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KALONGO MBIKAYI

DROIT CIVIL
Tome 1

Les obligations

Préface de MUKADI BONYI

CRDJ
2
3

Du même auteur

1. Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois, Kinshasa, PUZ, 1977
2. Le Droit de l’automobile et de la sécurité routière au Zaïre (sous la direction de),
Kinshasa, PUZ, 1982.
3. Le Code pénal zaïrois (sous la direction de ), Kinshasa, SDE, 1983
4. Le Code judiciaire zaïrois (sous la direction de), Kinshasa, SDE, 1986.
5. Code civil et commercial congolais, Kinshasa, CRDJ, 1997.
4

Sommaire

(Une table des matières détaillée figure à la fin de l’ouvrage) Page


Préface <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<7
Principaux sigles et abréviations <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<.11
Titre préliminaire <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<.. <13
PREMIERE PARTIE : SOURCES DES OBLIGATIONS
Titre I : Contrats <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<35
Chapitre I : Notions générales et classification des contrats <<<<<<<<<<<<35
Chapitre II : Conditions de formation et de validité des contrats <<<<<<<<<<49
Chapitre III : Annulation des contrats et prescription de l’action en nullité <<<<<. 105
Chapitre IV : Effets des contrats entre les parties <<<<<<<<<<<<<<<<117
Chapitre V : Effets des contrats à l’égard des tiers <<<<<<<<<<<<<<<<15 3
Chapitre VI Extinction et résolution des contrats <<<<<<<<<<<<<<<.. <173
Titre II : Délits et quasi-délits <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<< 181
Chapitre I : Responsabilité pour fait personnel <<<<<<<<<<<<<<<<..185
Chapitre II : Responsabilité pour fait d’un tiers <<<<<<<<<<<<<<<<..211
Chapitre III : Responsabilité du fait des choses <<<<<<<<<<<<<<<<<225
Chapitre IV : Rapports entre la responsabilité délictuelle et la responsabilité
contractuelle<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<.237
Chapitre V : Critiques et évolution moderne de la responsabilité civile <<<<<<<243
Titre III : Quasi-contrats <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<.247
Chapitre I : Gestion d’affaires <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<..249
Chapitre II : Paiement de l’indu <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<255
Chapitre III : Enrichissement sans cause <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<.259
DEUXIEME PARTIE : REGIME GENERAL DES OBLIGATIONS (ou les obligations en
elles-mêmes, indépendamment de leurs sources)
Titre I : Transmission des obligations <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<269
Chapitre I : Généralités <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<.269
Chapitre II : Conditions de la cession de créance<<<<<<<<<<<<<<<<..271
Chapitre III : Effets de la cession de créance <<<<<<<<<<<<<<<<<<..275
Chapitre IV : Règles particulières à la cession de créance<<<<<<<<<<<<<.279
Chapitre V : Cession de dette <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<281
Titre II : Modes d’extinction des obligations<<<<<<<<<<<<<<<<<<<283
5

Chapitre I : Paiement <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<.287


Chapitre II : Modes volontaires d’extinction des obligations <<<<<<<<<<<313
Chapitre III : Modes légaux d’extinction des obligations <<<<<<<<<<<<.327
Titre III : Modalités des obligations et obligations complexes <<<<<<<<<<<339
Sous-titre I : Modalités des obligations <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<339
Chapitre I : Condition <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<339
Chapitre II : Obligation à terme <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<347
Sous-titre II : Obligations complexes <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<351
Chapitre I : Obligations à objets multiples <<<<<<<<<<<<<<<<<<<351
Chapitre II : Obligations à débiteurs multiples <<<<<<<<<<<<<<<<<355
Chapitre III : Obligations à créanciers multiples <<<<<<<<<<<<<<<<373
Titre IV : Preuve des obligations <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<377
Chapitre I : Constatations matérielles <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<381
Chapitre II : Preuve par écrit <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<383
Chapitre III : Preuve testimoniale<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<397
Chapitre IV : Preuve par présomption <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<403
Chapitre V : Aveu <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<407
Chapitre VI : Serment <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<411
Titre V : Garanties générales du droit de créance <<<<<<<<<<<<<<<<415
Chapitre I : Enumération <<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<415
Chapitre II : Action oblique ou subrogatoire<<<<<<<<<<<<<<<<<<417
Chapitre III : Action paulienne ou révocatoire <<<<<<<<<<<<<<<<<.421
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Préface

Le 14 janvier 2008, le Doyen KALONGO MBIKAYI nous a quittés, laissant


derrière lui une œuvre scientifique en chantier. Je citerai de mémoire, sans que cette
énumération ne soit exhaustive, les ouvrages ci-après : Droit civil. Tome I. Les
Obligations ; Tome II. Droit congolais des contrats ; Traité des Obligations civiles
coutumières, Traité de responsabilité civile médicale, etc.
Le présent ouvrage est l’un de cette longue série de livres sous presses, que sa
famille a décidé de publier, avec l’appui des héritiers scientifiques de l’illustre disparu.
Je remercie Madame la professeur KALONGO TUMBA MUADI, veuve du Doyen
KALONGO MBIKAYI, de m’avoir demandé de rédiger la préface de ce premier ouvrage
consacré au Droit civil/ Obligations.
Celui-ci reprend le contenu des enseignements assurés pendant près de quarante
ans par le savant Doyen KALONGO MBIKAYI.
J’ai eu le privilège d’avoir été tour à tour son étudiant, son assistant, son chef de
travaux, son collègue professeur, son collaborateur au cabinet du Chef de l’Etat, à son
cabinet d’avocats. Je l’ai accompagné dans son itinéraire pendant trente sept ans. J’ai été
son lieutenant général. Je suis l’un de ses trois clones scientifiques. A ce titre, c’est à la fois
avec beaucoup d’émotion et d’enthousiasme, mêlés au sentiment de gratitude que j’ai
accepté la demande qui m’a été adressée de préfacer le présent livre.
L’ouvrage comporte deux parties consacrées respectivement aux sources des
obligations (première partie) et au régime général des obligations (deuxième partie).
La première partie expose les sources des obligations que sont les contrats (titre I),
les délits et quasi délits (titre II) ainsi que les quasi-contrats (titre III).
La seconde partie aborde tour à tour la transmission des obligations (titre I), les
modes d’extinction des obligations (titre II), les modalités des obligations et les
obligations complexes (titre III), la preuve des obligations (titre IV) et les garanties
générales du droit de créance (titre V).
L’intérêt de cet ouvrage n’est pas à démontrer. Il faut dire, d’abord, qu’il est le
premier consacré à l’ensemble du Droit des Obligations, qui paraît depuis l’accession du
pays à l’indépendance en 1960. Il existe sans doute des ouvrages et études spécifiques,
limités à certains aspects de ce Droit, tels ceux de Marcellin RAE, Des engagements qui se
forment sans convention » (1969), KALONGO MBIKAYI, Responsabilité civile et
socialisation des risques en droit zaïrois (1977), L’automobile et la sécurité routière au
Zaïre (1982), PINDI MBENSA KIFU, Réglementation juridique des clauses abusives
dans les conditions générales de vente en droit zaïrois. Etude de lege ferenda.
Thèse de doctorat, KULeuven (1979), MUKADI BONYI, Rapports entre la sécurité
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sociale et la responsabilité civile : coexistence ou élimination ?Thèse de doctorat, KU


Leuven,(1984), NGOMBA TSHILOMBAYI-KENGE, Indemnisation des victimes
d’accidents de la circulation. Assurance de responsabilité ou assurance directe ?, Thèse de
doctorat, Université de Kinshasa, (1999), KANGULUMBA MBAMBI,Indemnisation des
victimes des accidents de la circulation et assurance de responsabilité civile automobile.
Etude de croit comparé belge et congolais, Academia-Bruylant, Louvain-la-neuve, 2002,
etc.
Par ailleurs, l’ouvrage a le mérite de présenter un résumé très clair d’une matière
complexe, technique et controversée. L’exposé limpide des solutions applicables en droit
positif congolais, fondées sur les décisions prises par les cours et tribunaux et comparées
à celles retenues par la jurisprudence et la doctrine belge et française, en fait un
instrument de travail indispensable pour tout celui qui veut apprendre le droit congolais.
Des milliers d’anciens étudiants qui ont eu la chance de suivre les enseignements
du Doyen KALONGO MBIKAYI retrouveront, à travers les pages qui suivent, la plume
et la parole du maître incontesté du Droit civil des Obligations. Ils se souviendront que
pour attirer leur attention sur la complexité de la matière, il avait coutume de dire :
« Après plus de trente ans d’enseignement de cette matière, c’est maintenant que je
commence progressivement à la comprendre ». Ces propos que seuls les « initiés au
langage fin du Doyen » peuvent appréhender, constituaient une exhortation faite aux
disciples à aller plus loin, à atteindre le sommet par le travail quotidien. Ils exprimaient
de manière banale la devise de l’école de l’Excellence que je pourrais traduire par ce
brocard latin: « Duc in altum ! » Le Doyen KALONGO lui-même n’avait-il pas coutume
de dire que « l’Université est la somme des sommités » ? Même si parfois certains ont
tendance à le perdre de vue, l’Université digne de ce nom demeure le lieu où on côtoie les
meilleurs des meilleurs.
Au moment où l’on assiste à une floraison des universités publiques et privées à
travers la République,- et même à la transformation de certains instituts supérieurs à
vocation spécifique en universités- le présent livre constitue une contribution essentielle à
la qualité de l’enseignement du Droit civil dans ces différentes universités. Les étudiants
disposeront d’un support fort appréciable et les enseignants, qui ne n’ont pas toujours
une bibliothèque suffisamment fournie pour élaborer leurs cours, ne manqueront pas de
tirer profit du legs scientifique que l’illustre Doyen laisse à la communauté des juristes,
des chercheurs et des praticiens du droit.
Il n’y a aucun doute que ceux qui l’ont connu trouveront dans son cette œuvre
d’intérêt collectif l’une des manifestations de l’idée de base qui a toujours animé son
auteur : « la socialisation des risques ». Je persiste à soutenir que l’ignorance du Droit par
ceux qui sont chargés de l’enseigner, de l’appliquer ou de le faire respecter constitue un
« risque social » susceptible de causer du tort à l’individu, à sa famille, à l’entreprise, à
l’Etat et à la Nation toute entière. C’est lutter contre un tel risque que de mettre à la
8

disposition des différents acteurs un instrument de travail qui jouera le rôle non
seulement de prévention de ce risque, mais aussi de sa réparation.
En d’autres termes, un étudiant bien formé est appelé à devenir un cadre
compétent, meneur d’hommes et de femmes et agent de développement. Cela rentre dans
les missions de l’Université.
A l’inverse, un étudiant mal formé risquera de causer beaucoup de dégâts dans sa
vie professionnelle en posant des actes dommageables aux usagers des services publics, à
l’entreprise, à l’Etat ou à la Nation.
De tels dommages ne pourront être évités que par ceux des juristes qui auront
reçu une formation solide leur permettant en tant que magistrat, par exemple,
d’appliquer correctement la loi, soit en tant que premier juge, soit en tant que juge
d’appel ou de cassation.
Je recommande aux uns et aux autres de tirer profit de ce précieux ouvrage en
faisant de celui-ci leur guide du meilleur usage de la règle du Droit civil.

MUKADI BONYI
Professeur ordinaire
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10

Principaux sigles et abréviations

Art. : Article
BA : Bulletin des arrêts
BO: Bulletin officiel
Cass. b. : Cour de cassation belge
Cass. fr : Cour de cassation française
CRDJ: Centre de recherches et de diffusion juridiques
CRDS : Centre de recherche en droit social
CSJ : Cour suprême de justice
D. : Dalloz
DL : Décret- loi
DP : Dalloz Périodique
Édit. : édition
Elis: Cour d’appel d’Elisabethvile (Lubumbashi)
JCP : Juris classeur périodique
JO: Journal officiel
JT : Journal des Tribunaux
Jur. Col : Revue de doctrine et de jurisprudence coloniale
Kin : Cour d’appel de Kinshasa
L’shi : Cour d’appel de Lubumbashi
Léo : Cour d’appel de Léopoldville
LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence
MC : Moniteur congolais
OL : ordonance-loi
Op. cit: ouvrage cité

Ord. : Ordonnance
Pas. : Pasicrisie
PUC : Presses universitaires du Congo
PUF : Presses universitaires de France

PUZ : Presses universitaires du Zaïre


RAJC : Revue analytique de jurisprudence du Congo
RCDTSS : Revue critique de droit du travail et de la sécurité sociale
RJCB : Revue critique de jurisprudence belge
RJCB: Revue juridique du Congo belge
RJZ : Revue juridique du Zaïre
RPDB : Répertoire pratique de droit belge
RTDC : Revue trimestrielle de droit civil
RZD : Revue zaïroise de droit
T: Tome.
Unikin : Université de Kinshasa
V.: Voir
V° : Verbo
Vol: Volume
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TITRE PRELIMINAIRE

1. Place des obligations en droit civil

On classe généralement les droits en droits extra-patrimoniaux ou moraux d’une


part et en droits patrimoniaux ou droits pécuniaires d’autre part. Les premiers, on le sait,
ne sont pas évaluables en argent. C’est notamment le cas des droits de la personnalité
civile, du droit de la paternité, etc. Les autres sont, au contraire, évaluables en argent.
Les obligations ou droits de créance sont rangées parmi les droits patrimoniaux au
même titre que les droits intellectuels et les droits réels qui font l’objet d’étude du droit
civil des biens.
A. Droits extra - patrimoniaux (non évaluables en argent)
Droit civil - personnes et famille
Exemple : Droit de la personnalité civile, droit de la paternité, droit de la maternité, droit
de garde des enfants, etc.
B. Droits patrimoniaux ou pécuniaires (évaluables en argent)
Droits réels : Droit civil - biens
Droits intellectuels : Droit civil - biens et droit commercial
Droits de créance ou obligations : Droit civil - obligations.

2. Droit congolais des obligations

A. Importance du droit congolais des obligations

Au Congo comme dans les autres pays, le droit des obligations revêt une
importance considérable, à la fois au point de vue pratique et au point de vue théorique.
Au point de vue pratique, la théorie des obligations revêt une importance
considérable. D’une part, elle s’avère utile à la vie juridique quotidienne de tous les
citoyens et de toutes les personnes juridiques. Ces derniers, en effet, concluent chaque
jour des contrats et engagent leur responsabilité. Leurs rapports d’obligation sont régis Commentaire [B1]:
Importance des obligations
par la théorie des obligations.
D’autre part, en plus du fait qu’elle constitue la base du droit des affaires et du
droit économique (1), la théorie des obligations fournit aux autres branches du droit les
principes moteurs de solution. Le droit des personnes connaît, par exemple, l’obligation
alimentaire, les obligations entre époux ou entre parents et enfants ou les obligations du
tuteur.Le droit des biens organise notamment les obligations de voisinage ou celle de

1 Farjat (G), Le droit privé de l’économie, II, Paris, PUF, 1975.


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l’usufruitier envers le propriétaire; *enfin+ l’étude du transfert des droits réels mobiliers et
immobiliers ne peut être comprise sans référence aux obligations. Le droit commercial
avec toutes ses branches (droit des sociétés, droit maritime, droit des assurances...) est,
dans une large mesure, une branche du droit des obligations.On peut dire que le droit
public (administratif ou constitutionnel) et même le droit international privé ou public
n’ignorent pas les règles des obligations. Exemples : Les contrats administratifs, la
responsabilité des Etats et de la puissance publique, les conflits de lois en matière
délictuelle ou contractuelle...
La théorie des obligations est donc d’une importance pratique notoire(2).
Au point de vue théorique, également, l’intérêt de la théorie des obligations est
certain. Son aspect technique lui a conféré un caractère scientifique accentué. En effet, les
principes de base sont échafaudés suivant une logique et une symétrie rigoureuse. C’est
pour cette raison, entre autres, que ce droit a pu facilement faire l’objet d’une codification
internationale sur plus d’un point. Exemple : Vente internationale, projet du code franco-
italien des obligations.
Par ailleurs, le droit des obligations est fortement imprégné des idées
philosophiques, morales, sociales, économiques et politiques et, à ce titre, constitue un
reflet de l’évolution générale du contrat, de la responsabilité civile, etc. (3).
B. Origine du droit congolais des obligations(4).
Le droit congolais des obligations, comme l’ensemble de tout le droit privé (voire
de tout le droit), est fortement influencé par le droit civil belge, lui-même influencé par le
droit français et le code napoléonien de 1804.
C’est à la suite de la colonisation du Congo par la Belgique que cette influence s’est
marquée. La plupart des articles de notre code civil relatifs aux obligations sont une copie
fidèle des articles correspondants du code civil belge.
En fait, on ne peut parler des origines du code civil congolais des obligations sans
se référer à l’évolution politique du pays.
C’est plus précisément à l’époque de l’Etat Indépendant du Congo et à l’Acte de
Berlin du 23 février 1885 que remontent le Code civil congolais et particulièrement le livre
des obligations qui fait l’objet de la présente étude. On sait, en effet, qu’une des conditions
imposées au Roi Léopold II par les puissances cosignataires de l’Acte pour la
reconnaissance du futur territoire congolais en Etat Indépendant et Souverain - l’Etat
Indépendant du Congo - était d’instaurer de façon très urgente et très précise, d’une part,
une organisation judiciaire bien efficace et, d’autre part, - c’est ce qui nous intéresse ici -

2 Marty (G) & Raynaud, Droit civil, T. II, 1er Vol., Paris, Sirey, 1962, n° 6
3 Marty (G)& Rayanaud (P), op. cit., n° 6 in fine ; Savatier (R), Les métamorphoses du droit civil d’aujourd’hui, 3 séries,
Sirey,Paris, depuis 1959.
4 Sohier (A), Droit civil du Congo belge, T. II, Larcier, Bruxelles, 1956, pp. 9 et s.
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une législation suffisante sur le territoire.


Ces conditions imposées par la Conférence de Berlin, tendaient à assurer au mieux
la sécurité des habitants spécialement des étrangers et à normaliser les rapports sociaux
en vue de faciliter le développement du commerce.
Léopold II qui tenait à son territoire est ainsi acculé à remplir ces conditions. La
tâche est difficile.
Il se trouve devant un Etat sans lois - entendez sans lois écrites car des lois
coutumières existaient bien - et en plus, il doit légiférer sur une population complexe, la
population autochtone d’une part, et, d’autre part la population non autochtone formée
surtout des commerçants étrangers.
Pressé par le temps, il ne se soucie pas de chercher une législation qui puisse
s’adapter parfaitement à la mentalité de la population. Il n’a devant lui que la législation
de son pays, la Belgique, laquelle à cette période en 1885 était presque identique au code
français (Code Napoléon) de 1804.
C’est ainsi que par le décret du 30 juillet 1888, Léopold II promulgue le livre des
obligations intitulé « Des contrats ou des obligations conventionnelles » et comprenant au
moins 660 articles(5).
Chronologiquement antérieur au livre des « personnes »(6) le livre des obligations
a néanmoins été classé en troisième position après les Personnes (livre I) et les Biens (livre
II), par le premier auteur des codes, M.Octave Louwers auquel a succédé M.Piron, dans le
simple souci d’imiter et de respecter la classification du code Napoléon.
Si les livres I et II du code civil congolais quoique inspirés du code Napoléon s’en
sont éloignés pour quelques matières, le livre des obligations quant à lui, garde de
nombreuses similitudes avec le droit belge, à l’exception de dispositions relatives aux
testaments, donations, successions et régimes matrimoniaux.
Avant le nouveau Code de la famille du 1er août 1987 qui les a regroupées(7), ces
dernières matières comme toutes celles qui ne sont pas prévues par l’ensemble du droit
civil congolais sont réglées conformément à l’ordonnance de l’administrateur général au
Congo du 14 mai 1886, qui dispose en son article premier que « quand la matière n’est
pas prévue par un décret, un arrêté ou une ordonnance déjà promulguée, les
contestations qui sont de la compétence des tribunaux du Congo seront jugées d’après les
coutumes locales, les principes généraux du droit et l’équité ».
Il convient de signaler l’importance de cette ordonnance qui actuellement
continue à être appliquée par la Cour suprême de justice en dépit de certaines

5 BO 1888, p. 109 et Kalongo Mbikayi, Code civil et commercial congolais, CRDJ, Kinshasa, 1997, pp. 281-343
6 Décret du 4 mai 1895, in BO, p. 138, codes Piron, 1960, I, pp. 50 et s. Le livre des Biens a été promulgué par le décret
du 31 juillet 1912 in BO, p. 799 et codes Piron, 1960, I pp. 82 et s.
7 Loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant Code de la Famille, JO, numéro spécial, 1er août 1987, pp. 1 à 186.
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controverses(8). Mais sa portée est différente car la notion de « principes généraux du


droit » par exemple doit avoir une interprétation différente(9).
Quelques différences notoires entre le droit belge et le droit congolais des
obligations sont également à signaler. Les articles 217 (preuve) et 260 alinéa 2
(responsabilité des parents) du Code congolais des obligations sont différents des articles
correspondants du droit belge. L’article 131 bis du Code civil congolais relatif à la lésion
n’a rien à voir avec la législation belge relative à la même matière. La rescision (Code civil
belge, articles 1305 - 1314), la cession des biens ... sont omises par le droit congolais.
Mais à part ces différences, la table des concordances démontre que la similitude
est grande entre les textes des codes civils belge et congolais des obligations. Les textes
du code civil congolais consacrés aux obligations sont ceux prévus :
a) aux titres I et II du livre III,
b) aux articles 352 à 358 du livre III relatifs à la cession de créances;
c) au titre XII du livre III relatif à la prescription (art. 613 à 659).

C. Evolution du droit congolais des obligations

Il était nécessaire de bien situer les origines de notre droit des obligations pour
mieux indiquer son évolution future. Cette évolution précisément est liée à celle de tout
notre droit civil.
Même après l’indépendance, le code civil n’a guère été modifié. Il convient
toutefois de signaler que la réforme du droit congolais a été envisagée. Le Parlement a
proposé la création d’une commission qui étudiera la question de la réforme et de
l’unification du droit congolais. La commission, que nous avons eu le privilège de
présider durant plusieurs années, a pour mission d’examiner si toutes les règles
techniques civiles contenues dans l’ancien code se maintiendraient toujours, compte tenu
de l’impératif de développement et de celui du respect de la mentalité juridique de nos
concitoyens. Elle doit également examiner s’il faut abolir toutes les règles de droit écrit et
imposer des règles coutumières ou encore s’il faut donner préférence à une symbiose
harmonieuse(10).
Sans pouvoir préjuger définitivement des résultats de la commission devenue
depuis la loi n° 76-017 du 15 juin 1976 Commission permanente de réforme du Droit
congolais, il y a lieu de croire que les règles des obligations étant techniques et

8 Voir Mushigo-a-Gazanga Gigombe, Les principes généraux du droit et leurs applications par la Cour suprême de
justice du Congo, Bruxelles, Academia Bruylant, 2002
9 Kalongo Mbikayi et Buka eka Ngoy, Le juge zaïrois et l’interprétation des principes généraux du droit national, RZD, n°
spécial, 1971, pp. 31 à 41.
10 Kalongo Mbikayi et Ndeshyo Rurihose, Le recours à l’authenticité et le droit zaïrois, in RJZ, n° 3, 1976, pp. 39 – 44, et
n° 1-2-3, 1977, p. 24- 41.
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internationales ne se modifieront pas beaucoup. Il faudra surtout introduire les acquis


profitables que le droit comparé peut nous apporter et partout où l’impératif du
développement ne s’y oppose pas, se conformer à la mentalité juridique de notre peuple,
c’est-à-dire à son authenticité. Un grand débat de méthode peut donc s’ouvrir ici. Il y a, à
ce propos, à la Faculté de Droit de l’Université de Kinshasa, certaines théories et certains
slogans dont nous avons parlé par ailleurs (11).

3. Notion de l’obligation

Le mot « obligation » a plusieurs sens. Nous allons les examiner rapidement pour
ne retenir que celui qui nous intéresse dans le cadre du présent ouvrage.
Dans un premier sens - un sens très large - ce mot peut désigner tout ce que la loi
ou même la morale commande à un individu de faire, sans que l’individu concerné n’en
soit nécessairement tenu à l’égard d’une personne déterminée, qui serait son créancier.
Dans un sens plus général, l’on dira, par exemple, que tout Congolais adulte a l’obligation
de payer les impôts, tout propriétaire d’immeuble celle de respecter les règlements
d’hygiène ou de voirie; l’on dira de même que chacun a l’obligation de respecter ses
parents, chacun a l’obligation de respecter les biens d’autrui, etc. La liste des exemples est
quasiment illimitée, le mot « obligation » ayant dans cette acception une portée
excessivement étendue.
Le droit l’utilise, au contraire, dans ses sens beaucoup plus étroits. En droit
commercial, le mot « obligation » peut signifier le titre négociable (nominatif ou au
porteur) qui représente la part de créance qu’a son titulaire dans un emprunt fait sous
cette forme par une société commerciale ou par une collectivité publique. Dans la pratique
notariale, « l’obligation » désigne l’acte notarié constatant un prêt garanti par une
hypothèque. L’on peut continuer la liste de ces significations restreintes mais limitons-
nous à celle qui nous intéresse dans le cadre de ce cours.
Au sens du droit civil, « l’obligation » ou droit de créance est « un lien de droit
entre deux personnes en vertu duquel l’une d’elles, le créancier, peut exiger de l’autre, le
débiteur, une certaine prestation(12).
Ainsi définie, l’obligation que nous classons dans notre schéma ci-dessus parmi les
droits patrimoniaux ou pécuniaires se distingue nettement du droit réel. Les oppositions
et comparaisons entre droit de créance et droit réel sont étudiées en Droit civil des
Biens.On rappelera ici un trait distinctif : le droit réel porte sur une chose, tandis que
l’obligation ou droit de créance est un lien entre deux personnes. D’où sa désignation de
droit personnel par opposition au droit réel.

11 Plaidoyer pour un droit du développement au Zaïre, cours inaugural de l’année académique 1986 – 1987. Voir la
théorie de la dysfonctionnalité ou de l’impuissance du Droit et le slogan « intériste et extériste ».
12 Julliot de la Morandière (L), Précis de droit civil, T II, 3è éd., Dalloz, Paris, 1964, n° 256.
17

A B
Créancier Débiteur

Pour mieux nous pénétrer du sens de l’obligation en droit civil, analysons les
termes de la définition donnée plus haut, car c’est dans ce sens que nous l’utiliserons dans
cet ouvrage.
L’obligation est un lien de droit. Cela signifie que c’est un lien reconnu par
l’autorité publique ou l’Etat. Une telle obligation existe aux yeux de l’Etat, elle est
protégée par lui et l’on dit qu’elle est une obligation juridique. Elle est ressentie de façon
consciente comme une chaîne « vinculum » entre parties et sanctionnée devant les
tribunaux de l’Etat. Il en est ainsi par exemple de l’obligation qu’à la suite d’un contrat de
vente, l’acheteur a de payer le prix ou le vendeur de transférer à l’acheteur la propriété de
la chose vendue et de la lui livrer. De même, le locataire peut exiger du bailleur la
délivrance de la chose louée et le bailleur peut exiger à son tour du locataire le paiement
du loyer. On dira aussi, dans un dernier exemple, qu’à la suite d’un dommage causé par
autrui, la victime peut exiger de l’auteur fautif du dommage la réparation du préjudice.
L’obligation ainsi engendrée est un devoir juridique.
Déjà, à ce niveau de notre analyse, nous percevons la différence entre une
obligation juridique et une obligation morale. Cette dernière, en effet, n’est pas un lien de
droit, c’est un simple devoir moral très général qui pèse sur la conscience de l’individu ou
un devoir mondain ou religieux et dont l’existence est totalement ignorée par le droit. Elle
est, par conséquent, dépourvue de tous les effets que le droit - comme nous le verrons
plus loin - attache aux obligations juridiques. A titre d’exemple, nous pouvons citer, dans
le sens des obligations morales ainsi conçues, les obligations imposées à un croyant par les
dix commandements de Dieu ou celle que les règlements d’un groupe confessionnel ou
culturel, ou sportif (par exemple : l’Eglise catholique, une amicale, un cercle sportif ...)
imposent à ses membres.
Ainsi, le droit ignore totalement l’existence de l’obligation pour tout croyant
d’adorer son Dieu; il ignore aussi totalement celle de l’obligation pour tout chrétien
catholique d’aller à la messe le dimanche ou celle d’un membre d’une amicale de quartier
de porter une jupe bleue ou de respecter tel règlement. Il n’y a dans tous ces cas que des
obligations morales, c’est-à-dire des obligations sans existence juridiquement reconnue,
des obligations imposant un devoir moral, mondain ou de bienséance et non un devoir
juridique.
Ces obligations ne sont pas protégées par le droit, elles ne sont pas sanctionnées
devant les tribunaux de l’Etat, à savoir les tribunaux reconnus par l’autorité publique.
Faudrait-il pour autant penser que toutes les obligations juridiques sont identiques
au point de vue de leur caractère ou de leurs effets ?
18

On distingue à cet égard les obligations juridiques parfaites ou civiles et les


obligations juridiques imparfaites ou naturelles. Sur quoi repose principalement cette
distinction ? Le critère de distinction de ces deux catégories des obligations se situe au
niveau de la sanction : les obligations civiles connaissent actuellement une sanction, les
obligations naturelles en sont dépourvues.
Quant à l’obligation morale, elle n’est à aucun moment assortie de sanction
étatique. Elle ne peut trouver sa sanction qu’en dehors du droit, dans le for intérieur de
l’individu, dans son groupe culturel ou confessionnel ou dans l’au-delà où se trouvent les
juridictions auxquelles ils croient dans le cas d’obligations spirituelles.
Revenons à présent sur l’obligation naturelle et sur l’obligation civile pour
souligner leur différence.

a) Notion de l’obligation civile

Par opposition à l’obligation naturelle ou obligation juridique imparfaite, les


juristes ont coutume de parler de « l’obligation civile » au sens de « l’obligation juridique
parfaite ». Ils n’entendent donc pas limiter l’expression aux obligations de nature
purement civile; ils l’entendent dans le cadre de cette distinction aux obligations de toutes
natures (commerciale, sociale, fiscale et autres) qui réunissent toutes les conditions des
obligations juridiques parfaites. Seraient ainsi des obligations civiles :
1) l’obligation commerciale consistant en un lien entre deux sociétés ou deux
commerçants ;
2) l’obligation sociale visant le lien entre une caisse de sécurité et un ouvrier ;
3) l’obligation fiscale consistant en un lien entre l’Etat et un contribuable.
Une obligation juridique est dite parfaite ou civile lorsqu’elle est actuellement
sanctionnée ou sanctionnable. La sanction est la conséquence que le droit attache, en
faveur du créancier d’une obligation civile, à l’inexécution de cette obligation par le
débiteur. Elle apparaît concrètement dans sa réalisation soit comme le pouvoir de
contrainte qu’exerce le créancier par l’intermédiaire des juridictions étatiques aux fins
d’obtenir de son débiteur l’exécution forcée en nature ou par équivalent, soit comme la
faculté pour le créancier malheureux de reprendre la liberté (en cas de contrat
synallagmatique en demandant au juge la résolution avec ou sans paiement des
dommages - intérêts, selon le cas).
C’est à cette sanction que nous faisons allusion lorsque, définissant l’obligation au
sens retenu ici, nous disons que « l’obligation est un lien de droit en vertu duquel le
créancier peut exiger de son débiteur une certaine prestation ».
La réalité quotidienne nous montre de nombreux exemples de sanctions des
obligations juridiques parfaites. Nous voyons souvent, en effet, des vendeurs qui, en
19

vertu des contrats de vente, exigent le paiement des choses vendues aux acheteurs, des
locataires qui exigent des bailleurs la délivrance des choses louées ou des bailleurs qui
exigent le paiement des loyers de leurs locataires, des victimes d’un dommage subi
injustement qui exigent réparation par son auteur responsable.
Les exemples abondent pour montrer que l’obligation juridique civile est
réellement, comme l’indique ce schéma, un lien de droit (vinculum juris) en vertu duquel,
le créancier peut contraindre le débiteur à fournir la prestation qu’il doit.
A Rapport d’obligation B
Créancier Débiteur
Lien de droit

La vocation de toute obligation juridique, c’est d’être parfaite, c’est-à-dire être un


lien de droit garanti par une sanction dont l’existence permet au créancier de l’obligation
considérée de pouvoir contraindre le débiteur à acquitter celle- ci. Il n’en est cependant
pas ainsi dans tous les cas. Aussi, parle-t-on des obligations juridiques imparfaites que
l’on désigne sous l’appellation d’obligations naturelles ».

b) Quelques considérations sur l’obligation naturelle

1° Origine et notion
L’obligation naturelle a son origine en droit romain; elle visait notamment les
obligations des esclaves. Elle nous est parvenue par l’intermédiaire du code civil
Napoléon dont le nôtre s’est largement inspiré.
Mais qu’est-ce que l’obligation naturelle? Notre Code civil ne répond pas à la
question. Il se contente simplement d’appliquer en son article 133, al.2, livre III, la notion
de l’obligation naturelle. Il est aisé de connaître cette notion quand on connaît
l’enseignement de Pothier, à cet égard, puisque c’est la pensée de celui-ci qui a été
adoptée par les auteurs du code civil Napoléonien.
Dans l’enseignement de Pothier, l’obligation naturelle n’a rien à voir avec le devoir
moral ». Ce dernier « n’a aucun caractère juridique, tandis que l’obligation naturelle
constitue un véritable lien de droit, mais qui n’a jamais atteint la perfection des
obligations civiles ou qui l’a perdue »(13).
La doctrine traditionnelle a donc toujours défini l’obligation naturelle comme
« une véritable obligation qui par suite des causes particulières, est privée de la force
coercitive ». C’est une conception restrictive qui limite les obligations naturelles aux
seules obligations dégénérées ou manquées, dont on trouvera plus loin l’explication.
La jurisprudence a de l’obligation naturelle une conception extensive qui a permis
l’élaboration d’une théorie moderne. Selon les auteurs de cette théorie, la doctrine

13 Pothier (R.J.), Traité des obligations, 1764


20

traditionnelle est superficielle de plus, les hypothèses retenues par elles ne sont pas seules
où il y a obligation naturelle.
Appuyés par la jurisprudence, ils soutiennent qu’une obligation naturelle est
parfaitement concevable dans le cas d’un devoir moral lorsque celui-ci est suffisamment
précis et impérieux (analyse des mœurs, des circonstances...). Ils admettent ainsi qu’il y a
obligation naturelle toutes les fois qu’une personne s’oblige envers une autre ou lui verse
une somme d’argent, non sous l’impulsion d’une intention libérale, mais afin de remplir
un devoir de conscience ou d’honneur.
Devant cette évolution, nous pourrons retenir de l’obligation naturelle la définition
qu’en donne le vocabulaire juridique de Henri Capitant : « L’obligation naturelle est celle
que le débiteur ne peut être contraint d’exécuter par les voies légales, mais qui est
susceptible d’une reconnaissance ou d’une exécution volontaire valable »(14).
2° Différentes hypothèses des obligations naturelles
Cette définition est applicable aux hypothèses de la théorie classique comme à
celles de la théorie moderne.
Hypothèses de la théorie classique
Obligation civile dégénérée. Il s’agit d’une obligation paralysée par une exception
péremptoire (prescription, serment litis décisoire ou supplétoire prêté par le débiteur et
par hypothèse faux, autorité de la chose jugée). Dans tous les cas, il ne subsiste plus
qu’une obligation naturelle.
Obligation civile manquée. Une obligation civile devait naître le débiteur doué de
discernement et dont la volonté est saine a voulu s’obliger, mais en raison d’une règle
juridique générale, l’obligation n’est pas née sur le plan juridique : elle n’est qu’une
obligation naturelle. C’est le cas d’une donation ou d’un testament passé hors des formes
légales lorsque la volonté des parties était pleinement consciente. C’est aussi le cas d’un
engagement annulé pour défaut de capacité : il subsiste dans ces exemples une obligation
naturelle à charge du débiteur.
Hypothèses de la théorie moderne : obligations de conscience ou d’honneur.
Obligation alimentaire. On admet qu’en dehors des obligations alimentaires
imposées par la loi, il existe des obligations naturelles de fournir des aliments notamment
entre proches collatéraux, vis-à-vis de la belle-mère qui se remarie, ou encore, avant le
code de la famille du 1er août 1987, vis-à-vis d’un enfant « naturel » non reconnu (15), et
même pour certains, vis-à-vis d’un enfant « adultérin » (16).
Obligation de réparer un préjudice. La jurisprudence a fréquemment admis qu’il

14 Capitant (H), Vocabulaire juridique, V° obligation


15 Code la famille, supra, note n° 7
16 Bruxelles, 12 juillet 1947, JT 1949, 619.
21

pouvait exister une obligation naturelle de réparer un préjudice causé, lorsque les
conditions des articles 258 et suivants ne sont par réunies, il faudrait ajouter à cela les
obligations illicites. Il s’agit des obligations nées d’une convention qui porte atteinte à
l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
On admet généralement qu’une obligation civile nulle comme ayant une cause
immorale ou illicite ne laisse pas subsister une obligation naturelle. Dans quelques cas
cependant, la doctrine l’admet. Il en est ainsi notamment, pense-t-on, des dettes de jeu et
pari. Cette opinion se fonde sur l’article 1967 du code civil napoléonien qui prévoit qu’il
n’y a pas d’action pour le créancier, en ce qui concerne les contrats de jeu et de pari.
Cependant, si le perdant s’est exécuté, il ne peut réclamer restitution. Cela fait penser à
une obligation naturelle, mais si le législateur a défendu au créancier d’intenter une action
ou au débiteur de revenir sur son exécution, c’est, semble-t-il, parce que l’on n’admet pas
que quelqu’un fasse valoir devant le tribunal un argument fondé sur l’acte illicite (On
songera aux adages : « Nemo auditur <» et « In pari causa ... ») (17).
Dans ce cas, la simple promesse de payer est sans effet juridique. Il ne s’agit donc
pas d’une application de la théorie des obligations naturelles.
3° Effets
Il y a obligation naturelle véritable là où existe une obligation qui peut se
transformer en une obligation civile soit par le fait d’un paiement volontaire, soit par celui
d’une reconnaissance ou d’une promesse de payer valable. L’obligation naturelle est donc
celle qui peut évoluer et devenir une obligation juridique parfaite, c’est-à-dire une
obligation garantie par une sanction.
Avant cette évolution ou transformation de l’obligation naturelle, la contrainte est
impossible : le créancier n’a pas d’action pour forcer le débiteur à s’exécuter. Si le débiteur
s’est exécuté volontairement, il y aura paiement valable qui interdit la restitution : le
paiement d’une obligation naturelle éteint la dette du débiteur envers le créancier. C’est
pourquoi, l’article 133 alinéa 2, livre III du Code civil congolais dispose « La répétition
n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement
acquittées ».
Non seulement l’on doit dire que l’exécution volontaire d’une obligation naturelle
éteint la dette, mais il faut aussi souligner que l’obligation ainsi payée a cessé d’être
naturelle : elle est devenue civile, le créancier pouvant désormais contraindre son débiteur
à l’acquitter. C’est ainsi qu’entre un enfant né hors mariage non reconnu et son auteur, il
existe une obligation naturelle d’aliments. Mais, si volontairement son auteur exécute ou
offre d’exécuter cette obligation à l’égard de son enfant l’obligation est consolidée : elle se
transforme en obligation civile. L’enfant peut désormais contraindre son auteur à payer
ladite obligation.

17 Voir notes sub art. 30-32 Code civil, livre III.


22

Jugé en ce sens, que le père qui n’a pas reconnu son enfant naturel, mais subvient à
ses besoins, par devoir de conscience, et charge un tiers d’en prendre soin à ses frais,
promet l’exécution d’une obligation civile (18).
On comprend ainsi pourquoi l’obligation naturelle se caractérise par l’absence
actuelle de sanction. On remarquera toutefois que tant que l’obligation naturelle demeure
à l’état d’obligation juridique imparfaite, elle ne peut être invoquée en compensation par
le débiteur contre son créancier ; elle ne peut faire l’objet d’un cautionnement valable, car
la caution ne peut être tenue d’une autre façon que le débiteur principal.

c) Contenu de l’obligation civile

Reprenons notre schéma


A Rapport d’obligation B
Créancier Débiteur
Lien de droit

La conception classique de l’obligation considère celle-ci comme étant


suffisamment définie par le rapport juridique qu’elle établit entre le créancier et le
débiteur. Cette conception est dite moniste parce qu’elle ne voit entre les sujets (A-B) de
l’obligation qu’un seul et unique lien de droit. Une autre conception, dite « conception
dualiste » s’est surtout développée en Allemagne, en partant de l’analyse de l’obligation
en droit romain. D’après cette seconde conception, l’obligation s’analyse en deux
éléments. Le premier de ces éléments est le « debitum » qui est « le devoir d’exécuter la
prestation ». Du point de vue du débiteur, le « debitum » est la dette, du point de vue du
créancier, le « debitum » est le « devoir de recevoir en même temps que le droit à
recevoir » la prestation du débiteur.
Le second élément de l’obligation est, d’après cette conception dualiste,
l’obligation. L’obligation pourrait être traduite par les mots de responsabilité, de garantie,
de contrainte, d’engagement. Il désigne, en effet, la garantie dont jouit le créancier, c’est-à-
dire la personne, la chose ou les choses qui répondent du « debitum », qui en garantissent
l’exécution ou, si l’on veut, le pouvoir de contrainte que le créancier peut exercer sur la
personne ou sur les biens, en vue d’obtenir, sinon l’exécution de la prestation, du moins
une satisfaction équivalente »(19)
Ce dernier élément est selon nous, le plus caractéristique de l’obligation. Aussi,
avons-nous adopté dans ce cours la thèse moniste. Mais en fait, la définition adoptée
couvre aussi la thèse dualiste. L’on se rappelle, en effet, que nous allons étudier ici
l’obligation en tant que « lien de droit entre deux personnes (A et B) en vertu duquel l’une
d’elle (A), le créancier, peut exiger de l’autre (B) le débiteur, une certaine prestation.

18 Elis, 12 juin 1948, RJCB 1948, p. 137.


19 Marty (G) & Raynaud (P), op. cit., n° 2 bis.
23

Le pouvoir d’exiger suppose le bénéfice d’un pouvoir de contrainte qui permet


l’application de la sanction grâce à l’intervention de l’autorité publique, des tribunaux
étatiques.
d) Obligations coutumières
L’analyse des contrats coutumiers de la ville de Kinshasa révèle que la nature des
obligations coutumières est complexe; elle est à la fois civile et morale. Mais du fait
qu’elles sont sanctionnées par les tribunaux de l’Etat, elles apparaissent nettement
comme de vraies obligations juridiques. C’est le sens des obligations résultant du contrat
de likelemba.

4. Caractère patrimonial de l’obligation

L’obligation est un droit patrimonial. C’est un élément du patrimoine : élément


actif pour le créancier et passif pour le débiteur. Il est évaluable en argent. En effet,
l’obligation a pour but de permettre la satisfaction des besoins économiques du créancier
au moyen de la prestation que doit lui fournir le débiteur. Si celui-ci ne s’exécute pas
volontairement, le créancier peut l’y contraindre par les voies de droit.
Si l’exécution forcée en nature n’est pas possible, le créancier se payera par
équivalent sur les biens de son débiteur en les faisant saisir et vendre à son profit. Le
patrimoine répond des dettes. On dit que le créancier a un droit de gage général sur le
patrimoine du débiteur.
L’article 245 de la loi 73/021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime des sûretés telle que modifiée par la loi n° 80/008
du 18 juillet 1980 dispose en effet que « tous les biens du débiteur, présents et à venir,
sont le gage commun de ses créanciers et le prix s’en distribue entre eux par contribution,
à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légales de préférence » (20).
A 500

A’ 1500

A’’ 1000 B 5000

A’’’ 2000
Remarque : Si la recherche de la satisfaction des besoins économiques est le critère
principal du caractère patrimonial de l’obligation, il faut se garder néanmoins de classer
parmi les droits patrimoniaux toutes les obligations qui impliquent une certaine

20 Cet article était le n° 24 avant la loi du 18 juillet 1980, JO n° 15 du 1er août 1980, p. 29.
24

satisfaction des besoins économiques.


Il est évident, en effet, que les droits de la personnalité: droit de famille, telle
l’autorité paternelle, droit à l’honneur, à la vie, à la liberté sont en dehors du droit des
obligations, bien que dans le droit de famille, l’obligation alimentaire ait un caractère
pécuniaire malgré son aspect familial, ou encore que la déchéance de la puissance
paternelle fasse perdre à son titulaire le droit de jouissance et dispense l’enfant de son
obligation alimentaire.
Par ailleurs, l’on sait que toute violation de l’honneur, de l’intégrité physique,
ouvre une créance de dommages - intérêts. Il ressort de tous ces cas que la cloison qui
sépare le domaine de l’obligation de celui des droits de la personnalité est vraiment
étanche (21).
Et pour reprendre les mots de Julliot de la Morandière, l’on devine combien, dans
les cas de ce genre, les considérations d’ordre moral doivent avoir de poids à côté et au-
dessus des considérations d’ordre matériel (22).

5. Principales classifications des obligations

Les obligations se classent principalement soit d’après leur objet, soit d’après leurs
sources.

§1. Classification des obligations d’après leur objet

Il s’agit ici d’examiner la nature de diverses prestations auxquelles peut donner


naissance une obligation. Et, à cet égard, la doctrine distingue, l’obligation de donner
quelque chose, l’obligation de faire quelque chose (prestation positive) et enfin,
l’obligation de ne pas faire quelque chose (prestation négative).
Analysons ces grandes catégories des obligations en donnant chaque fois leur
définition et leur contenu.
A. Obligation de donner
1. Notion
C’est le lien de droit par lequel le débiteur s’engage à transférer au créancier la
propriété d’une chose ou à constituer à son profit un droit réel sur cette chose(23).
2. Contenu
L’obligation de donner est complexe dans son contenu. Elle comporte trois

21 Mazeaud (H. L. et J.), Leçons de droit civil, II, Vol. I, 4ème éd., par M. de Juglart, Paris, Montchrestien, 1969, n° 10
22 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 259, p. 138
23 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 258.
25

obligations plus spécifiques pour le débiteur :


1°. l’obligation de transférer la propriété de la chose (ou de constituer sur elle un
droit réel);
2°. l’obligation de livrer matériellement cette chose;
3°. l’obligation de la conserver jusqu’à la livraison.
a. Transfert de propriété et transfert des risques
Transfert de propriété
La question importante en ce domaine est celle de savoir à quel moment ce
transfert se réalise. La réponse en droit congolais variera suivant que l’on se trouve en
matière mobilière ou en matière immobilière.
En matière mobilière, la propriété est transférée dès la naissance de l’obligation. Et
celle-ci naît en principe dès l’accord des volontés. C’est ce qu’exprime l’article 37, alinéa
1er du Code civil, livre III lorsqu’il dispose : « L’obligation de livrer la chose est parfaite
par le seul consentement des parties contractantes ».
Mais ce texte qui date du 30 juillet 1888 ne vise que la matière mobilière car les
règles applicables sont différentes depuis l’adoption en droit congolais en 1912 d’un
régime spécial pour les biens immobiliers.
En effet,aujourd’hui en matière immobilière, c’est l’établissement du certificat
d’enregistrement qui est translatif de propriété suivant les articles 219 et suivants de la loi
précitée du 20 juillet 1973 portant régime général des biens< telle que modifiée par la loi
du 18 juillet 1980.
Transfert des risques
Suivant l’article 37, alinéa 2, « elle (l’obligation de livrer la chose) rend le créancier
propriétaire, et met la chose à ses risques dès l’instant où elle a dû être livrée, encore que
la tradition n’en ait point été réalisée, à moins que le débiteur ne soit en demeure de la
livrer, auquel cas, la chose reste aux risques de ce dernier ». Le mot « livrer » vise
l’opération juridique de transfert de propriété, tandis que le mot « tradition » vise
l’opération matérielle de livraison (tradere, tradition)
Principe
Il apparaît de l’analyse des dispositions de l’article 37, alinéa 2 du Code civil, livre
III qu’en principe, le moment du transfert des risques coïncide avec le moment du
transfert des risques coïncide avec le moment du transfert de propriété, suivant l’adage
« Res perit domino ».
Exceptions
Cas de mise en demeure
Si le débiteur n’a pas encore livré matériellement la chose et qu’il est mis en
26

demeure de le faire, les risques lui incomberaient si la chose qu’il détient encore au
moment de la mise en demeure venait à périr ou à se détériorer. Dans ce cas, res perit
debitori (débiteur de l’obligation de livrer) la mise en demeure apparaît ainsi importante,
il convient d’en préciser la portée.
Mettre quelqu’un en demeure, c’est l’obliger à remplir son engagement, à exécuter
son obligation. Par extension, la demeure signifie l’ordre, l’injonction. De la sorte, mettre
en demeure, c’est donner l’ordre à quelqu’un de s’exécuter, lui enjoindre de s’exécuter.
L’article 38 du Code civil qui donne la notion de mise en demeure dispose que le
débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation, ou par un acte équivalent, soit
par l’effet de la convention lorsqu’elle porte que sans qu’il soit besoin d’acte et par la seule
échéance du terme, le débiteur sera en demeure.
On remarque d’ores et déjà que la mise en demeure n’est soumise à aucune forme
sacramentelle.
Cas de perte d’un corps certain
L’article 194 du Code civil, livre III porte une règle différente en cas de perte du
corps certain intervenue sans faute du débiteur. La solution dans ce dernier cas est
l’extinction de l’obligation, c’est-à-dire que le débiteur de l’obligation de livrer est libéré
alors que le créancier reste tenu de payer le prix. Mais l’article 194 précise que l’obligation
est éteinte si la chose a péri avant que le débiteur ne fût mis en demeure.
b. Livraison de la chose
La livraison de la chose est la deuxième obligation du débiteur que l’on peut
relever dans l’obligation générale de donner.
Il s’agit de la livraison matérielle de la chose et de sa mise à la disposition du
créancier. C’est ce que le code nomme « la tradition » du latin « trahere » qui signifie
« livrer ». Nous développerons en différents aspects de cette question quand nous
étudierons le paiement et la vente. Disons simplement que la non exécution de cette
obligation peut donner lieu à des sanctions civiles à l’encontre du débiteur.
c. Conservation de la chose
En attendant le moment de la livrer, le débiteur doit conserver la chose en bon
père de famille. Il serait sur le plan civil responsable de la non-conservation de la chose.
Le but de cette obligation est d’éviter la négligence et les abus qui débiteur qui sachant
qu’il n’est plus désormais le propriétaire de la chose qu’il détient pourrait se montrer non
consciencieux.
Remarque sur la mesure de la sanction.
Le débiteur qui ne conserverait pas la chose en bon père de famille serait tenu de la
culpa levis in abstrato. Cette responsabilité est plus ou moins étendue suivant les contrats
(Art. 36 al. 2 du Code civil, livre III). Mais quelle est donc la nature de cette faute dont sera
27

tenu le débiteur de l’obligation de conserver que nous avons appelée « faute légère en
rapport au comportement du bon père de famille ou culpa levis in abstracto ?
Quid de la culpa levis in abstracto ?
C’est celle que ne peut commettre un homme diligent placé dans les mêmes
situations concrètes et objectives. Mais quelle est la place de cette faute, de cette culpa
levis in abstracto par rapport à d’autres degrés de faute C’est le droit ancien qui a prévu
en théorie ces catégories, ces gradations de faute (24) Il s’agissait en les citant de la plus
lourde à la plus légère :
1. Dol ou faute intentionnelle
A celle-ci on assimilait la négligence grossière ou faute lourde. C’est la culpa lata
aecquiparatur dolo. Conséquence de cette faute : Elle engageait toujours la responsabilité
du débiteur.
2. Culpa levis in abstracto
Faute légère appréciée par comparaison avec le type abstrait du bon père de
famille. Conséquence : Le débiteur en répondait si le contrat était conclu pour l’utilité des
deux parties.
L’article 36 est peu différent.
3. Culpa levis in concreto
Faute légère appréciée par comparaison avec la conduite du débiteur dans ses
propres affaires.
Conséquence
Le débiteur n’en répondrait pas si le contrat était conclu dans l’intérêt du
créancier, on estimait qu’on ne pouvait demander au débiteur d’être plus diligent que
pour ses propres choses.
B. Obligations de faire et de ne pas faire
1. Notion
L’obligation de faire est le lien de droit par lequel le débiteur s’engage à exécuter
pour le créancier, une prestation positive, à accomplir un fait. C’est le cas de l’obligation
du peintre qui s’engage à faire votre portrait, de l’architecte à construire tel type de
maison.
L’obligation de ne pas faire, par contre, est le lieu de droit par lequel le débiteur
promet une prestation négative, promet de s’abstenir de tel ou tel agissement. C’est le cas
d’une Promesse de ne pas bâtir, de ne pas livrer un secret de fabrique, de ne pas exercer
tel commerce dans telle région, etc. C’est aussi l’obligation pour le vendeur de ne pas
troubler par son fait la paisible jouissance de la chose vendue à l’acheteur< C’est

24 Beudant, Droit civil français


28

l’obligation de ne pas s’engager dans une entreprise concurrente dans tel délai<
2. Contenu
Les articles 40 et 43 du Code civil, livre III ne précisent pas le contenu exact des
obligations de faire et de ne pas faire; ils n’envisagent que les conséquences de leur
inexécution. La doctrine a pu dégager cependant certaines catégories d’obligations telle
les obligations de résultat et de moyen d’une part (25) et les obligations de sécurité d’autre
part.
a) Obligations de résultat et obligations de moyen
Obligation de résultat
Ici, les parties ont voulu que le débiteur procure, par son fait, un certain résultat
qu’il lui garantit. Dans le contrat d’entreprise par exemple, l’entrepreneur s’engage à
fournir tel ouvrage, à telle date (une maison, un mur), à faire un portrait; à transporter
telle personne ou telle chose d’un lieu à un autre.
Obligation de moyen
Ici, le débiteur s’oblige à employer certains moyens sans garantir aucun résultat. Il
s’oblige à fournir un comportement prudent, une attitude diligente en vue d’un fait
précis, mais qu’il ne garantit pas.
Le contrat médical et le contrat d’enseignement par exemple engendrent des
obligations de moyen : Il s’agit pour le contrat médical de l’obligation du médecin de
donner des soins sans garantir la guérison nécessairement; et pour le contrat
d’enseignement de l’obligation de l’enseignant de donner des leçons sans garantir la
réussite. Il doit être entendu dans toutes ces hypothèses que les moyens utilisés doivent
être d’un bon père de famille.
Intérêt de la distinction
L’intérêt de la distinction apparaît sur le plan de la faute en cas d’inexécution de
l’obligation par le débiteur. La force de la présomption de la faute du débiteur est
différente selon qu’il s’agit des obligations de résultants ou des obligations de moyen en
effet, dans le cas des obligations de résultat, également appelées obligations déterminées,
il suffit au créancier de prouver que le résultat n’a pas été atteint; la faute du débiteur est
ici présumée de façon irréfragable. Le débiteur ne peut se dégager qu’en démontrant une
cause étrangère. Dans le cas d’une obligation de moyen, un examen de la conduite du
débiteur devient nécessaire, lorsque le résultat escompté n’est pas atteint : la présomption
de faute du débiteur est ici renversable : « Le créancier, pour démontrer que l’obligation
n’a pas été exécutée, doit prouver que le débiteur ne s’est pas comporté avec la prudence
et la diligence auxquelles il était tenu; la preuve d’une imprudence ou négligence du

25 Frossart (J), La distinction des obligations de moyen et des obligations de résultat, Paris, LGDJ, 1985.
29

débiteur est à la charge du créancier »(26).


Sous un autre angle, nous pouvons dire avec M. Joseph Frossard que la
« responsabilité objective liée aux obligations de résultat est devenue, sinon le droit
commun, du moins le type courant ». La distinction des obligations de résultat des
obligations de moyen aurait, si elle s’était poursuivie, « jeté par-dessus bord », l’ancienne
notion de faute. Le compromis était nécessaire, il est réalisé grâce à cette distinction (27).
b. Obligation de sécurité
Les tribunaux ont également admis que dans nombre de contrats, l’obligation de
faire à la charge du débiteur, comportait normalement dans le silence des parties, une
obligation de sécurité accessoire.
Ainsi le transporteur garantira au transporté la sécurité, en le faisant arriver sain et
sauf : le transporté peut donc rappeler cette obligation au chauffeur de bus ou de taxi qui
veut excéder sa vitesse normale de croisière.
c. Autres obligations accessoires
Toutes ces obligations sont déduites par la jurisprudence de la volonté des parties.
Le banquier aussi ainsi l’obligation accessoire de renseigner son client, comme dans le
contrat de garage, le garagiste aura l’obligation de renseigner le client sur les réparations
éventuelles à effectuer.

§2. Classification des obligations d’après leurs sources

La loi peut être une source des obligations. Mais en dehors d’elle, la source de
l’obligation est l’acte ou le fait juridique auquel la loi s’attache pour considérer l’obligation
comme née (28). Il s’agit du contrat, du délit et du quasi-délit et enfin, du quasi-contrat.
a. Le contrat est l’accord de volonté entre le créancier et le débiteur en vue de faire
naître l’obligation (Cfr Art. 1er du Code civil, livre III);
b. Le délit ou le quasi-délit est tout fait illicite, toute faute (délit) ou toute imprudence
et négligence (quasi-délit) qui cause un dommage à autrui et qui nécessite
réparation (Art. 258 et suivants du Code civil, livre III).
c. Enfin, le quasi-contrat est un fait licite qui, à l’instar d’un contrat mais sans qu’il y
ait accord de volontés, engendre les obligations. Cette dernière source suscite de
nombreuses controverses en doctrine (29). Elle englobe notamment la gestion
d’affaires (Art 2484 du Code civil, livre III), l’enrichissement sans cause (Art. 252
du Code civil, livre III) et le paiement de l’indu (Art. 253).

26 Mazeaud ( H, L et J), Leçons de droit civil, T. II, 3° éd. 1966, n° 21.


27 Frossart (J), op. cit. n° 488, p. 281.
28 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 258.
29 Nooman.K. Gomaa, Théorie des sources de l’obligation, Paris, LGDJ, 1968 n° 202, pp. 174 – 175.
30

Remarque

La doctrine moderne critique la théorie des sources de l’obligation telle que


présentée traditionnellement. Avec raison, elle fait remarquer que de nos jours, plusieurs
faits et actes juridiques sont aussi sources d’obligations sans être repris par la
classification traditionnelle ou même en étant rattachés artificiellement à telle ou telle
grande catégorie de source. L’exemple le plus cité est celui du quasi-contrat qui englobe
une série d’opérations qui devraient en être détachées.
Par ailleurs, il faut faire remarquer que le contrat n’est plus la source fondamentale
d’obligations. On se rend compte que beaucoup d’autres opérations d’échanges qui ne
sont pas des contrats sont de plus en plus des sources importantes d’obligations. C’est le
cas des opérations d’adhésion, des contrats administratifs, des opérations liées au plan
impératif, etc.).
Enfin, une critique du délit classique fait voir qu’il y a de nombreux cas
d’indemnisation qui ne sont pas les délits ni des quasi-délits civil(30). C’est simplement
pour des raisons pédagogiques que nous emprunterons à la théorie classique, avec les
critiques nécessaires, le plan d’étude des sources de l’obligation.
Sans pouvoir préjuger définitivement sur les résultats de la commission, il y a lieu
de croire que les règles des obligations étant techniques et internationales ne se
modifieraient pas beaucoup. Il faudra surtout introduire les acquis profitables que le droit
comparé peut nous apporter et partout où l’impératif du développement ne s’oppose pas,
se conformer à la mentalité juridique du peuple.
6. Plan de l’ouvrage
Après ce titre préliminaire, il est temps maintenant d’étudier le fond de la matière
dont voici le plan.
PREMIERE PARTIE : SOURCES DES OBLIGATIONS
Titre I : Contrats
Titre II : Délits et quasi-délits
Titre III : Quasi-contrats
DEUXIEME PARTIE : REGIME GENERAL DES OBLIGATIONS (ou les obligations en
elles-mêmes, indépendamment de leurs sources)
Titre I : Transmission des obligations
Titre II : Etude des modes d’extinction des obligations
Titre III : Modalités des obligations et obligations complexes
Titre IV: Preuve des obligations

30 Voir la thèse précitée de Nooman M.K. Gomaa et Marty (G) & Raynaud (P), op. cit. n° 22 ; Kalongo Mbikayi,
Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois, Kinshasa, PUZ, 1977.
31

Titre V : Garanties générales du droit de créance ou les droits du créancier non payé sur
la personne et sur les biens de son débiteur
32

PREMIERE PARTIE :
SOURCES DES OBLIGATIONS
33
34

Titre I : CONTRATS

Nous examinerons les principes généraux des contrats en six chapitres : Notions
générales, classifications des contrats (chapitre I), Conditions de formation et de validité
des contrats (chapitre II), Annulation des contrats et prescription de l’action en nullité
(chapitre III), Effets des contrats entre les parties (chapitre VI), Effets des contrats à l’égard
des ayants cause des parties et à l’égard des tiers (chapitre V) et Extinction et résolution
des contrats (chapitre VI).

Chapitre I : Notions générales et classification des contrats

Section 1: Notions générales

§1. Définition du contrat


D’après l’article 1er, du Code civil congolais, livre III, « le contrat est une
convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs
autres, à faire ou ne pas faire quelque chose ».
Dans la pratique, l’on confond souvent la notion de contrat avec celle de
convention. Notre Code civil lui-même en son article premier donne, comme le Code civil
belge ou français, une définition qui se rapporte plutôt à l’obligation qu’au contrat.
Du point de vue juridique, la convention n’est pas synonyme de contrat. La
convention est tout engagement formé par l’accord de deux ou plusieurs volontés
individuelles en vue de faire quelque chose. Cet engagement n’a pas pour but de créer
des effets juridiques. Il peut être mondain, amical et viser n’importe quoi, convention ou
accord entre deux amis étudiants pour préparer ensemble les examens ou aller ensemble
au stade, promesse de voyage par un père à son fils, accord entre copains pour venir en
aide aux malades du quartier.
Le contrat par contre, est une catégorie des conventions ordinaires. Disons que
c’est une convention bien spécifique qui se caractérise par sa finalité propre qui est « la
création des effets juridiques », la création d’une obligation déterminée, c’est – à -dire
d’un lien de droit entre créancier et débiteur. On remarquera donc pour qu’il y ait contrat,
il faut que les parties aient eu l’intention de se lier juridiquement, l’intention de créer une
obligation.
Commentaire
Il résulte de la notion de contrat que la volonté des individus ne peut faire naître
une obligation que si elle prend la forme (d’une convention), d’un accord entre deux
personnes : la personne qui s’oblige (le débiteur) et la personne envers laquelle le débiteur
s’oblige (le créancier). C’est dire qu’en principe : un acte juridique unilatéral, émanant
35

d’une seule volonté, ne peut faire naître d’obligations. Ceci, il convient de le dire, est la
conséquence du principe libéral qui sert de base aux codes civils occidentaux que nous
avons hérité.
Mais, il faut dire également que le droit moderne a apporté à ce principe libéral et
individualiste des restrictions importantes. C’est ainsi que l’on remarque que certains
actes appelés à juste titre par la doctrine « actes - règles » (Julliot n° 274) posés par une
seule ou par certaines parties sortent des effets juridiques même à l’égard des tiers (c’est-
à-dire personnes non parties au contrat). C’est le cas : du testament qui est un acte
unilatéral, une œuvre unilatérale d’une volonté particulière, qui peut imposer au
légataire, à titre de charge, une obligation à l’égard d’une autre personne; des contrats
collectifs conclus par quelques personnes, organes directeurs d’une personne morale ou
d’un syndicat et visant des intérêts collectifs ou syndicaux s’imposant à des tiers.
C’est la conséquence de la socialisation du droit dont le résultat est la pénétration
du droit public dans le droit privé. Nous reviendrons sur ces notions en examinant la
classification moderne des contrats. Mais indiquons auparavant la situation du contrat
dans l’ensemble des faits juridiques.
Schéma : Situation du contrat dans l’ensemble des faits juridiques
Faits juridiques :
L’on sait que le fait 1. Il peut être un acte matériel pur lorsqu’il
juridique est l’événement n’a pas pour but de produire ces effets,
qui crée un droit, le mais les produits. C’est l’hypothèse de
modifie, le transfert ou l’acte domma-geable culpeux.
l’éteint. C’est le cas de la 2. Il peut enfin consister en un véritable
naissance, de la mort ou acte juridique. Il s’agit dans ce dernier cas
de l’incendie. de la manifestation de volonté ayant
pour but de produire des effets
juridiques.
a) L’acte juridique peut être unilatéral.
Il s’agira de la manifestation d’une
seule volonté ex. testament.
b) Comme il peut aussi être bilatéral.
Dans ce cas, il s’agira de la
manifestation de deux volontés au
moins : c’est le contrat qui li même
peut être comme nous l’expliquerons
bientôt, unilatéral (dépôt, donation,
prêt) ou bilatéral (vente, louage,<)
36

§2. Principe de l’autonomie de la volonté ou de liberté contractuelle (31)


I. Principe
Le principe de l’autonomie de la volonté procède d’une théorie de philosophie
juridique, suivant laquelle la volonté humaine est à elle-même sa propre loi, se crée sa
propre obligation. Cette théorie a marqué le code civil en harmonie avec l’idéologie
individualiste libérale de 1804 qui elle-même se ressent de la vague de liberté qui a soufflé
en France avec la Révolution française de 1789 (32).
Ce principe se trouve chez-nous affirmé dans l’article 33, alinéa 1er du Code civil,
livre III : « Les conventions légalement formées, tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faites ». Il domine toute la réglementation des contrats dans le Code civil. Il comporte
deux conséquences essentielles: les particuliers peuvent faire tous les contrats qu’ils
veulent et en régler librement les effets. Ils peuvent en déterminer le contenu et les
variétés qu’ils désirent. C’est la liberté contractuelle. Les contractants sont liés de par leurs
stipulations, comme par la loi. Ainsi, le débiteur ne peut se dédire de son obligation. De
plus, pour qu’une convention puisse être révoquée, il faut le consentement de toutes les
parties (art. 33 al.2). A défaut d’accord nouveau, le créancier pourra exiger l’exécution du
contrat. Et le juge saisi d’une difficulté ne pourra, en rien, modifier les effets voulus par
les parties. Nous reviendrons d’ailleurs sur tout ceci lorsque nous examinerons les effets
du contrat à l’égard des parties et à l’égard des tiers. En attendant, notons que ce principe
n’est pas absolu. Même dans le Code civil lui-même, il subit quelques limitations.
II. Limitations au principe
L’autonomie de la volonté est en effet limitée d’une part par les lois impératives,
l’ordre public et, les bonnes mœurs (limites classiques) et d’autre part, par les nécessités
de l’évolution du monde moderne.
Limites classiques
1. Lois impératives
La plupart des dispositions du Code civil sont supplétives ; les parties peuvent y
déroger. Mais d’autres dispositions sont impératives, c’est-à-dire qu’elles doivent être
respectées à peine de nullité du contrat.
Les lois impératives visent la protection même des parties. C’est le cas des
dispositions relatives aux conditions de validité des contrats (consentement, capacité des
parties,objet et cause), à l’interdiction de contracter en monnaie étrangère quand le
législateur la prône, etc. Le caractère impératif de la loi apparaît souvent à son libellé. Par
contre la plupart des dispositions générales du contrat sont supplétives. Telles sont par
exemple, celles relatives au moment du transfert de propriété en matière mobilière en cas

31 Julliot de la Morandière, op.cit., n° 275.


32 Carbonnier (J), Droit civil, Paris, PUF, 1969, IV, n° 9, p. 33.
37

de vente (Code civil, livre III, art. 37 et 264).


2. Ordre public et bonnes mœurs
Les contrats contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs sont également
frappés de nullité absolue (Code civil, livre III, art. 30 et 32). C’est le cas notamment du
contrat de vente libre d’explosifs ou de stupéfiants, de toute convention en vue de
provoquer des désordres sociaux ou d’assassiner les dirigeants ou de contrats immoraux,
tel le contrat de louage de services des filles mineures dans un débit de boissons en vue
d’exploiter la débauche.
Par ordre public, on entend un ensemble de valeurs considérées comme
essentielles et bonnes pour le développement d’une communauté donnée. Il s’agit d’une
notion variable dans le temps et dans l’espace (de pays à pays, d’époque à époque) et
même d’une branche de droit à une autre.
Les bonnes mœurs évoquent l’idée de moralité. Il s’agit de l’ensemble de valeurs
morales considérées comme essentielles au développement et à l’épanouissement des
citoyens d’une communauté donnée. Comme l’ordre public, cette notion est aussi variable
dans le temps et dans l’espace. On l’inclut généralement dans l’ordre public.
Limitations modernes
Ces limitations sont la conséquence du progrès des idées sociales qui
subordonnent l’individu et ses intérêts à l’Etat et aux intérêts collectifs(33).
A la suite du phénomène de socialisation du droit (contrôle de la loi, intervention
sociale et économique dirigée), la volonté particulière n’est plus souveraine dans la
conclusion de nombreux contrats et les articles 33 et 63 n’ont plus qu’une portée limitée.
Le domaine de l’ordre public s’accroît chaque jour et partant, le domaine de la liberté
contractuelle se rétrécit, tandis que les causes de nullité se multiplient. La loi ou les
règlements émanant des agents de l’Etat ou des organes corporatifs et syndicaux, ne
laissent plus à la volonté des contractants qu’un champ de plus en plus restreint. On
s’oriente vers le contrat imposé, le contrat dirigé, dont la plupart des clauses auront été
par avance impérativement dictées aux parties.
La stabilité des contrats n’est plus considérée comme un dogme absolu. En effet,
l’on voit de nombreux cas dans lesquels la loi, directement ou par l’intermédiaire du juge,
porte, au nom des nécessités sociales, atteinte aux effets des contrats antérieurement
conclus. C’est le cas dans les contrats administratifs (voir théorie de l’imprévision).
En revanche, on tend à admettre qu’un contrat puisse avoir effet à l’égard des
tiers. C’est le cas lorsque les nécessités sociales l’exigent. En particulier, la considération
des intérêts collectifs et professionnels amène à concevoir que des contrats peuvent être

33 Julliot de la Morandière (L), op.cit., n° 275 ; Savatier (R), op. cit., 1ère série, 4ème éd., n° 16 à 24 « L’éclatement de la
notion traditionnelle de contrat ».
38

conclus par des individus, en vue de ces intérêts, contrats qui s’imposeront à toutes les
personnes, englobées dans lesdits intérêts collectifs, bien que ces personnes n’aient pas
participé à la conclusion des accords. Nous en avons une illustration avec les contrats
collectifs, comme des conventions collectives du travail.

Section 2 : Classification des contrats

§1. Contrats nommés et contrats innommés


Les contrats sont d’une variété très grande. Le Code civil a réglementé certains
d’entre eux dont les types sont connus depuis des années. Il s’agit des contrats dits
« nommés ». Ils sont ainsi appelés parce que le Code civil les a réglementés, en leur
donnant une dénomination propre. C’est le cas de la vente, de l’échange, du louage, de
l’entreprise, du prêt, de la transaction, du mandat, du dépôt, etc.
Mais la complexité des rapports a donné naissance à d’autres types de contrat non
prévus par le Code civil. Il s’agit des contrats dits « innommés ». Ces derniers contrats
sont ceux que le législateur n’a pas assujettis à une réglementation propre. Les parties sont
néanmoins libres de les conclure, en vertu du principe de l’autonomie de la volonté. La
pratique finit cependant toujours par leur conférer une dénomination. On a vu ainsi
apparaître le contrat d’édition, le contrat de représentation de spectacles (représentations
théâtrales), le likelemba (ristourne), le contrat d’assurance, le contrat de transport et le
contrat informatique, etc.
Intérêt de la distinction
L’intérêt de cette distinction générale des contrats en contrats nommés et
innommés est manifeste.
A défaut de stipulations contraires, les contrats nommés sont régis principalement
par leurs propres règles, c’est-à-dire les règles du Code civil et subsidiairement par les
règles générales des obligations. Il y a lieu de rappeler à cet égard que les règles du Code
civil sont généralement supplétives, par opposition aux règles impératives.
Les contrats innommés sont uniquement régis par les règles générales des
obligations (Code civil, livre III, art. 7).
Venons-en à présent à la classification proprement dite des contrats.
Le Code civil congolais, à l’instar des codes occidentaux qui l’ont influencé,
consacre, en ses articles 1er à 7 du Livre III une certaine classification des contrats. C’est la
classification traditionnelle. A côté d’elle, la doctrine, sous l’action des auteurs modernes,
a été amenée à ajouter d’autres catégories que l’évolution commandait. Nous verrons
donc d’abord la classification ancienne, celle du Code civil (§2) puis celles des auteurs
modernes (§3).
39

§2. Classifications anciennes des contrats


La classification des contrats établie par le Code civil s’est faite tantôt d’après leur
contenu et leurs effets, tantôt d’après leur mode de formation.
I. Contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux
On prend en considération ici, le contenu du contrat :
1° Contrats synallagmatiques
Suivant l’article 2 du Code civil congolais, « le contrat est synallagmatique ou
bilatéral, lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres ».
Dans ce contrat, chaque partie doit effectuer pour l’autre une certaine prestation.
L’obligation de l’un a pour contrepartie l’obligation de l’autre. Il s’agit de l’obligation
passive. Dans la vente, par exemple, le vendeur s’oblige à transférer la propriété et à faire
délivrance de la chose vendue, tandis que l’acquéreur de son côté s’oblige réciproquement
à en payer le prix.
Dans le louage des choses, le bailleur s’oblige à procurer au locataire la jouissance
du bien loué notamment à délivrer la chose, le preneur (locataire) à en jouir en bon père
de famille et en payer le loyer. La majorité des contrats rentrent dans cette classe. C’est le
cas de la vente (art. 263), de l’échange (art. 365), du louage (art. 370) et du prêt à intérêt
(art. 478).
2° Contrats unilatéraux
« Le contrat est unilatéral, dit l’article 3 du livre III du code civil congolais,
lorsqu’une ou plusieurs personnes sont obligées envers une ou plusieurs autres, sans que
de la part de ces dernières il y ait engagement.
Ici, les obligations ne sont pas réciproques. Une seule partie s’oblige à l’égard de
l’autre qui reste sans engagement. La donation, le prêt et le bi -prêt constituent des
contrats unilatéraux. Dans la donation, le donateur s’engage à transférer la propriété et à
faire délivrance du bien donné, sans que le donataire n’assume un quelconque
engagement réciproque : le donateur est celui qui donne quelque chose à quelqu’un;le
donataire est celui qui reçoit ce qu’on donne.
Dans le prêt à usage, (commodat) seul le commendataire a une obligation, celle de
restituer la chose; le dépôt, le mandat, le cautionnement non rémunéré sont des contrats
unilatéraux.
Il faut souligner avec force la nette différence qui existe entre un contrat unilatéral
et un acte unilatéral. Un acte unilatéral est l’œuvre d’une seule volonté. C’est la
manifestation de la volonté d’une seule personne. Le testament rentre dans cette
catégorie: dans cet acte, le testateur agit de sa seule et unique initiative. Tandis qu’un
contrat unilatéral est l’œuvre d’au moins deux parties avec cette caractéristique que
l’obligation qui naît n’est à charge que d’une seule partie.
40

Ainsi, dans la donation, seul le donateur est obligé, alors que son obligation est née
de l’accord entre lui-même et le donataire (qui devait accepter l’offre).
Intérêt de la distinction
L’intérêt de la distinction entre contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux
est grand à plusieurs égards.
En matière de preuve, les règles sont différentes selon qu’on se trouve devant un
contrat synallagmatique (art. 207) ou un contrat unilatéral (art.208). L’écrit sous seing
privé est en effet soumis à des règles différentes selon qu’on se trouve devant un contrat
synallagmatique ou unilatéral.
Dans les contrats synallagmatiques, les obligations naissant à charge de chacune
des parties se servent réciproquement de cause. Si l’une des parties n’exécute pas ses
obligations, l’autre partie peut refuser d’exécuter les siennes en vertu du principe de
« l’exceptio non adimpleti contractus ».
La notion de cause est différente dans les contrats unilatéraux. Et ceci a des
répercutions considérables non seulement sur l’exécution du contrat comme on l’a dit,
mais également sur sa formation, sur la question des risques (qui ne se pose que pour les
contrats synallagmatiques), et sur la résolution des contrats synallagmatiques (Code civil,
livre III, art. 82). Avant de passer à l’examen de la deuxième grande catégorie de contrats,
disons un mot sur une espèce particulière de contrats synallagmatiques : les contrats
synallagmatiques dits « imparfaits ».
3° Contrats synallagmatiques imparfaits
Il s’agit des contrats qui, au départ sont unilatéraux, mais dans la suite deviennent
synallagmatiques parce qu’une obligation est née à charge du créancier. Dans le cas du
dépôt par exemple, on sait qu’au départ, le dépôt est un contrat unilatéral. Mais si au
cours de ce contrat, le dépositaire a fait de dépenses pour assurer la conservation de la
chose en dépôt, il peut en exiger le remboursement au déposant, alors qu’à l’origine le
contrat ne fait naître l’obligation qu’à charge du dépositaire, à savoir l’obligation de
restituer le dépôt, c’est-à-dire la chose livrée en dépôt. Il peut en être de même dans le
gage ou le mandat. Aussi, appelle-t-on souvent ces contrats « contrats synallagmatiques
imparfaits ».
Notons que les auteurs classiques admettent en général qu’ils demeurent
unilatéraux, la nouvelle obligation pour eux n’étant seulement que subsidiaire et
éventuelle, elle n’est pas la cause de l’obligation principale vue lors de la formation du
contrat. Mais cette conception est aujourd’hui contestée (34).
Et c’est ainsi que l’appellation contrats synallagmatiques imparfaits est plus
généralement reçue, car l’on prend en considération plus l’exécution du contrat que sa

34 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 566.


41

formation.
II. Contrats à titre onéreux et contrats à titre gratuit
Suivant l’article 6 du Code civil, livre III, « le contrat à titre onéreux est celui qui
assujettit chacune des parties à donner ou à faire quelque chose ».
Cette définition est inexacte, car elle est déjà connue du contrat synallagmatique.
L’erreur du Code civil est compréhensible. C’est qu’en effet, les contrats synallagmatiques
sont généralement à titre onéreux, comme les contrats unilatéraux sont généralement à
titre gratuit. Mais l’inverse n’est pas vrai, tous les contrats à titre onéreux ne sont pas
nécessairement synallagmatiques. L’on peut rencontrer certains contrats unilatéraux qui
soient à titre onéreux; tel le prêt à intérêt : le prêteur agit en vue de retirer un intérêt de
son argent, l’emprunteur s’engage en vue de jouir de la somme qui lui a été remise. Par
ailleurs l’on peut avoir des contrats synallagmatiques à titre gratuit (35). C’est le cas des
donations avec charges.
Qu’est-ce alors un contrat à titre onéreux ?
Il importe d’indiquer d’abord que la distinction des contrats à titre onéreux et
contrats à titre gratuit se rattache au but poursuivi par les contractants. Dans les contrats à
titre onéreux, celui qui s’oblige le fait en vue d’obtenir de son co-contractant un avantage
correspondant à celui qu’il lui procure. C’est donc, donnant-donnant. Il s’engage à fournir
une prestation parce qu’il espère en contrepartie un avantage donné.
Ainsi dans un prêt à intérêt qui est un contrat unilatéral à titre onéreux, le prêteur
agit en vue de retirer un intérêt de son argent, l’emprunteur s’engage en vue de jouir de la
somme qui lui a été remise. Le mot « engagement » ne signifie pas ici qu’il y a obligation
réciproque. Le texte vise plutôt le but de l’engagement. De même dans une vente, le
vendeur escompte bénéficier du prix de la chose, tandis que l’acquéreur, lui, escompte
exercer tous les droits de propriété sur la chose à acquérir.
C’est tout différent des contrats à titre gratuit appelés aussi contrats de
bienfaisance, dans lesquels la personne qui s’oblige ne s’attend en retour à aucun
avantage (Code civil, livre III, art. 5). Dans ces contrats, l’une des parties procure à l’autre
un avantage purement gratuit. Son comportement est caractérisé par l’intention libérale,
l’animus donandi. Cette partie qui agit sans escompter un avantage peut le faire soit dans
le dessein d’enrichir le patrimoine de l’autre partie, c’est le contrat à titre gratuit
proprement dit. Telle la donation entre vifs, soit encore en vue non pas d’enrichir le
patrimoine de l’autre partie mais de lui rendre simplement service.
Sont ainsi des contrats à titre gratuit : le prêt d’argent sans intérêt, le dépôt non
salarié, le prêt à usage, le coup de main et, le contrat d’hébergement, qui est un contrat par
lequel une personne en loge une autre à titre provisoire sans lui faire payer de loyer (36).

35 En ce sens, Marty (G) & Raynaud (P), op. cit., n° 64, p. 54.
36 Kalongo Mbikayi, Les baux. Examen de jurisprudence, RZD, 1975.
42

Ces contrats sont également dits désintéressés. Les contrats de bienfaisance comportent
ainsi les contrats à titre gratuit et les contrats (à titre) désintéressés. L’on peut également
présenter (37) autrement le schéma en considérant qu’il y a d’une part :
- les contrats à titre gratuit proprement dits, qui supposent un enrichissement du
patrimoine d’autrui grâce à une intention libérale;
- et les contrats de bienfaisance, qui constituent une notion moins large que les
contrats à titre gratuit.
Intérêt de cette distinction
La classification des contrats en contrats à titre onéreux et contrats à titre gratuit
n’offre pas grand intérêt. Il y a lieu de signaler seulement que :
1°. les contrats de bienfaisance sont généralement présumés faits « intuitu
personae », c’est-à-dire en considération de la personne à laquelle on veut rendre
service;
2°. la responsabilité du débiteur est en général appréciée de façon moins sévère que
le droit commun dans les contrats à titre gratuit. Ainsi le donateur, à la
différence du vendeur, ne doit pas garantir. Ici, la faute n’est pas la culpa levis in
abstracto, mais la culpa levis in concreto (Code civil, livre III, art.493, 494, 2,
dépôt et art. 533, mandat).
III. Contrats commutatifs et contrats aléatoires
Il s’agit ici d’une subdivision des contrats à titre onéreux. Selon l’article 4, alinéa 1er
du Code civil livre III, le contrat commutatif est un contrat à titre onéreux dans lequel
l’avantage poursuivi par chacune des parties est d’ores et déjà susceptible d’être appréciée
par elle. Constituent ainsi des contrats commutatifs, une vente à prix déterminé d’une
chose déterminée, un bail à loyer déterminé.
Le contrat est aléatoire, par contre, lorsque l’avantage consiste dans la chance de
gain ou de perte d’après un événement incertain. Les avantages ou les pertes qui résultent
de ce contrat dépendent donc d’un événement incertain (art. 4 al. 2), un aléa. C’est le cas :
- de la vente dont le prix est une rente viagère ;
- du jeu (si vous gagnez, aux cartes je vous donnerai 500 Fc) ;
- du pari (je vous dis que j’aurais un garçon mais si cela n’arrive pas, je vous devrai
10.000 Fc) ;
- du contrat d’assurance (je vous indemniserai jusqu’à concurrence de 500.000 Fc si
le risque assuré se réalisait).
Le seul intérêt de cette distinction réside dans le fait que les contrats réellement
aléatoires ne sont pas susceptibles d’encourir de sanction pour cause de lésion. Nous y

37 Voir Carbonnier (J), op. cit., T. IV, p. 32.


43

reviendrons plus tard.


IV. Contrats consensuels, solennels et réels
Cette distinction n’est pas exprimée par le Code civil, mais elle est traditionnelle.
Elle se fonde sur le mode de formation des contrats.
1° Contrat consensuel
Le contrat consensuel est celui qui se forme de façon valide uniquement par
l’accord des parties, sans qu’aucune forme spéciale ne soit exigée. C’est la règle générale
contenue dans l’article 33 du Code civil congolais, livre III.
2° Contrat solennel
Le contrat solennel est celui pour la validité duquel la loi exige que le
consentement soit donné en certaines formes consistant souvent en la rédaction d’un acte
notarié. On peut citer à titre d’exemple, le contrat d’hypothèque (art 256 de la loi du 20
juillet 1973 portant régime général des biens régime foncier et immobilier et régime des
sûretés telle que complétée par la loi du 18 juillet 1980), le paiement avec subrogation
conventionnelle consentie par le débiteur (art 148.2) et la vente immobilière.
En dehors du droit des obligations, l’on peut citer aussi comme excellent exemple
du contrat solennel, le contrat de mariage (38).
Ainsi donc, ce qui distingue réellement les contrats solennels des contrats
consensuels, c’est que dans les contrats consensuels, le consentement des parties a une
efficacité juridique quelle que soit la forme dans laquelle il est manifesté, tandis que dans
les contrats solennels, le droit positif exige que le consentement soit manifesté dans une
forme déterminée en l’absence de laquelle il n’a pas d’efficacité juridique. D’un côté, on a
la forme libre, de l’autre côté, la forme non libre.
Il convient de signaler que si le formalisme était le propre de l’ancien droit tant en
Occident que dans nos pays, et ceci pourrait faire l’objet de nombreuses études - le
principe du droit moderne est celui de la consensualité des contrats. Il a fallu plusieurs
siècles ainsi que l’influence du droit canonique pour arriver à ce principe du
consensualisme selon lequel « solus consensus obligat ».
Nous reviendrons sur tout ceci dans le chapitre suivant et plus particulièrement
dans l’ouvrage consacré à l’étude des contrats spéciaux.
3° Contrat réel
Le contrat réel est celui qui, outre le consentement, requiert pour sa formation la
remise d’une chose (une res) : le prêt et le dépôt (Code civil, livre III, art. 448, 465 et 482)
sont des contrats réels. Il est intéressant de connaître cette distinction qui prévoit des

38 Contrairement à une certaine doctrine, la donation entre vifs n’est pas un contrat solennel. Léo, 22 juillet 1947, RJCB,
1948, p. 94. Voir aussi art. 875 du Code de la famille sauf pour l’institution contractuelle qui doit être stipulée par acte
authentique : art. 908 du Code de la famille.
44

conditions différentes de validité du contrat.


V. Contrats à exécution instantanée et contrats successifs
Cette dernière catégorie traditionnelle des contrats n’est pas exprimée par le Code
civil.
Un contrat est dit à exécution instantanée ou contrat instantané lorsqu’il donne
naissance à des obligations susceptibles d’être exécutées par une seule prestation. La
vente d’un objet, l’échange, le mandat portant sur une seule obligation sont des contrats
instantanés.
Par contre, un contrat est dit successif, lorsqu’il comporte l’exécution d’obligations
répétées, s’échelonnant dans le temps. Ici, les contractants se lient pour une certaine durée
déterminée ou indéterminée. Le louage, le contrat de travail, la société, l’assurance sont
des contrats successifs.
Il est intéressant de noter cette distinction car l’on verra par exemple que les effets
de la résolution pour inexécution des obligations subissent une restriction notable
lorsqu’on est en présence d’un contrat à exécution successive.
§3. Classifications modernes des contrats
Les classifications modernes sont nées des transformations subies par la notion de
contrat, du fait du déclin des principes individualistes. Les unes concernent la formation
du contrat, les autres ses effets.
I. Contrats de libre discussion, contrats d’adhésion, contrats types et conditions
générales d’affaires
A. Contrats de libre discussion
Les contrats de libre discussion visent ceux où les parties discutent librement
toutes les clauses du contrat. Mais cette liberté de discussion est inexistante dans certains
contrats. Il s’agit des contrats d’adhésion ou par adhésion.
B. Contrats d’adhésion
L’expression « contrat d’adhésion » a été utilisée par Saleilles pour désigner, faute
de mieux, « les contrats dans lesquels il y a une prédominance exclusive d’une seule
volonté, agissant comme unilatérale, qui dicte sa loi, non plus à un individu mais à une
collectivité déterminée et qui s’engage déjà par avance, unilatéralement, sauf adhésion de
ceux qui voudraient accepter la loi du contrat, et s’emparer de cet engagement créé sur
soi-même » (39).
Bien que cette expression soit contestée par une partie de la doctrine (40) à cause de

39 Saleilles, De la déclaration de volonté. Contribution à l’étude de l’acte juridique dans le droit civil allemand, Paris
1929, art. 133, n° 89, p. 229 et s.
40 Bartin, in Aubry et Rau, Droit civil français, tome IV, 6 ème éd., Paris 1942, § 341, p. 419, note 8 bis ; Boulanger,
Encyclopédie Dalloz, Droit civil, V° Contrats et Conventions n° 4.
45

son imprécision et de la difficulté de définition, il n’en reste pas moins vrai qu’elle est
entrée dans le vocabulaire juridique. Et la majorité de la doctrine(41) admet la réalité du
contrat d’adhésion.
Parmi les définitions proposées par la doctrine, nous retiendrons les deux
définitions suivantes : « Le contrat d’adhésion est un contrat dont le contenu a été fixé,
totalement ou partiellement, de manière abstraite et générale avant la période
contractuelle » (42).Il s’agit du « contrat dont les conditions ont été déterminées à l’avance
et unilatéralement par les parties économiquement fortes et qui le proposent à d’autres,
sans possibilité pour ces dernières de discuter et, a fortiori, de le faire modifier » (43).
Il résulte de ces définitions qu’il existe une variété des contrats d’adhésion. Ainsi
en est-il des contrats de transport, de banque, de bail et d’assurance. Le contrat de
transport conclu avec une compagnie de chemin de fer ou de navigation aérienne ou
maritime contient des clauses rédigées à l’avance par l’une des parties économiquement
forte (ici la compagnie) et qui les propose à l’autre partie (le client) qui ne fait qu’adhérer à
ces clauses préétablies.
Il est important de noter que les contrats d’adhésion donnent souvent lieu à des
clauses abusives dont il est intéressant d’étudier la variété et contre lesquelles il existe
divers modes de protection dont les organismes et mouvements des consommateurs ont
fait leur principal objectif.
Mais il arrive parfois que les clauses du contrat ne soient l’œuvre d’aucune des
deux parties. Il s’agit dans ce cas de contrat type ou standard qui constitue en réalité avec
les conditions générales d’affaires, des variétés des contrats d’adhésion.
C. Contrats types ou standards
Le contrat type est « une simple formule établie par un organisme professionnel ou
par l’administration, destinée à servir de modèle pour des futurs contrats que des sujets
de droit concluront éventuellement plus tard » (44).
Il s’agit d’un contrat rédigé impérativement soit par l’Etat, soit par les organismes
professionnels (contrat d’assurance en ce qui concerne les conditions générales, statut des
fonctionnaires). Un employeur et un ouvrier peuvent ainsi se voir appliquer un statut
préétabli par l’Etat, par exemple, en matière de sécurité sociale.
L’accord des deux parties n’est plus alors que la condition d’application à ces deux
particuliers d’un statut obligatoire pour eux. D’où l’appellation « d’acte-condition »
attribué parfois à ces contrats. Il nous reste à présent à dire un mot sur les conditions

41 Carbonnier (J), Droit civil, t. IV, 1972 n° 13 p. 52-53 ; Planiol (M) et Ripert (G), Traité de Droit civil, 2è éd., t. IV n°
122, p. 136 ; Berlioz, Le contrat d’adhésion, Paris 1973 n° 41 p. 27 ; De Page (H), op. cit., t.II, 1964 n° 550, p. 536.
42 Berlioz, op. cit., eodem loco.
43 Pindi Mbensa, Réglementation juridique des clauses abusives dans les conditions générales de vente en droit zaïrois.
Etude de lege ferenda. Thèse de doctorat, Katholieke Universiteit Leuven, 1979.
44 Leaute (J), Les contrats types, in RTDC 1953, p. 430, n° 1.
46

générales d’affaires.
D. Conditions générales d’affaires (45)
1. Notion et variétés
D’une manière générale, l’expression « conditions générales » vise les clauses
rédigées avant la conclusion des contrats individuels dans lesquels elles sont destinées, en
principe, à s’intégrer. La nouvelle loi allemande sur la réglementation juridique des
conditions générales de contrat donne la définition suivante : « Les conditions générales
sont toutes les conditions qui sont formulées pour une multitude de contrats et qui sont
imposées par l’une des parties au contrat "utilisateur", à l’autre partie au contrat lors de la
conclusion du contrat ».
Il n’importe pas que les dispositions forment une partie séparée au contrat ou bien
qu’elles soient incorporées dans le texte du contrat ni de savoir quelle étendue elles ont, ni
dans quelle forme d’écriture elles sont rédigées, ni quelle forme est donnée au contrat. Il
n’y a pas des conditions générales si les conditions du contrat sont négociées en détail par
les parties au contrat (art. 1er).
Il existe plusieurs variétés des conditions générales.Lorsqu’on envisage celles-ci
selon leur mode d’élaboration on peut distinguer :
1°. les conditions générales élaborées par l’une des parties à transaction;
2°. les conditions générales élaborées par un groupe des parties qui sont dans la
même situation (vendeurs, assureurs, employeurs, transporteurs, expéditeurs,
bailleurs, etc.);
3°. les conditions générales élaborées par une organisation représentant les deux
parties ou encore par une organisation représentant l’une des parties à une
transaction et agissant de concert soit avec des organisations représentant l’autre
partie, soit avec un organisme public représentant les intérêts de ceux qui ont
besoin de protection, soit avec les deux;
4°. les conditions générales élaborées par une organisation qui ne représente aucune
des parties.
2. Distinction d’avec les contrats d’adhésion et les contrats types
a) Conditions générales et contrats d’adhésion
Les conditions générales ressemblent à des contrats d’adhésion (ou sont des
variétés des contrats d’adhésion) lorsqu’elles sont imposées par l’une des parties « en
position de force sur le marché », soit le vendeur lui-même, soit une organisation dont il
fait partie.
Dans ce cas, le document contractuel revêt généralement la forme d’un bon de

45 Pindi Mbensa, op. cit., p. 67.


47

commande, d’une facture ou d’un contrat complet que l’acheteur doit signer pour accord.
Il importe cependant d’observer que malgré cette ressemblance, l’idée de contrat
d’adhésion ne peut caractériser les conditions générales. En effet, les conditions générales
peuvent être librement discutées par le co-contractant, surtout quand il s’agit des marchés
importants alors que le contrat d’adhésion ne peut, en principe, être discuté par
l’adhérant.
Remarquons toutefois qu’il n’est pas toujours facile, dans la pratique, d’opérer une
distinction rigoureuse entre les conditions générales et les contrats d’adhésion.
b) Conditions générales et contrats-types
Les conditions générales doivent être distinguées des contrats-types, c’est-à-dire
des modèles de contrat pré-imprimés, prêts à servir selon les besoins pour éviter d’avoir à
élaborer à chaque fois un nouveau document.
Dans ces modèles de contrat, il est admis que l’utilisation des clauses spécifiques
donne matière à négociation, et très souvent, il existe des clauses différentes, adaptées à
des situations différentes. Par contre, les clauses contenues dans les conditions générales
élaborées par l’une des parties au contrat ou par un groupe des parties (entente) ne sont
pas, en principe, négociables. Cette distinction n’est cependant pas toujours rigoureuse.
Il nous reste à examiner une dernière catégorie moderne, celle qui distingue les
contrats individuels de contrats collectifs.
II. Contrats individuels et contrats collectifs
Cette catégorie met en relief les effets du contrat. Dans la conception classique, les
contrats sont en principe individuels. Ils ne font naître d’obligations qu’à l’égard des
personnes mêmes qui y sont intervenues. Mais le droit moderne connaît de plus en plus, à
côté de ces contrats individuels, des contrats collectifs. Ces contrats sont conclus par deux
ou plusieurs individus mais ils lient une collectivité, ou les membres d’un groupe plus ou
moins important de personnes qui n’y ont pas participé personnellement. Le contrat
collectif de travail ou convention collective et l’assurance collective constituent
d’excellents exemples des contrats collectifs(46).
Ainsi, la convention collective signée à telle date par le représentant des
travailleurs (délégation syndicale) de Marsavco et l’employeur liera toute personne qui
par la suite sera engagé par cette société et sur les domaines qui feront l’objet du contrat.
De même l’assurance collective conclue entre la Sonas et les représentants de l’Utexafrica
à telle date lierait tout employé futur de cette société là.

46 Sur ces questions, consulter Mukadi Bonyi, Droit du travail, Bruxelles CRDS 2008 ; Droit de la sécurité sociale,
Kinshasa, Ntobo, 1995
48

Chapitre II : Conditions de formation et de validité des contrats

L’article 8 du Code civil congolais énumère les conditions essentielles pour la


validité de tout contrat : le consentement des parties,la capacité des contractants,l’objet
certain et licite, la cause également licite.
Tout contrat qui ne respecterait pas l’une de ces conditions ne serait pas
« légalement formé » et ne sortirait pas d’effets juridiques escomptés. En exigeant ces
quatre conditions, la loi veut se réserver un contrôle sur la manière dont l’accord doit être
conclu, sur la personnalité même des individus qui peuvent contracter, sur le contenu de
leur accord et enfin, sur la cause de leur engagement, c’est-à-dire sur le but que
poursuivent les parties en contractant.
Chacune de ces quatre conditions fera l’objet d’une section de ce chapitre. Nous
retenons ainsi le plan suivant :
Section 1: le consentement;
Section 2 : la capacité de contracter;
Section 3: l’objet du contrat;
Section 4 : la cause du contrat.

Section 1 : Consentement

Le Code civil congolais, en ses articles 9 à 18, n’aborde que la question des divers
vices qui peuvent infecter le consentement (§2) mais, il y a lieu d’examiner le
consentement en lui-même, son existence, son mode d’expression et le moment de sa
réalisation (§1).
§1. Consentement en lui-même
Une plus grande compréhension de cette notion de consentement en exige
cependant l’examen de divers aspects : de qui doit émaner le consentement ? Dans quelle
mesure le consentement est-il nécessaire et sur quoi doit-il porter ? En quelle forme doit-il
être exprimé ? A quel moment précis le concours de volontés est-il réalisé ?
I. De qui doit émaner le consentement ?
Le consentement doit émaner de toutes les personnes parties au contrat, créancière
comme débitrice. Chacune de ces personnes doit pouvoir manifester sa volonté de
contribuer à la naissance du contrat et d’en accepter les effets.
La rédaction de l’article 8 pourrait faire croire que seule est exigée dans un contrat,
la volonté de la partie qui s’oblige, c’est-à-dire la volonté du débiteur. Nous savons en
réalité, que le contrat ne peut être formé que de l’accord d’au moins deux volontés, celle
du créancier et celle du débiteur. Le contrat, nous le savons aussi, est tout différent d’un
49

acte unilatéral.
Quant au consentement, il réside, comme l’indique son étymologie (cum sentire)
dans l’accord, dans le concours d’au moins deux volontés : celle du débiteur qui s’oblige
et celle du créancier envers lequel il s’oblige. Mais il n’est pas exigé que seule la partie au
contrat y intervienne de façon exclusivement personnelle. La représentation est admise en
matière contractuelle.
Une personne peut, en effet, passer un contrat par l’intermédiaire d’un
représentant, c’est-à-dire d’une personne qui contracte au nom du représenté, en vertu du
pouvoir qu’elle détient soit de la loi, soit d’un accord avec le représenté (le mandat). Nous
reviendrons encore sur cette notion de représentation dans l’étude des effets du contrat à
l’égard des tiers.
Si donc il est possible d’être représenté dans un contrat, peut-il être possible aussi
de passer un contrat avec soi-même ?
Le contrat avec soi-même est possible mais il n’est pas licite dans toutes ses
hypothèses. Il faut supposer que l’individu qui contracte avec lui agit en des qualités
différentes, en fonction d’intérêts juridiquement distincts. Mais la loi interdit
généralement de tels contrats lorsqu’il est présumé que l’individu qui prétend agir ainsi
ne défendra pas de façon égale les deux groupes d’intérêts.
Hypothèses
Deux séries d’hypothèses doivent être distinguées suivant qu’il y a ou non
représentation.
a) Représentation
Dans cette hypothèse, l’individu représente une seule partie ou même les deux
parties : le mandataire chargé de vendre ou le tuteur d’un mineur qui voudrait acquérir le
bien du mandant ou du mineur. Ces individus traitent avec eux-mêmes. Si deux sociétés
veulent contracter et que le même gérant consent au nom des deux, on dira que ce gérant
a contracté avec lui-même. Mr. Gillon, recteur de l’Université, peut contracter avec Mr.
Gillon, Administrateur du Centre de Recherches Nucléaires. Les Holding Onatra (Office
national de transport) regroupant trois sociétés différentes : l’Office de transport et des
ports, l’OTP, l’Office du chantier naval, l’OCN et l’Onatra Holding. Et le groupe Unilever
Congo composé des sociétés Marsavco, Sedec, et Plantations Lever au Congo ont connu la
pratique du contrat avec soi-même, les gérants des sociétés de ces groupes pouvant être
les mêmes personnes. En réalité, dans ces hypothèses, il y a deux parties et deux ordres
d’intérêts différents.
b) Hypothèse de non représentation
C’est le cas lorsqu’une même personne est titulaire de deux patrimoines ou du
moins de deux masses de biens distincts et entend établir une relation juridique entre
elles. C’est par exemple, le cas très rare, d’un héritier qui accepte une succession sous
50

bénéfice d’inventaire, et qui se porte acquéreur des biens de la succession qu’en qualité
d’héritier bénéficiaire et d’administrateur, il la met en vente. On est ainsi à l’extrême
pointe des possibilités offertes par la notion de représentation(47).
Validité de ces contrats avec soi-même
En général, la loi interdit ces contrats ou du moins les soumet à certains contrôles
surtout en cas de représentation (cfr les hypothèses ci-dessus) et ce malgré les avantages
de rapidité et de simplicité qu’ils présentent. Cette prudence de la loi se comprend. Il peut
en effet être dangereux de laisser une seule personne apprécier deux groupes d’intérêts
lorsque l’un des groupes la touche plus personnellement(48). On veut protéger ainsi les
intérêts des personnes absentes, disons mieux, non présentes: le mineur et le mandant.
« Mais, en dehors des prohibitions ou réglementations particulières du contrat
avec soi-même, dès l’instant que celui-ci est analysé comme un contrat et non comme un
acte unilatéral, il doit être considéré comme valable en principe, en vertu de la règle de la
liberté de conventions »(49).
II. Nécessité et portée du consentement
Acte bilatéral, le contrat implique nécessairement la volonté des deux parties. Pour
qu’il y ait contrat, il faut que les deux parties manifestent clairement et librement leur
intention et leur volonté de se lier, leur volonté d’accepter tout le contenu de leur contrat.
Et il faut que tout au cours du contrat, l’accord des deux parties se maintienne. La
prorogation comme la fin du contrat doit de même constamment être acceptée de l’accord
des deux parties. Tout ceci suppose donc que les parties discutent librement de toutes les
clauses du contrat et doivent les accepter au préalable pour que naisse le contrat. Les
parties ne seraient engagées, c’est-à-dire ne se soumettraient à l’application de ces clauses
que si elles décident librement et manifestent clairement leur volonté.
Il y a lieu de noter que si le principe de la libre discussion des clauses du contrat
explique la nécessité du consentement dans la majorité des contrats, il est des exceptions
où la libre discussion est restreinte. C’est notamment les cas connus des contrats
d’adhésion,des contrats types et de certaines atteintes à la liberté même de contracter
telles que les avant-contrats ou promesses de contracter, les promesses de ne pas
contracter, les interdictions légales du refus de contracter et les contrats imposés.
a) Les avant-contrats ou promesses de contracter (la partie qui promet n’est pas
libre, elle doit se réserver pour la personne à laquelle elle a promis de contracter)(50). Cette
promesse de contracter peut être, soit une simple offer, soit une promesse unilatérale ou
une promesse bilatérale.

47 Ripert et Boulanger, op. cit., T. II, n° 237.


48 En ce sens Julliot , op. cit. n° 297 et Marty (G) & Raynaud (P), op. cit., n° 83.
49 Marty (G) & Raynaud (P), op.cit., n° 83 in fine.
50 Marty (G) & Raynaud (P), op.cit., p. 97 n° 112; Boyer (L), Les promesses synallagmatiques de vente, RTDC 1949,
pp. 1 et s ; Demogue (R), Des éventuels et des hypothèses où ils prennent naissance, RTDC 1906, p. 231.
51

Et dans ce dernier cas, elle vaut contrat. Il en est ainsi de la promesse réciproque
de vente (art. 270 du Code civil congolais). La première hypothèse, simple offre ou
sollicitation, est celle d’un acte unilatéral, la deuxième hypothèse vise le cas d’un contrat
unilatéral et le troisième cas est un contrat bilatéral.
b) Les promesses de ne pas contracter. Dans cette hypothèse le débiteur s’engage à
ne pas contracter avec une personne. C’est ce qui se passe dans un Contrat d’exclusivité.
c) Les interdictions légales du refus de contracter(51).
De quoi s’agit-il ? Dans certains pays, la loi interdit à un membre d’une profession
ayant monopole, tel un notaire, ou un pharmacien de refuser de passer un contrat avec un
client. La loi punit parfois aussi un commerçant qui refuse de satisfaire dans la mesure de
ses disponibilités, aux demandes de ses clients.
d) Les contrats imposés (52). C’est l’exemple de prorogation du bail par la loi, du
contrat d’assurance obligatoire.
III. Forme du consentement
Après une longue période de formalisme(53), l’on peut dire que la matière des
contrats est dominée aujourd’hui par le principe du consensualisme. C’est dire qu’en
règle générale, le contrat naît, sauf lorsqu’il est solennel ou réel, dès qu’il y a accord des
volontés, dès qu’il y a consensus. D’où ce fameux adage combien éloquent « solus
consensus obligat ». Le seul consentement des parties est suffisant pour faire naître une
obligation.
Et sauf pour les contrats solennels, le consentement peut prendre n’importe quelle
forme : un geste, une parole, un écrit. Mais l’écrit n’est nullement exigé. Ceci est
extrêmement important dans nos sociétés africaines où les analphabètes sont encore
nombreux. Il nous appartient de déterminer de lege ferenda les différentes formes de
consentement.
Mais en attendant que notre futur droit se prononce, l’on peut affirmer que le droit
civil actuel est dominé par le principe de la consensualité. Seulement, s’il est vrai que le
consentement suffit pour qu’il y ait contrat sans exigence de quelque forme particulière, il
faut tout au moins que ce consentement soit exprimé. Et à cet égard, il convient de
discerner deux éléments dans le consentement : d’une part, un élément interne ; la
conscience des éléments du contrat envisagé et l’intention, la volonté de le réaliser, et
d’autre part un élément externe ; la manifestation extérieure de l’intention de contracter,
l’expression de la volonté.
Il est important de discerner ces deux éléments du consensus car ils peuvent être
contradictoires. Dans ce cas, quelle sera la solution à suivre ?

51 Miteo Nkashama Dibwe, Les interdictions légales du refus de contracter, dissertation, Unikin, 1979.
52 Développement in Marty (G), & Raynaud (P), op. cit., n ° 118.
53 Ourliac (P) et Malafosse, Histoire du droit privé, I, Les obligations, Paris, PUF, 1961, pp. 18 et s.
52

Supposons qu’il y a un doute quelconque quant à la volonté des parties sur un


élément de leur contrat, la question est de savoir si c’est la volonté réelle (aspect interne)
ou la volonté déclarée (aspect externe) qui va orienter le juge.
La doctrine est très controversée quant à la solution à suivre : la doctrine
allemande estime que c’est la volonté déclarée qui doit orienter le juge, alors que la
doctrine franco-belge pense que la solution doit découler de la volonté interne.
La jurisprudence congolaise s’est inspirée de la conception classique franco-belge
selon laquelle, en cas de doute, le juge doit se référer à la volonté réelle des parties. Cette
théorie se justifie dans la conception individualiste du droit où les intérêts des particuliers
l’emportent. Mais nous pensons personnellement qu’avec le phénomène de socialisation
du droit et de la prédominance des intérêts collectifs qui caractérisent également notre
pays, l’on devrait laisser au juge une grande marge de liberté de façon à ce qu’il interprète
le contrat suivant les nécessités sociales et la nature du contrat. Les doctrines françaises et
allemandes elles-mêmes ne sont d’ailleurs pas exclusives et empruntent dans certaines
circonstances l’une et l’autre théorie.
Du silence comme manifestation de volonté
L’on se demande parfois si le silence gardé par une personne vaut de sa part,
manifestation de volonté et peut l’engager dans un contrat. La réponse à cette question est
généralement négative. Contrairement à l’adage « qui ne dit mot consent », le silence en
droit ne vaut en principe pas manifestation de volonté, sauf dans certains cas particuliers.
1. Le cas de la tacite reconduction reconnue par la loi à certains contrats successifs
arrivés à expiration. Tel le contrat de bail ou le contrat de travail.
2. Le cas du silence gardé par le destinataire d’une offre considérée par la
jurisprudence française comme valant acceptation, lorsque l’offre était faite dans
son intérêt exclusif. Il s’agit ici d’une question de fait laissée à l’appréciation du
juge.
Formes autres que les formes solennelles
Certains contrats sont soumis à certaines formes qu’il faut se garder de confondre
avec les formes solennelles et qui apparaissent de plus en plus malgré l’absence de
formalisme général du Code civil.
1. Formes habilitantes
Il s’agit des autorisations préalables exigées pour qu’un incapable ou son
représentant puisse valablement passer le contrat. L’absence de ces formes entraîne une
nullité relative. Le Code de la famille mentionne les hypothèses des contrats ou
d’engagements qui ne peuvent se réaliser que moyennant l’autorisation du conseil de
famille lequel ne peut se réunir que sur autorisation du juge.
53

2. Formes de publicité
Elles sont exigées pour que les effets de certains contrats soient opposables aux
tiers ou à certains tiers. C’est le cas de la publicité foncière au Congo depuis la
modification de la loi portant régime général des biens, régime foncier etc. Cette loi exige
une publicité pendant deux ans du changement du titulaire du certificat d’enregistrement
afin que ce dernier sorte ses effets à l’égard des tiers. Le droit français organise aussi la
publicité foncière en matière de contrats portant sur immeubles. Le non accomplissement
de la formalité n’empêche pas le contrat d’être valable entre parties. Il est bon de relever
aussi la publicité préalable qui était organisée en droit congolais en matière d’immeubles
abandonnés.
3. Formes probantes
Il s’agit ici des formalités accomplies par les parties si elles veulent se ménager la
preuve de leur contrat. Il faut, selon l’article 217 du Code civil, un écrit pour toute
convention portant sur une somme supérieure à 2.000FC. Si on n’accomplit pas cette
formalité, le contrat reste valable, mais les parties encourent une difficulté de preuve. Car
la preuve, par témoins et présomptions n’est pas admise en cette hypothèse.
IV. Réalisation du concours des volontés
Le contrat, avons-nous dit, supposait un accord de volontés. La question que nous
examinons ici est celle de savoir à quel moment précisément se réalise ce concours des
volontés. Deux situations sont possibles à cet égard.
a) Lorsque la conclusion du contrat se fait en un seul trait de temps, il n’y a aucun
problème. Le concours des volontés se réalisera alors au moment même de cette
conclusion du contrat et à ce lieu là. C’est le cas ordinaire des contrats conclus par
téléphone entre les deux parties intéressées. Dans ces conditions, le concours des
volontés est instantané sauf en ce qui concerne le lieu. L’apparition dans le
commerce juridique du télex et le téléfax conduiront à une solution semblable à
celle du téléphone. Mais des règles particulières devraient être adaptées au contrat
sur Internet avec le phénomène de la mondialisation.
b) Mais la situation change lorsque la manifestation des volontés doit se faire en
deux ou plusieurs phases : l’une des parties faisant une offre (ou pollicitation),
l’autre partie devant accepter cette offre. C’est le cas des contrats par
correspondances ou entre personnes non présentes ou entre personnes éloignées.
L’offrant par exemple est un commerçant de Kinshasa et, l’acceptant, un
commerçant de Lubumbashi.
A B
Kinshasa Lubumbashi
Offrant Acceptant
c) La question dans ces conditions revient alors à savoir à quel moment et à quel lieu
54

l’on devra considérer la rencontre, le concours des deux volontés comme réalisé.
Si en pratique, ce concours des deux volontés est précédé de nombreux
pourparlers aboutissant à de nombreuses offres en partie acceptées et en partie rejetées,
l’on peut affirmer d’une façon schématique que ce concours se réalise lorsque l’offre ou
pollicitation est acceptée. Voyons donc ces deux étapes ainsi que les questions pratiques
qu’elles posent.
L’offre ou pollicitation
1. Notion
L’offre ou pollicitation est une proposition de contracter à certaines conditions,
adressées à une personne déterminée ou à des personnes indéterminées (offre au public
par annonce, affiche). Dans ce cas, l’offre est expresse. Mais l’offre peut être aussi tacite.
C’est le cas pour le commerçant qui place à l’étalage un objet avec un prix ou du
conducteur de taxi qui cherche ou attend la clientèle, son signal taxi bien exposé.
2. Caractères de l’offre
L’offre au sens juridique du terme, doit être, à la différence d’une simple
proposition de pourparlers, ferme, non équivoque, précise et complète.
a) Ferme
L’offrant ou le pollicitant doit exprimer une volonté bien nette de conclure le
contrat si son offre est acceptée. Cette détermination de conclure le contrat dans le chef de
l’offrant différenciera ainsi l’offre au sens juridique, d’une proposition qui tend
seulement à engager des pourparlers. Une offre sans engagement n’est pas non plus une
offre au sens juridique. Il est donc exigé autre chose qu’une déclaration d’intention.
b) Non équivoque
L’offre doit être exempte de quelque doute. Il est évident que les marchandises
exposées avec prix dans un magasin font l’objet d’une offre non équivoque au public :
elle est simplement tacite. En cas de contestation, la détermination du caractère non
équivoque sera laissée à l’appréciation du juge(54).
c) Précise et complète
L’offre doit pouvoir contenir tous les éléments du contrat à conclure de façon à ce
que l’acceptant agisse en connaissance de cause. Par exemple : en cas d’offre de vente, le
pollicitant doit indiquer le prix et la chose à vendre de façon bien déterminée.
Il n’est pas toujours exigé que l’offre soit adressée à une personne déterminée ;
l’offre au public (étalage au magasin, affiches) est également admise. Dans un contrat
intuitu personae, la détermination de la catégorie des personnes susceptibles d’accepter

54 Des cas où on a dû discuter l’intention du vendeur quant à une robe exposée à l’étalage (vitrine), Trib. Com. Seine,
28 mai 1921, D. 1923. 2.152 ; A. Robert, Une source mineure de droit civil : les affiches et écriteaux, JCP 1958, I.
1458.
55

l’offre doit être bien établie.


3. Effets de l’offre avant son acceptation
Tant que l’offre n’a pas été acceptée, le contrat, on le sait, n’est pas encore formé.
Mais avant son acceptation, l’offre a-t-elle un certain effet obligatoire ?
Les solutions dans la législation comparée sont controversées. Selon le Code civil
allemand (art. 145), l’offrant se trouve toujours lié par le seul effet de son offre et doit donc
la maintenir pendant un certain délai. C’est l’influence de la théorie de la volonté
déclarée(55).
Les Codes civils français, belge et congolais sont quant à eux, muets à ce sujet.
Mais la doctrine et la jurisprudence françaises qui ont influencé notre droit, ont dégagé un
principe inverse à celui retenu par le droit allemand : l’offre, en droit français, n’a en règle
générale aucun effet obligatoire pour le pollicitant (56). Et les conséquences de ce principe
sont telles, en droit français qui nous a influencé, que l’offre non encore acceptée est
révocable par l’offrant; l’offre est caduque si le pollicitant meurt ou devient incapable
avant l’acceptation.
A ce principe de l’inefficacité de l’offre non acceptée existent cependant quelques
exceptions(57).
L’offre n’est pas révocable en cas de promesse de contracter ou d’avant-contrat, car
ici les parties sont pratiquement engagées. Il s’agit surtout de la promesse bilatérale de
contracter. D’autre part, lorsqu’un délai est prévu expressément ou lorsqu’il est présumé
suivant les usages liés à la nature et aux circonstances du contrat escompté(58), la
révocation de l’offre n’est pas non plus possible. On admet même qu’en cas de mort de
l’offrant, ses héritiers resteraient tenus jusqu’à expiration du délai(59).
B. Acceptation
Lorsque l’offre est acceptée sans réserve, l’on peut considérer le contrat comme
définitivement formé. Mais la question revient alors de savoir à quel moment précis on
peut dire qu’il y a acceptation.
La réponse réservée à cette question revêt un intérêt pratique et théorique
considérable tant en matière de droit international privé ou en cas de conflits de lois qu’en
matière de procédure. Car, c’est d’elle que l’on pourra déterminer le moment (avec les
questions connexes de la connaissance de lois applicables et de la capacité des parties)
ainsi que le lieu de la formation du contrat (avec la question connexe de compétence

55 Marty (G) & Raynaud (P), op. cit., n° 101, 2°.


56 L’article 932 du code Napoléon est une application légale de ce principe. Selon cet article, « la donation entre vifs
n’engage le donateur que du jour où elle a été acceptée. Cette acceptation devant survenir du vivant du donateur ».
57 Voir explications théoriques de ces exceptions au principe de l’inefficacité de l’offre avant acceptation in Marty (G) et
Raynaud (P), op. cit., n° 103 et s.
58 Il est toujours prévu un délai raisonnable à l’acceptation.
59 Marty (G) & Raynaud (P), op. cit., n° 102.
56

territoriale).
Les solutions proposées pour résoudre cette question restent jusqu’à ce jour
controversées en doctrine comme en jurisprudence. Les uns prétendent que le contrat se
forme lorsque l’acceptation est émise (c’est le système de l’émission), les autres, qu’il n’est
conclu qu’au moment où l’acceptation a été portée à la connaissance de l’offrant, (c’est le
système de la réception ou de l’information).
A ces deux systèmes principaux qui sont d’ailleurs susceptibles de variantes que
nous examinerons bientôt, s’ajoute une troisième position doctrinale selon laquelle la
solution ne peut être recherchée que dans l’intention des parties. Voyons tour à tour
chacun de ces systèmes.
1. Système de l’émission
Selon le système de l’émission, le contrat se formerait au moment et au lieu où
l’acceptation est émise. Plusieurs variantes accompagnent ce système : la déclaration et
l’expédition.
Il faudrait avoir en tête pour mieux comprendre ce système l’exemple du
commerçant A de Kinshasa qui fait une offre au commerçant B de Lubumbashi.
OFFRANT DESTINATAIRE-ACCEPTANT
A B
Kinshasa Lubumbashi
Certains, c’est les moins exigeants, affirment que l’acceptation a lieu au moment où
l’acceptant (le destinataire) déclare vouloir accepter. C’est le système dit de déclaration.
Ainsi, le contrat par correspondance serait conclu au moment où l’acceptant signe sa lettre
d’acceptation.
Les tenants de ce système de la déclaration ont invoqué pour le fonder, les articles
du Code relatifs à la stipulation pour autrui (art. 21 du Code civil, livre III) et au mandat
(art. 527 al.2).
L’article 21 du Code civil décide que la stipulation pour autrui produit effet à
l’égard du tiers bénéficiaire lorsque celui-ci a déclaré vouloir en profiter, sans exiger que
sa déclaration soit portée à la connaissance du promettant. L’article 527, alinéa 2 quant à
lui admet que l’acceptation du mandat peut être tacite et n’être pas connu du mandat.
On ajoute à l’appui de cette thèse que l’accord doit être considéré comme réalisé
lorsque la volonté du destinataire concorde avec celle de l’offrant (coexistence des
volontés et non concours); que c’est du reste l’intérêt de tous que le contrat soit définitif le
plus tôt possible.
Cette théorie de la déclaration a été critiquée. On a estimé en effet qu’elle laissait
trop dépendre la formation du contrat du bon vouloir du destinataire de l’offre qui pourra
à son gré expédier sa lettre d’acceptation, en retarder l ‘envoi ou la détruire. La preuve de
57

la déclaration peut par ailleurs être difficile. D’où la proposition de certains de fixer le
moment de la formation du contrat à celui où l’acceptant se dessaisit de son acceptation et
ne peut plus revenir sur elle, par exemple en mettant une lettre à la poste ou en expédiant
un télégramme pour l’adresser à l’offrant. C’est le système de l’expédition (60).
Mais malgré ses avantages sur la première, cette dernière théorie ne manque pas
d’inconvénients. L’acceptant peut en effet, toujours dans ce système, revenir sur sa
décision en atteignant l’offrant par un procédé plus rapide que sa lettre ou son
télégramme et paralyser ainsi l’effet de la première acceptation. Il peut par exemple
envoyer un télégramme au lieu d’une lettre, un télex au lieu d’un télégramme. Les
moyens de communication aujourd’hui évoluent très vite : c’est le cas du téléphone et de
l’internet.
2. Système de la réception
Selon ce système, le contrat n’est formé qu’au moment et au lieu où l’offrant a eu
connaissance de l’acceptation de son offre.
A B
Kinshasa Lubumbashi
Certains, des plus exigeants, ont affirmé que l’offrant doit personnellement et de
façon directe, réceptionner l’acceptation, être matériellement informé de cette acceptation
en lisant par exemple la lettre par laquelle l’acceptant marque son accord (c’est le système
dit de l’information).
Mais pour contourner les difficultés de preuve (savoir que l’offrant a effectivement
lu la lettre d’acceptation et le moment précis où il l’a fait), l’on a assorti le système de la
réception d’un correctif qui en facilite la mise en oeuvre : le contrat, dira-t-on alors, est
formé dès l’instant que l’acceptation arrive chez l’offrant et celui-ci est présumé en avoir
eu connaissance aussitôt; en ce moment l’acceptant est désormais dans l’impossibilité de
revenir sur sa décision; c’est le système de la réception proprement dit.
Fondement du système
Ce système de la réception se fonde également sur l’article 932 du Code civil
français et chez-nous, l’article 875 du Code de la famille, aux termes desquels la donation
n’a d’effet à l’égard du donateur qu’autant que l’acceptation du donataire lui a été
notifiée.
Au surplus, ce système soutient que le contrat ne peut résulter de la coexistence
des deux volontés (comme c’est le cas de l’émission), mais de leur concours.
3. Troisième tendance
Une troisième tendance, avons-nous dit, considère que la solution ne peut être
recherchée que dans l’intention des parties ou à défaut dans la nature des contrats. Ainsi,

60 Marty (G) & Raynaud (P), op. cit., n° 109, p. 93.


58

les commandes avec ordre du délai d’acceptation exigent quant à elles acceptation.
Jurisprudence
La jurisprudence française est restée controversée quant au critère à retenir (61).
L’on peut néanmoins dégager de cette jurisprudence française qu’en ce qui concerne la
détermination de la compétence territoriale du tribunal, l’on se réfère au lieu où
l’acceptation est émise tandis que le moment de formation du contrat qui est retenu est
celui de réception de l’acceptation(62).
La jurisprudence belge quant à elle semble donner préférence au système de la
réception pour déterminer le lieu et le moment de la formation du contrat(63). Notre
jurisprudence semble s’orienter vers le système de la réception. C’est ainsi qu’il a été jugé
notamment que:
1°. une lettre modifiant une polictation envoyée télégraphiquement ne peut avoir cet
effet que si elle parvient au destinataire avant l’arrivée chez le pollicitant de
l’acceptation du destinataire au télégramme (64);
2°. dès le moment où dans une convention conclue par correspondance l’acceptation
sans réserve parvient au pollicitant, l’accord est conclu définitivement et la
notification ultérieure à celui-ci que la convention ne peut être conclue est
inopérante(65);
3°. quelque soit l’avancement des pourparlers poursuivis entre parties, un contrat
n’est définitivement formé que lorsque l’acceptant a par lui-même ou par un
mandataire qualifié, porté son consentement à la connaissance du pollicitant(66);
Lorsqu’après les pourparlers au sujet d’une collaboration entre services, il résulte
des correspondances échangées(67) entre les parties que l’appelant et l’intimé ont accepté
chacune leur coopération, il y a accord de volonté formant un contrat au sens de l’art 1er
du Code Civil, Livre III, surtout si ce contrat a reçu son exécution partielle pendant un
certain temps(68).
Appréciation
Nous pensons personnellement qu’il faut se référer à l’intention des parties, aux
circonstances et à la nature du contrat. A défaut de découvrir cette intention des parties,
nous soutenons, contrairement à certains auteurs, le système de la réception. C’est celui
qui, lorsque les deux parties sont éloignées, garantit le concours de leurs volontés.

61 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 323 et Marty (G), op. cit., n° 110.
62 Marty (G) idem et Julliot de la Morandière, idem.
63 Répertoire pratique du droit belge, V° Contrat n° 200 et s. ; Gand, 21 novembre 1921, Pas., 1922, II, 61
64 Léo, 29 septembre 1925, Jur. Col. 1929, p. 84.
65 Léo, 14 mai 1929, Jur. Col. 1930 – 1931, p. 146.
66 Sentence arbitrale, 22 janvier 1932, Jur. Col. 1932 – 1933, p. 23.
67 L’shi, 18 janvier 1974, RJZ, 1974, p. 246.
68 Contra Marty (G) & Raynaud (P), op. cit., n° 111.
59

Autrement, le sollicitant ne serait jamais informé de l’acceptation par le destinataire de


son offre. Nous pensons que la simple coexistence des volontés est insuffisante, que leur
concours est de loin préférable. La tendance actuelle de la jurisprudence française est en
ce sens (69).
§2. Vices de consentement
« Il n’y a point de consentement valable, dit l’article 9 du Code civil congolais, si le
consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris
par le dol ».
L’erreur, la violence, le dol, sont des vices de consentement. On ajoute également
dans certains cas, la lésion. Ces vices enlèvent au consentement toute sa valeur, car il n’y a
plus véritablement de volonté de s’obliger de la part du contractant qui en est victime.
C’est pourquoi, la loi, pour le protéger, lui permet de demander l’annulation du contrat.
Etudions successivement chacun de ces vices.
1. Erreur (70)
L’erreur est une représentation fausse ou inexacte que se fait un contractant d’un
des éléments du contrat. Commettre une erreur, c’est se tromper. Mais toutes les erreurs
n’ont pas la même incidence quant à la validité même du contrat. Certaines, les plus
graves, entraînent la destruction du consentement et partant la nullité absolue du
contrat(71). Certaines ne font que vicier le contrat entraînant une nullité relative tandis
qu’une dernière catégorie d’erreurs n’a, quant à elle, aucun effet sur la validité du contrat.
Notre Code civil est, à l’instar des codes qui nous ont influencés, très incomplet et
ne prévoit que les cas de la deuxième catégorie d’erreurs.
Erreurs destructrices du consentement
Les erreurs destructrices du consentement ne sont pas prévues par le Code civil.
Plus graves que les erreurs qui vicient seulement le consentement, ces erreurs détruisent
complètement le consentement et l’empêchent de se former. Elles sont pour cette raison
appelées « erreurs - obstacles » (72) et sont sanctionnées par la nullité absolue. Il s’agit de
l’erreur sur la nature du contrat (error in negotio), de l’erreur sur l’identité de l’objet (error
in corpore) décrite de façon peu heureuse par certains auteurs comme une erreur sur
l’objet même du contrat et de l’erreur sur la cause.
1. Erreur sur la nature du contrat (error in negotio)

69 Dupont Delestraint (P), Droit civil obligations, Paris, Dalloz, p. 11.


70 Ghestin (J), La notion d’erreur dans le droit positif actuel, Paris, LGDJ, 1963.
71 Certains auteurs ont parlé à cet égard non pas de destruction du consentement et d’inexistence du contrat. Cette
notion d’inexistence du contrat est à rejeter. Elle n’a aucune utilité pratique ni théorique remarquable. Souvent,
lorsqu’on y fait allusion, on pense plutôt à la notion plus courante de nullité absolue. Pourquoi ne pas utiliser cette
dernière notion plus courante et plus connue en droit ? En ce sens aussi, Julliot de la Morandière, op. cit. n° 397.
72 Marty (G) & Raynaud (P), op. cit., n° 126, p. 117.
60

On suppose ici que les deux parties n’ont pas en vue le même contrat. Ainsi par
exemple, l’une des parties croit acheter à tempérament alors qu’en réalité il s’agit pour
l’autre d’un simple bail; l’une des parties croit qu’il s’agit d’une donation alors que l’autre
pense à une vente à crédit ou à une vente simple voire à un prêt, l’une des parties pense à
un prêt, l’autre à une location. De telles hypothèses sont rares en jurisprudence, même
chez nous.
Sanction
Logiquement, il faut dire qu’il y a absence totale de consentement entraînant donc
une nullité absolue. Mais il faut bien noter qu’une tendance récente se fait jour dans la
jurisprudence française suivant laquelle le défaut de consentement devrait être traité
comme un simple vice sanctionné par la nullité relative. L’erreur sur la nature du contrat
notamment est considérée par la jurisprudence française comme une erreur sur la
substance dont la sanction, on le verra, est la nullité relative(73).
La jurisprudence congolaise est tellement rare à ce sujet que nous ne pouvons pas
encore parler en ce moment de son orientation sur la question débattue.
2. Erreur sur l’identité de l’objet (error in corpore) du contrat
Il s’agit d’un malentendu à la suite duquel chaque partie a en vue une chose
différente. Ex : Un client a cru acquérir tel objet, par exemple une maison située à Binza
dans un quartier résidentiel, alors que le vendeur, lui, avait en vue l’une de ses bicoques
de Kimbanseke ou de Ngaba. Le client pensait acquérir l’une des quatre Mercedes du
vendeur alors que celui-ci avait en vue d’une de ses vielles Mazda. Cette hypothèse
appelle les mêmes observations que la précédente.
3. Erreur sur la cause du contrat(74)
L’article 30 du Code civil a affirmé qu’en cas d’erreur sur la cause, le contrat n’aura
aucun effet. La sanction est donc la nullité absolue. Mais l’influence de la jurisprudence a
été très marquante. Alors que certains auteurs, à l’appui du code, affirment que l’erreur
sur la cause du contrat devrait entraîner en réalité une absence de consentement et partant
la nullité absolue, voire l’inexistence du contrat(75), la jurisprudence française suivie par
une certaine doctrine a fait remarquer que les erreurs, vices de consentement, étaient en
réalité des erreurs sur la cause et que partant, leurs sanctions devraient être la nullité
relative.
Le premier argument de cette tendance est que la nullité relative est une sanction
protectrice(76), car il y avait pratiquement intérêt à réserver l’action aux parties victimes de

73 Marty (G) & Raynaud (P), op. cit.,n° 95, p. 119 et 126.
74 Ghestin (J), op. cit., n°s 23 et s., 52 et s.
75 Il faut préferer, nous l’avons déjà dit, la notion de nullité absolue, cfr. Julliot de la Morandière, op. cit, n° 126.
76 Marty (G) & Raynaud (P), op. cit.,n° 126.
61

l’erreur et à leur permettre, le cas échéant, de la confirmer(77).


Le second argument de cette tendance est un argument de texte. On fait observer
en effet que même si le Code civil lui-même en son article 10 n’avait visé que l’erreur sur
la personne pour la sanctionner de nullité relative, l’article 9 pose un principe général : il
n’y a point de consentement valable, dit cet article, si le consentement n’a été donné que
« par erreur ».
Cet article permet donc de ranger toutes les erreurs déterminantes du
consentement dans la même catégorie des vices du consentement sanctionnés par la
nullité. Cet argument est très critiqué car il n’est pas exact que toute erreur est sanctionnée
par la nullité relative(78). Il existe en effet des erreurs indifférentes qui n’entraînent aucune
sanction. D’autre part, l’article 30 prescrit expressément la nullité absolue.
Mais, l’erreur sur la cause pose des questions délicates, car il faut distinguer celle-
ci de l’erreur sur les simples motifs qui, elle, n’a aucun effet sur la validité du contrat.
Nous en arrivons ainsi à dire un mot sur la notion même de cause que nous avons
délibérément voulu aborder très brièvement à la fin de ce point car nous y reviendrons
encore davantage dans une section ultérieure. La cause du contrat, c’est la raison
déterminante qui a amené les parties à contracter.
Si l’une des parties a cru inexactement à l’existence de la cause ou a eu une vue
inexacte de celle-ci, son consentement est vicié. L’article 30 du Code civil congolais déclare
sans effet « l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause »; ce qui veut dire que l’erreur
sur la cause rend le contrat invalide. C’est le cas dans les exemples suivants : assurer une
voiture alors qu’elle l’était déjà; s’engager à subvenir aux besoins d’un enfant né hors
mariage en croyant qu’on était son père alors qu’il n’en était rien; payer le prix de vente
d’un immeuble dans l’ignorance de sa destruction. De telles erreurs sur la cause du
contrat vicient le consentement et entraînent la nullité du contrat. Nous avons déjà
examiné la nature de cette nullité.
Dans la jurisprudence, on confond souvent erreur sur la cause avec erreur sur la
substance ou erreur sur l’objet ou même erreur de droit. Exemple : En cas de vente d’un
fonds de commerce dont la clientèle est fictive alors que la déclaration à ce sujet est
mensongère, il y a fausse cause; en cas d’achat de caisses fermées de farine de manioc,
alors qu’on croyait qu’il s’agissait de farine de froment, il y a erreur sur l’objet ou qualité
substantielle; en cas de prix manquant ou non sérieux, il y a erreur sur la cause.
B. Erreurs vices du consentement
D’après l’article 10 du Code civil, l’erreur vicie le consentement et entraîne la

77 Julliot de la Morandière, op. cit. n° 326 in fine ; Planiol (M) et Ripert (G), T VI par Esmein, n° 175 ; Marty (G) &
Raynaud (P), op. cit., n° 126, p. 118.
78 Certains arrêts tout en consacrant la nullité relative se sont efforcés de rattacher l’erreur sur la cause à l’erreur sur la
substance ; cfr. Note 1 in Marty (G) & Raynaud (P), op. cit., n° 126, p. 119.
62

nullité relative du contrat lorsqu’elle porte sur la substance de la chose qui en est l’objet et
sur la personne en cas de contrat intuitu personae. Il faut encore ajouter à ces deux
catégories, l’erreur de droit.
1. Erreur sur la substance de la chose
C’est l’article 10, alinéa 1er du Code civil congolais qui prévoit cette erreur.
L’expression « substance » a donné lieu à de fortes controverses.
Suivant une conception ancienne, certains auteurs considéraient que l’erreur sur la
substance ne pouvait être que l’erreur sur les éléments entrant dans la composition
physique de cette chose.C’est la thèse dite objective. Constituent des exemples d’erreur
sur la substance, le fait d’acheter un pot de bois alors que l’on croyait qu’il était en argile
et le fait d’acheter un couvert qu’on croyait en argent, alors qu’il était en cuir argenté.
Mais à l’heure actuelle, cette conception objective est abandonnée. La
jurisprudence entend aujourd’hui par « erreur sur la substance de la chose », l’erreur qui
tombe sur la qualité de la chose que la partie a eu principalement en vue, en d’autres
termes, la qualité dont l’existence supposée, a été déterminante de son consentement, celle
sans laquelle elle n’aurait pas contracté(79).
Comme on le voit, la jurisprudence moderne introduit un élément subjectif dans la
conception de l’erreur sur la substance de la chose. Les qualités substantielles ne sont
donc plus liées exclusivement à la conception physique et préétablie de la chose, elles
dépendent dans chaque espèce d’une recherche d’intention et varient suivant les
circonstances.
Ainsi, l’on pourra dire qu’il y a erreur sur la substance de la chose, lorsque :
1°. j’achète tel mobilier croyant qu’il est de telle époque, alors qu’il n’en est rien;
2°. j’achète telle œuvre croyant qu’elle est réalisée par tel artiste (Picasso, Kalumba,
Liyolo, etc.) alors qu’elle est de tel autre;
3°. j’achète une poupée croyant qu’elle provient du Japon alors qu’elle a été réalisée
par imitation ici à Kinshasa;
4°. j’achète telle voiture croyant qu’elle date de telle période célèbre alors qu’elle est
récente;
5°. j’achète tel chapelet croyant qu’il contenait de l’eau de Lourdes alors qu’il est
une vulgaire imitation;
6°. j’achète tel ballot de wax croyant qu’il provient de Hollande alors qu’il a été
fabriqué par Lilena ou CPA ou par les mamans moziki de Ndjili Brasserie.
L’époque, le lieu de provenance de la chose, l’artiste qui l’a réalisée sont autant de

79 C’est la formule consacrée par Pothier, Les obligations n° 12. Voir aussi Cass. B. 8 mai 1905, Pas. 1905, I, 314 ;
Cass. fr. 28 janvier 1913, s. 1913, I, 487 ; Julliot de la Morandière, op. cit. n° 328 in fine, Marty (G) & Raynaud (P),
op. cit., n° 123 et s.
63

qualités qui pouvaient déterminer le choix d’une partie. Et une erreur à leur sujet
constitue une erreur sur la substance de la chose.
2. Erreur sur la personne
er
Suivant l’alinéa 1 de l’article 10 du Code civil, l’erreur sur la personne n’est cause
de nullité du contrat que lorsque la considération de la personne était déterminante pour
s’engager. L’on dira d’une façon générale, que l’erreur sur la personne entraîne une
nullité en cas de contrat intuitu personae.
Si la considération de la personne est facile à relever dans certains contrats de
bienfaisance, les sociétés de personnes (sociétés en commandite simple ou en nom
collectif, voire les sociétés privées à responsabilité limitée), elle peut s’avérer déterminante
dans certains autres contrats. Et il appartient à ce propos au juge d’en apprécier
l’importance. Dans certains contrats de bail, par exemple la considération de la personne
peut être déterminante.
Ainsi, si le bailleur n’entend louer sa maison qu’à un couple, il peut demander
l’annulation d’un contrat qu’il passerait avec un faux ménage qui aurait trompé sa
vigilance (80).
Dans certains pays, la location des maisons à certains hommes dits de couleur est
difficile, de sorte qu’au téléphone on peut faire croire au bailleur qu’on n’est pas homme
de couleur et obtenir le bail. Dans ce cas aussi, le bailleur peut demander et obtenir
annulation du contrat pour erreur sur la personne.
De même qu’en matière d’erreur sur la personne, la partie actionnée en nullité doit
avoir connu ou dû connaître l’importance attachée à son co-contractant à la considération
de l’identité ou des qualités de la personne.
3. Erreur de droit
En plus de l’erreur sur la substance de la chose et de l’erreur sur la personne
prévues par l’article 10 du Code civil congolais et qui constituent des erreurs de fait, la
doctrine a prévu également une troisième erreur qui vicie le consentement. Il s’agit de
l’erreur de droit. L’erreur de droit est celle qui consiste dans le fait d’ignorer une
prescription légale. Elle peut porter sur l’existence, la nature ou l’étendue des droits
faisant l’objet du contrat. Quelques exemples :
- un héritier cédant à vil prix ses droits successifs parce qu’il se trompe sur
l’étendue de la part héréditaire que la loi lui attribue. C’est le cas lorsqu’il croyait
à tort que ses droits successifs n’étaient que des droits de nue-propriété;
- acheter un terrain à construire dans l’ignorance d’un arrêté ministériel grevant la
zone d’une servitude non aedificandi.
L’erreur de droit peut porter aussi sur une règle juridique qui avait constitué un

80 Voir par exemple Angers, 4 mai 1921, DP 1921, II, 125.


64

motif déterminant de l’engagement. C’est le cas de celui qui prend l’engagement de


réparer un dommage parce qu’il se croyait juridiquement responsable.
En droit écrit, l’oncle se croit responsable du dommage de son neveu alors que
seuls le père ou la mère le sont. C’est le cas également d’un individu qui s’engage à
exécuter une obligation naturelle en croyant que c’était une obligation civile qui le liait.
Conséquences juridiques de l’erreur de droit
On admet depuis longtemps que l’erreur de droit, lorsqu’elle a été la cause
principale et déterminante d’une obligation, peut entraîner la nullité relative du contrat,
au même titre que l’erreur de fait (81).
La maxime « nul n’est censé ignorer la loi, nemo jus ou legem ignorare censetur »
n’a de valeur qu’en droit pénal, pour éviter qu’un inculpé n’échappe à la répression en
invoquant son ignorance de la loi. L’intérêt de la protection de l’ordre public est plus
grand en droit pénal qu’en droit civil. Signalons toutefois que la loi elle-même exclut
l’erreur de droit en deux cas particuliers : le cas de l’article 591du code civil, livre III en
matière de transaction et et le cas de l’article 232 du même Code en matière d’aveu.
C. Conditions exigées pour l’annulation du contrat pour cause d’erreur
Si l’erreur d’une partie ne doit pas nécessairement être commise également par le
co-contractant, ce dernier doit néanmoins avoir eu pleinement connaissance de l’erreur
commise par l’autre partie ou avoir dû la connaître (82).
Par exemple : il n’y aura pas lieu à l’annulation si l’acheteur d’un tableau ne l’a
acheté que parce qu’il le croyait ancien, alors qu’il n’a rien dit au vendeur et que les
circonstances de l’achat ne révélaient pas cette intention (83);
L’erreur doit être excusable, c’est-à-dire celle que peut commettre aussi un homme
raisonnable placé dans les mêmes circonstances (84). Cette condition est une question de
fait laissé à l’appréciation du juge.
D. Erreurs indifférentes
Une troisième et dernière catégorie d’erreurs n’a aucune incidence sur la validité
du contrat. Il s’agit de :
- l’erreur sur la qualité non substantielle de la prestation;
- l’erreur sur la personne, si le contrat ne comporte pas intuitu personae ou si tout
au moins la considération de la personne n’est pas cause principale qui a
déterminé la conclusion du contrat;
- l’erreur sur l’évaluation de l’objet du contrat en dehors des cas de la lésion;

81 Decottignies (R), L’erreur de droit, RTDC. 1951, pp. 309 et s. ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit.,n° 128.
82 Marty (G) & Raynaud (P), Op. cit.,n° 129 et s.
83 Maury, Etudes à la mémoire de Capitant, pp. 498 à 502 ; Ripert et Boulanger, Traité de droit civil, II, n°s 168 et 169.
84 De Page (H), Traité élementaire de droit civil belge, I, n° 43 et 46 ; Cass. b., 6 janvier 1944, Pas. I, p. 133.
65

- l’erreur sur la solvabilité du co - contractant (85),


- l’erreur sur les motifs, par opposition à l’erreur sur la cause considérée comme le
motif le plus déterminant.
On néglige l’erreur sur les motifs car « les mobiles qui déterminent une personne à
s’obliger sont plus variables, trop divers pour que le droit puisse en tenir compte (86). On
estime par ailleurs que le motif qui pousse une personne à s’engager ne fait pas partie de
la manifestation de volonté par laquelle elle s’oblige, ce motif lui demeure personnel, il
n’entre pas dans le champ contractuel, il n’est pas la cause déterminante du contrat (87).
Ainsi, en cas de vente d’une voiture, la cause demeure pour l’acheteur être propriétaire,
tandis que les motifs sont variables :
- facilité de déplacement ;
- faire plaisir à un parent ;
- faire sensation ;
- relever le défi des voisins.
II. Dol
Suivant l’article 16 du Code civil congolais « le dol est une cause de nullité de la
convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est
évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ». Cet article donne
à la fois la notion, c’est-à-dire les éléments constitutifs du dol et les conditions.
A. Notion du dol
On appelle dol, « les manœuvres frauduleuses, tromperies, artifices mensongers,
réticences dont une personne peut se servir pour en tromper une autre à l’occasion d’un
contrat (88). L’une des parties a donc usé d’un artifice ou d’une manœuvre pour induire
son co-contractant en erreur et le déterminer ainsi à contracter (89).
Le dol provoque donc une erreur, mais cette erreur, lorsqu’elle résulte du dol, a
une portée différente. Alors que prise en elle-même (exemple : erreur sur les motifs), elle
n’aurait aucune incidence sur les contrats, l’erreur qui résulte d’un dol entraîne toujours
l’annulation du contrat. Nous y reviendrons (2°). Examinons auparavant les éléments
constitutifs du dol (1°).
1° Eléments constitutifs du dol
L’article 16 du Code civil congolais parle des manœuvres frauduleuses. Comme
tel, il évoque naturellement le dol criminel, c’est-à-dire une mise en œuvre matérielle de

85 Colin (A) et Capitant (H), op. cit., tome II, n° 60 ; Demogue (R), op. cit.,tome I, n° 237.
86 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 332.
87 Idem
88 En ce sens Julliot de la Morandière (L), op. cit. n° 333.
89 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n° 133.
66

machinations ou des actes combinés, par exemple, emploi de fausses pièces ou de faux
témoins(90).
Le dol civil est en réalité une fraude plus large. Il peut consister suivant les
circonstances en vraies manœuvres frauduleuses telles que nous venons de les décrire
(dol pénal, escroquerie, usage de faux noms, de faux documents pour persuader l’autre
partie de contracter) ou en mensonges (ou allégations mensongères) présentant une
certaine gravité.
Il convient de noter à cet égard que vanter sa marchandise de façon excessive n’est
pas un dol. « Achetez savon Lux - savon des vedettes ». C’est une simple réclame. Et tous
les commerçants le font. Mais aller jusqu’à lui attribuer une qualité fausse mais que le
contractant considère comme particulièrement importante devient un dol civil. Ceci
dépasse les limites de la réclame et devient une réclame mensongère.
Si on prétend que ce savon-là vous transformera la peau en une semaine pour
devenir une « blanche », l’on va plus loin qu’une réclame.
Une simple réticence, c’est-à-dire le fait de dissimuler certains faits que l’on est tenu
par le contrat de déclarer ou de garder le silence sur un point où l’on avait le devoir de
renseigner son partenaire (91). Par exemple : Ne pas signaler les vices.
Tout silence n’est pas dolosif. Il faut, pour l’être, qu’il soit condamnable. Et il
appartient au juge d’apprécier les cas suivant les circonstances et la nature des contrats.
On dira par exemple qu’il y a dol lorsqu’une personne omet sciemment dans un contrat
d’assurance, de faire les déclarations prescrites par la police(92).
2° Rapport du dol et de l’erreur
Le dol et l’erreur sont des vices du consentement qui ne se confondent pas. Le dol
ne se présume pas. Il doit être prouvé par celui qui l’invoque (art. 17). Sa preuve est plus
facile que celle de l’erreur car il consiste à des manoeuvres frauduleuses.
Toute erreur n’entraîne pas une nullité. Exemple : erreur sur les motifs et sur la
valeur de l’objet. Mais toute erreur résultant d’un dol entraîne toujours une nullité.
Le dol constitue une faute de la part de celui qui l’a commise. La victime obligée
de demander l’annulation du contrat pourra réclamer, en outre des dommages-intérêts,
sur base de l’article 258 du Code civil congolais, la victime peut obtenir réparation même
en cas de dol incident (qui lui ne donnerait pas lieu à l’annulation du contrat).

90 Art. 124 à 132 du Code pénal, Livre II.


91 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit.,n° 134, p. 126; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 333 ; Guyot (P), Dol et
réticence, Mélanges Capitant, p. 287; De Juglart (M), L’obligation de renseignement dans les contrats, RTDC 1945, p.
1.
92 Cass. fr. civ., 22 décembre 1954, D. 1955, p. 254.
67

B. Conditions d’annulation du contrat pour dol


Du texte même de l’art. 16 du Code civil congolais, il ressort que deux conditions
sont nécessaires pour que le dol entraîne la nullité du contrat. Le dol doit être l’oeuvre
d’une partie au contrat ou de son représentant. C’est dire que si un contractant a été
amené à traiter par les manoeuvres dolosives d’un tiers, le contrat ne pourra être annulé.
La victime du dol pourra seulement demander des dommages - intérêts à l’auteur du dol
bien qu’il y ait à ce sujet une évolution doctrinale(93).
Nous verrons qu’il en va autrement de la violence qui, elle, entraîne la nullité du
contrat même si elle a été exercée par un tiers. Cette solution est expliquée par le fait qu’il
est plus facile de se défendre contre un dol que contre une violence(94). Il faut noter
néanmoins qu’en cas de dol commis par un tiers à un contrat, l’annulation de celui-ci peut
être demandée du seul fait que le co-contractant a été seulement complice de ce dol.
Le dol doit être déterminant. Pour entraîner la nullité, il faut, affirme l’article 16
du Code civil congolais, que « les manoeuvres soient telles, qu’il soit évident que, sans
ces manoeuvres, la victime n’aurait pas contracté ».
Le dol doit donc, en d’autres termes, avoir provoqué une erreur déterminante du
consentement. Il appartient au juge, suivant les cas, d’apprécier ce caractère déterminant
du dol (voire l’intention de la partie qui trompe, le degré d’inexpérience ou de naïveté de
la victime...). Le dol déterminant est appelé principal par opposition au dol incident.
Le dol incident est « celui qui a amené sa victime non à contracter, mais à
contracter à des conditions désavantageuses ». Ce dol n’entraîne pas l’annulation du
contrat, il donne lieu seulement à des dommages - intérêts. Certains auteurs tendent à ne
plus admettre cette distinction.
Signalons enfin que le dol donne lieu à une nullité relative (95) (dol principal) et
doit être prouvé par la personne qui l’allègue (96).
III. Violence
A. Notion
Au lieu de la violence elle-même, le Code civil aurait mieux parlé de la crainte
fondée sur la violence comme l’a si heureusement fait l’article 29 du Code fédéral suisse.
Car, en réalité, c’est la crainte, née de la violence, qui altère la liberté du consentement.

93 Le dol étant un délit, la doctrine pense que même lorsqu’il provient d’un tiers, il devrait entraîner la nullité.
94 Critique de cette explication in Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n° 136, p. 129. Pour Marty, la solution de l’article 16
est peu en harmonie avec l’idée de vice du consentement, mais s’accorde mieux avec l’aspect délictuel de la théorie
du dol.
95 Ce n’est pas la seule sanction. Le dol peut donner lieu également à des dommages-intérêts. Même quand sa preuve
est difficile et que partant l’annulation est difficile, l’allocation des dommages-intérêts reste possible sur base de
l’article 258 (Le dol a un caractère délictuel en plus de sa qualité de vice de consentement). N.B. Il a un caractère
dualiste.
96 S’agissant d’unfait, il peut être établi par tous les moyens, y compris les présomptions.
68

D’après les articles 12 et 13 du Code civil congolais, la violence est le fait d’inspirer
à une personne la crainte d’un mal pour elle ou pour un de ses proches. Il faut bien noter
que le consentement a lieu, mais il a lieu à la suite d’une coercition « Coactus voluit sed
voluit », c’est un consentement forcé.
Examinons de plus près les éléments de cette notion (1) et comparons-les à une
notion déjà examinée, le dol (2).
1. Eléments constitutifs de la violence
La violence peut consister non seulement en la crainte d’un mal physique
(menaces, sévices, tortures), mais également en la crainte d’un mal d’ordre moral ou
d’ordre pécuniaire. La violence physique n’exige aucun commentaire particulier. Il s’agit
des voies de fait ou des menaces sur la personne de l’une des parties au contrat. La
violence morale quant à elle est celle qui résulte de la menace d’un mal qui sera infligé à
un de ses proches, si l’on n’accepte pas soi-même à contracter. Elle peut viser également le
contractant lui-même en ce qui concerne sa réputation, son honneur.
Le mal dont on menace le proche peut être physique (menace de mort, privation
de la liberté), moral (porter atteinte à sa réputation, à son honneur) ou pécuniaire ou
matérielle. C’est l’hypothèse du chantage. Du genre « si tu ne me donnes pas 2.000.000 Fc,
je tuerai ton bébé ».
La violence matérielle, par opposition à la violence physique ou corporelle, vise un
mal qui porte atteinte à ses biens matériels, à sa fortune (dynamiter son usine ou ses biens
...). Le mal dont on est menacé peut être présent ou futur. Comme on le voit, la violence a
toujours un effet psychologique.
2. Violence et dol
Le dol et la violence sont des vices de consentement très différents. Alors que le
dol, pour entraîner la nullité du contrat, doit être provoqué par l’une des parties
seulement ; la violence, quant à elle, entraîne la nullité du contrat, même lorsqu’elle
provient d’un tiers au contrat. Le droit positif est ainsi à juste titre plus sévère à l’égard de
la violence car le trouble causé par la violence est plus dangereux pour la société que celui
causé par le dol à l’une des parties.
Conditions d’annulation du contrat pour violence
Pour qu’un contrat puisse être annulé pour violence, il faut que la violence ait une
certaine gravité, d’une part, et d’autre part qu’elle soit injuste.
1. La violence doit avoir une certaine gravité
Elle doit, dit l’article 12, alinéa 1er « être de nature à faire impression sur une
personne raisonnable ». L’on vise, en réalité par là non pas la capacité de résistance de
l’homme raisonnable, mais l’efficacité de la menace telle que l’apprécie l’homme
raisonnable. Il est vrai par exemple que menacer de tuer à l’aide d’un papier ou d’un
bâton n’est pas raisonnablement une menace sérieuse.
69

En fait, la gravité exigée n’est pas aussi d’extrême absolue que ne semble le dire
l’al. 1 de l’art. 12. L’al. 2 de cet article tempère en effet cette exigence de l’art. 12 al. 1 qui se
réfère au critère abstrait de l’homme raisonnable, puisqu’il (al. 2 de l’art. 12) dispose qu’on
a égard, en cette matière, à l’âge, au sexe et à la condition des personnes ».
C’est dire que l’appréciation de la violence est en définitive subjective et varie
suivant la personne qui en est victime. La jurisprudence se fonde davantage d’ailleurs sur
l’al. 2 de l’art. 12 plutôt que sur le premier. Exemples : Il est évident que lorsqu’un garçon
de 10 ans oblige un adulte à contracter sous la menace d’une violence physique, cette
prétendue victime ne sera pas fondée à invoquer le vice de violence. Le contraire est
fondé. D’autre part, la menace de vous jeter un sort dans notre société, peut constituer une
menace morale des plus importantes car la crédulité des gens n’est pas négligeable en ce
domaine. Le juge aura dans ce cas à apprécier suivant la personnalité de chacun
(intellectuel, villageois ou pas).
Une autre observation doit être faite à propos de cet article 12. Lorsque ce dernier
porte que « le mal doit être considérable et présent », cela ne veut pas dire que le mal
futur ou conditionnel ne peut faire l’objet d’une violence. Ce que le code veut mettre en
relief, c’est le fait que la violence doit être déterminante au moment du consentement (97).
Il n’est pas nécessaire, au surplus, que la menace soit dirigée personnellement
contre celui que l’on veut contraindre. Nous l’avons dit et l’art. 13 le confirme, « la
violence est une cause de nullité du contrat, non seulement lorsqu’elle a été exercée sur la
partie contractante, mais encore lorsqu’elle l’a été sur son époux ou sur son épouse, sur les
ascendants ou les descendants ». On a beaucoup discuté sur le point de savoir si la liste
des personnes énumérées à l’art. 13 était exhaustive ou pas. La réponse de la doctrine
moderne que nous soutenons est que la liste de l’art. 13 n’est qu’indicative. Souple, cette
réponse « laisse au juge le pouvoir d’apprécier le caractère déterminant d’une menace
dirigée contre un proche du contractant, que ce proche figure ou non sur la liste légale (98).
Cette position de la doctrine coïncide fort heureusement avec notre conception
élargie de la famille. La menace portant sur un membre de la famille congolaise ou
africaine élargie peut donc donner lieu à l’annulation d’un contrat pour violence. La seule
question qu’il y a lieu de se poser chez nous comme en occident, lorsque la menace est
dirigée contre un tiers, est de savoir si cette menace a pu avoir un effet déterminant sur la
volonté du contractant.
Exemple : Il appartiendra au juge de voir, suivant le cas, si des menaces sur une
fiancée, un noko, une tante, un collatéral frère, soeur, cousin, neveu, beau-frère ... seront
prises en considération ou pas. Que se passerait-il en ce qui concerne la concubine ?
De qui doit émaner la violence ? Aux termes de l’art 11, il importe peu que la

97 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n° 142, p. 131 in fine.


98 Voir Marty et Raynaud plus les références qu’il cite à la note 3 n° 145 b, p. 133.
70

violence ait été exercée par un contractant ou par un tiers. C’est là, nous l’avons dit, une
différence fondamentale entre le dol et la violence(99).
Enfin, avant de voir la deuxième condition d’annulation de contrat pour violence,
il convient de terminer l’examen du caractère déterminant de la violence en examinant la
violence résultant des circonstances extérieures. De quoi s’agit-il ?
C’est l’hypothèse connue sous le nom d’état de nécessité. Dans cette hypothèse, un
individu profite des circonstances extérieures généralement périlleuses qui pèsent sur la
volonté d’une autre personne pour conclure avec celle-ci un contrat. Exemple : C’est
généralement le cas d’un individu qui conditionne le sauvetage d’un autre à la promesse
par la personne en détresse d’une somme d’argent excessive ou pas; vous êtes en train de
sauver une personne attaquée par des brigands dans la voiture qui le sauve et que vous
pilotez, vous obtenez de lui, de vous remettre une forte somme.
On voit, par ces exemples, que la violence n’est pas exercée par la partie qui
obtient le contrat en sa faveur; cette violence provient des circonstances extérieures. De
cette façon, il est difficile, à première vue, comme dispose l’article 9 du Code civil
congolais, de dire que le contrat a été « extorqué » par la violence. La formule de l’article 9
suppose, semble-t-il, une violence pratiquée en vue du contrat dont il s’agit.
Or, dans l’hypothèse examinée, la violence n’est pas pratiquée par la personne qui
obtient le contrat. Cette dernière personne ne fait que profiter de la violence qui s’exerce
sur l’autre pour l’amener à contracter avec elle.
Solutions juridiques
Les solutions juridiques à cette question (validité du contrat) ont été controversées
en doctrine comme en jurisprudence(100). Certains ont tenté de justifier l’annulation du
contrat en invoquant l’absence de consentement ou l’illicéité(101), quitte à accorder à
l’autre une juste rémunération sur le fondement de la gestion d’affaires ou de
l’enrichissement sans cause. Cette justification ne nous paraît fondée sur aucun texte de
loi et repose plutôt sur l’équité dont on peut discuter.
D’autres auteurs invoquent, par contre, la violence résultant de l’exploitation de
l’état de nécessité. Esmein explique mieux cette tendance en écrivant que « le
consentement est bien extorqué alors même que le péril provient d’événements extérieurs,
si le bénéficiaire de la promesse ou un tiers exerce une pression pour l’obtenir par là,
l’impose en abusant de la situation »(102).
La jurisprudence reste également divisée(103). Mais on peut dire que le plus

99 Certains auteurs comme Marty et Raynaud estiment que le dol devrait aussi entraîner la nullité même s’il provient
d’un tiers car en fait le dol est plus lié au délit qu’au vice de consentement, op. cit., n°144
100 Voir développement in Marty (G) et Raynaud (P), op .cit., n°145 d.
101 Voir Graulich (P), cité par Vigneron ( R), cours polycopié au n°46
102 Esmein in Planiol (M) et Ripert (G), op. cit., T. VI n° 195 ; De Page (H),op. cit., T. I. n°62
103 Pour la France, par exemple :
71

souvent, au lieu d’annuler l’engagement, la jurisprudence (en France au moins), en réduit


le montant pour manque partiel de cause (104).
Mais, pour trancher ces difficultés, au moins dans l’un des cas les plus fréquents
d’application de ce problème, à savoir le cas de l’assistance et de sauvetage maritime, le
législateur français et le législateur belge ont introduit dans leur législation les termes de
la convention internationale du 23 septembre 1910 dont l’article 7 stipule que « toute
convention d’assistance et de sauvegarde passée au moment et sous l’influence du danger
peut, à la requête de l’une des parties, être annulée ou modifiée par le juge, s’il estime que
les conditions convenues ne sont pas équitables »(105). Cette convention introduite dans
notre pays par le colonisateur n’a pas été abandonnée(106).
Et l’on peut, en se fondant sur l’argument de ce texte, affirmer que telle devait être
la solution, dans tous les autres cas de violence provenant des circonstances extérieures.
2. La violence doit être injuste et illicite
Pour pouvoir entraîner l’annulation du contrat, la violence doit être injuste et
illicite. La loi elle-même fait une application de cette idée dans l’article 14 du Code civil
congolais en préconisant que « la seule crainte révérentielle envers le père, la mère ou
autre ascendant, sans qu’il y ait eu violence exercée, ne suffit point pour annuler le
contrat ». On estime que la crainte révérentielle ne fait que traduire l’influence légitime
des parents sur leurs enfants. Si ces derniers concluent un contrat, sous l’empire de cette
crainte révérentielle, on ne peut annuler le contrat, cette violence ne revêtant aucun
caractère excessif ni injuste.
La jurisprudence a développé cette idée en refusant d’annuler pour cause de
violences l’engagement pris sous la menace de l’exercice de voies de droit ou plus
généralement de l’exercice d’un droit.
Ainsi, le créancier a le droit de menacer son débiteur de la poursuite (saisie) si par
exemple il ne lui consentait pas une hypothèque ou toute autre garantie (pour protéger sa
créance). De même, un employeur qui menacerait de faire arrêter son employé infidèle, ne

a) Pour l’annulation, Trib. civ., Seine, 12 mars 1945, Gaz. Pal. 28-30/3/1945, RTDC 1945, p. 108, observations
de N. Boitard
b) Contre l’annulation ; Trib. civ. Metz, 4 juillet 1946, Gaz. Pal. 1947, I. 34, Colmar, 12 juillet 1946, S. 1946,
2.124 ; Gaz. Pal. 1947. 90 ; Trib. civ. Saumur, 5 juin 1947, Gaz, Pal. 1947. 2 .59 ; Trib. Civ. Seine, 7 mai 1954,
D. 1954, Som. 69.
104 Voir en droit belge l’article 262, LII, code de commerce et loi belge du 14 septembre 1911. En droit français, l’article
7 de la loi du 29 avril 1916 sur l’assistance en mer qui permet de réduire l’indemnité exigée par le navire sauveteur.
105 Voir en droit belge, l’article 262 LII du code de commerce et loi belge du 14 septembre 1911. En droit français,
l’article 7 de la loi du 29 avril 1916 sur l’assistance en mer qui permet de réduire l’indemnité exigée par le navire
sauveteur.
106 Codes Piron, T. III, p. 974 et BO 1923, p. 1070. Il s’agit de la convention internationale pour l’unification de certaines
règles en matières d’abordage ainsi qu’en matière d’assistance et de sauvetage maritime, signée à Bruxelles et
approuvée par la loi du 14 septembre 1911, BO 1913, p. 184. Le texte a été admis après l’indépendance. Voir OL n°
67/174 du 6 avril 1967 in MC 1967, p. 193.
72

commet pas de violence injuste. Mais le créancier et l’employeur commettraient des


violences injustes s’ils proféraient les menaces précitées pour obtenir autre chose que ce à
quoi ils avaient droit. Ce serait dans ces conditions un abus de droit et l’engagement
obtenu n’aurait aucune cause légitime sérieuse(107).
Un ouvrier qui menace l’employeur d’une grève, si ce dernier n’accepte pas tel
avenant au contrat d’emploi, ne commet aucune violence injuste. Mais chaque fois que
l’engagement qu’on avait obtenu n’avait aucune cause légitime sérieuse, l’on peut alors
parler de violence sur un individu pour obtenir ce à quoi il n’a pas droit. (Enrichissement
sans cause ou enrichissement excessif). Il s’agit ici des voies de fait. La plupart des
violences rentrent dans cette hypothèse; violence sur un individu pour obtenir un
engagement dont la cause a été immorale. Exemple : Ce cas jugé en France d’un mari qui a
trouvé sa femme en flagrant délit d’adultère et qui a exigé au complice une forte somme
pour éviter à celui-ci des poursuites pénales. Une telle violence qui a entraîné cette
donation est injuste ou fondée sur une cause immorale; elle peut donner lieu à
l’annulation du contrat.
IV. De la lésion(108)
A. Notion
La lésion dans les contrats consiste dans le préjudice pécuniaire résultant pour
l’une des parties contractantes, de la disproportion entre l’avantage qu’elle a obtenu et
celui qu’il a conféré à son contractant. Ce déséquilibre économique sera donc sanctionné.
La lésion ne se conçoit que dans les contrats à titre onéreux puisque dans les
contrats de bienfaisance, il n’y a, par définition, avantage que d’un seul côté. On admet
traditionnellement que la lésion ne se conçoit pas non plus dans les contrats réellement
aléatoires, les parties ayant volontairement assumé un risque de perte, ne peuvent se
plaindre de la réalisation éventuelle de ce risque(109).
Précisons que la disproportion doit s’apprécier au moment où se forme le contrat.
Si j’ai vendu pour 1.000 FC un immeuble qui valait cette somme au moment de la vente et
qui plus tard en vaut le double par suite du percement d’une rue, je ne pourrai prétendre
que j’ai été lésé par le contrat. Mais il peut y avoir lésion en cas de prix insuffisant.

107 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n° 146.


108 Sur l’ensemble de cette question, se référer à R. Vigneron, « La Lésion en droit civil zaïrois : Essai d’interprétation
du décret du 26 août 1959 », in RJC 1965. Voir aussi son syllabus n°47 et s.
109 De Page (H), op. cit., t. V., n° 294
73

B. Sanction de la lésion en droit congolais


1. Situation antérieure au décret du 26 août 1959
a) Principes de solution(110)
Lors de l’élaboration du Livre III du Code civil congolais, le législateur s’est
abstenu de légiférer en matière de lésion; il omit systématiquement de reproduire la
teneur des articles du code napoléonien traitant de la question. On se trouvait donc en
présence d’une « matière non prévue par un décret, un arrêté ou une ordonnance déjà
promulguée » et pour laquelle les tribunaux ont reçu pouvoir de trancher sur base des
coutumes locales, des principes généraux du droit ou de l’équité(111).
Néanmoins, à notre connaissance, aucune juridiction congolaise ne donna jamais
gain de cause aux plaideurs invoquant la lésion(112). Aussi, n’aurait-on pu réprimer celle-ci
qu’en recourant à des palliatifs, considérer le contrat lésionnaire comme entaché d’erreur,
de dol ou de violence, et l’annuler sur cette base, ou encore, lorsque la disproportion des
prestations heurte les bonnes moeurs, annuler le contrat pour illicite(113).
Une dernière possibilité consisterait enfin à considérer l’exploitation de l’un des
contractants par l’autre comme un comportement fautif donnant ouverture à une action
en responsabilité(114).
Ces palliatifs, il convient de le noter, demeurent aujourd’hui encore les seuls
moyens de sanctionner les contrats lésionnaires sortant du champ d’application du décret
du 26 août 1959. Quant aux conventions lésionnaires conclues par les incapables agissant
sans être représentés ou autorisés, elles sont en principe nulles, cette nullité étant fondée
alors sur l’incapacité et non sur la lésion. Mais une fois qu’elle est prononcée, il est
possible d’aboutir à une protection efficace des incapables contre l’exploitation dont ils
peuvent être victimes, en modifiant les effets normaux que cette nullité entraîne.
Il suffit, à cet égard, d’admettre que « les incapables ne sont soumis à l’obligation
de restitution que dans le cas où les biens qu’ils ont reçus ou du moins leur équivalent, se
trouvent encore dans leur patrimoine (115). Cette dérogation qui est prévue par l’article 112
du code civil napoléonien n’a pas été reproduite dans le Code civil congolais. On peut
néanmoins l’appliquer, selon M. Orban, à titre de principe général de droit (116).

110 Vigneron (R), La Lésion en droit civil zaïrois, préc.


111 Ord. du 14 mai 1886, art. 1er
112 Voir notamment Elis. 20 janvier 1945, Jur. Congo 1913, p. 157 (contrat de bail) ; Elis., 6 octobre 1945, RJCB 1945
(contrat de louage de service) ; Elis. 20 novembre 1948, RJCB 1949, p. 22 (contrat de vente d’immeuble ; cette
dernière espèce était toutefois assez défavorable au demandeur en rescision.
113 1er Inst. RU, 11 mai 1958, RJCB 1951, p. 30.
114 V. infra l’étude de l’art. 258 ; Cons. à ce sujet Vieujean, RTDC 1964, pp. 406 et s.
115 Orban (P), op. cit., n°364.
116 Voir d’ailleurs l’article 139 du Code civil, livre III (infra, étude du paiement) ; si le paiement fait à un incapable n’a
existence légale que dans la mesure où il en a tiré profit, ce n’est également que dans cette même mesure, semble-
74

En réalité, sur l’ensemble de cette question, c’est surtout les principes généraux du
droit belge et du droit français qui ont servi de source d’inspiration au droit congolais.
b. Principes généraux en droit belge et en droit français
1° Exposé sommaire
En principe, la lésion ne constitue pas une cause de nullité des contrats (117). Ce
n’est que très exceptionnellement qu’elle entraîne la nullité du contrat.
A l’égard de certaines personnes, à savoir les mineurs, encore qu’une distinction
s’impose-t-elle à cet égard, lorsque le mineur doué de discernement passe seul un acte
que le tuteur lui-même ne pourrait passer sans s’y faire habiliter ou sans accomplir
certaines formalités, cet acte est « nul de plein droit »; s’agit-il par contre d’un acte que le
tuteur a pouvoir d’accomplir seul, sans habilitation ni formalité, la précision ne sera
accordée par le juge que si l’acte accompli par le mineur seul se révèle pour lui
lésionnaire (118).
Entre majeurs à l’égard de certains contrats, à savoir :
a. la vente d’immeuble : elle est rescindable au profit du seul vendeur et pourvu que
la lésion excède les sept douzièmes (art. 1674 du code napoléonien);
b. le partage : il est rescindable au profit du copartageant lésé de plus du quart (art
887 du code napoléonien) (119).
2° Fondement juridique de la rescision pour lésion
Il est bien évident que la lésion, qui consiste dans un préjudice, n’est pas en soi un
vice de consentement, mais selon une certaine tradition (qui semble bien avoir inspiré les
solutions du code napoléonien, puisque la matière y est réglée sous la rubrique « du
consentement »), on considère que l’individu n’a pu conclure un contrat aussi
désavantageux que parce qu’il s’est trompé ou a été contraint. Bref, la lésion dans le cas où
elle est retenue comme cause d’annulation, serait ainsi l’indice d’un vice de consentement:
soit l’erreur sur la valeur de la chose, résultant du dol, soit la violence c’est-à-dire
contrainte dont le contractant aurait été l’objet. C’est la tendance ancienne qui est
subjective et individualiste.
Il n’empêche cependant que la lésion demeure un vice objectif doté par le
législateur napoléonien d’une sanction propre; il n’est pas nécessaire d’établir l’erreur, le
dol ou la contrainte qui l’a provoquée. Bien plus, la lésion vicie l’acte même si le
défendeur établit d’une façon certaine qu’il n’y a eu, en fait, ni erreur, ni dol, ni violence,

t-il, que le contrat étant annulé – l’objet du paiement devrait être restitué.
117 Art. 1118 du code Napoléon ; la lésion ne viole des conventions que dans certains contrats et à l’égard de certaines
personnes.
118 Art. 1305 du code Napoléon : « La simple lésion donne lieu à la rescision en faveur du mineur non émancipé… » ;
voir pour plus de développement, Renard, Vieujean et Hannequart, Novelles de droit civil, T. IV, Vol 1, n°2431 et s.
119 Voir plus de développement De Page (H), op. cit.,T. IV, n+329 et s., T. IX. n° 461 et s.
75

et que le consentement a été entièrement libre(120). Mais la doctrine moderne rapproche


plutôt la lésion des théories relatives à l’objet ou à la cause : objectivement, la prestation
due par la victime de la lésion manque de cause tout au moins partiellement(121); le contrat
par lequel une partie « exploite » l’autre est contraire socialement à l’ordre public(122), en
l’occurrence l’intérêt public qui s’attache au juste prix notamment dans les aliénations
immobilières (l’équilibre économique est ici protégé).
3° Législations belge et française postérieures au code napoléonien
Depuis de nombreuses années, on a tendance à considérer comme trop étroite la
part faite à la lésion comme cause de nullité des contrats par le code napoléonien.
Beaucoup voudraient qu’à l’imitation de plusieurs législations étrangères récentes (123), on
édictât un texte général permettant soit la réduction des avantages exagérés, soit la nullité
absolue pour cause de lésion, tout au moins lorsqu’elle est considérable et qu’il apparaît
que l’une des parties a abusé du besoin, de la légèreté ou de l’inexpérience de l’autre.
Telle n’est cependant pas la voie dans laquelle se sont engagés les législateurs
belge et français qui ont préféré éditer des textes spéciaux et précis pour les cas les plus
intéressants. C’est ainsi qu’ils sont intervenus notamment en matière de vente d’engrais,
en accordant à l’acheteur une action en réduction de prix et les dommages - intérêts
lorsque la lésion excède le quart(124) et en matière de prêt à intérêt(125).
2. Analyse du décret du 26 août 1959
Par décret du 26 août 1959, le législateur a introduit dans le titre 1er du livre III du
Code civil, un chapitre IX bis, intitulé « De la lésion » et constitué par l’article 131 bis(126).
Le texte directement inspiré de l’article 1907 ter du Code civil belge (127) mais dont

120 Cass. fr., Req., 28 décembre1932, DP1933, I.87. Sur d’autres conceptions de la lésion, voir Ripert et Boulanger, op.
cit., T II, n°265 et s. ; Cass. b., 13 juillet 1923, Pas. 1913-I.441.
121 Starck (B), Droit civil : obligations, Paris, Litec, 1972, n°1555, 1558
122 Julliot de la Morandière,op. cit., n°342, in fine ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°155.
123 Art. 21 du Code fédéral suisse des obligations: “En cas de disproportion évidente entre la prestation promise par
l’une des parties et la contre-prestation de l’autre, la partie lésée peut dans le délai d’un an, déclarer qu’elle résilie le
contrat et répéter ce qu’elle a payé, si la lésion a été déterminée par l’exploitation de sa légèreté ou de son
inexpérience”. Art. 138 du Code civil allemand : « l’acte juridique contraire aux bonnes mœurs est nul. Est nul en
particulier l’acte juridique par lequel quelqu’un, exploitant la détresse, la légèreté ou l’inexpérience d’autrui, se fait
promettre ou donner pour lui ou pour un tiers, en échange d’une prestation des avantages primordiaux qui excèdent
la valeur de cette prestation de telle manière que, d’après les circonstances, les avantages soient par rapport à cette
prestation dans une disproportion choquante.
124 Article 2 de l’arrêté royal belge n°89 du 30 novembre 1939 remplaçant l’article 6 de la loi du 21 décembre 1896 ; loi
française du 8 juillet 1907 modifiée par celle du 10 mars 1937
125 Art. 1907 en note, plus décret belge du 8 août 1935 qui a rétabli, le délit d’usure ; loi française n°66-1010 du 28
décembre 1966. Pour d’autres lois françaises, voir B. Starck, op. cit., n°1593 à 1599.
126 Voir texte in Codes Piron, T. I, p. 325.
127 Art. 1097 du Code civil belge : « Sans préjudice de l’application des dispositions protectrices des incapables ou
relatives à la validité des conventions, si, abusant des besoins, des faiblesses, des passions ou de l’ignorance de
l’emprunteur, le prêteur s’est fait promettre pour lui-même ou pour autrui, un intérêt ou d’autres avantages excédant
76

la portée a cependant été très sensiblement élargie, dispose : « Sans préjudice de


l’application des dispositions protectrices des incapables ou relatives à la validité des
conventions, si, par une opération de crédit, d’un contrat de prêt ou de tout autre contrat
indiquant une remise de valeur mobilière, quelle que soit la forme apparente du contrat,
le créancier, abusant des besoins, des faiblesses, des passions ou de l’ignorance du
débiteur, s’est fait promettre pour lui-même ou pour autrui un intérêt ou d’autres
avantages excédant manifestement l’intérêt normal, le juge peut, sur la demande du
débiteur, réduire ses obligations à l’intérêt normal ». La réduction s’applique aux
paiements effectués par le débiteur, à condition que la demande soit intentée dans les trois
ans à dater du jour du paiement(128).
La sanction qu’il commine consiste, non dans la rescision du contrat, mais dans la
réduction des obligations excessives.
a) Personnes assujetties à l’article 131 bis
La disposition de l’article 131 bis du Code civil, livre III peut être invoquée, cela va
sans dire, par toutes les personnes assujetties au droit écrit. Mais en outre, il ne paraît pas
douteux que tous les Congolais, immatriculés ou non, à l’époque de ce texte puissent
également en faire état. L’exposé des motifs(129) comme le rapport du Conseil de
législation (130) révèlent la volonté non équivoque du législateur de protéger tous les
« Africains ».
Au surplus, la lésion au sens où l’entend l’article 131 bis, constitue une infraction
pénale, et l’article 96 bis du Code pénal autorise le juge, une fois l’infraction constatée, à
faire application de l’article 131 bis du Code civil, livre III, à la demande de la partie lésée.
La combinaison des deux textes rend donc certaine, l’application du texte civil à tous les
justiciables des tribunaux de la République.
b) Contrats soumis à l’article 131 bis
Quelles sont les conventions susceptibles d’encourir la sanction de l’article 131 bis?
Par définition même, seuls les contrats à titre onéreux peuvent être lésionnaires, parce
qu’ils permettent la comparaison des avantages réciproques, mais l’article 131 bis
énumère néanmoins les exemples d’actes juridiques qui, à notre avis, donnent lieu à une
interprétation très complexe. Il suffirait de simplifier, à l’instar des droits suisse et
allemand(131), le texte de l’article 131 bis en écartant les exemples que seule la

manifestement l’intérêt normal ou la couverture des risques du prêt, le juge, sur la demande de l’emprunteur, réduit
ses obligations au remboursement du capital prêté et au paiement de l’intérêt légal. La réduction s’applique aux
paiements effectués par l’emprunteur, à condition que la demande soit intentée dans les trois ans à dater du jour du
paiement ».
128 Voir ce texte in Kalongo Mbikayi, Code civil et commercial, Kinshasa, CRDJ, 1997, p. 296.
129 Codes Piron, T. I. p. 325, avant l’article 131 bis.
130 BO 1959, I pp. 2187 et s.
131 Voir note 122.
77

jurisprudence créera.
Voici néanmoins les cas visés par l’article 131 bis :
1. Opération de crédit
L’expression « opération de crédit » ne possède pas, semble-t-il, de définition
juridique consacrée(132). Il faut entendre par là tout acte juridique « aboutissant au même
résultat économique qu’un prêt de capitaux », tels que l’escompte, l’ouverture de crédit, le
report, le compte courant, la vente à tempérament (133).
2. Contrat de prêt
Il s’agit du prêt de consommation (mutuum) consenti à titre onéreux. Le prêt à
titre gratuit (et le prêt à usage) est nécessairement gratuit (art 449), il ne peut évidemment
entraîner de lésion et n’est donc pas visé par l’article 131 bis.
3. Contrat indiquant une remise de valeur mobilière
A ce sujet, il convient de s’entendre, en premier lieu, sur le sens à donner à
l’expression « valeur mobilière ». Celle-ci doit être prise, semble-t-il, dans son acception
civile de « meuble incorporel ».
L’expression englobera donc tous les biens rangés sous ce vocable par la tradition
napoléonienne et l’art 4 de la loi du 20 juillet 1973 à savoir, essentiellement, les droits réels
mobiliers (autres que le droit de propriété) et les créances mobilières(134). Seraient donc
inclus notamment, les titres au porteur et les billets de banque(135).
Il reste, pour déterminer le champ d’application du décret de 1959, à préciser le
sens de l’expression « contrat indiquant une remise. ».
De prime abord, il semblerait que dès le moment où une remise de valeur
mobilière (au sens défini plus haut) est « indiquée » dans un contrat à titre onéreux
commutatif, serait-ce dans une clause accessoire, l’article 131 bis trouverait à s’appliquer.
Pareille interprétation ne peut être acceptée, croyons-nous. Il faut que l’une des
obligations née du contrat consiste en la remise d’une valeur mobilière, en d’autres
termes, que le contrat « porte » sur la remise d’une telle valeur.
Ce point précisé, suffit-il que l’une des obligations engendrées par le contrat
consiste en la remise d’un meuble incorporel ? La lecture de l’article 131 bis le donne à
penser. Cependant, selon le Conseil de législation, l’expression recouvre, soit un contrat

132 Renvoi au cours de droit commercial.


133 Del Marmol, La répression de l’usure, n° 463 ; voir aussi RPDB, v° Usure n° 146.
134 V. à ce sujet Kalambay Lumpungu, Droit civil. Régime foncier et immobilier, 2 vol., Kinshasa, PUZ 1999 ; Lukombe
Nghenda, Droit civil. Les biens, Kinshasa, PUC, 2003 ; Kifwabala Tekizala (JP),Droit civil. Les droits réels fonciers, t. 1,
Lubumbashi, Pressses universitaires de Lubumbashi, 2004 ; Kangulumba Mbambi, Précis de droit civil des biens, t. 1,
Bruxelles, Academia Bruylant, 2007.
135 On s’accorde très généralement à voir dans les titres au porteur et les billets de banque des meubles incorporels ;
ils ne sont assimilables à des meubles corporels que pour l’application de l’art. 658, L. III, lequel est étranger au
débat (renvoi aux ouvrages précités sur le droit civil /Biens.
78

translatif de propriété, soit une tradition réelle constitutive du contrat, mais non la simple
délivrance d’un bien en vue de l’exercice d’un droit de jouissance »(136).
Il n’est, croyons-nous avec R. Vigneron, qu’une seule façon de concilier cet extrait
des travaux préparatoires avec le texte légal : c’est d’admettre que, outre les contrats réels,
l’article 131 bis vise tous les contrats translatifs bilatéralement (nous désignons par là les
conventions de type « do ut des » dans lesquels l’une au moins des obligations de faire
porte sur une valeur mobilière (137).
Seront donc compris dans le champ d’application de l’article 131 bis, outre les
opérations de crédit et le contrat de prêt, déjà mentionnés :
- les autres contrats réels à titre onéreux (dépôt et gage) (138);
- toutes les ventes, que le bien vendu soit un meuble incorporel (cession de créance
à titre onéreux par exemple), un meuble corporel ou un immeuble (139);
- le contrat d’échange, pour autant que l’un des termes de l’échange porte sur une
valeur mobilière;
- le partage, dans la mesure où la masse à partager comprend une valeur
mobilière(140);
- le contrat de société;
- tous les contrats innomés, enfin générateurs d’un double transfert réciproque, et
dont l’un d’eux a pour objet des valeurs mobilières.
Signalons enfin que tous ces contrats sont soumis au régime de la lésion « quelle
que soit leur forme apparente ». Il n’y a, dans cette précision apportée par l’article 131 bis,
que l’application à notre matière du principe de l’article 54(141).
En revanche, demeurent étrangers au décret du 26 août 1959 notamment :
- les contrats à titre gratuit et les contrats réellement aléatoires pour lesquels
aucune lésion n’est concevable;
- les contrats générateurs d’obligations de faire ou de ne pas faire, tel que le louage
des choses, les contrats d’entreprise et de travail, le mandat, remarquons que les
obligations de ce type sont précisément celles dont l’évaluation présente le plus
de difficultés;

136 BO 1959, I, p. 2189. Cette précision fut apportée en vue d’expliquer l’exclusion du contrat de bail du champ
d’application de l’article 131 bis.
137 Voir pour plus de développements R. Vigneron, art. préc., n°18.
138 Pour le caractère réel du contrat de gage, renvoi au cours de droit civil, partim : sûretés, réelles et personnelles.
139 En toutes hypothèses, en effet, le paiement du prix, lequel est une valeur mobilière requise par la disposition légale.
140 Quant aux partages qui ne comprennent que des immeubles ou des meubles corporels, il nous paraît qu’il s’agit là
d’une lacune importante, susceptible d’être comblée par le recours à l’ordonnance du 14 mai 1886 (sur l’existence
d’un principe général du droit commun aux nations civilisées et selon lequel « l’égalité est l’âme du partage », V. De
Page (H), Le problème de la lésion dans les contrats », p. 9 note 2 et p. 35.
141 Voir infra, l’interprétation des conventions, Del Marmol (P), op. cit., n° 237
79

- la transaction : bien que susceptible de s’intégrer au prescrit de l’article 131 bis,


elle doit néanmoins être soustraite à sa sanction en vertu de l’article 591, alinéa 2;
- les contrats de cautionnement et d’hypothèque, qui sont unilatéraux et, partant,
échappent au champ d’application de l’article 131 bis, tel que nous l’avons défini.
Mais le dépôt à titre onéreux est quant à lui susceptible de lésion.
C. Conditions d’application de l’article 131 bis
Ces conditions sont presque textuellement reproduites de l’article 1907 ter du
Code civil belge. Comme celui-ci, la disposition congolaise fait application de la théorie
dite de la lésion qualifiée(142).
La partie qui se prévaut de l’article 131 bis est tenue de prouver l’existence
simultanée de deux conditions : une condition objective et une condition subjective.
1. Une condition objective
Il faut, dit le texte de l’article 131 bis, que le créancier se soit « fait promettre, pour
lui-même ou pour autrui, un intérêt ou d’autres avantages excédant manifestement
l’intérêt normal ». Cette condition présente deux aspects : en premier lieu, les avantages
procurés au contractant ou à un tiers en faveur duquel celui-ci aurait stipulé (143), doivent
excéder « l’intérêt normal ».
Une double évaluation s’impose donc au juge : celle des avantages promis, qu’il
convient de confronter avec celle de l’intérêt normal ». Ce dernier comprend, selon
l’exposé des motifs (144) outre le prix de la jouissance des avantages fournis, « le risque
d’insolvabilité du débiteur ». Il est donc susceptible de varier d’après les circonstances.
Remarquons qu’en explicitant de la sorte la notion « d’intérêt normal », l’exposé
des motifs n’a en vue que les opérations de crédit et le contrat de prêt. Pour les autres
conventions, la confrontation de l’intérêt ou d’autres avantages promis par le demandeur
devra se faire, par analogie, avec la valeur normale de la prestation du contractant.
Il faut en second lieu que l’excès des avantages stipulés sur les avantages jugés
normaux in casu soit manifeste. Le Conseil de législation parle à ce sujet, de « conditions
choquantes, contraires aux bonnes moeurs »(145).
Le juge congolais, on s’en rend compte, jouit d’un pouvoir d’appréciation très
large, tant pour déterminer, en tenant compte des circonstances de l’espèce ce qui
constitue un avantage normal, que pour décider si l’avantage stipulé excède le premier de
façon manifeste et choquante. Il convient de remarquer que « l’intérêt normal » s’apprécie
par rapport au prix du marché et non d’une façon subjective.

142 Sur cette théorie, voir De Page (H), Le problème de la lésion, p. 74 et s.


143 Voir infra, l’étude de la stipulation pour autrui
144 Codes Piron, T. I., p. 325.
145 BO 1959, I., p. 2188 ; comp. art. 138 du Code civil allemand
80

2. Une condition subjective


Ces avantages doivent avoir été soutirés en « abusant des besoins, des faiblesses,
des passions ou de l’ignorance du débiteur ».
Les besoins dont parle l’article 131 bis du Code civil, livre III se particularisent par
leur caractère d’urgence extrême, d’impérieuse nécessité; ce n’est pas dire toutefois que
l’état de besoin doit confirmer à l’indigence absolue : il suffit de besoins pressants, qui ne
pourraient être satisfaits avec les seules ressources actuelles du débiteur. Par exemple: La
maladie de l’épouse ou des enfants, un voyage pour raison de santé(146), la menace pour
un locataire d’une expulsion par le propriétaire(147); le cas de violence résultant des
circonstances extérieures.
Les deux termes « faiblesses » et « passions » se complètent. La jurisprudence belge
n’a, semble-t-il, jamais établi de distinction entre ces deux notions (148). Selon un arrêt de la
Cour d’appel de Bruxelles (149), confirmé par la Cour suprême(150), il faut entendre par ces
défaillances, « les manifestations de l’état d’une personne qui manque de l’énergie et de la
force morale nécessaire pour résister à une passion, un désir, en un mot à une influence
préjudiciable quelconque, soit externe, soit interne ». Ce sont là des questions de fait
laissées à l’appréciation du juge.
La notion « d’ignorance » enfin, englobe toutes les déficiences intellectuelles du
débiteur (défaut d’instruction, crédulité, inexpérience) qui le rendent inapte à comprendre
la portée exacte du contrat auquel il va adhérer(151).
Il faut, d’autre part, pour que l’art 131 bis puisse jouer, que le créancier ait
« abusé » de cet état d’infériorité matérielle, morale ou intellectuelle de son co-contractant.
La notion d’abus implique une idée de mauvaise foi dans le chef du créancier (152). Il sera
donc nécessaire de prouver que celui-ci avait connaissance de la situation délicate du
débiteur au moment de la conclusion du contrat ( 153). C’est ainsi que la cour d’appel de
Lubumbashi a jugé que celui qui invoque une lésion doit apporter la preuve qu’il a subi
une contrainte ou commis une erreur, ou que son cocontractant a employé des
manœuvres dolosives(154).
En ce qui concerne l’abus de l’ignorance particulièrement, le seul fait de
l’incompétence financière du débiteur ne peut justifier la réduction de ses obligations s’il
n’est pas établi que le créancier en a sciemment profité.

146 Voir note au S. 1935, IV, 10.


147 Com. Liège, 7 novembre 1936, Jur. Liège 1937, p. 155.
148 Del Marmol (P), op. cit. n° 244.
149 Bruxelles 14 octobre 1910, Pas. II, 401.
150 Cass. b., 28 novembre 1910, Pas. 1911, I, 30.
151 En ce sens, Del Marmol (P), op. cit. , n° 268 et 269.
152 Idem, n° 210.
153 Ibidem, n° 251, 265 et 268.
154 L’shi, 10 décembre 1968, RJC 1969, n° 1, p. 55.
81

En revanche, l’abus ne requiert de la part du créancier aucune attitude active; en


cela, il se distingue spécialement du dol, lequel consiste à provoquer une erreur dans
l’esprit du co-contractant. L’abus des besoins, des faiblesses, etc. se distingue par ailleurs
également des autres vices du consentement : erreur (155) et violence (156). C’est du reste ce
que rappelle l’article 131 bis initio : « sans préjudice de l’application des dispositions (...)
relatives à la validité des conventions ».
D. Sanction de la lésion
La réunion des conditions requises étant démontrée, il appartient au juge de
réduire les engagements manifestement excessifs à « l’intérêt normal ».
Rappelons qu’en dehors du prêt et des opérations de crédit, c’est à la notion
générique de « valeur normale » qu’il convient de se référer.
La mise en oeuvre de la réduction des obligations suscite plusieurs observations:
1. Demandeur en réduction
Contrairement à l’article 1907 ter belge qui n’accorde l’action qu’à l’emprunteur, le
texte congolais permet à « toute partie lésée de demander la réduction de ses
obligations »(157). A la partie contractante lésée, il convient d’adjoindre, semble-t-il, en
vertu des principes généraux, ses héritiers(158) et ses créanciers agissant par voie de
l’action oblique(159).
2. Caractéristique de la demande en réduction
La victime de la lésion peut faire valoir le moyen tiré de l’article 131 bis tant par
une action que par une exception de réduction. Si elle a déjà rempli ses obligations (action
en réduction), elle demandera la restitution partielle des paiements. Dans l’hypothèse
inverse, il lui est permis d’opposer l’exception de la lésion à la demande de paiement
formulée par son co-contractant(160).
Encore, faut-il qu’elle manifeste le désir d’être protégée. Le juge ne peut accorder
le bénéfice de l’article 131 bis d’office : le législateur a pris soin de préciser que la
réduction n’aurait lieu que « sur la demande du débiteur ».
En revanche, dès le moment où la partie lésée demande à bénéficier de l’article 131
bis - des conditions d’application de cette disposition étant, par hypothèses réunies, - la
réduction s’impose au juge, croyons-nous, nonobstant les termes « peut réduire » utilisés

155 Laquelle ne pourrait être ici qu’une erreur sur la valeur, donc inopérante (voir supra, n° 37).
156 Dans ce sens, De Page (H) et Dekkers (R), T. V., n°158, DC, Del Marmol, op. cit. n°381 ; l’état de nécessité, dans la
mesure où l’on admet l’assimilation au vice de violence (supra n°46), paraît cependant pouvoir présenter des
analogies avec les abus dont parle l’article 131 bis ; voir De Page (H), Le problème de la lésion, p. 74).
157 Voir art. 96 bis, al. 2 du Code pénal
158 Art. 118 et 121 du Code civil, livre III.
159 Art. 64 du Code civil, livre III.
160 Voir en ce sens, Pand. belges ; V° usure, n°353 et s. ; Del Marmol (P), op. cit., n°408 ; Renard, Vieujean et
Hannequart, Novelles de dorit civil, T.IV, V, I, n° 980.
82

par les rédacteurs de l’article 131 bis(161).


3. Extinction de l’action en réduction
a) L’article 131 bis dispose, dans son dernier alinéa, que « la réduction s’applique
aux paiements effectués par le débiteur, à condition que la demande soit intentée dans les
trois ans à dater du jour du paiement ». Cette disposition est la reproduction textuelle de
l’alinéa 2 de l’article 1907 ter belge.
Les trois ans au-delà desquels l’action en réduction n’est plus admise courent non
du jour du contrat, mais de celui du paiement. Il s’agit là d’une solution assez anormale;
ce qui nous pousse à croire à l’appui de certains auteurs d’ailleurs qu’il s’agit là non d’un
délai de prescription mais d’un délai préfixe (162).
Notons, en revanche, que le point de départ du délai est fixé au jour du paiement.
On doit logiquement en inférer, semble-t-il que si la partie lésée après avoir été abusée
dans la conclusion du contrat, se ravise en refusant d’exécuter ses obligations, son
exception de lésion n’est pas - à défaut de paiement - assujettie au délai de trois ans et
peut être soulevée à tout moment.
b) D’autre part, la demande en réduction, on l’a vu, est relative et ne peut être
formulée que par la partie lésée; celle-ci peut donc y renoncer et confirmer le contrat
lésionnaire.
A partir de quel moment une confirmation de la convention lésionnaire peut-elle
être valablement faite ? Par application des principes généraux, nous croyons que la
confirmation serait permise dès le moment où l’on peut considérer que la partie lésée est
affranchie des besoins, des faiblesses, des passions ou de l’ignorance sous l’empire
desquels elle avait contracté. Avant cela, en effet, l’on peut craindre que la confirmation
ne soit entachée des mêmes abus que le contrat initial.
Observations sur les effets de l’illicéité en matière de lésion
L’article131 bis du Code civil, livre III ayant été mis en concordance avec l’article
96 bis du Code pénal, il s’ensuit que la conclusion de tout contrat susceptible de
provoquer l’application du premier de ces textes constitue, en vertu du second, une
infraction pénale. Partant, toute convention de ce genre, est nécessairement contraire aux
bonnes moeurs.
Ceci admis, il ne paraît pas concevable d’assujettir les conventions lésionnaires
simultanément à deux régimes distincts de sanctions.
Les nullités pour illicéité, on le sait, sont absolues. Elles ne sont pas susceptibles
d’être confirmées; elles se prescrivent enfin par trente ans (163). Tout autre, on l’a vu, est le

161 Leur inadvertance est d’ailleurs corrigée partiellement par l’alinéa 2 de l’article 96 bis du Code pénal ; « réduit ses
obligations… », voir pour plus de développement R. Vigneron, op. cit., n°37
162 De Page (H), Traité, T.V., n°163 ; Renard, Vieujean et Hannequart, Novelles de droit civil, T.IV, V, I, n°980.
163 Renvoi au chapitre III relatif à la nullité des contrats.
83

régime prévu par l’art 131 bis. L’action n’est accordée qu’à la partie lésée, le juge n’a pas,
en ce domaine, de droit d’initiative, la confirmation est permise et l’action s’éteint au bout
de trois ans.
Il faut en conclure comme le fait M. Vigneron que le législateur de 1959 a
implicitement dérogé au régime de droit commun des conventions illicites, en ce qui
concerne les contrats lésionnaires rentrant dans le champ d’application de l’art 131 bis.
Quoique contraire aux bonnes mœurs, ils ne sont pas nuls, mais simplement sujets à
réduction.
En fin de compte, il y a lieu de préférer la formulation générale de l’art 21 du code
suisse des obligations, qui est plus précise et plus claire en ce qui concerne les contrats
visés et les conditions d’application. Mais il vaudrait même retenir la sanction qui permet
le maintien du contrat en lui-même.

Section 2 : Capacité de contracter

La matière de la capacité est étudiée dans le cours de droit civil des personnes et
un peu en droit international privé pour la capacité » des étrangers (leur loi nationale).
C’est donc de façon très brève que nous en parlerons. Et le code civil lui-même n’a réservé
à ce problème que deux articles : l’art 23 et l’art 24. Il faudra dans notre pays, se référer
pour les principes généraux au nouveau code de la famille (164).
§1. Notions et principe d’application en matière des contrats
La capacité est l’aptitude qu’a une personne à être titulaire des droits (capacité de
jouissance) et à les exercer (capacité d’exercice).
Cette notion, et spécialement la capacité d’exercice, s’applique à la possibilité de
contracter. Et en matière de contrats précisément, le principe contenu dans l’article 23 du
Code civil, livre III est que « toute personne peut contracter si elle n’en est pas déclarée
incapable par la loi ». La capacité de contracter est donc le principe, l’incapacité,
l’exception.
L’incapacité ne peut résulter que d’un texte légal dont l’interprétation est toujours
stricte. Pour les étrangers, on se réfère à leur loi nationale pour déterminer leur capacité
ou leur incapacité. C’est dire qu’à cet égard, ce qui vaut en droit étranger n’est pas
nécessairement repris dans le droit congolais. L’âge de la capacité par exemple peut
varier.
§2. Espèces d’incapacités
Autant la capacité est de jouissance et d’exercice, autant l’incapacité est de
jouissance et d’exercice.

164 Art. 211 à 329 du Code de la famille


84

L’incapacité de jouissance est plus profonde et plus radicale que l’incapacité


d’exercice. Elle prive l’individu du principe même d’être titulaire des droits ou du droit
envisagé (ex : le droit de passer un contrat). Elle empêche l’individu de compter tel ou tel
droit parmi les éléments de son patrimoine. Cette incapacité peut être générale ou
partielle. En réalité, l’incapacité de jouissance générale est devenue inexistante. Elle ne
pourrait s’appliquer qu’à l’égard des esclaves et à l’égard des individus frappés de mort
civile. Il ne subsiste plus guère que des incapacités de jouissance spéciales, c’est-à-dire
limitées à certains actes juridiques seulement. C’est ainsi que l’on peut noter des
prohibitions de certains contrats tels la vente entre époux ; que les étrangers ne peuvent
jouir que des droits privés; que la privation de certains droits (droit de vote, d’être
éligible); à la suite d’un jugement peut frapper certains individus et que c’est ainsi aussi
que les personnes morales n’ont qu’une capacité de jouissance incomplète.
L’incapacité d’exercice au contraire, ne vise pas le droit lui-même, mais
uniquement la possibilité de le faire valoir personnellement. Ici donc, l’individu est
titulaire des droits notamment le droit de contracter, de passer des actes juridiques, mais
il est inapte à exercer ce droit par lui-même. Pour ce faire, il doit soit être représenté, soit
être assisté, soit être autorisé par une personne capable. L’incapacité d’exercice peut être
générale et viser tous les actes (c’est le cas des mineurs et des interdits); elle peut
également être relative et ne viser qu’une catégorie d’actes (c’est le cas de la femme
mariée, des mineurs émancipés par voie judiciaire (Code de la famille, art. 300 et 304) et
des personnes placées sous curatelle.
La loi congolaise n’énumère pas, à l’instar de l’article 1124 du Code civil belge, les
personnes incapables de contracter. On appliquera à cet égard les principes tirés du droit
civil des personnes aujourd’hui contenus dans la loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant
Code de la famille.
L’article 215 du Code de la famille cite parmi les incapables : les mineurs, les
majeurs aliénés introduits, les majeurs faibles d’esprit prodigues. Cette même disposition
ne cite pas la femme mariée parmi les incapables. Elle signale simplement que la capacité
de la femme mariée peut être atténuée dans certains cas. C’est donc une révolution par
rapport à l’ancien livre 1er du Code civil congolais. Avant de dire un mot sur le régime
juridique des incapables, disons que le but de l’incapacité poursuivi par la loi est soit la
protection des incapables eux-mêmes, soit de l’intérêt public.
§3. Régime d’incapacité d’exercice
Lorsqu’un individu est incapable d’exercer personnellement des droits,
notamment passer des actes juridiques et conclure des contrats, il ne peut le faire qu’étant
représenté, autorisé ou assisté. Il y a donc trois régimes juridiques protégeant les
incapables ou les personnes dont la capacité connaît quelque atténuation.
85

I. Représentation
Elle consiste dans la substitution d’une personne capable à une personne incapable
dans l’exercice du droit. Le représentant légal agit ainsi en lieu et place de l’incapable
représenté. Et par voie de conséquence, les effets juridiques de l’acte posé n’affectent que
le représentant incapable.
En matière contractuelle donc, l’incapable sera débiteur ou créancier dans le
rapport d’obligation avec les tiers.
La représentation est volontaire ou légale. Elle est volontaire lorsqu’elle résulte
d’un mandat et légale lorsque le pouvoir du représentant provient de la loi.
Sont soumis à ce régime :
- le mineur d’âge-tuteur ;
- l’aliéné qui n’a pas de discernement ;
- l’interdit (tout majeur ou tout mineur émancipé qui est dans un état habituel
d’imbécillité, de démence ou de fureur même si cet état présente des intervalles
lucides (Code de la famille, art. 215, 304).
L’interdiction est demandée par un parent, un époux ou le ministère public et
prononcée par le tribunal. On n’est donc pas interdit de façon automatique. L’interdiction
intervient, à la suite d’une procédure appropriée, d’une décision judiciaire. L’interdit est
aussi représenté par un tuteur. L’absent est aussi représenté par un administrateur (Code
de la famille, art. 173-205).
II Assistance
Ici, l’incapable passe l’acte mais en présence de l’assistant qui a un pouvoir de
veto. L’assistance concerne :
1°. les mineurs émancipés par voie judiciaire ;
Les personnes placées sous curatelle (Code de la famille, art. 312). Il s’agit des
prodigues, des faibles d’esprit auxquels il est défendu de plaider, de transiger,
d’emprunter, de recevoir un capital mobilier et d’en donner décharge, d’aliéner ou de
grever leurs biens d’hypothèques sans l’assistance d’un conseil qui leur est nommé par le
tribunal.
De lege ferenda, il faudrait songer à la protection des handicapés physiques.
III. Autorisation
Elle s’applique à la femme mariée lors de certains actes importants. Elle est écrite
ou verbale. Mais pour les actes juridiques du ménage, l’autorisation est présumée suivant
la théorie du mandat domestique. Si l’incapacité de la femme mariée était généralement
justifiée par la nécessité de l’unité de commandement dans le ménage et son harmonie, la
tendance à l’égalité entre l’homme et la femme milite pour la pleine capacité de la femme
mariée. Le libellé de l’article 215 du code de la famille indique en son second alinéa que la
86

capacité de la femme mariée n’est que limitée. On sait en effet que celle-ci dans le cadre
des régimes matrimoniaux est reconnue capable de poser, seule à l’instar de la femme
non mariée, des nombreux actes juridiques comme je l’ai démontré dans une récente
publication (165). Dans certains cas, l’autorisation du mari n’est pas nécessaire (art. 451).
Remarques importantes
L’interdiction et le placement sous curatelle ne sont pas automatiques; elles
doivent être l’oeuvre du tribunal. Ainsi, tout fou n’est pas interdit ni mis sous conseil
judiciaire. Il faut qu’il soit mis sous conseil judiciaire ou interdit à la suite d’une procédure
appropriée. De même, tout prisonnier n’est pas interdit, comme c’est le cas en Belgique
(166). La condamnation à une peine n’entraîne pas automatiquement l’interdiction légale.

Section 3 : Objet du contrat

L’objet du contrat est réglementé par les articles 25 à 29 du Code civil, livre III.
§1. Définition
Bien que le code emploie indifféremment les expressions « objet du contrat » et
« objet de l’obligation », il faut bien reconnaître que c’est la dernière expression qui est la
plus exacte. Car, un contrat n’a pas à proprement parler d’objet. Il a pour effet
d’engendrer des obligations, et c’est chacune de ces obligations qui a un objet.
L’objet de l’obligation n’est pas tellement une chose matérielle dans le sens d’une
res, c’est plutôt d’une façon générale la prestation engendrée qui est elle-même l’effet d’un
contrat. Cette prestation peut consister à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose
(dare, facere, non facere).
Ainsi, dans la vente, l’objet ce n’est pas tant la chose vendue que les prestations
engendrées par la vente à savoir d’une part le transfert de la propriété et la livraison de
cette chose à l’acquéreur et d’autre part le paiement du prix.
Nous avons examiné le contenu de chacune des prestations consistant à donner,
faire ou ne pas faire quelque chose lorsque nous avons au début de ce cours, classé les
obligations d’après leur objet.
§2. Caractères de l’objet
L’objet doit être principalement déterminé ou déterminable, possible, licite et
moral.
I. L’objet doit être déterminé ou déterminable
En disant que l’objet doit être déterminé ou déterminable, la loi (art. 28 du Code
civil, livre III) vise le fait que la prestation que doit engendrer l’obligation doit être

165 Le mariage : contrats – dissolution.


166 Code pénal belge, art. 20 à 24 ; Sohier (A), Droit civil du Congo belge, I, p. 58.
87

précisée par les parties quant à son contenu, sa nature. D’une façon générale, donc les
parties doivent bien préciser les divers éléments de leurs prestations réciproques. Il n’est
pas dit qu’au moment du contrat, tous les éléments doivent être examinés. Ce qui
importe, c’est qu’au moins ces éléments soient déterminables. Et ceci peut varier d’une
obligation à l’autre.
a) En ce qui concerne les obligations de donner
C’est la « chose » qui fera l’objet du transfert de propriété qu’il faudra bien
déterminer pour éviter des équivoques et pour bien circonscrire l’objet sur lequel
porteront les droits du créancier.
Cette chose peut être un corps certain lorsqu’il s’agit d’une chose envisagée dans
son individualité. Exemple : La vente de tel bien meuble ou immeuble bien précis.
Cette chose peut être également une chose de genre lorsqu’il s’agit d’une chose
fongible, déterminée seulement dans son espèce (Art 38 al. 1). Ainsi, on ne peut pas dire
« je vous vends un animal », ou un « véhicule », on devra au moins préciser l’espèce dans
le genre. Exemple : Un cheval (dans le genre d’animaux), une voiture automobile (dans le
genre véhicule).
Le nombre (c’est-à-dire la quantité), la qualité, le poids, la mesure de la chose elle-
même, dit l’art. 28 al. 2, ne doivent pas nécessairement être donnés, pourvu qu’ils soient
susceptibles de détermination au moment de l’exécution, soit par les parties elles-mêmes,
soit par les usages.
La jurisprudence décide qu’une obligation n’est nulle pour manque d’un objet
certain formant la matière de l’engagement que s’il y a incertitude ne permettant pas
d’établir à quoi les parties se sont engagées (167). Et la sanction pouvant résulter du fait que
l’objet d’un contrat n’est pas déterminé et est indéterminable ou qu’il n’est pas possible est
la nullité « relative »; elle ne peut être appliquée d’office par le juge (168).
b) En ce qui concerne les obligations de faire ou de ne pas faire
Il n’y a rien d’autre à dire que d’exiger que les parties précisent bien les prestations
qu’elles veulent faire naître. Pas de problèmes pour les contrats nommés car la nature des
prestations est précisée déjà par la loi. Pour les autres, les parties usant de leur autonomie
de volonté, doivent, le plus possible, bien déterminer leurs prestations. C’est ce que veut
dire l’article 26 du Code civil congolais.
II. L’objet doit être possible
Il s’agit de la possibilité non seulement de la prestation elle-même, c’est-à-dire de
sa potentialité à être réalisée, de sa faisabilité, mais encore de la chose objet de la
prestation. Cette chose doit d’abord exister avant d’être possible. On ne saurait en effet

167 Elis, 22 janvier 1916, Jur. Col., p. 296.


168 Léo, 16 octobre 1956, RJCB 1957, p. 89.
88

valablement s’engager à une prestation impossible, car à l’impossible nul n’est tenu. Il
s’agit dans ce dernier cas, d’une impossibilité absolue et non pas d’une impossibilité
relative.
L’impossibilité absolue est celle qui s’exerce à l’égard de tout le monde, dans les
mêmes circonstances de lieu et de temps, tandis que l’impossibilité relative est celle qui ne
s’exerce qu’à l’égard de certaines personnes. Si telle personne est incapable pour diverses
raisons (physique, morale) de fournir telle prestation que telle autre personne peut
fournir, l’on ne parlera pas d’une impossibilité absolue. Exemples : S’engager à mettre
toute l’eau du fleuve dans un verre est d’une impossibilité absolue ; de même que
s’engager dans les circonstances actuelles à aller sur les étoiles.
Mais si pour un pauvre villageois, s’engager à livrer 10 tonnes de sable en une
semaine est une impossibilité, cette impossibilité tombe dans le chef d’une grosse société
équipée de tous les moyens techniques.
Ce qui importe donc, c’est l’impossibilité absolue. Il y a lieu à ce propos de dire
que cette impossibilité est appréciée au moment du contrat, c’est-à-dire compte tenu des
moyens dont disposent les parties. Ainsi, il y a quelques années, s’engager à aller sur la
lune était, d’une impossibilité absolue, alors que aujourd’hui la chose devenue possible
pour certains Etats.
III. L’Objet doit être licite et morale
Les notions de licéité et de moralité se rapprochent mais ne se confondent pas.
Illicite signifie contraire à la loi, aux règles impératives de droit, plus spécialement à
l’ordre public, tandis que immoral concerne tout ce qui est contraire à la moralité aux
bonnes mœurs. Ces notions, sont forcément relatives en ce sens qu’elles varient suivant
les pays et les temps.
Les règles positives d’un pays étant généralement originales, la conception de
l’ordre public, c’est-à-dire l’ensemble des valeurs estimées indispensables par un pays
pour son fonctionnement général et le bien commun de la population, variera
nécessairement.
De même l’idée de la moralité variera d’un pays à l’autre et ce, suivant les temps et
les conceptions politiques, sociales et économiques du moment (il existe une moralité des
affaires, le sens de l’honnêteté, de la parole donnée dans le commerce, une moralité dans
les rapports sociaux, dans le sport, (la boxe ou le contrat de claque, jadis considérés
comme immoraux, sont bien reçus de nos jours).
C’est dire que la réglementation de l’objet du contrat quant à son caractère licite et
moral est très relative et très variable. A l’intérieur d’un pays, ces notions demeurent
également souples et variables: tantôt elles sont précisées de façon expresse par la loi;
tantôt elles sont laissées à l’appréciation du juge qui les dégage alors de l’ensemble de la
législation en vigueur et de la tendance générale du sentiment de moralité de la
89

communauté nationale.
Ce dernier sentiment de moralité résulte lui-même de la conception de la
hiérarchie des valeurs que se fait la communauté nationale, de l’idée du bien et du mal
dans tous les rapports sociaux et dans toutes les activités sociales des citoyens. Des
considérations d’ordre philosophique, politique, économique interviennent donc dans la
connotation du caractère moral.
En matière contractuelle en tout cas, une règle s’est dégagée chez nous, comme
ailleurs, suivant laquelle « est nul tout contrat dont l’objet serait contraire à l’ordre public
ou aux bonnes moeurs ». Cette règle constitue, nous l’avons déjà dit, une limitation
considérable de l’autonomie de volonté en matière contractuelle. Examinons deux
applications dont fait notre Code civil, à savoir que le contrat ne peut avoir pour objet une
chose hors du commerce; qu’il ne peut pas non plus avoir pour objet une succession
future.
a) Les choses et les droits hors du commerce
Il n’y a, dit l’article 27 du Code civil, livre III, que « les choses qui sont dans le
commerce qui puissent être l’objet des conventions ». Certaines choses sont hors du
commerce par leur nature: il s’agirait alors des choses impossibles (les étoiles, les astres,
les choses communes). Mais d’autres sont mises hors du commerce en vertu d’une
disposition expresse de la loi. Les prestations qui y ont trait sont alors illicites. C’est
notamment le cas pour les biens du domaine public de l’état qui sont inaliénables, sauf
désaffectation, les droits de la personnalité (état et capacité des personnes), les fonctions
publiques, la liberté du travail (art. 428) et du commerce.
La loi apporte enfin des restrictions à la circulation de certains biens dans l’intérêt
de l’ordre public (intérêt de la communauté nationale ou des particuliers).
Ainsi, la loi interdit des contrats entre particuliers portant sur les substances
vénéneuses et toxiques(169), les animaux atteints ou soupçonnés d’être atteints de
maladies contagieuses(170), les armes de guerre et les explosifs.
b) Les successions futures
Si la chose, objet de la prestation peut être future (vente sur les futures mangues
d’un jardin botanique; vente sur le croit d’un troupeau...) et donc constituer un objet licite
(art. 29 al. 1), il n’en va pas de même pour la succession future.
L’alinéa 2 de l’article 29 ainsi que l’article 277 du Code civil, livre III reproduisant
en cela les articles des codes étrangers (belge et français) prohibent en principe les pactes
sur successions futures, c’est-à-dire les conventions portant sur des successions non

169 Art. 38 de l’ordonnance du 15 mai 1933 concernant les substances toxiques et vénéreuses; codes Piron, III, p. 680.
170 Art. 151 du décret du 28 juillet 1938 relatif à la police sanitaire des animaux domestiques, codes Piron, III, p. 294.
Voir le cas de la vache folle en Angleterre.
90

encore ouvertes.
L’article 29, alinéa 2 dispose : « On ne peut, cependant renoncer à une succession
non ouverte ni faire stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement
de celui de la succession duquel il s’agit ».
De son côté, l’art 277 dispose qu’on ne peut vendre la succession d’une personne
vivante, même de son consentement. Ces dispositions qui tirent leurs origines du droit
romain et de l’ancien droit français sont non seulement plus sévères (le droit romain
permettait les pactes sur succession à condition que le de cujus y consente), mais encore
elles s’appliquent à toutes espèces des pactes sur une succession non ouverte (pacte sur sa
propre succession, renonciation anticipée à sa succession, pacte concernant la succession
d’un tiers). Diverses raisons expliquent la philosophie de tels pactes.
En ce qui concerne les pactes sur sa propre succession, on fait valoir que de tels
pactes privent l’individu (le de cujus) de la liberté dont il doit jouir jusqu’à sa mort de
régler la dévolution de son patrimoine.
En ce qui concerne les pactes sur la succession d’autrui, on invoque contre eux le
fait qu’ils sont dangereux et immoraux, car impliquant la spéculation sur la mort d’une
personne (parent) encore vivante (171) et mieux, le fait que de tels actes encourageraient la
prodigalité (dépenses exagérées et légères) dans le chef de l’héritier présomptif et d’autre
part, l’exploitation et l’usure dans le chef de contractant.
Quant à la prohibition de la renonciation anticipée à sa succession (c’est le cas par
lequel un successeur présomptif abdique des droits héréditaires dans la succession non
encore ouverte de l’autre partie), elle a pour but d’assurer l’égalité des partages. L’article
29 du Code civil, livre III prévient ainsi les pratiques de l’ancien droit français qui
tendaient à faire renoncer les filles et les puînés (généralement dans leur contrat de
mariage), à leurs droits et biens dans la succession au profit des aînés. Disons enfin que ce
que la loi interdit c’est les pactes portant directement sur succession future et non des
conventions qui font allusion à une succession future.
Ainsi, un débiteur peut valablement faire coïncider la date de l’exigibilité de sa
dette au jour où il recueillera sa succession, car l’objet d’une telle clause est simplement de
fixer la date d’exigibilité de sa dette, et non de profiter de ladite succession.

Section IV : Cause

La cause est énoncée par l’article 8 du Code civil, livre III à l’instar des articles
correspondants du code Napoléon, comme la quatrième et dernière condition essentielle
de validité d’un contrat. Ainsi, précisément, l’article 8 parle de la « cause licite »
caractérisant ainsi la cause du contrat. Les articles 30, 31 et 32 du Code civil, livre III

171 Exception pour certains contrats, tels que l’assurance sur la vie au profit d’un tiers.
91

complètent encore davantage cet article 8.


Et partant, malgré ce nombre réduit des textes légaux consacrés à la matière, la
jurisprudence a fait et continue de faire une application abondante de la cause en
annulant nombre de contrats pour absence de cause, fausse cause ou cause illicite. De
plus, la doctrine a connu de célèbres et nombreuses controverses sur cette question au
point que certains auteurs, les anti- causalistes depuis 1826, avec leur précurseur le
professeur Ernest de Liège (172) ont été jusqu’à nier l’utilité de la cause ainsi que son
fondement historique et logique (173).
Les critiques des anti-causalistes n’ont cependant pas abouti à la suppression de la
notion de cause. Elles ont permis seulement, et c’est peut-être là leur mérite, à faire
approfondir par les causalistes (174) cette notion de cause (en la distinguant tantôt de
l’objet, tantôt du consentement) et à mieux voir le rôle juridique de la cause dans la
théorie des obligations. Dans le cadre de cet ouvrage, nous examinerons brièvement deux
questions: la notion (§1) et les effets de la cause (§2).
§1. Notion de la cause
C’est à propos de la notion de la cause que les controverses les plus nombreuses et
les plus célèbres ont divisé la doctrine. La théorie classique qui est née bien après le droit
romain, avec le principe du consensualisme, avait dégagé déjà une conception (I) que
depuis 1826 une bonne fraction de la doctrine appelée anti-causaliste a violemment
critiquée (II). Mais ces critiques n’ont, en réalité, servi, nous l’avons dit déjà, qu’à mieux
présenter cette notion de cause.
Sans examiner toutes les théories modernes à ce sujet pour lesquelles nous
renvoyons aux différents auteurs, nous ne ferons état que de la tendance dominante de la
doctrine moderne sur la notion de la cause (III). C’est après l’examen de cette notion de
cause seulement que nous étudierons ses effets.

172 Qui le premier critiqua la cause dans une brochure édictée en 1826 et intitulée « La cause est-elle une condition
essentielle de la validité des conventions ? » Auteurs anti-causalistes, notamment : Belgique : Laurent, Principes du
droit civil, T. XVI n°111 ; Dabin (J), la théorie de la cause, thèse Liège, 1919, Belge Jud. 1929, p. 329 et s. France :
Baudry- Lacantinerie et Barde, T. I, n°s 321 et s.
Planiol (M), Traité élémentaire, T. II n° 1037.
173 Sur ces questions, Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n° 174 et s. pp. 157 et s.
174 Celui des néo-causalistes (néo car il y a une théorie classique de la cause) qui a donné le ton, c’est Capitant, De la
cause des obligations, 1923 et après lui, il y a eu Josserand, Ripert et Jonasco (in RTDC 1931, p. 29 et s.), il faut
citer parmi les néo-causalistes ceux qui ne voient en la cause qu’un élément objectif (l’élément économique, source
d’équivalence dans les prestations), ceux qui y voient un élément subjectif (les mobiles déterminants, ce qui permet
de parler de cause immorale et illicite, ex. Capitant) et enfin, ceux qui sont dualistes, voire pluralistes (qui y voient les
deux éléments ou plus. Ex. Hamel (J), La notion de cause dans les libéralistes. Etude de la jurisprudence française
et essai de définition, thèse Paris 1920 ; Maury, Essai sur la notion d’équivalence, thèse précitée, Encyclopédie
Dalloz, Répertoire de droit civil, V° cause…). Pour plus de développement, Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°176
et s.
92

I. Théorie classique
La théorie classique voit dans la cause le « but immédiat et déterminant en vue
duquel le débiteur s’engage envers le créancier »(175).
La théorie classique ne parlait alors que de l’obligation et non comme le fait la
théorie moderne, de cause du contrat, la différence provenant du fait que pour la théorie
classique, le but immédiat était envisagé séparément par rapport à chaque contractant,
alors que la théorie moderne envisage le but poursuivi en commun par les deux
contractants, la raison déterminante qui a amené les deux parties à contracter (176). Elle
distingue alors ce but du consentement de l’objet et des motifs.
1° Distinction d’avec le consentement
Le consentement c’est la volonté de s’engager. Philosophiquement, ce
consentement peut être considéré comme la cause première de l’obligation, la source de
l’obligation, la cause dite efficiente(177). Quant à la cause juridique envisagée, c’est la cause
finale, c’est-à-dire le but poursuivi par la volonté qui s’engage. On s’engage dans le
rapport d’obligation d’abord parce qu’on l’a voulu et ensuite parce qu’on poursuit tel but
- tel effet juridique.
2° Distinction d’avec l’objet
La théorie classique a affirmé que l’objet, c’est ce à quoi on s’engage, quid debetur;
tandis que la cause était ce pourquoi l’on s’engageait, cur debetur ?
3° Distinction d’avec les motifs
Cette distinction est la plus importante. Les motifs qui ne doivent pas être
confondus avec la cause et dont le juge n’a pas à s’occuper, sont « toutes les raisons
multiples et plus ou moins lointaines qui ont poussé la volonté à s’engager »(178).
Ce sont des mobiles lointains, indirects de l’obligation, tandis que la cause est le
mobile immédiat et direct.
En fait, parmi les motifs, le droit détache, pour ne tenir compte que de lui, le motif
déterminant et immédiat qui, en dernière analyse, justifie la décision prise et lui donne le
nom de cause. Les motifs et mobiles lointains sont variables, alors que la cause est
toujours la même dans les contrats de même espèce.
Ainsi, toujours suivant la théorie classique, dans les contrats à titre onéreux,
l’obligation de chaque partie a pour cause, d’une façon générale, l’avantage qu’elle espère
obtenir du contractant.
Dans les contrats synallagmatiques qui font naître des obligations réciproques, la

175 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°170, p. 203; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°173, p. 156.
176 Julliot de la Morandière (L), op.cit., n° 389, p. 210.
177 Idem, n° 370 ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n° 171.
178 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 370.
93

cause de l’obligation de chacune des parties réside dans l’obligation de l’autre. Ainsi dans
la vente, l’obligation du vendeur est de transférer la propriété de la chose vendue, tandis
que l’obligation de l’acheteur est de payer le prix. On peut dire que la cause de
l’obligation du vendeur c’est le paiement du prix par l’acheteur, prix dont il profitera,
tandis que la cause pour l’acheteur réside dans le transfert qui lui est fait par le vendeur
de la chose vendue afin qu’il puisse exercer sur elle tous les droits de propriété.
Si dans cet exemple de la vente, la cause est toujours l’obligation de l’autre, les
motifs sont quant à eux très variables. L’acheteur peut vouloir être propriétaire de telles
choses parce que sa femme la lui demande ; il veut remplacer celle qu’il avait ; son
standing l’exige; il croit qu’on lui a volé la sienne, etc.
Et le vendeur peut vendre sa chose et en désirer le prix pour divers motifs : s’en
débarrasser; besoin d’argent pour aider un parent, ami ou pour s’acquitter d’une dette.
Dans les contrats unilatéraux, d’une façon générale, la cause de l’obligation dans
les contrats unilatéraux, c’est le fait d’avoir reçu déjà quelque chose. C’est en effet, parce
qu’il a déjà reçu quelque chose que le débiteur s’oblige à la restituer.
Dans les contrats unilatéraux réels plus particulièrement (prêts, dépôt, gage), la
cause de l’obligation de restituer la chose prêtée, déposée ou mise en gage qui pèse sur
l’emprunteur, le dépositaire ou le créancier gagiste, est (la remise matérielle, mieux) la
réception de la chose. Car, dit la théorie classique, c’est encore en vue de l’obtenir et parce
qu’il a reçu la chose que le débiteur s’engage à restituer.
Si telle est généralement la cause dans les contrats unilatéraux, les motifs, les
mobiles pour lesquels le débiteur a voulu emprunter, recevoir la chose en dépôt ou en
gage peuvent varier :emprunter de l’argent soit pour voyager, soit pour se marier;recevoir
une chose en dépôt soit par charité, soit pour réciproquer un pareil geste, etc.
Dans les contrats à titre gratuit, il faut rechercher la cause ailleurs que dans la
poursuite d’un avantage corrélatif. La doctrine affirme que la cause du contrat à titre
gratuit est l’intention libérale, l’animus donandi(179). Cette cause est stable alors que les
motifs de cette intention libérale peuvent varier : rendre service, acte de charité, satisfaire
un caprice, etc.
II. Théorie anti-causaliste
La théorie classique de la cause fut depuis 1826 critiquée très violemment. Certains
auteurs affirmèrent alors que la théorie de la cause était fausse et inutile. L’existence
même de la cause fut contestée.
Pour ces auteurs, les anti-causalistes, un contrat est complet, dès qu’il y a
consentement, objet et capacité. La cause, pour eux, n’ajoutait absolument rien à ces trois

179 Domat (J), Les lois civiles dans leur ordre naturel, livre I, titre I, sec. I, Pothier, op. cit., 1ère partie, chap. I, sect. I, art.
3 n° 42.
94

premiers éléments; elle n’était qu’une façon de considérer soit le consentement, soit
l’objet(180).
Ainsi, dans les contrats synallagmatiques, disaient les anti-causalistes, la cause
n’est autre chose que la prestation de l’autre partie : elle se confond donc avec l’objet du
contrat.
Dans les donations entre vifs et d’une façon générale dans le contrat à titre gratuit,
elle se confond avec le consentement (Il s’agit de l’intention libérale).
Enfin, dans les contrats unilatéraux réels, les anti-causalistes critiquent l’idée
même de cause. Ils affirment que la remise de l’objet qui est considérée comme une cause,
n’en est pas une, ce n’est qu’un fait qui, d’après la nature de ces contrats, est nécessaire
pour leur formation (181).
III. Conception moderne de la cause
La théorie anti-causaliste n’a pourtant pas abouti à la suppression de la notion de
la cause dans la théorie des obligations. Son mérite a consisté à faire préciser davantage
cette notion.
Du reste, l’utilité de la cause s’est avérée importante dans la jurisprudence
moderne. Ses applications sont nombreuses; nous y reviendrons dans l’étude des effets
juridiques de la cause.
Pour en revenir à la tendance dominante de la doctrine moderne sur la matière,
nous dirons que la conception dominante de la cause est dualiste (182); elle inclut dans la
notion de la cause à la fois des éléments objectifs et subjectifs (183). Ainsi, dans certains cas,
la notion de la cause a pour rôle de protéger un des contractants à l’égard de l’autre; il en
sera ainsi dans les contrats à titre onéreux. La cause est alors conçue objectivement et sert
à protéger l’équilibre, l’équivalence voulue entre les parties. Ceci apparaît plus clairement
dans les contrats synallagmatiques avec le principe de la simultanéité et de la connexité
des obligations (absence de cause ou fausse cause).
Dans d’autres cas, il s’agit de protéger l’ordre et la morale publics. Dans ce cas, la
cause est cherchée subjectivement dans les motifs poursuivis en commun, ou peut-être
même, d’après quelques auteurs, dans les motifs individuels de chaque partie, s’ils ont été
déterminants pour celle-ci- (cause immorale ou illicite). Comme on le voit, la notion de la
cause est envisagée par rapport au contrat et non par rapport à l‘obligation

180 Julliot de la Morandière (L), op. cit., 383. D’autres développements, in Marty (G) & Raynaud (P), op. cit., n°174 et s.
181 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 383 in fine.
182 Idem, n° 392, p. 212 ; Marty (G), op. cit. n° 183, 3°.
183 Exemples in Julliot de la Morandière (L), op. cit. n° 392 bis.
95

§2. Effets juridiques de la cause


Plus que des discussions sur sa notion, l’étude des effets juridiques de la cause doit
retenir davantage l’attention, eu égard à son utilité pratique considérable. Vouloir parler
des effets juridiques de la cause, c’est donc affirmer au préalable l’existence et la nécessité
de la cause comme élément essentiel du contrat. Ceci est vrai en notre droit congolais
comme en droit français qui ne reconnaît pas l’acte abstrait, c’est-à-dire l’acte détaché de
sa cause, et dont l’existence et la validité seraient indépendantes de cette cause »(184).
En cela, le droit franco-belge, et le droit congolais, leur produit, se distingue des
droits non causalistes tels que les droits allemand, suisse, canadien. Le droit allemand ne
croit pas devoir faire de la cause un élément de formation du contrat, car ce qui prévaut
en ce droit, ce n’est pas la volonté psychologique, la volonté interne, mais la seule volonté
déclarée(185), le but ou les motifs qui auraient déterminé les parties à contracter n’ont, en
droit allemand, aucune incidence sur le contrat s’ils n’ont pas été exprimés nettement
dans leur déclaration.
Il convient de souligner que si la cause est ignorée dans les droits anti-causalistes,
sa fonction est néanmoins remplie par d’autres procédés tels que la théorie de
l’enrichissement sans cause qui permet souvent de rétablir l’équité dans les rapports
contractuels des individus.
Il faut dire de même que dans le système français, l’acte abstrait n’est pas
totalement ignoré. On le rencontre parfois en droit commercial (exemple les titres de
crédit). Mais en droit civil français, belge et congolais, le principe demeure qu’il n’y a pas
d’acte abstrait.
Les applications de ce principe sont apparues dans la jurisprudence. On peut les
présenter en deux volets : les cas d’absence de cause et de fausse cause, les cas de cause
immorale et illicite.
A. Cas d’absence de cause et de fausse cause
L’obligation sans cause ou sur une fausse cause, dispose l’article 20 du Code civil,
livre III, ne peut avoir aucun effet.
Absence de cause
La cause, nous l’avons dit, varie suivant les types de contrats. Dans les contrats
synallagmatiques, la cause c’est l’obligation du « contractant », dans les contrats
unilatéraux, la cause, c’est la remise antérieure de la chose et, dans les contrats à titre
gratuit, la cause c’est l’intention libérale.
Si la cause est absente au moment de la formation du contrat, même en cours de

184 Marty (G), op. cit.,n° 185, p. 168.


185 Marty (G), op. cit.,n° 185, p. 169
96

contrat, cette absence de cause entraînera la nullité du contrat, suivant le prescrit de


l’article 30 du Code civil congolais.
Esmein explique bien le fondement de cette règle posée par l’article 30 du Code
civil congolais : « L’obligation, dit-il, est une charge pour celui qui l’assume ». « On ne
pose pas un acte juridique dans le vide, sauf lorsqu’on est fou ». On ne s’oblige pas pour
le plaisir de s’obliger. L’obligation doit avoir une raison d’être, une cause, sinon le droit
positif ne lui accordera pas ses sanctions. Cette cause, élément requis par la loi pour
qu’elle donne ses sanctions à l’obligation, c’est ou bien une contrepartie ou bien
« l’intention libérale »(186).
Sans cette contrepartie ou sans cette intention libérale, le contrat n’aura donc
aucun effet, car la loi elle-même ne protège pas le contrat posé en l’air, sans but aucun.
Donnons quelques exemples de l’absence de cause. Dans un contrat
synallagmatique, s’il est acquis dès la formation du contrat ou s’il s’avère au cours du
contrat que la contrepartie ne sera pas perçue par le co-contractant, on parlera d’absence
de cause entraînant la nullité absolue du contrat.
S’engager à vendre une chose déjà périe ne permet pas la création de l’obligation,
faute de cause, car le vendeur ne saura jamais exécuter son obligation qui est la cause de
l’obligation de l’acheteur. Suivant l’attitude du vendeur, il peut s’agir d’absence de cause,
lorsqu’il sait parfaitement qu’il n’y a pas objectivement de chose ou d’erreur sur la cause
lorsqu’il agit dans l’erreur, dans l’ignorance de la destruction de la chose vendue. De
même, si un vendeur s’engage à livrer une chose impossible le fait qu’un emprunteur
signe un billet dans lequel il s’engage à rendre telle ou telle somme alors que les fonds ne
lui sont pas, en effet, versés. Dans ces trois exemples, le débiteur s’engage en connaissance
de cause et non par erreur. Il s’agit d’un acte abstrait.
Le fait qu’une personne se croyant l’auteur d’un accident s’engage à en réparer les
conséquences et s’aperçoit ensuite qu’elle n’en était pas responsable.
Ces exemples montrent que parfois l’absence de cause peut coïncider avec l’erreur
sur la cause qui est, elle, un vice du consentement. Mais l’erreur sur la cause
n’accompagne pas toujours l’absence de cause qui peut exister de façon indépendante.
Dans les contrats à titre gratuit, s’il n’y a pas d’intention libérale, il n’y a pas
contrat non plus. Dans cet esprit, il n’y aura pas de donation s’il n’y a pas d’intention
libérale il ne pourra s’agir d’un simple prêt.
L’absence de cause est sanctionnée par la nullité absolue du contrat, car cette
circonstance prive l’acte d’un de ses éléments essentiels pour sa validité par l’art 8 du
code civil congolais. Mais qu’advient-il en cas de fausse cause ?

186 Planiol (M) et Ripert (G), op. cit., T. VI, n° 252.


97

Fausse cause
La fausse cause comme l’erreur sur la cause, constitue un vice de
consentement(187). Ainsi, en cas de fausse cause, comme en cas d’erreur sur la cause, le
contrat sera irrégulier non pas pour absence d’un de ses éléments essentiels, mais pour
vice de consentement.
Nous avons déjà examiné la sanction d’un tel vice. Nous avons dit, en effet, que
suivant une doctrine constante, la sanction était dans ce cas une nullité absolue au motif
qu’il s’agissait là d’une erreur obstacle (188), mais que suivant une jurisprudence récente,
on tendait en France à rapprocher l’erreur sur la cause de l’erreur sur la substance pour la
sanctionner de la même nullité, à savoir la nullité relative. Cette dernière position se
fondait sur le fait que la nullité relative jouait mieux le rôle de protection des intérêts
individuels de la partie dont le consentement était vicié, puisque cette nullité lui laissait la
liberté de confirmer ou non l’acte vicié. Il peut y avoir fausse cause dans les deux cas : la
cause erronée et la cause simulée(189).
a) Cause erronée
Le débiteur croyait à l’existence d’une cause qui n’existait pas. Cette hypothèse
peut du reste se ramener à celle d’absence de cause déjà examinée. Pensons à l’exemple
précité d’un individu qui s’engage à réparer un dommage croyant à tort qu’il en était
responsable (190) ; ou au cas où je m’oblige à vous payer telle somme en exécution d’un
testament de mon oncle alors que par la suite on découvre que mon oncle avait révoqué le
legs à votre profit. Assurer une chose dans l’ignorance qu’elle l’était déjà.
b) Cause simulée
Les parties donnent à leur contrat une cause autre que la cause véritable. Elles
déguisent, par exemple, une donation sous l’apparence d’une vente en donnant pour
cause apparente à l’obligation de transférer la propriété une obligation réciproque d’en
payer le prix alors qu’aucun prix n’est convenu et que la cause véritable est l’intention
libérale. Les effets de complaisance constituent un autre exemple. Une personne accepte
un effet de commerce tiré sur elle, alors qu’elle ne doit rien au tireur et qu’elle n’a pas
vraiment l’intention de s’obliger.
Quelle est la conséquence de la cause simulée ? Il faut noter que la cause simulée
n’annule pas toujours l’obligation, car la simulation est permise en droit. Il n’y a nullité
que si, en réalité, la cause réelle est absente ou si la cause véritable est illicite. Il en sera

187 Marty (G), op. cit., n° 189 b.


188 Marty (G), op. cit., n° 195, p. 179.
189 Julliot de la Morandière (L.), op. cit., n° 378.
190 Cette hypothèse est à la limite entre l’absence de cause et l’erreur sur la cause. En effet, d’après nous, c’est parce
qu’il y a eu au départ erreur sur la cause qu’il y a eu dans le chef de la personne qui s’engage absence de cause. Et
la sanction variera suivant qu’on retient l’absence de cause (nullité absolue) ou l’erreur sur la cause (nullité avec
tendance moderne vers la nullité relative).
98

ainsi en cas de simulation d’une vente par une donation alors que la chose est inexistante
ou placée hors du commerce par une loi impérative.
c) Cas de billet non causé
L’hypothèse du billet non causé est prévue et réglementé par l’article 31 du Code
civil congolais qui dispose que « la convention n’est pas moins valable, quoique la cause
n’en soit pas exprimée ». Cette hypothèse ne doit pas être confondue avec celle d’absence
de cause. Elle vise simplement le cas où la cause existe mais n’est pas exprimée dans
l’écrit (le billet) qui constate une obligation.
Illustrons ceci par : Je m’engage à payer à telle personne 1.000 FC, telle date... ». Le
billet reste ainsi libellé sans précision quant à la cause de son obligation. L’article 31 ne
consacre pas non plus l’acte abstrait puisqu’ici la cause existe alors que l’acte abstrait est
détaché de la cause.
Quel est alors le rôle de cet article 31 relatif au billet non causé ? L’article 31 se
rapporte à la preuve de la cause en cas de billet non causé. Il a pour but de déclarer
« valable » tout billet qui n’exprime pas de cause,de donner valeur probante au billet non
causé.
Et à raison de cette preuve de la cause en cas de billet non causé, la doctrine
enseigne que son existence est présumée mais que sa charge incombe non au créancier,
comme ce devrait être le cas selon les principes normaux de la preuve suivant lesquels
« actori probatio incumbit », mais au débiteur.
« Le créancier qui produit un billet non causé est donc dispensé de la preuve de la
cause, c’est au débiteur qui veut se décharger à démontrer l’absence de cause ou le
caractère illicite de la cause de son engagement » (191).
Il faut toutefois préciser que la cause n’est présumée pour le créancier que dans ses
rapports avec le débiteur. Mais dans les rapports entre lui (le créancier) et les tiers, la
charge de la preuve lui reviendra comme l’exige la procédure normale de la preuve.
B. Cas de la cause immorale et illicite
L’obligation sur une cause illicite, dit l’art 30, ne peut avoir aucun effet. Et l’article
32 éclaircit la notion d’illicéité en disposant que « la cause est illicite quand elle est
prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs, ou à l’ordre public ». La
simple lecture de cette disposition nous révèle que la loi assimile la cause immorale à la
cause illicite et fait de l’une et de l’autre une condition de validité du contrat.
C’est d’ailleurs dans l’application de ces critères que la jurisprudence et la doctrine
modernes en sont arrivées, plus qu’à propos de l’absence de cause ou de la fausse cause, à
une conception dualiste de la cause incluant dans cette dernière notion à la fois des

191 Julliot de la Morandière (L), op.cit., n°382 in fine, Marty (G), op. cit., n°195, Bruxelles, 25 octobre 1941, Pas. 1942,
II, p. 26.
99

éléments objectifs et subjectifs.


Le caractère immoral ou illicite de la cause peut ainsi s’attacher à l’élément objectif
de celle-ci. Dans cet esprit, lorsqu’une vente porte sur une chose hors du commerce ou sur
un bien relatif à une succession future, l’obligation du vendeur sera nulle pour objet
illicite, tandis que celle de l’acheteur sera nulle pour cause illicite, parce qu’il veut
acquérir un objet illicite, parce que la cause de son engagement, c’est l’obligation du
vendeur qui est illicite(192). Il en sera de même de la vente ou de la location d’une maison
de tolérance(193).
En effet, pour le bailleur, l’objet du contrat, à savoir donner à bail une maison
destinée à la débauche est illicite alors que pour le locataire, c’est la destination de cette
maison qui est immorale. Mais, au-delà de l’élément objectif, la cause peut également
apparaître immorale ou illicite sous son aspect subjectif et ceci est de loin plus fréquent.
Dans cette dernière hypothèse, l’objet même du contrat apparaît de façon objective très
licite mais c’est le but poursuivi par les parties ou par l’une d’entre elles qui est contraire à
la loi ou aux bonnes moeurs. Et toujours dans cette dernière hypothèse, il suffit qu’un
simple motif soit illicite ou immoral pour que le contrat soit annulé pour cause immorale
et illicite. Exemple d’un contrat de bail : il suffit de scruter l’intention du locataire pour
qu’un contrat soit annulé pour cause immorale. C’est dire que dans ce dernier cas, la
notion de cause est alors très étendue et ce, dans l’unique dessein de protéger au mieux
l’ordre public et Dieu sait que chaque pays y tient - et les bonnes moeurs le
recommandent.
L’annulation du contrat vise aussi la protection de la partie qui a agi de bonne foi,
c’est-à-dire sans intention manifeste contraire à l’ordre public ou aux bonnes moeurs. Il ne
faut donc pas que la volonté contraire à l’ordre public et aux bonnes moeurs soit le fait de
deux parties, il suffit qu’elle soit le fait d’une seule partie.
La jurisprudence a fait de la cause illicite et immorale des applications
nombreuses. Citons notamment comme exemples de conventions annulées pour cause
illicite et immorale, les conventions portant sur ou ayant pour but :
- le trafic d’influence (194);
- la spéculation sur le change et le trafic de devises (195)
- les engagements établis entre étrangers tendant à frauder des lois d’ordre public
en matière économique (196);

192 Marty (G),op. cit., n°191.Voir aussi Civ. Com., 25 octobre 1949, Gaz. Pal., 1950.1.27.
193 Marty (G), idem, Paris, 1er octobre 1940, Gaz. Pal. 1940, 2.146 pour la vente; pour bail, Cass.fr., civ., 15 novembre
1938, Gaz. Pal. 1939. 1.194 ,JCP 1939, II. 950.
194 Léo, 18 novembre 1930, RJCB 1931, p. 335. Le trafic d’influence est d’ailleurs érigé en infraction.
195 Cfr. arrêt CSJ en l’affaire Socobanque ; voir aussi Elis., 2 février 1924, 24 février et 30 mars 1925, Jur. Kat. II, p.
83, I, p. 13.
196 Kin, 11 janvier 1974, RJZ 1976, p. 14.
100

- la vente ou le louage d’une maison de tolérance en vue de l’exploiter pour cette


activité (197) ;
- le prêt des fournitures destinées à une telle exploitation;
- les libéralités entre concubins lorsqu’elles ont pour but l’obtention ou le maintien
des relations illégitimes et non la réparation d’une rupture;
- le jeu (198), avant la libéralisation de ce contrat au Congo, avec la création de la
Société nationale de Loterie.
- les libéralités tendant à assurer l’efficacité d’une réparation amiable entre époux
(199);
- les engagements entre étrangers tendant à frauder des lois d’ordre public en
matière économique.
Quelle est donc la sanction de la cause illicite et immorale ?
Si la cause est illicite et immorale, l’acte est entaché de nullité absolue. Telle est la
solution unanimement tirée de l’article 30 du Code civil congolais.
Tempéraments des adages
Mais la mise en œuvre de cette nullité absolue de l’acte illicite et immoral peut être
paralysée par l’invocation de l’adage « nemo auditur turpitudinem suam allegans »(200) et
son corollaire (In pari causa turpitudinis cessat repetitio »(201).
Quelle est donc la portée de ces deux adages ?
Ces deux adages ne sont consacrés par la loi dans aucune législation. Cependant,
le droit leur accorde un rôle très déterminant car il les considère comme justes et
rationnels. La jurisprudence congolaise les a également introduits en notre droit. C’est
ainsi qu’il a été jugé que :
- la nullité des conventions qui ont pour objet de frauder une loi d’ordre public est
absolue et que celui qui a poursuivi un but immoral ou illicite ne peut jamais en
demander l’exécution en justice, soit se prévaloir d’un effet quelconque de la
convention à l’égard de l’autre partie (202)
- n’est pas recevable une demande de remboursement de prêt et de libéralité
consentis pour cause immorale : la reprise de relations intimes adultérines (203);

197 Cfr certains hôtels de Kinshasa


198 Sohier (A), Novelles de Droit colonial, T. IV n° 43.
199 Cass. fr., 2 janvier 1907, DP 1907, I, 137, note Colin; S. 1911, I, 585; note Weil; voir aussi Elis., 26 décembre 1950,
RJCB, p. 167.
200 Nul ne peut être recevable (entendu) en invoquant (qui invoque, qui allègue) sa propre turpitude.
201 Il n’y a pas lieu à répétition si les deux parties sont pareillement associées à la turpitude.
202 Elis., 17 septembre 1938, RJCB, 1955, p. 208.
203 1ère inst. Léo, 31 juillet 1954, RJCB, 1955, p. 131.
101

- n’est pas recevable, en raison de son illicéité, la demande en remboursement de


prêt et de libéralités consentis pour favoriser le jeu (204);
- une partie qui demande l’annulation d’un contrat auquel elle a délibérément
participé pour cause illicite n’est pas fondée à introduire une demande
reconventionnelle en paiement de dommages - intérêts (205).
a) L’adage « Nemo auditur » (206)
L’adage « Nemo auditur ... » vise à refuser au demandeur, pour indignité, l’action
en annulation d’un contrat conclu contre l’ordre public ou les bonnes moeurs. Le
fondement de cette règle coutumière résiderait dans le fait que le juge doit chasser du
prétoire et se refuser d’écouter celui qui a participé à un acte immoral ou illicite et qui
veut se prévaloir de sa propre turpitude, c’est-à-dire de son immoralité ou de son
infraction à la règle impérative pour demander l’annulation de cet acte.
On a critiqué ce fondement quand on pense que les prétoires et les oreilles du juge
sont souillés par d’autres affaires immorales qui lui sont fréquemment soumises (divorce,
viol). Ex : le juge déclarera irrecevable l’action d’un individu tendant à demander
l’annulation d’un contrat par lequel un autre lui avait vendu au marché noir telle ou telle
marchandises dont la vente était prohibée formellement.
Ce premier adage n’a pas donné lieu à des interprétations aussi controversées que
le second que nous allons brièvement étudier maintenant. En effet, l’on peut arriver à une
même situation en soulevant l’exception de nullité et empêcher ainsi l’exécution d’un
contrat à cause illicite ou immorale. On contourne ainsi l’application de la règle
coutumière « Nemo auditur ».
b) L’adage « In pari causa turpitudinis repetitio cessat »
Cet adage a été beaucoup utilisé. Il vise le cas où le contrat nul a été exécuté, et où
une partie invoquant sa propre immoralité demande la répétition, c’est-à-dire la
restitution de ce qu’elle a payé en exécutant un contrat. Dans la doctrine française, on
envisage ici l’hypothèse où la turpitude est appréciée de façon égale chez les deux parties.
Mais cette thèse n’est pas adoptée en droit belge où l’on applique l’adage même
lorsque la turpitude ne se trouve que d’un seul côté(207).
La question revient à savoir si le juge ainsi saisi accordera ou non la restitution de
ce qui a été payé, c’est-à-dire les prestations fournies. Plusieurs solutions ont été
proposées.

204 1ère inst. L’shi, 19 juillet 1967, RJC 1969, p. 220.


205 L’shi, 13 août 1971, RJZ 1972, p. 64.
206 Le Tourneau (PH), La règle « Nemo auditur », Paris, LGDJ, 1970 ; Weil (A), op. cit., n°334 ; Carbonnier (J), op. cit.,
n° 49, 50.
207 Le Tourneau (PH), op. cit.,
102

Certains, interprétant de façon très stricte l’article 30 du Code civil, livre III qui
dispose que les contrats sur une cause illicite et immorale n’ont aucun effet, enseignent
que la restitution n’aura absolument pas lieu, qu’il y a lieu de rejeter la demande en
restitution.
On a critiqué cette position en prétendant que le refus de l’action en répétition
aboutissait, contrairement au prescrit de l’article 30 du Code civil congolais, à donner effet
à une convention illicite, étant donné que le statu quo ante n’était pas rétabli, le créancier
gardant les prestations fournies alors que la conséquence de la nullité eût été de restituer
toutes ces prestations reçues en suite du contrat immoral ou illicite.
Les tenants de cette première position que nous exposons se sont justifiés en
disant que les termes de l’article 30 sont généraux et qu’au surplus, ce que la loi combat,
c’est l’indignité et la déloyauté du demandeur en répétition et que c’est cette indignité qui
fait débouter ce dernier de son action en répétition.
Certains auteurs ont pensé qu’il ne fallait écarter l’action que lorsqu’elle émanait
d’un solvens informé du caractère immoral de l’acte. Cette tendance semble ainsi protéger
le solvens de bonne foi, mais aurait contacté avec un accipiens informé du caractère
immoral de l’acte. Cette solution n’est pas défendable, car nous l’avons déjà dit. Dès que
l’ordre public est intéressé, il importe peu que la connaissance du caractère immoral soit
le fait des deux parties ou d’une seule. Il suffit qu’une seule des parties ait cherché le but
immoral pour que l’acte soit nul de nullité absolue.
Certains autres ont cru soutenir la restitution lorsque le contrat n’était contraire
qu’à l’ordre public et aux bonnes moeurs (moralité sexuelle). Dans ce dernier cas, il y
aurait toujours refus. Cette solution est mal fondée, car l’article 32 assimile, nous le
savons, la cause immorale à la cause illicite. L’une et l’autre thèse entraîne en pratique des
inconvénients, notamment le fait de sanctionner le contractant de bonne foi.
C’est pourquoi, les tendances dominantes consistent à ne pas appliquer de façon
aveugle la maxime étudiée « les tribunaux, dans chaque cas, doivent se demander quelle
est la solution la meilleure, le refus de l’action ou non, pour sanctionner l’immoralité ou
l’illicéité commise et n’admettre le refus de l’action que lorsque cette sanction n’entraîne
pas des inconvénients plus graves que ceux qui résulteraient de son défaut d’application,
ce qui est le cas, notamment lorsque la turpitude du demandeur est moindre que celle du
défendeur auquel profiterait le rejet de l’action... ». Le juge s’inspirera donc non point de
l’intérêt des parties, mais uniquement de l’intérêt public; il recherchera, dans le cas
d’espèce qui lui est soumis, si la sanction que constitue la nullité absolue établie par l’art
30 du code civil congolais, sera rendue plus efficace par le rejet de la répétition que par
l’accueil de celle-ci, accueil qui est la conséquence normale de la nullité.
Les adages « Nemo auditur » et « In pari causa » peuvent, pourtant servir de
103

« correcteurs » des effets antisociaux de la répétition(208).


Cette tendance de la jurisprudence belge est également suivie par la jurisprudence
congolaise qui décide que le principe selon lequel une obligation sur cause illicite ne peut
avoir aucun effet, ne doit pas être appliqué rigoureusement et être inévitablement
sanctionné par un refus des restitutions demandées; des tempéraments peuvent être
apportés à cette règle et dans le cas où deux parties ont connu le but illicite de la
convention, la répétition peut être accordée à celle des parties qui a poursuivi un but
sensiblement moins coupable que celui visé par son cocontractant(209).
En France, la jurisprudence semble plus sévère quand la turpitude existe de deux
côtés: l’action est toujours rejetée. La thèse belge est meilleure car le juge reste maître
d’apprécier au regard de l’ordre public. De plus, le rôle des adages est ainsi réduit à leur
juste place.
On sait que les adages n’ont pas valeur des principes généraux de droit et qu’ils ne
peuvent s’appliquer qu’en matière d’obligations contractuelles et non en d’autres
branches de droit.
On remarque en conclusion que la jurisprudence est empirique et que cela
constitue un excellent moyen préventif : les parties ne sachant jamais à l’avance quelle
sera la sanction qui les attend.
L’exercice de l’action en nullité proprement dite reste autorisé puisque les adages
servent seulement, quand ils sont appliqués, de correcteurs des effets antisociaux de la
répétition. La question qui peut se poser est celle de savoir si l’application des adages
précités est obligatoire ou pas et si l’action en nullité sera recevable ou pas. C’est à propos
de cette dernière question que les controverses examinées précédemment sont nées.
La solution, nous l’avons dit, n’est pas automatique. Tout est laissé à l’appréciation
du juge et varie avec les circonstances. Le juge écartera les adages si la protection de
l’ordre public l’exige et le contraire s’il estime que l’ordre public n’en souffre pas.
Mais si une partie invoque la loi (art. 32), celle-ci prime les adages, cette loi étant
d’ordre public.

208 Cass. b., 1ère chambre, 8 décembre 1966, plus conclusions conformes du Procureur général près de la Cour de
cassation, JT 1967, p. 129, Pas. 1967, I. 434
209 Léo, 24 novembre 1964, RJC, p. 195 ; L’shi, 18 avril 1967, RJC 1967, p. 146
104

Chapitre III : Nullité des contrats

Dans le chapitre précédent, nous avons examiné les conditions de validité du


contrat. Il faut maintenant en examiner la sanction qui est la nullité. Nous verrons
d’abord les notions de cette institution, (section 1), ses classifications (section 2) et ses
effets juridiques (section 3).

Section 1 : Notions générales

§1. Définition
La nullité est une sanction juridique qui frappe normalement un acte juridique
irrégulier du point de vue des éléments requis pour sa validité, tels que prévus par
l’article 8, livre III du Code civil à savoir : le consentement de la partie qui s’oblige, sa
capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l’engagement, une cause
licite dans l’obligation. Une convention qui ne respecte pas cette règle de formation
pourrait être sanctionnée par la nullité. Celle-ci a pour effet de priver l’acte ainsi
irrégulier des effets juridiques qu’il aurait dû normalement produire, s’il était régulier.
Cette sanction doit toujours être prononcée par le juge. Elle n’est donc pas automatique
sauf quand elle est de plein droit. Dans ce cas, le texte lui-même le dit.
C’est dire qu’avant l’intervention du juge, l’acte n’est qu’annulable. Notons par
ailleurs que l’on pourrait faire valoir la nullité d’après deux moyens distincts : soit par la
voie d’action qui est positive (initiative du demandeur), soit par la voie d’exception, qui
est passive. Il importe cependant de distinguer la nullité d’avec des notions voisines.
§2. Distinction entre la nullité et des notions voisines
I. Nullité, résolution, résiliation et révocation
La résolution, la révocation et la résiliation sont des faits juridiques, des
événements qui mettent fin à l’efficacité d’un contrat qui, dès son origine, était valable.
Elles ne doivent donc pas être confondues avec la nullité qui, elle, suppose que dès son
origine, l’acte n’était pas valide car il lui manquait un des éléments requis pour sa validité
(Cfr art. 8, livre III du Code civil congolais).
La résolution est la dissolution d’un contrat par le tribunal pour inexécution par
l’une des parties de ses obligations.
La révocation est l’acte par lequel les deux parties mettent volontairement fin à
leur contrat.
La résiliation a le même sens que la révocation, avec cette différence qu’elle
concerne spécialement les contrats successifs. Ici, une seule partie peut mettre fin au
contrat; elle peut résilier le contrat, dira-t-on si les clauses du contrat le lui permettent.
105

II. Nullité et inopposabilité aux tiers


La notion d’opposabilité ou celle d’inopposabilité ne peuvent se confondre avec
celle de nullité, car pour être opposable, le contrat doit d’abord être valable. Ce n’est
certainement pas le cas pour la nullité qui, suppose un acte non valable.
L’opposabilité est la qualité d’un ace dont on fait faire valoir les effets à l’égard de
certaines personnes, les parties ou les tiers. L’inopposabilité est le contraire. Ainsi, un
contrat valable qui produit ses effets entre les parties mais qui, pour certaines raisons
indépendantes de sa formation, par exemple pour défaut de publicité, ne peut produire
ses effets à l’encontre de certains tiers auxquels il serait normalement opposable.
III. Nullité, rescision et suspension
La rescision est le terme utilisé pour signifier la nullité relative spécialement
causée par la lésion. Cette sanction est particulière aux droits français et belge. En droit
congolais, la sanction de la lésion n’est pas la rescision mais la réduction. Quant à la
suspension, elle n’a rien à voir avec la nullité; elle vise plutôt le cas où le contrat est
valable mais où son exécution est arrêtée, c’est-à-dire suspendue, pour un temps à la suite
de tel ou tel empêchement.
IV. Nullité et inexistence
L’acte inexistant est celui auquel il manque un élément essentiel de sa validité. La
théorie de l’inexistence est soutenue par ceux qui refusent d’admettre l’existence d’une
nullité sans texte express : « Pas de nullité sans texte ». Pour franchir l’obstacle que
présente cette règle, l’on a inventé la théorie de l’inexistence qui, plutôt que de parler de la
nullité, parle de l’inexistence. C’est ainsi qu’en droit des personnes, un mariage
totalement dépourvu de célébration serait inexistant
D’autre part, l’acte « entaché de nullité se distingue de l’acte inexistant par ce qu’il
existe tant qu’il n’a pas été annulé »(210) : il contient en lui le vice qui permettra de le faire
disparaître mais, en attendant, il y a, extérieurement du moins, une apparence d’acte »
(211). Remarquons que la théorie de l’inexistence n’est pas admise par ceux qui soutiennent
celle des « nullités virtuelles ». Selon ces derniers, en effet, la « nullité n’est pas
nécessairement édictée par un texte : l’inobservation de toute condition légale a pour
sanction la nullité de l’acte alors même que le texte posant cette condition n’aurait pas
prévu la sanction »(212).
En fait, la notion d’inexistence tend à se confondre avec celle de nullité absolue.
Nous préférons ce dernier concept.

210 La nullité n’est pas automatique, sauf de cas de la nullité de plein droit. Mais alors le texte lui-même le dit. Avant
l’annulation de l’acte par le juge, l’acte n’est qu’annulable.
211 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit. n° 111, p. 123.
212 Mazeaud (H., L. et J.), Leçons de droit civil, T. II, 3ème éd., Paris, 1966, n°296, p. 242.
106

Section 2 : Classification doctrinale des nullités

§1. Fondement de chaque nullité


La doctrine distingue deux sortes de nullités : les nullités absolues et les nullités
relatives. Mais sur quel critère fonder cette distinction ? On s’accorde à dire que les effets
de l’une et de l’autre catégorie de nullité sont absolument identiques, une fois la nullité
prononcée. Seuls pourraient être retenus comme critères, pense-t-on, le fondement de ces
nullités ainsi que les conditions d’exercice et les modes d’extinction de l’action en nullité.
Mais nous allons voir que le fondement ne peut en réalité constituer un critère
satisfaisant : il n’y a, à vrai dire, que les conditions d’exercice et les modes d’extinction de
l’action en nullité qui permettent réellement de distinguer les deux sortes de nullité.
D’après une certaine doctrine, il y a nullité absolue, lorsque le contrat manque
totalement d’un des éléments de validité (absence de consentement, d’objet, de cause) et
nullité relative lorsqu’il y a seulement vice d’un de ses éléments (vice du consentement,
incapacité d’exercice).
Ce criterium n’est pas exact : d’une part, il est discuté par exemple que l’absence
totale de consentement entraîne la nullité absolue, d’autre part, le caractère de l’objet ou
de la cause tout comme l’erreur sur la cause qui n’est qu’un vice de ces éléments, entraîne
certainement une nullité absolue, et non une nullité relative.
Le fondement le plus sûr doit être recherché dans la nature des intérêts qui sont en
jeu. Si la règle légale violée avait pour but la protection d’un intérêt privé, si elle vise la
protection de certains intérêts particuliers, la sanction sera une nullité relative; si par
contre la règle ou l’élément de validité manquant visait l’intérêt général, l’ordre public ou
les bonnes moeurs, la sanction sera une nullité absolue.
Il est à noter que ce dernier critère connaît quelques altérations. C’est ainsi par
exemple qu’en matière de consentement, au lieu de rencontrer toujours la nullité relative,
il est des cas – cas d’absence totale de consentement : cas d’un fou interdit ou d’un homme
ivre où la sanction est plutôt la nullité absolue alors que l’intérêt en jeu est privé.
De même, l’absence de cause ou l’erreur sur la cause entraîne la nullité absolue,
alors que l’intérêt public n’est pas spécialement en vue(213).
D’autre part, on sait que le défaut d’objet entraîne la nullité absolue, de même que
l’impossibilité ou l’illicéité de l’objet, alors que la nullité de la vente de la chose d’autrui
(Code civil congolais, art. 276) n’est, d’après la jurisprudence, qu’une nullité relative.
Certains auteurs estiment que la nullité relative d’une telle vente ne tient pas au défaut
d’objet, mais l’erreur commise par l’acheteur.
Les incapacités de jouissance entraînent en général la nullité absolue et les

213 Pour les développements, cons.Starck (B), op. cit. , n°1931, p. 497 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 399.
107

incapacités d’exercice la nullité relative. Et pourtant, l’on rencontre dans les droits
étrangers des incapacités de jouissance sanctionnées seulement par une nullité relative
(214), et des incapacités d’exercice sanctionnées par une nullité absolue. C’est le cas du
prisonnier qui est frappé en droit belge et français d’une interdiction légale et dont les
actes sont frappés par une nullité absolue dans l’intérêt public du renforcement de la
peine.
Le deuxième critère de différence entre la nullité absolue et la nullité relative
réside dans les conditions d’exercice de l’action en nullité : ce critère est satisfaisant que le
premier.
§2. Conditions d’exercice de l’action en nullité
Qu’il s’agisse de la nullité absolue ou de la nullité relative, l’on doit toujours
recourir au juge pour obtenir, par la constatation judiciaire de la nullité, la destruction de
l’apparence ou de la présomption de validité dont bénéficie l’acte annulable, avant son
annulation. N’échappent à cette règle que des cas exceptionnels comme celui de nullité de
plein droit, encore que dans ce dernier cas, les textes doivent explicitement le dire.
La nullité, quelle qu’elle soit, n’est donc pas automatique. Elle est le résultat d’une
demande en justice. L’annulation de l’acte peut avoir lieu, rappelons-le, par voie d’action,
lorsque le demandeur en nullité prend les devants pour la faire prononcer. Elle a lieu par
voie d’exception quand le débiteur, poursuivi par le créancier, refuse l’exécution en
invoquant la nullité. Il opposera dans ce cas l’exception de la nullité.
Lorsqu’on examine les conditions de recours exercé devant les tribunaux pour
obtenir l’annulation de l’acte, on voit nettement se distinguer la nullité absolue d’avec la
nullité relative. Le critère tiré de ces conditions paraît satisfaisant. Les nullités absolues
peuvent être invoquées par tout intéressé, les nullités relatives ne peuvent, quant à elles,
être invoquées que par certaines personnes auxquelles la loi reconnaît cette faculté.
Voyons de plus près ce critère relatif à la mise en oeuvre de la nullité en passant en
revue tour à tour les personnes qui peuvent invoquer respectivement la nullité relative ou
la nullité absolue.
I. Personnes qui peuvent invoquer la nullité relative
La nullité relative ne peut en principe être intentée que par la ou les personnes que
la loi a voulu protéger en établissant la nullité : le co-contractant dont le consentement a
été vicié, en cas de vice de consentement, et, en cas de minorité, l’incapable devenu
majeur.
Mais d’autres personnes peuvent intenter cette action, alors, elles le font du chef de
l’intéressé principal à savoir la partie que l’on veut protéger. Ces personnes sont :
- le représentant légal de l’intéressé principal, tel est le tuteur du mineur;

214 Art. 1596 du Code civil français


108

- les successeurs universels de celui-ci ;


- les créanciers qui peuvent agir par la voie de l’action oblique (art. 64 du Code civil,
livre III) ;
- et même ses ayants-cause à titre particulier qui succèdent au droit qui fait l’objet
du contrat annulable.
En dehors de ces personnes, aucun autre intéressé n’a l’action et le juge ne peut
soulever d’office l’exception fondée sur une nullité relative. Dans cet esprit le contractant
avec lequel la victime de l’erreur ou l’incapable a traité n’a pas l’action en nullité relative
réservée à la victime ou l’incapable. Cette nullité doit d’ailleurs, en principe, être soulevée
au premier degré, sinon celui qui en dispose serait, s’il est capable, censé y avoir renoncé.
II. Personnes qui peuvent invoquer la nullité absolue
La nullité absolue peut être invoquée par tout intéressé:
- les contractants, leurs représentants, leurs successeurs à titre particulier, leurs
créanciers, et même les tiers dits penitus extranei, c’est-à-dire les tiers
complètement étrangers si l’on veut leur opposer les effets indirects du contrat;
- le juge peut soulever d’office cette nullité absolue, en tout état de cause, même
pour la première fois en appel ou en cassation, car la nullité absolue est fondée sur
l’ordre public. Il a été jugé, en effet, que la nullité d’une convention pour cause
illicite ou contraire à l’ordre public doit être soulevée d’office par le juge (215);
- le ministère public peut également, en tant que partie jointe dans un procès,
soulever la nullité absolue d’un contrat invoqué, lorsqu’il émet son avis dans le
procès civil.
Mais le ministère public ne peut agir lui-même par une action principale en nullité
absolue d’un contrat, en dehors des cas où la loi lui en reconnaît formellement le droit,
que lorsque l’ordre public est spécialement intéressé (216).
Il reste à mentionner le dernier critère de distinction des nullités relatives et
nullités absolues : le mode d’extinction de l’action en nullité.
§3. Modes d’extinction de l’action en nullité
L’action en nullité peut être paralysée par le jeu des adages « Nemo auditur
propriam turpitudinem allegans » et « In pari causa turpitidinis cessat repetitio ». Nous
avons développé précédemment les conditions d’application de l’un et de l’autre de ces
adages. Nous n’y reviendrons pas ici. Ce qui doit maintenant retenir notre attention, c’est
d’autres obstacles à la mise en oeuvre de la nullité, d’autres modes d’extinction de l’action
en nullité qui sont soit la confirmation (I), soit la prescription de l’acte nul (II).

215 L’shi, 13 août 1971, RJZ 1972, p. 64.


216 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 401 in fine ; Cass. fr. civ., 10 juin 1953, D. 1953, 612.
109

I. Confirmation des actes nuls


La confirmation est réglementée par l’article 216 du Code civil congolais relatif à la
matière de la preuve des obligations. Cet article 216 a introduit d’ailleurs dans notre droit
une erreur critiquée dans le droit belge et français en assimilant la notion de confirmation
à celle de ratification. En effet, tandis que la confirmation est l’acte qui couvre une nullité
relative, la ratification en droit civil est, quant à elle, l’acceptation par une personne de
l’acte accompli pour elle par un gérant sans mandat. Il n’y a aucune relation entre les deux
actes et l’assimilation de ces deux notions par notre Code est totalement fausse.
Cette mise au point étant faite, revenons à la confirmation pour en préciser
d’abord la notion (1) et examiner ensuite ses conditions de validité (2) et ses effets
juridiques (3).
1. Définition de la confirmation
La confirmation est l’acte juridique par lequel la personne qui peut se prévaloir de
la nullité d’un autre acte, renonce à l’invoquer. C’est, en d’autres termes, la renonciation
par une personne à son droit de demander la nullité d’un acte.
La confirmation n’est possible qu’en cas de nullité relative, l’unique nullité
susceptible de disparaître par la volonté exclusive de telle ou telle personne déterminée
(protégée par loi). Lorsque l’acte est nul d’une nullité absolue, la confirmation n’est pas
possible, puisque d’une part, l’action appartient à tout intéressé et que, d’autre part, la
nullité est finalement fondée sur une atteinte non à des intérêts particuliers, mais à des
intérêts généraux, à l’ordre public (217).
2. Conditions de la confirmation
L’acte confirmatif est soumis pour sa validité à des conditions de fond et des
conditions de forme.
a) Conditions de fond
La validité de l’acte confirmatif est soumise à deux conditions de fond.
Il faut d’abord que le vice dont l’acte était atteint ait pris fin au moment où
intervient l’acte confirmatif, sinon la confirmation sera affectée de la même imperfection -
du même vice - que l’action qu’il s’agit de consolider. L’article 15 du Code civil congolais
nous dit par exemple que la confirmation d’un acte nul pour cause de violence ne peut se
produire que quand la violence aura cessé; de même la doctrine enseigne de façon
unanime que le mineur doit être devenu majeur pour pouvoir confirmer efficacement
l’acte qu’il aurait fait étant en état de minorité. Si le vice était l’erreur, la confirmation
n’aurait lieu qu’après la découverte de la réalité.

217 Julliot de la Morandière (L), op. cit. n° 403. Voir aussi sur l’ensemble de cette question, Couturier (G), La
confirmation des actes nuls, Paris, LGDJ, 1972.
110

La seconde condition de fond de la validité de la confirmation est que l’auteur de


celle-ci doit avoir agi en connaissance de cause, c’est-à-dire avec la connaissance précise
du vice infectant l’acte primordial et avec la volonté de le couvrir (art 216 al. 1er).
b) Condition de forme
Il y a deux sortes de confirmations : la confirmation expresse et la confirmation
tacite.
La confirmation expresse est celle qui résulte d’une volonté manifestée en termes
exprimant formellement l’intention de confirmer. Elle ne doit pas nécessairement être
écrite. Mais si un écrit est dressé pour relater cette confirmation et c’est l’hypothèse visée
par l’article 216 du Code civil congolais - cet écrit devra contenir les mentions suivantes :
- la substance de l’obligation à confirmer;
- la mention du motif de la nullité;
- et l’intention de réparer le vice.
On peut croire, à la lecture de l’article 216 du Code civil congolais, que la validité
de la confirmation, lorsqu’elle est faite par écrit, dépend de l’existence des trois mentions
précitées. Non, en réalité, les mots « n’est valable » de l’art 216 signifient plutôt « ne fait
preuve ». Ceci veut dire qu’en réalité, l’article 216 n’a pas trait à la validité de l’acte, mais
à sa preuve. L’acte n’aura de valeur probatoire que s’il contient les mentions précitées; à
défaut de mentionner de façon explicite ces trois éléments, l’acte ne peut servir de preuve.
Celui qui l’invoque devra apporter autrement la preuve de la confirmation. Les
confusions d’interprétation de l’article 216 proviennent de sa mauvaise rédaction.
La confirmation peut également être tacite. Elle peut résulter, dit l’article 216, de
l’exécution volontaire de l’obligation, après l’époque à laquelle l’obligation pouvait être
valablement confirmée. L’exécution volontaire de l’obligation n’est que l’un des modes de
confirmation tacite de l’acte nul. L’article 216 n’est à ce sujet qu’indicatif. Il importe peu
d’ailleurs que l’exécution soit totale ou partielle. D’autres faits qui établiraient de façon
non équivoque la confirmation peuvent donc être invoqués. Mais la confirmation tacite ne
se présume pas.
3. Effets de la confirmation
La confirmation d’un acte annulable entraîne un effet rétroactif. L’acte confirmé est
considéré comme ayant été valable ab initio (ex tunc), sans toutefois préjudicier les droits
acquis à des tiers. Cet effet distingue ainsi la confirmation de la réfection qui est un acte
bilatéral (alors que l’acte confirmatif est unilatéral) par lequel les deux parties font un
nouvel acte dans d’autres conditions que les premières. Exemple : L’acte nul de nullité
absolue pour telle ou telle cause, peut être refait en respectant les conditions.
111

II. Prescription de l’action en nullité


1. Notion et durée de la prescription
La prescription de l’action en nullité est un mode d’extinction de cette action
résultant de sa non-exécution endéans un certain délai. Aux termes de l’article 196 du
Code civil congolais, « dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une
convention n’est pas limité à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure
dix ans ». Le droit français a ramené ce délai à cinq ans.
Ce texte ne vise que la nullité relative. Quant aux nullités absolues, les auteurs
admettent en général que, fondées sur l’ordre public, elles sont imprescriptibles. Mais, la
jurisprudence considère, ailleurs comme chez nous, que ces nullités sont prescrites par
trente (30) ans en application de l’article 647 du Code civil congolais suivant lequel
« toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites dans un délai de trente
ans ».
Certaines exceptions sont cependant portées à cette dernière règle jurisprudentielle
suivant laquelle même l’action en nullité absolue est prescriptible par trente ans.
L’exception la plus connue est consacrée par l’adage romain « quae temporalia
sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum », ce qui, concrètement, revient à dire
que, si l’action en nullité est temporaire, l’exception est perpétuelle ». Cela veut dire que,
même après trente ans, la nullité peut toujours être invoquée par voie d’exception.
Donnons un exemple : A passe un contrat avec un incapable B. La conséquence est
que ce contrat est annulable. L’incapable devenu majeur a une action en nullité pendant
dix ans. S’il laisse passer ce délai et que par la suite A lui réclame l’exécution du contrat,
l’incapable pourra toujours opposer à A la nullité par voie d’exception. Mais il ne peut
plus, après ce délai, par voie d’action, demander l’annulation de cet acte.
2. Domaine d’application de l’article 196
L’article 196 étant une exception au droit commun (art. 647), il doit être interprété
de façon restrictive.
Il s’applique aux seules actions en nullité relative ; il ne s’applique pas aux nullités
absolues. Ne sont donc pas notamment visées : l’action en résolution, l’action en
révocation d’une donation ou d’un testament, l’action en déclaration de simulation et
l’action en répétition de l’indu.
A raison de la place qu’il occupe dans le Code civil, au milieu des dispositions
consacrées au droit du patrimoine, la doctrine admet que l’article 196 ne s’applique pas à
l’action en nullité dirigée contre les actes non patrimoniaux comme le mariage, l’adoption,
la reconnaissance d’un enfant né hors mariage(218).

218 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 410. Contra Cass. fr., 17 novembre 1958, D. 1959.18. Avant le nouveau
Code de la famille, il s’agissait des enfants « naturels ». Voir ce Code pour les délais de l’action.
112

D’après ses termes, l’article 196 s’applique à l’action en nullité d’une convention. Il
ne doit dès lors pas s’appliquer aux actes unilatéraux, tels que la renonciation au
testament.
3. Fondement de la prescription
On affirme unanimement que la prescription édictée par l’article 196 du Code civil,
livre III est basée sur une idée de confirmation tacite. La loi présume que le contractant
qui, ayant le droit de faire annuler le contrat, reste dix ans sans intenter l’action, y a
renoncé.
Cette conception explique que l’article 196 du Code civil, livre III soit inapplicable
aux nullités absolues qui ne sont pas susceptibles de confirmation. Bien que contestée par
certains auteurs (219), elle trouve son appui dans l’article 15 du Code civil congolais qui
rapproche la confirmation tacite de la prescription.
4. Point de départ de la prescription décennale
La prescription ne commence à courir qu’à dater du jour où la confirmation peut
se faire valablement. Ainsi, en cas de vices de consentement, à partir du jour où la
violence a cessé ou du jour où l’erreur ou le dol ont été découverts (art. 196, al.2).
En droit belge ou français, le point de départ de la prescription a été réglementé de
façon précise par des lois particulières en ce qui concerne les incapables. L’article 196 est
muet à ce sujet, mais l’on peut dire que pour les mineurs, le point de départ se situe à la
majorité et pour les femmes mariées, lors de la dissolution du mariage, pour les personnes
interdites et placées sous le conseil judiciaire, l’on peut suivre les principes généraux du
droit français et belge et dire que ce point de départ est le jour où l’incapacité ayant pris
fin par la main levée ou de la mise sans cause telle de l’interdiction, l’ancien interdit ou la
personne anciennement placée sous conseil judiciaire a eu connaissance de l’acte
annulable.
5. Nature de la prescription décennale
Il s’agit bien d’un délai de prescription et non d’un délai préfix.

Section 3 : Effets de la nullité

Il convient de rappeler que les effets de la nullité sont les mêmes, qu’il s’agisse de
la nullité absolue ou de la nullité relative. Ce qui oppose ces deux sortes de nullités, ce
sont, nous l’avons vu, leurs conditions d’exercice et leurs modes d’extinction, mais non
leurs effets. Dans l’un ou l’autre cas donc, l’annulation interviendra. Il s’agira seulement
d’en examiner l’étendue (1), d’étudier la rétroactivité (2) et les questions de responsabilité
civile qui peuvent se poser (3).

219 Julliot de la Morandière (L),op. cit., n° 410.


113

§1. Etendue de l’annulation


En principe, la nullité porte sur l’ensemble de l’acte. Mais, il est fréquent que dans
un contrat qui comporte de nombreuses clauses, une seule d’entre elles, ou quelques unes
seulement, soient frappées de nullité lorsqu’elles sont irrégulières. Doit-on, dans ce cas,
annuler le contrat tout entier ou simplement la clause irrégulière ?
L’article 70 du Code civil congolais, livre III, donne à ce sujet une réponse en ce qui
concerne la condition : « Toute condition d’une chose impossible ou contraire aux bonnes
moeurs ou prohibée par la loi est nulle et rend nulle la convention qui en dépend ».
Ainsi donc chez nous, dans cette hypothèse (contrat conditionnel), c’est le contrat
tout entier qui doit être annulé. Mais la jurisprudence estime qu’il faut tenir compte de
l’intention des parties sur cette clause. Si celle-ci avait été la condition essentielle et
déterminante du contrat, sa nullité entraînera celle du contrat tout entier (220).
L’intention des parties est une question de fait laissée à l’appréciation souveraine
du juge de fond.
§2. Rétroactivité de la nullité
I. Entre les parties contractantes
En principe, l’acte nul est censé n’avoir jamais existé. Lorsque sa nullité a été
reconnue ou prononcée, si le contrat a déjà été exécuté en tout ou en partie, les choses
doivent être rétablies comme si l’acte n’avait pas existé. C’est le statu quo ante. Exemple :
En cas de nullité d’une vente, l’acheteur doit rendre la chose, le vendeur le prix perçu. Ce
principe connaît cependant des tempéraments (221).
Dans les contrats successifs, il est souvent matériellement impossible de restituer
ce qui a été irrémédiablement accompli. Par exemple, si un contrat de bail est annulé, le
locataire ne pourra pas rendre la jouissance du local, de même si un contrat de travail est
annulé, le travailleur ne pourra pas rendre son travail. La nullité ici ne peut jouer que
pour l’avenir.
Lorsque la nullité est invoquée contre un contractant de bonne foi qui ignore les
vices de l’acte, ce contractant pourra conserver les fruits du bien acheté en vertu d’un
contrat nul, en tant que possesseur de bonne foi.
La nullité des contrats faits par une personne incapable n’oblige pas cette dernière
à restituer l’intégralité de la prestation. Elle ne restitue que ce qu’elle a conservé au
moment de l’action en nullité; les principes généraux enseignent que la personne
incapable est dispensée de restituer ce qu’elle a dépensé (principes généraux).

220 Cass. fr.,Req., 31 octobre 1938, D. 1939, I. 62 ; Starck (B), op. cit., , n°1686, p. 509 et s ; Julliot de la Morandière
(L),op. cit., n°416. Voir aussi sur l’ensemble de la question, les effets de la nullité : Weill (A), op. cit., IV, p. 155 n°48
à 50 ; Starck(B), op. cit., n°1663 et s, p. 504
221 Julliot de la Morandière (L) , op. cit., n°s 417 et s. ; Starck (B), op. cit., n° 1670 et s., pp. 505 et s.
114

Lorsque la nullité est prononcée pour immoralité du contrat, l’action en restitution


peut se heurter à la maxime « nemo auditur propriam turpitudinem allegans ». Et surtout
« in pari causa » en ce cas, le contractant n’est pas admis à invoquer sa propre turpitude
pour réclamer la restitution.
Il faut signaler qu’en matière immobilière, l’annulation du contrat d’aliénation
n’entraîne pas automatiquement celle du certificat établi au bénéfice de l’acquéreur.
L’aliénateur n’a qu’une action en rétrocession avec dommages-intérêts, s’il y a lieu,
endéans deux ans depuis la mutation (222).
II. A l’égard des tiers
En principe, la nullité du contrat est opposable aux tiers. Cela résulte de la règle
« nemo dat quod non habet » (on ne transfère pas un droit que l’on n’a pas). Ce principe
est tempéré de diverses manières :
En matière mobilière, l’article 654 du Code civil, livre III qui dispose « qu’en fait de
meubles, possession vaut titre » protège le sous-acquéreur de bonne foi, lorsque la chose,
objet du contrat, est un meuble corporel.
En matière immobilière, c’est le certificat d’enregistrement qui, dans notre pays,
est translatif de propriété. L’annulation d’un contrat d’aliénation n’entraîne pas
nécessairement la disparition du droit de propriété. En effet, l’annulation ne sort aucun
effet à l’égard des tiers lorsque la propriété n’est pas intacte dans le chef de
l’acquéreur(223).
La nullité du contrat n’est pas non plus opposable aux tiers de bonne foi en vertu
de l’adage « erro communis facit jus ». Par exemple, si ces tiers ont traité avec un
propriétaire apparent.
§3. Responsabilité civile
La nullité du contrat peut être préjudiciable au contractant, lorsque ce dernier a
par exemple, manqué l’occasion d’une opération plus rentable. Dans ce cas, le contractant
peut invoquer l’article 258 du Code civil. Et si la nullité provient de la faute exclusive du
cocontractant, celui-ci sera condamné à réparer le préjudice subi par l’autre. Le juge peut
même rejeter l’action en nullité; ce qui évitera tout préjudice. Mais si les deux contractants
sont fautifs, il y a lieu de partager des responsabilités(224).

222 Art. 227 et 232 de la loi du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, telle que modifiée à ce jour.
223 Art. 232 de la loi du 20 juillet 1973 portant régime général des biens telle que modifiée à ce jour.
224 Voir développements in Starck (B), op. cit. n°s 1683 et s., p. 508.
115
116

Chapitre IV : Effets des contrats entre parties

Introduction

1. Les chapitres IV et V sont séparés pour une simple raison didactique. Ces deux
chapitres concernent, en effet, un même problème : l’étude de l’exécution même du
contrat, plus précisément, l’étude de l’exécution des obligations créées par le contrat.
Cette exécution des obligations du contrat peut s’analyser en se référant tantôt aux
rapports entre parties (Chap IV), l’on vise ici les effets internes des contrats, tantôt aux
rapports avec les tiers (Chap V), il s’agit ici des effets externes des contrats à l’égard des
tiers.
Il convient de noter aussi que si l’on parle d’effets des contrats au lieu d’effets des
obligations, ce qui serait plus exact, l’on veut se limiter aux effets des obligations issues de
cette source des obligations qu’est le contrat. Le contrat, on le sait, n’est pas l’unique
source des obligations.
C’est pourquoi il serait tout aussi erroné de parler d’effets des obligations tout
court alors qu’on veut parler des effets des seules obligations issues des contrats.
Quand donc nous parlerons d’effets des contrats, il faut entendre par cette
expression les effets des obligations issues des contrats car de façon stricte, l’effet du
contrat, c’est précisément la création des obligations dont nous avons déjà examiné le
contenu. Revenons au chapitre IV, après cette précision quant à son titre.
2. Principe des effets des contrats entre les parties
C’est l’article 33 du Code civil, livre III qui énonce le principe de base dans les
rapports des parties entre elles. « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi,
dit cet article, à ceux qui les ont faites ». Les mots « légalement formées » visent le fait que
les conventions doivent être faites conformément à la loi (art. 8 du Code civil, livre III),
c’est-à-dire ne doivent être entachées d’aucune cause de nullité.
Quant aux mots « tiennent lieu de loi », ils signifient que chaque contractant est lié
par le contrat comme il le serait si son obligation lui était imposée par la loi. Ceci implique
que chaque contractant est tenu d’exécuter sa prestation sous peine d’y être contraint par
la force publique. Et si l’exécution directe n’est pas possible, il sera condamné à des
dommages – intérêts représentant les préjudices que l’inexécution cause au créancier.
Ce principe appelle des commentaires et implique des conséquences que nous
étudierons dans quatre sections: le principe de la force obligatoire des contrats (section 1),
les conditions de l’exécution forcée des contrats (section 2), les cas particuliers de
l’exécution des contrats synallagmatiques (section 3) et les conséquences de l’inexécution
ou du retard dans l’exécution ou la théorie de la responsabilité contractuelle (section 4).
117

Section 1 : Principe de la force obligatoire du contrat

Le principe de l’article 33 du Code civil, livre III reçoit un fondement différent


selon que l’on opte pour la conception libérale et individualiste du droit ou pour la
conception plus sociale du droit. Tout dépend donc de la philosophie qui sous-tend le
principe de la force obligatoire du contrat.
Suivant la conception libérale, la base de tout acte juridique, c’est la volonté
individuelle, la parole donnée. Et cette volonté, cette parole donnée, doit être respectée
aussi longtemps qu’elle a été exprimée par l’individu dans ses rapports avec autrui. C’est
donc une valeur en soi que de respecter cette volonté, cette parole donnée. La stabilité de
l’acte juridique se fonde ainsi sur l’idée de protection de la liberté individuelle. Et cela
vaut tant pour les parties elles-mêmes que pour le juge et pour la loi elle-même.
On pourra ainsi synthétiser l’importance de la parole donnée et de son respect en
disant « Au commencement était la parole, la parole a engendré le contrat, la chaîne
juridique, et le contrat représente la personne même du contractant. Il doit être pris un
couple et respecté comme où il était la personne même du contractant< ».
Mais, lorsque l’on se trouve devant une conception plus socialiste du droit (c’est le
cas dans les systèmes où le droit n’est qu’un moyen pour atteindre telle ou telle finalité
philosophique ou économique), la stabilité de l’acte juridique se fonde sur d’autres
données. Bien au-delà de la liberté individuelle, c’est la paix sociale, l’intérêt général dont
on cherche la protection qui est le fondement de la stabilité de l’acte juridique. C’est dire
que cet acte pourra être modifié aussi souvent que l’exigera l’intérêt public, la paix sociale,
tels qu’ils varieront suivant les philosophies de ces systèmes (Ainsi, Le contrat
administratif et économique en droit social varie suivant les nécessités socio-économiques
du moment) (225).
Le droit congolais de l’avenir suivra telle ou telle tendance suivant la finalité que
nous donnerons au droit dans notre pays.
A l’heure actuelle, l’on peut affirmer que la finalité en droit civil écrit n’est pas le
même qu’en droit coutumier, lequel est fondé sur la potentialité, la volonté individuelle.
Et pourtant, le principe de l’article 33 du code civil, livre III déjà examiné s’applique de
façon généralement rigoureuse. On déduit de ce principe trois conséquences : le contrat a
force obligatoire pour les parties qui l’ont conclu (§1), il a force obligatoire pour le juge
chargé de le faire appliquer (§2), il a même une force s’imposant à la loi elle-même (§3).
§1. Force du contrat entre parties
Lorsque le contrat est légalement fait, c’est-à-dire suivant le prescrit de l’article 8
du Code civil, livre III, il s’impose aux parties comme si il était une loi. Ceci implique que

225 Magdi S. Khalil, Le dirigisme économique et les contrats, Paris, LGDJ, 1967 ; Mostapha M. El Gammal, L’adaptation
du contrat aux circonstances économiques, Paris, LGDJ, 1967
118

les parties ne peuvent pas le révoquer. Elles doivent respecter son contenu réel et
l’exécuter de bonne foi.
I. Irrévocabilité du contrat entre parties
Les conventions, dit l’article 33, alinéa 2 du Code civil, livre III, ne peuvent être
révoquées que du consentement mutuel des parties. C’est dire que les contrats conclus par
les parties, restent irrévocables pour elles, tant qu’elles n’ont pas été amenées à en
modifier les éléments par un nouvel accord des volontés (226).
De même qu’une loi ne peut être abrogée que par une autre loi, de même les
parties sont liées par leur contrat jusqu’à ce qu’un nouvel accord entre elle vienne détruire
le premier.
Ce principe de l’irrévocabilité du contrat comporte quelques atténuations. Il est en
effet des cas où les parties accordent à l’une d’entre elles un droit de résiliation unilatérale
du contrat. C’est le cas dans les contrats successifs ou dans le contrat d’entreprise où le
maître de l’ouvrage peut prendre l’initiative de mettre fin au contrat.
Dans certains contrats successifs à durée déterminée, c’est la loi elle-même qui
permet à l’une des parties de résilier unilatéralement le contrat. Exemple : le mandat finit
par la seule volonté du mandataire (art. 544 du Code civil, livre III). La faculté d’user du
droit de résiliation unilatérale ne doit pas donner lieu à un abus de droit, ce qui serait le
cas si l’exercice de ce droit était sans juste motif et avec la seule intention de nuire.
II. Respect du contenu de l’accord
L’irrévocabilité du contrat est le premier aspect de la force obligatoire du contrat
entre les parties.Il est un deuxième aspect de la force obligatoire du contrat entre parties,
c’est que les parties sont liées pour « ce qu’elles ont réellement convenu entre elles », c’est-
à-dire pour le contenu réel de leur contrat (art. 34 du Code civil, livre III).
Il arrive souvent, en effet, que pour diverses raisons, les parties dissimulent leurs
véritables conventions sous l’apparence d’un contrat apparent ou ostensible. Dans ce cas,
elles seront liées par ce contrat simulé appelé contre-lettre qui traduit leur véritable
volonté.
Arrêtons-nous un instant sur cette hypothèse de la simulation. Elle est prévue par
l’article 203 du Code civil, livre III. Celui-ci dispose que « les contre-lettres ne peuvent
avoir leurs effets qu’entre les parties contractantes; elles n’ont point d’effets contre les
tiers ».
Pour l’article précité, la contre-lettre c’est la convention véritable. En réalité, la
contre-lettre est l’acte instrumentaire, l’écrit, destiné à rester secret entre les parties faisant
preuve de ce qu’elles ont conclu et modifiant les stipulations d’un acte apparent.

226 CSJ, 20 novembre 1976, BA 1977, p. 189.


119

Conditions de la simulation
Trois conditions doivent être réunies pour qu’il y ait simulation.
1°. Les parties doivent être d’accord sur le contrat secret qui est celui qu’elles ont
voulu passer en réalité. Il s’agit bien d’un contrat secret sortant tous les effets d’un
contrat. Ce n’est donc pas une convention fictive. D’autre part, l’exigence de
l’accord entre les deux parties distingue bien la simulation du dol par lequel un
des contractants cherche à tromper l’autre.
2°. L’acte secret doit être contemporain de l’acte apparent. Même si l’acte apparent est
fait un ou deux jours après, l’essentiel est qu’il soit fait dans la même période et
que dans l’intention des parties, les deux actes soient applicables simultanément
(227).
3°. Enfin, l’acte modificateur doit être secret et son existence ne doit pas être révélée
par l’acte apparent.
Eléments sur lesquels peut porter la simulation
La simulation peut porter sur divers éléments du contrat, notamment sur l’objet, la
cause ou la personne d’un des contractants.
Il peut y avoir simulation sur l’objet en cas de simulation du prix réel dans une
vente. La cause peut être simulée lorsque l’on cherche à cacher la vraie nature du contrat,
par exemple en cas de donation déguisée sous l’apparence d’une vente. La simulation sur
la personne d’un des contratctants peut être réalisée au cas où une donation est faite à une
personne interposée qui n’est pas le véritable gratifié.
Remarquons que la simulation ne suppose pas nécessairement la fraude. Souvent,
c’est une fraude fiscale (cas de donation déguisée en vente pour éviter de payer des droits
élevés) ou civile (on évite l’application des règles d’ordre public telles que les règles sur
les incapacités de recevoir ou celles sur la réserve héréditaire). Mais il peut y avoir
simulation sans fraude.Tel est le cas d’un donateur qui veut garder l’anonymat.
Effet des contre-lettres entre parties
L’article 203 nous donne la réponse à cette question. Les contre-lettres sortent des
effets pour les parties seulement, si elles respectent les conditions de l’article 8 du Code
civil congolais. Seules des lois particulières peuvent faire échec à cette solution de l’article
203.
Preuve de l’acte secret
On se réfère au droit commun des preuves des actes juridiques. Il faut produire un
écrit ou un commencement de preuve par écrit.
III. Exécution de bonne foi

227 Starck (B), op. cit., n° 1691


120

La force obligatoire du contrat entre parties implique également que ces dernières
doivent l’exécuter de bonne foi (art. 33, al. 3). Ceci signifie que les parties doivent faire
montre de loyauté lorsqu’elles exécutent les obligations issues du contrat qu’elles ont
volontairement conclu. A cet effet, elles sont tenues de coopérer, elles ont le devoir de
collaborer à cette bonne exécution : elles doivent se faciliter la tâche. C’est la jurisprudence
qui a dégagé ce devoir de coopération des contractants. Celui-ci se traduit notamment par
l’obligation de renseignement qui peut incomber à l’un des contractants pour faciliter à
l’autre une meilleure exécution de ses obligations (228).
§2. Force du contrat à l’égard du juge
I. Principe
Si les parties n’exécutent pas volontairement leur contrat, c’est au juge que le
créancier s’adressera pour obtenir l’ordre d’exécution forcée. Le juge est dans ce cas lié
par le contrat, comme il le serait par une loi.
C’est là la thèse classique qui tend à sauvegarder la volonté individuelle des
parties même pour le juge. La thèse la plus sociale prétend que le juge peut interpréter le
contrat en rapport avec l’équité, les usages et la bonne foi considérés comme des notions
objectives supérieures à l’intention des parties (229). Ceci comporte deux conséquences
principales.
1° Le juge ne peut modifier le contrat
Le contrat s’impose au juge en ce sens qu’il est obligé d’appliquer le contrat tel
qu’il a été voulu par les parties. Il n’a pas le droit d’en modifier les clauses valables sous
aucun prétexte (par exemple que ces clauses seraient contraires à l’équité). Ainsi jugé que
lorsque les marchandises ont été entreposées, les frais d’entrepôt doivent être calculés au
prix convenu entre les parties et le juge ne pourrait, pour des motifs d’équité, limiter la
condamnation à la valeur de la marchandise (230). Le seul pouvoir que la loi accorde au
juge, c’est celui d’accorder des délais de grâce; il doit respecter la foi due aux actes.
Cette force obligatoire s’impose tellement au juge que la Cour suprême de justice a
décidé que « la convention avenue entre parties faisant la loi qui les régit dans
l’interprétation et l’exécution de leurs obligations, l’arrêt qui méconnaît ce principe prévu
à l’article 33 du Code civil, livre III, doit être cassé sur ce point(231).
2° Le juge doit interpréter fidèlement le contrat
Tous les contrats pour lesquels le juge doit donner une exécution forcée ne sont
pas toujours clairs. En cas de quelques difficultés sur le sens du contrat, le juge sera amené

228 En ce sens, Starck (B), op. cit., n°s 189 à 190.


229 Weil (A), Droit civil, Les obligations, Paris, Dalloz, 1971, p. 371, n° 362
230 Kin, 29 décembre 1966, RJC 1967, p. 123
231 CSJ, 3 avril 1976, BA 1977, p. 65. Dans le même sens, CSJ, 20 janvier 1982, RJZ 1982, p. 53 ; L’shi, 21 avril 1972,
RJZ 1973, p. 70
121

à interpréter le contrat, comme il le ferait de la loi. Et les méthodes sont celles qu’il utilise
pour interpréter la loi : il doit rechercher la volonté commune des parties (art. 54 et s du
Code civil, livre III) ; en cas de doute sur la volonté réelle, le juge se référera à l’article 33,
alinéa 2 d’après lequel les conventions doivent être exécutées de bonne foi.
Comme l’écrit Weill, la bonne foi n’est pas autre chose que le respect consciencieux
de ce que les parties ont voulu, par leur contrat (232). Si les termes de l’accord prêtent à
controverse, le juge doit adopter le sens qui, d’après les usages (art. 57-58) et d’après
l’équité (art. 31), s’imposerait normalement à un individu honnête et loyal en affaires.
Ajoutons que l’article 60 du Code civil, livre III décide que « dans le doute, la
convention s’interprète contre celui qui a stipulé (le créancier) et en faveur de celui qui a
contracté l’obligation (le débiteur). Quand le contrat n’est ni ambigu ni à double sens, il
n’y a pas lieu à application de l’article 60, livre III du Code civil (233).
En application de ces principes, la jurisprudence congolaise a eu à décider que
dans les conventions, il ne faut pas tant s’arrêter au sens littéral des termes qu’à la
commune intention des parties contractantes (234). Le juge parfois confronté à des clauses
mal rédigées dites « clauses pathologiques », sera donc obligé de rechercher la volonté
réelle des parties avant de suivre les solutions proposées par les articles 54 et suivants du
Code civil, livre III.
II. Observations
Malgré les termes de l’article 33 du Code civil, livre III, le contrat n’a cependant
pas la même valeur que la loi. Il reste subordonné à la loi. Le juge doit contrôler si le
contrat reste légalement formé et peut de ce fait relever d’office les causes de nullités sur
l’ordre public.
Les parties doivent invoquer et prouver le contrat dont elles se prévalent, tandis
qu’elles n’ont pas à faire la preuve des règles sur lesquelles elles fondent leurs prétentions.
Dans les pays où la Cour de cassation a déjà une longue expérience, le rôle de cette
Cour dans l’interprétation des contrats marque aussi la différence entre le contrat et la loi.
D’une façon générale, la Cour peut connaître d’un pourvoi en cassation pour violation de
la loi et non pour violation du contrat, estimant que l’interprétation des contrats est une
question de fait et non une question de droit et doit donc relever des pouvoirs souverains
des juges du fond.
Mais la Cour de cassation en France n’a pas pu laisser les juges du fond
complètement libres. Elle a d’abord affirmé son pouvoir de contrôle en cas de
dénaturation pour freiner les écarts d’interprétation commis par les juges du fait, lorsque

232 Weil (A), op. cit., n° 362 a, p. 371


233 L’shi, 3 août 1973, RJZ 1973, p. 266
234 L’shi, 1er décembre 1970, RJCB, 1971, p. 33 ; Voir également L’shi, 1er juillet 1969, RJC 1969, p. 302 ; inst. RU, 16
novembre 1942, RJCB, 1944, p. 27; 1 ère inst. Costermansville, 25 juin 1943, RJCB 1944, p. 78.
122

les clauses sont claires et précises.


En faisant un pas de plus, elle est allée pour certains contrats, jusqu’à imposer sa
propre interprétation dans un dessein d’unification (235).
J’estime que ce contrôle tend à faire respecter le plus possible la volonté réelle des
parties.
§3. Force du contrat à l’égard de la loi
Il faut distinguer les lois impératives et les lois supplétives. Par rapport aux lois
supplétives, le contrat a une force supérieure. Ce qui n’est pas le cas par rapport aux lois
impératives intéressant l’ordre public. De plus, en cas de loi nouvelle, l’on admet que
celle-ci n’a d’effet sur le contrat antérieur que si elle intéresse spécialement l’ordre public.
Autrement, et c’est le cas des lois supplétives nouvelles, elles n’ont aucun effet sur le
contrat (236).

Section 2 : Conditions de l’exécution forcée

Si le débiteur n’exécute pas volontairement son obligation, le créancier pourra


exiger cette exécution avec l’appel de la force publique. Cette exécution forcée aura lieu
soit en nature, soit par équivalent, le débiteur étant dans ce dernier cas tenu de payer des
dommages-intérêts.
L’exécution forcée n’est toutefois possible qu’à certaines conditions:
1°. la dette doit être exigible, c’est-à-dire arrivée à échéance;
2°. le créancier doit mettre préalablement son débiteur en demeure;
3°. le débiteur ne doit pas être déchargé de son obligation par une cause d’exonération
(force majeure, cas fortuit);
4°. le créancier doit être muni d’un titre exécutoire (soit de la grosse, d’un acte notarié)
contenant la formule exécutoire, soit d’un jugement pris contre son débiteur
récalcitrant et le condamnant à exécuter (237).
La première et la dernière condition ne demandent aucun développement. Nous
préciserons seulement les conditions et les effets de la mise en demeure (§1) et les causes
d’exonération notamment les cas fortuits et de force majeure (§2).

235 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°220, B. Voir pour le droit congolais, Mbiango Kekese, « Le contrôle de la Cour
suprême sur l’indépendance des actes juridiques », in RJC, n°3, 1976, pp. 1-38
236 Weil (A), op. cit., n° 362 a).
237 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 448 et s.
123

§1. Mise en demeure


I. Notion
Nous avons déjà eu à parler de la mise en demeure en examinant le transfert des
risques dans les obligations de donner. Etymologiquement, d’après le vocabulaire
juridique d’Henri Capitant, être en demeure signifie être en retard (mora = retard). Mais le
débiteur n’est légalement en retard que lorsqu’il est interpellé par le créancier. Mettre en
demeure équivaut ainsi à interpeller quelqu’un, à lui rappeler son obligation à exécuter
ses obligations.
II. Nécessité
Lorsque le débiteur contractuel n’accomplit pas son obligation, le créancier doit
tout d’abord le mettre en demeure d’exécuter (art. 37, al. 2, art. 38 et 44 du Code civil, livre
III).
En effet, tant qu’il ne réclame pas, il est censé ne pas souffrir du retard, et ne peut
réclamer des dommages - intérêts au débiteur. Il est possible que le créancier ait décidé de
ne pas poursuivre le débiteur à tel moment ou que le débiteur soit de bonne foi mais ait
tout simplement oublié ses obligations. La mise en demeure dans ce dernier cas enlève au
débiteur toute excuse de ne pas remplir son engagement. Même si la dette est à terme,
l’arrivée du terme ne dispense pas le créancier de mettre le débiteur en demeure (art. 38 a
contrario), bien que pourtant, dans ces cas, cette formule paraisse moins utile, le débiteur
ayant promis de s’exécuter à une date fixée par le contrat.
La formalité de mise en demeure est donc indispensable. Elle ne peut être écartée
que si les parties elles-mêmes l’ont décidé en stipulant que la seule échéance du terme
mettra le débiteur en demeure (art. 38 in fine).
III. Pocédure
La procédure de mise en demeure est, à l’instar de notre procédure civile, très
simplifiée dans notre droit. L’article 38 du Code civil congolais signale que le « débiteur
est constitué en demeure soit par une sommation ou par un autre acte équivalent, soit par
l’effet de la convention, lorsque celle-ci porte que, sans qu’il soit besoin d’acte et par la
seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure (238).
La jurisprudence précise que la mise en demeure peut résulter de l’exploit
introductif de l’action en résolution, acte équivalent à une sommation (239). Il convient de

238 Elis, 2 février 1917, RJCB, 1932, p. 56 ; Léo, 4 octobre 1928, Jur. col. 1929, p. 210 avec note ; Léo, 29 juin 1943,
RJCB 1944, p. 22.
239 Elis, 13 février 1926, Jur. Kat II, p. 257 ; 31 octobre 1914, Jur. col. 1925, p. 236 ; Cass. b., 17 octobre 1927, JTO,
124

noter que la sommation est un acte signifié par l’huissier et qui a spécialement pour objet
de mettre le débiteur en demeure de s’exécuter. L’acte équivalent peut être le
commandement ou une citation en justice. Le commandement est un acte d’huissier mais
plus énergique que la sommation, car il est fait en vertu d’un texte exécutoire, acte notarié
ou jugement. Il est préliminaire d’une saisie.
Et il ressort de la jurisprudence congolaise que le juge du fond apprécie
souverainement le caractère d’une correspondance invoquée à titre de mise en demeure
(lettre recommandée, lettre missive et en droit commercial où la procédure est encore
simplifiée : une simple lettre missive, un télégramme, une réclamation verbale, etc.). Il
apparaît en conclusion que dans notre droit, tout procédé par lequel le créancier veut
signifier au débiteur qu’il doit exécuter son jugement peut constituer pour ce dernier la
mise en demeure.
IV. Effets
La mise en demeure permet au créancier de réclamer des dommages-intérêts au
débiteur, à raison du retard dans l’exécution (retard dont il devient légalement
responsable). Il s’agit dès lors des dommages-intérêts moratoires (art. 44 du Code civil,
livre III). Avant la mise en demeure, le créancier paraît ne souffrir d’aucun retard. Il est à
noter que pour qu’il y ait dommages intérêts compensatoires (cas d’inexécution pour
faute du débiteur), la mise en demeure n’est pas nécessaire (240).
Quand l’obligation a pour objet la livraison d’un corps certain, les risques de la
chose, qui jusque là pesaient sur le créancier, incombent au débiteur à dater de la mise en
demeure (art. 37, al. 2).
V. Cas où la mise en demeure est inutile
Le créancier peut être dispensé de la mise en demeure :
1°. par la nature même de l’obligation du débiteur. Il en est ainsi pour les
obligations de ne pas faire. Ce cas est réglementé par l’article 43 du Code civil,
livre III qui dispose que « si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient
doit des dommages - intérêts par le seul fait de la contravention. Il en est de
même lorsque la chose que le débiteur s’était obligé de donner ou de faire ne
pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu’il a laissé passer (art.
44 in fine). Exemple : A s’engage à installer des lampes colorées dans le jardin de
B à l’occasion du bal de mariage de son fils. Si A ne s’exécute pas à la date du bal,
B aura droit à des dommages-intérêts sans avoir besoin de faire une sommation à
son débiteur ;
2°. par la convention, lorsqu’il est stipulé que l’échéance d’un terme donné
équivaudra à la mise en demeure (art. 38 du Code civil, livre III) ;

p.178 ; Pas. 1958, I., p. 143.


240 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 451 A.
125

3°. par le fait que le débiteur a pris les devants et a lui-même manifesté sa volonté de
ne pas exécuter (241).
Il faut noter que la mise en demeure ne se conçoit que pour l’exécution d’un
contrat. L’obligation étant née de la volonté des parties, il faut que la volonté du créancier
s’affirme à nouveau pour que le débiteur, soit par la force, obligé de s’exécuter. Mais il
n’est pas de même pour les obligations délictuelles. Celles-ci ont leur source dans la loi et
sont fondées sur l’ordre public. La victime n’a pas à affirmer par un acte spécial sa volonté
d’obtenir réparation. Ainsi par exemple en cas d’accident de roulage, la victime ne peut
mettre en demeure l’auteur de l’accident pour le payer. Toutefois, le créancier qui a une
indemnité délictuelle n’obtiendra d’intérêts moratoires qu’après mise en demeure.
§2. Causes d’exonération
Cette matière est réglementée par les articles 45 et 46 du Code civil congolais.
L’article 45 dispose que « le débiteur est condamné s’il y a lieu, au paiement des
dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard
dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause
étrangère qui ne peut lui être imputable encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa
part ». Le débiteur ne sera donc exonéré que si l’inexécution ou le retard dans l’exécution
provenait d’une cause étrangère. Et l’article 46 cite la cause étrangère : il s’agit du cas
fortuit ou de force majeure. Mais en plus du cas fortuit et de la force majeure, il y aura lieu
d’exposer la théorie de l’imprévision qui, dans des hypothèses où il n’y a pas à
proprement parler force majeure autoriserait, d’après certaine doctrine, le juge à modifier
le contrat dans l’intérêt du débiteur. Nous verrons aussi les autres causes d’exonération et
la preuve de la libération.
Ce paragraphe 2 se présentera comme suit :
1. le cas fortuit et la force majeure : conditions et effet;
2. les autres causes d’exonération;
3. la preuve de la libération;
4. la théorie de l’imprévision.
I. Cas fortuit et force majeure
1. Notions
Bien que certains auteurs aient voulu distinguer le cas fortuit et la force majeure,
en affirmant que le cas fortuit serait un événement interne, se rattachant à l’activité du
débiteur ou de son entreprise (maladie du débiteur, rupture du moteur dans la voiture
qu’il conduit chez le créancier...), et que la force majeure serait un événement externe par
rapport au débiteur (foudre, inondation, ouragan, etc.) (242), il résulte de l’analyse du Code

241 Cass. fr. civ., 24 juillet 1928, DP 1930. I. 16 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 452
242 Notamment Colin (A) et Capitant (H), op. cit.,T. II, n° 126 et 127.
126

civil que ce dernier emploie indifféremment l’une ou l’autre des deux expressions ou les
deux à la fois (243). Le Code civil ne définit d’ailleurs pas ces deux notions dont il
reconnaît seulement qu’elles sont synonymes (244). Mais l’on admet généralement que « un
cas de force majeure est un événement impossible à prévoir et à éviter et qui empêche le
débiteur à exécuter ses obligations » (245).
2. Conditions de cas fortuit ou de la force majeure
Trois conditions sont nécessaires, d’après la jurisprudence, pour que le débiteur
soit libéré pour cas fortuit et force majeure.
1° Il faut que l’inexécution provienne d’une cause étrangère au débiteur. Il n’y a
pas de force majeure, si l’événement peut être rattaché à une faute, même non
intentionnelle, commise par celui-ci. Il n’y a pas force majeure lorsque par exemple,
l’obstacle a été créé par le débiteur (246). La déclaration de faillite ne constitue pas un cas
fortuit ou de force majeure car elle est due à la faute de celui qui en est l’objet et auquel
l’inexécution est imputable(247). En France, la jurisprudence va plus loin et écarte en
général la force majeure lorsque l’inexécution provient d’un vice de la chose employée
pour l’exécution du contrat;
2° Il faut que l’événement ait été inévitable, c’est-à-dire irrésistible et la
jurisprudence ajoute « imprévisible » car si l’événement pouvait être prévu au moment
du contrat, les parties ont dû en tenir compte dans leur convention. D’autre part, si,
imprévisible lors du contrat, il pouvait être prévu par le débiteur en cours d’exécution,
celui-ci est en général en faute de ne pas l’avoir évité (248). La condition d’imprévisibilité
doit toutefois être entendue de façon raisonnable, car après tout, avec l’évolution de la
science, presque tous les événements sont prévisibles. On peut prévoir les pires
catastrophes: guerre, tremblement de terre... On s’attache donc à des critères accessoires
d’anormalité, de soudaineté, de rareté. Il faut distinguer entre les faits normalement
prévisibles par un homme clairvoyant, avisé au moment du contrat et les autres. En
d’autres termes, il s’agit de déterminer ce que le débiteur aurait dû prévoir (249).
Toutefois, un événement même prévu peut être irrésistible et constituer une force
majeure. On ne peut pas l’empêcher d’être là. Exemple : une tempête, un cyclone, un
ouragan violent.
3° Il faut enfin, dit l’article 46 du Code civil, livre III que le débiteur ait été
empêché d’exécuter son obligation. Lorsqu’il est réel, l’obstacle doit avoir été pour le

243 Art. 46, 194, 379, 455, 500 etc. du Code civil, livre III
244 Voir aussi Mazeaud (H, L et J) et Tunc (A), op. cit., T. II n° 1151 et s.
245 Dictionnaire de droit, Dalloz, V° Force majeure.
246 Léo, 6 avril 1926, Jur. Col. 1927, p. 93.
247 Léo, 13 novembre 1926, Jur. Col. 1929, p. 159.
248 Art. 454, 455 du Code civil, livre III sur le prêt
249 Weil (A), op. cit., n° 413, p. 438 et note 3
127

débiteur, insurmontable. Cette insurmontabilité est une question de fait, qui dépend des
circonstances. Elle doit être appréciée in abstracto et non pas en rapport aux forces
personnelles du débiteur. En effet, c’est par référence à un critère abstrait qui serait non
pas l’homme le plus fort et le plus diligent, mais le bon père de famille, qui est toujours
diligent, placé dans les mêmes conditions de circonstances de temps et de lieu (250).
La jurisprudence se montre cependant chez-nous, comme ailleurs, très sévère
pour admettre l’insurmontabilité. Elle exige que l’empêchement du débiteur soit absolu
et constitue une réelle impossibilité et non des obstacles passagers rendant l’exécution
plus onéreuse seulement ou plus difficile (251).
On a jugé également qu’il n’y avait pas force majeure lorsque l’obstacle a été créé
par le débiteur lui-même (252). La doctrine mentionne d’autres cas où n’intervient pas
l’exonération pour force majeure (253).
Ainsi, l’état de guerre n’est pas en soi un cas fortuit ou de force majeure. C’est un
fait rendant l’exécution plus difficile seulement en raison de la mobilisation du personnel
ou de la pénurie des produits. Seuls des faits de guerre précis, tels que la réquisition, le
bombardement, la destruction, peuvent revêtir ce caractère. Les contrats restent donc
valables pendant la guerre. On pourra appliquer le même raisonnement aux pillages qui
ne devraient pas être considérés comme des évènements de force majeure.
Il en est de même de l’ordre de l’autorité, du fait du prince, qui peut être prévu et
qui peut parfois être évité, surtout si l’ordre est illégal(254).
De même, la guerre, à moins qu’elle ne soit générale, n’est pas pour un patron une
force majeure l’exonérant de ses obligations vis-à-vis de ses clients (255).
Cette sévérité de la jurisprudence s’explique par le fait qu’en droit français ou
belge, la stabilité des contrats est un principe essentiel : le débiteur reste tenu, devrait-il
être ruiné par l’exécution de son obligation (256).
Il aura donné sa parole au créancier qui l’a prise en compte dans son commerce
juridique. « Au commencement était la parole, la parole engendra le contrat et le contrat
était la personne même du contractant ». D’où le respect de la parole est de rigueur.
3. Effets du cas de fortuit et de la force majeure
Le cas fortuit et la force majeure libèrent le débiteur. L’obligation est éteinte et le

250 En ce sens Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 455 in fine


251 Elis, 13 juin 1914, Jur. Col. 1925, p. 182; 28 janvier 1964, RJC 1964, p. 82 ; 22 septembre 1964, RJC 1965, p.189 ;
Cass. fr. civ., 14 janvier 1941, DH 1941, 33
252 Léo, 6 avril 1926, Jur. Col. 1927, p. 93
253 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 456, p. 244
254 Cass. fr. civ., 18 mars 1955, D 1955, p. 573
255 Cass. fr. civ., 18 janvier 1950, D 1950, p. 227
256 Voir aussi développements in De Page (H),op. cit., T. II, n° 597, 599 et 602. C’est le cas de l’exécution plus
onéreuse.
128

débiteur ne doit aucun dommages -intérêts (art. 46 et 191).Il en est cependant autrement si
le débiteur a pris à sa charge les cas fortuits (art.423 du Code civil congolais ); quand le
débiteur est en demeure de s’exécuter (art. 37, al. 2 et 194 du Code civil, livre III).
Notons que si la force majeure se combine avec une faute du débiteur (faute
n’ayant pas provoqué la force majeure), la libération ne sera alors que partielle puisque
l’impossibilité d’exécution n’est que partielle (257). En cas d’impossibilité momentanée
seulement, il n’y a pas force majeure, mais suspension de l’exécution du contrat. Celui-ci
peut cependant continuer à sortir ses effets si cela est encore utile.
II. Autres causes d’exonération
Le débiteur est encore exonéré par une cause étrangère au cas où l’inexécution est
due, soit à la faute du créancier lui-même, soit à la faute d’un tiers.
1. Faute du créancier lui-même
Il faut dans ce cas prouver que cette faute a été la cause génératrice et exclusive de
l’inexécution. Exemple : Le transporteur ne peut s’exonérer de son obligation de sécurité
qu’en prouvant que l’accident qui a causé la mort du voyageur est dû à la faute exclusive
de celui-ci (258).
2. Faute d’un tiers
Dans ce cas, il faut, selon la jurisprudence :
1°. que le débiteur n’ait pu ni prévoir ni empêcher cette faute qui se ramène ainsi
pour lui à un véritable cas de force majeure;
2°. que le tiers fautif ne soit pas le représentant légal ou conventionnel du débiteur,
ou son préposé, chargé d’exécuter pour lui le contrat ou de l’aider dans cette
exécution.
III. Preuve de la libération
Suivant l’article 197, al. 2 du Code civil, livre III, la charge de la preuve de la
libération pèse sur le débiteur. Le créancier aura à démontrer seulement l’existence et la
teneur du contrat. C’est au débiteur à prouver, soit qu’il a payé, soit l’existence d’une
cause libératoire. Les articles 45 et 194 du Code civil congolais décident, en conséquence,
que le débiteur qui n’a pas exécuté, sera condamné s’il ne justifie pas qu’il a été empêché
par un fait l’exonérant. La doctrine et la jurisprudence traduisent cette règle en disant que
le débiteur qui n’exécute pas son obligation, est présumé en faute.
Il y a à cet égard une opposition entre la responsabilité contractuelle et délictuelle.
Car, comme nous le verrons, en matière délictuelle, c’est la victime qui doit démontrer la
faute de l’auteur du dommage alors qu’en matière contractuelle, c’est le débiteur qui doit

257 Cass.fr. civ., 13 mars 1957, D. 1958. 73.


258 Cass.fr. civ., 28 avril 1955, D1956, p. 173
129

prouver le fait qui l’a exonéré, c’est le débiteur qui est présumé en faute (259).
Mais cette présomption de faute qui pèse sur le débiteur qui n’a pas exécuté, est
susceptible de preuve contraire. Mais quelle preuve doit donc faire le débiteur ?
D’après l’article 45 du Code civil congolais, en principe, le débiteur ne peut se
contenter de la preuve de l’absence de faute, de démontrer qu’il a agi en bon père de
famille; il doit prouver de manière précise le fait étranger qui empêche l’exécution et
démontrer que ce fait présente les caractères d’une cause exonératoire(260).
En effet, la force majeure constituant une circonstance absolument indépendante
de la volonté de l’auteur du recours, il appartient à celui qui l’invoque de le prouver (261).
Cette solution comporte quelques réserves, à propos notamment de l’obligation de
livrer un corps certain et à propos de l’obligation de moyen (qui est une obligation de
faire).
A propos de l’obligation de livrer un corps certain, si en effet, on lit l’article 194
du Code civil congolais qui traite de la perte de la chose due, l’on voit que le débiteur a
deux moyens de renverser la présomption de faute qui pèse sur lui pour inexécution de
son obligation : il peut soit prouver le cas fortuit ou de force majeure (art. 194, al. 3), la
règle générale de l’article 197, al. 2 du Code civil livre III, reprise expressément dans
d’autres dispositions (art. 390 sur l’incidence d’une maison louée), il peut également se
contenter de prouver que la perte ou la détérioration de la chose est survenue « sans sa
faute » (art. 194 al. 1) en dehors de la mise en demeure. Ceci revient à dire que le débiteur
pourra se contenter de prouver qu’il a apporté à la conservation de la chose les soins
auxquels la loi (art. 36 du Code civil congolais) l’oblige, à savoir les soins d’un bon père
de famille (262) ou même dans certains contrats, les mêmes soins qu’à ses propres
affaires(263).
A propos des obligations de moyens également, la règle selon laquelle le débiteur
est présumé en faute comporte une exception. Contrairement au cas de l’obligation de
résultat où le débiteur qui n’a pas procuré au créancier le résultat escompté est présumé
en faute de façon irréfragable s’il ne prouve pas le cas fortuit, le débiteur de l’obligation
de moyen aura fait la preuve qui lui incombe, s’il démontre qu’il a fourni les services
promis.

259 Art. 392, 430, 440, 516, 535, 539 du CCC


260 Cass. fr. civ., 18 octobre 1954, D. 1954.89 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 460
261 CSJ, 8 janvier 1970, RJC 1970, p. 17.
262 Voir aussi l’application in art. 389 à propos des dégradations survenues à la chose louée.
263 Art. 439 et 499 sur le dépôt ; en ce sens Julliot de la Morandière (L), op. cit., 460 in fine
130

IV. Théorie de l’imprévision


La théorie de l’imprévision est née en Occident depuis la guerre de 1940, c’est-à-
dire au moment où la stabilité des contrats a été rendue difficile à la suite de la crise
monétaire et des difficultés économiques généralisées qui ont rendu l’exécution de ses
obligations plus difficile pour le débiteur.
On s’est demandé alors en doctrine comme en jurisprudence, si face à ces
difficultés, le juge ne pouvait pas souverainement réviser les contrats, particulièrement les
contrats successifs s’échelonnant sur un assez long espace de temps et d’en adapter les
clauses aux nouvelles conditions économiques.
La théorie de l’imprévision tend donc, suivant la formule consacrée par un arrêt de
la Cour de cassation belge « à faire admettre qu’en toute matière, la partie lésée par un
contrat peut être déliée de ses engagements, lorsque des événements extraordinaires,
échappant à toutes prévisions au moment où ce contrat a pris naissance, en ont altéré si
profondément l’économie qu’il soit certain qu’elle n’aurait pas consenti à assurer
l’aggravation des charges qui en résultent »(264).
Les tenants de cette thèse ont soutenu :
- qu’elle était conforme à l’intention des parties qui n’ont contracté qu’en vue
d’une situation normale et en sous-entendant dans leurs conventions la clause
« rebus sic stantibus », signifiant que leurs conventions étaient conclues « toutes
choses égales par ailleurs », c’est-à-dire « les conditions normales se
maintenant ».
- et qu’elle se conciliait avec l’art 33 qui exige que les conventions doivent être
exécutées de bonne foi. Selon les tenants de cette théorie, ce serait précisément
contraire à la bonne foi que ne pas tenir compte d’événements imprévus.
Solutions jurisprudentielles
Malgré les arguments de ses défenseurs, cette théorie n’a pas pu s’imposer dans la
jurisprudence belge ni française(265). Notre jurisprudence, par les décisions rendues en la
matière, l’a rejetée également(266). Les solutions suivies par la jurisprudence française,
belge et congolaise sont conformes à l’article 33 du Code civil congolais suivant lequel les
conventions légalement formées tiennent lieu de loi pour les parties qui les ont faites.
De plus, ces thèses se conforment au fondement même de cet article qui veut que
la manifestation de la volonté des parties, leur parole donnée se maintiennent quoi qu’il

264 Cass. b., 30 octobre 1924, Pas. 1924. I. 565.


265 Notamment Cass. b. ,19 mai 1931, Pas. 1921. I. 380 et Gand, 13 juillet 1921, Pas. 1922. II. 12, 37.
266 Elis, 17 décembre 1932, RJCB 1933, p. 20, 1ère inst. Elis 25 octobre 1933, RJCB 1934, p. 103. Contra 1ère inst. Elis.,
30 septembre 1932, Jur. Col. 1932 – 1933, p. 139.
131

arrive, car un tel respect de la parole donnée, de la volonté individuelle, manifestation de


la liberté individuelle, est une valeur en soi qu’il faut protéger. C’est le respect de l’article
33, une valeur en soi qu’il faut protéger. Le seul pouvoir accordé au juge est celui
d’accorder à son tour des délais de grâce.
Il convient toutefois de noter qu’en matière administrative, cette théorie a été
admise dans certains pays (267) et que même en matière civile, certaines lois particulières et
exceptionnelles l’ont admise(268). En dehors d’une loi qui l’introduit, je reste
personnellement opposé à cette théorie compte tenu de l’économie générale de la force
obligatoire du contrat dans notre droit. Les parties qui veulent se délier doivent le faire
de commun accord ou prévoir des clauses modificatives du contrat, telles des clauses de
réévaluation des prestations. D’autre part, la bonne foi ne doit pas s’interpréter comme
pouvant favoriser la révocation, pour éviter les fluctuations des valeurs précises des
clauses de révision des contrats (269).

Section 3 : Particularités de l’exécution des contrats synallagmatiques

Les particularités concernant l’exécution des contrats synallagmatiques ne peuvent


se comprendre sans un bref rappel de la cause dans de tels contrats. La cause dans ces
contrats, on le sait, est l’obligation réciproque des parties. Si cette obligation n’est pas
exécutée pour quelque raison que se soit, faute du débiteur ou cas de force majeure,
l’obligation corrélative cesse à ce moment d’avoir une cause car, il y a une
interdépendance des obligations lorsqu’on envisage leur exécution. Chaque partie ne peut
exécuter son obligation que si l’autre partie exécute la sienne ou offre de l’exécuter de
façon certaine. C’est ce que l’on appelle en matière des contrats synallagmatiques, le
principe de l’exécution simultanée ou de l’exécution « trait pour trait ».
Ce principe de l’exécution simultanée découle de l’idée de cause dans les contrats
synallagmatiques. Il trouve des applications dans notre code civil dans ses articles 289,
290, 330 et 367.
Outre ce principe, l’idée de cause dans les contrats synallagmatiques emporte deux
autres conséquences importantes :

267 Julliot de la Morandière, op. cit. n° 465.


268 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 466 pour la France. Pour la Belgique, voir De Page (H), op. cit., t. II, n°467,
468, 573 et s. ; Dabin (J), Philosophie de l’ordre juridique positif, n°133 et s. Voir la loi belge du 11 octobre 1919
relative aux contrats conclus avant et après la guerre, la loi du 20 juin 1930 sur les baux à long terme, du 15 juin
1955 relative à certains contrats à long terme.
269 Kalongo Mbikayi, Le régime juridique des opérations en monnaie nationale et la validité des clauses monétaires en
droit congolais,Revue de droit congolais, n° 001/1999, p. 10.
132

1°. si un événement indépendant de sa volonté empêche l’un des contractants de


s’exécuter, l’autre se trouve par là même libéré de son obligation. C’est le
principe de la connexité des obligations ;
2°. si l’un des contractants refuse ou néglige d’exécuter son obligation, l’autre peut
demander en justice la résolution du contrat, mais généralement ce qui arrive,
c’est que l’autre partie sursoit à l’exécution de sa propre obligation en vertu du
principe de l’exceptio non adimpleti contractus.
C’est à l’étude de ces conséquences que sera consacrée notre section 3, à
l’exception de l’action en résolution que nous aborderons de façon complète dans le
dernier chapitre de ce titre I. Nous retenons ici :
1. le principe de l’exécution simultanée des obligations réciproques avec l’exceptio
non adimpleti contractus (l’exception de l’inexécution de contrat) ;
2. le principe de la connexité des obligations réciproques avec la théorie des
risques.
§1. Principe de l’exécution simultanée des obligations réciproques et exceptio non adimpleti
contractus
I. Principe (270)

En principe, les prestations promises par les contractants doivent être exécutées
simultanément. Ainsi, dans la vente, l’acheteur paie le prix en même temps qu’il prend
livraison de la chose. De là, il résulte que si l’un des contractants n’exécute pas son
obligation au moment où il doit, l’autre peut refuser lui-même de s’exécuter et opposer à
la demande de l’autre contractant l’exceptio non adimpleti contractus ou l’exception
d’inexécution(271).
Ainsi, le garagiste locataire d’ouvrage ne peut être tenu de payer les dommages et
intérêts au maître d’ouvrage pour le retard dans l’exécution de ses obligations lorsque le
retard invoqué est provoqué par la violation par le maître d’ouvrage de ses propres
obligations de fournir les pièces nécessaires en temps utile et de payer d’avance le prix
convenu(272).
De même, le paiement d’un salaire durant la suspension d’un contrat de travail
n’est pas dû, vu que dans ce contrat synallagmatique, le défaut de prester le travail
entraîne en contrepartie le défaut de paiement du salaire(273).
Le contrat en lui-même n’est pas pour autant annulé, il subsiste. La seule question
qui se pose est que l’une des parties ne va pas exécuter son obligation tant que l’autre, le
débiteur, ne le fait pas. L’extinction du contrat ne peut intervenir qu’en justice à la suite

270 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 469


271 Pillebout (J.F), Recherches sur l’exception d’inexécution, Paris, LGDJ, 1971
272 Kin., 21 août 1974, RJZ 1975, p. 134
273 Kis., 4 avril 1972, RJZ 1972, p. 159
133

d’une action en résolution qui fera l’objet de développement dans le chapitre VI du


présent titre. Ici, il y a seulement suspension de l’exécution des contrats.
II. Origine de l’exceptio non adimpleti contractus
Cette exception reprise du droit romain, n’est nulle part énoncée dans le Code
Napoléon ni dans notre Code civil. Chez-nous, les applications les plus saillantes de cette
exception ont été faites en matière de vente (Code civil, livre III, art. 278, 289 et 290). Mais
la jurisprudence a étendu les solutions des articles précités aux autres contrats
synallagmatiques (274).
III. Exceptions au principe de l’exécution simultanée
Le principe de la simultanéité de l’exécution des obligations réciproques n’est pas
d’application :
1°. lorsqu’il est écarté par la volonté des parties. C’est le cas lorsque le vendeur a
consenti un terme à l’acheteur pour le paiement du prix. Il est alors tenu de
délivrer la chose sans attendre l’échéance du terme (Code civil, livre III, art. 289
in fine);
2°. quand la nature du contrat s’oppose à l’exécution simultanée. C’est le cas en
matière des contrats successifs. Ainsi, le bailleur doit d’abord mettre le preneur
en jouissance de l’immeuble loué, et celui-ci paye ensuite le loyer aux termes
convenus. Mais chacune des parties continue à pouvoir invoquer, s’il y a lieu,
l’exceptio non adimpleti contractus.
Si le bailleur ne procure plus au preneur la jouissance, celui-ci peut refuser de
payer son loyer.
§2. Principe de la connexité des obligations réciproques et théorie des risques
I. Principe
Quand un cas fortuit ou de force majeure empêche l’un des contractants
d’accomplir sa prestation, non seulement celui-ci est exonéré, mais l’autre contractant est
également libéré. Cette solution paraît commandée par la notion de cause. La perte
fortuite de la chose qui devait lui être livrée libère l’autre contractant de son obligation,
puisque cette obligation cesse d’avoir une cause.
Par conséquent, la perte sera supportée par le contractant qui devait livrer la
chose. On suppose donc que la livraison n’a pas encore eu lieu. En effet, s’il est libéré de
son obligation de livrer, le débiteur ne peut plus, d’autre part, exiger la prestation qui lui a
été promise en retour (275).
Il découle de tout ceci que c’est donc le débiteur qui subit les risques. Res perit
debitori. Cette règle est du reste conforme à l’équité. Il serait en effet injuste que le

274 Pour la France, notamment Cass. fr. civ., 5 mai 1920, DP 1926. I. 37
275 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 472.
134

contractant qui ne reçoit pas livraison de l’objet qu’il a stipulé fut obligé néanmoins
d’exécuter sa propre obligation.
En cas de risque, cas fortuit et de force majeure, la résolution a lieu de plein droit si
la chose périt totalement (Code civil, livre III, art 379).
L’article 298, alinéa 1er du Code civil livre III prévoit ainsi que « si au moment de la
vente, la chose vendue était périe en totalité, la vente serait nulle ». De son côté l’article
379 dit que « si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas
fortuit, le bail est résilié de plein droit< ». Mais en cas de perte partielle ou en cas de
doute sur l’existence du cas fortuit, c’est le tribunal qui devra trancher le litige. Il n’y a pas
donc de résolution de plein droit. Les parties ont aussi un rôle important dans la solution
à intervenir (Voir art 270, 379, 397, 436 précités). Selon le principe donc, le contrat est
éteint et les risques sont supportés par le débiteur.
II. Exception à ce principe
A ce principe de la connexité des obligations réciproques des contrats
synallagmatiques qui se traduit lui-même en cas de risques par la règle res perit debitori,
il faut apporter une exception lorsque le contrat emporte transfert de la propriété. La règle
applicable à cet égard est celle de l’article 37 du Code civil congolais suivant laquelle « res
perit domino ».
Le dominus qui est visé, c’est le créancier de la livraison, c’est-à-dire l’acheteur de
sorte qu’en matière des contrats emportant transfert de propriété, la règle devient « res
perit creditori ». C’est dire que si la chose, objet du contrat périt par cas fortuit avant
d’être livrée à l’acheteur, la perte est, non pas pour le vendeur comme le voudrait la règle
énoncée ci-dessus (276), mais pour l’acheteur, qui n’en reste pas moins tenu de payer le
prix.
Quelle est la justification de cette règle ?
C’est l’article 37, alinéa 2 qui donne la justification à cette règle en décidant que
l’acheteur devient propriétaire au moment même du contrat en matière mobilière. C’est
donc en tant que propriétaire de la chose qu’il en supporte les risques.
D’où cette meilleure formulation de la règle en « res perit domino » à la place de
« res perit creditori ». Le vendeur a donc rempli son obligation principale qui était le
transfert de propriété. Cette obligation, dit l’article 37, alinéas 1 et 2, est considérée comme
parfaitement remplie dès le consentement des parties, encore que la tradition, c’est-à-dire
la livraison de la chose, n’ait point été faite. Il n’y a d’exception que pour les immeubles et
les choses de genre non individualisées.
Il est donc juste que si le vendeur a exécuté son obligation, l’acheteur doit exécuter
la sienne, c’est-à-dire payer le prix. Si la chose périssait, cette perte ne peut empêcher

276 Voir principe de la connexité, II, 1, supra.


135

l’acheteur de payer le prix, cette perte étant un risque naturel et normal pour tout
propriétaire.
En définitive, la règle « res perit domino » apparaît non pas comme une exception
au principe de la connexité des obligations, mais comme sa parfaite application. Il faut
bien entendu rappeler que la règle res perit domino ne se s’applique que pour les contrats
emportant transfert de la propriété. Ceci reviendra à dire, que la chose resterait aux
risques du débiteur, c’est-à-dire en cas de vente, du vendeur, toutes les fois que la perte
est survenue alors que celui-ci (le vendeur) était encore propriétaire de la chose vendue.
Il en sera ainsi notamment :
1°. lorsque les parties ont décidé que l’acheteur de la chose n’en deviendrait
propriétaire qu’au jour de la délivrance matérielle ;
2°. en matière immobilière avant l’enregistrement;
3°. en cas de vente de la chose déterminée seulement in genere, dont
l’individualisation ne doit se faire que plus tard. Ainsi, en cas de vente de 10 sacs
de riz, sans précision, si avant la livraison, il y a incendie dans le hangar du
vendeur où se trouvaient entassés l’ensemble des sacs de riz, sans
individualisation, les risques seront pour le vendeur ;
4°. en cas de mise en demeure du vendeur, les risques sont pour lui (art. 37, alinéa
2);
5°. en cas de vente sous condition suspensive, car pour que la vente se forme, il faut
que la chose existe au moment où la condition se réalise (Code civil, livre III, art.
80, al. 1er) ;
6°. en cas de vente sous condition résolutoire. Il y a controverse dans cette hypothèse
(277). Certains auteurs affirment que les risques sont pour l’acheteur (278) tandis
que d’autres affirment qu’ils sont pour le vendeur (279). La première position est
plus correcte puisqu’ avant la réalisation de la condition résolutoire, la propriété
passe chez l’acheteur;
7°. en cas de force majeure, il y a l’exception prévue par l’article 194, alinéa 1 er du
Code civil, livre III concernant les corps certains (l’obligation est éteinte).
Cas de risques partiels
Si l’impossibilité d’exécution d’une des obligations n’est que partielle, la solution
que l’on tire généralement est celle de l’article 379 sur le bail. Elle varie suivant que cette
exécution partielle a ou pas d’intérêt pour l’autre partie. Si l’exécution partielle n’a plus
d’intérêt pour l’autre partie, celle-ci est libérée de son obligation propre. Si elle conserve

277 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 474, p. 253.


278 C’est le cas pour Julliot de la Morandière, idem.
279 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 474, p. 253.
136

de l’intérêt, elle sera exécutée, mais les obligations de l’autre partie seront réduites (280).

Section 4 : Conséquences de l’inexécution ou du retard dans l’exécution(281)

La force obligatoire du contrat exige, nous le savons, que les parties exécutent
volontairement leurs obligations. Il s’agit de l’exécution en nature. Seuls la force majeure,
le cas fortuit et certaines causes libératoires que nous avons vues peuvent exonérer les
parties de leurs obligations.
Si cependant, le débiteur ne s’exécute pas, le créancier peut l’y contraindre par la
force. C’est l’exécution forcée qui peut être en nature ou par équivalent lorsque
l’exécution en nature est devenue impossible ou que le débiteur ne veut absolument pas
s’exécuter ou encore qu’étant possible, l’exécution n’est opérée qu’avec retard.
Les conséquences de l’inexécution ou du retard dans l’exécution de l’obligation qui
sont en même temps les sanctions de la force obligatoire du contrat sont double :
l’exécution en nature de l’obligation (§1) et l’exécution par équivalent ou en dommages -
intérêts (§2).
§1. Exécution directe ou exécution en nature de l’obligation
I. Principe
Etant donné que le contrat vise l’exécution de telle ou telle obligation précise, c’est
de préférence de cette obligation là que le créancier demandera exécution. Si le débiteur
ne s’exécute pas volontairement, le créancier se tournera vers le juge pour obtenir de force
l’exécution de cette obligation qui a été prévue par les parties. C’est cela l’exécution
directe ou en nature.
II. Obligations susceptibles d’exécution forcée en nature
L’exécution forcée en nature vise à contraindre le débiteur à exécuter l’obligation
telle qu’elle a été voulue par les parties.
1. Obligation de donner
L’exécution directe n’est à première vue possible que pour les obligations de
donner. C’est plus particulièrement l’obligation de délivrance qui sera le plus facilement
exécutée par la force publique grâce par exemple à la saisie judiciaire pour se faire mettre
en possession de la chose que le débiteur refuse de lui livrer.
Si la saisie des choses promises est impossible, le créancier pourrait être autorisé
par le juge à les acheter d’un autre aux frais du débiteur(282). La contrainte par corps,

280 En ce sens, Julliot de la Morandière (L), op. cit. n° 475


281 Julliot de la Morandière (L), op. cit. n° 476 et s. ; Marty (G) & Raynaud (P), op. cit. n° 231 et s., surtout 361, 508 et
650.
282 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 477 in fine. C’est le cas des choses fongibles. Voir aussi Cass. b., 6 mars
1919, Pas. 1919. I. 80
137

l’astreinte peuvent encore servir avec la saisie de moyens de contrainte.


Les autres obligations qu’emporte l’obligation générale de donner et qui sont
l’obligation de transférer et l’obligation de conserver se prêtent plus difficilement à
l’exécution en nature. En effet, l’obligation de transférer la propriété est quant à elle
automatique du moins pour les choses mobilières (art. 37). Sa nature propre ne permet
pas une exécution forcée. Mais l’on pourrait admettre que pour les choses immobilières,
l’on puisse matériellement contraindre le débiteur à accomplir les formalités
administratives de l’enregistrement grâce par exemple à l’astreinte portant sur le droit
d’enregistrement, la saisie des documents devant permettre la mutation, etc.
Quant à l’obligation de conserver, sa nature empêche aussi l’exécution forcée
directe. L’inexécution de cette obligation est sanctionnée par une condamnation en
dommages-intérêts.
2. Obligation de faire ou de ne pas faire
Pour les obligations de faire ou de ne pas faire, le principe de l’exécution en nature
ne semble pas devoir s’appliquer, car l’article 40 du Code civil congolais nous dit qu’une
telle obligation « se résout en dommages-intérêts en cas d’inexécution.
Une telle interprétation de l’article 40 donnerait ainsi au débiteur, ce qui
n’arrangerait pas le créancier, une certaine liberté soit d’exécuter, c’est-à-dire de prester le
fait promis, soit de refuser l’exécution et de préférer payer les dommages - intérêts.
Mais les articles 41 et 42 du Code civil, livre III qui offrent au créancier des moyens
d’exécution en nature des obligations de faire ou de ne pas faire prouvent que la formule
de l’article 40 est trop générale. Il est du reste généralement admis que l’exécution forcée
en nature était possible pour toutes les obligations quel que soit l’objet et notamment pour
les obligations de faire et de ne pas faire. Mais il faut reconnaître que cette exécution
forcée en nature est tout de même indirecte.
Ainsi l’article 42 du Code civil congolais décide que le créancier peut (en cas
d’inexécution d’une obligation de faire) être autorisé à faire exécuter lui-même
l’obligation aux dépens du débiteur. Par exemple : la justice autorisera le locataire à
exécuter au compte du bailleur les réparations que celui-ci a promises et qu’il refuse de
faire. C’est un tiers (par rapport au bailleur) qui exécutera les réparations. Autre exemple:
A demande au maçon B d’élever une clôture chez lui, le maçon n’exécute pas le travail. A
peut faire faire ce travail par C pour le compte du maçon B, c’est-à-dire aux dépens de ce
dernier.
L’article 41 reconnaît de son côté au créancier d’une obligation de ne pas faire le
droit de demander que ce qui a été fait par contravention à cette obligation soit détruit, et
lui permet de se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur. On voit dans ce
chaque cas le rôle du juge. Exemple : A et B conviennent qu’une servitude non aedificandi
pèse sur B. Si B construit, A peut faire démolir par C aux dépens de B.
138

En conclusion, l’article 40 du Code civil, livre III n’est pas d’application générale.
En réalité, il n’a fait que reproduire dans notre Code le vieil adage du droit romain
« nemo protest cogi ad factum » qui peut se traduire par « nul ne peut être contraint dans
sa personne à faire ou ne pas faire quelque chose, car ce serait une violence qui ne peut
être un mode d’exécution du contrat »(283).
Mais en pratique, l’article 40 n’est d’application que lorsqu’il est vraiment
impossible de contraindre le débiteur à l’exécution forcée en nature. Tel sera le cas
notamment :
1°. lorsque l’exécution en nature est devenue impossible du fait par exemple que la
chose à livrer a péri ou qu’elle n’a pas été livrée à une date utile pour le créancier.
Exemple : livrer le champignon pour le mariage et il l’est longtemps après les
festivités ;
2°. lorsque l’exécution en nature ne peut être possible qu’avec le concours du seul
débiteur qui ne veut pas bouger. C’est le cas où s’applique pleinement l’adage
« nemo potest cogi ad factum ».
C’est ainsi que si l’obligation du débiteur consistait, par exemple, à dessiner tel
plan pour l’immeuble dont le débiteur architecte connaît seul le secret, l’y forcer serait
inefficace.
Il en serait de même de l’obligation pour tel artiste de chanter ou jouer tel rôle. Le
forcer serait difficile. On se trouve ici dans des cas où « l’intuitu personae » joue.
III. Moyens de contrainte
Dans tous les cas, le créancier qui souhaite obtenir une exécution forcée en nature
dispose de divers moyens de contrainte directs ou indirects.
Parmi les moyens de contrainte directs l’on peut citer la saisie (arrêt, conservatoire,
brandon) qui vise spécialement l’obligation de délivrance; la force publique à laquelle on
recourt dans les hypothèses visées à l’article 41 du Code civil, livre III grâce à un titre
exécutoire; la faillite et la déconfiture.
Parmi les moyens indirects, on devra citer les voies d’exécution telles que la
contrainte par corps, la menace d’action en resolution, l’exception d’inexécution et, les
astreintes qui concernent surtout les obligations de faire et de ne pas faire.
Ce dernier moyen qui est de pratique jurisprudentielle aboutit souvent à
triompher du mauvais vouloir du débiteur. Mais arrêtons-nous davantage sur l’astreinte.
1. Notion de l’astreinte
L’astreinte est un procédé indirect de contrainte consistant pour le juge à
condamner le débiteur qui refuse ou qui tarde à s’exécuter, à payer au créancier une
somme d’argent égale à tant par jour, et ce pour toute la durée de l’inexécution ou du

283 Travaux préparatoires du Code civil français, in Fenet, XIII, p. 232


139

retard d’exécution (284).


2. Caractère de l’astreinte
La condamnation de l’astreinte ne vise pas à réparer le préjudice causé au
créancier par l’inexécution définitive ou le retard d’exécution de l’obligation. Elle n’a pour
but que de contraindre le débiteur à s’exécuter.
En cela, elle se distingue par quelques traits particuliers d’une véritable
condamnation à des dommages - intérêts.
1° L’astreinte est comminatoire alors que les dommages - intérêts sont fixés en
fonction du préjudice subi. Elle est comminatoire en ce sens qu’elle est prononcée non pas
pour réparer un dommage subi et définitivement déterminé, mais pour contraindre le
débiteur à s’exécuter. En conséquence les juges fixent le chiffre, non pas d’après le
préjudice subi mais en considération du résultat qu’ils veulent atteindre. Ce chiffre variera
donc suivant le degré de résistance opposé par le débiteur et peut être aussi suivant le
degré de sa fortune.
L’astreinte est une espèce d’épée de Damoclès qui pend sur la tête du débiteur et
qui vise à le forcer à s’exécuter, à le fléchir, à défaut de quoi, il aura à payer les sommes
arrêtées par le juge. C’est une menace, un moyen de pression.
2° L’astreinte est indéterminée, car on ne sait pas pendant combien de temps
durera la résistance du débiteur, alors que les dommages-intérêts sont fixés par le juge
après appréciation du dommage intégral au jour du prononcé.
3° Enfin, l’astreinte est provisoire car le juge peut, suivant l’effet qu’elle produit,
soit la supprimer, soit en augmenter le chiffre soit au contraire la réduire.
3. Critiques de l’astreinte
Longtemps laissée à la seule pratique jurisprudentielle en France et en Belgique,
l’astreinte fait aujourd’hui dans ces pays, l’objet de dispositions législatives. En effet, dans
le cadre de la réforme de la procédure civile en France, la loi n° 72/626 du 05 juillet 1972
(285), consacre ses articles 5 à 8 à l’astreinte en matière civile. D’autres dispositions figurent
désormais dans le nouveau Code de procédure civile française (286). Par ailleurs, la loi
française n° 80/539 du 16 juillet 1980 (287) consacre ses articles 2 à 6 à l’astreinte en matière
administrative. L’article 1er de cette loi contient des dispositions relatives à l’exécution des
jugements par les personnes morales de droit public.

284 Voir autres précisions Vocabulaire Dalloz, v° Astreinte ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°479 ; Colin (A) et
Capitant (H),op. cit., II, n°175. L’astreinte vise surtout les obligations de faire et de ne pas faire qui posent
précisément des problèmes en ce qui concerne l’exécution forcée en nature.
285 Dalloz, 1972, p. 361
286 Nouveau Répertoire Dalloz, mise à jour 1978, T.I., 281 ; Chabas (F), La réforme de l’astreinte (loi du 5 juillet 1972),
D. 1972, chron. 271
287 Dalloz, 1980, p. 285 ; Baraduc –B (E), L’astreinte en matière administrative, D. 1981 chron. 95 ; Nouveau Répertoire
Dalloz, v° Astreinte, p.90 mise à jour 1980 et 1982
140

En Belgique, c’est la loi du 31 janvier 1980 qui introduit l’astreint dans ce pays (288).
Quant à la jurisprudence belge (289), suivie en cela de la majorité de la jurisprudence
congolaise, elle n’admet pas la légalité de ce procédé (283). A l’instar de l’ancienne
jurisprudence belge(290), les critiques opposées contre l’astreinte sont restées les mêmes au
Congo qu’en France. Elles ont été formulées en son temps en France avant la loi de 1972.
1° En tout premier lieu, on a objecté à la théorie de l’astreinte le fait qu’elle ne
repose sur aucun fondement légal et qu’au contraire elle donne au juge le pouvoir de
sanctionner ses injonctions par des condamnations pécuniaires à titre de contrainte, ce qui
est contraire aux articles 48 et 49 du Code civil congolais.
Le Code civil ne prévoit en effet, qu’une alternative ou l’exécution directe est
possible, et dans ce cas le tribunal doit y condamner le débiteur, ou elle est impossible et
il ne peut alors qu’accorder au créancier des dommages-intérêts dont les articles 48 et 49
déterminent l’étendue. Il n’y a pas de peines mêmes civiles, sans la loi. Voici en effet
comment disposent les articles précités.
Article 48 : « Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été
prévus ou que l’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point, par son dol que
l’obligation n’est point exécutée.
Article 49 : « Dans le cas même où l’inexécution de la convention résulte du dol du
débiteur, les dommages & intérêts ne doivent comprendre, à l’égard de la perte éprouvée
par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe
de l’inexécution de la convention ».
2° La deuxième objection contre le procédé de l’astreinte est qu’il viole le principe
de la chose jugée. En effet, une fois qu’un tribunal a statué, il est dessaisi. Son jugement
devient quant à lui définitif et il ne peut plus le modifier. Or, le caractère comminatoire et
provisoire de l’astreinte fait que le tribunal peut revenir sur le chiffre qu’il a avancé pour
le supprimer, l’augmenter ou le réduire.
Ceci dit, il y a lieu de noter qu’en Belgique (291), comme chez nous (292), le juge peut
sans se référer au procédé de l’astreinte, déterminer des dommages-intérêts moratoires

288 Voir à ce sujet Malengreau (X), L’introduction de l’astreinte en droit belge, Louvain, collection Centre Droit des
obligations, doc. 80/5. La loi du 31 janvier 1980 portant approbation de la convention Benelux portant loi uniforme
relative à l’astreinte et de l’annexe (loi relative à l’astreinte) signées à La Haye, le 26 novembre 1973 a introduit dans
le code judiciaire, quatrième partie, livre IV un nouveau chapitre XXIII, intitulé « De l’astreinte ».
289 A l’exception de 1ère inst. Léo, 12 juillet 1935, RJCB 1940, p. 105 avec note, E.F., les autres décisions en la matière
sont contre l’astreinte. Cfr. 1ère inst. Coq ; 15 novembre 1926, RJCB, 1930, p. 269 ; 1ère inst. Elis., 20 mai 1932,
RJCB. 1932, p. 255 ; 27 juillet 1939, RJCB 1947, p. 65 ; Elis., 20 août 1968, 19 décembre 1968, 24 décembre 1968,
RJCB 1969, n°1, pp.47 à 53
290 Cass.b., 24 janvier 1924, Pas. 1924, I, 151 et conclusions Terbonden ; 22 novembre 1927. I. 92 ; 10 mars 1932,
Pas. 1932 I.9 ; 14 mai 1936, Pas. I. 257 ; cass. 30 septembre 1937, Pas. 1937. I. 249
291 Cass. b . 17 mars 1921, Pas. 1921. I. 297 ; 25 février 1937, Pas. I. 73
292 Elis, 7 avril 1964, RJCB, p. 171. Voir en France, les difficultés que soulève l’application des astreintes, Weil (A), op.
cit., n°814 et s., Cass. fr. civ., 20 octobre 1959 D.59, 537, note Holleaux
141

qui résulteraient du retard prévisible dans l’exécution d’une obligation et qui porterait
préjudice au créancier. Ces dommages-intérêts n’ont rien de commun avec l’astreinte. Ils
constituent une condamnation prononcée à titre d’indemnités et non à titre de contrainte
et il s’agit là d’une condamnation définitive et non provisoire. En ce qui concerne la
liquidation, on se réfère non au préjudice du retard, mais à la gravité de la faute. On
distingue ainsi l’astreinte des dommages intérêts car le cumul est admis. Sinon, il n’y a
pas d’efficacité à l’astreinte.
§2. Exécution par équivalent ou en dommages intérêts
Lorsque l’exécution en nature est vraiment impossible, l’obligation contractuelle
se résout en dommages - intérêts au bénéfice du créancier. En d’autres termes, le
créancier de l’obligation contractuelle inexécutée aura droit de la part du débiteur à une
certaine somme d’argent à tire d’indemnité du préjudice que lui aura causé l’inexécution
de l’obligation. On parle dans ces conditions également de la responsabilité contractuelle
du débiteur qui n’est en fait qu’un aspect particulier de la responsabilité civile générale.
Nous y reviendrons.
Mais signalons qu’en matière contractuelle, la responsabilité du débiteur ne peut
intervenir que lorsque se trouvent réunies certaines conditions précises dont le
mécanisme est d’ailleurs repris à la responsabilité civile générale. Il faut :
1°. que l’inexécution de l’obligation du débiteur entraîne un dommage au créancier
et que ce dommage soit bien le fait de cette inexécution. Notons que la preuve du
dommage incombe au créancier;
2°. que cette inexécution soit imputable au débiteur (exclusion du cas fortuit et de la
force majeure);
3°. que le débiteur ait été mis en demeure;
4°. que l’inexécution n’ait pas été couverte par une clause d’irresponsabilité.
Certaines de ces conditions ont déjà été examinées. Les autres sont empruntées au
mécanisme de la Responsabilité civile générale. Nous les développerons dans le titre
suivant. Il importe ici d’examiner d’abord la nature des dommages-intérêts eux-mêmes
(I) et d’étudier ensuite diverses questions soulevées par cette notion notamment leur
fixation générale par le juge (II), la fixation particulière des dommages et intérêts par la
loi en ce qui concerne les obligations ayant pour objet une somme d’argent (III) et enfin
les clauses conventionnelles spéciales relatives à la responsabilité contractuelle du
débiteur et aux dommages-intérêts (IV).
I. Nature des dommages-intérêts
Les dommages-intérêts (DI) sont soit compensatoires soit moratoires.
Les DI compensatoires sont ceux destinés à réparer le préjudice causé au créancier
par la non-exécution de l’obligation du débiteur (impossibilité d’exécution ou expiration
142

du temps utile pour l’exécution). Ils compensent, c’est-à-dire ils tiennent lieu de
l’exécution en nature et ne peuvent donc pas se cumuler avec cette exécution en nature.
Les DI moratoires quant à eux sont ceux destinés à réparer le préjudice que cause
au créancier le retard apporté par le débiteur à l’exécution de son obligation, à dater du
jour où il a été mis en demeure. Ces DI moratoires restent dus alors même que le débiteur
a ensuite accompli sa prestation. Ils peuvent ainsi se cumuler avec l’exécution en nature
qui aura été tardive. Peut-on concevoir que ces DI moratoires se cumulent avec les DI
compensatoires que le créancier recevrait une indemnité calculée à un double titre ? La
Cour suprême de justice a répondu par la négative (287 bis, voir note 291 bis).
II. Fixation des DI par le juge
A. Principe
Le juge fait une évaluation souveraine du montant des DI, le but étant la
réparation intégrale du préjudice évalué au jour du prononcé. Il s’agit d’une question de
fait qui échappe au contrôle de la Cour de cassation. Seront donc pris en
considération aussi bien:
1° le préjudice moral que le préjudice matériel comprenant le lucrum cessans
(manque à gagner) que le damnum emergens (perte subie) (art. 47 du Code civil congolais
(293). Exemples : A attend de B, x tonnes de sucre. B ne livre pas. Si A achète à C ce sucre à
un taux élevé, il peut demander à B le remboursement du supplément du prix et le
bénéfice manqué (bénéfice de vente qu’il a pu manquer).
Si un acheteur engagé pour un spectacle manque, il faut payer : a) les frais de
location de la salle, frais de publicité, b) le bénéfice net qui aurait été réalisé si le spectacle
avait eu lieu ;
2° le préjudice futur que le préjudice actuel à condition qu’au jour du jugement ce
préjudice soit d’ores et déjà certain. On écarte le préjudice purement éventuel ;
Lorsque l’existence d’un préjudice est établie, mais que le demandeur ne fournit
pas des éléments de base certains pour en calculer le montant, celui-ci doit être évalué ex
aequo et bono (294).
B. Limitations
A ce principe de la réparation intégrale, existent deux limitations.
1° Le préjudice indirect est exclu de la réparation (art. 49 du Code civil congolais).
Il faut donc une relation de cause à effet; il peut y avoir plusieurs dommages qui résultent
de l’inexécution du contrat. Ce qui est retenu, c’est la seule suite immédiate et directe de

293 1ère inst. L’shi, 23 mai 1967, RJC 1970, p. 297


294 Léo, 22 novembre 1932, Jur. Col. 1932-1933, p. 249 ; Elis., 29 mars 1913, RJCB 1931, p. 212 ; Kin, 12 avril 1972,
RJZ 1976, p. 89
143

l’inexécution de la convention. Sur la cascade des dommages, seul le dommage direct sera
retenu à la réparation.
Ainsi lorsqu’à la suite de l’inexécution par A de son obligation de livrer telles
marchandises, le contractant A en est tombé malade, s’est absenté de son travail et a été
renvoyé. A ne peut réclamer le dédommagement de ce dernier préjudice, car celui-ci est
indirect. Il ne peut exiger que le dédommagement du préjudice subi par sa firme. De
même, si l’organisateur d’un spectacle qui n’a pas eu lieu tombe malade de ce fait, il ne
pourra réclamer le remboursement de frais médicaux.
2° Le préjudice impossible à prévoir ou qui n’a pas été prévu. Il faut noter qu’il
s’agit du préjudice qui n’a pas été prévu de bonne foi. Il est exclu de la réparation
intégrale sauf quand il y a dol. On protège ainsi le débiteur de bonne foi (art. 48 du Code
civil congolais). Il convient de noter que la prévisibilité concerne la qualité et non
l’existence de ce dommage (295). Dans ce cas, le débiteur qui a commis un dol ou une faute
intentionnelle réparera même les dommages non prévus, par exemple les valeurs
supérieures à celles généralement supportées en cas de dégradation de bagages.
III. Fixation des DI par la loi dans les obligations ayant pour objet une somme d’argent
La question est réglée par l’article 51 du Code civil, livre III. Il ne peut s’agir ici
que des DI moratoires et non compensatoires, car on ne peut transformer une somme
d’argent en une autre somme d’argent. Dans les obligations qui portent sur une somme
d’argent, les DI moratoires ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts
fixés par le juge (296). Par ailleurs la Cour suprême de justice a clairement dit que les
intérêts moratoires ne pouvaient être cumulés avec des intérêts compensatoires (297).
A. Principe et procédure
La solution adoptée par l’article 51 du Code civil, livre III pour fixer les DI en cas
d’inexécution d’une obligation ayant pour objet une somme d’argent est différente de
celle du Code Napoléon. En effet, alors que dans le Code Napoléon, les DI sont calculés
suivant un taux fixé par la loi et de manière générale, fixe et invariable, chez nous ce taux
est fixé par le juge suivant le taux moyen courant de l’argent. Mais comme en France, ce
taux est chez nous invariable et fixe; c’est donc un forfait judiciaire(298). On parle d’ailleurs
chez nous d’intérêts judiciaires au lieu d’intérêts légaux comme en droit français et belge.
La jurisprudence congolaise révèle que ce taux d’intérêts judiciaires est fixé à 6 % en
matière civile et 8 % en matière commerciale (299). Ces intérêts, dit l’article 51, alinéa 3, ne
sont dus que du jour de la demande (exemple : art. 329, al. 4 ; 502 et 537) sauf

295 Weil (A), op. cit., n° 408 et s.


296 L’shi, 3 août 1973, RJZ 1973, p. 266
297 CSJ, 14 novembre 1984, Mondele Lusamba c/Bisambu Mubete, BA, 1980 à 1984, p. 524
298 C’est un forfait par sécurité juridique, pour éviter toute contestation et réévaluation arbitraire de l’appréciation du
dommage subi.
299 Voir note n° 291
144

exception(300).
D’autre part, les DI judiciaires ne sont pas alloués d’office. Ils ne le sont que sur
demande expresse formulée par le créancier dans son exploit introductif d’instance ou
dans ses conclusions. La simple mise en demeure ne suffit pas pour obtenir les DI. Il faut
les demander de façon expresse et ils ne peuvent être exigibles qu’à partir de la date de la
demande en justice seulement (301).
Par ailleurs, les conditions d’obtention de ces intérêts judiciaires sont simplifiées.
L’article 51, alinéa 2 du Code civil, livre III dispose que le créancier n’a pas à prouver le
dommage subi. La loi présume l’existence de ce préjudice. En effet, le non-payement de la
somme qui lui est due prive nécessairement le créancier de l’intérêt qu’il en aurait retiré.
Elle lui cause donc toujours un préjudice.

300 Art. 254, 329 al. 3 et 542 CCC/par le créancier.


301 Kin, 20 octobre 1972, RJZ 1976, p. 89
145

B. DI conventionnels
Le taux de l’intérêt judiciaire n’est pas d’ordre public. Les parties peuvent donc y
déroger en fixant librement un taux différent. C’est l’intérêt conventionnel (art. 480 du
Code civil congolais). Notons que dans certains pays même ce taux d’intérêt
conventionnel a été réglementé et limité pour protéger les débiteurs qui ont besoin
d’argent contre l’usure de certains créanciers.
C. Intérêt des intérêts dus par le débiteur ou anatocisme (302)
Par anatocisme, du grec « ana tokos » : « nouveau produit », on entend, comme
souligne le Répertoire pratique du droit belge, la capitalisation des intérêts (303).
L’anatocisme ou le problème de la capitalisation des intérêts est réglementé par
l’article 52 du Code civil congolais : « Les intérêts échus des capitaux peuvent produire
des intérêts ou par une demande judiciaire ou par une convention spéciale, pourvu que,
soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une
année entière ». Le Code civil est donc sévère et tend à protéger les débiteurs contre des
créanciers qui pourraient exploiter leurs besoins.
La capitalisation des intérêts est donc permise dans notre droit. Les intérêts
peuvent produire des intérêts, en vertu d’une convention ou d’une demande en justice,
mais précise l’article 52, il ne doit s’agir que d’intérêts dus au moins pour une année
entière et d’intérêts échus (304). La capitalisation trimestrielle ou semestrielle est exclue.
D. Exception
Contrairement à l’article 51, l’article 52 du Code civil, livre III édicte que les
revenus échus tels que fermages et loyers (305) produisent intérêts non pour une année
entière, mais du jour de la demande ou de la convention. Cette exception s’explique par le
fait que ces créances périodiques ne représentent pas les intérêts du capital auquel elles
viendraient s’ajouter. Dès lors, leur capitalisation offre le même danger que celle des
intérêts (306).
IV. Clauses conventionnelles relatives à la responsabilité du débiteur et aux DI (307)

La détermination des DI peut faire l’objet de conventions de la part des parties


elles-mêmes. Ces conventions ont l’avantage d’éviter les contestations. Elles tendent la
plupart du temps soit à diminuer soit à supprimer la responsabilité du débiteur. Il

302 Verbraeken (C) et De Schoutheete (A), « L’anatocime », in JT, n° 5495 du 18 février 1989, pp. 11-103
303 RPDB, v° Obligation, n° 881.
304 Voir pour l’interprétation Cass. b., 22 décembre 1938, Pas. I, 405. Pour les développements, Verbraeken ( C) et De
Schoutheete (A) , op. cit., p. 101
305 On y ajoute les comptes courants par la simple coutume commerciale. Cass. b., 27 février 1930, Pas. 1930, I, 129 ;
RTDC 1931, p. 708 et 1932, p. 849 ; Sohier (A), Novelles de Droit colonial, T. IV, n° 89.
306 Voir pour la critique Weil (A), Droit civil. Les obligations, Précis Dalloz, Paris, Dalloz, 3è éd. 1980, n° 443- 444.
307 Développement in Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 498 et s.
146

convient de voir, par exemple, les clauses générales du connaissement dans les
transports maritimes pour s’en rendre compte (308).
Trois sortes de clauses sont possibles : les clauses fixant forfaitairement des DI ou
clauses pénales, les clauses limitant à un certain maximum la responsabilité du débiteur
et enfin, les clauses de non-responsabilité.
A. Clauses pénales
1. Définition
La clause pénale constitue une convention subsidiaire à un contrat principal et par
laquelle les contractants évaluent par avance les dommages-intérêts dus par le débiteur,
en cas de retard ou d’inexécution de la convention principale (Code civil, livre III, art. 124,
al. 1).
Ce qui est fixé à l’avance, ce n’est pas une peine (amende ou privation de liberté)
comme peut le faire penser le terme pénal mais une certaine indemnité. A première vue,
la clause pénale apparaît comme un moyen de contrainte sur le débiteur. En réalité, tel
n’est pas l’effet essentiel de la clause pénale, car le plus souvent la clause pénale bénéficie
au débiteur, son but étant de diminuer forfaitairement les DI qui pourraient être dus en
droit commun (309).
Ces clauses sont très fréquentes : c’est notamment le cas des clauses de dédit en
matière de contrat d’emploi (310) et des clauses pénales en matière de contrat de fourniture
des travaux.
2. Caractères
La clause pénale présente deux caractères : elle tient de lieu de DI ; elle est un
forfait.
1° La clause pénale tient de lieu de DI. Ceci signifie d’abord que le débiteur n’est
tenu de payer la clause pénale que dans le cas où il peut être condamné à des DI. C’est
dire que les conditions de débition des DI doivent être remplies : l’inexécution ou le retard
d’exécution doit lui être imputable (ce qui exclut le cas de force majeure); le débiteur doit
être mis en demeure (art. 128 du Code civil congolais). En effet, après mise en demeure du
débiteur par le créancier, il est licite d’appliquer la clause pénale prévue dans la
convention en cas de rupture fautive de celle-ci par l’acheteur (311). Le créancier n’est pas
obligé de prouver que l’inexécution lui cause préjudice puisque ce préjudice a été à
l’avance présumé et évalué dans le contrat. En d’autres termes, l’existence et le quantum

308 Ces clauses déterminent les dommages-intérêts en cas de perte ou d’avarie des marchandises transportées.
309 De Page (H), op. cit., t. III, n° 117 et 119. L’article 127, al. 1 er fait allusion à une sorte de négociation entre les
parties.
310 Voyez notamment Elis, 25 septembre 1915 et novembre 1915, Jur. Col. 1929, p. 44 avec note et p. 169 ; Léo, 19
décembre 1929, RJCB 1930, p. 73 ; Elis, 17 janvier 1942, p. 45.
311 L’shi, 28 janvier 1972, RJZ 1972, p. 69
147

du préjudice ne doivent pas être discutés comme l’ont voulu les parties.
Par ailleurs, une autre conséquence du fait que la clause pénale tient lieu des DI
est que le créancier a toujours le droit, lorsque le débiteur ne s’exécute pas, de poursuivre
l’exécution directe de l’obligation toutes les fois qu’elle est possible. C’est seulement au
cas où elle est impossible, dit l’article 126 du Code civil, livre III, qu’il doit se contenter de
demander la « peine » stipulée.
Enfin, la dernière conséquence de ce premier caractère de la clause pénale est que
le créancier ne peut demander en même temps le principal, c’est-à-dire l’exécution directe
de la prestation et la peine, à moins que cette dernière n’ait été stipulée pour le simple
retard (Code civil, livre III, art. 127, al. 2).
2° La clause pénale est un forfait. Contrairement aux intérêts judiciaires ou
conventionnels étudiés précédemment et qui sont variables, les DI fixés par la clause
pénale sont un forfait déterminé à l’avance et de façon définitive par les parties en cas
d’inexécution ou de retard d’exécution. Le juge ne peut donc pas en conséquence allouer
au créancier une somme plus forte ni moindre quand bien même il trouverait le chiffre
insuffisant ou excessif. Telle est la disposition de l’article 50 du Code civil congolais dont
le but est aussi de limiter le nombre de procès (312).
Toutefois, la loi elle-même ainsi que la jurisprudence permettent au juge, dans
certains cas, de modifier l’indemnité forfaitaire prévue conventionnellement par les
parties. L’article 129 du Code civil, livre III permet au juge de modifier la peine lorsque
l’obligation n’a été exécutée qu’en partie; la jurisprudence admet également qu’en cas de
dol ou de faute lourde du débiteur, il peut être alloué des DI dépassant le forfait (313).
D’autre part, lorsque la clause fixe l’indemnité à un chiffre tellement bas qu’elle
équivaut en fait à une clause de non responsabilité, il arrive souvent que la jurisprudence
permette au juge d’augmenter l’indemnité, voire d’annuler la clause.
Rappelons avant de passer à la deuxième catégorie des clauses que la clause
pénale est une convention accessoire à la convention principale. C’est dire que si la
convention principale est nulle, cette nullité entraîne celle de la clause pénale (art. 125).
Par contre, la nullité de la clause pénale n’entraîne point celle de l’obligation principale
(art. 125, al. 2). Lorsque l’obligation principale est anéantie, la clause pénale devient
inopérante.

312 Le Code civil allemand et le Code fédéral suisse permettent au juge de diminuer ou de renforcer les DI en cas de
nécessité. Je pense personnellement qu’une telle disposition enlève à la clause pénale son caractère forfaitaire et
son économie qui est d’éviter les procès. En ce sens, Colin (A) et Capitant (H),op. cit., t. II, n°164. Voir aussi De
Page (H),op. cit., t. III, n°12 4bis. Chez nous aussi l’article 31, al. 4 du décret-loi du 21 février 1965 sur le pouvoir de
modérer l’indemnité excessive.
313 Planiol (M) et Ripert (G),op. cit.,t. VII, n° 869 ; RTDC, 1936, p. 684 ; Mazeaud (H, L et J) et Tunc (A), op. cit., t. III, n°
2628 et s.
148

B. Clauses limitatives de responsabilité


Ce sont celles par lesquelles le contrat fixe le maximum possible des DI. Elles
diffèrent des clauses pénales en ce que le juge pourra accorder une somme moindre s’il
estime que le préjudice est inférieur au maximum prévu. Ces clauses sont en principe
valables sauf en cas de dommages causés à la personne. Elles ne jouent pas non plus en
cas de dol ou de faute lourde de la part du débiteur(314). La jurisprudence écarte
également les clauses fixant le taux des DI à un montant insignifiant. C’est le cas du
contrat de transport terrestre où le transporteur et le client limitent les DI en cas de pertes
ou d’avaries.
C. Clauses de non responsabilité ou clauses élisives de responsabilité
La question qui se pose ici est celle de savoir si par convention les parties peuvent
exonérer complètement le débiteur de sa responsabilité en cas d’inexécution ou de retard
d’exécution de son obligation. Alors que la validité des clauses pénales ou limitatives de
responsabilité n’a jamais fait de doute, celle des clauses excluant complètement la
responsabilité du débiteur en cas d’inexécution de son obligation a, dans le silence de la
loi, donné lieu à de graves controverses.
La jurisprudence proclame en principe cette validité mais avec des atténuations et
des exceptions. La loi quant à elle a en droit étranger statué expressément dans certains
cas spéciaux. Il faudra se référer pour les exemples concrets des lois spéciales étrangères
relatives aux clauses de non-responsabilité, aux nombreux ouvrages de droit étranger que
nous avons déjà signalés.
Voyons donc rapidement quelle est la position de notre droit. Il ne faut pas
confondre ici la clause de non-responsabilité et l’assurance de responsabilité. La différence
principale réside dans le fait qu’en cas d’assurance de responsabilité, l’obligation du
débiteur ne disparaît pas comme c’est le cas lorsqu’il y a clause de non-responsabilité. En
effet, en cas d’assurance de responsabilité, l’obligation du débiteur ne fera que se déplacer
pour ne peser désormais que sur la tête de l’assureur et ce moyennant une prime que le
débiteur paie à l’assureur.
Cette précision étant faite, disons que chez nous comme ailleurs la loi n’a pas réglé
de façon générale cette question. La loi intervient dans certains cas spéciaux pour
interdire totalement ou partiellement les clauses d’exonération de responsabilité. C’est ce
que font dans notre pays, les articles 2 et 3 du décret du 30 mars 1931 relatif à la
responsabilité des transporteurs (315).
Les entrepreneurs des services réguliers de transport ne peuvent pas s’exonérer de

314 En effet, il a été jugé que la clause limitative de responsabilité prévue par l’art. 12 du Décret du 30 mars 1931 relatif
à la responsabilité des transporteurs n’est applicable qu’en cas de faute légère (Kin, 31 août 1971, RJZ, 1973, p.
170).
315 BO 1931, p. 257 ; Les Codes Larcier. République démocratique du Congo, t. III, vol. I, 2002, p. 122.
149

leurs responsabilités sauf en ce qui concerne les bénéficiaires de libre parcours ou ceux qui
commettent des fautes personnelles. Quant à la jurisprudence, elle admet chez nous
comme ailleurs, le principe de s’exonérer par convention de la responsabilité
contractuelle(316). Toutefois, ce principe connaît des atténuations :
1°. en cas de faute lourde et de dol du débiteur, la clause d’exonération n’a aucun
effet. Il est inéquitable et contraire à l’ordre public de s’exonérer à l’avance contre
son dol ou sa faute lourde. Les notions de dol et de fautes lourdes (assimilées au
dol suivant l’adage culpa lata dolo aequiparatur) sont des questions de fait
laissées à l’appréciation du juge(317) ;
2°. certains auteurs enseignent également que l’engagement du débiteur risque de
ne pas être sérieux à la suite d’une clause de responsabilité et ce compte tenu de
la nature propre de cette obligation du débiteur, la clause d’irresponsabilité
n’aurait aucun effet. C’est souvent le cas pour l’obligation de l’architecte (318) ;
3°. les clauses d’irresponsabilité relatives à l’intégrité physique de la personne sont
aussi sans effet.
Appréciation
J’avoue personnellement être défavorable à la validité de clauses d’irresponsabilité
contractuelle, car de la même manière qu’il faut rejeter les clauses d’irresponsabilité
délictuelle qui favorisent la négligence et le manque de circonspection de la part du
débiteur de l’indemnité - ce qui serait contraire à la morale et à l’ordre public - de la même
manière il faudrait être circonspect sur ce qui concerne les clauses d’irresponsabilité
contractuelle : celles-ci inciteraient en effet les débiteurs à ne pas exécuter leurs obligations
de bonne foi comme l’exige l’article 33 du Code civil, livre III, puisqu’ils sauraient leur
négligence couverte par la convention.
Enfin d’une façon générale je suis pour une généralisation du monde d’évaluation

316 La clause d’irresponsabilité délictuelle est à mon avis contraire à l’ordre public.
317 Cette assimilation dol - faute lourde est consacrée dans notre droit de la même manière qu’en France (voir Mazeauc
(H, L et J) et Tunc (A),op. cit., t. I, n°675-2 ; Marty (G) & Raynaud (P),op. cit.,t. II, vol. I, n°413 ; Orban (P),op. cit.,
n°266 ; Rae (M), op. cit., n°241 ; Léo, 13 mars 1926, Jur. Col. 1928, p. 77 ;16 mars 1959, RJCB 1960, p. 9, 1 ère Inst.
Léo, 22 fév. 1928, Jur. Col. 1928, p. 56 ; 1ère inst. Stan, 30 avril 1951, RJCB 1952, p.189, 1ère inst. Léo, 18 mai 1953,
RJCB 1954, p. 19 ; 1ère inst. Stan, 10 juillet 1953, RJCB 1954, p. 101 ; Kin, 31 août 1971, RJZ 1973, p. 170. Notons
toutefois que le droit belge a introduit une distinction entre le dol et la faute lourde à la suite des arrêts de la Cour de
cassation du 25 septembre 1959, Pas. 1960, I, 133 ; 5 janvier 1961, Pas. 1961, I., 483. La jurisprudence congolaise
a été influencée par cette évolution du droit belge. Cfr Léo, 2 juillet 1959, RJCB 1960, p. 222 ; comp. Elis, 23 janvier
1962, RJCB 1963, p. 12 ; voir aussi les études de Desimplaere, « La faute grave du conducteur d’automobile et le
contrat d’assurance de responsabilité civile en droit belge », RJCB 1956, p. 77 et s. 161 et s. ; Rae (M), « La validité
des clauses élisives de la responsabilité ou limitatives des dommages-intérêts dans les contrats de transport en cas
de faute lourde ou de dol », RJCB 1961, p. 43 et s.
318 En ce sens, De Page (H),op. cit., t. II, n°608, 1052 et s. ; Van Ryn, étude dans RGAR 1931, n°703 et
« Responsabilité aquilienne et contractuelle », n°225 et s. 241 et s. ; Mazeaud (H, L et J) et Tunc (A), op. cit., t. III,
2519 et s.
150

des DI. Je propose à cet égard que le taux des DI actuellement dégagé par la jurisprudence
soit fixé par la loi pour éviter toute contestation et tout arbitraire. Les DI judiciaires
deviendraient ainsi au Congo comme ailleurs des DI légaux auxquels on ne peut déroger
que par une convention expresse des parties qui préféreraient les intérêts conventionnels.
Quant à l’astreinte, j’avoue que même si son efficacité est certaine surtout avec les
lois en France et en Belgique et avant elles, la tendance de la Cour de cassation en
France(319) de cumuler les DI légaux, peut par contre produire le même effet que
l’astreinte et forcer le débiteur à veiller à l’exécution de son obligation.
Enfin, pour favoriser le développement du commerce, il convient de maintenir les
diverses clauses relatives aux DI avec les tempéraments que nous avons déjà examinés à
savoir, écarter les clauses en cas de dol, de faute lourde ou celles relatives à
l’irresponsabilité.

319 Cass. fr. civ., 20 octobre 1969


151
152

Chapitre V : Effets des contrats a l’égard des tiers

Schéma : Effets internes relatifs du contrat


A B

C Effets externes : opposabilité du contrat.


Tiers
Dans le chapitre précédent, nous avons étudié la portée de la force obligatoire du
contrat entre les parties. Dans ce chapitre, nous allons préciser cette notion et examiner les
effets du contrat à l’égard des tiers. En principe, les effets du contrat se limitent aux
rapports des parties entre elles : c’est la règle de la relativité des conventions formulée par
l’article 63 de notre Code civil. Mais en formulant ce principe, l’article 63 prévoit lui-
même des dérogations. Nous examinerons d’abord le principe de la relativité des
conventions (Section I), puis les dérogations à ce principe (Section II).

Section 1 : Principe de la relativité des conventions (320)

§1. Siège de la matière


C’est l’article 63 du Code civil congolais, livre III qui pose le principe de la
relativité des conventions. « Les conventions n’ont d’effet qu’entre parties contractantes ;
elles ne nuisent point aux tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article
21 ».
Ce texte n’est en fait qu’une traduction du vieil adage « res inter alios acta aliis nec
(ou neque) prodesse, nec nocere potest » qui peut littéralement se traduire par « une chose
faite entre d’autres ne peut ni profiter ni nuire à d’autres que ceux qui l’ont faite ».
L’article 63 prévoit lui-même des exceptions à ce principe dont il importe à présent de
préciser la portée.
§2. Portée du principe de la relativité des conventions
Le principe de la relativité se déduit logiquement de la notion même du contrat et
surtout de l’idée de l’autonomie de la volonté qui sous-tend elle-même la conception du
contrat dans notre droit. Il est naturel que la force obligatoire du contrat ne s’impose que
sur ceux là qui ont voulu ses effets, qui ont consenti volontairement à ce que ses effets
juridiques ne les concernent qu’eux.
Il apparaît par contre tout aussi logique que les tiers qui n’ont pas recherché ces

320 Weil (A), La relativité des contrats en droit privé français, Thèse Strasbourg 1939 ; Savatier ( R), RTDC 1934, p.
525.
153

effets, qui sont donc étrangers au contenu de ce contrat qui ne rentrent pas dans cette
sphère contractuelle, ne s’y soient pas soumis. C’est évident, les tiers ne peuvent pas être
liés par un effet juridique qu’ils n’ont pas volontairement recherché. C’est la logique de
notre conception du contrat selon laquelle on ne peut être soumis aux effets juridiques du
contrat que lorsque sa volonté individuelle en a décidé. La chaîne juridique tient
seulement ceux qui l’ont ainsi voulu c’est-à-dire, les seules parties contractantes et non ces
tiers.
Effets internes et effets externes du contrat
Es-ce à dire que les tiers doivent ignorer les effets du contrat quand bien même il
ne leur serait pas obligatoire ? En d’autres termes, les tiers peuvent-ils ignorer l’existence
du contrat ou contribuer sans égard à violer le caractère obligatoire du contrat entre les
parties ? C’est suite à cette question que la doctrine moderne a distingué d’une part, le
problème de la relativité et celui de l’opposabilité et d’autre part, les notions d’effets
internes et d’effets externes du contrat. Le problème soulevé est très complexe; nous ne
pouvons ici que le résumer(321). En fait, on associe la notion de relativité à celle d’effets
internes et de l’opposabilité à celle d’effets externes.
I. Relativité des effets internes du contrat
Lorsque l’on parle d’effets obligatoires du contrat qui sont relatifs, l’on vise les
effets internes du contrat, c’est-à-dire les obligations et les droits qui naissent du contrat et
qui ne s’adressent qu’aux seules parties qui les ont voulus en donnant leur consentement,
aux seules parties qui sont directement dans la sphère contractuelle.
Si dans un contrat de vente, A acheteur s’engage à payer à B vendeur le prix de la
chose et que B à son tour s’engage à livrer la chose et à en transférer la propriété, les
obligations précitées ne naissent que dans le chef des deux parties A et B. A ne peut
obliger C ou D à exécuter l’obligation de B ni B obliger D à exécuter celle de A, car C et D
n’ont pas voulu les effets du contrat A-B. Ce contrat- là leur est « une res inter alios acta »,
une chose qui leur est étrangère.
Le contrat A - B ne sort des effets obligatoires qu’à l’égard de A et de B. On dira
que cet effet obligatoire du contrat A - B est relatif, car il ne s’adresse qu’à l’égard de A et
B et non à l’égard des autres qui ne peuvent pas non plus l’invoquer pour en tirer profit.
Ce qui est obligatoire relativement aux parties et non relativement aux tiers, c’est donc « le
but » du contrat, c’est-à-dire le contenu interne du contrat.
Ces effets internes ne sont pas obligatoires à l’égard des tiers qui ne les ont pas
« voulus ». Et ceci est la logique de notre conception du contrat qui donne une place de
choix au respect de la volonté individuelle. Mais à l’égard des tiers, le contrat n’est pas
pour autant inexistant. Les effets, non pas internes, mais externes de ce contrat, leur sont

321 Voir l’intéressante étude de M. Fontaine, Les effets des contrats à l’égard des tiers, les effets internes et les effets
externes de contrat, Louvain, Centre de droit des obligations, doc. 89/12.
154

opposables.
II. Opposabilité des effets du contrat à l’égard des tiers
Même s’il n’a pas été conclu par les tiers, le contrat reste pour ces derniers un fait
social (322) qui existe. En tant que tel, les tiers doivent le respecter. Lorsqu’en effet les
parties opposent le contrat aux tiers, elles ne prétendent pas lier ces derniers sans leur
volonté en leur étendant les effets internes du contrat; elles entendent seulement leur faire
respecter les effets que celui-ci produit entre elles. De la sorte, on peut mieux s’exprimer
en disant que seuls sont opposables aux tiers, non les effets internes,opposables seulement
entre parties, mais les effets externes ou indirects (323) du contrat entre parties.
Ceci produit d’importantes conséquences dont en voici les principales (324) :
1° le contrat crée entre les parties une situation juridique opposable à tous.
Exemple : celui qui acquiert un droit en vertu d’un contrat opposera ce droit à l’égard de
tous, sauf application des règles spéciales en matière immobilière par exemple;
2° le tiers qui se rend complice de la violation par une des parties de ses
obligations contractuelles est considéré comme ayant commis une faute délictuelle et peut
se voir réclamer des dommages-intérêts par le créancier lésé (325).
III. Quelques exceptions à la règle res inter alios acta (326)
Avant même d’examiner les principales dérogations prévues par l’article 63 du
Code civil, livre III, il y a lieu de voir dès maintenant quelques exceptions à la règle res
inter alios acta. Ces exceptions se fondent toutes sur la bonne foi et l’intérêt social. Dans ce
cas, les tiers sont personnellement tenus par des contrats passés par des personnes avec
lesquelles ils n’ont pas traité et dont ils ne sont pas les ayant cause.
Ainsi, les contrats constituant des actes d’administration passés par le possesseur
du bien d’autrui, continuent à produire effet à l’égard du propriétaire. C’est le cas des
contrats de location passés par l’acquéreur à réméré, visé par l’article 349, alinéa 2 du
Code civil, livre III.
Par ailleurs, les contrats, même d’aliénation, passés par l’héritier apparent, sont
opposables au véritable héritier par l’acquéreur de bonne foi conformément à l’adage
« error communis facit jus ». Ceci vaut pour le droit belge et français.

322 Cass. fr. civ., com., 19 octobre 1954, DS 1956, 78.


323 Voir terme effet indirect in Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°517; sur cette question, voir Marty (G) et Raynaud
(P), op. cit.,t. II, n°234 et 244
324 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°517 et Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n° 234 et 244
325 Voir quelques applications françaises, cass. fr. civ., 13 novembre 1927, DP 1929, I, 131 ; 7 octobre 1858, D. 1858 ,
763. En Belgique, voir Cass.b., 23 novembre 1932, JT 1961, 737. Pour le Congo, 1 ère inst. Kin, 26 décembre 1966,
jugt n° RT 695 inédit, Kin, RTA n°5680 du 27 mai 1969, inédit ; voir aussi Kalongo Mbikayi et Tshimanga Biuma, La
responsabilité du tiers complice de l’inexécution d’une obligation contractuelle, RJZ, 1979, n°1, 2, 3, pp. 1- 22.
326 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 518.
155

Enfin, en vertu de l’article 133 du Code civil congolais, le paiement fait de bonne
foi au possesseur de la créance est opposable au véritable créancier.
§3. Personnes visées à l’article 63 du Code civil congolais
L’article 63 du Code civil, livre III parle des tiers sans les définir. Ces tiers se
définissent en réalité par opposition aux parties contractantes. Celles-ci sont les personnes
ayant donné personnellement leur consentement, étant présentes(327) et celles qui ont été
représentées à la formation du contrat.
Quant aux tiers, ce sont tous ceux qui n’ont été ni parties ni représentées. En
pratique, la distinction n’est pas si facile, car parmi les tiers, il y a, d’une part, ceux qui
sans avoir été à proprement parler parties au contrat, ont quelques rapports avec celui-ci
ou avec un contractant.Il s’agit des ayants cause, parmi lesquels il faudra distinguer les
ayants cause à tire universel et les ayants cause à titre particulier, et d’autre part, ceux qui
n’ont absolument aucun rapport avec les parties ou le contrat et qu’on appelle, les pénitus
extranei, c’est-à-dire littéralement traduit, les « complètement tiers ».
Voyons donc ces différentes catégories de tiers, en soulignant déjà que la question
qui se pose pour les ayants cause est celle de savoir si, s’étant vu transmettre tout ou
partie de droits, voire un seul droit d’une des parties, l’ayant cause peut à ce titre profiter
ou subir des effets du contrat.
I. Représenté
Le représenté n’est pas un tiers, contrairement au représentant. En effet, le
représentant agit au nom et pour le compte du représenté à qui s’imposeront les effets
internes du contrat passé pour lui par le représentant.
II. Ayants cause à titre universel
Les ayants cause à titre universel, c’est-à-dire les héritiers ou légataires qui
succèdent à l’universalité ou à une quote-part de l’université du patrimoine d’un défunt,
ne sont pas des tiers au sens de l’article 63. Les contrats passés par leur auteur produisent
effet à leur égard. Ils succèdent aux créances comme aux dettes car ils sont censés
continuer la personne du défunt. L’article 22 du Code civil congolais, livre III confirme
cette solution en portant en principe que chacun « est censé avoir stipulé pour soi et pour
ses héritiers et ayants cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la
nature de la convention ».
La finale de cet article 22 permet ainsi d’écarter la succession à un contrat qui était
conclu par le défunt, intuitu personae. Il en est ainsi de la société en commandite simple

327 On vise les personnes présentes et qui ont participé réellement au contrat en donnant leur consentement exprès ou
tacite à ce que tous les effets du contrat ou une partie des effets du contrat leur soient applicables. Ainsi, les
simples observateurs ne doivent pas être considérés comme parties au contrat au sens qui nous intéresse.
Voir à ce sujet Vasseur (M), « Essai sur la présence d’une personne à un acte juridique accompli par d’autres »,
RTDC, 1949, p. 173 et s ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°78.
156

ou en nom collectif, du contrat de rente viagère, du contrat de travail envisagé du côté du


travailleur, du mandat (art. 544 du Code civil congolais).
Notons que techniquement, l’expression « ayant cause » équivaut à « ayant droit »
et que l’expression ayant cause universel est employée pour désigner celui qui succède à
l’universalité des biens et celle d’ayant cause à titre universel pour désigner celui qui
succède à une quote-part de l’universalité.
III. Ayants cause à titre particulier
Les ayants cause à titre particulier, contrairement aux ayants cause universels, sont
ceux qui ont acquis d’un des contractants non l’ensemble ni une quote-part de l’ensemble
de ses droits et obligations, mais un bien ou droit déterminé, tel un immeuble ou un fond
de commerce. C’est le cas d’un acheteur, un échangiste d’un légataire particulier
(d’immeuble ou d’un fond de commerce), d’un cessionnaire de créance.
D’une façon générale et ce malgré les termes généraux de l’article 22 du Code civil
congolais, livre III, l’on admet que les ayants cause à titre particulier sont des tiers au
regard de l’article 63. Ils ne continuent pas la personne de leur auteur et ils ne peuvent
invoquer ses créances dans leur ensemble.
Il n’en est autrement que s’il s’agit d’un contrat passé par leur auteur
antérieurement à la transmission du bien ou du droit qu’ils ont acquis de lui, et ayant
pour objet la création, l’extinction ou la modification de ce droit lui-même ou du droit
portant sur ce bien. Ceci est évident, car l’acquéreur à titre particulier n’a pu acquérir le
droit que tel qu’il se trouvait dans le patrimoine de son auteur (328). C’est le cas où
l’immeuble acquis était grevé d’une servitude au profit ou à charge. De même le
cessionnaire profite des garanties qui accompagnent sa créance.
Ainsi, l’acquéreur de la propriété d’un immeuble peut se voir opposé les contrats
de son auteur qui ont créé ou modifié des droits réels sur cet immeuble, par exemple une
servitude foncière, une hypothèque. Le concessionnaire d’une créance peut se voir
opposé les contrats par lesquels le titulaire antérieur a modifié l’étendue et les effets de
cette créance, par exemple le taux d’intérêt, les garanties qu’il avait acceptées, etc.
Par contre, l’ayant cause à titre particulier n’est pas en principe, lié par les contrats
passés par son auteur, même relativement au droit aliéné, si ces contrats n’ont pas pour
objet ce droit lui-même et ses effets, à moins que, ayant connu ces contrats, il n’en ait
expressément ou tacitement accepté la charge (329). C’est dire qu’en principe, les ayant
cause à titre particulier ne subissent pas les effets des obligations personnelles à l’auteur
du contrat et n’ayant aucune incidence profonde sur la nature du droit lui-même à

328 En ce sens, Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°513 ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°238, qui donne de
longs développements en précisant notamment que l’ayant cause à titre particulier ne succède pas à l’auteur du contrat
lorsqu’il s’agit d’une dette, car la cession de dette n’existe pas, et qu’il succède aux dettes et créances lorsqu’il s’agit
d’un contrat synallagmatique portant sur le bien acquis.
329 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°513, voir aussi Weil (A), op. cit., p. 534, n°510
157

acquérir.
Le juge devra apprécier souverainement devant chaque cas d’espèce pour voir si
un contrat antérieur à une incidence ou non sur la nature du droit ou si au contraire, ce
contrat n’entraînant qu’une obligation personnelle de l’auteur, ne devant pas se
répercuter sur le droit à acquérir par l’ayant cause à titre particulier.
Applications (330)
L’acquéreur d’un immeuble n’est pas lié par un contrat, en vertu duquel son
vendeur avait assumé des obligations relatives à des fournitures d’eau à son voisin.
Exemple : Dans des parcelles à Kinshasa, des voisins sans robinet viennent puiser
l’eau dans l’unique parcelle où il y a un robinet moyennant une certaine indemnité. Il
s’agit là non d’une servitude réelle (d’un droit réel de servitude) affectant le droit de
propriété sur l’immeuble, mais d’un arrangement personnel engageant l’auteur de ce
contrat. C’est une obligation personnelle de l’auteur qui ne doit pas avoir d’effet à l’égard
de l’ayant cause (à titre particulier de l’immeuble).
L’acquéreur n’est pas non plus lié par le contrat par lequel l’auteur s’était engagé à
livrer régulièrement à des tiers des fleurs de son jardin.
L’application de ce principe est parfois freiné par la loi elle-même qui, dans
certains cas, admet que l’ayant cause à titre particulier serait tenu par les contrats de son
auteur, bien que ces contrats n’aient pas pour objet la nature du droit ultérieurement
transmis.
On citera, à titre d’exemple, le cas prévu à l’article 399 du Code civil congolais,
livre III. L’acquéreur ne doit pas expulser le locataire qui a un bail ayant date certaine
antérieure à la vente, bien que le bail ne fasse naître qu’un droit personnel n’affectant pas
la nature du droit de propriété.
IV. Créanciers chirographaires (331)
On a longtemps pensé que les créanciers chirographaires étaient, en vertu du droit
de gage général qu’ils ont sur le patrimoine de leurs débiteurs, des ayants cause à titre
universel de leurs débiteurs. Cette formule est inexacte.
Le droit de gage est une chose, l’effet du contrat du débiteur sur le patrimoine du
créancier, une autre chose. En effet, les créanciers ne deviennent personnellement ni
créanciers des créances, ni débiteurs des obligations nées des contrats passés par leurs
débiteurs. Ce qui est vrai, c’est que ces contrats du débiteur ont des répercussions à leur
égard. Les créanciers ont en effet un droit de gage général sur le patrimoine de leur
débiteur, et ce droit sera affecté par lesdits contrats. Si ceux-ci font naître des créances,
l’actif du patrimoine sera augmenté; s’ils font naître des obligations, celles-ci accroissent le

330 Weil (A), op. cit., n°511 et 514


331 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°515 et Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°243
158

passif, et les anciens créanciers devront subir le concours des nouveaux créanciers.
C’est pourquoi, pour protéger ce droit général de gage des créanciers, la loi,
spécialement en ses articles 64 et 65 du Code civil congolais, a accordé aux créanciers deux
actions spéciales : l’action oblique et l’action paulienne qui leur permettent de profiter des
contrats conclus par leur débiteur ou d’en écarter les conséquences à leur égard. Nous y
reviendrons. Parfois même, la loi accorde aux créanciers des actions directes. C’est le cas
notamment de l’action directe de la victime contre l’assureur, de celle du propriétaire
envers le sous-locataire (art. 409 du Code civil congolais), de celle des ouvriers du
bâtiment contre le client de l’entrepreneur, du mandant contre la personne que le
mandataire s’est substitué (art. 535, al.2 du Code civil, livre III).
Donc, « c’est une catégorie originale de tiers sui generis, qui ne saurait être
confondue avec les autres » car, ils peuvent attaquer les conséquences des actes de leurs
débiteurs soit par l’action paulienne soit par l’action oblique.
V. Tiers penitus extranei
Les tiers complètement étrangers qui ne sont pas les ayants cause d’une des
parties, et qui n’ont aucun rapport avec celle-ci ne peuvent subir les effets du contrat.
C’est en principe à eux que s’applique pleinement l’article 63.

Section 2 : Derogations au principe de la relativité des conventions

Les articles 63 et 203 du Code civil congolais ont prévu des dérogations au
principe de la relativité des conventions. A ces dérogations légales on en ajoutera d’autres
qui peuvent être voulues par les parties. Tel est le cas de la représentation et des contrats
collectifs. Les dérogations prévues par l’article 63 visent le cas de la stipulation pour
autrui et celui de la promesse pour autrui (clause de porte-fort). L’article 203 vise le cas de
la simulation.
Nous allons ainsi examiner d’abord les dérogations légales, c’est-à-dire prévues
expressément par la loi : la promesse pour autrui (§1), la stipulation pour autrui (§2) et la
simulation (§3), puis les dérogations non expressément prévues par la loi mais bien par
les parties comme la représentation (§4) et les contrats collectif (§5).
§1. Promesse pour autrui
I. Nullité de la promesse pour autrui
L’article 19 du Code civil, livre III pose le principe de la prohibition des promesses
pour autrui. Il dispose « qu’on ne peut, en général, s’engager ni stipuler en son propre
nom que pour soi-même ». Cette disposition n’est du reste qu’une application du principe
de la relativité des conventions prévu par l’article 63 déjà examiné. A ne peut pas
promettre à B le paiement par C d’une somme d’argent tant que C n’a pas participé à la
conclusion du rapport d’obligation A-B ni en personne, ni comme mandataire, ni comme
159

gérant d’affaires, ni comme représentant. Il est donc étranger au rapport A - B; il n’est, par
rapport à B ni son co-contractant, ni son gérant, ni son représentant. D’autre part, tant que
A ne s’oblige pas lui-même à l’égard de B, la promesse ne produit aucun effet juridique
obligatoire.
II. Validité de la promesse de porte-fort
Si, en principe, la promesse pour autrui est prohibée par la loi en la sanctionnant
de nullité, une exception est prévue lorsqu’il y a promesse de porte-fort.
L’article 20 du Code civil congolais faisant suite à l’article 19, permet en effet que
« l’on se porte fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci, sauf l’indemnité contre
celui qu s’est porté fort ou qui a promis de faire ratifier si le tiers refuse de tenir
l’engagement ».
Schéma
A B

C
A se porte fort pour un tiers C en promettant à son co-contractant B le fait de C.
Ce fait peut être matériel, comme la participation d’un athlète à une compétition
sportive promise par un entraîneur A à l’autorisateur de la compétition (B), le
dégagement de la route par C afin de permettre le passage de B, etc.
Mais ce fait est plus souvent, un acte juridique positif ou négatif la conclusion d’un
engagement, d’un contrat, par exemple l’intervention des véhicules de C promise à B en
vue d’un transport important de marchandises de B, la ratification d’un acte ou une
abstention comme par exemple l’abstention de toute action en revendication(332). Dans
tous les cas, l’on voit que la clause de porte fort conclue entre A et B engage un tiers C.
III. Formes et hypothèses des clauses de porte-fort
La promesse de porte-fort n’est soumise à aucune forme particulière pour sa
validité. Le plus souvent elle est faite sous forme de convention adjointe à un contrat que
passe une personne au nom d’une autre.
Quant aux hypothèses pratiques de cette clause, elles sont généralement limitées
au cas où il est en fait impossible d’obtenir l’engagement valable d’un tiers soit à raison de
son éloignement, soit à raison de son incapacité.
L’éloignement peut viser le cas d’un co-propriétaire C d’un bien d’un individu

332 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°251


160

éloigné. Le co-propriétaire A peut vendre ce bien à B en se portant fort pour C promettant


à B que C ratifiera la vente.
Quant à l’hypothèse de l’incapacité, elle peut concerner par exemple l’aliénation
d’un bien d’un incapable C par le tuteur A. Ce dernier peut promettre à B, acheteur que C
ratifiera la vente après, c’est-à-dire à la disparition des causes d’incapacité.
IV. Effets juridiques de la clause de porte-fort
L’article 20 du Code civil, livre III prévoit lui-même les effets juridiques de la
clause de prote-fort.
Lorsqu’on l’analyse de près, l’on voit que la promesse de porte-fort n’est pas en
réalité une véritable promesse pour autrui; elle apparaît plutôt comme un engagement
personnel du porte-fort à l’égard du co-contractant.
Le tiers n’est nullement lié par cet engagement en dehors de la ratification.
Le porte-fort n’engage pas le tiers, il promet personnellement d’obtenir
l’engagement ou le fait du tiers et sa promesse peut avoir les effets suivants :
1°. si le tiers ne veut pas prendre l’engagement et s’il ne veut pas fournir le fait
promis, le porte-fort n’est tenu qu’à des dommages-intérêts. Contrairement à la
caution, il n’est pas tenu d’exécuter l’engagement ou de fournir le fait promis, car
il n’a pas promis l’exécution de l’engagement mais l’engagement lui-même, c’est-
à-dire la naissance de l’obligation. D’autre part, la clause de porte-fort se
distingue de la promesse de bons offices car la promesse de porte-fort a pour
objet une obligation de résultat, alors que la promesse de bons offices a pour
objet une obligation de moyens. Le débiteur des bons offices promet sa médiation
pour aboutir au contrat ou à l’exécution par le tiers d’un fait ;
2°. si le tiers s’engage, le porte-fort est alors libéré et l’engagement lie ce tiers. La
seule question est de savoir à partir de quel moment le tiers sera lié.
La doctrine classique a longtemps affirmé que les tiers n’était lié qu’à partir du
moment où il s’engage. Mais la doctrine moderne suivie par la jurisprudence a plutôt
tendance en France comme en Belgique, à décider que le tiers est rétroactivement engagé
dès le jour où le contrat de porte-fort avait été passé(333).
Application jurisprudentielle
Il a été jugé que si la ratification valide le contrat conclu par le porte-fort, elle ne
crée cependant pas novation. L’exécution emportant ipso-facto ratification, il en résulte
qu’un lien contractuel est né entre la partie ratifiante et celle qui à l’avance avait accepté
l’engagement de la première (334). Notre jurisprudence se rapproche ainsi de celle de la
France et de la Belgique quant au moment de l’engagement du tiers.

333 Cass. b., 15 décembre 1932, Pas. 1933, I.52 ; Cass. fr., civ. 30 janvier 1957, D. 1957, 82
334 Léo, 2 mai 1939, RJCB 1939, p. 187
161

§2. Stipulation pour autrui (335)


I. Définition
La stipulation pour autrui est un contrat par lequel une des parties appelée le
stipulant, obtient de l’autre partie, le promettant à faire ou à donner quelque chose au
profit d’un tiers étranger, le tiers bénéficiaire. Ce dernier devient ainsi créancier sans avoir
été partie au contrat.
Schéma de la stipulation pour autrui
Stipulant Promettant
A 2 B

C Tiers bénéficiaire

La stipulation pour autrui est, en principe, interdite par le Code civil, livre III (art.
19) qui, dans l’article 21 n’en admet la validité que dans les cas exceptionnels et sans en
préciser très nettement les conditions et les effets. Elle a pris, au cours du XIXème siècle une
grande importance grâce à la jurisprudence qui a étendu ses cas d’application.
II. Validité de la stipulation pour autrui
Alors qu’elle était ignorée en droit romain, la stipulation pour autrui a été
progressivement reconnue au cours des temps. Le Code Napoléon suivi par notre code
civil a admis sa validité exceptionnellement. L’article 21 ne la reconnaît en effet que :
1°. lorsque telle est la condition de la donation que l’on fait à une personne. C’est la
donation avec charge (donation sub modo) ;
2°. lorsqu’elle est la condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-même.Par
exemple, le vendeur stipule que partie du prix sera versée à lui-même, partie à
une autre personne.
Mais la jurisprudence postérieure au Code civil a généralisé la validité de la
stipulation pour autrui, sous la poussée des nécessités pratiques. On a ainsi étendu les
exceptions ci-dessus en reconnaissant la validité de la stipulation pour autrui, chaque fois
qu’il était acquis que le stipulant pouvait y avoir un intérêt même moral.
Les applications pratiques de la stipulation pour autrui sont donc variables. En
effet, en plus des cas anciens à savoir les exceptions du Code civil, telles la donation avec
charges et la vente avec attribution du prix à soi-même et à un tiers, l’on a d’abord

335 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°254 et s. ; Julliot de la Morandière (L), op. cit, n°259 et s.
162

appliqué la stipulation pour autrui à l’assurance-vie (ou assurance en cas de décès) (336),
bien qu’elle ne reproduise pas les conditions exceptionnelles de la loi, spécialement
l’article 21 du Code civil, livre III (337).
Mais par utilité sociale, on a reconnu la validité de la stipulation pour autrui en cas
d’assurance susmentionnée. Outre ce cas d’assurance-vie ou en cas de décès, on a étendu
l’application de la stipulation pour autrui à d’autres cas encore, notamment la stipulation
faite par l’expéditeur au profit du destinataire dans le contrat de transport, les clauses
insérées au profit des ouvriers dans les cahiers de charge des marchés des travaux publics
ou de fournitures (338), l’assurance pour le compte de qui il appartiendra, par laquelle le
propriétaire d’une chose l’assure non seulement à son profit mais au profit des
propriétaires successifs, par exemple pendant le temps où une marchandise voyagera (339)
et l’assurance des domestiques et gens de maison, contre les accidents qu’ils subiraient.
III. Mécanismes et effets de la stipulation pour autrui
La seule réglementation légale des effets de la stipulation pour autrui est contenue
dans l’article 21 in fine du Code civil congolais : « Celui qui a fait cette stipulation ne peut
la révoquer si le tiers a déclaré vouloir en profiter ». Cet article ne précise ainsi que deux
points :
1°. le tiers a la faculté d’accepter ou de décliner la stipulation à son profit;
2°. jusqu’à ce que le tiers ait accepté, le stipulant peut révoquer la stipulation.
Mais, sur ces bases, la jurisprudence a eu à mieux dégager les rapports entre le
promettant et le tiers, entre le promettant et le stipulant, entre le tiers et le stipulant.
A. Rapports du tiers bénéficiaire et du promettant
Droits directs du tiers
Stipulant Promettant
A 2 B

3 1

C Tiers bénéficiaire

336 Assuré = stipulant ; compagnie d’assurance = assureur promettant et tiers bénéficiaire, la personne pour qui on a
stipulé (conjoint, enfant, parents…).
337 En effet, l’assuré en payant les primes, ne fait pas une donation à la compagnie par laquelle il n’a aucune intention
libérale ; l’assuré, en outre, ne stipule rien pour lui-même, le capital n’étant payable qu’à son décès.
338 Cass. fr., 3 mars 1909, S. 1911, I. 369
339 Elis, 7 février 1956, RJCB, p. 193
163

D’après l’article 21, dès le contrat stipulant - promettant, ce dernier est lié à l’égard
du tiers et ne peut se dégager par sa seule volonté. La faculté de révocation, précise
l’article 21, n’appartient qu’au stipulant. Quant au tiers, il n’est pas lié d’office; il a la
faculté d’accepter ou de ne pas accepter, dit l’article 21.
Si le tiers accepte, expressément ou tacitement, et même après le décès du
stipulant, il a un droit direct, et conséquemment, une action directe à l’encontre du
promettant (340). Il devient donc créancier du promettant. Précisons que le droit direct du
tiers naît, dès le contrat primitif, c’est-à-dire dès la stipulation, directement en son
patrimoine, sans passer en aucune façon par le patrimoine du stipulant. Le moment de la
naissance du droit du tiers bénéficiaire correspond à la date de la stipulation. Il est donc
antérieur à l’acceptation du bénéficiaire. L’acceptation du tiers apparaît alors comme une
condition d’efficacité de la stipulation pour autrui, le tiers ne devient pas créancier sans le
vouloir(341).
Les conséquences de ce droit direct sont, dès lors, que :
1°. les sommes dues par le promettant au tiers, et n’ayant pas appartenu au stipulant
ne sont pas comprises dans la succession de celui-ci(342);
2°. les sommes ne peuvent être réclamées, au moyen de l’action paulienne, par les
créanciers du stipulant mort insolvable(343).
Pour expliquer ces résultats contraires à l’article 63, la doctrine a imaginé divers
systèmes : le système de l’offre de la gestion d’affaires et le système de l’engagement
unilatéral de volonté(344).
Mais tous ces systèmes ont été inopérants. Il suffit seulement de reconnaître
comme le fait l’article 63 lui-même que la stipulation pour autrui est une exception du
principe.
Avec le progrès des idées sociales, on ne doit plus répugner à l’heure actuelle à
admettre que les parties à un contrat peuvent ne pas agir uniquement pour leurs intérêts
propres et peuvent, dans le cas de plus en plus nombreux où la loi admet la validité de la
stipulation pour autrui, faire naître une créance à l’égard d’un tiers »(345). Aujourd’hui, on
ne cherche pas à étudier la nature ni le fondement juridique de la stipulation pour autrui.
La doctrine estime que c’est une institution autonome.

340 Léo, 14 mai 1957, RJCB, p. 365 ; Elis., 7 février 1956, RJCB, p. 193 ; 1ère inst. L’shi, 17 mai 1967, RJCB 1969, p.
217.
341 Cass. fr. civ., 2 juillet 1884, S. 1885, I. 5, note Labbe, D. 1885, I. 150
342 Voir en France, art. 68 de la loi du 13 juillet 1930 sur l’assurance.
343 Art. 69 de la même loi.
344 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 538, 539 et 540.
345 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°541. La doctrine et la jurisprudence ont suivi la même voie pour instituer
l’action directe des victimes contre les assureurs. Le fondement et la nature juridique de l’action directe n’ont pas
encore été déterminés en doctrine et pourtant les nécessités de protection de la victime ont généralisé son
application.
164

B. Rapports entre le promettant et le stipulant


Entre le prometttant et le stipulant, il se forme un contrat ordinaire. Entre eux, les
effets internes sont obligatoires et en cas d’inexécution de l’obligation par l’une des
parties, toutes les règles relatives aux DI seront appliquées ici.
Il y a lieu cependant de préciser deux points importants : le stipulant peut-il
contraindre le promettant à exécuter la stipulation pour autrui, c’est-à-dire son obligation
envers le tiers? La nullité de la stipulation pour le tiers affecte-t-elle le contrat de base ?
1° Examinons d’abord la première question. On sait par hypothèse qu’après
l’acceptation de la stipulation par le tiers, seul celui-ci est créancier du promettant et serait
en principe seul habilité à contraindre son débiteur à exécuter son obligation. Mais l’on
sait aussi que le stipulant ne peut consentir à la stipulation pour autrui que s’il y trouve
un intérêt même moral (346). Et la doctrine (347) et la jurisprudence estiment que cet intérêt
doit suffire à justifier le droit pour lui de contraindre le promettant à l’exécution (348). Ce
droit du stipulant se justifie également par l’application de l’article 33 du Code civil, livre
III, car l’obligation du promettant envers le tiers n’est que l’une des obligations qui
naissent du contrat de base stipulant - promettant et qui restent d’application pour les
parties et spécialement pour le débiteur (ici le promettant).
2° Quant à la deuxième question, relative à l’incidence réciproque des nullités
éventuelles de contrat de base et de la stipulation pour autrui, il faut dire que les causes
de nullité affectant la stipulation pour autrui n’ont aucun effet sur le contrat de base,
lequel peut comporter une stipulation pour soi-même. Par contre, la nullité du contrat de
base entraîne celle de la stipulation pour autrui qui lui est accessoire.
Ainsi A peut faire une donation à B en stipulant qu’une partie de la donation
devrait profiter à C. Si la cause de cette stipulation au profit de C est immorale par
exemple, cette stipulation sera nulle, mais le rapport obligatoire A - B reste valable.
C. Rapports entre le tiers bénéficiaire et le stipulant
Le stipulant peut agir, soit pour payer une dette qu’il avait contractée envers le
tiers, soit, ce qui est fréquent, pour faire une donation. Une libéralité à l’égard du tiers
bénéficiaire c’est une libéralité indirecte. Pourtant, ce ne sont pas les règles du paiement ni
celles de la donation qui régissent les rapports entre stipulant et tiers bénéficiaire. Ces
rapports sont régis de manière spécifique par l’article 21 in fine. Suivant cet article, le
stipulant peut révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire ne l’a pas acceptée et
conséquemment, le tiers bénéficiaire a le droit d’accepter ou de ne pas accepter la
stipulation.

346 En ce sens, Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°257, p. 234
347 Notamment Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°262, p. 237
348 Cass. fr., civ. 1ère sect., 12 juillet 1956, D. 1956. 749, note de M. Radouant
165

1. Faculté de révocation du stipulant


Le stipulant a le droit de révoquer purement et simplement la stipulation qu’il a
faite au profit du tiers ou d’en transporter le bénéfice à une autre personne ou de se
l’attribuer personnellement. Le stipulant peut exercer ce droit en cas de décès du tiers
bénéficiaire ou chaque fois qu’il le désire.
Cette faculté de révocation s’explique dans le système du droit direct « le droit du
tiers étant né du contrat, on comprend qu’un des contractants ait pu réserver le droit d’en
priver le bénéficiaire (349). Toutefois, cette faculté cessera au moment de l’acceptation du
tiers comme l’explique la suite.
Il est à noter que ce droit de révocation est strictement personnel au stipulant. Il ne
peut être exercé par les créanciers de ce dernier au moyen de l’action oblique, c’est-à-dire
en lieu et place du stipulant. La doctrine a longtemps discuté le point de savoir si les
héritiers du stipulant pouvaient exercer le droit de révocation de ce dernier. Les solutions
sont restées controversées. La jurisprudence et une partie de la doctrine sont d’avis que ce
droit peut être transmis aux héritiers tandis que l’autre partie de la doctrine estime que ce
serait dangereux pour le tiers que de déclarer ce droit transmissible aux héritiers.
Ces derniers sont toujours enclins à révoquer la stipulation. Signalons qu’en
France, la loi sur l’assurance a déclaré ce droit de révocation transmissible aux héritiers
(art. 64). Mais ceux-ci ne peuvent user de ce droit qu’après avoir mis le tiers en demeure
d’accepter endéans les trois mois. Notre droit n’a pas encore eu à se prononcer sur cette
question, du moins dans la législation écrite. De lege ferenda, je pencherai vers une
limitation du droit des héritiers, à l’instar de l’art 64 de la loi française sur l’assurance.
2. Acceptation du tiers bénéficiaire
L’acceptation du tiers bénéficiaire n’a pas pour effet que de rendre la stipulation
irrévocable. Le droit de révocation prend donc fin au moment de cette acceptation. Mais
cette acceptation ne fait pas naître le droit direct du tiers sur le promettant, il ne fait que le
consolider, car ce droit est né antérieurement à l’acceptation ; il est né au moment même
de la stipulation. Notons enfin que l’acceptation n’est soumise à aucune forme.
3. Tiers bénéficiaire, personne future ou indéterminée
La question à résoudre ici est celle de savoir si les stipulations faites au profit de
personnes futures ou indéterminées sont valables. La question s’est surtout posée à
l’occasion de l’assurance.
a) Stipulation au profit d’une personne indéterminée
En principe, la stipulation au profit d’une personne indéterminée n’est pas valable.
Il est donc nécessaire en principe que le tiers bénéficiaire soit déterminé, ou tout au moins
déterminable au moment où la stipulation doit produire effet. Cela est nécessaire pour

349 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 543


166

mieux situer le bénéficiaire sur la tête duquel se fixera le droit direct contre le promettant.
Ainsi donc, il n’est pas nécessaire que le bénéficiaire soit nommément désigné lors du
contrat. Ce qui importe c’est qu’il soit déterminable au moment où la stipulation doit
sortir ses effets. On admet ainsi que sont valables :
1°. l’assurance pour le compte de qui il appartiendra. Ici, les propriétaires futurs sont
inconnus au moment du contrat, mais ils seront déterminés à un moment donné
à la suite d’une succession de divers événements;
2°. les stipulations au profit des pauvres de telle Commune et pas des pauvres en
général;
3°. l’assurance sur la vie contractée par une personne au profit de ses héritiers sans
qu’il soit besoin d’inscrire leurs noms dans la police(350).
b) Stipulation au profit d’une personne future
La situation concerne généralement les stipulations au profit des personnes qui ne
sont pas encore nées au moment du contrat. Les solutions en droit comparé sont
controversées. On s’est souvent fondé pour les proposer sur les textes relatifs à la
donation, spécialement l’article 906 du Code civil français (351).
Chez nous, le Code de la famille admet la validité de la donation ou du testament
au profit d’un enfant conçu pour autant que l’enfant soit né viable (art. 840). Cette
disposition est conforme à la tendance de la doctrine (352) et de certaines législations
modernes (353), qui reconnaissent la valadité de la stipulation au profit des enfants nés ou à
naître. Cette solution rejoint d’ailleurs celle de la stipulation au profit des personnes
déterminables examinées précédemment.
§3. Cas de simulation
Nous avons déjà examiné le mécanisme de la simulation et ses effets à l’égard des
parties. Nous ne traiterons ici que des effets de la contre-lettre à l’égard des tiers.
Effets de la contre-lettre à l’égard des tiers
Le principe de solution se trouve posé dans l’article 203 du Code civil congolais.
Après avoir affirmé que la contre-lettre produirait des effets entre les parties, le même
article 203 ajoute que la contre-lettre n’a point d’effet contre les tiers.
Sens du mot tiers
Ce mot n’a pas ici le même sens que dans l’article 63 du Code civil, livre III.
1° Quid des ayants cause à titre universel ?

350 Art. 63 de la loi française du 13 juillet 1930 sur l’assurance.


351 Pour accepter la donation, il faut être capable de recevoir, or ici l’enfant à naître n’est pas encore capable.
352 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°544 in fine; De Page (H), op. cit., II, n°674; Ripert et Boulanger, op. cit.,II,
n°648 et s; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°260.
353 La loi française sur l’assurance, art. 63.
167

Au sens de l’article 203, ces personnes ne sont pas des tiers. L’article 203 a ainsi à
leur sujet, la même portée que l’article 63. Ces personnes seront placées dans la même
situation que les parties dont elles sont les « continuatrices ». A leur égard donc, c’est
seule la contre-lettre qui compte.
2° Quid des penitus extranei ?
Les penitus extranei ne sont pas les tiers visés principalement par l’article 203.
Etant des tiers au sens de l’article 63, ces penitus extranei n’ont pas en principe à
supporter les effets des contrats auxquels ils n’ont pas été parties, on n’a donc pas à se
préoccuper à leur égard des conséquences de l’acte apparent ou de l’acte simulé : ni l’un
ni l’autre ne leur est opposable (354).
3° Ayants cause à titre particulier et créanciers chirographaires des parties
Ce sont ceux qui sont spécialement visés par l’article 203, dans la mesure où les
contrats passés par leurs auteur ou débiteur ont un effet direct ou indirect, à leur égard
(355). La question qui se pose est celle de savoir lequel, du contrat apparent ou du contrat
simulé devra s’appliquer vis-à-vis d’eux.
La solution est dictée par l’article 203 in fine qui ne prévoit du reste que le cas où
la contre-lettre tend à s’appliquer contre les tiers. Dans ce cas, la contre-lettre, dit l’article
203 in fine, n’a aucun effet contre le tiers. Dans le cas du bail à date certaine opposable à
l’acquéreur d’un immeuble, si un acte simulé en réduit le loyer, cet acte-là ne serait pas
opposable à l’ayant cause à titre particulier. De même, n’est pas opposable à un créancier
chirographaire, un acte simulé qui tendrait à diminuer le patrimoine du débiteur. C’est le
cas de ce débiteur qui devait recueillir une créance de 1.000.000 de FC pour augmenter
son patrimoine, mais par acte simulé il réduit le montant de la créance à 500.000 FC par
exemple.
Pour le créancier chirographaire, l’acte simulé n’a aucun effet, car il est contre lui.
Il est à noter que la contre-lettre serait opposable aux tiers, si ceux-ci en avaient connu
l’existence quand ils traitaient eux-mêmes avec les parties. Mais qu’en est-il dans
l’hypothèse où la contre-lettre profite aux tiers ?
Lorsqu’elle est stipulée contre les tiers, la contre-lettre, nous venons de le voir, ne
leur est pas opposable. Quelle est la situation lorsque la contre-lettre leur profite ? La
solution qui résulte a contrario de l’article 203 du Code civil, livre III est que les tiers, tout
comme les parties et leurs ayant cause universels peuvent invoquer la contre-lettre.
Pour écarter l’acte apparent qui, dans ce cas leur est nuisible, les tiers ainsi que les
parties disposent de l’action en déclaration de simulation. Et la preuve de la simulation
peut être faite par les tiers à l’aide de tous les moyens.

354 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 520.


355 Starck (B), op. cit., n° 1720.
168

Conflits entre tiers


Lorsque deux tiers invoquent à la fois l’article 203 pour l’un, bénéficier de la
contre-lettre et l’autre, l’écarter, c’est-à-dire profiter de l’acte apparent, la solution
dominante est de faire prévaloir l’acte apparent(356). Cette solution a le mérite de faire
valoir aux yeux des tiers, les situations apparentes sur les situations occultes et de
protéger ceux qui ont été trompés par l’apparence invincible.
§4. Représentation (357)
I. Notion
La représentation est un procédé juridique par lequel une personne le
« représentant » agit pour le compte et au nom d’une autre, « le représenté », de sorte que
l’acte accompli par le représentant produise directement ses effets sur la tête du
représenté, comme si celui-ci avait passé l’acte.
Schéma :
Représentant Contact
A B

A’ Représenté
II. Caractères et hypothèse
La représentation revêt ces caractères propres et ne doit pas de ce fait se confondre
avec d’autres situations différentes pour lesquelles on parle parfois de représentation
imparfaite telle que la pratique de la commission ou celle de prête-nom.
a) Le représentant qui passe le contrat, agit au nom du représenté et fait connaître
son intention à celui qu’il contracte. Il doit veiller à ce que sa qualité d’intermédiaire ne
soit pas ignorée. Ne sont ainsi pas des représentants parce qu’ils laissent ignorer leur
qualité d’intermédiaire auprès des co-contractants ou des tiers, les commissionnaires du
droit commercial et celui qui agit pour le compte d’autrui comme prête-nom ou personne
interposée. Ces personnes (les commissionnaires et le prête-nom agissent certes pour le
compte d’autrui, mais restent juridiquement engagées personnellement envers celui avec
lequel elles passent l’acte juridique (contrat, marché...). Ce sont elles qui sont parties au
contrat et non pas les personnes auxquelles en définitive reviendront les bénéficiaires et la
charge. La volonté de représentation doit donc être nette.
b) Le représentant doit avoir pouvoir de représenter celui pour le compte duquel il

356 En ce sens, Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°281 et Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 522
357 Weil (A), op. cit., n° 79 et s, spécialement n° 85 et s ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°79, 90 ; Julliot de la
Morandière (L), op. cit., n°524 et s ; Starck (B), op. cit., n°1195 et s ; Mazeaud (H., L et J), Leçons de droit civil,op.
cit., t.II., vol.s, n°147 et s.
169

agit. Les hypothèses sont, à cet égard, nombreuses.


La représentation peut avoir sa source :
1°. dans la loi. Les tuteurs, les parents, les curateurs sont suivant les cas, les
représentants légaux des enfants mineurs ou des interdits judiciaires ;
2°. dans la volonté des intéressés au contrat de mandat ou grâce à la gestion
d’affaires lorsque le maître de l’affaire ratifie l’affaire;
3°. dans une décision de justice.
Cas de mandat apparent : Lorsque le mandant est décédé ou que le mandant a été
révoqué mais sans que les tiers ne le sachent, c’est l’application de la théorie de
l’apparence.
c) Le représentant doit avoir une certaine liberté d’action ; il a quelque initiative,
sa volonté intervient. Le contrat serait annulable, si cette volonté était viciée par dol,
violence. Par contre, l’incapacité du représentant n’a pas d’effet sur le contrat.
Il s’agit bien entendu de l’incapacité de s’obliger et non pas de l’incapacité de
vouloir. Ainsi un mineur qui est incapable de s’obliger, lorsqu’il agit pour son propre
compte peut parfaitement représenter un tiers lorsqu’il a régulièrement ce mandat,
pourvu qu’il ait suffisamment de discernement pour agir, pour vouloir, pour prendre de
l’initiative. Cette position s’explique par le fait que le contrat ne l’engage pas
personnellement (358).
III. Effets juridiques de la représentation
Le représenté est partie au contrat. De ce fait, il devient directement et
immédiatement créancier ou débiteur des obligations issues de ce contrat et ce, à l’égard
du tiers représentant et du co-contractant. Le lien de droit est donc établi entre le
représenté et le co-contractant.
Le représentant n’est pas partie au contrat. Le lien de droit vient du contrat se
formant entre le représenté et le co - contactant. Le représentant est un tiers. Mais il ne
pourrait engager sa responsabilité personnelle à l’égard du tiers qu’en cas de faute
personnelle à l’égard de celui-ci. Il indemnisera le tiers qui a subi un préjudice s’il a
commis une faute dans l’emploi de son pouvoir ou s’il a excédé celui-ci. Pour arriver à
vendre la marchandise, le représentant commet un dol incident. Il en supportera seul les
conséquences. Parfois, le représentant peut se présenter aussi comme caution. Dans ce cas,
il sera poursuivi in solidium avec le représentant.
Il y a des liens de droits entre le représentant et le représenté. La loi peut préciser
ces liens. Mais de façon générale, l’on estime que le représentant doit se conduire dans
l’exercice de ses fonctions en bon père de famille (obligation de loyauté) et rendre compte
de sa gestion. Le représenté a d’ailleurs à cet égard et contre lui l’action en réédition. Le

358 En ce sens Weil (A) et Terre (F), op. cit., n° 83, p. 86 ; Starck (B), op. cit., n°1220, p. 390
170

représenté par contre doit rembourser au représentant ses avances et ses frais et payer si
la représentation était à titre onéreux.
§5. Contrats collectifs (359)
I. Notion
Il s’agit de contrats passés entre deux ou plusieurs personnes mais dont les
clauses seront obligatoires pour un ensemble d’autres individus ayant un intérêt
commun.

A B

C Tiers

II. Effet
Les contrats collectifs constituent une atteinte à la liberté contractuelle puisque
des individus se trouveront liés par un contrat auquel ils n’ont pas personnellement été
partis.
III. Application
Les conventions collectives de travail constituent un cas d’application des contrats
collectifs. Il s’agit de l’accord conclu entre un ou plusieurs employeurs ou un ou plusieurs
syndicats d’employeurs d’une part, et un ou plusieurs syndicats de travailleurs de
l’autre, dans le but de fixer les conditions du travail. Certaines conventions collectives
sont conclues librement. D’autres sont conclues par des commissions mixtes réunies à
l’initiative du Gouvernement, « ministère du Travail » ou à l’initiative de l’une des
organisations syndicales la plus représentative.

359 Weil (A), op. cit., n° 552.


171
172

Chapitre VI : Extinction et résolution des contrats

Le contrat a une naissance (conditions de formation et sanction), une vie (les effets
juridiques), mais aussi une fin. C’est l’objet du présent chapitre.
Nous verrons dans la section I les clauses générales d’extinction et dans la section
II les règles particulières propres à l’extinction des contrats synallagmatiques.

Section 1 : Causes générales d’extinction

Les causes suivantes constituent d’une façon générale des modes d’extinction du
contrat :
1°. l’exécution de ses obligations par chacune des parties. C’est le mode le plus
normal par lequel prennent fin les contrats ;
2°. l’accord des parties. Puisque le contrat naît du mutuus consensus, il peut de
même prendre fin du mutuus dissensus (art. 33, al. 2). Les parties, dit l’article 33,
alinéa 2 du Code civil, livre III, peuvent en effet révoquer leur contrat d’un
consentement mutuel. Cette cause d’extinction opère de façon rétroactive pour
les contrats instantanés qui sont censés n’avoir jamais existé; elle opère au
contraire sans rétroactivité pour les contrats successifs, lorsque les parties
décident volontairement d’y mettre fin alors qu’ils ont déjà reçu exécution. On
parle dans ce cas de la résiliation conventionnelle ;
3°. l’arrivée du terme convenu pour les contrats successifs, spécialement, met fin au
contrat. C’est le cas du bail de deux ans ;
4°. la volonté de l’une des parties dans les contrats successifs à durée indéterminée
(résiliation unilatérale) ;
5°. la mort de l’un des contractants, en cas de contrat conclu intuitu personae. A titre
d’exemple, le contrat de mandat ou le contrat d’entreprise.
Section 2 : Résolution judiciaire du contrat synallagmatique
Nous avons vu à propos des contrats synallagmatiques que leur exécution était
soumise au principe de la simultanéité et que, par conséquent, en cas d’inexécution
effective de l’une des parties, l’autre pouvait opposer l’exception d’inexécution (exceptio
non adimpleti contractus.
L’invocation de cette exception n’équivaut pas à la résiliation unilatérale du
contrat, ni non plus à la résolution du contrat. L’article 82 du Code civil congolais règle la
sanction d’inexécution par l’une des parties de son obligation contractuelle en matière de
contrats synallagmatiques. Suivant cet article, la partie lésée a une option :
173

1°. elle peut soit demander l’exécution forcée en nature ou à défaut, c’est-à-dire
lorsque l’exécution forcée en nature n’est pas possible, une exécution par
équivalent;
2°. elle peut aussi demander une résolution judiciaire du contrat avec DI, s’il y a lieu.
Nous étudierons d’abord ce droit d’option du créancier ainsi que son fondement
(§1), puis nous examinerons les conditions d’application et les effets de la résolution
lorsqu’elle est demandée (§2). Nous nous interrogerons après sur les types de contrats
auxquels s’applique cet article 82 (§3) et verrons enfin les diverses clauses expresses de
résolution qui peuvent affecter le contrat (§4).
§1. Droit d’option du créancier. Son fondement
Le droit d’option du créancier, ignoré du droit romain, mais soutenu surtout par le
doit canonique, se trouve aujourd’hui consacré dans notre Code civil, livre III par l’article
82. Celui-ci est la fidèle reproduction de l’article 1184 du Code Napoléon. Cet article
dispose :
« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats
synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son
engagement.
Dans ce cas, le contractant n’est point résolu de plein droit. La partie envers
laquelle l’engagement n’a pas été exécuté a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la
convention avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un
délai selon les circonstances ».
Fondement du droit d’option
Le droit d’option se fonde non seulement sur le principe général de l’exécution de
bonne foi des contrats (art. 33), mais surtout sur la notion même de cause dans les contrats
synallagmatiques (360).
On sait que dans ces contrats, la cause c’est les obligations réciproques des parties.
Si l’une des parties ne s’exécute pas, l’autre ne le fera non plus, car sa propre obligation
n’aurait plus de cause. Le droit commun propose quelques solutions à la partie lésée, elle
peut demander l’exécution forcée ou si celle-ci n’est pas possible, l’exécution par
équivalent.
Ces solutions ne sont pas toujours heureuses. L’exécution forcée peut être coûteuse
et lente et parfois même impossible à obtenir. Dans ces derniers cas, la partie lésée est
amenée à se contenter seulement des dommages-intérêts. Dans ces deux hypothèses, à

360 Weil (A), op. cit., n°477 et s. D’après A. Weil, il y a d’autres raisons qui justifient ce droit : il s’agit des raisons
économiques, morales (équité) et historiques. Sur ce dernier point, le droit économique a joué un rôle remarquable
(op. cit., n°477 et 478).
174

savoir l’exécution forcée ou le paiement des dommages et intérêts, la partie lésée reste liée
à l’égard de l’autre partie.
L’article 82 du Code civil, livre III ajoute à ces deux solutions de droit commun,
une troisième solution : la résolution judiciaire du contrat. Cette dernière résolution elle-
même se fonde également sur l’idée de cause dans les contrats synallagmatiques. En effet,
puisque le but escompté par chaque partie est l’obligation de l’autre, il apparaît logique et
équitable que la partie réellement lésée arrive à se délier de son obligation.
Cependant, la résolution du contrat ne doit pas dépendre uniquement de la
volonté de celui qui se plaint d’un fait d’inexécution car il pourrait abuser de ce droit au
cas de simple retard de son adversaire ou d’inexécution partielle. C’est pourquoi l’article
82 du Code civil, livre III a cru nécessaire de faire intervenir le juge pour apprécier le bien-
fondé de la demande en résolution et pour dire si elle est ou non justifiée par les faits
reprochés à l’autre partie.
§2. Conditions d’application et effets de la résolution
I. Conditions d’application
A. Mise en demeure
On sait que dans notre droit les formes de la mise en demeure sont très simplifiées
(361). On admet généralement que l’assignation vaut mise en demeure. Celle-ci peut être
faite par lettre recommandée. Des pourparlers et même des accords « de principe » faits
sous toutes réserves ne peuvent être considérées comme valant renonciation à se
prévaloir d’une mise en demeure (362). Il a été jugé dans ce sens que même dans un bail
écrit, il est de jurisprudence constante qu’à défaut de pacte commissoire express, une
mise en demeure est nécessaire pour mettre fin au bail : une simple réclamation de
paiement ne suffit pas (363). Lorsque le temps prévu pour l’exécution du contrat
synallagmatique est écoulé, une mise en demeure préalable n’est plus nécessaire (364).
B. Inexécution de l’obligation par l’autre partie
L’article 82 du Code civil, livre III est très large à cet égard. Il vise le cas
d’inexécution totale ou simplement partielle et même le cas d’exécution tardive. D’autre
part, il faut qu’il y ait réellement inexécution. C’est dire que si le débiteur offre de
s’exécuter même en cours d’instance, le créancier ne peut l’empêcher.
La jurisprudence congolaise est dans le même sens lorsqu’elle décide que le
créancier à qui est offerte l’exécution directe des obligations d’un contrat n’est pas fondé
à réclamer leur exécution par équivalent ni de dommages et intérêts compensatoires du

361 Elis., 12 octobre 1912, RJCB 1931, p. 129. Ici la Cour d’appel a estimé qu’il a joué un rôle nécessaire que la mise en
demeure soit préalable à l’assignation.
362 Elis, 22 mars 1966, RJCB 1966, p. 136
363 L’shi, 3 août 1973, RJZ 1973, p. 266
364 Elis, 26 avril 1955, RJCB 1955, p. 123
175

préjudice résultant de l’inexécution directe ou des dommages et intérêts (365).


Enfin, signalons que l’inexécution doit être due à un fait personnel du débiteur et
non au cas fortuit ni à la force majeure (qui le libèrent). Il a été jugé que les événements
qui ont suivi l’indépendance du Congo ne constituent pas inéluctablement un cas de
force majeure entraînant la résiliation d’un bail en application de l’article 379 du Code
civil congolais (366). L’action en résolution n’appartient logiquement qu’à la partie lésée,
c’est-à-dire celle qui s’est exécutée et qui n’a pas eu d’exécution en retour. Elle
n’appartient donc pas à l’auteur de l’inexécution fautive (367).
C. Prononciation de la résolution par le tribunal
La résolution ne peut être prononcée que par le tribunal. Celui-ci jouit d’ailleurs
d’un pouvoir souverain d’appréciation (368). L’article 82 in fine indique en effet que le juge
peut accorder au débiteur un délai de grâce pour son obligation principale.
On peut compter que le tribunal a le choix entre quatre solutions :
1°. soit rejeter la demande en résolution tout en accordant au demandeur des
dommages et intérêts si ce dernier subit un quelconque dommage;
2°. soit accorder au défendeur un délai de grâce, ici le juge estime par exemple que
le défendeur peut encore exécuter son obligation;
3°. soit prononcer la résolution du contrat sans dommages et intérêts;
4°. soit prononcer la résolution du contrat et en outre condamner le défendeur à des
dommages-intérêts si l’inexécution provient de sa faute et si le demandeur subit
un dommage de cette inexécution.
Il a été jugé que le tribunal ne peut pas déclarer un contrat résolu pour partie et le
maintenir pour le surplus. Quand les obligations du contrat ont reçu un commencement
d’exécution, le tribunal peut, à la fois, refuser de déclarer le contrat résolu, et accorder des
dommages et intérêts pour manquement au surplus des obligations du contrat (369).
Jugé aussi que lorsque dans un contrat à trois, les obligations assumées par l’une
des parties sont seulement connexes et non pas indivisibles, rien ne s’oppose à ce que la
seconde poursuive l’exécution des obligations assumées vis-à-vis d’elle, tandis que la
troisième poursuive la résolution du contrat(370).

365 1ère inst. Elis, 8 septembre 1938, RJCB 1939, n°145


366 Léo, 22 septembre 1964, RJCB 1965, n°189. Nous avons déjà signalé que la guerre n’était pas un cas de force
majeure. Seul un fait précis de guerre peut l’être. La même solution s’appliquera au pillage.
367 1ère inst. Elis, avril 1949, RJCB 1949, p.150
368 Application art. 313, 315, 386. Voir aussi L’shi, 22 septembre 1972, RJZ 1972, p. 200. Notons qu’il n’y a pas lieu à
confondre résolution et suspension, nous l’avons déjà dit antérieurement.
369 1ère inst. Elis, 7 juillet 1938, RJCB 1946, p. 190
370 Elis, 27 décembre 1949, RJCB 1946, p. 97
176
II. Effets de la résolution
La résolution anéantit rétroactivement le contrat. Chaque contractant doit restituer
à l’autre ce qu’il a reçu (les prestations fournies). L’anéantissement rétroactif est
irréalisable pour les contrats successifs, on parlera dans ce cas de résiliation ex nunc au
lieu de résolution ex tunc(371).
La jurisprudence décide qu’au cas de « résolution » d’un bail dont les obligations
sont successives, il y a lieu de la faire rétroagir au jour de la rupture, en fait du contrat ou
du jour où le bailleur a eu connaissance de cette rupture et accorder à dater de ce moment,
non pas ses loyers, mais une indemnité de relocation(372).
§3. Contrats auxquels s’applique l’article 82
En principe, l’article 82 du Code civil, livre III ne s’applique qu’aux contrats
synallagmatiques(373).
§4. Clauses relatives à la résolution
L’article 82 du Code civil, livre n’est pas d’ordre public. De l’énoncé même de cet
article, il ressort que les contrats synallagmatiques sont conclus sous condition résolutoire
tacite, cette condition tacite étant l’inexécution par l’une des parties de ses obligations. Les
parties peuvent déroger à cet article 82 et insérer dans leur contrat une clause expresse de
résolution, qu’on appelle « pacte commissoire exprès ». Ce pacte commissoire exprès peut
être simple ou étendu.
I. Pacte commissoire exprès simple
Il ne faut pas confondre ce pacte avec une simple clause de style par laquelle les
parties se bornent à dire que le contrat sera résolu sans précision, dans le cas où le
débiteur n’exécuterait pas ses obligations. Cette clause n’est en réalité qu’une simple
reproduction des termes de l’article 82 avec ses conditions d’application et ses effets
juridiques. Les parties se réfèrent simplement à l’application de l’article 82 sans plus. C’est
dire que le juge garde entier son pouvoir d’appréciation.
Il ne faudrait pas non plus confondre ce pacte commissoire exprès simple avec les
clauses qui ne font qu’atténuer ou limiter le pouvoir d’appréciation du juge qui peut, par
exemple, porter sur la gravité de tel événement ou de tel fait qui entraînerait l’inexécution
du contrat. Les parties peuvent ainsi convenir par exemple que si tel événement intervient
et entraîne le retard dans l’exécution, le juge n’aura pas à interpréter favorablement pour

371 Contra, Elis, 7 juin 1955 (RJCB, p. 576) qui a jugé que même lorsqu’il s’agit de la résolution d’un contrat successif,
tel le bail, la résolution, en principe, opère « ex tunc », encore qu’elle doive être prononcée par le juge.
372 Elis, 26 avril 1955, RJCB 1955, p. 255
373 Il est à signaler qu’on a beaucoup discuté du point de savoir si l’on pouvait étendre l’application de cet article aux
contrats de prêt et de gage (V. développements in L. Julliot de la Morandière, n°566, 567). Signalons enfin qu’on a
écarté l’application de cet article, en France, aux contrats aléatoires et au partage, à la cession d’office ministériel.
Voir A. Weil, op. cit., n°481
177

ne pas y voir par exemple une faute grave et donc ne pas prononcer la résolution sous
prétexte que la condition d’inexécution primitive n’est pas réalisée. Les parties peuvent
ainsi décider qu’en cas de simple retard ou d’exécution partielle, ce fait sera considéré
comme faute grave entraînant l’inexécution réelle. Elles suppriment ainsi le pouvoir
d’appréciation du juge portant sur une des conditions de fond d’application de l’article
82.
Dans le cas d’une clause limitant simplement les pouvoirs du juge, ce dernier
garde néanmoins la liberté d’accorder la résolution ou pas.
Le pacte commissoire exprès simple déroge quant à lui à l’article 82. Il diffère du
pacte commissoire exprès étendu, en ce sens qu’il se contente de stipuler sans plus que le
contrat sera résolu de plein droit à défaut pour l’une des parties de remplir ses
obligations.
Conséquences de ce pacte
Le pouvoir d’appréciation du juge quant à la gravité du manquement commis par
l’une des parties et quant à la possibilité d’accorder des délais pour l’exécution de
l’obligation, est supprimé. Dès qu’il y a inexécution, la résolution intervient de plein droit.
Le juge est tenu de la prononcer. Son intervention ne peut avoir lieu qu’en cas de
contestation : savoir par exemple si l’inexécution est réalisée ou pas; voir si l’invocation
du cas fortuit est fondée ou pas; sur ces éléments le juge conserve son pouvoir
d’appréciation. Mais dès que les conditions d’application de l’article 82 sont réunies (mise
en demeure, inexécution), la résolution intervient de plein droit. En conséquence :
1°. le juge se contente de prononcer la résolution. Celle-ci doit donc être prononcée
en justice. Mais il ne lui appartient pas de l’accorder ou de ne pas l’accorder. Il est
tenu de la prononcer ;
2°. l’obligation de la mise en demeure se maintient. En effet, malgré ce pacte, le
créancier reste donc libre de poursuivre la résolution ou de demander l’exécution
au débiteur, car le pacte commissoire exprès simple est fait à son profit. C’est
seulement quand il demande la résolution que le juge est obligé de la prononcer.
C’est dire que le débiteur n’est pas fondé à invoquer sa propre inexécution pour
obtenir sur base du pacte, la résolution du contrat et donc sa libération totale. Ce
serait un moyen trop commode pour lui de se soustraire à son engagement (374).
L’article 333 du Code civil, livre III sur la vente est une application de cette
assertion. La jurisprudence a par ailleurs fait du pacte commissoire des applications
nombreuses. Il a été jugé notamment que :

374 Exemple art. 333 du Code civil ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 568
178

1°. le pacte commissoire exprès prive le juge du pouvoir d’apprécier la gravité du


manquement imputé au débiteur de l’obligation. La mission du juge de borne à
constater si le manquement prévu contractuellement existe (375) ;
2°. lorsque, dans un pacte commissoire exprès, il n’est pas stipulé que la résolution
aura lieu de plein droit ou sans mise en demeure, il y a lieu à application des
règles ordinaires qui exigent la mise en demeure infructueuse (376). Cette mise en
demeure préalable est indispensable et détermine la recevabilité de l’action en
résolution (377) ;
3°. le pacte commissoire exprès stipulé dans un contrat de bail en cas de non
paiement des moyens ne peut être invoqué par le bailleur si le retard de
payement des loyers est dû à une erreur du banquier du locataire qui a exécuté
avec retard un ordre de virement permanent (378).
II. Pacte commissoire exprès étendu
Dans l’hypothèse du pacte commissoire exprès étendu, les parties sont encore plus
explicites et facilitent davantage les conditions d’application de la résolution. Ici en effet,
les parties stipulent qu’en cas d’inexécution, le contrat sera résolu de plein droit, sans
sommation ni autre formalité.
Les conséquences du pacte commissoire exprès étendu sont nettes :
1°. l’obligation de la mise en demeure tombe ;
2°. le juge intervient non pas pour prononcer la résolution, mais pour la constater et
prononcer les condamnations qui s’imposent(379). Son pourvoir d’appréciation
disparaît totalement.

375 1ère inst. Léo, 27 mai 2958, RJCB 1960, p. 51, Appel RU, 22 novembre 1955, RJCB 1956, p. 129. En fait, ces
décisions se rapprochent des clauses limitant le pouvoir d’application.
376 1ère inst. Elis, 8 mars 1957, p. 263
377 L’shi, 14 janvier 1969, RJC, 1969, p. 270
378 Léo, 14 avril 1964, RJC 1965, p. 19
379 Ici aussi le créancier peut toujours préférer l’exécution. C’est quand il est impossible que les effets du pacte sont tels
que décrits ici.
179
180

TITRE II : DELITS ET QUASI-DELITS(380)

Le délit et le quasi-délit forment après le contrat, la deuxième source classique des


obligations. Notre code, à l’instar du code Napoléon, ne lui consacre que cinq articles, les
articles 258 à 262. Mais la pratique jurisprudentielle en a fait, chez nous, comme ailleurs,
une application très abondante.
L’obligation délictuelle ou quasi-délictuelle est un lien de droit en vertu duquel
l’auteur d’un délit ou d’un quasi-délit est tenu à indemniser le dommage causé à la
victime par son acte.
Les questions relatives à la détermination des conditions, de l’étendue ainsi que les
personnes débitrices de cette indemnisation sont étudiées en droit dans l’institution de la
responsabilité civile appelée aussi responsabilité délictuelle ou encore responsabilité
aquilienne (du nom du romain Aquilius qui, dans la lex Aquilia, en a posé les premiers
jalons).
Telle que décrite dans le code civil, l’institution de la responsabilité civile constitue
un point d’évolution dans la pensée juridique de l’homme occidental à l’époque de 1804.
Principe de la responsabilité civile
A cette époque, en effet, la pensée juridique dissocie nettement la responsabilité
civile de la responsabilité pénale. Alors que cette dernière vise la répression de la violation
des textes pénaux, des infractions définies limitativement par le code pénal en infligeant à
leur auteur une peine (privation de liberté, payement d’une amende), la responsabilité
civile a, elle, pour objet la réparation des dommages que les individus se causent dans
leurs rapports privés.
Le principe de cette répartition civile est consacré par l’article 258 du Code civil,
livre III : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui
par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Ce principe distingue ainsi la responsabilité civile :
1°. de la vengeance privée soumise à la loi du talion (pratiquée jadis au moment où
responsabilité civile et responsabilité pénale étaient confondues) ;
2°. de la composition volontaire ;
3°. de la composition forcée (Wehrgeld).
Alors que ces trois pratiques étaient liées à l’idée de vengeance, la responsabilité
est liée à celle de réparation. Et une réparation imposée par la loi.
Philosophie du principe de responsabilité civile

380 Kalongo Mbikayi, La responsabilité extra-contractuelle en droit zaïrois, in Journal of African law, volume 17 n°1,
London, Spring 1973, pp. 41-65
181

La philosophie du principe de responsabilité civile est bien particulière. En 1804 en


effet, l’institution est présentée sous un aspect répressif déterminant. La solution
préconisée est présentée par l’article 258 et a pour finalité de sanctionner le comportement
fautif de l’auteur d’un dommage. Le rôle d’indemnisation de la responsabilité civile n’a
été ressenti que dans la suite.
En 1804, seul son rôle de peine privée était mis en relief ; d’où la part très
importante accordée à l’idée de faute dans le comportement de l’auteur du dommage.
Sans faute, pas de responsabilité civile. On pense à cette époque proche de la révolution
française que l’homme est libre et doit seul répondre de ses actes. La responsabilité
personnelle est même conçue comme une consécration de l’indépendance et de la liberté
de l’homme.
L’article 258 ne sanctionne pas tous les comportements dommageables de
l’homme. Seuls sont sanctionnés, les comportements dommageables provoqués par une
faute ou par une imprudence. La sanction visant à amender l’auteur de la faute, la
responsabilité civile telle que consacrée par l’article 258 a un caractère individualiste et
subjectif.
Individualiste, car, en principe tout au moins, l’obligation de réparation pèse sur le
seul individu auteur du délit. Subjectif, car ce qui est sanctionné, c’est le comportement
fautif de l’auteur du dommage.
Conception de la responsabilité civile coutumière (381)
La conception de la responsabilité civile du droit écrit est toute différente de celle
connue en droit traditionnel. Dans nos sociétés traditionnelles africaines en effet, la
responsabilité civile est collective et objective.
Collective, car l’obligation de réparation pèse, grâce à la solidarité clanique, sur le
groupe familial dans lequel vit régulièrement l’auteur du dommage. Objective, car
l’obligation de réparation n’est pas conditionnée par la faute, mais par le seul avènement
du dommage. La faute n’intervient que comme mesure de réparation.
Les conditions de responsabilité civile ainsi que la finalité de l’institution sont donc
différentes entre le droit écrit et le droit coutumier. Nous verrons que l’évolution moderne
tend à faire virer la conception du droit écrit en 1804 vers celle du droit coutumier (382).
En droit écrit, les structures de la responsabilité civile ont été marquées par cette
philosophie de base.
Nous allons d’abord examiner les conditions de la RC telles que prévues en droit
commun (chapitre I). Nous examinerons ensuite les cas où l’on peut répondre d’un fait

381 Pour les développements, Kalongo Mbikayi (B.O), Problème d’adaptation des principes moteurs de la responsabilité
civile en droit privé zaïrois, in Cahiers congolais XIII, 1970 n°1, p. 75 ; Responsabilité civile et socialisation des
risques en droit zaïrois, Kinshasa, PUZ, 1977.
382 Kalongo Mbikayi, Progrès technique et Responsabilité civile, cours approfondi,1ère licence en droit, Unikin.
182

d’autrui (chapitre II) et d’un fait de choses (chapitre III). Nous aborderons l’examen des
rapports entre la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle (chapitre IV)
avant de terminer ce titre par l’examen des critiques et de l’évolution moderne de la
responsabilité civile (chapitre V).
183
184

Chapitre I : Responsabilité pour fait personnel

La responsabilité de droit commun est, comme on l’a dit, la responsabilité pour fait
personnel. Les autres constituent des exceptions.
Ce sont les articles 258 et 259 du Code civil, livre III, qui constituent le siège de
cette matière. Aux termes de l’article 258, « tout fait quelconque de l’homme qui cause à
autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». De son
côté, l’article 259 édicte que « chacun est responsable du dommage qu’il a causé, non
seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».
Il ressort de ces deux articles que trois conditions doivent être remplies pour que
soit établie cette responsabilité civile de droit commun :
1°. l’existence d’un dommage ou préjudice (section 1) ;
2°. la preuve que ce dommage a été engendré par la faute de son auteur (section 2) ;
3°. enfin l’établissement d’un lien causal entre le dommage subi et la faute invoquée
(section 3).
Dès que ces trois conditions sont établies par la victime, il naît au bénéfice de celle-
ci une créance en réparation contre l’auteur de la faute. Pour faire valoir cette créance et la
préciser, la victime dispose d’une action en justice, l’action en responsabilité. La section 4
de ce chapitre sera consacrée à cette question et l’on clôturera l’étude du droit commun de
la RC en s’interrogeant sur le fondement même de cette responsabilité (Section 5).

Section 1 : Dommage

On passera en revue la nécessité du dommage (§1), les catégories de dommages


réparables (§2) ainsi que les caractères du dommage (§3).
§1. Nécessité du dommage
Pour qu’il naisse une créance en indemnité, il faut qu’il y ait dommage, un
préjudice à réparer. La preuve de ce préjudice incombe à la victime. Et le juge ne peut
accorder des réparations lorsqu’il y a doute sur l’existence même du préjudice.
Contrairement au droit coutumier (383), le droit écrit n’indemnise pas tous les
dommages. Seuls sont indemnisés les dommages certains, directs personnels et consistant
en une lésion d’un intérêt légitime juridiquement protégé.
§2. Catégories des dommages réparables
I. Dommages matériels
Il s’agit de toute atteinte aux droits et intérêts d’ordre patrimonial et économique

383 Voir mes études précitées.


185

de la victime. On peut citer à titre d’exemples :


1°. la destruction, dégradation des habits, de la maison, du bétail, des meubles, des
marchandises de la victime;
2°. l’atteinte à sa clientèle.
La jurisprudence estime que le dommage matériel comporte également les frais de
l’expertise contradictoire (384), mais non à défaut d’un lien de causalité, les frais de
défense(385). L’immobilisation d’un véhicule, même non utilitaire entraîne nécessairement
un préjudice « matériel » (386).
II. Dommages corporels
Les dommages corporels constituent une catégorie particulière des dommages
matériels. Cette catégorie vise essentiellement les atteintes à la personne physique de
l’homme : coups, blessures, éclaboussures, empoisonnements, et ces dommages peuvent
diminuer par exemple la capacité de travail de la victime et partant, diminuer ses
revenus(387).
III. Dommages moraux
Par dommages moraux, il faut entendre des atteintes à l’honneur d’une personne,
à sa considération, à sa réputation et ce par des écrits, des injures, des paroles
diffamatoires ou par tout autre moyen. On peut citer l’exemple de l’adultère ou de la
rupture injustifiée d’une promesse de mariage.
On entend également par dommages moraux, des douleurs que causent à la
victime les souffrances physiques ou morales à la suite d’un accident par exemple. La
réparation se fait grâce au prix de la douleur, le pretium doloris. Exemple : une jeune fille
et peut-être un jeune homme, qui, à la suite d’un accident, doit garder la cicatrice trop
visible, ou un quelconque préjudice qui diminue son harmonie physique, son esthétique
et peut-être ses chances de mariage. Ses souffrances constituent un préjudice, un
dommage esthétique.
Le terme dommages moraux vise enfin des douleurs que l’on ressent à la suite de
l’atteinte à la sensibilité et à l’affection, à la suite de la mort ou même les blessures graves
subies par un être proche et aimé voire par un animal. C’est le dommage dit affectif.
Les dommages moraux sont nombreux et divers. On peut néanmoins les réduire à
trois catégories.

384 Léo, 11 juin 1957, RJCB 1958, p. 16.


385 Cass. b., 1er avril 1956, JT, p. 375 ; Pas. I., p. 841 ; Bull. Ass., p. 418 ; contra, Corr. Charleroi, 1er avril 1955, RGAR
n° 5609
386 Léo, 15 mai 1956, RJZ 1957 ; Kin, 16 février 1971, RJZ 1972, p. 55
387 Kin, 11 janvier 1976, p. 74
186

A. Atteinte aux droits de la personnalité


Cette atteinte prend plusieurs formes :
1. Atteinte au nom et à ses éléments constitutifs
Dans cette catégorie, on range l’usurpation du nom, l’utilisation du nom à titre de
pseudonyme, l’utilisation du nom par un homonyme, l’utilisation du nom dans une
œuvre d’esprit, l’utilisation du nom à des fins mercantiles, l’atteinte au prénom et au
pseudonyme.
2. Atteinte à la vie privée
C’est le cas notamment lorsqu’il y a prise de photo ou publication de photo d’une
personne sans son autorisation. La mort de la princesse Diana a mis en exergue ce
dommage causé par un journaliste qui harcèle les vedettes dans leur vie privée, les
« paparazzis ».
3. Autres variétés d’atteintes aux droits de la personnalité
Sous cette rubrique, il y a à classer l’atteinte à l’honneur, à la réputation et aux
sentiments de pudeur, omission de citer les noms d’un savant dans des ouvrages traitant
d’une question où les études de ce savant avaient apporté une contribution capitale
(plagiat), l’atteinte à la vie professionnelle, au droit moral de l’auteur ou de l’artiste, à la
mémoire des morts, à la puissance parentale, etc.
B. Atteinte à l’intégrité corporelle ou à la vie d’un être humain
Il y a lieu de distinguer selon qu’il y a décès ou survie de la victime directe.
Décès de la victime
Le décès survenu à la victime à la suite d’un accident est une atteinte à la vie,
génératrice du dommage moral pour ses proches.
Survie de la victime directe
En ce cas, la victime peut se prévaloir de plusieurs types de dommages moraux,
les souffrances physiques, le préjudice esthétique (perte de l’intégrité corporelle, préjudice
esthétique sensu stricto), le préjudice juvénile, le préjudice d’agrément. C’est le cas de la
perte de l’usage normal d’un membre qui cause un désagrément à la victime, les atteintes
aux facultés intellectuelles.
C. Atteinte à l’affection ou préjudice d’affection
C’est le chagrin provoqué par la mort d’un « être cher » (au sens affectif du terme),
subi par la vue de ses souffrances ou infirmités quelques fois atroces si la victime de
l’accident survit. C’est aussi le chagrin qu’éprouve celui qui perd ou voit souffrir un
membre de famille proche. C’est le dommage affectif.
Cette dernière hypothèse a soulevé des difficultés particulières relatives à la
limitation des proches ou des amis qui pouvaient disposer de l’action en réparation. Doit-
on retenir tous ceux qui justifient de leur peine : parents, conjoint, fiancé, amis, certains
187

proches seulement ? Les solutions en jurisprudence sont restées divergentes (388). Il s’agit
dans le dernier cas, du dommage affectif.
Ainsi jugé que la souffrance éprouvée par une femme à la vue de son mari en proie
à des grandes douleurs à la suite d’un accident survenu par faute d’autrui constitue un
préjudice moral lui donnant droit à la réparation (389).
Controverses relatives à la réparation du dommage moral
La réparation du dommage moral a donné lieu à des controverses nombreuses.
Certaines législations ne l’ont jamais admise, d’autres tendent à la supprimer. L’objection
la plus grave tient au caractère particulier du dommage moral. On a estimé que comme
tel, ce dommage n’était pas évaluable en argent sauf de façon arbitraire qu’il ne pouvait
pas en conséquence donner lieu à une action en responsabilité civile. A cet effet, les juges
parlent d’évaluation ex aequo et bono. C’est le cas de la rétractation publique pour
atteinte à l’honneur.
Pour les autres hypothèses, le principe de la réparation a été soutenu par des idées
beaucoup plus liées à l’équité qu’au droit. On a estimé en effet qu’à défaut d’autres
réparations, plus adéquates, une somme d’argent était au moins une compensation pour
qui souffre par la faute d’autrui. Faute de mieux, l’argent sert, dit-on, à panser les
blessures et à atténuer quelque peu le dommage ressenti par la victime. Ainsi par
exemple, en cas de dommage subi par suite de la mort d’une fiancée, l’argent ne vaut
vraiment pas la fiancée mais c’est une sorte de geste, de fiction dont le but social est de
contribuer tant soit peu à diminuer la douleur de la victime.
Nature juridique de l’indemnité perçue par la victime d’un dommage moral
Il ne s’agit à proprement parler que de dommages-intérêts calculés sur les
préjudices comme en droit commun. Il s’agit d’une sorte de peine civile à l’encontre de
celui qui a commis la faute (390).
Il y a lieu de noter toutefois qu’un dommage peut avoir à la fois un aspect matériel
et moral. Sa réparation subira ce double aspect. La victime obtiendra de vrais dommages-
intérêts pour le préjudice matériel et une indemnité à titre de peine civile pour le
dommage moral, même si pour ce dernier cas, la réclamation de la condamnation du
défendeur sur un « franc symbolique ».

388 Voir cas d’application pour la France : Cass. crim, 5 juin 1916, D. 1956. 216 ; Cass . fr. civ., 16 janvier 1962, D.1962.
199. La chambre civile étend beaucoup la notion du dommage moral, l’appliquant facilement au cas de perte d’un
animal ; pour la concubine, Cass. fr. crim., 26 novembre 1962, JCP 1962, II, 12971; observations Tunc, RTC 1963,
p. 337 et 1964, p. 106. Voir aussi RCJB, 1949, p. 21 et s. ; 1952,p. 82 et 93 ; 1955, p. 255 ; Brux., 29 avril 1950,
Pas. 1950, II, 81.
389 L’shi, 1er décembre 1970, RJC 1971, p. 35.
390 En ce sens, Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°382 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., 583 ; Ripert (G), Le prix
de la douleur, D. 1948, chr., p.1.
188

Ainsi à la suite d’un accident causant une perte de salaire à un parent, la


réparation couvrira à la fois :
a) le dommage matériel (perte de revenu);
b) le dommage moral : les douleurs ressenties par les enfants à la suite de l’accident.
La vue du spectacle, la manière dont souffre le père, etc.
Réparation du dommage moral en droit congolais
La jurisprudence congolaise accorde la réparation du dommage moral. Cependant,
elle n’a pas établi nettement des principes moteurs en ce qui concerne les bénéficiaires de
cette action en réparation ni la nature même du dommage moral à prendre en
considération (dommage affectif pour morts ou pour blessures, dommage esthétique,
perte d’un animal...). La question reste donc ouverte à l’étude (391).
Toutefois, on peut dès lors suggérer que la liste des bénéficiaires de cette action en
réparation du dommage moral soit établie d’une façon nette et limitative. Car à côté des
victimes directes, plusieurs personnes peuvent apparaître comme des victimes par
ricochet. La jurisprudence aura bien cerné les conditions d’indemnisation et notamment la
nécessité de la preuve du préjudice que doit apporter la victime. Les difficultés d’une telle
preuve apparaîtront souvent comme un barrage aux actions des demandeurs de la
réparation.
§3. Caractères des dommages réparables en droit congolais
Il existe une différence entre le droit coutumier et le droit écrit congolais. Le droit
coutumier ne limite pas les dommages réparables. En revanche, le droit écrit ne prend en
considération que le dommage qui revêt les quatre caractères suivants : certain, direct,
consistant dans la violation d’un intérêt légitime et personnel.
I. Le dommage doit être certain
Cela va de soi, pour être indemnisée, la victime doit prouver l’existence du
dommage qu’il a subi. Ce dommage doit être certain au moment où le juge doit y statuer
de façon que son évaluation en soit facilitée. En d’autres termes, le préjudice à indemniser
doit être certain et actuel. Mais cette notion de certitude a soulevé dans la pratique de
nombreuses discussions qui ont donné lieu aux précisions suivantes.
Il n’est pas nécessaire pour être réparé, que le préjudice soit actuel au jour du
jugement. On a admis, en effet, que la réparation d’un préjudice futur était possible dès
lors que sa réalisation (son existence, son avènement) était certaine dans l’avenir et son
évaluation par le juge possible dès maintenant(392). Ainsi, pour un accident entraînant une

391 On peut dans une dissertation étudier la question sous le titre « Le droit à la réparation du dommage moral en droit
congolais ».
392 L’shi, 7 août 1974, RJZ, 1977, n°1, 2 et 3, pp. 74-75.
189

incapacité permanente de travail, dès maintenant le juge évalue la réparation (rente


viagère) car, le préjudice est successif.
Il peut être établi que tel préjudice ira en s’accroissant, le juge peut dès maintenant
évaluer le montant du préjudice intégral. Mais la victime peut aussi n’obtenir qu’un
montant calculé sur le préjudice actuel, quitte par une nouvelle action, en cas
d’aggravation ultérieure du préjudice, à se présenter devant le juge pour obtenir de
nouveaux dommages et intérêts. Mais cette aggravation ultérieure du préjudice ne peut
donner lieu à une nouvelle demande que si elle se rattache directement à la faute de
défendeur.
Il n’y a pas à tenir compte du dommage simplement éventuel dont la réalisation
n’est pas certaine. Exiger une indemnisation pour perte d’un enfant en arguant de la perte
matérielle des avantages financiers que cet enfant vous donnerait s’il restait en vie. Ces
avantages étant incertains, le préjudice l’est aussi. Le dommage simplement éventuel n’est
pas à confondre avec la perte d’une chance qui, elle, peut constituer un préjudice actuel et
certain. Il en est ainsi :
1°. de la perte de la chance d’être aidé dans ses vieux jours à la suite de la mort
accidentelle d’un enfant;
2°. de la perte de la chance de pouvoir être nommé à tel poste si on avait passé le
concours; c’est différent de la réussite elle-même qui reste éventuelle;
3°. du cas du coureur auto dont la voiture est endommagée dans un accident d’où la
perte de la chance de participer à la course est un dommage certain. Mais la perte
de l’enjeu (par exemple 100.000.000 FC pour les gagnants) est un dommage
éventuel.
Mais quelle est la situation en cas de perte d’un enfant ? Le calcul des dommages
et intérêts tient-il compte des études de l’enfant et de l’avenir qu’il pouvait avoir. N’est-ce
pas là un dommage simplement éventuel que nos juges réparent fréquemment ? Chez
nous, ce qui est visé, c’est plus la réparation du dommage moral que celle du dommage
matériel. C’est l’homme lui-même qu’on pleure, ainsi que son rôle dans la famille. La
faiblesse de notre jurisprudence à ce sujet réside néanmoins dans le fait que la réparation
du dommage moral se fait comme s’il s’agissait du dommage matériel qui, lui, reste
éventuel.
Cas de cumul d’indemnités
L’hypothèse ici est celle où la victime peut recevoir une indemnisation et de
l’auteur du dommage et d’un tiers (l’assureur) à la suite d’un même dommage. La
question posée revient à constater que la deuxième indemnisation ne repose sur aucun
dommage puisque celui-ci aura été indemnisé. La victime cumulera-t-elle ou pas les deux
indemnités ?
190

Généralement, la loi règle cette situation en autorisant ou pas le cumul et ceci


suivant que la victime est couverte ou pas par la sécurité sociale ou par l’assurance privée;
il faut se référer à ces législations pour avoir la réponse. Chez nous, le principe de non
connu est prôné :
1°. en matière de sécurité sociale (393);
2°. en matière d’assurance des choses (394).
En Belgique, l’assureur est légalement subrogé aux droits de la victime contre les
tiers responsables tandis que chez nous, l’assureur est subrogé conventionnellement. Par
contre, le principe de cumul est prôné en matière d’assurance accidents individuels (395).
II. Le dommage doit consister dans la violation d’un intérêt légitime « juridiquement
protégé »
Ce n’est donc pas un intérêt quelconque qui est protégé. La doctrine et la
jurisprudence parlent d’intérêt légitime. Il s’agit, comme le dirait A. Weill (op. cit. n°599)
d’un intérêt digne d’être pris en considération par la loi, d’un intérêt qui n’est pas
contraire aux lois qui, cependant, est protégé par la loi(396). C’est ainsi que le propriétaire
d’un bien endommagé a un intérêt à exiger son indemnisation parce qu’il a un droit de
propriété sur la chose. Ceci est facile pour les dommages matériels.
Mais au niveau du dommage moral, le juge doit apprécier la légitimité de l’intérêt.
Il s’agit souvent de la violation des droits fondamentaux (droit à la vie, à l’intégrité
physique...). Par contre, l’intérêt illégitime non protégé par la loi ne peut être indemnisé :
il en est ainsi d’un détenu qui ne peut poursuivre un magistrat en paiement des
dommages intérêts pour l’avoir jeté en prison à la suite d’une infraction qui l’a empêché
de travailler et accroître ses ressources car il n’y a manifestement pas violation d’un
intérêt légitimement protégé. Car la loi permet cette violation.
De même, une concubine qui perd un amant dans un accident, ne peut agir en
dommages Intérêts contre l’auteur de l’accident car son dommage ne constitue pas la
violation d’un intérêt juridiquement protégé, la loi ne protège que les relations du
mariage. En France, depuis l’arrêt de la chambre mixte du 27 février 1970, la
jurisprudence a évolué. La tendance est d’exiger « un intérêt socialement protégé » (397).
On ne parlerait plus d’intérêt juridiquement protégé mais cette jurisprudence ne vise que
l’hypothèse du concubinage non délictueux.

393 Art. 53 du DL du 29 juin 1961 organique de la sécurité sociale, MC 1961, p. 330 ; Mukadi Bonyi, Droit de la sécurité
sociale, Kinshasa, éd. Ntobo, 1995, n° 100 et s.
394 Solution tirée de l’art. 22 de la loi belge sur l’assurance.
395 Sur ces questions, voir Kalongo Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois, op. cit., p.
204.
396 Weill (A), op. cit., n° 599.
397 Gomaa (N), La réparation du dommage et l’exigence d’un intérêt légitime juridiquement protégé, D. 1970,
chron.XXXI, p. 145 ; Weill (A), op. cit., n° 599.
191

Un voleur de voiture serait également débouté s’il s’agit en dommages intérêts


contre le tiers qui a endommagé la voiture car son dommage ne constitue pas de violation
d’intérêts juridiquement protégés.
On peut en conclusion dire qu’un certain pouvoir est laissé au juge pour apprécier
la légitimité d’un intérêt. C’est ainsi qu’en France, à propos de l’action de la concubine, on
est arrivé à dire en jurisprudence qu’il suffit que l’intérêt soit non pas juridiquement
protégé mais « socialement » protégé. La jurisprudence se permet cette interprétation
puisque la loi n’exige pas ce caractère du dommage (398).
III. Le dommage doit être direct
Tout comme en matière contractuelle (art. 40, Code civil, livre III), les dommages-
intérêts ne peuvent comprendre que ce qui est une suite immédiate et directe de
l’inexécution. Le dommage réparable en matière délictuelle doit être direct, c’est-à-dire
être une suite directe et immédiate de la faute(399). Ce caractère permet d’écarter dans un
cas donné la réparation de nombreux autres dommages indirects et lointains qui, peut-
être, n’auraient pu être provoqués par la faute de l’auteur du dommage.
Signalons que ce caractère est en fait lié à la troisième condition de la
responsabilité civile, le lien de causalité ou le rapport de cause à effet entre le dommage et
la faute auquel nous reviendrons dans la section III. Il y a lieu de noter que les
applications de ce caractère ont donné lieu à de nombreuses discussions. Il appartient au
juge de voir dans chaque cas d’espèce si ce caractère direct est bien établi.
Ainsi, lorsqu’un cardiaque ou un boiteux est tué accidentellement, il est évident
que la cause directe de ce dommage est l’accident et non la prédisposition physique de la
victime.
De même, en cas d’aggravation ultérieure du préjudice, la victime ne peut avoir
droit à des dommages intérêts que si cette aggravation est due à la cause première.
Ainsi, en cas d’accident entraînant une incapacité partielle, si la victime, par la
pratique d’un sport déconseillé, en arrive à une incapacité totale, il est évident qu’elle
n’aura pas droit à un supplément de dommages- intérêts.
IV. Le dommage doit être personnel
Il doit être subi par la victime personnellement. Un même fait cause dommage à
plusieurs personnes, chacune des victimes est en droit d’exiger l’indemnisation pour le
préjudice personnel.
Un même accident peut causer des dommages distincts à diverses personnes :
dommage matériel, dommage moral (esthétique, affectif...). L’action en réparation ne peut
être accordée qu’à celui qui a subi personnellement le préjudice.

398 Gomaa (N), op.cit., p. 145 ; Avril, op. cit., n° 599.


399 Elis, 27 décembre 1960, RJC 1961, p. 143.
192

Section 2 : Faute

La faute n’a pas été définie par la loi elle-même. Elle donne lieu en doctrine et en
jurisprudence à de nombreuses tentatives de définition théorique que le cadre général et
limité de notre droit ne permet pas de passer en revue(400).
Cependant, de la masse de toutes ces définitions, une semble dominante : c’est
celle qui se réfère au comportement d’un homme prudent et diligent, nous y reviendrons.
Il suffit de noter que le Code civil, lui, ne prévoit de façon générale sans les définir, que
deux catégories de faute : la faute intentionnelle, l’imprudence et la négligence (le quasi-
délit visé à l’article 259).
L’une et l’autre donnent lieu à la réparation intégrale du dommage qu’elles
engendrent même si leur degré de gravité est différent. Ceci dit, essayons à présent de
cerner les éléments internes qui peuvent permettre une meilleure compréhension de la
faute. Ces éléments sont la culpabilité de l’auteur du fait, c’est l’étude du fait illicite lui-
même, (paragraphe 1) et l’imputabilité de ce fait à son auteur qui constitue l’élément
objectif (§2)(401).
§1. Culpabilité de l’auteur ou la recherche proprement dite du fait illicite
A défaut d’une définition légale, la jurisprudence et la doctrine ont dégagé de
nombreuses définitions pouvant se grouper en trois hypothèses. Il peut y avoir faute, fait
illicite, c’est-à-dire fait socialement mauvais :
1°. en cas de violation d’un texte impératif (I);
2°. en dehors de la violation d’un texte impératif mais par comparaison avec le
comportement d’un homme prudent (II);
3°. en cas d’abus de droit, c’est-à-dire lorsqu’on agit dans les limites d’un droit
défini mais avec l’intention de nuire (III).
I. Faute, violation d’un texte
Est constitutif de faute tout manquement volontaire ou involontaire aux
dispositions législatives ou réglementaires impératives ordonnant ou prohibant tel ou tel
acte. Les textes violés peuvent être des textes pénaux, d’ordre administratif (cas des
règlements d’hygiène par exemple), d’ordre privé (en matière d’empiétement, par
exemple construire sur un terrain d’autrui).

400 V. spécialement Mazeaud (H, L et J) et Tunc (A), Traité théorique et pratique de la responsabilité civile ; Starck (B),
Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine
privée, thèse, Paris 1947 ; le Procureur général Paul Leclercq, Discours prononcé à l’audience solennelle de
rentrée de la Cour de cassation de Belgique le 17 novembre 1927, Pas. 1928, I, 1 ; Marty (G), L’expérience
française en matière de responsabilité civile et les enseignements du droit comparé, Mélanges Maury, T. II, p. 173 et
s., Lindon (R), La gamme des fautes, DH 1940, chr.p. 173 et s ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°593 et s.
401 En ce sens, Julliot de la Morandière (L), op. cit. n° 593 et s.
193

Mais la plupart du temps, l’on vise surtout les violations des textes répressifs.
C’est pourquoi dans ce cas il s’établit un rapport entre la faute civile et la faute pénale
qu’il faut examiner.
Rapports entre la faute pénale et la faute civile
1°. En principe toute infraction pénale constitue une faute au point de vue civil,
mais ce n’est pas pour autant qu’elle donne lieu à des dommages-intérêts car il
faut pour ce faire qu’elle ait entraîné un dommage pour une personne. Ainsi par
exemple, les tentatives punissables en droit pénal n’entraînent pas de dommage
réparable au civil. La mendicité, le port d’arme prohibée sont des infractions
pénales mais n’entraînent pas nécessairement un dommage contrairement par
exemple à la destruction méchante des biens d’autrui, à l’assassinat. Certaines
violations au code de roulage n’entraînent pas de dommage réparable au civil.
2°. Mais à l’inverse, beaucoup de fautes ne constituent pas de délits pénaux suivant
le principe « nullum crimen, nulla poena sine lege ». C’est par exemple le cas de
la violation des textes administratifs portant règlement d’hygiène en matière
civile, la faute en elle-même n’est pas sanctionnée. Seule est sanctionnée la faute
civile entraînant un dommage.
Nous disons bien, toute faute civile entraînant un dommage. Ici donc, l’adage
« nulla poena sine lege » ne s’applique pas. La seule règle qu’on peut proposer au civil est
« aucune réparation sans dommage » ou mieux « aucune réparation sans faute
dommageable ».
3°. Lorsque la faute civile est en même temps une faute pénale, il y a lieu alors à la
fois à l’action pénale et à l’action civile. Et généralement, l’action civile subit à
biens d’égard l’influence de l’action pénale :
a) la prescription de l’action pénale entraîne celle de l’action civile. Il vaut mieux
à la victime d’être diligente et d’obtenir une condamnation pénale qui protège
plus la société que ne le font les dommages-intérêts (402). D’autre part, il vaut
mieux éviter, la sanction civile quand la peine encourue n’est plus possible. Il
faudra se référer à l’article 24, livre I du Code pénal pour connaître les délais
de prescritption de l’action pénale (403) ;
b) la victime du dommage peut en demander réparation au tribunal répressif en
se constituant partie civile. Il convient de voir à ce sujet l’application de

402 Voir développement et raison d’être, Weill (A), n° 621, p.635.


403 1. Après un an révolu, si l’infraction n’est punie que d’une peine d’amende, ou si le maximum de la servitude pénale
applicable ne dépasse pas une année;
2. après trois ans révolus, si le maximum de la servitude pénale applicable ne dépasse pas cinq années;
3. après dix ans révolus, si l’infraction peut entraîner plus de cinq années de servitude pénale ou la peine de mort.
194

l’article 104 du Code d’organisation judiciaire relatif à l’allocation d’office des


dommages-intérêts (404) ;
c) si la victime s’adresse séparément au tribunal répressif (il s’agit chez nous de
la chambre répressive) pour obtenir la sanction pénale et au tribunal civil
(chambre civile) pour la réparation civile, celui-ci doit surseoir à statuer tant
qu’il n’a pas été statué définitivement sur l’action publique. Et la décision
intervenue au pénal aura autorité de chose jugée sur le civil (405). C’est le
principe du criminel qui tient le civil en état.
4°. Il est évident que si la faute pénale n’est pas établie, la faute civile tombe
automatiquement. Conséquemment, en cas de condamnation au pénal, la chose
jugée au criminel a autorisé sur le jugement de l’action civile en sens que « la
décision pénale » oblige le juge civil selon la formule de la Cour de cassation de
France à ne pas méconnaître ce que le juge criminel aura décidé quant à
l’existence du fait, sa qualification légale, la participation matérielle du
défendeur à ce fait, sa culpabilité ou son innocence (406). Cela veut dire,
concrètement, que si l’individu poursuivi a été condamné au pénal, cela entraîne
forcément faute civile et s’il y a dommage prouvé, il peut y avoir condamnation
aux DI.
Mais que se passe-t-il en cas d’acquittement au pénal ?
Ici, la solution n’est pas automatique. L’acquittement au pénal n’entraîne pas ipso
facto absence de faute civile car cet acquittement peut être due par exemple à la suite de
décès du coupable. Dans cette hypothèse, l’action civile ne disparaît pas pour autant. Elle
subsiste contre les héritiers de l’auteur du dommage.
Nous savons qu’en cas de prescription légale, l’action civile disparaît. De plus,
l’acquittement peut être due au fait que le dol plus spécial qu’exigeait l’infraction n’a pas
été démontré alors que le même comportement constitue une action de l’imprudence
constitutif de faute civile(407).
II. Faute en dehors de la violation d’un texte
En dehors de la violation de texte l’on peut commettre une faute. Cette faute se
définit comme « un comportement que n’aurait pas eu dans les même circonstances
extérieures, un homme prudent, diligent, honnête, avisé, soucieux de ses devoirs
sociaux »(408). Cette formule est aujourd’hui plus courante pour définir la faute, elle peut
prendre plusieurs formes.

404 Lamy (E), L’action civile d’office et les problèmes d’application qu’elle pose, RZD, n° spécial 1971, p. 331 et s.
405 Fettweis (A), Manuel de procédure civile, 2 ème éd., Liège, 1987, n°s 633 à 638, pp. 435 à 440 ; Le Tourneau ( Ph). et
Cadiet (L), Droit de la responsabilité, Paris, Dalloz, 1996, n° 76 et n° 15 et s.
406 Formule consacrée par Cass. fr. civ., 24 janvier 1940, 74 ; 21 novembre 1956, D. 1957. 52.
407 Cass. fr. civ., 29 mars 1953.DP 1953. 369 ; Cass. fr. civ., 18 décembre 1912, DP 1915. I, 17.
408 Mazeaud (H, L et J) et Tunc (A), op.cit., t. I, n° 416 et s., particulièrement n°439 ; Dalcq (RO), Traité de la
195

1°. Pour apprécier le comportement d’un individu et déceler sa faute on se réfère


donc à un critère abstrait, celui non pas d’un homme parfait, mais plutôt d’un homme
moyen considéré comme un homme honnête, circonspect, diligent, etc., placé dans la
même circonstance objective de temps, de lieu et de profession. Cet homme, c’est le « bon
père de famille ». Si par exemple, un médecin provoque la mort d’un client que l’on
recherchera sa faute en comparant son comportement à celui d’un médecin prudent et
circonspect, placé dans les mêmes circonstances objectives.
S’il s’avère que ce modèle de médecin peut aussi provoquer la mort dans ce cas, il
n’y aura pas de faute dans le chef du médecin défendeur, la faute sera retenue dans le cas
contraire.
Il faut noter qu’en matière automobile, on bafoue ce critère car on retient souvent
une faute là où le comportement du chauffeur modèle ne serait pas différent.
2°. Cette faute de comportement peut être une faute intentionnelle ou une
imprudence ou négligence. Lorsque l’auteur a intentionnellement causé préjudice à
autrui, c’est le délit proprement dit, prévu par l’article 258 du Code civil, livre III.
Lorsqu’il a causé dommage par imprudence ou négligence, c’est le quasi-délit prévu par
l’article 259 du même Code.
Délit ou quasi-délit, l’un et l’autre fait sont illicites et donnent pareillement lieu à
une réparation intégrale(409). On observe de la sorte que la diligence exigée est plus stricte
en responsabilité délictuelle qu’une responsabilité contrac-tuelle(410). La faute la plus
légère (faute d’imprudence ou de négligence) suffit à entraîner l’obligation de réparation.
3°. La faute civile, notamment la faute d’imprudence, est à distinguer de la faute
morale. La morale commande à tout homme une certaine conduite, un comportement
élevé et façonné par rapport à un idéal élevé. Le manquement à cette conduite idéale
s’apprécie par rapport à la conscience universelle qui est supérieure, élevée et n’est pas
sanctionnée juridiquement dans la vie sociale. La conscience tend à la perfection.
A l’opposé, la faute civile s’apprécie en se référant aux besoins moraux de la vie
en société, aux usages, soit généraux soit professionnels. On exige de l’homme d’être
prudent dans l’exercice de ses activités dans la société pour éviter précisément les
dommages réciproques. La référence est faite à l’homme moyen et non pas à l’homme
parfait. Il est évident que si tout le monde avait une haute conscience morale, des fautes
civiles seraient évitées. Mais ceci ne signifie pas que les hommes doivent faire acte de
charité ou de dévouement, à moins qu’un texte précis ne le leur impose,comme l’ont fait
les articles 63 du Code pénal français, 422 bis et 422 ter du Code pénal belge érigeant en
infraction l’abstention de porter secours à une personne en péril, lorsqu’on pouvait le

responsabilité civile, Bruxelles, Larcier 1967, p. 167, n° 265.


409 La différence apparaît cependant en matière d’assurance. Alors que l’assurance de la faute est prohibée, celle des
autres fautes est permise. Pour les notions de faute intentionnelle et lourde, Marty (G), op. cit., n°410.
410 Ici seule suffit la culpa levis in abstracto, la faute que ne commettrait pas le bon père de famille.
196

faire sans risques, l’article 41 de l’ordonnance congolaise du 17 janvier 1957 obligeant


l’usager qui est impliqué dans un accident ayant provoqué des dommages corporels à
prêter ses bons offices en vue de porter secours au blessé (411) ainsi que l’ordonnance-loi
n° 78-015 du 14 juillet 1978 érigeant en infraction toute abstention de porter secours à une
personne en danger.
4°. Signalons enfin que la faute civile peut être une faute de commission ou une
faute d’omission. Elle est une faute de commission lorsqu’on pose un acte positif
présentant les caractères d’une faute. La faute d’omission soulève quant à elle des
difficultés d’appréciation et il convient de ne pas la confondre avec une faute morale. Il
s’agit d’une attitude, d’un comportement négatif, d’une abstention entraînant un
dommage. Ici encore, le critère d’illicéité sera décelé par référence à l’homme moyen
diligent situé dans les mêmes circonstances objectives.
Une compagnie de chemin de fer qui omet de mettre une barrière ou un signal à
un passage dangereux, alors qu’un règlement le lui impose, commet manifestement une
faute civile par omission (412).
L’appréciation est plus difficile lorsqu’aucun texte n’est prévu car c’est ici qu’il
faut distinguer l’obligation morale civile de l’obligation morale. La solution ne peut être
recherchée que par application du critère général de faute que nous venons de voir.
L’intention de nuire n’est pas dans ce dernier cas une condition d’illicéité comme ont
tendu à le faire croire certaines décisions françaises (413).
Illustrons tout ceci par quelques exemples. Je m’abstiens d’élever une clôture le
long d’une tranchée que je destine aux engrais. Je m’abstiens d’allumer ma lampe
extérieure à un endroit où des voisins risquent de tomber dans un ravin. Y a-t-il dans tous
ces cas, faute civile ou pas ? La réponse est qu’il n’y a pas de faute tant que tel serait le
comportement du bon père de famille.
Ce sont d’ailleurs des hypothèses proches de l’abus de droit auquel nous arrivons.
Mais avant cela, il convient de noter que la jurisprudence a fait de la faute, de nombreuses
applications. C’est ainsi qu’il a été jugé notamment :
1°. qu’il ne peut y avoir lieu à la réparation civile sans faute(414);
2°. que sont constitutifs de faute la moindre imprudence (415), l’interprétation erronée

411 Voir ce texte in Piron, Codes et Lois du Congo belge, III p. 731. Un nouveau code de la route a depuis lors été pris
au Congo.
412 L’shi, 7 août 1974, RJZ, 1977, p. 74
413 Cass. fr. civ., 27 février 1951, D. 1951, 329 ; 17 juillet 1953 JCP 1953. II. 7751 ; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit.,
n°408- 409 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°603 ; Carbonnier (J), Droit civil, t. II, p. 620 ; Savatier ( R), op.
cit., I. n°42 et s.
414 Elis, 10 mai 1941, RJCB, p. 130 ; 20 octobre et 4 décembre 1915, Jur. Col. 1925, p. 24 ; 1926, p. 227
415 1ère Inst. Elis, 30 mai 1933, RJCB, p. 229 ; Elis, 7 janvier 1961, RJC 1964, p. 57.
197

d’une disposition législative (416), selon les circonstances, le fait de créer ou de


laisser subsister une apparence trompeuse (417) ;
3°. que l’éditeur qui publie dans son journal une lettre ou un article émanant d’un
tiers, article injurieux et de nature à nuire à une autre personne comme une faute
qui engage sa responsabilité civile vis-à-vis de la personne lésée; qu’il en est ainsi,
même s’il n’a eu personnellement aucune intention méchante et n’a pas voulu
s’associer aux imputations dommageables qu’il publiait, que sa négligence ou
son imprudence sont constitutives de faute (418)
4°. que commet une faute, l’engagé qui ne signale pas à son employeur lors de
l’engagement les tares physiques qui l’empêchent d’exécuter ses obligations
professionnelles (419);
5°. que ne commet pas une faute et ne doit pas des dommages-intérêts le patron qui,
fondé à soupçonner son employé de malhonnêteté, porte les faits à la
connaissance du parquet en s’en tenant à lui pour les apprécier, et leur donner
suite (420);
6°. que commet une faute engageant sa responsabilité, le conducteur d’une voiture
automobile qui, débouchant en trombe d’une voie secondaire sur une voie
prioritaire, y cause un accident (421) ou qui, par manque de prévoyance et de
précautions, ferme brusquement la portière et démarre en trombe au moment
précis où un passager veut entrer ou sortir (422).
III. Faute dans l’exercice d’un droit
Il s’agit ici de l’hypothèse de l’abus de droit. Le cours de droit civil des biens
examine les conditions d’application et les sanctions de l’exercice abusif des droits réels,
tels le droit de propriété. Mais des applications plus nombreuses sont apparues dans
d’autres domaines en législation, dans la jurisprudence et dans la doctrine. Les domaines
visés sont variables : droit du travail, droit des baux, droits intellectuels, droit fiscal, droit
processuel, droit de la consommation, droit de la famille, droit du voisinage.
C’est pourquoi, il est bon de renvoyer à ces matières pour un développement utile
de la faute en cas d’abus de droit. Il convient néanmoins d’affirmer que le dénominateur
commun dans toutes ces hypothèses réside dans le fait que la faute apparaît à la suite de
l’exercice d’un droit licite mais dans l’intention de nuire (423). Dans ce cadre, l’on peut citer

416 Brux., 4 juillet 1955, Pas. 1957, II, p. 31


417 Léo, 7 juin 1955, RJCB, p. 327, JTD, 1957, p. 10 avec note
418 Elis., 13 juin 1931, RJCB, 1931, p. 314-317 ; Elis. 19 janvier 1946, RJCB 1946, pp. 20-24.
419 Elis., 13 novembre 1951, RJCB 1952, p. 17
420 Léo, 28 octobre 1941, RJCB 1942, p. 67
421 L’shi, 1er décembre 1970, RJC 1971, p. 35.
422 Trib. Sous - région Lukunga, 21 janvier 1977, RJZ, 1979, p. 154.
423 V. notamment G. Kalambay Lumpungu, Droit civil. Régime général des biens, vol. I, 2 ème édit., Kinshasa, PUC,
198

les voies de recours abusives telles les actions téméraires et vexatoires (Jurisprudence sub
art. 258 codes Piron, I, p. 119).
§2. Imputabilité
Principe
Il ne suffit pas que l’acte en lui-même soit illicite; il faut encore qu’il puisse être
assumé juridiquement, reproché, rattaché à celui qui l’a commis, quand bien même il
l’aurait commis sans intention. C’est l’élément subjectif de la faute. Ceci revient à dire
qu’il doit être constaté chez le défendeur, auteur du fait illicite, une volonté consciente,
capable et libre. La conscience, la capacité et la liberté de la volonté sont donc les trois
postulats de l’imputabilité.
I. Une volonté consciente
Seules les personnes conscientes peuvent, au sens de l’article 258 du Code civil,
livre III, commettre une faute. En d’autres termes, en principe tout au moins, il ne peut
être reproché de fautes qu’à une personne consciente, c’est-à-dire à une personne qui
réalise ce qu’elle fait.
L’irresponsabilité de l’inconscient comme celle de l’animal est donc la règle. C’est
ainsi que dans notre droit le fou, l’idiot, l’enfant, n’ont pas la conscience de leurs actes ; ils
sont en principe irresponsables individuellement. Il y a, cependant, à cet égard une
évolution en droit comparé où l’on tend, dans le souci d’une plus grande protection des
victimes, à mettre fin au principe de l’irresponsabilité des déments et des anormaux(424).
Cette atteinte à la conception subjective de la responsabilité civile n’a encore reçu
aucun, aucun écho dans notre droit qui continue donc à appliquer le principe de
l’irresponsabilité des fous et anormaux. Notons enfin que si la perte momentanée de la
conscience est imputable à la faute personnelle du défendeur (ivresse, fureur, alcoolique)
l’individu serait responsable. Il en est ainsi en cas d’ivresse ou de fureur alcoolique du
défendeur.
Un autre aspect de ce premier postulat de l’imputabilité vise la responsabilité
civile des personnes morales (425). A ce sujet, il y a lieu de noter que le droit a consacré une
telle responsabilité estimant que la faute des organes engage la personne morale toute
entière. Ces personnes sont du reste étudiées en droit administratif. Nous vous y
renvoyons (426).

1989, pp. 169, 175 et s., 196 ; V. Kangulumba Mbambi, Précis de droit civil des biens, tome 1, Louvain-la-Neuve,
Academia Bruylant, 2007, n° 409,425,444-450 ; Mukadi Bonyi, Droit du travail, Bruxelles, CRDS, 2008, n° 414 et s.
Pour les conditions d’applications et les sanctions, voir outre ce livre, Starck (B) et Boyer (R), op. cit., n° 329-399,
pp. 165-196 ; Le Tourneau (Ph) et Cadiet (L), op. cit., n°s 3151 et s.
424 Art. 1386 du Code civil belge (loi belge du 16 avril 1953) art. 489-2 du Code civil français (loi du 3 janvier 1968), JCP
III, 33784. Il est à souhaiter que notre droit s’inspire de ces innovations.
425 La question qui se pose en effet, est celle de savoir comment déceler leur responsabilité.
426 Responsabilité de l’Etat et des communes, responsabilité des sociétés commerciales. Voir à ce sujet, Kalongo
199
II. Une volonté capable
La volonté de l’auteur du délit ou du quasi-délit doit être capable. Il s’agit ici de
l’aptitude d’un individu à commettre un délit ou un quasi-délit : c’est la capacité
délictuelle qui se distingue de la capacité contractuelle.
La capacité délictuelle « est plus largement reconnue, parce qu’il suffit, pour ne
pas commettre de faute, d’une expérience plus élémentaire que pour contracter, et aussi
parce que les victimes n’ayant pas choisi leur rôle mérite plus de protection que les
contractants » (427).
Ainsi, certaines personnes qui seraient incapables sur le plan contractuel seraient
capables sur le plan délictuel. Les enfants, dès qu’ils ont l’âge de raison, sont capables
délictuellement. La jurisprudence situe cet âge entre 5 à 8 ans. Notons aussi que les aliénés
ont été rendus capables sur le plan délictuel par certaines législations (428).
III. Une volonté libre
La volonté consciente et capable doit aussi être libre. Il est évident que le
défendeur ne sera pas responsable si l’on prouve que le dommage a pour cause un cas
fortuit ou de force majeure, l’état de nécessité, le fait d’un tiers ou la faute de la victime
elle-même.
1°. Les cas fortuit ou de force majeure, doivent être des événements imprévisibles et
insurmontables non imputables au défendeur. C’est ce qui arriverait lors d’un
accident de circulation à la suite d’un ouragan.
2°. L’état de nécessité supprime la liberté d’action du défendeur. Il faut dans ce cas,
que les conditions de cette situation soient remplies, c’est-à-dire que le défendeur
doive se trouver devant un choix volontaire entre deux solutions : causer
dommage à autrui ou laisser se réaliser un péril imminent plus important. Il doit
prouver que le choix fait était le seul moyen d’éviter un dommage plus
considérable que celui qui a été causé. Ainsi, en cas d’apparition brusque d’un
passant, si le conducteur a le choix entre écraser ce passant ou se tuer lui-même
avec ses quatre personnes transportées.Il n’y a pas d’autre moyen d’échapper à
l’accident. En cas d’apparition d’un chien, on choisit entre tuer un chien ou un
homme.
3°. La faute d’un tiers doit être la cause exclusive du dommage et être, pour le
défendeur, imprévisible et insurmontable. Ceci la ramène au cas de force
majeure. A propos de la faute d’un tiers, il y a lieu de signaler l’hypothèse de la

Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois, Kinshasa, PUZ, 1977
427 Carbonnier (J), op. cit., t. IV, n° 94
428 Voir note 414
200

responsabilité collective en cas de faute anonyme d’un membre inconnu d’un


groupe déterminé (429).
4°. La faute de la victime appelle le même principe de solution que pour la faute
d’un tiers. Exemples : accident de chasse ou de pêche : dès que j’ai réglé mon fusil
pour tirer sur un gibier, voilà un baigneur qui s’approche alors que j’ai placé les
signaux clairs dès que j’ai réglé mon fusil pour tirer sur un gibier, voilà qu’un
promeneur ou qu’un autre chasseur ou leur chien fait irruption dans mon champ
de tir malgré mes signaux.
En cas de vol d’une somme d’argent au préjudice d’un client de l’hôtel, la
responsabilité de l’hôtelier est exclue si, en contravention au règlement de l’hôtel qui
l’exige, le client n’a pas déclaré ses avoirs à l’hôtelier et est par conséquent censé n’avoir
pas été en possession de la somme prétendument volée à l’hôtel (430).
Si la faute de la victime est la faute exclusive du dommage,il n’ y a pas de
responsabilité du défendeur. Si la faute n’est pas exclusive, il y a faute commune et
l’indemnité sera diminuée d’après la gravité respective des fautes dans leur rapport avec
le dommage. C’est le partage de responsabilités (431).
Mais qu’arrive-t-il en cas de conventions de non responsabilité?
On sait que ces conventions sont nulles de nullité absolue car contraires à l’ordre
public. Il ne peut pas être permis de convenir que l’on pourrait agir avec méchanceté ou
avec imprudence (432). Ce serait favoriser l’imprudence dans la conduite à l’égard des
autres, même si la victime a elle-même consenti et accepté le risque. Elle peut toujours
réclamer des dommages-intérêts sur base de l’article 258 du Code civil, livre III si elle
prouve la faute du défendeur qui lui a causé un dommage à sa personne et à ses biens
(433). En cas d’acceptation de risque ou de dommage, le défendeur ne serait responsable
qu’en cas de faute caractérisée. Et celle-ci intervient quand le défendeur ne respecte pas
les règles de l’art, en l’occurrence les règles du jeu ou règle de l’épreuve.

429 Pour les développements, Kalongo Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois, préc.,
p. 145 et s ; Aberkane, Du dommage causé par une personne indéterminée dans un groupe déterminé de personnes, in
RTDC 1958, p. 516 ; Responsabilité collective, RTDC 1964, pp. 438- 443 ; Demarez, L’indemnisation du dommage
occasionné par un membre inconnu d’un groupe déterminé, Paris, LGDJ 1967, pp. 8-18.
430 Bandundu, 8 février 1980, RJZ, 1981, n°3, p. 95
431 Kin, 12 janvier 1972, RJZ 1977, p. 68 ; C.SJ., 13 mai 1976, BA, p. 135
432 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°619; Weill (A), op. cit., n° 638
433 Weill(A), op. cit., n°640
201

Section 3: Lien de causalité entre la faute et le dommage

§1. Problématique de la causalité


L’exigence de la causalité n’est pas une condition qui s’impose en soi, c’est-à-dire
de façon objective pour qu’il y ait responsabilité civile. Certains systèmes de philosophie
juridique n’y croient pas tandis que d’autres y croient. La plupart des systèmes africains et
même certaines populations de l’Occident n’attachent aucune importance à la causalité du
moins telle qu’elle est conçue par le droit écrit. Dans le système précité, on attribue
facilement le dommage au hasard ou certains fléaux à des causes métaphysiques et en
tout cas « irrationnels ».
Ainsi, l’accident d’un parent peut de façon courante être attribué non pas à sa
faute, ni la faute du tiers qu’il a causé, mais à une action maléfique, à l’envoûtement d’un
« ndoki ou sorcier » ou d’un parent qui a une force magique (434).
Votre magasin brûle ? Ce n’est pas dû à votre imprudence d’avoir laissé votre
mégot sur le comptoir ni d’avoir laissé jouer les enfants avec des allumettes près des
cartons ou du pétrole. Non, la cause est ailleurs. C’est votre voisin qui vous a envoûté, car
il redoute votre concurrence, ou encore c’est vos parents qui agissent contre vous car vous
ne leur envoyez pas de l’argent.
En Occident aussi, ces croyances ne sont pas rares dans le milieu paysan. Il pleut,
pense-t-on là-bas, car on a offert des œufs à Saint Sylvestre. On a une telle épidémie car on
a commis un tel crime.
Tous ces exemples servent à démontrer que certains systèmes peuvent donc
ignorer l’exigence de la causalité ou tout au moins être trop larges à ce sujet (435).
Le droit écrit congolais, inspiré des droits français et belge, est différent. Il exige,
pour qu’il y ait responsabilité civile, outre la faute et le dommage, une relation de cause à
effet entre le dommage intervenu et la faute (436). Le Code civil n’est d’ailleurs pas explicite
à ce sujet. C’est la doctrine et la jurisprudence qui ont cru déceler le lien causal dans les
mots « qui cause » et par « la faute duquel ». La troisième condition de la responsabilité
civile est donc l’existence d’un lien causal.
En réalité, c’est l’influence de l’esprit cartésien, c’est-à-dire du rationalisme
scientifique, qui a de beaucoup influencé les juristes occidentaux dont la doctrine a trouvé
des échos dans notre pays. Suivant l’esprit cartésien en effet, une chose ne peut arriver

434 Voir cas réel, JTD 1955, p. 105, Sing c/Mambeyo.


435 Nous avons montré que la démarche du droit traditionnel consistait à partir du dommage intervenu et non de la faute
car la responsabilité y est objective. Kalongo Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques en droit
zaïrois, préc.,1ère partie. Mais l’imputation matérielle a quelque rôle pour remonter du dommage à son auteur.
436 CSJ, 11 avril 1973, BA 1974, pp. 103-105 ; Léo, 6 mars 1958, RJCB 1959, p. 267
202

que lorsqu’une série d’autres conditions sont réalisées; c’est la conception de la causalité
expérimentale, c’est-à-dire qu’on peut vérifier. Ainsi, l’on sait car l’on peut vérifier que
l’eau bout à 100 °C. Cette causalité expérimentale en réalité ne se vérifie que pour les
phénomènes physiques. La critique qu’on peut donc adresser à la doctrine occidentale,
c’est d’avoir voulu introduire cette causalité expérimentale dans les sciences humaines,
dans le comportement humain ou la causalité est forcément subjective car ce qu’on retient
comme cause de dommage c’est le comportement de l’homme. Et Dieu sait combien ce
comportement peut dépendre de divers éléments pondérables et impondérables.
Cette longue introduction sur la problématique de la causalité servait simplement
à mettre en exergue les difficultés que pose la causalité en droit civil (437). Voyons
maintenant la manière dont notre droit qui a introduit cette notion par nécessité
cartésienne, la recherche et l’applique.
§2. Recherche et application de la notion de causalité en droit congolais
I. Recherche du lien causal
La question qui se pose est celle de savoir comment déterminer l’origine d’un
dommage causé à une personne que telle ou telle faute d’une autre personne est « la
cause » du dommage subi.
A cette question la jurisprudence et la doctrine ont dégagé une réponse : faut-il,
disent-elles, pour qu’une faute constitue la cause du dommage intervenu, qu’elle soit la
condition nécessaire directe et immédiate du dommage, c’est-à-dire qu’elle puisse
entraîner le dommage tel qu’il s’est produit (438). Il faut en d’autres termes encore que la
faute soit telle que sans elle, le dommage ne se serait pas produit tel qu’il s’est produit.
La preuve de ce rapport de causalité incombe au demandeur, c’est-à-dire à la
victime. C’est à elle d’établir qu’il y a entre la faute de l’auteur et le dommage intervenu
un rapport certain, direct et immédiat. Le défendeur peut à son tour écarter ses rapports
de causalité qui allaient remonter jusqu’à lui, en faisant la preuve d’une cause étrangère
qui ne lui est pas imputable. Telle la force majeure, le fait ou la faute d’un tiers, la faute de
la victime (439).
L’administration de cette preuve est soumise à l’appréciation du juge car il peut y
avoir pour un seul dommage, de causes multiples entre lesquelles il faudra choisir. Nous
touchons de la sorte à la difficulté de la causalité à laquelle nous réservons les
développements qui suivent.

437 Pour les développements, Tunc (A), Les récents développements des droits anglais et américains sur la relation de
causalité entre la faute et le dommage dont on doit réparation, RTDC 1953, p.- ; Marty (G), La relation de cause à
effet comme condition de la responsabilité civile, RTDC, 1939, 685 et s ; Rodière (R), La responsabilité délictuelle
dans la jurisprudence, Paris, Litec, 1978, n°12,p. 59 et s.
438 Nous relevons ainsi les caractères du rapport de causalité : certain, direct, immédiat ; Boma, 10 octobre 1911, Jur.
1913, p. 9
439 Voir à ce sujet les développements antérieurs.
203
II. Application de la notion de causalité
Un dommage peut souvent résulter de causes multiples. La question qui se pose
est celle de savoir laquelle il faut choisir. La doctrine a, à cet égard, émis plusieurs
solutions, mais la jurisprudence paraît décider surtout empiriquement. Elle écarte les
rapports de causalité trop lâche ou trop extraordinaire et plus encore, elle s’attache aux
rapports de causalité qui conduisent vers les fautes moralement les plus graves. Là où une
faute intentionnelle est relevée, les fautes de négligence ou d’imprudence pâtiront (440).
Telle est la tendance jurisprudentielle ; mais il convient de voir les diverses solutions
doctrinales en cas de multiplicité de causes.
Parlons de l’hypothèse d’un individu qui est heurté par une voiture et qui décède
à l’hôpital après une intervention chirurgicale.
Enumération des causes : l’accident lui-même dû à l’excès de vitesse ? La faute
médicale dans l’intervention chirurgicale ? Le fait que le patron l’a libéré à une heure de
pointe ? La tardiveté dans l’administration des premiers soins ? La prédisposition
physique de la victime ? Le fait d’un tiers ?
Solutions doctrinales
A. Théorie de l’équivalence des conditions (441)
Suivant cette théorie, tous les événements lointains ou proches qui ont conditionné
le dommage sont équivalents, tous sont à égal titre la cause. Pour bien déceler ces diverses
causes, la théorie estime qui sera retenue comme cause « tout fait du défendeur sans
lequel le dommage ne se serait pas produit tel qu’il s’est produit ». Et dès lors qu’on
retient cette faute du défendeur comme cause, il peut être obligé à la réparation de
l’entièreté du dommage.
Critique
Cette théorie aboutirait à donner à la responsabilité civile une trop grande
étendue. En l’appliquant à l’hypothèse ci-dessus, pratiquement toutes les causes peuvent
être retenues. A cette allure, on peut même allonger la liste de causes et dire que s’il y a
accident, c’est parce que l’auteur vivait et s’il vivait, c’est parce qu’il a été conçu par la
volonté de ses parents... On pourrait ainsi en arriver à mettre en cause l’humanité tout
entière, voire le créateur. Ce serait une responsabilité trop étendue.
B. Théorie de la proximité de la cause (causa proxima)

440 Carbonnier (J), op. cit.


441 Cette théorie a été développée en Allemagne avec le criminaliste Van Burn en 1885 pour expliquer que le complice
puisse être rendu responsable de l’infraction commise par l’auteur principal. La doctrine belge dans sa majorité a
retenu cette théorie malgré les critiques. La jurisprudence dans ce pays avec l’arrêt de la Cour de cassation du 13
avril 1988, a néanmoins assoupli cette tendance. Voir à ce sujet, David-Constant (S), Propos sur le problème de la
causalité dans la responsabilité délictuelle et quasi délictuelle, JT, n° 5482 pp. 645-648. La Cour aborde la fameuse
question de la rupture du lien de causalité.
204

Cette théorie ne prend en considération, de tous les événements qui ont


conditionné le dommage, que celui qui est plus proche dans le temps, qui est
chronologiquement le dernier, qui a immédiatement précédé la donne. Ce critère est
simple mais aussi simpliste car dans bien de cas la cause déterminante peut être
antérieure dans le temps.
Dans l’hypothèse précitée, l’intervention chirurgicale est la dernière cause, mais
l’accident lui-même peut avoir été plus déterminante parce que dû à un manifeste excès
de vitesse.
C. Théorie de la causalité adéquate
Elle écarte de toutes les causes, celles qui normalement ne peuvent pas
adéquatement produire le dommage du genre de celui qui a été causé. Dans l’hypothèse
ci-dessus, on écarte par exemple le fait que le patron ait libéré la victime à une heure de
pointe, la tardiveté dans les premiers soins car en eux-mêmes, ces faits ne peuvent pas
entraîner le dommage du genre de celui qui s’est produit à savoir la mort d’homme. On
ne retient comme cause dans une telle théorie que « la cause qui normalement entraîne
toujours un dommage de l’espèce considérée par opposition aux causes qui n’entraînent
un tel dommage que par suite de circonstances extraordinaires » (442). On introduit ainsi
dans la recherche de la cause le critère « de raisonnabilité » qui a été pratiqué en
Angleterre (443).
Toutes ces théories démontrent les difficultés de définir les liens de causalité sur le
plan théorique (444).
Aucune d’entre elles ne s’est d’ailleurs imposée en jurisprudence car, nous l’avons
dit : « cette dernière paraissait décider surtout empiriquement ».

Section 4: Action en responsabilité delictuelle

Une fois les trois conditions de responsabilité civile réunies, il naît au bénéfice de
la victime, c’est-à-dire dans son patrimoine, une créance en réparation contre l’auteur de
la faute dommageable. La présente section est consacrée à la mise en œuvre de cette
responsabilité, c’est-à-dire, à la mise en œuvre de l’action en responsabilité civile tendant
à faire valoir au bénéfice de la victime sa créance en réparation. Nous examinerons ici une
série de questions pratiques de cette mise en œuvre de l’action en réparation.

442 Carbonnier (J), op. cit., p. 320, 3°


443Tunc (A), D. 1956, 356, col.2. Ici, on se réfère à l’homme raisonnable, non pas pour apprécier la faute, mais pour
saisir s’il peut commettre un tel dommage avec des moyens utilisés.
444 En ce sens, Tunc (A), D. 1956, p. 355.
205

§1. Caractères de l’action en responsabilité civile


L’action en responsabilité a un certain caractère d’ordre public en ce sens qu’il est
interdit d’y renoncer d’avance,c’est-à-dire avant la réalisation du dommage. Nous avons
déjà dit en effet que les conventions d’irresponsabilité délictuelle étaient nulles.
En principe, l’action en responsabilité civile n’est pas une action attachée à la
personne. Puisqu’elle fait partie du patrimoine de la victime où elle tend à faire entrer une
somme d’argent, elle peut être librement cédée. Mais il faut noter que certaines actions
sont très personnelles : il s’agit notamment de l’action tendant à obtenir réparation d’un
dommage moral ou corporel (445).
Ainsi par exemple, en cas d’accident de A, seul ce dernier peut demander
réparation du dommage moral qu’il subit. Mais si cet accident cause aux parents un
dommage moral d’une autre nature, l’action des parents sera différente de celle de A.
Un tiers ne peut pas non plus agir au nom des parents qui auraient subi un
préjudice affectif spécifique.
§2. Compétence du tribunal
On se réfère aux règles ordinaires d’organisation et de compétence judiciaires non
seulement quant à la compétence matérielle (ratione materiae) mais aussi, quant à la
compétence territoriale (ratione loci). Généralement, c’est le tribunal du lieu où le fait
dommageable s’est accompli qui est compétent.
Lorsque le fait dommageable est purement civil, l’action est portée devant la
chambre civile du tribunal compétent suivant les règles d’organisation et de compétence
et suivant les règles de procédure civile.
Lorsque le fait dommageable est une infraction, la victime a le choix, comme nous
avons déjà eu à l’exposer, entre une action purement civile ou une action publique. Dans
ce dernier cas, elle peut se constituer partie civile devant la chambre répressive du
tribunal (446).
§3. Personnes pouvant intenter l’action
En principe, c’est la victime elle-même qui peut intenter l’action. Mais en dehors
d’elle, certaines autres personnes peuvent intenter cette action à sa place, car celle-ci est
dans le patrimoine de la victime (447). Il peut s’agir de son représentant légal si la personne
lésée ne peut ester en justice, des héritiers car l’action en réparation fait partie du
patrimoine de cujus, de ses créanciers au moyen de l’action oblique, exception pour

445 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°740.; Carbonnier (J), op. cit., n°111, p. 405.
446 L’avantage est ici que la preuve de la faute est facilitée car le juge intervient plus directement dans la recherche de
la vérité ; le juge dispose de plus de moyens quant à cette recherche de la vérité.
447 Il y a exception lorsque le dommage est purement moral et attaché à la personne. Cfr Note 421.
206

l’action attachée personnellement au débiteur de la victime, de son assureur grâce à la


subrogation.
§4. Extinction de l’action
En dehors de l’exécution de la dette de réparation qui est le mode normal
d’extinction, l’action en responsabilité peut s’éteindre par la prescription et par la
renonciation de la victime.
Dans le cas de la prescription, il y a lieu de distinguer selon que le fait
dommageable est purement civil ou pénal.
Si ce fait est purement civil, l’action est purement civile. Le délai est celui de 30 ans
en principe (art. 647 du Code civil congolais). La loi prévoit cependant des délais spéciaux
plus courts (448).
Si ce fait est infractionnel, les délais de prescription sont ceux de l’action publique
pour les raisons que nous avons déjà exposées et qui mettent en exergue
l’interdépendance des deux régimes de prescription (449).
La renonciation de la victime ne doit intervenir qu’après le dommage, c’est-à-dire
une fois que la créance en réparation sera née dans le patrimoine de la victime. Avant, il
ne peut y avoir de renonciation à l’action en réparation car, celle-ci est d’ordre public.
§5. Preuve
La charge de la preuve des trois conditions de la responsabilité civile incombe à la
victime.Cette preuve se fait par tous les moyens. Si l’une des conditions n’est pas prouvée,
la victime sera déboutée. Rappelons que le défendeur peut s’exonérer en prouvant une
cause étrangère.
§6. Jugement statuant sur la responsabilité
Le jugement de responsabilité civile est un jugement déclaratif et non attributif de
droit. Il déclare le droit car celui-ci est né dès que les trois conditions sont réunies. Ce
jugement statue non seulement sur le principe de la responsabilité mais aussi sur le mode
de la réparation et sur le montant de la responsabilité (le quantum).
I. Mode de la réparation
La réparation peut être en nature ou par équivalent. La réparation en nature
quoique rare peut exister. Il en est ainsi du jugement ordonnant la démolition d’une
construction abusive, de l’annulation d’un acte frauduleux, de la publication de la
condamnation en cas de dommage moral par diffamation dans le même journal.
Quant à la réparation par équivalent qui est plus fréquente, elle consiste dans le
paiement d’une somme d’argent : le dommages-intérêts ou l’indemnité délictuelle. Cette

448 Cfr. La prescription, à voir ultérierement.


449 Art. 24 à 34 du Code pénal, livre I.
207

somme d’argent peut être versée en une fois ou sous forme de rente viagère. Cette
question mérite le développement approfondi dans le point qui suit.
II. Montant de la réparation
Lorsque la réparation se fait par équivalent, le calcul du montant de la réparation
est en effet soumis à certains principes qu’il faut relever.
A. Indifférence de la gravité de la faute
Puisqu’il s’agit de réparer et non de punir, la gravité de la faute dommageable est
sans influence sur le quantum de dommages-intérêts (450). Le juge ne doit tenir compte
pour la fixation des dommages-intérêts que de l’importance du préjudice sans se
préoccuper de la faute. En pratique ce principe est plus théorique que pratique car en fait,
en cas de dommage moral où l’indemnité prend facilement l’allure d’une peine privée, le
juge a souvent tendance à proportionner la somme allouée à la gravité de la faute (451),
sauf lorsque la victime elle-même ne déclare vouloir se contenter d’une condamnation
symbolique, le franc symbolique.
D’autre part, en cas de faute dommageable de plusieurs responsables, la
condamnation est souvent solidaire ou in solidum. Et souvent le juge, en prévision du
droit de recours de chacun des responsables, proportionne la part de responsabilité de
chacun à la gravité de sa faute.
Jugé cependant qu’en vertu de l’article 258 du Code civil congolais, livre III, base
légale pour la réparation du préjudice pour faute commise et qui énonce une règle de
sécurité et de conduite générale, chaque co-participant d’une infraction a causé le
dommage pour le tout et est tenu de tout réparer quelque soit l’importance de la faute de
chacun (452).
B. Réparation intégrale
L’indemnité doit pouvoir réparer aussi intégralement que possible les préjudices
constatés. Le juge a ici un rôle déterminant et doit éviter de verser dans l’arbitraire. Sa
préoccupation doit viser à circonscrire le seul préjudice pour mieux l’indemniser. La seule
mesure, le seul critère d’évaluation sera donc le préjudice réel et non la situation
économique ou sociale des parties. Il n’a pas à tenir compte de la richesse du défendeur ni
de la pauvreté du demandeur pour gonfler les dommages-intérêts. Cette position
économique, financière ou sociale des parties doit lui être indifférente.
L’évaluation de l’indemnité nécessite des observations suivantes :
L’indemnité doit être évaluée en se plaçant à la date du jugement définitif et non à
la date de réalisation du dommage. Il a été ainsi jugé que pour la réparation d’un

450 La conception de la sanction pénale est d’individualiser la peine suivant le comportement de l’auteur.
451 Comparer cette pratique avec le droit traditionnel. Mes articles précités.
452 CSJ, 2 juin 1971, RJC 1971, p. 121
208

préjudice, l’indemnité à allouer ne peut réparer ce dernier que si elle permet à la victime
de remettre les choses en état, de replacer dans son patrimoine un objet semblable ou
équivalent à celui qui en est sorti ou n’y est pas entré par la faute du responsable. Ainsi,
c’est au jour de la décision judiciaire que l’on doit se placer pour fixer l’indemnité destinée
à cette réparation (453).
On remédie ainsi quelque peu la dépréciation éventuelle de la monnaie et à la
hausse de prix qui peut intervenir entre le moment de la réalisation du dommage et la
date du jugement définitif. Le juge se fonde pour son calcul sur des éléments objectifs et
subjectifs tels la situation des parties (454). Ceci est plus facile pour le dommage matériel.
Quant au dommage moral, il apprécie ex aequo et bon, c’est-à-dire en équité.
Une autre préoccupation relative à l’indemnité concerne sa révision en cas
d’aggravation ou d’atténuation du dommage.
Lorsque le préjudice évolue dans le sens de l’atténuation, la doctrine considère que
le responsable n’a pas à demander une réduction de dommages-intérêts sauf si le premier
juge lui en a formellement réservé le droit (455). Le respect de l’autorité de la chose jugée
commande une telle interprétation.
En cas d’aggravation par contre, la victime ne peut, par une nouvelle action,
obtenir de dommages-intérêts pourvu que la cause demeure la même. Cependant, lorsque
les dommages-intérêts ont consisté en une rente viagère et que cette rente devient
insuffisante à la suite de la hausse des prix ou de la dépréciation monétaire, la victime ne
peut obtenir une augmentation des dommages-intérêts (456).
C. Indifférence sur l’évaluation du préjudice de la situation économique et sociale
des parties
La situation économique et sociale du créancier et du débiteur est sans incidence
sur l’évaluation du préjudice. Les dommages-intérêts ne doivent pas être arbitraires.

Section 5 : Fondement de la responsabilté

La responsabilité civile de droit commun telle qu’elle vient d’être exposée se fonde
sur l’idée de faute. Sans faute, pas de responsabilité civile. Comme on le voit, on parle du
comportement subjectif de l’auteur du dommage pour déterminer sa responsabilité. Mais
seul le comportement fautif est sanctionné car suivant l’influence de la Révolution

453 CSJ, 6 avril 1978, RJZ 1979, n°1, 2 et 3, p.38 ; Elis, 7 janvier 1950, JTO 1952, p. 6 ; Kin, 23 juin 1970, RJZ 1978, p.
270
454 Le calcul des dommages-intérêts en cas de rupture du contrat de travail a donné lieu à une grande interrogation sur
les principes juridiques corrects à appliquer. Voir Kalongo Mbikayi, L’indemnisation des dommages matériels en
droit zaïrois, in Conjonctures économiques, n° 27, août 1996, p….
455 Carbonnier (J), op. cit., p. 48, n° 111.
456 Carbonnier (J), op. cit. p. 409, n°111 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°635
209

française qui proclame la liberté humaine, l’homme doit répondre personnellement de ces
actes fautifs : la finalité de base est une sorte de peine privée plus que la réparation.
Dans les critiques de ce système, nous avons déjà eu l’occasion de montrer que
sous l’influence des progrès techniques, d’autres idées ont été avancées qui ne s’attachent
pas à la faute pour engager la responsabilité personnelle de l’auteur du dommage : c’est
l’idée du risque ou celle de garantie(457).
Le Code civil lui-même d’ailleurs a prévu des cas où la faute personnelle directe
du débiteur de l’obligation délictuelle n’intervient pas pour déterminer sa responsabilité.
Il s’agit des hypothèses de responsabilité pour autrui auxquelles nous consacrons le
chapitre II qui suit.

457 Kalongo Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques, op. cit., p. 104 à 144.
210

Chapitre II : Responsabilité du fait d’un tiers

Section introductive

§1. Responsabilité du fait d’un tiers, exception au droit commun de la responsabilité civile
L’article 260 du Code civil, livre III a porté au principe de la responsabilité
individuelle fondée sur la faute des exceptions en rendant certaines personnes
responsables des dommages causés par d’autres personnes ou par des animaux et de
choses qu’elles ont sous leur garde.
On enseignait ainsi traditionnellement que la responsabilité des personnes visées à
l’article 260 se fondait non pas sur leur faute personnelle mais sur « une présomption de
faute ». Cet enseignement doit être aujourd’hui complété en ce sens que, par le
truchement d’un nouvel alinéa de l’article 260, il a été introduit dans notre système
juridique un nouveau type de responsabilité civile, la responsabilité objective.
En effet, la loi n° 73-013 du 5 janvier 1973 portant obligation de l’assurance de
responsabilité civile en matière d’utilisation de véhicules automoteur a ajouté un
cinquième alinéa à l’article 260 du Code civil consacrant ainsi une nouvelle hypothèse de
responsabilité pour autrui: « L’assurance doit couvrir la responsabilité civile du
propriétaire du véhicule et de toutes personnes ayant, avec son assentiment exprès ou
tacite, la garde ou la conduite du véhicule » (art. 4 de la loi précitée).
Suivant l’exposé des motifs et la doctrine (458), il faut désormais compter parmi les
civilement responsables, le propriétaire d’un véhicule automoteur tel que le définit ladite
loi de 1973 en son article premier.
La finalité de la dérogation que l’article 260 apporte dans son ensemble au principe
de droit commun vise une plus grande protection des victimes. Celles-ci n’ont en effet pas
à démontrer la faute dans le chef des civilement responsables, ce qui constitue la difficulté
qu’on rencontre dans le droit commun de la responsabilité civile.
Dans les différentes hypothèses de responsabilité pour autrui, la loi aura institué
une présomption de faute. La récente évolution de notre législation relative à l’assurance
de responsabilité civile en matière des véhicules automoteurs, a même introduit en droit
congolais, une présomption de responsabilité.
Les présomptions de faute à l’égard des père et mère, instituteurs et artisans sont
renversables, tandis que celle qui est instituée pour les maîtres et commettants est
irréfragable.

458 Thiran, Exposé des motifs et commentaires de la loi n°73-013 du 05 janvier 1973,in Revue Ngabu n°2, septembre
1973 ; Kalongo Mbikayi et Pindi Mbensa Kifu, La responsabilité civile de l’automobiliste et du piéton en droit zaïrois,
in L’automobile et la sécurité routière en droit zaïrois, Travaux du colloque dirigé par le Professeur Kalongo Mbikayi,
Kinshasa, PUZ, 1982, p. 31 et JO n°5 du 1 er mars 1973, p. 299
211

Lorsqu’on réfléchit à la force de ces diverses présomptions, l’on découvre que la


loi estime que dans certains cas, la garantie de la victime doit être protégée de façon
rigoureuse. Il faut signaler qu’autant la responsabilité de droit commun est d’ordre
public, autant les dérogations le seront et autant leur interprétation sera stricte. La liste
des civilement responsables instituée par l’article 260, tel que modifié à ce jour, est
limitative, de même que les hypothèses de responsabilité pour le fait d’une chose.
§2. Enumération des personnes responsables
Les alinéas 2, 3, 4 et 6 de l’article 260 du Code civil livre III, énumèrent
limitativement les personnes susceptibles d’être responsables pour fait d’autrui :
1°. le père, et la mère après le décès du mari, pour le dommage causé par leurs
enfants habitant avec eux (art.260, al.2) ;
2°. les maîtres et les commettants, pour le dommage causé par leurs domestiques et
proposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés (art. 260, al.3);
3°. les instituteurs et artisans pour le dommage causé par leurs élèves et apprentis
pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance (art. 260, al. 4);
4°. le propriétaire d’un véhicule automoteur pour le dommage causé par « toute
personne ayant, avec son assentiment exprès ou tacite, la garde ou la conduite du
véhicule ». Dans l’esprit de l’article 4 de la loi n° 73-013 du 5 janvier 1973, le
gardien ou le simple conducteur du véhicule doivent, dès qu’ils sont actionnés,
appeler le propriétaire en garantie (art.260, al.6).
§3. Fondement général de la responsabilité des personnes visées aux alinéas 2, 3 et 4 de
l’article 260
La responsabilité des personnes susvisées se fonde d’abord sur la présomption que
ces personnes n’ont pas bien surveillé ni éduqué l’auteur du dommage dont elles
répondent (enfants, élèves), ni bien choisi leur domestique et préposé. Dans le premier
cas, c’est le défaut de surveillance et d’éducation ; dans le second, c’est le mauvais choix.
On vise aussi à faire doubler ces personnes de vigilance afin que les personnes dont elles
répondent ne causent pas des dommages.
Cette responsabilité se fonde par ailleurs sur l’idée que l’auteur du dommage était
généralement insolvable, sans ressources personnelles ; seul celui qui le surveille et le
contrôle sera son garant.
La solution ainsi adoptée est socialement très favorable à la victime qui aura
toujours une garantie d’indemnisation. La victime reste libre cependant dans le choix de
la personne qui l’indemnisera. Elle peut diriger son action contre le responsable « légal »
c’est-à-dire institué par l’article 260 du Code civil, livre III. Dans ce cas, elle a l’avantage
de ne pas apporter la preuve de la faute de ce « responsable ». Mais elle peut aussi
s’adresser à l’auteur du dommage. C’est alors à ses risques et périls car dans ce cas, elle
212

devra agir suivant les articles 258 et 259 du Code civil, livre III. Elle risque de se buter à
l’insolvabilité de cet auteur du dommage, qui est en réalité le débiteur de la réparation.
Dans cette dernière hypothèse de l’action contre l’auteur du dommage, la victime
devra faire preuve des trois conditions de la responsabilité civile. Mais lorsqu’elle choisit
d’invoquer l’article 260, la victime reste néanmoins tenue de démontrer que les trois
conditions de la responsabilité civile de droit commun sont réunies dans le chef de
l’auteur direct du dommage, le responsable « légal » n’apparaît alors que comme le garant
solvable (459).
Il faut avouer qu’en pratique, il sera toujours difficile de trouver une faute, un fait
illicite dans le chef de l’auteur du dommage dont on répond. Cette difficulté est nette
pour l’enfant en bas âge incapable délictuellement pour défaut de discernement. Dans ce
cas, pour contourner les difficultés de cette preuve du fait illicite et dans le souci de
protéger la victime, l’on prend en considération chez l’enfant non pas un fait
subjectivement illicite mais un fait objectivement illicite (460).
Ces détours illustrent la faiblesse du fondement de la responsabilité pour autrui
lorsqu’on tient à le lier à l’idée de faute, voire à l’idée de « présomption de faute ».
C’est une critique fondamentale que nous relevons dans le chapitre IV de ce titre.
Pour nous, le seul fondement, c’est l’idée de garantie qui ne doit pas se préoccuper du
comportement de l’auteur du dommage.
Après cette introduction, examinons maintenant en quatre sections les quatre
hypothèses légales de responsabilité du fait d’un tiers en montrant chaque fois le principe
de solution, les conditions de responsabilité civile et leur fondement.

Section 1 : Responsabilité du père ou de la mère

§1. Principe
D’après l’article 260, alinéas 2 et 5 du Code civil, livre III, « le père et la mère,
après le décès du mari, sont responsables du dommage causé par leurs enfants habitant
avec eux » (art. 260, al. 2).
Cette responsabilité a lieu « à moins que le père et la mère ne prouvent qu’ils n’ont
pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité (art. 260 al. 5).
Le responsable légal est donc exclusivement le père. La mère ne serait responsable
que si le père décède et, ce qui est sous-entendu, si elle exerce alors la puissance
paternelle. Elle peut être aussi la seule responsable même du vivant du mari chaque fois

459 Ce garant dispose d’ailleurs d’une action récursoire contre l’auteur du dommage. Cette action est illusoire car
l’auteur est généralement sans ressources.
Il y a deux phases possibles dans la démarche. La première phase porte sur la responsabilité de droit commun de
l’auteur du dommage. Et la deuxième phase concerne la recherche de « responsabilité ».
460 En ce sens, Carbonnier (J), op. cit., n°99, p. 349.
213

que pour quelque raison (divorce aux torts du mari, attribution des enfants à la mère ou
maladie du mari empêchant celui-ci d’exercer la puissance paternelle), elle exerce la
puissance paternelle.
C’est donc ou le père ou la mère au sens retenu par le droit de la famille ( 461). Il n’y
a pas solidarité des deux. Cette solution qui écarte la réponse habilité des autres membres
de la famille (oncle, cousins, ascendants, collatéraux, descendants et même tuteur est
contraire au droit traditionnel qui institue, lui, une responsabilité collective (462).
D’autre part, la responsabilité des deux parents serait logique dans le cas où la
mère exerce l’autorité parentale au même titre que le père par la volonté de la loi elle-
même. C’est précisément ce que préconise l’article 137 du Code de la famille. Mais cette
évolution n’a pas encore été introduite dans le Code des obligations congolais.
§2. Conditions d’application
Trois conditions sont nécessaires pour engager cette responsabilité.
I. Dmommage causé par un enfant
Il faut que le dommage soit causé par un enfant. L’article 260 du code civil, livre
III, dont l’interprétation est stricte, ne parle pas comme l’article 1384 du Code civil belge
« d’enfant mineur ». Il est à croire donc que cet article a voulu se conformer à la
conception d’une responsabilité civile collective de droit coutumier qui ne fait pas la
distinction de minorité ni de majorité parmi les « auteurs du dommage » dont la famille
étendue est rendue responsable grâce à la solidarité clanique(463). J’estime
personnellement, à la suite de Verstraete, qu’étant donné le caractère d’ordre public de
cette disposition (qui doit donc être interprétée de façon stricte) et étant donné la
mentalité juridique sur cette question, il n’y a point lieu de limiter l’application de cette
disposition aux seuls enfants « mineurs »(464). Les décisions jurisprudentielles qui ont
introduit l’idée de minorité n’ont fait que subir l’influence de la doctrine belge (465). Si
donc l’article 260 ne doit pas être limité aux seuls enfants mineurs, il n’a donc pas non
plus à tenir compte de l’émancipation, même si elle met fin à la puissance paternelle
suivant l’article 317 du Code civil, livre I (466). Il faudrait que la réforme du droit des
obligations ne laisse aucun doute d’interprétation sur cette question.

461 La filiation paternelle ou maternelle est un lien de droit, une notion juridique et non une notion sociologique. Elle est
différente de la parenté classificatoire et s’établit selon les règles juridiques posées dans le code de la famille (art.
595 et s. et 601 et s.)
462 Kalongo Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques, op. cit., 1 ère partie.
463 Sur les motifs de cette omission, Sohier, Novelles de droit colonial, t. IV, n°292 et 293
464 En ce sens, Verstraete (M), Droit civil du Congo belge, n°510.
465 Par ex. Elis., 29 août 1936, RJCB 1937, p. 70 ; voir aussi en ce sens, Rae (M), op. cit., n° 144, Sace, op. cit., RJCB
1958, p. 336.
466 En ce sens, Verstraete (M), n°510. Contra Cass. b., 11 février 1946, Pas. 1946, I. 62 ; 6 mars 1950, p. 211 ; Rae
(M), op. cit., n°145, ; Sace, op. cit., p. 341 et 342 ; Bompaka Nkeyi, La responsabilité civile des parents en droit
zaïrois et comparé, in fine ; Responsabilité des parents du fait de leurs enfants, Revue de droit et de criminologie,
214
II. Enfant habitant avec ses parents
Il faut en outre que l’enfant habite avec ses parents (art. 260 al.2) (467). La condition
d’habitation est logique. Puisque le fondement de la responsabilité des parents réside
dans la présomption d’une mauvaise surveillance. Il faut que l’enfant puisse se trouver
auprès d’eux, c’est-à-dire dans les conditions qui facilitent la surveillance et l’éducation.
Ces conditions, c’est l’habitation commune de l’enfant avec ses parents. Voilà pourquoi la
loi exige l’habitation commune de l’enfant avec ses parents. Cette condition est une
question de fait laissée suivant le cas d’espèce, à l’appréciation du juge de fond. Ainsi
habite avec ses parents, l’enfant qui, hors de la maison, a causé un dommage à l’occasion
d’un jeu avec ses amis. Si par contre l’enfant habite loin de ses parents, s’il a été confié à
un tiers (oncle, internat...) et cesse d’habiter avec eux, la responsabilité du père ou de la
mère cesse de s’appliquer, parce qu’ils ne peuvent plus le surveiller. Si l’enfant a été
abandonné par les parents, ceux-ci restent responsables sur base de l’article 260 du Code
civil, livre III. Il est à noter aussi que les parents peuvent être poursuivis sur base de
l’article 258 du Code civil, livre III, s’il est prouvé que leur enfant qui n’habite pas avec
eux a causé dommage à la suite de la mauvaise éducation ou des mauvais exemples ou
conseils qu’ils lui donnent.
III. Dommage causé par le fait personnel de l’enfant
Il faut que le dommage soit causé par le fait personnel de l’enfant, c’est-à-dire par
sa faute. Normalement, cette faute doit être imputable à l’enfant mais pour les petits
enfants, il suffit que ce fait soit « objectivement illicite », c’est-à-dire imputable à l’enfant.
C’est là un contour qu’impose la nécessité d’indemniser la victime. Sinon le défaut de
faute chez l’enfant devrait aboutir normalement au débouté de la victime, l’enfant (très
jeune) n’ayant pas de volonté consciente.
§3. Fondement
On fonde la responsabilité civile des père ou mère sur la présomption des fautes
selon laquelle le père ou la mère n’ont pas surveillé ni bien éduqué leur enfant. S’ils
l’avaient fait, leur enfant n’aurait pas pu causer le dommage dont ils sont rendus
responsables (468).
Cette présomption est, selon l’article 260, alinéa 5, renversable. Elle sera écartée
lorsque les parents prouveront :

n°184, p. 7.
467 Cette condition a été supprimée en droit belge par la loi du 6 juillet 1977, MB du 2 août 1977, p. 6772. Loi belge du 6
juillet 1977 modifiant l’article 1384, 2e alinéa du code civil, relatif à la responsabilité des parents pour les dommages
causés par leurs enfants mineurs. Article unique : Le 2ème alinéa de l’article 1384 du Code civil est remplacé par la
disposition suivante : le père et la mère sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs.
468 Développements in Sohier (A), Droit civil du Congo, II par M. Rae, n°14 ; Sace (J), La responsabilité des parents
suivant l’article 260 du code civil congolais, RJCB 1958, p. 335.
215

1°. que le fait de l’enfant n’est que le résultat d’une force majeure ou du fait d’un
tiers revêtant le caractère d’une force majeure;
2°. qu’ils n’ont pas manqué à leur devoir de surveillance et d’éducation, « qu’ils se
sont conduits avec toute la prudence désirable et que, malgré cette prudence, ils
n’ont pu prévoir ou empêché le dommage »(469).
Dans la pratique, le père ou la mère ont rarement réussi à renverser cette
présomption de faute (470).

Section 2 : Responsabilité des instituteurs et artisans

§1. Principe
Les instituteurs et artisans sont, dit l’article 260, alinéa 4, responsables « du
dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu’ils sont sous leur
responsabilité. Il faut comprendre par instituteur non seulement celui qui donne un
enseignement, même celui qui, sans enseigner, a un rôle de direction ou de surveillance
dans un établissement d’instruction (471).
Quant aux artisans, ils sont compris dans le sens d’instituteur manuel exerçant son
métier de façon autonome, c’est-à-dire à son compte. La responsabilité de l’artisan et la
survivance à cette époque où l’apprenti nourrit et logé chez le maître qui lui enseignait du
métier manuel, faisait en quelque sorte partie de sa famille. Aussi se rapproche-t-elle de
celle des parents (472).
§2. Conditions d’application
1° La condition importante est celle du temps. La loi précise que les dommages
dont l’instituteur et l’artisan sont responsables sont ceux causés par les élèves et apprentis
pendant qu’ils sont « sous leur surveillance ». Le juge a là une matière où son pouvoir
d’appréciation jouera suivant les espèces qui lui sont soumises, car parfois, certains
instituteurs peuvent prendre l’habitude d’accompagner les enfants jusqu’à telle distance.
Il appréciera s’ils sont ou pas sous surveillance.
2° Le dommage doit constituer une faute de l’élève ou de l’apprenti (473). L’élève ou
l’apprenti sont les personnes qui bénéficient de l’enseignement intellectuel ou manuel. La
jurisprudence en France estime que l’apprenti est celui qui apprend même sans contrat

469 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°645 in fine ; Cass. fr., civ. 20 décembre 1960, D. 1961, 141, 2 novembre
1961, D. 1982, 48.
470 Voir aussi en ce sens Ollier (P.D.), La responsabilité civile des père et mère, Paris, LGDJ, 1961
471 Mazeaud (H, L et J) et Tunc (A), op. cit., T.I., n°791 et s. Les directeurs, les préfets de discipline, les enseignants,
les professeurs, les directeurs de colonies de vacances sont des instituteurs au sens de l’art. 260.
472 Carbonnier (J), op. cit., p. 350, n°99.
473 En France, une loi de 1937 a supprimé la responsabilité de l’instituteur de l’enseignement public. Un décret du 22
avril 1960 a étendu cette solution à l’enseignement privé ayant passé un contrat d’association avec l’Etat.
216

d’apprentissage un métier d’un autre (enseignement professionnel) en complétant son


information générale même si au sens économique du terme, cet autre est un commerçant
ou un industriel et non un artisan. Ainsi un jardinier, un hôtelier qui accueille chez lui un
apprenti cuisinier ou jardinier est artisan (474).
3° Il n’est pas dit que l’élève ou l’apprenti doit être mineur, de sorte qu’il est
permis d’inclure dans la catégorie d’élèves les grands étudiants d’Université. Ceci est un
argument supplémentaire pour écarter la minorité chez les enfants dans l’hypothèsose de
la responsabilité des parents.
4° Il faut bien noter que les dommages dont les instituteurs et artisans sont rendus
responsables sont les dommages causés par leurs élèves et apprentis à des tiers et les
dommages causés aux élèves et apprentis eux-mêmes par d’autres et apprentis du groupe.
Dans les autres hypothèses, les instituteurs et artisans ne seraient poursuivis que sur base
de l’article 258 du Code civil, livre III.
§3. Fondement et force de la présomption
Le fondement de cette responsabilité est le même que celui des parents. C’est la
présomption d’une faute de surveillance et même d’éducation. Cette présomption est
renversable au même titre et dans les conditions semblables à celles de la responsabilité
des parents,c’est-à-dire qu’il y a exonération en cas de force majeure, ou faute d’un tiers.
On présume une bonne surveillance.
Dans la pratique, le renversement de cette présomption sera difficile, ce qui
amènera la réforme de cette responsabilité dans certains pays dont la France (475).

Section 3 : Responsabilité civile des maîtres et commettants(476)

§1. Principe
Les maîtres et les commettants sont, d’après l’article 260, alinéa 3, du Code civil,
livre III, responsables des dommages causés par leurs domestiques et préposés dans les
fonctions auxquelles ils les ont employés. Nous verrons dans l’étude des conditions
d’application ce qu’il faut entendre par les notions de maître et commettant ainsi que par
celles de préposé et domestique.
Notons déjà ici que la jurisprudence utilise indifféremment les expressions
« maîtres » et « commettants » et elle considère les domestiques comme n’étant qu’une
catégorie de « préposés ».

474 Rodière (R), La responsabilité délictuelle, op.cit., p. 108, n° 20


475 Voir cours de Progrès technique et responsabilité civile, Première Licence en Droit.
476 Kalongo Mbikayi, La responsabilité civile des commettants en droit privé zaïrois ; RJZ 1975, n°1, p. 7-14. Rodière
(R), La responsabilité délictuelle dans la jurisprudence, Paris, Litec, 1978, n°31, p. 11 et s.
217

Le fondement général qui ressort de cet article 260, alinéa 3 est que chacun doit
pouvoir répondre des dommages causés aux tiers par les personnes qu’il emploie à son
service (477). Contrairement aux autres hypothèses de cet article 260, les commettants et les
maîtres ne peuvent s’exonérer en prouvant qu’ils n’ont pu empêcher le dommage ni qu’ils
n’ont commis de faute (faute d’avoir mal choisi le préposé ou faute de surveillance du
préposé ou du domestique) (478). La responsabilité du commettant est traitée avec plus de
rigueur que les autres.
Ainsi la doctrine a-t-elle très justement écarté le fondement de la responsabilité des
commettants de la présomption de faute pour le rattacher à la théorie du risque profit.
Celui qui tire profit de l’activité d’autrui doit en supporter les risques, même s’il n’a
aucune faute à se reprocher. En fait, il est encore meilleur de lier ce texte à la théorie de la
garantie qui met mieux en exergue une responsabilité objective.
Les commettants ne sont responsables que parce qu’ils sont garants des actes de
leurs préposés. La théorie de la garantie est intéressante pour la victime qui dispose ainsi
d’une garantie à être indemnisé par quelqu’un de toujours solvable (479).
§2. Conditions d’application
Quatre conditions sont requises pour que l’article 260, alinéa 3 du Code civil, livre
III soit applicable.
1° Il faut qu’il existe un lien de commettant à préposé, c’est-à-dire un lien de
préposition ou de subordination. Il y a un lien de commettant à préposé lorsqu’une
personne a autorité sur l’autre qui est son subordonné et agit selon les ordres ou
instructions de la première (480).
Ce qui caractérise la subordination, ce n’est pas l’existence d’un contrat (ce qui est
le cas pour le maître et le domestique), ni la rémunération (une épouse ou un fils peuvent
être préposés du mari ou du père sans contrat ni rémunération), mais le droit de direction,
de surveillance, de contrôle. Le commettant, c’est celui qui fait appel pour son compte et
pour son profit aux services d’un tiers, le préposé auquel il a le droit de donner des ordres
et des instructions sur la manière de remplir les fonctions qu’il a confiées.
Sont ainsi des préposés, les domestiques, les jardiniers, les employés d’une société,
les chauffeurs, les gardes de corps personnels etc. Ne sont par contre pas des préposés
parce qu’ils ne reçoivent pas des ordres sur la manière dont ils doivent exercer leurs
fonctions, les entrepreneurs (contrat d’entreprise), les médecins d’hôpitaux dans la
manière de dispenser les soins.

477 Carbonnier (J), op. cit., n°101, p. 356


478 Savatier (R), Traité de responsabilité, op. cit., I, n° 290
479 Jullliot de la Morandière (L), op. cit., n° 651,p. 344; Carbonnier (J), op. cit., n° 101, p. 356
480 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°652; Carbonnier (J),op. cit., n°101, p. 357. Sur cette condition, on lira avec
intérêt 1ère inst., Elis, 26 janvier 1928 RJC 1929, p. 140-141 ; 1ère inst. Léo, 3 février 1932, RJC 1937, p. 194-197.
218

La jurisprudence est dans le même sens lorsqu’elle décide que les sociétés minières
se trouvant sans autorité pour donner des instructions sur la pratique de leur art aux
médecins qu’elles engagent, ne pourraient voir leur responsabilité engagée du fait d’une
imprudence ou d’une négligence de ces derniers se rattachant à l’exercice technique de la
médecine.
Il n’en est autrement que si le médecin se rend coupable d’impéritie grossière,
indépendante de l’application des théories ou de méthodes scientifiques, qu’une
surveillance plus vigilante aurait aisément pu déceler (481).
S’il y a plusieurs commettants, sera retenu celui qui a une autorité effective sur le
préposé. Car comme l’estime également la jurisprudence, c’est le fait d’avoir les
travailleurs sous ses ordres et de les employer sous sa responsabilité qui entraîne la
responsabilité prévue par l’article 260 du livre III du Code civil (482). Il en sera de même en
cas de transfert de préposé.
2° Il faut que la victime prouve que le dommage a été causé par la faute du
préposé. Il y a donc possibilité d’exonération en cas de fait étranger au préposé. Si la faute
provient d’un tiers qui est le commettant, il peut y avoir condamnation in solidum du
maître et du préposé.
Ainsi jugé que la cause de l’accident occasionné par la faute du chauffeur d’un
camion peut aussi être attribuée à la faute du patron qui lui a ordonné de se mettre en
route avec un camion défectueux. Lorsqu’il est impossible de déterminer la part pour
laquelle la faute de chacun a contribué à causer le dommage, l’un et l’autre sont tenus de
réparer intégralement le préjudice(483).
3° Il faut que le dommage soit causé à un tiers (484). Par tiers, on entend d’une façon
large « toute personne autre que le commettant ou le préposé lui-même. Cette formule
permet de dire en cas de dommage causé à un autre préposé que la victime est
certainement un tiers en ce qui concerne l’article 260 du Code civil, livre III.
Lorsque le dommage est causé par le commettant lui-même à son préposé, il va de
soi qu’on lui appliquera le droit commun des articles 258 et 259 du Code civil, voire les
principes de la responsabilité du fait des choses. Il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 260,
alinéa 3 car il n’y a pas responsabilité du fait d’autrui puisque la faute a été commise par
le commettant lui-même (485).

481 Elis., 28 janvier 1939, RJC 1939, p. 180


482 1ère inst., Elis., 26 janvier 1928, RJC 1929, p. 140
483 Léo, 31 octobre 1946, RJC 1947, p. 24
484 Dalcq (RO), Les Novelles, Droit civil, Bruxelles. Larcier, 1967, T. V, vol. I, n°1827 in fine. Cette formule est
effectivement plus large que celle proposée par Mazeaud et Tunc, Traité de la responsabilité civile, I, n°904 qui
considèrent comme tiers ceux qui n’ont aucun lien avec le commettant de même que les autres préposés du
commettant.
485 Kalongo Mbikayi, La responsabilité civile des commettants en droit privé zaïrois, RJZ, 1975, p. 10 et réf. citées.
219

4° Il faut que le domestique ou le préposé aient causé le dommage dans l’exercice


de leurs fonctions auxquelles ils sont employés.
Si de façon générale le problème ne se pose pas lorsque l’acte est accompli en
dehors des fonctions, c’est-à-dire en dehors du temps ou du lieu de l’exercice des
fonctions, des difficultés d’interprétation peuvent apparaître lorsque l’acte est accompli
pendant la durée de l’exercice des fonctions mais sans rapport, de façon certaine, avec les
fonctions. C’est le cas, lorsque le temps où il exerce ses fonctions de domestique, ce
dernier voit arriver chez le patron un ennemi à lui et lui cause quelque dommage par
coup et blessure. C’est également le cas du chauffeur qui transporte des objets volés ou
cambriole lui-même des maisons. C’est enfin le cas du jardinier qui viole chez son maître,
la fille du voisin. Dans toutes hypothèses, il n’y a manifestement aucun rapport direct
entre les fonctions de préposé el les infractions qui lui sont personnelles. Le commettant
ne sera pas poursuivi car voler, violer ne sont pas des actes rentrant dans les fonctions du
préposé.
Les tendances diffèrent selon que l’on examine la jurisprudence belge et congolaise
d’une part et la jurisprudence française d’autre part (486).
Chez nous, il faut, mais il suffit que la faute ait été commise au cours du service et
soit en relation quelconque, même occasionnelle et indirecte, avec les fonctions auxquelles
le préposé est employé. C’est la même tendance qui prédomine en jurisprudence belge,
où l’on estime suffisant un rapport occasionnel ou indirect entre l’acte et la fonction, un
simple rapport de circonstances (487).
En France, à l’opposé de la chambre criminelle qui avait parfois jugé suffisant que
la fonction eût été, de façon plus vague, l’occasion du dommage, la chambre civile a pris
une orientation plus restrictive exigeant « un lieu nécessaire entre la fonction et le fait
dommageable, une relation de causalité ou de connexité.
Les mêmes tendances se retrouvent en cas d’abus de fonction. C’est dire que dans
notre droit, le dommage causé même en cas d’abus de fonction engage la responsabilité
du commettant dès lors qu’il a quelque rapport avec les fonctions aux yeux des tiers...
victimes, et si ces tiers ne sont pas informés de cet abus de fonctions.
En effet, il a été jugé que pour être exonéré de sa responsabilité du fait de son
préposé, le commettant doit prouver que la victime avait connaissance de l’abus de
fonction commis par le préposé et avait, en conséquence, considéré que ce dernier agissait
pour son propre compte.
De même, le silence gardé par le commettant qui sait que son préposé agit en
abusant de ses fonctions vaut autorisation tacite des actes posés par le préposé ( 488). Il y

486 Pour les détails et les références, voir Kalongo Mbikayi, La responsabilité civile des commettants, op. cit., 11
487 Kin, 19 octobre 1975, RJZ, 1983, p. 47. Contra 1 ère inst. Eq, 30 octobre 1975, RJZ, 1978, p. 111
488 Bandundu, 23 février 1980, RJZ 1983, n°3, p. 47.
220

aurait abus par exemple lorsque le préposé utilise son instrument de travail (véhicule,
outils,etc.) à l’insu du commettant.
Lorsque le préposé agit dans l’exercice de ses fonctions, le maître ou commettant
est responsable de la suite dommageable des fautes commises par lui alors même qu’il
agit contre la défense formelle du maître et alors même que l’acte ne se rattache pas
directement à l’exercice des fonctions (489).
La responsabilité du commettant est engagée par la faute commise par le préposé
en service, même si celui-ci a passé outre à une défense du commettant (490).
L’employeur est civilement responsable des dommages par son chauffeur durant
un voyage qui rentrait dans le cadre de ses fonctions bien qu’accompli à un moment autre
qu’au moment prescrit par le maître (491).
Il n’est pas responsable du dommage subi par un passager transportant contre gré
de l’employeur par ledit préposé (492).
Lorsqu’il se produit un accident de roulage entre deux véhicules et qu’il est établi
que l’un des conducteurs roulait à une vitesse excessive tandis que l’autre accomplissait
une manœuvre imprudente, leur responsabilité est partagée. Le maître de l’un des auteurs
de la collision, est responsable solidairement avec son préposé des conséquences de
l’accident dans la mesure ou le préposé en est lui-même tenu(493);
L’employeur qui met temporairement un chauffeur à la disposition d’un tiers peut
être civilement responsable du chauffeur (494).
§3. Fondement et force de la présomption
Le fondement classique de cette responsabilité est la présomption de faute, mais
une présomption plus rigoureuse que les autres, une présomption irréfragable. Nous
avons déjà tenté d’analyser plus profondément le fondement de cette solution (495). Ce
n’est en réalité ni l’idée de faute de surveillance ni de choix, ni l’idée de représentation, ni
de risque-profil, ni de cautionnement légal, mais de garantie qui justifie le plus cette
solution.
Recours du commettant contre le préposé
Il est à noter cependant que le commettant dispose toujours d’un recours contre
son préposé. Ce recours s’avérera souvent inefficace puisque le préposé est généralement
insolvable.

489 Trib. District Haut-Lomami, 20 mai 1948, RJCB 1949, pp. 67-68.
490 1ère inst. Léo, 16 août 1950, RJCB, 1951, p. 117.
491 1ère inst. Elis., 28 mars 1952, RJCB 1953, p. 81.
492 Même décision.Cette partie de la décision paraît illogique par rapport à la thèse en vigueur dans notre pays.
493 1ère inst., Léo, 4 déc. 1929, RJCB 1930, p. 289.
494 Elis., 28 avril 1958, RJCB 1958, p. 228. Il devrait dans un cas continuer à contrôler ce chauffeur.
495 Kalongo Mbikayi, La responsabilité civile du commettant, op. cit., p.12
221

Il faut pour que ce recours soit fondé que le commettant n’ait commis aucune
faute, qui consisterait par exemple à demander au préposé chauffeur de ne pas dépasser
la vitesse réglementaire.

Section 4 : Responsabilité civile des proprietaires des véhicules automoteurs

§1. Principe
La loi du 5 janvier 1973 (496) a institué le propriétaire du véhicule automoteur qui a
causé un accident, civilement responsable de l’auteur de celui-ci. Elle a accru de ce fait la
protection de la victime en offrant à celle-ci un choix : elle peut désormais soit fonder son
recours sur l’article 258 du Code civil, livre III, qui n’est pas abrogé, soit sur l’article 260
alinéa premier, du même Code, soit poursuivre son indemnisation sur base de l’article 260
alinéa 6. Si elle opte pour cette dernière hypothèse, c’est contre le propriétaire du véhicule
qu’elle devra diriger son action en tant que civilement responsable.
§2. Conditions de responsabilité
Aux termes de l’article 4 de la loi précitée du 05 janvier 1973, « l’assurance doit
couvrir la responsabilité civile du propriétaire et de toute personne ayant, avec son
assentiment exprès ou tacite, la garde ou la conduite du véhicule ».
De l’examen de ce texte, l’on peut dégager les conditions nécessaires pour que soit
engagée la responsabilité du propriétaire d’un véhicule automoteur (497) :
1°. le dommage doit être causé par un véhicule automoteur;
2°. le dommage doit être causé par une personne qui a, avec l’assentiment exprès ou
tacite du propriétaire, la garde ou la conduite du véhicule.
3°. il faut qu’il soit établi un lien de causalité général entre le dommage et le véhicule
gardé ou conduit.
Nous verrons que l’élargissement de cette causalité entraînera contre le gardien ou
le conducteur une présomption de responsabilité qui sera répercutée sur le propriétaire de
ce véhicule et qui sera mieux comprise lors de l’examen de la responsabilité du fait des
choses inanimées.
Dès que ces conditions sont réunies, le propriétaire du véhicule est « présumé
responsable ». Il y a là une heureuse innovation car comme le souligne si bien M.
Thiran(498), cette loi introduit dans le chef de tout propriétaire de véhicules automoteurs,

496 Loi n°73-013 du 2 janvier 1973 portant assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules
automoteurs, JO n°5 du 1er mars 1973, p. 299 et Kalongo Mbikayi, Code civil et commercial, op. cit., p. 349
497 Kalongo Mbikayi, La responsabilité de l’automobiliste et du piéton en droit zaïrois, in L’automobile et la sécurité
routière, PUZ, 1982, p. 31-58.
498 Voir Exposé des motifs et commentaires de la loi n°73-013 du 5 janvier 1973, in Revue Ngabu n°2, septembre
1973 ; Kalongo Mbikayi, La responsabilité de l’automobiliste et du piéton en droit zaïrois, op. cit., pp. 31- 58
222

une responsabilité présumée, sans qu’il n’y ait nécessairement faute dans le chef du
propriétaire et cela dans le but de protection sociale, c’est-à-dire la protection de la
victime.
Heureuse innovation aussi car, la responsabilité objective ou responsabilité sans
faute cadre bien avec la mentalité juridique authentique congolaise. En effet, en droit
traditionnel, le seul fait de causer à autrui un dommage constitue la condition nécessaire
et suffisante pour engager la responsabilité civile de son auteur contrairement au droit
écrit congolais d’inspiration occidentale, le droit traditionnel ne se préoccupe donc pas
des conditions psychologiques de l’auteur du dommage pour déterminer sa
responsabilité civile.
§3. Fondement et force de la présomption
En parlant de la présomption de responsabilité plutôt que de la présomption de
faute, l’exposé des motifs de la loi du 5 janvier 1973 montre que le propriétaire sera
responsable en dehors de quelques fautes de sa part. Sa responsabilité est objective. Elle
est même fondée sur une présomption irréfragable de sa faute. C’est l’idée de garantie qui
justifie le mieux cette solution: elle favorise le mieux la victime. Il en est d’autant plus
certainement ainsi que l’assurance de la responsabilité civile a été rendue obligatoire en
matière de véhicules automoteurs.
En Belgique, on se trouve en ce domaine devant une présomption irréfragable de
faute alors qu’en droit français qui nous a inspiré, cette responsabilité se fonde sur l’idée
de garantie ou sur l’idée de risque. Le gardien ne peut se libérer de sa responsabilité de
plein droit qu’en démontrant :
1°. la force majeure (on exclut les vices internes de la chose comme élément de force
majeure) ;
2°. la faute exclusive de la victime ;
3°. le fait exclusif d’un tiers ayant caractère imprévisible et inévitable.
223
224

Chapitre III : Responsabilité du fait des choses

Nous étudierons successivement la responsabilité du fait des animaux (section 1),


de la ruine des bâtiments (section 2) et du fait des choses dites inanimées (section 3).

Section 1 : Responsabilité du fait des animaux

§1. Principe
Suivant l’article 261 du Code civil, livre III, « le propriétaire d’un animal ou celui
qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage est responsable du dommage que l’animal a
causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé ». Le responsable
légal est donc soit le propriétaire, soit le gardien de l’animal. Mais dans quelles
conditions?
§2. Conditions d’application
Ces conditions concernent l’animal et son responsable.
I. Animal visé
On prend en considération tous les animaux sans distinction de leur nature
zoologique: animaux domestiques ou autres, y compris ceux qui sont immeuble par
destination. Exemple : boeuf, chevaux, volailles, pigeons, abeilles des ruches. Mais ces
animaux doivent être appropriés ou plus exactement soumis à la garde de quelqu’un. On
écarte, ainsi les animaux sauvages qui vivent à l’état libre, comme le gibier ou même
vivant dans une chasse gardée car l’on ne peut assurer sur eux un certain contrôle. Il en
est de même des res nullius, des animaux sans maître (499).
Le comportement de l’animal est important. D’une part, en effet, il importe peu
que l’animal au moment de l’action, fût sous le contrôle actuel du responsable ou qu’il fût
égaré ou échappé. D’autre part, l’animal doit être intervenu positivement dans la genèse
de dommage. Il doit jouer un rôle causal. La Cour de cassation exige en France que le fait
de l’animal soit la cause directe et génératrice de l’accident (500). On écarterait ainsi la
demande de réparation d’un dommage résultant par exemple d’une chute due à la vue
d’un chien ou à la peur d’un chien (501). Seraient ainsi des faits de l’animal, les blessures
des suites de coups portés par l’animal, les dégâts causés par celui-ci, une maladie

499 Le propriétaire d’une chose gardée n’est pas responsable sur base de l’article 261 du Code civil, livre III, des dégâts
que peuvent causer les animaux de la chasse (il ne peut l’être que sur base de l’article 258). Mais il sera
responsable des dégâts des animaux placés dans un terrain aménagé (une garenne) pour leur reproduction, car de
tels animaux sont des immeubles par destination.
500 Cass. fr. civ., 2 mars 1956, Bull., civ. II, n° 160/103
501 Rodière (R), La responsabilité délictuelle dans la jurisprudence, Paris, Litec 1978, p. 204 et 206 ; Cass. fr. civ., 2
mars 1956, Bull. Civ. II, n°160, p. 103; 19 octobre 1966, Bull. civ. II, n°853, p. 595; Cass. fr. Req., 2 décembre 1940,
Gaz, Pal. 1940, 2, 502. Il faut signaler aussi que même si l’animal est monté ou conduit par l’homme, l’article 261
s’applique.
225

contagieuse communiquée par lui et un choc nerveux résultant d’une peur éprouvée à la
vue d’un animal.
Mais dans tous les cas, l’animal doit jouer un rôle causal. C’est ainsi que même si
l’animal est monté ou conduit par l’homme, l’article 261 du Code civil, livre III
s’appliquera. Il suffira même que l’animal soit l’instrument du dommage pour que cette
disposition s’applique (502).
II. Responsable
Aux termes de l’article 261 du Code civil, le responsable est « le propriétaire de
l’animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage ». C’est donc ou bien le
propriétaire de l’animal ou bien celui qui s’en sert. La responsable illicite de ces
personnes visées est donc alternative et non cumulatives. La jurisprudence est dans le
même sens (503).
La doctrine s’est référée à la notion de gardien pour déterminer le responsable.
Selon elle (la doctrine), le responsable est celui qui a la garde de l’animal, c’est-à-dire « qui
a sus lui le pouvoir de contrôle et de direction » (504).
En général, c’est le propriétaire qui est le gardien, c’est pour cela que la loi le cite le
premier, mais il peut se faire - et le propriétaire peut le prouver par tous les moyens –
qu’il n’ait plus la qualité de gardien au moment de l’accident, parce qu’il avait transféré la
garde à une autre personne, en lui transmettant « l’utilisation » et, partant, la direction de
l’animal.
Sera donc considéré comme gardien de l’animal et donc responsable sur base de
l’article 261 du Code civil,livre III, celui à qui le propriétaire ou la loi a donné sur l’animal
un droit d’usage ou de jouissance, l’usufruitier; le locataire, l’emprunteur à usage de la
bête.
La jurisprudence a eu à préciser davantage cette notion « d’utilisation ». Le seul
gardien dont il faut tenir compte est celui qui se sert de l’animal (505), à titre indépendant;
ce qui exclut le domestique et le préposé du propriétaire. En pareil cas, seul le propriétaire
est gardien (506). Mais le voleur de l’animal doit être considéré comme ayant acquit la
garde, tout comme celui qui a abandonné l’animal n’est pas considéré comme en ayant
perdu la garde (507). Par contre le locataire, l’usufruit, l’emprunteur à usage de la bête en
ont la garde à titre indépendant.

502 Cass.fr. civ. 19 octobre 1966,Bull.Civ. II, n° 853, p. 595


503 App. RU, 19 octobre 1954, RJC, 1955, p. 124
504 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°657; Carbonnier (J), op. cit., n°104, p. 369
505 Léo, 10 octobre 1944, RJCB 1945, p. 187
506 En ce sens, Julliot de la Morandière (L), op. cit. n°657. Lorsque le préposé (le cocher, par ex.) subit un accident du
fait de l’animal, il faut agir contre le maître sur base de l’article 261 car cet article ne fait aucune distinction. Cfr
Julliot de la Morandière, op. cit., n°659
507 Rodière (R), op. cit., n° 75
226

Le gardien est parfois celui qui se sert de l’animal à titre professionnel. Même s’il
ne se sert pas de l’animal, l’individu qui le garde à titre professionnel est gardien et donc
responsable au titre de l’article 261 du Code civil, livre III. Mais le tiers qui garde
bénévolement l’animal n’en a pas la garde (508). Ainsi sera considéré comme gardien et
donc comme responsable: l’aubergiste, le vétérinaire qui soigne la bête, l’entrepreneur
chargé de débarquer les bestiaux d’un wagon, l’entraîneur, le maréchal ferrant (l’artisan
dont le métier est de ferrer les chevaux).
Par contre, ne seront pas considérés comme responsables, mais bénéficiaires de
l’article 261 s’ils sont victimes de l’animal, les préposés à la garde, celui qui est
bénévolement intervenu pour maîtriser l’animal et toute personne étrangère à la
garde(509).
§3. Fondement de la présomption
La responsabilité du fait de l’animal est basée, selon le Code civil lui-même(510), sur
une présomption de faute, de négligence dans la surveillance de l’animal ou imprudence
dans son utilisation. Mais la jurisprudence a fini par décider, en France et en Belgique, que
le responsable ne pourrait pas s’exonérer en prouvant qu’il n’avait commis aucune
faute(511), ce qui équivaut à une présomption irréfragable de faute.
Mais d’après la jurisprudence actuelle, donc, cette responsabilité est devenue de
plein droit en ce sens que le défendeur ne peut échapper à la responsabilité de s’exonérer
en démontrant l’absence de faute, en prouvant, par exemple, qu’il prit toutes les
précautions désirables, qu’il a surveillé l’animal avec toute la diligence requise.
Le défendeur, selon la jurisprudence, ne peut donc s’exonérer qu’en apportant la
preuve d’une cause étrangère non imputable.
Il y a cas fortuit ou de force majeure lorsque, par exemple, l’animal a été effrayé de
façon imprévisible et inévitable par la foudre ou le tonnerre, la faute exclusive de la
victime (512) ou d’un tiers.
La doctrine moderne quant à elle rattache plutôt cet article 261 du Code civil, livre
III à l’idée du risque-profit (qui tire profit de l’animal à en supporter le risque (513). C’est la

508 Rodière (R), op. cit., n° 74 ; Voir aussi Cass. fr. civ., 2 juin 1967, D 1967, p. 694
509 Rodière (R), op. cit.,p. 69.
510 Voir travaux préparatoires du Code Napoléon in Fenet, TY. XIII, p. 476 et 488.
511 D’après les travaux préparatoires, cette responsabilité se fonde sur la présomption de faute renversable. Mais la
jurisprudence et la doctrine ont critiqué ce fondement, attachant plutôt cette responsabilité à l’idée du risque et
même à la présomption de faute irréfragable de type du commettant, laquelle ne pouvait être renversée que par une
cause étrangère non imputable.
512 Si le gardien n’avait pas mis un écriteau indiquant la présence d’un animal, la victime qui a subi le dommage en
voulant arrêter un animal emballé ou échappé ne commet pas de faute car il n’y a pas de faute dans un acte de
dévouement. Cfr. Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°660 et Carbonnier (J),op. cit., n°104 in fine. D’autre part, le
placement d’un écriteau peut faciliter la preuve de l’existence de la faute dans le chef de la victime.
513 Carbonnier (J), op. cit. n°104, p. 363 ; Julliot de la Morandière, op. cit., n°661
227

notion de garantie qui doit en définitive primer, car l’on tend aujourd’hui à interpréter cet
article de la même manière que l’article 260, alinéa 1(514).

Section 2 : Responsabilité civile du fait de la ruine des bâtiments

La loi a distingué la responsabilité spéciale de la ruine des bâtiments (art. 262 du


Code civil) de la responsabilité générale pour fait des autres choses inanimées que la
doctrine et la jurisprudence ont cru dégager de l’article 260, alinéa 1er.
§1. Principe
L’article 262 du Code civil dispose : « Le propriétaire d’un bâtiment est
responsable du dommage causé par sa ruine lorsqu’elle est arrivée par une suite du
défaut d’entretien, ou par le vice de construction ».
Contrairement à l’hypothèse de l’article 261 du Code civil, livre III qui prévoit à
côté du propriétaire, la possibilité de responsabilité de toute personne qui se sert de
l’animal (515), ici seul le propriétaire est mis en cause, quitte à lui d’intenter une action
récursoire contre l’auteur de la faute d’entretien ou du vice de construction du bâtiment.
Mais il faut pour cela qu’un certain nombre de conditions soient réunies.
§2. Conditions d’application
Trois conditions doivent être réunies pour que soit engagée la responsabilité du
propriétaire sur base de l’article 262 du Code civil, livre III.
1° Il faut qu’il s’agisse d’un bâtiment.La jurisprudence moderne étend cette notion
« à toutes les constructions faites avec des matériaux assemblés de façon durable, qu’elles
soient en surface ou en sous-sol et à tous les éléments (canalisations, ascenseurs,
balcons...) incorporés à ces constructions(516).
Ainsi jugé que peuvent être considérés comme bâtiments un pont (517), un pavé
élevé au bord d’une route construite en remblai (518). L’on peut aussi considérer qu’un
préfabriqué peut être conçu pour une longue durée et donc être considéré comme un
bâtiment au sens de l’article 262 du Code civil, livre III.
Mais on n’applique pas cette notion, comme on a eu à le faire avant le
développement donné à l’article 260, alinéa 1er, à la chute d’un arbre, à l’éboulement du
sol, à un échafaudage, à un amas de roches ni à une grotte (519). Nous croyons qu’il

514 Rodière ( R), Responsabilité délictuelle, op. cit., n°62, p. 199


515 Le locataire, l’usufruitier ou toute personne qui a la garde de l’immeuble sont exclus.
516 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°663; Carbonnier (J),op. cit., n°105, p. 370-371; Esmein dans Planiol et Ripert
,op. cit., T. VI, n° 608.
517 Elis., 14 septembre 1954 et 1ère inst. Léo, 25 septembre 1954, JTO, 1957, p. 12
518 1ère inst. Kivu, 6 mars 1954, JTO, 1957, p. 12
519 Voir note 411.
228

faudrait également écarter de cette notion les cases africaines » dans la mesure où elles ne
sont pas en matériaux assemblés de manière durable.
2° Il faut que le dommage ait été causé par la ruine du bâtiment.Il s’agit là de la
chute totale ou partielle de ses éléments(520). Cette condition écarte l’application de
l’article 262 au cas du dommage causé par les restes d’un bâtiment déjà en ruine.
3° Il faut que l’origine de cette ruine soit un défaut d’entretien ou un vice de
construction.Il appartient à la victime d’apporter cette preuve ainsi que celle de la relation
de cause à effet qu’il y a entre le vice ou ce défaut d’entretien avec la ruine survenue(521).
L’article 262 ne prend donc pas en considération les autres causes de ruine : chute
provoquée, vétusté, accident survenu au cours de la démolition de la construction ou de
l’incendie du bâtiment (522). Si la démolition est précipitée à cause du défaut d’entretien,
c’est facile à voir s’il y a vétusté, ou vice de construction, l’article 262 prendra alors le
dessus car la loi prévoit expressément cette hypothèse.
§3. Fondement et force de la présomption
Certains ont pu croire que le fondement de cette responsabilité était une
présomption de faute, le défaut d’entretien ou de surveillance. Mais à l’heure actuelle, on
estime qu’il s’agit là d’une responsabilité de plein droit. D’aucuns ont même rattaché
l’article 262 du Code civil, livre III à l’idée de risque-profit. Ce qui est vrai, c’est que l’idée
de faute n’intervient pas. La responsabilité du propriétaire est toujours engagée dès lors
que les conditions légales sont réunies.
Dès que ces trois conditions sont réunies, la responsabilité du propriétaire est
engagée de plein droit. Et même pour ceux qui fondent cette responsabilité sur la
présomption de faute du propriétaire, celle-ci est dans tous les cas irréfragable. Ce dernier
ne peut se décharger en démontrant qu’il n’a commis aucune négligence personnelle, qu’il
n’a pas été averti par son locataire du mauvais entretien, qu’il a ignoré les vices de
construction et que ceux-ci sont imputables à l’architecte ou à l’entrepreneur.
Causes libératoires
Seuls peuvent libérer le propriétaire :
a) le cas de force majeure à condition qu’il ne soit pas accompagné de vice de
construction ni de défaut d’entretien (523). Ainsi, l’occupation militaire qui a
empêché le propriétaire d’entretenir le bâtiment, le bombardement ou l’ouragan
qui a arraché le toit ou démoli la maison ne peuvent être considérés comme cas
de force majeure que s’ils ont empêché l’entretien. En eux-mêmes, ils ne sont pas
source de la ruine visée à l’article 262 du Code civil, livre III ;

520 1ère inst. Kasaï, 16 janvier 1951, RJCB 1951, p. 193.


521 1ère inst. Kivu, 6 mars 1954, précité ; Léo, 9 décembre 1952, RJCB 1953, p. 28.
522 Julliot de la Morandière (L), op. cit , n° 665 in fine ; Cass. fr. civ., 28 novembre 1949, D. 1950, 105.
523 Rodière (R), op. cit., n° 264, p. 265
229

b) la faute exclusive de la victime qui, par exemple, entre dans une maison
branlante alors qu’un écriteau l’indique. Il y a faute exclusive lorsque la victime
connaît l’état de délabrement du bâtiment. Ce serait le cas du voleur qui va se
cacher ou de deux amoureux qui cherchent un tel lieu à l’abri des curieux.
Il peut cependant y avoir partage de responsabilité lorsque le propriétaire n’a pas
avisé la victime du danger à l’aide d’un écriteau ou lorsqu’il n’a pas clos la zone
dangereuse.
La faute de la victime, pour être exonératoire totalement, doit revêtir le caractère
imprévisible et inévitable, ce qui la rapproche ainsi de la force majeure ; mais si le fait de
la victime ne présente pas un caractère fautif, le propriétaire ne peut être exonéré (524).
Recours du propriétaire
Le propriétaire dispose toutefois d’un recours :
1°. contre l’architecte ou l’entrepreneur au cas de vice de construction. Mais ce
recours est prescrit après 10 ans à compter de la réception des travaux (art. 439
du Code civil) (525). Il faudra bien noter que cette prescription décennale concerne
la responsabilité contractuelle des architectes et entrepreneurs dans leurs
rapports avec le maître de l’ouvrage et dont les nuances sont abordées dans
l’étude du contrat d’entreprise ;
2°. contre le locataire ou l’usufruitier s’il prouve que la ruine est la conséquence du
défaut d’entretien qui leur incombait en vertu du contrat (526).

Section 3: Responsabilité pour choses inanimées

La responsabilité pour choses inanimées a illustré, grâce à la doctrine et à la


jurisprudence, la faiblesse et l’insuffisance du système classique de la responsabilité
fondée sur la faute. Elle démontre également le phénomène propre à notre temps, qu’est
la recherche permanente des solutions favorables aux nombreuses victimes d’accidents.
En effet, en dehors des cas de la responsabilité pour fait d’un animal et pour la
ruine des bâtiments, l’hypothèse de la responsabilité civile pour les autres choses
inanimées (accidents d’automobile, explosion de machines diverses, éboulements de sol
...) ne semblait régie par aucun texte de loi. Et pourtant, avec le développement du
machinisme qui a lui-même entraîné la multiplicité des accidents dont beaucoup
provenant d’une cause anonyme, le nombre de victimes s’est accru. L’utilisation de la

524 Rodière (R), op. cit., p. 269 ; Cass. fr. civ., 1er juillet 1971, Guillera c/Sibaud, D. 1971, 672.
525 On peut logiquement accorder ce recours, le délai de présomption étant le même, à tout acquéreur d’un immeuble
déjà construit et qui comporte un vice. Ce recours est alors dirigé contre le vendeur lequel appellera l’architecte en
garantie. Voir art. 318 du Code civil, livre III.
526 Le contrat peut imposer au locataire des réparations locatives que ce dernier n’effectue pas.
230

machine qui a permis le développement économique s’est accompagnée de cas nouveaux


de responsabilité civile.
Plusieurs solutions furent tentées pour résoudre ces cas nouveaux de plus en plus
nombreux. Le recours à l’article 1382 du Code civil s’avérera très vite inefficace puisque la
victime se butait généralement à la difficulté d’apporter la preuve de la cause de son
dommage. On se retourna alors en Belgique comme en France à l’article 1384
correspondant à notre article 260, alinéa 1er, aux termes duquel « on est responsable du
dommage causé par le fait des choses que l’on a sous sa garde ».
Mais l’interprétation donnée à cet alinéa 1er diffère suivant que l’on trouve en
Belgique et en République démocratique du Congo ou en France (527).
§1. Principe de solution
Les principes de solution diffèrent selon que nous nous trouvons en droit français
ou en droit belge, et par ricochet en droit congolais.
En gros, tous les deux droits partent d’un correspondant de l’article 260, alinéa1er
du Code civil, livre III et retiennent la responsabilité du gardien de la chose inanimée,
autre que la ruine du bâtiment ou que l’animal, qui est intervenu dans la réalisation du
dommage.
Le droit français a été marqué par le fameux arrêt Jand’heur du 13 février 1930 (528).
Il met à charge du gardien de la chose inanimée qui est intervenue dans la réalisation du
dommage, non pas une présomption de faute, mais une présomption de responsabilité.
C’est pratiquement une responsabilité objective qui est consacrée. Quant au droit belge,
plus attaché à l’idée de faute, il a créé à charge du gardien une présomption de faute (...),
une présomption irréfragable il est vrai. Mais avant d’en arriver à cette présomption, la
victime doit au préalable apporter la preuve du vice de la chose qui est intervenue dans la
réalisation du dommage. La faute du défendeur consistant en droit belge d’user de la
chose vicieuse(529).
Notons que c’est surtout la multiplicité des accidents d’automobile et plus
généralement des véhicules à moteurs qui a permis ce développement de l’article 260,
alinéa 1er du Code civil, livre III.

527 Développement de cette question, Mazeaud (H,L et J) et Tunc (A),op. cit., t. II, n°1144 ; Savatier (R), op. cit., t.1,
n°327 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°666 et s ; Carbonnier (J), op. cit., n°107, p. 378 et s., Kalongo Mbikayi,
Progrès technique et Responsabilité civile, Cours de 1ère Licence en Droit.
528 S. 1930, I., 57, Cass. ch. réunies, 13 février 1930, veuve Jand’heur c/ Les galeries belfontaines dont le camion a
renversé la mineure Lise Jand’heur.
529 Développement de la solution belge, in Kalongo Mbikayi, Resposabilité civile et socialisation des risques, op. cit., pp.
136 et 137 ; Spilman (R),Sens et portée de l’évolution de la responsabilité civile depuis 1804, Mémoire de
l’Académie royale de Belgique, Collection in 8°, Tome 50, I, Bruxelles 1955, p. 66 et 67; Dabin (J) et Lagasse (Fr).,
in RCJB 1949.
231

Nous en avons la confirmation dans la loi n° 73-013 du 5 janvier 1973 qui introduit
dans notre système juridique un type nouveau de responsabilité objective, pour tous les
dommages causés par l’utilisation des véhicules automoteurs.
Les principes de solution étant exposés, nous allons étudier les conditions
d’application de l’article 260, alinéa 1er. Il y aura à distinguer les conditions de la
responsabilité du fait de choses inanimées en général et les conditions de la responsabilité
du propriétaire d’un véhicule automoteur selon la loi du 5 janvier 1973. Ces dernières
conditions ressemblent à celles qui prévalent en droit français.
§2. Conditions d’application de la responsabilité pour fait des choses inanimées en général
Ces conditions d’application sont relatives à la chose, au fait de la chose, et à la
garde.
I. La chose
Excepté les bâtiments en cas de ruine et les animaux, toutes les autres choses sont
visées par l’article 260, alinéa1er. Aussi, bien qu’au début on ne visait que les choses
mobilières, l’on considère aujourd’hui que les choses immobilières peuvent également
donner lieu à application de cet article (530).
De même, sont des choses au sens de l’article examiné : les véhicules à moteur, les
bicyclettes, les navires, les aiguilles médicales, le lames de rasoir, les fils électriques, les
gaz, les explosifs, les fumées (531).
Ainsi jugé qu’une compagnie de chemin de fer est responsable de l’incendie que
les flammèches d’une locomotive ont communiquées à un immeuble, lorsqu’elle ne
prouve pas qu’elle a pris ou provoqué toutes les mesures nécessaires notamment
administratives, propres à empêcher les incendies des propriétés établies le long de la
ligne (532). Mais ne sont pas des choses au sens de l’article examiné :
1°. le corps d’un homme, ni la pensée et sa parole, même lorsque le corps prolonge
la chose inanimée;
2°. les res nullius qui ne peuvent être appropriées.
Précisons enfin la notion de chose en disant qu’il n’est pas tenu compte du fait que
la chose soit dangereuse ou non dangereuse par nature, actionnée ou non par l’homme
(ballon de jeu, plombs à fusil), inerte (voiture en stationnement, chasse sur le sol dans un
bar) ou en mouvement, petite ou grosse(533).

530 1ère inst. Léo, 12 avril 1952, RJCB, p. 93 avec note ; Cass. b. 24 mai 1945, Pas. 1945, I. 172 ; 12 juillet 1945, Pas.
1945, I. 202 ; 22 octobre 1954, Pas. 1954, I. 202 ; 22 oct. 1954, Pas. 1955, I. 149.
La chute d’arbre rentre donc dans l’application de l’article examiné.
531 Starck (B), Roland (H) et Boyer (L), Obligations, vol. 1 Responsabilité délictuelle, 4 ème éd., Paris, Litec, 1991, p.
222 n°s 465 et s.
532 Elis., 21 octobre et 18 novembre 1933, RJCB 1922, p. 138
533 Starck (B), op. cit., n°369-388
232
II. Le fait de la chose
La différence entre le droit belge et le droit français apparaît au niveau de cette
condition. Alors que le droit belge exige la preuve du vice et sa relation causale avec le
dommage, le droit français, depuis l’arrêt Jand’heur des chambres réunies du 13 février
1930, rattache la responsabilité à la garde de la chose, non à la chose elle-même (534).
En Belgique et donc au Congo, (pour les choses autres que les véhicules depuis la
loi du 5 janvier 1973), la responsabilité du gardien suppose la preuve d’un vice de la chose
et d’un lien de cause à effet entre ce vice et le dommage.
Le vice a été interprété de façon variée. Dans une première conception, le vice
consistait dans une défectuosité intrinsèque de la chose, cette défectuosité pouvant être
apparente ou cachée, originaire ou due à la vétusté ou à toute autre cause(535).
Mais dans un second temps, on a interprété plus largement le vice, l’entendant par
« tout comportement anormal de la chose »(536).
La manière dont la relation de cause à effet doit être démontrée a été précisée par
la Cour de cassation belge (537). Suivant cette Cour, la victime n’est pas tenue de préciser la
nature du vice; il suffit qu’elle établisse l’impossibilité de l’accident si la chose n’avait pas
été affectée d’un vice, mais pour ce faire, elle doit démontrer par élimination successive de
toutes les autres causes concrètes de l’accident, que celui-ci sans la présence d’un vice de
la chose, demeurerait inexplicable dans les circonstances où il s’est produit.
En France et au Congo pour les véhicules automoteurs depuis la loi du 5 janvier
1973, on se contente d’un lien de causalité général entre la chose et le dommage. Mais ce
lien soulève quelques problèmes particuliers(538).
1° Le fait de la chose n’implique pas nécessairement un contact matériel entre la
chose qui cause le dommage et la personne ou le bien qui le subit. C’est le cas d’une
voiture qui projette un caillou contre la vitre ou le parabrise d’un tiers et la casse (539).
C’est également ainsi en cas de vitesse excessive qui effraie un tiers et l’oblige à virer dans
l’idée d’éviter la collision et qui dans ce mouvement écrase quelqu’un.

534 Starck (B), Roland (H) et Boyer (L), op. cit., n° 482
535 Exemples belges : Gand, 1er mars 1928, Pas. II., 125 (boumon d’une voiture rongé de rouille). Trib. Liège, 28 oct.
1933, III. 137 (levier de direction d’une auto partiellement brisé); Liège, 2 juillet 1912, Jur. Liège 1912. 233 ;
Bruxelles, 10 mars 1948, RGAR, 1948 n°4319 (défaut d’élasticité d’un ressort de poste d’ascenseur).
536 Liège, 15 décembre 1949, Pas. 1950. JT 1946, pp. 165-166 ; Renard (C), RTDC 1947, p. 96 et RCJB 1947, p. 91 ;
Dabin et Lagasse, RCJB 1944, p. 72 et 1952.
537 Cass. b. 25 mars 1943, Pas. 1943, I. 110 ; Cass.b.18 janvier 1945, Pas. 1945, I. 88 ; 31 janvier 1945. I.308.
Voir aussi références à la note 37 plus chronique Dabin et Lagasse, RCJB 1952, p. 73 ; De Page (H), op. cit., II,
n°1007. En ce sens, 1ère inst. Cost. 3 décembre 1948, RJCB, p. 113; Léo, 29 octobre 1957, RJCB 1958, p. 146
538 Carbonnier (J), op. cit., n°107, p. 381 ; Julliot de la Morandière (L), n°676 ; Rodière (R), op. cit., n°43, p. 149. Voir
Starck (B), Roland(H) et Boyer(L), op. cit., n°497 et s; Le Tourneau (Ph) et Cadiet (L), Droit de la responsabilité,
Paris, Dalloz, 1996, n° 3581 et s, pp. 739 et s.
539 Starck (B), Roland (H), Boyer (L), op. cit., n° 518
233

2° Le fait de la chose implique que l’intervention de la chose ait été causale active
dans la production du dommage. Elle doit être génératrice du dommage. La chose doit
aavoit été ne fut-ce que pour partie, l’instrument du dommage, selon la formule consacrée
en France par l’arrêt de la Cour du 8 juillet 1971 (540). Il appartient à la victime d’apporter
la preuve de ce rôle générateur du dommage qu’a eu à jouer la chose.
3° Le fait de la chose peut coexister avec le fait d’une autre cause au sens contraire.
C’est l’hypothèse de la collision des véhicules. En France, la jurisprudence déclare les
deux présomptions de responsabilité simultanément applicables. Chacun paiera à l’autre
et réciproquement l’entier dommage lui causé par le fait de sa chose (541).
Au Congo, le droit est inspiré du système français et s’interprétera comme lui, du
moins pour la responsabilité du fait des véhicules automoteurs. La responsabilité du
gardien du véhicule sera établie comme en France.
III. La garde
Le responsable est celui qui « a la chose sous sa garde ». Il s’agit de celui qui a la
garde juridique c’est-à-dire qui exerce sur elle le droit de contrôle et de direction. Le
devoir de surveillance ne prime donc pas. La garde est individuelle. En principe, elle
revient au propriétaire, mais ce dernier, gardien originaire, peut avoir transféré ou perdu
la garde. On en arrive ainsi à dissocier la garde juridique de la garde matérielle.
A. Transfert de la garde
Le propriétaire peut conventionnellement remettre à titre précaire la chose à un
autre individu qui a désormais la qualité de détenteur. Exemple : locataire emprunteur à
usage, transporteur, entrepreneur chargé d’une réparation.
Pour qu’il soit gardien au sens de la loi examinée, ce détenteur doit avoir
réellement le pouvoir de surveiller et de contrôler la chose. Il n’y aura pas de garde en cas
de présomption, sauf usage de la chose par le préposé et ce par abus de ses fonctions. Car
le préposé ne garde pas la chose à titre indépendant et ne dispose d’aucun droit de
contrôle et de direction sur la chose qu’il manie.
Il n’y aura pas non plus de garde si celle-ci se fait à titre gratuit (542). Il a été jugé
cependant que le propriétaire du camion qui met celui-ci gracieusement à l’entière
disposition d’un tiers pour effectuer un voyage déterminé cesse d’avoir la garde du
camion et d’être le maître du chauffeur, au point de vue de l’application de l’article 260 du
Code civil, livre III. Il ne répond pas de l’accident survenu par suite du non-
fonctionnement des freins, dont il connaissait le mauvais état si ce tiers, après avoir
constaté le vice du camion, a continué sa route sans y remédier, alors qu’il pouvait

540 Cass. fr. civ. 2ème, 8 juillet 1971. D. 1971, 690.


541 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 677; Carbonnier (J), op. cit., n°107, p. 382 en haut; Starck (B), Roland(H) et
Boyer (L), op.cit.,n° 524-526.
542 Carbonnier (J), op. cit., n°108, p. 383
234

renoncer au voyage ou faire effectuer la réparation. Il a, en effet, assumé les risques de


l’accident en pleine connaissance de cause(543).
Le détenteur peut être un possesseur de bonne foi ou de mauvaise foi. Il faut
soutenir la thèse selon laquelle tout transfert effectif de la garde peut entraîner la
responsabilité du nouveau gardien. En définitive, la garde est alternative et non
cumulative.
B. Perte de la garde
C’est l’hypothèse de la chose volée. Ici la garde est transférée au voleur sans la
volonté du propriétaire. C’est la garde matérielle qui est transférée de fait au voleur, le
propriétaire conservant la garde juridique.
Après de longues hésitations dans la jurisprudence, la solution a été consacrée en
France par l’arrêt Connot du 2 décembre 1941 (544). Suivant cet arrêt, c’est le voleur qui
devient gardien et donc responsable étant donné que le propriétaire se trouve privé de
l’usage de la chose en même temps que de la direction et du contrôle de cette chose.
L’usage apparaît désormais comme une caractéristique de la garde juridique à coté du
« pouvoir » de contrôle et de direction.
C. Transport bénévole
La victime qui est transportée à titre gratuit et qui subit un dommage du fait de la
voiture peut-elle agir contre le chauffeur bénévole, gardien de la voiture sur base de
l’article 260, alinéa 1er ?
Après avoir refusé à une telle victime le bénéfice du correspondant de l’article 260,
alinéa 1er, la Cour de cassation française a subi un revirement décidant par son arrêt récent
du 20 décembre 1968 qu’une telle victime peut bénéficier de l’article précité. Elle ne doit
donc pas établir la faute du gardien (545).
En droit congolais, cette thèse devrait s’imposer en vertu de la nouvelle loi de
1973.
D. Garde de la structure et garde du comportement
Il faut enfin relever l’évolution jurisprudentielle récente en France qui a introduit
dans la conception de la garde : une garde de comportement et une garde de structure,
permettant ainsi à la victime d’attaquer les deux gardiens qui seraient alors condamnés in
solidum.
Le gardien de la structure serait le propriétaire ou le fabricant de la chose qui
aurait causé dommage, tandis que le gardien du comportement ou gardien de l’utilisation

543 Léo, 9 février 1954, RJCB 1954, p.193


544 S. 41.1. 217 et DC. 42 25. Voir aussi Le Tourneau (Ph) et Cadiet (L), Le droit de la responsabilité, Paris, Dalloz,
1996, n° 3650.
545 Carbonnier (J), op. cit., n° 694, 1°.
235

serait celui qui aurait la garde effective de la chose, le détenteur qui l’aurait entre les
mains lors de la survenance du dommage(546).
§3. Fondement et force de la présomption
Le fondement de cette responsabilité varie suivant qu’on prend en considération le
droit congolais ou le droit belge d’une part et le droit français de l’autre. Il faut néanmoins
montrer que la thèse française a inspiré le droit congolais en ce qui concerne du moins la
responsabilité du gardien du véhicule automoteur ayant causé un dommage.
En droit belge le fondement encore lié à l’idée de faute est la présomption de faute.
Cette présomption est irréfragable. Mais l’interprétation du vice de la chose indique que la
jurisprudence belge tend à réduire l’importance de la faute dans ce pays.
En France et au Congo pour les véhicules automoteurs, c’est l’idée de garantie plus
que celle du risque qui doit prédominer. La responsabilité du gardien est présumée, ce
qui en fait une responsabilité de plein droit. Elle ne peut être écartée que la preuve d’une
cause étrangère, la force majeure (qui exclura les vices internes de la chose), la faute
exclusive de la victime, le fait exclusif d’un tiers ayant caractère imprévisible et inévitable.

546 Sur ces questions et avec cas jurisprudentiels, voir Starck(B), Roland, Boyer, op. cit. n° 580 et s. 587 ; Le
Tourneau (Ph) et Cadiet (L), op. cit. n° 3670 et s. et Tunc (A), Garde du comportement et garde de structure de la
responsabilité du fait des choses inanimées, JCP, 1957. I. 138…
La jurisprudence oxygène liquide mettant en cause cette société qui, a expédié par fer des bouteilles métalliques
remplies l’oxygène comprimé qui ont explosé entre les mains d’un transporteur routier qui a pris en charge les
bouteilles (Cass. 2° ch. civ., 5 janvier 1956, D 1957, 261 note Rodière ; JCP 56, II, 9095 note Savatier ; Décisions
récentes relatives à un fabricant de boissons gazeuses, à un loueur d’un poste de télévision qui a imposé, le
propriétaire d’un camion prêté dont le preneur a éclaté le fabricant d’une pile qui a explosé…voir Starck (B), Roland
(H) et Boyer (L), op.cit. n° 587
236

Chapitre IV : Rapports entre la responsabilité délictuelle et la


responsabilité contractuelle

Après l’examen respectif de la responsabilité contractuelle qui suppose la violation


par un débiteur d’une obligation née d’un contrat et qui a sa source dans l’article 45 du
Code civil, livre III et de la responsabilité délictuelle, qui est celle qui dérive de
l’application des articles 258 et suivants du Code civil, livre III, il est intéressant d’étudier
s’il y a des rapports entre ces deux types de responsabilité.
Une même personne en effet, peut-elle cumuler à propos d’un même dommage,
les actions en responsabilité civile et en responsabilité contractuelle ? Cette personne est-
elle plutôt obligée de faire un choix, d’opter ? Y a-t-il finalement des ressemblances ou pas
entre les deux types de responsabilités ? Et s’il y a des différences, quel est l’intérêt de ces
différences et quel est le domaine respectif de chacun de ces deux types de responsabilité
? Telles sont les diverses questions que soulève l’étude des rapports entre la responsabilité
contractuelle et la responsabilité délictuelle.
Ces questions seront abordées en trois sections: Intérêts pratiques de la distinction
(section 1), domaine respectif des deux responsabilités (section 2) et cumul ou concours
des deux responsabilités (section 3).

Section 1 : Intérêts pratiques de la distinction

Il y a lieu de dire de prime abord que la dualité des deux responsabilités apparaît
aujourd’hui comme règle chez la majorité des auteurs (547) et ce tant en Belgique, en France
qu’au Congo. La différence entre les deux responsabilités apparaît en pratique tant en ce
qui concerne les règles de fond que les règles de preuve.
§1. Distinction quant aux règles de fond
1° Les conditions des deux responsabilités ne sont pas les mêmes. La capacité
délictuelle est moins exigeante que la contractuelle. On est plus vite capable sur le plan
délictuel que sur le plan contractuel.
En cas de responsabilité contractuelle, le dommage qui donne lieu à réparation
doit être non seulement direct mais encore prévu ou prévisible lors du contrat (art. 49 du
Code civil, livre III) ; ce qui n’est pas exigé en cas de responsabilité délictuelle puisque
dans ce dernier cas, l’accord préalable entre les intéressés n’est pas possible.
La mise en demeure préalable est souvent nécessaire en matière contractuelle. Elle
est sans application en matière délictuelle;

547 En ce sens, Carbonnier (J), op. cit., n° 113, p. 414 et s ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 688.
Les auteurs qui soutiennent l’unité de deux responsabilités estiment que la faute contractuelle n’étant qu’une forme
de faute délictuelle, seules les règles de la responsabilité délictuelle s’appliqueraient.
237

Dans la responsabilité contractuelle, le degré de la gravité de la faute n’est pas


toujours le même, c’est en principe la culpa levis in abstracto qui est exigée. En matière
délictuelle, la faute très légère est suffisante.
2° Les conventions d’irresponsabilité valables en matière contractuelle sont
contraires à l’ordre public en matière délictuelle (548).
3° Le délai de prescription de l’action civile est en principe de trente ans (art. 647
du Code civil, livre III). Mais si le fait dommageable est une infraction, le délai change
suivant l’infraction (art. 24 à 34 du Code pénal, livre I).
4° L’étendue de la réparation paraît plus étroitement comprise dans la
responsabilité contractuelle que dans la délictuelle (549).
D’autre part, l’on observe en général que les coauteurs d’un dommage en matière
contractuelle sont tenus in solidum de plein droit tandis qu’en matière contractuelle, il n’y
a pas, de plein droit, la solidarité entre ceux qui sont débiteurs en vertu du même contrat.
La solidarité en matière contractuelle n’a lieu que si la loi l’a prévue (550).
§2. Distinction quant aux règles de preuve
Ici la distinction est plus frappante encore. On sait qu’en matière délictuelle, la
victime doit établir, outre le dommage et la faute du défendeur, le lien causal. Tandis
qu’en matière contractuelle, le créancier qui réclame les dommages-intérêts contractuels
doit seulement établir l’existence du contrat. La faute du débiteur est présumée du seul
fait de l’inexécution (art. 45 du Code civil, livre III). Le débiteur ne peut écarter la
présomption qu’en prouvant que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne lui
est pas imputable.
Cette opposition appelle cependant des atténuations de part et d’autre. C’est ainsi
qu’en matière contractuelle, et plus spécialement lorsque le contrat a pour objet une
obligation de moyen (ex : contrat médical, contrat d’enseignement), le créancier, c’est-à-
dire le demandeur, doit prouver que le débiteur, « le défendeur », a commis une faute,
qu’il n’a pas en l’occurrence agi en bon père de famille.
En matière délictuelle, la loi admet de nombreuses présomptions de faute. Ici, c’est
au défendeur de renverser le fardeau de la preuve comme le fait le débiteur d’une
obligation contractuelle de résultat.

548 Elles ne peuvent en matière délictuelle qu’écarter les présomptions de faute. V. en ce sens Julliot de la Morandière
(L), n° 689.
549 Art. 48 et 49 du Code civil, livre III
550 Ceci vaut pour l’exécution de la dette. Mais lorsqu’il s’agit d’une inexécution fautive de la dette due à plusieurs, la
tendance jurisprudentielle est de condamner tous ces débiteurs fautifs à une réparation in solidum.
238

Section 2 : Domaine respectif des deux responsabilites

§1. Principe
Les deux responsabilités couvrent deux domaines bien définis qu’il convient de ne
pas mêler. On peut poser comme principe que la responsabilité contractuelle est une
exception par rapport à la responsabilité délictuelle. Le domaine de la responsabilité
contractuelle est restreint et limité à ceux-là seuls qui ont passé tel contrat. Leur
responsabilité contractuelle ne joue qu’à l’intérieur de cette sphère contractuelle et pas
une autre. En revanche, le domaine de la responsabilité civile est plus étendue et joue
pour tous dès lors que les conditions de responsabilité civile sont réunies.
La responsabilité contractuelle suppose un contrat valable passé entre parties. Elle
naît de l’inexécution ou d’une mauvaise exécution, d’un retard d’exécution d’une
obligation contenue dans le contrat. Nous disons bien que l’obligation doit être celle du
contrat envisagé pour qu’il y ait responsabilité contractuelle. Dans les autres cas d’espèce,
il ne faut pas croire par exemple que la faute contractuelle est toute faute commise à
l’occasion d’un contrat.
La seule faute sur le plan contractuel est celle qui consiste à violer une obligation
telle qu’elle ressort du contrat. Il s’agira, soit d’une mauvaise exécution, soit d’une
exécution tardive, soit même d’une inexécution. Toutes les autres fautes, même commises
à propos du contrat, ne donnent lieu qu’à une responsabilité délictuelle. Il en est ainsi
dans les hypothèses examinées ci-après.
I. Faute délictuelle commise par un tiers étranger au contrat
Comme nous l’avons déjà montré (551), en cas de tierce complicité à la violation
d’une obligation contractuelle, le tiers commet une faute délictuelle et sera poursuivi sur
base de l’article 258 du Code civil, livre III alors que la partie dont le tiers est complice
commet une faute contractuelle et sera poursuivie sur base des articles 33 et surtout 45 du
Code civil, livre III.
Exemple : Contrat d’exclusivité ou promesses unilatérales de vente.
A B

C Tiers complice
A et B sont liés par un contrat d’exclusivité ou par une promesse unilatérale de
vente. Voilà que C aide A à violer ce contrat en le poussant à lui vendre. C sera le tiers
complice et sera poursuivi sur base de l’article 258 et A sur base des articles 33 et 45 du

551 Kalongo Mbikayi et Tshimanga Biuma, La responsabilité civile du tiers complice de la violation d’une obligation
contractuelle, op. cit….
239

Code civil, livre III. La faute de C est délictuelle puisque ce dernier n’était pas tenu des
obligations du contrat.
II. Faute délictuelle commise par un contractant à l’égard d’un tiers étranger
Un même fait peut constituer une faute contractuelle à l’égard de l’autre partie au
contrat et constituer une faute délictuelle à l’égard d’un tiers étranger.
C’est le cas d’un contrat de transport entre le transporteur A et le client B. S’il y a
accident dommageable, A aura commis une faute contractuelle (violation de l’obligation
de sécurité) à l’égard de B (et à l’égard de ses héritiers agissant en son nom).
Mais à l’égard des parents ou du conjoint du défunt qui réclament réparation du
dommage moral ou matériel ressenti, A aura commis une faute délictuelle.
III. Faute délictuelle commis par un contractant à l’égard d’une partie au contrat
A l’égard de l’autre partie co-contractante, une partie peut causer une faute
délictuelle, lorsque celle-ci sort de la sphère contractuelle, lorsqu’elle ne consiste pas dans
la mauvaise exécution, dans le retard d’exécution ou dans l’inexécution d’une obligation
strictement contractuelle.
On peut relever des exemples de faute délictuelle à l’égard des parties: culpa in
contrahendo, lors de la conclusion du contrat.On peut citer à ce propos, le cas du retrait
injustifié d’une offre de contracter ou celui du dol de l’article 16 du Code civil, livre III. On
viole ici une obligation antérieure au contrat.
D’autres hypothèses concernant la violation d’une obligation extérieure au
contrat peuvent être citées. C’est le cas de l’hôtelier qui assassine le voyageur, du
transporteur qui viole sa cliente, etc.
Remarquons enfin que dans certaines hypothèses, les obligations contractuelles
peuvent déborder ce qui est strictement prévu par le contrat. Dans ce cas, on appliquera
les règles de la responsabilité contractuelle conformément à l’article 34 du Code civil, livre
III suivant lequel « les conventions obligent non seulement à ce qui est exprimé, mais
encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa
nature ».
On mentionnera le cas de l’obligation de sécurité dans le contrat de transport.

Section 2 : Concours de deux responsabilités

§1. Position du problème


La question qui se pose ici est quelque peu liée à celle examinée à la section 2. Il
s’agit de savoir s’il peut y avoir concours entre les deux types de responsabilité, plus
exactement, si l’une des parties peut opter librement pour tel ou tel type de responsabilité.
On parle de concours et non de cumul. Ce dernier mot n’est pas exact car on ne peut pas
se faire indemniser deux fois pour un même fait.
240

L’hypothèse est celle d’un créancier qui se trouve devant un débiteur qui a causé
une faute contractuelle (552). Ce créancier peut-il invoquer à la fois, la responsabilité
contractuelle du débiteur ainsi que sa responsabilité délictuelle, en arguant pour justifier
cette dernière action que l’article 258 du Code civil, livre III est un texte général et vise une
faute « quelconque » ?
Dans le cas de la ruine du bâtiment qui blesse le locataire ou de la ruine provenant
du refus du propriétaire de faire les grosses réparations lui incombant contractuellement,
le locataire peut-il cumuler ou opter, à son choix, entre les articles 258 ou 262 du Code
civil, livre III?
§2. Principe de solution
La tendance jurisprudentielle dominante en France(553) repousse la possibilité
d’une option, d’une subsidiarité et a fortiori d’un cumul entre les deux responsabilités(554).
Suivant cette jurisprudence, lorsque les conditions d’une responsabilité
contractuelle sont remplies, c’est cette dernière qui s’imposera, les dispositions des articles
258 et suivants du Code civil, livre III ne pouvant en principe être invoquées pour le
règlement d’une faute commise dans l’exécution d’une obligation contractuelle » (555).
On justifie aussi cette position par le fait qu’en responsabilité contractuelle, seul est
réparé le dommage prévisible et ce après une mise en demeure préalable. Ces exigences
seraient sans objet si l’on avait une option, car la responsabilité délictuelle ne les prévoit
pas.
Quant à la jurisprudence belge, elle est plutôt mitigée(556). La jurisprudence
congolaise n’a pas encore de position tranchante. Il est à souhaiter qu’elle suive la position
française qui exclut la responsabilité délictuelle lorsque sont réunies les conditions de
responsabilité contractuelle. Dans cette dernière hypothèse, seule s’appliquerait la
responsabilité contractuelle dont les conditions d’application sont spécifiques (art. 45 du
Code civil, livre III).

552 L’option n’est pas possible lorsque la faute est purement délictuelle, c’est- à- dire s’écarte de la sphère contractuelle.
Ici, seule s’applique la responsabilité délictuelle.
553 La jurisprudence belge qui a rendu peu d’arrêts en la matière a adopté une position plutôt mitigée. Elle admet une
incompatibilité mitigée. V. notamment Cass. b., 12 octobre 1902 ; Pas. I. 350 ; 13 février 1930, Pas. I. 115 ; 14 mars
1939 ; Pas. I. 140. Au Congo, il n’y a pas de thèse dominante non plus.
554 Carbonnier (J), op. cit., n°113, p. 417 et Julliot de la Morandière (L),op. cit., n°695 ; Voir aussi Marty (G) et Raynaud
(P), op. cit., n°368.
555 Cass. fr. civ. 6 avril 1927, DP 1927. I. 111 ; 9 janvier 1940, DP 1940. I. 49 ; 6 mai 1946, JCP 1946. II. n° 3236 ; 7
décembre 1955, D. 1956. 136.
556 La victime a parfois une opinion et choisit l’action qui l’avantage le mieux.
241
242

Chapitre IV : Critiques du système classique de la responsabilité civile et


évolution moderne de la théorie de la responsabilité civile (557)

Schéma

1ère Phase : Responsabilité subjective et individuelle à base de faute. En 1804 c’est


la consécration de l’idée de liberté de l’homme. Voir à ce sujet, la propriété individuelle,
autonomie de la volonté dans les contrats et donc aussi engagement individuel dans la
responsabilité pour mieux cerner cette notion de responsabilité subjective et individuelle.
Insuffisance de ce système (causes sociologiques)
1. Machinisme (Révolution industrielle et économique)
- dommages accidentels se multiplient;
- dommages trop coûteux;
- faute anonyme.
2. Mouvement des idées sociales
- désir de venir en aide à toute victime. L’idée indemnitaire est accentuée.
2 Phase : Effort doctrinal et jurisprudentiel pour justifier un système de
ème

responsabilité sans faute :


1. Théorie d’un risque (Saleilles, Josserand)
- risque - profit (limité aux activités économiques)
- risque crée-théorie éclectiques;
- théories écléctiques.
2. L’assouplissement de l’idée de faute (faute et erreur)
3. Théorie de la garantie :
Doctrine (B. Starck et A.Tunc)
Dans le cas des mêmes articles 260 et s du Code civil, livre III, avantages,
inconvénients, socialisation des risques.

557 Développement : Kalongo Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois, PUZ, 1977, p.
109 et s; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n°369- 370 ; Carbonnier (J), op. cit., n°87, p. 289 ; Viney (G), Le déclin
de la responsabilité individuelle, thèse, Paris, LGDJ, 1965 ; Savatier (R), Comment repenser le droit français de la
responsabilité civile ?, Paris, Dalloz 1970 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit. n °877 à 508 bis ; Starck (B), Essai
d’une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée,
Paris, Roestein, 1947, p. 49 et s.
243

3ème Phase : socialisation des risques (558)


Double constante :
1. Objectivisation de la responsabilité civile de certains risques surtout les
dommages corporels ou acquiliens;
2. Responsabilité collective : technique moderne :
- assurance
- sécurité sociale
- mouvement en droit public
3. Discussions sur le fondement et la fonction juridique de la responsabilité civile
(559).
- la fonction vise le résultat escompté, la finalité même de l’institution;
- le fondement juridique vise la justification logique, l’explication théorique de
cette finalité dans le cadre du droit positif.
- c’est la fonction qui doit toujours primer.
Quid en matière de responsabilité civile ?
Fondement : On tâtonne. Souvent on mêle faute et risque.
Finalité (Fonction) :
- Au départ, rôle répressif et préventif. Existence de recours contre l’auteur fautif
et ce, sur base de l’article 258 du code civil, livre III, c’est-à-dire responsabilité
individuelle et à base de faute.
- Par la suite, aider la victime, idée de garantie ? C’est l’aspect ou le rôle
indemnitaire.
- Idée de réparation doit primer idée de sanction de peine privée.
Conclusion
Revalorisation du système traditionnel africain qui soutient un système de
responsabilité collective et objective dans le but de tenir toujours en aide aux victimes.
Mais suppléer à l’inefficacité de la garantie clanique en développant la socialisation
moderne des risques grâce à l’assurance et à la sécurité sociale qui ont chez nous une
structure monopolistique.
Soutenir aussi les domaines respectifs de la responsabilité objective plus assurance
obligatoire (pour les domaines acquiliens) et celui de la responsabilité à base de faute

558 Tunc (A), La réforme du droit des accidents de la circulation, J.T. 1968. 377 et surtout son fameux projet connu sous
le nom de projet Tunc. « La sécurité routière », esquisse d’une loi sur les accidents de la circulation, Dalloz 1966, p.
75. Ce texte est apparu aussi dans le numéro spécial de la Revue de Droit Social de 1967, p. 65 et s.
559 Tunc (A), Logique et politique dans l’élaboration du droit, spécialement en matière de responsabilité civile, in
Mélanges Jean DABIN, I., Bruxelles, Bruylant, 1963, p. 317-339
244

pour le dommage non acquilien, c’est-à-dire non directement corporels (économiques).


L’évolution se poursuit encore en droit comparé comme l’écrit si bien René Savatier(560).

560 Savatier (R), Comment repenser le droit français de la Responsabilité civile, Dalloz n° spécial.
245
246

TITRE III : QUASI-CONTRATS

Nous avons cité le quasi-contrat comme étant la troisième source classique des
obligations. En réalité, ce terme ne fait que grouper une série de faits juridiques : la
gestion d’affaires, le paiement de l’indu et l’enrichissement sans cause. Ceux-ci peuvent
être considérés comme des sources d’obligation indépendamment du contrat et du délit.
Le quasi contrat n’est pas en lui-même une institution à considérer comme une source
individuelle des obligations.
La doctrine moderne critique sévèrement ceux qui le considèrent comme tel (561).
C’est une source artificielle qui ne se justifie pas et qui n’est retenue comme telle que pour
des raisons historiques (562). En réalité, les auteurs anciens ont voulu rapprocher les quasi-
contrats de la catégorie la plus spécifique qu’étaient les « contrats ». Mais l’analogie est,
comme l’ont bien observé les historiens du droit (563) sur le terrain des effets et non sur le
terrain de la naissance d’obligation.
C’est Justinien qui, le premier a orienté l’erreur actuelle de la doctrine en parlant
des obligations nées « comme si elles étaient nées d’un contrat » (564), introduisant ainsi
l’analogie entre les deux rubriques sur le terrain (source) de l’analogie.
Pothier a maintenu dans le projet de Code Napoléon cette analogie sur le terrain
des sources de l’obligation. Son originalité a consisté à proposer du quasi-contrat une
définition qui se trouve aujourd’hui consacrée par l’article 1371 du Code Napoléon
reproduit par le Code civil congolais dans l’article 247.
Définition légale du quasi-contrat
Le Code civil congolais, en son article 247 définit donc les quasi-contrats comme
étant : « les faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement
quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties ».
Comme telle, cette formule est vague et artificielle. Elle ne vaut que par ses
applications concrètes qui sont en réalité des faits juridiques distincts qui créent une
obligation à savoir la gestion d’affaires (chapitre I) et le paiement de l’indu (chapitre II).
Ces deux applications sont prévues par le Code lui-même. Mais l’on s’accorde à leur
adjoindre une autre application plus générale, celle de l’enrichissement sans cause
(Chapitre III).

561 Voir spécialement M.K. Gomaa, Théorie des sources de l’obligation, Paris, LGDJ, 1968, n°157 à 194.
562 Voir note 561 pour développements.
563 Monier (R), Histoire de la notion d’obligation et de la classification des obligations d’après leurs sources, cours de
Pandectes 1948-1949, p. 56 et Vizioz (A), La notion de quasi-contrat, étude historique et critique, 1912, thèse n °
12 - 15.
564 Monier (R), op. cit. , n° 53 et 57; Gomaa, op. cit., n° 158 in fine, p. 157.
247

Caractéristiques du quasi-contrat
Pour la jurisprudence française, congolaise et belge, qui se sert toujours de la
terminologie classique, le quasi-contrat se distingue du contrat et du délit en ce sens qu’il
est :
a) un fait volontaire sans être un contrat car il n’a pas été conclu de l’accord des
parties en vue de faire naître des obligations. C’est la loi seule qui reconnaît des
obligations sans tenir compte de la volonté des parties et ce pour des raisons de
justice et d’équité ;
b) un fait licite à l’opposé du délit et du quasi-délit qui constituent une faute. Ce fait
licite fait naître une situation que la loi estime injuste.
Appréciation de la spécificité du quasi-contrat
Mieux que du quasi-contrat source d’obligation, il convient de parler comme le fait
Jean Carbonnier de l’« avantage reçu d’autrui comme source d’obligation » (565).
Cette formulation justifie mieux ses applications éventuelles que nous allons
maintenant examiner, telle que la gestion d’affaires (chapitre I), le paiement de l’indu
(Chapitre II) et l’enrichissement sans cause (chapitre III).

565 Carbonnier (J), op. cit. n° 115, p. 421.


248

Chapitre I : Gestion d’affaires

Section 1 : Notion

Il y a gestion d’affaires toutes les fois qu’une personne (le gérant d’affaires)
accomplit un acte dans l’intérêt et pour le compte d’un tiers (le maître de l’affaire ou le
géré) sans avoir reçu mandat de celui-ci (566).
Devant un tel acte, la loi intervient pour créer des obligations à charge du gérant
d’affaires et aussi éventuellement à charge du géré.
Gérant A B Géré
d’affaires Maître de l’affaire

La situation ressemble fort à celle qui résulterait d’un contrat de mandat, mais à
cette différence, que dans la gestion d’affaires, il n’y a pas contrat, la volonté du géré étant
absente.
Hypothèses de gestion d’affaires
a) L’hypothèse classique est celle de la personne qui, voyant la maison de son voisin
absent (567) menacée par l’incendie ou par tout autre danger (ruine, inondation)
engage des dépenses pour prévenir ou même réparer les dégâts intervenus. Ce
voisin peut agir lui-même (acte matériel) ou faire appel aux services des tiers
entrepreneurs, maçon... (acte juridique).
b) Mais il peut y avoir gestion d’affaires de nombreuses autres hypothèses où il y a
eu procuration à autrui d’un avantage quelconque (568).
C’est le cas :
- du copropriétaire qui fait des impenses sur un bien d’autrui;
- de l’hôtelier qui recueille la victime d’un accident lui apportée sans connaissance;
- du directeur d’une clinique qui appelle un spécialiste au chevet d’un malade hors
d’état de manifester sa volonté;
- du voisin qui paie sciemment la dette d’un autre pour lui éviter une saisie;
- du voisin qui vend en votre absence vos denrées périssables qui traînent dans
l’entrepôt commun;
- du voisin qui accueille chez lui et nourrit les enfants de son ami disparu et
réapparu après un certain nombre de jours;

566 Carbonnier (J), op. cit., n° 116, p. 424.


567 Le mot « propriétaire » du texte de la loi ne s’explique que parce que l’hypothèse prévue par la loi est celle que nous
expliquons ici.
568 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 701.
249

- du brave qui arrête votre chien enragé et vous le ramène.


La jurisprudence considère qu’il y a gestion d’affaires lorsqu’un tiers prête secours
à une personne qui possède une créance d’aliments contre une autre et que celle-ci
manque de l’exécuter (569) ou qui est dans l’impossibilité de l’exécuter par suite des
circonstances (570).
Il en est de même de la part de celui qui donne des ordres nécessaires à
l’expédition des marchandises par les propres moyens de transport de l’expéditeur (571).
Le dénominateur commun de toutes ces hypothèses est l’avantage reçu par le géré
grâce à l’intervention du gérant. Dans toutes ces hypothèses aussi, la loi oblige le gérant à
veiller à la bonne exécution de son intervention, c’est-à-dire des actes qu’il pose et à
rendre des comptes au géré, lequel de son côté se trouve obligé à indemniser les dépenses
engagées. Mais précisons davantage les conditions de la gestion d’affaires.

Section 2 : Conditions de la gestion d’affaires

Ces conditions doivent être cernées quant à l’affaire elle-même (§1), quant au
gérant (§2) et quant au géré (§3).
§1. Quant à l’affaire
a) La gestion d’affaires peut avoir pour objet indifféremment les actes juridiques
(ex : contrat avec un entrepreneur, paiement d’une dette d’autrui), patrimoniaux
ou les actes matériels, le gérant agit par lui-même. Exemple : Il arrête un chien
enragé ou un cheval emballé au risque d’être blessé. S’il est vrai que la majorité
d’actes juridiques sont des actes d’administration, il a été admis que dans
certaines circonstances exceptionnelles, la gestion d’affaires pouvait avoir pour
objet des actes de disposition sur les biens d’autrui (ex : vente de denrées
périssables).
b) Ce qui est en tout cas essentiel, c’est que l’affaire doit être utile pour le géré ou le
maître de l’affaire.
Une partie de la doctrine et une partie de la jurisprudence ont pensé que l’affaire
devait être au surplus rendue nécessaire par son urgence. Mais cette opinion n’est pas
unanime en France (572) alors que notre jurisprudence l’a suivie (573). Nous soutenons notre
jurisprudence qui veut que l’intervention du gérant soit non seulement utile mais aussi

569 Léo, 8 octobre 1946, RJCB, p. 19; 1ère inst. R.U., 24 juin 1948, Belg. col. 1949, p. 163.
570 Elis, 12 juin 1948, RJCB, p. 137.
571 Elis, 11 février 1926, Kat. II., p. 146.
572 Carbonnier la soutient, op. cit. n° 116 p. 425 ; contra Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 705.
573 Elis, 22 mars 1947, RJCB, p. 91. Cette décision indique qu’il faut qu’il y ait eu nécessité d’agir en lieu et place de
maître.
250

nécessaire et urgente. Autrement, on verserait facilement dans ces actes de charité et de


complaisance gratuite.
§2. Quant à gérant
Le gérant doit être capable de s’engager par contrat; son intervention doit être
spontanée et ne pas découler d’une obligation préexistante, qu’elle soit contractuelle (ce
serait alors un mandat) ou légal (cas de tutelle). Enfin, et c’est cela qui est le plus
important, le gérant doit avoir eu l’intention d’agir dans l’intérêt et pour le compte
d’autrui. Ainsi, le curateur aux successions qui, à l’expiration de sa mission légale,
continue la liquidation de la succession dans l’intérêt des héritiers sans y être tenu
légalement ou contractuellement, agit comme gérant d’affaires(574).
Il n’y a, en effet, pas lieu à application de l’article 248 du Code civil, livre III
lorsque le gérant a agi uniquement dans son propre intérêt, sans avoir conscience de
rendre service à autrui, même si, en fait, il se trouve, en faisant sa propre affaire, avoir fait
celle d’autrui (575).
S’il avait entendu gérer sa propre affaire, et s’il avait de ce fait procuré un avantage
à un tiers, il pourrait éventuellement exercer contre ce tiers non pas l’action fondée sur la
gestion d’affaires (l’action negotiorum gestorum) mais bien l’action fondée sur
l’enrichissement sans cause (l’action de in rem verso). C’est l’intention de représenter
autrui qui sépare la gestion d’affaires de l’enrichissement sans cause.
Il peut y avoir cependant des cas où le gérant a conscience d’agir pour lui et pour
un tiers. Ainsi, le copropriétaire qui agit au bénéfice de l’usufruitier, agira par ricochet
pour lui même. Dans ce cas, où la gestion n’est pas entièrement désintéressée, les règles
de la gestion d’affaires s’appliqueront néanmoins.
§3. Quant au maître (géré)
Contrairement à ce qui a été dit sur le gérant, la capacité du maître est indifférente,
car ce n’est pas sa volonté qui est la source des obligations dont il est tenu. S’il est
incapable, il sera obligé envers le gérant dans les mêmes conditions qu’une personne
capable(576).
La gestion d’affaires se fait à l’insu du maître. S’il en a connaissance, l’article 248
du Code civil, livre III dit que la gestion d’affaires peut toujours se maintenir. En pratique,
il faut distinguer suivant que le maître proteste ou pas. S’il proteste, c’est-à-dire s’il
s’oppose à la gestion, le gérant doit s’abstenir et cesser son intervention sans quoi
l’intervention du gérant peut devenir un délit civil. S’il ne proteste pas, c’est-à-dire, s’il ne

574 Cass. b., 22 septembre 1955, RJCB 1956, p. 6.


575 Julliot de la Morandière (L), op. cit. , n° 703. Le législateur n’entend protéger que des vrais actes de dévouement et
non des actes intéressés.
576 L’on dit que l’incapacité protège l’intéressé contre ses propres actes, mais non contre les obligations qui naissent à
sa charge indépendamment de sa volonté.
251

s’oppose pas, il se formera un mandat tacite qui est un contrat véritable et non un quasi-
contrat. A notre avis, il faudrait ici corriger le texte de l’article 248.

Section 3 : Effets de la gestion d’affaires

La gestion d’affaires sort ses effets essentiellement entre les parties c’est-à-dire le
gérant d’affaires et le maître (§1) mais elle peut aussi sortir ses effets à l’égard des tiers
(§2).
§1. Entre parties
I. Obligations du gérant
Suivant l’article 248, alinéa 2 du Code civil, livre III, « le gérant se soumet à toutes
les obligations qui résulteraient d’un mandat exprès que lui aurait donné le propriétaire ».
C’est dire donc que ses obligations sont les mêmes que celles du mandataire. En
conséquence : il est tenu d’apporter à la gestion de l’affaire tous les soins d’un bon père de
famille (art. 250, al. 1 du Code civil, livre III).
Il résulter de cette obligation qu’en principe, le gérant sera responsable de toute
faute même d’imprudence ou de négligence (art. 533 al. relatif aux obligations du
mandataire). Toutefois, dit l’article 250, alinéa 2, « le juge peut modérer la responsabilité
du gérant selon les circonstances qui l’ont conduit à se charger de l’affaire. La gratuité du
service rendu peut par exemple, à l’instar de l’article 533, alinéa 2 du Code civil, livre III,
pousser le juge à modérer la responsabilisé du gérant (577). « On note que cette perspective
de la responsabilité étendue du gérant est destinée à décourager des immixtions trop
faciles, et de pure curiosité, dans les affaires d’autrui » (578).
Il est tenu de rendre compte de sa gestion, comme le mandataire. Ceci implique
notamment qu’il a d’une part comme le mandataire, droit aux intérêts de ses avances à
compter du jour où elles ont été constatées (art. 542 du Code civil, livre III), et non
seulement à dater la sommation de payer, conformément au droit commun (art. 51
dernier alinéa) et que d’autre part il peut, comme le mandataire, retenir la chose gérée
jusqu’au paiement de tout ce qui est dû à raison de sa gestion. Ce droit de rétention est
une garantie.
Il est tenu de continuer la gestion jusqu’à ce que le maître de l’affaire ou ses
héritiers soient en état d’y pourvoir eux-mêmes. Il doit continuer à se charger également
de toutes les dépenses de cette même affaire jusqu’à ce que le maître ou ses héritiers,
avant que l’affaire soit consommée, le gérant est obligé de continuer sa gestion jusqu’à ce
que l’héritier ait pu en prendre la direction (art. 249 du Code civil, livre III). Il est à noter
que cette obligation de continuer la gestion est plus rigoureuse pour le gérant que pour le

577 1ère inst. 11 février 1926, Kat. II, p. 146


578 Carbonnier (J), op. cit., n°116, p. 427
252

mandataire. On sait en effet que le mandataire peut toujours renoncer au mandat (art. 548
du code civil, livre III).
II. Obligations du maître
Il est naturel que le gérant qui agit pour rendre service au maître soit indemnisé. Et
dans l’ensemble, les obligations du maître ressemblent à celles du mandant (art. 251 du
Code civil, livre III). Cependant, à la différence du mandant, le gérant ne peut être
indemnisé que si la gestion a été utile, c’est-à-dire bien administré.
Pour apprécier cette bonne administration, il faut donc se placer au jour de la
gestion (579). De plus, la bonne gestion ne signifie pas la « garantie de résultat ». Ainsi,
même si l’entrepreneur engagé par le gérant n’arrive pas à arrêter l’inondation qui
menace la maison du voisin par rupture d’un tuyau, le maître reste tenu d’indemniser le
gérant dès lors que la gestion aura été utile, c’est-à-dire administrée (580).
Ainsi donc, dès que l’affaire a été bien gérée, le maître rembourse les dépenses
utiles et nécessaires (581) que le gérant a pu faire pour la conservation ou même
l’amélioration de l’immeuble en souffrance et au surplus garantir le gérant des
engagements qu’il a pu prendre à l’égard des tiers dans sa gestion (art. 251 du Code civil,
livre III).
Si le maître ratifie l’emploi, la gestion d’affaires se transformera rétroactivement en
mandat suivant le vieil adage « ratificatio mandato acquiparatur ». Dans cette hypothèse,
le gérant pourrait obtenir d’être indemnisé quand bien même sa gestion n’aurait pas été
utile. On applique alors la règle du mandat.
§2. A l’égard des tiers
Lorsque le gérant agit comme tel, c’est-à-dire lorsqu’il a déclaré agir pour le
compte du maître, il n’est pas personnellement obligé sur le plan contractuel vis-à-vis du
tiers avec lequel il a traité. C’est le maître seul qui sera en principe obligé conformément à
l’article 251 du Code civil, livre III(582). Il y a dans cette hypothèse représentation parfaite.
Mais cette obligation du maître envers les tiers est subordonnée elle aussi, on l’a dit déjà,
soit à l’utilité de la gestion, soit à une rectification.

579 Le mandataire par contre est toujours indemnisé même si le mandat n’a pas été utile (art. 541 du Code civil, livre III),
car n’est pas à lui mais au mandat d’apprécier l’utilité de l’opération. Carbonnier (J),op. cit., n°116, p. 427.
580 On admet même que le gérant, qui a agi professionnellement, a droit à une rémunération comme un mandataire
salarié. Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 709.
581 C’est encore une différence avec le mandat car ici le mandat doit rembourser toutes les dépenses sans limitation.
Julliot de la Morandière (L), n° 710.
582 Lorsque la gestion d’affaires est entreprise dans l’intérêt de plusieurs personnes, celles-ci ne sont pas engagées
solidairement à l’égard du gérant alors qu’il y aurait solidarité en cas de mandat (art. 543). C’est là encore une
différence de la gestion d’affaires avec le mandat. N.B. : La solidarité en matière civile ne se présume pas.
253

En bref, l’on dira que le maître, représenté à l’égard des tiers par le gérant devient
créancier et débiteur en vertu des contrats passés en son nom par le gérant. La ratification
de la gestion par le maître tient lieu de mandat(583).
Aussi, il a été jugé que le tiers chargé du soin d’enfant qui contracte un emprunt à
raison de l’éloignement du père par suite de circonstances de guerre pour le besoin de
l’enfant, gère l’affaire du père. Le prêteur auquel il a été donné connaissance par
l’emprunteur de ce que l’emprunt était fait pour le compte du père, a contre le père, une
action directe, sur base de la gestion d’affaires (584).
Par contre, lorsque le gérant ne déclare pas agir pour compte et au nom du maître,
et qu’il traite avec les tiers en son nom personnel, il est obligé personnellement envers
eux, la responsabilité du maître n’étant pas engagée. Mais dans cette hypothèse,
habituellement, le gérant qui est personnellement engagé se fera rembourser par le maître
de tout ce qu’il a dû payer dans on intérêt(585).

583 Starck (B), op. cit., vol 2, n° 1794, p. 626 ; Starck (B), Roland (H) et Boyer (L), op. cit. n° 1878, p. 794.
584 Elis., 12 juin 1948, RJCB 1948, p. 137.
585 Starck (B), Roland (H) et Boyer(L), op. cit. n° 1879, p. 795.
254

Chapitre II : Paiement de l’indu et action en répétition

Section 1 : Notion et hypothèses

§1. Définition
Il y a paiement de l’indu, d’une façon générale, lorsqu’une personne (l’accipiens)
reçoit à titre de paiement d’une autre personne (le solvens), ce qui ne lui est pas dû. Dans
ces conditions, la loi accordera au solvens un droit de répéter ce qu’il a payé indûment, et
grâce à l’action en répétition (Art 252).
A B
Le solvens Accipiens
§2. Hypothèses
Les hypothèses de ce paiement indu sont nombreuses (586). Il y aura paiement de
l’indu :
1°. lorsqu’on paye une dette qui n’existe pas ou qui n’existe plus. Exemple : Un
héritier paie une dette du défunt ignorant que celui-ci l’avait acquittée ;
2°. lorsqu’on paie plus qu’on ne doit : Exemple : Je lis mal une facture et paie
1.000.000 de Fc alors qu’il s’agit de 100.000 Fc ;
3°. lorsqu’on paye une dette due par une autre personne (en dehors de toute
convention entre parties à cause par exemple de la ressemblance des noms).
Exemple : La paie par erreur de la facture de x ;
4°. lorsqu’on paye une obligation nulle, si toutefois, s’agissant d’une nullité relative,
le paiement n’emporte pas confirmation. Exemple : hypothèse de paiement en cas
de vente dont le consentement est vicié ou paiement en cas de vente sous
condition suspensive lorsque la condition ne se réalise pas.
Dans cette hypothèse, la cause de la restitution est postérieure au paiement, alors
que dans les hypothèses précédentes, la cause de restitution est contemporaine au
paiement (587).

586 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 711. L’auteur signale à juste titre que le paiement d’une dette prescrite ou
d’une dette en vertu d’une obligation naturelle différent n’est pas indu. Voir article 153 du Code civil, livre III.
587 Lorsque la cause est postérieure, l’erreur du solvens n’est pas la condition d’application de l’action. Voir l’art. 133 al.
1 qui n’exige pas cette condition d’erreur pour répéter l’indu. Voir des exemples chez Julliot de la Morandière (L),
op. cit., n° 713.
255

Section 2 : Conditions du paiement de l’indu

La condition principale, c’est l’erreur du solvens (art. 253 du Code civil, livre III). Il
appartient au demandeur, ici le solvens, à prouver qu’il a payé par erreur ; peu importe
que son erreur soit d’ailleurs une erreur de droit ou une erreur de fait. L’action en
répétition n’est pas accordée à celui qui a payé sciemment. Ce dernier a peut être voulu
faire une libéralité. A l’erreur il faut assimiler la violence qui contraindrait un individu à
payer ce qu’il ne doit pas (588). Le dol est aussi pris en considération (589).
Cas où la condition de l’erreur n’est pas nécessaire
C’est le cas où la cause de la restitution doit apparaître postérieurement au
paiement. C’est le cas où l’annulation est possible. En fait, la loi n’exige pas l’erreur. Et il y
a des cas où l’erreur n’est pas nécessaire et où le paiement s’est fait en connaissance de
cause. Mais il y a répétition car la motivation a été altérée (590). Exemple : J’acquitte ma
dette mais je perds la quittance ; je peux repayer pour éviter des poursuites. Si je ne la
retrouve pas, je peux répéter le second payement. L’incapable qui a payé une obligation
nulle peut répéter à la majorité ce qu’il a payé.

Section 3 : Effets du paiement de l’indu

Quelles sont les conséquences juridiques du paiement indu ?


§1. Principe
Le principe est posé dans les articles 252 et 253 du Code civil, livre III. Suivant ces
articles, celui qui a payé l’indu dispose d’une action en répétition. Cet indu peut être un
objet en nature si c’est un corps certain qui existe encore (art. 255), l’équivalent dans les
autres cas.
L’article 255 du Code civil, livre III condamne l’accipiens à une restitution plus
complète lorsqu’il est de mauvaise foi, ce qui peut signifier que la restitution peut être
légère en cas de bonne foi de l’accipiens. Il y a cependant des cas où l’accipiens est
dispensé de restituer ce qu’il a reçu sans cause.
Cas de paiement d’une dette immorale et illicite et où l’adage « In pari causa
turpitidinis cessat repetitio » paralyse la restitution de l’indu.
Cas prévu par l’article 253, alinéa 2 du Code civil, livre III. C’est l’hypothèse où un
créancier (l’accipiens) a détruit son titre de créance à la suite du paiement qu’il a reçu. La
loi veut protéger ici l’accipiens car il devait restituer ce qu’il a reçu après avoir détruit son

588 Carbonnier (J), op. cit., n° 118, p. 433 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 712.
589 Marty (G), op. cit., n° 660, 629 c.
590 Marty (G), op. cit., n°629, c.,p. 661 .
256

titre, il serait désarmé devant le vrai débiteur (pas de titre, pas de preuve). La seule
possibilité accordée au solvens c’est un recours contre le véritable débiteur (art. 253 al. 2).
§2. Fondement de l’action
C’est l’idée de l’enrichissement sans cause aux dépens d’autrui qui exige cette
action. Si l’accipiens ne restitue pas l’indu, il s’enrichirait sans cause aux dépens du
solvens.
De plus, la loi elle-même consacre ce fondement dans l’article 133 en disposant :
« tout payement suppose une dette, ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition ».
Ainsi, l’idée de cause explique cette action en répétition, le paiement a été sans cause
puisqu’il n’y avait pas de dette.
§3. Etendue de la restitution
Nous en avons déjà dit un mot. L’étendue de la restitution on varie suivant que
l’accipiens a été de bonne foi ou de mauvaise foi.
I. Accipiens de bonne foi
Lorsqu’il est de bonne foi, l’accipiens ne doit pas être préjudicié. Il ne restitue,
suivant l’article 254 du Code civil, livre III, a contrario, que ce dont il s’est enrichi, c’est-à-
dire seulement le capital ou la chose reçue, mais non les intérêts ou les fruits qu’il a perçus
et consommés parce qu’il les a consommés dans la pensée qu’il en était propriétaire. Il ne
devra des intérêts qu’à partir du jour où il a été mis en demeure de restituer par une
assignation, ce qui est le droit commun (591).
Au cas où il a vendu la chose, il ne sera tenu à restituer que le prix de la vente non
la valeur actuelle de la chose (art. 255).
En revanche, si la chose a péri par sa faute, il est équitable qu’il en rembourse la
valeur (art. 255). Mais si la perte intervient par cas fortuit, il est libéré.
II. Accipiens de mauvaise foi
La loi est plus sévère à son endroit car se sachant non créancier, il est censé
prendre des précautions particulières, puisqu’il pouvait s’attendre à être un jour obligé de
restituer (592). Il a commis une faute et doit réparer tout le préjudice subi par le solvens. De
la sorte, la situation de l’accipiens de mauvaise foi est sévèrement sanctionnée.
Celui-ci devra restituer non seulement le capital ou la chose, mais tous les fruits ou
intérêts qu’il a perçus à dater du jour du paiement (art. 254).
S’il a vendu la chose, il devra non seulement le prix, mais l’excédent de valeur
qu’elle peut représenter au jour où l’action est intentée contre lui;

591 Marty (G), op. cit., n° 633, p. 663. Il s’agit des intérêts sur la somme réclamée et non les fruits civils produits par la
chose due ou la capital.
592 Carbonnier (J), op. cit., n° 116, p. 433 ; Julliot de la Morandière (L), n° 717, p. 378.
257

Si la chose a péri par cas fortuit, il en devra néanmoins la valeur (art. 255 in fine).
La jurisprudence est également plus sévère parce qu’elle décide qu’en matière de
payement de l’indu, seul l’accipiens de mauvaise foi peut être tenu au paiement d’intérêts
sur la somme par lui indûment reçue (593).
III. Remboursement des dépenses engagées par l’accipiens
Lorsque l’accipiens a engagé des dépenses pour la conservation de la chose, il doit,
aux termes de l’article 257 du Code civil, livre III, en obtenir du solvens remboursement,
qu’il ait été de bonne ou de mauvaise foi.
Cette solution se justifie car sinon, ce serait le solvens qui, à son tour, s’enrichirait
sans cause surtout si les dépenses ont augmenté la valeur de la chose.

593 Léo, 22 octobre 1957, RJCB 1958, p. 216. Il doit s’agir même d’intérêts consommés. Il ne peut s’agir ici que des
intérêts produits par le capital qu’ils soient consommés ou pas.On ne vise pas ici les dommages-intérêts moratoires
ordinaires.
258

Chapitre III : Enrichissement sans cause

Section 1 : Principe

L’enrichissement sans cause n’est pas réglementé par le Code civil. Il s’agit d’une
source d’obligation consacrée par la jurisprudence(594). Il est fondé sur ce principe général
d’équité qui vient du droit romain et dont l’existence n’a pas été mise en doute par notre
droit : « Nul ne peut s’enrichir sans juste cause aux dépens d’autrui ».
La jurisprudence accorde à la tierce personne aux dépens de laquelle on s’est
enrichi, une action, l’action dite de in rem verso tendant à obtenir une indemnité relative à
l’enrichissement procuré (595).
Le fondement de ce principe général est encore discuté aujourd’hui car il est en
élaboration.
Nous en trouvons des applications chez nous notamment dans les articles 23, 24 et
25 de la loi portant régime général des biens, les articles 252 et s, (le paiement de l’indu),
311 et 312, 349, 510 et 609 du du Code civil, livre III (596). Ces cas particulièrement visés par
le législateur concernent ainsi l’empiétement, l’accession, les impenses, les récompenses
dans la communauté des biens, la répartition de l’indu (575 bis).
Il est concevable qu’en dehors de ces dispositions légales, ce principe s’applique à
d’autres hypothèses encore. Mais pour éviter toutefois que cette théorie ne soit trop
générale, la jurisprudence s’est efforcée d’en limiter les conditions.

Section 2 : Conditions de l’action de In rem verso

En l’absence de la loi, c’est la jurisprudence qui a dû préciser ces conditions. Selon


elle, l’exercice de l’action de in rem verso suppose :
1°. l’enrichissement d’un patrimoine et l’appauvrissement corrélatif d’un autre :
c’est-à-dire l’élément matériel, l’élément d’ordre économique;
2°. l’absence de cause à ce déplacement de valeur. L’enrichissement doit donc être
injuste, c’est l’élément juridique;
3°. le caractère subsidiaire de l’action, c’est-à-dire qu’il faut que l’appauvri n’ait
aucun autre moyen d’obtenir satisfaction, c’est-à-dire de compenser
l’appauvrissement;

594 C’est l’arrêt Boudier (15 juin), D. 1892, I, 596 ; S. 1893, I, 281 note Labbé,
Un marchand avait livré des engrais à un fermier qui n’a pas su les payer (insolvable). Il actionna contre le
propriétaire qui a repris son terrain et qui, selon lui, s’est enrichit sans juste cause à ses dépens.
595 Dans ce sens on lira avec intérêt Elis, 30 mars 1935, RJCB, p. 188.
596 Voir les applications particulières du code Napoléon dans les articles 681 et 862 (Rapports avec succession), 1437
(Théorie des récompenses sous le régime de la communauté).
259

4°. certains auteurs ajoutent l’absence d’intérêt chez l’appauvri. Chacune de ces
conditions sera examinée dans un paragraphe distinct.
§1. Enrichissement d’un patrimoine et appauvrissement corrélatif d’un autre patrimoine
L’enrichissement et l’appauvrissement constituent des conditions d’ordre
économique liées à la constatation qu’une valeur est passée d’un patrimoine dans un
autre qui s’en est trouvé diminué.
L’enrichissement d’un patrimoine est l’élément essentiel. Il peut consister soit dans
un accroissement direct du patrimoine du défendeur (somme d’argent, plus-value du
bien), soit encore, dans le fait de lui avoir évité une diminution de son patrimoine
(engager des frais pour éviter la diminution de la valeur du patrimoine).
Dans ce dernier cas, l’on a procuré à autrui l’économie d’une dépense. Cette
hypothèse est semblable à celle de gestion d’affaires mais ici on vise le cas d’une personne
qui effectue ce travail pour son compte personnel et qui, par ricochet, profite à un tiers.
L’enrichissement peut être moral lorsque l’on accroît par exemple la valeur
intellectuelle ou morale de quelqu’un. C’est le cas des enseignants qui accroissent le
bagage intellectuel de leurs élèves ou étudiants.
Le même fait d’enrichissement doit pouvoir corrélativement entraîner un
appauvrissement du patrimoine du demandeur. S’il n’y a pas d’appauvrissement, l’action
n’aurait plus de raison d’être puisque le demandeur n’aurait pas subi de dommage.
L’exemple classique de non appauvrissement concerne des travaux engagés par A
et qui entraînent la plus-value non seulement de son terrain, mais aussi du terrain voisin.
Dans ce cas, A ne pourra pas demander une indemnité correspondante à cette plus-value,
car il n’a pas subi d’appauvrissement dans son domaine.
Voyons un autre exemple.J’aménage le passage de ma boutique et de ce fait, ma
clientèle augmente et du coup, celle du voisin aussi. Certes, il y a dépenses de ma part,
mais cette dépense s’est soldée par une plus-value de mon patrimoine.
Pour l’enseignant, l’on peut penser que la dépense d’énergie, les efforts pour bien
faire constituent une sorte d’appauvrissement correspondant à l’enrichissement moral
procuré à l’élève.
§2. Absence de cause tant pour l’enrichissement que pour l’appauvrissement
Il s’agit ici d’une condition d’ordre économique qui tient au fait que rien ne vient
légitimer la transmission de valeur d’un patrimoine à l’autre.
La cause qui est visée ici a un sens très large. Il s’agit de l’existence d’une contre
partie, soit de n’importe quelle autre justification juridique (contrat, délit, intention
libérale). Il faut que l’enrichissement soit sans cause. S’il y a une cause, l’enrichi n’a pas
droit à l’indemnité. Et cette cause qui doit être juste peut résider dans la convention des
parties. C’est l’exemple d’une donation : le donateur s’appauvrit et le donataire s’enrichit
260

mais ici avec une cause qui est le contrat. La cause peut aussi résider dans la loi.Ainsi, si
l’appauvri enrichit le patrimoine de l’autre en exécution d’une obligation légale, il y a là
juste cause. La théorie ne s’applique pas. Il faut donc rechercher l’existence d’une cause
juste.
Si elle existe, il n’y a pas lieu à action de in rem verso. Si elle n’existe pas, l’action
est possible.
Ainsi (597) dans le paiement de l’indu, il n’y a pas d’acte juridique antérieur qui
légitime l’enrichissement de l’accipiens. De même, l’incapable doit restituer à son
adversaire ce dont il s’est enrichi, parce qu’il a fait annuler l’acte d’où résulterait cet
enrichissement. Au contraire, n’ont pas droit de in rem verso car l’enrichissement qu’ils
procurent à une cause, l’usufruitier ou l’emphytéose qui améliore le fonds, le locataire qui
fait des constructions sur l’immeuble en vertu d’un contrat.
L’appauvrissement doit être aussi dépourvu de cause juste. En général, c’est la
cause de l’enrichissement qui vaut pour l’appauvrissement, mais il y a des cas où
l’appauvrissement est du à la faute de l’appauvri lui-même (598). Dans ce cas, l’action de in
rem verso lui sera refusée. M. Boris Starck nous rapporte des espèces où il a été jugé
ainsi.Tel le cas :
1°. d’un fermier expulsé qui procède aux semailles dans l’espoir d’un sursis. Malgré
l’enrichissement qu’il aura procuré, il ne sera pas indemnisé car il a agi à ses
risques et périls (599) ;
2°. du garagiste qui a affecté de sa propre initiative des travaux non prévus (600);
3°. d’une grand-mère qui a gardé et entretenu ses petits enfants malgré l’interdiction
du tribunal.
§3. Caractère subsidiaire de l’action
L’action de in rem verso ne peut être subsidiaire en ce sens qu’elle ne doit pas
arrêter une autre action déjà engagée. Elle ne peut être intentée lorsque le demandeur
pourrait obtenir satisfaction par une autre action naissant du contrat (601), d’un délit, voire
d’un quasi-contrat (l’action en répétition) (602). Ce serait mettre en échec les règles du droit
prévues pour d’autres institutions juridiques(603).

597 Voir pour exemple, Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°723.
598 Toulouse, 5 octobre 1959, D. 1960, 388, note Goré.
599 Starck (B), op. cit., n° 2301; cass. soc, 18 mars 1954, Bull. IV n° 191.
600 Com. 8 juin 1968, Bull. IV, n° 180, p.161. Quid des petits laveurs de voiture sans accord préalable? Peut-on penser
dans ce cas à une gestion d’affaires ? Il s’agit d’un enrichissement sans cause juste car le nettoyeur s’est imposé.
601 Elis, 19 novembre 1957, RJCB 1958, p. 154.
602 De Bersaques (R), RCJB 1957, p. 120 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°724; Carbonnier (J), op. cit., n°120, p.
439.
603 Starck (B), op. cit. n°2293 in fine.
261

Quelqu’un qui laisserait prescrire son action ou sa créance, se verrait refuser


l’action de in rem verso contre le débiteur. Ce serait ruiner les principes de la prescription.
C’est par sa faute.
§4. Absence d’intérêt chez l’appauvri
C’est une condition qui semble aller de soi. Car, l’appauvri qui a agi dans son
intérêt, à ses risques et péril, n’a pas droit à l’action de in rem verso. Mais on peut
rattacher cette condition à la deuxième c’est-à-dire l’absence de cause lorsqu’on envisage
le manque d’appauvrissement. Dans l’exemple ici, l’appauvri avait un intérêt personnel à
agir. Cet intérêt est une cause.

Section 3 : Conséquence de l’action

Nous avons déjà dit qu’en cas d’enrichissement sans cause, l’appauvri dispose de
l’action de in rem verso pour se faire restituer quelque indemnité. Il s’agit ici d’examiner
l’étendue de la restitution.
L’étendue de la restitution est limitée par une double mesure :
1°. elle ne peut dépasser les montants de l’enrichissement effectif, c’est-à-dire de la
plus-value procurée au patrimoine du défendeur;
2°. elle ne peut dépasser non plus l’appauvrissement du demandeur, c’est-à-dire la
somme dont son patrimoine s’est trouvé diminué (604).
L’intérêt étant la mesure de l’action, l’appauvri ne peut réclamer plus que la perte
subie. D’autre part, le remboursement au-delà de la somme déboursée conduirait à faire
de l’appauvri un enrichi sans cause (605).
Ainsi dans la pratique, la restitution ne peut dépasser la plus faible de ces deux
sommes. La méthode de calcul est différente de celle de la gestion d’affaires et du
paiement indu.
Mais quelle est la date d’évaluation de l’indemnité ? La réponse donnée en France
par la Cour de cassation est que le juge doit se placer en principe, au jour de la demande
en justice, ou selon les circonstances, au jour du fait générateur de l’enrichissement et de
l’appauvrissement. C’est le montant nominal de la dépense exposée qui sera accordée et
non un montant réévalué (*Cass. 18 mai 1982, D. 1983, GP 1982. 2. p. 307.)
La date d’évaluation n’est donc pas celle de la restitution, c’est-à-dire du jugement,
comme semblerait le faire un moment la jurisprudence en se fondant sur l’équité. La Cour
évolue dans ce sens. C’est l’équité qui aurait justifié cette solution.

604 Développement in Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°725 ; Carbonnier (J),op. cit., n° 120, p. 440.
605 Starck (B), Roland (H) et Boyer (L), op. cit n° 1909, p. 813.
262

Donnons deux hypothèses qui supposent un appauvrissement tantôt inférieur à


l’enrichissement et tantôt supérieur. La solution demeure que la restitution ne peut
dépasser la plus faible de ces deux sommes.
Appauvrissement Enrichissement
1ère hypothèse : 200.000.000 Fc 600.000.000 Fc
2ème hypothèse : 300.000.000 Fc 250.000.000 Fc
263
264

DEUXIEME PARTIE

REGIME GENERAL DES OBLIGATIONS


265
266

Après avoir examiné dans la première partie en leur réservant chacune un titre
approfondi, les trois sources classiques des obligations, nous allons à présent étudier les
règles générales applicables aux obligations indépendamment de leurs sources
particulières.
Ces règles portent sur la transmission des obligations (Titre I), les divers modes
d’extinction des obligations (Titre II), les modalités des obligations et les obligations
complexes (Titre III), la preuve des obligations (Titre IV) et les garanties générales du
droit de créance (Titre V).
267
268

TITRE I : TRANSMISSION DES OBLIGATIONS

Chapitre I : Généralités

L’obligation est un bien qui peut se transmettre à un tiers dans le commerce


juridique. En parlant de la transmission des obligations, on vise le résultat d’une
convention dont l’objet est la transmission des obligations, la cession des obligations.
Dans une telle convention, la partie qui cède est appelée le « cédant », la partie à qui l’on
cède est appelée le « cessionnaire » et la tierce personne qui fait l’objet de la cession est
appelée le « cédé ».
On peut envisager la cession des obligations sous un angle actif : il s’agira dans ce
cas de la cession de créance; et l’on peut aussi l’envisager sous un aspect passif : il s’agira
dans ce cas de la cession de dette. Mais disons dès maintenant que le Code civil congolais,
à l’instar du Code Napoléon qui l’a inspiré, ne réglemente pas la cession de dette.
C’est dire que seule la cession de créance fera l’objet d’un développement
substantiel dans les pages qui suivent. A ce propos, il convient de signaler que la seule
convention envisagée par le Code civil et dont l’objet est la cession des obligations et plus
précisément la cession de créance est la vente (cfr les art. 352 à 364 du Code civil) relative
au transfert des créances et autres droits incorporels et situés dans le titre de la vente.
Une telle conception est incomplète, car la cession des obligations peut être l’objet
d’autres conventions même à titre gratuit telles que la donation. Aussi vaut-il mieux de
rattacher l’étude de la transmission des obligations à la théorie générale des obligations
plutôt qu’à un titre particulier des obligations (à savoir la vente). Signalons enfin que nous
ne parlerons pas ici que de la transmission des obligations entre vifs laissant l’étude de la
transmission des obligations après décès à la matière des successions et des libéralités
testamentaires.
269
270

Chapitre II : Conditions de la cession de créance

Section 1 : Principe de la cessibilité de la créance

La créance étant considérée dans le droit moderne comme un bien patrimonial,


une valeur économique indépendante de la personnalité du titulaire, elle peut être cédée
librement par toute convention à titre onéreux ou à titre gratuit comme tout autre bien.
Cette convention est cependant soumise aux conditions ordinaires de validité.
Il convient par ailleurs de noter que si la créance est en principe cessible, il est des
cas où elle est incessible. Il en est ainsi pour les créances considérées comme liées à la
personne telles que les pensions alimentaires allouées par la justice, les créances
alimentaires légales telles que les pensions civiles et militaires, les pensions servies par la
sécurité sociale.
Il faut signaler enfin que les cessibilités et les saisissabilités des salaires et
traitement font l’objet d’une réglementation spéciale prévue par le droit du travail
(Mukadi Bonyi, Droit du travail, préc., n° 257).

Section 2 : Moment du transfert

Il ressort des articles 352 et 353 du Code civil, livre III que le transfert de la créance
n’intervient pas au même moment pour les parties qu’à l’égard des tiers.
§1. Entre les parties
Le principe est que la créance est cédée au cessionnaire dès l’accord des deux
volontés, le cédant et le cessionnaire. L’article 352 semble exiger en plus de l’accord des
parties la remise du titre. Cette condition ne concerne pas la validité de la cession ni
partant, le moment de son transfert. Elle ne vaut que comme moyen d’exécuter la cession
et ce pour les conventions écrites de transmission de créances. Les conventions non écrites
sont valables et transmettent la créance dès le consensus des parties. La remise du titre n’a
aucun objet pour elles.
§2. A l’égard des tiers
La cession n’est opposable au tiers dont le débiteur cédée - car il n’est pas partie au
contrat de cession- que lorsque l’une des formalités prévues par l’article 353 du Code civil,
livre III est remplie. Il s’agit de la signification du transfert faite au débiteur ou de
l’acceptation du transfert faite dans un acte authentique.
I. Signification du transfert faite au débiteur
En droit français et belge, on a pensé que cette signification devait se faire à la
requête du cédant ou du cessionnaire par acte authentique, en l’occurrence un exploit de
l’huissier. Mais l’article 353 du Code civil, livre III ne disant rien de la forme de
271

signification, il est à croire que celle-ci peut être écrite, authentique ou pas, voire verbale.
Ce qui compte, c’est la finalité de la signification intervenue entre le cédant et le
cessionnaire (606). La raison d’être de cette signification est manifeste pour le nouveau
créancier : il doit s’informer de la réalité de l’existence de sa créance auprès du débiteur
qu’on lui désigne comme obligé(607).
II. Acceptation du débiteur dans un acte authentique
Le but de cette formalité- l’exigence de l’acceptation dans un acte authentique- est
d’obtenir la certitude de la date de l’acceptation et partant le moment sûr où les effets de
la cession sortiront à l’égard du cédant et des tiers. Il ressort de l’article 210 du Code civil,
livre III qu’un acte sous seing privé ayant date certaine pourrait suffire. On admet aussi
que l’exploit introductif d’instance qui fait état de la subrogation constitue l’acte
authentique prévu par l’alinéa 2 de l’article 353 du Code civil, livre III(608).
Quid du défaut d’accomplissement des formalités de l’article 353 ?
Si ces formalités ne sont pas accomplies, la cession est inopposable aux tiers, car
ceux-ci sont censés n’être pas informés. L’on comprend que ces formalités aient ainsi un
rôle publicitaire. Mais la cession en elle-même est valable (elle n’est pas nulle), la
signification prévue à l’article 353 du Code civil, livre III n’étant pas prescrite à peine de
nullité(609).
Quels sont donc les tiers qui peuvent se prévaloir de ces formalités pour écarter les
effets de la cession à l’égard des tiers ? L’article 353 du Code civil, livre III ne les distingue
pas. On pense qu’il s’agit non seulement du débiteur cédé, mais aussi de tous les autres
tiers, c’est-à-dire les autres cessionnaires éventuels de la même créance, les créanciers du
cédant (les créanciers gagistes), ou les créanciers chirographaires saisissants. Certaine
jurisprudence estime chez nous qu’en cas de transport de créance, la signification prévue
par l’article 353 du Code civil, livre III n’est pas prescrite à peine de nullité. La
connaissance certaine de la cession acquise par le débiteur cédé suffit pour celui-ci envers
le nouveau créancier.
On admet ainsi que la connaissance certaine de la cession (de créance) acquise par
débiteur cédé suffit pour lier celui-ci envers le nouveau créancier (610). Certaines décisions
sont allées plus loin; elles ont posé le principe général selon lequel « celui qui a eu
connaissance de la cession de créance ne peut se prévaloir du défaut de signification »(611).

606 La jurisprudence belge, après hésitation a fini par adopter ce point de vue. Gand, 17 février 1900, Pas. 1901, II.51.
607 En ce sens, Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 874.
608 Elis, 3 janvier 1961, RJCB 1941, p. 144.
609 Elis, 31 octobre 1941, RJCB 1941, p. 211.
610 Elis, 31 octobre 1963, RJCB 1941, précité.
611 Léo, 30 octobre 1956, RJCB 1957, p. 11.
272

Mais cette conception n’est pas partagée par toute la jurisprudence (612), ni par tous
les auteurs. Certains pensent, en effet, que l’application du principe général qui vient
d’être énoncé devrait être limité au seul débiteur cédé, l’accomplissement des formalités
prévues à l’article 353 du Code civil, livre III devant être requis pour l’opposabilité de la
cession de créance vis-à-vis de tous les autres tiers (613). Ces derniers notamment les autres
cessionnaires éventuels de la même créance, qui seraient les ayants cause à titre particulier
du cédant, les créanciers du cédant, les créanciers gagistes (614) ou les créanciers
chirographaires saisissants (615).
Que penser de ces deux options ? Une chose et sûre : les formalités prescrites par
l’article 353 du Code civil, livre III ont un rôle publicitaire. Leur accomplissement
contribue notamment à procurer aux tiers des facilités de preuve (616).
Dans ces conditions, il nous semble exagéré de limiter au seul débiteur cédé
l’application du principe selon lequel la seule connaissance de la cession de créance suffit
pour entraîner l’opposabilité de l’acte envers le tiers concerné.
Nous pensons qu’il convient d’étendre l’application de ce principe à tous les tiers
qui auraient eu connaissance de la cession de créance; la signification ayant pour but de
les informer de l’existence de cette cession.
Nous ne voyons donc pas de sérieuses raisons qui justifieraient sur ce point, une
discrimination entre le débiteur cédé qui est un tiers et les autres tiers.

612 Notamment Léo, 22 août 1933, RJCB 1933, p. 247 ; Elis. 21 février 1914, Jur. Col. 1924, p. 211 ; 1ère inst.
Albertville, 2 sept. 1932, RJCB, p. 130.
613 Starck (B), op. cit., n°2331.
614 Dans notre droit, le créancier garagiste a, contrairement à l’article 2075 du Code Napoléon, toujours un droit
préférentiel sur la créance même s’il n’a pas été informé et même s’il doit entrer en concurrence avec un autre
créancier qui a été informé avant lui. Mais il faut dans ce cas que le gage soit antérieur à la signification ou
l’acceptation.
615 Développement in Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°876 et s.
616 Starck (B), op. cit., loc. cit.
273
274

Chapitre III : Effets de la cession de créance

Nous examinerons d’abord les effets généraux (section 1), ensuite les effets
particuliers de la cession en tant que vente (section 2).

Section 1 : Effets généraux de la cession de créance

Le principe est que la cession transmet au cessionnaire toute la créance telle quelle,
c’est-à-dire :
1°. Pour son montant nominal, même si le cessionnaire a versé un prix inférieur.
C’est là une caractéristique qui différencie la cession de créance de la
subrogation.
Exemple : A cède à B sa créance sur C à 800.000 Fc.
Cession de créance et subrogation
Créancier cédant Débiteur cédé
A B

C
Cessionnaire
A peut céder à B sa créance de 1.000.000 Fc sur C, mais moyennant un prix
inférieur en ce sens que A reçoit de B le prix de 800.000 Fc. Cette hypothèse est possible
car A peut soit avoir besoin d’argent de façon urgente (on suppose que sa créance sur C
n’était pas encore exigible), soit faire une remise à B de 200 000 Fc.
Mais quoi qu’il ait payé un prix inférieur au montant de la créance, B acquiert lui
la créance en totalité, c’est-à-dire avec le montant nominal de 1.000.000 Fc, et C lui devra
ce montant.
2°. La créance sera cédée avec ses accessoires tels que caution, privilège et
hypothèque (art. 355). Si A était créancier hypothécaire de C, B cessionnaire va
acquerir les mêmes droits à l’égard de C. C’est là une caractéristique qui
différencie la cession de créance d’avec la novation par changement de créancier
qui fait disparaître l’ancien rapport d’obligation avec ses accessions.
3°. La créance sera cédée avec toutes les exceptions qui pouvaient être opposées au
cédant par le débiteur. Ainsi, le débiteur cédé C pouvait opposer au cédant la
nullité de la créance pour dol ou violence par exemple, il pourra invoquer la
même exception contre le cessionnaire. De même, le débiteur cédé reste en droit
275

d’opposer au cessionnaire les exceptions qu’il pouvait avoir contre le cédant,


notamment l’exception ou le droit de résolution, s’il s’agit d’une créance née d’un
contrat synallagmatique (617). Il peut lui opposer de même le cas fortuit pour être
libéré en cas d’obligation délictuelle. On justifie cette solution par le principe que
nul ne peut transmettre plus de droit qu’il n’en a. Et, en cela, la cession de
créance diffère de la délégation où les exceptions sont inopposables.

Section 2 : Effets particuliers en tant que vente

Lorsque la convention de cession de créance est une vente, l’obligation de garantie,


à la quelle est tenu tout vendeur (art. 318 et s. du Code civil, livre III) est, pour le cédant-
vendeur, soumis à des règles particulières.celles-ci figurent aux articles 356 à 358 du Code
civil, livre III.
§1. Obligation de garantie de droit commun
Il s’agit de la garantie dont est tenu le cédant en dehors de toute clause formelle
des parties (le cédant et le cessionnaire). Cette garantie est réglementée par l’article 356 du
Code civil selon lequel le cédant ne doit garantir au cessionnaire que l’existence de la
créance avec ses accessoire, mais non la solvabilité du débiteur cédé (618), ni non plus
l’efficacité des garanties accessoires si elles existent.
On admet cependant que par convention, le cédant peut garantir cette solvabilité
du débiteur cédé et on va même jusqu’à croire que la commune intention de garantir cette
solvabilité peut résulter des circonstances et du but de la cession de la créance (619).
Le cédé n’a pas le droit d’exiger la preuve de l’existence d’une créance de
cessionnaire au cédant à cause de la cession (620). Mais selon la jurisprudence, le cédant
doit garantir au cessionnaire l’existence de la créance cédée au terme du transport. La
constitution d’hypothèque sur l’immeuble objet du droit cédé peut constituer l’éviction
dont il doit garantie à l’acheteur (621).
Sanction du défaut de cette garantie
Le cédant devra restituer le prix au cessionnaire et lui payer en plus des
dommages - intérêts. C’est l’application du droit commun (art. 307 du Code civil, livre
III).

617 Elis, 6 décembre 1955, RJCB 1955, p. 26 ; 1ère inst. Elis, 7 juillet 1949, RJCB 1949, p. 192.
618 App. Ruanda - Urundi, 5 mars 1957, RJCB 1957, p. 248.
619 App. Ruanda - Urundi, 5 mars 1957, RJCB 1957, p. 248.
620 1ère inst. Elis, 7 juillet 1949, p. 192.
621 Elis, 10 septembre 1957, RJCB 1958, p. 48.
276

§2. Garantie résultant d’une clause expresse ou garantie de fait


Les parties peuvent insérer dans leur convention une clause qui restreint ou qui
élargit l’obligation de garantie.
I. Clauses restrictives
Il s’agit d’une clause qui exclut la garantie. Dans ce cas, le cédant cède la créance
sans aucune garantie. Cette clause est valable même si elle n’est pas prévue par la loi.
Seulement, par application de l’article 305 du Code civil, livre III, le cédant restera
toujours garant de son fait personnel. C’est la garantie de fait. Dans ce cas, le cessionnaire
a un droit de recours contre le cédant lorsqu’il appert que la créance était inexistante, ou
déjà éteinte (il a reçu déjà paiement du débiteur cédé ou il lui a fait une remise de dette),
ou cédé antérieurement à un autre, par le même cédant (art. 356). Il commet donc une
faute. Il n’y aurait par contre pas de faute dans son chef, lorsqu’il a cédé une créance déjà
prescrite mais dont il ignorait la prescription.
II. Clauses extensives
Ici, le cédant garantit au cessionnaire non seulement l’existence de la créance, mais
même la solvabilité du débiteur. Dans ces conditions cependant le cédant ne garantit la
solvabilité du débiteur qu’à concurrence du prix qu’il a lui-même retiré de la créance et
non du montant de la créance (art. 357 du Code civil, livre III). Donnons un exemple. Je
vous cède une créance de 100.000 Fc au prix de 70.000 Fc. Je ne vous garantirai qu’à
concurrence de 70.000 Fc et non de 100.000 Fc.Cet article est d’ordre public.
D’autre part, la solvabilité que le cédant garantit ne concerne en principe que la
solvabilité actuelle. Mais si le cédant l’a stipulé expressément, la garantie peut porter aussi
sur la solvabilité future, c’est-à-dire la solvabilité du débiteur dans le temps à venir (art.
358). C’est ce qu’on appelle « la clause de fournir et faire valoir »(622). Elle fait du cédant la
caution du cédé » (623).
§3. Cession de créances litigieuses
La cession de telles créances est réglée par l’article 362 du Code civil, livre III. Le
débiteur peut se libérer en payant au cessionnaire le prix réel de la cession et non le
montant litigieux de la créance ; c’est le retrait litigieux qui est destiné à décourager les
spéculations sur les créances litigieuses.

622 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°884 in fine.


623 Julliot de la Morandière (L), op. cit., eodem loco.
277
278

Chapitre IV : Règles particulières a la cession de certaines créances

Le régime juridique de ces créances est différent de celui organisé par les articles
352 et 353 du Code civil, livre III, notamment en ce qui concerne le moment de la cession.

Section 1 : Créances hypothécaires

La cession de ces créances est réglementée quant à sa publicité par l’article 282 de
la loi n° 73/021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et
immobilier, régime des sûretés tels que modifiée et complétée par la loi du 18 juillet 1980.
On n’applique donc pas les dispositions de l’article 353 du Code civil, livre III.

Section 2 : Titres négociables

§1. Notion
Il s’agit des créances constatées par des titres nominatifs, au porteur et à ordre. Ces
titres appelés titres négociables en raison des facilités données à leur cession, sont
considérés dans la vie moderne comme des valeurs mobilières importantes dans les
rapports commerciaux des particuliers (624).
§2. Régime juridique quant à leur cession
Les règles de l’article 353 du Code civil, livre III ne sont pas applicables. Ces titres
sont soumis à des règles particulières non seulement quant à leur mode de transmission à
l’égard des tiers (625), mais encore quant à leur garantie et quant à l’opposabilité des
exceptions. Signalons que ces règles particulières sont étudiées en droit commercial (626).
Mais brièvement, l’on peut dire que pour les titres au porteur, tels que les actions,
obligations, rentes sur l’Etat, créances ordinaires, on appliquera les articles 39 et 356 du
Code civil, livre III. Il y a ressemblance avec les modes de transmission des biens
corporels (627). Ces titres se transmettent plus facilement que les titres nominatifs, tels que
les actions et les obligations des sociétés commerciales. Alors que les titres au porteur
« payables au porteur » se transmettent par la tradition du titre au cessionnaire, les titres
nominatifs ne sont transmis au cessionnaire que lorsque le nom de ce dernier est indiqué
sur le titre en remplacement du nom du cédant.
En revanche, pour les titres à ordre, tels la lettre de change, le billet à ordre, le
chèque, l’on appliquera une législation spéciale. L’endossement est leur mode normal de

624 Développement in Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 885 et s., 890
625 A l’égard des parties, le transfert se fait dès l’accord des parties. On applique donc le droit commun.
626 Renvoi à ce cours pour développement.
627 Sohier (A), Droit civil du Congo belge, les Obligations par Orban, n°1378 ; Van Damme (J), Les sociétés coloniales,
in Novelles de droit colonial, I, n°630.
279

transmission. Le cédant (endosseur) appose sa signature au dos du titre, avec ou sans


indication du nom du bénéficiaire (endossataire). Il peut inviter le débiteur cédé à payer
soit au cessionnaire directement, soit à son ordre(628).

628 Voir applications dans notre droit, in art. 11 et 96 du décret du 28 juillet 1994 sur la lettre de change et le billet à
ordre, et art. 14 du décret du 10 décembre 1951 sur le chèque tel que modifié à ce jour.
280

Chapitre V : Cession de dette

En dehors de la cession de dette à titre universel, qui est permise à cause de mort
(ici les dettes passent à l’héritier considéré comme le continuateur du de cujus), notre code
civil, à l’instar des codes qui l’on inspiré, ne connaît ni réglemente la cession de dette à
titre particulier.
Le droit fonde cette exclusion de la cession de dette sur un principe moral
fondamental à savoir que chaque homme doit pouvoir répondre sur des obligations qui
pèsent sur lui(629). Ainsi donc, chez nous, en droit écrit tout au moins, la cession de dette,
acte juridique par lequel le débiteur transmettrait à un cessionnaire l’obligation qu’il a
assumée, n’existe pas(630).
Signalons qu’une opération analogue à la cession de dette peut être réalisée grâce à
la novation par changement de débiteur. Mais cette dernière institution est tout à fait
différente de la cession de dette véritable en ce qu’elle suppose l’intervention du créancier
et en ce qu’elle emporte extinction de la dette ancienne et création d’une dette
nouvelle(631).
Notons enfin que certains droits modernes tels que le droit allemand et suisse ont
introduit une institution qui permet d’aboutir au même résultat que la cession de dette : il
s’agit de la « reprise de dette ». Mais ici, l’intervention du créancier est, comme dans la
novation, requise(632).

629 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 891.


630 De lege ferenda, on peut concevoir qu’avec la solidarité clanique, la cession de dette soit facilement introduite chez
nous ne fut-ce que sous le modèle allemand et suisse de « la reprise de dette », art. 414 et s, BGB.
631 Développement dans le Titre II.
632 Code civil allemand (BGB) art. 414 et voir aussi art. 179 du Code civil suisse.
281
282

TITRE II : MODES D’EXTINCTION DES OBLIGATIONS

Introduction

I. Notion d’extinction des obligations ou mieux de rapport d’obligation ( 633)

Le rapport d’obligation qui est un lien de droit entre un créancier et un débiteur a


une naissance et une vie, mais aussi une fin.
La naissance et la vie du rapport d’obligation ont fait l’objet de développements
antérieurs. A ce sujet, nous vous renvoyons à ce qui été dit sur les diverses sources
d’obligations, leurs conditions de formation et de validité ainsi que leurs effets à l’égard
des parties et des tiers.
Mais le lien de droit a aussi une fin en ce sens qu’il disparaît à un moment donné.
Il s’éteint. C’est de ce problème que nous allons parler dans le présent titre, en étudiant un
à un les différents modes ou les différentes causes par lesquelles le rapport d’obligation
peut s’éteindre.

II. Enumération des différents modes d’extinction des obligations et critiques

Cette rubrique comprend : l’énumération du Code civil congolais (art. 132), les
critiques de cette énumération et le plan d’étude retenu.
1. Enumération de l’article 132 du Code civil congolais et ses critiques
L’article 132 du Code civil congolais énumère, à l’instar de l’article 1234 du Code
Napoléon, neuf causes ou modes d’extinction des obligations, à savoir : le paiement, la
novation,la remise volontaire (de dette),la compensation,la confusion,la perte de la chose,
la nullité ou la rescision, l’effet de la condition résolution et la prescription.
2. Critiques
A vouloir être exhaustive, cette liste n’est en réalité ni complète, ni exacte. Elle
reprend les éléments qui sont déjà étudiées dans le cadre du droit des contrats ou ailleurs
et que nous ne reprendrons plus ici. Il s’agit notamment de la perte de la chose due (a), de
la nullité ou rescision (b) et, de la condition résolutoire (c).
a. Perte de la chose due
La perte de la chose due mentionnée par l’article 132 du Code civil, livre III comme
mode spécial d’extinction n’est qu’un aspect de la force majeure (634). Elle est un cas

633 Carbonnier (J), op. cit., t. IV


283

particulier d’impossibilité fortuite d’exécution d’une obligation ayant pour objet un corps
certain (635). Le Code civil consacre à cette matière les articles 194 et 195 du livre III. Il
s’agit en réalité de règles relatives à la responsabilité contractuelle (636). On sait à ce propos
que le débiteur est libéré et exonéré lorsque l’inexécution est due au cas fortuit ou à la
force majeure et on pourrait aussi mentionner, ce que l’article 132 ne fait pas, au même
titre comme cause d’extinction de l’obligation la mort du débiteur d’une obligation de
faire contractée intuitu personae, c’est-à-dire en considération de la personne de celui qui
s’engage.
b. Nullité ou rescision
L’article 132 du Code civil, livre III mentionne encore la nullité ou la rescision.
Mais comme on l’a fait remarquer très justement, ces causes d’extinction agissent moins
sur l’obligation que sur l’acte juridique qui lui a donné naissance (637). C’est pourquoi,
elles doivent être étudiées dans le cadre des contrats et plus particulièrement à propos des
sanctions de leurs règles de formation et de validité.
Notons qu’on pourrait rapprocher de la nullité et de la rescision :
1°. le mutuus dissensus qui est le commun accord des parties à un contrat pour faire
disparaître celui-ci;
2°. la résiliation qui fait disparaître certaines obligations par la volonté d’une seule
partie (ex : contrat de travail fait sans durée déterminée);
3°. la révocation qui est un mode spécial de disparition des libéralités.
Tous ces procédés qui peuvent se rapprocher de la nullité mais que l’article 132 du
Code civil, livre III n’a pas cités, agissent plus directement sur l’acte juridique générateur
de l’obligation que sur celle-ci.
c. Condition résolutoire
Enfin, il est un dernier procédé dont nous voulons critiquer la mention par l’article
132 à titre de cause spéciale d’extinction du rapport d’obligation. Il s’agit de la condition
résolutoire.
L’effet de la condition résolutoire est en réalité plus qu’un effet extinctif puisque la
condition résolutoire, lorsqu’elle se réalise, entraîne en principe, la disparition rétroactive
de l’obligation. Il serait plus exact de parler du terme extinction dont l’article 132 ne fait
pas mention (638). D’ailleurs, la condition et le terme feront l’objet d’une étude dans le titre
III consacré aux modalités des obligations et obligations complexes.

634 Carbonnier (J), op. cit., p. 468, n° 128.


635 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., II, p. 851, n°846.
636 Sohier (A), op. cit., II , p. 335, n°664.
637 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., 852, n° 846.
638 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., p. 852, n° 846.
284

III. Plan retenu

Il résulte de ces observations que nous écarterons de notre étude des causes
d’extinction des obligations, celles qui sont relatives aux obligations contractuelles, à
savoir : la perte de la chose due, la nullité ou la rescision et la condition résolutoire.
Nous retiendrons donc toutes les autres causes qu’il faudrait seulement regrouper
dans un classement facile pour l’exposé.
1° Le paiement
Il y a en premier lieu le paiement qui, plus qu’un mode d’extinction du rapport
d’obligation, est plutôt le mode parfait d’exécution de ce rapport. On peut cependant
l’étudier aussi sous son aspect extinctif de l’obligation comme le fait notre code civil. Il est
à noter que certains auteurs étudient ce problème dans la rubrique « exécution des
obligations », tandis que d’autres l’étudient comme mode d’extinction du rapport
d’obligation.
Nous examinerons les questions générales du paiement contenues dans les articles
133 à 146 du Code civil congolais sous le titre « Du paiement pur et simple » (Section I),
nous examinerons ensuite deux formes importantes du paiement : le paiement avec
subrogation (section 2), le paiement par compensation (section 3).
2° Les modes volontaires d’extinction des obligations
Après le paiement qui est le mode le plus parfait par lequel disparaît une
obligation, nous regroupons les autres modes en deux catégories d’une part, les modes
volontaires d’extinction des obligations parmi lesquels nous rangerons : la remise de
dette, la novation.
Il s’agit des modes dans lesquels intervient la volonté de l’une des parties.
3° Les modes légaux d’extinction des obligations
Ils comprennent l’étude de la confusion qui n’a qu’une faible importance pratique
et de la prescription extinctive.
Notre schéma général par lequel nous analyserons la matière de l’extinction du
rapport d’obligation se présentera comme suit : le paiement (chapitre I), les modes
volontaires d’extinction des obligations (chapitre II) et les modes légaux d’extinction des
obligations (chapitre III) (639).

639 Mazeaud (H, L et J), op. cit., 4ème éd. 1969, par M. De Juglart, p. 993 et s.
285
286

Chapitre I : Paiement

Section 1 : Paiement pur et simple

La notion juridique du paiement est à distinguer de celle du langage courant.


Alors que dans ce dernier, on vise le versement par le débiteur d’une somme d’argent à
son créancier, en droit, le paiement est l’exécution de la prestation due par le débiteur
quel qu’en soit l’objet. En d’autres termes, le paiement est l’exécution de son obligation
par le débiteur.
Comme le dit l’article 133, alinéa 1er du Code civil, livre III, tout paiement suppose
une dette ou une obligation. La prestation faite par le débiteur a donc pour cause et pour
but d’éteindre son obligation. Ainsi, le paiement apparaît en droit comme le mode le plus
normal d’extinction des obligations.
§1. Qui peut payer ?
I. Principe
L’article 134 du Code civil, livre III pose le principe selon lequel le paiement peut
être fait par toute personne intéressée ou non : un co-obligé, une caution.
Mais le paiement peut aussi être effectué par le débiteur lui-même, par le
détenteur d’un immeuble hypothéqué ou par toute personne non intéressée à l’exécution
de la dette, agissant soit au nom du débiteur (640) (cas du gérant d’affaires ou du
mandataire), soit même en son nom propre (cas de celui qui fait une donation).
Le créancier ainsi payé ne peut en principe refuser le paiement que lui offre le
tiers, pourvu qu’il soit payé, peu il lui importe par qui. Mais le créancier peut exiger que
seul le débiteur le paie, chaque fois qu’il a intérêt à ce que l’obligation soit exécutée par le
débiteur lui-même. Exemple : cas des obligations de faire où le créancier exige de n’être
payé que par le débiteur (art. 135).
Il est à noter que chaque fois qu’un tiers paie en son nom propre, il n’a pas à forcer
le créancier à le subroger dans ses droits, car comme on va le voir, la subrogation suppose
le consentement du créancier subrogeant et du créancier subrogé.
II. Conditions de validité du paiement
Pour que le paiement soit valable, il faut, dit l’article 136, alinéa 2 du Code civil,
livre III que le solvens soit propriétaire de la chose donnée en paiement et, qu’il soit
capable d’aliéner.
A défaut de l’une ou l’autre de ces conditions, le paiement sera nul de nullité
relative car peuvent l’invoquer, à défaut de la première condition, le créancier et le
débiteur et à défaut de la deuxième condition, le débiteur seul.

640 Léo, 24 juin 1947, RJCB 1949, p. 88


287

Cas où la nullité du paiement ne peut être invoquée


Ce cas est prévu par l’article 136, alinéa 2 du Code civil, livre III. Selon cet article,
bien que l’une des deux conditions précédentes fasse défaut, le paiement ne peut être
annulé, quand il a pour objet une somme d’argent ou une chose qui se consomme par
l’usage et que le créancier l’a consommée de bonne foi. Exemple : Le créancier a dépensé
les 100 Fc qu’il a reçu en paiement ou encore, il a consommé les denrées livrées ou a
incorporé dans une construction les matériaux qu’il a reçus du débiteur.
§2. A qui doit être fait le paiement ?
I. Principe
L’article 137, alinéa 1er du Code civil, livre III dispose que le paiement doit être fait
au créancier ou à quelqu’un ayant pouvoir de lui ou qui soit autorisé par justice ou par la
loi à recevoir pour lui. Par exemple le mandataire, le père, le tuteur du créancier mineur,
le créancier qui a fait saisie-arrêt entre les mains du débiteur (art. 140) (641).
II. Cas où l’accipiens n’a pas pouvoir de recevoir le paiement
Le principe posé par l’article 139 est que le paiement fait au créancier n’est point
valable s’il est incapable de le recevoir, à moins que le débiteur ne prouve que la chose
payée a tourné au profit du créancier. Il y a en fait trois cas dans lesquels le paiement est
libératoire bien que fait à une personne qui n’avait pas pouvoir de recevoir pour le
créancier. Il en est ainsi :
1°. quand le créancier a ratifié le paiement (hypothèse de l’art. 137 al.2);
2°. quand le créancier a profité du paiement (art. 137, al. 2) ;
3°. quand le débiteur a payé de bonne foi à un tiers qui était en possession de la
créance (art. 138). Tel est le cas lorsqu’il a payé à un héritier apparent ou à un
mandataire apparent.
Notre jurisprudence décide que le paiement fait au mandataire apparent du
créancier éteint l’obligation du débiteur (642).
§3. Que doit comprendre le paiement ?
En principe, le débiteur doit payer la chose même qui a fait l’objet de la dette (art.
141). Il doit payer la totalité de la dette et non une partie même si la dette est divisible (art.
142, al.1). Reprenons ces éléments :

641 Sur la procédure et les effets de la saisie-arrêt, cons. Code de procédure civile, art. 106 et s. ; Mukadi Bonyi et
Katuala Kaba Kashala, Procédure civile, Kinshasa, éd. Batena, 2000 ; Matadi Nenga Gamanda,Droit judiciaire privé,
Bruxelles, Academia Bruylant, 2006.
642 Léo., 14 mai 1929, Jur. Col. 1930-1931, p. 147 avec note, Léo, 28 févr. 1929, RJCB, p. 197, Elis, 16 septembre
1917, RJCB 1932, p. 204 ; App. R.U. 19 octobre 1951, RJCB 1952, p. 28.
288
I. Payer la chose due et non une autre
D’après l’article 141 du Code civil, livre III, le créancier ne peut être contraint de
recevoir une autre chose que la chose due, même si cette autre chose a une valeur
supérieure. Exemple : Je veux le tableau de Rubbens car j’y tiens. Ne me livrez pas un
Picasso.
Si la dette a pour objet un corps certain, on appliquera les règles combinées des
articles 37, alinéa 2 (transfert instantané des risques au créancier) et 43. C’est dire qu’il faut
remettre la chose « en l’état où elle se trouve lors de la livraison du débiteur, ni de celles
des personnes dont il est responsable, ou qu’avant ces détériorations il ne fût pas en
demeure » (art. 143).
Si la dette a pour objet une chose de genre, il suffit de livrer une chose de qualité
moyenne et souvent déterminée par la convention. Dans tous les cas, le débiteur n’est pas
tenu de livrer une chose de la qualité meilleure tout comme il ne peut livrer une chose de
la plus mauvaise qualité (art. 144)
Le créancier peut accepter en paiement une chose autre que la chose due : il y a
alors dation en payement. Cette opération exige la même capacité que ce paiement et en
produit les effets. Elle est cependant largement assimilable à une vente lorsque le débiteur
cède un corps certain en échange de sa dette d’argent (643).
II. Payer la totalité de dette
Tel est le principe de l’article 142 alinéa 2 du Code civil, livre III. Mais il est accordé
au juge un pouvoir souverain d’accorder des délais de grâce pour paiement de tout ou
partie de la dette. Selon la jurisprudence, le pouvoir n’est soumis à d’autres conditions
que celles tracées par cet article (644). Mais il n’appartient pas aux tribunaux d’accorder un
délai quand les parties ont stipulé une condition résolutoire à leur convention (645) ni
lorsque l’obligation, dont l’exécution est poursuivie résulte d’un jugement (646), ni lorsque
le débiteur en état de payer son dû fait tout ce qui est en son pouvoir pour paralyser
l’action de son créancier (647), ni à celui dont la situation constitue une pure voie de fait
(648). Pour l’appréciation de la situation du débiteur, le tribunal peut tenir compte de ce
que le débiteur n’a pu comprendre la portée d’un contrat très compliqué (649).

643 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 777. Mais l’assimilation n’est pas totale car la dation ne donne pas lieu à la
garantie d’éviction.
644 Léo., 5 mai 1942, RJCB, p. 209.
645 Léo, 19 septembre 1933, RJCB, p. 250
646 Cass. b. 19 mars 1948, Pas. I., p. 181
647 Elis, 10 décembre 1957, RJCB 1958, p. 156
648 Elis, 27 février 1947, RJCB, p. 53
649 Elis, 17 mars 1953, JTD 1954, p. 70
289

§4. Epoque, lieu et frais de paiement


I. Epoque
En principe, le paiement a lieu le jour convenu si la dette est à terme. Si elle est
pure et simple, le paiement a lieu immédiatement. Notons à cet égard que le juge peut
toujours accorder des délais de grâce.
II. Lieu
Le principe est que la dette est quérable et non portable (art. 145 al.2), c’est-à-dire
que le paiement se fait ordinairement au domicile du débiteur. Mais ce principe n’est pas
d’ordre public. Les parties peuvent en effet y déroger par convention et déterminer le lieu
précis de paiement (art. 145, al.1).
Pour les dettes ayant pour objet un corps certain, le paiement doit se faire - sauf
clause contraire - dans le lieu où la chose se trouvait au temps de l’obligation (art. 145,
al.1).
Chez nous, il est profondément entré dans les usages commerciaux de porter des
dettes commerciales (650).
III. Frais
Les frais du paiement sont en principe à charge du débiteur. Il s’agit généralement
des frais de la délivrance et de la quittance. Il a été jugé que le paiement des frais n’est
justifié qu’en cas d’exécution du contrat et est incompatible avec sa résolution (651).
§5. Règles concernant les dettes de somme d’argent
Il faut savoir qu’avec les fluctuations de la monnaie, les montants de la dette
peuvent être régis par des règles particulières concernant d’une part la monnaie de
compte (la monnaie choisie par les parties pour évaluer le montant de la dette lors de
l’établissement de leurs actes juridiques) et d’autre part la monnaie de paiement (la
monnaie en laquelle les parties devaient payer. Ici, les règles varient de pays à pays car, la
protection de la monnaie intéresse l’ordre public économique (652).
Chez nous, avant la circulaire de la Banque du Congo du 27 décembre 1996 qui a
introduit le libéralisme monétaire, le paiement ne pouvait se faire qu’en monnaie locale.
Nos tribunaux ne pouvaient prononcer une condamnation en monnaie étrangère. Ils ne
pouvaient que condamner au paiement de la somme en monnaie nationale, nécessaire
pour former au temps de l’exécution du jugement, l’équivalent du montant dû en
monnaie étrangère (653). N’était pas satisfactoire le paiement effectué en monnaie autre

650 1ère inst. Stan., 18 novembre 1953, RJCB 1954, p. 274


651 Léo., 2 avril 1929, Jur. Col. 1930-1931, p. 390
652 Développements théoriques, Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°780 à 787. Voir aussi Carbonnier (J), op. cit.,
n°129, p. 475. Voir mon article in Notes de conjonctures n° 27 et 28, 1997
653 L’shi, 20 juin 1967, RJC 1967, p. 272
290

que celle du contrat. Le créancier ne peut être contraint de recevoir une chose autre que
celle qui lui est due, quoique la valeur de la chose offerte soit égale ou même plus grande.
Le paiement doit être effectué en monnaie stipulée au contrat et le créancier ne
peut être contraint de recevoir autre chose que celle qui lui est due, quoique la valeur de
la chose offerte soit égale ou même plus grande (654).
Notons par ailleurs que le débiteur est libéré par la remise de la somme d’argent
telle qu’elle figure à la convention même si entre le jour de la conclusion du contrat et
celui fixé pour son exécution la monnaie a perdu de sa valeur par le fait d’une dévaluation
légale soit d’une hausse générale des prix (655). C’est le principe du nominalisme
monétaire.
Signalons enfin que dans notre pays avant l’actuel libéralisme sauvage, les
conventions en monnaie étrangère étaient interdites et donc frappées de nullité absolue
(656).
Dans la pratique aujourd’hui, les transactions en monnaie étrangère sont tolérées
et même autorisées depuis la circulaire de la Banque centrale du 27 décembre 1996
introduisant le libéralisme monétaire. Mais avec le décret 177 du 8 janvier 1999, et le
décret 131 du 23 octobre 2000, l’interdiction est revenue comme nous l’avons montré par
ailleurs (657). Et en mars 2001, à nouveau le libéralisme est devenu d’application.
§6. Imputation des payements
I. Position du problème
Lorsqu’un débiteur est tenu envers son créancier de plusieurs dettes ayant toutes
pour objet des choses de même nature, en particulier de l’argent, et qu’il verse à titre de
paiement une somme qui ne suffit pas à les acquitter toutes, il importe de déterminer à
quelle(s) échéance(s) se rapportent le ou les versements effectués. Il s’agira en effet de
déterminer quelles sont les dettes qui seront éteintes les premières étant donné que
certaines créances sont plus onéreuses (intérêts plus élevés) ou près de la prescription.
Exemple : le 1er janvier 1978, A achète 100 sacs de riz chez B pour un montant total de
1.000.000 Fc payables le 10 juin avec 10 % d’intérêt. Le 20 mars 1978, A achète au même B
100 sacs de riz pour 7.000 Fc payable au comptant sans intérêt, c’est-à-dire le 20 mars 1978.
Le 26 mars 1978, A achète au même B 30 sacs de riz pour 4.000 Fc payable le 30 mai 1978
avec 12 % d’intérêt. A veut payer une partie de ses dettes le 1er juin 1978.

654 Elis, 10 octobre 1964, RJC 1965, p ; 45. Cette espèce vise le paiement effectué en monnaie étrangère.
655 Kis, 18 janvier 1972, RJZ 1972 , p. 68.
656 OL n° 66-584 du 14 octobre 1966 relative au régime des opérations en monnaie congolaise, MC 1967, p. 191 ; DL
n° 177 du 8 janvier 1999 relatif au régime des opérations en monnaie nationale, RCDTSS n° 07/1999, p. 3, Note Mukadi
Bonyi
657 Kalongo Mbikayi, Le régime juridique des opérations en monnaie nationale et la validité des clauses monétaires en
droit congolais, Revue de droit congolais, n° 1, p. 9.
291
II. Solutions
A défaut de clauses contractuelles particulières, l’imputation est faite tantôt par le
débiteur, tantôt par le créancier, tantôt par la loi.
1° Imputation par le débiteur
L’article 151 du Code civil, livre III donne au débiteur le droit de déterminer
librement la dette qu’il entend acquitter de préférence, sauf respect des articles 142 et 152
du même Code, c’est-à-dire qu’il ne peut pas obliger le créancier à accepter un paiement
partiel ni imputer le capital avant les intérêts.
2° Imputation par le créancier
L’imputation est faite par le créancier si le débiteur n’use pas de son droit ou si la
convention l’a ainsi déterminé (art. 153), sauf dol ou surprise de la part du créancier (art.
153 in fine).
3° Imputation par la loi
L’imputationest faite par la loi lorsque le débiteur n’a manifesté aucune préférence
ou qu’aucune imputation n’était faite dans la quittance. Dans ce cas, l’article 154 du Code
civil, livre III réglemente l’imputation de la manière suivante :
- sur la créance échue, avant la non-échue, c’est-à-dire, dans le schéma, celle du 20
mars 1978);
- si toutes sont échues, sur la plus onéreuse pour le débiteur, par exemple celle
dont l’intérêt est supérieur ou celle qui est hypothécaire. Il s’agit en fait de la
dette que le débiteur a le plus intérêt à acquitter;
- si toutes sont échues et également onéreuses, sur la plus ancienne en date;
- toutes choses égales, c’est-à-dire toutes échues, toutes onéreuses et toutes de
même date, l’imputation se fait sur toutes proportionnellement.
Cas particulier de l’article 152 : capital ayant produit d’intérêts
L’article 152 du Code civil, livre III prévoit le cas où le débiteur est amené à
fractionner son paiement d’une dette portant intérêt. Selon cet article, le débiteur ne peut
point, sans le consentement du créancier, imputer le payement qu’il fait sur le capital par
préférence aux intérêts ou arrérages. C’est dire que l’imputation doit en principe se faire
sur la somme globale qui sera due. A défaut, si le paiement n’est pas intégral, l’imputation
se fait d’abord sur les intérêts.
292

§7. Des offres de paiement et de la consignation


I. Offres de payement
A. Position du problème
La procédure des offres de paiement et de la consignation a lieu lorsque le
créancier refuse le paiement qui lui est fait par le débiteur, soit qu’il n’est pas d’accord sur
le mode ou l’époque de paiement, soit pour toute autre raison (658).
Or, le débiteur peut avoir un sérieux avantage à se libérer malgré ce refus du
créancier, soit parce que sa dette produit des intérêts dont il voudrait arrêter le cours, soit
parce qu’il est débiteur d’un corps certain dont il est tenu de la conservation (art. 37), soit
parce qu’il doit des choses du genre et qu’il souhaite les évacuer pour avoir plus de place
ou pour éviter qu’elles ne se détériorent progressivement. Pour protéger le débiteur, la loi
organise une procédure en deux phases : les offres réelles et la consignation de la chose
due.
Cette procédure vise soit à briser la résistance du créancier, soit à faire retomber
sur lui les inconvénients que devait supporter le débiteur.
B. Examens des solutions (art. 155 et 162)
Le débiteur fait au créancier ayant capacité de recevoir, ou à celui qui a le pouvoir
de recevoir pour lui, offre de lui payer au jour fixé, la totalité de sa dette, capital, intérêts
et frais compris. Ces offres faites par un huissier à ce désigné par le juge sont signifiées au
lieu convenu pour le paiement, ou à défaut, à la personne du créancier, à son domicile élu
pour l’exécution de la convention. Pour les conditions, on lira les détails aux articles 156 et
157. Ces offres sont appelées offres réelles car sont accompagnées des moyens de
paiement.
II. Consignation
Si le créancier accepte les offres, l’officier ministériel paye entre ses mains la
somme offert et lui en demande quittance. Si au contraire il refuse, il y aura application de
l’art 157 du Code civil, c’est-à-dire il y aura consignation. Celle-ci ne doit pas être
autorisée en justice. Il suffit que le débiteur signifie au créancier une sommation dans
laquelle il lui indiquera le jour, l’heure et le lieu où la chose sera consignée, puis au jour
indiqué, il consigne c’est-à-dire il dépose ladite chose (chose ou somme d’argent) au greffe
du tribunal de grande instance ou au greffe de la cour d’appel. L’article 162 du Code civil,
livre III prévoit des solutions plus simplifiées pour le corps certain.
III. Effets de la consignation
Il résulte de l’article 155, alinéa 2 que la consignation produit trois effets :
a) elle met le débiteur à l’abri des poursuites du créancier;
b) elle arrête le cours des intérêts;

658 En ce sens, Elis, 28 février 1948, RJCB 1948, p. 99


293

c) elle met la chose consignée aux risques du créancier.


Ces effets se produisent au moment de la consignation et non au moment des
offres réelles.
Quid de la libération du débiteur ?
La consignation tient lieu de paiement à l’égard du débiteur, mais elle n’est pas en
elle-même un paiement. Le montant de la libération dépend de l’acceptation ou pas des
offres réelles par le créancier.
Si le créancier accepte :
- le débiteur est libéré au moment de la consignation (art. 157 al.2) (voir les mots
jusqu’au dépôt);
- le créancier ne devient cependant propriétaire qu’à dater de son acceptation et
non à dater de la consignation car le débiteur peut encore retirer la chose
consignée tant que le créancier ne l’a pas acceptée ou tant que cette consignation
n’a pas été déclarée bonne et valable par un jugement coulé en force de chose
jugée (art. 159, 160).
S’il retire la chose, le débiteur et par voie de conséquence, ses co-débiteurs et ses
cautions ne sont point libérés (art. 159).
Si le créancier refuse les offres réelles, le débiteur doit faire rendre un jugement qui
déclare les offres et la consignation bonnes et valables. Lorsque les offres réelles faites à la
barre ne sont pas équivalentes à la somme réclamée en principal, frais et intérêts
judiciaires, elles ne sont pas satisfactoires (659). Le débiteur, ses co-débiteurs et ses cautions
seront libérés que dès que ce jugement est passé en force de chose jugée (art. 160 et 161) en
ce moment là, le débiteur n’a plus la faculté de retirer la chose.
IV. Frais de la consignation
Les frais des offres réelles et ceux de la consignation sont à la charge du créancier
si elles sont valables (art. 158).
Créancier subrogeant Débiteur subrogeant
A B

C Tiers Solvens = subrogé

659 Elis, 10 mars 1944, RJCB 1944, p. 171 ; Elis., 28 février 1948, p. 99.
294

Section 2 : Paiement avec subrogation

Nous examinerons successivement la notion de subrogation, les différentes


espèces de subrogation et enfin ses effets juridiques.
§1. Notions générales
Dans un sens plus large, le mot « subrogation » exprime l’idée de
« remplacement », de « substitution »(660). Il y a subrogation réelle quand une chose en
remplace une autre dans un patrimoine en se soumettant au même régime juridique.
Exemple : Dans les régimes matrimoniaux, le remplacement d’un immeuble par un autre.
Il y a subrogation personnelle quand une personne en remplace une autre comme
créancière (et non comme débitrice car il n’y a pas de cession de dette chez nous) dans le
rapport d’obligation. Dans ce cas, la seconde personne bénéficie donc de tous les droits de
la première. Cette subrogation personnelle se présente dans le Code civil congolais
comme dans le Code Napoléon comme une modalité du paiement. Les articles 147 à 150
lui sont consacrés dans le Code civil congolais.
Différence entre subrogation et cession de créance
Il y a une différence entre paiement subrogatoire et la cession de créance. Les deux
institutions juridiques ne se confondent pas. En effet, elles se passent simultanément. Car
la cession de créance est une vente du rapport d’obligation, alors que le paiement avec
subrogation est un mode d’extinction de ce rapport. Mais ce qui se passe en cas de
subrogation c’est « qu’il y a les deux aspects de prime abord contradictoires : elle est à la
fois modalité de paiement et cession de créance).
En fait, les deux aspects concourent aux mêmes fins : la certitude d’acquérir la
créance, plus précisément les garanties dont elle peut être fortifiée (sûretés personnelles et
réelles), sera pour celui qui a des fonds disponibles un encouragement de payer la dette
d’autrui (661).
Le Code civil congolais traite de la cession de créance comme une vente à laquelle
s’appliquent les règles communes de ce contrat (art. 352 et s du Code civil, livre III).
Le paiement avec subrogation est différent de la vente. Il y a pour point de départ
un paiement fait au créancier, paiement entraînant une cession (662). C’est donc un
paiement garanti.
§2. Espèces de subrogation
Le Code civil parle de deux espèces de subrogation : la subrogation
conventionnelle et la subrogation légale. La subrogation légale est celle qui résulte de la

660 Carbonnier (J), op. cit., p. 477, n° 130; Mazeaud (H, L et J), op. cit. , p. 799, n° 841
661 Carbonnier (J), op. cit., p. 478, n° 130
662 Sohier (A), op. cit.. Il par. P. Orban, p. 304, n° 603
295

loi elle-même en ce que ni le créancier, ni le débiteur ne devront avoir manifesté leur


intention de faire une subrogation. Celle-ci s’impose donc aux parties et la créance passe
de plein droit sur la tête du tiers solvens.
L’article 149 du Code civil, livre III prévoit les cas limitativement énumérés dans
lesquels intervient cette espèce de subrogation.
Quant à la subrogation conventionnelle, c’est celle qui peut résulter d’une
convention intervenue soit entre le créancier et le tiers solvens, soit entre le débiteur et le
tiers solvens. L’article 148 du Code civil, livre III est le siège de cette dernière espèce de
subrogation.
I. Subrogation conventionnelle
La lecture de l’article 148 du Code civil, livre III fait apparaître deux domaines
différents de la subrogation conventionnelle. Celle-ci peut être consentie aux tiers solvens
tantôt par le créancier (art. 148, 1°), tantôt par le débiteur (art. 148, 2°).
Il est important de distinguer le domaine de chacune, car selon les conditions de
fond et de forme exigées pour la validité de l’une ou de l’autre, elle pourra être valable ou
nulle. L’article 148, 1° du Code civil qui vise la subrogation consentie par le créancier
dispose : « Lorsque le créancier recevant son paiement d’une tierce personne la subroge
dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur, cette subrogation
doit être expresse et faite en même temps que le payement».
Créancier subrogeant Débiteur subrogeant
A B

C Tiers Solvens = Subrogé

Et l’article 148.2, relatif à la subrogation consentie par le débiteur dispose lui que
« lorsque le débiteur emprunte une somme à l’effet de payer sa dette et de subroger le
prêteur dans les droits du créancier». Les conditions dans lesquelles le débiteur ou le
créancier peut respectivement subroger les tiers solvens dans les droits, privilèges et
hypothèques du créancier sont différentes. Le critère de différence -voir le croquis - est
donc dans la personne à laquelle tiers a remis les fonds. Dans le cas de subrogation par le
créancier prévu par l’article 148, 1° le tiers remet les sommes directement au créancier;
dans le cas de la subrogation par le débiteur prévu par l’article 148, 2°, le tiers remet les
sommes au débiteur à la suite du contrat de prêt - et c’est par la suite que le débiteur paie
le créancier (663).
Etudions maintenant chaque forme de cette subrogation conventionnelle.

663 Pour critiques de cette solution, Mazeaud (H.,L et J), op. cit., p. 801
296

A. Subrogation consentie par le créancier


1. Notion
Nous connaissons déjà la notion de la subrogation consentie par le créancier ; elle
est donnée par l’art 148, 1°.
D’après cet article, il y a subrogation consentie par le créancier quand celui-ci
recevant le paiement des mains d’un tiers, conclut avec lui une convention aux termes de
laquelle il le substitue dans tous ses droits, actions, privilèges et hypothèques contre le
débiteur, ce dernier n’intervenant pas à l’opération (664).
On appelle « subrogeant », le créancier qui, recevant le paiement, accorde la
subrogation, et « subrogé », le tiers bénéficiaire de cette subrogation.
La subrogation par le créancier est possible dans tous les cas, et lors même que le
solvens n’aurait aucun intérêt à l’acquittement de la dette. C’est le créancier qui peut avoir
intérêt à être payé rapidement par un tiers qui a des disponibilités immédiates. Mais trois
conditions sont exigées pour la validité de la subrogation conventionnelle consentie par le
créancier.
2. Conditions de validité de la subrogation consentie par le créancier
1° Condition de fond : Consentement du créancier
Le créancier doit consentir à la subrogation, le solvens n’a aucun droit pour l’y
contraindre (art. 134 al.2 du Code civil congolais, livre III). Il faut rappeler ici que la
subrogation est une convention entre le créancier et le solvens (665). Si le créancier refuse,
le tiers solvens ne pourra que demander au débiteur de lui consentir la subrogation. Dans
ces conditions, il y aura lieu d’appliquer l’article 148, 2° relatif à la subrogation consentie
par le débiteur, celle-ci ne sera possible que si notamment le tiers remet les deniers au
débiteur et non au créancier.
2° Condition de forme
La subrogation doit être « expresse ». La volonté qu’a le créancier de subroger le
solvens doit être expresse et non tacite. Qu’est-ce à dire ?
Ceci ne signifie pas qu’une formule sacramentelle soit exigée, telle que l’usage du
mot « subroger »; ce qui est exigé, c’est la volonté du créancier qui doit être clairement
exprimée. Ceci est laissée à l’appréciation du juge, même si le mot cession de créance est
utilisé, c’est à lui à rétablir la nature de la convenons.Il importe, en effet, que les autres
créanciers du débiteur qui auront à souffrir de la subrogation soient fixés sans
ambiguïté(666).

664 Sohier (A), op. cit., II par P. Orban, p. 304-305, n° 605.


665 Mazeaud (H, L et J), op. cit., n°647, p. 802; Carbonnier (J), op. cit., p. 479, n° 130.
666 Carbonnier (J), op. cit., p. 479, n°130 ; Mazeaud (H, L et J), op. cit, p. 802, n°848; Marty(G) et Raynaud (P), op. cit.,
p. 643-644, n° 611.
297

La loi n’impose pas davantage de formules solennelles pour la subrogation


consentie par le créancier ; la convention peut être constatée aussi bien par acte sous seing
privé que par acte authentique. Elle l’est le plus souvent par la quittance remise au
solvens. La subrogation pourrait même être verbale, pourvu qu’elle soit clairement
exprimée ; mais elle risquerait alors de ne pouvoir être prouvée(667).
3. Condition de temps
La subrogation doit être consentie au moment du paiement et avoir la date
certaine. En pratique, c’est dans la quittance même, la quittance subrogatoire qu’elle se
fait. La subrogation doit être concomitante au paiement. Cela implique seulement qu’elle
doit se faire au plus tard en même temps que le paiement (668).
Elle n’est pas possible avant le paiement, celui-ci étant une condition de celle-là.
Certes, une subrogation pourrait être faite en vue d’un paiement à effectuer mais il ne
s’agirait que d’une promesse de subrogation et il ne saurait être question de subrogation
dans les droits qui n’existent pas encore ainsi par exemple les clauses d’une police
d’assurance d’après lesquelles l’assuré a déclaré subroger l’assureur dans les droits et
actions qu’il pourrait avoir contre les tiers qui ont été analysées en une cession de créance
éventuelle et non en une subrogation (669). Une jurisprudence congolaise pense que cela
implique seulement que la subrogation doit se faire au plus tard en même temps que le
jugement (670). Mais cela semble dire qu’elle est possible avant, ce qui ne se serait pas
possible.
D’autre part, elle serait inefficace si elle intervenait après le paiement. En effet, le
paiement éteignant définitivement la créance avec toutes ses garanties, il ne saurait
appartenir à l’ex-créancier de la faire revivre après coup au profit du solvens qui a payé
sans être subrogé.
Date certaine
On voit donc que la condition de concomitance a pour finalité la sécurité juridique
des parties intéressées à cette opération. Les tiers notamment ont le plus grand intérêt à
connaître la date de la subrogation puisque cette opération ne leur sera pas opposable si
elle est postérieure au paiement.
Aussi exige-t-on que la convention de subrogation ait date certaine. Le plus
souvent, la convention de subrogation est constatée dans la quittance remise par le
créancier au tiers solvens appelé quittance subrogatoire. Celle-ci n’est opposable au tiers
que si elle a date certaine. Elle se distingue donc quant à la preuve de la date des simples

667 En ce sens, Marty (G) et Raynaud(P), op. cit., p. 644, n° 611 in fine
668 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., p. 644, n° 611 in fine ; Sohier (A), op. cit., II, par P. Orban, p. 305, n° 606
669 Idem.
670 Léo, 23 avril 1957, RJCB 1957, p. 356.
298

quittances par lesquelles on admet par exception à la règle générale qu’elles peuvent être
opposées aux tiers bien que n’ayant pas date certaine.
B. Subrogation consentie par le débiteur
1. Notion
L’initiative de la subrogation n’appartient pas nécessairement au seul créancier. Il
peut en effet se faire que le débiteur ait intérêt à changer le créancier. L’hypothèse
envisagée par l’article 148, 2° est que le débiteur contracte un emprunt pour acquitter sa
dette. Il peut y trouver bénéfice si cet emprunt lui est offert à des conditions moins
onéreuses que la date primitive, notamment à un taux d’intérêt inférieur. La loi lui facilite
l’opération en lui permettant de subroger le nouveau créancier dans les droits de l’ancien
créancier, lors même que celui-ci n’y consentirait pas. Mais cette subrogation est soumise
à des conditions assez strictes (671) pour éviter les fraudes entre débiteur et tiers qui ont
plus de chance de se réaliser ici.
2. Conditions
L’article 148, 2° soumet la subrogation consentie par le débiteur à des formules
destinées à éviter une fraude facile. On pourrait craindre, en effet, qu’un débiteur ayant
payé sa dette et ayant besoin à nouveau de fonds ne se les procure en accordant au
nouveau prêteur la subrogation dans la créance éteinte, au moyen d’un acte antidaté
déclarant frauduleusement que ce nouvel emprunt servira à acquitter la première dette.
Pour éviter cette fraude, l’article 148, 2° exige une double formalité.
L’acte d’emprunt et la quittance doivent, d’une part être des actes solennels
(formes notariées) et, d’autre part, contenir chacun une déclaration bien précise.
1° L’acte d’emprunt doit être passé devant notaire ; il doit contenir une mention
constatant que la somme empruntée est destinée au paiement. L’authenticité requise de
l’acte évitera toute fraude et toute antidate. Il importe de noter que l’article 148, 2° semble
subordonner la subrogation consentie par le débiteur à un emprunt consenti au débiteur,
« mais en vérité, la subrogation est l’accessoire du paiement et non d’un emprunt et, si
c’est normalement au moyen d’emprunt que le débiteur se procure les fonds, ce pourrait
être par tout autre procédé, pourvu que l’opération soit constatée par un acte
authentique » (672). La nullité de l’emprunt ne vicierait pas la subrogation (673)
2° La quittance constatant le paiement doit également être faite par acte
authentique et mentionner que les deniers ayant servi au paiement proviennent de
l’emprunt. L’accomplissement de cette deuxième formalité suppose normalement
l’intervention du créancier qui consent à la mention de l’origine des deniers dans la

671 Voir les origines historiques de la subrogation consentie par le débiteur, Mazeaud (H, L et H), op. cit., p.803, n° 851 ;
Marty (G) et Raynaud (P), op. cit. , p. 615, in fine.
672 En ce sens, Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., p. 646, n°616
673 Voir en France, Cassation, Req. du 25 novembre 1940, JCP 1941, II, 1618, note de E. Becque
299

quittance subrogative. En cas de résistance du créancier, le débiteur pourrait recourir à la


procédure des offres réelles et à la consignation.
Remarques générales
Il est à noter que l’emprunt et la quittance pourraient être constatés par un seul
acte contenant les deux déclarations exigées par l’article 148, 2° du Code civil, livre III.
D’autre part, ces deux déclarations ne doivent pas être faites en termes sacramentels. Il
suffit qu’elles soient suffisamment claires pour ne laisser aucun doute. Il n’est pas
nécessaire que l’on parle de subrogation, celle-ci résultant implicitement des déclarations.
II. Subrogation légale
En dehors des cas où la subrogation intervient par une convention, l’article 149 du
Code civil, livre III prévoit limitativement d’autres hypothèses où la subrogation
intervient de plein droit, c’est-à-dire de façon automatique, les parties n’ayant pas à
intervenir même à leur insu, la subrogation légale s’opère. Ainsi, n’est-elle soumise à
aucune forme. Mais dans tous ces cas, la subrogation suppose un paiement dont elle est
l’accessoire. Il ne suffit pas, par exemple, de fournir seulement les deniers, il faut qu’un
paiement s’effectue réellement (674). Certains cas sont prévus par le Code civil lui-même,
d’autres devraient l’être par des lois spéciales.
A. Cas du code civil
Trois cas sont prévus par l’article 149 du Code civil, livre III. Les deux premiers
sont beaucoup plus liés au droit des hypothèques. Le troisième est quant à lui de portée
tout à fait générale.
1. Cas du créancier préférable
a) Notion
Il y a subrogation légale, d’après l’article 149, alinéa 1er du Code civil, livre III,
lorsque le solvens « étant lui-même créancier, paye un autre créancier qui lui est
préférable en raison de ses privilèges ou hypothèque ».
b) Hypothèses
La situation envisagée suppose l’existence d’un débiteur qui a au moins deux
créanciers. Il peut s’agir, soit d’un créancier chirographaire et d’un créancier privilégié
(hypothèque ou privilège, peu importe), soit de deux créanciers privilégiés mais dont l’un
a un rang supérieur à l’autre.
L’hypothèse suppose que le créancier chirographaire paie le créancier privilégié ou
encore que le créancier privilégié de rang inférieur paie celui de rang supérieur.

674 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., p.647, n°617 in fine.
300

Intérêt de cette procédure


Celui qui paie le fait à la place du débiteur commun pour éviter la faillite de ce
dernier, faillite dans laquelle il ne retirera qu’un petit dividende, la grande partie étant
passée chez l’autre créancier qui aurait fait prévaloir ses droits sans attendre.
Résultat de cette opération
C’est que le créancier qui a payé l’autre à temps est subrogé par la loi dans tous les
droits de ce dernier. C’est dire qu’il pourra d’une part, se faire payer les dettes pour
lesquelles il est subrogé, et d’autre part sa propre créance (675).
c) Conditions
Les conditions de cette hypothèse sont dans l’article 149, 1° du Code civil, livre III,
qui est de stricte interprétation.
1°. Le solvens doit être lui-même un créancier. Il s’agit d’un créancier
chirographaire, privilégié ou hypothécaire;
2°. Le solvens paie un créancier préférable.
3°. Il faut un véritable paiement, c’est-à-dire paiement d’une dette échue, paiement
intégrale de celle-ci.
2. Cas de l’acheteur d’un immeuble hypothéqué
a) Notion
Le cas prévu par l’article 149, 2° du Code civil, livre III concerne l’acquéreur d’un
immeuble qui emploie le prix de son acquisition au payement des créanciers auxquels cet
héritage était hypothéqué (676).
b) Analyse de la situation prévue
L’acquéreur d’un immeuble hypothéqué n’est pas personnellement tenu des dettes
hypothécaires du chef de son vendeur, mais l’immeuble étant grevé d’hypothèques, les
créanciers hypothécaires du vendeur peuvent le saisir entre les mains de l’acquéreur en
vertu de leur droit de suite (677).
Afin d’éviter la saisie et la vente de l’immeuble, l’acquéreur a la faculté de remettre
les prix d’acquisition aux créanciers hypothécaires, et notamment ceux bénéficiant des
premiers rangs. Le Code civil le subroge alors dans les droits de ceux-ci, de telle sorte que,
situation assez étrange, ce nouveau propriétaire a une hypothèque sur son propre bien.
Utilité de cette mesure
« L’utilité de cette mesure réside dans le fait que, si le créancier hypothécaire non
payé veut malgré tout poursuivre la vente de l’immeuble, dans l’espoir d’en obtenir en

675 Starck (B), op. cit., n°2357, p. 709


676 Le mot « héritage » est pris ici dans son sens ancien d’immeuble. V. en ce sens Mazeaud (H, L et J), op. cit., p. 806,
n° 954.
677 Mazeaud (H,L et J), op. cit., p. 806, n°855; Sohier (A), op. cit., II, par P. Orban, p. 307, n° 612
301

vente publique un prix plus élevé, l’acquéreur pourra se faire rembourser la somme qu’il
a payée aux divers créanciers et ce, en vertu du droit hypothécaire dans lequel il a été
subrogé’ » (678).
En pratique, les créanciers de rang subséquent n’auront aucun intérêt à poursuivre
la vente, puisque l’acquéreur, grâce à la subrogation, recevrait dans la distribution la
totalité du prix. Il faut noter d’ailleurs que cette procédure est de plus en plus rare.
L’acquéreur dispose en effet, d’un moyen préférable, moins onéreux, pour
repousser les créanciers hypothécaires ; il s’agit de la procédure de la « purge
hypothécaire » organisée par l’article 294 de la loi du 20 juillet 1973 portant régime
général des biens telle que modifiée à ce jour (679).
c) Conditions
Elles sont au nombre de trois (art. 149, 2°).
1°. Le paiement doit être fait par le nouveau propriétaire de l’immeuble à l’exclusion
des acquéreurs de droits réels immobiliers (usufruit, servitude) ;
2°. Il faut qu’il y ait véritable paiement d’un prix ; ce qui exclut la donation et
l’échange.
3°. Le prix doit être remis dans les mains des créanciers hypothécaires spécialement
le créancier hypothécaire de rang supérieur.
3. Cas de la personne tenue avec d’autres ou pour d’autres
a) Notion

B’
B’ 20
A B A 120 B 70
B
Le tiers solvens est de plein droit subrogé dans les droits du créancier lorsque
’ de
« étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette », il « avait intérêt
l’acquitter » (art. 149, 3° ( ).
680 ’
Cette formule générale de l’article 149, 3° suppose que la personne qui a payé pour
3
autrui l’a fait parce qu’elle était obligée à la dette qu’elle a acquittée en même temps que le
0
débiteur ou pour lui. Il faut donc supposer qu’il y a pour une même dette plusieurs
débiteurs, soit principaux soit accessoires.

678 Sohier (A), op. cit., eodem loco


679 JO n° 3 du 1er février 1974, p. 107
680 Meurisse (R), GP, 1968, I, 67
302

b) Analyse des conditions de cette subrogation


Il faut que celui qui paie soit tenu de payer(681). Un tiers totalement étranger à
l’obligation ne peut bénéficier de cette subrogation ; éventuellement le créancier lui
consentira une subrogation conventionnelle, par l’application de l’article 148, 1° du Code
civil, livre III. Sont tenus avec d’autres les co-débiteurs d’une dette indivisible, solidaire
ou in solidum (682) et les diverses cautions garantissant la même dette.
Nous reviendrons encore sur ces notions. Mais il faut savoir dès à présent que,
quand plusieurs débiteurs sont tenus solidairement envers le créancier, celui-ci peut
réclamer le tout à un seul, qui devra ensuite se retourner contre les autres. Le co-débiteur
solidaire qui a ainsi payé toute la dette, était tenu « avec d’autres ». Il est alors subrogé
dans les droits du créancier pour l’exercice de son recours contre ses co-débiteurs. La
caution n’est pas tenue « avec d’autres » mais « pour d’autres ». Elle a un recours contre le
débiteur principal pour lequel elle a payé et dans ce recours elle bénéficie de la
subrogation. Toute personne qui est tenue pour une autre, est subrogée dans les droits du
créancier qu’elle paie, à la condition « que le paiement effectué pour d’autres soit relatif à
la dette même dont ceux-ci étaient tenus » (683), ce qui signifie que, dans la mesure où il
paie sa propre dette, le solvens n’est pas subrogé par l’article 149, 3°.
Seront tenus pour d’autres :
1°. la caution (ou les cofidéjusseurs, certificateurs de la caution) ;
2°. le tiers détenteur d’un immeuble hypothéqué et,
3°. dans le cas de la caution réelle, la personne qui, sans s’engager personnellement,
a hypothéqué son immeuble à la garantie de la dette d’autrui.
B. Cas de subrogation légale spéciale
Il s’agit des cas non prévus par le code civil, notamment les cas de celui qui, en
raison de ses responsabilités professionnelles, a été contraint de payer en lieu et place de
son client. On citera l’exemple la sécurité sociale pour son assuré(684) ou la compagnie
d’assurances pour son assurée.
Dans certains pays européens, des cas jurisprudentiels ont été consacrés par une
législation spéciale(685).

681 1ère inst. Elis., 27 septembre 1951, RJCB 1952, p. 177


682 V. à ce sujet, J. Vincent, L’extension en jurisprudence de la notion de solidarité passive, RTDCl, 1939, p. 601, n° 43.
683 Cfr. en France,Cass. civ. com. 21 oct. 1953, Bull. civ. 1953, p. 221, n° 315. Gaz. Pal. 1954, I. 18; Mazeaud, op. cit.,
p. 806, n° 855.
684 Mukadi Bonyi, Droit de la sécurité sociale, Kinshasa, éd. Ntobo, 1995.
685 Kalongo Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois, op. cit., p. 181 et s.
- France, art. 36 loi du 13 juillet 1930 sur les assurances
- Belgique, art. 24, loi du 11 juin 1874 sur les assurances
- Mazeaud, op. cit. , pp. 807-808, n°856
303

§3. Effets de la subrogation dans le paiement


Les effets de la subrogation sont traités brièvement dans l’article 150 de notre Code
civil. Cet article concerne indifféremment la subrogation légale et la subrogation
conventionnelle. Le mécanisme de la subrogation personnelle (légale et conventionnelle)
rapproche sensiblement celle-ci de la cession de créance dont elle a, en principe, l’effet
translatif ; mais la subrogation ne saurait être assimilée à une cession de créance car son
effet translatif est limité à divers points de vue.
1° Principe de l’effet translatif de la subrogation
Enoncé du principe
Le subrogé est mis à la place juridique du créancier désintéressé. Il acquiert non
seulement la créance elle-même, mais aussi tous les droits et actions, privilèges et sûretés
qui sont liés à cette créance, bref tous les accessoires de la créance.
Ainsi le subrogé pourrait se prévaloir du titre exécutoire du créancier et invoquer
les règles de compétence dont ce dernier aurait pu se prévaloir en poursuivant
l’exécution. Si par exemple il s’agit de la créance d’un vendeur, il aura donc à sa
disposition l’action en résolution. Si la créance est constatée dans un titre exécutoire, il
pourra procéder à l’exécution sans avoir à obtenir un nouveau jugement pour ce faire. Si
la créance était soumise à une règle particulière quant à la compétence du tribunal, c’est
cette règle là qui s’appliquera. Inversement, il pourra se faire opposer les exceptions et
autres moyens de défense qu’avait le débiteur contre l’ancien créancier.
De cette façon, la subrogation se rapproche de la cession de créance. Mais il y a
aussi beaucoup de différences.
2° Limitation à l’effet translatif de la subrogation
Enoncé
Le subrogé n’est mis à la place du créancier désintéressé que parce qu’il a effectué
un paiement. Le fait que la subrogation emporte un paiement influe sur sa nature. De là
des différences sensibles avec la cession de créance. La subrogation n’intervient que pour
garantir le remboursement au profit du subrogé.
1ère différence
C’est le paiement qui fixe le moment où la subrogation se produit (686). Le moment
du transfert de la créance en cas de cession de créance est différent.
2ème différence
Le subrogé, ayant fait un paiement, conserve son action propre contre le débiteur :
action de mandat, de prêt ou de gestion d’affaires, selon les circonstances dans lesquelles
le paiement est intervenu (687). Bien sûr le subrogé ne sera pas payé deux fois, mais

686 Mazeaud (H, L et J), op. cit., p. 859 ; Chevalier, obs. RTDC, 1966, p. 795
687 Mazeaud (H, L et J), op. cit., p. 842, n°799
304

dispose de plusieurs moyens pour réclamer le remboursement de ce qu’il a payé. Au


contraire, le cessionnaire d’une créance n’a aucune action personnelle contre le débiteur, il
a seulement l’action du cédant.
3ème différence
Le subrogé ne prend la place du créancier et n’a de recours contre le débiteur que
dans la mesure de ce qu’il a effectivement payé. Par exemple, si le subrogé a payé
seulement 20.000 Fc sur les 30.000 Fc que doit le débiteur, il va être subrogé uniquement
pour le montant de 20.000 Fc, c’est-à-dire qu’il ne peut réclamer au débiteur que 20.000 Fc
et pas le 30.000 Fc, il ne sera subrogé qu’en partie.
Différence entre subrogation et cession de créance
Même si le créancier désintéressé pour une partie seulement donnait quittance de
la totalité de la dette (donc remise de dette pour le reste), le solvens n’aurait le droit de
réclamer au débiteur que ce qu’il a payé. C’est la différence essentielle avec la cession de
créance, le cessionnaire pouvant réclamer le montant intégral de la créance acquise par
lui, quel que soit le prix de la cession.
4ème différence
La subrogation étant un paiement ne doit pas nuire au créancier. C’est le seul effet
dont parle l’article 150 de notre Code civil, livre III.
Analyse
Ceci signifie que le créancier originaire doit pouvoir conserver la situation qu’il
aurait s’il avait reçu un paiement. C’est dire que le créancier originaire conserve ses
intérêts jusqu’à complet paiement. S’il n’est pas remboursé intégralement, le créancier
originaire a le droit d’exercer ses droits pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers
subrogé dont il n’a reçu qu’un paiement partiel.
Illustrons ceci par un exemple (688). Le créancier originaire avait une créance de
10.000 Fc garantie par une hypothèque sur un immeuble valant 7.000 Fc. Il est remboursé
de 5.000 Fc par un tiers solvens ; lors de la vente de l’immeuble, il recevra par préférence
les 5.000 Fc qui lui restent dus, car ils demeurent intégralement garantis par l’hypothèque,
le subrogé ne vient pas en concours avec lui, et ne recevra que le reliquat du prix de
l’immeuble, soit 2.000 Fc même en l’absence d’une hypothèque, le créancier originaire
dispose toujours d’un droit de préférence.
Différence avec cession de créance
On sait que dans l’article 150, le créancier subrogeant exercera son privilège ou son
hypothèque sans subir, dans l’exercice de cette sûreté, le concours du solvens subrogé. Au
contraire, dans la cession de créance, lorsque cette cession est partielle, le cédant et le
cessionnaire sont en concours ; le cédant ne bénéficie pas d’un rang de préférence.

688 Mazeaud (H, L et J), op. cit., p. 800, n° 859.


305

5ème différence : le cas où le subrogé était tenu avec d’autres ( 689).


Ce cas est une nouvelle limitation aux effets de la subrogation. Si la subrogation
accorde un recours contre les co-obligés, le subrogé ne peut l’exercer contre chacun d’eux
que pour leur part, il doit donc diviser ses recours, alors que le créancier aux droits
duquel il est solidaire aurait pu poursuivre chacun de ses co-débiteurs pour le tout.
En conséquence, le subrogé ne l’est que dans les sûretés et privilèges du
subrogeant ; il ne profite pas de la solidarité dont bénéficiait le créancier payé.
Il doit ses poursuites, de sorte que si l’un des débiteurs est insolvable, il supporte
la charge de cette insolvabilité avec tous les autres codébiteurs. Il n’a donc pas tout à fait
la situation du créancier (690).

Section 3 : Paiement par compensation (691)

Nous étudions la compensation comme modalité du paiement (692). Mais on peut


également l’étudier de façon indépendante comme moyen extinctif d’obligation.
§1. Notions générales
La compensation est l’extinction de deux obligations de la même espèce, (exemple
de deux choses fongibles), en particulier de deux obligations de sommes d’argent, qui
suppose que deux personnes sont respectivement créancières et débitrices l’une de l’autre.
Il en est ainsi, si je vous ai prêté 100.000 Fc et que je deviens votre débiteur d’une
même somme à la suite par exemple de ma dette de responsabilité civile à votre égard. La
compensation éteint les deux dettes, soit en totalité, si elles sont égales, soit jusqu’à
concurrence de la plus faible, si elles sont inégales. Dans tous les cas, la compensation
nous dispense l’un et l’autre, d’un versement de fonds. Chacun se paye sur ce qu’il doit.
La compensation apparaît ainsi comme un double paiement abrégé.
§2. Conditions générales de la compensation
La compensation exige donc l’existence de deux dettes. Celles-ci peuvent avoir des
origines diverses. Il n’est pas nécessaire qu’elles soient issues d’un même contrat ou de
deux contrats de même espèce, l’une peut avoir une origine contractuelle et l’autre une
origine délictuelle ou quasi-délictuelle, voire quasi-contractuelle. Il faut, de plus, que ces
dettes existent entre deux personnes tenues réciproquement et personnellement l’une
envers l’autre.

689 Nous reviendrons sur cette différence dans le titre des obligations complexes.
690 Art. 112 et 572 du Code civil, livre III.
691 Mazeaud (H, L et J), op. cit., p. 995, n°1161; Carbonnier (J), op. cit., p.482; Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., 664,
n°635 et s. ; Sohier (A), op. cit. n°635 et s.
692 Carbonnier (J), op. cit., p. 482
306

C’est la différence avec la confusion où il n’y a qu’une seule personne qui se trouve
être débitrice et créancière.
§3. Espèces de compensation
Il y a trois espèces de compensation : la compensation légale, la compensation
conventionelle et la compensation judiciaire.
La compensation légale est un mode légal d’extinction des obligations et dont
traite essentiellement le Code civil. Elle s’opère de plein droit, en dehors de la volonté des
parties, même à leur insu du moment que les deux dettes se trouvent exister à la fois. Elle
est soumise à des conditions spéciales assez strictes. Mais ces règles légales ne sont pas
d’ordre public ; elles sont simplement supplétives. Les parties et les juges peuvent se
servir de ce mode pour éteindre des dettes réciproques qui ne réunissent pas toutes les
conditions de la compensation légale (art. 187 du Code civil, livre III).
En dehors de la compensation légale, la plus importante, il peut y avoir la
compensation conventionnelle et la compensation judiciaire.
§4. Etude de la compensation légale
I. Conditions (693)
La compensation légale exige que les deux dettes réunissent les caractéristiques
suivantes (694) : réciprocité des obligations ; celles-ci doivent avoir pour objet de l’argent
ou des choses fongibles de la même espèce ; elles doivent être liquides ; elles doivent être
exigibles.
A. Réciprocité des obligations
Les deux obligations doivent exister entre les deux mêmes personnes
réciproquement débitrices et créancières l’une de l’autre. Cette condition prévue par
l’article 181 du Code civil congolais semble évidente. Elle est à la fois la condition
essentielle de la compensation et distingue celle-ci de la confusion (où dette et créance
fusionnent sur la tête d’une même personne).
La même personne figure dans ce lien obligatoire à la fois comme créancière et
débitrice. Elle doit y figurer personnellement. Ainsi, un tuteur ne peut pas opposer en
compensation à son créancier la dette dont ce dernier est tenu envers le pupille; de même,
le débiteur du tuteur ne peut pas opposer à celui-ci sa propre créance contre le pupille(695).
B. Objet des obligations
Les deux obligations doivent avoir pour objet de l’argent ou des choses fongibles

693 Il faut des conditions spéciales si non il y aurait compensation dans tous les contrats synallagmatiques (Mazeaud,
op. cit., n°1146, p. 997).
694 Pour le plan général et les références,Julliot de la Morandière (L),op. cit., n°626 et s.
695 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 830. Voir aussi application de cette condition, Mazeaud, note 1147, I, Paris,
29 novembre 1962, 649 et note JM Verdier
307

de la même espèce.
C’est l’article 183 du Code civil, livre III qui traite de cette condition. Deux dettes
sont fongibles quand elles ont pour objets des choses qui, dans un paiement peuvent être
remplacées l’une par l’autre. Elles s’opposent aux dettes de chose individualisées aux
dettes de corps certains. La compensation n’a pas lieu non plus quand les dettes ont pour
objet des choses fongibles d’espèces différentes telles du manioc et du maïs.
En effet, la compensation doit mettre chacune des deux parties dans la même
situation que si les deux payements avaient eu lieu. Car chaque créancier a le droit
d’exiger ce qui lui est dû, et non autre chose. Le cas le plus courant est celui de la
compensation de somme d’argent.
C. Liquidité des obligations
Les deux obligations doivent être liquides (art.183 du Code civil, livre III). Une
dette est liquide lorsqu’elle est certaine et que le montant en est déterminé. Ainsi, une
dette contestée n’est pas liquide et ne peut être opposée en compensation, pourvu
toutefois que la contestation soit sérieuse (696). Il appartient aux juges d’apprécier si la
contestation est sérieuse ou pas. Ainsi on évite les abus de ceux qui voudront contester
pour éviter la compensation. Ne peut être opposée en compensation la dette contestée qui
n’est établie que par un jugement non signifié (697). Le montant peut ne pas être fixé
notamment lorsqu’il ne doit être connu qu’après la liquidation d’une société ou d’une
communauté conjugale, ou l’estimation d’un dommage. Dans tous ces cas la
compensation légale ne s’opère pas.
D. Exigibilité des deux obligations
Les deux obligations doivent être l’une et l’autre, exigibles (art.183 du Code civil,
livre III).
Les obligations sont exigibles lorsqu’elles sont arrivées à échéance. Cette condition
exclut les dettes à terme sous condition suspensive. Il faut remarquer toutefois que le délai
de grâce, c’est-à-dire : celui accordé bénévolement par le créancier au débiteur, celui-ci
peut y renoncer pour compenser sa dette (698).
II. Cas exceptionnels où la compensation légale est écartée.
Bien que les conditions ci-dessus indiquées se trouvent exister, il y a pourtant des
cas où la compensation ne se produit pas. Ces cas sont prévus par l’article 185, I, 2 et 3 et
l’article 190 du Code civil, livre III.
1. Ne peut faire l’objet de la compensation légale « la demande en restitution d’un
objet dont le créancier propriétaire a été dépouillé » (art. 185, I).

696 Kin, 20 octobre 1972, RJZ, 1976, p. 89


697 Elis, 7 mai 1957, RJCB, 1957, p. 246
698 Boma, 2 avril 1907, Jur. Etat, II, p. 177.
308

De quoi s’agit-il ? Il s’agit du cas où un voleur ou tout celui qui a exercé une voie
de fait sur un bien appartenant à autrui, en bref le spoliateur, voudrait invoquer la
compensation contre le propriétaire illégalement dépouillé afin de se faire payer d’un
créancier qu’il aurait contre lui. La loi évite ainsi des règlements de compte abusifs et
arbitraires qui s’apparentent à la vengeance privée.
2. Ne peut pas non plus faire l’objet d’une compensation légale, la demande en
restitution d’un dépôt ou du prêt à usage (art.185.2). C’est dire que le dépositaire ou le
commodataire ne peuvent non plus refuser de rendre l’objet déposé ou emprunté, en
invoquant la compensation de ce que leur doit le déposant ou le prêteur. Ce serait se
rendre justice.
3. Ne peut faire l’objet d’une compensation, la dette ayant pour objet des aliments
déclarés insaisissables par la loi (art. 185.3)
Qu’est-ce à dire ? Par exemple, le créancier d’une pension alimentaire devient
débiteur de celui qui doit la lui payer. Ce dernier ne peut pas invoquer la compensation
pour refuser de payer les arrérages de la pension. Cette obligation doit être étendue à
toute obligation insaisissable ; une telle créance ne peut jamais être le gage des créanciers ;
elle est personnelle(699).
Selon la jurisprudence, la créance de salaire de l’ouvrier ne peut être compensée
que dans la mesure où elle est cessible et saisissable(700).
4. La compensation n’a pas lieu quand elle doit porter préjudice aux droits acquis
à des tiers.
Ce principe énoncé par notre article 190 du Code civil, livre III est fondé sur la
raison autant que sur l’équité. Il se lie au principe que la compensation agit comme un
payement. Dès lors que ce payement devient impossible à imposer, la compensation ne
peut pas non plus s’effectuer (701).
Applications
Pour que cet article soit applicable, il faut que la compensation légale préjudicie
aux droits acquis des tiers; il faut donc que l’on ait déterminé avec soin le moment où
s’opère la compensation et examiner s’il existe à ce moment des droits acquis aux tiers et
auxquels la compensation porte préjudice. La loi vise l’hypothèse de la saisie – arrêt. Mais
l’on peut ajouter celle de la faillite.

699 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n° 640


700 Elis, 10 avril 1956, RJCB 1958, p. 273
701 V. à ce sujet les articles 140 et 191 du Code civil,livre III , les rapprocher.
309

Cas du débiteur saisi


Le tiers saisi qui est devenu créancier (702) (du débiteur saisi) postérieurement à la
saisie-arrêt faite contre ses mains par le saisissant ne peut plus, au préjudice de ce dernier,
opposer la compensation (703).
Cas de faillite
« Le créancier tombe en faillite et postérieurement, son débiteur veut faire valoir
une créance exigible contre lui. Ici encore, la compensation n’est plus possible; car à partir
de la faillite, tous les créanciers du commerçant doivent être traités également suivant la
loi du concours.
Aucun d’eux ne peut recevoir un payement séparé, mais bien entendu, la faillite ne
détruit pas l’effet extinctif de la compensation qui est produite antérieurement à sa
déclaration(704).
III. Effets de la compensation légale705
Il faut se référer aux articles 186, 187, alinéa 1er et 191 de notre Code civil, livre III.
Par la compensation, les deux dettes sont éteintes à concurrence de leur quotité respective
(art. 182). Cette disposition déroge à l’article 142 du Code civil, livre III qui autorise au
créancier de refuser tout payement partiel. La compensation se fait de plein droit et même
à l’insu des parties. Elle rétroagit au jour de la coexistence des obligations. S’il y a procès,
le juge ne la prononce pas, il la constate seulement.
Il a été jugé que la compensation légale s’opérant même à l’insu des débiteurs, il y
a lieu de constater que les dettes ont été éteintes à concurrence de la plus faible (706).
L’article 186 du Code civil, livre III règle la situation de la caution. Elle peut
opposer la compensation existant entre le débiteur principal et le créancier parce que la
dette dépend de l’existence de la dette principale si celle-ci est éteinte, la caution sera aussi
libérée.
Au contraire, le débiteur principal ne peut opposer la compensation de ce que le
créancier doit à la caution car c’est l’obligation principale que le débiteur s’est engagé à
fournir.
Le débiteur peut renoncer à bénéficier de la compensation : cette renonciation peut
être tacite ou expresse. L’article 187, alinéa 1er du Code civil, livre III prévoit le cas où
cette renonciation est présumée. C’est le cas où un débiteur accepte purement et
simplement la cession que son créancier primitif a fait de ses droits à un tiers. En cas

702 Ce qu’il est devenu importe peu, l’important est qu’il ne peut pas invoquer la compensation et préjudicier aux tiers.
703 Art. 140 et 190 du Code civil, livre III.
704 Julliot de la Morandière (L), op. cit., p. 144, n° 834
705Pour les développements, Mazeaud (H, L et J), op. cit., p. 1002, n° 1154 et Sohier (A), op. cit.,II n° 158, p. 331.
706 Elis, 27 mars 1943, RJCB 1943, p. 103.
310

d’une telle acceptation, l’article 187, alinéa 1er présume que ce débiteur aura renoncé à la
compensation qu’il aurait fait valoir contre le créancier primitif.
Il n’y a par contre, pas de présomption en cas de non acceptation de la cession de
la créance. Il a été jugé que la compensation est fondée sur l’intention présumée des
parties et sur leur intérêt réciproque. Elles peuvent y renoncer, même tacitement. Cette
renonciation peut s’induire d’actes posés par les parties, qui sont incompatibles avec la
volonté de compenser (707). Jugé également que renonce au bénéfice de la compensation, le
créancier du passif de faillite, qui renonce à sa créance, sans déduire le montant d’une
dette envers le failli (708).
Le cas de l’article 191 du Code civil, livre III : ce cas suppose qu’un débiteur paie
son créancier, alors qu’il possède par ailleurs une créance hypothécaire ou privilégiée
contre ce même créancier, sans toutefois invoquer la compensation. D’après l’article 191
du Code civil, livre III, cette renonciation à la compensation ne doit pas préjudicier les
tiers. Ceux-ci pourront faire déclarer non opposables à leur égard, les sûretés attachées à
la dette qui, normalement auraient dû s’éteindre par la compensation légale sauf le cas où
celui qui a payé éteint sa dette par compensation. En fait, cet article 191 n’est qu’une
application de l’article 190 dont nous avons déjà parlé.
§5. Autres formes de compensation
I. Compensation conventionnelle
Cette compensation est une variété de contrat soumise, pour toute règle, au
principe de l’article 33 du Code civil, livre III. Cependant les deux conditions générales
doivent se maintenir, à savoir l’existence de deux dettes et entre deux personnes qui
soient réciproquement débitrices et créancières.
Les parties peuvent décider autrement des autres conditions : fongibilité, liquidité
et exigibilité des dettes; elles peuvent aussi déroger à l’article 185 du Code civil, livre III.
Mais quel sera l’effet de la compensation conventionnelle ?
La compensation conventionnelle n’a d’effet qu’à partir de la date du contrat ou
du jour fixé à la convention, sauf respect des droits acquis aux tiers - elle ne peut avoir
l’effet rétroactif normal de la compensation légale.
II. Compensation judiciaire
Elle n’est rendue possible que sur l’introduction d’une demande reconventionnelle
par le défendeur originel ou par la jonction des deux instances principales dans lesquelles
chacune des parties était demanderesse à tour de rôle. Il appartient au juge de l’autoriser.

707 Elis, 11 juillet 1936, RJCB 1937, p. 128. Voir aussi Léo, 24 janvier 1933, RJCB 1933, p. 172 ; Elis 27 mars 1943,
RJCB 1943, p. 103
708 1ère inst. Cost., 12 novembre 1948, RJCB 1949, p. 61
311

La compensation judiciaire a pour affet de rétroagir au jour de la demande. Ce jour


sera, soit celui où la demande reconventionnelle a été introduite, soit celui où a été signifié
l’exploit introductif de la deuxième instance qui fut, peu après, jointe à la première.
312

Chapitre II : Modes volontaires d’extinction des obligations

Nous étudierons dans ce chapitre successivement la remise de dette (section 1) et


la novation (section 2).

Section 1 : Remise de dette

§1. Définition
La remise volontaire de dette réglementée dans les articles 174 à 180 du Code civil,
livre III est « la convention par laquelle le créancier consent gratuitement au débiteur, qui
l’accepte, l’abandon complet ou partiel de sa créance » (709).
Plus simplement on peut dire aussi « qu’il y a remise de dette lorsqu’un créancier
libère son débiteur de tout ou partie de sa dette sans en avoir reçu le paiement » (710). Il
faut remarquer en réalité, que sous la rubrique « Remise de dette », le Code civil traite des
deux questions :
1°. la remise de dette, au sens propre, c’est-à-dire la libération du débiteur par la
renonciation du créancier (art. 177 à 179). C’est le negotium, la charge
conventionnelle qui est un contrat soumis aux conditions de fond et de forme
déjà examinées à l’article 8 du Code civil ;
2°. la remise du titre constatant la dette (711) (art. 174 à 176) qui fait d’ailleurs
présumer sous certaines conditions, une remise de dette au sens propre. C’est la
remise de l’instrumentum qui s’analyse en une présomption de libération qui
sera renversable ou irréfragable suivant que cet instrumentum est un acte
authentique ou sous seing privé.
Commentaire de la définition
La remise de dette suppose donc un accord du créancier et du débiteur. Les
articles 177 à 179 l’appellent « Décharge conventionnelle ». Certes, elle pourrait résulter
d’un testament du créancier contenant un legs dit de libération, mais le bénéfice de cette
disposition devrait encore être accepté par le débiteur.
Remise de dette, une « renonciation »?
Il est inexact de parler d’une renonciation du créancier à son droit. Cette formule
est en effet inexacte du moins si l’on veut conserver au mot renonciation son sens précis
d’acte unilatéral (712). Un acte unilatéral n’est pas une remise car celle-ci est précisément

709 Mazeaud (H, L et J), op. cit., n°1195, p. 1039


710 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°839, p. 446
711 Le sens du mot remettre est ici mettre en mains.
712 En ce sens, Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n° 847, p. 853 ; Raynaud (P), La renonciation à un droit, RTDC 1983.
313

une convention. C’est donc à tort qu’une certaine jurisprudence utilise ce mot
« renonciation » pour désigner une remise de dette (713).
Rôle de la remise de dette
La remise de dette peut être un acte gratuit, une libéralité que le créancier fait à
son débiteur. Mais elle peut être un acte à titre onéreux lorsqu’elle est accordée en
contrepartie d’un avantage fait au créancier par le débiteur. Elle peut ainsi être un élément
d’une transaction et être incluse dans une novation, une délégation ou une dation en
paiement (714).
§2. Conditions de la remise de dette
I. Conditions de fond
La remise de dette étant un contrat, elle doit d’abord réunir les conditions
générales de validité des contrats prévues à l’article 8 du Code civil, livre III.
Etant en même temps une libéralité, elle devra également remplir les conditions de
validité des libéralités, c’est-à-dire : l’intention libérale (animus donandi) du créancier, la
capacité de faire en tant que créancier et, la capacité de recevoir en tant que débiteur.
II. Conditions de forme : absence de forme particulière
La remise de dette n’est jamais soumise à aucune forme particulière. Elle peut être
expresse ou tacite. Elle n’est pas davantage soumise aux conditions de forme de l’acte
juridique qu’elle réalise. Ainsi, si une remise de dette est une donation, elle est affranchie
des règles de forme des donations, car elle n’est qu’une donation indirecte.
Toutefois, au cas où la remise de dette est contenue dans un testament, sa validité
dépend du respect des formes de testament (715).
§3. Preuve de la remise de dette
Il y a deux questions à examiner dans cette rubrique : la preuve de la libération et
la preuve du mode de cette libération. Car il ne suffit pas toujours au débiteur de prouver
sa libération, il peut avoir besoin d’établir par quel mode (paiement ou remise de dette) il
a été libéré.
I. Preuve de la libération du débiteur
En principe, le droit commun de la preuve reste d’application, notamment la
nécessité de l’écrit pour les valeurs de plus de deux mille francs. Cependant, la loi a elle-
même prévu des cas de présomptions légales de libération du débiteur que nous allons
examiner.

713 Léo., 2 septembre 1930, Jur. col. 1932-33, p. 165.


714 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit., n° 848 ; Mazeaud (H, L et J), op. cit., n° 1195.
715 Paris, 15 octobre 1958, S. 1959. 2. 25.
314

Présomptions légales de libération


Conformément aux articles 174 et 175 du Code civil, livre III, la remise volontaire
faite au débiteur par le créancier du titre de sa créance fait présumer la libération du
débiteur. Il s’agit d’une remise au sens matériel du mot, la remise de l’instrumentum.
Cette remise du titre constatant la créance ne prouve pas nécessairement la remise
de dette ni le paiement. Elle le fait présumer. Le débiteur peut invoquer la présomption
légale de libérations édictée par l’article 174 aux conditions déterminées même si le titre
n’étant pas resté en sa possession, il est dans l’impossibilité de le représenter (716). Et cette
présomption de libération n’a lieu qu’à condition que la remise ait été faite par le
créancier ou par le représentant (mandataire ayant pouvoir de recevoir paiement) de
celui-ci au représentant de celui-là (ayant pouvoir de payer); soit volontaire. Il appartient,
en cas de doute, au créancier de prouver que la possession du titre par le débiteur résulte
d’un vol ou d’une voie de fait.
Les deux conditions générales ci-dessus étant remplies, la présomption est
aménagée différemment quant à sa force probante suivant que le titre constatant la
créance était authentique ou sous-seing privé.
1° Cas de la remise de la minute ou de l’expédition de l’acte authentique
La présomption de libération ne vaut dans ce cas que jusqu’à preuve contraire (art.
175). Il s’agit donc d’une présomption simple de libération. La preuve contraire par tous
les moyens est possible. Le créancier peut, par exemple, se faire remettre par une
procédure spéciale une nouvelle expédition et démontrer qu’en remettant la grosse, il
n’avait pas l’intention de libérer le débiteur.
2° Cas de remise d’un acte sous-seing privé
Si la créance était constatée par un titre sous seing privé, la présomption est
irréfragable (art. 174). La loi suppose que la remise d’un tel titre, à savoir, le seul moyen
qu’il avait de prouver son droit (717), fait présumer la volonté du créancier de libérer le
débiteur. C’est la différence avec l’acte authentique qui peut être reproduit avec une
procédure spéciale.
II. Preuve du mode de la libération
La remise de dette étant une convention, elle peut être prouvée par les modes de
preuves de droit commun (718). Qui a la charge de la preuve? C’est celui qui se prévaut de
l’existence de tel mode. Quels sont les procédés de preuve? On applique le droit commun
et les articles 174 à 176 du Code civil, livre III. Mais on peut aussi lui appliquer les règles
de présomption de libération prévues par les articles 174 à 176 précités.

716 Léo, 14 octobre 1958, RJC 1960-1961, p. 164


717 C’est la différence avec l’acte authentique qui peut être reproduit avec une procédure spéciale.
718 C’est- à-dire qui a la charge ? Celui qui se prévaut de l’existence d’un tel mode. Procédés ? Droit commun et les
articles 174 à 176 du Code civil, livre III.
315

Ainsi jugé que le débiteur peut invoquer la présomption légale de libération


édictée par l’article 174 du Code civil, livre III, aux conditions déterminées même si le titre
n’étant pas resté en sa possession, il est dans l’impossibilité de le représenter. Le fait de la
remise du titre peut être prouvé par toutes voies de droit (719).
Jugé aussi que mis en présence d’un écrit constatant la libération du débiteur, le
tribunal a le devoir de compléter la valeur des convictions qui pourrait se faire par les
présomptions contraires de la cause, en ordonnant toutes les mesures d’instruction qui
sont à sa disposition (720).
§4. Effets de la remise de dette
Les articles 176 à 180 du Code civil, livre III traitent des effets de la remise de dette.
I. Extinction de la créance et disparition des sûretés
La remise de dette a pour effet d’éteindre la créance, en totalité ou en parties,
suivant qu’elle est totale ou partielle. Il s’ensuit le principe qu’avec la créance,
disparaissent les sûretés qui en garantissaient le paiement. C’est notamment le cas des
cautions qui seront libérées (art. 179, al.1er). Il y a cependant lieu de relever que lorsque le
créancier libère une caution, le débiteur principal et les autres cautions restent tenues (art.
179, al. 2 et 3).
II. Cas de remise d’une dette solidaire
La remise d’une dette solidaire accordée à l’un des co-débiteurs libère, en principe,
tous les co-débiteurs (art. 177, al.1er). Toutefois, le créancier peut, en consentant à l’un des
co-débiteurs la remise de sa dette, réserver expressément la créance contre les autres.
Dans ce cas, il ne peut pas exiger la totalité de la créance ; il doit déduire la part du co-
débiteur qu’il a libéré (art. 177, al.2).
III. Cas de la remise d’une chose donnée en nantissement
L’article 178 du Code civil, livre III dispose que la remise de la chose donnée en
nantissement n’entraîne pas remise de la dette. C’est seule la sûreté, la garantie qui
disparaît.
IV. Cas de l’article 180 du Code civil, livre III
Lorsque la caution demande au créancier d’être libéré de son obligation
moyennant le paiement d’une certaine somme, le créancier doit imputer la somme reçue
sur l’ensemble de la dette. Cette somme tournera alors à la charge du débiteur principal et
des autres cautions.

719 Léo., 14 octobre 1958, RJCB 1960, p. 154.


720 Elis, 3 août 1913, Jur. Congo, 1921, p. 252.
316

Section 2 : Novation et délégation

Le Code civil traite sous cette rubrique « novation » de deux opérations qui sont en
fait différentes. Il s’agit à la fois de la novation et de la délégation. C’est seulement dans
certains cas que la délégation emporte novation. On dit alors que la délégation est
parfaite. Nous traiterons de ces deux opérations séparément.
Sous-section 1 : Novation
§1. Définition
La novation est une opération juridique au moyen de laquelle une obligation est
substituée à l’obligation originelle par l’effet d’un changement apporté à l’un des éléments
constitutifs de celle-ci (721).
Différence avec la délégation et la cession de créance
La novation se distingue de la délégation (art. 167) en ce sens qu’elle éteint une
obligation, tandis que la délégation ne fait que provoquer la naissance d’un nouveau lien
d’obligation. Elle est distincte de la cession de créance, en ce qu’elle provoque la naissance
d’une obligation nouvelle.
§2. Sources de la novation
Selon l’article 163 du Code civil, livre III, cette substitution peut se faire de trois
manières :
1° Novation par changement de dette (art. 163,1°)
Dans ce cas, le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est
substituée à l’ancienne, laquelle s’éteint. La nouvelle dette peut se différencier de
l’ancienne soit par son objet, soit par sa cause.
a. Par son objet
Le créancier d’une somme d’argent peut ainsi convenir avec le débiteur que celui-
ci lui payera à la place une rente viagère. Un débiteur avait l’obligation de livrer une
maison, son créancier lui prie de livrer des plantes ou du sel ou encore du sucre.
b. Par sa cause
On entend par changement de cause, la modification de la source de l’obligation.
Par exemple, un locataire doit des loyers à son bailleur, les contractants décident que la
somme sera due non plus à titre de loyers, mais à titre de prêt. Autre exemple: je vous
dois l’argent à titre de loyer, mais à la suite d’un nouveau contrat de location-vente, la
somme est versée à titre de prix loyer.

721 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 813, p. 432.


317

c. Par d’autres éléments ?


En droit français, le changement de terme n’est pas considéré comme un élément
nouveau suffisant, car l’ancienne créance demeure inchangée dans son existence,
l’exécution seule étant modifiée (722).
Au contraire, on admet que la condition affecte l’existence, la vie même de
l’obligation. En ajoutant ou en supprimant une condition on substitue une obligation à
l’ancienne, on fait une novation (723).
Un changement dans les sûretés n’affecte pas la créance fondamentale, la sûreté
n’étant que l’accessoire de la créance; il n’y a pas de novation non plus avec le
changement de mode de paiement (ex. changement de monnaie). Il faut voir si vraiment il
y a changement de la convention dans le fond.
2° Novation par changement de débiteur (art. 163, 2°)
Il y a novation par changement de débiteur lorsqu’un nouveau débiteur est
substitué à l’ancien qui est subrogé totalement par le créancier.
Comme le rappelle la finale de la phrase, il faut absolument que la dette ancienne
soit éteinte. Ne constituera donc pas novation, le simple fait pour un tiers de s’engager à
payer au créancier la dette du débiteur. On peut dans ce cas se trouver en effet en
présence soit d’un cautionnement, soit d’une délégation.
A plus forte raison, le paiement avec subrogation n’entraîne pas novation puisque
la dette primitive n’est pas éteinte. Le créancier n’intervient pas ici, dans la subrogation,
pour décharger le débiteur, alors que telle est la condition dans la novation.
Dans la subrogation, le débiteur est déchargé à l’égard du créancier subrogeant
mais il redevient obligé à l’égard du nouveau créancier (le subrogé).
Cette seconde variété de novation peut se produire de deux façons différentes
présentant ainsi deux espèces de novation par changement de débiteur :
a) Tantôt elle implique le consentement du premier débiteur, en même temps que
du nouveau débiteur et du créancier. Illustrons ceci par un exemple : vendeur d’un
immeuble, je fais intervenir dans l’acte de vente un de mes créanciers et il est convenu que
l’acheteur de mon immeuble payera une partie de son prix entre les mains de mon
créancier, lequel me donne quittance de ma dette. C’est l’hypothèse de la délégation
parfaite (qui est novatrice).
b) Plus rarement, la novation par changement de débiteur se réalise sans le
concours du premier débiteur (art. 166). On suppose ici un tiers qui s’engage directement
envers le créancier à condition que celui-ci libère le débiteur. C’est ce qu’on appelle
l’expromission.

722 Mazeaud (H, L et J), op. cit., n° 1223, p.1053


723 Mazeaud (H, L et J), op. cit., eodem loco
318

3° Novation par changement du créancier (art. 163, 3°)


L’article 163, 3° dispose qu’il y a novation lorsque par l’effet d’un nouvel
engagement, un nouveau créancier est substitué à l’ancien envers, lequel le débiteur se
trouve déchargé. Cette novation est devenue très rare, les parties peuvent conclure plus
facilement une cession de créance. L’ancienne dette doit être éteinte complètement et les
trois parties doivent participer à la convention de façon indispensable. C’est la différence
principale avec la subrogation par le créancier.
§3. Conditions requises pour qu’il y ait novation
On peut regrouper en trois les conditions requises pour qu’il y ait novation:
l’animus novandi, c’est-à-dire l’intention de nover; la capacité de disposer de la créance et
une obligation valable remplacée par une nouvelle obligation également valable, mais
différente de la première.
I . Animus novandi ou intention de nover
Cette condition est imposée par l’article 165 du Code civil, livre III pour
caractériser la novation. « La novation ne se présume point ». Elle ne peut donc pas être
supposée, il faut une manifestation de volonté, qui écarte toute incertitude. Si l’article 165
dit que la volonté d’opérer la novation doit résulter clairement de l’acte, cela ne signifie
pas qu’il faut que la novation soit contenue dans un acte.
D’après la doctrine et la jurisprudence, l’article 165 a voulu parler du negotium et
non point de l’instrumentum. Ainsi, la remise de lettres de change en paiement d’une
dette civile n’implique novation que si les parties en ont exprimé formellement la volonté
(724). Cette intention de nover vise la volonté claire des parties de renoncer à l’ancienne
obligation.
II. Capacité des parties de disposer de la créance
La novation, nous dit l’article 164, « ne peut s’opérer qu’entre personnes capables
de contracter ». Il faut que le créancier soit capable de disposer de la créance, le débiteur
capable de s’obliger. Sinon, ils doivent être habilités conformément à la loi.
Sera nulle, la novation consentie par une partie femme mariée « qui n’avait que le
pouvoir d’administrer les biens ». La nullité de la novation provient du fait que la seconde
obligation n’a pu naître valable, ce qui a entraîné la nullité de toute l’opération.
III. Une obligation valable remplacée par une obligation valable différente de l’ancienne
C’est la nécessité d’un élément nouveau. Une obligation nouvelle qui en remplace
une ancienne. La nouvelle obligation comme l’ancienne, doivent être valables et
différentes entre elles. C’est toute la différence d’avec la subrogation qui suppose que la
dette reste la même.

724 Léo, 7 mai 1957, RJCB 1957, p. 361 ; Elis., 27 mai 1916, Jur. Col. 1927, p. 50 ; 1ère inst. Elis, 15 juillet 1937, RJCB
1938, p. 118
319

1° Une obligation entachée d’une nullité absolue ne peut être novée. En cas
d’obligation ancienne frappée de nullité relative (pour cause d’un vice tiré de l’incapacité,
du dol, de la violence, de l’erreur), la novation n’est atteinte de la même nullité que si le
vice qui a affecté la première obligation existait au moment de la novation. Si ce vice a
disparu par exemple parce que le créancier nouveau a confirmé l’ancienne obligation,
alors la novation est valable.
2° La novation a pour but de remplacer l’ancienne obligation par une nouvelle qui
soit valable. Si la nouvelle n’est pas valable par exemple parce qu’elle ne respecte pas les
formes prescrites, ou qu’elle est affectée d’un vice, ou qu’elle porte sur des obligations
alimentaires qui sont incessibles, l’ancienne obligation n’est pas éteinte. Le seul résultat
est qu’il n’y a pas novation, car il n’y a pas remplacement d’une ancienne obligation par
une nouvelle.
3° Il faut enfin que l’obligation nouvelle soit différente de la première : sinon il n’y
aurait que confirmation de l’ancienne. Qu’est-ce à dire ? C’est dire que par rapport à la
première, l’obligation nouvelle doit comporter un élément nouveau. Cette nouveauté peut
porter soit sur la cause, soit sur l’objet, soit sur la personne du créancier ou du débiteur,
soit sur la condition affectant l’existence même de l’obligation (le terme n’est pas un
élément nouveau). La jurisprudence considère que constitue une novation par
changement d’objet, la convention qui annule une vente antérieure et lui substitue une
autre(725).
Par contre, la souscription et la remise d’une lettre de change en paiement d’une
dette civile n’a pas pour effet de changer la nature de la dette et n’opère la novation par
elle-même, promesse de payer ce qui est dû en vertu de l’obligation première (726).
De même, la substitution d’un titre de créance à un autre titre périmé n’opère pas
novation même si l’import du nouveau titre est supérieur par suite de la reconnaissance
de la débition d’une nouvelle créance accessoire représentant les frais engagés par le
créancier pour obtenir payement de sa créance (727).
§4. Critique et intérêt actuel de la novation
I. Critique
La présentation de l’article 163 du Code civil, livre III en ses points 2 et 3, peut faire
croire que le changement de débiteur ou de créancier est une condition suffisante de
novation. En réalité il faut se référer à la notion même de novation pour affirmer qu’en
plus de ce changement de débiteur ou de créancier, la condition de nouveauté de dette
« c’est-à-dire de remplacement de la dette ancienne par une dette nouvelle reste
indispensable. Ce changement de dette vise non seulement la dette elle-même mais aussi

725 Elis, 4 mars 1958, RJCB 1958, p. 295


726 Léo, 5 novembre 1940, RJCB, 1941, p. 60
727 Trib. civ. Tanganyika, 1er décembre 1938, RJCB 1940, p. 117.
320

ses accessoires. C’est ce qui différencie sensiblement la subrogation de la novation. Par


ailleurs, sauf le cas de l’article 163 qui, d’après nous, ne se justifie pas, la novation
implique généralement le triple accord des créanciers et débiteur originaires avec le tiers
qui va remplacer l’un d’eux. Le paragraphe consacré aux effets de la novation mettra
encore en relief cette différence. Avant cela, disons-nous rapidement un mot sur l’intérêt
actuel de la novation.
II. Intérêt actuel
La novation est l’exemple de ces institutions de notre Code civil qui ne
s’expliquent que par le fait que notre code a été lui-même inspiré du droit romain et des
droits français et belge. Si elle est très utile à Rome tant que la cession de créance n’avait
pas été admise, elle a en tout cas perdu aujourd’hui beaucoup de son utilité pratique. Elle
n’occupe d’ailleurs dans les codes récents qu’une place très effacé.
Aujourd’hui en effet, l’existence de la cession de créance rend sans intérêt le
recours à la novation par changement de créancier : pourquoi ? Parce que les deux
institutions apparaissent très différentes du point de vue des effets.
La cession de créance entraîne l’attribution au cessionnaire de la créance avec
toutes ses garanties alors que la novation fait naître une créance distincte et les garanties
de la première sont éteintes avec elle. La cession de créance est un acte translatif, la
novation un acte extinctif et constitutif (728).
Cependant la novation par changement de débiteur peut, elle, être utilisée à défaut
de l’existence en droit de la « cession de dette ». En fin de compte, l’unique utilité pratique
que nous voyons à la novation, c’est qu’elle peut permettre de changer la nature ou les
conditions de l’obligation elle-même et ce entre les deux parties. Mais faut-il pour cet
unique intérêt recourir à une institution formaliste et à une réglementation si primitive
alors que le principe de liberté des conventions suffit à justifier et à expliquer une telle
opération ? (729).
§5. Effets de la novation
La définition même de la novation contient ses effets juridiques. La novation éteint
l’ancienne obligation et la remplace par une nouvelle. Il y a donc deux effets principaux.
I. Extinction de l’obligation originaire avec tous ses accessoires (art. 170)
Tous les accessoires qui accompagnaient l’ancienne dette disparaissent. Il s’agit
notamment des privilèges, hypothèques, cautionnement ainsi que des diverses actions qui
pouvaient appartenir au créancier (notamment l’action en résolution du vendeur pour
défaut de payement du prix).

728 Marty (G) et Raynaud (P), op. cit. n° 836 in fine.


729 Marty (G) et Raynaud (P), op.cit., n°832, p. 839.
321

Il faudrait relever aussi que les co-débiteurs solidaires sont libérés (art.173,
al.1)( ). C’est une différence importante avec la subrogation où les privilèges anciens
730

restent.
A cet effet principal, il existe des exceptions que les parties peuvent prévoir.
L’article 170 in fine signale en effet, que le créancier peut réserver à la nouvelle créance les
anciens privilèges et hypothèques, à condition que ce soit exprès : cette exception met
davantage en relief l’inutilité de cette institution (Novation) car si le créancier veut garder
ses anciens privilèges et hypothèques, pourquoi ne pas recourir à la cession de créance?
De plus, cette exception diminue même la force de l’institution qui suppose la
naissance d’un rapport d’obligation entièrement nouveau et donc indépendant des
accessoires (hypothèques...).
Une autre exception est prévue à l’article 172 du Code civil, livre III, relatif à la
novation en cas de dette solidaire. D’après cet article 172, en cas de dette solidaire, les
anciens privilèges et hypothèques ne peuvent être réservés expressément que sur les seuls
biens de celui d’entre les co-débiteurs solidaires qui a souscrit le nouvel engagement, les
autres co-débiteurs étant par principe libérés par la novation (731).
Enfin, l’article 173, alinéa 3 du Code civil, livre III prévoit une dernière exception.
Cette exception est inutile; elle ne fait que confirmer la liberté des parties de réserver ou
pas les accessoires de l’ancienne obligation conformément à l’article 170. Lorsqu’en effet le
créancier stipule le maintien des cautions ou des co-débiteurs solidaires, ceux-ci doivent
accepter la novation. Leur refus entraînerait la nullité de l’opération et par voie de
conséquence le maintien de l’obligation primitive.
II. Substitution d’une obligation nouvelle
L’obligation nouvelle qui remplace la première, règle seule désormais les relations
des parties. Cette obligation nouvelle naît avec ses caractères propres. Elle est toujours
contractuelle puisqu’elle résulte de la volonté des parties à la novation. Mais sa nullité
n’entraîne pas celle de la première obligation qui lui est indépendante.

Sous-Section 2 : Délégation

§1. Notion et hypothèse


La délégation est une opération par laquelle une personne, le déléguant, ordonne à
une autre, le délégué, de faire ou de s’engager à faire ou à donner une prestation à une
troisième, le délégataire.

730 Mazeaud (H, L et J), op. cit., n° 1228.


731 Mazeaud (H, L et J), op. cit., eodem loco
322

Créancier délégataire Débiteur originaire Déléguant


A B

C Délégué (secundus) = Nouveau débiteur


Par la délégation imparfaite, C a deux débiteurs, A et B, par délégation parfaite C
n’a que B comme débiteur. Le 1er rapport A - C tombe. Il y a novation par changement de
débiteur avec accord du débiteur originel.
Commentaire : ordinairement, la délégation intervient entre personnes que lient
des rapports juridiques antérieurs. Exemple : Primus (déléguant), débiteur de Secundus
(Délégataire) de 100.000.000 Fc vend un immeuble à Tertius (délégué) et charge celui-ci de
payer les 100.000.000 FC à Secundus.
Par l’effet du paiement que Tertius (délégué) fera à Secundus (délégataire), les
deux obligations entre Primus et Secundus d’une part et entre Primus et Tertius d’autre
part, seront éteintes. La délégation est utilisée entre commerçants.
Espèces de délégation
L’article 167 fait lui-même une distinction entre la délégation qui entraîne une
novation et celle qui ne l’opère pas. Aussi, appelle-t-on la première « Délégation parfaite »
ou délégation novatoire, l’autre « Délégation imparfaite ».
A. Délégation parfaite
En réalité, la délégation appelée parfaite est identique à la novation, elle est la
novation. La seule différence est qu’au point de vue de la délégation, la loi est plus
sévère ; elle exige que l’intention du créancier délégataire de libérer son débiteur soit faite
dans une déclaration expresse, alors qu’en ce qui concerne la novation ordinaire, il suffit
que l’intention résulte des circonstances et qu’elle soit claire.
B. Délégation imparfaite
Quand au contraire, le délégataire n’a pas manifesté sa volonté de décharger le
déléguant, on dit qu’il y a délégation imparfaite. Le délégataire aura donc désormais deux
débiteurs au lieu d’un. C’est le cas le plus courant car le créancier a ainsi beaucoup de
garanties de solvabilité.
Distinction de ces notions avec « l’indication » (art. 169)
La délégation doit être distinguée de la simple indication du payeur prévu par
l’article 169 du Code civil, livre III. Dans ce dernier cas, en effet, le débiteur n’a fait
qu’indiquer à son créancier la personne qui devra payer pour lui sans que celle-ci
s’engage personnellement vis-à-vis de ce dernier ; il n’y a donc dans ce cas qu’un simple
mandat.
323

§2. Conditions de la délégation


I. Délégation parfaite
Conditions de fond
La délégation parfaite est soumise aux conditions de fond ci-après :
1°. le triple consentement des parties déléguant doit être d’accord ;
2°. le délégué doit s’engager à payer (sinon indication) - le créancier doit accepter;
3°. l’animus novandi ou la volonté de nover;
4°. la validité des obligations (primitive et nouvelle).
Bref, toutes les conditions de la novation doivent être réunies.
Condition de forme
La délégation parfaite est subordonnée à la nécessité d’une déclaration expresse.
D’où sa particularité par rapport à la simple novation.
II. Délégation imparfaite
La délégation imparfaite requiert le triple consentement des parties. Mais le
délégataire n’a pas libéré le déléguant.
§3. Effets de la délégation
Il faut souligner surtout les effets de la délégation imparfaite qui est la plus
courante, mais tout d’abord voyons ceux de la délégation parfaite.
I. Délégation parfaite
Comme la novation, la délégation parfaite éteint l’obligation primitive avec ses
sûretés et libère définitivement le déléguant qui ne répond pas de l’insolvabilité future du
délégué.
Le déléguant reste lié à l’égard du délégataire en deux cas :
- si le délégataire a réservé de façon expresse son recours contre le déléguant (art.
168 in fine);
- si au moment de la délégation, le délégué était déjà en faillite ouverte (ou
règlement judiciaire), ou tombé en déconfiture. Il s’agit de l’insolvabilité actuelle.
Du point de vue de l’inopposabilité des exceptions, le délégué ne peut invoquer
contre le délégataire les exceptions dont aurait disposé le déléguant contre le délégataire
ou que lui-même aurait invoquées contre le déléguant. Exemples : la prescription contre le
droit du délégataire sur le déléguant; un vice caché ou toute cause de nullité relative dans
un rapport d’obligation du déléguant-délégataire ou déléguant-délégué.
Pourquoi le délégué ne peut-il pas invoquer ces exceptions contre le délégataire en
cas de délégation parfaite ? C’est que le rapport déléguant - délégué est indépendant du
rapport délégataire - délégué. De plus, ce rapport se trouve éteint par la novation. Mais le
324

délégué peut opposer contre le déléguant la nullité de l’obligation primitive, car comme la
novation l’exige, celle-ci doit être valable, mais il s’agit de la nullité absolue seulement.
Par ailleurs, les exceptions qui découlent du rapport délégué - déléguant sont
inopposables au délégataire car ce rapport lui est étranger.
II. Délégation imparfaite
1° Principal effet
Le délégataire aura deux débiteurs, le déléguant et le délégué, c’est-à-dire il ne
libérera pas le déléguant tant que le délégué ne l’aura pas payé. C’est une garantie contre
l’insolvabilité de l’un d’eux. Mais les deux obligations délégataire-déléguant et
délégataire-délégué sont indépendantes.
Application : Action de la victime contre l’assureur et l’assuré
2° Inopposabilité des exceptions à l’égard du délégataire
Ici aussi, les exceptions que le délégué aurait opposées contre le déléguant ne
peuvent être opposées au délégataire, les deux rapports d’obligation « étant maintenus et
distincts ».
325
326

Chapitre III : Modes légaux d’extinction des obligations

Dans ce dernier chapitre du titre consacré aux modes d’extinction des obligations,
il nous reste à étudier la confusion et la prescription extinctive.

Section 1: Confusion

§1. Notion
La confusion est la réunion, sur la même tête, relativement à une même obligation
des deux qualités de créancier et de débiteur. Elle éteint la créance, car on ne peut pas être
son propre débiteur. Il est bon de relever que notre Code civil en son article 192 commet
une erreur quand il parle in fine d’extinction de deux créances. En réalité, il n’y a qu’un
lien obligataire dont les deux aspects - créance et dette - disparaissent par confusion.
Hypothèse pratique de confusion
Créancier Débiteur
A B
Débiteur Créancier

Pratiquement, la confusion se produit lorsque l’une des parties devient l’héritière


de l’autre, soit pour le tout, soit pour partie. Il y a alors dans ces conditions, extinction
totale ou partielle de l’obligation.
§2. Conditions
Pour que joue la confusion, il faut :
1°. qu’il n’y ait qu’un seul lien d’obligation (c’est la différence avec la compensation);
2°. que les qualités du créancier et du débiteur soient réunies dans la même
personne (art. 192).
§3. Effets
L’article 193 de notre Code civil traite des effets de la confusion. Son effet unique
est l’extinction de l’obligation originaire. Il est important de noter que d’après la doctrine
la plus établie, la confusion n’éteint pas en réalité l’obligation de façon totale. Ce n’est
qu’un obstacle qui paralyse l’exécution de l’obligation tant pour les parties que pour les
tiers (732).
La confusion est notamment inopposable aux tiers qui ont acquis leur droit avant
sa réalisation. En effet, on estime en jurisprudence et en doctrine que l’obligation n’est que
« suspendue » et que si pour un motif ou un autre, les qualités de créancier et de débiteur

732 Mazeaud (H, L et J),op. cit., n°1139, p. 994


327

venaient à entrer dans des patrimoines distincts, l’obligation reprendrait vie et devrait
être exécutée.
Effets prévus par l’article 193 ou cas des co-obligés
L’article 193 du Code civil, livre III précise les conséquences normales de la
confusion quand il y a des co-obligés.
La dette principale éteinte, la caution est déchargée de son obligation; la confusion
profite donc à la caution (art. 193, al.1).
Inversement, le débiteur principal ne peut bénéficier de la confusion qui s’opère
entre le créancier et la caution, car la dette principale subsiste (art. 193, al. 2).
Les co-débiteurs ne peuvent profiter de la confusion survenant entre le créancier et
l’un d’entre eux que pour la part de celui-ci. En effet, ce n’est que dans cette mesure que
l’exécution de l’obligation est devenue impossible (733).

Section 2 : Prescription extinctive

Nous nous limitons à la prescription extinctive, la prescription acquisitive (ou


usucapion) n’étant pas visée.
§1. Notion et fondement
I. Notion
La prescription extinctive ou libératoire est un mode d’extinction des droits du
patrimoine résultant du non-exercice de ces droits par leur titulaire pendant un certain
laps de temps. Autrement dit, le débiteur est libéré de son obligation lorsque pendant un
laps de temps déterminé, le créancier a négligé d’agir pour en obtenir l’exécution. Le laps
de temps dont nous venons de parler, le délai de prescription aura donc une importance
capitale, car la libération du débiteur en dépendra.
Nature des droits et actions susceptibles de prescription
La prescription s’applique à la plupart des droits du patrimoine, aux droits de
créances et aux droits réels sur la chose. Echappent cependant à la prescription :
1°. le droit de propriété. Celui-ci ne s’éteint pas pour non usage sauf cas de
concession ou cession de terrain en valeur (Cfr loi Bakajika telle que modifiée à ce
jour);
2°. les droits intellectuels en général (propriété d’un brevet d’invention, d’une
marque déposée) sauf réglementation spéciale (734).

733 Sohier (A), op. cit.,T. II, n°663, p. 334


734 Loi n° 82-001 du 7 janvier 1982 régissant la propriété industrielle
328

Il faut noter que ce n’est pas seulement les droits du patrimoine qui s’éteignent par
le non usage : ce sont aussi toutes les actions réelles ou personnelles attachées à ces droits,
action en nullité, en résolution, révocation, etc.
Il faut dire que seule l’action en revendication échappe à la prescription extinctive.
II. Fondement
La prescription est une notion qui est très mal comprise dans notre mentalité
juridique congolaise. Nous voulons dire qu’elle est même inexistante dans nos milieux.
Un créancier considère toujours son droit comme ne pouvant jamais s’éteindre et l’on voit
souvent, dans les milieux traditionnels notamment, des réclamations dont l’objet remonte
à de nombreuses générations.
Dans la mesure où cette façon de concevoir les choses ne suscite pas de
nombreuses contestations ni des troubles de l’ordre public, on peut comprendre que la
prescription acquisitive ou extinctive ait été ignorée dans nos milieux. Par ailleurs,
l’ignorance de l’écriture empêcherait les contestations de documents qui, en Occident,
était l’une des raisons fondamentales d’instaurer et de maintenir la prescription.
En effet, la prescription se fonde en droit occidental sur la nécessité de maintenir
l’ordre public et la paix sociale. Ce fondement a été introduit chez nous.
On estime que l’ordre public et la paix sociale sont intéressés à la consolidation des
situations acquises. Lorsque le titulaire d’un droit est resté trop longtemps sans l’exercer,
il y a lieu de présumer que son droit est éteint. Et la prescription qui intervient évitera des
procès dont la solution serait rendue très difficile par le fait même que le droit invoqué
remonterait à une date éloignée.
La prescription dispense les débiteurs qui se sont acquittés de leur obligation, du
soin de conserver indéfiniment leurs quittances. Ces raisons valent spécialement pour les
prescriptions de droit commun (prescription trentenaire), mais on verra dans la suite qu’il
y a d’autres raisons qui justifieraient les prescriptions courtes (735).
§2. Durée de la prescription (736)
I. Prescription trentenaire
Le siège de la matière est l’article 647 du Code civil, livre III. Le délai habituel de la
prescription extinctive est de trente ans. Mais vu la mobilité actuelle des gens et des
choses, l’on tend à considérer ce délai comme trop long et l’on réclame son abaissement à
10 ou 20 ans. L’article 647 vise tant la prescription acquisitive que libératoire.

735 Julliot de la Morandière (L), op. cit., 848, p. 451


736 Pour le plan, voir Sohier (A), op. cit.,t. II et Julliot de la Morandière (L), op. cit. Weill (A), op. cit., n°1071 et s, p. 984
et s.
329

La deuxième partie de cet article concerne la possession et l’usucapion tandis que


la première concerne surtout l’extinction des actions ; elle vise donc la prescription
libératoire.
Actions visées
Rappelons que toutes les actions visées sont les actions réelles ou personnelles.
Ainsi, les actions réelles relatives aux droits d’usufruit, d’emphytéose, de superficie se
prescrivent par trente ans, en ce sens que ces divers droits se perdent par non usage à
l’écoulement de ce délai. Les actions personnelles dont toutes les actions en exécution
d’une obligation, les actions du créancier contre le débiteur ainsi que les droits nés d’une
décision judiciaire se prescrivent également par trente ans.
Quant aux actions civiles nées d’infractions, elles restent régies par les règles du
droit pénal. En effet, notre Code civil n’en dit rien.
Selon la jurisprudence, la règle de la prescription trentenaire doit recevoir son
application dans tous les cas où il n’y est pas dérogé par une disposition formelle (737).
II. Prescription décennale
La prescription par dix ans intervient dans deux cas déterminés. En effet, se
prescrivent par dix ans :
1°. les actions en nullité des conventions, intentées par l’une des parties contre
l’autre (art. 196 du livre III du Code civil). Il s’agit de la nullité relative;
2°. les actions en responsabilité contre un architecte ou un entrepreneur (art. 439)
intentées par le propriétaire d’un bâtiment en cas de ruine.
III. Prescription quinquennale
Cette prescription est réglementée par l’article 656 et surtout par l’article 657 du
Code civil, livre III.
Se prescrivent par cinq ans :
1°. les arrérages des pensions alimentaires (art. 657, al.1). Il faut noter que
l’expression « pension alimentaire » s’interprète dans un sens large. C’est ainsi
qu’elle s’applique au bail à nourriture, dont les prestations en nature auraient été
transformées en somme d’argent. La prescription quinquennale de l’article 657
n’est pas basée sur une présomption de paiement, mais sur une raison d’intérêt
public (738). L’alinéa 1er de l’article 647 a notamment été établi pour punir la
négligence du créancier et prévenir la ruine du débiteur par l’accumulation des
arrérages (739). C’est pourquoi, on estime que « le juge doit admettre la preuve de
libération résultant de cette présomption quoiqu’il fut constaté que la dette n’a

737 Elis, 18 avril 1936, RJCB 1936, p. 173 ; cass. b. 11 mai 1882, Pas. I, p. 125.
738 1ère inst. Elis, 3 juin 1937, RJCB 1938, p. 16. Comp. Elis, 23 juin 1917, RJCB 1931, p. 350
739 Sur l’interprétation de l’art. 637, cons. Elis., 5 février 1952, p. 66
330

pas été payée et quand bien même le débiteur en ferait l’aveu (740). Mais elle (la
prescription) n’a pas de raison d’être si elle ne peut être imputée au créancier(741) ;
2°. les loyers des maisons et le prix de ferme des biens ruraux (art. 657 al.2). La
prescription éteint non seulement la dette principale du loyer ou du fermage,
mais les obligations accessoires du locataire ou du fermier. En principe, tout bail
d’immeuble, quels qu’en soient le caractère et la durée, est soumis à cette
prescription. Par exception, l’action des hôteliers, à raison du logement qu’ils
fournissent, se prescrit, non pas par cinq ans, mais par six mois (art. 652)(742) ;
3°. les intérêts des sommes prêtées et généralement tout ce qui est payable par année
ou à des termes périodiquement plus courts. Ce troisième cas comprend une
série d’autres dont notamment (743) :
a) les intérêts conventionnels ou moratoires de toute créance quelconque;
b) les intérêts légaux et judiciaires;
c) « toute dette ayant le caractère d’un revenu », notamment les appointements,
les traitements des professeurs, des fonctionnaires, les honoraires d’avocats,
les dsamaires des employés, les commissions.Il faut même y ajouter la
bourse des étudiants.
La jurisprudence considère que l’article 657 du Code civil, livre III n’est pas
applicable aux dettes des sommes touchées à titre de mandataire pour un tiers, même si le
versement doit s’en faire mensuellement. Il s’agit là des dettes de capitaux (744).
4°. enfin, est également prescrite par 5 ans, l’action en restitution des pièces confiées
à un juge. L’article 656 dispose que « les juges sont déchargés des pièces cinq ans
après le jugement du procès ».
IV. Prescription annale ou par an et prescription de six mois
Dans les articles 652 et 653, le Code civil établit de nombreuses petites
prescriptions d’une durée de un an ou de six mois. Elles se fondent sur une considération
différente de celle qui explique la prescription ordinaire.
Ce qui a inspiré le législateur, c’est qu’il s’agit ici de dettes ordinairement non
constatées par un titre qui, en conséquence, sont acquittées dans un très bref délai et par
lesquelles il arrive souvent qu’on n’exige pas une quittance.
Il convient que la loi se mette en ce qui les concerne, d’accord avec l’usage, et
présume qu’au bout d’un temps assez court, la dette a été payée. Ces petites prescriptions

740 1ère inst. Elis, 3 juin 1937 précité.


741 Bruxelles, 15 février 1939, Pas. 1940, II, p. 78.
742 Sohier (A), op. cit., t. II
743 Sohier (A), op. cit. t. II
744 Elis., 5 février 1952, RJCB, p. 66
331

reposent donc sur une présomption de paiement (745). Elles sont cependant moins efficaces
que les présomptions ordinaires. En effet, il se peut que la présomption de paiement, sur
laquelle elle repose, soit contraire à la réalité. C’est pourquoi on permet au créancier à qui
on les oppose de déférer le serment au débiteur (art. 655).
Le serment que l’article 655 admet à l’encontre de cette présomption doit porter
sur la réalité même de payement et non sur la croyance à l’existence du payement
(serment de crédibilité) (746). Au contraire, la prescription ordinaire, reposant sur des
considérations d’ordre public protégerait le débiteur contre l’action du créancier, quand
même il serait prouvé en fait qu’il n’a pas payé sa dette. C’est donc à l’opposé de cette
courte prescription de l’art 653 qui n’a pas lieu lorsque la créance est établie par quelques
actes écrits ou lorsque le débiteur a reconnu sa dette (747).
A. Prescription annale (748)
Se prescrivent par un an :
1°. l’action des médecins, chirurgiens et pharmaciens pour leurs visites, opérations
et médicaments (art. 653, al. 1er);
2°. l’action des marchands, pour les marchandises qu’ils vendent aux particuliers
non marchands (art. 653, al.2);
3°. l’action des maîtres de pension, pour le prix de la pension de leurs élèves et des
maîtres, pour le prix de l’apprentissage (art. 653 al.3). Cette disposition concerne
les directeurs des pensionnats et les maîtres de pensions dont les pensionnaires
sont les élèves. Si ces pensionnaires n’étaient pas en même temps les élèves et
venaient simplement pour le logement et la nourriture, la prescription serait de
six mois comme nous le verront bientôt (cas des étudiants universitaires et des
instituts supérieurs qui logeraient loin de l’endroit où ils ont cours);
4°. l’action des domestiques qui se louent à l’année, pour le paiement de leur salaire
(art. 653 al.4). Mais souvent les domestiques louent leurs services au mois ou à la
journée, leur action se prescrit par six mois. D’après la jurisprudence, la
prescription annale ne s’applique pas au prix de location d’une voiture par un
commerçant à un particulier (749).
B. Prescription de six mois (750)
Se prescrivent par six mois :

745 1ère inst. Elis, 1er septembre 1938, RJCB 1939, p. 117; Léo, 25 août 1959, RJC 1961, p. 8
746 1ère inst. Elis, 1er septembre 1938, précité.
747 Léo, 25 août 1959, RJC 1961, p. 8.
748 Sohier (A), op. cit., t. II, par Orban, n° 1389
749 1ère inst. Stan., 20 septembre 1955, RJCB 1956, p. 324
750 Sohier (A), op. cit., t. II, par Orban, n° 1390
332

1°. l’action des maîtres et instituteurs des sciences et arts, pour les leçons qu’ils
donnent au mois (art. 652, al.1er). Si les leçons se donnaient au trimestre ou à
l’année, la prescription ne s’accomplirait que pour cinq ans, par trente ans, si elles
se donnaient moyennant un prix forfaitaire;
2°. l’action des hôteliers et traiteurs à raison du logement et de la nourriture qu’ils
fournissent (art. 652, al.2);
3°. l’action des ouvriers et gens de travail pour le paiement de leurs journées,
fournitures et salaires (art. 652 al.3). Cette disposition ne s’applique pas aux
entreprises qui se chargent de faire exécution des travaux sous leur direction et
leur responsabilité (751).
§3. Conventions relatives à la prescription (752)
Certaines conventions sont prohibées et d’autres permises.
I. Conventions prohibées
Deux types de conventions sont prohibées. C’est la renonciation anticipée à la
prescription et l’allongement du délai légal.
A. Renonciation anticipée de la prescription
D’après l’article 614 du Code civil, livre III: « On ne peut d’avance renoncer à la
prescription ». Cette prohibition est la conséquence du caractère d’ordre public de la
prescription. Elle s’applique non seulement à la prescription ordinaire, mais aussi aux
petites prescriptions fondées sur une présomption de payement (art. 652 et 653).
B. Allongement du délai légal
Les parties ne peuvent pas non plus allonger les délais de prescription établis par
la loi pour des raisons d’ordre public. C’est l’interprétation de l’art 614 qui nous permet
cette affirmation.
II. Conventions permises
Les conventions permises sont relatives à l’abréviation du délai légal et à la
renonciation à la prescription acquise.
A. Abréviation du délai légal
Si les délais de la prescription ne peuvent être allongés, la jurisprudence est à peu
près unanime à reconnaître qu’ils peuvent être abrégés par les parties, sans être toutefois
pratiquement supprimés. Des clauses de ce genre, dit-on en effet, favorisent la libération

751 Léo, 30 mars 1948, RJCB 1948, p. 170


752 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n° 854 et s., p. 455 et s.
333

du débiteur, et par conséquent, elles n’ont rien de contraire à l’ordre public (753).
Dérogeant au droit commun, ces clauses sont toutefois de stricte interprétation (754).
B. Renonciation à la prescription déjà acquise
Si le débiteur ne peut renoncer d’avance à la prescription, il dépend au contraire
de lui de renoncer à la prescription une fois celle-ci acquise (art. 614). Cette renonciation,
nous dit l’article 615 peut être expresse ou tacite. Une seule condition est requise chez
celui qui renonce à la prescription à son profit : la capacité est exigée parce qu’une telle
renonciation, bien que ne constituant pas à la vérité, une aliénation, n’en est pas moins un
acte aussi désavantageux qu’une aliénation (755).
§4. Point de départ de la prescription
La prescription commence à courir au profit du débiteur à compter du jour de
l’exigibilité de l’obligation, obligation arrivée à échéance. Donc tant que l’action n’est pas
ouverte, le droit du créancier ne peut se prescrire. Nous croyons personnellement que
l’expression « tant que l’action n’est pas ouverte » peut porter à équivoque. Elle fait croire
en effet qu’il faut absolument intentement effectif d’une action du créancier. Si telle était
la situation, on verrait des créanciers ne pas agir puisque leurs droits ne seraient jamais
prescrits tant qu’ils n’auraient agi. Ce serait précisément contraire à l’économie de la
prescription, la considération du jour de l’exigibilité de l’obligation comme point de
départ de la prescription nous paraît plus correcte.
Ainsi, une obligation à exécution immédiate commencerait à se prescrire au jour
d’exécution, tout comme les obligations affectées d’une modalité (condition ou terme) ne
commenceraient à se prescrire qu’à la réalisation de la condition ou l’échéance du terme
comme le prescrit l’article 644 du Code civil, livre III (756).
De la maxime « Contra non valentem agere non currit praescriptio »
Pour qu’un droit se prescrive, il faut non seulement qu’il soit né, mais qu’il puisse
être exercé. En généralisant cette idée tout équitable et conforme au fondement rationnel
de la prescription, la jurisprudence décide de la manière la plus compréhensive que toutes
les fois où une partie a été dans l’impossibilité d’agir à la suite d’un empêchement
quelconque résultant soit de la loi soit de la force majeure, soit même de la convention, la
prescription ne court point contre elle jusqu’au jour où cesse cette impossibilité. C’est en
ce sens qu’il faudrait comprendre également l’article 644 du Code civil, livre III.

753 Cass. fr. civ., 31 janvier 1950, D. 1950, 260


754 Kin, 22 août 1967, RJZ 1968, p. 171
755 Julliot de la Morandière (L), op. cit., n°857 in fine
756 Weill (A), op. cit., n° 1079 qui fixe ce point de départ à la date d’exigibilité de l’obligation. Kisangani, 4 avril 1972,
RJZ 1972, p. 159
334

§5. Interruption de la prescription


I. Notion
L’interruption de la prescription est la survenance d’un fait qui rend inutile tout le
temps écoulé. Il pourra bien y avoir lieu encore à une nouvelle prescription, mais il ne
pourra jamais plus être question de compléter l’ancienne dont le bénéfice est
irrévocablement perdu (757). Tout est à recommencer. Mais pour le même délai. Si la
prescription était de dix ans, la nouvelle prescription sera en principe de ce délai là (758).
II. Causes (art. 636)
Les causes d’interruption de la prescription libératoire peuvent résulter soit d’un
acte de poursuite du créancier, soit d’un acte de reconnaissance de la dette du débiteur.
1. Actes de poursuite du créancier (759)
Aux termes de l’article 638 du Code civil, livre III, une citation ou assignation en
justice, un commandement, une saisie, signifiés à celui qu’on veut empêcher de prescrire,
forment des causes l’interruption à la prescription libératoire.
2. Actes de reconnaissance
La reconnaissance tacite ou expresse de la dette par le débiteur interrompt tout
naturellement la prescription (Art 640). Le paiement partiel d’une dette équivaut à une
reconnaissance qui interrompt la prescription.
III. Effets
Les effets de l’interruption de la prescription découlent de sa notion même. C’est
que la prescription est brisée en ce sens que le temps qui a couru avant est neutralisé,
anéanti; si la dette n’est pas payée, la prescription ainsi interrompue va recommencer.
Cette prescription aura la même durée.
Mais il y a une exception concernant ce troisième effet pour les petites
prescriptions visées par les articles 652 et 653. En cas d’interruption de ces petites
prescriptions de six mois, l’on considère qu’il y a novation et le délai redevient celui de
droit commun, à savoir trente ans. L’article 654 vise les causes d’interruption telles que le
compte arrêté, c’est-à-dire la reconnaissance fait par le débiteur au bas d’une facture; la
cédule, qui est l’acte privé dans lequel le débiteur a reconnu sa dette; l’obligation qui est
l’acte notarié dans lequel figure cette reconnaissance (760).

757 Vigneron (R), Cours des obligations n°408 ; Julliot de la Morandière (L), op. cit. n°211 et s. Cette notion donne en
même temps des effets de l’interprétation.
758 Weill (A), op. cit., n°1084
759 Weill (A), op. cit., n°1085. Sur les causes interruptives de la prescription, v. Elis, 10 novembre 1945, RJCB 1945, p.
211 ; 5 avril1966, RJC 1966, p. 143
760 Art. 735 et 654 du Code civi,l livre III.
335

§6. Suspension de la prescription


I. Notion
La suspension est un temps d’arrêt pendant lequel la prescription sommeille en
vertu de la loi. Le temps antérieur à la suspension reste utile et on l’additionnera plus tard
au temps qui courra quand la cause de suspension aura cessé.
II. Causes
L’article 644 du Code civil qui prévoit ces causes est à notre sens complètement
inexact. Cet article est plutôt relatif au point de départ de la prescription, en explicitant
l’idée d’exigibilité de l’obligation ; il n’énumère pas les causes de suspension dans le sens
qui nous préoccupe. La doctrine et la législation étrangères énumèrent les causes liées à
des matières de droit notamment le droit des successions et des régimes
matrimoniaux(761). Citons néanmoins deux causes qui peuvent nous intéresser de façon
générale : la minorité du créancier et le caractère d’époux dans les rapports entre eux.
Lorsqu’il s’agit de prescription conventionnelle à brève échéance, les pourparlers
et discussions engagés entre parties doivent, suivant les circonstances de fait, être
considérés comme suspensifs de la prescription (762).
La prescription est suspendue au profit des mineurs (art. 235 du Code de la
famille). Ainsi, si en mourant, le de cujus contre lequel avait couru déjà vingt ans d’une
prescription trentenaire, laisse comme unique héritier un mineur de dix ans, cette
prescription est suspendue pendant huit ans, le temps nécessaire pour l’héritier (nouveau
créancier) de devenir majeur. Après ce temps, la prescription continuera pendant dix ans.
La prescription est suspendue aussi au profit des époux dans leurs rapports entre
eux. Cette disposition qui n’existe pas en droit congolais, se justifie par le désir de
maintenir la bonne entente entre les époux. Ainsi, si A a une créance contre la jeune fille B.
La prescription court déjà depuis dix ans. Si à ce moment il y a mariage, la prescription est
suspendue. S’il y a divorce par la suite, elle continuera à courir. Toute la question revient
à savoir si entre époux des obligations sont possibles.
§7. Effets de la prescription
Pothier dans son ouvrage « les obligations » (763) explique mieux les effets de la
prescription. La prescription, dit-il, n’éteint pas la créance », mais « la rend inefficace en
rendant le créancier non recevable à intenter l’action qui en naît (764). L’obligation est donc
privée de sa sanction à la suite de la prescription; elle est transformée en obligation
naturelle avec toutes les conséquences liées à cette dernière à savoir qu’elle redevient
parfaitement civile avec le paiement effectif de la dette ou avec la promesse de paiement.

761 Pour les exemples, cons. Vigneron (R), op. cit., n° 406.
762 1ère inst. Costermansville, 17 novembre 1933, RJCB, 1934, p. 35.
763 Pothier, Les obligations, n° 677.
764 En ce sens aussi Planiol (M), op. cit., VII, n°1246.
336

Il faut noter par ailleurs que l’application de la prescription n’est pas automatique.
Il faut, en effet que le débiteur manifeste sa volonté de se prévaloir de la prescription
accomplie à son profit. Cette manifestation de la volonté peut être expresse ou tacite. Mais
le juge ne peut pas d’office appliquer une prescription.
§8. Délais préfix
Certains délais sont imposés impérativement par la loi, sous peine de déchéance,
pour accomplir un acte ou faire valoir un droit. Ces délais sont à distinguer des délais de
prescription. Ils sont d’ordre public, les particuliers ne peuvent y renoncer et le juge doit
les appliquer d’office; ils ne comportent, en principe, ni suspension, ni interruption. Il
s’agit à titre d’exemple, des délais de procédure civile tels le délai d’appel, le délai
d’opposition, de pourvoi en cassation, etc; de certains délais de droit civil tels le délai
donné pour la célébration du mariage après publication, délai de viduité, délai de 60 jours
en ce qui concerne l’action relative aux vices rédhibitoires prévue par l’article 325 Livre
III), etc.
Ces délais sont préfix, c’est-à-dire fixés préalablement et impérativement par la loi.
337
338

TITRE III : MODALITES DES OBLIGATIONS ET OBLIGATIONS


COMPLEXES

Introduction

En général, le rapport d’obligation est simple.


A B
Mais il peut être affecté de modalités particulières. On entend par modalités des
obligations des manières d’être, des particularités qui peuvent affecter le rapport
d’obligation, soit dans sa naissance ou son anéantissement (c’est la condition) soit dans
son exécution (c’est le terme), soit encore dans la complexité (ou multiplicité) d’un de ses
éléments (objets, débiteurs, créanciers).
On examinera sous ce titre les modalités des obligations (sous-titre I) ainsi que les
obligations complexes (sous-titre II).

SOUS-TITRE I : MODALITES DES OBLIGATIONS

Les modalités des obligations qui seront abordées ci-après sont, d’une part la
condition (chapitre I) et le terme (chapitre II), d’autre part.

Chapitre I : Condition

Section 1 : Notion

La condition est un événement futur et de réalisation incertaine dont dépend soit


la naissance soit l’anéantissement d’une obligation et qui, dans notre droit, produit son
effet rétroactivement. C’est un événement futur (art. 66). A tort, l’article 70 du Code civil,
livre III emploie le mot « condition » pour désigner un événement actuellement arrivé et
encore inconnu des parties.
Un exemple illustre ceci : je vous vends telle voiture si vous êtes élu député dans
l’élection d’hier, dont nous ignorons le résultat, et en fait vous êtes élu. Il résulte de la
suite du texte qu’une obligation subordonnée à un tel événement n’est pas conditionnelle
mais pure et simple (765).
C’est un événement de réalisation incertaine (art. 66). On ne sait pas si l’événement
se produira ou non. C’est là le trait caractéristique de la condition, c’est par là qu’elle

765 La question présente un intérêt au point de vue des risques. Si dans l’exemple donné, la voiture est détruite par cas
fortuit avant que nous apprenions le résultat de l’élection, elle périra pour vous car la vente est pure et simple : si la
vente était considérée comme conditionnelle, elle périrait pour moi, en vertu de l’article 80. V. Pothier, Obligations,
n° 202.
339

diffère essentiellement du terme, lequel est inévitable. Ainsi, une obligation subordonnée
au décès d’une personne n’est pas une obligation conditionnelle, mais une obligation à
terme.
La condition ainsi prise a un sens bien technique et se distingue des acceptions
bien différentes que ce mot peut prendre. L’article 8 du Code civil, livre III parle de
« conditions essentielles pour la validité des conventions ». Il s’agit là des éléments
essentiels requis pour la formation des obligations contractuelles. Dans d’autres textes
notamment ceux relatifs aux donateurs, le mot « condition » est pris comme synonyme de
« charges imposées aux donataires ou au légataire ». On emploie aussi ce mot pour
désigner tout ce qui détermine le contenu du contrat ; ainsi, dans un contrat de vente, on
entend par « condition » du contrat, les stipulations relatives au prix, au lieu de paiement,
etc.
Il faut surtout se garder, lorsqu’il s’agit d’une obligation tirant son origine d’un
contrat, de confondre la véritable condition avec les éléments requis pour l’existence de ce
contrat. La « condition » est un élément accidentel, un élément adventice, qui suppose
déjà réunis les éléments constitutifs de l’obligation envisagée. En d’autres termes, il faut
que l’on puisse concevoir la formation de cette obligation sans cet élément ( 766). Cette
observation est très importante car seule la condition, au sens technique du mot, opère
avec effet rétroactif.
Par exemple, les droits et obligations découlant du régime matrimonial adopté par
les futurs époux dans leur contrat de mariage ne peuvent être considérés comme étant
créés sous « condition » que le mariage aura lieu. Tant que le mariage n’a pas lieu, le
contrat de mariage n’est qu’un simple projet, car on ne conçoit pas de régime matrimonial
entre gens qui ne sont pas encore mariés. Le mariage est ici un élément essentiel et non
une « condition ». Aussi les effets du contrat de mariage naîtront -ils au jour du mariage,
sans effet rétroactif.
Voici un autre exemple. Supposons que je m’engage à vous vendre ma maison
pour tel prix si, dans le délai de trois mois, vous déclarez acheter et que vous acceptiez
cette promesse. Un tel accord de volontés constitue un contrat unilatéral; il reçoit la
dénomination de « promesse unilatérale de vente ». Quels en sont exactement les effets?
Je suis tenu d’une obligation envers vous, obligation de faire, à savoir maintenir
ma promesse pendant trois mois en attendant votre bon plaisir. Quant à vous, vous n’êtes
aucunement lié par ce contrat, vous conserverez votre entière liberté. Si dans le délai de
trois mois vous vous déclarez acheteur - c’est que l’on appelle « lever l’option »- à ce
moment se formera entre nous un contrat de vente, par la réunion de votre volonté

766 Bufnoir, Propriété et contrat, p. 47 ; Josserand, op. cit.,t. I, n° 109 et 113, t.2 n° 738 et 1072, t. 3 n° 428 ; Ripert et
Boulanger, op. cit.,t.2 n° 1350 et 2423
340

d’acheter à ma volonté de vente incluse dans ma promesse ; à ce moment aura lieu le


transfert de propriété, et ce, sans effet rétroactif au jour de la promesse.
On a parfois prétendu que la promesse unilatérale de vente est déjà un contrat de
vente, contrat de vente conclu sous la condition suspensive du consentement de
l’acheteur, et l’on a conclu qu’au jour de la levée de l’option, le transfert de propriété a
lieu avec effet rétroactif au jour de la promesse. C’est là une erreur.
Le consentement de l’acheteur est un élément essentiel du contrat de vente
(« condition » au sens de l’article 8 du Code civil, livre III) et ne peut être pris comme
« condition » au sens technique de l’expression. Par conséquent, tant que le bénéficiaire de
la promesse n’a pas déclaré vouloir acheter, il n’y a pas de contrat de vente, pas même
conditionnelle, le contrat de vente ne se forme, et ce sans effet rétroactif, que le jour où le
bénéficiaire de la promesse, en levant l’option, consentira à acheter (767).

Section 2 : Differéntes espèces de conditions

§1. Condition suspensive et condition résolutoire


Cette division constitue la division principale des conditions. La condition est
suspensive ou résolutoire selon qu’elle suspend la naissance ou l’anéantissement de
l’obligation.
Essayons de mieux saisir la notion de condition suspensive en donnant quelques
exemples. J’achète votre maison située à Lubumbashi sous la condition que je sois nommé
dans cette ville à telle fonction vacante que j’ai postulée. Je vous donnerai 100.000 000 Fc
mais si vous réussissez à l’examen des obligations. Vous entrerez en possession de ma
maison si votre épouse arrive.
Voyons aussi quelques exemples de condition résolutoire : Vente entre A et B mais
la vente sera résolue si votre épouse n’arrive pas, je donne 1.000.000 Fc mais en stipulant
que la donation sera résolue si vous mourez avant moi. Voilà 100.000 Fc mais la donation
sera résolue si vous échouez à l’examen des obligations.
Au fond, la condition est toujours suspensive, puisqu’elle suspend tantôt la
formation de l’obligation, tantôt sa résolution. Ce que le Code civil appelle une obligation
sous condition résolutoire n’est autre chose, en réalité, qu’une obligation pure et simple
dont la résolution est sous condition suspensive. En faisant cette observation concernant
la terminologie du Code - dont nous continuerons à nous servir - nous n’entendons
d’ailleurs pas nier que les effets de la condition sont très différents suivant qu’elle
suspend la formation ou la résolution de l’obligation. Nous étudierons ces effets dans la
section 3.

767 Planiol (M) et Ripert (G), op. cit., t.10 n°175 et 181 ; Gaudemet, Obligations, p. 268 ; Aubry et Rau, op. cit., p. 349,
note 13.
341

§2. Condition casuelle, mixte, potestative


La condition peut être suspensive ou résolutoire. Mais d’après la nature de
l’événement, elle peut être casuelle, mixte ou potestative (768).
La condition est dite casuelle (art. 67 du Code civil, livre III) lorsque l’événement
dépend du hasard. Exemples : Si vous mourez avant moi. Si nous voyons un oiseau jaune.
La condition qui dépend exclusivement de la volonté d’un tiers est aussi une
condition casuelle. Exemple : Je vous donnerai ma maison si ma femme est d’accord.
La condition est dite mixte (art. 69 du Code civil, livre III) lorsque l’événement
dépend tout à la fois de la volonté d’une des parties contractantes et de la volonté d’un
tiers déterminé: si vous épousez telle personne.
En ce qui concerne la condition potestative, il faut distinguer la condition
simplement potestative et la condition purement potestative.
La condition simplement potestative (art. 68 du Code civil, livre III) est celle qui
fait dépendre l’obligation d’un événement qu’il est au pouvoir d’une des parties de la
faire arriver ou d’empêcher. Si je me marie, si vous abattez tel arbre, si je mange<.
L’obligation contractée sous une condition simplement potestative est valable même si
elle est potestative dans le chef du débiteur. Sans doute l’obligation dépend alors, dans
une certaine mesure, de la volonté du débiteur, mais elle dépend aussi, en parties, de
contingences qui s’imposeront peut-être à lui.
La condition purement potestative est celle qui fait dépendre l’obligation de la
seule volonté d’une des parties contractantes. C’est la condition si voluero, si volueris. Elle
dépend du bon plaisir de l’une des parties. Il n’y a pas ici d’influence d’autres
contingences.
Aux termes de l’article 72, l’obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous
une condition potestative de la part du débiteur. Malgré sa généralité, ce texte ne vise que
la condition purement potestative. Ainsi entendu, son prescrit se comprend sans peine. Ce
n’est évidemment pas s’obliger que de s’obliger si l’on veut. Il faut même reconnaître
qu’en réalité, il ne s’agit pas d’une condition, c’est le « consentement » même du débiteur
qui fait défaut (769).
On admet que la condition purement potestative, même de la part du débiteur,
n’annule pas l’obligation lorsqu’elle est résolutoire, la faculté que se réserve le débiteur de
résoudre par sa simple volonté n’empêche pas, dit-on, la formation du lien obligatoire(770).

768 La distinction des conditions casuelles et mixtes n’offre qu’un intérêt très réduit, lequel ne se manifeste que dans la
matière des donations.
769 Ripert et Boulanger, op. cit., t. 2, n° 1353.
770 V. note Wahl, S.1901, 1, 217 et jurisprudence y citée.
342

§3. Condition impossible, illicite, immorale


La condition impossible est celle dont la réalisation est absolument impossible soit
matériellement, soit juridiquement. On ne cite guère que des exemples d’école : faire un
triangle sans angles, émanciper un enfant à l’âge de douze ans< Certaines conditions qui
étaient impossibles avant à la suite des progrès techniques ne le sont plus aujourd’hui.
Les conditions illicites ou immorales sont celles qui violent la loi ou les moeurs.
Lorsqu’on parle d’une obligation soumise à une condition illicite ou immorale, on
n’entend pas viser le cas où le fait mis « in conditione » est illicite ou immoral, mais bien le
cas où la subordination de l’obligation à tel ou tel fait lui confère un caractère illicite ou
immoral.
Ainsi, une condition supposant l’accomplissement d’un fait illicite ou immoral
peut ne pas constituer une condition illicite ou immorale.
Donnons un exemple : Je vous promets une somme d’argent si je commets un
délit. Le fait est illicite, la condition est licite. D’autre part, un fait licite ou immoral peut,
lorsqu’il est inséré à titre de condition, constituer une condition illicite ou immorale. Un
exemple peut illustrer ceci : Je vous promets telle somme d’argent si vous ne vous mariez
pas. Le fait est licite, la condition est illicite du moins, en principe.
Mais quand pourra-t-on dire que telle condition donne à l’obligation un caractère
illicite ou immoral ? Il semble que l’on peut dire de façon assez exacte : il en sera ainsi
lorsque l’insertion de la condition aura pour effet ou bien une pression pour déterminer
autrui à un acte prohibé par la loi ou par les bonnes moeurs, etc. (Ex : Je ferai avec vous tel
contrat si vous commettez un délit) ou bien une entrave chez autrui du libre exercice de
ses droits essentiels, tels que droits publics, droits de la personnalité, etc. (Ex : Je vous
promets une somme d’argent si vous ne vous mariez pas). Encore faut-il observer que la
jurisprudence tient compte des circonstances et notamment de l’intention de la personne
qui a imposé la condition.
C’est principalement dans la matière de donation que la jurisprudence offre des
exemples de conditions illicites ou immorales.
Quant à l’effet des conditions impossibles, illicite ou immorales, le Code civil fait
une distinction entre les actes à titre onéreux et les dispositions entre vifs ou
testamentaires. Dans les actes à titre onéreux, la condition est nulle et rend nulle la
convention qui en dépend (art. 70 du code civil, livre III); tout tombe. Dans les
dispositions entre vifs ou testamentaires, la condition est réputée non écrite (art. 900 du
Code Napoléon), la condition est effacée et la disposition subsiste comme si elle était pure
et simple (771). Mais la jurisprudence étend la nullité aux actes à titre gratuit.

771 Art. 900 du Code Napoléon, « Dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles
qui seront contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites ».
343

Section 3 : Effets de la condition

Trois situations peuvent s’appliquer aux deux grandes divisions de la condition


suspensive et résolutoire : situation pendente conditione (§1), réalisation de la condition
(§2) et non réalisation (défaillance) de la condition (§3).
§1. Situation pendente conditione
I. Condition suspensive
Le droit affecté d’une condition suspensive existe-t-il ou non ? Il est incontestable
que le droit que l’on a en vue n’existe pas encore, puisque par définition, la condition
suspend la naissance même du droit (772). C’est ainsi que si A doit à B 500.000 Fc sous la
condition que tel événement arrivera, B n’est pas créancier de 500.000 Fc tant que
l’événement prévu ne sera pas arrivé. L’obligation conditionnelle ne peut pas donner lieu
à exécution forcée et, si le débiteur paie par erreur ignorant l’existence de la condition ou
la croyant réalisée, il peut exercer la répétition de l’indu.
Mais il est aussi incontestable que le titulaire d’un droit conditionnel a plus qu’une
simple espérance; il a déjà quelque chose qui constitue un élément de son patrimoine, qui
est transmissible entre vifs ou à cause de mort (art. 77 in fine) et qui lui permet d’exercer
tous les actes conservatoires (tels qu’inscription d’hypothèque, production dans une
procédure d’ordre, acte en vérification d’écriture) du droit qui naîtra peut-être (art. 78).
Faute d’un terme particulier dans notre langage juridique, on appelle ce « quelque chose »
un droit en germe (773). C’est un droit d’attente, un droit d’expectative.
II. Condition résolutoire
Le droit affecté d’une condition résolutoire naît et peut s’exercer immédiatement,
comme s’il était un droit pur et simple. Ce n’est que son anéantissement qui dépend de la
réalisation de la condition qui apparaît comme une épée de Damoclès.
§2. Réaliation de la condition
I. Principe : rétroactivité de la condition réalisée
La condition accomplie a un effet rétroactif au jour où l’engagement a été contracté
(art. 77 et 81). S’agit-il d’une condition suspensive, l’obligation est réputée être née comme
obligation pure et simple dès l’origine (774); s’agit-il d’une condition résolutoire, les choses
doivent être remises au même état que si l’obligation n’avait pas existé, statu quo ante
(pristin état).

772 Sur ce rapport, la terminologie de l’article 83 du Code civil, livre III est plus exacte que celle de l’article 79 alinéa 2,
du même Code.
773 On a comparé le droit affecté d’une condition suspensive à l’enfant simplement conçu, dont la personnalité est
encore incertaine (V. Appendice à Valin, Coutumes de la Rochelle, t. 3, p. 722 ; Galopin, Etat et Capacité, n° 66).
774 Elis, 1er avril 1916, Jurisprudence et doctrines coloniales 1927, p. 43 ; Kin, 10 sept. 1974, RJZ 1974, p. 79, note de
Dibunda Kabuinji
344
II. Principales conséquences et précisions
1° Une loi nouvelle est-elle survenue entre la date de la convention et celle de
l’accomplissement de la condition suspensive, l’obligation devra être considérée comme
ayant pris naissance avant la promulgation de cette loi, et sauf le cas de rétroactivité de la
loi nouvelle, continuera à être régie par la loi ancienne.
2° Le débiteur qui a payé par erreur une dette conditionnelle avant la réalisation
de la condition, ne peut plus exercer la répétition de l’indu; une fois la condition réalisée,
car la dette est censée avoir existé lors du paiement.
3° Les actes de disposition faits par le propriétaire sous condition résolutoire sont
anéantis et cette résolution réagit contre les tiers, sous réserve des dispositions protectrices
de leurs droits.
En ce qui concerne les actes d’administration et les perceptions de fruits, il existe,
on le sait, une tendance à les faire échapper à l’effet rétroactif de la condition.
Notons enfin que le principe de la rétroactivité de la condition n’est pas d’ordre
public ; les parties sont libres de l’écarter par leur convention(775).
On reconnaît que la rétroactivité de la condition (776) ne s’applique pas aux contrats
successifs : bail, contrat de travail, etc. Lorsque ces contrats sont résolus, il ne peut être
question de restitution des prestations réciproques effectuées dans le passé.
Dans ces contrats, l’exécution partielle de l’obligation de l’un des contractants
correspond exactement dans l’intention des parties, à l’exécution partielle de l’obligation
de l’autre (777).
§3. Non-réalisation (défaillance) de la condition
I. Condition suspensive
Quand il est acquis que la condition suspensive ne se réalisera pas, il est désormais
certain que le droit que l’on avait en vue ne prendra pas naissance. Les parties sont dans
la même situation que si elles n’avaient pas contracté, et il y a lieu à restitution des
prestations qui auraient été faites.
II. Condition résolutoire
Quand il est acquis que la condition résolutoire ne se réalisera pas, la menace
d’anéantissement disparaît et le droit qui était traité comme un droit pur et simple, le
devient à titre définitif.

775 Cass. fr. 10 février 1925, S. 1925, I. 62


776 Cette remarque n’a d’application pratique qu’en ce qui concerne la condition résolutoire. V. Planiol (M) et Ripert (G),
p. cit.,t. 7, n° 1039
777 Planiol (M) et Ripert (G), op. cit.,t.7, n° 1039.
345
346

Chapitre II : Obligation à terme

Section 1 : Notion et distinctions

§1. Notion
Le terme est un événement futur et de réalisation certaine qui suspend soit
l’exécution soit l’extinction d’une obligation et qui produit son effet sans rétroactivité.
De même que la condition, le terme est un événement futur, mais au rebours de la
condition, c’est un événement de réalisation certaine, un événement certain alors que la
condition est un événement incertain.
§2. Distinctions
On distingue trois catégories de termes : le terme certain et le terme incertain (I), le
terme suspensif et le terme extinctif (II), le terme de droit et le terme de grâce (III).
I. Terme certain et terme incertain
Le terme, bien que toujours certain quant à sa réalisation (certus an) peut, quant à
la date de sa réalisation, être certain (certus quando) ou incertain (incertus quando). Ex : Je
vous paierai 100.000 Fc le 1er janvier, c’est un terme certain (certus an, certus quando). Je
vous paierai 100.000 Fc à la naissance de mon deuxième fils : c’est un terme incertain
(certus an incertus quando).
La terminologie n’est pas heureuse, il serait préférable d’employer les expressions
« terme à échéance certaine » et « terme à échéance incertaine ».
II. Terme suspensif et terme extinctif
Le terme suspensif retarde l’exécution de l’obligation. Par exemple : Je vous paierai
100.000 Fc le 1er janvier. Le terme extinctif met fin à l’obligation. Par exemple : Une
personne s’engage à servir une rente à telle autre jusqu’au 31 décembre 2012. On peut
aussi s’engager à payer le loyer jusqu’au 30 avril 2010, date d’expiration du contrat de
bail. Il n’y a rien d’autre à dire du terme extinctif que de constater qu’il est une cause
d’extinction des obligations.
III. Terme de droit et terme de grâce
Le terme de droit est celui qui est établi par la volonté des parties (terme
conventionnel) ou accordé par la loi (terme légal). Le terme de grâce est celui qui est
accordé par le juge à un débiteur malheureux et de bonne foi. Tel n’est pas le cas de
débiteurs qui, étant en état de payer leur dû, font tout ce qui est en leur pouvoir pour
paralyser l’action de leurs créanciers (778).

778 Pour la notion de terme de grâce, voir aussi l’article 142 du Code civil, livre III.
347

Section 2 : Effets du terme

§1. Effets du terme de droit


I. Effets du terme extinctif
Il s’agit du terme qui met fin à l’obligation, à l’instar de la condition résolutoire,
mais sans rétroactivité.
On vise l’exécution de l’obligation jusqu’à la réalisation de tel événement futur. A
ce moment d’exécution, le paiement de l’obligation aura été définitif. Or on sait que le
paiement est un mode d’extinction de rapport d’obligation. Le terme extinctif indique le
moment de fin du paiement et équivaut donc à l’extinction de l’obligation.
II. Effets du terme suspensif
Le terme suspensif ne suspend point l’existence du droit, il en retarde simplement
l’exécution (art. 83 du Code civil, livre III) (779).
Son effet est très différent de celui de la condition suspensive qui, comme nous
l’avons vu, agit sur l’existence même du droit. L’axiome « qui a terme ne doit rien » ne
doit pas être pris au pied de la lettre; il veut simplement dire que le débiteur qui jouit
d’un terme stipulé en sa faveur ne peut pas être forcé de payer avant l’échéance du terme,
mais il n’en est pas moins immédiatement débiteur. Il en est bien ainsi que, si le débiteur à
terme paie d’avance, fût-ce dans l’ignorance du terme, il n’y a pas lieu pour lui à la
répétition de l’indu, car il n’y a pas indu (art. 84 in fine).
1. Bénéficiaire du terme suspensif
Le terme suspensif peut être établi dans l’intérêt exclusif du débiteur. L’article 85
du Code civil, livre III édicte une présomption en ce sens. Dans ce cas, le débiteur a le
droit d’y renoncer et de payer avant l’échéance.
Mais il peut être stipulé dans l’intérêt des deux parties. L’article 85 nous dit que
cela peut résulter d’une clause de l’acte (pareille clause se rencontre fréquemment dans les
contrats de prêt à intérêts) ou bien des circonstances. Dans ce cas, le débiteur ne peut
devancer le moment de sa libération, sauf accord du créancier ou si une clause du contrat
l’y autorise.
D’après une certaine doctrine, la présomption de l’article 85 serait nécessairement
écartée dans certains contrats, à raison de leur nature. On vise principalement ainsi le prêt
à intérêt et les emprunts d’Etat, de villes, etc.
Mais la jurisprudence ne suit pas cette doctrine ; sans doute le juge peut-il tenir
compte de la nature du contrat pour apprécier si l’intention des parties a été de rendre le

779 Lorsque le terme est stipulé dans l’intérêt unique du débiteur, il retarde l’exigibilité de la créance ; lorsqu’il est stipulé
dans l’intérêt des deux parties, il retarde à la fois l’exigibilité de la créance et la faculté de se libérer dans chef du
débiteur ; lorsque (cas très rare) il est stipulé dans l’intérêt unique du créancier, il ne retarde pas l’exigibilité de la
créance mais seulement la faculté de se libérer dans le chef du débiteur.
348

bénéfice du terme commun aux deux parties, mais il lui appartient de trancher
souverainement d’après les circonstances de chaque espèce. Aussi, ne saurait-on trop
conseiller aux parties de s’expliquer clairement.
Le terme peut enfin, mais c’est très exceptionnel, être stipulé dans l’intérêt exclusif
du créancier. L’article 508 du Code civil , livre III sur le dépôt en est bel exemple. C’est au
créancier qu’il appartient alors de renoncer au terme. Ex : Le créancier veut éviter le fisc et
souhaite n’avoir la somme qu’après le passage de celui-ci ou après le départ des membres
de famille qui le visitaient et dont il craignait qu’ils réclameraient la somme si elle était
versée en leur présence.
2. Déchéance du terme suspensif
Aux termes de l’article 86 du Code civil, livre III, « le débiteur ne peut plus
réclamer le bénéfice du terme lorsqu’il a fait faillite ou lorsque par son fait, il a diminué les
sûretés qu’il avait données par le contrat à son créancier. A ces cas, on est d’accord pour
en ajouter d’autres : la déconfiture du débiteur et la non réalisation, imputable au
débiteur, des sûretés promises par le contrat.
a. Faillite du débiteur
La faillite du débiteur est la constatation judiciaire qu’un commerçant a cessé ses
paiements. A dater du jugement déclaratif de faillite, le débiteur ne peut plus réclamer le
bénéfice du terme (art. 86 du Code civil), le créancier avait fait confiance au débiteur en lui
concédant un terme et, la faillite montre que cette confiance a cessé d’être justifiée.
A noter que c’est de plein droit que la déclaration de faillite entraîne l’exigibilité
immédiate des dettes à terme.
b. Déconfiture du débiteur
La déconfiture est l’état d’insolvabilité d’un non-commerçant. Bien que l’article 85
du Code civil, livre III ne la range pas parmi les causes de déchéance du terme, on est
d’accord pour lui faire produire cet effet. D’une part, il y a identité de motifs; d’autre part,
on peut tirer un argument d’analogie de l’article 290 du Code civil, livre III.
Toutefois, la déchéance n’opère pas cette fois de plein droit, comme en matière de
faillite. D’après la jurisprudence, elle doit être demandée en justice et ne peut remonter à
un jour antérieur à celui de la demande (780).
c. Diminution, par le fait du débiteur, des sûretés données par le contrat
La loi (art. 86) présume avec raison que c’est en considération de la sécurité qu’il
trouvait dans ces garanties spéciales que le créancier a fait confiance au débiteur. Il est
naturel que leur diminution due au fait du débiteur donne au créancier le droit d’exiger
de suite l’exécution. On remarquera que ces deux conditions sont requises, qu’il s’agisse
de sûretés données par le contrat, ce qui vise les hypothèques conventionnels, le gage et le

780 Josserand,op. cit., t. 2 n°732 ; Planiol (M) et Ripert (G),op. cit., t. 7 n°1014 ; RPDB, v° obligations, n° 326 et s.
349

cautionnement ou que ces sûretés aient été diminuées par le fait du débiteur, ce qui exclut
le cas où la diminution des sûretés proviendrait d’un cas fortuit.
d. Non-réalisation imputable au débiteur, des sûretés promises par le contrat
La jurisprudence assimile avec raison au cas précédent, la non- constitution,
imputable au débiteur, des sûretés, qui proviendrait d’un cas fortuit.
§2. Effets du terme de grâce
Notion et réglementation
Le terme de grâce est celui qui est accordé par le juge à un débiteur malheureux et
de bonne foi.
L’article 142 du Code civil, livre III règlemente le terme de grâce. Le juge peut
accorder un ou plusieurs délais (paiement par acomptes). Il le peut nonobstant toute
clause contraire. Les délais doivent être modérés et le juge doit user de ce pouvoir avec
une grande réserve.
Le juge doit tenir compte de la situation « des parties et non seulement de la
position du débiteur ainsi que des délais que le créancier a déjà, en fait, laissé au débiteur.
Les délais de grâce peuvent être accordés alors même que le créancier est muni d’un titre
exécutoire (autre qu’un jugement). L’octroi des délais de grâce peut être subordonné à la
dation de garanties.
Il faut ajouter que le débiteur ne peut obtenir un délai s’il est dans une situation
qui entraîne la déchéance du terme. Les causes de déchéance du terme de grâce sont les
mêmes que les causes de déchéance du terme de droit (781).

781 Voir ce chapitre, section II, 2.


350

SOUS-TITRE II : LES OBLIGATIONS COMPLEXES

Chapitre I : Obligations à objets multiples

Section 1: Distinction

La complexité, tenant à la pluralité d’objets, rend une obligation conjonctive,


alternative ou facultative, selon les distinctions qui suivent.
Ou bien l’obligation a pour objet plusieurs prestations dues cumulativement, c’est-
à-dire que toutes les prestations sont in obligatione et que le débiteur n’est libéré que par
l’exécution d’elles toutes. Exemple : Je m’engage envers vous à vous payer 1.000.000 Fc et
à vous livrer un cheval. On dit alors que l’obligation est conjonctive.
Ou bien l’obligation comprend deux ou plusieurs prestations dues sous une
alternative, c’est-à-dire que toutes les obligations sont in obligatione, mais que le débiteur
est libéré par l’exécution de l’une d’entre elles. Exemple : Je m’engage envers vous à vous
payer 1.000.000 Fc ou à vous livrer un cheval. On dit alors que l’obligation est alternative.
Ou bien l’obligation a un seul objet, mais le débiteur a la faculté de se libérer en
accomplissant une autre prestation, c’est-à-dire qu’une seule prestation est in obligatione
mais qu’une autre prestation est in facultate solutionis. Exemple : Je vous lègue tel meuble
mais mon héritier pourrait, s’il le préfère, se libérer en vous payant 500.000 Fc. On dit
alors que l’obligation est facultative (782).
Il apparaît que les deux questions, celle in obligation et celle de remplacement sont
connues à l’avance.
L’expression « obligation facultative » qui n’est pas très heureuse, car les deux
termes sont contradictoires, a été proposée au début du 19ème siècle par Delvincour pour
désigner cette figure juridique connue depuis les Romains. Elle a été adoptée par la
doctrine.

Section 2 : Effets

On examine sous cette section les conditions de libération du débiteur.


§1. Obligations conjointes
Le Code civil ne s’occupe pas des obligations conjointes et il n’y a rien de spécial à
en dire, sinon que le débiteur n’est libéré que lorsqu’il a exécuté toutes les prestations qui
en sont l’objet.

782 Mazeaud (H, L et J) et Chabas (F), Leçons de Droit civil, II, vol 1, n° 1049
351

§2. Obligations alternatives


Dans l’obligation alternative, nous l’avons dit, le débiteur est libéré par l’exécution
de l’une des prestations, qui sont toutes in obligatione (art. 87). Le choix appartient au
débiteur, s’il n’a pas été expressément accordé au créancier (art. 88).
Bien entendu, le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir une partie de l’une
et une partie de l’autre (art. 89). L’obligation est pure et simple, si l’une des deux choses
promises ne pouvait être l’objet de l’obligation (art. 90). La loi prévoit enfin le cas de la
perte de l’une ou de toutes les choses (art. 91 à 93). Les solutions qu’elles préconisent sont
logiques et équitables.
Selon la jurisprudence, peut être entendue comme une obligation alternative, la
clause prévoyant deux monnaies pour la libération du créancier avec choix pour le
créancier, soit pour le débiteur, de la monnaie dans laquelle l’exécution de l’obligation
s’effectuera (783).
§3. Obligations facultatives
Le Code civil ne s’occupe pas davantage des obligations facultatives. Ce silence
paraît surprenant, car les textes romains sont nombreux sur les questions qu’elles
soulèvent.
Dans l’obligation dite facultative, une seule prestation est in obligatione, mais le
débiteur a la faculté de se libérer au moyen d’une autre prestation. On la rencontre
surtout dans les legs. Il existe aussi des cas d’application dans l’article 275 de la loi n°
73/021 du 10 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et
régime des sûretés, telle que complétée et modifiée par la loi n° 80/008 du 18 juillet 1980.
§4. Différence entre obligations facultatives et alternatives
Entre les obligations facultatives et alternatives, il existe les principales différences
au point de vue de la demande en justice, de risques et de la nature de l’obligation.
I. Demande en justice
S’il s’agit d’une obligation alternative, le créancier ne peut borner sa demande à
l’une des choses, à moins qu’il ne possède lui-même le droit de choisir. S’il s’agit d’une
obligation facultative, il ne peut demander que la chose in obligatione et le tribunal ne
peut condamner le défendeur qu’à fournir cet objet. C’est ensuite au débiteur à user, s’il le
juge à propos, de la faculté qu’il a de se libérer par une autre prestation.
La faculté réside dans la solution et non dans l’obligation. Dans l’obligation, il n’y
a qu’une seule prestation.

783 Léo., 15 décembre 1942, RJCB 1943, p. 194


352
II. Risques
Dans l’obligation alternative, si avant le choix, l’une des choses périt par cas
fortuit, l’autre (ou les autres s’il y en a plus de deux) reste due. Dans l’obligation
facultative, si avant l’exécution, la chose in obligatione périt par cas fortuit le débiteur est
libéré.
III. Nature de l’obligation
Lorsque l’une des deux choses est mobilière et l’autre immobilière, dans
l’obligation alternative, il faut attendre l’option pour déterminer si la créance est mobilière
ou immobilière. Dans l’obligation facultative, c’est la nature du seul objet in obligatione
qui détermine la nature mobilière ou immobilière de l’obligation.
De même, l’illicéité de l’objet serait examinée dans l’obligation facultative
uniquement par rapport à l’objet in obligatione et non à celui in solutione.
353
354

Chapitre II : Obligation à débiteurs multiples

Lorsque l’obligation existe à charge de plusieurs débiteurs, il y a lieu de distinguer


selon que l’obligation est soit conjointe (sous-chapitre I), soit solidaire (solidarité passive,
sous- chapitre II), soit indivisible (sous-chapitre III).

Sous-chapitre I : Obligations conjointes

Section 1 : Principe de la divisibilité de la dette


La pluralité de débiteurs peut se rencontrer dès la naissance de l’obligation (par
exemple quatre personnes empruntent dix mille Fc) ou survenir après coup (par exemple :
quatre héritiers succèdent à un débiteur unique).

B FC 200.000
A B’ FC 150.000
500.000 FC B’’ FC 150.000
B’’’ FC 100.000
Dans l’une et l’autre hypothèse, le principe est que la dette se divise à tous égards
en autant de fractions qu’il y a de débiteurs, de telle sorte que chaque débiteur ne peut
être poursuivi que pour une part de la dette. L’obligation, qui est une en apparence, se
décompose en autant d’obligations isolées et indépendantes les unes des autres qu’il y a
de débiteurs.
L’expression « obligation conjointe » dont on se sert pour désigner cette situation
est assez mal choisie. Comme l’observe Planiol (784), « un créancier qui a stipulé de deux
débiteurs qu’ils répondront conjointement de la dette, pourra se trouver surpris
d’apprendre qu’ils sont en réalité ses débiteurs disconjoints. D’où, au lieu de parler
d’obligations conjointes, on devrait parler d’obligation « disjointe ».
Pour le cas de pluralité des débiteurs initiale, la solution que nous venons
d’énoncer n’est formulée expressément dans aucun texte, mais elle est traditionnellement
et unanimement admise et elle résulte, d’ailleurs, indirectement de la combinaison des
articles 98 et 100 du Code civil, livre III.
Pour le cas de pluralité de débiteurs survenue à la suite de succession, elle est
consacrée par l’article 118 du Code civil congolais, livre III.
Dans quelles proportions la dette se divise-t-elle ainsi dans les rapports du
créancier avec les débiteurs ? Au cas de pluralité de débiteurs originaires, la division se
fait en principe par têtes, à moins qu’il n’en ait été autrement convenu. Au cas où il y avait

784 T. 2 n° 716.
355

d’abord un débiteur, auquel plusieurs héritiers ont succédé, la division de la dette se fait
en principe dans la proportion de leurs parts héréditaires (renvoi à la matière des
successions) (785).

Section 2 : Conséquences du principe de la divisibilité de la dette

Du principe que, dans l’obligation conjointe, il y a autant de petites dettes


distinctes et indépendantes les unes des autres qu’il y a de débiteurs, il suit notamment les
conséquences ci-après :
1°. Le créancier ne peut demander à chaque débiteur (ou héritier du débiteur) que le
montant de sa part dans la dette. Par conséquent, si l’un des débiteurs (ou l’un
des héritiers du débiteur) est ou devient insolvable, le créancier ne peut pas
poursuivre contre les autres débiteurs (ou cohéritiers) le paiement de ce qu’il ne
peut recouvrer contre l’insolvable. L’insolvabilité de l’un ou de l’autre de
débiteurs (ou héritiers du débiteur) est ainsi à charge du créancier. Nous
soulignons tout spécialement ce point.
2°. La constitution en demeure de l’un des héritiers est absolument sans effets à
l’égard des autres.
3°. L’interruption de la prescription contre l’un des débiteurs n’est pas opposable
aux autres débiteurs.

Section 3 : Dérogations au principe de la divisibilité de la dette

Nous venons de voir que la divisibilité de la dette constitue le droit commun, des
obligations à pluralité de débiteurs. Mais, en fait, il arrive souvent que dans les rapports
du créancier et des débiteurs, cette règle de la fragmentation de la dette soit mise en échec.
C’est ce qui se produit, dans une plus ou moins large mesure, lorsque la volonté de
l’homme ou la loi ont rendu l’obligation « solidaire » du côté des débiteurs (solidarité
passive) ou lorsque la nature des choses ou la volonté des parties doit la faire considérer
comme « indivisible »(786).
L’article 119 du Code civil, livre III énumère cinq cas où il y aurait exception à la
règle de la division des obligations en dehors des cas de solidarité. Mais trois d’entre eux
(art. 119, 2°, 4° et 5°) sont des cas d’insolvabilité. Et les deux autres ne constituent pas des
dérogations à la règle de la division des obligations.

785 Les débiteurs multiples peuvent convenir d’une répartition sur des bases différentes dans leurs rapports entre eux,
mais ils ne peuvent l’imposer au créancier, si celui-ci n’y consent pas. Par contre, le créancier peut s’en prévaloir :
1° si les conditions de la stipulation pour autrui se trouvent réunies ; 2° par l’action oblique prévue à l’article 64. Voir
cependant le code de la famille qui prévoit la succession pour parts égales entre héritiers.
786 Voir ci-dessous les sous chapitres II et III.
356

En effet, dans le cas où la dette est hypothécaire (art 119,1°), celui des héritiers du
débiteur qui est propriétaire de l’immeuble hypothéqué n’est pas obligé de payer plus que
sa part mais il est tenu de laisser exercer le droit réel d’hypothèque, c’est-à-dire subir
l’expropriation forcée, et cela non en tant que débiteur mais en tant que propriétaire de
l’immeuble, tout comme il en serait si l’immeuble était passé aux mains d’un tiers non
obligé à la dette.
Par ailleurs, dans le cas d’une dette alternative des choses au choix du créancier
dont l’une est indivisible (art. 119, 3°), ce qui est indivisible c’est le choix quant à
l’obligation elle-même, elle sera divisible ou indivisible selon la nature de la chose qui
sera choisie (787).

Sous-Chapitre II : Obligations solidaires du coté des débiteurs (solidarité


passive)

Section 1 : Notion et analyse

§1. Notion de l’obligation solidaire


Il y a solidarité de la part des débiteurs lorsqu’ils sont obligés à la même chose, de
manière que chacun puisse être contraint pour la totalité et que le paiement fait par un
seul libère les autres envers le créancier (art. 98 du Code civil, livre III).
Ainsi dans l’exemple donné ci-avant, si les co-débiteurs B, B’, B’’ et B’’’ sont tenus
solidairement, A pourrait demander le paiement intégral c’est-à-dire 500.000 Fc à
n’importe lequel d’entre eux. On voit tout de suite que la solidarité en même temps
qu’elle est une facilité pour le créancier-puisqu’elle lui permet d’obtenir la totalité en
poursuivant un seul débiteur- est pour lui une garantie puisqu’il suffit d’un seul débiteur
solvable pour qu’il soit payé intégralement.
§2. Analyse de l’obligation solidaire
On discute depuis longtemps la question de savoir si, en cas de solidarité, il y a
une seule obligation ou plusieurs obligations. En réalité, l’obligation solidaire est tout à la
fois multiple et unique.
Elle est multiple sous le rapport des engagements contractés par différents co-
débiteurs. C’est ainsi que :
1°. la validité de l’obligation (vice de consentement, incapacité) s’apprécie
séparément pour chaque débiteur (788);
2°. l’extinction de l’engagement de l’un des co-débiteurs n’entraîne pas
nécessairement la libération des autres. C’est le cas de la remise de dette

787 Planiol (M), op. cit., t.2, n° 721


788 V.infra, Section 3; §2, b.
357

consentie par le créancier à un co-débiteur avec réserve de ses droits contre les
autres (ar.t 177);
3°. l’engagement de l’un des débiteurs peut être affecté d’un terme ou d’une
condition alors que celui des autres est pur et simple (art. 99).
L’obligation solidaire est unique en ce qui concerne la prestation qui en est l’objet.
C’est ainsi que l’exécution de la prestation par l’un des débiteurs libère les autres envers le
créancier (art 98 in fine). On exprime cette situation en disant qu’en cas de solidarité, il y a
unité d’objet et pluralité de liens.

Section 2: Sources de la solidarité passive

La solidarité entre débiteurs a deux sources : la volonté de l’homme (§1) et la loi


(§2).
§1. Volonté de l’homme
La solidarité peut être établie par une convention. A titre d’exemple, je lègue
1.000.000 Fc en ajoutant que mes trois héritiers seront tenus solidairement du paiement
de ce legs.
Etant une exception au droit commun, elle ne se présume pas. L’article 100 du
Code civil, livre III veut qu’elle soit expressément stipulée ; elle ne se présume pas de
termes sacramentels. Il suffit que la volonté des parties soit clairement manifestée. On
appliquera les règles ordinaires de la preuve.
Notons toutefois qu’en matière commerciale, nonobstant le principe de l’article 100
et d’après un très ancien usage, la solidarité se présume entre co-débiteurs d’une même
obligation contractuelle (789).
§2. Loi
La loi établit de plein droit la solidarité dans plusieurs cas. Citons notamment les
articles 460 (sur le prêt), 543 (sur le mandat) du code civil, livre III, 47 et 49 du décret du
20 juillet 1934 sur la lettre de change les billets à ordre et les protêts (790).

Section 3 : Effets de la solidarité passive dans les rapports du créancier avec les
co-débiteurs

§1. Effet principal de la solidarité


L’effet principal de la solidarité est que le créancier peut réclamer tout à chaque co-
débiteur (art. 98 du Code civil, livre III) étant entendu que la dette est éteinte quand il a

789 Bruxelles, 7 juin 1933, Pas. 1933, I. 168 ; Rev. Trim. 1934, p. 679 et références 4 citées, Cass. b., 3 avril 1952, Pas.
I, 498 ; Elis, 27 juin 1911, Jur. Congo, 1913, p. 43.
790 Les Codes Larcier RDC, t. III, vol. 1, Bruxelles, De Boeck & Larcier, 2002, p. 11.
358

reçu le tout. L’article 101 énonce, en conséquence, le droit d’élection du créancier. Le


créancier d’une obligation contractée solidairement peut s’adresser à celui des débiteurs
qu’il veut choisir. Le même article ajoute que le débiteur poursuivi ne peut opposer le
bénéficie de division, c’est-à-dire qu’il ne peut forcer le créancier à diviser ses poursuites
entre les co-débiteurs solvables.
Enfin, l’article 102 du Code civil, livre III précise que le créancier qui n’obtient pas
satisfaction par la première poursuite peut poursuivre les co-débiteurs dans l’ordre qu’il
lui plaît jusqu’à parfait paiement.
§2. Opposabilité des moyens de défense
L’obligation solidaire, avons-nous dit, est unique en ce qui concerne la prestation
qui en forme l’objet et multiple sous le rapport des engagements contractés par les
différents co-débiteurs. Aussi, quant aux moyens de défense susceptibles d’être opposés à
l’action du créancier, y a-t-il lieu d’examiner si, et dans quelle mesure, tel ou tel moyen de
défense peut être invoqué par le co-débiteur poursuivi (791) ?
Il y a des moyens qui sont communs à tous les débiteurs et d’autres qui ne peuvent
être invoqués que par certains d’entre eux.
A. Moyens de défense communs à tous les débiteurs
Il n’est pas douteux que tous les co-débiteurs peuvent invoquer :
1°. la dation en paiement (une chose en remplace une autre dans le paiement);
2°. la novation, même faite entre le créancier et un seul des co-débiteurs solidaires
(art. 173 al. 1) (792);
3°. la nullité résultant du caractère illicite de l’obligation ou de l’absence des formes
solennelles qui étaient requises;
4°. la nullité résultant d’une erreur commise par tous ou d’une violence ou d’un dol
pratiqué contre eux tous;
5°. le moyen tiré de l’existence d’une modalité (condition, terme) insérée au profit de
tous.
B. Moyens de défense pouvant être invoqués par certains débiteurs
On doit ranger dans cette catégorie les moyens de défense qui n’affectent que le
lien obligatoire de l’un (ou de quelques uns des co-débiteurs).

791 L’article 106 du Code civil, livre III dont la rédaction a été malencontreusement remaniée au cours des travaux
préparatoires, concerne cette question, mais sa terminologie très confuse en son caractère théorique le rendent
pour ainsi dire inutile. La solution du problème doit être cherchée dans l’analyse traditionnelle de l’obligation
solidaire ainsi que dans d’autres textes du code, qui contiennent à cet égard des solutions très précises, dont
certaines feront ci-dessous l’objet d’un examen spécial.
792 Ne pas perdre de vue toutefois que le créancier pourrait mettre pour condition à la novation que les autres
codébiteurs accéderont au nouvel engagement, auquel cas voir article 175 al.3.
359

Tels sont :
1°. le paiement fait par l’un d’entre eux (art. 98 in fine);
2°. le moyen tiré d’un vice qui n’existe que par rapport à l’un des co-débiteurs :
incapacité, erreur, dol, violence, ce moyen ne pourra être invoqué que par celui-ci
et les autres co-débiteurs ne pourront prétendre l’invoquer, pas même à
concurrence de sa part; si le co-débiteur intéressé fait annuler son engagement, il
y aura un co-débiteur de moins pour supporter le fardeau de la dette mais le
montant ne sera pas diminué ;
3°. le moyen tiré de l’existence d’une modalité (condition, terme) insérée au profit de
l’un des co-obligés, à l’exclusion des autres, lui seul pourra l’invoquer et, si la
condition suspensive ne se réalise pas, il y aura un co-débiteur de moins pour
supporter le fardeau de la dette, dont le montant ne sera pas diminué pour
autant.
C. Solutions concernant la compensation et la remise de dette (793)
1. Compensation
En partant de la double idée que la compensation opère de plein droit et qu’elle
équivaut à un paiement, on devrait décider que le co-débiteur poursuivi par le créancier
peut lui opposer en compensation non seulement ce que le créancier lui doit
personnellement mais encore tout ce que celui-ci peut devoir à un des autres co-débiteurs.
Telle n’est pas la solution du Code civil. L’article 186, alinéa 3, disposition remarquable,
porte que « le débiteur solidaire ne peut opposer la compensation de ce que le créancier
doit à son co-débiteur ».
Cette disposition a été ajoutée à la demande du tribunal (794) qui a fait remarquer
que si le débiteur poursuivi était autorisé à opposer la compensation opérée du chef de
son co-débiteur, ce dernier pourrait se trouver engagé lui dans des procès désagréables,
relativement à l’existence de sa créance, et à la question de savoir si elle est ou non
susceptible d’être opposée en compensation, il est naturel, ajoutait le tribunal, que la
compensation n’ait lieu entre deux personnes que pour ce qu’elles se doivent directement
l’une à l’autre.
Quelle que soit la pertinence de ces motifs, ce sont ceux de la loi, il en résulte que,
contrairement à l’opinion de certains auteurs, la compensation ne pourra pas être
invoquée par le défendeur jusqu’à concurrence de sa part dans la dette de celui des co-
débiteurs qui se trouve être créancier commun (795).

793 En ce qui concerne la confusion, voir art. 107 et 193 al.3 du Code civil, livre III. En ce qui concerne transaction, voir
Cass.b, 18 septembre 1941, Pas. I, 343 ; Gand, 30 septembre 1943, RCJB, 1947, p. 159, note H. Simon ; De Page
(H), compl. vol. II, p. 463.
794 Fenet,op. cit., t. 13, p. 162.
795 En ce sens Cass., b., 13 juin 1872, Pas. 1872, I, 289
360

Par contre, et ceci est unanimement admis, si le créancier a commencé par


poursuivre précisément celui dont il était lui-même débiteur et si celui-ci a opposé la
compensation, tous les autres co-débiteurs pourront se prévaloir de cette compensation, et
ce dans la mesure où elle éteint la dette.
2. Remise de dette
La remise de dette faite à l’un des co-débiteurs profite-t-elle à lui seul ou à tous ?
Le Code civil répond à cette question dans ses articles 176 et 177.
S’agit-il d’une remise de dette par remise du titre (ou de la grosse du titre) à l’un
des co-débiteurs, il résulte de l’article 176 que tous les co-débiteurs pourront l’invoquer.
Solution qui se comprend sans peine.
S’agit-il d’une remise de dette expresse faite par le créancier à l’un des co-
débiteurs, il faut distinguer selon que le créancier a ou non réservé ses droits contre les
autres. S’il n’a pas expressément réservé ses droits contre les autres, l’article 177, alinéa 1er
décide qu’une telle remise profite à tous. La loi présume ainsi qu’en remettant la dette à
l’un des co-débiteurs, le créancier a entendu faire une remise générale. Ce n’est pas sans
avoir hésité (796) que les auteurs du Code civil ont adopté cette solution dans l’exposé des
motifs (797) Pigot-Preameneu lui donne pour fondement la faveur de la libération.
Si le créancier a « expressément » réservé ses droits contre les autres, ceux-ci ne
seront pas libérés mais l’article 177, alinéa 2 décide qu’ils ne pourront plus être poursuivis
que déduction faite de la part du débiteur auquel a été faite la remise (798). Ils pourront
donc jusqu’à concurrence de cette part se prévaloir de la remise intervenue. Le motif
généralement invoqué pour justifier cette dernière solution est que, s’il en était autrement,
la remise de dette n’aurait pas d’efficacité à l’égard de son bénéficiaire, puisque les autres
restant obligés de payer sa part, auraient recours contre lui pour se faire rembourser (799).
§3. Effets secondaires de la solidarité
Les articles 103 à 105 du Code civil, livre III attribuent à la solidarité certains effets
que l’on a coutume d’appeler secondaires, mais qui en réalité sont aussi caractéristiques
de la solidarité que son effet principal.
I. Enumération
1° L’interruption de prescription à l’égard d’un co-débiteur produit effet à
l’encontre de tous (art. 104); il n’y a pas à distinguer selon qu’elle dérive d’une poursuite

796 Cons. Fenet, op. cit., t.2, p. 173 et 185 ; t.13, p. 19, 31 et 135 ; Comp. Pothier, obligations, n°275, 616 et 617. A
noter que le projet de code franco-italien des obligations, dans son article 139, admet la présomption contraire.
797 Fenet, op. cit. 13, p. 279
798 Lorsque la part réelle de ce débiteur dans la dette n’est pas une part civile, la question se pose de savoir quelle est
la part dont les codébiteurs sont déchargés. V.et comp., sur cette question controversée, Baudry, Obligations, t.3,
n°1792 et les auteurs y cités, Gand, 30 septembre 1943 et la note H. Simon, dans RCJB 1947, p. 159 et 78.
799 Planiol (M) et Ripert (G), op. cit. t. 7, n°1078 et 1312.
361

exercée par le créancier contre l’un d’eux ou de la reconnaissance de la dette faite


volontairement par l’un d’eux. Ceci résulte de l’article 641, alinéa 1er qui étend l’article 104
du Code civil, livre III.
2° La mise en demeure ou l’assignation de l’un des co-débiteurs produit son effet à
l’égard de tous les autres (art. 103 et 105). Il suffit donc au créancier d’adresser une
sommation à l’un des co-débiteurs pour que tous soient en demeure. En conséquence:
a) les intérêts moratoires courent au profit du créancier contre tous les co-débiteurs
à partir du jour où il a assigné l’un d’eux (art. 105 combiné avec l’art. 51);
b) si la dette a pour objet un corps certain, sa perte par cas fortuit après la mise en
demeure de l’un des débiteurs ne libère aucun des débiteurs (art. 103 rapproché
avec l’article 194).
Leurs obligations primitives dont l’exécution est devenue impossible se
transformeront en une obligation de dommages-intérêts. Si l’on poussait jusqu’au bout les
conséquences de ce principe, les co-débiteurs seraient tous tenus de tous les dommages-
intérêts de l’inexécution. Mais l’article 103 fait une distinction : les dommages-intérêts ne
sont dus par les autres co-débiteurs que jusqu’à concurrence de la valeur de la chose : les
dommages-intérêts supplémentaires (que la loi appelle les dommages-intérêts tout court),
par opposition au prix de la chose ne peuvent être réclamés qu’au co-débiteur en demeure
(800). Les auteurs du Code ont admis ainsi une distinction que Dumoulin avait imposée
dans le but de concilier deux textes romains.
3° La faute de l’un des débiteurs ayant entraîné la perte de la chose (dans les
obligations de corps certains) produit également ses effets à l’égard des autres dans la
même mesure que la demeure (art. 103 et rappr. 194).
II. Explication et extension des effets secondaires
Les effets secondaires de la solidarité peuvent se justifier par l’idée qu’ils
renforcent la garantie que la solidarité procure au créancier, et en même temps, entraînent
une diminution de frais qui profite en dernière analyse aux co-débiteurs solidaires.
Mais une partie de la doctrine en donne une autre explication et invoque à ce sujet
l’idée d’une représentation mutuelle des co-débiteurs, idée déjà énoncée par quelques
anciens auteurs. Les débiteurs solidaires sont censés s’être donné mandat réciproque de se
représenter dans leurs rapports avec le créancier. On précise la portée de ce mandat en
disant que les co-débiteurs sont constitués représentants les uns les autres, dans l’intérêt
du créancier, pour tous les actes qui ont pour objet de conserver la dette mais non pour
ceux qui tendraient à l’aggraver « ad conservandam obligationem sed non ad
augendam ». En effet, on peut ainsi rendre compte des solutions données ci-haut sauf
semble-t-il bien, celle concernant les intérêts moratoires.

800 En vertu d’une solution traditionnelle, on décide toutefois que les dommages-intérêts sont dus pour le tout par tous
lorsqu’il y clause pénale (Planiol,op. cit., t. 2, n°758).
362

Cette idée de représentation réciproque peut être un moyen commode de


systématiser les solutions de détails données par le Code civil. Mais on ne s’est pas borné
à cela. Certains auteurs, surpris en général par la jurisprudence, voient dans cette
conception une règle de droit et en tirent d’importantes conséquences dans le domaine de
la procédure civile. Ces nouveaux effets, qui ne reposent sur aucun texte, sont notamment
les suivants :
1°. le jugement rendu contre l’un des co-débiteurs est opposable à tous les autres
sauf s’il y a eu collusion entre le co-débiteur poursuivi et le créancier, ou si un
autre co-débiteur bénéficie de quelque exception à lui personnelle (801);
2°. l’appel interjeté par l’un d’eux profite aux autres. Cette théorie de la
représentation réciproque des débiteurs, élevée au rang de principe juridique,
nous a toujours paru contestable. Elle fit l’objet de nombreuses critiques et
réserves (802).
§4. Conséquences du décès d’un co-débiteur solidaire laissant plusieurs héritiers
Divisibilité de la dette solidaire

B FC 125.000
A 500.000 FC B’ FC 125.000
B’’ FC 125.000
B’’’ FC 125.000
On sait qu’en principe, au décès d’une personne laissant plusieurs héritiers, ses
dettes se divisent en telle sorte que chacun des héritiers ne peut être poursuivi par les
créanciers que dans la proportion de sa part héréditaire (art. 118).
La dette solidaire n’échappe pas à ce principe de la division des dettes
successorales. Lorsqu’une personne vient à mourir et que, dans le passif de sa succession,
figure une dette solidaire, chacun des héritiers ne peut être poursuivi par le créancier de
cette dette que pour une part proportionnelle de sa part héréditaire.
En supposant par exemple que Primus et Secundus soient tous tenus
solidairement d’une dette de 2.000.000 Fc et que Secundus vient à mourir laissant quatre
héritiers ayant parts égales dans sa succession, le créancier ne pourra réclamer à chacun
des héritiers que le quart de la dette (803).

801 Cons. RPDB, v° obligations, n°552 et s. ; De Page (H), t. 3 n°359, 980 et 991.
802 Voyez notes Tisser, S. 1893, I. 81 et 1894, I. 233 ; Colin et Capitant, t.2 n°703 et 704 ; De Page, op. cit., t. 3, n°358
et s.
803 Il s’agit qu’on l’observe bien du quart de la dette totale. En effet, ce qui figure au passif de la succession, c’est une
dette qui était poursuivie pour le tout ; chaque héritier peut être poursuivi pour un quart du tout. Pour plus de détails
concernant la combinaison des effets de la solidarité avec ceux de la division des dettes successorales. Cfr.
notamment Aubry et Rau, §298, texte en note 46 ; Beudant, t. 7 n°717 et s.
363

Cette solution traditionnelle est énoncée en ces termes dans l’article 117 du Code
civil, livre III : « La solidarité stipulée ne donne point à l’obligation le caractère
d’indivisibilité ».
On en aperçoit sans peine les conséquences dangereuses pour le créancier.
Reprenant notre exemple, et supposant que Primus et trois héritiers de Secundus soient
complètement insolvables, le créancier perdra les trois quarts de sa créance, malgré la
solidarité, puisqu’il ne pourra réclamer que 50.000 Fc à l’héritier solvable (804).
Il y a moyen d’empêcher cette division de la dette entre les héritiers d’un co-
débiteur décédé : c’est de stipuler l’indivisibilité, ainsi que nous allons le voir dans le
sous-chapitre suivant. Aussi, dans la pratique, le créancier stipule toujours que les co-
débiteurs seront tenus « solidairement et indivisiblement ».
§5. Distinction de l’obligation solidaire et de l’obligation in solidum
On a soutenu que, parmi les cas de solidarité « légale », il existerait deux espèces
de solidarité, l’une parfaite, c’est-à-dire produisant tous les effets énumérés ci-dessus, et
l’autre imparfaite qui n’entraînerait pas tous les effets de la solidarité. Cette opinion, à
laquelle Aubry et Rau ont apporté l’appui de leur haute autorité, est pour ainsi dire,
unanimement abandonnée aujourd’hui. La loi ne connaît qu’une seule espèce de
solidarité (805).
Mais autre est la question de savoir s’il n’existe pas des hypothèses où une
personne peut réclamer paiement total à chacune de plusieurs autres alors qu’il n’y a ni
solidarité ni indivisibilité au sens technique de ces expressions.
Cela ne paraît pas douteux. Le cas le plus typique est celui où plusieurs personnes
se sont portées caution d’une même dette. Elles peuvent être poursuivies chacune pour le
total (art. 564) et le paiement fait par une d’elles libère les autres envers le créancier.
Pourtant, elles ne sont pas solidaires entre elles. Cela résulte clairement du
rapprochement des articles 170, alinéa 3 et 177 du Code civil, livre III (806).
Pour désigner cette situation et d’autres semblables (ex : obligation des père et
mère de nourrir, entretenir et élever leurs enfants, obligation du déléguant et du délégué,
responsabilité collective pour cause inconnue en cas de dommage attribué à plusieurs
personnes, responsabilité in solidum des commettants et préposés, assureur de
responsabilité et responsable), on emploie l’expression d’obligation in solidum.

804 A noter toutefois que la séparation des patrimoines pourra éventuellement sauver toute sa créance si le codébiteur
défunt est mort solvable (renvoi au cours sur les successions).
805 Planiol (M) et Ripert (G), op. cit., t. 7, n° 1089.
806 V.les travaux préparatoires du Code dans Fenet, t.13, p. 86 et 87 ; t.15, p. 29, 42, 75 et 76 ; Pothier, obligations, n°
415.
364

Celle-ci se distingue de l’obligation solidaire en ce qu’elle n’a pour effets que ceux
résultant de l’obligation au tout et ne produit pas les autres effets propres à la
solidarité(807).
D’autre part l’obligation in solidum est de création prétorienne pour mieux aider
certains créanciers à bénéficier de leurs créances(808).

Section 4 : Effets de la solidarité passive dans les rapports des co-débiteurs entre
eux

§1. Répartition de la dette entre les co-débiteurs


L’obligation solidaire se divise entre les débiteurs qui n’en sont tenus entre eux
que chacun pour sa part et portion (art. 111 du Code civil, livre III).
En principe, on doit supposer que les parts de chacun sont égales, mais cette
égalité dans la répartition est écartée :
1°. si les co-débiteurs ont convenu d’une répartition sur une autre base;
2°. s’il est démontré que l’intérêt des parties dans l’affaire est inégal; (809);
3°. il peut même ainsi arriver que l’un d’eux doive supporter la charge intégrale de
la dette, c’est ce qui se produit lorsqu’un seul des co-débiteurs (A) était intéressé
à l’affaire et que les autres (B, C, D) se sont néanmoins engagés avec lui comme
co-débiteurs solidaires. C’est la situation prévue par l’article 114 du Code civil,
livre III. Dans cette hypothèse, vis-à-vis du créancier, ils sont tous des
codébiteurs solidaires, mais dans les rapports entre A, B, C, les trois derniers sont
considérés comme cautions de A, lequel doit supporter la charge intégrale de la
dette(810).
§2. Recours du co-débiteur qui a payé
Puisqu’en principe chaque co-débiteur ne doit supporter définitivement qu’une
part de la dette, celui qui a payé au-delà de sa part a un recours à exercer contre les autres.
Deux actions lui appartiennent à cet effet et il aura à choisir entre elles selon son intérêt.
Ce sont :
1°. l’action de mandat (lorsque les débiteurs se sont engagés solidairement par un
acte volontaire) ou de gestion d’affaires (dans les autres cas). Cette action est

807 Sur l’obligation in solidum, cons. Demolombe, t.26, n°295 ; Capitant, note au DP 1903, I, 402, Gaudemet,
obligations, p. 31 ; Ripert et Boulanger, éd. 1952, t.2, n°1884 ; note Mattheys, RCJB 1951, p. 187 ; Comp. De Page,
t.3, n°325 et 330.
808 M. Boris Starck (op. cit. n° 1882)considère cette solidarité judiciaire comme la 3 ème hypothèse de la solidaritéo.
809 En matière de solidarité aquilienne, on tient compte de la gravité des fautes.
810 Il ne faut pas confondre la situation prévue par l’article 114 avec celle résultant d’un cautionnement solidaire : la
caution solidaire reste une caution même dans les rapports avec le créancier.
365

purement chirographaire mais lui permet de réclamer les intérêts de ses avances,
depuis le jour du paiement, même si la dette n’était pas productive d’intérêts;
2°. l’action du créancier désintéressé qui, lui, advient par l’effet de la subrogation
légale (art. 149 al.3). Cette action lui sera utile lorsque la créance était munie de
certains avantages, notamment des garanties, dont il pourra ainsi se prévaloir.
§3. Division du recours
Le co-débiteur qui a payé la dette entière ne peut pas réclamer l’excédent de sa
part à l’un quelconque de ses co-obligés quitte à celui-ci de retourner contre un troisième,
sa part réduite, et ainsi de suite. Le co-débiteur d’une dette solidaire, qui l’a payée en
entier, doit diviser son recours et ne peut répéter contre les autres que les parts et les
portions de chacun d’eux (art. 112, al. 1er).
Supposons cinq co-débiteurs solidaires et que l’un d’entre eux ait payé le total de
la dette se montant à 100.000 Fc, il ne pourra répéter contre les autres, les parts étant
supposées égales, que 10.000 Fc.
Ce principe de la division du recours est général et s’applique même au cas où le
co-débiteur se présenterait comme subrogé à l’action du créancier. En vain le solvens
prétendrait-il que, puisque le créancier avait pu poursuivre pour le tout les autres
débiteurs, il a pouvoir de forcer l’un quelconque d’entre eux de rembourser tout ce qui
excède sa propre part dans l’obligation. Ce point avait fait l’objet d’un controverse dans
l’ancien droit. Les auteurs du code civil y ont mis fin en décidant formellement et sans
distinction, dans l’art 112 al. 1er que le co-débiteur qui a payé ne peut réclamer à chacun
des autres que leurs parts contributives dans la dette. On a voulu ainsi éviter une série de
recours successifs.
Ce serait d’ailleurs une erreur de croire que ceci enlève tout intérêt à la
subrogation. Le débiteur qui a payé conserve le droit d’invoquer les autres sûretés de la
créance. Par exemple, il y a quatre co-débiteurs solidaires : A, B, C et D. B a hypothéqué
son immeuble à la dette commune. Si A paye la dette, il aura, grâce à la subrogation,
l’avantage de pouvoir invoquer, à l’appui de son recours pour un quart contre B,
l’hypothèque constituée sur l’immeuble de celui-ci pour garantie de la dette.
Insolvabilité d’un débiteur
A ce principe que le co-débiteur qui a payé ne peut répéter contre les autres que les
parts et portions de chacun d’eux, la loi apporte une très importante dérogation pour le
cas où parmi les débiteurs, il s’en trouve un ou plusieurs qui étaient insolvables au
moment de la dette. Il serait injuste de faire supporter au solvens le poids intégral de cette
insolvabilité.
Aussi, l’article 112, alinéa 2 du Code civil, livre III décide-t-il que la perte
qu’occasionne cette insolvabilité se répartit par contribution entre tous les autres co-
débiteurs solvables et celui qui a fait le paiement. Soit une dette de 100.000 Fc contractée
366

par cinq co-débiteurs. Supposons que le solvens ne puisse rien recouvrer contre l’un des
co-débiteurs, qui était insolvable au moment du paiement, il pourra réclamer 25.000 (et
non pas seulement 20.000 Fc à chacun des autres.
On applique ainsi, pour le calcul, la règle des trois simples. Les 20.000 Fc qui
devaient être payés par le débiteur insolvable seront répartis par contributions entre trois
autres débiteurs solvables et le débiteur qui a payé. Mais lorsque l’insolvabilité intervient
en cas de renonciation à l’action solidaire envers l’un des débiteurs, l’article 113 règle la
répartition proportionnelle de cette insolvabilité en la faisant supporter à la fois par les co-
débiteurs solvables et même par ceux qui étaient précédemment déjà déchargés de la
solidarité par le créancier.

Section 5 : Remise de la solidarité

Le créancier peut renoncer à la solidarité sans renoncer à la dette. La remise de la


solidarité ne doit pas être confondue avec la remise de dette. Elle peut être expresse ou
tacite.
§1. Remise expresse
Elle peut être générale, c’est-à-dire s’adresser à tous les co-débiteurs. Et alors la
dette se divise entre eux à l’égard du créancier, comme si la solidarité n’avait pas été
stipulée. Mais elle peut aussi être individuelle, alors son effet est réglé par l’article 108 du
Code civil, livre III: le créancier conserve son action solidaire contre les autres, mais sous
déduction de la part de celui qu’il a déchargé de la solidarité pour cette part, il ne pourra
s’adresser qu’à ce débiteur. Voyez en outre l’article 113 du Code civil, livre III.
§2. Remise tacite
La loi induit la remise individuelle de diverses circonstances indiquées dans les
articles 109 et 110 du Code civil, livre III. Sans entrer en détail nous tirerons de ces textes
cette conclusion pratique : lorsque le créancier n’entend pas renoncer à la solidarité, il
évitera les mots « pour sa part » en délivrant quittance à un débiteur qui paie sa part de
capital ou d’intérêt ou en exerçant des poursuites contre l’un d’eux. Voyez aussi l’article
110 du Code civil, livre III.

Sous-Chapitre III : Obligations indivisibles

Section 1 : Généralités

§1. Transition et observation préliminaire


Nous avons dit qu’en cas de pluralité de débiteurs, le principe de la divisibilité de
la dette reçoit exception lorsque l’obligation est solidaire (solidarité passive) et lorsqu’elle
est indivisible. Nous abordons maintenant l’étude de cette seconde exception.
367

Lorsqu’il n’y a qu’un seul créancier et qu’un seul débiteur, la question de savoir si
l’obligation est divisible ou indivisible est pratiquement sans intérêt, car d’après l’article
142, al. 1er du Code civil, livre III, « le débiteur ne peut point forcer le créancier à recevoir
en partie le paiement d’une dette, même divisible ». L’article 118, première
phrase dispose: « L’obligation qui est susceptible de division doit être exécutée entre le
créancier et le débiteur comme si elle était indivisible. C’est la répétition du principe
inscrit dans l’article 142.
C’est seulement en cas de pluralité de débiteurs ou de la pluralité de créanciers
sans distinguer d’ailleurs selon que cette pluralité est initiale ou survenue après coup
qu’apparaît l’intérêt de l’indivisibilité. Ceci explique pourquoi avec tous les autres auteurs
modernes, nous ne nous occupons des obligations indivisibles qu’à propos de la pluralité
de débiteurs (matière qui fera l’objet du présent chapitre et de la pluralité de créanciers :
matière qui fera l’objet du chapitre suivant).
§2. Idée générale, rapprochement avec la solidarité passive
En cas de pluralité de débiteurs, l’indivisibilité comme la solidarité passive, fait
échec à la divisibilité de la dette et à ses conséquences dans les rapports de débiteurs avec
le créancier, mais l’une et l’autre ne le font pas dans la même mesure.
Ce qui distingue essentiellement et ce qui entraîne différence dans leurs effets,
c’est que la solidarité passive est voulue par les parties ou établie par la loi dans le but de
faciliter les poursuites au créancier et de le garantir contre l’insolvabilité de l’un des co-
débiteurs, tandis que l’indivisibilité, tout au moins dans sa notion originaire, est un
obstacle qui surgit en fait et procède de l’objet dû : elle n’a pas de but, étant fondée sur la
nature des choses (811).

Section 2 : Indivisibilité naturelle

§1. Définition
Dans sa notion originaire, l’indivisibilité a son fondement dans la nature des
choses et résulte d’un caractère inhérent à l’objet dû.
L’obligation indivisible est celle qui n’est susceptible d’exécution partielle parce
que la nature de l’objet est telle que cet objet ne peut être presté pour partie : c’est tout ou
rien. « Il y a des cas où l’esprit ne conçoit pas la possibilité d’une exécution partielle (art.
115). Par exemple : obligation de délivrer un animal vivant.
Dans d’autres cas, l’objet de l’obligation pourrait être promis par parties mais, tel
qu’il est dû, ne peut être presté partiellement (art. 116). Exemple : Obligation de construire
une maison, on pourrait comprendre que je m’adresse au maçon pour les murs, à un
charpentier pour les portes, à un ardoisier pour la toiture, mais si j’ai stipulé de deux

811 Planiol (M) et Ripert (G), op. cit., t.7, n° 1098.


368

entrepreneurs, « une maison », il n’y a de maison que lorsqu’elle est construite en entier :
un tiers ou un quart de la maison ne me procurera pas un tiers ou un quart de l’utilité que
doit me procurer la prestation totale (812).
D’après la jurisprudence, quand deux co-propriétaires ont dans un contrat
d’entreprise souscrit une obligation à la fois le même jour dans le même acte sous
l’appellation commune « les propriétaires », cette obligation est indivisible (813).
§2. Effets de l’indivisibilité
Le principal effet de l’indivisibilité est indiqué par l’article 120 du Code civil, livre
III, aux termes duquel chacun des débiteurs d’une dette indivisible en est tenu pour le
total. Chacun des débiteurs pourra donc être poursuivi pour le tout.
En vertu de l’article 123 du Code civil, livre III, le débiteur assigné pour le total
peut demander un délai pour mettre en cause ses co-débiteurs et exiger qu’ils soient
condamnés au paiement en même temps que lui, à moins que la dette ne soit de nature à
ne pouvoir être acquittée que par lui. On reconnaît que, dans ce dernier cas, il jouirait
néanmoins de l’exception dilatoire prévue par l’article 27 du Code de procédure civile
pour faire mettre en cause ses co-débiteurs et faire statuer sur son recours contre eux.
L’effet principal de l’indivisibilité est ainsi le même que celui de la solidarité
passive mais, pour le surplus, l’indivisibilité provenant simplement de ce que la
prestation n’est pas susceptible d’exécution partielle, les effets sont mesurés sur cette
impossibilité. Nous allons voir qu’ils sont à certains égards moins étendus et à d’autres
égards plus étendus que ceux de la solidarité. Nous n’insisterons que sur les points les
plus importants.
I. Effets moins étendus
Les effets secondaires de la solidarité ne se produisent pas au cas d’indivisibilité
(sauf pour l’interruption de la prescription - Art 164 al.2 - ce qu’on peut expliquer
pratiquement par le souci de dispenser le créancier de faire des frais qui viendront
augmenter la charge de la dette). Cette différence tient à ce que, comme nous venons de le
dire, les effets de l’indivisibilité ne se produisent que dans la mesure où ils sont
inévitables, tandis que ceux de la solidarité ont été développés dans le sens de la plus
grande utilité pour le créancier (814).
II. Effets plus étendus
En cas de mort du débiteur d’une obligation indivisible, chacun des héritiers reste
pour le total (art. 121). Ceci tient à ce qu’il y a ici un obstacle insurmontable à la division

812 Nous nous expliquons plus loin sur l’indivisibilité « conventionnelle ».


813 1ère inst. Elis, 11 août 1927, RJCB 1927, p. 80.
814 Planiol (M),op. cit., t.3, n° 804
369

de la dette. Nous avons vu qu’au contraire, en cas de solidarité, la dette solidaire se divise
entre les héritiers d’un co-débiteur qui vient à décéder.
De là résulte que l’indivisibilité constitue en fait une garantie supérieure à la
solidarité : le créancier échappe par elle au péril de la division de la dette entre les
héritiers et ses co-débiteurs. Observation capitale car elle va nous servir à comprendre le
rôle que l’on fait jouer à l’indivisibilité conventionnelle dont il nous reste à parler. C’est
pourquoi nous avons indiqué les effets de l’indivisibilité avant de traiter de l’indivisibilité
conventionnelle.

Section 3 : Indivisibilité conventionnelle

§ unique : Notion et rôle


Lorsque l’objet de l’obligation est, à tous les égards, divisible (par exemple une
somme d’argent), les parties peuvent convenir expressémment ou tacitement que
l’obligation sera exécutée par tous les débiteurs et tous leurs héritiers comme si elle était
indivisible. C’est l’indivisibilité conventionnelle (815).
Le Code civil a prévu lui-même la convention expresse d’indivisibilité dans
l’article 119, alinéa 4, qui vise la clause par laquelle l’un des héritiers du débiteur - et par
conséquent l’un quelconque de ses héritiers- est chargé de l’exécution totale de
l’obligation (816).
Le créancier qui dicte l’indivisibilité conventionnelles le fera peut-être parce qu’il a
besoin de toute la prestation en une fois et qu’une prestation partielle ne lui procurerait
pas une utilité proportionnelle à celle qu’il attend de la prestation totale par exemple, il a
besoin de telle somme pour tel emploi déterminé. Dans de tels cas, l’indivisibilité
conventionnelle cadre bien avec l’indivisibilité naturelle, la seule différence consiste en ce
que ce n’est plus la nature de l’objet dû mais telle fin poursuivie par le créancier qui rend
impossible une exécution partielle.
Mais, le plus souvent, le créancier stipulera l’indivisibilité conventionnelle pour
compléter les effets insuffisants de la solidarité : alors l’indivisibilité est détournée de sa
véritable notion; elle devient comme la solidarité passive conventionnelle, une garantie
dérivant arbitrairement de la volonté des parties.
Voici un exemple qui montre la grande utilité de cette clause d’indivisibilité :
Primus et Secundus s’engagent « solidairement et indivisiblement » à me payer 100.000

815 Si le paiement ne peut avoir lieu alors pour partie, ce n’est point par suite d’une impossibilité inhérente à la prestation e lle-même et parce
qu’un pareil paiement dénaturerait l’objet de cette prestation, mais parce qu’il porterait atteinte aux droits du créancier f ondés sur la
volonté expresse ou tacite des contractants (Aubry & Capitant, op. cit., t.2, n°714) ; Liège, 20 janvier 1933, Pas. 1933.2.124.
816 Une telle clause ne constitue pas un acte sur succession future, pourvu qu’elle ne modifie pas la part que chacun
des héritiers du débiteur devra supporter définitivement dans la dette (Voir art. 119, dernier alinéa, in fine ; Colin &
Capitant, op. cit., t. 2, n° 714). Liège, 20 janvier 1933, Pas. 1933. 2. 124.
370

Fc. Primus meurt laissant cinq héritiers. Je pourrai réclamer à un quelconque de ces
héritiers 100.000 Fc. Si même Secundus et quatre héritiers sont insolvables, je pourrai me
faire payer intégralement par le seul héritier solvable.
Un mot de l’indivisibilité conventionnelle tacite : Elle est visée par l’article 199,
alinéa 5 du Code civil, livre III, dans lequel il faut omettre les mots « de la nature de
l’engagement » qui, de l’avis de tous les auteurs ne signifient rien, et les mots « de la chose
qui en fait l’objet » qui font double emploi avec l’article 115 du même Code; et s’attacher
uniquement aux mots de la fin qu’on s’est proposé dans le contrat. Nous dirons donc
l’intention des parties de rendre indivisible une obligation indivisible par son objet, peut
être présumée à raison de la fin qu’elles se sont proposées.
Voici l’exemple classique : se faire promettre une somme d’argent (prestation
essentiellement divisible) en indiquant que c’est pour exercer un réméré. Que le
promettant meure et que l’un de ses héritiers offre une partie de la somme promise, le
créancier ne retirerait pas de cette offre une utilité proportionnelle à celle qu’il entendait
retirer de l’exécution totale. Il lui faut la somme entière pour pouvoir exercer le réméré.
C’est pourquoi il pourra réclamer à l’un quelconque des héritiers la somme totale, qui lui
est nécessaire pour réaliser le but poursuivi.
371
372

Chapitre III : Obligations à créanciers multiples

Lorsque l’obligation existe au profit de plusieurs créanciers, il y a lieu de


distinguer selon que l’obligation est conjointe ou solidaire (solidarité active) ou
indivisible.

Section 1 : Obligations conjointes

La pluralité de créanciers peut se rencontrer dès la naissance de l’obligation (par ex


: quatre personnes prêtent à une autre 500.000 Fc) ou survenir après coup, ordinairement
à la suite du décès du créancier (par ex : quatre héritiers succèdent à un créancier unique).
Schéma

200.000 FC A
50.000 FC A’ 500.000 Fc
B
150.000 FC A’’
100.000 FC A’’’

§1. Principe de la divisibilité de la créance


Dans toutes les hypothèses, le principe est que la créance se divise à tous égards en
autant de fractions qu’il y a de créanciers, de telle sorte que chaque créancier n’a droit de
réclamer qu’une partie de la créance. Il existe autant de créances isolées qu’il y a de
créanciers, et chacune d’elles a un sort indépendant de celui des autres.
De même qu’en matière de pluralité de débiteurs (817), on emploie l’expression
« obligation conjointe » pour désigner cette situation, qui constitue le droit commun des
obligations à pluralité de créanciers.
Cette règle de la divisibilité n’est nulle part énoncée formellement dans le Code
civil pour le cas de pluralité de créanciers initiale, mais elle est traditionnellement et
unanimement admise et elle résulte, d’ailleurs indirectement, de l’article 95 du Code civil,
livre III. Pour le cas de pluralité de créanciers survenue à la suite de succession, elle est
consacrée par l’article 118 du Code civil, livre III.
Dans quelle proportion la créance se divise-t-elle ainsi dans les rapports du
créancier avec le débiteur ? Au cas de pluralité de créanciers initiale, la division se fait en
principe par tête, à moins qu’il n’en ait été autrement convenu. Au cas où il y avait
d’abord un créancier unique auquel plusieurs héritiers ont succédé, la division de la
créance se fait en principe dans la proportion de leurs parts héréditaires.

817 V. le sous-chapitre précédent.


373

§2. Conséquences de la divisibilité de la créance


Du principe que, dans l’obligation conjointe, il y a autant de créances distinctes et
indépendantes les unes des autres qu’il y a de créanciers, il s’ensuit notamment que :
1°. chaque créancier ne peut réclamer au débiteur que la part dont il est créancier;
2°. la mise en demeure du débiteur par l’un des créanciers ne produit aucun effet au
profit des autres créanciers;
3°. l’interruption de la prescription ne profite qu’au créancier qui l’a faite.
Tel est le droit commun des obligations à pluralité de créanciers. Il y a exception
lorsque l’obligation est solidaire du côté des créanciers (solidarité active) ou lorsqu’elle est
indivisible.

Section 2 : Oligation solidaire du coté des créanciers (Solidarité active)

L’article 95 du Code civil, livre III nous donne à la fois la notion et les effets
juridiques de cette hypothèse : « L’obligation est solidaire entre plusieurs créanciers
lorsque le titre donne expressément à chacun d’eux le droit de demander le paiement du
total de la créance, et que le paiement fait à l’un d’eux libère le débiteur encore que le
bénéfice de l’obligation soit partageable et divisible entre les divers créanciers».
La solidarité entre créanciers peut résulter d’une convention ou d’un testament.
Cette solidarité qui permet à l’un des créanciers de demander au débiteur le total de la
dette, quoiqu’il ne soit pas seul créancier se rencontre rarement dans la pratique. Et cela se
comprend. On ne voit guère l’intérêt que peuvent avoir les créanciers à reconnaître le
droit d’exiger le paiement total et au contraire, on voit très bien le danger auquel ils
s’exposent ainsi, car ils courent le risque de voir l’un d’eux dissiper la somme et se rendre
insolvable après avoir touché le tout. Si le besoin s’en faisait sentir, il sera toujours temps
pour les créanciers de donner à l’un d’eux mandat de recevoir l’intégralité de la créance.
Le mandat n’offre pas les inconvénients de la solidarité active, il est révocable et ne passe
pas aux héritiers.
Les effets de la solidarité active sont les suivants :
1°. chaque créancier peut demander le paiement de la créance entière au débiteur
étant entendu que le paiement fait à l’un d’eux libère le débiteur (art. 95) ;
2°. tant qu’il n’est pas poursuivi, le débiteur peut payer au créancier qu’il lui plaît de
choisir (art. 96, al. 1er);
3°. l’interruption de prescription faite par l’un des créanciers profite à tous (art. 97);
On est d’accord pour étendre cette solution à la mise en demeure.
Mais le pouvoir de chaque créancier ne regarde que le recouvrement ou la
conservation de la créance commune. Il ne peut rien faire qui empire la situation des
374

autres. C’est ainsi que la remise de la dette qui est faite par l’un des créanciers solidaires
ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier (art. 96, al. 2).
La solidarité active n’empêche pas l’obligation d’être divisible entre les héritiers de
chaque créancier. Si donc, l’un des créanciers meurt laissant plusieurs héritiers, la créance
totale se divisera entre les héritiers et chacun d’eux ne pourra demander qu’une part dans
le total correspondant à sa part héréditaire (818).
Quand l’un des créanciers a touché le total, il doit en remettre la part à chacun de
ses co-créanciers, part déterminée d’après leur convention ou l’origine de leurs droits.

Section 3 : Obligations indivisibles

En cas d’indivisibilité naturelle, chaque créancier et chaque héritier du créancier


peut poursuivre pour la totalité l’exécution de l’obligation indivisible (art. 122, al. 1 er du
Code civil, livre III). Sans doute, ce texte ne vise-t-il que le cas où plusieurs héritiers
succèdent à un créancier originaire unique (pluralité de créanciers survenue après coup)
mais la solution doit évidemment être généralisée et s’appliquer aussi aux divers
créanciers d’une obligation indivisible ayant originairement plusieurs créanciers (pluralité
de créanciers originaires).
Comme pour la solidarité, les causes d’interruption ou de suspension de la
prescription n’existant qu’à l’égard d’un seul des créanciers profitent à tous. On admet
généralement en vertu d’un argument d’analogie tiré des articles 709 et 710 du code
Napoléon, que les causes d’interruption ou de suspension de la prescription n’existant
qu’à l’égard d’un seul des créanciers profitent à tous.
Mais, si le vinculum est indivisible, le commodum doit se partager entre tous les
créanciers. Aussi aucun d’eux ne peut-il faire remise de la dette ou accepter de l’argent à
la place de la chose, au détriment des autres. Si l’un d’eux faisait pareille remise en
acceptant pareille dation en paiement, le débiteur resterait tenu envers les autres, sous
déduction de la part de celui qui aurait traité avec lui (art. 122, al. 2).
Lorsqu’un créancier a touché toute la créance, il doit en partager le profit avec les
autres, en proportion de leurs droits. L’indivisibilité conventionnelle, telle que nous
l’avons exposée et telle qu’elle est prévue dans le Code civil, livre III (art. 119 initio et 4 et
5) est purement passive, puisqu’elle a pour but de permettre à un créancier de réclamer la
totalité de la dette à l’un quelconque de plusieurs débiteurs.
Si nous supposons par exemple une créance de la somme d’argent stipulée
indivisible entre A, créancier et B, C, débiteurs, A pourra réclamer le tout à chacun mais
s’il vient à mourir laissant trois héritiers ayant parts égales, chacun de ces héritiers ne
pourra réclamer à B ou à C qu’un tiers de la créance si les parts étaient égales, sinon

818 Aubry et Rau, op. cit., § 298 bis, note 5; Laurent,op. cit., t.17, n° 261
375

chacun n’aurait droit qu’à une quote part de la créance correspondant à son droit de
succession.
Sans doute en vertu de la liberté des conventions, on pourrait concevoir que les
parties stipulent l’indivisibilité de l’obligation au point de vue actif (indivisibilité
conventionnelle active) (819), mais il ne faut pas perdre de vue qu’une telle stipulation
offrirait plus de dangers que la solidarité active puisqu’elle permettrait, non seulement à
chaque créancier, mais encore à chaque héritier du créancier, de réclamer le total de la
créance, ce qui accroît davantage les dangers de dissipation de cette créance.

819 Demolombe, op. cit., t. 26, n° 583 et 584


376

TITRE IV : PREUVE DES OBLIGATIONS(820)

Introduction

1. Le siège de la matière est le chapitre VI du titre premier du livre III du code civil
congolais comprenant les articles 197 et 245 et subdivisé en cinq sections, précédées de
deux articles de portée générale, et intitulées respectivement : de la preuve littérale, de la
preuve testimoniale, des présomptions, de l’aveu de la partie, du serment.
2. Notion de la preuve
Prouver, c’est établir la vérité d’un fait contesté. En droit plus spécialement, c’est
établir la vérité d’un fait d’où découlent des conséquences juridiques.
3. Une première remarque introductive à l’étude de la preuve concerne l’intitulé de
ce chapitre IV.La rédaction de cet intitulé, qui est la suivante : « De la preuve des
obligations et de celle du paiement », semble indiquer que les articles groupés dans ce
chapitre ne visent que les obligations et le paiement. La doctrine et la jurisprudence sont
unanimes à estimer que ces articles s’appliquent à la preuve civile dans son ensemble, et
même à l’administration de la preuve dans tous les domaines du droit écrit.
4. Définition de la preuve
En droit, l’on entend par preuve, les éléments que les parties sont autorisées à
soumettre au juge pour entraîner la conviction de celui-ci et pour établir le fondement
d’une prétention. Ce qui doit être prouvé en justice, ce sont les faits matériels ou
juridiques qui servent de base à la prétention dont on veut établir le fondement. Ce n’est
pas la règle de droit.
5. Une autre remarque concerne ce qu’on appelle la charge de la preuve, c’est-à-
dire le point de savoir qui doit faire, apporter la preuve. Le principe, à cet égard, est
énoncé par l’article 197 du Code civil, livre III: « Celui qui réclame l’exécution d’une
obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui
a produit l’extinction de l’obligation » (821). Ce principe peut être distingué en deux règles:
d’une part, la charge de la preuve incombe à la personne qui invoque un fait contraire,
soit à l’état normal des choses, soit à une situation acquise. En voici un exemple :
normalement les individus sont libres des dettes ; celui donc qui prétend avoir une
créance contre un autre individu devra en faire la preuve. Autre exemple : la personne qui

820 Graulich, Manuel de droit civil ; Dekkers (R), Précis de droit civil belge, t. 2, Bruxelles 1955 ; Sohier (A), Droit civil du
Congo belge, dans les Novelles Droit colonial, t.IV, Bruxelles, 1948, pp. 212-220 ; Golot (P), « La force probante
des notariés dressés dans la colonie », RJC, 1954, pp. 181-193 ; Orban (P), Contrats et obligations, in A. Sohier,
Droit civil du Congo belge, t.II, Bruxelles 1956, n° 684 - 698.
821 V.l’application de cette règle par L’shi, 29 octobre 1968, RJC 1969, p. 5 ; 1er décembre 1970, RJC 1971, p. 33.
377

occupe un terrain n’est jamais tenue de prouver qu’elle occupe légitimement le terrain.
Elle peut attendre que son adversaire démontre le contraire. En effet, il est logique de
supposer que l’apparence (Ici, l’apparence de légitimité dans l’occupation du terrain)
correspond à la réalité.
D’autre part, la charge de la preuve est déterminée par le rôle des parties devant le
tribunal. C’est ce qu’expriment deux adages latins : « Actori incumbit onus probandi »,
c’est-à-dire « la charge de la preuve incombe au demandeur », et « Reus in excipiendo fit
actor », c’est-à-dire : « le défendeur, en soulevant une exception, devient demandeur (au
point de vue de la preuve).
6. Attitude du juge
Deux principes fixent l’attitude qui s’impose au juge, dans le domaine de la
preuve, en droit civil.
1° Le juge ne peut former sa conviction que d’après les procédés de preuve légaux,
c’est-à-dire indiqués par la loi. C’est la mise en oeuvre du système de la preuve
réglementaire. Il en résulte que le juge ne peut former conviction d’après la connaissance
personnelle qu’il aurait des faits; il ne peut statuer que sur des éléments qui ont fait l’objet
d’une preuve légale.
2° En principe, le juge reste passif dans le débat sur la preuve ; il écoute les parties,
il apprécie les moyens qu’elles lui apportent : c’est que l’on appelle le principe de la
neutralité du juge. Toutefois, ce principe est beaucoup moins rigide que le premier.
Ainsi le juge peut être actif et ordonner certaines mesures propres à préciser ou à
compléter la preuve : descente sur les lieux, expertise, enquête, etc. Il peut, selon la
jurisprudence, ordonner à une des parties de produire des pièces qu’elle a en sa
possession et qu’elle n’invoque pas, lorsque cette mesure s’avère utile pour établir la
vérité et permettre une juste solution du litige lui soumis(822).
Une autre remarque concerne le formalisme légal de la preuve civile. Il faut en
effet savoir qu’en droit congolais, l’administration de la preuve n’est pas absolument
libre. Dans les sociétés primitives, on appliquait le système dit de la preuve libre, qui
consistait à admettre la preuve par tous les moyens possibles, dès l’instant où ils
paraissaient susceptibles d’entraîner la conviction du juge. En droit écrit congolais, ce
système ne subsiste plus qu’en matière pénale. En matière civile, au contraire, le
législateur y a substitué le système dit de la preuve légale, dans lequel les procédés de
preuve sont réglementés par la loi et hiérarchisés. C’est pourquoi l’on dit que la preuve
civile est formaliste; elle ne peut être administrée que dans des formes prédéterminées par
la loi.

822 Elis, 3 janvier 1961, RJC 1961, p. 144.


378

7. Plan
Les procédés de preuve, encore appelés modes de preuve, sont classés par l’article
198 du Code civil, livre III en cinq catégories. Chaque section du chapitre VI du titre
premier, livre III se consacre à une de ces catégories. A la suite du Code, nous étudierons
successivement, après les constatations matérielles (chapitre I), la preuve par écrit
(chapitre II), la preuve par témoins (chapitre III), la preuve par présomption (chapitre IV),
l’aveu (chapitre V) et le serment (Chapitre VI).
379
380

Chapitre I : Des constatations matérielles

Avant d’aborder la preuve par écrit, une note doit être ajoutée concernant les
constatations matérielles. C’est que les cinq modes de preuve dont l’énumération vient
d’être faite, ne s’appliquent qu’aux faits et actes juridiques. En dehors de ceux-ci, il arrive
que les parties allèguent des faits purement matériels.
Dans pareil cas, la preuve de ces faits peut être administrée par la constatation
matérielle (ou directe) à laquelle procède, soit le juge lui-même, soit, s’il s’agit d’une
question technique, un homme de l’art, appelé expert. Les constatations matérielles ne
sont pas des procédures prévues par le Code de procédure civile, notamment la descente
sur les lieux et l’expertise.
Ainsi jugé que si le responsable d’un accident omet de donner suite à une
sommation l’invitant à assister à l’expertise d’un véhicule accidenté, il ne peut faire état de
sa carence pour se prévaloir du caractère unilatéral de l’expertise effectuée hors de sa
présence et le juge peut avoir égard à cette expertise unilatérale si l’expert offre des
garanties suffisantes de compétence et de sincérité (823).

823 1ère inst . Elis, 7 mai 1948, RJCB 1948, p. 156.


381
382

Chapitre II : Preuve par écrit (littérale ou pré-constituée)

La preuve littérale est celle qui résulte des écrits dressés en vue de servir de
preuve : ce sont les actes ou titres. On l’appelle aussi préconstituée parce qu’elle est établie
d’avance en dehors de toute contestation et par pure précaution. La preuve écrite est
toujours admise en justice.
La preuve écrite comporte deux grandes catégories : les actes authentiques et les
actes sous-seing privés.
Ces deux sortes d’actes comportent la signature des parties. Ce n’est
qu’exceptionnellement que les écrits non signés peuvent servir de preuve. Nous parlerons
donc, en premier lieu, des actes authentiques et des actes sous-seing privé, en second lieu,
nous traiterons des actes récognitifs et confirmatifs, enfin, en troisième lieu, nous verrons
quels sont les écrits non signés qui peuvent être invoqués comme preuve.

Section 1 : Actes authentiques et actes sous seing privé

§1. Définition
L’acte authentique est celui qui est reçu par un officier public dans les lieux et dans
les cas où la loi lui permet d’instrumenter et avec formalités requises (art. 199 du Code
civil, livre III). Quand il s’agit de contrats entre particuliers, c’est généralement le notaire
qui intervient comme officier public. L’acte authentique se dénomme dans ce cas « acte
notarié ».
L’acte sous-seing privé est celui qui est rédigé par des particuliers (parties elles-
mêmes ou mandataires). En principe, les actes juridiques peuvent être constatés par l’un
ou l’autre mode. Toutefois, certains actes ne peuvent être constatés que par un acte
authentique, sous peine de nullité de l’acte juridique lui-même. Ce sont les actes
solennels.
§2. Différences entre actes authentiques et actes sous seing privé
I. Quant aux formalités de rédaction
A. Actes authentiques
Les actes authentiques sont soumis à des formes nombreuses, qui ont pour but
d’en assurer la régularité et la véracité. Elles sont généralement nées par la nullité.
Ces formes, pour les actes notariés, concernent :
1°. la compétence territoriale et personnelle du notaire;
2°. la capacité du notaire;
3°. les formalités instrumentaires ou de la rédaction de l’acte.
383

Ces formalités ont été réglées minutieusement par la loi du 25 ventôse an XI, dont
l’ordonnance-loi n° 66/344 du 9 juin 1966 (824) continue de s’inspirer.
Les principales sont les suivantes :
1°. l’acte est soumis à un droit perçu au profit du trésor (art. 13);
2°. il doit être rédigé en un seul contexte, sans blancs ni interlignes (art. 7);
3°. il doit être signé des parties après qu’il leur en a donné lecture (art. 6);
4°. il doit porter la signature du notaire (art. 6).
Effets de l’acte authentique nul
On a vu que la preuve était indépendante du droit; la nullité de l’instrumentum
n’entraîne pas celle du negotium sauf à l’égard des actes solennels. Ainsi, la question
s’est-elle posée de savoir si le titre, nul comme authentique ne peut valoir comme acte
sous seing privé. L’article 200 du Code civil, livre III répond affirmativement. Mais malgré
ses termes généreux, il faut distinguer. S’il s’agissait d’un negotium qui ne pouvait se
réaliser que par acte authentique (acte solennel), le titre demeurera sans aucun effet; dans
les autres cas, le titre vaut comme écriture privée s’il a été signé des parties.
Deux observations sont à faire quant à ce denier point. D’une part, le titre nul doit
à tout le moins se présenter avec les caractères extérieurs de l’authenticité, c’est pourquoi,
on exige qu’il porte la signature du notaire sans laquelle il ne vaudrait comme écriture
sous seing privé que dans les conditions du droit commun (art. 207 et 208 du Code civil,
livre III). Autrement, l’article 200 serait inutile et n’exprimerait guère qu’une naïveté.
B. Actes sous-seing privé
Sous réserve de deux exceptions que nous examinons ci-dessous, ces actes
n’exigent aucune formalité de rédaction particulière. Un seul élément est indispensable :
la signature de l’auteur ou des auteurs de l’acte. Il s’agit d’un trait manuscrit et permanent
caractéristique de son auteur. De là, son nom, la signature doit se mettre à la fin de l’acte.
Par suite, l’apposition d’une croix, d’un sceau ou d’une griffe au bas d’un acte est
dépourvue de toute valeur (825). Un tel acte ne vaudrait même pas commencement de
preuve par écrit.
De même, l’acte portant au lieu de signature, une empreinte digitale même avec
attestation signée d’un témoin que cette empreinte a été apposée par l’auteur prétendu, ne
constitue pas un acte de preuve par écrit (826).
La Cour suprême de justice dans l’arrêt RC 44 a fait évoluer la jurisprudence en
décidant le 4 avril 1973 que les empreintes digitales peuvent dans certains cas être
équipollentes à la signature manuscrite et servir ainsi à déterminer l’auteur des actes sur

824 MC 1969, p. 119


825 Cass., b. 13 nov. 1930, Pas. 1930, I. 356 ; De Page (H),op. cit., t.3, n° 878.
826 Léo, 24 septembre 1957, RJCB 1958, p. 206.
384

lesquels elles sont apposées, encore faut-il que leur auteur ne sache pas écrire ou soit dans
l’impossibilité d’écrire (827)
Formes particulières à certains actes sous seing privé
1. Actes constatant un contrat synallagmatique
L’article 207 du Code civil, livre III contient deux règles :
a) les titres sous seing privé constatant des contrats synallagmatiques doivent être
rédigés en autant d’exemplaires qu’il y a des parties ayant des intérêts distincts ou
plusieurs exactement opposés (828) ;
On appelle cette formalité « Formalité du double », parce que la plupart du temps,
il n’y a en cause que deux parties. Le but de cette disposition est de maintenir l’égalité
entre les parties au point de vue de la preuve. Chacune des parties pourra invoquer ses
droits sans avoir à réclamer de titre à celle qui les détiendrait. On voit par là que chacun
des titres a valeur d’original ainsi que le dit le texte.
b) chaque original doit contenir la mention du nombre d’originaux dressés.
Autrement dit, une partie, en détruisant ou cachant son original, réduirait à néant la
valeur des autres.
Sanction
Est nul en tant que mode de preuve d’un contrat synallagmatique conclu entre
deux parties, l’acte sous seing privé qui ne comporte pas la mention qu’il a été rédigé en
double original (829). Ainsi, donc l’instrumentum est frappé de nullité et non le negotium.
Celui-ci pourra donc éventuellement être établi par d’autres modes si ces modes sont
admissibles (830).
L’article 207 in fine contient un tempérament : celui qui a exécuté la convention ne
peut plus se prévaloir du défaut de la formalité. On peut y voir une sorte de confirmation.
La nullité est également couverte quand tous les originaux sont représentés, la certitude
de leur rédaction est alors complète.
L’acte nul pourrait servir de commencement de preuve par écrit. Il serait logique
de refuser toute valeur à un acte non conforme aux prescriptions de la loi, d’autant plus
qu’admettre celui-ci comme adminicule de preuve apparaît comme assez contraire à
l’égalité des parties. C’est cependant, la solution contraire qu’admet la jurisprudence qui
est définitivement établie aujourd’hui en ce sens (831).

827 BA 1973, p. 88.


828 En ce sens Léo, 4 mars 1941, RJCB 1941, p. 181.
829 Lubumbashi, 16 décembre 1969, RJC 1970, p. 141
830 Cass. b. 22 avril 1915, Pas., 1915-1916, I, 259
831 Cass. b. 14 oct. 1909, Pas. I, 395; De Page (H),op.cit., t. 3, n° 800
385

Portée de la règle
La portée de l’article 207 du Code civil, livre III est limitée par certains
tempéraments :
1°. il ne s’applique pas aux contrats synallagmatiques dits « imparfaits » qui
n’engendrent qu’une obligation principale unilatérale;
2°. il ne s’applique pas non plus pour un motif analogue aux contrats
synallagmatiques déjà exécutés par l’une des parties, quand l’écrit est dressé (832);
3°. on peut éluder la formalité du double en déposant un seul original entre les
mains d’un tiers chargé de le conserver dans l’intérêt commun des parties.
4°. on peut choisir, pour cet office, un notaire qui conservera le titre officieusement.
5°. l’article 207 ne s’applique pas aux conventions constatées par lettres missives;
6°. enfin, ces prescriptions sont étrangères à la preuve des actes commerciaux (833).
2. Promesses unilatérales de sommes d’argent ou de choses appréciables en argent
(c’est-à-dire en qualité, kg, litre...)
La loi n’interdit pas en principe les actes sous seing privé en blanc-seing, c’est-à-
dire signés d’avance avant la rédaction de l’écrit. Toutefois, afin d’en éviter les abus, elle
édite en son article 208 une règle spéciale pour les promesses unilatérales de sommes
d’argent ou de choses appréciables en argent.
Règle
L’acte doit ou bien être écrit en entier de la main du souscripteur, ou bien porter la
mention « bon pour » ou « approuvé pour » avec le montant de la somme en toutes lettres
en plus de la signature. Il arrive parfois que l’on souscrive à des promesses indéterminées
dans leur montant. Des formalités du « bon pour » n’empêchent pas de tels engagements
mais il doit résulter de la formalité que le souscripteur sera rendu un compte exact de
l’étendue possible de son obligation. Entre marchands, en particulier, la formalité du
« bon pour » ou « approuvé pour » n’est pas de rigueur lorsqu’il s’agit de billet ou de
promesse sous seing privé contenant engagement d’une seule partie envers une autre (834).
S’il y a plusieurs débiteurs, chacun d’eux doit accomplir la formalité. L’objet de la
règle est uniquement les reconnaissances des sommes ou des choses qui s’estiment au
poids, au nombre,ou à la mesure. Dans la pratique, on l’a étendue à certains autres actes,
notamment contrats et procurations (bon pour). Cette extension est sans base légale.
L’exigence de l’indication de la somme en toutes lettres s’explique par le fait qu’il est
beaucoup plus facile de falsifier des chiffres que des lettres.
Sanctions

832 1ère inst. Elis, 28 mai 1930, RJCB, 1930, p. 276


833 Article 9 du Décret du 9 août 1913.
834 Kinshasa, 3 décembre 1970, RJC 1971, p. 38
386

C’est la nullité mais celle-ci comme dans le cas précédent, frappe exclusivement
l’acte instrumentaire. Les autres modes de preuve admissibles pourront donc être
employés et même l’écrit irrégulier vaudra comme commencement de preuve par écrit.
Désaccord entre l’acte et le « bon pour »
Aux termes de l’article 209 du Code civil, livre III, lorsque la somme exprimée au
corps de l’acte est différente de celle exprimée au bon, l’obligation est présumée n’être que
de la somme moindre ; lors même que l’acte ainsi que le bon sont écrits en entier de la
main de celui qui s’est obligé, à moins qu’il ne soit prouvé de quel côté est l’erreur. Il
convient de comparer la solution retenue par cette disposition avec celle de l’article 60 du
Code civil, livre III qui édicte que dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui
l’a stipulée, en faveur de celui qui a contracté l’obligation.
Exceptions
L’article 208 du Code civil, livre III dispense certaines personnes de la formalité.
Ce sont d’abord les marchands, c’est-à-dire les commerçants. La raison historique
est que la rapidité des affaires commerciales s’accommode mal des formalités de
rédaction. Ce motif conduirait, comme cela avait lieu dans l’ancien droit à n’exempter les
marchands que pour les opérations commerciales(835). Les auteurs modernes fondent
souvent la règle sur un autre motif : les marchands seraient exemptés de la formalité parce
qu’ils sont assez fins pour ne pas se laisser tromper.
On étendrait alors l’exception à tous les engagements tant civils que
commerciaux(836).
Ce sont ensuite les laboureurs, vignerons, artisans, gens de journée et de service.
Cette exception, qui existait déjà dans l’ancien droit, a été conservée dans le Code civil
pour la raison qui l’avait fait introduire auparavant : les personnes en question étaient
presque toujours illettrées.
II. Quant à la force exécutoire
1. Règle
Les actes authentiques ont la force exécutoire, les actes sous seing privé ne l’ont
pas. On appelle force exécutoire d’un titre la faculté qu’il donne à son titulaire de recourir
à l’exécution forcée de plano, sans recours préalable à la justice. Elle résulte de
l’apposition sur le titre de la formule exécutoire, c’est-à-dire d’une injonction faite par le
chef de l’Etat aux agents de la Force publique, notamment aux huissiers, de procéder à
cette exécution quand ils en sont requis.

835 En ce sens, Ripert et Boulanger, op. cit., II, n°425


836 En ce sens, Colin et Capitant, édit. Julliot de la Morandière (L), op. cit., t.II, n° 737
387

Les notaires ont le droit d’apposer sur les actes qu’ils dressent pour relater des
obligations, la formule exécutoire (837), le créancier muni d’un acte notarié peut donc de
plano procéder, faute de paiement ponctuel, à la saisie des biens de son débiteur.
Le porteur d’un acte sous-seing privé doit au contraire s’adresser à la justice pour
obtenir une condamnation de son débiteur, c’est-à-dire « prendre un jugement » qui sera
revêtu de la formule exécutoire.
Notons que la formule exécutoire n’est pas apposée sur la « minute » (original de
l’acte, de « minutis litteris ») mais sur la première « expédition » (copie officielle) appelée
« grosse » (de grossoyer, écrire en grosse lettre).
III. Quant à la force probante
Par force probante d’un élément de preuve, par exemple d’un écrit, l’on entend
l’aptitude présentée par cet élément de prouver les faits et les actes qu’il vise. La force
probante des écrits doit être appréciée à trois points de vue différents. Lorsqu’un écrit est
proposé au juge en guise de preuve, le juge doit se poser, à propos de cet écrit, trois
questions :
1°. L’écrit émane-t-il réellement de la personne dont il se réclame ? S’il s’agit d’un
acte authentique, a-t-il été rédigé par la personne publique compétente qui
affirme, dans l’acte, l’avoir rédigé ? S’il s’agit d’un acte sous seing privé, a-t-il été
rédigé par la personne privée dont il porte la signature ? C’est le point de vue de
l’origine de l’acte.
2°. Le contenu de l’écrit, c’est-à-dire le texte qu’il porte, traduit-il exactement ce qui a
été convenu entre les parties ? Cette relation ne déforme-t-elle pas la réalité des
faits tels qu’ils se sont passés ? C’est le point de vue contenu de l’acte.
3°. La date que porte l’écrit est-elle bien celle de sa rédaction ? Cette troisième
question entre logiquement dans les termes de la deuxième. Si on la traite
distinctement, c’est parce que la loi consacre des règles particulières à la preuve
de la date. C’est le point de vue de la date de l’acte.
Notons, avant d’aller plus loin, que tous les documents produits en photocopies
par les parties à la cause ne possèdent aucune valeur probante (838).
Voyons donc comment ces actes font foi sur ces trois éléments.
A. Origine de l’acte
Il y a lieu de distinguer l’acte authentique et l’acte sous seing privé.
1. Acte authentique
Aucune disposition de la loi ne fixe l’autorité avec laquelle l’acte authentique fait
preuve de son origine. Aussi, est-ce le droit commun qui règle le point de savoir par quel

837 Art. 9 de l’OL n° 66/344 du 9 juin 1966.


838 Lubumbashi, 12 avril 1975, note Dibunda K.MP, RJZ, 1975, p. 123
388

mode de preuve il est permis de contester l’origine de l’acte authentique, c’est-à-dire de


démontrer que l’acte authentique n’émane pas de la personne publique compétente dont
il se réclame. Comme l’origine de l’acte authentique est un élément échappant à
l’application de l’article 217 du Code civil, livre III, cette démonstration peut être faite par
toutes les voies de droit, témoins et présomptions compris.
2. Acte sous seing privé
La question de l’origine de l’acte sous-seing privé est réglée par les articles 205 et
206 du Code civil, livre III. Aux termes de ces articles, aucun acte sous seing privé ne peut
être produit en justice sans qu’on le soumette au cours du débat judiciaire, à celui duquel
on prétend qu’il émane. Cette personne se voit alors obligée, soit de reconnaître que l’acte
émane d’elle, auquel cas tout doute à propos de l’origine de l’acte disparaît, soit de
désavouer formellement sa signature, auquel cas le tribunal ordonne de vérifier
judiciairement l’origine de l’acte. A l’issue de la procédure de vérification d’écriture soit
que le tribunal déclare par jugement que l’acte émane de son signataire, soit qu’il décide,
au contraire, que l’acte est faux. L’origine de l’acte sera établie incontestablement.
B. Contenu de l’acte
Distinguons de nouveau les deux espèces d’actes
1. Acte authentique
Le contenu de l’acte authentique peut être décomposé en autant de mentions
parmi lesquelles il importe de distinguer celles qui sont l’œuvre propre de la personne
publique et dont la rédaction entre dans la mission légale de celle-ci. Seules ces mentions
sont revêtues de la force probante particulière qui s’attache à l’acte authentique. Pour les
combattre, il faudra se conformer à la règle portée en l’article 201 du Code civil, livre III,
c’est-à-dire qu’il faudra produire en justice une preuve littérale contraire, soit un autre
acte authentique, soit un acte sous seing privé reconnu.
Les autres mentions par contre n’ont jamais une force probante supérieure à celle
qui leur reviendrait si l’acte avait été passé sousseing privé. C’est de cette manière que
l’article 201 du Code civil doit être interprété. Cet article fixe uniquement la force
probante des mentions relatives à la convention que l’acte est destiné à constater. Il
demeure muet sur la valeur à reconnaître aux autres mentions et dans cette mesure, il
demande à être complété.
Constituent des mentions essentielles : la signature du notaire, celle des parties, la
date, le fait que les parties ont exprimé telle ou telle volonté, l’accomplissement des
formalités légales, l’identité des parties résultant des mentions énonciatives, les pièces
produites par elle, les faits juridiques accomplis par les parties devant l’officier, la
sincérité des déclarations des parties.
389

Par contre, constituent des mentions énonciatives les couleurs de leurs yeux, les
habits ... et toutes autres mentions n’ayant pas des rapports directs avec le contenu de
l’acte. Ces mentions constituent de simples commencements de preuve.
2. Acte sous seing privé
Des dispositions combinées des articles 201 et 204 du Code civil, livre III, il résulte
que deux hypothèses doivent être distinguées. Ou bien l’acte sous seing privé est reconnu
en justice ou légalement tenu pour tel. Dans ce cas, la force probante des mentions qu’il
porte est identique à celle des mentions principales de l’acte authentique. Il en découle
que ces mentions prouvent les faits et les actes qu’elles relatent jusqu’à preuve littérale
contraire.
Cette preuve littérale contraire sera administrée par la production en justice, soit
d’un acte authentique, soit d’un autre acte sous seing privé reconnu.
Ou bien l’acte sous seing privé est désavoué par la personne à laquelle on l’oppose.
Dans ce cas, il perd toute force probante et ne peut plus faire preuve de son origine, ni de
son contenu ou de quelque autre élément que ce soit.
Il faut souligner avec force que la preuve contraire tant pour l’acte authentique que
pour l’acte sous-seing privé doit être littérale. La procédure de l’inscription en faux
valable en droit belge n’est pas organisée en droit congolais.
C. Date de l’acte
1. Acte authentique
La date fait partie de la convention que l’acte authentique prouve aux termes de
l’article 201 du Code civil, livre III, jusqu’à preuve littérale contraire. Seule par
conséquent, la production en justice, soit d’un acte authentique, soit d’un acte sous seing
privé reconnu, pourra établir la fausseté de la date que porte l’acte authentique.
2. Acte sous seing privé
La situation, à l’égard de l’acte sous-seing privé, se présente différemment selon
que l’on envisage la force probante de l’acte entre parties ou à l’égard des tiers.
a) Entre parties
Entre parties, la date de l’acte sous seing privé est traitée comme l’une des clauses
de la convention que l’acte renferme (839). Il en résulte que deux cas doivent être
distingués. Si l’acte sous seing privé est reconnu ou légalement tenu pour tel, la date qu’il
porte est établie, aux termes des articles 201 et 204 combinés, jusqu’à preuve littérale
contraire. La conséquence en est que ni les témoins, ni les présomptions ne peuvent être
invoqués contre la date ainsi constatée. Si au contraire l’acte n’est pas reconnu, la date
qu’il porte se voit privée de quelque autorité que ce soit.

839 En ce sens, 1ère inst. Elis, 20 octobre 1938, RJCB, 1939, p. 118.
390

b) A l’égard des tiers


Comme il y a toujours lieu de redouter une antidate résultant d’une connivence
des deux signataires de l’écrit privé en vue de frauder les tiers, l’acte ne fait pas foi de sa
date à leur égard. Il faut pour qu’il soit opposable, que son antériorité résulte de
l’acquisition d’une date certaine ». Cette acquisition ne peut résulter que de l’impossibilité
de l’antidate, laquelle découle notamment des deux faits mentionnés dans l’article 210,
mais pourra se déduire d’autres circonstances (Par ex : légalisation des signatures) :
1°. la mort de l’une des parties qui ont souscrit l’acte;
2°. la relation de cet écrit dans un acte authentique comme par exemple, un procès-
verbal de scellés ou d’inventaires.
Cette énumération de l’article 210 du Code civil, livre III n’est qu’énonciative (840).
Il incombe au tiers qui conteste la date d’un acte sous seing privé d’apporter la preuve de
son antidate, à défaut de ce faire, la date indiquée est présumée certaine (841).
Que faut-il entendre par « tiers » aux termes de l’article 210 ?
Le mot tiers n’a pas dans l’article 210 la même signification que dans l’article 63 où
il désigne les personnes qui n’ont pas de rapport juridique avec les contractants
relativement à l’objet du contrat et les créanciers chirographaires.
Le motif de la loi, qui est de prévenir le danger des antidates, conduit à décider
quelles sont ici les personnes qu’il faut considérer comme tiers dans l’article 210 : ce sont
celles qui, n’ayant pas figuré dans l’acte sous seing privé, directement ou indirectement,
ont acquis en leur propre nom, soit en vertu de la loi, soit en vertu d’une convention
passée ou d’une disposition faite par l’une des parties à l’acte, des droits auxquels
porteraient préjudice des antidates pratiquées après coup.
Comme le dit aussi Dekkers, le tiers au sens de l’article 210 est « toute personne
dont les droits seraient compromis par une date faussement apposée par les parties ou par
l’une d’elles ».
Ainsi, ne sont pas des « tiers » au sens de l’article 210 :
1°. les parties, qu’elles soient présentes ou représentées à l’acte;
2°. leurs ayants cause universels ou à titre universel, ceux-ci recueillent en effet,
toutes les obligations contractées par leurs auteurs, quelle que soit leur date;
3°. les créanciers chirographaires sauf dans l’hypothèse énoncée ci-après; ces
créanciers subissent l’effet de tous les actes accomplis par leur débiteur sur son
patrimoine.
Par contre, sont des « tiers » au sens de notre article :

840 Elis, 28 décembre 1912, RJCB 1931, p. 56


841 L’shi, 2 et 4 décembre 1969, RJC 1970, p. 28
391

1°. les ayants cause à titre particulier des contractants. Ceux-ci doivent subir l’effet
de certains actes passés par leur auteur avant l’acquisition (art. 399);
2°. les créanciers chirographaires des contractants lorsqu’ils invoquent contre
l’auteur de l’acte, un droit propre qu’ils tiennent de la loi et non de lui.
Exception à la règle de l’article 210
L’article 210 reçoit plusieurs limitations :
1°. de nombreux actes juridiques voient leur date établie par des modes légaux
différents : cession de créance (art. 353), transmission de meubles corporels,
tradition (art. 39 et 658); cession de brevet d’invention;
2°. l’article 210 ne s’applique pas aux testaments;
3°. il ne s’applique pas non plus, en vertu de la tradition, aux quittances;
4°. il est toujours loisible aux tiers de renoncer au bénéfice de l’article 210 qui n’est
pas d’ordre public (842);
5°. il est étrange aux matières commerciales, l’article 9 du décret du 2 août 1913 ne
reproduisant pas sa disposition;
6°. enfin, un tiers de mauvaise foi ne peut s’en prévaloir.
Il convient au surplus de remarquer que l’article 210 du Code civil, livre III ne
s’applique pas aux actes formant de simple commencement de preuve par écrit.

Section 2 : Actes recognitifs et confirmatifs

§1. Notions générales


Aux actes primordiaux dressés au moment de la formation de l’acte juridique, on
oppose les actes récognitifs et les actes confirmatifs, lesquels sont dressés ultérieurement.
On appelle « acte récognitif » ou « titre nouvel » celui qui contient la
reconnaissance d’un droit antérieur, déjà constaté par un acte primordial.
On appelle « acte confirmatif », l’acte dressé en vue de valider un contrat en
supprimant le vice qui l’affectait.
I. Actes recognitifs
L’acte recognitif n’est pas, on s’en rend compte par sa définition, une simple copie.
Il est, comme l’acte primordial, signé par les parties. Son utilité est double :
1°. il sert à faciliter ou à assurer la preuve, quand le titre primordial est perdu ou en
danger de l’être;
2°. il sert à interrompre la prescription (art. 640 du Code civil, livre III).

842 Cass. b., 10 novembre 1950, JT 1951, p. 116


392

Toutefois, si les actes récognitifs avaient une grande importance dans l’ancien
droit, à cause des nombreuses rentes perpétuelles, ils ont perdu aujourd’hui presque tout
intérêt pratique.
La valeur probante des actes récognitifs est traditionnellement réglée par la
distinction suivante :
1°. si l’acte récognitif relate spécialement la teneur de l’acte primordial, il
équivaudra à ce dernier (ar.t 215, al.1er). Observons qu’il sera délicat de
reconnaître si les parties ont entendu faire un acte récognitif ou une novation.
Dans ce dernier cas, l’acte prétendument récognitif serait en réalité un acte
primordial;
2°. si l’acte récognitif ne relate pas la teneur de l’acte primordial, il ne vaudra que
commencement de preuve par écrit.
On mentionnera toutefois l’hypothèse rarissime prévue par l’article 215, alinéa 3
du Code civil, livre III : « Néanmoins, s’il y avait plusieurs reconnaissances conformes,
soutenues de la possession, et dont l’une eût trente ans de date, le créancier pourrait être
dispensé de représenter le titre primordial ».
Il est essentiel d’observer que le titre récognitif n’a jamais de valeur que quand le
titre primordial est perdu. Jamais un titre recognitif ne dispense de reproduire l’acte
primordial, quand celui-ci existe encore. Le titre récognitif n’aura alors que la seule portée
d’interrompre la prescription.
II. Actes confirmatifs
La théorie générale de la confirmation est énoncée par l’article 216 du Code civil,
livre III (843). Cette question a déjà été abordée précédemment lors de l’examen de la
nullité des contrats.

Section 3 : Ecrits non signés pouvant servir de preuve

§1. Livres des commerçants


Les commerçants sont astreints par le Code de commerce à tenir certains livres :
livre journal, copies des lettres, livre d’inventaires. Ces livres présentent certaines
garanties parce qu’ils sont obligatoires, en raison des formalités que la loi impose pour
leur tenue (844) et des peines qui frappent leur fausseté (845). Tout cela permet à la loi
d’écarter le principe qu’on ne peut se créer de titre à soi-même.
Aussi ces livres font-ils pleine foi entre commerçants pour faits de commerce.
Entre commerçants et non commerçants, il faut distinguer :

843 V. première partie , titre II, chapitre relatif à la nullité.


844 Art.1 et 4 du décret du 31 juillet 1912
845 Art. 88 du Code pénal, livre II
393

1°. Le commerçant ne peut, en principe, invoquer ses livres contre un non


commerçant, car on ne peut se créer unilatéralement de titre à soi-même.
Toutefois, comme il s’agit des livres spéciaux, la loi leur accorde une certaine
valeur; celle d’un commencement de preuve autorisant le juge à déférer le
serment supplétoire (art. 211). Cette procédure ne peut toutefois avoir lieu qu’à
l’égard des fournitures faites par les commerçants et non pour les obligations qui
auraient toute autre cause (art. 211). Il faut cependant noter qu’il a été jugé que
les tribunaux sont libres d’admettre les livres de commerce d’un commerçant,
même à l’égard d’un non commerçant, lorsque celui-ci ne contredit pas la
régularité des livres invoqués. L’ordre public ne s’oppose pas à ce genre de
preuve (846).
2°. Le non commerçant peut se prévaloir des livres d’un commerçant, mais il peut
diviser leur énonciation pour n’en retenir que ce qui est favorable à ses
prétentions (art. 212). C’est l’application de l’idée de l’indivisibilité de l’aveu.
Cette indivisibilité ne s’applique toutefois qu’aux livres régulièrement tenus. En
cas d’irrégularité, le juge serait en droit de se fonder uniquement sur les
énonciations défavorables au commerçant.
§2. Registres et papiers domestiques
Il arrive que des particuliers tiennent des registres (livres de comptes, livre « de
maison ») ou conservent leurs papiers domestiques.
Il n’y a quant à cela aucune obligation légale, aucune réglementation, aucune
sanction. Aussi, la loi n’attribue-t-elle à ces documents qu’une valeur relative. En faveur
de celui qui a tenu les documents, ceux-ci ne font jamais foi, même pour autoriser la
délation du serment. La jurisprudence admet pourtant leur production à titre d’appoint,
comme simples renseignements.
Contre celui qui les a tenus, ils peuvent faire foi dans les conditions indiquées à
l’article 213 du Code civil, livre III. En réalité, ce sont des aveux. La seconde règle de
l’article se justifie par le fait que les registres peuvent avoir été régulièrement tenus. On
peut, par exemple, y avoir noté un prêt et non son remboursement. On peut librement
prouver contre ou outre les énonciations.
Une dernière considération qui est essentielle, achève de montrer peu d’intérêt
pratique de ce procédé. La loi n’a pas organisé comme pour les livres des commerçants, la
production obligatoire de ces registres et papiers; celui qui pourrait les invoquer n’a
aucun moyen d’en imposer la production. Sauf un cas pourtant, celui où ils
appartiendraient en commun aux plaideurs; ce qui a lieu quand, par succession, ces
documents ont été transmis indivisiblement à divers héritiers. Ainsi, c’est presque

846 Elis, 9 février 1960, RJC 1960, p. 175


394

exclusivement dans les règlements de comptes entre co-héritiers qu’on les voit
invoquer(847).
§3. Ecritures mises par le créancier sur le titre
La loi (art. 214 du Code civil, livre III) envisage ici les énonciations écrites émanant
du créancier, mais non signées de lui. Si ces énonciations tendent à établir la libération du
débiteur, elles font foi, de manière suivante :
1°. écrites sur un titre resté toujours en possession du créancier, elles font foi sauf
preuve contraire, d’après la jurisprudence au profit du débiteur. On remarquera
que le procédé est mauvais : comment prouver que le titre est toujours resté aux
mains du créancier ?
2°. écrites sur le double d’un titre ou sur une quittance qui se trouve aux mains du
débiteur, elles font foi en faveur de ce dernier (848).
§4. Tailles conformes à leurs échantillons
Il s’agit d’un procédé de preuve primitif et rudimentaire de moins en moins usité.
Un fournisseur, un boulanger, par exemple, et son client possèdent chacun un bâtonnet,
celui du fournisseur s’appelle la taille, celui du client échantillon. A chaque fourniture,
une encoche est taillée au couteau dans chaque bâtonnet. La corrélation exacte des
encoches fait preuve (art. 1333 du Code Napoléon inexistant en droit congolais). Cela ne
s’applique qu’au commerce de détail.
§5. Copies, photocopies, écrits sur carbones et télégrammes
Il existe un certain nombre d’écrits non signés par les parties qui relatent des faits
juridiques dont on peut étudier la force probante : il s’agit des copies de document, des
écrits sur carbones, des télégrammes.
I. Copies et photocopies, copies sur carbones
Ces écrits ne sont pas des actes sous seing privé tant qu’ils ne portent pas la
signature de leurs auteurs. Ils n’ont par conséquent pas la force probante d’un acte sous
seing privé. Ils peuvent éventuellement servir de renseignement voire de commencement
de preuve par écrit.
II. Télégrammes, télex
Quant aux télégrammes, ils ne sont pas l’œuvre de leurs auteurs. Ils sont rédigés
par les agents de la poste et parfois pas et, ils reproduisent les messages des clients. Ils
n’ont rien d’un acte sous seing privé.

847 Liège, 8 avril 1936, BJ 1937, col. 99, note CL Renard


848 En ce sens, Kinshasa, 5 mai 1966, RJC 1967, p. 24
395

§6. Ecrits sur ordinateur et par internet


Les progrès techniques avec l’ordinateur reposent la problématique de la preuve
car non seulement la signature traditionnelle n’est pas concevable, mais encore les règles
traditionnelles relatives aux actes sous seing privé seraient difficiles à appliquer aux écrits
par internet.
396

Chapitre III : Preuve testimoniale

Section 2 : Définition et historique

§1. Définition
On appelle preuve testimoniale celle qui se réalise par les déclarations des
personnes qui relatent les faits dont elles ont eu personnellement connaissance (Ex
propriis sensibus).
§2. Historique
La preuve testimoniale a une importance énorme en droit pénal. Il en a été
longtemps de même en droit civil. « Témoins passent lettres », dit un très ancien adage.
Le déclin de la preuve testimoniale est liée à une double évolution :
1°. d’abord le progrès lent mais continu de l’instruction et de l’écriture;
2°. ensuite la disparition progressive du formalisme dans la créative des actes
juridiques. Les formes solennelles primitives avaient, on le sait, pour raison
d’être, de bien fixer dans la mémoire des témoins le souvenir de l’acte, de sa date,
de ses modalités. Quand les contrats se formèrent solo consensus, la preuve
testimoniale devint très dangereuse, non seulement à cause de la possibilité
beaucoup plus grande de suborner les témoins, mais aussi et surtout parce qu’on
ne pouvait plus accorder la même foi à des personnes dont l’attention n’avait pu,
le plus souvent, qu’être médiocrement ou incomplètement portée sur le
processus d’élaboration du contrat.
Ces raisons jointes au motif plus général, que l’exigence d’un écrit supprimerait de
nombreux procès, sont à la base de l’ordonnance de Moulin (1566), dont la disposition,
répétée dans la grande ordonnance de 1667 a été presque textuellement reproduite dans
notre article 217. A partir de cette époque, l’adage se renversa et devint « Lettre passent
témoins ». Il convient de remarquer que dans nos milieux traditionnels les témoins jouent
encore un rôle prépondérant à cause de l’ignorance de l’écriture.

Section 2 : Formes du témoignage

Le témoignage est normalement oral, les déclarations des témoins sont reçues
tantôt à l’audience, ce qui est de règle en matière pénale (audition de témoins), tantôt hors
de l’audience, par un juge commis, selon une procédure réglée dans tous les détails, par le
Code de procédure civile (art. 29et s) et appelée « enquête ».
Les témoignages peuvent aussi être écrits : récit d’un événement dans une lettre
missive, certificats divers donnés par des hommes de l’art, constats d’huissier, dressés à la
397

requête des particuliers et qui n’ont d’autres valeurs particulières que celles que confère
au témoignage la qualité de son auteur. Tels sont les actes de notoriété dont parle le Code
civil à plusieurs reprises.
On admet aussi la production devant un juge civil d’un dossier pénal, aux fins
d’utiliser les témoignages qui y sont contenus.

Section 3 : Principes qui gouvernent la preuve testimoniale

La preuve testimoniale, à la différence de la preuve écrite, ne fait pas foi


obligatoire pour le juge. Celui-ci apprécie librement et souverainement les affirmations
des témoins et peut rejeter la demande d’une partie appuyée par des témoignages si
nombreux et si formels soient-ils (849).
La preuve testimoniale ne peut être administrée de plano ; elle doit être autorisée
par un jugement interlocutoire ordonnant une enquête. Le juge apprécie aussi
souverainement l’opportunité de l’enquête et peut la refuser s’il s’estime suffisamment
éclairé.
Les témoins ne peuvent être entendus que sur des faits dont ils ont
personnellement connaissance. Exceptionnellement, la loi se contente d’une connaissance
moins directe dans la preuve par « commune renommée » où les témoins rapportent ce
qu’ils savent par oui-dire, dire c’est-à-dire par l’opinion publique. C’est-à-dire qu’il s’agit
d’une preuve essentiellement dangereuse, que la loi n’admet qu’à titre de pénalité, contre
les administrateurs des biens d’autrui qui ont négligé de ménager aux propriétaires gérés
des preuves pour la reprise de leurs biens (un inventaire notamment) (850).
La preuve testimoniale est un mode de preuve exceptionnel. L’article 217 contient
à cet égard deux règles de la plus haute importance :
1°. la preuve testimoniale est interdite au-dessus de 2.000 francs (851);
2°. la preuve testimoniale est interdite contre et outre le contenu d’un écrit.
Nous allons commenter successivement ces deux règles.
Première règle
La preuve testimoniale n’est admise que pour les choses n’excédant pas 2.000
francs. Cette valeur a varié dans notre pays suivant les différentes réformes monétaires.
Le 24 juin 1967, 2.000 francs valaient 2 zaïres ; le 8 septembre 1993, l’apparition du
nouveau zaïre bouleverse encore les données car 1 NZ = 3.000 Fc. Et le 30 juin 1997, une
nouvelle réforme monétaire supprime le nouveau zaïre et le remplace par le franc
congolais qui le 30 juin 1997, valait 100 NZ.

849 Cass. fr., 2 janvier 1940, DH 1940, 89 ; 1ère inst. Elis, 21 août 1941, RJCB, p. 20 et 29 août 1941, RJC, 1943, p.26
850 V. par ex. art. 1415 du Code Napoléon.
851 V. à ce sujet la réforme monétaire de 1967 selon laquelle 1.000 francs congolais égalent 1 zaïre.
398

Pour que cette règle puisse s’appliquer, deux conditions sont nécessaires : la
première relative à la matière du litige, la seconde, à la valeur du litige.
A. Matière du litige
Les mots « de toutes choses » prévus à l’article 217 du Code civil, livre III ne visent
pas seulement les conditions, mais tous les actes juridiques unilatéraux ou bilatéraux à
l’exclusion des faits ou actes matériels, c’est-à-dire ceux qui ne font naître
qu’accidentellement des effets de droit (Ex: ivresse, démence réelle ou prétendue du
contractant). Précisons encore qu’il ne s’agit que des actes juridiques du domaine
patrimonial. Les actes du droit de la famille et de l’état des personnes obéissent à des
règles propres (852).
B. Valeur du litige
1° Maximum fixé par l’article 217
Cet article portait primitivement le chiffre de 150 francs. Ce chiffre fut porté à 1.500
par la loi du 14 avril 1938 et est actuellement de 2.000 francs depuis le décret du 16 juin
1947. Ce montant équivaut à 2 zaïres depuis la réforme monétaire de 1967. Il paraît
aujourd’hui minime, et devrait être augmenté (853). Cette valeur en droit belge est
aujourd’hui fixée à 375 euros par l’article 1341 du code civil.
2° Evaluation de l’objet du litige
Principe
C’est au moment de l’acte et non au moment du procès qu’il faut se placer. Cela
résulte du texte même de l’article 217, la loi ne dit pas au juge d’écarter la preuve
testimoniale pour tout litige dont la valeur excède 2000 francs. Elle enjoint aux parties de
« dresser un acte » pour tout acte excédant cette somme. Or, c’est au moment de la
conclusion de cet acte qu’elles doivent dresser un écrit.
Conséquences de ce principe
Si au moment de l’acte, la chose avait une valeur inférieure à 2000 francs, la preuve
testimoniale serait admise alors même qu’au moment du litige, elle aurait acquis une
valeur supérieure. Exemple : Dépôt d’une obligation à lot de 100 francs. Cette obligation
sert au tirage remboursable par la somme de 1000 francs. La preuve testimoniale sera
admise pour réclamer le paiement du lot attribué à l’obligation.
Si au moment de l’acte la chose avait une valeur supérieure à deux mille francs, la
preuve par témoins sera rejetée alors même que le litige ne porterait plus que sur une
somme inférieure à 2000 francs (art. 220). Ex : Reliquat d’une créance.

852 Cass., b. 24 janvier. 1889, Pas. 1889, I, 93 De Page (H), op. cit., t.3 n° 710 et s.
853 Sur la valeur du litige et l’interdiction de la preuve par témoins, v. Elis, 22 mars 1947, RJCB 1947, p. 92 ; Léo., 25
février 1947, RJCB 1948, p. 10.
399

L’article 219 tire une nouvelle conséquence du principe dégagé ci-dessus en


décidant que l’on ne peut réduire le chiffre de sa demande pour obtenir la possibilité de la
preuve par témoins. De ce qu’on a formé une demande dépassant 2000 francs, la loi
présume que la valeur de l’opération était supérieure à 2000 francs.
Si dans une même instance, une partie fait plusieurs demandes qui, jointes
ensembles, excéderaient 2000 francs la preuve n’en sera pas admise par témoins, encore
qu’on alléguerait que ces créances ont des causes et des dates différentes. Article 221. On
veut déjouer la fraude qui consisterait à diviser une créance en plusieurs petites créances
prétendument distinctes. Un tempérament nécessaire est apporté par l’article 221 in fine.
Pour assurer l’application stricte de la règle précédente, la loi est allée plus loin
encore; elle interdit de morceler les instances et elle enjoint au titulaire de plusieurs
créances contre le même débiteur de la faire valoir toutes en même temps, sous peine de
déchéance de l’action (art. 222). Il importerait peu que la réunion des créanciers ne donne
pas un total de 2 000 francs.
Le but de ces deux dernières distinctions est non seulement d’écarter la preuve
testimoniale, mais aussi d’éviter la multiplicité de petits procès.
Exception au principe – Intérêts
La disposition de l’article 218 déroge, sans justification plausible, au principe
énoncé ci-dessus. En vertu de ce texte, on doit, tenir compte des prestations accessoires
qui sont dues en vertu du contrat et notamment des intérêts qui viennent s’ajouter au
capital entre le moment où l’acte est passé et celui où le litige est intenté. Le créancier qui
n’exige pas régulièrement le paiement des intérêts, doit donc demander un écrit à son
débiteur dès que le montant global de sa créance dépasse 2000 francs. Donc ici même si
l’acte de départ n’est pas égal à 2000 francs, on tient compte des intérêts.
Deuxième règle
On ne peut prouver par témoin ni outre un écrit, ni contre un écrit. Prouver contre
un écrit, c’est établir que l’acte, soit dans son entier, soit dans une de ses clauses, est
inexact, c’est-à-dire simulé. Prouver outre un écrit, c’est établir que cet acte est incomplet
et que des conventions des parties contiennent quelquechose de plus; on ne peut prouver
contre ou outre un écrit, même dans les matières inférieures à 2000 francs,mais établies
par écrit.
Cette règle est rigoureuse, mais il faut bien en préciser la portée : elle est étrangère
au cas où cette preuve porte sur un acte juridique postérieur à l’acte constaté par écrit et
qui aurait éteint l’obligation. Par exemple, on peut prouver par des témoins le
remboursement d’un prêt inférieur à deux francs. On peut prouver de même la remise ou
la compensation d’une dette portant sur moins de 2000 francs et cela quand bien même ce
prêt ou cette dette serait constatée par écrit.
400

Par contre, la règle s’applique aux actes juridiques postérieurs qui auraient modifié
la teneur d’une convention. Tel est le sens des mots « depuis les actes » dans notre article
217 (Ex : Convention conditionnelle, novation, ect.).
Caractère de l’article 217
L’article 217 est d’ordre public d’après la doctrine qui se fonde sur le but de
l’article qui serait surtout de supprimer des procès. Mais la jurisprudence française et
belge sont en sens contraire (854). Il en est de même de la jurisprudence congolaise qui
estime que les parties sont libres de convenir que la preuve testimoniale pourra être
admise dans les affaires dont le taux dépasse le taux légal (855).
Exceptions aux deux règles de l’article 217
Quatre grandes exceptions atténuent les principes rigoureux de l’article 217 du
Code civil, livre III et autorisent la preuve testimoniale des actes juridiques.
A. Matières commerciales
Comme l’annonce l’article 217 in fine, ses principes ne s’appliquent pas en matière
commerciale (art. 9 du décret du 2 août 1913). Signalons toutefois que certains contrats
importants du droit commercial doivent être rédigés par écrit. Ex : Le contrat de société
(856).
On rencontre cependant des opinions jurisprudentielles qui estiment que « la loi
permet d’établir autrement que par écrit l’existence d’un contrat de société » mais elles
ajoutent que si en pareil cas, la preuve testimoniale est recevable, le tribunal décide
souverainement s’il y a lieu ou non de l’admettre (857).
Et la jurisprudence décide que la preuve par témoins, à défaut d’écrit ou de
commencement de preuve par écrit d’actes juridiques excédant deux francs, en matière
commerciale doit être refusée lorsqu’il s’agit de faits juridiques importants, dont la preuve
littérale a été possible et est d’usage (858).
B. Commencement de preuve par écrit (art. 223)
On entend par là un écrit, au sens large du mot, émané de la personne contre
laquelle on l’invoque et rendant vraisemblable le fait allégué, tels sont, par exemple, une
lettre missive, un projet d’acte signé.
La jurisprudence a considérablement élargi la notion du commencement de
preuve par écrit, y incluant notamment le chèque. La question de savoir si l’acte écrit

854 Cass. b. 1er juillet 1926, Pas. 1927, t.I, 37 ; 6 janvier 1927, Pas. 1927, I. 119 ; 21 septembre 1950, Pas. 1954, I. 8.
855 Elis, 14 juin 1960, RJC, p. 232.
856 Article 2 du décret du 27 février 1887 (Codes Piron t.I, p. 285) tel que modifié par le décret-loi du 19 septembre
1965 (MC 1965, p. 1036).
857 1ère inst. Elis 22 décembre 1938, RJCB 1939, p. 151 ; Lubumbashi, 29 décembre 1972, RJZ 1973, p. 85.
858 Léo, 7 avril 1956, p. 341, 1ère Inst. Elis, 5 avril 1957, RJCB 1957, p. 326.Rapprocher Kinshasa, 29 décembre 1966,
RJC 1967, p. 123
401

invoqué rend vraisemblable le fait allégué relève de l’appréciation souveraine du juge de


fond.
C. Impossibilité pour le créancier de se procurer une preuve littérale de l’obligation qui a
été contractée envers lui
Principes
Les alinéas 2 et 3 de l’article 224 du Code civil, livre III sont les applications de ce
principe qui, d’après la jurisprudence doit généraliser et doit s’entendre non seulement de
l’impossibilité matérielle mais aussi de l’impossibilité morale de se procurer une preuve
écrite (859).
Exemple : Relation entre médecins et clients, entre maître et domestique pour les
gages, parfois entre parents. C’est en vertu de ces idées que la jurisprudence décide aussi :
1°. que l’article 217 ne s’applique en principe qu’entre les parties contractantes et
que les tiers peuvent prouver par tous les moyens l’existence d’un contrat ou
d’un acte juridique. Il y a souvent pour eux d’ailleurs, l’impossibilité matérielle,
puisqu’ils n’ont pas été présents à la convention (860);
2°. que les parties elles-mêmes peuvent recourir à la preuve testimoniale pour établir
que la convention cache une fraude à la loi. Ex : Donation à une concubine
déguisée sous forme de prêt. Il y a impossibilité de se procurer une preuve écrite
de la fraude, car ce serait annoncer son intention de violer l’engagement (861);
3°. que l’usage de ne pas constater par écrit des fournitures de vivres fait à crédit
équivaut à l’impossibilité morale pour le fournisseur de se procurer une preuve
écrite (862).
D. Perte du titre par cas fortuit
Dans cette hypothèse prévue par l’article 224, 4° du Code civil, livre III, il faut
observer qu’il faudra avant d’établir la teneur de l’acte juridique dont le titre a été perdu,
prouver trois choses :
1°. qu’il existait un titre écrit;
2°. qu’il a été un titre écrit;
3°. qu’il a été détruit par cas fortuit.

859 V. pour le principe, Cass. b. 14 mai 1903, Pas. 1903, I, 216


860 Cass., b. 3 avril 1941, Pas. 1941, I, 116
861 Cass., b. 14 mai 1903, préc.
862 1ère inst. Elis, 14 mars 1957, RJCB 1957, p. 265
402

Chapitre IV : Preuve par présomption

Les présomptions, dit l’article 225 du Code civil, livre III, sont des conséquences
que la loi ou le magistrat tire d’un fait connu à un fait inconnu. Il y a deux sortes de
présomptions légales : les présomptions humaines ou du magistrat et les présomptions
légales.

Section 1: Présomptions humaines

§1. Définition et principes


Les présomptions humaines sont celles qui résultent des indices soumis au juge
par les parties. Ces indices peuvent varier à l’infini. Aussi, la loi se borne-t-elle à dire que
les présomptions sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat qui ne
doit les admettre que si elles sont « graves, précises et concordantes ». Il ne faut pas
prendre à la lettre ces expressions. La loi recommande en réalité au magistrat de
n’accepter des présomptions que si elles assurent vraiment sa conviction, mais elle le
laisse libre d’apprécier. Il n’est pas nécessaire, notamment, qu’il y ait « des
présomptions » ; un seul indice, s’il est assez grave, peut être pris en considération. Le
juge du fond en cela, est souverain.
Les présomptions humaines paraissent pourtant être l’objet de quelque méfiance
de la part de la loi et un certain discrédit s’y attache dans la pratique. A la vérité, souvent,
des indices sont susceptibles d’interprétation assez diverse, mais il y a pourtant des cas où
les faits sont plus sûrs que toutes les autres preuves. Ils ne peuvent en effet être falsifiés
ou subordonnés (facts can not lie) : les faits ne peuvent mentir, dit un adage anglais. Tout
dépend du lien de nécessité qui unit l’indice au fait à prouver. Les anciens distinguaient
judicieusement à cet égard entre les indices nécessaires et les indices non nécessaires.
Une règle fondamentale domine la matière des présomptions humaines. Elles sont,
quant à leur recevabilité, soumises à toutes les règles qui gouvernent la preuve
testimoniale. La loi fait exception pour les cas de dol et fraude et l’on sait que la preuve
testimoniale est également admise dans ce cas. Cette réalité de la loi n’est pourtant pas
entièrement inutile, car elle apporte une confirmation de cette solution conforme et à la
tradition et à la raison.
D’après la jurisprudence, dans les matières où la preuve par présomption est
admissible, les tribunaux peuvent puiser les éléments de leur conviction dans une
procédure répressive (863), même si l’instruction a été classée sans suite (864).

863 Léo, 13 novembre 1926, Jur. col. 1929, p. 103 avec note ; Elis, 22 octobre 1957, RJCB 1958, p. 142
864 Cass., b., 10 janvier 1949, D 1949, p. 158, Bel.col. 1950, p. 25.
403

Section 2 : Présomptions légales

§1. Généralités et classification


Il y a présomption légale lorsque la loi tire la conséquence d’un fait connu à un fait
inconnu. Il convient d’observer que la présomption ne constitue pas vraiment une
dispense de preuve, mais un déplacement du fait à prouver. La loi dispense d’établir un
fait difficile et reporte la preuve sur un fait facile; cela apparaît très clairement dans
l’article 174 du Code civil, livre III : « La remise volontaire du titre original sous signature
privée par le créancier au débiteur, fait preuve de la libération ».
La présomption légale ne diffère donc pas essentiellement de la présomption
humaine quant au raisonnement qui en est la base, mais elle s’en différencie dans ses
effets.
La présomption légale fait foi et s’impose au magistrat, tandis que la présomption
humaine est du domaine de son appréciation souveraine.
Cette indication en quoi consiste la présomption légale, la loi peut la faire pour
l’une ou l’autre de ces deux raisons :
1°. elle peut se fonder sur le « quod plerumque fit » et décider que ce qui est vrai
dans la plupart des cas; doit être tenu pour tel dans tous les cas. Exemple : art.
174-176 du Code civil, livre III ;
2°. elle peut se baser sur des motifs d’intérêt public. Exemple : art 911 du Code
Napoléon et 227 du Code civil, livre III.
Telle est la seule véritable classification scientifique des présomptions. Celle que le
Code civil s’efforce d’établir dans l’article 226 est tout à fait empirique. Ce n’est pas une
classification, c’est une énumération et encore est-elle inexacte, car l’aveu et le serment
(art. 226) ne sont pas des présomptions, mais des modes de preuve spéciaux.
§2. Force probante
On distingue deux espèces de présomptions légales : la présomption irréfragable
ou absolue et la présomption simple ou relative.
L’ancien jargon juridique appelait les premières « juris et jure » et les secondes
« juris tantum ». Ces expressions, dénuées de sens, sont encore employées dans la
pratique. Les présomptions irréfragables ne souffrent d’aucune preuve contraire, les
présomptions simples, au contraire, peuvent être renversées. Comment distinguer dans
quelle espèce on doit ranger telle présomption ? L’article 228 a pour objet de répondre à
cette question. D’après le texte, il y a présomption irréfragable quand la loi « annule
certains actes » ou quand la loi « dénie l’action en justice ».
404

Qu’entend-t-on par les expressions ?


1° Présomption annulant certains actes
Certains articles du Code de commerce présument également que certains actes
sont faits en fraude des droits de la masse et les annulent (865).
2° Présomption entraînant le refus de l’action
L’action sera, en réalité, toujours possible, mais la loi fournit au défendeur une
exception péremptoire de telle sorte que l’exercice de l’action est vouée d’avance à
l’insuccès (art. 227). La présomption de libération du débiteur, résultant de la remise
volontaire de son titre par le créancier (art. 174).
L’article 228 du Code civil, livre III annonce toutefois deux restrictions à la force
probante des présomptions absolues.
En effet, d’une part, la loi réserve souvent elle-même la possibilité d’une preuve
contraire, comme par exemple, dans les articles 175 et 260 du Code civil, livre III, et
d’autre part, il est en principe permis de combattre une présomption absolue en déférant
le serment ou en tentant d’obtenir un aveu. On pense, en effet, que quelque vraisemblance
que soient les inductions sur lesquelles repose la présomption absolue, elles n’atteignent
pas le degré d’évidence qui découle de l’aveu et du serment.
La doctrine et la jurisprudence font cependant ici une distinction qui sera rattachée
au fondement des présomptions légales que nous avons examinées ci-dessus. L’aveu et le
serment ne peuvent être opposés qu’aux présomptions qui reposent sur les considérations
logiques et ne mettent en jeu que des intérêts privés (exemple : art. 481). Au contraire, les
présomptions absolues qui sont fondées sur des circonstances d’ordre public ne sauraient
être infirmées, fût-ce par l’aveu ou le serment. Il en est notamment ainsi de la
présomption d’autorité de la chose jugée et de la présomption de libération résultant de la
prescription libératoire (à l’exception des courtes prescriptions)(866).

Section 3 : Présomption d’autorité de la chose jugée

On renvoie sur cette question aux développements qui y ont été consacrés dans les
ouvrages de « Procédure civile » de Mukadi Bonyi et Katuala Kaba Kashala, publié aux
éditions Batena en 1999 et de Matadi Nenga Gamanda, paru en 2006 aux éditions
Academia Bruylant sous le titre « Droit judiciaire privé ».

865 Art. 1 et 7 du décret du 28 juillet 1934, Les Codes Larcier RDC, t. III, vol. 1, p. 11
866 Colin et Capitant, op. cit., n°785.
405
406

Chapitre V : Aveu

Section 1 : Définition et valeur

L’aveu est la reconnaissance par l’une des parties (c’est donc différent du
témoignage qui provient d’un tiers), de l’exactitude d’une allégation dirigée contre elle.
L’aveu est à première vue la meilleure des preuves et dans beaucoup de cas, il est
réellement ainsi. Les anciens auteurs l’appelaient « probatio probatissima ». Il pourrait
pourtant se faire qu’un aveu soit volontairement faux, soit pour égarer la justice, soit par
la plaisanterie, soit par pression.
L’aveu d’autre part, pourrait être employé dans le but de faire naître un droit ou
d’y renoncer indirectement, ainsi il pourra favoriser des fraudes. Ces considérations
expliquent que le législateur, tout en donnant l’aveu une place de choix dans la hiérarchie
des preuves, ait introduit certaines distinctions dans sa force probante, et ait placé
certaines conditions à son admissibilité.
Limites à l’admissibilité de l’aveu
Il y a des matières où pour éviter les collusions et des renonciations à des droits
indisponibles, la loi prohibe l’aveu. Tel est le cas des procès de divorce, en séparation des
biens.
La doctrine suivie par la jurisprudence, par ailleurs, exige traditionnellement une
certaine capacité pour faire des aveux : ceux-ci engagent, en effet, le fond du droit et
entraînent souvent la perte du procès. Aussi, sont-ils dénués d’effets lorsqu’ils émanent
d’un incapable (mineur, interdit) (867). On peut dire d’une manière générale que pour
pouvoir avouer, il faut pouvoir disposer de l’objet de la contestation. L’aveu d’un
mandataire ne lie le mandant que si celui-ci avait donné à son représentant un pouvoir
spécial.

Section 2 : Règles relatives à la force probante

On distingue à ce point de vue deux sortes d’aveu : l’aveu extrajudiciaire et l’aveu


judiciaire
§1. Aveu extrajudiciaire
C’est celui qui est fait en dehors de la présence du juge ou, ce qui revient au même,
dans une autre instance.
L’aveu extrajudiciaire peut être écrit ou verbal.
L’admissibilité de ce mode de preuve est liée à celle de la preuve testimoniale (art.
231). Quant à l’aveu extrajudiciaire écrit, c’est en réalité un écrit, auquel s’appliqueront les

867 Ripert et Boulanger, op. cit., t.II, n° 2285


407

règles de la preuve littérale (868).


La jurisprudence décide que l’aveu extra judiciaire fait par un co-débiteur solidaire
ne le lie que lui seul et non pas le co-débiteur. L’aveu extra-judiciaire ne diffère pas dans
ses effets de l’aveu judiciaire(869). Ne peut donc être considérée comme aveu, une lettre
dont l’interprétation n’exclut pas que son auteur a pu être guidé par des causes étrangères
à l’intention de faire un aveu(870).
§2. Aveu judiciaire
L’aveu judiciaire est celui qui est fait en justice dans l’instance et en présence du
juge. C’est l’aveu proprement dit.
La procédure employée pour s’efforcer d’obtenir des aveux est la comparution
personnelle. Il va de soi que l’aveu peut être spontané, par exemple dans les conclusions.
Selon la jurisprudence, un aveu judiciaire doit être consigné dans un procès-verbal. Il ne
peut découler d’une simple déclaration du juge (871).
La force probante de l’aveu est complète ; l’article 232, alinéa 2 du Code civil, livre
III dit qu’il fait foi. Le juge doit donc s’incliner devant lui et tenir pour vrai ce qu’il
contient. Cette efficacité de l’aveu souffre pourtant de deux restrictions:
1. Indivisibilité de l’aveu – Principes
Le plaideur qui fait un aveu se borne rarement à reconnaître le fait allégué contre
lui sans modification, ni additions. Il lui donne une couleur ou y relève des circonstances
qui en modifient les effets juridiques. Par exemple : « Je reconnais vous avoir emprunté
telle somme mais sans intérêt », ou encore, « Je reconnais avoir reçu telles actions au
porteur, mais à titre de don manuel et non à titre de dépôt ». C’est ce qu’on appelle aveu
qualifié.
Celui qui avoue peut aussi ajouter au fait primitif un fait distinctif decelui-ci. Par
exemple : « Je reconnais vous avoir emprunté la somme de 100 Fc, mais je vous l’ai
remboursée ». C’est ce qu’on appelle « aveu complexe ».
L’article 232 alinéa 3 décide que l’on ne peut diviser l’aveu contre celui qui l’a fait.
On applique cette règle aux deux sortes d’aveux dégagées ci-dessus.
Il est toutefois de tradition de faire une distinction dans les aveux complexes :
1°. Les faits rapportés par la partie dont émane l’aveu sont-ils connexes avec le fait
primitif, l’on considère l’aveu comme indivisible. Il en sera ainsi lorsque le
second fait ne pourrait exister sans le fait primitif. Par exemple : aveu d’un prêt
accompagné de l’affirmation du remboursement.

868 En ce qui concerne l’enregistrement d’une conversation sur bande magnétique, J.P. Fesche Solins, 28 mai 1958,
JCP 1958-1959, p. 14
869 Léo., 27 septembre 1951, RJCB, 1952, p. 24
870 Léo., 30 mars 1948, RJCB 1948, p. 170
871 L’shi, 11 août 1972, RJZ 1972, p. 188
408

2°. Les faits sont-ils au contraire non connexes, l’aveu peut être divisé contre celui
dont il émane. Ainsi, d’après la jurisprudence, un aveu complexe peut être divisé
lorsque le fait nouveau allégué par l’auteur de l’aveu est étranger au fait
principal (872).
Portée du principe
Diviser un aveu, c’est prendre ce qui est favorable et rejeter ce qui est défavorable,
voilà ce qui est défendu. L’aveu du défendeur qui, reconnaissant avoir contracté une dette
envers le demandeur, avoue l’avoir éteinte par paiement est indivisible(873).
Mais l’indivisibilité de l’aveu n’interdit nullement à une partie de prouver selon
les règles, la fausseté partielle de l’aveu de l’adversaire. Ainsi, dans le cas du prêt
prétendument remboursé, on pourra établir le non remboursement.
Parfois même cette preuve contraire est inutile, l’inexactitude partielle de l’aveu
étant d’emblée démontrée par les faits de la cause. Tel est le cas où les aveux faits par une
partie sont contradictoires.
2. Irrévocabilité de l’aveu
L’aveu est en principe irrévocable une fois qu’il a été prononcé. Il n’est pas
nécessaire pour cela que la partie bénéficiaire de cet aveu soit intervenue pour le recevoir
expréssement; cependant, afin d’éviter toute erreur de mémoire et toute dénégation dans
l’avenir, cette partie agit prudemment en demandant acte de l’aveu de la partie adverse.
Notons que la jurisprudence est généralement en sens contraire(874).
L’aveu est pourtant révocable pour cause d’erreur de fait. Par exemple : un héritier
fait aveu d’une créance contre son auteur; par après, il retrouve une quittance du
créancier. L’aveu est révocable. Au fond, il y a ici plutôt rectification que rétractation : on
prouve soi-même la fausseté involontaire de son aveu.
Par contre, jamais l’aveu ne peut être rétracté pour cause de droit. Ainsi,
supposons que notre héritier ait fait son aveu dans l’ignorance où il était que comme
héritier, il est tenu des dettes de son auteur. Par après, il apprend son erreur. L’aveu ne
sera pas révocable. Telle était déjà la solution romaine et elle est de pur bon sens

872 1ère inst. Elis, 27 janvier 1938, p. 144 ; Léo, 12 mars 1957, RJCB 1957, p. 295.
873 1ère inst. Léo, 16 juin 1926, RJCB 1927, p. 125.
874 Ripert et Boulanger,op. cit., t.II, p. 721, en note.
409
410

Chapitre VI : Serment

Section 1 : Définition

Le serment est l’acte à la fois civil et religieux, par lequel une personne prend Dieu
à témoin de la vérité d’un fait ou de la sincérité d’une promesse et l’invoque comme
vengeur du parjure(875).
Dans notre civilisation, l’on peut tout aussi bien prendre les ancêtres à témoin que
le serment serait valable.
C’est l’élément religieux qui, à l’origine, est la caractéristique essentielle du
serment, comme le disent Colin et Capitant (876). Ce caractère indélébile et sans lui, il n’y a
plus qu’une affirmation ou une promesse ordinaire.
Le faux serment est puni également (Code pénal, art. 132).

Section 2 : Catégories

Il y a deux catégories de serments probatoires : le serment décisoire et le serment


déféré d’office.
§1. Serment décisoire ou litisdécisoire
C’est une convention, sorte de transaction, sous le contrôle du juge, par laquelle
l’une des parties s’en remet à la conséquence de son adversaire pour faire dépendre du
serment la solution du litige. Le juge, dans ce cas, cesse d’avoir un rôle actif; il n’est plus
qu’un simple spectateur qui enregistre le résultat de la procédure et il est lié par ce
résultat (art. 233 al. 1er du Code civil, livre III). C’est dire que le serment litis décisoire
présente, dans les périodes de profond abaissement religieux comme la nôtre, de réels
dangers.
Aussi, la jurisprudence, contrairement à une interprétation stricte des textes, et en
se basant sur le mot « peut » de l’art 234 décide-t-elle que le juge peut refuser la délation
du serment quand il possède déjà des éléments de conviction suffisants ou quand il juge
que les faits sur lesquels cette délation est réclamée ne sont ni pertinents, ni
vraisemblables (877). La jurisprudence est donc réticente à l’égard du serment à cause de
l’abaissement du sentiment religieux.
Fonctionnement du serment décisoire

875 Aubry et Rau, op. cit., t XII, § 752


876 Colin et Capitant, op. cit., n° 813
877 Cass. fr , 9 décembre 1924, D. 1925, I .62
411

Un des plaideurs offre de renoncer à sa prétention si l’autre affirme sous serment


le fait sur lequel elle fonde sa prétention contraire. Celui à qui le serment est ainsi déféré
peut :
1°. soit prêter le serment auquel cas il gagne son procès;
2°. soit refuser de le prêter, auquel cas il perd;
3°. soit le référer à son adversaire auquel cas celui-ci jure ou refuse de jurer; ce qui
entraîne pour lui les mêmes conséquences de l’article 237.
Règles qui régissent le serment litis décisoire
Le serment ne peut en principe porter que sur des faits personnels à la partie à
laquelle on le défère (art. 235 et 238 du Code civil, livre III). C’est ce que l’on appelle le
serment de connaissance. Par exception, dans un cas comme celui de l’article 655, alinéa 2
du Code civil, livre III, la loi admet le serment dit de crédibilité. Selon la jurisprudence, il
n’est pas possible de déférer le serment à une partie qui ne figure pas personnellement au
procès, telle une société(878).
Le serment peut porter sur toutes espèces de contestations sauf celles qui sont
relatives à l’état des personnes, et d’une façon plus générale sur celles qui mettent en jeu
une question d’ordre public. En effet, c’est une convention et on ne peut dans une
convention aller à l’encontre d’une règle d’ordre public. La formule de l’article 234 du
Code civil, livre III est donc trop générale.
Jamais le serment, une fois prononcé, l’adversaire n’est admis à en prouver la
fausseté (art. 239). Ce serait revenir indirectement sur la chose jugée. C’est pourquoi une
jurisprudence unanime décide que si on peut évidemment poursuivre pénalement
l’auteur d’un faux serment, on ne peut le condamner civilement à des dommages-
intérêts(879).
§2. Serment déféré d’office
Le serment déféré d’office est essentiellement du précédent; c’est une simple
mesure d’instruction à laquelle le juge peut recourir en certains cas, mais qui ne le lie pas
et dont il apprécie librement la valeur.
Il est supplétoire ou estimatoire (art. 242 du Code civil, livre III).
I. Serment supplétoire
C’est celui que le juge peut déférer d’office, quand il n’est pas convaincu par les
preuves produites devant lui et qu’il veut en corroborer la conclusion ou en compenser
l’insuffisance.

878 Léo., 15 mars 1950, RJCB 1950, p. 118


879 Colin et Capitant, op. cit., t.2, n° 819
412

L’article 243 du Code civil, livre III fixe les deux conditions nécessaires pour que le
juge ne défère d’office le serment. Il faut : que la demande ne soit pleinement justifiée et
d’autre part, qu’elle ne soit pas complètement dénuée de preuve.
Il résulte de là qu’à la différence du serment décisoire, le serment supplétoire ne
peut être proposé en l’absence en l’absence de toutes preuves.
S’il s’agit d’un fait susceptible d’être démontré par témoins, le juge a toute liberté
pour proposer le serment supplétoire, sous la seule condition qu’il y ait dès à présent,
certains éléments de conviction résultant de témoignage déjà fournis, ou des
présomptions simples, si faibles soient-elles, contraire à la preuve littérale et nécessaire, le
juge ne peut recourir au serment supplétoire, en l’absence d’écrit, que s’il y a un
commencement de preuve par écrit (880).
II. Serment estimatoire ou in litem
C’est une variété du serment supplétoire, assez rare dans la pratique. Il est
employé quand il s’agit d’évaluer une chose, objet et d’un litige. Exemple : une malle
perdue dans un accident. Seul le juge peut le déférer et uniquement au demandeur, les
conditions d’admissibilité sont :
1°. qu’il n’existe pas d’autre moyen de constatation;
2°. que le juge fixe la somme jusqu’à concurrence de laquelle le demandeur se crut
sur son serment.

880 Colin et Capitant, op. cit., t.2, n°819


413
414

TITRE V : GARANTIES GENERALES DU DROIT DE CREANCE

Nous analyserons sous ce titre les droits du créancier non payé sur la personne et
sur les biens de son débiteur.
Le but du rapport d’obligation est le paiement du créancier. Quid en cas de non-
paiement? L’étude du contrat nous a permis déjà d’examiner les droits particuliers du
créancier d’une obligation contractuelle non payée. Il dispose des moyens d’action directs
et indirects : exception d’inexécution, astreinte, action en résolution, exécution forcée en
nature ou par équivalent.
Nous examinerons ci-dessous les moyens communs à tous les créanciers.

Chapitre I : Enumération

Le créancier non payé dispose de plusieurs droits sur la personne (section I) et sur
les biens de son débiteur (section II). Il peut envisager plusieurs mesures conservatoires
(section III).

Section 1 : Mesures de contrainte sur la personne du débiteur

Dans l’Ancien droit, le créancier disposait de plusieurs mesures de contrainte sur


la personne de son débiteur. Il pouvait le faire tuer, le faire travailler à son profit, le faire
mettre en prison à ses frais (nourriture) pour le forcer à exécuter les dettes civiles et
commerçiales.
Ces mesures de contrainte ont été supprimées dans les législations modernes. Il en
reste cependant des vestiges en matière pénale. L’article 16 du Code pénal dispose que
l’exécution des condamnations aux restitutions, aux dommages-intérêts et aux frais peut
être poursuivie par la voie de la contrainte par corps. Elle présente l’avantage de ne pas
libérer le condamné. L’exécution forcée après mise en demeure constitue aussi une
mesure de contrainte sur la personne du débiteur.

Section 2 : Mesures d’exécution sur les biens du débiteur


Origine
Tous les créanciers disposent d’un droit de gage général sur l’ensemble du
patrimoine du débiteur, présent et à venir. La règle est posée par l’article 245 de la loi n°
73/021 du 20 juillet 1973, telle que modifiée et complétée par la loi du 18 juillet 1980 :
« Tous les biens du débiteur, présents et à venir, sont le gage commun de ses créanciers et
le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers
des causes légales de préférence ».
415

Il existe une différence entre ce droit de gage et le droit réel de gage-nantissement.


Le droit de gage général est en effet un droit personnel de créance et portant sur
l’ensemble du patrimoine. Le droit de gage-nantissement est un droit réel, une sûreté
réelle portant sur un bien déterminé du débiteur et emportant droit de préférence
contrairement au droit général de gage (où le prix se distribue entre créanciers par
contribution) à moins qu’il n’existe entre eux des causes légitimes de préférence (881).
Conséquences
Le créancier peut pratiquer la saisie d’un bien de son débiteur, le vendre à ses
soins et se payer sur le prix. La saisie peut être une saisie-exécution, opérée directement
sur les biens du débiteur ou une saisie-arrêt, opérée indirectement sur le débiteur du
débiteur.
Tous les droits peuvent être saisis, sauf ceux qui sont insaisissables.
Le créancier peut aussi procéder à l’exécution forcée ou à l’astreinte.
Section 3 : Mesures de conservation
Le créancier peut entreprendre plusieurs mesures conservatoires du patrimoine
de son débiteur pour éviter sa dilapidation ou sa diminution. Ces mesures sont
notamment :
1°. l’apposition des scellés ;
2°. la nomination d’un administrateur provisoire, d’un curateur;
3°. l’inscription d’une hypothèque pour garantir sa créance;
4°. l’inscription d’une transaction immobilière passée par le débiteur;
5°. l’acceptation d’une succession qui lui est échue;
6°. le déclaration requise à peine de déchéance, à l’assureur de l’auteur responsable
du dommage;
7°. l’interruption d’une prescription relative à une créance du débiteur;
8°. l’opposition à un jugement par défaut contre le débiteur;
9°. l’exercice de l’action oblique ou subrogatoire (Code civil, livre III, art. 64) ;
10°. l’exercice de l’action paulienne ou révocatoire (Code civil, livre III, art. 65).

881 Loi n°73/021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, art. n° 244 tel que modifié par la loi du 18 juillet
1980 précitée.
416

Chapitre II : Action oblique ou subrogatoire

L’article 64 du Code civil dispose : « Néanmoins, les créanciers peuvent exercer


tous les droits et actions de leurs débiteurs, à l’exception de ceux qui sont exclusivement
attachés à la personne ». L’action oblique tire son origine du droit commun, avec cette
différence que là elle était collective et menée au nom et pour le compte de tous par un
curateur.

Section 1 : Raison d’être

L’action oblique tend à éviter qu’un débiteur se sachant insolvable et par


conséquent, redoutant une saisie de ses biens, ne néglige de faire valoir les droits qui lui
appartiennent parce qu’il n’en profiterait pas. Pour le créancier, le but de cette action est
d’éviter le périssement de gage général.
Tel serait le cas du débiteur qui négligerait d’accepter une succession qui lui est
échue, de poursuivre son propre débiteur qui ne paie pas, de faire annuler une vente ou
une donation, d’agir en répétition en cas de paiement de l’indû.
Cette action ne s’applique pas en cas de faillite car seul le curateur est habilité pour
exercer au nom de la masse, les droits et actions du failli. On retrouve ici la pratique
romaine.

Section 2 : Droits et actions susceptibles d’être exercés

Peuvent être exercés tous les droits et actions de nature patrimoniale, c’est-à-dire
qui présentent une valeur pécuniaire. On mentionnera notamment le fait de récupérer une
créance, un bien, d’acheter un legs, de faire annuler une vente, de poursuivre un débiteur
ou d’assigner un assureur pour non paiement d’une somme d’argent.
Sont exclus les droits purement moraux, tels que l’action en divorce, en séparation
de corps, en nullité du mariage. Ces droits sont relatifs à l’état et la capacité de personnes.
Ils ne procurent aucun bénéfice pécuniaire au créancier.
Sont d’autre part exclus, les droits exclusivement attachés à la personne, car ils
tirent leur existence des considérations d’ordre moral ou parce qu’ils sont insaisissables.
C’est le cas du droit à la pension alimentaire, du droit pour le stipulant de révoquer la
stipulation pour autrui, de certains droits patrimoniaux dont l’exercice est attaché à la
personne. Le droit à la réparation d’un dommage purement moral rentre dans cette
catégorie.
417

Section 3 : Conditions d’exercice

Il suffit que le créancier soit insolvable, qu’il ne soit pas à même de payer
totalement l’ensemble de ses créances, totalement mais pas lorsqu’il peut payer avec ce
qu’il a actuellement, et négligent (sinon le créancier n’aurait pas intérêt à agir).
Quant au créancier, il n’a pas besoin d’une mise en demeure ni d’une autorisation
en justice. Il suffit qu’il soit en possession d’une créance certaine et exigible soit un intérêt
à agir (ce qui implique la négligence du débiteur). Dans la pratique cependant, c’est rare
que le débiteur néglige car « qui paie ses dettes s’enrichit ». De plus, la saisie-arrêt qui
reste à la disposition du créancier est plus efficace que l’action oblique pour des dettes de
sommes d’argent.

Section 4 : Effets juridiques de l’action oblique

A’

A’’

Créanciers A B Débiteur

300.000

C tiers (Débiteur de B)
a) Vis-à-vis des tiers
Dans le schéma repris ci-dessus, les débiteurs de B sont des tiers, défendeurs à
l’action oblique.
Puisque le créancier agit au nom et à la place du débiteur originaire, la situation
des tiers reste inchangée vis-à-vis du débiteur.
Le créancier poursuivant peut les actionner même pour un montant dépassant sa
propre créance, pourvu qu’elle pût être réclamée par le débiteur.
Par ailleurs, le tiers débiteur peut opposer au créancier poursuivant de toutes les
exceptions qui auraient pu être opposées au débiteur originaire.
418

La jurisprudence décide unanimement que l’action basée sur l’art 64 du code civil
livre III ne peut être exercée par le créancier qu’au nom de son débiteur. Intentée par lui
en son nom personnel, elle n’est pas recevable (882).
b) Vis-à-vis du débiteur
Devant le silence de la loi, la doctrine pense que l’exercice de l’action oblique ne
dessaisit pas le débiteur qui conserve à tout moment son droit de disposition ou de
transiger avec le tiers défendeur. Car il peut lui-même agir à tout moment.
Le jugement intervenu entre les créanciers et les tiers n’est pas opposable au
débiteur. Mais pour éviter les inconvénients de cette inopposabilité, la pratique veut que
le débiteur soit toujours mis à la cause.
c) Vis-à-vis des autres créanciers
Puisque le créancier poursuivant agit en lieu et place et au nom du débiteur, il ne
tire aucun profit personnel et exclusif de l’action.
Les effets profitent à tous les créanciers car ils tombent dans le patrimoine du
débiteur, gage commun à tous. C’est là la différence avec l’action paulienne. Donc il y a
concours avec les autres créanciers. D’où l’avantage pour le créancier poursuivant à user
de l’action directe quand la loi la lui reconnaît, car elle accorde un privilège pratiquement.
Parmi les cas d’actions directes en droit congolais, on peut citer notamment :
1°. l’action de la victime contre l’assureur (art. 9 de la loi du 5 janvier 1973 portant
assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière des véhicules);
2°. l’action directe des ouvriers de l’entrepreneur contre le maître de l’ouvrage pour
paiement de leur salaire (art 445);
3°. l’action du propriétaire contre le sous-locataire (art 409) pour laquelle il existe
quelque controverse (883) ;
4°. l’action du mandant contre le mandataire substitué (art 535).

882 1ère inst. Cost., 12 mai 1950, RJCB 1951, p. 30 ; 1ère inst. Léo, 12 fév. 1960, R. Jud. 1962, p. 12 ; Léo, 22 janvier
1963, RJCB, p. 162.
883 Certains pensent qu’il ne s’agit pas d’une action directe. Développement dans l’ouvrage de principaux
contrats usuels: le bail.
419
420

Chapitre III : Action paulienne ou revocatoire

Selon l’article 65 du Code civil, les créanciers peuvent aussi, en leur nom
personnel, attaquer les actes faits par leurs débiteurs en fraude de leur droit.

Section 1 : Raison d’être

L’action paulienne tend à éviter qu’un débiteur aux abois tente de soustraire de
son patrimoine au préjudice des créanciers, ce qui lui reste dû d’actif. Il en est ainsi s’il
transforme des biens faciles à saisir, comme des immeubles, en argent liquide, titre au
porteur, s’il pratique des libéralités vis-à-vis de ses parents ou ses amis ou s’il vend un
bien à vil prix.
Le but de l’action d’action paulienne n’est donc pas l’annulation de l’acte, mais son
inopposabilité au créancier poursuivant.

Section 2 : Conditions d’exercice

§1. Fraude chez le débiteur


Il s’agit d’un simple état d’esprit, la connaissance par le débiteur du préjudice qu’il
va causer à ses créanciers en devenant insolvable. C’est l’élément psychologique. La
fraude sera souvent prouvée par présomption (précipitation dans les engagements, vil
prix des ventes...). Ce qui est important au niveau de cette condition est que les actes visés
et qui tombent sous le coup de l’action paulienne sont les actes d’appauvrissement et des
actes préjudiciables.
I. Actes d’appauvrissement
Il faut un véritable appauvrissement et non les actes par lesquels le débiteur a
refusé de s’enrichir. Le refus d’une donation ou d’une stipulation à son profit et le simple
paiement de ses dettes à l’un des créanciers ne constituent pas un acte d’appauvrissement.
II. Actes préjudiciables
Il s’agit d’acte qui préjudicie réellement le créancier (pas d’acte sans intérêt) en
créant ou en augmentant l’insolvabilité du débiteur. Si, malgré certaines diminutions de la
solvabilité, le débiteur peut encore payer le créancier, il n’y a pas préjudice.
Il a été jugé qu’un acte n’est préjudiciable pour l’application de l’action paulienne
que dans le cas où cet acte a causé ou aggravé directement l’insolvabilité du débiteur(884).

884 Léo, 12 novembre 1929, Jur. Col. 1930-1931, p. 17.


421

§2. Complicité du tiers contractant acquéreur du bien


Il faut qu’il ait sciemment aidé le débiteur à frustrer ses créanciers, c’est-à-dire
qu’il ait su que l’acte qui l’a enrichi, a créé ou augmenté l’insolvabilité de son auteur. La
preuve de cette faute doit être apportée pour les actes de titre onéreux; elle est présumée
pour les actes à titre gratuit. Reprenant les conditions, la jurisprudence décide que pour
l’exercice de l’action en nullité prévue par l’article 65 du Code civil, il faut léser son
créancier et que le tiers avec lequel le débiteur a contracté ait connu les mauvais desseins,
dessein de son débiteur et ait agi de concert avec lui pour frustrer les droits des autres
créanciers (885).
§3. Créances pour lesquelles l’action peut être exercée
1. Créances antérieures à l’acte d’appauvrissement : seuls les créanciers antérieurs à
l’acte d’appauvrissement du débiteur peuvent exercer l’action paulienne. On en
découvre facilement la raison, les créanciers postérieurs n’ont jamais pu compter
dans leur droit général de gage le bien aliéné.
2. Créances exigibles : en principe, le créancier doit disposer pour pouvoir agir,
d’une créance exigible. Il faut noter que la durée de l’action paulienne est de 30
ans à dater du jour où l’acte frauduleux est passé.

Section 3 : Effets juridiques

§1. Vis-à-vis du tiers acquéreur


Puisque le bien aliéné cesse d’être dans le patrimoine de leur débiteur, les
créanciers du tiers acquéreur n’auront plus aucun droit sur le bien en question. Ce bien va
dans le patrimoine du créancier poursuivant qui exercera sur lui tous les droits afférents à
son gage général, c’est-à-dire la saisie et l’exécution. Mais le créancier demandeur ne sera
désintéressé que dans la mesure de sa créance sur le débiteur. Le reliquat reste au tiers et
non au débiteur pour lequel l’acte reste révoqué. On voit par là que l’action paulienne
n’entraîne pas la nullité.
Notons que si ce que le tiers paie est insuffisant et si l’acte n’est pas à titre gratuit,
c’est le débiteur qui donne le supplément.
§2. Vis-à-vis des autres créanciers non-poursuivants
Ici, contrairement à l’action oblique, l’action révocatoire ne leur profite pas.
L’action révocatoire est personnelle et ne profite qu’au créancier qui l’a intentée.

885 Léo, 22 janvier 1929, Jur. Col. 1930-1931, p. 68 avec note ; L’shi, 2 et 4 décembre 1969, RJC 1970, p. 28.
On sait qu’il ne s’agit pas de nullité mais d’inopposabilité. Notre jurisprudence devrait être critiquée à cet égard.
422

§3. Vis-à-vis du débiteur


L’acte révoqué ne l’est qu’à l’égard du créancier poursuivant et non à l’égard du
débiteur. Contre ce dernier, l’acte révoqué est censé continuer à sortir les effets normaux.
Le tiers peut donc agir contre le débiteur en cas de perte de son bien en lui réclamant par
exemple une indemnité d’éviction.
423
424

Table des matières

Du même auteur ...........................................................................................................3


Sommaire......................................................................................................................4
Préface ..........................................................................................................................6
Principaux sigles et abreviations ................................................................................. 10
TITRE PRELIMINAIRE .............................................................................................. 12
1. Place des obligations en droit civil ........................................................................... 12
2. Droit congolais des obligations ................................................................................ 12
A. Importance du droit congolais des obligations ............................................................... 12
C. Evolution du droit congolais des obligations .................................................................. 15
3. Notion de l’obligation ............................................................................................. 16
a) Notion de l’obligation civile................................................................................................ 18
b) Quelques considérations sur l’obligation naturelle......................................................... 19
1° Origine et notion .............................................................................................................. 19
2° Différentes hypothèses des obligations naturelles ...................................................... 20
3° Effets .................................................................................................................................. 21
c) Contenu de l’obligation civile ............................................................................................. 22
4. Caractère patrimonial de l’obligation ....................................................................... 23
5. Principales classifications des obligations ................................................................. 24
§1. Classification des obligations d’après leur objet ............................................................ 24
Cas de mise en demeure.................................................................................................. 25
Cas de perte d’un corps certain ...................................................................................... 26
Quid de la culpa levis in abstracto ? .............................................................................. 27
1. Dol ou faute intentionnelle ......................................................................................... 27
2. Culpa levis in abstracto ............................................................................................... 27
3. Culpa levis in concreto ................................................................................................ 27
2. Contenu ......................................................................................................................... 28
§2. Classification des obligations d’après leurs sources ...................................................... 29
Remarque ................................................................................................................................... 30
6. Plan de l’ouvrage.......................................................................................................... 30
Titre I : CONTRATS ................................................................................................... 34
Chapitre I : Notions générales et classification des contrats .......................................... 34
Section 1: Notions générales .................................................................................................... 34
§1. Définition du contrat ...................................................................................................... 34
§2. Principe de l’autonomie de la volonté ou de liberté contractuelle () ...................... 36
I. Principe .......................................................................................................................... 36
II. Limitations au principe............................................................................................... 36
425

Section 2 : Classification des contrats ..................................................................................... 38


§1. Contrats nommés et contrats innommés ..................................................................... 38
§2. Classifications anciennes des contrats ......................................................................... 39
§3. Classifications modernes des contrats ......................................................................... 44
Chapitre II : Conditions de formation et de validité des contrats ................................... 48
Section 1 : Consentement ......................................................................................................... 48
§1. Consentement en lui-même ........................................................................................... 48
§2. Vices de consentement ................................................................................................... 59
Section 2 : Capacité de contracter............................................................................................ 83
§1. Notions et principe d’application en matière des contrats ....................................... 83
§2. Espèces d’incapacités...................................................................................................... 83
§3. Régime d’incapacité d’exercice ..................................................................................... 84
Remarques importantes ....................................................................................................... 86
Section 3 : Objet du contrat ...................................................................................................... 86
§1. Définition ......................................................................................................................... 86
§2. Caractères de l’objet........................................................................................................ 86
Section IV : Cause ...................................................................................................................... 90
§1. Notion de la cause........................................................................................................... 91
§2. Effets juridiques de la cause .......................................................................................... 95
Fausse cause ........................................................................................................................... 97
Tempéraments des adages................................................................................................. 100
Chapitre III : nullité des contrats ............................................................................... 104
Section 1 : Notions générales ................................................................................................. 104
§1. Définition ....................................................................................................................... 104
§2. Distinction entre la nullité et des notions voisines................................................... 104
Section II : Classification doctrinale des nullités................................................................. 106
§1. Fondement de chaque nullité ...................................................................................... 106
§2. Conditions d’exercice de l’action en nullité .............................................................. 107
§3. Modes d’extinction de l’action en nullité .................................................................. 108
Section 3 : Effets de la nullité ................................................................................................. 112
§1. Etendue de l’annulation ............................................................................................... 113
§2. Rétroactivité de la nullité ............................................................................................. 113
§3. Responsabilité civile ..................................................................................................... 114
Chapitre IV : Effets des contrats entre parties ............................................................. 116
Introduction ............................................................................................................................. 116
Section 1 : Principe de la force obligatoire du contrat ........................................................ 117
§1. Force du contrat entre parties ..................................................................................... 117
Conditions de la simulation .............................................................................................. 119
Eléments sur lesquels peut porter la simulation ............................................................ 119
426

Effet des contre-lettres entre parties ................................................................................ 119


Preuve de l’acte secret ........................................................................................................ 119
§2. Force du contrat à l’égard du juge ............................................................................. 120
I. Principe ........................................................................................................................ 120
II. Observations .............................................................................................................. 121
§3. Force du contrat à l’égard de la loi............................................................................. 122
Section 2 : Conditions de l’exécution forcée ........................................................................ 122
§1. Mise en demeure .......................................................................................................... 123
I. Notion ........................................................................................................................... 123
II. Nécessité ..................................................................................................................... 123
III. Pocédure .................................................................................................................... 123
IV. Effets .......................................................................................................................... 124
V. Cas où la mise en demeure est inutile .................................................................... 124
§2. Causes d’exonération ................................................................................................... 125
I. Cas fortuit et force majeure ....................................................................................... 125
II. Autres cas d’exonération .......................................................................................... 128
III. Preuve de la libération............................................................................................. 128
IV. Théorie de l’imprévision ......................................................................................... 130
Section 3 : Particularités de l’exécution des contrats synallagmatiques ......................... 131
§1. Principe de l’exécution simultanée des obligations réciproques et exceptio non
adimpleti contractus........................................................................................................... 132
I. Principe () ..................................................................................................................... 132
II. Origine de l’exceptio non adimpleti contractus .................................................... 133
III. Exceptions au principe de l’exécution simultanée .............................................. 133
§2. Principe de la connexité des obligations réciproques et théorie des risques ....... 133
I. Principe ........................................................................................................................ 133
II. Exception à ce principe ............................................................................................. 134
Section 4 : Conséquences de l’inexécution ou du retard dans l’exécution() ................... 136
§1. Exécution directe ou exécution en nature de l’obligation....................................... 136
I. Principe ........................................................................................................................ 136
III. Moyens de contrainte .............................................................................................. 138
§2. Exécution par équivalent ou en dommages intérêts ............................................... 141
I. Nature des dommages-intérêts ................................................................................. 141
II. Fixation des DI par le juge........................................................................................ 142
III. Fixation des DI par la loi dans les obligations ayant pour objet une somme
d’argent............................................................................................................................ 143
IV. Clauses conventionnelles relatives à la responsabilité du débiteur et aux DI ()
........................................................................................................................................... 145
Chapitre V : Effets des contrats a l’égard des tiers ...................................................... 152
Section 1 : Principe de la relativité des conventions ......................................................... 152
427

§1. Siège de la matière ........................................................................................................ 152


§2. Portée du principe de la relativité des conventions ................................................. 152
§3. Personnes visées à l’article 63 du Code civil congolais ........................................... 155
I. Représenté .................................................................................................................... 155
II. Ayants cause à titre universel .................................................................................. 155
III. Ayants cause à titre particulier ............................................................................... 156
Section 2 : Derogations au principe de la relativité des conventions............................... 158
§1. Promesse pour autrui ................................................................................................... 158
I. Nullité de la promesse pour autrui .......................................................................... 158
II. Validité de la promesse de porte-fort...................................................................... 159
III. Formes et hypothèses des clauses de porte-fort ................................................... 159
IV. Effets juridiques de la clause de porte-fort ........................................................... 160
§2. Stipulation pour autrui () ............................................................................................. 161
I. Définition ...................................................................................................................... 161
II. Validité de la stipulation pour autrui ..................................................................... 161
III. Mécanismes et effets de la stipulation pour autrui .............................................. 162
§3. Cas de simulation.......................................................................................................... 166
§4. Représentation () ........................................................................................................... 168
I. Notion ........................................................................................................................... 168
II. Caractères et hypothèse ............................................................................................ 168
III. Effets juridiques de la représentation .................................................................... 169
§5. Contrats collectifs () ...................................................................................................... 170
I. Notion ........................................................................................................................... 170
II. Effet .............................................................................................................................. 170
III. Application ................................................................................................................ 170
Chapitre VI : Extinction et resolution des contrats ...................................................... 172
Section 1 : Causes générales d’extinction ............................................................................. 172
Section 2 : Résolution judiciaire du contrat synallagmatique....................................... 172
§1. Droit d’option du créancier. Son fondement ............................................................ 173
§2. Conditions d’application et effets de la résolution .................................................. 174
I. Conditions d’application ............................................................................................ 174
II. Effets de la résolution ................................................................................................ 176
§3. Contrats auxquels s’applique l’article 82 ................................................................... 176
§4. Clauses relatives à la résolution .................................................................................. 176
I. Pacte commissoire exprès simple.............................................................................. 176
II. Pacte commissoire exprès étendu ............................................................................ 178
TITRE II : DELITS ET QUASI-DELITS ...................................................................... 180
Chapitre I : Responsabilité pour fait personnel ........................................................... 184
Section 1 : Dommage............................................................................................................... 184
428

§1. Nécessité du dommage................................................................................................ 184


§2. Catégories des dommages réparables ...................................................................... 184
I. Dommages matériels .................................................................................................. 184
II. Dommages corporels ................................................................................................ 185
III. Dommages moraux .................................................................................................. 185
§3. Caractères des dommages réparables en droit congolais ...................................... 188
I. Le dommage doit être certain ................................................................................... 188
II. Le dommage doit consister dans la violation d’un intérêt légitime
« juridiquement protégé » ............................................................................................. 190
III. Le dommage doit être direct................................................................................... 191
IV. Le dommage doit être personnel ........................................................................... 191
Section 2 : Faute ....................................................................................................................... 192
§1. Culpabilité de l’auteur ou la recherche proprement dite du fait illicite ............... 192
I. Faute, violation d’un texte ......................................................................................... 192
II. Faute en dehors de la violation d’un texte ............................................................. 194
III. Faute dans l’exercice d’un droit ............................................................................. 197
§2. Imputabilité ................................................................................................................... 198
Principe ............................................................................................................................ 198
I. Une volonté consciente .............................................................................................. 198
II. Une volonté capable .................................................................................................. 199
III. Une volonté libre ...................................................................................................... 199
Section 3: Lien de causalité entre la faute et le dommage ................................................. 201
§1. Problématique de la causalité ..................................................................................... 201
§2. Recherche et application de la notion de causalité en droit congolais.................. 202
I. Recherche du lien causal............................................................................................ 202
II. Application de la notion de causalité ..................................................................... 203
Section 4: Action en responsabilité delictuelle.................................................................... 204
§1. Caractères de l’action en responsabilité civile .......................................................... 205
§2. Compétence du tribunal .............................................................................................. 205
§3. Personnes pouvant intenter l’action .......................................................................... 205
§4. Extinction de l’action.................................................................................................... 206
§5. Preuve ............................................................................................................................ 206
§6. Jugement statuant sur la responsabilité .................................................................... 206
I. Mode de la réparation ................................................................................................ 206
II. Montant de la réparation .......................................................................................... 207
Section 5 : Fondement de la responsabilté .......................................................................... 208
Chapitre II : Responsabilité du fait d’un tiers ............................................................. 210
Section introductive ................................................................................................................ 210
§1. Responsabilité du fait d’un tiers, exception au droit commun de la responsabilité
civile ..................................................................................................................................... 210
429

§2. Enumération des personnes responsables ................................................................ 211


§3. Fondement général de la responsabilité des personnes visées aux alinéas 2, 3 et 4
de l’article 260 ...................................................................................................................... 211
Section 1 : Responsabilité du père ou de la mère................................................................ 212
§1. Principe........................................................................................................................... 212
§2. Conditions d’application ............................................................................................. 213
I. Dmommage causé par un enfant .............................................................................. 213
II. Enfant habitant avec ses parents.............................................................................. 214
III. Dommage causé par le fait personnel de l’enfant ................................................ 214
§3. Fondement ..................................................................................................................... 214
Section 2 : Responsabilité des instituteurs et artisans ........................................................ 215
§1. Principe........................................................................................................................... 215
§2. Conditions d’application ............................................................................................. 215
§3. Fondement et force de la présomption ...................................................................... 216
Section 3 : Responsabilité civile des maîtres et commettants() ......................................... 216
§1. Principe........................................................................................................................... 216
§2. Conditions d’application ............................................................................................. 217
§3. Fondement et force de la présomption ...................................................................... 220
Section 4 : Responsabilité civile des proprietaires des véhicules automoteurs .............. 221
§1. Principe........................................................................................................................... 221
§2. Conditions de responsabilité ....................................................................................... 221
§3. Fondement et force de la présomption ...................................................................... 222
Chapitre III : Responsabilité du fait des choses ........................................................... 224
Section 1 : Responsabilité du fait des animaux ................................................................... 224
§1. Principe........................................................................................................................... 224
§2. Conditions d’application ............................................................................................. 224
I. Animal visé .................................................................................................................. 224
II. Responsable ................................................................................................................ 225
§3. Fondement de la présomption .................................................................................... 226
Section 2 : Responsabilité civile du fait de la ruine des bâtiments ................................... 227
§1. Principe........................................................................................................................... 227
§2. Conditions d’application ............................................................................................. 227
§3. Fondement et force de la présomption ...................................................................... 228
Section 3: Responsabilité pour choses inanimées ............................................................... 229
§1. Principe de solution ...................................................................................................... 230
§2. Conditions d’application de la responsabilité pour fait des choses inanimées en
général .................................................................................................................................. 231
I. La chose ........................................................................................................................ 231
II. Le fait de la chose ....................................................................................................... 232
III. La garde ..................................................................................................................... 233
430

§3. Fondement et force de la présomption ...................................................................... 235


Chapitre IV : Rapports entre la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle
................................................................................................................................ 236
Section 1 : Intérêts pratiques de la distinction .................................................................... 236
§1. Distinction quant aux règles de fond ......................................................................... 236
§2. Distinction quant aux règles de preuve..................................................................... 237
Section 2 : Domaine respectif des deux responsabilites .................................................... 238
§1. Principe .......................................................................................................................... 238
I. Faute délictuelle commise par un tiers étranger au contrat ................................. 238
II. Faute délictuelle commise par un contractant à l’égard d’un tiers étranger .... 239
III. Faute délictuelle commis par un contractant à l’égard d’une partie au contrat
........................................................................................................................................... 239
Section 2 : Concours de deux responsabilités ..................................................................... 239
§1. Position du problème ................................................................................................... 239
§2. Principe de solution ..................................................................................................... 240
Chapitre IV : Critiques du système classique de la responsabilité civile et évolution
moderne de la théorie de la responsabilité civile () ..................................................... 242
Schéma...................................................................................................................................... 242
TITRE III : QUASI-CONTRATS ................................................................................. 246
Chapitre I : Gestion d’affaires .................................................................................... 248
Section 1 : Notion .................................................................................................................... 248
Section 2 : Conditions de la gestion d’affaires .................................................................... 249
§1. Quant à l’affaire ............................................................................................................ 249
§2. Quant à gérant .............................................................................................................. 250
§3. Quant au maître (géré)................................................................................................. 250
Section 3 : Effets de la gestion d’affaires .............................................................................. 251
§1. Entre parties .................................................................................................................. 251
I. Obligations du gérant................................................................................................. 251
II. Obligations du maître ............................................................................................... 252
§2. A l’égard des tiers ......................................................................................................... 252
Chapitre II : Paiement de l’indu et action en répétition ............................................... 254
Section 1 : Notion et hypothèses ........................................................................................... 254
§1. Définition ....................................................................................................................... 254
§2. Hypothèses .................................................................................................................... 254
Section 2 : Conditions du paiement de l’indu ..................................................................... 255
Section 3 : Effets du paiement de l’indu .............................................................................. 255
§1. Principe .......................................................................................................................... 255
§2. Fondement de l’action ................................................................................................. 256
§3. Etendue de la restitution ............................................................................................. 256
431

I. Accipiens de bonne foi ............................................................................................... 256


II. Accipiens de mauvaise foi ........................................................................................ 256
III. Remboursement des dépenses engagées par l’accipiens .................................... 257
Chapitre III : Enrichissement sans cause .................................................................... 258
Section 1 : Principe .................................................................................................................. 258
Section 2 : Conditions de l’action de In rem verso ............................................................. 258
§1. Enrichissement d’un patrimoine et appauvrissement corrélatif d’un autre
patrimoine ............................................................................................................................ 259
§2. Absence de cause tant pour l’enrichissement que pour l’appauvrissement ........ 259
§3. Caractère subsidiaire de l’action ................................................................................. 260
§4. Absence d’intérêt chez l’appauvri .............................................................................. 261
Section 3 : Conséquence de l’action ...................................................................................... 261
TITRE I : TRANSMISSION DES OBLIGATIONS ........................................................ 268
Chapitre I : Généralités ............................................................................................. 268
Chapitre II : Conditions de la cession de créance ........................................................ 270
Section 1 : Principe de la cessibilité de la créance ............................................................... 270
Section 2 : Moment du transfert ............................................................................................ 270
§1. Entre les parties ............................................................................................................. 270
§2. A l’égard des tiers ......................................................................................................... 270
I. Signification du transfert faite au débiteur .............................................................. 270
II. Acceptation du débiteur dans un acte authentique .............................................. 271
Chapitre III : Effets de la cession de créance ............................................................... 274
Section 1 : Effets généraux de la cession de créance ........................................................... 274
Section 2 : Effets particuliers en tant que vente................................................................... 275
§1. Obligation de garantie de droit commun .................................................................. 275
§2. Garantie résultant d’une clause expresse ou garantie de fait ................................. 276
I. Clauses restrictives...................................................................................................... 276
II. Clauses extensives ..................................................................................................... 276
Chapitre IV : Règles particulières a la cession de certaines créances ............................ 278
Section 1 : Créances hypothécaires ....................................................................................... 278
Section 2 : Titres négociables ................................................................................................. 278
§1. Notion ............................................................................................................................. 278
§2. Régime juridique quant à leur cession ....................................................................... 278
Chapitre V : Cession de dette .................................................................................... 280
TITRE II : MODES D’EXTINCTION DES OBLIGATIONS........................................... 282
Introduction ............................................................................................................. 282
I. Notion d’extinction des obligations ou mieux de rapport d’obligation () ................... 282
II. Enumération des différents modes d’extinction des obligations et critiques ............ 282
432

1. Enumération de l’article 132 du Code civil congolais et ses critiques .................... 282
2. Critiques........................................................................................................................... 282
a. Perte de la chose due ................................................................................................. 282
b. Nullité ou rescision .................................................................................................... 283
c. Condition résolutoire ................................................................................................. 283
III. Plan retenu ......................................................................................................................... 284
1° Le paiement .................................................................................................................... 284
2° Les modes volontaires d’extinction des obligations ................................................. 284
3° Les modes légaux d’extinction des obligations ......................................................... 284
Chapitre I : Paiement ................................................................................................ 286
Section 1 : Paiement pur et simple........................................................................................ 286
§1. Qui peut payer ? ........................................................................................................... 286
I. Principe ........................................................................................................................ 286
II. Conditions de validité du paiement ....................................................................... 286
§2. A qui doit être fait le paiement ? ................................................................................ 287
I. Principe ........................................................................................................................ 287
§3. Que doit comprendre le paiement ? .......................................................................... 287
I. Payer la chose due et non une autre......................................................................... 288
II. Payer la totalité de dette ........................................................................................... 288
§4. Epoque, lieu et frais de paiement ............................................................................... 289
I. Epoque.......................................................................................................................... 289
II. Lieu .............................................................................................................................. 289
III. Frais ............................................................................................................................ 289
§5. Règles concernant les dettes de somme d’argent..................................................... 289
§6. Imputation des payements .......................................................................................... 290
I. Position du problème ................................................................................................. 290
II. Solutions ..................................................................................................................... 291
§7. Des offres de paiement et de la consignation ........................................................... 292
I. Offres de payement .................................................................................................... 292
A. Position du problème ............................................................................................... 292
II. Consignation .............................................................................................................. 292
III. Effets de la consignation ......................................................................................... 292
IV. Frais de la consignation........................................................................................... 293
Section 2 : Paiement avec subrogation ................................................................................. 294
§1. Notions générales ......................................................................................................... 294
§2. Espèces de subrogation................................................................................................ 294
I. Subrogation conventionnelle .................................................................................... 295
II. Subrogation légale ......................................................................................................... 299
A. Cas du code civil ....................................................................................................... 299
§3. Effets de la subrogation dans le paiement ................................................................ 303
433

Section 3 : Paiement par compensation () ............................................................................ 305


§1. Notions générales.......................................................................................................... 305
§2. Conditions générales de la compensation ................................................................. 305
§3. Espèces de compensation ............................................................................................ 306
§4. Etude de la compensation légale ................................................................................ 306
I. Conditions () ................................................................................................................ 306
II. Cas exceptionnels où la compensation légale est écartée..................................... 307
III. Effets de la compensation légale ............................................................................ 309
§5. Autres formes de compensation ................................................................................. 310
I. Compensation conventionnelle ................................................................................. 310
II. Compensation judiciaire ........................................................................................... 310
Chapitre II : Modes volontaires d’extinction des obligations ....................................... 312
Section 1 : Remise de dette ..................................................................................................... 312
§1. Définition ....................................................................................................................... 312
§2. Conditions de la remise de dette ................................................................................ 313
I. Conditions de fond ..................................................................................................... 313
II. Conditions de forme : absence de forme particulière ........................................... 313
§3. Preuve de la remise de dette ....................................................................................... 313
I. Preuve de la libération du débiteur .......................................................................... 313
II. Preuve du mode de la libération.............................................................................. 314
§4. Effets de la remise de dette .......................................................................................... 315
I. Extinction de la créance et disparition des sûretés ................................................. 315
II. Cas de remise d’une dette solidaire ........................................................................ 315
III. Cas de la remise d’une chose donnée en nantissement ...................................... 315
IV. Cas de l’article 180 du Code civil, livre III ............................................................ 315
Section 2 : Novation et délégation ........................................................................................ 316
Sous-section 1 : Novation ................................................................................................... 316
§1. Définition ................................................................................................................... 316
§2. Sources de la novation ............................................................................................. 316
§3. Conditions requises pour qu’il y ait novation ...................................................... 318
§4. Critique et intérêt actuel de la novation .................................................................... 319
I. Critique ......................................................................................................................... 319
II. Intérêt actuel ............................................................................................................... 320
§5. Effets de la novation ..................................................................................................... 320
I. Extinction de l’obligation originaire avec tous ses accessoires (art. 170) ........... 320
II. Substitution d’une obligation nouvelle .................................................................. 321
Sous-Section 2 : Délégation .................................................................................................... 321
§1. Notion et hypothèse ..................................................................................................... 321
§2. Conditions de la délégation ......................................................................................... 323
I. Délégation parfaite ...................................................................................................... 323
434

II. Délégation imparfaite ............................................................................................... 323


§3. Effets de la délégation .................................................................................................. 323
I. Délégation parfaite ..................................................................................................... 323
II. Délégation imparfaite ............................................................................................... 324
Chapitre III : Modes légaux d’extinction des obligations ............................................ 326
Section 1: Confusion ............................................................................................................... 326
§1. Notion ............................................................................................................................ 326
§2. Conditions ..................................................................................................................... 326
§3. Effets ............................................................................................................................... 326
Section 2 : Prescription extinctive ......................................................................................... 327
§1. Notion et fondement .................................................................................................... 327
I. Notion ........................................................................................................................... 327
§2. Durée de la prescription () .......................................................................................... 328
I. Prescription trentenaire ............................................................................................. 328
II. Prescription décennale .............................................................................................. 329
III. Prescription quinquennale ...................................................................................... 329
IV. Prescription annale ou par an et prescription de six mois ................................. 330
§3. Conventions relatives à la prescription () ................................................................. 332
I. Conventions prohibées .............................................................................................. 332
II. Conventions permises............................................................................................... 332
§4. Point de départ de la prescription.............................................................................. 333
§5. Interruption de la prescription ................................................................................... 334
I. Notion ........................................................................................................................... 334
II. Causes (art. 636) ......................................................................................................... 334
III. Effets........................................................................................................................... 334
§6. Suspension de la prescription ..................................................................................... 335
I. Notion ........................................................................................................................... 335
II. Causes ......................................................................................................................... 335
§7. Effets de la prescription ............................................................................................... 335
§8. Délais préfix .................................................................................................................. 336
TITRE III : MODALITES DES OBLIGATIONS ET OBLIGATIONS COMPLEXES ........ 338
Introduction ............................................................................................................. 338
SOUS-TITRE I : MODALITES DES OBLIGATIONS.................................................... 338
Chapitre I : Condition ............................................................................................... 338
Section 1 : Notion .................................................................................................................... 338
Section 2 : Differéntes espèces de conditions ...................................................................... 340
§1. Condition suspensive et condition résolutoire......................................................... 340
§2. Condition casuelle, mixte, potestative ....................................................................... 341
§3. Condition impossible, illicite, immorale ................................................................... 342
435

Section 3 : Effets de la condition ............................................................................................ 343


§1. Situation pendente conditione .................................................................................... 343
I. Condition suspensive ................................................................................................. 343
II. Condition résolutoire ................................................................................................ 343
§2. Réaliation de la condition ............................................................................................ 343
I. Principe : rétroactivité de la condition réalisée ....................................................... 343
II. Principales conséquences et précisions................................................................... 344
§3. Non-réalisation (défaillance) de la condition ............................................................ 344
I. Condition suspensive ................................................................................................ 344
II. Condition résolutoire ................................................................................................ 344
Chapitre II : Obligation à terme ................................................................................. 346
Section 1 : Notion et distinctions ........................................................................................... 346
I. Terme certain et terme incertain ............................................................................... 346
II. Terme suspensif et terme extinctif........................................................................... 346
III. Terme de droit et terme de grâce ........................................................................... 346
Section 2 : Effets du terme ...................................................................................................... 347
§1. Effets du terme de droit ............................................................................................... 347
I. Effets du terme extinctif ............................................................................................. 347
II. Effets du terme suspensif.......................................................................................... 347
§2. Effets du terme de grâce............................................................................................... 349
SOUS-TITRE II : LES OBLIGATIONS COMPLEXES ................................................... 350
Chapitre I : Obligations à objets multiples .................................................................. 350
Section 1: Distinction............................................................................................................... 350
Section 2 : Effets ....................................................................................................................... 350
§1. Obligations conjointes .................................................................................................. 350
§2. Obligations alternatives ............................................................................................... 351
§3. Obligations facultatives................................................................................................ 351
§4. Différence entre obligations facultatives et alternatives ......................................... 351
I. Demande en justice ..................................................................................................... 351
II. Risques......................................................................................................................... 352
III. Nature de l’obligation .............................................................................................. 352
Chapitre II : Obligation à débiteurs multiples............................................................. 354
Sous-chapitre I : Obligations conjointes ............................................................................... 354
Section 2 : Conséquences du principe de la divisibilité de la dette .................................. 355
Section 3 : Dérogations au principe de la divisibilité de la dette ...................................... 355
Sous-Chapitre II : Obligations solidaires du coté des débiteurs (solidarité passive) ...... 356
Section 1 : Notion et analyse .................................................................................................. 356
§1. Notion de l’obligation solidaire .................................................................................. 356
§2. Analyse de l’obligation solidaire ................................................................................ 356
436

Section 2: Sources de la solidarité passive ........................................................................... 357


§1. Volonté de l’homme ..................................................................................................... 357
§2. Loi ................................................................................................................................... 357
Section 3 : Effets de la solidarité passive dans les rapports du créancier avec les co-
débiteurs 357
§1. Effet principal de la solidarité..................................................................................... 357
§2. Opposabilité des moyens de défense......................................................................... 358
A. Moyens de défense communs à tous les débiteurs .............................................. 358
B. Moyens de défense pouvant être invoqués par certains débiteurs .................... 358
C. Solutions concernant la compensation et la remise de dette () ........................... 359
§3. Effets secondaires de la solidarité .............................................................................. 360
§4. Conséquences du décès d’un co-débiteur solidaire laissant plusieurs héritiers . 362
§5. Distinction de l’obligation solidaire et de l’obligation in solidum ........................ 363
Section 4 : Effets de la solidarité passive dans les rapports des co-débiteurs entre eux 364
§1. Répartition de la dette entre les co-débiteurs ........................................................... 364
§2. Recours du co-débiteur qui a payé ............................................................................ 364
§3. Division du recours ...................................................................................................... 365
Section 5 : Remise de la solidarité......................................................................................... 366
§1. Remise expresse ............................................................................................................ 366
§2. Remise tacite.................................................................................................................. 366
Sous-Chapitre III : Obligations indivisibles ................................................................ 366
Section 1 : Généralités............................................................................................................. 366
§1. Transition et observation préliminaire ...................................................................... 366
§2. Idée générale, rapprochement avec la solidarité passive ....................................... 367
Section 2 : Indivisibilité naturelle ......................................................................................... 367
§1. Définition ....................................................................................................................... 367
§2. Effets de l’indivisibilité ................................................................................................ 368
I. Effets moins étendus .................................................................................................. 368
II. Effets plus étendus .................................................................................................... 368
Section 3 : Indivisibilité conventionnelle ............................................................................. 369
§ unique : Notion et rôle .................................................................................................... 369
Chapitre III : Obligations à créanciers multiples ......................................................... 372
Section 1 : Obligations conjointes ......................................................................................... 372
§1. Principe de la divisibilité de la créance ..................................................................... 372
§2. Conséquences de la divisibilité de la créance ........................................................... 373
Section 2 : Oligation solidaire du coté des créanciers (Solidarité active) ........................ 373
Section 3 : Obligations indivisibles ....................................................................................... 374
TITRE IV : PREUVE DES OBLIGATIONS()................................................................ 376
Introduction ............................................................................................................. 376
437

Chapitre I : Des constatations matérielles ................................................................... 380


Chapitre II : Preuve par écrit (littérale ou pré-constituée)............................................ 382
Section 1 : Actes authentiques et actes sous seing privé .................................................... 382
§1. Définition ....................................................................................................................... 382
§2. Différences entre actes authentiques et actes sous seing privé .............................. 382
I. Quant aux formalités de rédaction ........................................................................... 382
II. Quant à la force exécutoire ....................................................................................... 386
III. Quant à la force probante ........................................................................................ 387
Section 2 : Actes recognitifs et confirmatifs ......................................................................... 391
§1. Notions générales.......................................................................................................... 391
I. Actes recognitifs .......................................................................................................... 391
II. Actes confirmatifs ...................................................................................................... 392
Section 3 : Ecrits non signés pouvant servir de preuve ..................................................... 392
§1. Livres des commerçants ............................................................................................... 392
§2. Registres et papiers domestiques ............................................................................... 393
§3. Ecritures mises par le créancier sur le titre................................................................ 394
§4. Tailles conformes à leurs échantillons ....................................................................... 394
§5. Copies, photocopies, écrits sur carbones et télégrammes ....................................... 394
I. Copies et photocopies, copies sur carbones ............................................................ 394
II. Télégrammes, télex .................................................................................................... 394
§6. Ecrits sur ordinateur et par internet ........................................................................... 395
Chapitre III : Preuve testimoniale .............................................................................. 396
Section 2 : Définition et historique ........................................................................................ 396
Section 2 : Formes du témoignage ........................................................................................ 396
Section 3 : Principes qui gouvernent la preuve testimoniale ............................................ 397
Chapitre IV : Preuve par présomption ....................................................................... 402
Section 1: Présomptions humaines ....................................................................................... 402
§1. Définition et principes .................................................................................................. 402
Section 2 : Présomptions légales............................................................................................ 403
§1. Généralités et classification ......................................................................................... 403
§2. Force probante ............................................................................................................... 403
Section 3 : Présomption d’autorité de la chose jugée ......................................................... 404
Chapitre V : Aveu ..................................................................................................... 406
Section 1 : Définition et valeur............................................................................................... 406
Section 2 : Règles relatives à la force probante .................................................................... 406
§1. Aveu extrajudiciaire ..................................................................................................... 406
§2. Aveu judiciaire .............................................................................................................. 407
Chapitre VI : Serment ............................................................................................... 410
438

Section 1 : Définition............................................................................................................... 410


Section 2 : Catégories .............................................................................................................. 410
§1. Serment décisoire ou litisdécisoire............................................................................. 410
§2. Serment déféré d’office ................................................................................................ 411
I. Serment supplétoire ................................................................................................... 411
II. Serment estimatoire ou in litem .............................................................................. 412
TITRE V : GARANTIES GENERALES DU DROIT DE CREANCE .............................. 414
Chapitre I : Enumération .......................................................................................... 414
Section 1 : Mesures de contrainte sur la personne du débiteur........................................ 414
Section 2 : Mesures d’exécution sur les biens du débiteur................................................ 414
Origine ............................................................................................................................. 414
Conséquences ................................................................................................................. 415
Section 3 : Mesures de conservation ................................................................................ 415
Chapitre II : Action oblique ou subrogatoire .............................................................. 416
Section 1 : Raison d’être ......................................................................................................... 416
Section 2 : Droits et actions susceptibles d’être exercés..................................................... 416
Section 3 : Conditions d’exercice .......................................................................................... 417
Section 4 : Effets juridiques de l’action oblique .................................................................. 417
a) Vis-à-vis des tiers ........................................................................................................... 417
b) Vis-à-vis du débiteur ..................................................................................................... 418
c) Vis-à-vis des autres créanciers ...................................................................................... 418
Chapitre III : Action paulienne ou revocatoire............................................................ 420
Section 1 : Raison d’être ......................................................................................................... 420
Section 2 : Conditions d’exercice .......................................................................................... 420
§1. Fraude chez le débiteur ............................................................................................... 420
I. Actes d’appauvrissement .......................................................................................... 420
II. Actes préjudiciables .................................................................................................. 420
§2. Complicité du tiers contractant acquéreur du bien ................................................. 421
§3. Créances pour lesquelles l’action peut être exercée ................................................ 421
Section 3 : Effets juridiques.................................................................................................... 421
§1. Vis-à-vis du tiers acquéreur ........................................................................................ 421
§2. Vis-à-vis des autres créanciers non-poursuivants ................................................... 421
§3. Vis-à-vis du débiteur .................................................................................................... 422
Table des matières .................................................................................................... 424
439

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