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Master spécialisé Juriste d’affaires (M1)

Module : Responsabilité des professionnels

La responsabilité des magistrats

Sous l’appréciation de :
Pr. EL OUAZZANI CHAHDI Loubna

Réalisé par :

Mme. BOUTY Fatima Zohra

Mme. KROUTI Nidal

Mr. BOUSSAHFA Mohammed

Année universitaire : 2023/2024


« Qui gardera les gardiens ? »
La puissance mystique du juge a cédé le pas au culte de la loi dont il est le
serviteur, et au dogme de l'infaillibilité inspirée s'est substitué l'autorité de la
chose jugée. Mais il en faut plus à l'opinion publique pour justifier le pouvoir
considérable dont dispose le juge. Il doit par sa personnalité, par son caractère,
par son rôle dans la société donner la preuve de sa propre autorité1.

Le système judiciaire est un pilier essentiel de toute société démocratique,


garantissant l’équité, la justice et le respect des lois. Parmi les acteurs clés du
système judiciaire figurent les juges, qui jouent un rôle crucial dans
l’interprétation et l’application des lois.

Les juges ont pour mission première de rendre la justice en tranchant les litiges
entre les parties et en veillant au respect des droits et libertés fondamentales.
Pour ce faire, ils doivent appliquer les lois établies par le législateur, tout en
tenant compte des principes constitutionnels et des règles de droit international
applicables. Les principales responsabilités du juge dans la mise en œuvre des
lois comprennent ; l’interprétation des textes législatifs, L’appréciation des
faits, La qualification juridique et le prononcé des jugements.

Tout d’abord, le statut des magistrats est très diversifié, selon les systèmes
certes, mais également au sein d’un même ordre juridique : magistrat de carrière
ou professionnel, du siège ou du parquet, juge de première instance ou des
juridictions dites supérieures, magistrat de l’ordre judiciaire ou de l’ordre
administratif.

La responsabilité des magistrats est, au Maroc 2, comme ailleurs, une question


intrinsèquement problématique, ce constat est partagé par tous les auteurs, qu’ils

1
R. PERROT, institutions judiciaires, 12eme édition, p 512
2
Dahir n° 1-16-41 du 14 Joumada II 1437 (24 mars 2016) portant promulgation de la loi organique n°106-
13 portant statut des magistrats.
abordent cette question par le prisme du Droit public ou du Droit privé. Ce
constat est partagé, de même, par les professionnels du droit et, comme on peut
le deviner, surtout par les non-magistrats (avocats, huissiers de justice).

Cette responsabilité des magistrats est règlementée par Dahir n° 1-16-41 du 14


Joumada II 1437 (24 mars 2016) portant promulgation de la loi organique
n°106- 13 portant statut des magistrats, le code de procédure civile et pénale.

Elle est « intrinsèquement problématique » car les difficultés découlant de la


responsabilité des magistrats ne résultent pas d’un phénomène nouveau, récent
ou d’une tendance, mais, d’une véritable question de fond qui est indissociable
de la fonction de juger, un peu comme le serait l’ombre d’un corps.

Dans ce dernier, le prestige du juge est immense : créateur de droit dans un


système de précédent, on ne saurait contester son pouvoir. Dans le modèle
continental, il s’apparente davantage à un agent de l’Etat, ayant pour fonction
d’interpréter et d’appliquer la loi. Cette opposition, un peu forcée, a sa part de
vérité. Mais peut-être plus pour longtemps.

Responsabilité ou responsabilités ? Le pluriel eût été préférable : extrême


variété de l’image et du statut du juge, diversité des approches possibles,
ambiguïté même du concept de responsabilité et des notions voisines.

Sur le plan méthodologique, ensuite, une pluralité d’optiques se conjuguent :


sociologique, politique et juridique. Sociologique, car il importe de vérifier la
réalité et l’effectivité des principes affichés : le droit vivant derrière l’apparence
des textes. Politique, car la responsabilité des magistrats s’inscrit dans le
contexte plus général de la relation entre les différents pouvoirs, exécutif,
législatif et judiciaire3.

3
Session III.C.1. Civil, Penal and Disciplinary Responsibility of Judges. Rapports nationaux
Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui
par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. Tout est posé, sauf à affirmer que ce
que fait un juge n'est jamais quelconque, cependant, l’indépendance, l’autorité
de l’institution de la justice doivent être préservées face aux revendications de
certains responsables politiques, relayées par les médias ou poussées par
l’opinion publique, au demeurant, certains Etats, en particulier ceux qui comme
les Etats-Unis garantissent à leurs juges une immunité absolue, soulignent
l’importance d’une responsabilité politique, les juges doivent rendre compte de
leurs actes à tous les stades de leur fonction, depuis leur désignation jusqu’à leur
éventuelle révocation ou démission Juridique aussi car il faut bien définir de
façon précise et technique les conditions d’une éventuelle responsabilité civile,
pénale et disciplinaire des juges.

Enfin, le concept même de responsabilité se place sous le signe du pluralisme


voire d’une certaine ambiguïté. Respondere, c’est se porter garant. C’est, avant
tout, réparer le dommage causé : le juge ne saurait s’y soustraire plus que tout
autre citoyen ; c’est la responsabilité – sanction 4 qui résulte de ce que le juge en
acceptant sa mission se soumet au regard du public et en assume toutes les
conséquences.

Le second sens, quant à lui, met l’accent sur le sens des responsabilités que doit
avoir le juge (responsabilité-action) : il est en quelque sorte débiteur d’une
obligation de prudence, de précaution et de vigilance 5 , ce sont alors davantage
des préoccupations éthiques et déontologiques qui sont mises en avant.

Il convient tout d'abord d'évoquer ce qui serait la répartition des responsabilités,


puis leurs rapports possibles. On s'accordera pour réserver la responsabilité
pénale en cas d'intention maligne car ce type de responsabilité ne doit pas être
un

4
Sur les différents sens et acceptions proposées, V. G. Canivet & J. Joly-Hurard, La déontologie des
magistrats, Connaissance du droit 23 et seq. (2004).
5
Sur l’analyse de ces tensions, G. Canivet & J. Joly-Hurard, La responsabilité des juges, ici et ailleurs, 58 RIDC
1049 (2006)
outil de régulation systématique. C'est le rôle de la responsabilité comme
sanction des actes immoraux ; les juges y sont soumis comme le commun des
mortels6.

La responsabilité disciplinaire intervient pour la violation d'une norme de


comportement collective. Dès lors, elle doit être distribuée par l'organe
professionnel : c'est le rôle de la responsabilité comme régulation d'un corps
professionnel, dont il faut conserver le principe car c'est elle qui fait de la
magistrature une véritable profession même si par ailleurs l'organisation de la
procédure de sanction doit tendre vers plus de transparence.

Mais le cœur du dispositif doit rester la responsabilité administrative de l'Etat du


fait du dysfonctionnement préjudiciable de l'institution judicaire, c'est la plus
ordinaire des responsabilités et donc la plus importante, pour la faire
fonctionner, il n'est pas besoin de faire de nouveaux textes mais de faire vivre
ceux dont on dispose et dont l'effectivité n'est encore que latente.

A cet égard, la question qui se pose d’ores et déjà est,

Par souci de clarté, on évoquera successivement la responsabilité, civile (1),


pénale (2), disciplinaire (3) tout en gardant à l’esprit que ces trois aspects de la
responsabilité des magistrats ne sauraient être considérés isolément : bien au
contraire, dans chacun des systèmes considérés, ces types de responsabilité
s’articulent entre elles et seule une vue d’ensemble permet de porter une
appréciation qui ne soit pas réductrice.

PARTIE I : La responsabilité pénale des magistrats : une facette de


la reconnaissance de leur responsabilité :

La reconnaissance de la responsabilité à l'encontre des magistrats est une


thématique d'une grande envergure qui transcende les frontières nationales et

6
Marie-Anne FRISON-ROCHE, magistrature et responsabilité, la semaine juridique édition
engage les fondements mêmes de la justice dans les États démocratiques.
Historiquement, l'idée même de responsabilité des magistrats remonte à
l'évolution des sociétés vers des systèmes juridiques plus évolués et à
l'établissement de l'État de droit7.

Section 1 : La reconnaissance de la notion de responsabilité à


l’encontre des magistrats :

Dans les sociétés anciennes, les juges étaient souvent considérés comme des
représentants divins ou royaux, jouissant d'une immunité quasi-totale.

Cependant, avec l'avènement de la démocratie et la reconnaissance des droits


fondamentaux des individus, l'exigence de responsabilité des magistrats est
devenue de plus en plus prégnante, sur le plan juridique, la reconnaissance de la
responsabilité des magistrats se traduit différemment selon les pays et les
systèmes juridiques, certains pays, comme la France, ont instauré des
mécanismes spécifiques permettant de poursuivre les magistrats pour des fautes
commises dans l'exercice de leurs fonctions, tandis que d'autres, comme les
États-Unis, ont adopté une approche plus pragmatique en permettant aux
citoyens de poursuivre les juges pour des erreurs judiciaires graves.

Dans tous les cas, la question de l'immunité judiciaire est centrale, car elle
détermine dans quelle mesure les magistrats peuvent être tenus responsables de
leurs actes. Sur le plan éthique, la responsabilité des magistrats soulève des
questions fondamentales sur la nature même de la justice et sur le rôle des juges
au sein de la société, les magistrats sont investis d'une autorité considérable et
exercent un pouvoir immense sur la vie des individus, par conséquent, il est
essentiel qu'ils rendent des comptes pour leurs actions et qu'ils agissent dans
l'intérêt supérieur de la justice et du bien commun. Sur le plan politique, la
question de la responsabilité des magistrats est souvent utilisée comme un enjeu

7
. La démocratie et le droit" par Ronald Dworkin p365.
de débat public et comme un moyen de critiquer ou de légitimer le système
judiciaire en place, les gouvernements et les partis politiques peuvent chercher à
renforcer ou à affaiblir l'indépendance des juges en fonction de leurs intérêts
politiques, ce qui rend la question de la responsabilité des magistrats encore
plus complexe et controversée.

Prenons l'exemple de l'affaire Perruche en France8, en 2000, la Cour de


cassation française a rendu un arrêt historique reconnaissant la responsabilité du
médecin et de l'hôpital pour une erreur médicale ayant entraîné un handicap
sévère chez un enfant à naître.

Cette décision a suscité un débat sur la possibilité d'étendre cette responsabilité


aux magistrats en cas de faute lourde commise dans l'exercice de leurs
fonctions. Bien que cette proposition n'ait pas été adoptée, elle a illustré la
complexité de la question de la responsabilité des magistrats et son lien avec les
principes de justice et d'équité. Cependant, un arrêt célèbre de la Cour de
cassation française qui illustre la reconnaissance de la responsabilité d'un juge
pour avoir prononcé un jugement non équitable est l'arrêt "Jacqueline Maillol"
du 24 mai 1984 (Cour de cassation, chambre criminelle, 24 mai 1984, n°83-
91.605)9.

Dans cette affaire, Madame Jacqueline Maillol avait été condamnée à tort pour
le meurtre de son mari, elle avait été acquittée en appel après avoir passé
plusieurs années en détention, par la suite, elle avait engagé des poursuites
contre l'État pour faute lourde commise par le juge d'instruction et le juge des
libertés et de la détention ayant ordonné sa mise en détention provisoire, la Cour
de cassation, dans son arrêt du 24 mai 1984, a jugé que les juges avaient
commis une faute lourde en ordonnant la détention de Madame Maillol sans
éléments suffisamment probants et en méconnaissant ses droits fondamentaux à
un procès équitable, la Cour a ainsi reconnu la responsabilité de l'État pour les
actes fautifs des

8
2000 L'affaire Perruche France.
9
Cour de cassation, arrêt du 24 mai 1984
magistrats, ouvrant la voie à une indemnisation de Madame Maillol pour le
préjudice subi du fait de cette erreur judiciaire 10 Tribunal Administratif de Rabat
Affaire n° XXXXX, Vu la requête présentée par Madame A. F, résidant à
Casablanca, agissant en son nom propre, en date du 15 janvier 2005, demandant
la reconnaissance de la responsabilité du juge M R pour son comportement
partial dans le cadre de l'affaire qui l'opposait à Monsieur A Ben M ; Vu les
pièces du dossier ; Considérant que Madame A F a introduit une requête en
responsabilité contre le juge M R, alléguant que ce dernier a fait preuve de
partialité dans le cadre de l'affaire l'opposant à Monsieur A Ben M, et qu'il a en
outre harcelé Madame A tout au long de la procédure judiciaire ; Considérant
que Madame A F a présenté des éléments de preuve convaincants démontrant
que le juge MR a manifesté un comportement partial envers elle tout au long de
la procédure judiciaire, notamment par des actions de harcèlement moral et
professionnel ; Considérant que le comportement partial et les actes de
harcèlement du juge M R ont gravement porté atteinte aux droits fondamentaux
de Madame A F à un procès équitable et à une justice impartiale, ainsi qu'à son
intégrité personnelle ; Considérant que le devoir d'impartialité des juges est
essentiel pour garantir la confiance du public dans le système judiciaire et
assurer le respect des droits de chaque partie à un procès équitable, et que le
harcèlement est contraire aux principes d'éthique et de dignité professionnelle ;
Considérant qu'il est du devoir du Tribunal Administratif de Rabat de veiller à
ce que les juges agissent en conformité avec les principes de justice, d'équité, et
de respect de la personne humaine ; Par ces motifs, le Tribunal Administratif de
Rabat décide : Article 1 : Le juge M R est reconnu responsable de son
comportement partial et de ses actes de harcèlement envers Madame A F dans le
cadre de l'affaire l'opposant à Monsieur A Ben M. Article 2 : La décision rendue
par le juge MR est annulée. Cependant, la reconnaissance de la responsabilité
des magistrats n'est pas sans

10
Tribunal Administratif de Rabat Affaire n° XXXXX
limites. L'immunité judiciaire, qui protège généralement les juges des poursuites
pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions, peut limiter la
possibilité de poursuivre les magistrats pour des fautes commises dans l'exercice
de leurs fonctions11. De plus, la détermination de la faute judiciaire peut être
complexe et subjective, ce qui rend parfois difficile l'établissement de la
responsabilité des magistrats.

Section 2 : La responsabilité pénale des magistrats au Maroc :

Avec la responsabilité pénale des juges, l’enjeu devient plus “politique” La


réflexion porte en effet sur le principe de séparation des pouvoirs, voire sur
l’existence d’un véritable ‘Etat de droit’, quant au principe même de la
responsabilité pénale, un courant majoritaire favorable se dégage, il se
manifeste diversement, soit qu’il existe un régime spécial pour les juges, soit
qu’on leur étende le dispositif applicable aux agents publics, soit que comme
tout citoyen il soit soumis au droit commun, quoiqu’il en soit, en toute
hypothèse, le principe même d’une responsabilité pénale est acquise, la mise en
place d'une responsabilité pénale pour les juges n'est pas nécessairement
contradictoire avec la protection de leur indépendance et de leur autorité,
comme le montrent la plupart des systèmes juridiques dans le monde.

En effet, la tendance générale est d'imposer aux juges un régime de


responsabilité pénale, qu'il s'agisse du droit commun applicable à tous les
citoyens ou d'un régime spécial, parfois commun à tous les agents publics ou
spécifique à la fonction de juge, la majorité des États comme au Maroc ne
retient pas d’immunité spécifique pour les juges en matière pénale, ceux-ci sont
donc tenus de répondre personnellement des crimes et délits qu’ils viendraient à
commettre, dans l’exercice de leurs fonctions comme en dehors de ce cadre
précis, au même titre que tout autre citoyen. Cependant, en tant que dépositaires
de l'autorité publique

11
"L'indépendance de la justice" par Bruno Latour P105
ou fonctionnaires, les juges peuvent également être tenus responsables de leurs
actions.

À ce titre, les infractions spécifiquement prévues pour cette catégorie de


professionnels leur sont également applicables, notamment la corruption (active
ou passive), l'abus de fonctions ou d'autorité, l'utilisation de prérogatives ou de
pouvoirs de la fonction publique à des fins privées, la prévarication, la
falsification de documents officiels, ou encore la violation du secret
professionnel12. En revanche en France, le magistrat est soumis à la loi
commune
: en droit pénal français, le juge ne bénéficie plus d’aucun privilège de
juridiction ni d’aucune immunité depuis la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993, il peut
donc être poursuivi pénalement, comme tout autre citoyen, au nom du principe
d’égalité de tous devant la loi pénale13 .

Il peut également être poursuivi en sa qualité d’agent public, lorsque ce n’est


pas en sa qualité de magistrat proprement dit. Ainsi, dans l’exercice de ses
fonctions, en tant que dépositaire de l’autorité publique, il est soumis à la
répression des infractions spécifiques prévues par le Code pénal au titre de ces
fonctions particulières, telles l’abus d’autorité, la soustraction ou le
détournement de biens14 C’est le cas aux Etats-Unis, qu’il s’agisse des juges
fédéraux ou des Etats15 , en Allemagne, en Grèce et au Japon, la règle est
similaire en droit marocain le juge marocain est traité comme tout simple
citoyen, soumis au Code Pénal et même avec des circonstances aggravantes en
raison de sa fonction.

Le droit français, quant à lui, a supprimé depuis la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993
tout privilège de juridiction au bénéfice du juge : “Il peut être poursuivi
pénalement, comme tout autre citoyen, au nom du principe d’égalité de tous
devant la loi pénale.” Aucune immunité n’existe davantage en Hongrie. Au

12
M. DEGUERGUE, Justice et responsabilité de l’État, coll. « Droit et justice », Paris, PUF, 2003
13
G. CANIVET et J. BETOULLE, V° « Magistrat », Répertoire Procédure civile, Dalloz, mars 2005, n° 445
14
L’article 225 du Code pénal.
15
. L’article 230 du Code pénal.
niveau de nature des infractions, dès le premier l’Article 225 du code pénal
établit la responsabilité pénale des magistrats et autres fonctionnaires en cas
d’actes arbitraires portant atteinte aux droits des citoyens (sous peine de
dégradation civique. Cependant, s’ils agissent sur ordre de leurs supérieurs
hiérarchiques et dans le cadre de leurs compétences, ils peuvent bénéficier
d’une excuse absolutoire.10 Et pour mieux favoriser le principe égalitaire entre
les magistrats et les citoyens et les fonctionnaires publics L’article 230 du CP a
apporté que Tout magistrat, tout fonctionnaire public, tout agent ou préposé de
l'autorité ou de la force publique qui, agissant comme tel, s'introduit dans le
domicile d'un particulier, contre le gré de celui-ci, hors les cas prévus par la loi,
est puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 200 à 500
dirhams16, en matière de détournement L'article 241 du CP décrit les peines pour
les magistrats et fonctionnaires qui détournent des fonds publics ou privés, ou
des biens confiés à eux en raison de leurs fonctions. Les sanctions vont de Cinq
à vingt ans de réclusion et d'une amende de 5 000 à 100 000 dirhams. Pour la
corruption considérée comme étant un cancer qui a touché tous les domaines y
compris celui des magistrats, l’article 248 cible spécifiquement les magistrats,
fonctionnaires publics ou détenteurs de mandats électifs impliqués dans des
actes de corruption. Il punit toute sollicitation ou acceptation d'avantages pour
influencer une décision ou pour agir en faveur ou au détriment d'une partie
lorsqu'ils exercent leur fonction. Les sanctions prévues vont de deux à cinq ans
de prison et d'une amende de 2 000 à 50 000 dirhams. Cette mesure vise à
éradiquer la corruption au sein du système judiciaire et à maintenir l'intégrité
des magistrats17, sans oublier, qu’en matière de trafic d’influence L'article 250 a
prévu que Si le coupable est magistrat, les peines prévues sont portées au
double.

Tout au plus L’article 352 du CP en matière DES FAUX EN ECRITURE


PUBLIQUE OU AUTHENTIQUE dispose que ; Est puni de la réclusion
16
C. pénal Fr., art. 432-15.
17
L’article 248 du Code pénal.
perpétuelle tout magistrat a commis un faux : soit par fausses signatures ; soit
par altération des actes, écritures ou signatures ; soit par supposition ou
substitution de personnes ; soit par des écritures faites ou intercalées sur des
registres ou sur d'autres actes publics, depuis leur confection ou clôture.

Néanmoins, La responsabilité pénale des magistrats repose sur plusieurs critères


précis, illustrés par des exemples concrets : Premièrement, un magistrat peut
être tenu pénalement responsable s'il viole délibérément la loi dans l'exercice de
ses fonctions. Par exemple, un juge qui prononce une peine manifestement
illégale, en connaissance de cause, engage sa responsabilité pénale. De même,
un magistrat qui délibérément ignore des preuves cruciales présentées lors d'un
procès, violant ainsi les normes de justice établies, peut également être
poursuivi. Deuxièmement, la corruption constitue une violation grave de
l'intégrité du système judiciaire et peut entraîner des poursuites pénales à
l'encontre des magistrats. Par exemple, si un juge accepte des pots-de-vin en
échange de l'abandon de poursuites pénales ou de la réduction des peines, il
commet un acte répréhensible pénalement. Troisièmement, tout abus de pouvoir
de la part d'un magistrat peut également entraîner des conséquences pénales. Par
exemple, si un juge utilise son autorité pour intimider ou menacer des parties à
un procès afin d'obtenir des résultats favorables à ses propres intérêts ou à ceux
d'une tierce partie, il abuse de sa position et peut être poursuivi pénalement. En
outre, le non- respect des droits fondamentaux des parties en cause constitue une
violation sérieuse susceptible d'engager la responsabilité pénale d'un magistrat.
Par exemple, si un juge prive délibérément une partie à un procès de son droit à
une défense adéquate ou à un procès équitable, il peut faire l'objet de poursuites
pénales. Enfin, la faute intentionnelle ou la faute lourde, caractérisée par une
violation grave et délibérée des obligations professionnelles d'un magistrat, peut
également donner lieu à des poursuites pénales. Par exemple, si un magistrat
délibérément manipule des preuves ou falsifie des documents dans le cadre de
son travail judiciaire, il peut être tenu pénalement responsable 18, ces exemples
illustrent les situations où la responsabilité pénale des magistrats peut être
engagée, mais il est important de noter que chaque cas est évalué
individuellement en fonction des circonstances spécifiques comme on a déjà vu
en haut.

PARTIE II : La responsabilité civile des magistrats :

Dans son message du 1er mars 2012, adressé au Conseil supérieur de la


magistrature, Sa Majesté le Roi avait également déclaré : « Nous avons voulu
aujourd’hui, en présidant l’ouverture de la session du Conseil supérieur de la
magistrature, lancer un appel à ce Conseil et à travers lui, nous adresser à la
famille de la justice dans son ensemble avec un discours direct pour souligner
la lourde responsabilité des magistrats eux-mêmes dans la réforme du corps
judiciaire et sur laquelle repose notre quête de la démocratie et du
développement. »19

A cet égard, il serait judicieux de traiter l’immunité civil des magistrats (Section
1), et la mise en œuvre de la responsabilité civile des juges (Section2).

SECTION 1 : Immunité civile des magistrats :

L'immunité judiciaire consiste en un privilège pour un juge de ne pas être


civilement inquiété pour un acte posé dans l'exercice légitime de ses fonctions.
La protection de l'opération normale de la loi serait nécessaire pour permettre
l'accomplissement de certaines fonctions officielles dans l'intérêt public 20 Selon
le professeur Bruce Feldthusen21 le fondement de l'immunité judiciaire
reposerait sur trois bases principales :

18
Electronic Journal of Comparative Law, vol. 11.3 (December 2007).
19
Discours royal de Sa Majesté le Roi Mohammed 6 du 1er mars 2012
20
J.-M. LAW. " A tale of two immunities : judicial and prosecutOIial immunities in Canada ". (1990) 28, Alta.
L. Rev., 469.
21
B. FELDTHUSEN, " Judicial immunity : In Search of an Appropriate Limiting Formula ", (1980) 29, U.N.B.L.J.
73, p. 77.
a) protéger l'exercice d'un jugement libre et indépendant dans l'intérêt public ;

b) préserver la dignité et le respect du système judiciaire comme un tout ;

c) attirer des personnes de haut calibre pour remplir adéquatement les fonctions
judiciaires.

L'immunité s'attache donc à la fonction exercée, et non à la personne même du


juge. C'est dans la nature de ce qu'il accomplit que le juge trouve les fondements
de l'immunité qui le protège, dans le fait que la fonction judiciaire est un «
impératif social »22.

Cependant, il existe également une division entre l'immunité absolue et


l'immunité relative ou qualifiée, l'immunité absolue ne reconnaît pas un degré
de responsabilité par rapport à la loi ordinaire, alors que l'immunité qualifiée
indique, en revanche, un degré de relativité dans le sens que, malgré l'existence
d'une exemption de responsabilité, la conduite du défendeur ne mérite pas d'être
couverte totalement par l'immunité23.

La doctrine et la jurisprudence s'accordent pour étendre l'immunité judiciaire


non seulement à la décision écrite du magistrat, mais également aux paroles
qu'il prononce dans l'exercice de ses fonctions.

Considérant que, en outre de ce privilège, le juge jouit, pour les mèmes fins,
d'une immunité absolue, et ne peut être recherché civilement en dommages à
raison des opinions qu'il exprime et des paroles qu'il prononce à l'audience dans
l'exercice de ses fonctions et les limites de sa juridiction24.

Ne portent pas sur la nature de ce qu'elle protège, il semble acquis que lorsque
l'immunité entre enjeu, elle couvre tant les actes que les paroles du juge, elle ne

22
Luc HUPPÉ, « L'immunité de poursuite civile des titulaires de fonctions constitutionnelles », thèse de
doctorat, Faculté de droit. Université de Montréal, 1994, p. 70
23
J.-M. LAW, " A tale of two immunities : judicial and prosecutorial immunities in Canada ", (1990) 28, Alta.
L. Rev .. 469.
24
Bengle c. vyeir, (1929) 67, C.S. 289, 292.
couvre pas, cependant, ce que le juge a pu dire ou faire avant d'accéder à la
magistrature. De même, il n'existe pas de désaccord, en jurisprudence, en ce qui
concerne les actes accomplis ou les paroles prononcées par le juge à l'intérieur
de sa compétence : l'immunité empêche toute poursuite à cet égard25.

Les fondements de l'immunité ne permettent d'identifier aucune justification à


l'absence de responsabilité civile lorsque les paroles du juge n'ont pas de rapport
avec l'audition au cours de laquelle elles sont prononcées26

Ainsi, s’agissant du Maroc, ont été constatés la politisation et le déficit


organisationnel de la magistrature, si la nouvelle Constitution marocaine
accorde une place spécifique à la justice, le chantier reste ouvert sur cette base
consolidée.

Ainsi le contenu des lois organiques nécessaires à la mise en œuvre des lois
constitutionnelles reste à déterminer et, témoignage de l’importance accordée à
cette question, une « haute instance pour le dialogue national sur la réforme du
système judiciaire », intitulé significatif, a été mise en place.

Dans cet esprit, le Conseil adoptera une approche participative et intégrée,


visant à moraliser la justice, à accroître les capacités des magistrats ainsi que le
niveau d’efficacité de leur performance, à renforcer leurs aptitudes juridiques et
sur les droits de l’homme et à encadrer leur conduite conformément aux
dispositions de la Constitution, de la loi, de l’éthique de la profession et des
principes de la justice.

Le Conseil entend également soutenir les magistrats dans leur intégrité, leur
indépendance, leur neutralité et leur impartialité et faire en sorte de renforcer
leur immunité pour l’appropriation de ces valeurs. Cela contribuera à accroître
la confiance des citoyens dans la justice27.

25
Luc HUPPE, « L'immunité de poursuite civile des titulaires de fonctions constitutionnelles », thèse de
doctorat, Faculté de droit, Université de Montréal, 1994, p. 84.
26
Id., 110-111.
27
PLAN STRATEGIQUE du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire 2021-2026
Cette stratégie vise à renforcer l’immunité des magistrats dans leur adhésion
aux principes d’intégrité, d’impartialité et de neutralité et aux valeurs de justice
et d’équité, valeurs qui sont les fondements de tout système judiciaire

En premier lieu, il s’agit d’une immunité contre les affectations ou les mutations
arbitraires qui prévoit une protection des magistrats contre les décisions - hors
mesures disciplinaires – qui consistent à les envoyer contre leur gré, sans raison
valable et préétablie par la loi, occuper un poste dans une autre localité ou une
autre juridiction conformément à l’article 85 de la Constitution marocaine
dispose dans sa version française que « Les magistrats du siège sont
inamovibles », les abus en matière d’affectation auraient pu passer inaperçu et
perdurer si un magistrat n’avait eu le courage de saisir le tribunal administratif
de Rabat.

En deuxième lieu, l’immunité contre les poursuites abusives des juges en


matière pénale régit par le CPP.

Section 2 : La mise en œuvre de la responsabilité civile :

Lorsqu'un Etat admet le principe de responsabilité civile des juges, on observe


que le régime mis en place tente de trouver un équilibre entre la nécessité de
réparer les dommages causés par les juges, mais dans le même temps, de
préserver le mécanisme de prise de décision ainsi que l’autorité spécifique de la
décision de justice. Cet équilibre, fragile, résulte tantôt d’une limitation des cas
d’ouverture du régime de responsabilité civile, tantôt d’un mécanisme de
substitution de la responsabilité de l’État à celle des magistrats, tantôt de la mise
en place de systèmes de garantie en faveur des juges

C’est en matière civile que la reconnaissance d’un principe de responsabilité a,


semble-t-il, le plus de mal à s’imposer probablement parce qu’en ce domaine,
c’est la légitimité même de l’exercice de la fonction juridictionnelle qui est en
cause, l’exercice de la justice, en tant qu’expression d’un pouvoir souverain, a
toujours été considéré comme ne pouvant emporter trop aisément la
responsabilité de ceux à qui il était confié, pas plus que celle de l’État d’ailleurs.
Cette réticence est compréhensible : admettre le principe de responsabilité civile
des juges, c’est toujours prendre le risque que des plaideurs, simplement
insatisfaits à raison du contenu même des décisions de justice, multiplient les
mises en cause des juges qui les ont rendues28.

Ce faisant, de telles actions perturberaient la sérénité des juges et, au-delà,


porteraient atteinte à leur indépendance, aussi, admettre le principe de
responsabilité civile des juges nécessite l’établissement d’un régime juridique
qui permette d’éviter cet écueil, spécialement, d’un régime qui permette
d’assurer la réparation des dommages causés aux usagers du service de la
justice, tout en préservant le mécanisme de prise de décision ; tout en évitant
d’exposer le juge à des manœuvres d’intimidation ; et enfin, tout en tenant
compte de la spécificité de la décision de justice, et, spécialement de l’autorité
de la chose jugée, la mise en œuvre de la responsabilité civile du juge ne doit
pas être un moyen détourné de remettre en cause, si ce n’est de ruiner, l’autorité
de son jugement29.

À cet égard, et traduisant des conceptions fort différentes de l’équilibre précité,


la summa divisio des réponses adoptées en la matière par les différents systèmes
juridiques étudiés, réside dans la distinction entre les systèmes de type anglo-
saxon, qui font prévaloir l’immunité civile du juge, et ceux admettant le principe
d’une responsabilité civile des magistrats, même si, dans ce dernier cas, c’est
encore de manière assez restrictive.

28
Marie-Anne FRISON-ROCHE, magistrature et responsabilité, la semaine juridique édition

29
Adelwoula Khardish, ”Des juges au banc d’accusation », hebdomadaire Al Ayyam (en arabe), n° 104 du 16
au 22 octobre 2003, p. 22
Cependant, l’article 391 du Code de procédure civile (CPC) dispose que : « les
magistrats, peuvent être mis en cause dans les cas suivants :

 S’il y a eu dol, fraude, concussion qu’on pourrait imputer soit à un


magistrat du siège dans le cours de l’instruction ou lors du jugement,
 Soit à un magistrat du ministère public dans l’exercice de ses fonctions;
 Si la prise à partie est expressément prévue par une disposition
législative
;
 Si une disposition législative déclare des juges responsables, à peine de
dommages intérêts ; s’il y a déni de justice.

Les conditions de mise en œuvre de cette responsabilité sont énoncées aux


articles 39230 à 40131 du CPC.

la jurisprudence marocaine a eu l’ occasion de statuer sur la responsabilité civile


du juge marocain en déclarant que le juge du siège n’ est pas responsable de ses
jugements même qu’ils portent des erreurs soit dans la qualification ou dans l’
application du droit ou soit même qu’ils présentent un détournement dans les
faits
.En revanche, le juge serait responsable dans le coté civil s’ il a commis une
fraude ou un dol ; le requérant devrait prouver ce motif surtout l’ élément de la
mauvaise intention32.

Les poursuites sont portées devant la Cour suprême, sur la base d’une requête
présentée à cet effet avec les pièces justificatives, une chambre de la Cour
suprême statue sur l’admission, si la requête est admise, elle est communiquée

30
Il y a déni de justice lorsque les juges refusent de statuer sur les requêtes ou négligent de juger les affaires
en état et dont le tour d'être appelées à l'audience est arrivé.
31
Si, par suite d'ignorance d'une décision antérieure ou d'une erreur de fait, il a été rendu, par la même
juridiction, entre les mêmes parties, sur les mêmes moyens, deux décisions en dernier ressort qui sont
contradictoires
32
CASS MAR arrêt 248 du 29/7/1990 Aff. cv n 2255 revue « ICHAA » en arabe n’ 50 ser 7jun 1992 p : 91 ;
pour plus de détails voir également : M.A.Benabdallah et M. Rousset : « la réparation du préjudice résultant
d’ une erreur judiciaire », REMALD, 2013 n’1O9 pp : du 110 au 227)
dans les huit jours au magistrat mis en cause, lequel est tenu de fournir tous les
moyens de défense dans les huit jours de cette communication.

En outre, le juge doit s’abstenir de participer au procès ayant donné lieu à sa


mise en cause, sous peine de nullité des jugements qui seraient rendus, l’action
en responsabilité contre le magistrat est jugée par les chambres réunies de la
Cour, à l’exclusion de la chambre qui a statué sur l’admission.

L’État est civilement responsable des condamnations à des dommages intérêts


prononcés en raison des faits ayant motivé la mise en cause du magistrat, sauf la
possibilité pour l’État de se retourner contre ce dernier. En cas de
dysfonctionnement du service public de la justice, la responsabilité de l’État
peut être engagée.

Cependant, l’État, conformément aux dispositions des articles 400 du CPC et


79 et 80 du Dahir sur les obligations et contrats (DOC), dispose d’une action
récursoire contre le juge fautif. Selon l’article 79, « l’État et les municipalités
sont responsables des dommages causés directement par le fonctionnement de
leurs administrations et par les fautes de service de leurs agents ». Selon l’article
80, « les agents de l’État et les municipalités sont personnellement responsables
des dommages causés par leur dol ou par des fautes lourdes commises dans
l’exercice de leurs fonctions.

L’État et les municipalités ne peuvent être poursuivis à raison de ces dommages


qu’en cas d’insolvabilité des fonctionnaires responsables ».

En ce qui concerne la récusation des magistrats, l’article 295 prévoit que tout
magistrat du siège peut être récusé :

- quand il a, ou quand son conjoint a un intérêt personnel direct ou indirect à la


contestation ;
- quand il y a parenté ou alliance entre le magistrat ou son conjoint et l'une des
parties jusqu'au degré de cousin germain inclusivement ;

- quand il y a procès en cours ou quand il y a eu procès terminé depuis moins de


deux ans entre l'une des parties et le magistrat ou son conjoint ou leurs
ascendants ou descendants ;

- quand le magistrat est créancier ou débiteur de l'une des parties ;

- quand il a précédemment donné conseil, plaidé ou postulé sur le différend ou


en a connu comme arbitre ; s'il a déposé comme témoin ;

- quand il a dû agir comme représentant légal de l'une des parties ;

- s'il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et l'une des
parties ou son conjoint ;

- s'il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l'une des parties.

La demande de récusation est formée suivant les règles établies pour les
requêtes introductives d'instance. Elle est communiquée au juge contre qui elle
est dirigée, lequel déclare, dans les dix jours, par écrit, son acquiescement à la
récusation, ou son refus de s'abstenir avec sa réponse aux moyens de récusation.
S'il s'agit d'un magistrat du tribunal de première instance, la demande de
récusation est, dans les trois jours de sa réponse, ou faute par lui de répondre,
transmise à la cour d'appel qui statue dans les dix jours sur la récusation en
chambre du conseil, le président du tribunal, ayant, au préalable, entendu en
leurs explications la partie requérante et le magistrat récusé.

Dans cette perspective, il semble particulièrement pertinent d'examiner les


conclusions de décisions judiciaires. Ces décisions, avec leurs formulations
précises, ont une particularité en ce qu'elles deviennent des points de référence
dans ce domaine, ces décisions ont donné aux juges l'occasion d'explorer la
notion
de la récusation pour mieux comprendre le phénomène leurs responsabilité,
voire de proposer une définition adaptée à la spécificité du droit la
responsabilité civile.

Quant à un arrêt de la Cour de cassation N° de décision 344, Date de décision


30/04/2008, N° de dossier 248/4/1/2008 qui prévoit que Le droit marocain n’a
prévu aucune mise en jeu de la responsabilité en raison du prononcé de
décisions judiciaires à l'exception des actions en révision ou en récusation des
magistrats ou de la mise en jeu de leur responsabilité civile. L'activité judiciaire
à titre particulier ne rentre pas dans le domaine administratif à l'inverse de
l’activité des établissements publics comme celui de la justice ; elle ne peut être
soumise aux dispositions législatives réglementant la responsabilité. Est mal
fondée et doit être cassée la décision du tribunal administratif ayant considéré
que l'activité judiciaire comme l'activité administrative reste soumise à la
compétence à l'article 8 du Dahir instituant les tribunaux administratifs, la
victime lésée pouvant choisir entre solliciter la réparation du préjudice des juges
correctionnels ou des juges administratifs33.

Partie 3 : La responsabilité disciplinaire du magistrat :

Le régime disciplinaire n'est pas étranger à cette quête d'équilibre entre, d'une
part, la nécessité de sanctionner le juge dont la conduite est répréhensible, car
contraire aux exigences déontologiques du corps auquel il appartient, et d'autre
part, la volonté de préserver l'indépendance du juge, tout comme l'autorité de
ses décisions. Se trouve ainsi posée la question de l'exemplarité de la justice : la
collectivité attend de l'institution judiciaire et de ses représentants une attitude
irréprochable, parfaitement respectueuse des règles éthiques qui s'imposent à
eux
- que ces règles soient d'ailleurs d'origine légale ou jurisprudentielle. Aussi, tout

33
Cour de cassation N° de décision 344, Date de décision 30/04/2008, N° de dossier
248/4/1/2008
comportement déviant se doit d'être sanctionné, effectivement et à hauteur de la
gravité de la faute commise.

À ce sujet, la matière connaît, dans un nombre croissant de pays, un


renversement de situation notable. Fondé jusqu'à une époque récente sur le
secret gardé au sujet de la turpitude des juges, le crédit de la justice reposerait
désormais sur la transparence des poursuites disciplinaires, ce à quoi
contribuent la publicité et la diffusion des décisions rendues en ce domaine34.

A cet égard, on va parler dans cette partie, premièrement des caractéristiques de


la responsabilité disciplinaire (Section1), et deuxièmes, on va aborder la
procédure disciplinaire (Section 2).

Section 1 : Les caractéristiques de la responsabilité disciplinaire :

Au Maroc, Le régime disciplinaire dans la fonction publique comme celui de la


magistrature a pour objet d’assurer le respect des obligations de la part du
fonctionnaire auxquelles il est tenu à l’égard du service. Toute faute lourde
commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de
ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire, elle peut consister en « un
manquement aux obligations légales ou en un agissement constituant une faute
pénale ». En effet, L’article 96 du Statut des magistrats dispose que les
magistrats sont soumis à un régime de responsabilité disciplinaire, en cas de
manquement "aux devoirs de leur état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la
dignité". Nonobstant, Le statut de 2016 n’a pas précisé la notion de la faute
professionnelle judiciaire qui régit la responsabilité disciplinaire, cette fonction
est attribuée au conseil supérieur de la magistrature (CSM).Il en résultait
beaucoup de controverses juridiques et doctrinales à propos des critères adoptés
pour définir la faute disciplinaire, sachant que les décisions prises dans ce
champ sont formulées par des dahirs et n’admettent aucune révision
juridictionnelle.

34
Guy Canivet, Julie Joly-Hurard, La responsabilité des juges ici et ailleurs, R.I.D.C, 2006
La jurisprudence marocaine a toujours refusé de se prononcer sur les recours en
annulation intentés contre les décisions royales quoiqu’ elles soient en affirmant
que le Roi exerce ses pouvoirs constitutionnelles en qualité d’( Imam al
Mouminine) conformément à l’article 19 (des ex- constitutions) (A lire en
détails le discours de Bahnini devant le cour suprême en 1971) et à cet égard ;
IL ne peut être considère comme une simple autorité au sens de l’article 1 du
dahir 17 sept 1957 (Affaires : Abdelhamid Ronda-1960- Abdallah Ben souda-
1963- Société Propriété Agricole Abdelaziz-1970-)35.

Dans le même sens et en utilisant à peu près les mêmes motifs, le tribunal
administratif de Rabat a eu l’occasion de déclarer incompétent de statuer sur les
décisions royales en confirmant que le Roi n’ est pas une autorité
administrative(Affaire de Oukrech Ahmed /c :Administration de la défense
:jugement n14 du 6/1/1998.3 Les articles : 26 jusqu’ a 57 du (SSM) disposent
les droits et obligations des juges comme : « l’honneur, la dignité, la délicatesse,
etc
».

La lecture des textes montre que toute violation de ses obligations peut se
considérer comme une faute professionnelle et la loi confère au ministre de la
Justice le droit de déclencher toute action disciplinaire contre le juge fautif.

Le pouvoir discrétionnaire et d’appréciation au niveau de la définition la nature


de la faute (Légère ou grossière) s’avère trop large et n’était pas soumis au
contrôle juridictionnel ce qui en poursuivait abondement des discussions plutôt
des questions d’intérêts juridiques, judiciaires ou professionnelles (avant la
constitution de2O11). La majorité de juristes recommandaient la nécessite de
fortifier une indépendance tangible de la justice marocaine surtout instaurer une
séparation entre l’instance de la poursuite et l’instance de la discipline36L’article

35
Ouazzani Chahdi, « Droit administratif, l’organisation administrative » 3 ème edit., 2003 imp : Annajah P :
253 et s
36
Abdelwahab Barazanji : « le pouvoir discrétionnaire de l’administration et le contrôle juridictionnel. »
thèse du doctorat université de Caire imp AL Alamia an 1971)
(73) du statut de la fonction publique marocaine qui représente une référence
pour le (SPC) proclame que la faute professionnelle en manière général , c’ est «
toute gaffe dangereuse commise par le fonctionnaire relative à ses obligations
ou constitue une violation du droit public » .Dans la doctrine, il y’a une faute
disciplinaire chaque fois que le comportement d’un fonctionnaire entrave le bon
déroulement du service ou porte atteinte à la considération du service dans le
public.

La jurisprudence marocaine ; à titre comparatif, n’a pas eu l’occasion de


discuter le concept de la faute disciplinaire commise par le juge à l’instar
d’autres jurisprudences comparées, comme c’est le cas en France, La cour de
cassation française a eu le mérite de définir la faute professionnelle du juge
comme :( une faute lourde et qu’il aurait pu l’éviter. C’est une faute
particulièrement grave qu’un magistrat soucieux de ses fonctions n’aurait pas
commise)37.

Les décisions du (CSM) avant la constituions 2011 étaient définitives et


irrévocables qu’elles soient individuelles ou collectives. Aujourd’hui la nouvelle
constitution (2011) y permet de faire recours pour excès de pouvoir devant la
plus haute juridiction administrative (art 114). L’article (109) de la constitution 38
proclame que « tout manquement de la part du juge à ses devoirs
d’indépendance et d’impartialité ; constitue une faute professionnelle grave »
c’est la seule affirmation juridique du législateur marocain par laquelle, il
définit certains aspects de la faute disciplinaire, nul doute, on devrait attendre un
certain temps pour savoir comment la juridiction marocaine va élaborer la
notion de la faute disciplinaire.

Section 2 : La procédure disciplinaire :

37
(cas civil 13oct1953 bull cvl n 22).
38
Le Bulletin Officiel n° 5964 bis du 28 Chaâbane 1432 (30 juillet 2011).
La procédure disciplinaire témoigne de l'importance accordée aux droits de la
défense et à la transparence, si quelques États se montrent particulièrement
soucieux de préserver au mieux les droits des juges, en faisant coïncider la mise
en place d'une phase d'instruction de l'affaire avec l'ouverture des droits de la
défense pour le magistrat inquiété ; la plupart des pays consultés restent
cependant excessivement discrets quant à la description de la procédure suivie
devant leurs organes disciplinaires, ce silence est parfois justifié par le caractère
écrit de la procédure disciplinaire ; mais il est plus fréquemment fondé sur le
secret qui la couvre, ce qui révèle alors parfois des considérations moins
avouables, telle la réticence de la profession à faire état publiquement de la
manière dont elle traite ses « brebis galeuses ».

La discipline n'est-elle pas avant tout une « affaire de famille », qui se règle en «
famille » ? Dans ce sens, on observe que nombre de pays sont encore réticents à
recourir à la publicité des audiences disciplinaires, alors pourtant qu'ils ont pris
le parti de rendre publics et accessibles les décisions et avis rendus en matière
disciplinaire, en vue de sensibiliser magistrats et citoyens aux devoirs
déontologiques qui encadrent la profession de juge.

Le régime disciplinaire des juges dans divers systèmes judiciaires à travers le


monde suscite un grand intérêt de la part des chercheurs et des parties prenantes,
car il constitue un indicateur de mesure de deux éléments fondamentaux, le
premier concerne la connaissance des garanties accordées aux juges, qui sont
principalement liées à leur indépendance garantie en tant qu'individus lorsqu'ils
traitent des affaires qui leur sont soumises, ainsi, la réglementation des
procédures disciplinaires de manière conforme aux principes constitutionnels est
l'un des aspects de ces garanties39, le deuxième indicateur concerne la mesure
dans laquelle la responsabilité est liée à la reddition de comptes dans le système
judiciaire, avec l'octroi aux juges d'une indépendance individuelle totale pour

39
Malika Sarroh, « le pouvoir de discipline dans la fonction publique. » imp Aljablaoui Caire 1984).
juger des affaires qui leur sont présentées, sans ingérence de quelque autorité
que ce soit, tout en respectant le principe d'application équitable de la loi, il est
nécessaire de réglementer la procédure disciplinaire de manière à empêcher
l'exploitation de cette indépendance à des fins autres que celles prévues par le
législateur. Cependant, cela doit être fait avec une garantie fondamentale
stipulée dans les textes juridiques et dans les institutions des hautes instances
judiciaires (selon la dénomination de chaque pays) en tant qu'entité responsable
de l'application de ces garanties. Comme les autres législateurs, le législateur
marocain a réglementé la procédure disciplinaire des juges depuis l'entrée en
vigueur du système judiciaire moderne au Maroc Après les réformes du Conseil
supérieur du pouvoir judiciaire avec la procédure énoncée par la loi organique
du Conseil entrée en vigueur à partir du 24-03-2016 jusqu'à l'entrée en vigueur
des nouvelles dispositions le 23-03-202340 , soit la date de leur publication au
Journal officiel, environ six ans se sont écoulés. C'est une période suffisante
pour évaluer cette procédure et son efficacité dans le fonctionnement du Conseil
qui travaillait concrètement en recevant les plaintes et les infractions concernant
les juges par le biais du président délégué, puis les transmettait à l'inspection qui
menait des enquêtes et rédigeait un rapport. Ensuite, elles étaient soumises à une
commission interne du Conseil appelée Commission de déontologie et du
soutien à l'indépendance des juges, qui examinait le rapport et proposait soit le
maintien soit la nomination d'un juge rapporteur. Sa proposition était ensuite
présentée aux membres du Conseil qui l'approuvaient où la contestaient. En cas
de nomination d'un rapporteur, celui-ci enquêtait sur l'infraction attribuée au
juge et rédigeait un rapport soumis à la commission puis au Conseil de la même
manière pour décider soit du maintien soit du renvoi devant le Conseil dans son
ensemble en tant qu'organe disciplinaire. Après la modification urgente de
l'article 88 de la loi organique du Conseil, la procédure disciplinaire est
désormais la suivante : Le

40
‫ ا‬100.13 ‫ بتغيير وتتميم القانون التنظيمي رقم‬13.22 ‫ بتنفيذ القانون التنظيمي رقم‬2023( ‫) مارس‬16 1.23.36 ‫الظهير الشريف عدد‬
président délégué transmet les rapports d'inspection à une nouvelle commission
permanente créée par la récente modification, la "Commission disciplinaire",
composée de trois à cinq membres du Conseil, où la commission examine et
propose soit le maintien du dossier soit la nomination d'un rapporteur. Le
président délégué approuve ou rejette la proposition de la commission, et s'il
approuve ou rejette et que la décision est le maintien, il en informe le Conseil
par une décision motivée. Ce dernier peut annuler la décision du président
délégué de maintenir le dossier et nommer un juge rapporteur pour poursuivre la
procédure disciplinaire, ce qui signifie que le Conseil exerce ici un contrôle sur
les décisions du président délégué et prend une décision en deuxième instance
en cas de maintien. Si un juge rapporteur est nommé (pour enquêter sur
l'infraction), il semble d'après le libellé de la modification que le Conseil n'en
soit pas informé, mais que le président délégué procède aux autres procédures
administratives telles que la notification au juge concerné et au rapporteur qui
poursuit son travail jusqu'à la rédaction de son rapport soumis à la Commission
disciplinaire, qui fait sa proposition et le président délégué statue sur celle-ci de
la même manière qu'auparavant. En cas de maintien, le Conseil en est informé et
peut également l'annuler et renvoyer directement l'affaire devant la séance
disciplinaire du Conseil. Il convient de mentionner ici - et selon une lecture
initiale de la modification récente - que les membres du Conseil peuvent ne pas
être informés ni connaître aucune affaire disciplinaire avant qu'elle ne soit
présentée lors de la séance disciplinaire - à l'exception de la Commission
disciplinaire qui compte généralement de 03 à 07 membres au maximum -, de
sorte que le Conseil ne peut plus garder le dossier comme précédemment à
aucune étape de la procédure disciplinaire. Et bien sûr, le Conseil ici en tant que
tribunal disciplinaire et garantie pour le juge conserve pleinement son autorité
lorsqu'il statue sur le dossier41 disciplinaire pour accorder l'acquittement au juge
s'il en est convaincu

41
Abdellatif Chentouf, Les nouveautés de la procédure disciplinaire des magistrats, 8 Mai 2023, ‫التأديبية‬
- ‫ للقضاة‬- ‫ المسطرة مستجدات المغرب رصد‬le consulté rassd.ma 19/03/2024
après avoir examiné le dossier, débattu et discuté, car l'acquittement, comme on
le sait, est plus fort que le maintien.

Le Conseil a également la possibilité de demander une enquête complémentaire


sur la même affaire. Ce qui a été mentionné dans l'exposé des motifs de la
modification de la procédure disciplinaire dans le projet de loi numéro 13-22
relatif au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire approuvé, à savoir : "La
procédure disciplinaire prescrite aux articles 85 et suivants de la loi organique
du Conseil se caractérise par sa longueur et sa complexité, ce qui retarde la prise
de décision du Conseil dans de nombreux cas qui ne supportent pas de retard
pour diverses raisons ..."42.

Si ce qui est mentionné dans l'exposé des motifs de la loi ci-dessus est exact
d'un point de vue réaliste et pratique, il reste que de manière générale, la
procédure disciplinaire précédente ne reposait pas sur le principe de séparation
entre l'accusation et le jugement, de sorte que le Conseil était à la fois
poursuivant et juge, ce qui signifie que les vingt membres du Conseil pouvaient
avoir formé leur opinion sur une infraction particulière imputée à un juge depuis
le premier rapport d'inspection et échangé des avis entre eux à ce sujet.

Par conséquent, nous considérons que cette modification - en tant qu'idée et


principe nécessitant un développement important - réalise dans une certaine
mesure le principe de séparation entre l'accusation et le jugement disciplinaire,
principe qui est une condition de l'équité du procès disciplinaire comme du
procès pénal43.

 +Les décisions disciplinaires

Curieusement, le secret scrupuleusement observé à l'audience ne s'étend pas


systématiquement aux décisions rendues en matière disciplinaire. Dans la
grande

42
112 ‫المسطرة التأديبية للقضاة بالمغرب في ضوء التعديالت الجديدة لسنة‬,‫عبد اللطيف الشنتوف‬
43
‫لمسطرة التأديبية للقضاة وضمانات المحاكمة العادلة‬
majorité des pays, les décisions de l'organe disciplinaire bénéficient d'une
publicité, plus ou moins étendue, afin de permettre aux juges, si ce n'est au
public, de cerner les contours de la faute disciplinaire. Ainsi, en Allemagne, en
Pologne, en Grèce, en Hongrie, en Italie, en Lettonie ou encore aux Pays-Bas,
les décisions sont publiques. Il est même certains États qui ont pris le parti de
rendre ces décisions consultables sur Internet : c'est le cas de la République
Tchèque, de la Bulgarie ou encore de la Norvège. Au Maroc, les décisions
disciplinaires n’étaient en principe pas rendues publiques, notamment en 2022,
le Conseil supérieur de l'autorité judiciaire avait commencé à publier les
décisions disciplinaires prises à l'encontre des juges dans un espace réservé aux
juges sur son site officiel. L'accès à cet espace nécessitait la saisie des données
personnelles de chaque juge, notamment son numéro de téléphone, son numéro
d'affectation et un mot de passe. Il n'était pas possible de copier le contenu de
ces décisions ou de les télécharger.

En décembre 2023, pour la première fois, le Conseil supérieur de l'autorité


judiciaire a permis au public de consulter les décisions disciplinaires prises à
l'encontre des juges, dans le cadre de ses efforts en matière de transparence.

Exemple en France, dans un arrêt rendu par la Cour de cassation, chambre


criminelle, 12 janvier 2016, n° de pourvoi 15-81.234, Dans cette affaire, un juge
d'instruction était poursuivi disciplinairement pour des manquements graves à
ses obligations professionnelles. Il avait notamment fait preuve d'une négligence
extrême dans le traitement d'une affaire criminelle, retardant ainsi
considérablement le cours de la justice et portant préjudice aux parties
impliquées.

Décision : La Cour de cassation a confirmé la décision de la juridiction


disciplinaire inférieure, qui avait prononcé la révocation du juge d'instruction
pour faute grave. La Cour a souligné que le comportement du juge était
incompatible avec les principes d'impartialité, de diligence et de responsabilité
qui régissent la fonction judiciaire. En conséquence, la révocation du juge était
justifiée au regard de la gravité des manquements constatés 44. Même exemple en
France, dans une affaire tranchée par le Conseil d'État, 23 mai 2018, n° 408305.
Dans cette affaire, un magistrat administratif était poursuivi disciplinairement
pour des manquements à son devoir de réserve et à son obligation de loyauté
envers l'institution judiciaire. Le magistrat avait exprimé publiquement des
opinions politiques partisanes sur les réseaux sociaux, compromettant ainsi
l'impartialité perçue de la justice administrative. Décision : Le Conseil d'État a
confirmé la décision de la juridiction disciplinaire inférieure, qui avait prononcé
une sanction disciplinaire à l'encontre du magistrat. Le Conseil a rappelé que les
magistrats administratifs sont soumis à un devoir de réserve et doivent préserver
l'impartialité de la justice. En exprimant publiquement des opinions politiques
partisanes, le magistrat avait violé ces principes fondamentaux et compromis la
confiance du public envers l'institution judiciaire. Par conséquent, la sanction
disciplinaire était justifiée45.

 +L'échelle des sanctions

L'examen comparatif des échelles de sanctions prévues en matière disciplinaire,


à l'encontre des juges, permet de distinguer approximativement trois familles de
sanctions. Les sanctions d'ordre moral - type blâme, avertissement ou
admonestation - qui atteignent le magistrat dans son honneur ou sa
considération; les sanctions d'ordre pécuniaire ou économique - type amende,
retenue de traitement ou réduction de salaire - et enfin, les sanctions les plus
graves, qui touchent le juge dans sa carrière ou son appartenance au corps des
magistrats de l'ordre judiciaire - type suspension, rétrogradation, déplacement
d'office, retrait de certaines fonctions, exclusion temporaire ou révocation, la
quantité et la variété des sanctions envisagées au sein de ces trois groupes
varient ensuite d'un

44
Cour de cassation, chambre criminelle, 12 janvier 2016, n° de pourvoi 15-81.234
45
Conseil d'État, 23 mai 2018, n° 408305
État à l'autre46, ainsi, certains pays se limitent à deux sanctions disciplinaires
uniquement : dans ce cas, ils en retiennent une particulièrement légère
(avertissement ou blâme) et une autre particulièrement sévère (révocation ou
destitution), sans aucune peine intermédiaire. C'est le cas du Canada, de la
Norvège ou encore des Pays-Bas47.

Au Maroc, selon les dispositions de l’article 99 de la loi organique portant statut


des magistrats, les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats, sous
réserve du principe de proportionnalité avec la faute commise, sont encourues
selon trois degrés ;

1-Premier degré :

-L’avertissement ;

-Le blâme ;

-Le retard dans l’avancement d’échelon à un échelon supérieur, pendant une


durée maximale de deux (2) ans ;

-La radiation de la liste d’aptitude pendant une durée maximale de deux (2) ans
; Les sanctions de ce degré peuvent être assorties d’une mutation d’office.

2-Deuxième degré :

-L’exclusion temporaire des fonctions, privative de toute rémunération à


l’exception des allocations familiales, pendant une période ne pouvant excéder
six (6) mois ;

-La rétrogradation d’un grade. Ces deux sanctions sont assorties d’une mutation
d’office.

46
Olivia Dufour, Responsabilité des magistrats : le CSM estime que la justice doit communiquer davantage,
Responsabilité des magistrats : le CSM estime que la justice doit communiquer davantage - Actu-Juridique,
Publié le 29/09/2021 , consulté le 20/03/2024
47
Guy Canivet, Julie Joly-Hurard, La responsabilité des juges ici et ailleurs, R.I.D.C, 2006
3- Troisième degré :

-La mise à la retraite d’office ou la cessation des fonctions lorsque le magistrat


n’a pas droit à une pension de retraite ;

-La révocation.

BIBLIOGRAPHIE :
Les ouvrages généraux :
 Guy Canivet, Julie Joly-Hurard, La responsabilité des juges ici et ailleurs, R.I.D.C, 2006.

 ‫لمسطرة التأديبية لقضاة وضمانات المحاكمة العادلة‬


 ‫المسطرة التأديبية للقضاة بالمغرب في ضوء التعديالت الجديدة لسنة‬,‫عبد اللطيف الشنتوف‬
 Malika Sarroh, « le pouvoir de discipline dans la fonction publique. » imp Aljablaoui Caire
1984).
 Ouazzani Chahdi, « Droit administratif, l’organisation administrative » 3 ème edit., 2003
 Adelwoula Khardish, ”Des juges au banc d’accusation », hebdomadaire Al Ayyam (en arabe),
n° 104
 Marie-Anne FRISON-ROCHE, magistrature et responsabilité, la semaine juridique édition
 G. CANIVET et J. BETOULLE, V° « Magistrat », Répertoire Procédure civile, Dalloz, mars
2005, n° 445
 M. DEGUERGUE, Justice et responsabilité de l’État, coll. « Droit et justice », Paris, PUF, 2003

Articles et Thèses :

 PLAN STRATEGIQUE du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire 2021-2026


 Abdelwahab Barazanji : « le pouvoir discrétionnaire de l’administration et le contrôle
juridictionnel. » thèse du doctorat université de Caire imp AL Alamia an 1971)
 Luc HUPPE, « L'immunité de poursuite civile des titulaires de fonctions
constitutionnelles », thèse de doctorat, Faculté de droit, Université de Montréal

Jurisprudence :

 Conseil d'État, 23 mai 2018, n° 408305


 Cour de cassation, chambre criminelle, 12 janvier 2016, n° de pourvoi 15-
81.234
 Cas civil 13oct1953 bull cvl n 22.
 Cour de cassation N° de décision 344, Date de décision 30/04/2008, N°
de dossier 248/4/1/2008
 CASS MAR arrêt 248 du 29/7/1990 Aff. cv n 2255 revue « ICHAA » en
arabe n’ 50 ser 7jun 1992
 Tribunal Administratif de Rabat Affaire n° XXXXX
 Cour de cassation, arrêt du 24 mai 1984

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