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ROYAUME DU MAROC

Ministère de l’Enseignement

Supérieur de la Recherche Scientifique

Et de la Formation des Cadres

MÉMOIRE EN VUE DE L’OBTENTION DE

LA LICENCE EN DROIT PRIVE

DROIT EN LANGUE FRANÇAISE OPTION « DROIT PRIVÉ »

SOUS L’ENCADREMENT : MR ABDERRACHID CHAKRI


REALISER PAR : RAJAE DAIF
ANNEE UNIVERSITAIRE : 2021/2022

LES GARANTIES DU PROCES EQUITABLE

0
1
REMERCIEMENTS
J’adresse mes remerciements aux personnes qui m’ont aidé dans la réalisation de ce
mémoire.

En premier lieu, je remercie M. CHAKRI ABDERRACHID, notre professeur à l’université


de HASSAN II. En tant que Directeur de mémoire, il m’a guidé dans mon travail et m’a aidé
à trouver des solutions pour avancer.

Je remercie aussi Monsieur ALHBOUZ TAHA, en sa qualité de Co-encadrant, pour sa


collaboration en me fournissant des conseils précieux que je lui serai reconnaissante tout
au long de ma vie..

Je souhaite particulièrement remercier tous ceux et celles qui ont contribué à la réalisation
de ce projet.

Toute mes gratitudes à mes parents sans qui rien n’aurait été possible, mes plus vifs
remerciements s’adressent aussi à tout le corps professoral et administratif de la faculté des
sciences juridiques économiques et sociales Mohammedia pour le travail énorme qu’ils
effectuent pour nous créer les conditions les plus favorables pour le déroulement de notre
formation.

2
SOMMAIRE
LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION
PARTIE 1 : LE CADRE GENERAL DU PROCES EQUITABLE
CHAPITRE 1 : LES PRINCIPES DIRECTEURS DU PROCES EQUITABLE
Section 1 : LES PRINCIPES D’ORDRE INSTITUTIONNEL
Section 2 : LES PRINCIPES D’ORDRE JUDICIAIRE
CHAPITRE 2 : LA PRESOMPTION D’INNONCENCE ET SES LIMITES
Section 1 : Le fondement juridique de la présomption d’innocence
Section 2 : Les limites de la présomption d’innocence
PARTIE 2 : LA CONSECRATION CHRONOGRAPHIQUE DES GARANTIES DU PROCES
EQUITABLE
Chapitre 1 : LA CONSECRATION DES GARANTIES PROCEDURALES DURANT LES PHASES DE
JUGEMENT
Section 1 : LA PHASE PRE-JUGEMENT
Section 2 : LA PHASE PENDANT LE JUGEMENT
Chapitre 2 : LES GARANTIES PROCEDURALES A L’EPREUVE DE COVID19
Section 1 : Les mécanismes protecteurs des droits de l’accusé
Section 2 : La manifestation des garanties du procès équitable durant la phase de
jugement

3
LISTE DES ABREVIATIONS
CP : Code pénal
CPP : Code de procédure pénale
CPC : Code de procédure civile
PJ : Police judiciaire
ONG : ORGANISATION NON GOUVERNEMENTALE
HCP : HAUT COMMISSARIAT AU PLAN
MAP : AGENCE MAROCAINE DE PRESSE
DH : Droits de l’Homme
CA : Cour d’Appel

4
INTRODUCTION

5
Toute personne vivante dans une société organisée se trouve confrontée à un litige, à un
malentendu, à un droit perdu, à une injustice, une affaire civile, sociale, pénale, administrative,
commerciale ou autres : la garde d’un enfant, les droits d’un salarié licencié, une personne victime
d’un accident, etc. constituent tous des conflits qui nécessitent l’intervention d’organe spécialisé,
indépendant, impartial et contraignant1.

C’est le rôle principal dévolu à la justice. La justice provient du latin « justitia » qui signifie conforme
au droit ayant lui-même pour racine « jus – juris ».

Pour la philosophie occidentale antique ; la justice est avant tout une valeur morale. La justice morale
serait un comportement alliant respect et équité à l’égard d’autrui. La notion de justice désigne à la
fois la conformité et la redistribution avec le mérite et le respect de ce qui est conforme au droit
d’autrui. Elle est donc indissociablement morale et juridique.

C’est un mot à multiples facettes, comportant une gamme très riches de significations qui varient
selon les coutumes, les religions, la morale, les structures sociale et autres… ; la justice sociale tend à
réduire les inégalités entre les groupes ; la justice individuelle permet de procurer à chacun ce qui lui
est dû. Le mot justice est également employé pour désigner l’ensemble des institutions permettant
de rendre la justice, c’est-àdire de juger les procès opposant, par exemple de simples particuliers
entre eux, ou des particuliers et l’Etat2 .

C’est le pouvoir d’agir pour faire reconnaitre et respecter ses droits. C’est le pouvoir judiciaire qui
prend la forme d’une institution ou d’une administration publique constituée d’un ensemble de
juridictions chargées d’exercer ce pouvoir.

C’est le troisième pouvoir de l’Etat reconnu par le titre 7 de la constitution du royaume après le
pouvoir législatif et exécutif. La Justice est un idéal abstrait vers lequel tend toute société
démocratique.

C’est un service public de justice, un corps de professionnels. La justice ne se confond pas avec le
droit car le droit dépasse le cadre strictement judiciaire pour s'étendre jusqu'au juridique. À quoi sert
le droit s'il ne fait pas respecter la justice ?

La cohésion ne s'exerce qu'entre le droit et l'idéal de justice. Le législateur et le juge poursuivent le


même idéal de justice mais pas au même niveau.

Le droit cherche à réaliser la justice mais ne pas se plier aux représentations personnelles que chacun
peut se faire du juste. Son but est de permettre à la vie sociale de se dérouler de manière pacifique
et prospère. Il se doit d’instaurer un ordre contraignant et fie des limites de conduite 3.

Pour ce fait, il doit être ressenti comme juste et équitable Et encore : il existe deux types de justice

- La justice commutative : lorsqu'elle tranche un conflit entre 2 individus dont les droits et les intérêts
sont confondus ou en jeu.

L'objectif est de maintenir ou rétablir l'équilibre entre 2 patrimoines ou bien proportionner la peine à
la gravité de l'acte d'une des parties. “ rendre à chacun ce qui lui revient"

- La justice distributive pour une meilleure répartition des biens entre individus.
1
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
2
Jean VINCENT, Serge GUINCHARD, Gabriel MONTAGNIER, André VARINARD : « Institutions
judiciaires », précis de droit privé, Campus Dalloz, 5ème édition, , 1999. P : 2.
3
Gaston STEFANI – Georges LEVASSEUR – Bernard BOULOC : « Procédure pénale » p 15
6
Met généralement en cause des collectivités publiques et des particuliers ou personnes privées. La
philosophie de cette justice est "à chacun selon ses besoins" (justice "de gauche").

La justice veille au respect des lois et à la protection des droits de chacun4.

C’est pour cette raison que nul ne peut être arrêté, détenu, expulsé, exproprié, lésé dans son intérêt
matériel ou corporel de façon arbitraire. Le droit à la sureté garde, de nos jours une valeur
symbolique éminente qui le place à la tête des droits et libertés fondamentaux.

La justice est fondée sur le respect des droits fondamentaux de chacun. Comme le proclame la
Déclaration universelle des droits de l’homme, « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les
membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la
liberté, de la justice et de la paix dans le monde. »

Lorsqu’une personne est poursuivie en justice pour une infraction pénale, elle fait face aux
mécanismes de l’État. La manière dont elle est traitée démontre de façon concrète dans quelle
mesure l’État respecte les droits de la personne et l’état de droit.5

Tout procès pénal est l’occasion de mesurer l’engagement des pouvoirs publics envers la justice, ainsi
que leur volonté de faire respecter les droits humains. C’est d’autant plus vrai lorsque la personne
jugée est accusée de crimes qui portent atteinte à la sécurité de la société, tels que des actes de
terrorisme, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre ou des crimes qui menacent le
pouvoir en place.

Il est du devoir de chaque État de juger les auteurs d’infractions pénales devant des tribunaux
indépendants, impartiaux et compétents, dans le respect des normes internationales d’équité.
Quelle que soit l’infraction commise, si le procès est inéquitable, justice n’est rendue ni à l’accusé, ni
à la victime, ni à la société en général.

Lorsque des responsables de l’application des lois commettent des actes de torture ou autres
mauvais traitements, que des procès sont manifestement iniques ou que les procédures sont
entachées de discrimination, c’est le système judiciaire lui-même qui perd sa crédibilité.

Si les droits humains ne sont pas respectés lors de toute arrestation ainsi que dans les postes de
police, les salles d’interrogatoire, les centres de détention, les tribunaux et les cellules de prison,
l’État n’honore pas les obligations qui lui incombent et se dérobe à ses responsabilités. Le droit à un
procès équitable est un droit fondamental6.

Il est l’une des garanties universelles consacrées par la Déclaration universelle des droits de l’homme,
adoptée en 1948 par les gouvernements du monde entier, et qui constitue la pierre angulaire du
système international de protection des droits humains.

Le droit à un procès équitable reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l’homme est
devenu plus tard juridiquement contraignant pour tous les États en s’inscrivant dans le droit
international coutumier.

Les principes fondamentaux relatifs à l’équité des procès sont valables en toutes circonstances,
même en cas d’état d’urgence ou de conflit armé.

4
Jean VINCENT, Serge GUINCHARD, Gabriel MONTAGNIER, André VARINARD : « Institutions
judiciaires », précis de droit privé, Campus Dalloz, 5ème édition, , 1999. P : 5
5
Gaston STEFANI – Georges LEVASSEUR – Bernard BOULOC : « Procédure pénale » p 16
6
Jean VINCENT, Serge GUINCHARD, Gabriel MONTAGNIER, André VARINARD : « Institutions
judiciaires », précis de droit privé, Campus Dalloz, 5ème édition, , 1999. P : 6
7
Depuis 1948, le droit à un procès équitable a été réaffirmé et proclamé dans des traités
juridiquement contraignants comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(PIDCP), adopté par l’Assemblée générale des Nations unies en 1966.

Il a aussi été reconnu – et certains de ses éléments, ou droits constitutifs d’un procès équitable, ont
été repris – dans de nombreux autres instruments internationaux et régionaux qui sont soit des
traités soit des normes non conventionnelles, adoptés par les Nations unies et les organes
intergouvernementaux régionaux.

Ces normes en matière de droits humains ont été conçues pour s’appliquer à tous les systèmes
juridiques et pour prendre en compte toute la diversité des procédures judiciaires.

Elles énoncent les garanties minimales que tous les systèmes doivent offrir pour garantir la justice,
l’état de droit et le respect du droit à un procès équitable.

Elles s’appliquent à tous les stades : enquête, arrestation, placement en détention, et aussi, d’un
bout à l’autre, procédure préliminaire, procès, procédure d’appel, condamnation et peine.

L’évaluation de l’équité d’un procès est un processus complexe dans lequel entrent en jeu de
nombreux paramètres. Chaque cas est singulier et doit être examiné sur le fond et de manière
globale. En général, il s’agit de déterminer si la procédure judiciaire se déroule conformément à la
législation nationale, si cette législation respecte les garanties minimales d’équité prévues par le droit
international et si son application satisfait aux normes internationales.

Il convient de souligner que, dans chaque affaire, il est nécessaire d’examiner l’ensemble de la
procédure pour déterminer si le procès a été équitable. Un procès peut être équitable malgré
quelques erreurs ou irrégularités.

Il se produit parfois au cours d’un procès un seul manquement qui peut compromettre ou ne pas
compromettre l’équité de la procédure dans son ensemble. Toutefois, bien souvent, les procès
bafouent les normes internationales à divers égards7.

À l’inverse, il convient de noter que le respect de toutes les garanties d’un procès équitable ne suffit
pas à assurer, dans tous les cas et en toutes circonstances, qu’une cause a été entendue
équitablement. Le droit à un procès équitable est plus large que la somme des différentes garanties.

Pour évaluer l’équité d’une procédure judiciaire, il convient de l’examiner dans sa totalité, sans
oublier les recours – lors desquels des manquements aux normes survenus pendant le procès
peuvent être corrigés.

Le Maroc a ratifié la majorité des traités des Nations Unies relatifs à la protection des droits humains.
Le Pacte International relatif aux droits civils et politiques (PDICP),8 et la Convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants9 (CAT) sont particulièrement
pertinents dans le cadre de cette étude. Nous noterons également que le Protocole facultatif à la
Convention contre la torture (OPCAT),10 la Convention internationale pour la protection de toutes les
personnes contre les disparitions forcées (UNCED),11 la Convention relative aux droits de l’enfant
(UNCRC),5 la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des
7
Gaston STEFANI – Georges LEVASSEUR – Bernard BOULOC : « Procédure pénale » p 58
8
Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), A/RES/2200A (XXI), 1966, ratifié en 1979.
9
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (UNCAT),
A/RES/39/46, 1984, ratifiée en 1993.
10
Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains, ou
dégradants (OPCAT), A/RES/57/199, 2006, ratifié en 2014
8
femmes (CEDAW),12 et la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRPD),13
renforcent le cadre juridique applicable au Maroc. Il existe notamment un lien évident entre la mise
en œuvre effective des garanties judiciaires et procédurales durant les premières heures de
détention, et l’obligation internationale des Etats à prévenir la torture et les mauvais traitements,
contenue dans l’article 2 (et 16) de la CAT. En effet, cet article prévoit que tout Etat partie prenne «
des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que
des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction ».14

Il existe également de nombreux documents internationaux, qui bien que non-contraignants,


permettent de préciser le contenu de certaines de ces garanties fondamentales, apportant de
précieux détails en vue d’une mise en œuvre effective. Parmi ces documents, nous nous appuierons
notamment sur « l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une
forme quelconque de détention ou d’emprisonnement »,15 ou encore sur « l’Ensemble de règles
minima des Nations Unies pour le traitement des détenus » (Règles Nelson Mandela). 16 Plus
récemment, en mars 2016, le Conseil des droits de l’homme a adopté la résolution 31/31 sur « les
garanties pour prévenir la torture pendant la garde à vue et la détention provisoire 17.

Il existe également des obligations et lignes directrices régionales qui viennent s’ajouter aux
engagements internationaux du Maroc. Bien que le Maroc ne soit pas un État partie à la Charte arabe
des droits de l’homme, ni à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, sa réintégration
récente à l’Union Africaine18 a ouvert la voie à une ratification prochaine de la Charte africaine et
donc d’une reconnaissance du mandat de la Commission africaine de droits de l’homme et des
peuples. Au moment de la rédaction de cette étude, le Maroc ne reconnaît donc pas de jure le
mandat de cet organisme. Nous allons néanmoins exposer les normes élaborées par la Commission
africaine dans une série de textes pertinents, afin d’étayer cette analyse. Ces textes, parmi lesquels
nous pouvons notamment citer les « Lignes directrices de Luanda sur les conditions d’arrestation, de
garde à vue et de détention provisoire en Afrique » constituent de précieuses ressources pour la
mise en œuvre de ces garanties judiciaires et procédurales. 19

Nous pouvons également relever que le Maroc a ratifié une série de Conventions du Conseil de
l’Europe, avec lequel il a également signé, en 2018, un partenariat de voisinage. 20 On peut donc y voir
l’expression d’une claire volonté du Royaume de s’aligner à certains standards européens dans les
années à venir.

11
Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (UNCED),
A/RES/61/177,2007, ratifiée en 2013.
12
Convention relative aux droits de l’enfant (UNCRC), A/RES/44/25, 1989, ratifiée en 1993
13
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW),
A/RES/34/180, 1979, ratifiée en 1993
14
Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRPD), A/RES/61/106, 2006, ratifiée en 2009
15
Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de
détention ou d’emprisonnement (Ensemble de principes), A/RES/43/173, 9 décembre 1988
16
Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles
Nelson Mandela), A/RES/70/175, 17 décembre 2015.
17
https://daccess-ods.un.org/tmp/4037862.42008209.html
18
Union Africaine, Etats membres, accessible à : https://au.int/fr/etats_membres/profiles.
19
Notamment : Résolution Sur Les Lignes Directrices et Mesures d’interdiction et de Prévention de La Torture
et des Peines ou Traitements Cruels, Inhumains ou Dégradants en Afrique (Lignes directrices de Robben Island),
2ème edition, 2008 ; Directives et Principes sur le Droit à un Procès Equitable et à L’assistance Judiciaire en
Afrique, Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, 2003.
20
Partenariat de voisinage avec le Maroc 2018-2021, Conseil de l’Europe, GR-EXT(2018)4, 16 février 2018.
9
Etant donné que le Maroc s’est inscrit depuis son indépendance dans le défi d’instaurer un Etat de
droit, l’intérêt de ce sujet apparait clairement par rapport à la situation du procès équitable qu’il
convient d’examiner.

A cet égard, il convient d’opter pour le plan suivant :

PREMIERE PARTIE : LE CADRE GENERAL DU PROCES EQUITABLE


CHAPITRE PREMIER : LES PRINCIPES DIRECTEURS DU PROCES EQUITABLE
Section 1 : LES PRINCIPES D’ORDRE INSTITUTIONNEL
Section 2 : LES PRINCIPES D’ORDRE JUDICIAIRE
CHAPITRE SECOND : LA PRESOMPTION D’INNONCENCE ET SES LIMITES
Section 1 : Le fondement juridique de la présomption d’innocence
Section 2 : Les limites de la présomption d’innocence
DEUXIEME PARTIE : La consécration chronographique des garanties procédurales
Chapitre Premier : LA CONSECRATION DES GARANTIES PROCEDURALES DURANT
LES PHASES DE JUGEMENT
Section 1 : LA PHASE PRE-JUGEMENT
Section 2 : LA PHASE PENDANT LE JUGEMENT
Chapitre Second : LES GARANTIES PROCEDURALES A L’EPREUVE DE COVID19
Section 1 : Les mécanismes protecteurs des garanties procédurales
Section 2 : La manifestation des garanties du procès équitable durant les phases de la
procédure

10
11
PREMIERE PARTIE :
LE CADRE GENERAL DU
PROCES EQUITABLE

12
CHAPITRE 1 : LES PRINCIPES DIRECTEURS DU PROCES EQUITABLE

Section première : Les principes d’ordre institutionnel

A- L’administration de la justice et le service public

Au terme de l’article 21 de la constitution : « Tous ont droit à la sécurité de leur personne, de


leurs proches et de leurs biens. Les pouvoirs publics assurent la sécurité des populations et du
territoire national dans le respect des libertés et droits fondamentaux garantis à tous » 21
L’article 118 ajoute : « L'accès à la justice est garanti à toute personne pour la défense de ses
droits et de ses intérêts protégés par la loi »22

L’accès à la justice est une garantie donnée à tout le monde, toute personne pour la défense de
ses droits et de ses intérêts protégés par la loi. C’est une garantie constitutionnelle reconnue à
tous ceux qui ont recours à la justice23.

C’est aussi reconnu dans le Code de procédure civile qui impose à tout justiciable d’avoir une
qualité d’agir, la capacité requise et un intérêt légitime.

De ce fait, c’est une administration publique qui ne se distingue des autres services publics
que par sa relative indépendance.

C’est un monopôle de l’Etat qui est seul habilité à gérer cette administration à travers :

o L’instauration des institutions judiciaires et des outils de travail,

o La désignation, la rémunération et le contrôle du corps juridictionnel.

B- L’égalité devant la justice

« Bannir et combattre toute discrimination à l'encontre de quiconque, en raison du sexe, de la


couleur, des croyances, de la culture, de l'origine sociale ou régionale, de la langue, de
l'handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit » 24

La constitution reconnait clairement dans son article 19 que : « L'homme et la femme


jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social,
culturel et environnemental… L'Etat marocain œuvre à la réalisation de la parité entre les
21
Article 21 de la constitution
22
Article 118 de la constitution
23
Gaston STEFANI – Georges LEVASSEUR – Bernard BOULOC : « Procédure pénale » p 51
24
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
13
hommes et les femmes. Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre
toutes formes de discrimination »25.

Toute personne se trouvant dans une situation déterminée analogue à une autre a le droit de
saisir toutes les juridictions du royaume, selon les règles de compétence, et, par conséquent,
être jugé conformément aux mêmes règles de fond et de forme.

On ne trouve pas de distinction ni de discrimination quant au sexe, la nationalité, la race ou la


tribu, la classe sociale …etc.

Actuellement, même l’Etat ou l’administration publique peut être partie au procès. Il suffit
d’avoir un intérêt légitime pour recourir à la justice.

C- La séparation des fonctions

Au terme de l’article 107 de la constitution : « le pouvoir judiciaire est indépendant du


pouvoir législatif et du pouvoir exécutif »26.

Aucune autorité n’a le droit de s’immiscer dans les fonctions des juges. Par la même, le
législateur a instauré un ensemble d’organes dans le seul but d’assurer une efficacité du
système judiciaire marocain.

On trouve des organes chargés de trancher un différend, d’autres de poursuivre, d’autres


d’instruite et d’autres de juger.

Un contrôle permanent des mesures prises pour la constatation de l’infraction et des voies de
recours pour corriger les défaillances judiciaires.

On ne peut, bien évidemment omettre le rôle important des organes administratifs chargés de
préparer et de faciliter l’administration de la justice. 27

D- La gratuité de la justice

En vertu de l’article 121 de la constitution : « Dans les cas où la loi le prévoit, la justice est
gratuite pour ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour ester en justice »28.
Etant un service public, c’est l’Etat qui prend en charge le coût du fonctionnement de

25
Article 19 de la Constitution Marocaine
26
Article 107 de la constitution Marocaine
27
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
28
Article 121 de la constitution Marocaine
14
l’administration de la justice (par ex : budget du ministère de la justice dans la loi de finances
pour la rémunération des magistrats et autres dépenses de fonctionnement ou d’équipement)29.

Les justiciables ne supportent que les taxes et les frais judiciaires afférentes au dépôt des
dossiers en justice30.

Le législateur accorde, toutefois, dans certaines affaires et pour des personnes démunies, une
assistance judiciaire.

Certes, l’assistance judiciaire comporte l’exonération du paiement de la taxe judiciaire et la


désignation d’un avocat d’office pour assister gratuitement le plaideur.

Le bénéfice de cette assistance est, au terme de l’article 273 du CPC, accordé de plein droit au
travailleur, demandeur ou défendeur ou à ses ayants droits, pour toute procédure jusque et y
compris l’appel.31

Tels sont les principes fondamentaux reconnus par le législateur en vue d’une évolution de
l’organisation judiciaire au Maroc.

E- Le double degré de juridiction

D’après cette règle, les plaideurs ont la possibilité de soumettre leur procès pour un second
examen pour un second examen à une juridiction de second degré.

Elle garantit donc les droits de la défense d’une partie grâce à un nouvel examen du litige par
un autre corps judiciaire.32

C’est pour assurer une bonne justice civile et répressive que la procédure pénale et la
procédure civile consacrent la réglé de double degré de juridiction. Ce qui permet d’éviter les
erreurs judiciaires et d’obtenir plus surement une décision conforme à la vérité.

Certaines affaires échappent à ce principe, notamment pour les affaires dévolues


exclusivement à la cour de cassation ou des affaires qui relèvent de la compétence des
juridictions de proximité.

29
Gaston STEFANI – Georges LEVASSEUR – Bernard BOULOC : « Procédure pénale » p 68
30
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
31
Article 273 du code de la procédure civile
32
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
15
F- Le principe de collégialité

Au terme de l’article 4 de la loi du 15 juillet 1974 : « Les tribunaux de première instance


siègent à juge unique ». 33

L’article 7 de la même loi stipule : « En toute matière, à peine de nullité, les audiences des
cours d’appel sont tenues et leurs arrêts sont rendues par trois magistrats »34.

Finalement, l’article 11 ajoute : « Les audiences de la cour suprême sont tenues et leurs arrêts
sont rendus par cinq magistrats... »35.

Il en résulte que le nombre des juges ne dépendaient que du degré de l’instance judiciaire
compétente. La collégialité est un principe fondamental du procès équitable qui consiste à agir
et juger de façon collective d’un groupe de personnes ayant le même statut et saisi d’une
même affaire. Il a adopté par le dahir du 1-93-205 du 22 rabia I 1414 (10 septembre 1993)
modifiant le dahir n° 1-74-338 du 24 joumada II 1394 (15 juillet 1974) fixant l’organisation
judiciaire. Les dispositions précitées ont changé, plus spécialement les dispositions de l’article
4 de la loi relative à l’organisation judiciaire qui stipule : « les tribunaux de 1ère instance
siègent en présence de trois juges ».

L’article 7 ajoute : « Les audiences des cours d’appel sont tenues et les arrêts sont rendus par
trois magistrats »36.

Enfin l’article 11 dispose : « Les audiences des cours de cassation sont tenues et les arrêts sont
rendus par cinq magistrats ». La décision est rendue non pas par un juge unique mais par un
collège de magistrats37.

La règle de la collégialité a l’avantage d’une part de réduire les erreurs judiciaires et d’autre
part de sauvegarder la liberté de décision du juge et permettre une meilleure objectivité. 38

Revenant aux dispositions précitées, on relèvera que les tribunaux de première instance
siègent en présence de trois magistrats dont un président, avec l’assistance d’un greffier dans
les affaires de statut personnel et successoral. à l’exception des actions immobilières de droits
réels et mixtes, actions de conflits de travail, des affaires de famille et de successions, hormis

33
l’article 4 de la loi du 15 juillet 1974
34
Article 7 de loi du 15 juillet 1974
35
Article 11 de la loi du 15 juillet 1974
36
Article 7 de la loi relative à l’organisation judiciaire
37
Article 11 de la loi relative à l’organisation judiciaire
38
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
16
la pension alimentaire et des délits sanctionnés par une peine d’emprisonnement n’excédant
pas deux ans et une amende, ou l’une de ces deux peines seulement et dont la compétence est
dévolue par le CPP au tribunal de première instance (juridictions de proximité). 39

Section 2 : Les principes d’ordre judiciaire

A- Publicité des débats40

Les débats sont généralement publics, c’est alors un principe essentiel de la procédure de
jugement qui assure le respect de tous les droits accordés au prévenu et à l’accusé, et ce
conformément. à l’article 300 du CPP qui stipule : « l’instruction à l’audience et les débats
sont publics à peine de nullité, … cette nullité ne peut être relevée ultérieurement que si le
représentant du ministère public, la partie civile ou le prévenu a demandé acte du défaut de
publicité »41.

Ce principe supporte certaines limites, Notamment, le huis clos qui consiste à fermer toutes
les portes et interdire l'accès à la salle d'audience au public, peut être prononcé par le juge
lorsque cette publicité porte un danger pour la sécurité ou les mœurs. Il en est des mineurs
lorsque leur présence est inopportune42.

Par ailleurs, le huis clos peut parfois être demandé par une victime partie civile (en matière de
viol, de torture et d’actes de barbarie accompagnés d’agression sexuelle).

De manière générale, le tribunal ou la cour peuvent ordonner le huis clos, sous réserve du
refus des parties civiles. L’article 43-1 du CPC stipule aussi : « les audiences sont publiques à
moins que la loi n’en décide autrement … il ‘peut ordonner que les débats auront lieu à huit
clos si l’ordre public ou les bonnes mœurs l’exigent »43.

C’est une garantie de bonne administration de la justice.

Cette publicité s’applique à l’audience et au jugement. La publicité engendre la publication de


comptes rendus des audiences ou des informations par n'importe quel moyen suite à une

39
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
40
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
41
Article 300 du code de la procédure pénale
42
Gaston STEFANI – Georges LEVASSEUR – Bernard BOULOC : « Procédure pénale » p 87
43
Article 43 du code de la procédure civile
17
autorisation du président de l'audience après avis du ministère public et suite à l'accord du
prévenu44.

L'article 303 du CPP ajoute que toute utilisation d'appareils photographiques,


d'enregistrement, de diffusion, d'interception ou de différents appareils de communication
dans la salle d'audience est possible suite à une autorisation expresse du juge : une peine
d'amende de 5 000 à 50 000 dirhams ainsi que la confiscation des appareils est prévue en cas
de non-respect de ces dispositions de publicité ou de publication45.

Toutefois, la publication des débats des tribunaux pour enfants est interdite ; de même que la
publication de comptes rendus dans certaines affaires, notamment en matière de diffamation.
Non seulement les débats, les jugements sont aussi, rendus en audience publique.

B- Le droit de se défendre et de se faire représenter

Un principe prévu par l’article 120 de la constitution : « Toute personne a droit à un procès
équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnable. Les droits de la défense sont
garantis devant toutes les juridictions46.

En matière pénale, les droits de la défense se définissent comme l’ensemble des prérogatives
qui garantissent à l’inculpé la possibilité d’assurer effectivement sa défense dans le procès
pénal. Par conséquent, la défense est l’un des piliers de la bonne administration de la justice
car un prévenu ne peut jamais être condamné à une peine qu’après avoir été en mesure de
faire valoir librement ses moyens de défense contre les accusations portées à son encontre.

A cet effet, le législateur a institué toute une série de mesures destinées à assurer le respect
des droits de la défense. 47

C’est l’obligation de se faire représenter par un avocat pour tous les crimes devant la chambre
criminelle et des délits commis par des mineurs, des incapables ou atteint d’une infirmité de
nature à compromettre sa défense, dans les cas où le prévenu encourt la relégation48 ou vu son
état de santé qui l’empêche de se défendre ou se présenter..
44
Gaston STEFANI – Georges LEVASSEUR – Bernard BOULOC : « Procédure pénale » p 102
45
Article 303 du code de la procédure pénale
46
Article 120 de la constitution Marocaine
47
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
48
La relégation consiste dans un internement dans un établissement de travail afin de réadaptation sociale,
cela suite à une décision du tribunal de 1ére instance ou de la cour d’appel. Elle s’applique, au terme de l’article
64 du code pénal, aux récidivistes qui, dans un intervalle de dix ans, non compris la durée de la peine
effectivement subie, ont encouru deux condamnations à la réclusion. Peuvent être exclues de cette mesure,
par décision motivée, les femmes, les mineurs et les personnes âgées de plus de soixante ans.
18
En tout état de la procédure, le législateur impose cette assistance par des professionnels du
métier (conformément aux articles 30, 31 et 32 de la loi n° 28-08 relative à la profession
d’avocat).

Seuls les avocats sont habilités, dans la cadre de la représentation des parties, à assister, à
déposer les requêtes et les conclusions dans toutes les affaires, exception faite dans certaines
affaires49 .

Pendant la phase préliminaire : les articles 66, 73, 74 et 80 du CPP donnent à une personne
arrêtée en garde à vue le droit de bénéficier d’une assistance judiciaire et de désigner un
avocat. 50

Pendant la phase d’instruction : les articles 144 et 147 du CPP permettent à l’avocat
d’assister à l’interrogatoire devant le juge d’instruction.

Pendant la phase du jugement : ce sont les articles 298, 299, 305, 315, 316, 317 et 421 du
CPP qui démontrent la nécessité de cette assistance. Si aucun avocat n’a été désigné ou en cas
de son absence injustifiée, le président de l’audience en désigne un immédiatement.

C- Le droit à un tribunal indépendant et impartial 51

Conformément à l’article 107 de la constitution : « Le pouvoir judiciaire est indépendant du


pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Le Roi est le garant de l'indépendance du pouvoir
judiciaire »52.

L’article 109 ajoute : « Est proscrite toute intervention dans les affaires soumises à la justice.
Dans sa fonction judiciaire, le juge ne saurait recevoir d'injonction ou instruction, ni être
soumis à une quelconque pression.53

Chaque fois qu'il estime que son indépendance est menacée, le juge doit en saisir le Conseil
Supérieur du Pouvoir Judiciaire.

49
Les affaires de déclaration d’état-civil, affaires de pension alimentaire en premier et second ressort, les
affaires jugés en premier et second ressort par le tribunal de 1ère instance ainsi que l’assistance en matière
délictuelle et contraventionnelle.
50
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
51
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
52
Article 107 de la Constitution Marocaine
53
Article 109 de la Constitution Marocaine
19
Tout manquement de la part du juge à ses devoirs d'indépendance et d'impartialité, constitue
une faute professionnelle grave, sans préjudice des conséquences judiciaires éventuelles».

La loi sanctionne toute personne qui tente d'influencer le juge de manière illicite.

L’article 110 ajoute : « Les magistrats du siège ne sont astreints qu'à la seule application du
droit. Les décisions de justice sont rendues sur le seul fondement de l'application impartiale
de la loi » 54

Tout manquement de la part du juge à ses devoirs d'indépendance et d'impartialité, constitue


une faute professionnelle grave, sans préjudice des conséquences judiciaires éventuelles.55

La loi sanctionne toute personne qui tente d'influencer le juge de manière illicite Cette
impartialité est maintenue par des garanties procédurales à travers :

Les voies de recours qui permettent le traitement d’un seul dossier par d’autres corps
magistral ;

- La procédure de prise à partie lorsqu’il y a dol, fraude ou concussion imputé au juge dans
l’exercice de ses fonctions ;

- La procédure de récusation qui empêche un juge de statuer sous prétexte de partialité ;

- Des garanties constitutionnelles suprêmes insistent sur cette neutralité des juges. Il en est de
même de la loi organique n°100-13 relative au conseil supérieur du pouvoir judiciaire qui
confirme, dans son article 2 cette indépendance du pouvoir judiciaire des autres pouvoirs.
Cette indépendance est une garantie royale, en tant que président du conseil56.

D- Le doute profite à l’accusé

La présomption d’innocence ne peut prendre sa véritable signification que dans le cadre d’un
procès équitable offrant toutes les garanties légales nécessaires. 57

54
Article 110 de la Constitution Marocaine
55
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
56
Article 2 de la loi 100-13
57
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
20
Le doute doit profiter à l’accusé, c’est-à-dire que toute personne qui se voit reprocher une
infraction est réputée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été légalement prouvée. 58

Il en découle que tout individu, qu’il soit délinquant primaire ou récidiviste, et quelles que
soient les charges qui pèsent sur lui, doit être considéré comme innocent et doit être traité
comme tel, tant que sa culpabilité n’a pas été établie (il faut cependant faire réserve de
l’arrestation, de la garde à vue et de la détention provisoire qui ont pour résultat de faire priver
une personne de sa liberté avant toute décision judiciaire la déclarant coupable et la
condamnant à une peine)59 . C’est le principe reconnu par l’article 1 du CPP selon lequel toute
personne est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par un jugement
passé en force de chose jugée, à la suite d’un procès équitable entouré de garanties
juridiques60.

Ce principe consacre ce que comporte la constitution marocaine dans son article 119 : « Tout
prévenu ou accusé est présumé innocent jusqu'à sa condamnation par décision de justice ayant
acquis la force de la chose jugée »61 ainsi que l’article 23 : « Nul ne peut être arrêté, détenu,
poursuivi ou condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi. La détention
arbitraire ou secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus grande gravité et
exposent leurs auteurs aux punitions les plus sévères62.

Toute personne détenue doit être informée immédiatement, d'une façon qui lui soit
compréhensible, des motifs de sa détention et de ses droits, dont celui de garder le silence.

Elle doit bénéficier, au plus tôt, d'une assistance judiciaire et de la possibilité de


communication avec ses proches, conformément à la loi.

La présomption d'innocence et le droit à un procès équitable sont garantis. Toute personne


détenue jouit de droits fondamentaux et de conditions de détention humaines. 63

Elle peut bénéficier de programmes de formation et de réinsertion. Il est reconnu également


par l’article 11 de la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 et
par l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme.
58
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
59
Gaston STEFANI – Georges LEVASSEUR – Bernard BOULOC : « Procédure pénale » p 28.
60
Article 1 du Code de la procédure pénale
61
Article 119 de la Constitution Marocaine
62
Article 23 du CPP
63
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
21
Dans le but de renforcer ce principe, le code de procédure pénale a prévu toute une série
d’articles qui s’efforcent de garantir et de mettre en application la présomption d’innocence :
D’après l’alinéa 2 du premier article : le doute doit profiter à l’accusé 64.

D’après l’article 293 : N’est pas admis l’aveu extorqué par la violence ou la contrainte. 65

D’après l’article 303 : toute utilisation d’appareils photographiques, d’enregistrement, de


diffusion, d’interception ou de différents appareils de communication dans les salles
d’audience ou dans tout autre lieu où se tient une instruction judiciaire, ou d’une personne en
détention, menottée ou entravée, est soumise à une autorisation du président du tribunal.66

D’après l’article 423 du CPP : l’accusé comparait libre 67

D’après l’article 427 du CPP : l’accusé ou son conseil a toujours la parole le dernier68

En somme, un ensemble de dispositions dans le but de mettre en relief les exigences d’un
procès équitable conforme à la loi et aux droits de l’homme :

 Réglementation rigoureuse des mesures de garde à vue et de détention préventive en


confiant son contrôle à des autorités judiciaires de façon périodique.

 Information des accusés des faits reprochés et des preuves établis à son encontre et de leur
famille de leur arrestation.

 Séparation des fonctions des magistrats chargés de poursuivre, d’instruire et de juger une
affaire déterminée.

 Renforcement du rôle de l’avocat pendant l’interrogatoire.

 Instauration d’un second degré de juridiction pour les affaires criminelles.

E- L’autorité de la chose jugée

Cette notion a été prévue par l’article 451 du DOC qui stipule : « l’autorité de la chose jugée
ne s’attache qu’au dispositif du jugement et n’a lieu qu’à l’égard de ce qui en fait l’objet ou de
ce qui en est une conséquence nécessaire et directe »69.

64
Article 1 Al.2 du CPP
65
Article 293 du code de la procédure pénale
66
Article 303 du Code de la procédure pénale
67
Article 423 du code de la procédure pénale
68
Article 427 du code de la procédure pénale
69
Article 451 du Dahir formant code des Obligations et Contrats
22
Dès qu’un jugement est rendu, il emporte autorité de la chose jugée, qu’il ne faut pas
confondre avec la force de chose jugée.

Elle suppose que l’action concernée ait fait l’objet d’une décision définitive concernant les
mêmes parties et sur le même fondement juridique. 70

Cela signifie qu’on ne peut pas juger deux fois la même affaire ; donc on ne peut statuer deux
fois sur la même action.

En matière répressive, lorsque les voies de recours ne sont plus possibles, soit parce que leur
délai d’exercice est expiré, soit parce qu’elles ont été exercées et jugées, une décision acquiert
définitivement l’autorité de la chose jugée et généralement en même temps la force
exécutoire, c’est-à-dire la possibilité d’exécution par voie de contrainte. Il en résulte tout
d’abord qu’il n’est plus possible de recommencer un nouveau procès qui porterait sur un
différend déjà jugé. Cependant, certains jugements sont revêtus de l’autorité absolue de chose
jugée. Il s’agit des demandes en 1er instance des affaires mineures de faible valeur et les
affaires soulevées par la cour de cassation : en premier et dernier ressort, pour les recours en
annulation pour excès de pouvoir, dirigés contre les actes réglementaires ou individuels du
premier ministre, et les recours contre les décisions des autorités administratives, dont le
champ d’application s’étend au-delà du ressort territorial d’un tribunal administratif. 71

L’article 4 du CPP stipule que la chose jugée par une juridiction répressive éteint l’action
publique72. Elle possède vis-à-vis des autres juridictions répressives, une autorité de chose
jugée de caractère négatif, en ce sens que les autres juridictions répressives ne peuvent plus
connaitre, à l’encontre de la même personne, des mêmes faits délictueux que ceux qui ont été
déjà définitivement jugés.

Par contre, la chose jugée au criminel ne fait nullement obstacle à ce que le juge civil statue
sur l’action civile, mais elle s’impose au juge civil. Celui-ci reste lié par ce qui a été décidé
par le juge répressif.

F- Principe du contradictoire

70
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
71
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
72
Article 4 du code de la procédure pénale
23
Selon un adage anglais : « justice is not only to be done, but to be seen to be done ». 73

Le principe du contradictoire implique que chaque partie ne peut être jugée sans avoir été
entendue ou appelée pour qu’elle puisse débattre et contredire les arguments et preuves
avancés par l’autre partie. 74

Ce principe consacre donc la liberté de la défense, il s’impose aux parties et aux juges. Il est
important, pour une bonne justice, de permettre aux justiciables d’assister aux débats orales
ou consulter les requêtes écrites.

Les parties doivent se faire connaitre mutuellement en temps utile les moyens de fait sur
lesquelles elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les
moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacun soit à même d’organiser sa défense.

C’est pour cela que l’article 309 du code de procédure pénale exige que toute comparution à
l’audience doit être notifiée dans un délai d’au moins huit jours pour les résidents au Maroc,
de deux mois pour les résidents des Etats du Maghreb arabe ou dans l'un des Etats d'Europe,
de trois mois dans les autres non mentionnés.75

L’article 40 du code de procédure civile ajoute :

« Il doit y avoir entre la notification de la convocation et le jour fixé pour la comparution, un


délai de cinq jours si la partie est domiciliée ou en résidence dans le lieu où siège le tribunal
de première instance ou dans une localité limitrophe, et de quinze jours si elle se trouve dans
tout autre endroit sur le territoire du Royaume, à peine de nullité du jugement qui serait rendu
par défaut »76.

En cas de non comparution de la personne un jugement par défaut est aussi prononcé, en
matière pénale en cas de non comparution suite à une citation régulière. Des exceptions ont
été rapportées par l'article 314 du CPP.

73
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
74
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
75
Article 309 du code de procédure pénale
76
Article 40 du CPC
24
Ce principe s’impose aussi au tribunal ou au juge. Celui-ci est tenu, en toutes circonstances,
de le faire observer77.

Il ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou
produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Quant au principe de contradictoire en matière pénale, il n’est pas propre de la procédure de


jugement.

Il trouve à s’appliquer en principe dès la phase d’instruction, mais est particulièrement fort au
cours de la phase du jugement. Lors de cette phase, le contradictoire se traduit par la
possibilité pour les parties de défendre leurs intérêts, ce qui implique leur présence, et la
possibilité de prendre la parole pour discuter des preuves78.

L’obligation faite aux parties de comparaître selon l’article 311 du CPP procède notamment
de ce principe et permet de rendre un jugement contradictoire79. Il en est de même selon les
dispositions de l’article 344 du CPC : « sont contradictoires les arrêts rendus sur requêtes ou
mémoires des parties, alors même que les parties ou leurs mandataires n’auraient pas présenté
d’observations orales à l’audience. Il en est de même des arrêts qui, rejetant une exception,
statuent sur le fond, même si la partie qui a soulevé l’exception s’est abstenue de conclure,
subsidiairement au fond... Tous les autres arrêts sont rendus par défaut... »80.

Par exception, dans certaines circonstances (état de santé et en présence des motifs dangereux
rendant impossible le report de l’affaire), la juridiction de jugement pourra rendre une
décision motivée qui sera, même en l’absence de la personne poursuivie, réputée
contradictoire. En cas de non comparution au jour et à l’heure fixée, la décision est rendue par
défaut sauf les exceptions déterminées par la loi81 .

Le dispositif de tout jugement, arrêt ou ordonnance précise s’il a été rendu en audience
publique, en premier ou en dernier ressort, contradictoirement, réputé contradictoire ou par
défaut82.

77
Article 314 du CPP
78
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
79
Article 311 du code de procédure pénale
80
Article 344 du code de procédure civile
81
Article 47 du Code de procédure civile et 314 du Code de procédure pénale
82
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
25
CHAPITRE 2 : LA PRESOMPTION D’INNONCENCE ET SES LIMITES

Section 1 : Le régime juridique de la présomption d’innocence

A- Les règles de preuves garantissant la présomption d’innocence :

La consécration de la présomption d’innocence exerce une profonde influence sur le régime


des preuves en matière pénale. Elle implique, en effet, que le doute profite à l’accusé et que
la charge de la preuve pèse sur l’accusation à laquelle il incombe d’offrir des preuves
suffisantes pour fonder une déclaration de culpabilité. Elle implique aussi la reconnaissance
du droit de silence que possède l’inculpé.83
L’article 1er du code de procédure pénale Marocain dispose que la nécessité de la preuve

83
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
26
doit être à l’origine soit de la culpabilité soit de l’innocence de l’inculpé. La principale
raison d’être du principe est d’entraîner une dispense de preuve au profit de la personne
poursuivie, ce qui revient à dire que la charge de la preuve doit incomber entièrement au
ministère public et accessoirement à la partie civile. Il ressort de cet article, que l’individu
poursuivi, qu’il soit délinquant primaire ou récidiviste, et qu’elles que soient les charges qui
pèsent sur lui, doit être considéré comme innocent et traité comme tel, jusqu’à
l’établissement de sa culpabilité à l’appui des preuves réunies par le parquet. En d’autres
termes, c’est la partie poursuivante qui doit normalement caractériser les éléments
constitutifs de l’infraction ainsi que l’absence de facteurs propres à faire disparaître celle-ci
(prescription, amnistie).84

Puisque le ministère public doit faire la preuve de l’infraction, il doit normalement établir
l’existence de trois éléments qui la constitue : l’élément légal, l’élément matériel et
l’élément moral.

L’accusation doit d’abord viser le texte légal ou réglementaire sur lequel se fondent les
poursuites. Elle doit également établir la non-disparition de l’élément légal par l’effet de
l’amnistie ou de la prescription de l’action publique.85

Tant que ces preuves ne sont pas rapportées, la personne mise en accusation, doit être
traitée comme si elle était innocente et ne doit en aucun cas collaborer à la recherche de
preuves à son encontre.
La personne accusée d’une infraction a le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination
en étant contraint de fournir elle-même les preuves de sa culpabilité.86

B- La conviction intime de juge

« Il vaut mieux cents coupables en liberté qu’un seul innocent en prison ».87

84
ESSAID (Mohammed-Jalal), « La Présomption d’innocence », Editions Techniques Nord-Africaines, 1971,
RABAT. P 44
85
ESSAID (Mohammed-Jalal), « La Présomption d’innocence », Editions Techniques Nord-Africaines, 1971,
RABAT. P 58
86
En application du principe de la présomption d’innocence, inscrit à l’article 6 § 2 de la Convention
européenne des droits de l’homme, la Cour de Strasbourg prohibe tous les moyens de preuve reposant sur
l’obligation de s’accuser soi-même. Ont ainsi été condamnées les anciennes visites domiciliaires des douanes
au cours desquelles, par une véritable séquestration à l’intérieur de son propre domicile, un suspect était
contraint de fournir lui-même les preuves de sa culpabilité.
87
William Blackston, jurisconsulte britannique né à Londres le 10 juillet 1723 et mort à Wallingford le 14 février
1780.
27
L’article premier alinéa 2 du code de procédure pénale Marocain dispose que : « le doute
s’interprète au profit de l’accusé », ou plus généralement pourrait-on dire, à la personne
poursuivie88.

En vertu du principe de la présomption d’innocence, la personne suspectée ou poursuivie


peut ainsi demeurer dans une attitude défensive attendant que soit administrée la preuve de
sa culpabilité. Si le ministère parvient à susciter auprès du juge qu’un simple doute, et non
une véritable conviction de culpabilité, alors s’impose la relaxe ou l’acquittement.

En France, le respect de ce principe a été rappelé par la loi du 15 juin 2000 à travers une
réforme de l’article 304 du code de procédure pénale, selon laquelle le président de la cour
d’assises doit désormais rappeler lors de la prestation de serment des jurés que : « l’accusé
est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ».89

Dans les pays de Common Law, seul un doute raisonnable peut valablement profiter à la
personne poursuivie, « lorsqu’un crime est allégué, c’est le devoir du jury de faire profiter le
détenu de tout doute raisonnable ». Selon Fortin, l’appréciation de ce qu’est un doute
raisonnable ou de ce qui est une probabilité relève en effet du sens commun et de
l’expérience.

Ainsi, selon ce principe, corollaire à la présomption d’innocence, si les preuves produites


contre la personne poursuivie sont insuffisantes, cette dernière ne peut se voir infliger une
condamnation.

Dans le doute, on doit incliner à l’absolution de l’accusé plutôt qu’à sa condamnation.

L’article 23 de la nouvelle constitution dispose à cet effet que : « toute personne détenue
doit être informée immédiatement, d’une façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa
détention et de ses droits, dont celui de garder le silence. »90

En France, ce droit vient d’être étendu à la garde à vue. En effet, pour se conformer aux
exigences de la Cour européenne des droits de l’homme, l’Assemblée Nationale vient
d’accorder le droit de se taire à toute personne convoquée par un policier ou un gendarme.
Le gardé à vue sera seulement obligé de décliner son identité. Peu de temps avant cette
décision, la chambre criminelle de la Cour de cassation, réunie en formation plénière, a

88
Article 1 Al 2 du CPP
89
ESSAID (Mohammed-Jalal), « La Présomption d’innocence », Editions Techniques Nord-Africaines, 1971,
RABAT. P 110
90
Article 23 de la constitution Marocaine
28
jugé que, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses tenant aux circonstances
particulières de l’espèce (et non à la seule nature du crime ou délit reproché), toute personne
soupçonnée d’avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être informée
de son droit de se taire et bénéficier, sauf renonciation non équivoque de l’assistance d’un
défenseur91.

Le droit Américain prévoit un système de custody92 qui correspond à la rétention d’une


personne par la police pendant 24 heures. Un interrogatoire peut être mené par les policiers,
la personne entendue pouvant garder le silence : le droit de garder le silence est érigé en
principe constitutionnel aux Etats- Unis.

Corrélativement, il est interdit de condamner un suspect au seul motif pris de son silence.

Enfin, La présomption d’innocence intéresse tout le procès pénal mais pas seulement le
procès pénal stricto sensu. L’internationalisation, la constitutionnalisation du principe de la
présomption d’innocence, les garanties anciennes et nouvelles qui en découlent, font
aujourd’hui de ce que certains considèrent toujours comme une fiction, un droit subjectif
opposable à tous. 31

A cet effet, le législateur marocain, se doit de renforcer la protection de ce droit, en prenant


exemple sur son homologue français qui y a consacré toute une loi (faisant partie intégrante
au code pénal). Mais le respect de ce droit subjectif ne peut découler des seuls textes, il
suppose une vigilance de tous les citoyens car ainsi que l’observait Montesquieu en 1748 : «
Quand l’innocence des citoyens n’est pas assurée, la liberté ne l’est pas non plus32. »

En d’autres termes tout reflux dans les garanties de la protection de la présomption


d’innocence constitue potentiellement un danger pour les libertés et une atteinte au droit à la
sûreté.

Section 2 : Les limites de la présomption d’innocence


A- Le terrorisme : entre la lutte et l’atteinte à la présomption d’innocence

91
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
92
Le 13 juin 1966, dans un arrêt Miranda c/ Arizona, la Cour Suprême des Etats-Unis a exigé que toute
personne soit informée avant tout interrogatoire de police ou de procédure coercitive d’un certain nombre de
droits, notamment le droit de ne pas s’auto incriminer et de garder le silence prévu par le cinquième
amendement de la Constitution Américaine. (Source : HAERI (K), « Vous avez le droit de garder le silence… »,
Comment réformer la garde à vue ?, Institut Montaigne, Paris, décembre 2010.)
29
La présomption d’innocence est au cœur même du concept de procès équitable, de ce fait, elle
doit être impérativement respectée dans un contexte de lutte contre le terrorisme. Toutefois la
réalité des choses démontre que ce droit est constamment violé93.

1- Sur le plan national

Au niveau national, l’article premier du code de procédure pénale consacre le principe de la


présomption d’innocence en vertu duquel toute personne est présumée innocente jusqu’à ce
que sa culpabilité ait été légalement établie par un jugement passé en force de chose jugée, à
la suite d’un procès équitable entouré de garanties juridiques.

Par ailleurs, le code de procédure pénale a entouré la présomption d’innocence de différentes


garanties pour en assurer l’application.94

Entre autres : la possibilité de publication, totale ou partielle, dans la presse, de l’ordonnance


de non-lieu prononcée par le juge d’instruction, à la demande de l’intéressé ou du ministère
public, et l’interdiction de prendre en photo un détenu ou un prisonnier portant des menottes
ou de publier sa photo ou son nom ou toute mention indiquant son identité sans son
consentement et de publier toute enquête, commentaire ou sondage d’opinion à son sujet.

Il résulte très clairement de ces dispositions que toute personne accusée d’activités terroristes
doit bénéficier impérativement de la présomption d’innocence. Mais la manière avec laquelle
est gérée la lutte contre le terrorisme montre que le principe de la présomption d’innocence,
n’est pas respecté par les autorités. Les organisations de la défense des droits humains ainsi
que la presse marocaine ont rapporté plusieurs cas où le principe d’innocence n’a pas été
respecté.

Le procès intenté au groupe «Belliraj» illustre parfaitement ces dérives. Selon le rapport de
l’Association de défense des droits de l’homme au Maroc (ASDHOM), l’ex – ministre de
l’intérieur Chakib BENMOUSSA avait condamné le groupe de Belliraj, lors d’une
conférence de presse, tenue le 20 février 2008, soit deux jours après leur arrestation, avant
même qu’ils soient traduits devant un tribunal95.

93
EZZEROUAL (El Habib), « La présomption d’innocence et lutte contre le terrorisme au Maroc, articles et essais
sur le droit », www.esseroual-habib.khbary.com
94
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
95
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
30
Le ministre de l’intérieur a divulgué les secrets de l’instruction préliminaire et ce, en levant le
voile sur le contenu des procès-verbaux, en levant aussi le secrets sur les pièces à conviction
et leur nature ou encore en préconisant le bien fondé des accusations portées contre le groupe.

Dans cette même affaire, l’Association marocaine des droits de l’homme( AMDH) a vivement
dénoncé la violation manifeste du principe de la présomption d’innocence «du fait des
directives adressées à la Justice par des responsables gouvernementaux, de la condamnation
préalable des détenus par le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Communication, porte-
parole officiel du Gouvernement et de la dissolution du parti Al-Badil al-Hadari par le
Premier ministre avant même la saisine du Parquet général.»

Très rares sont donc les procès dans lesquels la présomption d’innocence est scrupuleusement
respectée.

Le 16 mai 2003, cinq attentats terroristes étaient commis à Casablanca, faisant 42 morts, dont
11 kamikazes, et plus d'une centaine de blessés. Parallèlement à l'arrestation des personnes
directement impliquées dans les attaques terroristes, interpellées selon toute vraisemblance à
partir des déclarations d'un kamikaze qui avait échappé à la mort, une campagne d'arrestations
fut déclenchée dans tout le Royaume, visant des centaines de personnes, présentées de
manière indistincte comme faisant partie de la "Salafiya Jihadia", décrite le plus souvent
comme une sorte de nébuleuse islamiste prônant la violence et la terreur.

C'est dans ce climat très particulier que fut adopté sans discussion notable le projet de loi
contre le terrorisme, présenté en urgence en janvier 2003 et contesté depuis par plusieurs
groupes parlementaires et les associations marocaines et internationales de défense des droits
de l'Homme. Promulguée au Journal Officiel le 29 mai 2003, soit moins de quinze jours après
les attentats de Casablanca, cette loi avait en effet suscitée de vives réactions.

Outre les arrestations intervenues avant le 16 mai 2003 et qui s'élèvent à quelques dizaines,
les autorités ont procédé durant les mois qui ont suivi les attentats de Casablanca à des
milliers d'arrestations; ces campagnes ont concerné l'ensemble du territoire et consisté parfois
en de véritables rafles visant certains quartiers déshérités des périphéries des grandes villes. Il
s’est avéré que des personnes ont ainsi été arrêtées non pas sur des indices de participation à
des faits délictueux, mais parce qu'ils habitaient ces quartiers, présentés comme un terreau
"d'intégrisme", ou simplement parce qu'ils étaient barbus.96

96
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme, « les autorités marocaines à l'épreuve du
terrorisme : la tentation de l'arbitraire » (rapport), Paris, 2003.
31
Outre les personnes interpellées, interrogées dans les commissariats, des centaines d'autres
ont été interpellées et détenues arbitrairement, parfois durant de longs mois, en violation des
lois et des normes marocaines et internationales avant d'être présentées à la justice.97

De l'avis unanime des organisations marocaines de défense des droits de l'Homme et selon
de nombreux témoignages, ces arrestations pouvaient intervenir de jour comme de nuit, dans
la rue ou au domicile des personnes, par des hommes en civil, ne présentant le plus souvent
aucun mandat ou carte professionnelle, circulant dans des voitures banalisées et procédant
à la fouille des maisons et à la saisie de documents, sans respect des dispositions du Code
de procédure pénale. Il est par ailleurs de notoriété publique que de très nombreuses
arrestations ont été opérées par des agents de la Direction de la Surveillance du Territoire
(DST) qui n'ont pourtant pas la qualité d'officiers de police judiciaire.

Des domiciles ont été ainsi perquisitionnés en dehors des heures légales (entre 5 heures du
matin et 21 heures), sans l'autorisation ou en l'absence du locataire ou du propriétaire du lieu
et sans qu'un procès- verbal de perquisition ne soit dressé ni que les éléments saisis soient
mis sous scellés. De tels faits sont établis avant comme après le 16 mai 2003.

Quant aux délais, on ne peut qu'être surpris d'abord par la diligence extrême qui a présidé à
l'instruction et au jugement des personnes mises en cause.98

Les procédures d'instruction qui duraient antérieurement de nombreux mois se sont


brutalement accélérées à la suite du 16 mai. En quelques semaines, les inculpés, qui
encouraient de très lourdes peines, sont renvoyés devant la chambre criminelle après une
instruction particulièrement sommaire, le juge cherchant seulement à faire confirmer les
aveux obtenus par les policiers.

Après les auditions policières, les mis en cause sont présentés au parquet général qui désigne
un juge d'instruction, la procédure d'instruction n'étant toutefois obligatoire que pour les faits
punis de réclusion à perpétuité, de la peine de mort ou les faits punis d’une peine maximale
de 30 ans. Au parquet général où des mis en cause ont souvent été conduits les yeux bandés,
croyant ainsi qu'ils étaient encore dans les locaux de la police, les droits garantis par l'article
76 du Code marocain de procédure pénale (CPP) n'ont été presque jamais respectés.

97
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
98
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 55
32
Soumis apparemment à une obligation immédiate de résultat, les juges d'instruction ont
d'évidence pris de grandes largesses avec les dispositions de la législation marocaine,
l'instruction s'est déroulée en effet dans des conditions aberrantes, souvent après minuit et
même à 3h00 ou 4h00 du matin, et les inculpés attendant pendant des heures dans le fourgon.
Quant à l'interrogatoire lui-même, il se déroule selon un questionnaire pratiquement
préétabli, l'inculpé devant répondre à des questions précises. Les accusations n'étaient parfois
étayées que par une dénonciation ou une citation d'un tiers ou d'un autre accusé, le plus
souvent à la suite de mauvais traitements ou de torture. Les dossiers comprenaient rarement
des pièces attestant de la possession d'armes ou d'explosifs ou encore d'une participation à
des associations interdites.99
2- Sur le plan international :

Dans plusieurs États membres, l’augmentation du terrorisme dans l'Union Européenne est à
l’origine de nouvelles mesures législatives nationales destinées à combattre ce fléau. Cette
législation anti- terroriste doit être conforme à la CEDH. En juillet 2002, le Comité des
Ministres du Conseil de l'Europe a adopté des lignes directrices sur les droits de l'homme et la
lutte contre le terrorisme et a invité les États à en assurer «une large diffusion auprès de toutes
les autorités chargées de la lutte contre le terrorisme.» L’article IX, paragraphe 2, dispose
qu’«une personne accusée d’activités terroristes doit bénéficier de la présomption
d’innocence.»100

Les lignes directrices précisent les restrictions des droits de la défense qui sont compatibles
avec la CEDH et avec le principe de la présomption d’innocence. Il s’agit des restrictions
concernant les modalités d’accès et de contacts avec l’avocat, les modalités d’accès au dossier
et l’utilisation de témoignages anonymes. Toutefois, «de telles restrictions au droit de la
défense doivent être strictement proportionnées au but poursuivi et des mesures
compensatoires aptes à protéger les intérêts de l’accusé doivent être prises afin que le
caractère équitable du procès soit maintenu et que les droits de la défense ne soient pas vidés
de toute substance».

Au Royaume Uni, la loi « Antiterrorism, Crime and Security Act » de 2001 constitue une
réponse législative aux attentats du 11 septembre 2001 qui ont frappé les Etats-Unis
d'Amérique.
99
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 56
100
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ;
33
Elle fût adoptée suite au souhait, formulé par le Conseil de sécurité des Nations unies, que
tous les Etats prennent des mesures de prévention des attentats terroristes.

Cette loi demeure critiquée pour diverses raisons, et avant tout pour avoir été adoptée dans
l'urgence, avec peu de temps pour débattre de son contenu.

Les dispositions de la loi de 2001 s'écartent tellement du droit commun normalement


applicable, que le Royaume-Uni a jugé nécessaire de déroger à la Convention européenne des
droits de l'homme.

La loi antiterroriste de 2001 permet la détention illimitée, sans inculpation, d'un étranger
suspecté de se livrer à des activités terroristes. Son article 21 permet de l'incarcérer
indéfiniment grâce à un certificat émis par le ministre de l'intérieur.

Cet acte est établi sur la base d'une « conviction raisonnable » que la présence d'une personne
sur le territoire du Royaume-Uni représentait « un risque » pour la sécurité nationale et qu'il y
a « une suspicion raisonnable » qu'elle soit un terroriste international.

Les mots « conviction raisonnable », « risque pour la sécurité nationale », « suspicion


raisonnable » montrent bien le caractère subjectif de ces mesures.101

Cette loi fait entrer l'étranger suspecté de terrorisme par le gouvernement anglais dans un
système global de non droit. Désormais la suspicion devient source d'incrimination au mépris
du sacrosaint principe de la présomption d'innocence.

Pour la France, de nombreux rapports internationaux ont souligné l’arbitraire de la


législation antiterroriste française, dont les critères sont peu exigeants en matière de preuve
lorsqu’il s’agit de décider de l’arrestation de suspects ou de l’ouverture d’une instruction par
un juge. Sur la base d’indices minimes, voire inexistants, elle permet le maintien en
détention provisoire des suspects pendant des mois, voire dans certains cas pendant des
années, tandis que les liens étroits entre les juges d’instruction spécialisés et les services de
renseignement dans les affaires de terrorisme mettent sérieusement à mal le droit des accusés
à un procès équitable.

B- La force probante des procès-verbaux de la police judiciaire :102


Sérieusement entamée par l’omission des droits susvisés, la présomption d’innocence se

101
ADOUA (Sydney), « La lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l’Homme », Mémoire de Master
2, Université d’Orléans, 2004.
102
ESSAID (Mohammed-Jalal), « La Présomption d’innocence », Editions Techniques Nord-Africaines, 1971,
RABAT. P 235
34
trouve rudement malmenée du fait de la force probante de certains P.V établis par la police
judiciaire. On sait, en effet, qu’à l’exception des procès-verbaux établis en matière
d’infractions qualifiées crimes dont les énonciations ne valent que comme simples
renseignements soumis à la libre appréciation du juge, les P.V établis en matière de délits et
de contraventions font foi jusqu’à preuve de contraire (Art 290 et 291- CPP)103.
Certes, comme la précise l’article 289 ; le P.V ne peut, dans ce cas, emporter force probante
qu’autant qu’il est régulier en la forme et que son auteur104, agissant dans l’exercice de ses
fonctions, rapporte, sur une matière de sa compétence, ce qu’il a vu ou entendu
personnellement, ceux qu’il a constaté ex propris sensibus105. Il n’en demeure pas moins que
lorsque ses énonciations sont de nature à culpabiliser l’intéressé, ce P.V a pour effet de
substituer à la présomption d’innocence une présomption de culpabilité ; de sorte qu’il
revient à l’intéressé, ainsi présumé coupable, d’établir la preuve de son innocence, « par tous
moyens » souligne l’article 290 mais non pas seulement par de simples « dénégations et
explications », précise la cour Suprême. Or, non seulement cette preuve n’est guère facile à
rapporter, mais même l’intime conviction du juge ne peut rien devant une telle situation : à
défaut de preuve contraire, le juge n’est libre d’apprécier, et même s’il est convaincu du
contraire, il doit statuer en tenant compte des énonciations du P.V.106
Bien plus, on sait qu’en matière d’infractions douanières et d’infractions à la législation
relative aux eaux et forêts ou à la pêche maritime, les P.V établis font foi jusqu'à inscription
de faux. Or, s’agissant d’une procédure à la fois complexe et aléatoire (voir l’article 55 et
suivant du Code de procédure pénale), il n’est pas téméraire d’affirmer que ses P.V sont
pratiquement inattaquables. Ce qui revient à dire que l’intéressé n’est pas seulement
dépourvu de son droit à être présumé innocent, mais pire encore il est privé de son droit à
prouver et à rétablir son innocence. Quant au juge, dont les pouvoirs se réduisent ainsi à
entériner les énonciations des P.V, il est relégué au rôle d’ « un robot qui n’a pas à juger de
la valeur de ces P.V, mais qui doit condamner dans l’instance judiciaire ceux qui ont été
jugés coupables dans l’instance policière.107

C- Le principe de la présomption d’innocence face aux libertés de la presse


103
Article 290 et 291 du CPP
104
Article 289 du CPP
105
ESSAID (Mohammed-Jalal), « La Présomption d’innocence », Editions Techniques Nord-Africaines, 1971,
RABAT. P 45
106
ESSAID (Mohammed-Jalal), « La Présomption d’innocence », Editions Techniques Nord-Africaines, 1971,
RABAT. P 49
107
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
35
Comme toute liberté, celle de la presse n’est pourtant pas absolue car elle peut entrer en
conflit avec d’autres principes fondamentaux, comme celui de la présomption d’innocence.
De prime abord, la presse joue un rôle omnipotent dans toute société démocratique dans la
mesure où elle doit communiquer des informations et idées dans tous les sujets d’intérêt
général, et ce dans le respect de ses devoirs et responsabilités. C’est pourquoi la liberté de la
presse est garantie par divers textes et instruments. A cet égard, la Convention Européenne
des droits de l’Homme108 a précisé, dans son article 10-1, que « toute personne a droit à la
liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de
communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités
publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de
soumettre les entreprises d radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime
d’autorisations. » La nouvelle Constitution Marocaine a mentionné, pour sa part, dans son
article 25-1 que « sont garanties les libertés de pensée, d’opinion et d’expression sous toutes
leurs formes. » Toutefois, cette liberté peut se trouver remise en cause si elle dépasse
certaines limites. La presse est, notamment, tenue de respecter les droits d’autrui, la
confidentialité de certaines informations, la bonne administration de la justice, les lois
pénales ainsi que l’éthique professionnelle.109

En effet, lors de la médiatisation d’un procès, il incombe aux journalistes, et aux organes
médiatiques de manière générale, de se plier au principe de la présomption d’innocence. Ils
sont ainsi enclins à considérer une personne en rapport avec la justice “innocente” tant qu’un
jugement irrévocable, établissant sa culpabilité, n’ait pas été prononcé.110

Le non respect, par les journalistes, de ce principe fondamental, et cordon ombilical des
droits de la défense, donne lieu à des sanctions de nature pécuniaire; c’est-à-dire au
versement d’une indemnité pour le compte de la personne dont le droit à la présomption
d’innocence s’est trouvé bafoué. C’est dans ce sens que l’article 54 du Code de la presse
(1958) est venu préciser qu’”il est interdit de publier les actes d’accusation et tous autres
actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant d’en débattre en audience publique
sous peine d’une amende de 5.000 à 50.000 DHS.”111

108
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ;
109
LEMMENS (K.) et DROOGHENBROECK (S.), « La présomption d’innocence face à la médiatisation des procès »
dans « Médias et droit » (2), p. 129-130, collection ‘Recyclage en Droit’, éditions Anthemis, Belgique, 2008.
110
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ;
111
Article 54 du Code de la Presse
36
De plus, ce devoir de respecter la présomption d’innocence, principe majeur de tout procès
équitable, est énoncé également par le Syndicat National de la Presse Marocaine (SNPM) qui
précise dans sa Charte déontologique que « les comptes rendus et reportages traitant des
affaires judiciaires doivent respecter le principe de la présomption d’innocence au bénéfice
des personnes en rapport avec la justice. Après que le tribunal a annoncé la décision
d’inculpation d’un prévenu, le journaliste doit tenir compte des sentiments de la famille et
parents de la personne concernée, ainsi que les chances de sa future réinsertion sociale»
(article 9). D’ailleurs, selon des chercheurs et membres de la société civile Belge 112,
l’obligation déontologique, pour le journaliste, de respecter le principe de la présomption
d’innocence est marquée par une combinaison de deux devoirs primordiaux énoncés par la
Déclaration des Devoirs et des Droits des Journalistes (Munich, 1971), à savoir le respect des
faits et l’objectivité, d’une part, et le respect de la vie privée, d’autre part.113

En France, le renforcement du respect dû au principe de la présomption d’innocence a fait


l’objet de toute une loi. Il s’agit de la loi dite “Guigou” du 15 Juin 2000 qui est venue
s’ajouter aux dispositions du Code de Procédure Pénale. En matière du respect de ce principe
par les organes médiatiques, l’article 35 de cette loi précisé, dans son premier alinéa:

I- Lorsqu'elle est réalisée sans l'accord de l'intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce
soit et quel qu'en soit le support, de l'image d'une personne identifiée ou identifiable mise en
cause à l'occasion d'une procédure pénale mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de
condamnation et faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves,
soit qu'elle est placée en détention provisoire, est punie de 15 000 Euros d'amende.

II- Est puni de la même peine le fait :

- soit de réaliser, de publier ou de commenter un sondage d'opinion, ou toute autre


consultation, portant sur la culpabilité d'une personne mise en cause à l'occasion d'une
procédure pénale ou sur la peine susceptible d'être prononcée à son encontre ;

- soit de publier des indications permettant d'avoir accès à des sondages ou


consultations visés à l'alinéa précédent.

112
« Presse et justice: Guide pour les journalistes » (Bruxelles 2002) : Guide réalisé en collaboration avec « la
fondation Roi Baudouin » et « l’Association Générale des Journalistes Professionnels de Belgique ». Ce travail
éclaire les journalistes belges sur le système judiciaire belge en vigueur ainsi que sur les principales règles
déontologiques à respecter dans l’exercice des fonctions médiatiques.
113
Selon cette Déclaration, “les devoirs essentiels du journaliste, dans la recherche, la rédaction et le
commentaire des événements, sont : [1] respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour
lui-même, et ce, en raison du droit que le public à de connaître ; (...) [2] défendre la liberté de l’information, du
commentaire et de la critique ; (...)”
37
De plus, même le Code Civil (1804) n’est pas resté indifférent face aux atteintes adressées au
principe de la présomption d’innocence par les médias. Ainsi, un journaliste ayant présenté
publiquement une personne en rapport avec la justice comme coupable, se trouve tenu
rectifier ses ou de diffuser un communiqué en vue de réparer l’atteinte qu’il a portée à la
personne de l’intéressé. C’est, en effet, ce qui ressort du premier alinéa de l’article 9 du Code
Civil : “Chacun a droit au respect de la présomption d'innocence.

Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme


coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut,
même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures,
telles que l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire
cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou
morale, responsable de cette atteinte.”114

Malgré l’interdiction, par la loi, de porter atteinte à la présomption d’innocence, ce principe


se trouve manifestement violé par les organes de presse. En effet, ces derniers se substituent,
en quelque sorte, aux juges pour qualifier de coupable une personne “suspecte” avant même
que sa condamnation ne soit prononcée (avec, bien entendu, tout ce que cela peut lui
entraîner comme dégâts, à elle et à sa famille). L’on ne manquera pas de croiser, ainsi, des
divulgations d’identité, des renseignements détaillés, de grands titres d’articles péjoratifs ou
encore des photos d’une personne soupçonnée avoir commis une infraction, publiés à “la
une” des supports médiatiques, quand bien même le tribunal ne s’est pas encore
définitivement prononcé sur la culpabilité de l’intéressé. D’ailleurs, la Cour Européenne des
Droits de l’Homme, dans un arrêt dit « arrêt Worm contre Autriche » (29 Août 1997), a
rappelé que les médias sont tenus au respect du principe de la présomption d’innocence par
les médias en condamnant ainsi un journaliste autrichien pour avoir rédigé un article

« négatif » sur une personne mise en examen et estimant qu’il influencerait le cours du
procès pénal.115 Parfois, les journalistes font preuve même d'inattention quant au vocabulaire
114
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ;
115
L’affaire Worm concerne un journaliste autrichien qui avait écrit des articles sur M. Androsch, ancien
ministre des Finances mis en cause dans plusieurs procédures pénales. Dans l'un de ses articles, le journaliste
avait écrit que la seule hypothèse possible était celle d'une fraude fiscale commise par l'ancien ministre et que
sa défense sur ce point était “lamentable”. Pour ce passage, le requérant fut condamné pénalement. La Cour
conclut cependant qu’il n’y a pas eu violation de l’article 10 de la CEDH (liberté d’expression). Elle considère
que le journaliste avait présenté de manière excessivement négative un élément de preuve présenté par le
ministre des Finances au cours de son procès. Dès lors, il avait clairement donné son avis sur la culpabilité de
l'accusé et son article pouvait, d'une certaine manière, influer sur l'issue du procès. Les conséquences néfastes
de l'article de presse sur l'impartialité du pouvoir judiciaire l'ont ainsi emporté sur la liberté d'information.
Source : www.credho.org/cedh/session06-04
38
utilisé vis-à-vis de la personne faisant objet d'une affaire judiciaire. Explicitement, les statuts
de "suspect", "prévenu" (celui qui est amené à comparaître devant une juridiction de
jugement) et "inculpé" (celui qui est mis en examen par l'instruction et dont la culpabilité est
prouvée par des indices sérieux) renvoient, au sens des organes de presse, à la même chose, à
savoir au "coupable". Ainsi, la personne passe d'un statut de "présumé coupable" au "pré-
coupable". En effet, elle se retrouve avec l'étiquette d'inculpée, alors qu'elle est encore
suspecte ou prévenue au regard de la loi, chose qui ne manque certainement pas à porter
atteinte à sa réputation, à son droit à l’image mais essentiellement à son droit à la
présomption d'innocence. Car, pour pouvoir évoquer et parler d'une inculpation, est
nécessaire la présence d'indices sérieux de culpabilité, et donc d’une "faute" de la part de
l'intéressé. Dans ce sens, il existe une formule d'un journaliste politique Belge, Albert du
Roy, qui étale parfaitement ce dérapage médiatique: "En droit, l'inculpé est présumé
innocent. En français, l'inculpé est présumé coupable, dans le langage de l'information,
l'inculpé est présumé coupable." (Dans "Le serment de Théophraste", 1992)

A ce titre, de nombreux cas peuvent démontrer, en pratique, que la règle de la présomption


d’innocence est remise en cause par les organes de presse. A titre d’exemples:116

- Dans l’affaire des attentats contre le café “Argana” et qui ont eu lieu à Marrakech en
Mai 2011, de nombreux supports médiatiques ont publié des photos du principal suspect
ainsi que des renseignements détaillés sur lui et sa famille, alors même que le tribunal ne
s’est pas encore prononcé sur sa culpabilité. A cet égard, le Conseil National des Droits de
l’Homme (CNDH) a été interpellé et a adressé une lettre aux Ministères de la Justice et de la
Communication, au président de la Haute Autorité de Communication Audiovisuelle
(HACA) et au président de la Fédération Marocaine des Editeurs de Journaux (FMEJ), dans
laquelle il rappelle le respect des règles juridiques et déontologiques dans le traitement
médiatique de cette affaire: «Certains médias ont publié les photos, les noms complets des
personnes poursuivies dans cette affaire et des membres de leurs familles, ainsi que des
informations détaillées et précises à leur sujet, sans prendre en considération les critères, les
règles juridiques et déontologiques à respecter en vue de garantir un procès équitable.» 117

- L’affaire du commissaire “Mohammed JELMAD” (2010) : Ce dernier était chef du


district de Nador et a fait l’objet d’une détention préventive d’une durée d’une année avant
qu’il ne soit transféré au tribunal qui le jugera uniquement pour une “tentative de

116
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184 ; p 186
117
« L’après attentat et ses dérapages médiatiques », article publié le 16 Mai 2011 sur www.lesechos.ma
39
corruption”. Tandis qu’un journal quotidien (Assabah) a prétendu que le commissaire en
question était impliqué non seulement dans des affaires de corruption, mais également dans
des affaires relatives à la constitution de bandes de malfaiteurs, de trafic de drogues, etc. 118

- Dans une affaire de pédophilie qui a eu lieu en 2009 à la ville de Mohemmadia, un


énorme tapage médiatique a eu lieu au moment de l’arrestation d’un homme soupçonné
d’avoir commis des abus sexuels sur des enfants mineurs. On a pu lire dans des journaux des
titres à caractère attentatoire comme « le pédophile en série sous les verrous », “le monstre
est tombé dans les filets de la police » ou encore « un dangereux criminel hors d’état de nuire
». La question s’est amplifiée lorsque sa femme a été incarcérée, elle aussi, après avoir été
accusée de trafic de bébés. Elle a fait, à cet effet, l’objet d’une émission télé (“45 min” à la
RTM) et dont les producteurs vont être poursuivis par son avocat. Finalement, l’homme
arrêté va être acquitté après que la police a surpris, en flagrant délit, le véritable responsable
de cette infraction sexuelle.119

- Par ailleurs, les officiers de la police judiciaire se trouvent parfois, eux-aussi, en


complicité avec les journalistes et portent atteinte au principe de la présomption d’innocence.
En effet, il arrive qu’ils divulguent les secrets de l’instruction préparatoire en levant le voile
sur le contenu et les détails des procès-verbaux. C’est le cas de l’affaire d’une jeune étudiant
(W. Bahomane) qui a été arrêté puis condamné pour atteinte aux sacralités, plus exactement
pour “lèse- majesté” à travers des dessins caricaturaux portant atteinte à la personne du Roi.
Sauf que, quelques jours avant sa condamnation par le tribunal compétent, des journalistes
ont pu mettre la main sur le procès-verbal relatif à son arrestation et qu’ils ont publié sur
Internet par la suite.120

- L’affaire « Dominique Strauss-Kahn » (appelé communément « DSK ») n’a pas


manqué de créer, en France, une polémique sur le traitement médiatique “à l’américaine”
que cet accusé a connu. A titre de rappel, Dominique Strauss-Kahn est l’ex-président
Français du Fonds Monétaire International (FMI) et a été poursuivi, en Mai 2011, et
condamné pour abus sexuels à l’égard d’une femme de ménage dans une chambre d’hôtel à
Manhattan, New York. Dès le démarrage de cette affaire, le prévenu a été amplement
photographié “arrêté”, “menotté” voire même “lors de son jugement au tribunal”, chose qui

118
« Entretien avec Me Mhamed Qartit, avocat du commissaire Mohamed Jelmad : « Faire fi de la présomption
d’innocence influe sur le cours d’un procès équitable», article publié le 25 Mai 2011 sur www.libe.ma
119
« Vies brisées », article du Samedi 20 Février 2012, et publié dans l’hebdomadaire Actuel N°35
(www.actuel.ma)
120
Le procès verbal en question a joint l’article « Walid, 18 ans, Incarcéré pour lèse-majesté » publié le 07
Février 2012 sur le blog www.voxmaroc.blog.lemonde.fr
40
n’a pas été facilement admise en France où ce “tapage médiatique” est interdit et réprimé par
la loi.
Or, si en France, il est interdit et est réprimé par la loi, comme l’a-t-on souligné, le fait de
publier des images d’une personne faisant l’objet d’une affaire judiciaire, il n’en est pas le cas
au Etats-Unis: La règle de la présomption d’innocence (“innocent until proven guilty”) est
garantie aux Etats Unis sauf que la non-répression d’un tel traitement médiatique est garantie
par la liberté de presse et représente, ainsi, un acte protégé par le principe de la liberté
d’expression. Il sied de souligner, toutefois, que cette dernière représente le premier
amendement de la Constitution Américaine d’autant plus qu’est supérieure à n’importe quelle
loi dans la mesure où aucun texte légal ne peut voir le jour ou s’appliquer pour interdire
l’exercice de cette liberté primordiale qu’est la liberté d’expression. 121

121
Selon la Constitution Américaine du 17 Septembre 1787 : « Le congrès ne fera aucune loi accordant une
préférence à une religion ou en interdisant le libre exercice, restreignant la liberté d’expression, la liberté de la
presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement et d’adresser à l’Etat des pétitions pour obtenir
réparation de torts subis. »
41
DEUXIEME PARTIE :
LA CONSECRATION
CHRONOGRAPHIQUE
DES GARANTIES DU
PROCES EQUITABLE

42
Chapitre 1 : La consécration des garanties procédurales durant les phases de jugement

Il est à noter que les garanties procédurales puisent leurs fondement dans un tas de nombre
de principes d’ordre juridiques et institutionnels ; cependant, ces garanties procédurales ne
peuvent etre mises en relief que sur la lumière de la procédure auquel passe un délinquant
depuis son arrestation jusqu’à les voies de recours qu’il a sous sa disposition.

Section première : La phase de pré-jugement

La Constitution marocaine a consacré les différents droits de l’homme énoncés dans la


Déclaration universelle des droits de l’homme ; en outre, elle stipule la primauté des
conventions internationales telles que ratifiées par le Maroc sur les législations nationales, en
soulignant la nécessité d’harmoniser ces législations avec les dispositions des conventions
internationales. 122

À cet égard, la Constitution comprend un certain nombre de garanties relatives au placement


en garde à vue, qui sont conformes aux règles du procès équitable et aux garanties de
prévention de la torture. Ces garanties peuvent être énumérées comme suit:

Les droits de la défense : Le document constitutionnel consacre les droits de la défense parmi
les principes suprêmes qui traduisent, à travers les articles 23 et 120 de la Constitution, une
véritable garantie de protection des droits et des libertés.

Dans ce cadre, l’article 23 dispose que « Toute personne détenue doit être informée
immédiatement, d’une façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses
droits, dont celui de garder le silence. Elle doit bénéficier, au plus tôt, d’une assistance
juridique et de la possibilité de communication avec ses proches, conformément à la loi»,
tandis que l’article 120 dispose que « Toute personne a droit à un procès équitable et à un
jugement rendu dans un délai raisonnable».

Une lecture posée de ces deux articles permet de constater que la Constitution marocaine a
promu un ensemble de principes énoncés dans le droit pénal, tant sur le fonds que sur le plan
procédural, comme c’est le cas pour le droit à la présomption d’innocence, à un procès
équitable de même que le principe de la légalité procédurale afin de garantir les règles du
procès équitable. 123

Le droit à être informée des motifs de détention124 : L’article 14 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques dispose que toute personne accusée d’une infraction pénale a
122
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 48
123
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 112
43
droit « à être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu’elle comprend et de
façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle».

A son tour, la Constitution mentionne ce droit à l’article 23 (alinéa 3) qui stipule la nécessité
de tenir immédiatement informée toute personne détenue, d’une façon qui lui soit
compréhensible, des motifs de sa détention. 125

C’est d’ailleurs ce qui a été suivi et mis en application par le dernier amendement du Code
de procédure pénale, contenu à l’article 66, en vertu duquel le/la législateure énonce la
nécessité de tenir immédiatement informée la personne accusée dans une langue, un dialecte
ou par un signe (pour les personnes souffrant d’un handicap sensoriel) qu’elle comprend des
faits qui lui sont imputés lors de son arrestation ou placement en garde à vue.

Le droit de garder le silence126 : Comme indiqué précédemment, l’article 23 de la


Constitution dispose que « Toute personne détenue doit être informée immédiatement, d’une
façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses droits, dont celui de
garder le silence».

Ainsi, l’accusée aura l’entière liberté de parler ou de s’en abstenir, et donc de ne pas
répondre aux questions qui lui sont posées par une quelconque autorité et à toute étape du
procès pénal, sans pour autant que son silence et son refus de faire des déclarations ne soient
considérés comme une présomption apportant la preuve sur l’accusation portée à son
encontre, compte tenu du droit à la présomption d’innocence. Car pousser l’accusée à parler
ou à faire des aveux qui s’avèrent avoir été soutirés par le recours à la violence ou à la
coercition est considéré comme nul et non avenu. 127

En effet, le droit de garder le silence ne peut en aucun cas être considéré comme une
présomption ou une preuve retenue contre la personne placée en détention, mais plutôt une
garantie pour elle la afin que celle-ci ne s’empresse pas de faire une quelconque déclaration
qui pourrait ultérieurement affecter son statut juridique, notamment sous l’effet de la
pression psychologique et de l’élément de surprise ; néanmoins elle demeure tenue de
présenter les renseignements relatifs à son identité. 128
124
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ; p 110
125
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 100
126
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 54
127
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 115
128
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 89
44
D’ores et déjà, l’officier/ère de police judiciaire se trouve confrontée à deux contraintes:
d’une part, il/elle est concernée par la nécessité d’approfondir les enquêtes et les
investigations sur les affaires qui lui sont soumises, pour aider la justice dans le processus de
la manifestation de la vérité ; d’autre part, il/elle est tenue de respecter les droits des
personnes placées en détention ou en garde à vue, et ne pas y porter atteinte, et en premier
lieu le droit de garder le silence.

Le droit à l’assistance juridique : 129

L’assistance juridique, telle que définie, est un droit humain que les États sont tenus de
garantir. Elle se conçoit comme la garantie optimale permettant l’accès au système
judiciaire, au droit à la défense, ainsi qu’au droit de se faire assister par une avocate, compte
tenu du principe de l’égalité de tous devant la loi, sans égard pour leur capacité financière,
leur statut social ou pour tout autre fondement.

La Constitution marocaine stipule à l’article 23 la nécessité pour toute personne détenue de


bénéficier, au plus tôt, d’une assistance juridique. Ce droit peut également être considéré
comme un des droits de la défense mentionné à l’article 120 qui dispose dans le contexte du
droit à un procès équitable que «Les droits de la défense sont garantis devant toutes les
juridictions». De plus, la procédure pénale a fixé, comme nous le verrons par la suite, les
conditions permettant de bénéficier d’un tel droit.

Le droit à des conditions de détention humaines : Indépendamment du type de crime pour


lequel la personne détenue est poursuivie, on évoque certains des droits liés à cette situation
qui , loin de se limiter au droit à un procès équitable et indépendant, s’étendent à la garantie
de conditions de détention humaines qui respectent la dignité du détenu, le réhabilitent et
préparent sa réinsertion sociale afin qu’il soit (socialement) un bon citoyen.

La Constitution stipule également ce droit à l’article 23 « Toute personne détenue jouit de


droits fondamentaux et de conditions de détention humaines », l’objectif étant de marquer
une rupture avec les violations des droits de l’homme (en particulier au sein des prisons).

Le droit à une réparation : Le droit à une réparation à la charge de l’État en cas d’erreur
judiciaire se trouve énoncé pour la première fois à l’article 122 de la nouvelle Constitution.

Mais la formulation qui en est faite («Les dommages causés par une erreur judiciaire ouvrent
droit à une réparation à la charge de l’État») est d’ordre général et gagnerait à être éclaircie
et précisée pour déterminer les conditions régissant ce droit, d’autant plus que la Constitution

129
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 59
45
n’en a pas soumis la réglementation à la loi. 130

C’est pourquoi la notion d’erreur judiciaire doit être précisée : dans ce cas d’espèce, l’erreur
judiciaire se limite-t-elle à une décision de justice qui acquiert force de chose jugée, ou
concerne-t-elle toute erreur résultant d’un préjudice, tant dans les procédures que lors des
investigations, même si un jugement péremptoire n’a pas encore été rendu ? De même, le
mode et le critère de réparation n’ont pas été déterminés, de là les questions suivantes : la
réparation est-elle liée au dommage entraîné par l’erreur judiciaire ? Comment la réparation
sera-t-elle évaluée ? La personne lésée devrait-elle engager une action en justice pour
demander la réparation de l’erreur judiciaire, ou un organe serait-il désigné pour traiter de
telles affaires ? De plus, ces questions seront-elles spontanément soumises aux juridictions
ou, au contraire, la personne lésée devrait-elle faire valoir son droit à la réparation ? Enfin, si
la personne lésée se garde de réclamer ce droit, cela exempte-t-il l’État d’en assumer la
responsabilité ? Et, dans ce cas, quel est le délai de prescription d’un tel droit ? Les garanties
juridiques relatives à la garde à vue : Les garanties constitutionnelles liées au placement en
garde à vue, tant celles portant sur les conditions d’un procès équitable que celles ayant trait
à la garantie de l’intégrité physique et à la prévention de la torture, se reflètent dans le Code
de procédure pénale. C’est ce que nous allons aborder dans cette partie de l’étude.

La notion de garde à vue : L’article 66 du CPP dispose que «Si pour les nécessités de
l’enquête, l’officier de police judiciaire est amené à garder à sa disposition une ou plusieurs
des personnes visées à l’article 67 ci-dessus, il ne peut les retenir plus de quarante-huit
heures à compter de l’heure où elles ont été arrêtées. 131

Ensuite, notification en est faite au parquet général ». Ainsi, le/la législateur/trice marocaine
n’a pas clairement défini la notion de placement en garde à vue ; néanmoins on entend par ce
titre une mesure en vertu de laquelle l’officier/ère de police judiciaire a le droit de maintenir
à sa disposition une ou plusieurs personnes dans un local particulier pour les nécessités de
l’enquête.132

Les conditions régissant le placement en garde à vue : Compte tenu de la gravité de cette
mesure et de son rapport à la liberté individuelle des personnes, le/la législateur/trice a
restreint l’exercice de l’officier/ère de police judiciaire (OPJ) en précisant les cas de recours

130
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 187
131
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 70
132
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 114
46
à cette mesure. 133

C’est ainsi qu’on ne peut l’appliquer que dans les affaires liées aux délits et crimes punis
d’une peine d’emprisonnement, et non dans les cas d’infraction ou de délit passibles
uniquement d’une amende. Le recours à la garde à vue est ainsi fonction de la nécessité
d’enquêter sur les crimes et délits punis d’une peine d’emprisonnement.

Les durées de placement en garde à vue et leur prolongement Le/la législateur/trice a


restreint le pouvoir discrétionnaire dont l’OPJ est investi pour la prise de mesures de
placement en garde à vue selon leurs durées, qui varient en fonction du type de crime
commis. 134

Conformément à l’article 66 précité, ces crimes peuvent être classés en trois catégories :

1. Dans le cas d’un crime ou d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement, et si les
nécessités de l’enquête exigent que l’OPJ garde à sa disposition une personne, il/elle peut la
placer en garde à vue pour une durée n’excédant pas quarante-huit heures ; ensuite,
notification en est faite au parquet général. Ce délai peut être prorogé une seule fois pour une
durée de 24 heures sur autorisation écrite du procureur du Roi ou du procureur général du
Roi.

2. Dans le cas d’atteinte à la sécurité intérieure ou extérieure de l’État, la durée de placement


en garde à vue est fixée à 96 heures et est prolongeable une seule fois sur autorisation écrite
du parquet général.

3. Dans le cas de crimes terroristes, la durée de la garde à vue est de 96 heures, et peut être
prorogé deux fois pour une durée 96 heures sur autorisation écrite du parquet général
compétent.

À cet égard, on constate que la personne gardée à vue ne dispose d’aucun moyen pour faire
grief de la décision du parquet général de prolonger la durée de garde à vue, et que l’OPJ ne
dispose d’aucun moyen pour faire grief du refus du parquet général de prolonger cette durée.

Le droit de contacter un avocat : Le contact avec une avocate est l’une des plus importantes
garanties prévues à l’article 66 du CPP, qui impose à l’OPJ le devoir de notifier le placement
en garde à vue à l’avocate.

En outre, si l’intéressée demande la désignation d’une avocate dans le cadre de l’assistance

133
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 99
134
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 185
47
judiciaire, l’OPJ en avise le bâtonnier qui se charger alors de désigner une avocate, comme
stipulé à l’alinéa 7 du même article. En se référant à l’article 66 du CPP, on constate que le
contact avec l’avocate intervient avant l’expiration de la moitié de la durée initiale du
placement en garde à vue, sur autorisation du parquet général, pour une durée n’excédant pas
30 minutes, sous le contrôle de l’OPJ et dans des conditions garantissant la confidentialité de
l’entretien. 135

À la demande de l’OPJ, et à titre exceptionnel, le/la représentante du parquet général peut,


chaque fois qu’il s’agit d’un crime, différer le contact entre l’avocate et son/sa cliente, à
condition que cette durée n’excède pas douze heures à compter de l’expiration de la moitié
de la durée initiale de la garde à vue.

Toutefois, dans le cas d’un crime terroriste ou de crimes visés à l’article 108 du CPP, le
contact avec l’avocate intervient avant l’expiration de la durée initiale de placement en garde
à vue. Cela étant, le/la législateur/trice a prévu que le contact intervient avec l’autorisation
du parquet général ; toutefois, l’OPJ peut exceptionnellement autoriser l’avocate à contacter
la personne gardée à vue dans le cas où l’obtention de l’autorisation du parquet général ne
s’avère pas possible en raison de la distance lointaine, pourvu qu’il/elle dresse
immédiatement un rapport à ce sujet qu’il adresse au parquet général.

En outre, il est interdit à l’avocate d’informer quiconque des propos échangés entre lui et
son/sa cliente lors de cet entretien avant l’expiration de la durée de garde à vue.

Pendant la durée de prolongement, l’avocate autorisée à contacter la personne placée en


garde à vue peut soumettre à la police judiciaire, ou au parquet général, des documents ou
des observations écrites en contrepartie d’une déclaration, afin qu’ils soient portés au procès-
verbal. 136

Le/la procureure générale du Roi près la Cour d’appel de Rabat est habilité à autoriser
l’avocate à contacter son/sa cliente chaque fois qu’il est question de crimes terroristes, cette
Cour étant la seule juridiction compétente pour ordonner des poursuites, enquêter et juger les
crimes terroristes.

Les conditions de détention 137

L’article 66 du CPP comprend des conditions qui doivent être portées sur le registre de garde
135
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 120
136
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 79
137
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ; p 115
48
à vue, dont l’état physique, l’état de santé et la nutrition fournie à la personne gardée à vue,
en plus de la charge confiée au/à la procureure du Roi de superviser (au moins une fois par
semaine) les lieux de garde à vue . Alors que, pour ce qui concerne les personnes placées en
détention préventive ou les détenues purgeant leur peine, l’article 620 du CPP prévoit que
cette tâche relève de la compétence d’une commission de contrôle placée sous la supervision
de la préfecture ou des instances provinciales.138

Sa mission est d’assurer la santé, la sécurité et la prévention des maladies, le système


nutritionnel et les conditions de vie normales des détenue s, ainsi que de les aider dans leur
éducation morale, leur réintégration sociale après la libération.

Alors que le contrôle judiciaire vérifie la légitimité de la détention et les conditions de


détention, il est effectué en fonction des cas par :139

► Les magistrates du parquet

► les juges d’instruction;

► les juges des mineurs;

► les juges d’application des pénalités,

► Chef/fe de la chambre délictuelle à la cour d’appel.

L’information portant sur les motifs de détention 140

L’article 66 du CPP dispose que « l’officier de police judiciaire est tenu d’informer
immédiatement toute personne placée en détention ou en garde à vue, d’une façon qui lui
soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses droits, dont celui de garder le
silence».

L’information transmise ne signifie pas uniquement la fourniture de renseignements ; elle


s’étend à la nécessité pour le/la prévenue de comprendre parfaitement l’ampleur des actes et
faits qui lui sont imputés, leur véracité et les fondements légaux les étayant.141

En plus des preuves, des témoins et des présomptions dont la PJ dispose , et qui ont fait de
lui/d’elle une suspecte puis entraîné sa détention, l’objectif étant qu’il/ elle puisse les réfuter
et les contester par tous les moyens de preuve.
138
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 154
139
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 119
140
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 89
141
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 156
49
Le registre de la garde à vue

La loi exige également que la PJ porte ce motif sur le registre de garde à vue afin d’éviter
qu’il ne soit modifié, du reste ce registre étant contrôlé, coté et paraphé par le parquet
général au moins une fois par mois.142

En outre, ce registre comprend des informations portant sur l’identité du/de la prévenue
placée en garde à vue, la durée de l’interrogatoire, l’heure de début et de fin de la garde à vue
, les temps de repos, l’état physique et l’état de santé, ainsi que la nutrition qui lui est
fournie. Il doit également être signé, dès expiration de la garde à vue, à la fois par la
personne placée en garde à vue et par l’OPJ. Dans le cas où la personne placée en garde à
vue est incapable d’apposer sa signature, ou s’abstient de le faire, l’OPJ le mentionne dans le
registre. Il doit, en outre, envoyer quotidiennement au parquet général la liste des personnes
placées en garde à vue au cours des 24 heures précédentes. L’objectif escompté de toutes ces
mesures consiste à rendre opérantes les garanties de respect de ces droits et à permettre au
parquet général et à la juridiction concernée d’exercer leur contrôle.

Outre ces garanties, le/la législateur/trice marocaine a prévu dans le CPP d’autres garanties
relatives à la sécurité physique et psychologique, qui se traduisent par :

La prévention de la torture physique et psychologique 143

Dans le cadre des recherches et investigations que l’OPJ mène, il lui est interdit de recourir à
la torture du/de la prévenue lors de son interrogatoire préliminaire pour éviter tout ce qui
pourrait porter préjudice à sa dignité en tant qu’être humain, et ce en application des
dispositions énoncées dans la Constitution et la Convention contre la torture ratifiée par le
Maroc.

Ce droit à l’intégrité physique comprend également le droit du/de la prévenue à


l’alimentation qui lui est fournie. 144

À cet égard, et à la suite de la modification du CPP, en particulier l’article 66, la question de


l’alimentation fournie aux personnes placées en garde à vue a été incluse après qu’un budget
ait été alloué à cette fin, afin de remédier à cette pénurie en nourriture destinée à ces
personnes qui, par le passé, comptaient essentiellement sur l’alimentation procurée par leurs

142
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 105
143
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ; p 120
144
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 128
50
familles. 145

D’autre part, le droit à la sécurité physique et psychologique comprend aussi l’aménagement


de moments pour l’interrogatoire et d’autres pour le repos afin d’éviter un éventuel
épuisement psychologique susceptible d’affecter le statut juridique des détenue s dans
l’affaire ayant entraîné leur placement en garde à vue.

La notification du placement en garde à vue à la famille :146

L’OPJ doit, par n’importe quel moyen, immédiatement aviser la famille de la personne
accusée, une fois prise la décision de la placer en garde à vue, pour la tenir informée de
l’endroit où elle se trouve et du motif de son maintien dans les locaux de la police ou de la
gendarmerie royale ; il/elle est également tenu de mentionner cet acte dans le procès-verbal.

L’intervention médicale bénéficiant aux personnes placées en garde à vue

Le CPP a réuni les dispositions légales relatives à l’intervention médicale bénéficiant aux
personnes placées en garde à vue par le biais d’un certain nombre de matières juridiques qui
visent à mettre en application les meilleurs principes énoncés dans les chartes internationales
connexes. C’est ainsi que l’article 73, alinéa 2, du CPP dispose que « Dans le cas de crime
flagrant, l’avocat choisi ou désigné a le droit d’assister à l’interrogatoire ; il a également le
droit de solliciter un examen médical de son client. Le procureur général du Roi doit
soumettre le prévenu à un examen médical si la demande lui en est faite ou s’il constate des
traces physiques justifiant cet examen. 147

S’il s’agit d’un mineur qui porte des signes de violence ou qui se dit avoir été exposée à la
violence, le représentant du parquet général est tenu de le soumettre, avant l’interrogatoire, à
un examen médical entrepris par un médecin… L’avocat du mineur peut demander la
réalisation de l’examen évoqué». A cet égard, il convient de noter que, si l’article 73
mentionne les mesures à caractère médical pouvant être prises au profit d’une personne
gardée à vue dans le cadre d’un crime flagrant, et pouvant avoir été soumise à des actes de
torture, l’article 74 du CPP prévoit exactement les mêmes dispositions en ce qui concerne le
crime flagrant qui, lui, relève de la compétence du procureur du Roi.

Le contrôle judiciaire

145
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 110
146
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 159
147
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 138
51
Le placement en garde à vue est l’une des mesures préliminaires les plus graves qui soient
prises par l’OPJ car elles affectent directement la liberté individuelle du/de la prévenue.

C’est pourquoi le/la législateur/ trice a exigé que le procureur du Roi effectue des visites de
contrôle à ces lieux au moins deux fois par mois ; mais, conformément aux dispositions de
l’article 45 du CPP, rien ne l’empêche d’effectuer de telles visites chaque fois qu’il/elle le
veut..

Et Par rapport à la détention provisoire ; et pour que la détention provisoire soit légale, il est
impératif que cette dernière soit préalablement permise par l’infraction en question .

C’est dans ce cadre que l’article 159 a explicitement prévu que le contrôle judiciaire et la
détention préventive sont deux mesures exceptionnelles, applicables en matière de crime et
de délit punissables de peines privatives de liberté. 148

C’est dans ce même sens que l’article 153 du même code dispose que « Le juge d’instruction
ne peut délivrer un mandat de dépôt qu’après interrogatoire et si l’infraction constitue un
crime ou un délit punissable d’une peine privative de liberté. ».

La même disposition s’applique au ministère public, autorité émettrice du mandat de


détention du prévenu provisoirement149 dans la mesure où l’article 74 du code de procédure
pénale dispose que « Lorsqu’il s’agit d’un délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement
ou si l’auteur du délit ne présente pas de garanties suffisantes de représentation, le procureur
du Roi ou son substitut peut placer le prévenu sous mandat de dépôt … ».

Il ne fait pas de doute que cette phase de l’instruction préparatoire se caractérise par toute
une série de règles qui s’efforcent de sauvegarder les droits de toutes les parties et de garantir
les conditions du procès équitable. En effet, le juge d’instruction, compétent en la matière, ne
peut recourir à la mesure de détention préventive qu’après interrogatoire du prévenu. 150

Il faut souligner dès le départ que l’interrogatoire n’est pas exclusivement un procédé destiné
à recueillir les éléments de preuve, en particulier, l’aveu.

C’est aussi un moyen de défense permettant à l’accusé de connaître les faits qu’on lui
reproche, d’être informé du contenu du dossier et de présenter les circonstances susceptibles

148
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 111
149
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ; p 120
150
L’ordonnance de placement en détention préventive est dépourvue d’effet juridique si elle ne comporte pas
une signature du juge d’instruction. Cour suprême , Arr. n° 93 du 1/7/1958.
52
d’établir son innocence. 151

Les droits de la défense constituent d’ailleurs la pièce maîtresse de l’interrogatoire de


première comparution que l’article 134 du code de procédure pénale entoure d’un certain
nombre de garanties, qui sont bien connues152.

Il suffit de les rappeler sommairement : 153

 Le juge d’instruction informe l’inculpé de son droit de choisir un avocat, et à défaut de


choix, il lui en fait, sur sa demande, désigner un d’office pour l’assister. Ces dispositions
répondent au but de l’article 5-3, l’article 5-4 CSDH et l’article 9-3 du pacte international
relatif aux droits civils et politiques car elles assurent à la personne le bénéfice d’une
procédure contradictoire. L’audition de la personne va dans ce sens et elle comporte un
double avantage.

D’un côté, elle permettra aux juges de prendre une décision spécifique ayant pour objet le
maintien en détention ou la mise en liberté de la personne recherchée et, de l’autre côté, elle
donnera à cette dernière la possibilité de plaider la cause de son élargissement ;

 Le conseil peut assister à l’interrogatoire relatif à la vérification de l’identité ;

 Le juge d’instruction fait connaître à l’inculpé chacun des faits qui lui sont imputés et
l’avertir qu’il est libre de ne faire aucune déclaration. Du reste, le silence de l’inculpé ou le
fait pour lui de ne pas répondre à une question ne produit aucun effet sur la validité des
formalités légales ;

 Dès sa première comparution devant le juge d’instruction, l’inculpé détenu a le droit de


communiquer librement avec son conseil. S’il est vrai que le magistrat peut prescrire
l’interdiction de communiquer, pour une période de 10 jours, renouvelable une seule fois,
l’article 136 prend soin de préciser que cette interdiction ne peut s’appliquer au conseil de
l’inculpé. Il en résulte que les larges pouvoirs reconnus au juge d’instruction sont tempérés
par la réaction contre les nullités qui peuvent entacher l’information154 , en l’occurrence la
nullité absolue prévue à l’article 210 du CPP en cas de violation des dispositions légales
relatives à l’interrogatoire de première comparution, ou à l’absence du conseil aux

151
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 140
152
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 154
153
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 98
154
ESSAID Mohammed Jalal, « Le procès équitable dans le code de procédure pénale de 2002 », Collection
Réforme du droit et développement socio-économique, volume n°1, p. 101,102.
53
interrogatoires et aux confrontations. En d’autres termes, les dispositions ci-dessus doivent
être observées à peine de nullité de l’acte entaché et des procédures ultérieures. 155

La motivation du placement en détention préventive. La détention des personnes présumées


innocentes est une atteinte grave au droit à la liberté. Il est très important de savoir ce qui
justifie une telle détention. 156

Or, le législateur marocain n’a pas pris le soin de répondre à cet objectif. En effet, l’article
159 du CPP se limite uniquement à préciser que la détention préventive et le contrôle
judiciaire sont deux mesures exceptionnelles sans pour autant fournir une liste précise des
motifs qui exige le placement en détention préventive.

La justification de la détention préventive est pourtant nécessaire, car elle constitue un


rempart contre les violations des droits et libertés individuels. C’est aussi parce que la liberté
est la règle et la détention n’a qu’un rôle subsidiaire.

Cela ressort clairement de l’article 9-3 du pacte international relatif aux droits civils et
politiques qui donne des orientations pour les personnes impliquées dans une procédure
pénale mais qui n’ont pas encore été reconnues coupables et condamnées.

Selon les termes de ce texte :« La détention de personnes qui attendent de passer en


jugement ne doit pas être de règle, mais la mise en liberté peut être subordonnée à des
garanties assurant la comparution de l’intéressé à l’audience, à tous les autres actes de la
procédure et, le cas échéant, pour l’exécution du jugement. » 157

C’est dans le même esprit de Jocelyne Leblois-Happe a relevé que « la détention provisoire
constitue un moment clé de l’instruction, durant lequel des principes contradictoires doivent
être conciliés : Respect de la liberté et du principe de la présomption d’innocence et en
même temps nécessité de préserver les besoins de l’instruction. » Conscient de la gravité
d’une atteinte aux libertés individuelles, le législateur français a créé des hypothèses
encadrant le pouvoir des juges d’instruction pour décider du placement en détention
provisoire. 158

Ainsi, l’article 137 du CPP exige d’abord que la détention provisoire ne puisse être

155
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ; ^p 122
156
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 103
157
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 122
158
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 188
54
prononcée qu’à raison « des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté »159.

Le texte est complété par l’article 144 du CPP,160 tel qu’il résulte de la loi du 5 mars 2007
ainsi rédigé : « La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s’il est
démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu’elle
constitue l’unique moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs suivants et que ceux-ci
ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d’assignation à
résidence avec surveillance électronique : 161

1- Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation
de la vérité ;

2- Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;

3- Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs
ou complices ;

4- Protéger la personne mise en examen ;

5- Garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;

6- Mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ;

7- Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de
l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a
causé.

Ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l’affaire. 162

Toutefois, le présent alinéa n’est pas applicable en matière correctionnelle ».

En se conformant aux instruments des droits de l’homme et à la Constitution de 2011, le


législateur marocain s’est rallié aux Etats qui comprennent une législation protectrice des
droits et libertés individuels en adoptant le projet du code de la procédure pénale et en
incitant ainsi le juge d’instruction à motiver ses décisions. La question de l’efficacité doit dès
lors être liée de près à la nécessité de la détention163. L’article 175 du projet précise que la
détention préventive est une mesure exceptionnelle.

159
Article 137 du cpp
160
Article 144 du cpp
161
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 144
162
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 152
163
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 107
55
Ce texte est complété par l’article 175-1 du CPP164 ainsi rédigé « La détention provisoire ne
peut être ordonnée que s’il est démontré qu’elle constitue l’unique moyen de parvenir à l’un
ou plusieurs des objectifs suivants :

1- La crainte d’entraver le déroulement de l’instruction

2- 2- Mettre fin à l’infraction ou prévenir son déroulement ;

3- 3- Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la


manifestation de la vérité

4- 4- Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation


de la personne

5- 5- Garantir la présentation de la personne devant la justice et empêcher sa fuite

6- 6- Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille

7- 7- Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses


coauteurs ou complices

8- 8- Protéger la personne mise en examen

9- 9- Mettre fin au trouble provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de


sa commission ou la dangerosité des moyens employés, ou l’importance du préjudice,
ou la dangerosité du prévenu. »

La lecture des articles précités laisse montrer que les motifs de placement en garde à vue
sont identiques à ceux du placement en détention préventive165.

On pourra toujours écrire et répéter que les organisations humanitaires internationales ou


nationales ont exercé des pressions continues pour faire engager le Maroc sur la voie des
réformes libérales sur tous les plans. Mais, la vérité historique oblige aussi de soutenir que,
durant la dernière décennie de son règne, le défunt Hassan II avait voulu réellement changer
l’image du pays, effacer les séquelles du passé et faire du Maroc, en droit comme en
pratique, un modèle de démocratie, qui « réaffirme son attachement aux droits de l’homme
tels qu’ils sont universellement reconnus ».166

Au lendemain de son installation, le Conseil consultatif des droits de l’Homme a créé le


premier groupe de travail, chargé de l’étude de « la garde à vue et de la détention préventive

164
Article 175 du cpp
165
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 150
166
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 155
56
», qui présentera au conseil les toutes premières recommandations d’abord d’ordre général
en reconnaissant à la réforme du Code de procédure pénale le caractère de priorité absolue en
raisons de ses liens organiques avec les droits de la défense et ensuite des recommandations
spécifiques qui entourent la détention préventive de règles impératives dont la violation
devrait entrainer l’annulation de la procédure. 167

Approuvées par le Souverain défunt, ces propositions seront entérinées par la Chambre des
Représentants de l’époque Il s’agit des Dahirs du 30 décembre 1991 et du 10 septembre 1993
dont la plupart des dispositions seront reprises par le code du 3 octobre 2002 qui limitera le
délai de base de la détention préventive à deux mois et pourra être prorogé cinq fois au
maximum pour la même période, par une ordonnance spécialement motivée du juge
d’instruction sur les réquisitions également motivées du ministère public. Une fois le
placement en détention provisoire justifié, les juges doivent s’assurer que celle-ci n’excède
pas une durée raisonnable afin de limiter au strict nécessaire l’atteinte à la liberté
individuelle et à la présomption d’innocence. Cette durée est appréciée en fonction de la
gravité des faits. Ainsi, deux hypothèses à distinguer : Premièrement, l’article 176 C.P.P qui
traite de la durée de la détention en matière délictuelle énonce que la durée ne peut excéder
un mois. A l’expiration de ce délai, si le maintien en détention préventive apparaît
nécessaire, le juge d’instruction peut le prolonger par ordonnance spécialement motivée sur
réquisition également motivée du ministère public. Ce délai ne peut être prorogé que deux
fois pour la même durée. Si le juge d’instruction ne prend pas de décision pendant ce délai
conformément aux dispositions de l’article 217 qui suit, l’inculpé est mis de plein droit en
liberté et l’instruction se poursuit (Article 176 CPP). 168

Deuxièmement, l’article 177 traite du cas de la personne soupçonnée d’avoir commis un


crime. Le juge d’instruction est saisi dans le cadre d’une instruction obligatoire ou
facultative. Ainsi en matière de crimes, la durée de la détention préventive ne peut excéder
deux mois.

A l’expiration de ce délai, si le maintien en détention préventive apparaît nécessaire, le juge


d’instruction peut le prolonger par ordonnance spécialement motivée sur réquisition
également motivée du ministère public. Les prolongations ne peuvent être faites que dans la

167
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 156
168
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 154
57
limite de cinq fois et pour la même durée169. Si le juge d’instruction ne prend pas une
ordonnance de clôture de l’instruction, l’inculpé est mis de plein droit en liberté et
l’instruction se poursuit (Article 177 du CPP). La mise en liberté provisoire. Elle peut être
décidée à l’initiative du juge d’instruction ou à la demande du ministère public, de l’inculpé
ou de son conseil. 170

En effet, dès la disparition des motifs de son inculpation, le juge d’instruction doit le libérer
et il peut le faire même spontanément, mais après consultation du ministère public et après
que le prévenu se soit engagé à se présenter chaque fois que l’instruction l’exige, à informer
le juge de ses déplacements et de son installation.

Cette libération provisoire peut même être subordonnée à une attestation émanant d’un
organe public ou privé, de santé ou d’enseignement, et s’engageant à prendre en charge le
prévenu. Elle peut être également subordonnée à une caution matérielle (financière) ou
personnelle. Remarquons au passage, que la caution surtout pécuniaire peut soulever des
objections, dans la mesure où elle instaure des inégalités, en favorisant les personnes
fortunées au détriment des plus démunis. 171

Il reste que le maintien en liberté, comme l’accès à la liberté, est facilité par une telle
garantie. Dans le même ordre d’idée, la mise en liberté provisoire d’office peut se combiner
avec le nouveau substitut de la détention préventive. En effet, selon l’article 178 al. 3 : La
liberté provisoire peut être assortie du placement sous surveillance judiciaire. Le ministère
public peut également requérir la mise en liberté provisoire à tout moment. Dans cette
éventualité, le juge d’instruction statue dans le délai de cinq jours à compter de la date de ces
réquisitions. Cette disposition révèle probablement la mission réelle du représentant du
parquet.

Tout en engageant les poursuites et en soutenant l’accusation, son rôle est celui d’un
magistrat objectif, qui doit faire prévaloir les intérêts de la justice sur les instructions reçues
des supérieurs hiérarchiques.

Quoiqu’il en soit, le cas le plus fréquent est celui de l’inculpé (ou son avocat) qui peut à tout
moment présenter une demande de libération provisoire au juge d’instruction qui, à son tour,
doit adresser la demande, sous vingt-quatre heures, au procureur du Roi afin de présenter ses

169
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ; p 123
170
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 109
171
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 166
58
observations. La même demande doit parvenir à la partie civile pour remarques.

Dans tous les cas, il doit rendre une ordonnance dans les cinq jours de la demande. A défaut
de réponse dans ce délai, le prévenu peut s’adresser à la chambre correctionnelle qui a
quinze jours pour décider après avoir consulté le ministère public (qui a quarante-huit heures
pour présenter ses remarques). 172

A défaut d’une décision dans les quinze jours, le prévenu est remis en liberté sauf l’existence
d’un acte d’instruction supplémentaire à accomplir.

Une fois le juge d’instruction dessaisi, par clôture de l’instruction, la décision de liberté
provisoire revient à la juridiction de renvoi avec cette particularité que la décision rendue par
la chambre criminelle ou la chambre correctionnelle d’appel n’est susceptible d’aucun
pourvoi.173

Et s’il y a pourvoi en cassation, la dernière juridiction ayant statué est compétente pour se
prononcer sur la détention préventive sans que sa décision puisse être attaquée par une voie
de recours. Les mêmes règles s’appliquent en cas de décision d’incompétence. De toute
façon, la juridiction a huit jours pour se prononcer et décider dans les cas où elle accorde la
liberté provisoire de l’accompagner de l’une des mesures prévues pour la mise sous contrôle
judiciaire (Articles 180 à 187). 174

En revanche, les décisions rendues à ce propos par le tribunal de première instance sont
susceptibles d’appel devant la chambre correctionnelle d’appel. 175

Le délai est assez court puisqu’il peut être interjeté avant la fin du jour suivant son prononcé.
Que le ministère public interjette appel ou non, le prévenu reste en détention quand il s’agit
de délits touchant les valeurs sacrées de la nation ou les stupéfiants, à moins que celui-ci ne
décide de la liberté provisoire. La chambre correctionnelle d’appel a six jours pour statuer
sur l’appel du ministère public ou du prévenu et l’appel ainsi que la procédure qui s’ensuit ne
sont pas suspensifs. L’application stricte de ces dispositions est susceptible de marquer
réellement le caractère exceptionnel de la détention provisoire. Il reste que le juge
d’instruction, comme la juridiction de jugement, peut recourir à toute une série de mesures,
destinées à permettre la représentation de l’inculpé et le bon déroulement de l’information.
172
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ; p 154
173
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 166
174
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 114
175
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 168
59
Ces textes constituent ainsi une avancée très remarquable au plan de la liberté individuelle
puisqu’ils prévoient la mise en liberté de la personne réclamée au bout du délai légal.
Cependant, les délais prévus par les textes sont longs engendrant deux problèmes majeurs.
D’une part, ils contribuent au surpeuplement carcéral, car on sait que 49% des détenus sont
en détention préventive. Cette situation va sans doute aboutir à des conditions
d’incarcération très difficiles. 176

D’autre part, la durée excessive de la détention préventive peut porter atteinte au principe de
la présomption d’innocence puisque le détenu peut rester un an en détention avant sa
condamnation par une décision définitive. Cela contrarie justement les instruments
internationaux tels le pacte international relatif aux droits civils et politiques qui précise que
toute personne accusée d’une infraction pénale a droit à être jugée sans retard excessif ainsi
que la constitution marocaine dans son article 120 qui stipule que « Toute personne a droit à
un procès équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnable. »

Il faut donc accélérer le jugement des affaires en rapport avec des personnes placées en
détention préventive et de veiller à son achèvement dans les plus brefs délais. Cette
présentation met en lumière la nécessité d’opérer une réforme qui va dans le sens de la
réduction des délais de la détention préventive. 177

Certes, le législateur marocain n’a pas osé franchir ce pas dans son projet de réforme de la
procédure pénale, néanmoins il a pu réduire les délais de prorogation de la détention dans le
sens où elle n’est devenue possible que trois fois au lieu de cinq fois, sauf pour les crimes
énumérés par l’article 108 du même code. 178

Cette prorogation n’est possible que s’il est établi que les investigations menées par le juge
d’instruction ne sont pas encore achevées et que les motifs adoptés par ce juge continuent à
légitimer la privation de liberté. Si les conditions qui ont motivé la détention changent et
redent possible une mesure alternative garantissant que l’accusé comparaîtra, le juge
d’instruction doit réexaminer sa décision initiale.

Cependant, le projet semble opérer une réforme de surface concernant cette question car il
n’a pas intégré dans le texte la notion du « délai raisonnable » au regard de la gravité des

176
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ; p 133
177
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 116
178
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
60
faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations
nécessaires à la manifestation de la vérité179.

Or, cette notion est au cœur des instruments internationaux de protection des droits de
l’Homme. On en trouve trace au titre de l’article 5 de la convention européenne des droits de
l’Homme et au sein de l’article 9 du pacte international relatif aux droits civils et politiques
de 1966.180

Ainsi, dans l’affaire VOSGIEN c. France la Cour européenne des droits de l’Homme a
condamné la France pour violation du délai raisonnable de la détention provisoire. Interpellé
et placé en garde à vue pour avoir participé, avec d’autres individus, à l’enlèvement et la
séquestration d’un couple en vue de l’obtention d’une rançon, M. Vosgien a été placé en
détention provisoire. L’affaire concerne la durée excessive du placement en détention
préventive du requérant qui s’étend sur quatre années, trois mois et deux jours, suite à
plusieurs prolongations. La Cour conclut à la violation de l’article 5 (droit à la liberté et à la
sûreté) de la Convention en raison de la durée excessive de la détention provisoire du
requérant.181

Section 2 : La phase post jugement

On parle de voies de recours pénales pour indiquer les différentes procédures qui doivent
être utilisées pour attaquer un jugement rendu. En utilisant les voies de recours, on a pour
objectif de réformer ou de modifier le jugement. Ces voies permettent donc de contrecarrer
des erreurs judiciaires et de remettre sur la table de discussion des dossiers déjà considérés
comme classés. Si vous souhaitez avoir plus d’informations sur les différentes voies de
recours appliquées en procédure pénale sur le territoire marocain, cet article vous fait un
point complet.182

Classification des voies de recours

179
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 117
180
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ; p 201
181
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 164
182
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 170
61
Au Maroc, on classe les voies de recours en deux grandes classifications à savoir :

Les voies de recours ordinaires et, Les voies de recours extraordinaire.

Analysons le détail de ces deux classes.

Voies de recours ordinaires en procédure pénale

Les différentes voies de recours considérées comme ordinaires sont l’opposition, l’appel et
l’opposition aux jugements par défaut. Ces voies ont pour but principal de permettre une
réouverture des dossiers pour un nouvel examen de l’affaire. En tant que voies de recours,
elles peuvent être utilisées de plein droit par les justiciables.183

L’opposition : en ce qui concerne l’opposition, cette voie ne peut être utilisée que dans le cas
où la décision de justice a été prise en l’absence du prévenu. Ainsi, on peut choisir cette
méthode pour soumettre l’affaire à la même juridiction qui avait auparavant prononcé le
jugement. Mais si l’opposant ne se présente pas une nouvelle fois durant l’opposition, la
première décision reprend son effet. Il faut aussi rappeler que si une opposition est faite par
une personne qui est responsable sur le plan civil, cette opposition n’est valable que pour les
intérêts civils.184

L’appel : on utilise l’appel comme voie de recours quand on suppose que la première
décision a été rendue contradictoire. Ainsi, on entreprend un nouvel examen de l’affaire par
une juridiction supérieure. Les personnes pouvant faire un appel sont le procureur du roi, le
procureur général du roi, la partie civile, l’accusé, la personne qui est civilement responsable
ou encore les différentes administrations qui sont habilitées à mettre une action publique en
mouvement.

Il est bon de savoir qu’il n’est pas possible de faire appel sur les jugements des
contraventions dont la peine n’est pas privative de liberté. Il faut dans ces cas utiliser un
pouvoir de cassation.185

Un appel ne peut être lancé pour les parties que dans un délai de 10 jours après le jugement
qui est rendu contradictoire et dans un délai de 60 jours s’il s’agit du ministère public.

Opposition aux jugements par défaut : il est également possible de faire une opposition
lorsqu’un jugement a été rendu par défaut. Toutefois, il ne faut pas que l’opposition soit
183
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ; p 201
184
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 119
185
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
62
écartée par une quelconque disposition.

Voies de recours extraordinaires en procédure pénale

Ces voies sont utilisées pour juger si la décision attaquée a un caractère régulier ou pas. Mais
selon la loi marocaine, précisément selon l’article 518 du code de procédure pénale, c’est
uniquement la Cour de cassation qui a le pouvoir de statuer sur tous les pouvoirs en cassation
qui ont été énumérés à l’encontre des jugements rendus, peu importe la juridiction
répressive. La Cour de cassation a aussi pour rôle de veiller à l’observation de la loi afin de
permettre une unification de toute la jurisprudence.186

Les différents recours utilisés par la Cour de cassation sont le pourvoir en cassation dans
l’intérêt des parties et le pourvoir en cassation dans l’intérêt de la loi.187

Le pourvoir en cassation dans l’intérêt des parties

En utilisant ce pouvoir, la Cour de cassation a pour but d’annuler une décision judiciaire par
décret du ministère public ou à travers une décision venant des différentes parties.

Ce pouvoir ne peut être utilisé que dans les 10 jours qui suivent la décision attaquée ou la
notification de la décision. Toutefois, pour que cette voie soit valable, il faut que le recours
de la Cour de cassation soit basé sur des faits bien précis tels que la violation de la loi du
fond, l’incompétence, l’excès de pouvoir, la violation des formes de procédures, le défaut de
motif valable ayant soutenu la décision ou un manque de base légale.

Le pourvoir en cassation dans l’intérêt de la loi188

Ce pouvoir ne peut être utilisé que par le procureur général du roi près la Cour de cassation.
Il peut aussi être utilisé sur ordre du ministre de la Justice. Les raisons qui peuvent soutenir
une telle décision sont uniquement la violation de la loi par les personnes ou le non-respect
des formes substantielles durant la procédure ayant mené à une décision qui ne peut pas faire
l’objet d’appel.

Deux autres recours importants utilisés comme procédure pénale au Maroc : la rétractation et
la révision.189

186
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ; p 250
187
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 178
188
ELHILA (Abdelaziz), « L’enquête policière entre les impératifs de sécurité et les exigences des droits de
l’Homme, Réflexions sur Le Procès Equitable », volume n°2, Collection Réforme du Droit et développement
socio-économique, Mai 2009.
189
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 177
63
La rétractation est aussi utilisée par la Cour de cassation dans le cas où on veut rectifier les
arrêts entachés (en cas d’erreurs matérielles) ou s’il y a eu une omission de statuer sur une
demande lors du jugement. La rétractation peut aussi être utilisée dans le cas où les
documents déclarés ont été reconnus comme faux.190

En ce qui concerne la révision, elle peut être utilisée pour réparer une erreur commise qui a
causé la condamnation d’une personne pour un crime ou un délit quelconque. La révision ne
peut être utilisée que si un témoin qui a été entendu pour faux témoignage a été condamné, si
un accusé est condamné pour le même fait ou s’il y a de nouveaux éléments à prendre en
compte qui pourraient innocenter la victime. La révision peut aussi être utilisée si l’on se
rend compte que la victime d’un condamné pour homicide est toujours en vie avec des
preuves concrètes.191

La révision peut être faite par le conjoint ou par les ascendants ou les descendants du
condamné, même si ce dernier est déjà mort. Elle peut aussi être utilisée par le condamné lui-
même, par un représentant légal qu’il aura mandaté, par le procureur du roi ou sur demande
du ministre de la Justice.192

Chapitre 2 : Les garanties procédurales à l’épreuve de Covid19

Section Première : Les mécanismes protecteurs des garanties procédurales

La pandémie mondiale de COVID-19 met en évidence les faiblesses des systèmes de justice
pénale dans le monde entier pour garantir l'accès à la justice. De nombreux États ont eu
recours à la fermeture des tribunaux et aux reports de procédures comme mesures de
distanciation sociale pour prévenir la propagation du virus. Tenir les personnes mises en
cause à l'écart des tribunaux, et même de leurs avocats, constitue une caractéristique
commune de ces mesures. 193

Cependant, le droit d'une personne mise en cause à être jugée en personne lors d'une
audience publique est un élément fondamental du droit à un procès équitable, comme inscrit

190
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 178
191
Mohamed DRISSI ALAMI MACHICHI, « Régime juridique de la détention préventive », in Revue de la sûreté
nationale, n°184, 1996 ; p 210
192
EN-NEFKHAOUI Aziz, « La problématique de la détention préventive et ses alternatives possibles » , Article
publié in REMALD, numéro 124, septembre-octobre 2015 ; p 180
193
http://biblio.ma/ism/catalogue/doc_num.php?explnum_id=120
64
dans l'Article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.194

Certains pays ont recours à la visio- ou téléconférence pour assurer un accès à distance à la
justice. Toutefois, si ces outils peuvent sembler être un choix incontournable pour garder les
tribunaux opérationnels pendant la crise, utiliser ces technologies sans garanties appropriées
présente d'importants risques pour le droit à un procès équitable des personnes mises en
cause.

La justice à distance n'est pas une innovation. Des recherches ont montré que se présenter à
une audience virtuelle par le biais d'un lien vidéo n'est pas la même chose que de comparaître
en personne au tribunal, avec le soutien d'un avocat et éventuellement d'amis et de parents.
Les personnes mises en cause ont souvent une vision fragmentée de ce que doit être un
processus dans une salle d'audience. 195

Sans un avocat dans la même salle pour les guider, de nombreux individus parviennent
difficilement à comprendre le déroulement de leur propre procès.

Les conséquences de l'isolement peuvent même s'avérer plus graves pour les personnes
vulnérables.196

La justice à distance est également laborieuse pour les autres parties prenantes au procès. En
ne voyant les parties que par vidéo, il est difficile pour les juges d'observer des éléments de
communication non verbale et de déceler les moments où la personne mise en cause est en
difficulté, et ce particulièrement lorsque la technologie en question ne fonctionne pas
correctement d'un bout à l'autre de l'audience. 197

Des recherches suggèrent que ces conditions présentent le risque de peines plus sévères. Afin
d'empêcher la violation du droit à un procès équitable, les États doivent développer les
programmes d'assistance juridique afin de s'assurer qu'aucune personne mise en cause ne
soit, pour raisons financières, privée d'un avocat lors des audiences à distance.

Afin de prévenir la violation du droit à un procès équitable et de faire respecter l'équité des
audiences à distance, Fair Trials a publié des recommandations pour guider les États dans la
mise en place de systèmes judiciaires à distance.

Par ailleurs, l'organisation réalise un suivi permanent sur la manière dont les systèmes de

194
l'Article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
195
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 203
196
https://ma.usembassy.gov/wp-content/uploads/sites/153/MOROCCO-HRR-2018-FRE-FINAL-May292019.pdf
197
http://biblio.ma/ism/catalogue/doc_num.php?explnum_id=120
65
justice pénale font face à la crise actuelle.198

Il est primordial que les avocats puissent rencontrer en personne leurs clients, et ce, avant,
pendant, et après les audiences. L'incapacité à rencontrer leurs clients en personne dans
l'enceinte des établissements pénitentiaires et des commissariats doit être compensée par des
droits élargis en ce qui concerne la visio- ou téléconférence.

Les avocats et les personnes mises en cause ont besoin d'avoir un accès en temps opportun
aux dossiers de l'affaire afin de se préparer pour l'audience et, si nécessaire, présenter des
éléments de preuve. 199

En plus des caméras vidéo et des microphones, l'équipement nécessaire aux audiences à
distance doit pouvoir permettre un examen approfondi des preuves.

En cette période si particulière, nous apprenons et découvrons beaucoup en termes d'accès à


la justice à distance et il y a peut-être des leçons utiles à tirer et à mettre en avant. Toutefois,
l'apprentissage ne peut se faire au détriment du droit à un procès équitable.

Dans le meilleur des cas, l'absence de garanties appropriées pour le droit à un procès
équitable entraînera une charge de travail accrue pour les cours d'appel. Dans le pire des cas,
il y aura un autre groupe de victimes à long terme de cette crise.

La crise sanitaire liée au Covid-19200 et les mesures de protection prises pour la contenir ont
immédiatement été analysées comme porteuses de risques pour le respect de la dignité et des
droits fondamentaux des personnes privées de liberté : la promiscuité et le risque accru de
contagion qu’elle entraîne, la difficulté de poursuivre les relations avec les proches, la
suspension de l’essentiel des activités et l’aggravation de l’enfermement ont accru les
contraintes pesant sur ces personnes.

On peut néanmoins relever quelques traits communs aux situations observées dans ces lieux :
des mesures de précaution en général tardives, contradictoires et longtemps insuffisantes, des
mesures de réduction du nombre des personnes privées de liberté trop timides et inégales,
une compensation insuffisante des contraintes liées au confinement.

En contrepartie de ces constats, il convient néanmoins d’observer que partout la prévention a


été efficace et que le nombre des contagions a été faible : le risque majeur de développement
d’une épidémie dans la promiscuité des milieux clos et au sein d’une population que son état

198
BOUSSETTA Mourad “ Principes élémentaires de la procedure pénale marocaine”, 2ème edition, Edition
Almaarifa, 2006 p 114
199
ABOULOULA Amal, « La peine privative de liberté en droit marocain et comparé », REMALD, Première
édition, 2005 ; p 209
200
http://biblio.ma/ism/catalogue/doc_num.php?explnum_id=120
66
de santé rend souvent particulièrement vulnérable a été évité. 201

Dans tous les lieux, la garantie de respect des libertés qu’apporte le juge judicaire s’est
trouvée estompée par la crise. Évidemment, la possibilité de prolonger les détentions
provisoires de plein droit sans examen par le juge est la plus grave des atteintes portées aux
droits des personnes privées de liberté ; elle est d’ailleurs d’autant plus grave qu’elle a été
inscrite dans le droit et non, comme d‘autres, simplement subie en raison de la pression des
circonstances. L’absence de présentation, même par visioconférence, devant le juge, le juge
d’instruction ou le juge des mineurs comme les difficultés d’accès aux avocats ont également
porté des atteintes graves aux droits des personnes privées de liberté.

Cependant, il est lieu de mettre la lumière sur des statistiques publiées auprès de la MAP 202

- 20.544 détenus ont été jugés à distance depuis le lancement du dispositif du procès à
distance;203

- 650 détenus ont été libérés suite à leurs procès à distance, soit après une mise en liberté
provisoire, un acquittement ou encore une réduction de peine;

- 1.209 audiences ont été tenues à distance par les différents tribunaux du Royaume, 18.535
affaires mises au rôle et 7.472 décisions judiciaires rendues;204

- Toutes les garanties d'un procès équitable sont réunies dans cette nouvelle technologie,
conformément aux dispositions du Code de la procédure pénale et des conventions
internationales;

- Le dispositif de procès à distance des détenus a contribué à la protection des prisonniers, du


personnel pénitentiaire, des juges et des fonctionnaires des tribunaux, du risque de
propagation de l'épidémie du Coronavirus (Covid-19) vers et depuis les prisons,
particulièrement après avoir enregistré un ensemble de cas au sein de quelques
établissements pénitentiaires;

- Pour la mise en œuvre du dispositif de procès à distance, le ministère a procédé à la


création de près de 190 comptes électroniques répartis entre les tribunaux et les
établissements pénitentiaires;205

- Malgré la suspension du travail pendant la période de l'état d'urgence sanitaire par les

201
http://biblio.ma/ism/catalogue/doc_num.php?explnum_id=120
202
https://www.maroc.ma/fr/actualites/principaux-points-de-lexpose-du-ministre-de-la-justice-lors-de-la-
reunion-consacree-la
203
https://ma.usembassy.gov/wp-content/uploads/sites/153/MOROCCO-HRR-2018-FRE-FINAL-May292019.pdf
204
https://expert-maroc.com/voies-recours-procedure-penale-maroc/
205
http://biblio.ma/ism/catalogue/doc_num.php?explnum_id=120
67
tribunaux, les prestations numériques fournies par le ministère au profit des justiciables et
des usagers ont permis la continuité du service, sans interruption et sans nécessité de se
déplacer;

- Les statistiques et les indicateurs du 20 mars 2020 dernier au 26 mai 2020 indiquent que
l'intégralité des 30.370 demandes relatives au registre du commerce ont été traitées, ainsi que
les casiers judiciaires (7.083) et les dépôts des états de synthèse des sociétés commerciales
(820);206

- Le site du ministère mahakim.ma a enregistré 1.029.233 recherches et 233.237 visites, alors


que 155 avocats ont créé des comptes sur la plateforme d'échange électronique avec les
tribunaux et déposé 205 mémoires via cette plateforme en ligne;

- 275.000 masques de protection ont été acquis et 4.000 opérations de stérilisation des locaux
et installations des tribunaux ont été effectuées au niveau des directions déconcentrées et de
l'administration centrale, dans le cadre des mesures prises pour lutter contre la propagation
de la pandémie du nouveau coronavirus;207

- Le ministère a veillé, dès le début de la pandémie, à assurer la protection sanitaire des


juges, des greffiers, des assistants judiciaires et des usagers au sein des tribunaux, à travers
les nouvelles mesures d’organisation du travail, le renforcement des mesures de protections
des fonctionnaires de l’administration centrales, des services déconcentrés et des tribunaux
ou encore, la mise en place de moyens logistiques de nettoyage et de désinfection;

Les restrictions sanitaires ont sensiblement réduit l’activité des tribunaux, entraînant un stock
important de dossiers en instance. Face à cette situation, l’accélération de certaines réformes
déjà entamées auparavant était cruciale pour le bon fonctionnement du secteur. 208

Pour débloquer la situation, les audiences à distance ont fait leur apparition grâce à la
digitalisation. Un choix considéré comme judicieux, puisqu’il a montré sa pertinence.209

Jusqu’à fin mars 2021, 123.113 jugements ont été prononcés grâce à cette option. A défaut,
le nombre aurait été limité à 4.000 seulement. Certains juristes et militants des droits de
l’homme ont manifesté cependant quelques inquiétudes et réserves à ce sujet, évoquant les
imbroglios juridiques à propos de ce système qui ne figure ni dans la procédure pénale ni
dans la procédure civile. En effet, cette situation exceptionnelle ne peut durer, car il y a
nécessité de mettre en œuvre un cadre juridique spécifique pour éviter les mauvaises
206
https://ma.usembassy.gov/wp-content/uploads/sites/153/MOROCCO-HRR-2018-FRE-FINAL-May292019.pdf
207
http://biblio.ma/ism/catalogue/doc_num.php?explnum_id=120
208
https://expert-maroc.com/voies-recours-procedure-penale-maroc/
209
https://ma.usembassy.gov/wp-content/uploads/sites/153/MOROCCO-HRR-2018-FRE-FINAL-May292019.pdf
68
interprétations, les abus et respecter le principe des lois.210

Pourtant, un texte de loi dédié a été adopté par le Parlement en 2018, mais sa promulgation a
été suspendue suite à une censure partielle de la Cour constitutionnelle. Egalement,
l’utilisation des moyens électroniques dans la procédure civile ou pénale n’a pas reçu l’aval
de l’Association des barreaux du Royaume, qui demande plus de temps pour l’examiner.

Détention préventive

Suite à sa nomination récemment à la tête du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ),


Mohamed Abdennabaoui a annoncé que l’une de ses principales priorités est que les citoyens
aient confiance en la Justice. A cet effet, une stratégie sera déclinée à court et à moyen terme
afin de hisser le niveau du secteur pour plus d'efficience et de transparence. Il s'agit aussi de
consolider les règles d'éthique et de déontologie. Il a affirmé également qu'il sera procédé à
la réforme de la détention préventive.211

En effet, la pandémie a encore une fois mis au-devant de la scène l’encombrement de


l’univers carcéral, un autre volet sur lequel le secteur de la justice doit se pencher sans plus
tarder. Le phénomène s’accentue avec l’exiguïté des superficies dédiées dont la moyenne
nationale ne dépasse pas 1,80 m2 , qui baisse à 1,20 m2 à Casablanca.

Tous ces aspects sont fortement décriés par les défenseurs des droits de l’Homme. Cette
surpopulation est due principalement à un niveau très élevé de détention préventive, qui
frappe près de 40% des détenus. Des sanctions alternatives sont préconisées, comme le
bracelet électronique, sachant que 50% de ces détenus sont, au terme de leur jugement, soit
acquittés ou condamnés avec sursis.

Le recours aux procès à distance, via visioconférence, était une décision conjointe du
ministère de la Justice, du CSPJ et la présidence du ministère public, soulignant que le
ministère de la Justice a mobilisé, dans le cadre des prérogatives qui sont les siennes, les
ressources logistiques, techniques et humaines de même qu'il a assuré la coordination entre
les différents intervenants.

Vu la sensibilité et la nature des informations communiquées lors des audiences et auditions,


a assuré le ministre, le système audiovisuel interne sécurisé du ministère a été mis en service
en priorisant la sécurité informatique et en respectant toutes les orientations émises par la
direction de la sécurité des systèmes d'information à l'Administration de la Défense

210
https://ma.usembassy.gov/wp-content/uploads/sites/153/MOROCCO-HRR-2018-FRE-FINAL-May292019.pdf
211
http://biblio.ma/ism/catalogue/doc_num.php?explnum_id=120
69
nationale.212

De son côté, le président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, Mohamed


Abdennabaoui,213 a affirmé que l'expérience des procès à distance, imposée par la covid-19,
et tout ce qui a en découlé en termes des efforts consentis par le ministère de la Justice, la
Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) aux côtés
des magistrats, du parquet général, du personnel de la Justice et des membres des instances
de défense, ont permis aux juridictions, durant une année, de tenir plus de 19.000 séances.

Durant ces séances, ont été examinées 370.000 affaires concernant des détenus qui ont
comparu devant les tribunaux plus de 433.000 fois, a-t-il précisé, ajoutant que les juridictions
ont examiné plus de 133.000 affaires, dont certaines ont débouché sur la libération de 12.000
détenus qui ont retrouvé leur liberté immédiatement après le prononcé du jugement, à raison
de 1.000 détenus chaque mois.214

"Une loi encadrant les procès à distance est une bonne chose à laquelle aspirent l'ensemble
des intervenants dans le système de la justice", a-t-il lancé, disant aspirer à la promulgation
de ce texte dans les plus brefs délais pour que le Maroc se dote d'un mécanisme juridique
approprié permettant de tenir des procès à distance en post-covid.

Selon lui, d'autres facteurs étayent la pertinence de ce choix, dont la protection des témoins
et des dénonciateurs, la distance entre pénitenciers et juridictions, ce qui nécessite beaucoup
de temps et autant de dépenses pour le transport, outre le nombre élevé des gardes mobilisés,
surtout que 800 détenus comparaissent chaque jour devant les tribunaux de Rabat et 1.200
autres à Casablanca.

Pour sa part, le Procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du Ministère
public, El Hassan Daki, a fait observer que les procès à distance ont garanti la continuité du
fonctionnement normal des tribunaux qui ont pu ainsi assurer leurs missions
constitutionnelles, en consécration du droit au procès équitable dans des délais raisonnables.

Il a ensuite rappelé que l'adoption de cette technique s'est faite conformément à ce qui est en
vigueur dans plusieurs législations étrangères avant le surgissement du coronavirus, d'autant
plus que les procès à distance s'adossent à plusieurs références consignées dans nombre de
traités internationaux afférant à la lutte contre le crime, dont la Convention des Nations unies
contre la criminalité transnationale de 2000 (article 18) et la Convention des Nations unies
contre la corruption (2003).
212
https://expert-maroc.com/voies-recours-procedure-penale-maroc/
213
https://expert-maroc.com/voies-recours-procedure-penale-maroc/
214
https://ma.usembassy.gov/wp-content/uploads/sites/153/MOROCCO-HRR-2018-FRE-FINAL-May292019.pdf
70
Section seconde : La manifestation des garanties du procès équitable durant les phases
de la procédure215

L'activation des procès en justice en ces temps exceptionnels, qui a induit des défis
juridiques et de droits de l'homme, est une chose à la fois inédite et impérieuse dans
l'historique du système judiiaire au Maroc, a enchainé M. Daki, estimant que cette méthode a
permis de gérer les services de justice avec "efficience et une bonne gouvernance" car ayant
évité la propagation du coronavirus et contribué à la protection de la santé des administrés et
des citoyens, en harmonie avec les autres mesures préventives prises par les autorités
concernées afin d'enrayer la pandémie.216

Du 27 avril 2020 au 16 avril 2021, les procès à distance ont permis de tenir 19.139 séances
concernant 310.067 affaires et au profit de 433.323 détenus, dont 11.748 ont été libérés. Sans
cette technique, ces derniers n'auraient pas pu être jugés et allaient donc rester en détention.

Quant au Délégué général de la Délégation Générale à l'Administration Pénitentiaire et à la


Réinsertion, Mohamed Salah Tamek, il a fait état d'un pas en avant dans le cadre des efforts
visant à donner à la Justice une face moderne en phase avec la révolution numérique et qui
est capable d'améliorer ce secteur, conformément à la clairvoyante vision Royale qui a fait
de la réforme de la justice un chantier constamment ouvert.217

Le procès à distance tire sa légitimité et son réalisme de plusieurs considérations positives, a-


t-il affirmé, expliquant qu'il permet de gagner du temps et d'épargner beaucoup d'efforts et,
par ricochet, de statuer sur les dossiers dans des délais raisonnables et de ne pas léser les
droits des justiciables.218

Aussi, a-t-il argué, cette technique contribue à la rationalisation des dépenses publiques car
minimisant les coûts liés aux moyens logistiques et aux ressources humaines liés au transport
des détenus des prisons vers les tribunaux et vice versa, en plus des contraintes sécuritaires
inhérentes à la garde des détenus.219

La présidente du CNDH, Amina Bouayach, a de son côté rappelé que le Conseil avait
accueilli favorablement le lancement des procès à distance à la lumière des mesures édictées
pour atténuer l'impact de la pandémie sur le cours normal de la justice et dans le cadre du
respect des délais finaux pour le traitement des actions en justice.

215
https://www.maroc-hebdo.press.ma/proces-distance-proces-equitable
216
https://expert-maroc.com/voies-recours-procedure-penale-maroc/
217
https://www.maroc-hebdo.press.ma/proces-distance-proces-equitable
218
https://ma.usembassy.gov/wp-content/uploads/sites/153/MOROCCO-HRR-2018-FRE-FINAL-May292019.pdf
219
https://www.maroc-hebdo.press.ma/proces-distance-proces-equitable
71
D'après elle, cette technique ne constitue pas, en principe, une violation ou une menace aux
conditions d'un procès équitable qui restent tributaires à la consécration des principes de la
nécessité, de la proportionnalité et de la légalité ainsi qu'à l'équité, à la suprématie du droit, à
l'équilibre entre les parties concernées et au respect des droits de la défense. 220

Mme Bouayach a par la suite souligné que l'activation rapide du procès à distance, en raison
du contexte pandémique, a soulevé des interrogations sur la légalité de cette méthode et sur
la protection des droits de l'homme pour les justiciables en ce qui concerne l'organisation des
audiences préliminaires dans l'acte d'accusation et des recours à distance via visioconférence.

Elle a à ce propos fait remarquer que le Conseil, selon les données de terrain dont il dispose
suite à son suivi de nombre de procès à distance dans des affaires criminelles, délictuelles et
de flagrance, a relevé que ces procès ne se sont pas déroulés sans problématiques
inquiétantes en lien, entre autres, avec la situation des personnes en détention provisoire qui
tenaient, au même titre que leur défense, à être présents.221

Egalement, a-t-elle noté, les efforts déployés n'ont pas pris en considération certaines
catégories et leur droit d'accès à la justice, parmi lesquels les personnes en situation
d'handicap, notamment celles présentant des déficiences auditives et visuelles.

Ce colloque a connu la participation d'un parterre de responsables et de représentants des


départements et institutions concernés et de plusieurs sensibilités de la société civile. 222

220
https://ma.usembassy.gov/wp-content/uploads/sites/153/MOROCCO-HRR-2018-FRE-FINAL-May292019.pdf
221
https://expert-maroc.com/voies-recours-procedure-penale-maroc/
222
http://biblio.ma/ism/catalogue/doc_num.php?explnum_id=120
72
Conclusion
73
En guise de conclusion, cette étude comporte un constat et un espoir. D’abord, le constat est
que la loi 22-01 relative à la procédure pénale souffre des limites importantes en matière de
détention préventive qui risquent de porter atteinte aux libertés individuelles et au principe
de la présomption d’innocence, car les autorités compétentes font souvent recours à cette
mesure au lieu d’être l’exception, comme en témoigne les statistiques publiées à ce sujet.
Puis, en second lieu l’espoir trouve une place avec le projet de réforme de la procédure
pénale et du droit pénale, notamment quant au volet qui traite les peines de substitution à la
détention. Cependant, cet espoir mérité d’être nuancé, car il faut attendre l’application
effective de ces alternatives proposées après l’adoption des textes par les autorités
compétentes. Mais, il faut aussi préparer l’opinion publiques à accepter l’idée selon laquelle
la prison ne constitue pas la seule réponse à un acte incriminé, et aussi que le placement en
détention préventive ne signifie pas une présomption de culpabilité, bien au contraire c’est
une atteinte au principe de la présomption d’innocence. Cet espoir peut aussi être nuancé, car
certaines dispositions du projet demandent d’être revues, comme c’est le cas des délais de
placement en détention qui sont longs. De même, certaines questions, qui constituent des

74
faiblesses de la loi 22-01, continuent d’être absentes dans le projet malgré que leur
intégration dans le texte permette de se conformer aux instruments des droits de l’Homme et
de la Constitution de 2011, dont la plus importante est l’absence de réparation des personnes
victimes d’une détention injustifiée. Enfin, il est à noter que malgré les inconvénients de la
détention préventive, il relève de l’utopie de proposer, comme l’a préconisé Faustin Hélie, sa
suppression. C’est un mal nécessaire pour certaines faits graves qui demandent de garder la
personne, qui ne présente aucune garantie, à la disposition du juge d’instruction chargé de
l’affaire pour les besoins des investigations judiciaires.

75
Table des matières
INTRODUCTION 5
PREMIERE PARTIE : LE CADRE GENERAL DU PROCES EQUITABLE 11
CHAPITRE 1 : LES PRINCIPES DIRECTEURS DU PROCES EQUITABLE 13
Section 1 : Les principes d’ordre institutionnel ……………………………………………….……………………….13

Section 2 : Les principes d’ordre judiciaire ……………………………………………………………………………….17

CHAPITRE 2 : LA PRESOMTION D’INNOCENCE ET SES LIMITES …………………………………………27

Section 1 : Le fondement juridique de la présomption d’innoncence ……………………………………27

Section 2 : Les limites de la présomption d’innocence ……………………………………………………………..30

DEUXIEME PARTIE : LA CONSECRATION CHRONOGRAPHIQUE DES GARANTIES DU PROCES


EQUITABLE 43
CHAPITRE 1 : La consécration des garanties procédurales durant les phases de jugement 44
Section 1 : La phase pré-jugement 44
Section 2 : La phase post jugement ……………………………………………………………………………….. 63

CHAPITRE 2 : LES GARANTIES PROCEDURALES A L’EPREUVE DU COVID19 ………………………………66

Section 1 : Les mécanismes protecteurs des droits de l’accusé ……………………………………………. 66

Section 2 : La manifestation des garanties du procès équitable durant la phase de jugement....72

CONCLUSION …………………………………………………………………………………………………………………………….. 75

BIBLIOGRAPHIE :
ESSAID Mohammed Jalal, « Le procès équitable dans le code de procédure pénale de 2002
», Collection Réforme du droit et développement socio-économique, volume n°1 ;

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https://expert-maroc.com/voies-recours-procedure-penale-maroc/
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https://www.maroc-hebdo.press.ma/proces-distance-proces-equitable
file:///C:/Users/Admin/Downloads/Les%20Garanties%20Fondamentales%20web_fr
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