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INTRODUCTION
« Le crime est aussi vieux que le monde ». Cet adage populaire traduit
à juste titre l’idée que « le crime ne s’observe pas seulement dans la plupart des
sociétés de telle ou telle espèce, mais dans toutes les sociétés de tous les types »,
c’est-à-dire que le crime est à la fois séculaire et permanent.
Aussi apparaît-il évident que les règles établies par les pouvoirs publics dans
le but d’éradiquer ou tout au moins de contenir le phénomène criminel, véritable
maladie du corps social, ne sont presque jamais intégralement respectées.
Ainsi, le droit pénal, au sens large, peut être défini comme la branche du droit
positif qui étudie la répression par l’Etat des atteintes contre les valeurs sociales
protégées.
Il ne s’agit pas d’un droit idéal ou naturel, mais d’un ensemble de règles de
droit positif, notamment de normes écrites auxquelles sont attachées des sanctions
ou peines, d’où le nom de droit pénal, également appelé droit criminel du qualificatif
des infractions pénales les plus graves (crimes). Il en résulte que le droit pénal ne
saurait être confondu avec la morale ou la religion1.
1
Sauf dans certains pays islamiques qui appliquent la charia.
2
Le droit pénal n’échappe pas à la règle d’évolution qui veut qu’en toute
matière certains rameaux se détachent un jour du tronc pour s’efforcer d’acquérir
une relative autonomie2. Ainsi doit-on distinguer les branches dites traditionnelles
(le droit pénal général, le droit pénal spécial, la procédure pénale et la science
pénitentiaire) et les branches dites nouvelles (la criminologie, la criminalistique, le
droit pénal international, le droit pénal des affaires, le droit pénal comparé, etc.).
Le droit pénal général est la branche du droit pénal qui étudie la structure
légale de l’infraction, les conditions générales de la responsabilité pénale, les
diverses peines et les mesures de sûreté encourues, ainsi que la façon dont se fait le
dosage de ces moyens répressifs dans les diverses hypothèses que la pratique peut
présenter. En un mot, on peut dire que le droit pénal général étudie l’infraction et la
sanction.
2
Jean PRADEL, Droit pénal général, Editions CUJAS, 2004, p.55.
3
quelque sorte l’examen descriptif des infractions avec, pour chacune de celles-ci,
ses divers éléments constitutifs, le cas échéant les circonstances aggravantes ou les
excuses atténuantes prévues par la loi, et le taux de sa peine.
Il s’avère donc que le droit pénal spécial est la branche du droit pénal la plus
concrètement utilisée. Dans la pratique, le pénaliste est sans cesse amené à
rechercher si le comportement anti-social dont il est saisi constitue une infraction et
dans l’affirmative, laquelle : c’est l’opération dite de qualification des faits.
C – La procédure pénale
Le droit pénal de fond (le droit pénal général et le droit pénal spécial) ne peut
recevoir son application qu’après le déroulement d’un procès devant une juridiction
répressive. L’organisation, le déroulement et le jugement de ce procès sont régis par
des règles dont l’ensemble constitue la procédure pénale.
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propriété, etc.). Les mesures privatives de liberté avant jugement (garde à vue et
détention provisoire), les contrôles d’identité, les perquisitions et saisies, par
exemple, sont autant de « points d’équilibre » entre la nécessité de protéger la
société contre les délinquants d’une part, et l’impérative protection des libertés
individuelles d’autre part.
D – La science pénitentiaire
A – La criminologie
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La criminologie est la science qui étudie, tant au niveau individuel qu’à
l’échelle de la collectivité, les causes (facteurs) et les processus de l’action
criminelle et qui détermine, à partir de la connaissance de ces causes et processus,
les moyens de lutte visant à éradiquer ou tout au moins à contenir la criminalité (le
crime) ainsi que les moyens de sa prévention. La criminologie étudie ainsi le
criminel, l’acte criminel et la réaction sociale contre la criminalité.
B – La criminalistique
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La lutte contre la criminalité n’étant pas uniquement l’œuvre d’un Etat, mais
aussi celle de la communauté internationale, il existe un droit pénal international
qui, proche du droit international privé, s’attache aux conflits d’autorité
(compétence internationale, extradition, effets des sentences pénales étrangères,
etc.) et aux conflits des lois pénales.
Le droit pénal international, qui doit être distingué des règles édictées
unilatéralement par un Etat pour résoudre les conflits des lois et des juridictions 3,
se matérialise dans des conventions entre deux ou plusieurs Etats qui traitent des
questions pénales d’intérêt commun (entraide judiciaire, par exemple). Certaines de
ces conventions unissent les Etats d’un espace géographique donné et l’on parlera,
par exemple, d’un droit pénal de la CEMAC4, d’un droit pénal européen ou
américain. D’autres, en revanche, tendent à lier tous les Etats du monde et l’on
parlera cette fois de droit pénal international lato sensu. Ainsi distingue-t-on trois
sortes de droits pénaux :
- les droits pénaux nationaux (de chaque Etat tel le Cameroun, la France, la
Russie, par exemple) avec le cas échéant des sous-distinctions pour les
Etats fédéraux ou confédéraux (Etats Unis, Belgique, Suisse, etc.) ;
- les droits pénaux conventionnels regroupant les Etats d’une région ou d’un
continent (droit pénal de la CEMAC, droit pénal européen ou américain,
etc.) ;
- le droit pénal international lato sensu intéressant tous les Etats qui siègent
à l’O.N.U.
Le droit pénal international doit également être distingué du droit
international pénal qui, proche du droit international public, traite de la répression
des infractions imputables aux Etats ou à leurs dirigeants et agents (crimes de guerre,
crimes contre l’humanité, génocide).
3
Voire art. 7 – 16 du Code pénal camerounais.
4
Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale.
7
Pour la répression de ces crimes, la communauté internationale a été amenée
à mettre sur pied des juridictions, telles :
Jadis considéré comme partie du droit pénal spécial, le droit pénal des
affaires ou droit pénal économique peut être défini comme cette branche du droit
pénal qui étudie la répression des comportements jugés incompatibles ou contraires
à l’ordre économique et social.
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pénal de la consommation, etc. On aboutit ainsi à une définition très large de son
domaine d’application, car toutes les infractions présentées par référence à la valeur
protégée en font partie. Le contenu du droit pénal des affaires au niveau du
Cameroun est éclaté dans diverses sources, notamment sur le plan communautaire
et interrégional, et sur le plan interne.
- le Code pénal ;
- la loi n°90/031 du 10 août 1990 régissant l’activité commerciale au
Cameroun ;
- la loi n°96/117 du 5 août 1996 relative à la normalisation ;
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- la loi n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative aux droits d’auteur et aux
droits voisins ;
- la loi n°98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence ;
- la loi n°2003/008 du 10 juillet 2003 portant répression des infractions
contenues dans certains actes uniformes OHADA ;
- la loi n°2004/002 du 21 avril 2004 régissant la métrologie légale au
Cameroun ;
- la loi n°2011/012 du 6 mai 2011 portant protection des consommateurs.
On le voit. Le contenu du droit pénal des affaires au Cameroun est très
variable et relève des choix arbitraires. Aussi avons-nous fait le choix, dans le
présent cours, de considérer le droit pénal des affaires comme la branche du droit
pénal qui traite des infractions commises dans le cadre d’une entreprise et qui sont
sous-tendues par les considérations économiques ou de profit.
C’est pourquoi, nous allons centrer le présent cours sur la pratique des affaires
et le droit pénal des entreprises ou des sociétés. Etant entendu que les références à
des valeurs classiques reconnues et protégées par le Code pénal telles que : la
propriété, la foi publique, les conditions de travail défectueuses, l’intégrité physique
lorsque l’auteur agit dans le cadre d’une entreprise, etc. ont été étudiées dans le
cours de droit pénal spécial, aux détails desquels il est fait renvoi.
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PREMIERE PARTIE : LA PRATIQUE DES AFFAIRES ET LE DROIT
PENAL DES SOCIETES
Il est constant et évident que la plupart du temps, le gain prend le pas sur la
morale dans le monde des affaires. Lorsque la société commerciale est entre de
mauvaises mains, elle devient l’instrument idéal permettant de s’enrichir
frauduleusement. En effet, les personnes physiques, dans le but de lancer les
entreprises douteuses, peuvent se servir de la technique des sociétés, pour dépouiller
leurs partenaires qui leur font confiance. Peuvent alors subir un préjudice, les
actionnaires, les créanciers, les épargnants, les fournisseurs, etc. C’est dans ce
contexte qu’il a été créé des normes relatives au droit des sociétés entraînant un
accroissement corrélatif des obligations sanctionnées par les dispositions pénales en
cas de non-respect.
Ces dispositions pénales visent les actes posés à toutes les étapes de la société,
notamment pendant sa constitution (titre I), son fonctionnement (titre II), lorsqu’elle
est en difficultés (titre III) et à sa dissolution et sa liquidation (titre IV).
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capitaux propres pour supporter les risques économiques que les potentiels prêteurs
n’accepteraient pas d’assumer.
Considéré comme le gage des créanciers, le législateur a voulu s’assurer de
sa réalité en réprimant d’un emprisonnement de 3 mois à 3 ans et d’une amende de
50 000 à 5 millions ou l’une de ces deux peine seulement, la simulation des
souscriptions ou des versements (paragraphe 1) et la publication faits faux
(paragraphe 2).
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3- ceux qui sciemment, par simulation de souscription ou de versement ou par
publication de souscription ou de versement qui n’existent pas ou de tous
autres faits faux, auront obtenu ou tenté d’obtenir des souscriptions ou des
versements ;
4- ceux qui, sciemment, pour provoquer des souscriptions ou des versements
auront publié les noms de personnes désignées contrairement à la vérité
comme étant ou devant être attachées à la société à un titre quelconque ;
ceux qui, frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en nature, une
évaluation supérieure à sa valeur réelle ».
La simulation de souscription ou de versements consiste à présenter pour vrais,
des souscriptions ou des versements qui, en réalité, n’existent guère.
Elle suppose donc à la base un mensonge, ce qui en fait un délit intentionnel.
Ce délit suppose des agissements de simulation et la recherche des souscriptions
ou des versements.
Les versements sont fictifs quand il est affirmé qu’ils ont été effectués, alors qu’il
n’en a été rien. On parle de versement fictif en l’absence de tout versement
nonobstant l’affirmation contraire, en cas de simulacre de versements apparents.
La doctrine déclare que « tous les procédés susceptibles d’accréditer, dans
l’esprit des tiers, cette idée, sont répréhensibles », et « peu importe la méthode
utilisée : déclarations verbales, reçus de complaisance, passation d’écritures ».
Il peut s’agir aussi, selon la jurisprudence, des manœuvres suivantes :
- établissement du certificat du dépositaire affirmant inexactement la
souscription intégrale du capital ou le versement du 1er quart ;
- fausses affirmations appuyées ou non de la production de documents fallacieux
;
- utilisation de jeux d’écritures ou d’artifices de comptabilité.
La souscription s’entend comme tout engagement pris en faveur d’une société et
rémunéré par la délivrance d’un titre quelconque. C’est un acte juridique par lequel
une personne s’engage à faire partie d’une société par actions en apportant une
somme d’argent en principe égale au montant nominal de son titre.
Le versement quant à lui est non seulement constitué du premier versement
effectué au moment de la constitution de la société, mais encore des versements
réalisés à la suite des appels des quarts subséquents.
La tentative d’obtenir des souscriptions ou des versements est punissable.
Elle est consommée lorsque l’agent aura accompli des actes de nature à amener
l’engagement de souscripteurs sérieux ou de versements de leur part. Il n’est donc
pas nécessaire que la souscription soit obtenue, puisque la simple tentative suffit
pour que l’infraction soit imputée à l’auteur. C’est pourquoi, l’objectif poursuivi,
qui se résume en l’obtention de souscription ou de versement, est un autre élément
constitutif du délit. Il y aura tentative par exemple, si les fondateurs sollicitent la
souscription d’action sans réussir à l’obtenir.
Le terme « sciemment » qui caractérise l’élément moral suppose que l’auteur
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de l’infraction a agi en connaissance de cause, qu’il a conscience du but poursuivi
et connaît la fausseté des faits prétendus. C’est l’élément intentionnel qui démontre
la conscience qu’a l’agent de réaliser une simulation susceptible d’entraîner des
souscriptions ou des versements. En vérité il est de mauvaise foi. En effet, l’objectif
affiché de la simulation est d’obtenir des souscriptions ou des versements. C’est ce
que traduisent les termes « ceux qui auront obtenu des souscriptions ou des
versements ».
Les auteurs de cette infraction sont en principe les fondateurs, mais
également les premiers administrateurs et même les administrateurs suivants, ainsi
que les membres du directoire ou les gérants, selon le cas, qui sont responsables
avec les fondateurs qui ont eu recours à la simulation pour obtenir des souscriptions
si, en connaissance de cause, ils procèdent à l’appel des quarts subséquents au
premier versement. Ceux qui, en connaissance de cause, préparent ou facilitent le
délit par des faits antérieurs ou concomitants à son exécution sont des complices.
C’est le cas par exemple d’un banquier qui délivre des reçus de complaisance.
L’infraction de simulation de souscription ou de versement, ainsi constituée,
appelle des particularités procédurales qu’il convient de relever.
L’action publique existe dès la consommation du délit. La restitution des fonds
obtenus par simulation ou le versement des fonds font subsister le droit de poursuite
de l’infraction. Elle se prescrit par trois ans, et le délai court du jour de
l’accomplissement du délit.
L’action civile appartient à toute personne ayant subi un préjudice du fait de
l’infraction. Aux actionnaires victimes des agissements frauduleux, et à la société en
tant qu’être collectif, l’action étant alors exercée par les administrateurs contre les
fondateurs ou d’autres administrateurs. Un créancier de la société peut également
intenter les poursuites judiciaires.
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à-dire, le fait de porter le mensonge à la connaissance du public.
Ce peut être aussi des articles parus dans la presse (annonces radiodiffusées
ou projetées sur écran), ou encore la tenue de propos en public, notamment la
présentation d’un faux bilan à l’assemblée générale des actionnaires.
Des faits faux quelconques, des souscriptions ou versements inexistants et des
noms de personnes faussement attachées à la société peuvent être retenus comme
constitutifs du délit.
Les faits faux d’ordre juridique sont ceux qui consistent dans l’affirmation
inexacte de la constitution régulière de la société ou de la souscription intégrale
du capital social.
Les faits d’ordre économique peuvent être, la publication de circulaires ou
articles de journaux annonçant une hausse considérable des actions, les
affirmations inexactes sur le droit de propriété, la publication dans un code, de
cours fictifs.
Les noms des personnes faussement attachées à la société sont ceux des gens
jouissant d’un grand crédit ou d’une notoriété certaine, bien que dépourvues de
tout lien avec la société.
Ce délit est intentionnel, comme le souligne le mot « sciemment ».
Mais, s’agissant de la publication de noms de personnes faussement
attachées à la société, il est nécessaire que soit exigée, en dehors de la conscience
des agissements, la preuve de l’intention de l’auteur, d’autant plus que le texte
précise comme but de la publication « pour provoquer des souscriptions ou
versements ».
Les auteurs sont ceux qui ont publié des faits en sachant qu’ils sont faux,
pour obtenir des souscriptions ou des versements : ce sont les fondateurs, les
administrateurs ou les gérants.
Peuvent être poursuivis comme complices :
- les démarcheurs qui, après avoir réuni les éléments mensongers destinés à
faciliter l’émission des actions, les ont portés à la connaissance du public
sous forme de comptes rendus inexacts et trop élogieux de l’affaire ;
- les journalistes qui publient en connaissance de cause, les articles
mensongers conformément à la demande des fondateurs ou des
administrateurs ;
- le commissaire aux comptes qui, en connaissance de cause, certifie sincère
un bilan manifestement frauduleux, ou qui conseille un dirigeant en vue de
présenter à l’assemblée générale un bilan comportant de graves
inexactitudes
- le conseil juridique qui prépare les actes frauduleux destinés à être publiés
Sanctions prévues : 3 mois à 3 ans de prison ; 500.000 à 5.000.000 cfa d’amende
ou l’une de ces deux peines seulement.
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SECTION 2 : LES ACTES DELOYAUX REPRIMES DANS LA
REALISATION DU CAPITAL SOCIAL
Le législateur a réprimé ici deux infractions, notamment la déclaration
notariée mensongère (paragraphe 1) et la surévaluation des apports (paragraphe 2).
Les peines prévues sont l’emprisonnement de 03 mois à 03 ans et l’amende de
50 000 à 500 000 francs ou l’une de ces deux peines.
PARAGRAPHE 1 : LA DECLARATION NOTARIEE MENSONGERE
Les délits d’établissement frauduleux du certificat du dépositaire ou de la
déclaration notariée de souscription et de versement sont prévus par l’art.887
A.u.s.c alinéas 1 et 2 qui dispose : « encourent une sanction pénale :
Au regard de ce qui précède, on peut comprendre que les faits faux qui
entachent la déclaration doivent porter sur les souscriptions qui sont alors fictives,
ou encore sur les versements qui n’auront pas du tout été réalisés ou mis à la
disposition de la société.
Les irrégularités dont il est fait état constituent donc une condition, un
préalable à l’infraction. Ces irrégularités concernent l’inobservation de certaines
règles relatives à la constitution des sociétés anonymes, à l’émission avant
l’immatriculation ou à la suite d’une immatriculation frauduleuse.
En effet, l’émission d’actions est répréhensible si l’immatriculation fait
défaut ou si, d’une façon générale, les formalités de constitution ne sont pas
régulièrement accomplies. Il s’agit précisément, selon les termes de l’article 886
de l’AUSCGIE, de l’émission des actions avant l’immatriculation de la société
au registre du commerce et du crédit mobilier, de l’émission des actions faite à
toute époque si l’immatriculation est faite en fraude, et de l’émission des actions,
sans que les formalités de constitution de la société aient été régulièrement
accomplies.
La fraude s’entend comme une action révélant chez son auteur une volonté
manifeste de nuire à autrui ou de tourner certaines prescriptions légales.
L’immatriculation représente une étape fondamentale dans la vie sociale.
Tant que la société n’est pas enregistrée, ses actions ne doivent pas être émises :
c’est un principe.
Le délit est constitué même en l’absence de mauvaise foi, par le seul fait de
l’émission, dès lors qu’est établie l’existence de l’une des irrégularités exigées.
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vérifier la régularité des opérations de constitution de la société. La faute étant
présumée, il n’est pas nécessaire que les tribunaux s’efforcent de préciser l’élément
moral.
Les coupables de cette infraction sont les fondateurs, le PDG, le DG, l’ADG
et son adjoint. Compte tenu de la qualité de ces dirigeants, il leur sera difficile
d’invoquer la bonne foie ou la méconnaissance des vices qui entachaient cette
opération, à moins d’apporter la preuve de ce qu’ils se sont trouvés dans
l’impossibilité absolue de prévoir et d’empêcher l’infraction.
Peines : de 3 mois à 3 ans de prison et une amende de 500 000 à 5 000000 Francs
CFA ou l’une de ces deux peines seulement (article 6 de la loi du 10 juillet 2003
portant répression des infractions contenues dans certains actes uniformes
OHADA.
Dès qu’elle est créée, la société doit entretenir une activité dans le but
d’accomplir son objet social. Les dirigeants qui ont un devoir de protection de
l’intégrité morale et patrimoniale de leur entreprise sont amenés à prendre des
décisions. Or certains de ces actes de gestion peuvent ne pas être sains. C’est
pourquoi le législateur réprime les abus des dirigeants dans la gestion (chapitre 1),
les atteintes au contrôle des sociétés (chapitre 2) et les infractions relatives au
financement des sociétés (chapitre 3).
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du juge répressif et non de celle des organes sociaux.
On note à cet effet la dépense sociale qui sert l’intérêt personnel des
dirigeants et qui n’a pas de contrepartie pour la société :
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Les dirigeants sociaux peuvent aussi avoir recherché un intérêt personnel
indirect consistant dans l’abus commis pour favoriser une autre société, personne
morale dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.
Les personnes susceptibles d’être poursuivies sont les seuls gérants de la
société dont les qualités sont précisées dans l’incrimination. Toutefois, ceux qui
ont participé au délit peuvent non seulement être poursuivis comme complices
mais encore comme receleurs de choses.
L’élément intentionnel est doublement requis. Il faut que l’acte contraire à
l’intérêt social ait été commis de mauvaise foi et à des fins personnelles ou pour
favoriser une autre société dans laquelle les dirigeants sont intéressés directement
ou indirectement.
La mauvaise foi correspond au dol général en ce qu’elle suppose que l’agent
ait eu conscience du caractère contraire à l’intérêt de la société de l’acte qui lui
est reproché. Les fins personnelles requises correspondent au dol spécial.
Peines : de 1 an à 5 ans et une amende de 2.000.000 à 20.000.000 FCFA. NB. Les
peines sont celles prévues à l’article 184 du Code pénal en ce qui concerne les
entreprises et établissements publics.
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La présentation des comptes faux intervient lorsque toutes les opérations
relatives à l’établissement desdits comptes ne sont pas fidèlement retracées, du
fait de certains abus commis dans la gestion. Tous les moyens sont alors utilisés
par le gestionnaire fautif pour justifier sa mauvaise gestion (fabrication de pièces
justificatives, par exemple).
L’élément moral. Pour être punissable, le délit de tromperie doit procéder d’une
intention frauduleuse. Généralement, la personne qui use d’un acte de tromperie le
fait en toute connaissance de cause.
Peine : emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 1 000 000 à 10 000 000 de
FCFA, tout directeur, gérant, administrateur ou contrôleur des comptes d’une
société qui, dans le but d’induire en erreur un ou plusieurs associés, actionnaires
ou créanciers, fait une fausse déclaration ou fournit un compte faux.
La juridiction peut, en outre, prononcer les déchéances prévues à l’article 30 du
Code pénal.
Afin d’empêcher les dirigeants sociaux de se livrer à des actes tendant à aliéner
le patrimoine social, le législateur a prévu des mécanismes de contrôle de gestion.
Le contrôle est en principe exercé dans la société par les actionnaires ou associés
et par un ou plusieurs commissaires aux comptes.
L’actionnaire ou l’associé étant le pilier de la société parce qu’il a contribué,
par son apport, à constituer sa mise en place, il doit en contrôler la gestion. Ce
contrôle a nécessairement une coloration patrimoniale et s’effectue par le biais
des documents qui doivent lui être communiqués, des questions écrites qu’il peut
poser aux dirigeants, et sa participation aux assemblées générales. Il se trouve
parfois que cette mission de contrôle peut être freinée dans la pratique par certains
agissements du dirigeant social, que le législateur réprime.
Par ailleurs, la comptabilité des sociétés étant tenue par un professionnel ou
un cabinet ad hoc, il s’avère difficile d’avancer avec exactitude que les chiffres
qui y sont portés soient irréprochables, tant par rapport à l’application des normes
comptables et fiscales, qu’à une éventuelle démarche répréhensible des dirigeants,
visant par exemple à sous-évaleur les résultats dégagés pour moins payer les
impôts, ou exclure un associé de la répartition des bénéfices, qu’à les surévaluer,
en vue d’obtenir un emprunt, ou intéresser d’éventuels souscripteurs de capital.
C’est pourquoi la loi a placé le commissaire aux comptes au centre de l’opération
de contrôle.
A tout dire, le contrôle des comptes sociaux est devenu une obligation légale
d’ordre public. Il s’impose du reste à toutes les entités qui sont économiquement
ou socialement importantes. Répondant à un souci de transparence, il garantit la
fiabilité de l’information financière donnée aux actionnaires, aux investisseurs et
plus globalement, au public. Ce contrôle est permanent, les commissaires aux
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comptes pouvant procéder à toute époque de l’année à tous contrôles qu’ils jugent
opportuns.
En effet, l’obstacle au contrôle concerne les dirigeants sociaux qui le feraient
dans le dessein de l’empêcher s’ils ont avoir commis des actes délictueux.
Seront successivement examinées les atteintes des dirigeants sociaux contre
les droits des associés (1) et contre les missions du commissaire aux comptes (2)
ou par ces derniers dans le cadre de leurs missions(3).
1/- Le délit d’entrave à l’exercice des fonctions de contrôle par les actionnaires
Le droit de participer à l’Assemblée générale est un droit fondamental de
l’actionnaire, qui ne peut lui être retiré et dont la violation est pénalement
sanctionnée.
L’assemblée générale des actionnaires dispose de tous les pouvoirs au sein
de la société anonyme. Elle a de ce fait la charge de l’ultime contrôle de la gestion
des affaires sociales. Elle se réunit généralement pour l’approbation des comptes
annuels, du rapport de gestion et de celui du commissaire aux comptes. Afin de
permettre d’exercer ce droit sans entrave, l’article 892 de l’AUSCGIE dispose
que : « encourent une sanction pénale ceux qui, sciemment, auront empêché un
actionnaire ou un associé de participer à une assemblée générale ».
L’élément matériel est constitué de deux comportements délictueux : la non
convocation de l’actionnaire et les différents obstacles à sa participation.
Afin que les actionnaires puissent s’exprimer en peine connaissance de cause
dans le cadre de l’assemblée générale, il import qu’ils soient convoqués et que les
convocations soient effectuées dans les règles. Cette convocation peut faite par
lettre ordinaire ou par lettre recommandée, si les statuts le prévoient. Lorsque la
société a émis des actions au porteur, la convocation se fait par convocation dans
un journal d’annonces légales. Dans tous les cas, il doit s’écouler un délai entre la
convocation et la tenue de l’assemblée générale, car il faut permettre aux
actionnaires de préparer la réunion. Le législateur OHADA a fixé ce délai à 15
jours au moins lorsqu’il s’agit de la première convocation et 06 jours pour les
convocations suivantes, lorsque l’assemblée générale n’a pas pu se tenir la
première fois.
La convocation doit indiquer la dénomination de la société suivie, le cas
échéant, de son sigle, la forme de la société, le numéro d’immatriculation au
registre du commerce et du crédit mobilier, les jour, heure et lieu de l’assemblée
générale, ainsi que sa nature ordinaire, extraordinaire ou spéciale et sn ordre du
jour, accompagnée le cas échéant des documents à examiner au cours de la réunion.
Le non-respect des formalités ci-dessus décrites, constitue l’élément matériel
de l’infraction (article 519 de l’AUSCGIE).
Par ailleurs, l’actionnaire qui a été régulièrement convoqué, peut voir sa
participation obstruée. C’est pourquoi l’article 519 de l’AUSCGIE vise également
à assurer toute prise régulière de décision par l’assemblée générale et à combattre
les manœuvres destinées à empêcher que le quorum soit atteint, non seulement par
la violence ou par tout autre obstacle matériel à l’assistance aux assemblées
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générales, mais encore par toute manœuvre frauduleuse ayant le même objet.
Le délit existe indépendamment de l’issue de l’assemblée générale. En effet,
il permet de sanctionner un acte positif d’entrave, lorsqu’il a pour but d’empêcher
que le quorum exigé soit atteint.
L’élément moral. L’adverbe « sciemment », utilisé par le législateur, prouve qu’il
ne s’agit d’une faute intentionnelle. Cette faute est constituée par le fait pour le
dirigeant de s’opposer en toute connaissance de cause, à la participation de
l’actionnaire à l’assemblée générale.
Peines : emprisonnement de 03 mois à 02 ans et amende de 500 000 à 1 000 000
de FCFA, ou de l’une de ces deux peines seulement (article de la loi de 2003).
2/- Les infractions commises contre les commissaires aux comptes
Le commissaire aux comptes, organe de contrôle externe, est nommé par
l’assemblée générale. Il vient renforcer le contrôle des organes internes de la
société. Il a, seul en amont, le pouvoir de faire barrage à l’escroquerie, à
l’entourloupe aux petits porteurs, à l’abus de biens sociaux. L’objectif de sa
mission d’intérêt public est d’obtenir l’assurance que les comptes ne comportent
pas d’anomalies significatives. Par la certification des comptes, les actionnaires, le
banquier, le client, le fournisseur et toute autre personne intéressée sont confiants
et rassurés.
Afin de permettre au commissaire aux comptes d’exercer ses fonctions en
toute impartialité et objectivité, le législateur a réprimé les manœuvres des
dirigeants sociaux pouvant l’empêcher d’exercer ses missions. Il s’agit des entraves
à l’exercice des fonctions du commissaire aux comptes.
Ainsi, en vue de s’assurer que les opérations de contrôle sont effectuées
selon les règles de l’art, le législateur a prévu des infractions pour contrecarrer les
deux grands périls relatifs à son exercice : l’absence de tout contrôle (1) et le défaut
de contrôle opéré (2).
1) L’absence de tout contrôle
Cette action peut se traduire par le défaut de désignation du commissaire aux
comptes, ou, s’il est désigné, de ne pas le convoquer à l’assemblée générale (b).
L’AUSCGIE dans ses articles 897 et 900, considère que de tels agissements
constituent des infractions.
a) La non-désignation
Conformément aux dispositions de l’article 15 de la loi de 2003
portant répression des infractions prévues dans certains actes uniformes de
l’OHADA, les dirigeants sociaux qui n’ont pas provoqué la désignation du
commissaire aux comptes, ou ne l’ont pas convoqué à l’assemblée générale,
25
sont punis d’un emprisonnement de 2 à 5 ans et d’une amende 500 000 à
5 000 000 de FCFA, ou de l’une de ces deux peines seulement.
Cela se comprendrait mal dès lors que l’article 694 AUSCGIE édicte que «
le contrôle est exercé dans chaque société anonyme par un ou plusieurs
commissaires aux comptes ».
En tant que contrepoids des dirigeants sociaux, ils ne sont pas toujours les
bienvenus pour ces derniers, parfois enclins à une gestion peu orthodoxe de la
société. C’est pourquoi, ils peuvent être amenés volontairement ou par négligence,
à s’opposer à leur désignation ou à s’abstenir de provoquer cette désignation.
Le délit a pour auteurs les dirigeants sociaux. Sa finalité est de sanctionner les
dirigeants qui entreprennent de faire échapper leur gestion comptable et financière
au contrôle des commissaires aux comptes.
Bien que le délit soit dénommé non désignation des commissaires aux
comptes, l’infraction vise en réalité le fait de ne pas avoir « provoqué la
désignation » des commissaires aux comptes. Ceci s’explique par le fait que les
commissaires étant des contrôleurs, ils ne peuvent pas être désignés directement
par les dirigeants contrôlés. Cela va de soi !
Ce délit est un délit d’omission comme l’expriment les termes « ne pas avoir
provoqué la désignation des commissaires aux comptes » en convoquant
l’assemblée générale chargée à cet effet.
Il peut aussi être un délit d’imprudence qui suppose bien évidemment la
preuve d’une faute de négligence si les dirigeants omettent d’accomplir les
diligences nécessaires pour la convocation de l’assemblée qui désigne les
commissaires.
L’action publique est mise en mouvement contre les dirigeants ayant le
pouvoir de convoquer l’assemblée générale, par le ministère public, le délit étant
un délit d’intérêt général.
26
b) Le défaut de convocation des commissaires aux comptes
28
Le délai de prescription court à partir de la date à laquelle les documents
comptables doivent être mis à la disposition du commissaire aux comptes.
b) Le refus de communication de documents comptables
Les commissaires aux comptes peuvent procéder à toutes les vérifications et
contrôles qu’ils jugent opportuns. Ils disposent par conséquent de tous les pouvoirs
d’investigation, notamment ceux d’accéder aux locaux, d’obtenir les explications
jugées utiles et la communication de documents comptables. Il en résulte que les
manœuvres visant à les empêcher de mener leurs investigations, dès lors qu’ils sont
le fait des dirigeants sociaux, ou de toute autre personne au service de la société,
sont réprimées.
L’élément matériel. L’article 900 de l’AUSCGIE vise toute entrave à la mission
du commissaire aux comptes, à l’instar du refus d’accès aux locaux, des tracasseries
diverses dans la mise à disposition des moyens nécessaires à l’investigation, de la
réticence à fournir des explications et la non-production ou la production partielle
de pièces réclamées. Il en est de même du refus de communication sur place de
toutes les pièces utiles à l’exercice de la mission, notamment les contrats, les livres,
les registres, bref tous les documents comptables.
L’élément moral. Le législateur punit ceux qui auront sciemment mis obstacles aux
fonctions du commissaire aux comptes. Il exclut ainsi les simples oublis ou
négligences, pour ne réprimer que le refus opposé volontairement pour faire obstacle
aux vérifications et contrôles.
L’obstruction volontaire est également établie par des réclamations verbales
et écrites restées sans réponses.
Peines : prévues par l’article 18 de la loi de 2003 : emprisonnement de 02 à 05 ans
et amende de 500 000 à 5 000 000 de FCFA, ou de l’une de ces deux peines
seulement.
Le délai de prescription court à partir du lendemain du jour de leur
commission.
3/- Les infractions commises par le commissaire aux comptes
Les fonctions de commissaire aux comptes nécessitent compétence, intégrité et
indépendance. L’indépendance étant garante d’une bonne certification, de
nombreuses dispositions ont été prévues en vue de l’empêcher d’être placé dans des
conditions qui risqueraient d’influencer son jugement (paragraphe 1).
Sujet de droit pénal, le commissaire aux comptes peut également être mis en
cause en tant qu’acteur principal ou complice de nombreuses infractions, du fait de
sa défaillance à accomplir l’une de ses obligations fondamentales par action ou
abstention, dont il convient d’examiner (paragraphe 2).
29
Paragraphe 1 : Le délit d’atteinte à l’indépendance
Chargé d’assurer la sincérité des informations financières, le commissaire aux
comptes doit travailler dans un état d’esprit lui permettant d’exercer ses missions
avec intégrité, objectivité et impartialité.
En vue de protéger cette indépendance, le législateur a dressé des prohibitions
sous forme d’incompatibilité qui constitue la condition préalable (1) et qu’il
convient de décliner avant d’analyser ses éléments constitutifs et la sanction
prévue(2).
1) Les conditions préalables à l’atteinte à l’indépendance
Elles se résument en l’exercice des fonctions de commissariat aux comptes, en
dépit des incompatibilités générales (a) et spéciales (b).
a) Les incompatibilités générales
Il ressort des dispositions de l’article 697 de l’AUSCGIE que « les fonctions des
commissaires aux comptes sont incompatibles avec tout acte de nature à porter
atteinte à son indépendance ». D’autres incompatibilités générales ressortent des
textes relatifs à l’exercice de la profession comptable libérale et au fonctionnement
de l’Ordre National des Experts Comptables du Cameroun (ONECCA) (articles 29
et 30 de la loi n°2011-009 du 09 mai 2011 relative à l’exercice de la profession
comptable libérale et au fonctionnement de l’ONECCA).
b) Les incompatibilités spéciales
Elles sont prévues aux articles 698 et suivants de l’AUSCGIE et peuvent être
résumées en incompatibilités des fonctions de contrôleur avec l’exercice direct
d’une activité sensible dans l’entreprise contrôlée (1°), et en incompatibilités
fondées sur des liens personnels, financiers, professionnels, unissant directement ou
indirectement le commissaire aux comptes à une structure dont il certifie les
comptes (2).
1°) Les incompatibilités spéciales découlant de certaines fonctions
Les dispositions des articles 699 et 700 de l’AUSCGIE interdisent que le
commissaire aux comptes soit nommé administrateur, administrateur général,
administrateur général adjoint, directeur général et directeur général adjoint dans les
sociétés qu’il contrôle, moins de cinq ans après la cessation de son mandat de
contrôle. La même interdiction s’applique aux associés d’une société de
commissaires aux comptes. Pendant le même délai, ceux-ci ne peuvent exercer la
mission de contrôle dans les sociétés possédant le 10 e du capital de la société
contrôlée par lui, ou dans les sociétés dans lesquelles la société contrôlée par lui
possède le 10e du capital, lors de la cessation de sa mission de commissaire aux
comptes.
30
De même, les personnes ayant été administrateurs, administrateurs généraux,
administrateurs généraux adjoints, directeurs généraux ou directeurs généraux
adjoints, gérants ou salariés d’une société, ne peuvent également être nommées
commissaire aux comptes dans la société moins de cinq années après la cessation de
leurs fonctions dans ladite société. Pendant le même délai, elles ne peuvent être
nommées commissaire aux comptes dans les sociétés possédant le 10 e du capital de
la société dans laquelle elles exerçaient leurs fonctions, ou dont celles-ci possédaient
le 10e du capital, lors de la cessation des fonctions.
Ces interdictions sont également applicables aux sociétés de commissaires aux
comptes dont lesdites personnes sont associées, actionnaires ou dirigeantes.
2°) Les incompatibilités découlant des liens de parenté
Conformément aux dispositions de l’article 700 de l’AUSCGIE, les fonctions de
commissaire aux comptes sont incompatibles avec :
- Les fondateurs, apporteurs, bénéficiaires d’avantages particuliers, dirigeants
sociaux de la société ou de ses filiales, ainsi que leurs conjoints ;
- Les parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclusivement des personnes
sus-citées ;
- Les dirigeants sociaux possédant le 10e du capital ainsi que leurs conjoints ;
- Les personnes qui, directement ou indirectement ou par personne interposée,
reçoivent, soit des personnes figurant au paragraphe 1 du présent article, soit
de toute société visée au paragraphe 3 du présent article, un salaire ou une
rémunération quelconque en raison d’une activité permanente autre que celle
de commissaire aux comptes. Il en est de même pour les conjoints de ces
personnes. ;
- Les sociétés de commissaires aux comptes dont l’un des associés,
actionnaires ou dirigeants se trouve dans l’une des situations visées aux
alinéas précédents ;
- Les sociétés de commissaires aux comptes dont soit l’un des dirigeants, soit
l’associé ou l’actionnaire exerçant les fonctions de commissaire aux
comptes, a son conjoint qui se trouve dans l’une des situations prévues.
2) Les éléments constitutifs de la violation des incompatibilités légales
a) L’élément matériel. Conformément à ces dispositions sus-citées, l’atteinte à
l’indépendance se commet par l’acceptation, l’exercice ou la conservation de
la mission de contrôle d’une structure, nonobstant les incompatibilités
légales.
b) L’élément moral. Le délit suppose un dol spécial qui est la connaissance des
incompatibilités en dépit desquelles la mission de contrôle a été acceptée,
exercée ou conservée.
31
En pratique, il n’est pas nécessaire de prouver le dol spécial, la violation
consciente d’une obligation légale préexistante, suffisant à caractériser
l’élément intentionnel. Cet élément moral ne fait en général l’objet d’aucun
débat. Ces professionnels étant en effet considérés comme des gardiens du
droit dans les sociétés qu’ils contrôlent.
Peines : prévues par l’article 16 de la loi de 2003 : emprisonnement de 02 à 05 ans
et une amende de 200 000 à 5 000 000 de FCFA ou de l’une de ces deux peines
seulement, toute personne qui soit, en son nom personnel, soit à titre d’associé d’une
société de commissaires aux comptes, a sciemment accepté, exercé ou conservé les
fonctions de commissaires aux comptes nonobstant les incompatibilités légales,
si ces fautes sont commises dans les sociétés privées.
Paragraphe 2 : Les autres infractions pouvant être commises par le
commissaire
aux comptes dans le cadre de l’exercice de sa mission
Il s’agit des comportements indélicats que les commissaires aux comptes
pourraient adopter dans l’exercice de leurs missions.
1) La publication ou la communication des informations mensongères
La mission du commissaire aux comptes étant de certifier que les comptes annuels
des structures contrôlées sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle de la
société, il convient de punir ceux qui auront trahi la confiance que les associés,
les actionnaires et le public leur auront accordée. Cette mission est encadrée par
les dispositions de l’article 710 de l’AUSCGIE selon lesquelles « le commissaire
aux comptes certifie que les états financiers de synthèse sont réguliers et sincères
et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi
que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice
».
L’infraction suppose l’existence d’une information mensongère se rapportant à
la mission du commissaire aux comptes et sa communication ou publication aux
associés ou aux tiers.
Conformément aux dispositions de l’article 899 de l’AUSCGIEA : « encourt
une sanction pénale, tout commissaire aux comptes qui, soit en son nom
personnel, soit à titre d’associé d’une société de commissaires aux comptes, aura
sciemment donné ou confirmé des informations mensongères sur la situation de
la société ou qui n’aura pas révélé au ministère public les faits délictueux dont il
aura eu connaissance ». Nous sommes en présence des altérations d’informations
imputables aux commissaires aux comptes. Quand les commissaires aux comptes
32
donnent ou confirment des informations mensongères dans le cadre de leurs
missions d’informations, ils s’exposent inéluctablement à des poursuites pénales.
L’article 716 de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales déclare quant à
lui que « le commissaire aux comptes signale les irrégularités et les inexactitudes
relevées par lui au cours de l’accomplissement de sa mission, à la plus proche
assemblée générale. En outre, il révèle au ministère public les faits délictueux
dont il a connaissance, sans que sa responsabilité puisse être engagée par cette
révélation ».
Ce délit trouve sa raison d’être dans l’idée que le contrôle serait vidé de son
utilité si les contrôleurs légaux pouvaient impunément donner des informations
qui sont mensongères au regard des connaissances qu’ils ont acquises lors de leurs
opérations de contrôle et de vérification.
Les informations protégées contre le mensonge doivent remplir deux
conditions, à savoir qu’elles doivent être des informations données en exécution
des missions légales ou rattachables à celles-ci, et elles doivent porter sur la
situation de la société.
Les informations données en exécution de ces missions sont toutes celles que
les commissaires aux comptes sont appelés à donner en exécution des textes
régissant leurs missions et au travers desquelles ils rendent compte de leurs
opérations de contrôle ou de vérification. Elles ont toutes vocation à être protégées
pénalement contre le mensonge car le délit trouve sa raison d’être dans l’idée
qu’un contrôleur légal ne saurait mentir.
Les commissaires aux comptes ont une mission permanente de vérification.
Les termes « avoir donné ou confirmé une information mensongère » ont pour
conséquence que le délit est un délit d’action qui, en vertu de la règle « il n’y a
pas de commission par omission » ne peut pas se commettre par omission.
Peines : emprisonnement de 02 à 05 ans et une amende de 200 000 à 5 000 000 de
FCFA ou de l’une de ces deux peines seulement.
Le silence du commissaire aux comptes qui s’abstient de dénoncer un bilan
33
manifestement inexact pour couvrir les malversations des dirigeants peut lui valoir
des poursuites judiciaires.
37
La jurisprudence soutient que « la présentation est, non pas la connaissance
donnée du bilan à l’assemblée générale, mais la mise à la disposition des
actionnaires qui en est faite dans les quinze jours précédant l’assemblée générale
».
Mais la présentation peut aussi résulter d’une communication faite aux
actionnaires en dehors de l’assemblée générale ou de la préparation de celle-ci.
La publication elle, s’entend par tout procédé portant le fait à la connaissance du
public, que ce soit par voie écrite ou orale, et cette communication doit être
collective, même si l’on conçoit que la multiplication de communications n’est
pas nécessairement une communication collective.
L’intention de l’auteur consiste dans l’action en connaissance de cause. C’est
la mauvaise foi caractérisée. La mauvaise foi est constituée par le fait que le
prévenu connaissait la situation difficile de l’entreprise.
Le but poursuivi en la matière est le dessein de dissimuler la véritable situation
de la société. Peu importe le mobile qui est tout à fait inopérant.
Le texte exige que les dirigeants aient agi en vue de dissimuler la véritable
situation de la société. Un dol spécial caractérisé est donc requis.
En raison des termes « en vue » il suffit que les dirigeants aient eu pour objectif
de dissimuler la véritable situation de la société, sans qu’il soit besoin que le
résultat ait été atteint.
Toutes les personnes qui sciemment ont provoqué ou activement participé à
l’établissement des comptes infidèles peuvent être complices.
Ce sont les personnes qui appartiennent au service comptable ou financier de
la société, les professionnels de la comptabilité tels des experts comptables ou
même des commissaires aux comptes.
Les sujets actifs sont le ministère public et les victimes du délit.
Peines : emprisonnement de1 mois à 5 ans et l’amende de 1.000.000 à 10.000.000
FCFA (article 8 de la loi de 2003).
Fixé par les statuts de la société, le capital est en principe intangible parce
qu’il constitue le gage des créanciers sociaux. En pratique, il arrive très souvent
qu’il subisse les modifications au cours de la vie de la société. Dans la mesure où
de telles modifications risquent de léser les créanciers de la société ou les associés
d’origine, le législateur sanctionne pénalement l’inobservation du mécanisme mis
en place à cet effet.
Toute modification du capital suppose une décision de l’assemblée générale
extraordinaire et l’observation des règles légales. L’inobservation de ces règles
sanctionnée, concerne l’augmentation du capital (section 1) et la réduction du
capital (section 2).
40
Le législateur punit dès lors, trois séries d’irrégularités.
La première frappe les administrateurs, les présidents du conseil
d’administration, le président-directeur général, le directeur général, le directeur
général adjoint, l’administrateur général et l’administrateur général adjoint d’une
société anonyme, qui lors de l’augmentation du capital, ont émis des actions ou des
coupures d’actions avant l’élément de certificat du dépositaire, ou sans
l’accomplissement régulier des formalités préalables à l’augmentation du capital.
La seconde s’applique à trois situations : les actions ou les coupures
d’actions ont été émises :
- Sans que le capital antérieurement souscrit de la société ait été entièrement
libéré ;
- Sans que les nouvelles actions d’apport aient été libérées antérieurement à
l’inscription modificative au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ;
- Sans que les nouvelles actions aient été libérées d’un quart au moins de leur
valeur nominale au moment de la souscription.
L’irrégularité ci-dessus décrite est d’autant justifiée, qu’il est
incompréhensible qu’une société prétende augmenter son capital social par
l’émission de nouvelles actions, alors même que ses actionnaires restent lui devoir
encore de l’argent, parce qu’ils n’auraient libéré que partiellement les titres qu’ils
détiennent.
La troisième irrégularité vise le non-maintien des actions en numéraire sous la
forme nominative, jusqu’à leur entière libération.
Les comportements, ainsi incriminés, quant à l’élément moral, résultent d’une
simple négligence très proche de la faute matérielle, à l’instar de ce qui est observé
lors de l’émission d’actions pendant la constitution de la société.
Les dirigeants sus-cités ont été visés par le législateur, parce qu’il leur a donné
les moyens de recouvrer les sommes dues. L’article 775 de l’AUSCGIE précise,
en effet, qu’en cas de non-paiement des sommes restant à verser sur les actions
libérées aux dates fixées par le Conseil d’Administration, la société adresse à
l’actionnaire défaillant une mise en demeure. Si dans un délai d’un mois, celle-ci
reste sans effet, la société poursuit de sa propre initiative la vente de ses actions.
C’est donc en réalité la négligence des dirigeants que le législateur sanctionne.
Paragraphe 2 : Le non-respect du droit préférentiel de souscription
Par définition, toute augmentation du capital est désavantageuse pour les
anciens actionnaires qui, avec l’arrivée de nouveaux actionnaires, verront leurs
droits diminués.
Afin de maintenir l’actionnariat d’origine dans les mêmes proportions, le
législateur OHADA, à travers l’article 894 de l’AUSCGIE, prévoit, en cas
d’augmentation du capital, que les anciens actionnaires aient le droit de garder la
même proportion du capital et par conséquent, les mêmes droits avant et après
l’opération.
Le droit préférentiel des actionnaires est double. Il s’exerce à titre
irréductible, proportionnellement au montant de leurs actions (il y a souscription à
titre irréductible lorsque l’actionnaire souscrit aux actions émises en numéraire,
41
sans possibilité de réduction de celles-ci, par rapport à la proportion des anciennes
actions détenues). Mais, les actionnaires peuvent également souscrire à titre
réductible ou éventuel, pour un nombre d’actions supérieur à celui auquel ils ont
droit (la souscription est réductible lorsque l’actionnaire a souscrit à un nombre
d’actions nouvelles excédant celui auquel il a droit, le trop souscrit pouvant lui être
attribué dans la limite de sa demande, avec possibilité de réduction).
L’élément matériel. Le législateur réprime le fait d’avoir réservé à des tiers tout
ou partie des actions nouvelles émises dans le cadre de l’augmentation du capital,
ainsi que le fait de répartir les titres entre les actionnaires, contrairement à la règle
de la proportionnalité.
L’article 2 de la loi de 2003 sanctionne le directeur général d’une société
anonyme qui, lors de l’augmentation du capital, s’est rendu coupable des trois
omissions suivantes :
- ne pas avoir fait bénéficier les actionnaires, proportionnellement au
montant de leurs actions, d’un droit préférentiel de souscription des actions
en numéraire, lorsque ce droit n’a pas été supprimé par l’assemblée
générale ;
- ne pas avoir réservé aux actionnaires un délai de 20 jours au moins à
compter de l’ouverture de la souscription, pour l’exercice de leurs droits ;
- ne pas avoir attribué des actions rendues disponibles faute d’un nombre
suffisant de souscriptions à titre préférentiel, aux actionnaires ayant souscrit
à titre réductible d’un nombre d’actions.
Ce sont des montages financiers ne respectant pas la proportionnalité et
portant, par conséquent atteinte à l’égalité des actionnaires, qui sont réprimes.
En précisant à l’alinéa 2 de l’article 573 de l’AUSCGIE que ce droit est
irréductible, le législateur le considère comme d’ordre public. Il en résulte que, non
seulement l’actionnaire ne peut en être privé, mais il ne peut être contraint de
souscrire de nouvelles actions en deçà de sa quote-part dans le capital social.
L’élément moral. La simple violation de ces dispositions suffit pour réaliser
pleinement ces infractions qui sont généralement non intentionnelles, caractérisées
par le seul fait qu’il y a eu manquement à la loi. La faute est donc présumée.
Peines : emprisonnement de 03 lois à 03 ans et une amende de 100 000 à 1 000 000
FCFA ou l’une de ces deux peines seulement.
42
extraordinaire, sur rapport du commissaire aux comptes, qui apprécie ses
conditions.
Pour être valable, la réduction du capital doit respecter les modalités de fond
et de forme, dont l’inobservation entraîne des sanctions.
L’élément matériel. L’article 14 de la loi de 2003 réprime, en effet, les dirigeants
sociaux qui, sciemment, ont procédé à la réduction du capital sans :
- respecter la règle d’égalité des actionnaires ;
- communiquer le projet de réduction du capital au commissaire aux comptes
45 jours avant la tenue de l’assemblée générale extraordinaire, appelée à
statuer.
L’élément moral. Il s’agit d’omissions volontaires. Le délit suppose, par
conséquent, une intention coupable.
Peines : l’article de la loi de 2003 prévoit l’emprisonnement de 03 mois à 03 ans
et une amende de 100 000 à 1 000 000 FCFA ou l’une de ces deux peines seulement
contre les dirigeants sociaux fautifs.
43
Titre III : Les infractions commises lorsque l’entreprise se trouve en
difficulté : les infractions relatives aux procédures collectives
d’apurement du passif (disposition de l’Acte Uniforme relatif aux
procédures collectives d’apurement du passif)
Une société peut disparaître du fait de l’arrivée du terme fixé par les
fondateurs ou encore de manière prématurée. Il est évident que dans son
fonctionnement, la société est amenée à connaître des périodes de prospérité ou
des moments de difficultés.
Chapitre 1 : La banqueroute
La dénomination de banqueroute vient de l’italien « banca rotta » ou
« banco rotto ». Elle tient à ce qu’au Moyen-âge, dans les villes italiennes, les
commerçants en faillite (le terme faillite vient du latin fallere : tomber) étaient
considérés comme des criminels dont le banc était rompu à l’assemblée des
marchands d’où ils étaient honteusement exclus. Par exemple, le comptoir d’un
banquier était brisé.
44
du service de caisse. La jurisprudence ajoute une condition supplémentaire en
exigeant que la situation de la société soit irrémédiablement compromise.
Toute cessation de paiement n’est pas en soi une infraction. Mais, le
débiteur peut être tenté, dans le but de différer l’ouverture de la procédure
collective de redressement ou de liquidation judiciaire, de commettre des
malversations qui pourraient aggraver le déficit. La banqueroute est par
conséquent un délit grave, dont la réalisation suppose la réunion de conditions
préalables (section 1) et des éléments constitutifs (section 2).
46
Section 2 : Les éléments constitutifs du délit de banqueroute
La loi de 2003 distingue des cas de banqueroute simple et assimilée
(paragraphe 1), des cas de banqueroute frauduleuse et assimilée (paragraphe 2).
Le droit OHADA consacre les articles 226,227, 228 et 229 à la banqueroute
simple et à la banqueroute frauduleuse.
En effet, l’article 227 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures
collectives d’apurement du passif prévoit que « les dispositions de la présente
section s’appliquent :
- aux commerçants personnes physiques
- aux associés des sociétés commerciales qui ont la qualité de
commerçants »
Par commerçants personnes physiques il faut entendre les entrepreneurs
individuels ayant la qualité de commerçants et les associés ou membres de
personnes morales tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales, qui
sont classiquement considérés comme étant des commerçants.
47
irrégularités ayant pour conséquence d’aggraver le passif de la société (1), la
tenue d’une comptabilité irrégulière ou absente (2), qu’il convient de décliner
avant d’analyser l’élément moral (3).
1) Les irrégularités ayant pour conséquence d’aggraver le passif
L’alinéa 2 de l’article 25 de la loi de 2003 vise le fait d’avoir, dans
l’intention de retarder la constatation de la cessation de paiement :
- Fait des achats en vue d’une revente en dessous du cours ;
- Dans la même intention, employé les moyens ruineux.
Le premier cas a pour objet d’empêcher la diminution du gage des
créanciers, qui pourrait résulter des comportements aboutissant à prolonger
artificiellement la vie de l’entreprise, dont la situation financière est
irrémédiablement compromise.
Par l’achat d’importantes quantités de marchandises généralement
payables à terme et leur revente immédiatement à un prix inférieur à leur cours,
l’agent se constitue une trésorerie lui permettant simplement de faire face aux
échéances les plus proches. Mais, les autres dettes subsistent. Compte tenu du
fait qu’il dans l’impossibilité de payer les marchandises achetées, il y a
aggravation de son passif.
Le délit suppose la réunion de deux conditions : l’achat de marchandises
suivi de leur revente en dessous du cours. Il s’agit donc de la revente à perte qui
peut être constatée en comparant simplement le prix d’achat porté sur les factures
d’achat avec le prix de vente. L’infraction ne saurait être retenue, si la vente à
perte a été causée par un cas de force majeur.
Quant à la deuxième incrimination, les moyens sont ruineux soit in
abstracto, parce que porteurs de difficultés en eux-mêmes, soit in concreto, au
regard de la situation particulière du débiteur.
Au rang de moyens pouvant mener l’entreprise à l’échec, se trouve
l’emprunt qui, en période suspecte, est contracté à des taux d’intérêt élevés.
L’appréciation du caractère ruineux va reposer sur le rapport entre les moyens
de refinancement et leurs coûts, au regard de la santé financière de l’entreprise.
L’élément intentionnel découlant de ces deux infractions se déduit des
circonstances de fait, la banqueroute simple étant liée à des erreurs de gestion ou
à des événements fortuits.
52
Malgré les obligations professionnelles auxquelles il est astreint, le syndic
peut accomplir les actes qui compromettent l’aboutissement de sa mission. De
telles malversations sont réprimées tant par le droit OHADA (Paragraphe 1) que
certaines dispositions du droit commun, notamment l’abus de confiance
(paragraphe 2).
Paragraphe 1. Les incriminations prévues par l’AUPCAP
Elles sont énoncées par l’article 243 de l’AUPCAP et se justifient par l’idée
selon laquelle la procédure est organisée dans l’intérêt de l’entreprise et des
créanciers, et non celui des auxiliaires de justice. Elles regroupent notamment le
délit de malversation (A) et d’acquisition des biens du débiteur (B).
A. Le délit de malversation
Il s’agit des fautes commises par le syndic dans sa gestion, et révélant sa
volonté d’enfreindre ses obligations vis-à-vis du débiteur ou de la masse.
Ce délit présente un caractère protéiforme quant à son élément matériel. A
ce titre, la loi énumère :
- L’exercice d’une activité professionnelle, sous le couvert d’une
entreprise du débiteur masquant ses agissements ;
- La dissipation des biens du débiteur ;
- La poursuite abusive dans l’intérêt personnel, soit directement, soit
indirectement d’une exploitation déficitaire de l’entreprise du débiteur.
L’intention coupable est présumée, en raison de la qualité de professionnel
de l’auteur.
B. L’acquisition ou l’usage des biens du débiteur
L’élément matériel consiste pour le syndic à disposer des biens du débiteur,
et à les acquérir pour son compte directement ou indirectement, en violation de
l’article 51 de l’AUPCAP.
Les biens, objets de l’acquisition, peuvent être corporels ou incorporels.
En conséquence, sont interdites la simple prise à bail d’un immeuble appartenant
au débiteur, l’acquisition par un administrateur des parts sociales de la société en
redressement judiciaire.
L’acquisition pouvant avoir un caractère indirect, la jurisprudence a
considéré que le délit peut être retenu contre l’administrateur judiciaire, si elle a
été faite par un collaborateur avec lequel le prévenu a des intérêts.
La solution est la même si les acquéreurs des biens sont des proches du
prévenu, ou lorsque ce dernier a dissimulé son identité, en établissant la facture
d’acquisition au nom d’un tiers.
L’intention coupable est présumée, en raison du fait que le syndic participe
à la procédure et ne saurait par conséquent ignorer que les biens dont il sera
acquéreur ou qu’il utilise à son profit appartiennent au débiteur.
Peines : emprisonnement de 5 à 10 ans et amende de 200 000 à 5 000 00 de
francs.
Paragraphe 2. L’abus de confiance
L’article 45 de l’AUPCAP fait obligation au syndic ayant collecté des
53
deniers au cours de l’exercice de sa mission, de les reverser dans un compte
bancaire, postal ou du trésor. En cas de retard, il est redevable des intérêts des
sommes qu’il n’a pas versées.
Outre sa responsabilité en cas de retard de versement, le syndic commet une
autre infraction en dissipant les fonds reçus, destinés au désintéressement des
créanciers. Dans une telle hypothèse, il pourra être poursuivi sous la qualification
d’abus de confiance.
Peines : les peines de l’article 318 du Code pénal (emprisonnement de 5 à
10 ans et l’amende de 100 000 à 1 000 000 de francs) seront doublées en raison
de la qualité d’auxiliaire de justice du syndic.
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Pour que cette infraction soit constituée, les capitaux propres de la société,
c’est-à-dire la somme des apports, des écarts de réévaluation, des réserves, du
report à nouveau créditeur, du bénéfice non distribué de l’exercice, des
subventions d’investissement et des provisions réglementées, déduction faite des
pertes, doivent être, du fait des pertes constatées dans les documents comptables,
inférieurs à la moitié du capital social.
Seuls les documents comptables, notamment les états financiers de synthèse,
peuvent permettre de confirmer la réduction du capital social. Les dirigeants
sociaux ne peuvent confirmer cette réduction du capital qu’avec l’approbation
des comptes ayant fait apparaître cette perte.
L’infraction est intentionnelle et présumée en raison de la qualité de dirigeant
de l’auteur de l’infraction.
Peines : emprisonnement de 2 à 5 ans et une amende de 500 000 à 5 000 000 de
francs ou de l’une de ces deux peines seulement (art.19 de la loi de 2003).
D’après une règle générale consacrée par l’article 240 de l’AUSCGIE, dès
qu’elle est l’objet de la dissolution, une société est en liquidation, pour quelque
cause que ce soit. Sa raison ou sa dénomination sociale est suivie de la mention
: « société en liquidation ».
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Pour protéger les tiers, la dissolution ne produit ses effets à leur égard qu’à
compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce.
La société dissoute conserve la personnalité morale pour les besoins de la
liquidation. Cette survivance étant indispensable pour maintenir le patrimoine
social jusqu’au moment où il sera partagé. Il est certain que la personnalité
morale postérieure à la dissolution est une personnalité diminuée qui n’est
maintenue que pour les besoins de la liquidation.
La liquidation de la société est un ensemble des opérations consistant,
après règlement du passif sur les éléments de l’actif, à convertir ces éléments
en argent liquide, de manière à ce que le partage puisse être effectué,
éventuellement, entre les associés. Elle consiste également à déterminer la part
que chaque associé doit prendre à sa charge dans le passif qui ne peut être réglé
sur l’actif.
Le rôle du liquidateur dans la réalisation de ces opérations est capital. D’où
l’intérêt de réglementer ces actes, tant du point de vue de sa nomination que de
celui de l’exercice de sa mission.
Le liquidateur est le représentant de la société en liquidation. Ses pouvoirs
sont déterminés d’après la mission qui lui est confiée et qui consiste à réaliser
l’actif, acquitter le passif et répartir le solde disponible.
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Il ressort de l’article 266 de l’AUSCGIE que l’acte de nomination des
liquidateurs, quelle que soit la forme, est publié dans le délai d’un mois à
compter de la nomination, dans un journal habilité à recevoir les annonces
légales de l’Etat partie du siège social, et doit contenir les indications
suivantes :
1°) la raison ou la dénomination sociale de la société suivie, le cas
échéant, de son sigle ;
2°) la forme de la société, suivie de la mention « société en
liquidation » ;
3°) le montant du capital social ;
4°) l’adresse du siège social ;
5°) le numéro d’immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit
Mobilier ;
6°) la cause de la liquidation ;
7°) les noms, prénoms usuels et domicile du ou des liquidateurs ;
8°) le cas échant, les limitations apportées à leurs pouvoirs ;
9°) le lieu où la correspondance doit être adressée et celui où les actes
et documents concernant la liquidation, doivent être notifiés.
A la diligence du liquidateur, les mêmes indications sont portées, par
lettre au porteur contre récépissé, ou par lettre recommandée avec demande
d’avis de réception, à a connaissance des porteurs d’actions et d’obligations
nominatives.
L’article 902 de l’AUSCGIE sanctionne le liquidateur qui n’aura pas
accompli sciemment, dans un délai d’un mois à compter de sa nomination,
la publication dans un journal habilité à recevoir des annonces légales du lieu
du siège social l’acte le nommant, et déposé au RCCM les décisions
prononçant la dissolution de la société. L’infraction est intentionnelle.
Peines : amende de 500 000 à 5 000 000 de francs (art.20 de la loi de 2003).
Section 2. Les infractions découlant de l’exercice des opérations de
liquidation
Dans le cadre de l’exercice de sa mission, le liquidateur est soumis à des
obligations qui, lorsqu’elles ne sont pas satisfaites, peuvent nuire aux intérêts
des associés et des tiers.
Chargé donc de représenter la société durant la liquidation, le liquidateur est
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assimilé au dirigeant social. Cependant, l’AUSCGIE ne lui accorde pas un
blanc-seing. Certaines restrictions encadrent sa liberté d’action. C’est donc à
juste titre que le droit pénal des affaires sanctionne les abus qu’il pourrait
commettre dans l’exercice de ses fonctions, et qui se résument en abstentions
(Paragraphe 1), à l’usage abusif des biens ou des crédits de la société
(Paragraphe 2), et à la cession d’actifs interdits (Paragraphe 3).
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répartition, les sommes affectées au partage entre les associés et les
créanciers ;
- déposé dans un compte de consignation ouvert dans les écritures du
trésor, dans un délai d’un an à compter de la clôture de la liquidation, des
sommes attribuées à des créanciers et non réclamées par eux.
Le liquidateur reconnu coupable de ces abstentions, sont punis
conformément aux dispositions de l’article 21 de la loi de 2003 d’une peine de
prison de 2 à 6 mois et d’une amende de 100 000 à 2 000 000 de francs.
L’intention coupable est présumée en raison de la qualité de
professionnel de l’auteur.
Paragraphe 2. L’usage abusif des biens ou du crédit de la société en
liquidation
L’article 904 de l’AUSCGIE reprend les dispositions de l’article
891 relative à l’abus des biens et du crédit de la société par es dirigeants sociaux.
Cette infraction peut donc être retenue contre le liquidateur qui fait un usage des
biens et du crédit de la société en liquidation à des fins personnelles ou un usage
contraire à l’intérêt de la société en liquidation.
En somme, il s’agit du délit spécifique d’abus de biens sociaux dans
le cadre de la liquidation.
Peines : emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 2 à 20 millions de francs,
ou de l’une de ces deux peines seulement (art.22 de la loi de 2003).
Lorsque l’infraction est commise dans une entreprise publique ou
un établissement public, la peine prévue est celle de l’article 184 du Code pénal.
Paragraphe 3. L’interdiction des cessions d’actifs
La mission normale du liquidateur est de réaliser l’actif de la
société en liquidation en vue de régler le passif. Pour éviter que le patrimoine de
la société en liquidation ne soit bradé, le législateur a limité sa liberté pour
certaines cessions.
L’article 904 de l’AUSCGIE réprime le liquidateur qui, de
mauvaise foi, aura cédé tout ou partie de l’actif de la société en liquidation à une
personne ayant eu dans la société la qualité d’associé en nom, de commandité,
de gérant, de membre du conseil d’administration, de commissaire aux comptes,
sans avoir obtenu le consentement unanime des associés ou à défaut,
l’autorisation de la juridiction compétente.
Les raisons de cette interdiction sont évidentes. La confusion
d’intérêts pourrait conduire à des fraudes et à des minorations des éléments
d’actifs cédés.
L’autorisation du tribunal permettra alors de s’assurer qu’en dépit
de la connaissance préalable de l’actif à acheter, les intérêts de la société en
liquidation ne seront pas lésés.
Peines : emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 2 à 20 millions de francs ou de l’une de ces
deux peines seulement (art.22 de la loi de 2003).
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