénale et la faute civile
1°. En principe toute infraction pénale constitue une faute au point de vue civil,
mais ce n’est pas pour autant qu’elle donne lieu à des dommages-intérêts car il
faut pour ce faire qu’elle ait entraîné un dommage pour une personne. Ainsi par
exemple, les tentatives punissables en droit pénal n’entraînent pas de dommage
réparable au civil. La mendicité, le port d’arme prohibée sont des infractions
pénales mais n’entraînent pas nécessairement un dommage contrairement par
exemple à la destruction méchante des biens d’autrui, à l’assassinat. Certaines
violations au code de roulage n’entraînent pas de dommage réparable au civil.
2°. Mais à l’inverse, beaucoup de fautes ne constituent pas de délits pénaux suivant
le principe « nullum crimen, nulla poena sine lege ». C’est par exemple le cas de
la violation des textes administratifs portant règlement d’hygiène en matière
civile, la faute en elle-même n’est pas sanctionnée. Seule est sanctionnée la faute
civile entraînant un dommage.
Nous disons bien, toute faute civile entraînant un dommage. Ici donc, l’adage
« nulla poena sine lege » ne s’applique pas. La seule règle qu’on peut proposer au civil est
« aucune réparation sans dommage » ou mieux « aucune réparation sans faute
dommageable ».
3°. Lorsque la faute civile est en même temps une faute pénale, il y a lieu alors à la
fois à l’action pénale et à l’action civile. Et généralement, l’action civile subit à
biens d’égard l’influence de l’action pénale :
a) la prescription de l’action pénale entraîne celle de l’action civile. Il vaut mieux
à la victime d’être diligente et d’obtenir une condamnation pénale qui protège
plus la société que ne le font les dommages-intérêts (402). D’autre part, il vaut
mieux éviter, la sanction civile quand la peine encourue n’est plus possible. Il
faudra se référer à l’article 24, livre I du Code pénal pour connaître les délais
de prescritption de l’action pénale (403) ;
b) la victime du dommage peut en demander réparation au tribunal répressif en
se constituant partie civile. Il convient de voir à ce sujet l’application de
404 Lamy (E), L’action civile d’office et les problèmes d’application qu’elle pose, RZD, n° spécial 1971, p. 331 et s.
405 Fettweis (A), Manuel de procédure civile, 2 ème éd., Liège, 1987, n°s 633 à 638, pp. 435 à 440 ; Le Tourneau ( Ph). et
Cadiet (L), Droit de la responsabilité, Paris, Dalloz, 1996, n° 76 et n° 15 et s.
406 Formule consacrée par Cass. fr. civ., 24 janvier 1940, 74 ; 21 novembre 1956, D. 1957. 52.
407 Cass. fr. civ., 29 mars 1953.DP 1953. 369 ; Cass. fr. civ., 18 décembre 1912, DP 1915. I, 17.
408 Mazeaud (H, L et J) et Tunc (A), op.cit., t. I, n° 416 et s., particulièrement n°439 ; Dalcq (RO), Traité de la
195
411 Voir ce texte in Piron, Codes et Lois du Congo belge, III p. 731. Un nouveau code de la route a depuis lors été pris
au Congo.
412 L’shi, 7 août 1974, RJZ, 1977, p. 74
413 Cass. fr. civ., 27 février 1951, D. 1951, 329 ; 17 juillet 1953 JCP 1953. II. 7751 ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit.,
n°408- 409 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°603 ; Carbonnier (J), Droit civil, t. II, p. 620 ; Savatier ( R), op.
cit., I. n°42 et s.
414 Elis, 10 mai 1941, RJCB, p. 130 ; 20 octobre et 4 décembre 1915, Jur. Col. 1925, p. 24 ; 1926, p. 227
415 1ère Inst. Elis, 30 mai 1933, RJCB, p. 229 ; Elis, 7 janvier 1961, RJC 1964, p. 57.
197
les voies de recours abusives telles les actions téméraires et vexatoires (Jurisprudence sub
art. 258 codes Piron, I, p. 119).
§2. Imputabilité
Principe
Il ne suffit pas que l’acte en lui-même soit illicite; il faut encore qu’il puisse être
assumé juridiquement, reproché, rattaché à celui qui l’a commis, quand bien même il
l’aurait commis sans intention. C’est l’élément subjectif de la faute. Ceci revient à dire
qu’il doit être constaté chez le défendeur, auteur du fait illicite, une volonté consciente,
capable et libre. La conscience, la capacité et la liberté de la volonté sont donc les trois
postulats de l’imputabilité.
I. Une volonté consciente
Seules les personnes conscientes peuvent, au sens de l’article 258 du Code civil,
livre III, commettre une faute. En d’autres termes, en principe tout au moins, il ne peut
être reproché de fautes qu’à une personne consciente, c’est-à-dire à une personne qui
réalise ce qu’elle fait.
L’irresponsabilité de l’inconscient comme celle de l’animal est donc la règle. C’est
ainsi que dans notre droit le fou, l’idiot, l’enfant, n’ont pas la conscience de leurs actes ; ils
sont en principe irresponsables individuellement. Il y a, cependant, à cet égard une
évolution en droit comparé où l’on tend, dans le souci d’une plus grande protection des
victimes, à mettre fin au principe de l’irresponsabilité des déments et des anormaux(424).
Cette atteinte à la conception subjective de la responsabilité civile n’a encore reçu
aucun, aucun écho dans notre droit qui continue donc à appliquer le principe de
l’irresponsabilité des fous et anormaux. Notons enfin que si la perte momentanée de la
conscience est imputable à la faute personnelle du défendeur (ivresse, fureur, alcoolique)
l’individu serait responsable. Il en est ainsi en cas d’ivresse ou de fureur alcoolique du
défendeur.
Un autre aspect de ce premier postulat de l’imputabilité vise la responsabilité
civile des personnes morales (425). A ce sujet, il y a lieu de noter que le droit a consacré une
telle responsabilité estimant que la faute des organes engage la personne morale toute
entière. Ces personnes sont du reste étudiées en droit administratif. Nous vous y
renvoyons (426).
1989, pp. 169, 175 et s., 196 ; V. Kangulumba Mbambi, Précis de droit civil des biens, tome 1, Louvain-la-Neuve,
Academia Bruylant, 2007, n° 409,425,444-450 ; Mukadi Bonyi, Droit du travail, Bruxelles, CRDS, 2008, n° 414 et s.
Pour les conditions d’applications et les sanctions, voir outre ce livre, Starck (B) et Boyer (R), op. cit., n° 329-399,
pp. 165-196 ; Le Tourneau (Ph) et Cadiet (L), op. cit., n°s 3151 et s.
424 Art. 1386 du Code civil belge (loi belge du 16 avril 1953) art. 489-2 du Code civil français (loi du 3 janvier 1968), JCP
III, 33784. Il est à souhaiter que notre droit s’inspire de ces innovations.
425 La question qui se pose en effet, est celle de savoir comment déceler leur responsabilité.
426 Responsabilité de l’Etat et des communes, responsabilité des sociétés commerciales. Voir à ce sujet, Kalongo
199
II. Une volonté capable
La volonté de l’auteur du délit ou du quasi-délit doit être capable. Il s’agit ici de
l’aptitude d’un individu à commettre un délit ou un quasi-délit : c’est la capacité
délictuelle qui se distingue de la capacité contractuelle.
La capacité délictuelle « est plus largement reconnue, parce qu’il suffit, pour ne
pas commettre de faute, d’une expérience plus élémentaire que pour contracter, et aussi
parce que les victimes n’ayant pas choisi leur rôle mérite plus de protection que les
contractants » (427).
Ainsi, certaines personnes qui seraient incapables sur le plan contractuel seraient
capables sur le plan délictuel. Les enfants, dès qu’ils ont l’âge de raison, sont capables
délictuellement. La jurisprudence situe cet âge entre 5 à 8 ans. Notons aussi que les aliénés
ont été rendus capables sur le plan délictuel par certaines législations (428).
III. Une volonté libre
La volonté consciente et capable doit aussi être libre. Il est évident que le
défendeur ne sera pas responsable si l’on prouve que le dommage a pour cause un cas
fortuit ou de force majeure, l’état de nécessité, le fait d’un tiers ou la faute de la victime
elle-même.
1°. Les cas fortuit ou de force majeure, doivent être des événements imprévisibles et
insurmontables non imputables au défendeur. C’est ce qui arriverait lors d’un
accident de circulation à la suite d’un ouragan.
2°. L’état de nécessité supprime la liberté d’action du défendeur. Il faut dans ce cas,
que les conditions de cette situation soient remplies, c’est-à-dire que le défendeur
doive se trouver devant un choix volontaire entre deux solutions : causer
dommage à autrui ou laisser se réaliser un péril imminent plus important. Il doit
prouver que le choix fait était le seul moyen d’éviter un dommage plus
considérable que celui qui a été causé. Ainsi, en cas d’apparition brusque d’un
passant, si le conducteur a le choix entre écraser ce passant ou se tuer lui-même
avec ses quatre personnes transportées.Il n’y a pas d’autre moyen d’échapper à
l’accident. En cas d’apparition d’un chien, on choisit entre tuer un chien ou un
homme.
3°. La faute d’un tiers doit être la cause exclusive du dommage et être, pour le
défendeur, imprévisible et insurmontable. Ceci la ramène au cas de force
majeure. A propos de la faute d’un tiers, il y a lieu de signaler l’hypothèse de la
Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois, Kinshasa, PUZ, 1977
427 Carbonnier (J), op. cit., t. IV, n° 94
428 Voir note 414
200
429 Pour les développements, Kalongo Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois, préc.,
p. 145 et s ; Aberkane, Du dommage causé par une personne indéterminée dans un groupe déterminé de personnes, in
RTDC 1958, p. 516 ; Responsabilité collective, RTDC 1964, pp. 438- 443 ; Demarez, L’indemnisation du dommage
occasionné par un membre inconnu d’un groupe déterminé, Paris, LGDJ 1967, pp. 8-18.
430 Bandundu, 8 février 1980, RJZ, 1981, n°3, p. 95
431 Kin, 12 janvier 1972, RJZ 1977, p. 68 ; C.SJ., 13 mai 1976, BA, p. 135
432 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°619; Weill (A), op. cit., n° 638
433 Weill(A), op. cit., n°640
201
que lorsqu’une série d’autres conditions sont réalisées; c’est la conception de la causalité
expérimentale, c’est-à-dire qu’on peut vérifier. Ainsi, l’on sait car l’on peut vérifier que
l’eau bout à 100 °C. Cette causalité expérimentale en réalité ne se vérifie que pour les
phénomènes physiques. La critique qu’on peut donc adresser à la doctrine occidentale,
c’est d’avoir voulu introduire cette causalité expérimentale dans les sciences humaines,
dans le comportement humain ou la causalité est forcément subjective car ce qu’on retient
comme cause de dommage c’est le comportement de l’homme. Et Dieu sait combien ce
comportement peut dépendre de divers éléments pondérables et impondérables.
Cette longue introduction sur la problématique de la causalité servait simplement
à mettre en exergue les difficultés que pose la causalité en droit civil (437). Voyons
maintenant la manière dont notre droit qui a introduit cette notion par nécessité
cartésienne, la recherche et l’applique.
§2. Recherche et application de la notion de causalité en droit congolais
I. Recherche du lien causal
La question qui se pose est celle de savoir comment déterminer l’origine d’un
dommage causé à une personne que telle ou telle faute d’une autre personne est « la
cause » du dommage subi.
A cette question la jurisprudence et la doctrine ont dégagé une réponse : faut-il,
disent-elles, pour qu’une faute constitue la cause du dommage intervenu, qu’elle soit la
condition nécessaire directe et immédiate du dommage, c’est-à-dire qu’elle puisse
entraîner le dommage tel qu’il s’est produit (438). Il faut en d’autres termes encore que la
faute soit telle que sans elle, le dommage ne se serait pas produit tel qu’il s’est produit.
La preuve de ce rapport de causalité incombe au demandeur, c’est-à-dire à la
victime. C’est à elle d’établir qu’il y a entre la faute de l’auteur et le dommage intervenu
un rapport certain, direct et immédiat. Le défendeur peut à son tour écarter ses rapports
de causalité qui allaient remonter jusqu’à lui, en faisant la preuve d’une cause étrangère
qui ne lui est pas imputable. Telle la force majeure, le fait ou la faute d’un tiers, la faute de
la victime (439).
L’administration de cette preuve est soumise à l’appréciation du juge car il peut y
avoir pour un seul dommage, de causes multiples entre lesquelles il faudra choisir. Nous
touchons de la sorte à la difficulté de la causalité à laquelle nous réservons les
développements qui suivent.
437 Pour les développements, Tunc (A), Les récents développements des droits anglais et américains sur la relation de
causalité entre la faute et le dommage dont on doit réparation, RTDC 1953, p.- ; Marty (G), La relation de cause à
effet comme condition de la responsabilité civile, RTDC, 1939, 685 et s ; Rodière (R), La responsabilité délictuelle
dans la jurisprudence, Paris, Litec, 1978, n°12,p. 59 et s.
438 Nous relevons ainsi les caractères du rapport de causalité : certain, direct, immédiat ; Boma, 10 octobre 1911, Jur.
1913, p. 9
439 Voir à ce sujet les développements antérieurs.
203
II. Application de la notion de causalité
Un dommage peut souvent résulter de causes multiples. La question qui se pose
est celle de savoir laquelle il faut choisir. La doctrine a, à cet égard, émis plusieurs
solutions, mais la jurisprudence paraît décider surtout empiriquement. Elle écarte les
rapports de causalité trop lâche ou trop extraordinaire et plus encore, elle s’attache aux
rapports de causalité qui conduisent vers les fautes moralement les plus graves. Là où une
faute intentionnelle est relevée, les fautes de négligence ou d’imprudence pâtiront (440).
Telle est la tendance jurisprudentielle ; mais il convient de voir les diverses solutions
doctrinales en cas de multiplicité de causes.
Parlons de l’hypothèse d’un individu qui est heurté par une voiture et qui décède
à l’hôpital après une intervention chirurgicale.
Enumération des causes : l’accident lui-même dû à l’excès de vitesse ? La faute
médicale dans l’intervention chirurgicale ? Le fait que le patron l’a libéré à une heure de
pointe ? La tardiveté dans l’administration des premiers soins ? La prédisposition
physique de la victime ? Le fait d’un tiers ?
Solutions doctrinales
A. Théorie de l’équivalence des conditions (441)
Suivant cette théorie, tous les événements lointains ou proches qui ont conditionné
le dommage sont équivalents, tous sont à égal titre la cause. Pour bien déceler ces diverses
causes, la théorie estime qui sera retenue comme cause « tout fait du défendeur sans
lequel le dommage ne se serait pas produit tel qu’il s’est produit ». Et dès lors qu’on
retient cette faute du défendeur comme cause, il peut être obligé à la réparation de
l’entièreté du dommage.
Critique
Cette théorie aboutirait à donner à la responsabilité civile une trop grande
étendue. En l’appliquant à l’hypothèse ci-dessus, pratiquement toutes les causes peuvent
être retenues. A cette allure, on peut même allonger la liste de causes et dire que s’il y a
accident, c’est parce que l’auteur vivait et s’il vivait, c’est parce qu’il a été conçu par la
volonté de ses parents... On pourrait ainsi en arriver à mettre en cause l’humanité tout
entière, voire le créateur. Ce serait une responsabilité trop étendue.
B. Théorie de la proximité de la cause (causa proxima)
Une fois les trois conditions de responsabilité civile réunies, il naît au bénéfice de
la victime, c’est-à-dire dans son patrimoine, une créance en réparation contre l’auteur de
la faute dommageable. La présente section est consacrée à la mise en œuvre de cette
responsabilité, c’est-à-dire, à la mise en œuvre de l’action en responsabilité civile tendant
à faire valoir au bénéfice de la victime sa créance en réparation. Nous examinerons ici une
série de questions pratiques de cette mise en œuvre de l’action en réparation.
445 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°740.; Carbonnier (J), op. cit., n°111, p. 405.
446 L’avantage est ici que la preuve de la faute est facilitée car le juge intervient plus directement dans la recherche de
la vérité ; le juge dispose de plus de moyens quant à cette recherche de la vérité.
447 Il y a exception lorsque le dommage est purement moral et attaché à la personne. Cfr Note 421.
206
somme d’argent peut être versée en une fois ou sous forme de rente viagère. Cette
question mérite le développement approfondi dans le point qui suit.
II. Montant de la réparation
Lorsque la réparation se fait par équivalent, le calcul du montant de la réparation
est en effet soumis à certains principes qu’il faut relever.
A. Indifférence de la gravité de la faute
Puisqu’il s’agit de réparer et non de punir, la gravité de la faute dommageable est
sans influence sur le quantum de dommages-intérêts (450). Le juge ne doit tenir compte
pour la fixation des dommages-intérêts que de l’importance du préjudice sans se
préoccuper de la faute. En pratique ce principe est plus théorique que pratique car en fait,
en cas de dommage moral où l’indemnité prend facilement l’allure d’une peine privée, le
juge a souvent tendance à proportionner la somme allouée à la gravité de la faute (451),
sauf lorsque la victime elle-même ne déclare vouloir se contenter d’une condamnation
symbolique, le franc symbolique.
D’autre part, en cas de faute dommageable de plusieurs responsables, la
condamnation est souvent solidaire ou in solidum. Et souvent le juge, en prévision du
droit de recours de chacun des responsables, proportionne la part de responsabilité de
chacun à la gravité de sa faute.
Jugé cependant qu’en vertu de l’article 258 du Code civil congolais, livre III, base
légale pour la réparation du préjudice pour faute commise et qui énonce une règle de
sécurité et de conduite générale, chaque co-participant d’une infraction a causé le
dommage pour le tout et est tenu de tout réparer quelque soit l’importance de la faute de
chacun (452).
B. Réparation intégrale
L’indemnité doit pouvoir réparer aussi intégralement que possible les préjudices
constatés. Le juge a ici un rôle déterminant et doit éviter de verser dans l’arbitraire. Sa
préoccupation doit viser à circonscrire le seul préjudice pour mieux l’indemniser. La seule
mesure, le seul critère d’évaluation sera donc le préjudice réel et non la situation
économique ou sociale des parties. Il n’a pas à tenir compte de la richesse du défendeur ni
de la pauvreté du demandeur pour gonfler les dommages-intérêts. Cette position
économique, financière ou sociale des parties doit lui être indifférente.
L’évaluation de l’indemnité nécessite des observations suivantes :
L’indemnité doit être évaluée en se plaçant à la date du jugement définitif et non à
la date de réalisation du dommage. Il a été ainsi jugé que pour la réparation d’un
450 La conception de la sanction pénale est d’individualiser la peine suivant le comportement de l’auteur.
451 Comparer cette pratique avec le droit traditionnel. Mes articles précités.
452 CSJ, 2 juin 1971, RJC 1971, p. 121
208
préjudice, l’indemnité à allouer ne peut réparer ce dernier que si elle permet à la victime
de remettre les choses en état, de replacer dans son patrimoine un objet semblable ou
équivalent à celui qui en est sorti ou n’y est pas entré par la faute du responsable. Ainsi,
c’est au jour de la décision judiciaire que l’on doit se placer pour fixer l’indemnité destinée
à cette réparation (453).
On remédie ainsi quelque peu la dépréciation éventuelle de la monnaie et à la
hausse de prix qui peut intervenir entre le moment de la réalisation du dommage et la
date du jugement définitif. Le juge se fonde pour son calcul sur des éléments objectifs et
subjectifs tels la situation des parties (454). Ceci est plus facile pour le dommage matériel.
Quant au dommage moral, il apprécie ex aequo et bon, c’est-à-dire en équité.
Une autre préoccupation relative à l’indemnité concerne sa révision en cas
d’aggravation ou d’atténuation du dommage.
Lorsque le préjudice évolue dans le sens de l’atténuation, la doctrine considère que
le responsable n’a pas à demander une réduction de dommages-intérêts sauf si le premier
juge lui en a formellement réservé le droit (455). Le respect de l’autorité de la chose jugée
commande une telle interprétation.
En cas d’aggravation par contre, la victime ne peut, par une nouvelle action,
obtenir de dommages-intérêts pourvu que la cause demeure la même. Cependant, lorsque
les dommages-intérêts ont consisté en une rente viagère et que cette rente devient
insuffisante à la suite de la hausse des prix ou de la dépréciation monétaire, la victime ne
peut obtenir une augmentation des dommages-intérêts (456).
C. Indifférence sur l’évaluation du préjudice de la situation économique et sociale
des parties
La situation économique et sociale du créancier et du débiteur est sans incidence
sur l’évaluation du préjudice. Les dommages-intérêts ne doivent pas être arbitraires.
La responsabilité civile de droit commun telle qu’elle vient d’être exposée se fonde
sur l’idée de faute. Sans faute, pas de responsabilité civile. Comme on le voit, on parle du
comportement subjectif de l’auteur du dommage pour déterminer sa responsabilité. Mais
seul le comportement fautif est sanctionné car suivant l’influence de la Révolution
453 CSJ, 6 avril 1978, RJZ 1979, n°1, 2 et 3, p.38 ; Elis, 7 janvier 1950, JTO 1952, p. 6 ; Kin, 23 juin 1970, RJZ 1978, p.
270
454 Le calcul des dommages-intérêts en cas de rupture du contrat de travail a donné lieu à une grande interrogation sur
les principes juridiques corrects à appliquer. Voir Kalongo Mbikayi, L’indemnisation des dommages matériels en
droit zaïrois, in Conjonctures économiques, n° 27, août 1996, p….
455 Carbonnier (J), op. cit., p. 48, n° 111.
456 Carbonnier (J), op. cit. p. 409, n°111 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°635
209
française qui proclame la liberté humaine, l’homme doit répondre personnellement de ces
actes fautifs : la finalité de base est une sorte de peine privée plus que la réparation.
Dans les critiques de ce système, nous avons déjà eu l’occasion de montrer que
sous l’influence des progrès techniques, d’autres idées ont été avancées qui ne s’attachent
pas à la faute pour engager la responsabilité personnelle de l’auteur du dommage : c’est
l’idée du risque ou celle de garantie(457).
Le Code civil lui-même d’ailleurs a prévu des cas où la faute personnelle directe
du débiteur de l’obligation délictuelle n’intervient pas pour déterminer sa responsabilité.
Il s’agit des hypothèses de responsabilité pour autrui auxquelles nous consacrons le
chapitre II qui suit.
457 Kalongo Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques, op. cit., p. 104 à 144.
210
Section introductive
§1. Responsabilité du fait d’un tiers, exception au droit commun de la responsabilité civile
L’article 260 du Code civil, livre III a porté au principe de la responsabilité
individuelle fondée sur la faute des exceptions en rendant certaines personnes
responsables des dommages causés par d’autres personnes ou par des animaux et de
choses qu’elles ont sous leur garde.
On enseignait ainsi traditionnellement que la responsabilité des personnes visées à
l’article 260 se fondait non pas sur leur faute personnelle mais sur « une présomption de
faute ». Cet enseignement doit être aujourd’hui complété en ce sens que, par le
truchement d’un nouvel alinéa de l’article 260, il a été introduit dans notre système
juridique un nouveau type de responsabilité civile, la responsabilité objective.
En effet, la loi n° 73-013 du 5 janvier 1973 portant obligation de l’assurance de
responsabilité civile en matière d’utilisation de véhicules automoteur a ajouté un
cinquième alinéa à l’article 260 du Code civil consacrant ainsi une nouvelle hypothèse de
responsabilité pour autrui: « L’assurance doit couvrir la responsabilité civile du
propriétaire du véhicule et de toutes personnes ayant, avec son assentiment exprès ou
tacite, la garde ou la conduite du véhicule » (art. 4 de la loi précitée).
Suivant l’exposé des motifs et la doctrine (458), il faut désormais compter parmi les
civilement responsables, le propriétaire d’un véhicule automoteur tel que le définit ladite
loi de 1973 en son article premier.
La finalité de la dérogation que l’article 260 apporte dans son ensemble au principe
de droit commun vise une plus grande protection des victimes. Celles-ci n’ont en effet pas
à démontrer la faute dans le chef des civilement responsables, ce qui constitue la difficulté
qu’on rencontre dans le droit commun de la responsabilité civile.
Dans les différentes hypothèses de responsabilité pour autrui, la loi aura institué
une présomption de faute. La récente évolution de notre législation relative à l’assurance
de responsabilité civile en matière des véhicules automoteurs, a même introduit en droit
congolais, une présomption de responsabilité.
Les présomptions de faute à l’égard des père et mère, instituteurs et artisans sont
renversables, tandis que celle qui est instituée pour les maîtres et commettants est
irréfragable.
458 Thiran, Exposé des motifs et commentaires de la loi n°73-013 du 05 janvier 1973,in Revue Ngabu n°2, septembre
1973 ; Kalongo Mbikayi et Pindi Mbensa Kifu, La responsabilité civile de l’automobiliste et du piéton en droit zaïrois,
in L’automobile et la sécurité routière en droit zaïrois, Travaux du colloque dirigé par le Professeur Kalongo Mbikayi,
Kinshasa, PUZ, 1982, p. 31 et JO n°5 du 1 er mars 1973, p. 299
211
devra agir suivant les articles 258 et 259 du Code civil, livre III. Elle risque de se buter à
l’insolvabilité de cet auteur du dommage, qui est en réalité le débiteur de la réparation.
Dans cette dernière hypothèse de l’action contre l’auteur du dommage, la victime
devra faire preuve des trois conditions de la responsabilité civile. Mais lorsqu’elle choisit
d’invoquer l’article 260, la victime reste néanmoins tenue de démontrer que les trois
conditions de la responsabilité civile de droit commun sont réunies dans le chef de
l’auteur direct du dommage, le responsable « légal » n’apparaît alors que comme le garant
solvable (459).
Il faut avouer qu’en pratique, il sera toujours difficile de trouver une faute, un fait
illicite dans le chef de l’auteur du dommage dont on répond. Cette difficulté est nette
pour l’enfant en bas âge incapable délictuellement pour défaut de discernement. Dans ce
cas, pour contourner les difficultés de cette preuve du fait illicite et dans le souci de
protéger la victime, l’on prend en considération chez l’enfant non pas un fait
subjectivement illicite mais un fait objectivement illicite (460).
Ces détours illustrent la faiblesse du fondement de la responsabilité pour autrui
lorsqu’on tient à le lier à l’idée de faute, voire à l’idée de « présomption de faute ».
C’est une critique fondamentale que nous relevons dans le chapitre IV de ce titre.
Pour nous, le seul fondement, c’est l’idée de garantie qui ne doit pas se préoccuper du
comportement de l’auteur du dommage.
Après cette introduction, examinons maintenant en quatre sections les quatre
hypothèses légales de responsabilité du fait d’un tiers en montrant chaque fois le principe
de solution, les conditions de responsabilité civile et leur fondement.
§1. Principe
D’après l’article 260, alinéas 2 et 5 du Code civil, livre III, « le père et la mère,
après le décès du mari, sont responsables du dommage causé par leurs enfants habitant
avec eux » (art. 260, al. 2).
Cette responsabilité a lieu « à moins que le père et la mère ne prouvent qu’ils n’ont
pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité (art. 260 al. 5).
Le responsable légal est donc exclusivement le père. La mère ne serait responsable
que si le père décède et, ce qui est sous-entendu, si elle exerce alors la puissance
paternelle. Elle peut être aussi la seule responsable même du vivant du mari chaque fois
459 Ce garant dispose d’ailleurs d’une action récursoire contre l’auteur du dommage. Cette action est illusoire car
l’auteur est généralement sans ressources.
Il y a deux phases possibles dans la démarche. La première phase porte sur la responsabilité de droit commun de
l’auteur du dommage. Et la deuxième phase concerne la recherche de « responsabilité ».
460 En ce sens, Carbonnier (J), op. cit., n°99, p. 349.
213
que pour quelque raison (divorce aux torts du mari, attribution des enfants à la mère ou
maladie du mari empêchant celui-ci d’exercer la puissance paternelle), elle exerce la
puissance paternelle.
C’est donc ou le père ou la mère au sens retenu par le droit de la famille ( 461). Il n’y
a pas solidarité des deux. Cette solution qui écarte la réponse habilité des autres membres
de la famille (oncle, cousins, ascendants, collatéraux, descendants et même tuteur est
contraire au droit traditionnel qui institue, lui, une responsabilité collective (462).
D’autre part, la responsabilité des deux parents serait logique dans le cas où la
mère exerce l’autorité parentale au même titre que le père par la volonté de la loi elle-
même. C’est précisément ce que préconise l’article 137 du Code de la famille. Mais cette
évolution n’a pas encore été introduite dans le Code des obligations congolais.
§2. Conditions d’application
Trois conditions sont nécessaires pour engager cette responsabilité.
I. Dmommage causé par un enfant
Il faut que le dommage soit causé par un enfant. L’article 260 du code civil, livre
III, dont l’interprétation est stricte, ne parle pas comme l’article 1384 du Code civil belge
« d’enfant mineur ». Il est à croire donc que cet article a voulu se conformer à la
conception d’une responsabilité civile collective de droit coutumier qui ne fait pas la
distinction de minorité ni de majorité parmi les « auteurs du dommage » dont la famille
étendue est rendue responsable grâce à la solidarité clanique(463). J’estime
personnellement, à la suite de Verstraete, qu’étant donné le caractère d’ordre public de
cette disposition (qui doit donc être interprétée de façon stricte) et étant donné la
mentalité juridique sur cette question, il n’y a point lieu de limiter l’application de cette
disposition aux seuls enfants « mineurs »(464). Les décisions jurisprudentielles qui ont
introduit l’idée de minorité n’ont fait que subir l’influence de la doctrine belge (465). Si
donc l’article 260 ne doit pas être limité aux seuls enfants mineurs, il n’a donc pas non
plus à tenir compte de l’émancipation, même si elle met fin à la puissance paternelle
suivant l’article 317 du Code civil, livre I (466). Il faudrait que la réforme du droit des
obligations ne laisse aucun doute d’interprétation sur cette question.
461 La filiation paternelle ou maternelle est un lien de droit, une notion juridique et non une notion sociologique. Elle est
différente de la parenté classificatoire et s’établit selon les règles juridiques posées dans le code de la famille (art.
595 et s. et 601 et s.)
462 Kalongo Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques, op. cit., 1 ère partie.
463 Sur les motifs de cette omission, Sohier, Novelles de droit colonial, t. IV, n°292 et 293
464 En ce sens, Verstraete (M), Droit civil du Congo belge, n°510.
465 Par ex. Elis., 29 août 1936, RJCB 1937, p. 70 ; voir aussi en ce sens, Rae (M), op. cit., n° 144, Sace, op. cit., RJCB
1958, p. 336.
466 En ce sens, Verstraete (M), n°510. Contra Cass. b., 11 février 1946, Pas. 1946, I. 62 ; 6 mars 1950, p. 211 ; Rae
(M), op. cit., n°145, ; Sace, op. cit., p. 341 et 342 ; Bompaka Nkeyi, La responsabilité civile des parents en droit
zaïrois et comparé, in fine ; Responsabilité des parents du fait de leurs enfants, Revue de droit et de criminologie,
214
II. Enfant habitant avec ses parents
Il faut en outre que l’enfant habite avec ses parents (art. 260 al.2) (467). La condition
d’habitation est logique. Puisque le fondement de la responsabilité des parents réside
dans la présomption d’une mauvaise surveillance. Il faut que l’enfant puisse se trouver
auprès d’eux, c’est-à-dire dans les conditions qui facilitent la surveillance et l’éducation.
Ces conditions, c’est l’habitation commune de l’enfant avec ses parents. Voilà pourquoi la
loi exige l’habitation commune de l’enfant avec ses parents. Cette condition est une
question de fait laissée suivant le cas d’espèce, à l’appréciation du juge de fond. Ainsi
habite avec ses parents, l’enfant qui, hors de la maison, a causé un dommage à l’occasion
d’un jeu avec ses amis. Si par contre l’enfant habite loin de ses parents, s’il a été confié à
un tiers (oncle, internat...) et cesse d’habiter avec eux, la responsabilité du père ou de la
mère cesse de s’appliquer, parce qu’ils ne peuvent plus le surveiller. Si l’enfant a été
abandonné par les parents, ceux-ci restent responsables sur base de l’article 260 du Code
civil, livre III. Il est à noter aussi que les parents peuvent être poursuivis sur base de
l’article 258 du Code civil, livre III, s’il est prouvé que leur enfant qui n’habite pas avec
eux a causé dommage à la suite de la mauvaise éducation ou des mauvais exemples ou
conseils qu’ils lui donnent.
III. Dommage causé par le fait personnel de l’enfant
Il faut que le dommage soit causé par le fait personnel de l’enfant, c’est-à-dire par
sa faute. Normalement, cette faute doit être imputable à l’enfant mais pour les petits
enfants, il suffit que ce fait soit « objectivement illicite », c’est-à-dire imputable à l’enfant.
C’est là un contour qu’impose la nécessité d’indemniser la victime. Sinon le défaut de
faute chez l’enfant devrait aboutir normalement au débouté de la victime, l’enfant (très
jeune) n’ayant pas de volonté consciente.
§3. Fondement
On fonde la responsabilité civile des père ou mère sur la présomption des fautes
selon laquelle le père ou la mère n’ont pas surveillé ni bien éduqué leur enfant. S’ils
l’avaient fait, leur enfant n’aurait pas pu causer le dommage dont ils sont rendus
responsables (468).
Cette présomption est, selon l’article 260, alinéa 5, renversable. Elle sera écartée
lorsque les parents prouveront :
n°184, p. 7.
467 Cette condition a été supprimée en droit belge par la loi du 6 juillet 1977, MB du 2 août 1977, p. 6772. Loi belge du 6
juillet 1977 modifiant l’article 1384, 2e alinéa du code civil, relatif à la responsabilité des parents pour les dommages
causés par leurs enfants mineurs. Article unique : Le 2ème alinéa de l’article 1384 du Code civil est remplacé par la
disposition suivante : le père et la mère sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs.
468 Développements in Sohier (A), Droit civil du Congo, II par M. Rae, n°14 ; Sace (J), La responsabilité des parents
suivant l’article 260 du code civil congolais, RJCB 1958, p. 335.
215
1°. que le fait de l’enfant n’est que le résultat d’une force majeure ou du fait d’un
tiers revêtant le caractère d’une force majeure;
2°. qu’ils n’ont pas manqué à leur devoir de surveillance et d’éducation, « qu’ils se
sont conduits avec toute la prudence désirable et que, malgré cette prudence, ils
n’ont pu prévoir ou empêché le dommage »(469).
Dans la pratique, le père ou la mère ont rarement réussi à renverser cette
présomption de faute (470).
§1. Principe
Les instituteurs et artisans sont, dit l’article 260, alinéa 4, responsables « du
dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu’ils sont sous leur
responsabilité. Il faut comprendre par instituteur non seulement celui qui donne un
enseignement, même celui qui, sans enseigner, a un rôle de direction ou de surveillance
dans un établissement d’instruction (471).
Quant aux artisans, ils sont compris dans le sens d’instituteur manuel exerçant son
métier de façon autonome, c’est-à-dire à son compte. La responsabilité de l’artisan et la
survivance à cette époque où l’apprenti nourrit et logé chez le maître qui lui enseignait du
métier manuel, faisait en quelque sorte partie de sa famille. Aussi se rapproche-t-elle de
celle des parents (472).
§2. Conditions d’application
1° La condition importante est celle du temps. La loi précise que les dommages
dont l’instituteur et l’artisan sont responsables sont ceux causés par les élèves et apprentis
pendant qu’ils sont « sous leur surveillance ». Le juge a là une matière où son pouvoir
d’appréciation jouera suivant les espèces qui lui sont soumises, car parfois, certains
instituteurs peuvent prendre l’habitude d’accompagner les enfants jusqu’à telle distance.
Il appréciera s’ils sont ou pas sous surveillance.
2° Le dommage doit constituer une faute de l’élève ou de l’apprenti (473). L’élève ou
l’apprenti sont les personnes qui bénéficient de l’enseignement intellectuel ou manuel. La
jurisprudence en France estime que l’apprenti est celui qui apprend même sans contrat
469 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°645 in fine ; Cass. fr., civ. 20 décembre 1960, D. 1961, 141, 2 novembre
1961, D. 1982, 48.
470 Voir aussi en ce sens Ollier (P.D.), La responsabilité civile des père et mère, Paris, LGDJ, 1961
471 Mazeaud (H, L et J) et Tunc (A), op. cit., T.I., n°791 et s. Les directeurs, les préfets de discipline, les enseignants,
les professeurs, les directeurs de colonies de vacances sont des instituteurs au sens de l’art. 260.
472 Carbonnier (J), op. cit., p. 350, n°99.
473 En France, une loi de 1937 a supprimé la responsabilité de l’instituteur de l’enseignement public. Un décret du 22
avril 1960 a étendu cette solution à l’enseignement privé ayant passé un contrat d’association avec l’Etat.
216
§1. Principe
Les maîtres et les commettants sont, d’après l’article 260, alinéa 3, du Code civil,
livre III, responsables des dommages causés par leurs domestiques et préposés dans les
fonctions auxquelles ils les ont employés. Nous verrons dans l’étude des conditions
d’application ce qu’il faut entendre par les notions de maître et commettant ainsi que par
celles de préposé et domestique.
Notons déjà ici que la jurisprudence utilise indifféremment les expressions
« maîtres » et « commettants » et elle considère les domestiques comme n’étant qu’une
catégorie de « préposés ».
Le fondement général qui ressort de cet article 260, alinéa 3 est que chacun doit
pouvoir répondre des dommages causés aux tiers par les personnes qu’il emploie à son
service (477). Contrairement aux autres hypothèses de cet article 260, les commettants et les
maîtres ne peuvent s’exonérer en prouvant qu’ils n’ont pu empêcher le dommage ni qu’ils
n’ont commis de faute (faute d’avoir mal choisi le préposé ou faute de surveillance du
préposé ou du domestique) (478). La responsabilité du commettant est traitée avec plus de
rigueur que les autres.
Ainsi la doctrine a-t-elle très justement écarté le fondement de la responsabilité des
commettants de la présomption de faute pour le rattacher à la théorie du risque profit.
Celui qui tire profit de l’activité d’autrui doit en supporter les risques, même s’il n’a
aucune faute à se reprocher. En fait, il est encore meilleur de lier ce texte à la théorie de la
garantie qui met mieux en exergue une responsabilité objective.
Les commettants ne sont responsables que parce qu’ils sont garants des actes de
leurs préposés. La théorie de la garantie est intéressante pour la victime qui dispose ainsi
d’une garantie à être indemnisé par quelqu’un de toujours solvable (479).
§2. Conditions d’application
Quatre conditions sont requises pour que l’article 260, alinéa 3 du Code civil, livre
III soit applicable.
1° Il faut qu’il existe un lien de commettant à préposé, c’est-à-dire un lien de
préposition ou de subordination. Il y a un lien de commettant à préposé lorsqu’une
personne a autorité sur l’autre qui est son subordonné et agit selon les ordres ou
instructions de la première (480).
Ce qui caractérise la subordination, ce n’est pas l’existence d’un contrat (ce qui est
le cas pour le maître et le domestique), ni la rémunération (une épouse ou un fils peuvent
être préposés du mari ou du père sans contrat ni rémunération), mais le droit de direction,
de surveillance, de contrôle. Le commettant, c’est celui qui fait appel pour son compte et
pour son profit aux services d’un tiers, le préposé auquel il a le droit de donner des ordres
et des instructions sur la manière de remplir les fonctions qu’il a confiées.
Sont ainsi des préposés, les domestiques, les jardiniers, les employés d’une société,
les chauffeurs, les gardes de corps personnels etc. Ne sont par contre pas des préposés
parce qu’ils ne reçoivent pas des ordres sur la manière dont ils doivent exercer leurs
fonctions, les entrepreneurs (contrat d’entreprise), les médecins d’hôpitaux dans la
manière de dispenser les soins.
La jurisprudence est dans le même sens lorsqu’elle décide que les sociétés minières
se trouvant sans autorité pour donner des instructions sur la pratique de leur art aux
médecins qu’elles engagent, ne pourraient voir leur responsabilité engagée du fait d’une
imprudence ou d’une négligence de ces derniers se rattachant à l’exercice technique de la
médecine.
Il n’en est autrement que si le médecin se rend coupable d’impéritie grossière,
indépendante de l’application des théories ou de méthodes scientifiques, qu’une
surveillance plus vigilante aurait aisément pu déceler (481).
S’il y a plusieurs commettants, sera retenu celui qui a une autorité effective sur le
préposé. Car comme l’estime également la jurisprudence, c’est le fait d’avoir les
travailleurs sous ses ordres et de les employer sous sa responsabilité qui entraîne la
responsabilité prévue par l’article 260 du livre III du Code civil (482). Il en sera de même en
cas de transfert de préposé.
2° Il faut que la victime prouve que le dommage a été causé par la faute du
préposé. Il y a donc possibilité d’exonération en cas de fait étranger au préposé. Si la faute
provient d’un tiers qui est le commettant, il peut y avoir condamnation in solidum du
maître et du préposé.
Ainsi jugé que la cause de l’accident occasionné par la faute du chauffeur d’un
camion peut aussi être attribuée à la faute du patron qui lui a ordonné de se mettre en
route avec un camion défectueux. Lorsqu’il est impossible de déterminer la part pour
laquelle la faute de chacun a contribué à causer le dommage, l’un et l’autre sont tenus de
réparer intégralement le préjudice(483).
3° Il faut que le dommage soit causé à un tiers (484). Par tiers, on entend d’une façon
large « toute personne autre que le commettant ou le préposé lui-même. Cette formule
permet de dire en cas de dommage causé à un autre préposé que la victime est
certainement un tiers en ce qui concerne l’article 260 du Code civil, livre III.
Lorsque le dommage est causé par le commettant lui-même à son préposé, il va de
soi qu’on lui appliquera le droit commun des articles 258 et 259 du Code civil, voire les
principes de la responsabilité du fait des choses. Il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 260,
alinéa 3 car il n’y a pas responsabilité du fait d’autrui puisque la faute a été commise par
le commettant lui-même (485).
486 Pour les détails et les références, voir Kalongo Mbikayi, La responsabilité civile des commettants, op. cit., 11
487 Kin, 19 octobre 1975, RJZ, 1983, p. 47. Contra 1 ère inst. Eq, 30 octobre 1975, RJZ, 1978, p. 111
488 Bandundu, 23 février 1980, RJZ 1983, n°3, p. 47.
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aurait abus par exemple lorsque le préposé utilise son instrument de travail (véhicule,
outils,etc.) à l’insu du commettant.
Lorsque le préposé agit dans l’exercice de ses fonctions, le maître ou commettant
est responsable de la suite dommageable des fautes commises par lui alors même qu’il
agit contre la défense formelle du maître et alors même que l’acte ne se rattache pas
directement à l’exercice des fonctions (489).
La responsabilité du commettant est engagée par la faute commise par le préposé
en service, même si celui-ci a passé outre à une défense du commettant (490).
L’employeur est civilement responsable des dommages par son chauffeur durant
un voyage qui rentrait dans le cadre de ses fonctions bien qu’accompli à un moment autre
qu’au moment prescrit par le maître (491).
Il n’est pas responsable du dommage subi par un passager transportant contre gré
de l’employeur par ledit préposé (492).
Lorsqu’il se produit un accident de roulage entre deux véhicules et qu’il est établi
que l’un des conducteurs roulait à une vitesse excessive tandis que l’autre accomplissait
une manœuvre imprudente, leur responsabilité est partagée. Le maître de l’un des auteurs
de la collision, est responsable solidairement avec son préposé des conséquences de
l’accident dans la mesure ou le préposé en est lui-même tenu(493);
L’employeur qui met temporairement un chauffeur à la disposition d’un tiers peut
être civilement responsable du chauffeur (494).
§3. Fondement et force de la présomption
Le fondement classique de cette responsabilité est la présomption de faute, mais
une présomption plus rigoureuse que les autres, une présomption irréfragable. Nous
avons déjà tenté d’analyser plus profondément le fondement de cette solution (495). Ce
n’est en réalité ni l’idée de faute de surveillance ni de choix, ni l’idée de représentation, ni
de risque-profil, ni de cautionnement légal, mais de garantie qui justifie le plus cette
solution.
Recours du commettant contre le préposé
Il est à noter cependant que le commettant dispose toujours d’un recours contre
son préposé. Ce recours s’avérera souvent inefficace puisque le préposé est généralement
insolvable.
489 Trib. District Haut-Lomami, 20 mai 1948, RJCB 1949, pp. 67-68.
490 1ère inst. Léo, 16 août 1950, RJCB, 1951, p. 117.
491 1ère inst. Elis., 28 mars 1952, RJCB 1953, p. 81.
492 Même décision.Cette partie de la décision paraît illogique par rapport à la thèse en vigueur dans notre pays.
493 1ère inst., Léo, 4 déc. 1929, RJCB 1930, p. 289.
494 Elis., 28 avril 1958, RJCB 1958, p. 228. Il devrait dans un cas continuer à contrôler ce chauffeur.
495 Kalongo Mbikayi, La responsabilité civile du commettant, op. cit., p.12
221
Il faut pour que ce recours soit fondé que le commettant n’ait commis aucune
faute, qui consisterait par exemple à demander au préposé chauffeur de ne pas dépasser
la vitesse réglementaire.
§1. Principe
La loi du 5 janvier 1973 (496) a institué le propriétaire du véhicule automoteur qui a
causé un accident, civilement responsable de l’auteur de celui-ci. Elle a accru de ce fait la
protection de la victime en offrant à celle-ci un choix : elle peut désormais soit fonder son
recours sur l’article 258 du Code civil, livre III, qui n’est pas abrogé, soit sur l’article 260
alinéa premier, du même Code, soit poursuivre son indemnisation sur base de l’article 260
alinéa 6. Si elle opte pour cette dernière hypothèse, c’est contre le propriétaire du véhicule
qu’elle devra diriger son action en tant que civilement responsable.
§2. Conditions de responsabilité
Aux termes de l’article 4 de la loi précitée du 05 janvier 1973, « l’assurance doit
couvrir la responsabilité civile du propriétaire et de toute personne ayant, avec son
assentiment exprès ou tacite, la garde ou la conduite du véhicule ».
De l’examen de ce texte, l’on peut dégager les conditions nécessaires pour que soit
engagée la responsabilité du propriétaire d’un véhicule automoteur (497) :
1°. le dommage doit être causé par un véhicule automoteur;
2°. le dommage doit être causé par une personne qui a, avec l’assentiment exprès ou
tacite du propriétaire, la garde ou la conduite du véhicule.
3°. il faut qu’il soit établi un lien de causalité général entre le dommage et le véhicule
gardé ou conduit.
Nous verrons que l’élargissement de cette causalité entraînera contre le gardien ou
le conducteur une présomption de responsabilité qui sera répercutée sur le propriétaire de
ce véhicule et qui sera mieux comprise lors de l’examen de la responsabilité du fait des
choses inanimées.
Dès que ces conditions sont réunies, le propriétaire du véhicule est « présumé
responsable ». Il y a là une heureuse innovation car comme le souligne si bien M.
Thiran(498), cette loi introduit dans le chef de tout propriétaire de véhicules automoteurs,
496 Loi n°73-013 du 2 janvier 1973 portant assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules
automoteurs, JO n°5 du 1er mars 1973, p. 299 et Kalongo Mbikayi, Code civil et commercial, op. cit., p. 349
497 Kalongo Mbikayi, La responsabilité de l’automobiliste et du piéton en droit zaïrois, in L’automobile et la sécurité
routière, PUZ, 1982, p. 31-58.
498 Voir Exposé des motifs et commentaires de la loi n°73-013 du 5 janvier 1973, in Revue Ngabu n°2, septembre
1973 ; Kalongo Mbikayi, La responsabilité de l’automobiliste et du piéton en droit zaïrois, op. cit., pp. 31- 58
222
une responsabilité présumée, sans qu’il n’y ait nécessairement faute dans le chef du
propriétaire et cela dans le but de protection sociale, c’est-à-dire la protection de la
victime.
Heureuse innovation aussi car, la responsabilité objective ou responsabilité sans
faute cadre bien avec la mentalité juridique authentique congolaise. En effet, en droit
traditionnel, le seul fait de causer à autrui un dommage constitue la condition nécessaire
et suffisante pour engager la responsabilité civile de son auteur contrairement au droit
écrit congolais d’inspiration occidentale, le droit traditionnel ne se préoccupe donc pas
des conditions psychologiques de l’auteur du dommage pour déterminer sa
responsabilité civile.
§3. Fondement et force de la présomption
En parlant de la présomption de responsabilité plutôt que de la présomption de
faute, l’exposé des motifs de la loi du 5 janvier 1973 montre que le propriétaire sera
responsable en dehors de quelques fautes de sa part. Sa responsabilité est objective. Elle
est même fondée sur une présomption irréfragable de sa faute. C’est l’idée de garantie qui
justifie le mieux cette solution: elle favorise le mieux la victime. Il en est d’autant plus
certainement ainsi que l’assurance de la responsabilité civile a été rendue obligatoire en
matière de véhicules automoteurs.
En Belgique, on se trouve en ce domaine devant une présomption irréfragable de
faute alors qu’en droit français qui nous a inspiré, cette responsabilité se fonde sur l’idée
de garantie ou sur l’idée de risque. Le gardien ne peut se libérer de sa responsabilité de
plein droit qu’en démontrant :
1°. la force majeure (on exclut les vices internes de la chose comme élément de force
majeure) ;
2°. la faute exclusive de la victime ;
3°. le fait exclusif d’un tiers ayant caractère imprévisible et inévitable.
223
224
§1. Principe
Suivant l’article 261 du Code civil, livre III, « le propriétaire d’un animal ou celui
qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage est responsable du dommage que l’animal a
causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé ». Le responsable
légal est donc soit le propriétaire, soit le gardien de l’animal. Mais dans quelles
conditions?
§2. Conditions d’application
Ces conditions concernent l’animal et son responsable.
I. Animal visé
On prend en considération tous les animaux sans distinction de leur nature
zoologique: animaux domestiques ou autres, y compris ceux qui sont immeuble par
destination. Exemple : boeuf, chevaux, volailles, pigeons, abeilles des ruches. Mais ces
animaux doivent être appropriés ou plus exactement soumis à la garde de quelqu’un. On
écarte, ainsi les animaux sauvages qui vivent à l’état libre, comme le gibier ou même
vivant dans une chasse gardée car l’on ne peut assurer sur eux un certain contrôle. Il en
est de même des res nullius, des animaux sans maître (499).
Le comportement de l’animal est important. D’une part, en effet, il importe peu
que l’animal au moment de l’action, fût sous le contrôle actuel du responsable ou qu’il fût
égaré ou échappé. D’autre part, l’animal doit être intervenu positivement dans la genèse
de dommage. Il doit jouer un rôle causal. La Cour de cassation exige en France que le fait
de l’animal soit la cause directe et génératrice de l’accident (500). On écarterait ainsi la
demande de réparation d’un dommage résultant par exemple d’une chute due à la vue
d’un chien ou à la peur d’un chien (501). Seraient ainsi des faits de l’animal, les blessures
des suites de coups portés par l’animal, les dégâts causés par celui-ci, une maladie
499 Le propriétaire d’une chose gardée n’est pas responsable sur base de l’article 261 du Code civil, livre III, des dégâts
que peuvent causer les animaux de la chasse (il ne peut l’être que sur base de l’article 258). Mais il sera
responsable des dégâts des animaux placés dans un terrain aménagé (une garenne) pour leur reproduction, car de
tels animaux sont des immeubles par destination.
500 Cass. fr. civ., 2 mars 1956, Bull., civ. II, n° 160/103
501 Rodière (R), La responsabilité délictuelle dans la jurisprudence, Paris, Litec 1978, p. 204 et 206 ; Cass. fr. civ., 2
mars 1956, Bull. Civ. II, n°160, p. 103; 19 octobre 1966, Bull. civ. II, n°853, p. 595; Cass. fr. Req., 2 décembre 1940,
Gaz, Pal. 1940, 2, 502. Il faut signaler aussi que même si l’animal est monté ou conduit par l’homme, l’article 261
s’applique.
225
contagieuse communiquée par lui et un choc nerveux résultant d’une peur éprouvée à la
vue d’un animal.
Mais dans tous les cas, l’animal doit jouer un rôle causal. C’est ainsi que même si
l’animal est monté ou conduit par l’homme, l’article 261 du Code civil, livre III
s’appliquera. Il suffira même que l’animal soit l’instrument du dommage pour que cette
disposition s’applique (502).
II. Responsable
Aux termes de l’article 261 du Code civil, le responsable est « le propriétaire de
l’animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage ». C’est donc ou bien le
propriétaire de l’animal ou bien celui qui s’en sert. La responsable illicite de ces
personnes visées est donc alternative et non cumulatives. La jurisprudence est dans le
même sens (503).
La doctrine s’est référée à la notion de gardien pour déterminer le responsable.
Selon elle (la doctrine), le responsable est celui qui a la garde de l’animal, c’est-à-dire « qui
a sus lui le pouvoir de contrôle et de direction » (504).
En général, c’est le propriétaire qui est le gardien, c’est pour cela que la loi le cite le
premier, mais il peut se faire - et le propriétaire peut le prouver par tous les moyens –
qu’il n’ait plus la qualité de gardien au moment de l’accident, parce qu’il avait transféré la
garde à une autre personne, en lui transmettant « l’utilisation » et, partant, la direction de
l’animal.
Sera donc considéré comme gardien de l’animal et donc responsable sur base de
l’article 261 du Code civil,livre III, celui à qui le propriétaire ou la loi a donné sur l’animal
un droit d’usage ou de jouissance, l’usufruitier; le locataire, l’emprunteur à usage de la
bête.
La jurisprudence a eu à préciser davantage cette notion « d’utilisation ». Le seul
gardien dont il faut tenir compte est celui qui se sert de l’animal (505), à titre indépendant;
ce qui exclut le domestique et le préposé du propriétaire. En pareil cas, seul le propriétaire
est gardien (506). Mais le voleur de l’animal doit être considéré comme ayant acquit la
garde, tout comme celui qui a abandonné l’animal n’est pas considéré comme en ayant
perdu la garde (507). Par contre le locataire, l’usufruit, l’emprunteur à usage de la bête en
ont la garde à titre indépendant.
Le gardien est parfois celui qui se sert de l’animal à titre professionnel. Même s’il
ne se sert pas de l’animal, l’individu qui le garde à titre professionnel est gardien et donc
responsable au titre de l’article 261 du Code civil, livre III. Mais le tiers qui garde
bénévolement l’animal n’en a pas la garde (508). Ainsi sera considéré comme gardien et
donc comme responsable: l’aubergiste, le vétérinaire qui soigne la bête, l’entrepreneur
chargé de débarquer les bestiaux d’un wagon, l’entraîneur, le maréchal ferrant (l’artisan
dont le métier est de ferrer les chevaux).
Par contre, ne seront pas considérés comme responsables, mais bénéficiaires de
l’article 261 s’ils sont victimes de l’animal, les préposés à la garde, celui qui est
bénévolement intervenu pour maîtriser l’animal et toute personne étrangère à la
garde(509).
§3. Fondement de la présomption
La responsabilité du fait de l’animal est basée, selon le Code civil lui-même(510), sur
une présomption de faute, de négligence dans la surveillance de l’animal ou imprudence
dans son utilisation. Mais la jurisprudence a fini par décider, en France et en Belgique, que
le responsable ne pourrait pas s’exonérer en prouvant qu’il n’avait commis aucune
faute(511), ce qui équivaut à une présomption irréfragable de faute.
Mais d’après la jurisprudence actuelle, donc, cette responsabilité est devenue de
plein droit en ce sens que le défendeur ne peut échapper à la responsabilité de s’exonérer
en démontrant l’absence de faute, en prouvant, par exemple, qu’il prit toutes les
précautions désirables, qu’il a surveillé l’animal avec toute la diligence requise.
Le défendeur, selon la jurisprudence, ne peut donc s’exonérer qu’en apportant la
preuve d’une cause étrangère non imputable.
Il y a cas fortuit ou de force majeure lorsque, par exemple, l’animal a été effrayé de
façon imprévisible et inévitable par la foudre ou le tonnerre, la faute exclusive de la
victime (512) ou d’un tiers.
La doctrine moderne quant à elle rattache plutôt cet article 261 du Code civil, livre
III à l’idée du risque-profit (qui tire profit de l’animal à en supporter le risque (513). C’est la
508 Rodière (R), op. cit., n° 74 ; Voir aussi Cass. fr. civ., 2 juin 1967, D 1967, p. 694
509 Rodière (R), op. cit.,p. 69.
510 Voir travaux préparatoires du Code Napoléon in Fenet, TY. XIII, p. 476 et 488.
511 D’après les travaux préparatoires, cette responsabilité se fonde sur la présomption de faute renversable. Mais la
jurisprudence et la doctrine ont critiqué ce fondement, attachant plutôt cette responsabilité à l’idée du risque et
même à la présomption de faute irréfragable de type du commettant, laquelle ne pouvait être renversée que par une
cause étrangère non imputable.
512 Si le gardien n’avait pas mis un écriteau indiquant la présence d’un animal, la victime qui a subi le dommage en
voulant arrêter un animal emballé ou échappé ne commet pas de faute car il n’y a pas de faute dans un acte de
dévouement. Cfr. Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°660 et Carbonnier (J),op. cit., n°104 in fine. D’autre part, le
placement d’un écriteau peut faciliter la preuve de l’existence de la faute dans le chef de la victime.
513 Carbonnier (J), op. cit. n°104, p. 363 ; Julliot de la Morandière, op. cit., n°661
227
notion de garantie qui doit en définitive primer, car l’on tend aujourd’hui à interpréter cet
article de la même manière que l’article 260, alinéa 1(514).
faudrait également écarter de cette notion les cases africaines » dans la mesure où elles ne
sont pas en matériaux assemblés de manière durable.
2° Il faut que le dommage ait été causé par la ruine du bâtiment.Il s’agit là de la
chute totale ou partielle de ses éléments(520). Cette condition écarte l’application de
l’article 262 au cas du dommage causé par les restes d’un bâtiment déjà en ruine.
3° Il faut que l’origine de cette ruine soit un défaut d’entretien ou un vice de
construction.Il appartient à la victime d’apporter cette preuve ainsi que celle de la relation
de cause à effet qu’il y a entre le vice ou ce défaut d’entretien avec la ruine survenue(521).
L’article 262 ne prend donc pas en considération les autres causes de ruine : chute
provoquée, vétusté, accident survenu au cours de la démolition de la construction ou de
l’incendie du bâtiment (522). Si la démolition est précipitée à cause du défaut d’entretien,
c’est facile à voir s’il y a vétusté, ou vice de construction, l’article 262 prendra alors le
dessus car la loi prévoit expressément cette hypothèse.
§3. Fondement et force de la présomption
Certains ont pu croire que le fondement de cette responsabilité était une
présomption de faute, le défaut d’entretien ou de surveillance. Mais à l’heure actuelle, on
estime qu’il s’agit là d’une responsabilité de plein droit. D’aucuns ont même rattaché
l’article 262 du Code civil, livre III à l’idée de risque-profit. Ce qui est vrai, c’est que l’idée
de faute n’intervient pas. La responsabilité du propriétaire est toujours engagée dès lors
que les conditions légales sont réunies.
Dès que ces trois conditions sont réunies, la responsabilité du propriétaire est
engagée de plein droit. Et même pour ceux qui fondent cette responsabilité sur la
présomption de faute du propriétaire, celle-ci est dans tous les cas irréfragable. Ce dernier
ne peut se décharger en démontrant qu’il n’a commis aucune négligence personnelle, qu’il
n’a pas été averti par son locataire du mauvais entretien, qu’il a ignoré les vices de
construction et que ceux-ci sont imputables à l’architecte ou à l’entrepreneur.
Causes libératoires
Seuls peuvent libérer le propriétaire :
a) le cas de force majeure à condition qu’il ne soit pas accompagné de vice de
construction ni de défaut d’entretien (523). Ainsi, l’occupation militaire qui a
empêché le propriétaire d’entretenir le bâtiment, le bombardement ou l’ouragan
qui a arraché le toit ou démoli la maison ne peuvent être considérés comme cas
de force majeure que s’ils ont empêché l’entretien. En eux-mêmes, ils ne sont pas
source de la ruine visée à l’article 262 du Code civil, livre III ;
b) la faute exclusive de la victime qui, par exemple, entre dans une maison
branlante alors qu’un écriteau l’indique. Il y a faute exclusive lorsque la victime
connaît l’état de délabrement du bâtiment. Ce serait le cas du voleur qui va se
cacher ou de deux amoureux qui cherchent un tel lieu à l’abri des curieux.
Il peut cependant y avoir partage de responsabilité lorsque le propriétaire n’a pas
avisé la victime du danger à l’aide d’un écriteau ou lorsqu’il n’a pas clos la zone
dangereuse.
La faute de la victime, pour être exonératoire totalement, doit revêtir le caractère
imprévisible et inévitable, ce qui la rapproche ainsi de la force majeure ; mais si le fait de
la victime ne présente pas un caractère fautif, le propriétaire ne peut être exonéré (524).
Recours du propriétaire
Le propriétaire dispose toutefois d’un recours :
1°. contre l’architecte ou l’entrepreneur au cas de vice de construction. Mais ce
recours est prescrit après 10 ans à compter de la réception des travaux (art. 439
du Code civil) (525). Il faudra bien noter que cette prescription décennale concerne
la responsabilité contractuelle des architectes et entrepreneurs dans leurs
rapports avec le maître de l’ouvrage et dont les nuances sont abordées dans
l’étude du contrat d’entreprise ;
2°. contre le locataire ou l’usufruitier s’il prouve que la ruine est la conséquence du
défaut d’entretien qui leur incombait en vertu du contrat (526).
524 Rodière (R), op. cit., p. 269 ; Cass. fr. civ., 1er juillet 1971, Guillera c/Sibaud, D. 1971, 672.
525 On peut logiquement accorder ce recours, le délai de présomption étant le même, à tout acquéreur d’un immeuble
déjà construit et qui comporte un vice. Ce recours est alors dirigé contre le vendeur lequel appellera l’architecte en
garantie. Voir art. 318 du Code civil, livre III.
526 Le contrat peut imposer au locataire des réparations locatives que ce dernier n’effectue pas.
230
527 Développement de cette question, Mazeaud (H,L et J) et Tunc (A),op. cit., t. II, n°1144 ; Savatier (R), op. cit., t.1,
n°327 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°666 et s ; Carbonnier (J), op. cit., n°107, p. 378 et s., Kalongo Mbikayi,
Progrès technique et Responsabilité civile, Cours de 1ère Licence en Droit.
528 S. 1930, I., 57, Cass. ch. réunies, 13 février 1930, veuve Jand’heur c/ Les galeries belfontaines dont le camion a
renversé la mineure Lise Jand’heur.
529 Développement de la solution belge, in Kalongo Mbikayi, Resposabilité civile et socialisation des risques, op. cit., pp.
136 et 137 ; Spilman (R),Sens et portée de l’évolution de la responsabilité civile depuis 1804, Mémoire de
l’Académie royale de Belgique, Collection in 8°, Tome 50, I, Bruxelles 1955, p. 66 et 67; Dabin (J) et Lagasse (Fr).,
in RCJB 1949.
231
Nous en avons la confirmation dans la loi n° 73-013 du 5 janvier 1973 qui introduit
dans notre système juridique un type nouveau de responsabilité objective, pour tous les
dommages causés par l’utilisation des véhicules automoteurs.
Les principes de solution étant exposés, nous allons étudier les conditions
d’application de l’article 260, alinéa 1er. Il y aura à distinguer les conditions de la
responsabilité du fait de choses inanimées en général et les conditions de la responsabilité
du propriétaire d’un véhicule automoteur selon la loi du 5 janvier 1973. Ces dernières
conditions ressemblent à celles qui prévalent en droit français.
§2. Conditions d’application de la responsabilité pour fait des choses inanimées en général
Ces conditions d’application sont relatives à la chose, au fait de la chose, et à la
garde.
I. La chose
Excepté les bâtiments en cas de ruine et les animaux, toutes les autres choses sont
visées par l’article 260, alinéa1er. Aussi, bien qu’au début on ne visait que les choses
mobilières, l’on considère aujourd’hui que les choses immobilières peuvent également
donner lieu à application de cet article (530).
De même, sont des choses au sens de l’article examiné : les véhicules à moteur, les
bicyclettes, les navires, les aiguilles médicales, le lames de rasoir, les fils électriques, les
gaz, les explosifs, les fumées (531).
Ainsi jugé qu’une compagnie de chemin de fer est responsable de l’incendie que
les flammèches d’une locomotive ont communiquées à un immeuble, lorsqu’elle ne
prouve pas qu’elle a pris ou provoqué toutes les mesures nécessaires notamment
administratives, propres à empêcher les incendies des propriétés établies le long de la
ligne (532). Mais ne sont pas des choses au sens de l’article examiné :
1°. le corps d’un homme, ni la pensée et sa parole, même lorsque le corps prolonge
la chose inanimée;
2°. les res nullius qui ne peuvent être appropriées.
Précisons enfin la notion de chose en disant qu’il n’est pas tenu compte du fait que
la chose soit dangereuse ou non dangereuse par nature, actionnée ou non par l’homme
(ballon de jeu, plombs à fusil), inerte (voiture en stationnement, chasse sur le sol dans un
bar) ou en mouvement, petite ou grosse(533).
530 1ère inst. Léo, 12 avril 1952, RJCB, p. 93 avec note ; Cass. b. 24 mai 1945, Pas. 1945, I. 172 ; 12 juillet 1945, Pas.
1945, I. 202 ; 22 octobre 1954, Pas. 1954, I. 202 ; 22 oct. 1954, Pas. 1955, I. 149.
La chute d’arbre rentre donc dans l’application de l’article examiné.
531 Starck (B), Roland (H) et Boyer (L), Obligations, vol. 1 Responsabilité délictuelle, 4 ème éd., Paris, Litec, 1991, p.
222 n°s 465 et s.
532 Elis., 21 octobre et 18 novembre 1933, RJCB 1922, p. 138
533 Starck (B), op. cit., n°369-388
232
II. Le fait de la chose
La différence entre le droit belge et le droit français apparaît au niveau de cette
condition. Alors que le droit belge exige la preuve du vice et sa relation causale avec le
dommage, le droit français, depuis l’arrêt Jand’heur des chambres réunies du 13 février
1930, rattache la responsabilité à la garde de la chose, non à la chose elle-même (534).
En Belgique et donc au Congo, (pour les choses autres que les véhicules depuis la
loi du 5 janvier 1973), la responsabilité du gardien suppose la preuve d’un vice de la chose
et d’un lien de cause à effet entre ce vice et le dommage.
Le vice a été interprété de façon variée. Dans une première conception, le vice
consistait dans une défectuosité intrinsèque de la chose, cette défectuosité pouvant être
apparente ou cachée, originaire ou due à la vétusté ou à toute autre cause(535).
Mais dans un second temps, on a interprété plus largement le vice, l’entendant par
« tout comportement anormal de la chose »(536).
La manière dont la relation de cause à effet doit être démontrée a été précisée par
la Cour de cassation belge (537). Suivant cette Cour, la victime n’est pas tenue de préciser la
nature du vice; il suffit qu’elle établisse l’impossibilité de l’accident si la chose n’avait pas
été affectée d’un vice, mais pour ce faire, elle doit démontrer par élimination successive de
toutes les autres causes concrètes de l’accident, que celui-ci sans la présence d’un vice de
la chose, demeurerait inexplicable dans les circonstances où il s’est produit.
En France et au Congo pour les véhicules automoteurs depuis la loi du 5 janvier
1973, on se contente d’un lien de causalité général entre la chose et le dommage. Mais ce
lien soulève quelques problèmes particuliers(538).
1° Le fait de la chose n’implique pas nécessairement un contact matériel entre la
chose qui cause le dommage et la personne ou le bien qui le subit. C’est le cas d’une
voiture qui projette un caillou contre la vitre ou le parabrise d’un tiers et la casse (539).
C’est également ainsi en cas de vitesse excessive qui effraie un tiers et l’oblige à virer dans
l’idée d’éviter la collision et qui dans ce mouvement écrase quelqu’un.
534 Starck (B), Roland (H) et Boyer (L), op. cit., n° 482
535 Exemples belges : Gand, 1er mars 1928, Pas. II., 125 (boumon d’une voiture rongé de rouille). Trib. Liège, 28 oct.
1933, III. 137 (levier de direction d’une auto partiellement brisé); Liège, 2 juillet 1912, Jur. Liège 1912. 233 ;
Bruxelles, 10 mars 1948, RGAR, 1948 n°4319 (défaut d’élasticité d’un ressort de poste d’ascenseur).
536 Liège, 15 décembre 1949, Pas. 1950. JT 1946, pp. 165-166 ; Renard (C), RTDC 1947, p. 96 et RCJB 1947, p. 91 ;
Dabin et Lagasse, RCJB 1944, p. 72 et 1952.
537 Cass. b. 25 mars 1943, Pas. 1943, I. 110 ; Cass.b.18 janvier 1945, Pas. 1945, I. 88 ; 31 janvier 1945. I.308.
Voir aussi références à la note 37 plus chronique Dabin et Lagasse, RCJB 1952, p. 73 ; De Page (H), op. cit., II,
n°1007. En ce sens, 1ère inst. Cost. 3 décembre 1948, RJCB, p. 113; Léo, 29 octobre 1957, RJCB 1958, p. 146
538 Carbonnier (J), op. cit., n°107, p. 381 ; Julliot de la Morandière (L), n°676 ; Rodière (R), op. cit., n°43, p. 149. Voir
Starck (B), Roland(H) et Boyer(L), op. cit., n°497 et s; Le Tourneau (Ph) et Cadiet (L), Droit de la responsabilité,
Paris, Dalloz, 1996, n° 3581 et s, pp. 739 et s.
539 Starck (B), Roland (H), Boyer (L), op. cit., n° 518
233
2° Le fait de la chose implique que l’intervention de la chose ait été causale active
dans la production du dommage. Elle doit être génératrice du dommage. La chose doit
aavoit été ne fut-ce que pour partie, l’instrument du dommage, selon la formule consacrée
en France par l’arrêt de la Cour du 8 juillet 1971 (540). Il appartient à la victime d’apporter
la preuve de ce rôle générateur du dommage qu’a eu à jouer la chose.
3° Le fait de la chose peut coexister avec le fait d’une autre cause au sens contraire.
C’est l’hypothèse de la collision des véhicules. En France, la jurisprudence déclare les
deux présomptions de responsabilité simultanément applicables. Chacun paiera à l’autre
et réciproquement l’entier dommage lui causé par le fait de sa chose (541).
Au Congo, le droit est inspiré du système français et s’interprétera comme lui, du
moins pour la responsabilité du fait des véhicules automoteurs. La responsabilité du
gardien du véhicule sera établie comme en France.
III. La garde
Le responsable est celui qui « a la chose sous sa garde ». Il s’agit de celui qui a la
garde juridique c’est-à-dire qui exerce sur elle le droit de contrôle et de direction. Le
devoir de surveillance ne prime donc pas. La garde est individuelle. En principe, elle
revient au propriétaire, mais ce dernier, gardien originaire, peut avoir transféré ou perdu
la garde. On en arrive ainsi à dissocier la garde juridique de la garde matérielle.
A. Transfert de la garde
Le propriétaire peut conventionnellement remettre à titre précaire la chose à un
autre individu qui a désormais la qualité de détenteur. Exemple : locataire emprunteur à
usage, transporteur, entrepreneur chargé d’une réparation.
Pour qu’il soit gardien au sens de la loi examinée, ce détenteur doit avoir
réellement le pouvoir de surveiller et de contrôler la chose. Il n’y aura pas de garde en cas
de présomption, sauf usage de la chose par le préposé et ce par abus de ses fonctions. Car
le préposé ne garde pas la chose à titre indépendant et ne dispose d’aucun droit de
contrôle et de direction sur la chose qu’il manie.
Il n’y aura pas non plus de garde si celle-ci se fait à titre gratuit (542). Il a été jugé
cependant que le propriétaire du camion qui met celui-ci gracieusement à l’entière
disposition d’un tiers pour effectuer un voyage déterminé cesse d’avoir la garde du
camion et d’être le maître du chauffeur, au point de vue de l’application de l’article 260 du
Code civil, livre III. Il ne répond pas de l’accident survenu par suite du non-
fonctionnement des freins, dont il connaissait le mauvais état si ce tiers, après avoir
constaté le vice du camion, a continué sa route sans y remédier, alors qu’il pouvait
serait celui qui aurait la garde effective de la chose, le détenteur qui l’aurait entre les
mains lors de la survenance du dommage(546).
§3. Fondement et force de la présomption
Le fondement de cette responsabilité varie suivant qu’on prend en considération le
droit congolais ou le droit belge d’une part et le droit français de l’autre. Il faut néanmoins
montrer que la thèse française a inspiré le droit congolais en ce qui concerne du moins la
responsabilité du gardien du véhicule automoteur ayant causé un dommage.
En droit belge le fondement encore lié à l’idée de faute est la présomption de faute.
Cette présomption est irréfragable. Mais l’interprétation du vice de la chose indique que la
jurisprudence belge tend à réduire l’importance de la faute dans ce pays.
En France et au Congo pour les véhicules automoteurs, c’est l’idée de garantie plus
que celle du risque qui doit prédominer. La responsabilité du gardien est présumée, ce
qui en fait une responsabilité de plein droit. Elle ne peut être écartée que la preuve d’une
cause étrangère, la force majeure (qui exclura les vices internes de la chose), la faute
exclusive de la victime, le fait exclusif d’un tiers ayant caractère imprévisible et inévitable.
546 Sur ces questions et avec cas jurisprudentiels, voir Starck(B), Roland, Boyer, op. cit. n° 580 et s. 587 ; Le
Tourneau (Ph) et Cadiet (L), op. cit. n° 3670 et s. et Tunc (A), Garde du comportement et garde de structure de la
responsabilité du fait des choses inanimées, JCP, 1957. I. 138…
La jurisprudence oxygène liquide mettant en cause cette société qui, a expédié par fer des bouteilles métalliques
remplies l’oxygène comprimé qui ont explosé entre les mains d’un transporteur routier qui a pris en charge les
bouteilles (Cass. 2° ch. civ., 5 janvier 1956, D 1957, 261 note Rodière ; JCP 56, II, 9095 note Savatier ; Décisions
récentes relatives à un fabricant de boissons gazeuses, à un loueur d’un poste de télévision qui a imposé, le
propriétaire d’un camion prêté dont le preneur a éclaté le fabricant d’une pile qui a explosé…voir Starck (B), Roland
(H) et Boyer (L), op.cit. n° 587
236
Il y a lieu de dire de prime abord que la dualité des deux responsabilités apparaît
aujourd’hui comme règle chez la majorité des auteurs (547) et ce tant en Belgique, en France
qu’au Congo. La différence entre les deux responsabilités apparaît en pratique tant en ce
qui concerne les règles de fond que les règles de preuve.
§1. Distinction quant aux règles de fond
1° Les conditions des deux responsabilités ne sont pas les mêmes. La capacité
délictuelle est moins exigeante que la contractuelle. On est plus vite capable sur le plan
délictuel que sur le plan contractuel.
En cas de responsabilité contractuelle, le dommage qui donne lieu à réparation
doit être non seulement direct mais encore prévu ou prévisible lors du contrat (art. 49 du
Code civil, livre III) ; ce qui n’est pas exigé en cas de responsabilité délictuelle puisque
dans ce dernier cas, l’accord préalable entre les intéressés n’est pas possible.
La mise en demeure préalable est souvent nécessaire en matière contractuelle. Elle
est sans application en matière délictuelle;
547 En ce sens, Carbonnier (J), op. cit., n° 113, p. 414 et s ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 688.
Les auteurs qui soutiennent l’unité de deux responsabilités estiment que la faute contractuelle n’étant qu’une forme
de faute délictuelle, seules les règles de la responsabilité délictuelle s’appliqueraient.
237
548 Elles ne peuvent en matière délictuelle qu’écarter les présomptions de faute. V. en ce sens Julliot de la Morandière
(L), n° 689.
549 Art. 48 et 49 du Code civil, livre III
550 Ceci vaut pour l’exécution de la dette. Mais lorsqu’il s’agit d’une inexécution fautive de la dette due à plusieurs, la
tendance jurisprudentielle est de condamner tous ces débiteurs fautifs à une réparation in solidum.
238
§1. Principe
Les deux responsabilités couvrent deux domaines bien définis qu’il convient de ne
pas mêler. On peut poser comme principe que la responsabilité contractuelle est une
exception par rapport à la responsabilité délictuelle. Le domaine de la responsabilité
contractuelle est restreint et limité à ceux-là seuls qui ont passé tel contrat. Leur
responsabilité contractuelle ne joue qu’à l’intérieur de cette sphère contractuelle et pas
une autre. En revanche, le domaine de la responsabilité civile est plus étendue et joue
pour tous dès lors que les conditions de responsabilité civile sont réunies.
La responsabilité contractuelle suppose un contrat valable passé entre parties. Elle
naît de l’inexécution ou d’une mauvaise exécution, d’un retard d’exécution d’une
obligation contenue dans le contrat. Nous disons bien que l’obligation doit être celle du
contrat envisagé pour qu’il y ait responsabilité contractuelle. Dans les autres cas d’espèce,
il ne faut pas croire par exemple que la faute contractuelle est toute faute commise à
l’occasion d’un contrat.
La seule faute sur le plan contractuel est celle qui consiste à violer une obligation
telle qu’elle ressort du contrat. Il s’agira, soit d’une mauvaise exécution, soit d’une
exécution tardive, soit même d’une inexécution. Toutes les autres fautes, même commises
à propos du contrat, ne donnent lieu qu’à une responsabilité délictuelle. Il en est ainsi
dans les hypothèses examinées ci-après.
I. Faute délictuelle commise par un tiers étranger au contrat
Comme nous l’avons déjà montré (551), en cas de tierce complicité à la violation
d’une obligation contractuelle, le tiers commet une faute délictuelle et sera poursuivi sur
base de l’article 258 du Code civil, livre III alors que la partie dont le tiers est complice
commet une faute contractuelle et sera poursuivie sur base des articles 33 et surtout 45 du
Code civil, livre III.
Exemple : Contrat d’exclusivité ou promesses unilatérales de vente.
A B
C Tiers complice
A et B sont liés par un contrat d’exclusivité ou par une promesse unilatérale de
vente. Voilà que C aide A à violer ce contrat en le poussant à lui vendre. C sera le tiers
complice et sera poursuivi sur base de l’article 258 et A sur base des articles 33 et 45 du
551 Kalongo Mbikayi et Tshimanga Biuma, La responsabilité civile du tiers complice de la violation d’une obligation
contractuelle, op. cit….
239
Code civil, livre III. La faute de C est délictuelle puisque ce dernier n’était pas tenu des
obligations du contrat.
II. Faute délictuelle commise par un contractant à l’égard d’un tiers étranger
Un même fait peut constituer une faute contractuelle à l’égard de l’autre partie au
contrat et constituer une faute délictuelle à l’égard d’un tiers étranger.
C’est le cas d’un contrat de transport entre le transporteur A et le client B. S’il y a
accident dommageable, A aura commis une faute contractuelle (violation de l’obligation
de sécurité) à l’égard de B (et à l’égard de ses héritiers agissant en son nom).
Mais à l’égard des parents ou du conjoint du défunt qui réclament réparation du
dommage moral ou matériel ressenti, A aura commis une faute délictuelle.
III. Faute délictuelle commis par un contractant à l’égard d’une partie au contrat
A l’égard de l’autre partie co-contractante, une partie peut causer une faute
délictuelle, lorsque celle-ci sort de la sphère contractuelle, lorsqu’elle ne consiste pas dans
la mauvaise exécution, dans le retard d’exécution ou dans l’inexécution d’une obligation
strictement contractuelle.
On peut relever des exemples de faute délictuelle à l’égard des parties: culpa in
contrahendo, lors de la conclusion du contrat.On peut citer à ce propos, le cas du retrait
injustifié d’une offre de contracter ou celui du dol de l’article 16 du Code civil, livre III. On
viole ici une obligation antérieure au contrat.
D’autres hypothèses concernant la violation d’une obligation extérieure au
contrat peuvent être citées. C’est le cas de l’hôtelier qui assassine le voyageur, du
transporteur qui viole sa cliente, etc.
Remarquons enfin que dans certaines hypothèses, les obligations contractuelles
peuvent déborder ce qui est strictement prévu par le contrat. Dans ce cas, on appliquera
les règles de la responsabilité contractuelle conformément à l’article 34 du Code civil, livre
III suivant lequel « les conventions obligent non seulement à ce qui est exprimé, mais
encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa
nature ».
On mentionnera le cas de l’obligation de sécurité dans le contrat de transport.
L’hypothèse est celle d’un créancier qui se trouve devant un débiteur qui a causé
une faute contractuelle (552). Ce créancier peut-il invoquer à la fois, la responsabilité
contractuelle du débiteur ainsi que sa responsabilité délictuelle, en arguant pour justifier
cette dernière action que l’article 258 du Code civil, livre III est un texte général et vise une
faute « quelconque » ?
Dans le cas de la ruine du bâtiment qui blesse le locataire ou de la ruine provenant
du refus du propriétaire de faire les grosses réparations lui incombant contractuellement,
le locataire peut-il cumuler ou opter, à son choix, entre les articles 258 ou 262 du Code
civil, livre III?
§2. Principe de solution
La tendance jurisprudentielle dominante en France(553) repousse la possibilité
d’une option, d’une subsidiarité et a fortiori d’un cumul entre les deux responsabilités(554).
Suivant cette jurisprudence, lorsque les conditions d’une responsabilité
contractuelle sont remplies, c’est cette dernière qui s’imposera, les dispositions des articles
258 et suivants du Code civil, livre III ne pouvant en principe être invoquées pour le
règlement d’une faute commise dans l’exécution d’une obligation contractuelle » (555).
On justifie aussi cette position par le fait qu’en responsabilité contractuelle, seul est
réparé le dommage prévisible et ce après une mise en demeure préalable. Ces exigences
seraient sans objet si l’on avait une option, car la responsabilité délictuelle ne les prévoit
pas.
Quant à la jurisprudence belge, elle est plutôt mitigée(556). La jurisprudence
congolaise n’a pas encore de position tranchante. Il est à souhaiter qu’elle suive la position
française qui exclut la responsabilité délictuelle lorsque sont réunies les conditions de
responsabilité contractuelle. Dans cette dernière hypothèse, seule s’appliquerait la
responsabilité contractuelle dont les conditions d’application sont spécifiques (art. 45 du
Code civil, livre III).
552 L’option n’est pas possible lorsque la faute est purement délictuelle, c’est- à- dire s’écarte de la sphère contractuelle.
Ici, seule s’applique la responsabilité délictuelle.
553 La jurisprudence belge qui a rendu peu d’arrêts en la matière a adopté une position plutôt mitigée. Elle admet une
incompatibilité mitigée. V. notamment Cass. b., 12 octobre 1902 ; Pas. I. 350 ; 13 février 1930, Pas. I. 115 ; 14 mars
1939 ; Pas. I. 140. Au Congo, il n’y a pas de thèse dominante non plus.
554 Carbonnier (J), op. cit., n°113, p. 417 et Julliot de la Morandière (L),op. cit., n°695 ; Voir aussi Marty (G) et Raynaud
(P), op. cit., n°368.
555 Cass. fr. civ. 6 avril 1927, DP 1927. I. 111 ; 9 janvier 1940, DP 1940. I. 49 ; 6 mai 1946, JCP 1946. II. n° 3236 ; 7
décembre 1955, D. 1956. 136.
556 La victime a parfois une opinion et choisit l’action qui l’avantage le mieux.
241
242
Schéma
557 Développement : Kalongo Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois, PUZ, 1977, p.
109 et s; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°369- 370 ; Carbonnier (J), op. cit., n°87, p. 289 ; Viney (G), Le déclin
de la responsabilité individuelle, thèse, Paris, LGDJ, 1965 ; Savatier (R), Comment repenser le droit français de la
responsabilité civile ?, Paris, Dalloz 1970 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit. n °877 à 508 bis ; Starck (B), Essai
d’une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée,
Paris, Roestein, 1947, p. 49 et s.
243
558 Tunc (A), La réforme du droit des accidents de la circulation, J.T. 1968. 377 et surtout son fameux projet connu sous
le nom de projet Tunc. « La sécurité routière », esquisse d’une loi sur les accidents de la circulation, Dalloz 1966, p.
75. Ce texte est apparu aussi dans le numéro spécial de la Revue de Droit Social de 1967, p. 65 et s.
559 Tunc (A), Logique et politique dans l’élaboration du droit, spécialement en matière de responsabilité civile, in
Mélanges Jean DABIN, I., Bruxelles, Bruylant, 1963, p. 317-339
244
560 Savatier (R), Comment repenser le droit français de la Responsabilité civile, Dalloz n° spécial.
245
246
Nous avons cité le quasi-contrat comme étant la troisième source classique des
obligations. En réalité, ce terme ne fait que grouper une série de faits juridiques : la
gestion d’affaires, le paiement de l’indu et l’enrichissement sans cause. Ceux-ci peuvent
être considérés comme des sources d’obligation indépendamment du contrat et du délit.
Le quasi contrat n’est pas en lui-même une institution à considérer comme une source
individuelle des obligations.
La doctrine moderne critique sévèrement ceux qui le considèrent comme tel (561).
C’est une source artificielle qui ne se justifie pas et qui n’est retenue comme telle que pour
des raisons historiques (562). En réalité, les auteurs anciens ont voulu rapprocher les quasi-
contrats de la catégorie la plus spécifique qu’étaient les « contrats ». Mais l’analogie est,
comme l’ont bien observé les historiens du droit (563) sur le terrain des effets et non sur le
terrain de la naissance d’obligation.
C’est Justinien qui, le premier a orienté l’erreur actuelle de la doctrine en parlant
des obligations nées « comme si elles étaient nées d’un contrat » (564), introduisant ainsi
l’analogie entre les deux rubriques sur le terrain (source) de l’analogie.
Pothier a maintenu dans le projet de Code Napoléon cette analogie sur le terrain
des sources de l’obligation. Son originalité a consisté à proposer du quasi-contrat une
définition qui se trouve aujourd’hui consacrée par l’article 1371 du Code Napoléon
reproduit par le Code civil congolais dans l’article 247.
Définition légale du quasi-contrat
Le Code civil congolais, en son article 247 définit donc les quasi-contrats comme
étant : « les faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement
quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties ».
Comme telle, cette formule est vague et artificielle. Elle ne vaut que par ses
applications concrètes qui sont en réalité des faits juridiques distincts qui créent une
obligation à savoir la gestion d’affaires (chapitre I) et le paiement de l’indu (chapitre II).
Ces deux applications sont prévues par le Code lui-même. Mais l’on s’accorde à leur
adjoindre une autre application plus générale, celle de l’enrichissement sans cause
(Chapitre III).
561 Voir spécialement M.K. Gomaa, Théorie des sources de l’obligation, Paris, LGDJ, 1968, n°157 à 194.
562 Voir note 561 pour développements.
563 Monier (R), Histoire de la notion d’obligation et de la classification des obligations d’après leurs sources, cours de
Pandectes 1948-1949, p. 56 et Vizioz (A), La notion de quasi-contrat, étude historique et critique, 1912, thèse n °
12 - 15.
564 Monier (R), op. cit. , n° 53 et 57; Gomaa, op. cit., n° 158 in fine, p. 157.
247
Caractéristiques du quasi-contrat
Pour la jurisprudence française, congolaise et belge, qui se sert toujours de la
terminologie classique, le quasi-contrat se distingue du contrat et du délit en ce sens qu’il
est :
a) un fait volontaire sans être un contrat car il n’a pas été conclu de l’accord des
parties en vue de faire naître des obligations. C’est la loi seule qui reconnaît des
obligations sans tenir compte de la volonté des parties et ce pour des raisons de
justice et d’équité ;
b) un fait licite à l’opposé du délit et du quasi-délit qui constituent une faute. Ce fait
licite fait naître une situation que la loi estime injuste.
Appréciation de la spécificité du quasi-contrat
Mieux que du quasi-contrat source d’obligation, il convient de parler comme le fait
Jean Carbonnier de l’« avantage reçu d’autrui comme source d’obligation » (565).
Cette formulation justifie mieux ses applications éventuelles que nous allons
maintenant examiner, telle que la gestion d’affaires (chapitre I), le paiement de l’indu
(Chapitre II) et l’enrichissement sans cause (chapitre III).
Section 1 : Notion
Il y a gestion d’affaires toutes les fois qu’une personne (le gérant d’affaires)
accomplit un acte dans l’intérêt et pour le compte d’un tiers (le maître de l’affaire ou le
géré) sans avoir reçu mandat de celui-ci (566).
Devant un tel acte, la loi intervient pour créer des obligations à charge du gérant
d’affaires et aussi éventuellement à charge du géré.
Gérant A B Géré
d’affaires Maître de l’affaire
La situation ressemble fort à celle qui résulterait d’un contrat de mandat, mais à
cette différence, que dans la gestion d’affaires, il n’y a pas contrat, la volonté du géré étant
absente.
Hypothèses de gestion d’affaires
a) L’hypothèse classique est celle de la personne qui, voyant la maison de son voisin
absent (567) menacée par l’incendie ou par tout autre danger (ruine, inondation)
engage des dépenses pour prévenir ou même réparer les dégâts intervenus. Ce
voisin peut agir lui-même (acte matériel) ou faire appel aux services des tiers
entrepreneurs, maçon... (acte juridique).
b) Mais il peut y avoir gestion d’affaires de nombreuses autres hypothèses où il y a
eu procuration à autrui d’un avantage quelconque (568).
C’est le cas :
- du copropriétaire qui fait des impenses sur un bien d’autrui;
- de l’hôtelier qui recueille la victime d’un accident lui apportée sans connaissance;
- du directeur d’une clinique qui appelle un spécialiste au chevet d’un malade hors
d’état de manifester sa volonté;
- du voisin qui paie sciemment la dette d’un autre pour lui éviter une saisie;
- du voisin qui vend en votre absence vos denrées périssables qui traînent dans
l’entrepôt commun;
- du voisin qui accueille chez lui et nourrit les enfants de son ami disparu et
réapparu après un certain nombre de jours;
Ces conditions doivent être cernées quant à l’affaire elle-même (§1), quant au
gérant (§2) et quant au géré (§3).
§1. Quant à l’affaire
a) La gestion d’affaires peut avoir pour objet indifféremment les actes juridiques
(ex : contrat avec un entrepreneur, paiement d’une dette d’autrui), patrimoniaux
ou les actes matériels, le gérant agit par lui-même. Exemple : Il arrête un chien
enragé ou un cheval emballé au risque d’être blessé. S’il est vrai que la majorité
d’actes juridiques sont des actes d’administration, il a été admis que dans
certaines circonstances exceptionnelles, la gestion d’affaires pouvait avoir pour
objet des actes de disposition sur les biens d’autrui (ex : vente de denrées
périssables).
b) Ce qui est en tout cas essentiel, c’est que l’affaire doit être utile pour le géré ou le
maître de l’affaire.
Une partie de la doctrine et une partie de la jurisprudence ont pensé que l’affaire
devait être au surplus rendue nécessaire par son urgence. Mais cette opinion n’est pas
unanime en France (572) alors que notre jurisprudence l’a suivie (573). Nous soutenons notre
jurisprudence qui veut que l’intervention du gérant soit non seulement utile mais aussi
569 Léo, 8 octobre 1946, RJCB, p. 19; 1ère inst. R.U., 24 juin 1948, Belg. col. 1949, p. 163.
570 Elis, 12 juin 1948, RJCB, p. 137.
571 Elis, 11 février 1926, Kat. II., p. 146.
572 Carbonnier la soutient, op. cit. n° 116 p. 425 ; contra Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 705.
573 Elis, 22 mars 1947, RJCB, p. 91. Cette décision indique qu’il faut qu’il y ait eu nécessité d’agir en lieu et place de
maître.
250
s’oppose pas, il se formera un mandat tacite qui est un contrat véritable et non un quasi-
contrat. A notre avis, il faudrait ici corriger le texte de l’article 248.
La gestion d’affaires sort ses effets essentiellement entre les parties c’est-à-dire le
gérant d’affaires et le maître (§1) mais elle peut aussi sortir ses effets à l’égard des tiers
(§2).
§1. Entre parties
I. Obligations du gérant
Suivant l’article 248, alinéa 2 du Code civil, livre III, « le gérant se soumet à toutes
les obligations qui résulteraient d’un mandat exprès que lui aurait donné le propriétaire ».
C’est dire donc que ses obligations sont les mêmes que celles du mandataire. En
conséquence : il est tenu d’apporter à la gestion de l’affaire tous les soins d’un bon père de
famille (art. 250, al. 1 du Code civil, livre III).
Il résulter de cette obligation qu’en principe, le gérant sera responsable de toute
faute même d’imprudence ou de négligence (art. 533 al. relatif aux obligations du
mandataire). Toutefois, dit l’article 250, alinéa 2, « le juge peut modérer la responsabilité
du gérant selon les circonstances qui l’ont conduit à se charger de l’affaire. La gratuité du
service rendu peut par exemple, à l’instar de l’article 533, alinéa 2 du Code civil, livre III,
pousser le juge à modérer la responsabilisé du gérant (577). « On note que cette perspective
de la responsabilité étendue du gérant est destinée à décourager des immixtions trop
faciles, et de pure curiosité, dans les affaires d’autrui » (578).
Il est tenu de rendre compte de sa gestion, comme le mandataire. Ceci implique
notamment qu’il a d’une part comme le mandataire, droit aux intérêts de ses avances à
compter du jour où elles ont été constatées (art. 542 du Code civil, livre III), et non
seulement à dater la sommation de payer, conformément au droit commun (art. 51
dernier alinéa) et que d’autre part il peut, comme le mandataire, retenir la chose gérée
jusqu’au paiement de tout ce qui est dû à raison de sa gestion. Ce droit de rétention est
une garantie.
Il est tenu de continuer la gestion jusqu’à ce que le maître de l’affaire ou ses
héritiers soient en état d’y pourvoir eux-mêmes. Il doit continuer à se charger également
de toutes les dépenses de cette même affaire jusqu’à ce que le maître ou ses héritiers,
avant que l’affaire soit consommée, le gérant est obligé de continuer sa gestion jusqu’à ce
que l’héritier ait pu en prendre la direction (art. 249 du Code civil, livre III). Il est à noter
que cette obligation de continuer la gestion est plus rigoureuse pour le gérant que pour le
mandataire. On sait en effet que le mandataire peut toujours renoncer au mandat (art. 548
du code civil, livre III).
II. Obligations du maître
Il est naturel que le gérant qui agit pour rendre service au maître soit indemnisé. Et
dans l’ensemble, les obligations du maître ressemblent à celles du mandant (art. 251 du
Code civil, livre III). Cependant, à la différence du mandant, le gérant ne peut être
indemnisé que si la gestion a été utile, c’est-à-dire bien administré.
Pour apprécier cette bonne administration, il faut donc se placer au jour de la
gestion (579). De plus, la bonne gestion ne signifie pas la « garantie de résultat ». Ainsi,
même si l’entrepreneur engagé par le gérant n’arrive pas à arrêter l’inondation qui
menace la maison du voisin par rupture d’un tuyau, le maître reste tenu d’indemniser le
gérant dès lors que la gestion aura été utile, c’est-à-dire administrée (580).
Ainsi donc, dès que l’affaire a été bien gérée, le maître rembourse les dépenses
utiles et nécessaires (581) que le gérant a pu faire pour la conservation ou même
l’amélioration de l’immeuble en souffrance et au surplus garantir le gérant des
engagements qu’il a pu prendre à l’égard des tiers dans sa gestion (art. 251 du Code civil,
livre III).
Si le maître ratifie l’emploi, la gestion d’affaires se transformera rétroactivement en
mandat suivant le vieil adage « ratificatio mandato acquiparatur ». Dans cette hypothèse,
le gérant pourrait obtenir d’être indemnisé quand bien même sa gestion n’aurait pas été
utile. On applique alors la règle du mandat.
§2. A l’égard des tiers
Lorsque le gérant agit comme tel, c’est-à-dire lorsqu’il a déclaré agir pour le
compte du maître, il n’est pas personnellement obligé sur le plan contractuel vis-à-vis du
tiers avec lequel il a traité. C’est le maître seul qui sera en principe obligé conformément à
l’article 251 du Code civil, livre III(582). Il y a dans cette hypothèse représentation parfaite.
Mais cette obligation du maître envers les tiers est subordonnée elle aussi, on l’a dit déjà,
soit à l’utilité de la gestion, soit à une rectification.
579 Le mandataire par contre est toujours indemnisé même si le mandat n’a pas été utile (art. 541 du Code civil, livre III),
car n’est pas à lui mais au mandat d’apprécier l’utilité de l’opération. Carbonnier (J),op. cit., n°116, p. 427.
580 On admet même que le gérant, qui a agi professionnellement, a droit à une rémunération comme un mandataire
salarié. Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 709.
581 C’est encore une différence avec le mandat car ici le mandat doit rembourser toutes les dépenses sans limitation.
Julliot de la Morandière (L), n° 710.
582 Lorsque la gestion d’affaires est entreprise dans l’intérêt de plusieurs personnes, celles-ci ne sont pas engagées
solidairement à l’égard du gérant alors qu’il y aurait solidarité en cas de mandat (art. 543). C’est là encore une
différence de la gestion d’affaires avec le mandat. N.B. : La solidarité en matière civile ne se présume pas.
253
En bref, l’on dira que le maître, représenté à l’égard des tiers par le gérant devient
créancier et débiteur en vertu des contrats passés en son nom par le gérant. La ratification
de la gestion par le maître tient lieu de mandat(583).
Aussi, il a été jugé que le tiers chargé du soin d’enfant qui contracte un emprunt à
raison de l’éloignement du père par suite de circonstances de guerre pour le besoin de
l’enfant, gère l’affaire du père. Le prêteur auquel il a été donné connaissance par
l’emprunteur de ce que l’emprunt était fait pour le compte du père, a contre le père, une
action directe, sur base de la gestion d’affaires (584).
Par contre, lorsque le gérant ne déclare pas agir pour compte et au nom du maître,
et qu’il traite avec les tiers en son nom personnel, il est obligé personnellement envers
eux, la responsabilité du maître n’étant pas engagée. Mais dans cette hypothèse,
habituellement, le gérant qui est personnellement engagé se fera rembourser par le maître
de tout ce qu’il a dû payer dans on intérêt(585).
583 Starck (B), op. cit., vol 2, n° 1794, p. 626 ; Starck (B), Roland (H) et Boyer (L), op. cit. n° 1878, p. 794.
584 Elis., 12 juin 1948, RJCB 1948, p. 137.
585 Starck (B), Roland (H) et Boyer(L), op. cit. n° 1879, p. 795.
254
§1. Définition
Il y a paiement de l’indu, d’une façon générale, lorsqu’une personne (l’accipiens)
reçoit à titre de paiement d’une autre personne (le solvens), ce qui ne lui est pas dû. Dans
ces conditions, la loi accordera au solvens un droit de répéter ce qu’il a payé indûment, et
grâce à l’action en répétition (Art 252).
A B
Le solvens Accipiens
§2. Hypothèses
Les hypothèses de ce paiement indu sont nombreuses (586). Il y aura paiement de
l’indu :
1°. lorsqu’on paye une dette qui n’existe pas ou qui n’existe plus. Exemple : Un
héritier paie une dette du défunt ignorant que celui-ci l’avait acquittée ;
2°. lorsqu’on paie plus qu’on ne doit : Exemple : Je lis mal une facture et paie
1.000.000 de Fc alors qu’il s’agit de 100.000 Fc ;
3°. lorsqu’on paye une dette due par une autre personne (en dehors de toute
convention entre parties à cause par exemple de la ressemblance des noms).
Exemple : La paie par erreur de la facture de x ;
4°. lorsqu’on paye une obligation nulle, si toutefois, s’agissant d’une nullité relative,
le paiement n’emporte pas confirmation. Exemple : hypothèse de paiement en cas
de vente dont le consentement est vicié ou paiement en cas de vente sous
condition suspensive lorsque la condition ne se réalise pas.
Dans cette hypothèse, la cause de la restitution est postérieure au paiement, alors
que dans les hypothèses précédentes, la cause de restitution est contemporaine au
paiement (587).
586 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 711. L’auteur signale à juste titre que le paiement d’une dette prescrite ou
d’une dette en vertu d’une obligation naturelle différent n’est pas indu. Voir article 153 du Code civil, livre III.
587 Lorsque la cause est postérieure, l’erreur du solvens n’est pas la condition d’application de l’action. Voir l’art. 133 al.
1 qui n’exige pas cette condition d’erreur pour répéter l’indu. Voir des exemples chez Julliot de la Morandière (L),
op. cit., n° 713.
255
La condition principale, c’est l’erreur du solvens (art. 253 du Code civil, livre III). Il
appartient au demandeur, ici le solvens, à prouver qu’il a payé par erreur ; peu importe
que son erreur soit d’ailleurs une erreur de droit ou une erreur de fait. L’action en
répétition n’est pas accordée à celui qui a payé sciemment. Ce dernier a peut être voulu
faire une libéralité. A l’erreur il faut assimiler la violence qui contraindrait un individu à
payer ce qu’il ne doit pas (588). Le dol est aussi pris en considération (589).
Cas où la condition de l’erreur n’est pas nécessaire
C’est le cas où la cause de la restitution doit apparaître postérieurement au
paiement. C’est le cas où l’annulation est possible. En fait, la loi n’exige pas l’erreur. Et il y
a des cas où l’erreur n’est pas nécessaire et où le paiement s’est fait en connaissance de
cause. Mais il y a répétition car la motivation a été altérée (590). Exemple : J’acquitte ma
dette mais je perds la quittance ; je peux repayer pour éviter des poursuites. Si je ne la
retrouve pas, je peux répéter le second payement. L’incapable qui a payé une obligation
nulle peut répéter à la majorité ce qu’il a payé.
588 Carbonnier (J), op. cit., n° 118, p. 433 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 712.
589 Marty (G), op. cit., n° 660, 629 c.
590 Marty (G), op. cit., n°629, c.,p. 661 .
256
titre, il serait désarmé devant le vrai débiteur (pas de titre, pas de preuve). La seule
possibilité accordée au solvens c’est un recours contre le véritable débiteur (art. 253 al. 2).
§2. Fondement de l’action
C’est l’idée de l’enrichissement sans cause aux dépens d’autrui qui exige cette
action. Si l’accipiens ne restitue pas l’indu, il s’enrichirait sans cause aux dépens du
solvens.
De plus, la loi elle-même consacre ce fondement dans l’article 133 en disposant :
« tout payement suppose une dette, ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition ».
Ainsi, l’idée de cause explique cette action en répétition, le paiement a été sans cause
puisqu’il n’y avait pas de dette.
§3. Etendue de la restitution
Nous en avons déjà dit un mot. L’étendue de la restitution on varie suivant que
l’accipiens a été de bonne foi ou de mauvaise foi.
I. Accipiens de bonne foi
Lorsqu’il est de bonne foi, l’accipiens ne doit pas être préjudicié. Il ne restitue,
suivant l’article 254 du Code civil, livre III, a contrario, que ce dont il s’est enrichi, c’est-à-
dire seulement le capital ou la chose reçue, mais non les intérêts ou les fruits qu’il a perçus
et consommés parce qu’il les a consommés dans la pensée qu’il en était propriétaire. Il ne
devra des intérêts qu’à partir du jour où il a été mis en demeure de restituer par une
assignation, ce qui est le droit commun (591).
Au cas où il a vendu la chose, il ne sera tenu à restituer que le prix de la vente non
la valeur actuelle de la chose (art. 255).
En revanche, si la chose a péri par sa faute, il est équitable qu’il en rembourse la
valeur (art. 255). Mais si la perte intervient par cas fortuit, il est libéré.
II. Accipiens de mauvaise foi
La loi est plus sévère à son endroit car se sachant non créancier, il est censé
prendre des précautions particulières, puisqu’il pouvait s’attendre à être un jour obligé de
restituer (592). Il a commis une faute et doit réparer tout le préjudice subi par le solvens. De
la sorte, la situation de l’accipiens de mauvaise foi est sévèrement sanctionnée.
Celui-ci devra restituer non seulement le capital ou la chose, mais tous les fruits ou
intérêts qu’il a perçus à dater du jour du paiement (art. 254).
S’il a vendu la chose, il devra non seulement le prix, mais l’excédent de valeur
qu’elle peut représenter au jour où l’action est intentée contre lui;
591 Marty (G), op. cit., n° 633, p. 663. Il s’agit des intérêts sur la somme réclamée et non les fruits civils produits par la
chose due ou la capital.
592 Carbonnier (J), op. cit., n° 116, p. 433 ; Julliot de la Morandière (L), n° 717, p. 378.
257
Si la chose a péri par cas fortuit, il en devra néanmoins la valeur (art. 255 in fine).
La jurisprudence est également plus sévère parce qu’elle décide qu’en matière de
payement de l’indu, seul l’accipiens de mauvaise foi peut être tenu au paiement d’intérêts
sur la somme par lui indûment reçue (593).
III. Remboursement des dépenses engagées par l’accipiens
Lorsque l’accipiens a engagé des dépenses pour la conservation de la chose, il doit,
aux termes de l’article 257 du Code civil, livre III, en obtenir du solvens remboursement,
qu’il ait été de bonne ou de mauvaise foi.
Cette solution se justifie car sinon, ce serait le solvens qui, à son tour, s’enrichirait
sans cause surtout si les dépenses ont augmenté la valeur de la chose.
593 Léo, 22 octobre 1957, RJCB 1958, p. 216. Il doit s’agir même d’intérêts consommés. Il ne peut s’agir ici que des
intérêts produits par le capital qu’ils soient consommés ou pas.On ne vise pas ici les dommages-intérêts moratoires
ordinaires.
258
Section 1 : Principe
L’enrichissement sans cause n’est pas réglementé par le Code civil. Il s’agit d’une
source d’obligation consacrée par la jurisprudence(594). Il est fondé sur ce principe général
d’équité qui vient du droit romain et dont l’existence n’a pas été mise en doute par notre
droit : « Nul ne peut s’enrichir sans juste cause aux dépens d’autrui ».
La jurisprudence accorde à la tierce personne aux dépens de laquelle on s’est
enrichi, une action, l’action dite de in rem verso tendant à obtenir une indemnité relative à
l’enrichissement procuré (595).
Le fondement de ce principe général est encore discuté aujourd’hui car il est en
élaboration.
Nous en trouvons des applications chez nous notamment dans les articles 23, 24 et
25 de la loi portant régime général des biens, les articles 252 et s, (le paiement de l’indu),
311 et 312, 349, 510 et 609 du du Code civil, livre III (596). Ces cas particulièrement visés par
le législateur concernent ainsi l’empiétement, l’accession, les impenses, les récompenses
dans la communauté des biens, la répartition de l’indu (575 bis).
Il est concevable qu’en dehors de ces dispositions légales, ce principe s’applique à
d’autres hypothèses encore. Mais pour éviter toutefois que cette théorie ne soit trop
générale, la jurisprudence s’est efforcée d’en limiter les conditions.
594 C’est l’arrêt Boudier (15 juin), D. 1892, I, 596 ; S. 1893, I, 281 note Labbé,
Un marchand avait livré des engrais à un fermier qui n’a pas su les payer (insolvable). Il actionna contre le
propriétaire qui a repris son terrain et qui, selon lui, s’est enrichit sans juste cause à ses dépens.
595 Dans ce sens on lira avec intérêt Elis, 30 mars 1935, RJCB, p. 188.
596 Voir les applications particulières du code Napoléon dans les articles 681 et 862 (Rapports avec succession), 1437
(Théorie des récompenses sous le régime de la communauté).
259
4°. certains auteurs ajoutent l’absence d’intérêt chez l’appauvri. Chacune de ces
conditions sera examinée dans un paragraphe distinct.
§1. Enrichissement d’un patrimoine et appauvrissement corrélatif d’un autre patrimoine
L’enrichissement et l’appauvrissement constituent des conditions d’ordre
économique liées à la constatation qu’une valeur est passée d’un patrimoine dans un
autre qui s’en est trouvé diminué.
L’enrichissement d’un patrimoine est l’élément essentiel. Il peut consister soit dans
un accroissement direct du patrimoine du défendeur (somme d’argent, plus-value du
bien), soit encore, dans le fait de lui avoir évité une diminution de son patrimoine
(engager des frais pour éviter la diminution de la valeur du patrimoine).
Dans ce dernier cas, l’on a procuré à autrui l’économie d’une dépense. Cette
hypothèse est semblable à celle de gestion d’affaires mais ici on vise le cas d’une personne
qui effectue ce travail pour son compte personnel et qui, par ricochet, profite à un tiers.
L’enrichissement peut être moral lorsque l’on accroît par exemple la valeur
intellectuelle ou morale de quelqu’un. C’est le cas des enseignants qui accroissent le
bagage intellectuel de leurs élèves ou étudiants.
Le même fait d’enrichissement doit pouvoir corrélativement entraîner un
appauvrissement du patrimoine du demandeur. S’il n’y a pas d’appauvrissement, l’action
n’aurait plus de raison d’être puisque le demandeur n’aurait pas subi de dommage.
L’exemple classique de non appauvrissement concerne des travaux engagés par A
et qui entraînent la plus-value non seulement de son terrain, mais aussi du terrain voisin.
Dans ce cas, A ne pourra pas demander une indemnité correspondante à cette plus-value,
car il n’a pas subi d’appauvrissement dans son domaine.
Voyons un autre exemple.J’aménage le passage de ma boutique et de ce fait, ma
clientèle augmente et du coup, celle du voisin aussi. Certes, il y a dépenses de ma part,
mais cette dépense s’est soldée par une plus-value de mon patrimoine.
Pour l’enseignant, l’on peut penser que la dépense d’énergie, les efforts pour bien
faire constituent une sorte d’appauvrissement correspondant à l’enrichissement moral
procuré à l’élève.
§2. Absence de cause tant pour l’enrichissement que pour l’appauvrissement
Il s’agit ici d’une condition d’ordre économique qui tient au fait que rien ne vient
légitimer la transmission de valeur d’un patrimoine à l’autre.
La cause qui est visée ici a un sens très large. Il s’agit de l’existence d’une contre
partie, soit de n’importe quelle autre justification juridique (contrat, délit, intention
libérale). Il faut que l’enrichissement soit sans cause. S’il y a une cause, l’enrichi n’a pas
droit à l’indemnité. Et cette cause qui doit être juste peut résider dans la convention des
parties. C’est l’exemple d’une donation : le donateur s’appauvrit et le donataire s’enrichit
260
mais ici avec une cause qui est le contrat. La cause peut aussi résider dans la loi.Ainsi, si
l’appauvri enrichit le patrimoine de l’autre en exécution d’une obligation légale, il y a là
juste cause. La théorie ne s’applique pas. Il faut donc rechercher l’existence d’une cause
juste.
Si elle existe, il n’y a pas lieu à action de in rem verso. Si elle n’existe pas, l’action
est possible.
Ainsi (597) dans le paiement de l’indu, il n’y a pas d’acte juridique antérieur qui
légitime l’enrichissement de l’accipiens. De même, l’incapable doit restituer à son
adversaire ce dont il s’est enrichi, parce qu’il a fait annuler l’acte d’où résulterait cet
enrichissement. Au contraire, n’ont pas droit de in rem verso car l’enrichissement qu’ils
procurent à une cause, l’usufruitier ou l’emphytéose qui améliore le fonds, le locataire qui
fait des constructions sur l’immeuble en vertu d’un contrat.
L’appauvrissement doit être aussi dépourvu de cause juste. En général, c’est la
cause de l’enrichissement qui vaut pour l’appauvrissement, mais il y a des cas où
l’appauvrissement est du à la faute de l’appauvri lui-même (598). Dans ce cas, l’action de in
rem verso lui sera refusée. M. Boris Starck nous rapporte des espèces où il a été jugé
ainsi.Tel le cas :
1°. d’un fermier expulsé qui procède aux semailles dans l’espoir d’un sursis. Malgré
l’enrichissement qu’il aura procuré, il ne sera pas indemnisé car il a agi à ses
risques et périls (599) ;
2°. du garagiste qui a affecté de sa propre initiative des travaux non prévus (600);
3°. d’une grand-mère qui a gardé et entretenu ses petits enfants malgré l’interdiction
du tribunal.
§3. Caractère subsidiaire de l’action
L’action de in rem verso ne peut être subsidiaire en ce sens qu’elle ne doit pas
arrêter une autre action déjà engagée. Elle ne peut être intentée lorsque le demandeur
pourrait obtenir satisfaction par une autre action naissant du contrat (601), d’un délit, voire
d’un quasi-contrat (l’action en répétition) (602). Ce serait mettre en échec les règles du droit
prévues pour d’autres institutions juridiques(603).
597 Voir pour exemple, Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°723.
598 Toulouse, 5 octobre 1959, D. 1960, 388, note Goré.
599 Starck (B), op. cit., n° 2301; cass. soc, 18 mars 1954, Bull. IV n° 191.
600 Com. 8 juin 1968, Bull. IV, n° 180, p.161. Quid des petits laveurs de voiture sans accord préalable? Peut-on penser
dans ce cas à une gestion d’affaires ? Il s’agit d’un enrichissement sans cause juste car le nettoyeur s’est imposé.
601 Elis, 19 novembre 1957, RJCB 1958, p. 154.
602 De Bersaques (R), RCJB 1957, p. 120 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°724; Carbonnier (J), op. cit., n°120, p.
439.
603 Starck (B), op. cit. n°2293 in fine.
261
Nous avons déjà dit qu’en cas d’enrichissement sans cause, l’appauvri dispose de
l’action de in rem verso pour se faire restituer quelque indemnité. Il s’agit ici d’examiner
l’étendue de la restitution.
L’étendue de la restitution est limitée par une double mesure :
1°. elle ne peut dépasser les montants de l’enrichissement effectif, c’est-à-dire de la
plus-value procurée au patrimoine du défendeur;
2°. elle ne peut dépasser non plus l’appauvrissement du demandeur, c’est-à-dire la
somme dont son patrimoine s’est trouvé diminué (604).
L’intérêt étant la mesure de l’action, l’appauvri ne peut réclamer plus que la perte
subie. D’autre part, le remboursement au-delà de la somme déboursée conduirait à faire
de l’appauvri un enrichi sans cause (605).
Ainsi dans la pratique, la restitution ne peut dépasser la plus faible de ces deux
sommes. La méthode de calcul est différente de celle de la gestion d’affaires et du
paiement indu.
Mais quelle est la date d’évaluation de l’indemnité ? La réponse donnée en France
par la Cour de cassation est que le juge doit se placer en principe, au jour de la demande
en justice, ou selon les circonstances, au jour du fait générateur de l’enrichissement et de
l’appauvrissement. C’est le montant nominal de la dépense exposée qui sera accordée et
non un montant réévalué (*Cass. 18 mai 1982, D. 1983, GP 1982. 2. p. 307.)
La date d’évaluation n’est donc pas celle de la restitution, c’est-à-dire du jugement,
comme semblerait le faire un moment la jurisprudence en se fondant sur l’équité. La Cour
évolue dans ce sens. C’est l’équité qui aurait justifié cette solution.
604 Développement in Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°725 ; Carbonnier (J),op. cit., n° 120, p. 440.
605 Starck (B), Roland (H) et Boyer (L), op. cit n° 1909, p. 813.
262
DEUXIEME PARTIE
Après avoir examiné dans la première partie en leur réservant chacune un titre
approfondi, les trois sources classiques des obligations, nous allons à présent étudier les
règles générales applicables aux obligations indépendamment de leurs sources
particulières.
Ces règles portent sur la transmission des obligations (Titre I), les divers modes
d’extinction des obligations (Titre II), les modalités des obligations et les obligations
complexes (Titre III), la preuve des obligations (Titre IV) et les garanties générales du
droit de créance (Titre V).
267
268
Chapitre I : Généralités
Il ressort des articles 352 et 353 du Code civil, livre III que le transfert de la créance
n’intervient pas au même moment pour les parties qu’à l’égard des tiers.
§1. Entre les parties
Le principe est que la créance est cédée au cessionnaire dès l’accord des deux
volontés, le cédant et le cessionnaire. L’article 352 semble exiger en plus de l’accord des
parties la remise du titre. Cette condition ne concerne pas la validité de la cession ni
partant, le moment de son transfert. Elle ne vaut que comme moyen d’exécuter la cession
et ce pour les conventions écrites de transmission de créances. Les conventions non écrites
sont valables et transmettent la créance dès le consensus des parties. La remise du titre n’a
aucun objet pour elles.
§2. A l’égard des tiers
La cession n’est opposable au tiers dont le débiteur cédée - car il n’est pas partie au
contrat de cession- que lorsque l’une des formalités prévues par l’article 353 du Code civil,
livre III est remplie. Il s’agit de la signification du transfert faite au débiteur ou de
l’acceptation du transfert faite dans un acte authentique.
I. Signification du transfert faite au débiteur
En droit français et belge, on a pensé que cette signification devait se faire à la
requête du cédant ou du cessionnaire par acte authentique, en l’occurrence un exploit de
l’huissier. Mais l’article 353 du Code civil, livre III ne disant rien de la forme de
271
signification, il est à croire que celle-ci peut être écrite, authentique ou pas, voire verbale.
Ce qui compte, c’est la finalité de la signification intervenue entre le cédant et le
cessionnaire (606). La raison d’être de cette signification est manifeste pour le nouveau
créancier : il doit s’informer de la réalité de l’existence de sa créance auprès du débiteur
qu’on lui désigne comme obligé(607).
II. Acceptation du débiteur dans un acte authentique
Le but de cette formalité- l’exigence de l’acceptation dans un acte authentique- est
d’obtenir la certitude de la date de l’acceptation et partant le moment sûr où les effets de
la cession sortiront à l’égard du cédant et des tiers. Il ressort de l’article 210 du Code civil,
livre III qu’un acte sous seing privé ayant date certaine pourrait suffire. On admet aussi
que l’exploit introductif d’instance qui fait état de la subrogation constitue l’acte
authentique prévu par l’alinéa 2 de l’article 353 du Code civil, livre III(608).
Quid du défaut d’accomplissement des formalités de l’article 353 ?
Si ces formalités ne sont pas accomplies, la cession est inopposable aux tiers, car
ceux-ci sont censés n’être pas informés. L’on comprend que ces formalités aient ainsi un
rôle publicitaire. Mais la cession en elle-même est valable (elle n’est pas nulle), la
signification prévue à l’article 353 du Code civil, livre III n’étant pas prescrite à peine de
nullité(609).
Quels sont donc les tiers qui peuvent se prévaloir de ces formalités pour écarter les
effets de la cession à l’égard des tiers ? L’article 353 du Code civil, livre III ne les distingue
pas. On pense qu’il s’agit non seulement du débiteur cédé, mais aussi de tous les autres
tiers, c’est-à-dire les autres cessionnaires éventuels de la même créance, les créanciers du
cédant (les créanciers gagistes), ou les créanciers chirographaires saisissants. Certaine
jurisprudence estime chez nous qu’en cas de transport de créance, la signification prévue
par l’article 353 du Code civil, livre III n’est pas prescrite à peine de nullité. La
connaissance certaine de la cession acquise par le débiteur cédé suffit pour celui-ci envers
le nouveau créancier.
On admet ainsi que la connaissance certaine de la cession (de créance) acquise par
débiteur cédé suffit pour lier celui-ci envers le nouveau créancier (610). Certaines décisions
sont allées plus loin; elles ont posé le principe général selon lequel « celui qui a eu
connaissance de la cession de créance ne peut se prévaloir du défaut de signification »(611).
606 La jurisprudence belge, après hésitation a fini par adopter ce point de vue. Gand, 17 février 1900, Pas. 1901, II.51.
607 En ce sens, Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 874.
608 Elis, 3 janvier 1961, RJCB 1941, p. 144.
609 Elis, 31 octobre 1941, RJCB 1941, p. 211.
610 Elis, 31 octobre 1963, RJCB 1941, précité.
611 Léo, 30 octobre 1956, RJCB 1957, p. 11.
272
Mais cette conception n’est pas partagée par toute la jurisprudence (612), ni par tous
les auteurs. Certains pensent, en effet, que l’application du principe général qui vient
d’être énoncé devrait être limité au seul débiteur cédé, l’accomplissement des formalités
prévues à l’article 353 du Code civil, livre III devant être requis pour l’opposabilité de la
cession de créance vis-à-vis de tous les autres tiers (613). Ces derniers notamment les autres
cessionnaires éventuels de la même créance, qui seraient les ayants cause à titre particulier
du cédant, les créanciers du cédant, les créanciers gagistes (614) ou les créanciers
chirographaires saisissants (615).
Que penser de ces deux options ? Une chose et sûre : les formalités prescrites par
l’article 353 du Code civil, livre III ont un rôle publicitaire. Leur accomplissement
contribue notamment à procurer aux tiers des facilités de preuve (616).
Dans ces conditions, il nous semble exagéré de limiter au seul débiteur cédé
l’application du principe selon lequel la seule connaissance de la cession de créance suffit
pour entraîner l’opposabilité de l’acte envers le tiers concerné.
Nous pensons qu’il convient d’étendre l’application de ce principe à tous les tiers
qui auraient eu connaissance de la cession de créance; la signification ayant pour but de
les informer de l’existence de cette cession.
Nous ne voyons donc pas de sérieuses raisons qui justifieraient sur ce point, une
discrimination entre le débiteur cédé qui est un tiers et les autres tiers.
612 Notamment Léo, 22 août 1933, RJCB 1933, p. 247 ; Elis. 21 février 1914, Jur. Col. 1924, p. 211 ; 1ère inst.
Albertville, 2 sept. 1932, RJCB, p. 130.
613 Starck (B), op. cit., n°2331.
614 Dans notre droit, le créancier garagiste a, contrairement à l’article 2075 du Code Napoléon, toujours un droit
préférentiel sur la créance même s’il n’a pas été informé et même s’il doit entrer en concurrence avec un autre
créancier qui a été informé avant lui. Mais il faut dans ce cas que le gage soit antérieur à la signification ou
l’acceptation.
615 Développement in Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°876 et s.
616 Starck (B), op. cit., loc. cit.
273
274
Nous examinerons d’abord les effets généraux (section 1), ensuite les effets
particuliers de la cession en tant que vente (section 2).
Le principe est que la cession transmet au cessionnaire toute la créance telle quelle,
c’est-à-dire :
1°. Pour son montant nominal, même si le cessionnaire a versé un prix inférieur.
C’est là une caractéristique qui différencie la cession de créance de la
subrogation.
Exemple : A cède à B sa créance sur C à 800.000 Fc.
Cession de créance et subrogation
Créancier cédant Débiteur cédé
A B
C
Cessionnaire
A peut céder à B sa créance de 1.000.000 Fc sur C, mais moyennant un prix
inférieur en ce sens que A reçoit de B le prix de 800.000 Fc. Cette hypothèse est possible
car A peut soit avoir besoin d’argent de façon urgente (on suppose que sa créance sur C
n’était pas encore exigible), soit faire une remise à B de 200 000 Fc.
Mais quoi qu’il ait payé un prix inférieur au montant de la créance, B acquiert lui
la créance en totalité, c’est-à-dire avec le montant nominal de 1.000.000 Fc, et C lui devra
ce montant.
2°. La créance sera cédée avec ses accessoires tels que caution, privilège et
hypothèque (art. 355). Si A était créancier hypothécaire de C, B cessionnaire va
acquerir les mêmes droits à l’égard de C. C’est là une caractéristique qui
différencie la cession de créance d’avec la novation par changement de créancier
qui fait disparaître l’ancien rapport d’obligation avec ses accessions.
3°. La créance sera cédée avec toutes les exceptions qui pouvaient être opposées au
cédant par le débiteur. Ainsi, le débiteur cédé C pouvait opposer au cédant la
nullité de la créance pour dol ou violence par exemple, il pourra invoquer la
même exception contre le cessionnaire. De même, le débiteur cédé reste en droit
275
617 Elis, 6 décembre 1955, RJCB 1955, p. 26 ; 1ère inst. Elis, 7 juillet 1949, RJCB 1949, p. 192.
618 App. Ruanda - Urundi, 5 mars 1957, RJCB 1957, p. 248.
619 App. Ruanda - Urundi, 5 mars 1957, RJCB 1957, p. 248.
620 1ère inst. Elis, 7 juillet 1949, p. 192.
621 Elis, 10 septembre 1957, RJCB 1958, p. 48.
276
Le régime juridique de ces créances est différent de celui organisé par les articles
352 et 353 du Code civil, livre III, notamment en ce qui concerne le moment de la cession.
La cession de ces créances est réglementée quant à sa publicité par l’article 282 de
la loi n° 73/021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et
immobilier, régime des sûretés tels que modifiée et complétée par la loi du 18 juillet 1980.
On n’applique donc pas les dispositions de l’article 353 du Code civil, livre III.
§1. Notion
Il s’agit des créances constatées par des titres nominatifs, au porteur et à ordre. Ces
titres appelés titres négociables en raison des facilités données à leur cession, sont
considérés dans la vie moderne comme des valeurs mobilières importantes dans les
rapports commerciaux des particuliers (624).
§2. Régime juridique quant à leur cession
Les règles de l’article 353 du Code civil, livre III ne sont pas applicables. Ces titres
sont soumis à des règles particulières non seulement quant à leur mode de transmission à
l’égard des tiers (625), mais encore quant à leur garantie et quant à l’opposabilité des
exceptions. Signalons que ces règles particulières sont étudiées en droit commercial (626).
Mais brièvement, l’on peut dire que pour les titres au porteur, tels que les actions,
obligations, rentes sur l’Etat, créances ordinaires, on appliquera les articles 39 et 356 du
Code civil, livre III. Il y a ressemblance avec les modes de transmission des biens
corporels (627). Ces titres se transmettent plus facilement que les titres nominatifs, tels que
les actions et les obligations des sociétés commerciales. Alors que les titres au porteur
« payables au porteur » se transmettent par la tradition du titre au cessionnaire, les titres
nominatifs ne sont transmis au cessionnaire que lorsque le nom de ce dernier est indiqué
sur le titre en remplacement du nom du cédant.
En revanche, pour les titres à ordre, tels la lettre de change, le billet à ordre, le
chèque, l’on appliquera une législation spéciale. L’endossement est leur mode normal de
624 Développement in Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 885 et s., 890
625 A l’égard des parties, le transfert se fait dès l’accord des parties. On applique donc le droit commun.
626 Renvoi à ce cours pour développement.
627 Sohier (A), Droit civil du Congo belge, les Obligations par Orban, n°1378 ; Van Damme (J), Les sociétés coloniales,
in Novelles de droit colonial, I, n°630.
279
628 Voir applications dans notre droit, in art. 11 et 96 du décret du 28 juillet 1994 sur la lettre de change et le billet à
ordre, et art. 14 du décret du 10 décembre 1951 sur le chèque tel que modifié à ce jour.
280
En dehors de la cession de dette à titre universel, qui est permise à cause de mort
(ici les dettes passent à l’héritier considéré comme le continuateur du de cujus), notre code
civil, à l’instar des codes qui l’on inspiré, ne connaît ni réglemente la cession de dette à
titre particulier.
Le droit fonde cette exclusion de la cession de dette sur un principe moral
fondamental à savoir que chaque homme doit pouvoir répondre sur des obligations qui
pèsent sur lui(629). Ainsi donc, chez nous, en droit écrit tout au moins, la cession de dette,
acte juridique par lequel le débiteur transmettrait à un cessionnaire l’obligation qu’il a
assumée, n’existe pas(630).
Signalons qu’une opération analogue à la cession de dette peut être réalisée grâce à
la novation par changement de débiteur. Mais cette dernière institution est tout à fait
différente de la cession de dette véritable en ce qu’elle suppose l’intervention du créancier
et en ce qu’elle emporte extinction de la dette ancienne et création d’une dette
nouvelle(631).
Notons enfin que certains droits modernes tels que le droit allemand et suisse ont
introduit une institution qui permet d’aboutir au même résultat que la cession de dette : il
s’agit de la « reprise de dette ». Mais ici, l’intervention du créancier est, comme dans la
novation, requise(632).
Introduction
Cette rubrique comprend : l’énumération du Code civil congolais (art. 132), les
critiques de cette énumération et le plan d’étude retenu.
1. Enumération de l’article 132 du Code civil congolais et ses critiques
L’article 132 du Code civil congolais énumère, à l’instar de l’article 1234 du Code
Napoléon, neuf causes ou modes d’extinction des obligations, à savoir : le paiement, la
novation,la remise volontaire (de dette),la compensation,la confusion,la perte de la chose,
la nullité ou la rescision, l’effet de la condition résolution et la prescription.
2. Critiques
A vouloir être exhaustive, cette liste n’est en réalité ni complète, ni exacte. Elle
reprend les éléments qui sont déjà étudiées dans le cadre du droit des contrats ou ailleurs
et que nous ne reprendrons plus ici. Il s’agit notamment de la perte de la chose due (a), de
la nullité ou rescision (b) et, de la condition résolutoire (c).
a. Perte de la chose due
La perte de la chose due mentionnée par l’article 132 du Code civil, livre III comme
mode spécial d’extinction n’est qu’un aspect de la force majeure (634). Elle est un cas
particulier d’impossibilité fortuite d’exécution d’une obligation ayant pour objet un corps
certain (635). Le Code civil consacre à cette matière les articles 194 et 195 du livre III. Il
s’agit en réalité de règles relatives à la responsabilité contractuelle (636). On sait à ce propos
que le débiteur est libéré et exonéré lorsque l’inexécution est due au cas fortuit ou à la
force majeure et on pourrait aussi mentionner, ce que l’article 132 ne fait pas, au même
titre comme cause d’extinction de l’obligation la mort du débiteur d’une obligation de
faire contractée intuitu personae, c’est-à-dire en considération de la personne de celui qui
s’engage.
b. Nullité ou rescision
L’article 132 du Code civil, livre III mentionne encore la nullité ou la rescision.
Mais comme on l’a fait remarquer très justement, ces causes d’extinction agissent moins
sur l’obligation que sur l’acte juridique qui lui a donné naissance (637). C’est pourquoi,
elles doivent être étudiées dans le cadre des contrats et plus particulièrement à propos des
sanctions de leurs règles de formation et de validité.
Notons qu’on pourrait rapprocher de la nullité et de la rescision :
1°. le mutuus dissensus qui est le commun accord des parties à un contrat pour faire
disparaître celui-ci;
2°. la résiliation qui fait disparaître certaines obligations par la volonté d’une seule
partie (ex : contrat de travail fait sans durée déterminée);
3°. la révocation qui est un mode spécial de disparition des libéralités.
Tous ces procédés qui peuvent se rapprocher de la nullité mais que l’article 132 du
Code civil, livre III n’a pas cités, agissent plus directement sur l’acte juridique générateur
de l’obligation que sur celle-ci.
c. Condition résolutoire
Enfin, il est un dernier procédé dont nous voulons critiquer la mention par l’article
132 à titre de cause spéciale d’extinction du rapport d’obligation. Il s’agit de la condition
résolutoire.
L’effet de la condition résolutoire est en réalité plus qu’un effet extinctif puisque la
condition résolutoire, lorsqu’elle se réalise, entraîne en principe, la disparition rétroactive
de l’obligation. Il serait plus exact de parler du terme extinction dont l’article 132 ne fait
pas mention (638). D’ailleurs, la condition et le terme feront l’objet d’une étude dans le titre
III consacré aux modalités des obligations et obligations complexes.
Il résulte de ces observations que nous écarterons de notre étude des causes
d’extinction des obligations, celles qui sont relatives aux obligations contractuelles, à
savoir : la perte de la chose due, la nullité ou la rescision et la condition résolutoire.
Nous retiendrons donc toutes les autres causes qu’il faudrait seulement regrouper
dans un classement facile pour l’exposé.
1° Le paiement
Il y a en premier lieu le paiement qui, plus qu’un mode d’extinction du rapport
d’obligation, est plutôt le mode parfait d’exécution de ce rapport. On peut cependant
l’étudier aussi sous son aspect extinctif de l’obligation comme le fait notre code civil. Il est
à noter que certains auteurs étudient ce problème dans la rubrique « exécution des
obligations », tandis que d’autres l’étudient comme mode d’extinction du rapport
d’obligation.
Nous examinerons les questions générales du paiement contenues dans les articles
133 à 146 du Code civil congolais sous le titre « Du paiement pur et simple » (Section I),
nous examinerons ensuite deux formes importantes du paiement : le paiement avec
subrogation (section 2), le paiement par compensation (section 3).
2° Les modes volontaires d’extinction des obligations
Après le paiement qui est le mode le plus parfait par lequel disparaît une
obligation, nous regroupons les autres modes en deux catégories d’une part, les modes
volontaires d’extinction des obligations parmi lesquels nous rangerons : la remise de
dette, la novation.
Il s’agit des modes dans lesquels intervient la volonté de l’une des parties.
3° Les modes légaux d’extinction des obligations
Ils comprennent l’étude de la confusion qui n’a qu’une faible importance pratique
et de la prescription extinctive.
Notre schéma général par lequel nous analyserons la matière de l’extinction du
rapport d’obligation se présentera comme suit : le paiement (chapitre I), les modes
volontaires d’extinction des obligations (chapitre II) et les modes légaux d’extinction des
obligations (chapitre III) (639).
639 Mazeaud (H, L et J), op. cit., 4ème éd. 1969, par M. De Juglart, p. 993 et s.
285
286
Chapitre I : Paiement
641 Sur la procédure et les effets de la saisie-arrêt, cons. Code de procédure civile, art. 106 et s. ; Mukadi Bonyi et
Katuala Kaba Kashala, Procédure civile, Kinshasa, éd. Batena, 2000 ; Matadi Nenga Gamanda,Droit judiciaire privé,
Bruxelles, Academia Bruylant, 2006.
642 Léo., 14 mai 1929, Jur. Col. 1930-1931, p. 147 avec note, Léo, 28 févr. 1929, RJCB, p. 197, Elis, 16 septembre
1917, RJCB 1932, p. 204 ; App. R.U. 19 octobre 1951, RJCB 1952, p. 28.
288
I. Payer la chose due et non une autre
D’après l’article 141 du Code civil, livre III, le créancier ne peut être contraint de
recevoir une autre chose que la chose due, même si cette autre chose a une valeur
supérieure. Exemple : Je veux le tableau de Rubbens car j’y tiens. Ne me livrez pas un
Picasso.
Si la dette a pour objet un corps certain, on appliquera les règles combinées des
articles 37, alinéa 2 (transfert instantané des risques au créancier) et 43. C’est dire qu’il faut
remettre la chose « en l’état où elle se trouve lors de la livraison du débiteur, ni de celles
des personnes dont il est responsable, ou qu’avant ces détériorations il ne fût pas en
demeure » (art. 143).
Si la dette a pour objet une chose de genre, il suffit de livrer une chose de qualité
moyenne et souvent déterminée par la convention. Dans tous les cas, le débiteur n’est pas
tenu de livrer une chose de la qualité meilleure tout comme il ne peut livrer une chose de
la plus mauvaise qualité (art. 144)
Le créancier peut accepter en paiement une chose autre que la chose due : il y a
alors dation en payement. Cette opération exige la même capacité que ce paiement et en
produit les effets. Elle est cependant largement assimilable à une vente lorsque le débiteur
cède un corps certain en échange de sa dette d’argent (643).
II. Payer la totalité de dette
Tel est le principe de l’article 142 alinéa 2 du Code civil, livre III. Mais il est accordé
au juge un pouvoir souverain d’accorder des délais de grâce pour paiement de tout ou
partie de la dette. Selon la jurisprudence, le pouvoir n’est soumis à d’autres conditions
que celles tracées par cet article (644). Mais il n’appartient pas aux tribunaux d’accorder un
délai quand les parties ont stipulé une condition résolutoire à leur convention (645) ni
lorsque l’obligation, dont l’exécution est poursuivie résulte d’un jugement (646), ni lorsque
le débiteur en état de payer son dû fait tout ce qui est en son pouvoir pour paralyser
l’action de son créancier (647), ni à celui dont la situation constitue une pure voie de fait
(648). Pour l’appréciation de la situation du débiteur, le tribunal peut tenir compte de ce
que le débiteur n’a pu comprendre la portée d’un contrat très compliqué (649).
643 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 777. Mais l’assimilation n’est pas totale car la dation ne donne pas lieu à la
garantie d’éviction.
644 Léo., 5 mai 1942, RJCB, p. 209.
645 Léo, 19 septembre 1933, RJCB, p. 250
646 Cass. b. 19 mars 1948, Pas. I., p. 181
647 Elis, 10 décembre 1957, RJCB 1958, p. 156
648 Elis, 27 février 1947, RJCB, p. 53
649 Elis, 17 mars 1953, JTD 1954, p. 70
289
que celle du contrat. Le créancier ne peut être contraint de recevoir une chose autre que
celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit égale ou même plus grande.
Le paiement doit être effectué en monnaie stipulée au contrat et le créancier ne
peut être contraint de recevoir autre chose que celle qui lui est due, quoique la valeur de
la chose offerte soit égale ou même plus grande (654).
Notons par ailleurs que le débiteur est libéré par la remise de la somme d’argent
telle qu’elle figure à la convention même si entre le jour de la conclusion du contrat et
celui fixé pour son exécution la monnaie a perdu de sa valeur par le fait d’une dévaluation
légale soit d’une hausse générale des prix (655). C’est le principe du nominalisme
monétaire.
Signalons enfin que dans notre pays avant l’actuel libéralisme sauvage, les
conventions en monnaie étrangère étaient interdites et donc frappées de nullité absolue
(656).
Dans la pratique aujourd’hui, les transactions en monnaie étrangère sont tolérées
et même autorisées depuis la circulaire de la Banque centrale du 27 décembre 1996
introduisant le libéralisme monétaire. Mais avec le décret 177 du 8 janvier 1999, et le
décret 131 du 23 octobre 2000, l’interdiction est revenue comme nous l’avons montré par
ailleurs (657). Et en mars 2001, à nouveau le libéralisme est devenu d’application.
§6. Imputation des payements
I. Position du problème
Lorsqu’un débiteur est tenu envers son créancier de plusieurs dettes ayant toutes
pour objet des choses de même nature, en particulier de l’argent, et qu’il verse à titre de
paiement une somme qui ne suffit pas à les acquitter toutes, il importe de déterminer à
quelle(s) échéance(s) se rapportent le ou les versements effectués. Il s’agira en effet de
déterminer quelles sont les dettes qui seront éteintes les premières étant donné que
certaines créances sont plus onéreuses (intérêts plus élevés) ou près de la prescription.
Exemple : le 1er janvier 1978, A achète 100 sacs de riz chez B pour un montant total de
1.000.000 Fc payables le 10 juin avec 10 % d’intérêt. Le 20 mars 1978, A achète au même B
100 sacs de riz pour 7.000 Fc payable au comptant sans intérêt, c’est-à-dire le 20 mars 1978.
Le 26 mars 1978, A achète au même B 30 sacs de riz pour 4.000 Fc payable le 30 mai 1978
avec 12 % d’intérêt. A veut payer une partie de ses dettes le 1er juin 1978.
654 Elis, 10 octobre 1964, RJC 1965, p ; 45. Cette espèce vise le paiement effectué en monnaie étrangère.
655 Kis, 18 janvier 1972, RJZ 1972 , p. 68.
656 OL n° 66-584 du 14 octobre 1966 relative au régime des opérations en monnaie congolaise, MC 1967, p. 191 ; DL
n° 177 du 8 janvier 1999 relatif au régime des opérations en monnaie nationale, RCDTSS n° 07/1999, p. 3, Note Mukadi
Bonyi
657 Kalongo Mbikayi, Le régime juridique des opérations en monnaie nationale et la validité des clauses monétaires en
droit congolais, Revue de droit congolais, n° 1, p. 9.
291
II. Solutions
A défaut de clauses contractuelles particulières, l’imputation est faite tantôt par le
débiteur, tantôt par le créancier, tantôt par la loi.
1° Imputation par le débiteur
L’article 151 du Code civil, livre III donne au débiteur le droit de déterminer
librement la dette qu’il entend acquitter de préférence, sauf respect des articles 142 et 152
du même Code, c’est-à-dire qu’il ne peut pas obliger le créancier à accepter un paiement
partiel ni imputer le capital avant les intérêts.
2° Imputation par le créancier
L’imputation est faite par le créancier si le débiteur n’use pas de son droit ou si la
convention l’a ainsi déterminé (art. 153), sauf dol ou surprise de la part du créancier (art.
153 in fine).
3° Imputation par la loi
L’imputationest faite par la loi lorsque le débiteur n’a manifesté aucune préférence
ou qu’aucune imputation n’était faite dans la quittance. Dans ce cas, l’article 154 du Code
civil, livre III réglemente l’imputation de la manière suivante :
- sur la créance échue, avant la non-échue, c’est-à-dire, dans le schéma, celle du 20
mars 1978);
- si toutes sont échues, sur la plus onéreuse pour le débiteur, par exemple celle
dont l’intérêt est supérieur ou celle qui est hypothécaire. Il s’agit en fait de la
dette que le débiteur a le plus intérêt à acquitter;
- si toutes sont échues et également onéreuses, sur la plus ancienne en date;
- toutes choses égales, c’est-à-dire toutes échues, toutes onéreuses et toutes de
même date, l’imputation se fait sur toutes proportionnellement.
Cas particulier de l’article 152 : capital ayant produit d’intérêts
L’article 152 du Code civil, livre III prévoit le cas où le débiteur est amené à
fractionner son paiement d’une dette portant intérêt. Selon cet article, le débiteur ne peut
point, sans le consentement du créancier, imputer le payement qu’il fait sur le capital par
préférence aux intérêts ou arrérages. C’est dire que l’imputation doit en principe se faire
sur la somme globale qui sera due. A défaut, si le paiement n’est pas intégral, l’imputation
se fait d’abord sur les intérêts.
292
659 Elis, 10 mars 1944, RJCB 1944, p. 171 ; Elis., 28 février 1948, p. 99.
294
660 Carbonnier (J), op. cit., p. 477, n° 130; Mazeaud (H, L et J), op. cit. , p. 799, n° 841
661 Carbonnier (J), op. cit., p. 478, n° 130
662 Sohier (A), op. cit.. Il par. P. Orban, p. 304, n° 603
295
Et l’article 148.2, relatif à la subrogation consentie par le débiteur dispose lui que
« lorsque le débiteur emprunte une somme à l’effet de payer sa dette et de subroger le
prêteur dans les droits du créancier». Les conditions dans lesquelles le débiteur ou le
créancier peut respectivement subroger les tiers solvens dans les droits, privilèges et
hypothèques du créancier sont différentes. Le critère de différence -voir le croquis - est
donc dans la personne à laquelle tiers a remis les fonds. Dans le cas de subrogation par le
créancier prévu par l’article 148, 1° le tiers remet les sommes directement au créancier;
dans le cas de la subrogation par le débiteur prévu par l’article 148, 2°, le tiers remet les
sommes au débiteur à la suite du contrat de prêt - et c’est par la suite que le débiteur paie
le créancier (663).
Etudions maintenant chaque forme de cette subrogation conventionnelle.
663 Pour critiques de cette solution, Mazeaud (H.,L et J), op. cit., p. 801
296
667 En ce sens, Marty (G) et Raynaud(P), op. cit., p. 644, n° 611 in fine
668 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., p. 644, n° 611 in fine ; Sohier (A), op. cit., II, par P. Orban, p. 305, n° 606
669 Idem.
670 Léo, 23 avril 1957, RJCB 1957, p. 356.
298
quittances par lesquelles on admet par exception à la règle générale qu’elles peuvent être
opposées aux tiers bien que n’ayant pas date certaine.
B. Subrogation consentie par le débiteur
1. Notion
L’initiative de la subrogation n’appartient pas nécessairement au seul créancier. Il
peut en effet se faire que le débiteur ait intérêt à changer le créancier. L’hypothèse
envisagée par l’article 148, 2° est que le débiteur contracte un emprunt pour acquitter sa
dette. Il peut y trouver bénéfice si cet emprunt lui est offert à des conditions moins
onéreuses que la date primitive, notamment à un taux d’intérêt inférieur. La loi lui facilite
l’opération en lui permettant de subroger le nouveau créancier dans les droits de l’ancien
créancier, lors même que celui-ci n’y consentirait pas. Mais cette subrogation est soumise
à des conditions assez strictes (671) pour éviter les fraudes entre débiteur et tiers qui ont
plus de chance de se réaliser ici.
2. Conditions
L’article 148, 2° soumet la subrogation consentie par le débiteur à des formules
destinées à éviter une fraude facile. On pourrait craindre, en effet, qu’un débiteur ayant
payé sa dette et ayant besoin à nouveau de fonds ne se les procure en accordant au
nouveau prêteur la subrogation dans la créance éteinte, au moyen d’un acte antidaté
déclarant frauduleusement que ce nouvel emprunt servira à acquitter la première dette.
Pour éviter cette fraude, l’article 148, 2° exige une double formalité.
L’acte d’emprunt et la quittance doivent, d’une part être des actes solennels
(formes notariées) et, d’autre part, contenir chacun une déclaration bien précise.
1° L’acte d’emprunt doit être passé devant notaire ; il doit contenir une mention
constatant que la somme empruntée est destinée au paiement. L’authenticité requise de
l’acte évitera toute fraude et toute antidate. Il importe de noter que l’article 148, 2° semble
subordonner la subrogation consentie par le débiteur à un emprunt consenti au débiteur,
« mais en vérité, la subrogation est l’accessoire du paiement et non d’un emprunt et, si
c’est normalement au moyen d’emprunt que le débiteur se procure les fonds, ce pourrait
être par tout autre procédé, pourvu que l’opération soit constatée par un acte
authentique » (672). La nullité de l’emprunt ne vicierait pas la subrogation (673)
2° La quittance constatant le paiement doit également être faite par acte
authentique et mentionner que les deniers ayant servi au paiement proviennent de
l’emprunt. L’accomplissement de cette deuxième formalité suppose normalement
l’intervention du créancier qui consent à la mention de l’origine des deniers dans la
671 Voir les origines historiques de la subrogation consentie par le débiteur, Mazeaud (H, L et H), op. cit., p.803, n° 851 ;
Marty (G) et Raynaud (P), op. cit. , p. 615, in fine.
672 En ce sens, Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., p. 646, n°616
673 Voir en France, Cassation, Req. du 25 novembre 1940, JCP 1941, II, 1618, note de E. Becque
299
674 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., p.647, n°617 in fine.
300
vente publique un prix plus élevé, l’acquéreur pourra se faire rembourser la somme qu’il
a payée aux divers créanciers et ce, en vertu du droit hypothécaire dans lequel il a été
subrogé’ » (678).
En pratique, les créanciers de rang subséquent n’auront aucun intérêt à poursuivre
la vente, puisque l’acquéreur, grâce à la subrogation, recevrait dans la distribution la
totalité du prix. Il faut noter d’ailleurs que cette procédure est de plus en plus rare.
L’acquéreur dispose en effet, d’un moyen préférable, moins onéreux, pour
repousser les créanciers hypothécaires ; il s’agit de la procédure de la « purge
hypothécaire » organisée par l’article 294 de la loi du 20 juillet 1973 portant régime
général des biens telle que modifiée à ce jour (679).
c) Conditions
Elles sont au nombre de trois (art. 149, 2°).
1°. Le paiement doit être fait par le nouveau propriétaire de l’immeuble à l’exclusion
des acquéreurs de droits réels immobiliers (usufruit, servitude) ;
2°. Il faut qu’il y ait véritable paiement d’un prix ; ce qui exclut la donation et
l’échange.
3°. Le prix doit être remis dans les mains des créanciers hypothécaires spécialement
le créancier hypothécaire de rang supérieur.
3. Cas de la personne tenue avec d’autres ou pour d’autres
a) Notion
B’
B’ 20
A B A 120 B 70
B
Le tiers solvens est de plein droit subrogé dans les droits du créancier lorsque
’ de
« étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette », il « avait intérêt
l’acquitter » (art. 149, 3° ( ).
680 ’
Cette formule générale de l’article 149, 3° suppose que la personne qui a payé pour
3
autrui l’a fait parce qu’elle était obligée à la dette qu’elle a acquittée en même temps que le
0
débiteur ou pour lui. Il faut donc supposer qu’il y a pour une même dette plusieurs
débiteurs, soit principaux soit accessoires.
686 Mazeaud (H, L et J), op. cit., p. 859 ; Chevalier, obs. RTDC, 1966, p. 795
687 Mazeaud (H, L et J), op. cit., p. 842, n°799
304
689 Nous reviendrons sur cette différence dans le titre des obligations complexes.
690 Art. 112 et 572 du Code civil, livre III.
691 Mazeaud (H, L et J), op. cit., p. 995, n°1161; Carbonnier (J), op. cit., p.482; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., 664,
n°635 et s. ; Sohier (A), op. cit. n°635 et s.
692 Carbonnier (J), op. cit., p. 482
306
C’est la différence avec la confusion où il n’y a qu’une seule personne qui se trouve
être débitrice et créancière.
§3. Espèces de compensation
Il y a trois espèces de compensation : la compensation légale, la compensation
conventionelle et la compensation judiciaire.
La compensation légale est un mode légal d’extinction des obligations et dont
traite essentiellement le Code civil. Elle s’opère de plein droit, en dehors de la volonté des
parties, même à leur insu du moment que les deux dettes se trouvent exister à la fois. Elle
est soumise à des conditions spéciales assez strictes. Mais ces règles légales ne sont pas
d’ordre public ; elles sont simplement supplétives. Les parties et les juges peuvent se
servir de ce mode pour éteindre des dettes réciproques qui ne réunissent pas toutes les
conditions de la compensation légale (art. 187 du Code civil, livre III).
En dehors de la compensation légale, la plus importante, il peut y avoir la
compensation conventionnelle et la compensation judiciaire.
§4. Etude de la compensation légale
I. Conditions (693)
La compensation légale exige que les deux dettes réunissent les caractéristiques
suivantes (694) : réciprocité des obligations ; celles-ci doivent avoir pour objet de l’argent
ou des choses fongibles de la même espèce ; elles doivent être liquides ; elles doivent être
exigibles.
A. Réciprocité des obligations
Les deux obligations doivent exister entre les deux mêmes personnes
réciproquement débitrices et créancières l’une de l’autre. Cette condition prévue par
l’article 181 du Code civil congolais semble évidente. Elle est à la fois la condition
essentielle de la compensation et distingue celle-ci de la confusion (où dette et créance
fusionnent sur la tête d’une même personne).
La même personne figure dans ce lien obligatoire à la fois comme créancière et
débitrice. Elle doit y figurer personnellement. Ainsi, un tuteur ne peut pas opposer en
compensation à son créancier la dette dont ce dernier est tenu envers le pupille; de même,
le débiteur du tuteur ne peut pas opposer à celui-ci sa propre créance contre le pupille(695).
B. Objet des obligations
Les deux obligations doivent avoir pour objet de l’argent ou des choses fongibles
693 Il faut des conditions spéciales si non il y aurait compensation dans tous les contrats synallagmatiques (Mazeaud,
op. cit., n°1146, p. 997).
694 Pour le plan général et les références,Julliot de la Morandière (L),op. cit., n°626 et s.
695 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 830. Voir aussi application de cette condition, Mazeaud, note 1147, I, Paris,
29 novembre 1962, 649 et note JM Verdier
307
de la même espèce.
C’est l’article 183 du Code civil, livre III qui traite de cette condition. Deux dettes
sont fongibles quand elles ont pour objets des choses qui, dans un paiement peuvent être
remplacées l’une par l’autre. Elles s’opposent aux dettes de chose individualisées aux
dettes de corps certains. La compensation n’a pas lieu non plus quand les dettes ont pour
objet des choses fongibles d’espèces différentes telles du manioc et du maïs.
En effet, la compensation doit mettre chacune des deux parties dans la même
situation que si les deux payements avaient eu lieu. Car chaque créancier a le droit
d’exiger ce qui lui est dû, et non autre chose. Le cas le plus courant est celui de la
compensation de somme d’argent.
C. Liquidité des obligations
Les deux obligations doivent être liquides (art.183 du Code civil, livre III). Une
dette est liquide lorsqu’elle est certaine et que le montant en est déterminé. Ainsi, une
dette contestée n’est pas liquide et ne peut être opposée en compensation, pourvu
toutefois que la contestation soit sérieuse (696). Il appartient aux juges d’apprécier si la
contestation est sérieuse ou pas. Ainsi on évite les abus de ceux qui voudront contester
pour éviter la compensation. Ne peut être opposée en compensation la dette contestée qui
n’est établie que par un jugement non signifié (697). Le montant peut ne pas être fixé
notamment lorsqu’il ne doit être connu qu’après la liquidation d’une société ou d’une
communauté conjugale, ou l’estimation d’un dommage. Dans tous ces cas la
compensation légale ne s’opère pas.
D. Exigibilité des deux obligations
Les deux obligations doivent être l’une et l’autre, exigibles (art.183 du Code civil,
livre III).
Les obligations sont exigibles lorsqu’elles sont arrivées à échéance. Cette condition
exclut les dettes à terme sous condition suspensive. Il faut remarquer toutefois que le délai
de grâce, c’est-à-dire : celui accordé bénévolement par le créancier au débiteur, celui-ci
peut y renoncer pour compenser sa dette (698).
II. Cas exceptionnels où la compensation légale est écartée.
Bien que les conditions ci-dessus indiquées se trouvent exister, il y a pourtant des
cas où la compensation ne se produit pas. Ces cas sont prévus par l’article 185, I, 2 et 3 et
l’article 190 du Code civil, livre III.
1. Ne peut faire l’objet de la compensation légale « la demande en restitution d’un
objet dont le créancier propriétaire a été dépouillé » (art. 185, I).
De quoi s’agit-il ? Il s’agit du cas où un voleur ou tout celui qui a exercé une voie
de fait sur un bien appartenant à autrui, en bref le spoliateur, voudrait invoquer la
compensation contre le propriétaire illégalement dépouillé afin de se faire payer d’un
créancier qu’il aurait contre lui. La loi évite ainsi des règlements de compte abusifs et
arbitraires qui s’apparentent à la vengeance privée.
2. Ne peut pas non plus faire l’objet d’une compensation légale, la demande en
restitution d’un dépôt ou du prêt à usage (art.185.2). C’est dire que le dépositaire ou le
commodataire ne peuvent non plus refuser de rendre l’objet déposé ou emprunté, en
invoquant la compensation de ce que leur doit le déposant ou le prêteur. Ce serait se
rendre justice.
3. Ne peut faire l’objet d’une compensation, la dette ayant pour objet des aliments
déclarés insaisissables par la loi (art. 185.3)
Qu’est-ce à dire ? Par exemple, le créancier d’une pension alimentaire devient
débiteur de celui qui doit la lui payer. Ce dernier ne peut pas invoquer la compensation
pour refuser de payer les arrérages de la pension. Cette obligation doit être étendue à
toute obligation insaisissable ; une telle créance ne peut jamais être le gage des créanciers ;
elle est personnelle(699).
Selon la jurisprudence, la créance de salaire de l’ouvrier ne peut être compensée
que dans la mesure où elle est cessible et saisissable(700).
4. La compensation n’a pas lieu quand elle doit porter préjudice aux droits acquis
à des tiers.
Ce principe énoncé par notre article 190 du Code civil, livre III est fondé sur la
raison autant que sur l’équité. Il se lie au principe que la compensation agit comme un
payement. Dès lors que ce payement devient impossible à imposer, la compensation ne
peut pas non plus s’effectuer (701).
Applications
Pour que cet article soit applicable, il faut que la compensation légale préjudicie
aux droits acquis des tiers; il faut donc que l’on ait déterminé avec soin le moment où
s’opère la compensation et examiner s’il existe à ce moment des droits acquis aux tiers et
auxquels la compensation porte préjudice. La loi vise l’hypothèse de la saisie – arrêt. Mais
l’on peut ajouter celle de la faillite.
702 Ce qu’il est devenu importe peu, l’important est qu’il ne peut pas invoquer la compensation et préjudicier aux tiers.
703 Art. 140 et 190 du Code civil, livre III.
704 Julliot de la Morandière (L), op. cit., p. 144, n° 834
705Pour les développements, Mazeaud (H, L et J), op. cit., p. 1002, n° 1154 et Sohier (A), op. cit.,II n° 158, p. 331.
706 Elis, 27 mars 1943, RJCB 1943, p. 103.
310
d’une telle acceptation, l’article 187, alinéa 1er présume que ce débiteur aura renoncé à la
compensation qu’il aurait fait valoir contre le créancier primitif.
Il n’y a par contre, pas de présomption en cas de non acceptation de la cession de
la créance. Il a été jugé que la compensation est fondée sur l’intention présumée des
parties et sur leur intérêt réciproque. Elles peuvent y renoncer, même tacitement. Cette
renonciation peut s’induire d’actes posés par les parties, qui sont incompatibles avec la
volonté de compenser (707). Jugé également que renonce au bénéfice de la compensation, le
créancier du passif de faillite, qui renonce à sa créance, sans déduire le montant d’une
dette envers le failli (708).
Le cas de l’article 191 du Code civil, livre III : ce cas suppose qu’un débiteur paie
son créancier, alors qu’il possède par ailleurs une créance hypothécaire ou privilégiée
contre ce même créancier, sans toutefois invoquer la compensation. D’après l’article 191
du Code civil, livre III, cette renonciation à la compensation ne doit pas préjudicier les
tiers. Ceux-ci pourront faire déclarer non opposables à leur égard, les sûretés attachées à
la dette qui, normalement auraient dû s’éteindre par la compensation légale sauf le cas où
celui qui a payé éteint sa dette par compensation. En fait, cet article 191 n’est qu’une
application de l’article 190 dont nous avons déjà parlé.
§5. Autres formes de compensation
I. Compensation conventionnelle
Cette compensation est une variété de contrat soumise, pour toute règle, au
principe de l’article 33 du Code civil, livre III. Cependant les deux conditions générales
doivent se maintenir, à savoir l’existence de deux dettes et entre deux personnes qui
soient réciproquement débitrices et créancières.
Les parties peuvent décider autrement des autres conditions : fongibilité, liquidité
et exigibilité des dettes; elles peuvent aussi déroger à l’article 185 du Code civil, livre III.
Mais quel sera l’effet de la compensation conventionnelle ?
La compensation conventionnelle n’a d’effet qu’à partir de la date du contrat ou
du jour fixé à la convention, sauf respect des droits acquis aux tiers - elle ne peut avoir
l’effet rétroactif normal de la compensation légale.
II. Compensation judiciaire
Elle n’est rendue possible que sur l’introduction d’une demande reconventionnelle
par le défendeur originel ou par la jonction des deux instances principales dans lesquelles
chacune des parties était demanderesse à tour de rôle. Il appartient au juge de l’autoriser.
707 Elis, 11 juillet 1936, RJCB 1937, p. 128. Voir aussi Léo, 24 janvier 1933, RJCB 1933, p. 172 ; Elis 27 mars 1943,
RJCB 1943, p. 103
708 1ère inst. Cost., 12 novembre 1948, RJCB 1949, p. 61
311
§1. Définition
La remise volontaire de dette réglementée dans les articles 174 à 180 du Code civil,
livre III est « la convention par laquelle le créancier consent gratuitement au débiteur, qui
l’accepte, l’abandon complet ou partiel de sa créance » (709).
Plus simplement on peut dire aussi « qu’il y a remise de dette lorsqu’un créancier
libère son débiteur de tout ou partie de sa dette sans en avoir reçu le paiement » (710). Il
faut remarquer en réalité, que sous la rubrique « Remise de dette », le Code civil traite des
deux questions :
1°. la remise de dette, au sens propre, c’est-à-dire la libération du débiteur par la
renonciation du créancier (art. 177 à 179). C’est le negotium, la charge
conventionnelle qui est un contrat soumis aux conditions de fond et de forme
déjà examinées à l’article 8 du Code civil ;
2°. la remise du titre constatant la dette (711) (art. 174 à 176) qui fait d’ailleurs
présumer sous certaines conditions, une remise de dette au sens propre. C’est la
remise de l’instrumentum qui s’analyse en une présomption de libération qui
sera renversable ou irréfragable suivant que cet instrumentum est un acte
authentique ou sous seing privé.
Commentaire de la définition
La remise de dette suppose donc un accord du créancier et du débiteur. Les
articles 177 à 179 l’appellent « Décharge conventionnelle ». Certes, elle pourrait résulter
d’un testament du créancier contenant un legs dit de libération, mais le bénéfice de cette
disposition devrait encore être accepté par le débiteur.
Remise de dette, une « renonciation »?
Il est inexact de parler d’une renonciation du créancier à son droit. Cette formule
est en effet inexacte du moins si l’on veut conserver au mot renonciation son sens précis
d’acte unilatéral (712). Un acte unilatéral n’est pas une remise car celle-ci est précisément
une convention. C’est donc à tort qu’une certaine jurisprudence utilise ce mot
« renonciation » pour désigner une remise de dette (713).
Rôle de la remise de dette
La remise de dette peut être un acte gratuit, une libéralité que le créancier fait à
son débiteur. Mais elle peut être un acte à titre onéreux lorsqu’elle est accordée en
contrepartie d’un avantage fait au créancier par le débiteur. Elle peut ainsi être un élément
d’une transaction et être incluse dans une novation, une délégation ou une dation en
paiement (714).
§2. Conditions de la remise de dette
I. Conditions de fond
La remise de dette étant un contrat, elle doit d’abord réunir les conditions
générales de validité des contrats prévues à l’article 8 du Code civil, livre III.
Etant en même temps une libéralité, elle devra également remplir les conditions de
validité des libéralités, c’est-à-dire : l’intention libérale (animus donandi) du créancier, la
capacité de faire en tant que créancier et, la capacité de recevoir en tant que débiteur.
II. Conditions de forme : absence de forme particulière
La remise de dette n’est jamais soumise à aucune forme particulière. Elle peut être
expresse ou tacite. Elle n’est pas davantage soumise aux conditions de forme de l’acte
juridique qu’elle réalise. Ainsi, si une remise de dette est une donation, elle est affranchie
des règles de forme des donations, car elle n’est qu’une donation indirecte.
Toutefois, au cas où la remise de dette est contenue dans un testament, sa validité
dépend du respect des formes de testament (715).
§3. Preuve de la remise de dette
Il y a deux questions à examiner dans cette rubrique : la preuve de la libération et
la preuve du mode de cette libération. Car il ne suffit pas toujours au débiteur de prouver
sa libération, il peut avoir besoin d’établir par quel mode (paiement ou remise de dette) il
a été libéré.
I. Preuve de la libération du débiteur
En principe, le droit commun de la preuve reste d’application, notamment la
nécessité de l’écrit pour les valeurs de plus de deux mille francs. Cependant, la loi a elle-
même prévu des cas de présomptions légales de libération du débiteur que nous allons
examiner.
Le Code civil traite sous cette rubrique « novation » de deux opérations qui sont en
fait différentes. Il s’agit à la fois de la novation et de la délégation. C’est seulement dans
certains cas que la délégation emporte novation. On dit alors que la délégation est
parfaite. Nous traiterons de ces deux opérations séparément.
Sous-section 1 : Novation
§1. Définition
La novation est une opération juridique au moyen de laquelle une obligation est
substituée à l’obligation originelle par l’effet d’un changement apporté à l’un des éléments
constitutifs de celle-ci (721).
Différence avec la délégation et la cession de créance
La novation se distingue de la délégation (art. 167) en ce sens qu’elle éteint une
obligation, tandis que la délégation ne fait que provoquer la naissance d’un nouveau lien
d’obligation. Elle est distincte de la cession de créance, en ce qu’elle provoque la naissance
d’une obligation nouvelle.
§2. Sources de la novation
Selon l’article 163 du Code civil, livre III, cette substitution peut se faire de trois
manières :
1° Novation par changement de dette (art. 163,1°)
Dans ce cas, le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est
substituée à l’ancienne, laquelle s’éteint. La nouvelle dette peut se différencier de
l’ancienne soit par son objet, soit par sa cause.
a. Par son objet
Le créancier d’une somme d’argent peut ainsi convenir avec le débiteur que celui-
ci lui payera à la place une rente viagère. Un débiteur avait l’obligation de livrer une
maison, son créancier lui prie de livrer des plantes ou du sel ou encore du sucre.
b. Par sa cause
On entend par changement de cause, la modification de la source de l’obligation.
Par exemple, un locataire doit des loyers à son bailleur, les contractants décident que la
somme sera due non plus à titre de loyers, mais à titre de prêt. Autre exemple: je vous
dois l’argent à titre de loyer, mais à la suite d’un nouveau contrat de location-vente, la
somme est versée à titre de prix loyer.
724 Léo, 7 mai 1957, RJCB 1957, p. 361 ; Elis., 27 mai 1916, Jur. Col. 1927, p. 50 ; 1ère inst. Elis, 15 juillet 1937, RJCB
1938, p. 118
319
1° Une obligation entachée d’une nullité absolue ne peut être novée. En cas
d’obligation ancienne frappée de nullité relative (pour cause d’un vice tiré de l’incapacité,
du dol, de la violence, de l’erreur), la novation n’est atteinte de la même nullité que si le
vice qui a affecté la première obligation existait au moment de la novation. Si ce vice a
disparu par exemple parce que le créancier nouveau a confirmé l’ancienne obligation,
alors la novation est valable.
2° La novation a pour but de remplacer l’ancienne obligation par une nouvelle qui
soit valable. Si la nouvelle n’est pas valable par exemple parce qu’elle ne respecte pas les
formes prescrites, ou qu’elle est affectée d’un vice, ou qu’elle porte sur des obligations
alimentaires qui sont incessibles, l’ancienne obligation n’est pas éteinte. Le seul résultat
est qu’il n’y a pas novation, car il n’y a pas remplacement d’une ancienne obligation par
une nouvelle.
3° Il faut enfin que l’obligation nouvelle soit différente de la première : sinon il n’y
aurait que confirmation de l’ancienne. Qu’est-ce à dire ? C’est dire que par rapport à la
première, l’obligation nouvelle doit comporter un élément nouveau. Cette nouveauté peut
porter soit sur la cause, soit sur l’objet, soit sur la personne du créancier ou du débiteur,
soit sur la condition affectant l’existence même de l’obligation (le terme n’est pas un
élément nouveau). La jurisprudence considère que constitue une novation par
changement d’objet, la convention qui annule une vente antérieure et lui substitue une
autre(725).
Par contre, la souscription et la remise d’une lettre de change en paiement d’une
dette civile n’a pas pour effet de changer la nature de la dette et n’opère la novation par
elle-même, promesse de payer ce qui est dû en vertu de l’obligation première (726).
De même, la substitution d’un titre de créance à un autre titre périmé n’opère pas
novation même si l’import du nouveau titre est supérieur par suite de la reconnaissance
de la débition d’une nouvelle créance accessoire représentant les frais engagés par le
créancier pour obtenir payement de sa créance (727).
§4. Critique et intérêt actuel de la novation
I. Critique
La présentation de l’article 163 du Code civil, livre III en ses points 2 et 3, peut faire
croire que le changement de débiteur ou de créancier est une condition suffisante de
novation. En réalité il faut se référer à la notion même de novation pour affirmer qu’en
plus de ce changement de débiteur ou de créancier, la condition de nouveauté de dette
« c’est-à-dire de remplacement de la dette ancienne par une dette nouvelle reste
indispensable. Ce changement de dette vise non seulement la dette elle-même mais aussi
Il faudrait relever aussi que les co-débiteurs solidaires sont libérés (art.173,
al.1)( ). C’est une différence importante avec la subrogation où les privilèges anciens
730
restent.
A cet effet principal, il existe des exceptions que les parties peuvent prévoir.
L’article 170 in fine signale en effet, que le créancier peut réserver à la nouvelle créance les
anciens privilèges et hypothèques, à condition que ce soit exprès : cette exception met
davantage en relief l’inutilité de cette institution (Novation) car si le créancier veut garder
ses anciens privilèges et hypothèques, pourquoi ne pas recourir à la cession de créance?
De plus, cette exception diminue même la force de l’institution qui suppose la
naissance d’un rapport d’obligation entièrement nouveau et donc indépendant des
accessoires (hypothèques...).
Une autre exception est prévue à l’article 172 du Code civil, livre III, relatif à la
novation en cas de dette solidaire. D’après cet article 172, en cas de dette solidaire, les
anciens privilèges et hypothèques ne peuvent être réservés expressément que sur les seuls
biens de celui d’entre les co-débiteurs solidaires qui a souscrit le nouvel engagement, les
autres co-débiteurs étant par principe libérés par la novation (731).
Enfin, l’article 173, alinéa 3 du Code civil, livre III prévoit une dernière exception.
Cette exception est inutile; elle ne fait que confirmer la liberté des parties de réserver ou
pas les accessoires de l’ancienne obligation conformément à l’article 170. Lorsqu’en effet le
créancier stipule le maintien des cautions ou des co-débiteurs solidaires, ceux-ci doivent
accepter la novation. Leur refus entraînerait la nullité de l’opération et par voie de
conséquence le maintien de l’obligation primitive.
II. Substitution d’une obligation nouvelle
L’obligation nouvelle qui remplace la première, règle seule désormais les relations
des parties. Cette obligation nouvelle naît avec ses caractères propres. Elle est toujours
contractuelle puisqu’elle résulte de la volonté des parties à la novation. Mais sa nullité
n’entraîne pas celle de la première obligation qui lui est indépendante.
Sous-Section 2 : Délégation
délégué peut opposer contre le déléguant la nullité de l’obligation primitive, car comme la
novation l’exige, celle-ci doit être valable, mais il s’agit de la nullité absolue seulement.
Par ailleurs, les exceptions qui découlent du rapport délégué - déléguant sont
inopposables au délégataire car ce rapport lui est étranger.
II. Délégation imparfaite
1° Principal effet
Le délégataire aura deux débiteurs, le déléguant et le délégué, c’est-à-dire il ne
libérera pas le déléguant tant que le délégué ne l’aura pas payé. C’est une garantie contre
l’insolvabilité de l’un d’eux. Mais les deux obligations délégataire-déléguant et
délégataire-délégué sont indépendantes.
Application : Action de la victime contre l’assureur et l’assuré
2° Inopposabilité des exceptions à l’égard du délégataire
Ici aussi, les exceptions que le délégué aurait opposées contre le déléguant ne
peuvent être opposées au délégataire, les deux rapports d’obligation « étant maintenus et
distincts ».
325
326
Dans ce dernier chapitre du titre consacré aux modes d’extinction des obligations,
il nous reste à étudier la confusion et la prescription extinctive.
Section 1: Confusion
§1. Notion
La confusion est la réunion, sur la même tête, relativement à une même obligation
des deux qualités de créancier et de débiteur. Elle éteint la créance, car on ne peut pas être
son propre débiteur. Il est bon de relever que notre Code civil en son article 192 commet
une erreur quand il parle in fine d’extinction de deux créances. En réalité, il n’y a qu’un
lien obligataire dont les deux aspects - créance et dette - disparaissent par confusion.
Hypothèse pratique de confusion
Créancier Débiteur
A B
Débiteur Créancier
venaient à entrer dans des patrimoines distincts, l’obligation reprendrait vie et devrait
être exécutée.
Effets prévus par l’article 193 ou cas des co-obligés
L’article 193 du Code civil, livre III précise les conséquences normales de la
confusion quand il y a des co-obligés.
La dette principale éteinte, la caution est déchargée de son obligation; la confusion
profite donc à la caution (art. 193, al.1).
Inversement, le débiteur principal ne peut bénéficier de la confusion qui s’opère
entre le créancier et la caution, car la dette principale subsiste (art. 193, al. 2).
Les co-débiteurs ne peuvent profiter de la confusion survenant entre le créancier et
l’un d’entre eux que pour la part de celui-ci. En effet, ce n’est que dans cette mesure que
l’exécution de l’obligation est devenue impossible (733).
Il faut noter que ce n’est pas seulement les droits du patrimoine qui s’éteignent par
le non usage : ce sont aussi toutes les actions réelles ou personnelles attachées à ces droits,
action en nullité, en résolution, révocation, etc.
Il faut dire que seule l’action en revendication échappe à la prescription extinctive.
II. Fondement
La prescription est une notion qui est très mal comprise dans notre mentalité
juridique congolaise. Nous voulons dire qu’elle est même inexistante dans nos milieux.
Un créancier considère toujours son droit comme ne pouvant jamais s’éteindre et l’on voit
souvent, dans les milieux traditionnels notamment, des réclamations dont l’objet remonte
à de nombreuses générations.
Dans la mesure où cette façon de concevoir les choses ne suscite pas de
nombreuses contestations ni des troubles de l’ordre public, on peut comprendre que la
prescription acquisitive ou extinctive ait été ignorée dans nos milieux. Par ailleurs,
l’ignorance de l’écriture empêcherait les contestations de documents qui, en Occident,
était l’une des raisons fondamentales d’instaurer et de maintenir la prescription.
En effet, la prescription se fonde en droit occidental sur la nécessité de maintenir
l’ordre public et la paix sociale. Ce fondement a été introduit chez nous.
On estime que l’ordre public et la paix sociale sont intéressés à la consolidation des
situations acquises. Lorsque le titulaire d’un droit est resté trop longtemps sans l’exercer,
il y a lieu de présumer que son droit est éteint. Et la prescription qui intervient évitera des
procès dont la solution serait rendue très difficile par le fait même que le droit invoqué
remonterait à une date éloignée.
La prescription dispense les débiteurs qui se sont acquittés de leur obligation, du
soin de conserver indéfiniment leurs quittances. Ces raisons valent spécialement pour les
prescriptions de droit commun (prescription trentenaire), mais on verra dans la suite qu’il
y a d’autres raisons qui justifieraient les prescriptions courtes (735).
§2. Durée de la prescription (736)
I. Prescription trentenaire
Le siège de la matière est l’article 647 du Code civil, livre III. Le délai habituel de la
prescription extinctive est de trente ans. Mais vu la mobilité actuelle des gens et des
choses, l’on tend à considérer ce délai comme trop long et l’on réclame son abaissement à
10 ou 20 ans. L’article 647 vise tant la prescription acquisitive que libératoire.
737 Elis, 18 avril 1936, RJCB 1936, p. 173 ; cass. b. 11 mai 1882, Pas. I, p. 125.
738 1ère inst. Elis, 3 juin 1937, RJCB 1938, p. 16. Comp. Elis, 23 juin 1917, RJCB 1931, p. 350
739 Sur l’interprétation de l’art. 637, cons. Elis., 5 février 1952, p. 66
330
pas été payée et quand bien même le débiteur en ferait l’aveu (740). Mais elle (la
prescription) n’a pas de raison d’être si elle ne peut être imputée au créancier(741) ;
2°. les loyers des maisons et le prix de ferme des biens ruraux (art. 657 al.2). La
prescription éteint non seulement la dette principale du loyer ou du fermage,
mais les obligations accessoires du locataire ou du fermier. En principe, tout bail
d’immeuble, quels qu’en soient le caractère et la durée, est soumis à cette
prescription. Par exception, l’action des hôteliers, à raison du logement qu’ils
fournissent, se prescrit, non pas par cinq ans, mais par six mois (art. 652)(742) ;
3°. les intérêts des sommes prêtées et généralement tout ce qui est payable par année
ou à des termes périodiquement plus courts. Ce troisième cas comprend une
série d’autres dont notamment (743) :
a) les intérêts conventionnels ou moratoires de toute créance quelconque;
b) les intérêts légaux et judiciaires;
c) « toute dette ayant le caractère d’un revenu », notamment les appointements,
les traitements des professeurs, des fonctionnaires, les honoraires d’avocats,
les dsamaires des employés, les commissions.Il faut même y ajouter la
bourse des étudiants.
La jurisprudence considère que l’article 657 du Code civil, livre III n’est pas
applicable aux dettes des sommes touchées à titre de mandataire pour un tiers, même si le
versement doit s’en faire mensuellement. Il s’agit là des dettes de capitaux (744).
4°. enfin, est également prescrite par 5 ans, l’action en restitution des pièces confiées
à un juge. L’article 656 dispose que « les juges sont déchargés des pièces cinq ans
après le jugement du procès ».
IV. Prescription annale ou par an et prescription de six mois
Dans les articles 652 et 653, le Code civil établit de nombreuses petites
prescriptions d’une durée de un an ou de six mois. Elles se fondent sur une considération
différente de celle qui explique la prescription ordinaire.
Ce qui a inspiré le législateur, c’est qu’il s’agit ici de dettes ordinairement non
constatées par un titre qui, en conséquence, sont acquittées dans un très bref délai et par
lesquelles il arrive souvent qu’on n’exige pas une quittance.
Il convient que la loi se mette en ce qui les concerne, d’accord avec l’usage, et
présume qu’au bout d’un temps assez court, la dette a été payée. Ces petites prescriptions
reposent donc sur une présomption de paiement (745). Elles sont cependant moins efficaces
que les présomptions ordinaires. En effet, il se peut que la présomption de paiement, sur
laquelle elle repose, soit contraire à la réalité. C’est pourquoi on permet au créancier à qui
on les oppose de déférer le serment au débiteur (art. 655).
Le serment que l’article 655 admet à l’encontre de cette présomption doit porter
sur la réalité même de payement et non sur la croyance à l’existence du payement
(serment de crédibilité) (746). Au contraire, la prescription ordinaire, reposant sur des
considérations d’ordre public protégerait le débiteur contre l’action du créancier, quand
même il serait prouvé en fait qu’il n’a pas payé sa dette. C’est donc à l’opposé de cette
courte prescription de l’art 653 qui n’a pas lieu lorsque la créance est établie par quelques
actes écrits ou lorsque le débiteur a reconnu sa dette (747).
A. Prescription annale (748)
Se prescrivent par un an :
1°. l’action des médecins, chirurgiens et pharmaciens pour leurs visites, opérations
et médicaments (art. 653, al. 1er);
2°. l’action des marchands, pour les marchandises qu’ils vendent aux particuliers
non marchands (art. 653, al.2);
3°. l’action des maîtres de pension, pour le prix de la pension de leurs élèves et des
maîtres, pour le prix de l’apprentissage (art. 653 al.3). Cette disposition concerne
les directeurs des pensionnats et les maîtres de pensions dont les pensionnaires
sont les élèves. Si ces pensionnaires n’étaient pas en même temps les élèves et
venaient simplement pour le logement et la nourriture, la prescription serait de
six mois comme nous le verront bientôt (cas des étudiants universitaires et des
instituts supérieurs qui logeraient loin de l’endroit où ils ont cours);
4°. l’action des domestiques qui se louent à l’année, pour le paiement de leur salaire
(art. 653 al.4). Mais souvent les domestiques louent leurs services au mois ou à la
journée, leur action se prescrit par six mois. D’après la jurisprudence, la
prescription annale ne s’applique pas au prix de location d’une voiture par un
commerçant à un particulier (749).
B. Prescription de six mois (750)
Se prescrivent par six mois :
745 1ère inst. Elis, 1er septembre 1938, RJCB 1939, p. 117; Léo, 25 août 1959, RJC 1961, p. 8
746 1ère inst. Elis, 1er septembre 1938, précité.
747 Léo, 25 août 1959, RJC 1961, p. 8.
748 Sohier (A), op. cit., t. II, par Orban, n° 1389
749 1ère inst. Stan., 20 septembre 1955, RJCB 1956, p. 324
750 Sohier (A), op. cit., t. II, par Orban, n° 1390
332
1°. l’action des maîtres et instituteurs des sciences et arts, pour les leçons qu’ils
donnent au mois (art. 652, al.1er). Si les leçons se donnaient au trimestre ou à
l’année, la prescription ne s’accomplirait que pour cinq ans, par trente ans, si elles
se donnaient moyennant un prix forfaitaire;
2°. l’action des hôteliers et traiteurs à raison du logement et de la nourriture qu’ils
fournissent (art. 652, al.2);
3°. l’action des ouvriers et gens de travail pour le paiement de leurs journées,
fournitures et salaires (art. 652 al.3). Cette disposition ne s’applique pas aux
entreprises qui se chargent de faire exécution des travaux sous leur direction et
leur responsabilité (751).
§3. Conventions relatives à la prescription (752)
Certaines conventions sont prohibées et d’autres permises.
I. Conventions prohibées
Deux types de conventions sont prohibées. C’est la renonciation anticipée à la
prescription et l’allongement du délai légal.
A. Renonciation anticipée de la prescription
D’après l’article 614 du Code civil, livre III: « On ne peut d’avance renoncer à la
prescription ». Cette prohibition est la conséquence du caractère d’ordre public de la
prescription. Elle s’applique non seulement à la prescription ordinaire, mais aussi aux
petites prescriptions fondées sur une présomption de payement (art. 652 et 653).
B. Allongement du délai légal
Les parties ne peuvent pas non plus allonger les délais de prescription établis par
la loi pour des raisons d’ordre public. C’est l’interprétation de l’art 614 qui nous permet
cette affirmation.
II. Conventions permises
Les conventions permises sont relatives à l’abréviation du délai légal et à la
renonciation à la prescription acquise.
A. Abréviation du délai légal
Si les délais de la prescription ne peuvent être allongés, la jurisprudence est à peu
près unanime à reconnaître qu’ils peuvent être abrégés par les parties, sans être toutefois
pratiquement supprimés. Des clauses de ce genre, dit-on en effet, favorisent la libération
du débiteur, et par conséquent, elles n’ont rien de contraire à l’ordre public (753).
Dérogeant au droit commun, ces clauses sont toutefois de stricte interprétation (754).
B. Renonciation à la prescription déjà acquise
Si le débiteur ne peut renoncer d’avance à la prescription, il dépend au contraire
de lui de renoncer à la prescription une fois celle-ci acquise (art. 614). Cette renonciation,
nous dit l’article 615 peut être expresse ou tacite. Une seule condition est requise chez
celui qui renonce à la prescription à son profit : la capacité est exigée parce qu’une telle
renonciation, bien que ne constituant pas à la vérité, une aliénation, n’en est pas moins un
acte aussi désavantageux qu’une aliénation (755).
§4. Point de départ de la prescription
La prescription commence à courir au profit du débiteur à compter du jour de
l’exigibilité de l’obligation, obligation arrivée à échéance. Donc tant que l’action n’est pas
ouverte, le droit du créancier ne peut se prescrire. Nous croyons personnellement que
l’expression « tant que l’action n’est pas ouverte » peut porter à équivoque. Elle fait croire
en effet qu’il faut absolument intentement effectif d’une action du créancier. Si telle était
la situation, on verrait des créanciers ne pas agir puisque leurs droits ne seraient jamais
prescrits tant qu’ils n’auraient agi. Ce serait précisément contraire à l’économie de la
prescription, la considération du jour de l’exigibilité de l’obligation comme point de
départ de la prescription nous paraît plus correcte.
Ainsi, une obligation à exécution immédiate commencerait à se prescrire au jour
d’exécution, tout comme les obligations affectées d’une modalité (condition ou terme) ne
commenceraient à se prescrire qu’à la réalisation de la condition ou l’échéance du terme
comme le prescrit l’article 644 du Code civil, livre III (756).
De la maxime « Contra non valentem agere non currit praescriptio »
Pour qu’un droit se prescrive, il faut non seulement qu’il soit né, mais qu’il puisse
être exercé. En généralisant cette idée tout équitable et conforme au fondement rationnel
de la prescription, la jurisprudence décide de la manière la plus compréhensive que toutes
les fois où une partie a été dans l’impossibilité d’agir à la suite d’un empêchement
quelconque résultant soit de la loi soit de la force majeure, soit même de la convention, la
prescription ne court point contre elle jusqu’au jour où cesse cette impossibilité. C’est en
ce sens qu’il faudrait comprendre également l’article 644 du Code civil, livre III.
757 Vigneron (R), Cours des obligations n°408 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit. n°211 et s. Cette notion donne en
même temps des effets de l’interprétation.
758 Weill (A), op. cit., n°1084
759 Weill (A), op. cit., n°1085. Sur les causes interruptives de la prescription, v. Elis, 10 novembre 1945, RJCB 1945, p.
211 ; 5 avril1966, RJC 1966, p. 143
760 Art. 735 et 654 du Code civi,l livre III.
335
761 Pour les exemples, cons. Vigneron (R), op. cit., n° 406.
762 1ère inst. Costermansville, 17 novembre 1933, RJCB, 1934, p. 35.
763 Pothier, Les obligations, n° 677.
764 En ce sens aussi Planiol (M), op. cit., VII, n°1246.
336
Il faut noter par ailleurs que l’application de la prescription n’est pas automatique.
Il faut, en effet que le débiteur manifeste sa volonté de se prévaloir de la prescription
accomplie à son profit. Cette manifestation de la volonté peut être expresse ou tacite. Mais
le juge ne peut pas d’office appliquer une prescription.
§8. Délais préfix
Certains délais sont imposés impérativement par la loi, sous peine de déchéance,
pour accomplir un acte ou faire valoir un droit. Ces délais sont à distinguer des délais de
prescription. Ils sont d’ordre public, les particuliers ne peuvent y renoncer et le juge doit
les appliquer d’office; ils ne comportent, en principe, ni suspension, ni interruption. Il
s’agit à titre d’exemple, des délais de procédure civile tels le délai d’appel, le délai
d’opposition, de pourvoi en cassation, etc; de certains délais de droit civil tels le délai
donné pour la célébration du mariage après publication, délai de viduité, délai de 60 jours
en ce qui concerne l’action relative aux vices rédhibitoires prévue par l’article 325 Livre
III), etc.
Ces délais sont préfix, c’est-à-dire fixés préalablement et impérativement par la loi.
337
338
Introduction
Les modalités des obligations qui seront abordées ci-après sont, d’une part la
condition (chapitre I) et le terme (chapitre II), d’autre part.
Chapitre I : Condition
Section 1 : Notion
765 La question présente un intérêt au point de vue des risques. Si dans l’exemple donné, la voiture est détruite par cas
fortuit avant que nous apprenions le résultat de l’élection, elle périra pour vous car la vente est pure et simple : si la
vente était considérée comme conditionnelle, elle périrait pour moi, en vertu de l’article 80. V. Pothier, Obligations,
n° 202.
339
diffère essentiellement du terme, lequel est inévitable. Ainsi, une obligation subordonnée
au décès d’une personne n’est pas une obligation conditionnelle, mais une obligation à
terme.
La condition ainsi prise a un sens bien technique et se distingue des acceptions
bien différentes que ce mot peut prendre. L’article 8 du Code civil, livre III parle de
« conditions essentielles pour la validité des conventions ». Il s’agit là des éléments
essentiels requis pour la formation des obligations contractuelles. Dans d’autres textes
notamment ceux relatifs aux donateurs, le mot « condition » est pris comme synonyme de
« charges imposées aux donataires ou au légataire ». On emploie aussi ce mot pour
désigner tout ce qui détermine le contenu du contrat ; ainsi, dans un contrat de vente, on
entend par « condition » du contrat, les stipulations relatives au prix, au lieu de paiement,
etc.
Il faut surtout se garder, lorsqu’il s’agit d’une obligation tirant son origine d’un
contrat, de confondre la véritable condition avec les éléments requis pour l’existence de ce
contrat. La « condition » est un élément accidentel, un élément adventice, qui suppose
déjà réunis les éléments constitutifs de l’obligation envisagée. En d’autres termes, il faut
que l’on puisse concevoir la formation de cette obligation sans cet élément ( 766). Cette
observation est très importante car seule la condition, au sens technique du mot, opère
avec effet rétroactif.
Par exemple, les droits et obligations découlant du régime matrimonial adopté par
les futurs époux dans leur contrat de mariage ne peuvent être considérés comme étant
créés sous « condition » que le mariage aura lieu. Tant que le mariage n’a pas lieu, le
contrat de mariage n’est qu’un simple projet, car on ne conçoit pas de régime matrimonial
entre gens qui ne sont pas encore mariés. Le mariage est ici un élément essentiel et non
une « condition ». Aussi les effets du contrat de mariage naîtront -ils au jour du mariage,
sans effet rétroactif.
Voici un autre exemple. Supposons que je m’engage à vous vendre ma maison
pour tel prix si, dans le délai de trois mois, vous déclarez acheter et que vous acceptiez
cette promesse. Un tel accord de volontés constitue un contrat unilatéral; il reçoit la
dénomination de « promesse unilatérale de vente ». Quels en sont exactement les effets?
Je suis tenu d’une obligation envers vous, obligation de faire, à savoir maintenir
ma promesse pendant trois mois en attendant votre bon plaisir. Quant à vous, vous n’êtes
aucunement lié par ce contrat, vous conserverez votre entière liberté. Si dans le délai de
trois mois vous vous déclarez acheteur - c’est que l’on appelle « lever l’option »- à ce
moment se formera entre nous un contrat de vente, par la réunion de votre volonté
766 Bufnoir, Propriété et contrat, p. 47 ; Josserand, op. cit.,t. I, n° 109 et 113, t.2 n° 738 et 1072, t. 3 n° 428 ; Ripert et
Boulanger, op. cit.,t.2 n° 1350 et 2423
340
767 Planiol (M) et Ripert (G), op. cit., t.10 n°175 et 181 ; Gaudemet, Obligations, p. 268 ; Aubry et Rau, op. cit., p. 349,
note 13.
341
768 La distinction des conditions casuelles et mixtes n’offre qu’un intérêt très réduit, lequel ne se manifeste que dans la
matière des donations.
769 Ripert et Boulanger, op. cit., t. 2, n° 1353.
770 V. note Wahl, S.1901, 1, 217 et jurisprudence y citée.
342
771 Art. 900 du Code Napoléon, « Dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles
qui seront contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites ».
343
772 Sur ce rapport, la terminologie de l’article 83 du Code civil, livre III est plus exacte que celle de l’article 79 alinéa 2,
du même Code.
773 On a comparé le droit affecté d’une condition suspensive à l’enfant simplement conçu, dont la personnalité est
encore incertaine (V. Appendice à Valin, Coutumes de la Rochelle, t. 3, p. 722 ; Galopin, Etat et Capacité, n° 66).
774 Elis, 1er avril 1916, Jurisprudence et doctrines coloniales 1927, p. 43 ; Kin, 10 sept. 1974, RJZ 1974, p. 79, note de
Dibunda Kabuinji
344
II. Principales conséquences et précisions
1° Une loi nouvelle est-elle survenue entre la date de la convention et celle de
l’accomplissement de la condition suspensive, l’obligation devra être considérée comme
ayant pris naissance avant la promulgation de cette loi, et sauf le cas de rétroactivité de la
loi nouvelle, continuera à être régie par la loi ancienne.
2° Le débiteur qui a payé par erreur une dette conditionnelle avant la réalisation
de la condition, ne peut plus exercer la répétition de l’indu; une fois la condition réalisée,
car la dette est censée avoir existé lors du paiement.
3° Les actes de disposition faits par le propriétaire sous condition résolutoire sont
anéantis et cette résolution réagit contre les tiers, sous réserve des dispositions protectrices
de leurs droits.
En ce qui concerne les actes d’administration et les perceptions de fruits, il existe,
on le sait, une tendance à les faire échapper à l’effet rétroactif de la condition.
Notons enfin que le principe de la rétroactivité de la condition n’est pas d’ordre
public ; les parties sont libres de l’écarter par leur convention(775).
On reconnaît que la rétroactivité de la condition (776) ne s’applique pas aux contrats
successifs : bail, contrat de travail, etc. Lorsque ces contrats sont résolus, il ne peut être
question de restitution des prestations réciproques effectuées dans le passé.
Dans ces contrats, l’exécution partielle de l’obligation de l’un des contractants
correspond exactement dans l’intention des parties, à l’exécution partielle de l’obligation
de l’autre (777).
§3. Non-réalisation (défaillance) de la condition
I. Condition suspensive
Quand il est acquis que la condition suspensive ne se réalisera pas, il est désormais
certain que le droit que l’on avait en vue ne prendra pas naissance. Les parties sont dans
la même situation que si elles n’avaient pas contracté, et il y a lieu à restitution des
prestations qui auraient été faites.
II. Condition résolutoire
Quand il est acquis que la condition résolutoire ne se réalisera pas, la menace
d’anéantissement disparaît et le droit qui était traité comme un droit pur et simple, le
devient à titre définitif.
§1. Notion
Le terme est un événement futur et de réalisation certaine qui suspend soit
l’exécution soit l’extinction d’une obligation et qui produit son effet sans rétroactivité.
De même que la condition, le terme est un événement futur, mais au rebours de la
condition, c’est un événement de réalisation certaine, un événement certain alors que la
condition est un événement incertain.
§2. Distinctions
On distingue trois catégories de termes : le terme certain et le terme incertain (I), le
terme suspensif et le terme extinctif (II), le terme de droit et le terme de grâce (III).
I. Terme certain et terme incertain
Le terme, bien que toujours certain quant à sa réalisation (certus an) peut, quant à
la date de sa réalisation, être certain (certus quando) ou incertain (incertus quando). Ex : Je
vous paierai 100.000 Fc le 1er janvier, c’est un terme certain (certus an, certus quando). Je
vous paierai 100.000 Fc à la naissance de mon deuxième fils : c’est un terme incertain
(certus an incertus quando).
La terminologie n’est pas heureuse, il serait préférable d’employer les expressions
« terme à échéance certaine » et « terme à échéance incertaine ».
II. Terme suspensif et terme extinctif
Le terme suspensif retarde l’exécution de l’obligation. Par exemple : Je vous paierai
100.000 Fc le 1er janvier. Le terme extinctif met fin à l’obligation. Par exemple : Une
personne s’engage à servir une rente à telle autre jusqu’au 31 décembre 2012. On peut
aussi s’engager à payer le loyer jusqu’au 30 avril 2010, date d’expiration du contrat de
bail. Il n’y a rien d’autre à dire du terme extinctif que de constater qu’il est une cause
d’extinction des obligations.
III. Terme de droit et terme de grâce
Le terme de droit est celui qui est établi par la volonté des parties (terme
conventionnel) ou accordé par la loi (terme légal). Le terme de grâce est celui qui est
accordé par le juge à un débiteur malheureux et de bonne foi. Tel n’est pas le cas de
débiteurs qui, étant en état de payer leur dû, font tout ce qui est en leur pouvoir pour
paralyser l’action de leurs créanciers (778).
778 Pour la notion de terme de grâce, voir aussi l’article 142 du Code civil, livre III.
347
779 Lorsque le terme est stipulé dans l’intérêt unique du débiteur, il retarde l’exigibilité de la créance ; lorsqu’il est stipulé
dans l’intérêt des deux parties, il retarde à la fois l’exigibilité de la créance et la faculté de se libérer dans chef du
débiteur ; lorsque (cas très rare) il est stipulé dans l’intérêt unique du créancier, il ne retarde pas l’exigibilité de la
créance mais seulement la faculté de se libérer dans le chef du débiteur.
348
bénéfice du terme commun aux deux parties, mais il lui appartient de trancher
souverainement d’après les circonstances de chaque espèce. Aussi, ne saurait-on trop
conseiller aux parties de s’expliquer clairement.
Le terme peut enfin, mais c’est très exceptionnel, être stipulé dans l’intérêt exclusif
du créancier. L’article 508 du Code civil , livre III sur le dépôt en est bel exemple. C’est au
créancier qu’il appartient alors de renoncer au terme. Ex : Le créancier veut éviter le fisc et
souhaite n’avoir la somme qu’après le passage de celui-ci ou après le départ des membres
de famille qui le visitaient et dont il craignait qu’ils réclameraient la somme si elle était
versée en leur présence.
2. Déchéance du terme suspensif
Aux termes de l’article 86 du Code civil, livre III, « le débiteur ne peut plus
réclamer le bénéfice du terme lorsqu’il a fait faillite ou lorsque par son fait, il a diminué les
sûretés qu’il avait données par le contrat à son créancier. A ces cas, on est d’accord pour
en ajouter d’autres : la déconfiture du débiteur et la non réalisation, imputable au
débiteur, des sûretés promises par le contrat.
a. Faillite du débiteur
La faillite du débiteur est la constatation judiciaire qu’un commerçant a cessé ses
paiements. A dater du jugement déclaratif de faillite, le débiteur ne peut plus réclamer le
bénéfice du terme (art. 86 du Code civil), le créancier avait fait confiance au débiteur en lui
concédant un terme et, la faillite montre que cette confiance a cessé d’être justifiée.
A noter que c’est de plein droit que la déclaration de faillite entraîne l’exigibilité
immédiate des dettes à terme.
b. Déconfiture du débiteur
La déconfiture est l’état d’insolvabilité d’un non-commerçant. Bien que l’article 85
du Code civil, livre III ne la range pas parmi les causes de déchéance du terme, on est
d’accord pour lui faire produire cet effet. D’une part, il y a identité de motifs; d’autre part,
on peut tirer un argument d’analogie de l’article 290 du Code civil, livre III.
Toutefois, la déchéance n’opère pas cette fois de plein droit, comme en matière de
faillite. D’après la jurisprudence, elle doit être demandée en justice et ne peut remonter à
un jour antérieur à celui de la demande (780).
c. Diminution, par le fait du débiteur, des sûretés données par le contrat
La loi (art. 86) présume avec raison que c’est en considération de la sécurité qu’il
trouvait dans ces garanties spéciales que le créancier a fait confiance au débiteur. Il est
naturel que leur diminution due au fait du débiteur donne au créancier le droit d’exiger
de suite l’exécution. On remarquera que ces deux conditions sont requises, qu’il s’agisse
de sûretés données par le contrat, ce qui vise les hypothèques conventionnels, le gage et le
780 Josserand,op. cit., t. 2 n°732 ; Planiol (M) et Ripert (G),op. cit., t. 7 n°1014 ; RPDB, v° obligations, n° 326 et s.
349
cautionnement ou que ces sûretés aient été diminuées par le fait du débiteur, ce qui exclut
le cas où la diminution des sûretés proviendrait d’un cas fortuit.
d. Non-réalisation imputable au débiteur, des sûretés promises par le contrat
La jurisprudence assimile avec raison au cas précédent, la non- constitution,
imputable au débiteur, des sûretés, qui proviendrait d’un cas fortuit.
§2. Effets du terme de grâce
Notion et réglementation
Le terme de grâce est celui qui est accordé par le juge à un débiteur malheureux et
de bonne foi.
L’article 142 du Code civil, livre III règlemente le terme de grâce. Le juge peut
accorder un ou plusieurs délais (paiement par acomptes). Il le peut nonobstant toute
clause contraire. Les délais doivent être modérés et le juge doit user de ce pouvoir avec
une grande réserve.
Le juge doit tenir compte de la situation « des parties et non seulement de la
position du débiteur ainsi que des délais que le créancier a déjà, en fait, laissé au débiteur.
Les délais de grâce peuvent être accordés alors même que le créancier est muni d’un titre
exécutoire (autre qu’un jugement). L’octroi des délais de grâce peut être subordonné à la
dation de garanties.
Il faut ajouter que le débiteur ne peut obtenir un délai s’il est dans une situation
qui entraîne la déchéance du terme. Les causes de déchéance du terme de grâce sont les
mêmes que les causes de déchéance du terme de droit (781).
Section 1: Distinction
Section 2 : Effets
782 Mazeaud (H, L et J) et Chabas (F), Leçons de Droit civil, II, vol 1, n° 1049
351
B FC 200.000
A B’ FC 150.000
500.000 FC B’’ FC 150.000
B’’’ FC 100.000
Dans l’une et l’autre hypothèse, le principe est que la dette se divise à tous égards
en autant de fractions qu’il y a de débiteurs, de telle sorte que chaque débiteur ne peut
être poursuivi que pour une part de la dette. L’obligation, qui est une en apparence, se
décompose en autant d’obligations isolées et indépendantes les unes des autres qu’il y a
de débiteurs.
L’expression « obligation conjointe » dont on se sert pour désigner cette situation
est assez mal choisie. Comme l’observe Planiol (784), « un créancier qui a stipulé de deux
débiteurs qu’ils répondront conjointement de la dette, pourra se trouver surpris
d’apprendre qu’ils sont en réalité ses débiteurs disconjoints. D’où, au lieu de parler
d’obligations conjointes, on devrait parler d’obligation « disjointe ».
Pour le cas de pluralité des débiteurs initiale, la solution que nous venons
d’énoncer n’est formulée expressément dans aucun texte, mais elle est traditionnellement
et unanimement admise et elle résulte, d’ailleurs, indirectement de la combinaison des
articles 98 et 100 du Code civil, livre III.
Pour le cas de pluralité de débiteurs survenue à la suite de succession, elle est
consacrée par l’article 118 du Code civil congolais, livre III.
Dans quelles proportions la dette se divise-t-elle ainsi dans les rapports du
créancier avec les débiteurs ? Au cas de pluralité de débiteurs originaires, la division se
fait en principe par têtes, à moins qu’il n’en ait été autrement convenu. Au cas où il y avait
784 T. 2 n° 716.
355
d’abord un débiteur, auquel plusieurs héritiers ont succédé, la division de la dette se fait
en principe dans la proportion de leurs parts héréditaires (renvoi à la matière des
successions) (785).
Nous venons de voir que la divisibilité de la dette constitue le droit commun, des
obligations à pluralité de débiteurs. Mais, en fait, il arrive souvent que dans les rapports
du créancier et des débiteurs, cette règle de la fragmentation de la dette soit mise en échec.
C’est ce qui se produit, dans une plus ou moins large mesure, lorsque la volonté de
l’homme ou la loi ont rendu l’obligation « solidaire » du côté des débiteurs (solidarité
passive) ou lorsque la nature des choses ou la volonté des parties doit la faire considérer
comme « indivisible »(786).
L’article 119 du Code civil, livre III énumère cinq cas où il y aurait exception à la
règle de la division des obligations en dehors des cas de solidarité. Mais trois d’entre eux
(art. 119, 2°, 4° et 5°) sont des cas d’insolvabilité. Et les deux autres ne constituent pas des
dérogations à la règle de la division des obligations.
785 Les débiteurs multiples peuvent convenir d’une répartition sur des bases différentes dans leurs rapports entre eux,
mais ils ne peuvent l’imposer au créancier, si celui-ci n’y consent pas. Par contre, le créancier peut s’en prévaloir :
1° si les conditions de la stipulation pour autrui se trouvent réunies ; 2° par l’action oblique prévue à l’article 64. Voir
cependant le code de la famille qui prévoit la succession pour parts égales entre héritiers.
786 Voir ci-dessous les sous chapitres II et III.
356
En effet, dans le cas où la dette est hypothécaire (art 119,1°), celui des héritiers du
débiteur qui est propriétaire de l’immeuble hypothéqué n’est pas obligé de payer plus que
sa part mais il est tenu de laisser exercer le droit réel d’hypothèque, c’est-à-dire subir
l’expropriation forcée, et cela non en tant que débiteur mais en tant que propriétaire de
l’immeuble, tout comme il en serait si l’immeuble était passé aux mains d’un tiers non
obligé à la dette.
Par ailleurs, dans le cas d’une dette alternative des choses au choix du créancier
dont l’une est indivisible (art. 119, 3°), ce qui est indivisible c’est le choix quant à
l’obligation elle-même, elle sera divisible ou indivisible selon la nature de la chose qui
sera choisie (787).
consentie par le créancier à un co-débiteur avec réserve de ses droits contre les
autres (ar.t 177);
3°. l’engagement de l’un des débiteurs peut être affecté d’un terme ou d’une
condition alors que celui des autres est pur et simple (art. 99).
L’obligation solidaire est unique en ce qui concerne la prestation qui en est l’objet.
C’est ainsi que l’exécution de la prestation par l’un des débiteurs libère les autres envers le
créancier (art 98 in fine). On exprime cette situation en disant qu’en cas de solidarité, il y a
unité d’objet et pluralité de liens.
Section 3 : Effets de la solidarité passive dans les rapports du créancier avec les
co-débiteurs
789 Bruxelles, 7 juin 1933, Pas. 1933, I. 168 ; Rev. Trim. 1934, p. 679 et références 4 citées, Cass. b., 3 avril 1952, Pas.
I, 498 ; Elis, 27 juin 1911, Jur. Congo, 1913, p. 43.
790 Les Codes Larcier RDC, t. III, vol. 1, Bruxelles, De Boeck & Larcier, 2002, p. 11.
358
791 L’article 106 du Code civil, livre III dont la rédaction a été malencontreusement remaniée au cours des travaux
préparatoires, concerne cette question, mais sa terminologie très confuse en son caractère théorique le rendent
pour ainsi dire inutile. La solution du problème doit être cherchée dans l’analyse traditionnelle de l’obligation
solidaire ainsi que dans d’autres textes du code, qui contiennent à cet égard des solutions très précises, dont
certaines feront ci-dessous l’objet d’un examen spécial.
792 Ne pas perdre de vue toutefois que le créancier pourrait mettre pour condition à la novation que les autres
codébiteurs accéderont au nouvel engagement, auquel cas voir article 175 al.3.
359
Tels sont :
1°. le paiement fait par l’un d’entre eux (art. 98 in fine);
2°. le moyen tiré d’un vice qui n’existe que par rapport à l’un des co-débiteurs :
incapacité, erreur, dol, violence, ce moyen ne pourra être invoqué que par celui-ci
et les autres co-débiteurs ne pourront prétendre l’invoquer, pas même à
concurrence de sa part; si le co-débiteur intéressé fait annuler son engagement, il
y aura un co-débiteur de moins pour supporter le fardeau de la dette mais le
montant ne sera pas diminué ;
3°. le moyen tiré de l’existence d’une modalité (condition, terme) insérée au profit de
l’un des co-obligés, à l’exclusion des autres, lui seul pourra l’invoquer et, si la
condition suspensive ne se réalise pas, il y aura un co-débiteur de moins pour
supporter le fardeau de la dette, dont le montant ne sera pas diminué pour
autant.
C. Solutions concernant la compensation et la remise de dette (793)
1. Compensation
En partant de la double idée que la compensation opère de plein droit et qu’elle
équivaut à un paiement, on devrait décider que le co-débiteur poursuivi par le créancier
peut lui opposer en compensation non seulement ce que le créancier lui doit
personnellement mais encore tout ce que celui-ci peut devoir à un des autres co-débiteurs.
Telle n’est pas la solution du Code civil. L’article 186, alinéa 3, disposition remarquable,
porte que « le débiteur solidaire ne peut opposer la compensation de ce que le créancier
doit à son co-débiteur ».
Cette disposition a été ajoutée à la demande du tribunal (794) qui a fait remarquer
que si le débiteur poursuivi était autorisé à opposer la compensation opérée du chef de
son co-débiteur, ce dernier pourrait se trouver engagé lui dans des procès désagréables,
relativement à l’existence de sa créance, et à la question de savoir si elle est ou non
susceptible d’être opposée en compensation, il est naturel, ajoutait le tribunal, que la
compensation n’ait lieu entre deux personnes que pour ce qu’elles se doivent directement
l’une à l’autre.
Quelle que soit la pertinence de ces motifs, ce sont ceux de la loi, il en résulte que,
contrairement à l’opinion de certains auteurs, la compensation ne pourra pas être
invoquée par le défendeur jusqu’à concurrence de sa part dans la dette de celui des co-
débiteurs qui se trouve être créancier commun (795).
793 En ce qui concerne la confusion, voir art. 107 et 193 al.3 du Code civil, livre III. En ce qui concerne transaction, voir
Cass.b, 18 septembre 1941, Pas. I, 343 ; Gand, 30 septembre 1943, RCJB, 1947, p. 159, note H. Simon ; De Page
(H), compl. vol. II, p. 463.
794 Fenet,op. cit., t. 13, p. 162.
795 En ce sens Cass., b., 13 juin 1872, Pas. 1872, I, 289
360
796 Cons. Fenet, op. cit., t.2, p. 173 et 185 ; t.13, p. 19, 31 et 135 ; Comp. Pothier, obligations, n°275, 616 et 617. A
noter que le projet de code franco-italien des obligations, dans son article 139, admet la présomption contraire.
797 Fenet, op. cit. 13, p. 279
798 Lorsque la part réelle de ce débiteur dans la dette n’est pas une part civile, la question se pose de savoir quelle est
la part dont les codébiteurs sont déchargés. V.et comp., sur cette question controversée, Baudry, Obligations, t.3,
n°1792 et les auteurs y cités, Gand, 30 septembre 1943 et la note H. Simon, dans RCJB 1947, p. 159 et 78.
799 Planiol (M) et Ripert (G), op. cit. t. 7, n°1078 et 1312.
361
800 En vertu d’une solution traditionnelle, on décide toutefois que les dommages-intérêts sont dus pour le tout par tous
lorsqu’il y clause pénale (Planiol,op. cit., t. 2, n°758).
362
B FC 125.000
A 500.000 FC B’ FC 125.000
B’’ FC 125.000
B’’’ FC 125.000
On sait qu’en principe, au décès d’une personne laissant plusieurs héritiers, ses
dettes se divisent en telle sorte que chacun des héritiers ne peut être poursuivi par les
créanciers que dans la proportion de sa part héréditaire (art. 118).
La dette solidaire n’échappe pas à ce principe de la division des dettes
successorales. Lorsqu’une personne vient à mourir et que, dans le passif de sa succession,
figure une dette solidaire, chacun des héritiers ne peut être poursuivi par le créancier de
cette dette que pour une part proportionnelle de sa part héréditaire.
En supposant par exemple que Primus et Secundus soient tous tenus
solidairement d’une dette de 2.000.000 Fc et que Secundus vient à mourir laissant quatre
héritiers ayant parts égales dans sa succession, le créancier ne pourra réclamer à chacun
des héritiers que le quart de la dette (803).
801 Cons. RPDB, v° obligations, n°552 et s. ; De Page (H), t. 3 n°359, 980 et 991.
802 Voyez notes Tisser, S. 1893, I. 81 et 1894, I. 233 ; Colin et Capitant, t.2 n°703 et 704 ; De Page, op. cit., t. 3, n°358
et s.
803 Il s’agit qu’on l’observe bien du quart de la dette totale. En effet, ce qui figure au passif de la succession, c’est une
dette qui était poursuivie pour le tout ; chaque héritier peut être poursuivi pour un quart du tout. Pour plus de détails
concernant la combinaison des effets de la solidarité avec ceux de la division des dettes successorales. Cfr.
notamment Aubry et Rau, §298, texte en note 46 ; Beudant, t. 7 n°717 et s.
363
Cette solution traditionnelle est énoncée en ces termes dans l’article 117 du Code
civil, livre III : « La solidarité stipulée ne donne point à l’obligation le caractère
d’indivisibilité ».
On en aperçoit sans peine les conséquences dangereuses pour le créancier.
Reprenant notre exemple, et supposant que Primus et trois héritiers de Secundus soient
complètement insolvables, le créancier perdra les trois quarts de sa créance, malgré la
solidarité, puisqu’il ne pourra réclamer que 50.000 Fc à l’héritier solvable (804).
Il y a moyen d’empêcher cette division de la dette entre les héritiers d’un co-
débiteur décédé : c’est de stipuler l’indivisibilité, ainsi que nous allons le voir dans le
sous-chapitre suivant. Aussi, dans la pratique, le créancier stipule toujours que les co-
débiteurs seront tenus « solidairement et indivisiblement ».
§5. Distinction de l’obligation solidaire et de l’obligation in solidum
On a soutenu que, parmi les cas de solidarité « légale », il existerait deux espèces
de solidarité, l’une parfaite, c’est-à-dire produisant tous les effets énumérés ci-dessus, et
l’autre imparfaite qui n’entraînerait pas tous les effets de la solidarité. Cette opinion, à
laquelle Aubry et Rau ont apporté l’appui de leur haute autorité, est pour ainsi dire,
unanimement abandonnée aujourd’hui. La loi ne connaît qu’une seule espèce de
solidarité (805).
Mais autre est la question de savoir s’il n’existe pas des hypothèses où une
personne peut réclamer paiement total à chacune de plusieurs autres alors qu’il n’y a ni
solidarité ni indivisibilité au sens technique de ces expressions.
Cela ne paraît pas douteux. Le cas le plus typique est celui où plusieurs personnes
se sont portées caution d’une même dette. Elles peuvent être poursuivies chacune pour le
total (art. 564) et le paiement fait par une d’elles libère les autres envers le créancier.
Pourtant, elles ne sont pas solidaires entre elles. Cela résulte clairement du
rapprochement des articles 170, alinéa 3 et 177 du Code civil, livre III (806).
Pour désigner cette situation et d’autres semblables (ex : obligation des père et
mère de nourrir, entretenir et élever leurs enfants, obligation du déléguant et du délégué,
responsabilité collective pour cause inconnue en cas de dommage attribué à plusieurs
personnes, responsabilité in solidum des commettants et préposés, assureur de
responsabilité et responsable), on emploie l’expression d’obligation in solidum.
804 A noter toutefois que la séparation des patrimoines pourra éventuellement sauver toute sa créance si le codébiteur
défunt est mort solvable (renvoi au cours sur les successions).
805 Planiol (M) et Ripert (G), op. cit., t. 7, n° 1089.
806 V.les travaux préparatoires du Code dans Fenet, t.13, p. 86 et 87 ; t.15, p. 29, 42, 75 et 76 ; Pothier, obligations, n°
415.
364
Celle-ci se distingue de l’obligation solidaire en ce qu’elle n’a pour effets que ceux
résultant de l’obligation au tout et ne produit pas les autres effets propres à la
solidarité(807).
D’autre part l’obligation in solidum est de création prétorienne pour mieux aider
certains créanciers à bénéficier de leurs créances(808).
Section 4 : Effets de la solidarité passive dans les rapports des co-débiteurs entre
eux
807 Sur l’obligation in solidum, cons. Demolombe, t.26, n°295 ; Capitant, note au DP 1903, I, 402, Gaudemet,
obligations, p. 31 ; Ripert et Boulanger, éd. 1952, t.2, n°1884 ; note Mattheys, RCJB 1951, p. 187 ; Comp. De Page,
t.3, n°325 et 330.
808 M. Boris Starck (op. cit. n° 1882)considère cette solidarité judiciaire comme la 3 ème hypothèse de la solidaritéo.
809 En matière de solidarité aquilienne, on tient compte de la gravité des fautes.
810 Il ne faut pas confondre la situation prévue par l’article 114 avec celle résultant d’un cautionnement solidaire : la
caution solidaire reste une caution même dans les rapports avec le créancier.
365
purement chirographaire mais lui permet de réclamer les intérêts de ses avances,
depuis le jour du paiement, même si la dette n’était pas productive d’intérêts;
2°. l’action du créancier désintéressé qui, lui, advient par l’effet de la subrogation
légale (art. 149 al.3). Cette action lui sera utile lorsque la créance était munie de
certains avantages, notamment des garanties, dont il pourra ainsi se prévaloir.
§3. Division du recours
Le co-débiteur qui a payé la dette entière ne peut pas réclamer l’excédent de sa
part à l’un quelconque de ses co-obligés quitte à celui-ci de retourner contre un troisième,
sa part réduite, et ainsi de suite. Le co-débiteur d’une dette solidaire, qui l’a payée en
entier, doit diviser son recours et ne peut répéter contre les autres que les parts et les
portions de chacun d’eux (art. 112, al. 1er).
Supposons cinq co-débiteurs solidaires et que l’un d’entre eux ait payé le total de
la dette se montant à 100.000 Fc, il ne pourra répéter contre les autres, les parts étant
supposées égales, que 10.000 Fc.
Ce principe de la division du recours est général et s’applique même au cas où le
co-débiteur se présenterait comme subrogé à l’action du créancier. En vain le solvens
prétendrait-il que, puisque le créancier avait pu poursuivre pour le tout les autres
débiteurs, il a pouvoir de forcer l’un quelconque d’entre eux de rembourser tout ce qui
excède sa propre part dans l’obligation. Ce point avait fait l’objet d’un controverse dans
l’ancien droit. Les auteurs du code civil y ont mis fin en décidant formellement et sans
distinction, dans l’art 112 al. 1er que le co-débiteur qui a payé ne peut réclamer à chacun
des autres que leurs parts contributives dans la dette. On a voulu ainsi éviter une série de
recours successifs.
Ce serait d’ailleurs une erreur de croire que ceci enlève tout intérêt à la
subrogation. Le débiteur qui a payé conserve le droit d’invoquer les autres sûretés de la
créance. Par exemple, il y a quatre co-débiteurs solidaires : A, B, C et D. B a hypothéqué
son immeuble à la dette commune. Si A paye la dette, il aura, grâce à la subrogation,
l’avantage de pouvoir invoquer, à l’appui de son recours pour un quart contre B,
l’hypothèque constituée sur l’immeuble de celui-ci pour garantie de la dette.
Insolvabilité d’un débiteur
A ce principe que le co-débiteur qui a payé ne peut répéter contre les autres que les
parts et portions de chacun d’eux, la loi apporte une très importante dérogation pour le
cas où parmi les débiteurs, il s’en trouve un ou plusieurs qui étaient insolvables au
moment de la dette. Il serait injuste de faire supporter au solvens le poids intégral de cette
insolvabilité.
Aussi, l’article 112, alinéa 2 du Code civil, livre III décide-t-il que la perte
qu’occasionne cette insolvabilité se répartit par contribution entre tous les autres co-
débiteurs solvables et celui qui a fait le paiement. Soit une dette de 100.000 Fc contractée
366
par cinq co-débiteurs. Supposons que le solvens ne puisse rien recouvrer contre l’un des
co-débiteurs, qui était insolvable au moment du paiement, il pourra réclamer 25.000 (et
non pas seulement 20.000 Fc à chacun des autres.
On applique ainsi, pour le calcul, la règle des trois simples. Les 20.000 Fc qui
devaient être payés par le débiteur insolvable seront répartis par contributions entre trois
autres débiteurs solvables et le débiteur qui a payé. Mais lorsque l’insolvabilité intervient
en cas de renonciation à l’action solidaire envers l’un des débiteurs, l’article 113 règle la
répartition proportionnelle de cette insolvabilité en la faisant supporter à la fois par les co-
débiteurs solvables et même par ceux qui étaient précédemment déjà déchargés de la
solidarité par le créancier.
Section 1 : Généralités
Lorsqu’il n’y a qu’un seul créancier et qu’un seul débiteur, la question de savoir si
l’obligation est divisible ou indivisible est pratiquement sans intérêt, car d’après l’article
142, al. 1er du Code civil, livre III, « le débiteur ne peut point forcer le créancier à recevoir
en partie le paiement d’une dette, même divisible ». L’article 118, première
phrase dispose: « L’obligation qui est susceptible de division doit être exécutée entre le
créancier et le débiteur comme si elle était indivisible. C’est la répétition du principe
inscrit dans l’article 142.
C’est seulement en cas de pluralité de débiteurs ou de la pluralité de créanciers
sans distinguer d’ailleurs selon que cette pluralité est initiale ou survenue après coup
qu’apparaît l’intérêt de l’indivisibilité. Ceci explique pourquoi avec tous les autres auteurs
modernes, nous ne nous occupons des obligations indivisibles qu’à propos de la pluralité
de débiteurs (matière qui fera l’objet du présent chapitre et de la pluralité de créanciers :
matière qui fera l’objet du chapitre suivant).
§2. Idée générale, rapprochement avec la solidarité passive
En cas de pluralité de débiteurs, l’indivisibilité comme la solidarité passive, fait
échec à la divisibilité de la dette et à ses conséquences dans les rapports de débiteurs avec
le créancier, mais l’une et l’autre ne le font pas dans la même mesure.
Ce qui distingue essentiellement et ce qui entraîne différence dans leurs effets,
c’est que la solidarité passive est voulue par les parties ou établie par la loi dans le but de
faciliter les poursuites au créancier et de le garantir contre l’insolvabilité de l’un des co-
débiteurs, tandis que l’indivisibilité, tout au moins dans sa notion originaire, est un
obstacle qui surgit en fait et procède de l’objet dû : elle n’a pas de but, étant fondée sur la
nature des choses (811).
§1. Définition
Dans sa notion originaire, l’indivisibilité a son fondement dans la nature des
choses et résulte d’un caractère inhérent à l’objet dû.
L’obligation indivisible est celle qui n’est susceptible d’exécution partielle parce
que la nature de l’objet est telle que cet objet ne peut être presté pour partie : c’est tout ou
rien. « Il y a des cas où l’esprit ne conçoit pas la possibilité d’une exécution partielle (art.
115). Par exemple : obligation de délivrer un animal vivant.
Dans d’autres cas, l’objet de l’obligation pourrait être promis par parties mais, tel
qu’il est dû, ne peut être presté partiellement (art. 116). Exemple : Obligation de construire
une maison, on pourrait comprendre que je m’adresse au maçon pour les murs, à un
charpentier pour les portes, à un ardoisier pour la toiture, mais si j’ai stipulé de deux
entrepreneurs, « une maison », il n’y a de maison que lorsqu’elle est construite en entier :
un tiers ou un quart de la maison ne me procurera pas un tiers ou un quart de l’utilité que
doit me procurer la prestation totale (812).
D’après la jurisprudence, quand deux co-propriétaires ont dans un contrat
d’entreprise souscrit une obligation à la fois le même jour dans le même acte sous
l’appellation commune « les propriétaires », cette obligation est indivisible (813).
§2. Effets de l’indivisibilité
Le principal effet de l’indivisibilité est indiqué par l’article 120 du Code civil, livre
III, aux termes duquel chacun des débiteurs d’une dette indivisible en est tenu pour le
total. Chacun des débiteurs pourra donc être poursuivi pour le tout.
En vertu de l’article 123 du Code civil, livre III, le débiteur assigné pour le total
peut demander un délai pour mettre en cause ses co-débiteurs et exiger qu’ils soient
condamnés au paiement en même temps que lui, à moins que la dette ne soit de nature à
ne pouvoir être acquittée que par lui. On reconnaît que, dans ce dernier cas, il jouirait
néanmoins de l’exception dilatoire prévue par l’article 27 du Code de procédure civile
pour faire mettre en cause ses co-débiteurs et faire statuer sur son recours contre eux.
L’effet principal de l’indivisibilité est ainsi le même que celui de la solidarité
passive mais, pour le surplus, l’indivisibilité provenant simplement de ce que la
prestation n’est pas susceptible d’exécution partielle, les effets sont mesurés sur cette
impossibilité. Nous allons voir qu’ils sont à certains égards moins étendus et à d’autres
égards plus étendus que ceux de la solidarité. Nous n’insisterons que sur les points les
plus importants.
I. Effets moins étendus
Les effets secondaires de la solidarité ne se produisent pas au cas d’indivisibilité
(sauf pour l’interruption de la prescription - Art 164 al.2 - ce qu’on peut expliquer
pratiquement par le souci de dispenser le créancier de faire des frais qui viendront
augmenter la charge de la dette). Cette différence tient à ce que, comme nous venons de le
dire, les effets de l’indivisibilité ne se produisent que dans la mesure où ils sont
inévitables, tandis que ceux de la solidarité ont été développés dans le sens de la plus
grande utilité pour le créancier (814).
II. Effets plus étendus
En cas de mort du débiteur d’une obligation indivisible, chacun des héritiers reste
pour le total (art. 121). Ceci tient à ce qu’il y a ici un obstacle insurmontable à la division
de la dette. Nous avons vu qu’au contraire, en cas de solidarité, la dette solidaire se divise
entre les héritiers d’un co-débiteur qui vient à décéder.
De là résulte que l’indivisibilité constitue en fait une garantie supérieure à la
solidarité : le créancier échappe par elle au péril de la division de la dette entre les
héritiers et ses co-débiteurs. Observation capitale car elle va nous servir à comprendre le
rôle que l’on fait jouer à l’indivisibilité conventionnelle dont il nous reste à parler. C’est
pourquoi nous avons indiqué les effets de l’indivisibilité avant de traiter de l’indivisibilité
conventionnelle.
815 Si le paiement ne peut avoir lieu alors pour partie, ce n’est point par suite d’une impossibilité inhérente à la prestation e lle-même et parce
qu’un pareil paiement dénaturerait l’objet de cette prestation, mais parce qu’il porterait atteinte aux droits du créancier f ondés sur la
volonté expresse ou tacite des contractants (Aubry & Capitant, op. cit., t.2, n°714) ; Liège, 20 janvier 1933, Pas. 1933.2.124.
816 Une telle clause ne constitue pas un acte sur succession future, pourvu qu’elle ne modifie pas la part que chacun
des héritiers du débiteur devra supporter définitivement dans la dette (Voir art. 119, dernier alinéa, in fine ; Colin &
Capitant, op. cit., t. 2, n° 714). Liège, 20 janvier 1933, Pas. 1933. 2. 124.
370
Fc. Primus meurt laissant cinq héritiers. Je pourrai réclamer à un quelconque de ces
héritiers 100.000 Fc. Si même Secundus et quatre héritiers sont insolvables, je pourrai me
faire payer intégralement par le seul héritier solvable.
Un mot de l’indivisibilité conventionnelle tacite : Elle est visée par l’article 199,
alinéa 5 du Code civil, livre III, dans lequel il faut omettre les mots « de la nature de
l’engagement » qui, de l’avis de tous les auteurs ne signifient rien, et les mots « de la chose
qui en fait l’objet » qui font double emploi avec l’article 115 du même Code; et s’attacher
uniquement aux mots de la fin qu’on s’est proposé dans le contrat. Nous dirons donc
l’intention des parties de rendre indivisible une obligation indivisible par son objet, peut
être présumée à raison de la fin qu’elles se sont proposées.
Voici l’exemple classique : se faire promettre une somme d’argent (prestation
essentiellement divisible) en indiquant que c’est pour exercer un réméré. Que le
promettant meure et que l’un de ses héritiers offre une partie de la somme promise, le
créancier ne retirerait pas de cette offre une utilité proportionnelle à celle qu’il entendait
retirer de l’exécution totale. Il lui faut la somme entière pour pouvoir exercer le réméré.
C’est pourquoi il pourra réclamer à l’un quelconque des héritiers la somme totale, qui lui
est nécessaire pour réaliser le but poursuivi.
371
372
200.000 FC A
50.000 FC A’ 500.000 Fc
B
150.000 FC A’’
100.000 FC A’’’
L’article 95 du Code civil, livre III nous donne à la fois la notion et les effets
juridiques de cette hypothèse : « L’obligation est solidaire entre plusieurs créanciers
lorsque le titre donne expressément à chacun d’eux le droit de demander le paiement du
total de la créance, et que le paiement fait à l’un d’eux libère le débiteur encore que le
bénéfice de l’obligation soit partageable et divisible entre les divers créanciers».
La solidarité entre créanciers peut résulter d’une convention ou d’un testament.
Cette solidarité qui permet à l’un des créanciers de demander au débiteur le total de la
dette, quoiqu’il ne soit pas seul créancier se rencontre rarement dans la pratique. Et cela se
comprend. On ne voit guère l’intérêt que peuvent avoir les créanciers à reconnaître le
droit d’exiger le paiement total et au contraire, on voit très bien le danger auquel ils
s’exposent ainsi, car ils courent le risque de voir l’un d’eux dissiper la somme et se rendre
insolvable après avoir touché le tout. Si le besoin s’en faisait sentir, il sera toujours temps
pour les créanciers de donner à l’un d’eux mandat de recevoir l’intégralité de la créance.
Le mandat n’offre pas les inconvénients de la solidarité active, il est révocable et ne passe
pas aux héritiers.
Les effets de la solidarité active sont les suivants :
1°. chaque créancier peut demander le paiement de la créance entière au débiteur
étant entendu que le paiement fait à l’un d’eux libère le débiteur (art. 95) ;
2°. tant qu’il n’est pas poursuivi, le débiteur peut payer au créancier qu’il lui plaît de
choisir (art. 96, al. 1er);
3°. l’interruption de prescription faite par l’un des créanciers profite à tous (art. 97);
On est d’accord pour étendre cette solution à la mise en demeure.
Mais le pouvoir de chaque créancier ne regarde que le recouvrement ou la
conservation de la créance commune. Il ne peut rien faire qui empire la situation des
374
autres. C’est ainsi que la remise de la dette qui est faite par l’un des créanciers solidaires
ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier (art. 96, al. 2).
La solidarité active n’empêche pas l’obligation d’être divisible entre les héritiers de
chaque créancier. Si donc, l’un des créanciers meurt laissant plusieurs héritiers, la créance
totale se divisera entre les héritiers et chacun d’eux ne pourra demander qu’une part dans
le total correspondant à sa part héréditaire (818).
Quand l’un des créanciers a touché le total, il doit en remettre la part à chacun de
ses co-créanciers, part déterminée d’après leur convention ou l’origine de leurs droits.
818 Aubry et Rau, op. cit., § 298 bis, note 5; Laurent,op. cit., t.17, n° 261
375
chacun n’aurait droit qu’à une quote part de la créance correspondant à son droit de
succession.
Sans doute en vertu de la liberté des conventions, on pourrait concevoir que les
parties stipulent l’indivisibilité de l’obligation au point de vue actif (indivisibilité
conventionnelle active) (819), mais il ne faut pas perdre de vue qu’une telle stipulation
offrirait plus de dangers que la solidarité active puisqu’elle permettrait, non seulement à
chaque créancier, mais encore à chaque héritier du créancier, de réclamer le total de la
créance, ce qui accroît davantage les dangers de dissipation de cette créance.
Introduction
1. Le siège de la matière est le chapitre VI du titre premier du livre III du code civil
congolais comprenant les articles 197 et 245 et subdivisé en cinq sections, précédées de
deux articles de portée générale, et intitulées respectivement : de la preuve littérale, de la
preuve testimoniale, des présomptions, de l’aveu de la partie, du serment.
2. Notion de la preuve
Prouver, c’est établir la vérité d’un fait contesté. En droit plus spécialement, c’est
établir la vérité d’un fait d’où découlent des conséquences juridiques.
3. Une première remarque introductive à l’étude de la preuve concerne l’intitulé de
ce chapitre IV.La rédaction de cet intitulé, qui est la suivante : « De la preuve des
obligations et de celle du paiement », semble indiquer que les articles groupés dans ce
chapitre ne visent que les obligations et le paiement. La doctrine et la jurisprudence sont
unanimes à estimer que ces articles s’appliquent à la preuve civile dans son ensemble, et
même à l’administration de la preuve dans tous les domaines du droit écrit.
4. Définition de la preuve
En droit, l’on entend par preuve, les éléments que les parties sont autorisées à
soumettre au juge pour entraîner la conviction de celui-ci et pour établir le fondement
d’une prétention. Ce qui doit être prouvé en justice, ce sont les faits matériels ou
juridiques qui servent de base à la prétention dont on veut établir le fondement. Ce n’est
pas la règle de droit.
5. Une autre remarque concerne ce qu’on appelle la charge de la preuve, c’est-à-
dire le point de savoir qui doit faire, apporter la preuve. Le principe, à cet égard, est
énoncé par l’article 197 du Code civil, livre III: « Celui qui réclame l’exécution d’une
obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui
a produit l’extinction de l’obligation » (821). Ce principe peut être distingué en deux règles:
d’une part, la charge de la preuve incombe à la personne qui invoque un fait contraire,
soit à l’état normal des choses, soit à une situation acquise. En voici un exemple :
normalement les individus sont libres des dettes ; celui donc qui prétend avoir une
créance contre un autre individu devra en faire la preuve. Autre exemple : la personne qui
820 Graulich, Manuel de droit civil ; Dekkers (R), Précis de droit civil belge, t. 2, Bruxelles 1955 ; Sohier (A), Droit civil du
Congo belge, dans les Novelles Droit colonial, t.IV, Bruxelles, 1948, pp. 212-220 ; Golot (P), « La force probante
des notariés dressés dans la colonie », RJC, 1954, pp. 181-193 ; Orban (P), Contrats et obligations, in A. Sohier,
Droit civil du Congo belge, t.II, Bruxelles 1956, n° 684 - 698.
821 V.l’application de cette règle par L’shi, 29 octobre 1968, RJC 1969, p. 5 ; 1er décembre 1970, RJC 1971, p. 33.
377
occupe un terrain n’est jamais tenue de prouver qu’elle occupe légitimement le terrain.
Elle peut attendre que son adversaire démontre le contraire. En effet, il est logique de
supposer que l’apparence (Ici, l’apparence de légitimité dans l’occupation du terrain)
correspond à la réalité.
D’autre part, la charge de la preuve est déterminée par le rôle des parties devant le
tribunal. C’est ce qu’expriment deux adages latins : « Actori incumbit onus probandi »,
c’est-à-dire « la charge de la preuve incombe au demandeur », et « Reus in excipiendo fit
actor », c’est-à-dire : « le défendeur, en soulevant une exception, devient demandeur (au
point de vue de la preuve).
6. Attitude du juge
Deux principes fixent l’attitude qui s’impose au juge, dans le domaine de la
preuve, en droit civil.
1° Le juge ne peut former sa conviction que d’après les procédés de preuve légaux,
c’est-à-dire indiqués par la loi. C’est la mise en oeuvre du système de la preuve
réglementaire. Il en résulte que le juge ne peut former conviction d’après la connaissance
personnelle qu’il aurait des faits; il ne peut statuer que sur des éléments qui ont fait l’objet
d’une preuve légale.
2° En principe, le juge reste passif dans le débat sur la preuve ; il écoute les parties,
il apprécie les moyens qu’elles lui apportent : c’est que l’on appelle le principe de la
neutralité du juge. Toutefois, ce principe est beaucoup moins rigide que le premier.
Ainsi le juge peut être actif et ordonner certaines mesures propres à préciser ou à
compléter la preuve : descente sur les lieux, expertise, enquête, etc. Il peut, selon la
jurisprudence, ordonner à une des parties de produire des pièces qu’elle a en sa
possession et qu’elle n’invoque pas, lorsque cette mesure s’avère utile pour établir la
vérité et permettre une juste solution du litige lui soumis(822).
Une autre remarque concerne le formalisme légal de la preuve civile. Il faut en
effet savoir qu’en droit congolais, l’administration de la preuve n’est pas absolument
libre. Dans les sociétés primitives, on appliquait le système dit de la preuve libre, qui
consistait à admettre la preuve par tous les moyens possibles, dès l’instant où ils
paraissaient susceptibles d’entraîner la conviction du juge. En droit écrit congolais, ce
système ne subsiste plus qu’en matière pénale. En matière civile, au contraire, le
législateur y a substitué le système dit de la preuve légale, dans lequel les procédés de
preuve sont réglementés par la loi et hiérarchisés. C’est pourquoi l’on dit que la preuve
civile est formaliste; elle ne peut être administrée que dans des formes prédéterminées par
la loi.
7. Plan
Les procédés de preuve, encore appelés modes de preuve, sont classés par l’article
198 du Code civil, livre III en cinq catégories. Chaque section du chapitre VI du titre
premier, livre III se consacre à une de ces catégories. A la suite du Code, nous étudierons
successivement, après les constatations matérielles (chapitre I), la preuve par écrit
(chapitre II), la preuve par témoins (chapitre III), la preuve par présomption (chapitre IV),
l’aveu (chapitre V) et le serment (Chapitre VI).
379
380
Avant d’aborder la preuve par écrit, une note doit être ajoutée concernant les
constatations matérielles. C’est que les cinq modes de preuve dont l’énumération vient
d’être faite, ne s’appliquent qu’aux faits et actes juridiques. En dehors de ceux-ci, il arrive
que les parties allèguent des faits purement matériels.
Dans pareil cas, la preuve de ces faits peut être administrée par la constatation
matérielle (ou directe) à laquelle procède, soit le juge lui-même, soit, s’il s’agit d’une
question technique, un homme de l’art, appelé expert. Les constatations matérielles ne
sont pas des procédures prévues par le Code de procédure civile, notamment la descente
sur les lieux et l’expertise.
Ainsi jugé que si le responsable d’un accident omet de donner suite à une
sommation l’invitant à assister à l’expertise d’un véhicule accidenté, il ne peut faire état de
sa carence pour se prévaloir du caractère unilatéral de l’expertise effectuée hors de sa
présence et le juge peut avoir égard à cette expertise unilatérale si l’expert offre des
garanties suffisantes de compétence et de sincérité (823).
La preuve littérale est celle qui résulte des écrits dressés en vue de servir de
preuve : ce sont les actes ou titres. On l’appelle aussi préconstituée parce qu’elle est établie
d’avance en dehors de toute contestation et par pure précaution. La preuve écrite est
toujours admise en justice.
La preuve écrite comporte deux grandes catégories : les actes authentiques et les
actes sous-seing privés.
Ces deux sortes d’actes comportent la signature des parties. Ce n’est
qu’exceptionnellement que les écrits non signés peuvent servir de preuve. Nous parlerons
donc, en premier lieu, des actes authentiques et des actes sous-seing privé, en second lieu,
nous traiterons des actes récognitifs et confirmatifs, enfin, en troisième lieu, nous verrons
quels sont les écrits non signés qui peuvent être invoqués comme preuve.
§1. Définition
L’acte authentique est celui qui est reçu par un officier public dans les lieux et dans
les cas où la loi lui permet d’instrumenter et avec formalités requises (art. 199 du Code
civil, livre III). Quand il s’agit de contrats entre particuliers, c’est généralement le notaire
qui intervient comme officier public. L’acte authentique se dénomme dans ce cas « acte
notarié ».
L’acte sous-seing privé est celui qui est rédigé par des particuliers (parties elles-
mêmes ou mandataires). En principe, les actes juridiques peuvent être constatés par l’un
ou l’autre mode. Toutefois, certains actes ne peuvent être constatés que par un acte
authentique, sous peine de nullité de l’acte juridique lui-même. Ce sont les actes
solennels.
§2. Différences entre actes authentiques et actes sous seing privé
I. Quant aux formalités de rédaction
A. Actes authentiques
Les actes authentiques sont soumis à des formes nombreuses, qui ont pour but
d’en assurer la régularité et la véracité. Elles sont généralement nées par la nullité.
Ces formes, pour les actes notariés, concernent :
1°. la compétence territoriale et personnelle du notaire;
2°. la capacité du notaire;
3°. les formalités instrumentaires ou de la rédaction de l’acte.
383
Ces formalités ont été réglées minutieusement par la loi du 25 ventôse an XI, dont
l’ordonnance-loi n° 66/344 du 9 juin 1966 (824) continue de s’inspirer.
Les principales sont les suivantes :
1°. l’acte est soumis à un droit perçu au profit du trésor (art. 13);
2°. il doit être rédigé en un seul contexte, sans blancs ni interlignes (art. 7);
3°. il doit être signé des parties après qu’il leur en a donné lecture (art. 6);
4°. il doit porter la signature du notaire (art. 6).
Effets de l’acte authentique nul
On a vu que la preuve était indépendante du droit; la nullité de l’instrumentum
n’entraîne pas celle du negotium sauf à l’égard des actes solennels. Ainsi, la question
s’est-elle posée de savoir si le titre, nul comme authentique ne peut valoir comme acte
sous seing privé. L’article 200 du Code civil, livre III répond affirmativement. Mais malgré
ses termes généreux, il faut distinguer. S’il s’agissait d’un negotium qui ne pouvait se
réaliser que par acte authentique (acte solennel), le titre demeurera sans aucun effet; dans
les autres cas, le titre vaut comme écriture privée s’il a été signé des parties.
Deux observations sont à faire quant à ce denier point. D’une part, le titre nul doit
à tout le moins se présenter avec les caractères extérieurs de l’authenticité, c’est pourquoi,
on exige qu’il porte la signature du notaire sans laquelle il ne vaudrait comme écriture
sous seing privé que dans les conditions du droit commun (art. 207 et 208 du Code civil,
livre III). Autrement, l’article 200 serait inutile et n’exprimerait guère qu’une naïveté.
B. Actes sous-seing privé
Sous réserve de deux exceptions que nous examinons ci-dessous, ces actes
n’exigent aucune formalité de rédaction particulière. Un seul élément est indispensable :
la signature de l’auteur ou des auteurs de l’acte. Il s’agit d’un trait manuscrit et permanent
caractéristique de son auteur. De là, son nom, la signature doit se mettre à la fin de l’acte.
Par suite, l’apposition d’une croix, d’un sceau ou d’une griffe au bas d’un acte est
dépourvue de toute valeur (825). Un tel acte ne vaudrait même pas commencement de
preuve par écrit.
De même, l’acte portant au lieu de signature, une empreinte digitale même avec
attestation signée d’un témoin que cette empreinte a été apposée par l’auteur prétendu, ne
constitue pas un acte de preuve par écrit (826).
La Cour suprême de justice dans l’arrêt RC 44 a fait évoluer la jurisprudence en
décidant le 4 avril 1973 que les empreintes digitales peuvent dans certains cas être
équipollentes à la signature manuscrite et servir ainsi à déterminer l’auteur des actes sur
lesquels elles sont apposées, encore faut-il que leur auteur ne sache pas écrire ou soit dans
l’impossibilité d’écrire (827)
Formes particulières à certains actes sous seing privé
1. Actes constatant un contrat synallagmatique
L’article 207 du Code civil, livre III contient deux règles :
a) les titres sous seing privé constatant des contrats synallagmatiques doivent être
rédigés en autant d’exemplaires qu’il y a des parties ayant des intérêts distincts ou
plusieurs exactement opposés (828) ;
On appelle cette formalité « Formalité du double », parce que la plupart du temps,
il n’y a en cause que deux parties. Le but de cette disposition est de maintenir l’égalité
entre les parties au point de vue de la preuve. Chacune des parties pourra invoquer ses
droits sans avoir à réclamer de titre à celle qui les détiendrait. On voit par là que chacun
des titres a valeur d’original ainsi que le dit le texte.
b) chaque original doit contenir la mention du nombre d’originaux dressés.
Autrement dit, une partie, en détruisant ou cachant son original, réduirait à néant la
valeur des autres.
Sanction
Est nul en tant que mode de preuve d’un contrat synallagmatique conclu entre
deux parties, l’acte sous seing privé qui ne comporte pas la mention qu’il a été rédigé en
double original (829). Ainsi, donc l’instrumentum est frappé de nullité et non le negotium.
Celui-ci pourra donc éventuellement être établi par d’autres modes si ces modes sont
admissibles (830).
L’article 207 in fine contient un tempérament : celui qui a exécuté la convention ne
peut plus se prévaloir du défaut de la formalité. On peut y voir une sorte de confirmation.
La nullité est également couverte quand tous les originaux sont représentés, la certitude
de leur rédaction est alors complète.
L’acte nul pourrait servir de commencement de preuve par écrit. Il serait logique
de refuser toute valeur à un acte non conforme aux prescriptions de la loi, d’autant plus
qu’admettre celui-ci comme adminicule de preuve apparaît comme assez contraire à
l’égalité des parties. C’est cependant, la solution contraire qu’admet la jurisprudence qui
est définitivement établie aujourd’hui en ce sens (831).
Portée de la règle
La portée de l’article 207 du Code civil, livre III est limitée par certains
tempéraments :
1°. il ne s’applique pas aux contrats synallagmatiques dits « imparfaits » qui
n’engendrent qu’une obligation principale unilatérale;
2°. il ne s’applique pas non plus pour un motif analogue aux contrats
synallagmatiques déjà exécutés par l’une des parties, quand l’écrit est dressé (832);
3°. on peut éluder la formalité du double en déposant un seul original entre les
mains d’un tiers chargé de le conserver dans l’intérêt commun des parties.
4°. on peut choisir, pour cet office, un notaire qui conservera le titre officieusement.
5°. l’article 207 ne s’applique pas aux conventions constatées par lettres missives;
6°. enfin, ces prescriptions sont étrangères à la preuve des actes commerciaux (833).
2. Promesses unilatérales de sommes d’argent ou de choses appréciables en argent
(c’est-à-dire en qualité, kg, litre...)
La loi n’interdit pas en principe les actes sous seing privé en blanc-seing, c’est-à-
dire signés d’avance avant la rédaction de l’écrit. Toutefois, afin d’en éviter les abus, elle
édite en son article 208 une règle spéciale pour les promesses unilatérales de sommes
d’argent ou de choses appréciables en argent.
Règle
L’acte doit ou bien être écrit en entier de la main du souscripteur, ou bien porter la
mention « bon pour » ou « approuvé pour » avec le montant de la somme en toutes lettres
en plus de la signature. Il arrive parfois que l’on souscrive à des promesses indéterminées
dans leur montant. Des formalités du « bon pour » n’empêchent pas de tels engagements
mais il doit résulter de la formalité que le souscripteur sera rendu un compte exact de
l’étendue possible de son obligation. Entre marchands, en particulier, la formalité du
« bon pour » ou « approuvé pour » n’est pas de rigueur lorsqu’il s’agit de billet ou de
promesse sous seing privé contenant engagement d’une seule partie envers une autre (834).
S’il y a plusieurs débiteurs, chacun d’eux doit accomplir la formalité. L’objet de la
règle est uniquement les reconnaissances des sommes ou des choses qui s’estiment au
poids, au nombre,ou à la mesure. Dans la pratique, on l’a étendue à certains autres actes,
notamment contrats et procurations (bon pour). Cette extension est sans base légale.
L’exigence de l’indication de la somme en toutes lettres s’explique par le fait qu’il est
beaucoup plus facile de falsifier des chiffres que des lettres.
Sanctions
C’est la nullité mais celle-ci comme dans le cas précédent, frappe exclusivement
l’acte instrumentaire. Les autres modes de preuve admissibles pourront donc être
employés et même l’écrit irrégulier vaudra comme commencement de preuve par écrit.
Désaccord entre l’acte et le « bon pour »
Aux termes de l’article 209 du Code civil, livre III, lorsque la somme exprimée au
corps de l’acte est différente de celle exprimée au bon, l’obligation est présumée n’être que
de la somme moindre ; lors même que l’acte ainsi que le bon sont écrits en entier de la
main de celui qui s’est obligé, à moins qu’il ne soit prouvé de quel côté est l’erreur. Il
convient de comparer la solution retenue par cette disposition avec celle de l’article 60 du
Code civil, livre III qui édicte que dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui
l’a stipulée, en faveur de celui qui a contracté l’obligation.
Exceptions
L’article 208 du Code civil, livre III dispense certaines personnes de la formalité.
Ce sont d’abord les marchands, c’est-à-dire les commerçants. La raison historique
est que la rapidité des affaires commerciales s’accommode mal des formalités de
rédaction. Ce motif conduirait, comme cela avait lieu dans l’ancien droit à n’exempter les
marchands que pour les opérations commerciales(835). Les auteurs modernes fondent
souvent la règle sur un autre motif : les marchands seraient exemptés de la formalité parce
qu’ils sont assez fins pour ne pas se laisser tromper.
On étendrait alors l’exception à tous les engagements tant civils que
commerciaux(836).
Ce sont ensuite les laboureurs, vignerons, artisans, gens de journée et de service.
Cette exception, qui existait déjà dans l’ancien droit, a été conservée dans le Code civil
pour la raison qui l’avait fait introduire auparavant : les personnes en question étaient
presque toujours illettrées.
II. Quant à la force exécutoire
1. Règle
Les actes authentiques ont la force exécutoire, les actes sous seing privé ne l’ont
pas. On appelle force exécutoire d’un titre la faculté qu’il donne à son titulaire de recourir
à l’exécution forcée de plano, sans recours préalable à la justice. Elle résulte de
l’apposition sur le titre de la formule exécutoire, c’est-à-dire d’une injonction faite par le
chef de l’Etat aux agents de la Force publique, notamment aux huissiers, de procéder à
cette exécution quand ils en sont requis.
Les notaires ont le droit d’apposer sur les actes qu’ils dressent pour relater des
obligations, la formule exécutoire (837), le créancier muni d’un acte notarié peut donc de
plano procéder, faute de paiement ponctuel, à la saisie des biens de son débiteur.
Le porteur d’un acte sous-seing privé doit au contraire s’adresser à la justice pour
obtenir une condamnation de son débiteur, c’est-à-dire « prendre un jugement » qui sera
revêtu de la formule exécutoire.
Notons que la formule exécutoire n’est pas apposée sur la « minute » (original de
l’acte, de « minutis litteris ») mais sur la première « expédition » (copie officielle) appelée
« grosse » (de grossoyer, écrire en grosse lettre).
III. Quant à la force probante
Par force probante d’un élément de preuve, par exemple d’un écrit, l’on entend
l’aptitude présentée par cet élément de prouver les faits et les actes qu’il vise. La force
probante des écrits doit être appréciée à trois points de vue différents. Lorsqu’un écrit est
proposé au juge en guise de preuve, le juge doit se poser, à propos de cet écrit, trois
questions :
1°. L’écrit émane-t-il réellement de la personne dont il se réclame ? S’il s’agit d’un
acte authentique, a-t-il été rédigé par la personne publique compétente qui
affirme, dans l’acte, l’avoir rédigé ? S’il s’agit d’un acte sous seing privé, a-t-il été
rédigé par la personne privée dont il porte la signature ? C’est le point de vue de
l’origine de l’acte.
2°. Le contenu de l’écrit, c’est-à-dire le texte qu’il porte, traduit-il exactement ce qui a
été convenu entre les parties ? Cette relation ne déforme-t-elle pas la réalité des
faits tels qu’ils se sont passés ? C’est le point de vue contenu de l’acte.
3°. La date que porte l’écrit est-elle bien celle de sa rédaction ? Cette troisième
question entre logiquement dans les termes de la deuxième. Si on la traite
distinctement, c’est parce que la loi consacre des règles particulières à la preuve
de la date. C’est le point de vue de la date de l’acte.
Notons, avant d’aller plus loin, que tous les documents produits en photocopies
par les parties à la cause ne possèdent aucune valeur probante (838).
Voyons donc comment ces actes font foi sur ces trois éléments.
A. Origine de l’acte
Il y a lieu de distinguer l’acte authentique et l’acte sous seing privé.
1. Acte authentique
Aucune disposition de la loi ne fixe l’autorité avec laquelle l’acte authentique fait
preuve de son origine. Aussi, est-ce le droit commun qui règle le point de savoir par quel
Par contre, constituent des mentions énonciatives les couleurs de leurs yeux, les
habits ... et toutes autres mentions n’ayant pas des rapports directs avec le contenu de
l’acte. Ces mentions constituent de simples commencements de preuve.
2. Acte sous seing privé
Des dispositions combinées des articles 201 et 204 du Code civil, livre III, il résulte
que deux hypothèses doivent être distinguées. Ou bien l’acte sous seing privé est reconnu
en justice ou légalement tenu pour tel. Dans ce cas, la force probante des mentions qu’il
porte est identique à celle des mentions principales de l’acte authentique. Il en découle
que ces mentions prouvent les faits et les actes qu’elles relatent jusqu’à preuve littérale
contraire.
Cette preuve littérale contraire sera administrée par la production en justice, soit
d’un acte authentique, soit d’un autre acte sous seing privé reconnu.
Ou bien l’acte sous seing privé est désavoué par la personne à laquelle on l’oppose.
Dans ce cas, il perd toute force probante et ne peut plus faire preuve de son origine, ni de
son contenu ou de quelque autre élément que ce soit.
Il faut souligner avec force que la preuve contraire tant pour l’acte authentique que
pour l’acte sous-seing privé doit être littérale. La procédure de l’inscription en faux
valable en droit belge n’est pas organisée en droit congolais.
C. Date de l’acte
1. Acte authentique
La date fait partie de la convention que l’acte authentique prouve aux termes de
l’article 201 du Code civil, livre III, jusqu’à preuve littérale contraire. Seule par
conséquent, la production en justice, soit d’un acte authentique, soit d’un acte sous seing
privé reconnu, pourra établir la fausseté de la date que porte l’acte authentique.
2. Acte sous seing privé
La situation, à l’égard de l’acte sous-seing privé, se présente différemment selon
que l’on envisage la force probante de l’acte entre parties ou à l’égard des tiers.
a) Entre parties
Entre parties, la date de l’acte sous seing privé est traitée comme l’une des clauses
de la convention que l’acte renferme (839). Il en résulte que deux cas doivent être
distingués. Si l’acte sous seing privé est reconnu ou légalement tenu pour tel, la date qu’il
porte est établie, aux termes des articles 201 et 204 combinés, jusqu’à preuve littérale
contraire. La conséquence en est que ni les témoins, ni les présomptions ne peuvent être
invoqués contre la date ainsi constatée. Si au contraire l’acte n’est pas reconnu, la date
qu’il porte se voit privée de quelque autorité que ce soit.
839 En ce sens, 1ère inst. Elis, 20 octobre 1938, RJCB, 1939, p. 118.
390
1°. les ayants cause à titre particulier des contractants. Ceux-ci doivent subir l’effet
de certains actes passés par leur auteur avant l’acquisition (art. 399);
2°. les créanciers chirographaires des contractants lorsqu’ils invoquent contre
l’auteur de l’acte, un droit propre qu’ils tiennent de la loi et non de lui.
Exception à la règle de l’article 210
L’article 210 reçoit plusieurs limitations :
1°. de nombreux actes juridiques voient leur date établie par des modes légaux
différents : cession de créance (art. 353), transmission de meubles corporels,
tradition (art. 39 et 658); cession de brevet d’invention;
2°. l’article 210 ne s’applique pas aux testaments;
3°. il ne s’applique pas non plus, en vertu de la tradition, aux quittances;
4°. il est toujours loisible aux tiers de renoncer au bénéfice de l’article 210 qui n’est
pas d’ordre public (842);
5°. il est étrange aux matières commerciales, l’article 9 du décret du 2 août 1913 ne
reproduisant pas sa disposition;
6°. enfin, un tiers de mauvaise foi ne peut s’en prévaloir.
Il convient au surplus de remarquer que l’article 210 du Code civil, livre III ne
s’applique pas aux actes formant de simple commencement de preuve par écrit.
Toutefois, si les actes récognitifs avaient une grande importance dans l’ancien
droit, à cause des nombreuses rentes perpétuelles, ils ont perdu aujourd’hui presque tout
intérêt pratique.
La valeur probante des actes récognitifs est traditionnellement réglée par la
distinction suivante :
1°. si l’acte récognitif relate spécialement la teneur de l’acte primordial, il
équivaudra à ce dernier (ar.t 215, al.1er). Observons qu’il sera délicat de
reconnaître si les parties ont entendu faire un acte récognitif ou une novation.
Dans ce dernier cas, l’acte prétendument récognitif serait en réalité un acte
primordial;
2°. si l’acte récognitif ne relate pas la teneur de l’acte primordial, il ne vaudra que
commencement de preuve par écrit.
On mentionnera toutefois l’hypothèse rarissime prévue par l’article 215, alinéa 3
du Code civil, livre III : « Néanmoins, s’il y avait plusieurs reconnaissances conformes,
soutenues de la possession, et dont l’une eût trente ans de date, le créancier pourrait être
dispensé de représenter le titre primordial ».
Il est essentiel d’observer que le titre récognitif n’a jamais de valeur que quand le
titre primordial est perdu. Jamais un titre recognitif ne dispense de reproduire l’acte
primordial, quand celui-ci existe encore. Le titre récognitif n’aura alors que la seule portée
d’interrompre la prescription.
II. Actes confirmatifs
La théorie générale de la confirmation est énoncée par l’article 216 du Code civil,
livre III (843). Cette question a déjà été abordée précédemment lors de l’examen de la
nullité des contrats.
exclusivement dans les règlements de comptes entre co-héritiers qu’on les voit
invoquer(847).
§3. Ecritures mises par le créancier sur le titre
La loi (art. 214 du Code civil, livre III) envisage ici les énonciations écrites émanant
du créancier, mais non signées de lui. Si ces énonciations tendent à établir la libération du
débiteur, elles font foi, de manière suivante :
1°. écrites sur un titre resté toujours en possession du créancier, elles font foi sauf
preuve contraire, d’après la jurisprudence au profit du débiteur. On remarquera
que le procédé est mauvais : comment prouver que le titre est toujours resté aux
mains du créancier ?
2°. écrites sur le double d’un titre ou sur une quittance qui se trouve aux mains du
débiteur, elles font foi en faveur de ce dernier (848).
§4. Tailles conformes à leurs échantillons
Il s’agit d’un procédé de preuve primitif et rudimentaire de moins en moins usité.
Un fournisseur, un boulanger, par exemple, et son client possèdent chacun un bâtonnet,
celui du fournisseur s’appelle la taille, celui du client échantillon. A chaque fourniture,
une encoche est taillée au couteau dans chaque bâtonnet. La corrélation exacte des
encoches fait preuve (art. 1333 du Code Napoléon inexistant en droit congolais). Cela ne
s’applique qu’au commerce de détail.
§5. Copies, photocopies, écrits sur carbones et télégrammes
Il existe un certain nombre d’écrits non signés par les parties qui relatent des faits
juridiques dont on peut étudier la force probante : il s’agit des copies de document, des
écrits sur carbones, des télégrammes.
I. Copies et photocopies, copies sur carbones
Ces écrits ne sont pas des actes sous seing privé tant qu’ils ne portent pas la
signature de leurs auteurs. Ils n’ont par conséquent pas la force probante d’un acte sous
seing privé. Ils peuvent éventuellement servir de renseignement voire de commencement
de preuve par écrit.
II. Télégrammes, télex
Quant aux télégrammes, ils ne sont pas l’œuvre de leurs auteurs. Ils sont rédigés
par les agents de la poste et parfois pas et, ils reproduisent les messages des clients. Ils
n’ont rien d’un acte sous seing privé.
§1. Définition
On appelle preuve testimoniale celle qui se réalise par les déclarations des
personnes qui relatent les faits dont elles ont eu personnellement connaissance (Ex
propriis sensibus).
§2. Historique
La preuve testimoniale a une importance énorme en droit pénal. Il en a été
longtemps de même en droit civil. « Témoins passent lettres », dit un très ancien adage.
Le déclin de la preuve testimoniale est liée à une double évolution :
1°. d’abord le progrès lent mais continu de l’instruction et de l’écriture;
2°. ensuite la disparition progressive du formalisme dans la créative des actes
juridiques. Les formes solennelles primitives avaient, on le sait, pour raison
d’être, de bien fixer dans la mémoire des témoins le souvenir de l’acte, de sa date,
de ses modalités. Quand les contrats se formèrent solo consensus, la preuve
testimoniale devint très dangereuse, non seulement à cause de la possibilité
beaucoup plus grande de suborner les témoins, mais aussi et surtout parce qu’on
ne pouvait plus accorder la même foi à des personnes dont l’attention n’avait pu,
le plus souvent, qu’être médiocrement ou incomplètement portée sur le
processus d’élaboration du contrat.
Ces raisons jointes au motif plus général, que l’exigence d’un écrit supprimerait de
nombreux procès, sont à la base de l’ordonnance de Moulin (1566), dont la disposition,
répétée dans la grande ordonnance de 1667 a été presque textuellement reproduite dans
notre article 217. A partir de cette époque, l’adage se renversa et devint « Lettre passent
témoins ». Il convient de remarquer que dans nos milieux traditionnels les témoins jouent
encore un rôle prépondérant à cause de l’ignorance de l’écriture.
Le témoignage est normalement oral, les déclarations des témoins sont reçues
tantôt à l’audience, ce qui est de règle en matière pénale (audition de témoins), tantôt hors
de l’audience, par un juge commis, selon une procédure réglée dans tous les détails, par le
Code de procédure civile (art. 29et s) et appelée « enquête ».
Les témoignages peuvent aussi être écrits : récit d’un événement dans une lettre
missive, certificats divers donnés par des hommes de l’art, constats d’huissier, dressés à la
397
requête des particuliers et qui n’ont d’autres valeurs particulières que celles que confère
au témoignage la qualité de son auteur. Tels sont les actes de notoriété dont parle le Code
civil à plusieurs reprises.
On admet aussi la production devant un juge civil d’un dossier pénal, aux fins
d’utiliser les témoignages qui y sont contenus.
849 Cass. fr., 2 janvier 1940, DH 1940, 89 ; 1ère inst. Elis, 21 août 1941, RJCB, p. 20 et 29 août 1941, RJC, 1943, p.26
850 V. par ex. art. 1415 du Code Napoléon.
851 V. à ce sujet la réforme monétaire de 1967 selon laquelle 1.000 francs congolais égalent 1 zaïre.
398
Pour que cette règle puisse s’appliquer, deux conditions sont nécessaires : la
première relative à la matière du litige, la seconde, à la valeur du litige.
A. Matière du litige
Les mots « de toutes choses » prévus à l’article 217 du Code civil, livre III ne visent
pas seulement les conditions, mais tous les actes juridiques unilatéraux ou bilatéraux à
l’exclusion des faits ou actes matériels, c’est-à-dire ceux qui ne font naître
qu’accidentellement des effets de droit (Ex: ivresse, démence réelle ou prétendue du
contractant). Précisons encore qu’il ne s’agit que des actes juridiques du domaine
patrimonial. Les actes du droit de la famille et de l’état des personnes obéissent à des
règles propres (852).
B. Valeur du litige
1° Maximum fixé par l’article 217
Cet article portait primitivement le chiffre de 150 francs. Ce chiffre fut porté à 1.500
par la loi du 14 avril 1938 et est actuellement de 2.000 francs depuis le décret du 16 juin
1947. Ce montant équivaut à 2 zaïres depuis la réforme monétaire de 1967. Il paraît
aujourd’hui minime, et devrait être augmenté (853). Cette valeur en droit belge est
aujourd’hui fixée à 375 euros par l’article 1341 du code civil.
2° Evaluation de l’objet du litige
Principe
C’est au moment de l’acte et non au moment du procès qu’il faut se placer. Cela
résulte du texte même de l’article 217, la loi ne dit pas au juge d’écarter la preuve
testimoniale pour tout litige dont la valeur excède 2000 francs. Elle enjoint aux parties de
« dresser un acte » pour tout acte excédant cette somme. Or, c’est au moment de la
conclusion de cet acte qu’elles doivent dresser un écrit.
Conséquences de ce principe
Si au moment de l’acte, la chose avait une valeur inférieure à 2000 francs, la preuve
testimoniale serait admise alors même qu’au moment du litige, elle aurait acquis une
valeur supérieure. Exemple : Dépôt d’une obligation à lot de 100 francs. Cette obligation
sert au tirage remboursable par la somme de 1000 francs. La preuve testimoniale sera
admise pour réclamer le paiement du lot attribué à l’obligation.
Si au moment de l’acte la chose avait une valeur supérieure à deux mille francs, la
preuve par témoins sera rejetée alors même que le litige ne porterait plus que sur une
somme inférieure à 2000 francs (art. 220). Ex : Reliquat d’une créance.
852 Cass., b. 24 janvier. 1889, Pas. 1889, I, 93 De Page (H), op. cit., t.3 n° 710 et s.
853 Sur la valeur du litige et l’interdiction de la preuve par témoins, v. Elis, 22 mars 1947, RJCB 1947, p. 92 ; Léo., 25
février 1947, RJCB 1948, p. 10.
399
Par contre, la règle s’applique aux actes juridiques postérieurs qui auraient modifié
la teneur d’une convention. Tel est le sens des mots « depuis les actes » dans notre article
217 (Ex : Convention conditionnelle, novation, ect.).
Caractère de l’article 217
L’article 217 est d’ordre public d’après la doctrine qui se fonde sur le but de
l’article qui serait surtout de supprimer des procès. Mais la jurisprudence française et
belge sont en sens contraire (854). Il en est de même de la jurisprudence congolaise qui
estime que les parties sont libres de convenir que la preuve testimoniale pourra être
admise dans les affaires dont le taux dépasse le taux légal (855).
Exceptions aux deux règles de l’article 217
Quatre grandes exceptions atténuent les principes rigoureux de l’article 217 du
Code civil, livre III et autorisent la preuve testimoniale des actes juridiques.
A. Matières commerciales
Comme l’annonce l’article 217 in fine, ses principes ne s’appliquent pas en matière
commerciale (art. 9 du décret du 2 août 1913). Signalons toutefois que certains contrats
importants du droit commercial doivent être rédigés par écrit. Ex : Le contrat de société
(856).
On rencontre cependant des opinions jurisprudentielles qui estiment que « la loi
permet d’établir autrement que par écrit l’existence d’un contrat de société » mais elles
ajoutent que si en pareil cas, la preuve testimoniale est recevable, le tribunal décide
souverainement s’il y a lieu ou non de l’admettre (857).
Et la jurisprudence décide que la preuve par témoins, à défaut d’écrit ou de
commencement de preuve par écrit d’actes juridiques excédant deux francs, en matière
commerciale doit être refusée lorsqu’il s’agit de faits juridiques importants, dont la preuve
littérale a été possible et est d’usage (858).
B. Commencement de preuve par écrit (art. 223)
On entend par là un écrit, au sens large du mot, émané de la personne contre
laquelle on l’invoque et rendant vraisemblable le fait allégué, tels sont, par exemple, une
lettre missive, un projet d’acte signé.
La jurisprudence a considérablement élargi la notion du commencement de
preuve par écrit, y incluant notamment le chèque. La question de savoir si l’acte écrit
854 Cass. b. 1er juillet 1926, Pas. 1927, t.I, 37 ; 6 janvier 1927, Pas. 1927, I. 119 ; 21 septembre 1950, Pas. 1954, I. 8.
855 Elis, 14 juin 1960, RJC, p. 232.
856 Article 2 du décret du 27 février 1887 (Codes Piron t.I, p. 285) tel que modifié par le décret-loi du 19 septembre
1965 (MC 1965, p. 1036).
857 1ère inst. Elis 22 décembre 1938, RJCB 1939, p. 151 ; Lubumbashi, 29 décembre 1972, RJZ 1973, p. 85.
858 Léo, 7 avril 1956, p. 341, 1ère Inst. Elis, 5 avril 1957, RJCB 1957, p. 326.Rapprocher Kinshasa, 29 décembre 1966,
RJC 1967, p. 123
401
Les présomptions, dit l’article 225 du Code civil, livre III, sont des conséquences
que la loi ou le magistrat tire d’un fait connu à un fait inconnu. Il y a deux sortes de
présomptions légales : les présomptions humaines ou du magistrat et les présomptions
légales.
863 Léo, 13 novembre 1926, Jur. col. 1929, p. 103 avec note ; Elis, 22 octobre 1957, RJCB 1958, p. 142
864 Cass., b., 10 janvier 1949, D 1949, p. 158, Bel.col. 1950, p. 25.
403
On renvoie sur cette question aux développements qui y ont été consacrés dans les
ouvrages de « Procédure civile » de Mukadi Bonyi et Katuala Kaba Kashala, publié aux
éditions Batena en 1999 et de Matadi Nenga Gamanda, paru en 2006 aux éditions
Academia Bruylant sous le titre « Droit judiciaire privé ».
865 Art. 1 et 7 du décret du 28 juillet 1934, Les Codes Larcier RDC, t. III, vol. 1, p. 11
866 Colin et Capitant, op. cit., n°785.
405
406
Chapitre V : Aveu
L’aveu est la reconnaissance par l’une des parties (c’est donc différent du
témoignage qui provient d’un tiers), de l’exactitude d’une allégation dirigée contre elle.
L’aveu est à première vue la meilleure des preuves et dans beaucoup de cas, il est
réellement ainsi. Les anciens auteurs l’appelaient « probatio probatissima ». Il pourrait
pourtant se faire qu’un aveu soit volontairement faux, soit pour égarer la justice, soit par
la plaisanterie, soit par pression.
L’aveu d’autre part, pourrait être employé dans le but de faire naître un droit ou
d’y renoncer indirectement, ainsi il pourra favoriser des fraudes. Ces considérations
expliquent que le législateur, tout en donnant l’aveu une place de choix dans la hiérarchie
des preuves, ait introduit certaines distinctions dans sa force probante, et ait placé
certaines conditions à son admissibilité.
Limites à l’admissibilité de l’aveu
Il y a des matières où pour éviter les collusions et des renonciations à des droits
indisponibles, la loi prohibe l’aveu. Tel est le cas des procès de divorce, en séparation des
biens.
La doctrine suivie par la jurisprudence, par ailleurs, exige traditionnellement une
certaine capacité pour faire des aveux : ceux-ci engagent, en effet, le fond du droit et
entraînent souvent la perte du procès. Aussi, sont-ils dénués d’effets lorsqu’ils émanent
d’un incapable (mineur, interdit) (867). On peut dire d’une manière générale que pour
pouvoir avouer, il faut pouvoir disposer de l’objet de la contestation. L’aveu d’un
mandataire ne lie le mandant que si celui-ci avait donné à son représentant un pouvoir
spécial.
868 En ce qui concerne l’enregistrement d’une conversation sur bande magnétique, J.P. Fesche Solins, 28 mai 1958,
JCP 1958-1959, p. 14
869 Léo., 27 septembre 1951, RJCB, 1952, p. 24
870 Léo., 30 mars 1948, RJCB 1948, p. 170
871 L’shi, 11 août 1972, RJZ 1972, p. 188
408
2°. Les faits sont-ils au contraire non connexes, l’aveu peut être divisé contre celui
dont il émane. Ainsi, d’après la jurisprudence, un aveu complexe peut être divisé
lorsque le fait nouveau allégué par l’auteur de l’aveu est étranger au fait
principal (872).
Portée du principe
Diviser un aveu, c’est prendre ce qui est favorable et rejeter ce qui est défavorable,
voilà ce qui est défendu. L’aveu du défendeur qui, reconnaissant avoir contracté une dette
envers le demandeur, avoue l’avoir éteinte par paiement est indivisible(873).
Mais l’indivisibilité de l’aveu n’interdit nullement à une partie de prouver selon
les règles, la fausseté partielle de l’aveu de l’adversaire. Ainsi, dans le cas du prêt
prétendument remboursé, on pourra établir le non remboursement.
Parfois même cette preuve contraire est inutile, l’inexactitude partielle de l’aveu
étant d’emblée démontrée par les faits de la cause. Tel est le cas où les aveux faits par une
partie sont contradictoires.
2. Irrévocabilité de l’aveu
L’aveu est en principe irrévocable une fois qu’il a été prononcé. Il n’est pas
nécessaire pour cela que la partie bénéficiaire de cet aveu soit intervenue pour le recevoir
expréssement; cependant, afin d’éviter toute erreur de mémoire et toute dénégation dans
l’avenir, cette partie agit prudemment en demandant acte de l’aveu de la partie adverse.
Notons que la jurisprudence est généralement en sens contraire(874).
L’aveu est pourtant révocable pour cause d’erreur de fait. Par exemple : un héritier
fait aveu d’une créance contre son auteur; par après, il retrouve une quittance du
créancier. L’aveu est révocable. Au fond, il y a ici plutôt rectification que rétractation : on
prouve soi-même la fausseté involontaire de son aveu.
Par contre, jamais l’aveu ne peut être rétracté pour cause de droit. Ainsi,
supposons que notre héritier ait fait son aveu dans l’ignorance où il était que comme
héritier, il est tenu des dettes de son auteur. Par après, il apprend son erreur. L’aveu ne
sera pas révocable. Telle était déjà la solution romaine et elle est de pur bon sens
872 1ère inst. Elis, 27 janvier 1938, p. 144 ; Léo, 12 mars 1957, RJCB 1957, p. 295.
873 1ère inst. Léo, 16 juin 1926, RJCB 1927, p. 125.
874 Ripert et Boulanger,op. cit., t.II, p. 721, en note.
409
410
Chapitre VI : Serment
Section 1 : Définition
Le serment est l’acte à la fois civil et religieux, par lequel une personne prend Dieu
à témoin de la vérité d’un fait ou de la sincérité d’une promesse et l’invoque comme
vengeur du parjure(875).
Dans notre civilisation, l’on peut tout aussi bien prendre les ancêtres à témoin que
le serment serait valable.
C’est l’élément religieux qui, à l’origine, est la caractéristique essentielle du
serment, comme le disent Colin et Capitant (876). Ce caractère indélébile et sans lui, il n’y a
plus qu’une affirmation ou une promesse ordinaire.
Le faux serment est puni également (Code pénal, art. 132).
Section 2 : Catégories
L’article 243 du Code civil, livre III fixe les deux conditions nécessaires pour que le
juge ne défère d’office le serment. Il faut : que la demande ne soit pleinement justifiée et
d’autre part, qu’elle ne soit pas complètement dénuée de preuve.
Il résulte de là qu’à la différence du serment décisoire, le serment supplétoire ne
peut être proposé en l’absence en l’absence de toutes preuves.
S’il s’agit d’un fait susceptible d’être démontré par témoins, le juge a toute liberté
pour proposer le serment supplétoire, sous la seule condition qu’il y ait dès à présent,
certains éléments de conviction résultant de témoignage déjà fournis, ou des
présomptions simples, si faibles soient-elles, contraire à la preuve littérale et nécessaire, le
juge ne peut recourir au serment supplétoire, en l’absence d’écrit, que s’il y a un
commencement de preuve par écrit (880).
II. Serment estimatoire ou in litem
C’est une variété du serment supplétoire, assez rare dans la pratique. Il est
employé quand il s’agit d’évaluer une chose, objet et d’un litige. Exemple : une malle
perdue dans un accident. Seul le juge peut le déférer et uniquement au demandeur, les
conditions d’admissibilité sont :
1°. qu’il n’existe pas d’autre moyen de constatation;
2°. que le juge fixe la somme jusqu’à concurrence de laquelle le demandeur se crut
sur son serment.
Nous analyserons sous ce titre les droits du créancier non payé sur la personne et
sur les biens de son débiteur.
Le but du rapport d’obligation est le paiement du créancier. Quid en cas de non-
paiement? L’étude du contrat nous a permis déjà d’examiner les droits particuliers du
créancier d’une obligation contractuelle non payée. Il dispose des moyens d’action directs
et indirects : exception d’inexécution, astreinte, action en résolution, exécution forcée en
nature ou par équivalent.
Nous examinerons ci-dessous les moyens communs à tous les créanciers.
Chapitre I : Enumération
Le créancier non payé dispose de plusieurs droits sur la personne (section I) et sur
les biens de son débiteur (section II). Il peut envisager plusieurs mesures conservatoires
(section III).
881 Loi n°73/021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, art. n° 244 tel que modifié par la loi du 18 juillet
1980 précitée.
416
Peuvent être exercés tous les droits et actions de nature patrimoniale, c’est-à-dire
qui présentent une valeur pécuniaire. On mentionnera notamment le fait de récupérer une
créance, un bien, d’acheter un legs, de faire annuler une vente, de poursuivre un débiteur
ou d’assigner un assureur pour non paiement d’une somme d’argent.
Sont exclus les droits purement moraux, tels que l’action en divorce, en séparation
de corps, en nullité du mariage. Ces droits sont relatifs à l’état et la capacité de personnes.
Ils ne procurent aucun bénéfice pécuniaire au créancier.
Sont d’autre part exclus, les droits exclusivement attachés à la personne, car ils
tirent leur existence des considérations d’ordre moral ou parce qu’ils sont insaisissables.
C’est le cas du droit à la pension alimentaire, du droit pour le stipulant de révoquer la
stipulation pour autrui, de certains droits patrimoniaux dont l’exercice est attaché à la
personne. Le droit à la réparation d’un dommage purement moral rentre dans cette
catégorie.
417
Il suffit que le créancier soit insolvable, qu’il ne soit pas à même de payer
totalement l’ensemble de ses créances, totalement mais pas lorsqu’il peut payer avec ce
qu’il a actuellement, et négligent (sinon le créancier n’aurait pas intérêt à agir).
Quant au créancier, il n’a pas besoin d’une mise en demeure ni d’une autorisation
en justice. Il suffit qu’il soit en possession d’une créance certaine et exigible soit un intérêt
à agir (ce qui implique la négligence du débiteur). Dans la pratique cependant, c’est rare
que le débiteur néglige car « qui paie ses dettes s’enrichit ». De plus, la saisie-arrêt qui
reste à la disposition du créancier est plus efficace que l’action oblique pour des dettes de
sommes d’argent.
A’
A’’
Créanciers A B Débiteur
300.000
C tiers (Débiteur de B)
a) Vis-à-vis des tiers
Dans le schéma repris ci-dessus, les débiteurs de B sont des tiers, défendeurs à
l’action oblique.
Puisque le créancier agit au nom et à la place du débiteur originaire, la situation
des tiers reste inchangée vis-à-vis du débiteur.
Le créancier poursuivant peut les actionner même pour un montant dépassant sa
propre créance, pourvu qu’elle pût être réclamée par le débiteur.
Par ailleurs, le tiers débiteur peut opposer au créancier poursuivant de toutes les
exceptions qui auraient pu être opposées au débiteur originaire.
418
La jurisprudence décide unanimement que l’action basée sur l’art 64 du code civil
livre III ne peut être exercée par le créancier qu’au nom de son débiteur. Intentée par lui
en son nom personnel, elle n’est pas recevable (882).
b) Vis-à-vis du débiteur
Devant le silence de la loi, la doctrine pense que l’exercice de l’action oblique ne
dessaisit pas le débiteur qui conserve à tout moment son droit de disposition ou de
transiger avec le tiers défendeur. Car il peut lui-même agir à tout moment.
Le jugement intervenu entre les créanciers et les tiers n’est pas opposable au
débiteur. Mais pour éviter les inconvénients de cette inopposabilité, la pratique veut que
le débiteur soit toujours mis à la cause.
c) Vis-à-vis des autres créanciers
Puisque le créancier poursuivant agit en lieu et place et au nom du débiteur, il ne
tire aucun profit personnel et exclusif de l’action.
Les effets profitent à tous les créanciers car ils tombent dans le patrimoine du
débiteur, gage commun à tous. C’est là la différence avec l’action paulienne. Donc il y a
concours avec les autres créanciers. D’où l’avantage pour le créancier poursuivant à user
de l’action directe quand la loi la lui reconnaît, car elle accorde un privilège pratiquement.
Parmi les cas d’actions directes en droit congolais, on peut citer notamment :
1°. l’action de la victime contre l’assureur (art. 9 de la loi du 5 janvier 1973 portant
assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière des véhicules);
2°. l’action directe des ouvriers de l’entrepreneur contre le maître de l’ouvrage pour
paiement de leur salaire (art 445);
3°. l’action du propriétaire contre le sous-locataire (art 409) pour laquelle il existe
quelque controverse (883) ;
4°. l’action du mandant contre le mandataire substitué (art 535).
882 1ère inst. Cost., 12 mai 1950, RJCB 1951, p. 30 ; 1ère inst. Léo, 12 fév. 1960, R. Jud. 1962, p. 12 ; Léo, 22 janvier
1963, RJCB, p. 162.
883 Certains pensent qu’il ne s’agit pas d’une action directe. Développement dans l’ouvrage de principaux
contrats usuels: le bail.
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Selon l’article 65 du Code civil, les créanciers peuvent aussi, en leur nom
personnel, attaquer les actes faits par leurs débiteurs en fraude de leur droit.
L’action paulienne tend à éviter qu’un débiteur aux abois tente de soustraire de
son patrimoine au préjudice des créanciers, ce qui lui reste dû d’actif. Il en est ainsi s’il
transforme des biens faciles à saisir, comme des immeubles, en argent liquide, titre au
porteur, s’il pratique des libéralités vis-à-vis de ses parents ou ses amis ou s’il vend un
bien à vil prix.
Le but de l’action d’action paulienne n’est donc pas l’annulation de l’acte, mais son
inopposabilité au créancier poursuivant.
885 Léo, 22 janvier 1929, Jur. Col. 1930-1931, p. 68 avec note ; L’shi, 2 et 4 décembre 1969, RJC 1970, p. 28.
On sait qu’il ne s’agit pas de nullité mais d’inopposabilité. Notre jurisprudence devrait être critiquée à cet égard.
422
1. Enumération de l’article 132 du Code civil congolais et ses critiques .................... 282
2. Critiques........................................................................................................................... 282
a. Perte de la chose due ................................................................................................. 282
b. Nullité ou rescision .................................................................................................... 283
c. Condition résolutoire ................................................................................................. 283
III. Plan retenu ......................................................................................................................... 284
1° Le paiement .................................................................................................................... 284
2° Les modes volontaires d’extinction des obligations ................................................. 284
3° Les modes légaux d’extinction des obligations ......................................................... 284
Chapitre I : Paiement ................................................................................................ 286
Section 1 : Paiement pur et simple........................................................................................ 286
§1. Qui peut payer ? ........................................................................................................... 286
I. Principe ........................................................................................................................ 286
II. Conditions de validité du paiement ....................................................................... 286
§2. A qui doit être fait le paiement ? ................................................................................ 287
I. Principe ........................................................................................................................ 287
§3. Que doit comprendre le paiement ? .......................................................................... 287
I. Payer la chose due et non une autre......................................................................... 288
II. Payer la totalité de dette ........................................................................................... 288
§4. Epoque, lieu et frais de paiement ............................................................................... 289
I. Epoque.......................................................................................................................... 289
II. Lieu .............................................................................................................................. 289
III. Frais ............................................................................................................................ 289
§5. Règles concernant les dettes de somme d’argent..................................................... 289
§6. Imputation des payements .......................................................................................... 290
I. Position du problème ................................................................................................. 290
II. Solutions ..................................................................................................................... 291
§7. Des offres de paiement et de la consignation ........................................................... 292
I. Offres de payement .................................................................................................... 292
A. Position du problème ............................................................................................... 292
II. Consignation .............................................................................................................. 292
III. Effets de la consignation ......................................................................................... 292
IV. Frais de la consignation........................................................................................... 293
Section 2 : Paiement avec subrogation ................................................................................. 294
§1. Notions générales ......................................................................................................... 294
§2. Espèces de subrogation................................................................................................ 294
I. Subrogation conventionnelle .................................................................................... 295
II. Subrogation légale ......................................................................................................... 299
A. Cas du code civil ....................................................................................................... 299
§3. Effets de la subrogation dans le paiement ................................................................ 303
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