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COURS DE DROIT PENAL DES AFFAIRES

Pr Léon Chantal AMBASSA


Année Académique 202-2022

1
INTRODUCTION

« Le crime est aussi vieux que le monde ». Cet adage populaire traduit
à juste titre l’idée que « le crime ne s’observe pas seulement dans la plupart des
sociétés de telle ou telle espèce, mais dans toutes les sociétés de tous les types »,
c’est-à-dire que le crime est à la fois séculaire et permanent.
Aussi apparaît-il évident que les règles établies par les pouvoirs publics dans
le but d’éradiquer ou tout au moins de contenir le phénomène criminel, véritable
maladie du corps social, ne sont presque jamais intégralement respectées.

Individuellement ou en groupe et en quelque temps que ce soit, nombreux


sont les individus qui, pour de raisons diverses, volontairement ou involontairement
et par des moyens et méthodes tellement variés, transgressent les normes édictées
par les pouvoirs publics dans le but de préserver ou de rétablir une harmonie dans
la société. L’harmonie dans la société, sans laquelle aucune vie en société est
difficilement concevable, devant être comprise comme la protection de certaines
valeurs sociales telles que les personnes, les biens, les institutions auxquelles la
société a confié la gestion de la chose publique, les libertés publiques reconnues et
garanties aux citoyens de tout Etat de droit, etc.

Certains de ces comportements antisociaux (les plus dangereux pour l’ordre


social), qui portent atteinte aux valeurs sociales protégées, constituent le phénomène
criminel que le droit pénal décrit et sanctionne.

Ainsi, le droit pénal, au sens large, peut être défini comme la branche du droit
positif qui étudie la répression par l’Etat des atteintes contre les valeurs sociales
protégées.

Il ne s’agit pas d’un droit idéal ou naturel, mais d’un ensemble de règles de
droit positif, notamment de normes écrites auxquelles sont attachées des sanctions
ou peines, d’où le nom de droit pénal, également appelé droit criminel du qualificatif
des infractions pénales les plus graves (crimes). Il en résulte que le droit pénal ne
saurait être confondu avec la morale ou la religion1.

1
Sauf dans certains pays islamiques qui appliquent la charia.
2
Le droit pénal n’échappe pas à la règle d’évolution qui veut qu’en toute
matière certains rameaux se détachent un jour du tronc pour s’efforcer d’acquérir
une relative autonomie2. Ainsi doit-on distinguer les branches dites traditionnelles
(le droit pénal général, le droit pénal spécial, la procédure pénale et la science
pénitentiaire) et les branches dites nouvelles (la criminologie, la criminalistique, le
droit pénal international, le droit pénal des affaires, le droit pénal comparé, etc.).

◊ Les branches traditionnelles

A – Le droit pénal général

Le droit pénal général est la branche du droit pénal qui étudie la structure
légale de l’infraction, les conditions générales de la responsabilité pénale, les
diverses peines et les mesures de sûreté encourues, ainsi que la façon dont se fait le
dosage de ces moyens répressifs dans les diverses hypothèses que la pratique peut
présenter. En un mot, on peut dire que le droit pénal général étudie l’infraction et la
sanction.

B – Le droit pénal spécial

Le premier souci du législateur est de préciser la nature des interdits qu’il


érige en infractions et le régime au point de vue de la peine et de la procédure. Il
établit ainsi un catalogue des incriminations. L’étude détaillée, non plus de
l’infraction en général, mais de chacune des infractions prises individuellement (vol,
abus de confiance, assassinat, etc.), constitue l’objet du droit pénal spécial. C’est en

2
Jean PRADEL, Droit pénal général, Editions CUJAS, 2004, p.55.
3
quelque sorte l’examen descriptif des infractions avec, pour chacune de celles-ci,
ses divers éléments constitutifs, le cas échéant les circonstances aggravantes ou les
excuses atténuantes prévues par la loi, et le taux de sa peine.

Il s’avère donc que le droit pénal spécial est la branche du droit pénal la plus
concrètement utilisée. Dans la pratique, le pénaliste est sans cesse amené à
rechercher si le comportement anti-social dont il est saisi constitue une infraction et
dans l’affirmative, laquelle : c’est l’opération dite de qualification des faits.

C – La procédure pénale

Le droit pénal de fond (le droit pénal général et le droit pénal spécial) ne peut
recevoir son application qu’après le déroulement d’un procès devant une juridiction
répressive. L’organisation, le déroulement et le jugement de ce procès sont régis par
des règles dont l’ensemble constitue la procédure pénale.

En d’autres termes, la procédure pénale (droit pénal de forme) détermine


d’abord l’organisation et la compétence des juridictions répressives. Elle fixe
ensuite les règles et les formes qui doivent être suivies pour la recherche, la
constatation et la poursuite des infractions, pour l’administration des preuves de
l’imputabilité de celles-ci aux auteurs présumés et le jugement de ces derniers à
l’audience. Enfin, la procédure pénale réglemente l’autorité et les effets des
jugements répressifs et les voies de recours susceptibles d’être exercées contre ces
jugements.

L’on ne peut ne pas relever l’importance considérable de cette discipline. En


effet, la procédure pénale accorde à certains magistrats, aux officiers et agents de
police judiciaire des attributions leur permettant, dans certaines hypothèses et
conformément aux règles et formes prévues par la loi, de porter atteinte aux libertés
fondamentales du citoyen (liberté d’aller et de venir, droit à la vie privée, droit de

4
propriété, etc.). Les mesures privatives de liberté avant jugement (garde à vue et
détention provisoire), les contrôles d’identité, les perquisitions et saisies, par
exemple, sont autant de « points d’équilibre » entre la nécessité de protéger la
société contre les délinquants d’une part, et l’impérative protection des libertés
individuelles d’autre part.

Assurer la conciliation des impératifs d’efficacité de la protection de la


société contre les délinquants avec ceux de la nécessité du respect des libertés
individuelles, telle est la délicate mission que doit résoudre le droit pénal dans une
réelle démocratie.

D – La science pénitentiaire

La science pénitentiaire ou pénologie est l’étude des mesures pénales


destinées à lutter contre la criminalité. Il s’agit en d’autres termes de l’étude de tout
ce qui concerne l’exécution des sanctions pénales (particulièrement les peines
privatives de liberté), que celles-ci soient exécutées dans un établissement
pénitentiaire ou en milieu libre (en cas de libération conditionnelle, par exemple).

Il ne s’agit donc pas de l’examen de l’échelle des peines, mais de l’efficacité


de celles-ci, et surtout de leur régime d’exécution qui doit être organisé de façon à
ce que les peines produisent tous les effets attendus, c’est-à-dire pour l’essentiel, la
punition et l’amendement du délinquant.

◊ Les branches nouvelles

A – La criminologie

5
La criminologie est la science qui étudie, tant au niveau individuel qu’à
l’échelle de la collectivité, les causes (facteurs) et les processus de l’action
criminelle et qui détermine, à partir de la connaissance de ces causes et processus,
les moyens de lutte visant à éradiquer ou tout au moins à contenir la criminalité (le
crime) ainsi que les moyens de sa prévention. La criminologie étudie ainsi le
criminel, l’acte criminel et la réaction sociale contre la criminalité.

La criminologie ayant donc pour but l’étude du phénomène criminel dans sa


réalité sociale (sociologie criminelle) et dans sa réalité individuelle, il apparaît
qu’elle est une science pluridisciplinaire. Toute chose qui suppose, ce qui n’est pas
aisé, l’utilisation de nombreuses autres disciplines telles la psychologie, la
sociologie, la biologie, la médecine, la psychiatrie, etc.

Les recherches criminologiques sont à la fois utiles pour le législateur, qui


doit formuler de façon générale les normes adaptées, et le juge qui doit les appliquer
dans des cas concrets avec pour objectif d’avoir des peines justes et efficaces.

B – La criminalistique

Elle a pour objet la mise en œuvre des sciences et techniques susceptibles de


concourir efficacement à la lutte contre la criminalité, notamment en permettant ou
en facilitant soit la découverte des infractions, soit l’identification de leurs auteurs
et l’administration de la preuve de leur culpabilité.

La criminalistique comprend deux volets : l’Identité Judiciaire (photographie


et anthropométrie criminelles – dactylotechnie) et la police scientifique (médecine
légale, balistique, toxicologie, biologie, etc.).

C – Le droit pénal international

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La lutte contre la criminalité n’étant pas uniquement l’œuvre d’un Etat, mais
aussi celle de la communauté internationale, il existe un droit pénal international
qui, proche du droit international privé, s’attache aux conflits d’autorité
(compétence internationale, extradition, effets des sentences pénales étrangères,
etc.) et aux conflits des lois pénales.

Le droit pénal international, qui doit être distingué des règles édictées
unilatéralement par un Etat pour résoudre les conflits des lois et des juridictions 3,
se matérialise dans des conventions entre deux ou plusieurs Etats qui traitent des
questions pénales d’intérêt commun (entraide judiciaire, par exemple). Certaines de
ces conventions unissent les Etats d’un espace géographique donné et l’on parlera,
par exemple, d’un droit pénal de la CEMAC4, d’un droit pénal européen ou
américain. D’autres, en revanche, tendent à lier tous les Etats du monde et l’on
parlera cette fois de droit pénal international lato sensu. Ainsi distingue-t-on trois
sortes de droits pénaux :

- les droits pénaux nationaux (de chaque Etat tel le Cameroun, la France, la
Russie, par exemple) avec le cas échéant des sous-distinctions pour les
Etats fédéraux ou confédéraux (Etats Unis, Belgique, Suisse, etc.) ;
- les droits pénaux conventionnels regroupant les Etats d’une région ou d’un
continent (droit pénal de la CEMAC, droit pénal européen ou américain,
etc.) ;
- le droit pénal international lato sensu intéressant tous les Etats qui siègent
à l’O.N.U.
Le droit pénal international doit également être distingué du droit
international pénal qui, proche du droit international public, traite de la répression
des infractions imputables aux Etats ou à leurs dirigeants et agents (crimes de guerre,
crimes contre l’humanité, génocide).

3
Voire art. 7 – 16 du Code pénal camerounais.
4
Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale.
7
Pour la répression de ces crimes, la communauté internationale a été amenée
à mettre sur pied des juridictions, telles :

- le Tribunal militaire de Nuremberg institué en 1945 par les vainqueurs de


la seconde guerre mondiale (Etats Unis, U.R.S.S., Grande-Bretagne) pour
juger les criminels nazis ;
- le Tribunal Pénal International créé par la Résolution 80831 du 22 février
1993 du Conseil de sécurité de l’O.N.U. pour l’ex-Yougoslavie ;
- le Tribunal International pour le Rwanda institué par la Résolution 955 du
8 novembre 1994 ;
- la Cours Pénale Internationale créée par le Traité de Rome du 17 juillet
1998, aujourd’hui accusée par l’Union Africaine d’être une juridiction à
tête chercheuse et utilisée contre les dirigeants africains.

D – Le droit pénal des affaires

Dans le monde des affaires, la liberté d’entreprendre et d’investir comporte


de nombreux risques, au rang desquels le risque pénal ; d’où la nécessité d’un droit
pénal des affaires dont l’objectif est la recherche d’une éthique dans ce domaine. Le
droit pénal des affaires est né de la nécessité de disposer d’incriminations
spécifiques, face à l’inadaptation des infractions classiques ou de droit commun
contre les biens.

Jadis considéré comme partie du droit pénal spécial, le droit pénal des
affaires ou droit pénal économique peut être défini comme cette branche du droit
pénal qui étudie la répression des comportements jugés incompatibles ou contraires
à l’ordre économique et social.

Le droit pénal des affaires comprend lui-même plusieurs sous-branches


telles : le droit pénal du marché, le droit pénal commercial, le droit pénal du travail
et de la sécurité sociale, le droit pénal de l’environnement, le droit pénal financier,
le droit pénal de la concurrence, le droit pénal de la propriété intellectuelle, le droit

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pénal de la consommation, etc. On aboutit ainsi à une définition très large de son
domaine d’application, car toutes les infractions présentées par référence à la valeur
protégée en font partie. Le contenu du droit pénal des affaires au niveau du
Cameroun est éclaté dans diverses sources, notamment sur le plan communautaire
et interrégional, et sur le plan interne.

Sur le plan communautaire et interrégional, le Cameroun étant membre de la


CEMAC, CEEAC, l’OHADA, l’OAPI, les dispositions y relatives rentrent
logiquement dans son ordonnancement juridique. L’on peut ainsi citer :

- les actes uniformes OHADA relatifs au droit commercial, au droit des


sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, à la
comptabilité des entreprises, aux procédures collectives d’apurement du
passif, qui s’appliquent à toute société, y compris celle dans laquelle un
Etat ou une personne de droit public est associé ;
- l’accord de Bangui révisé en 1977 sur la propriété intellectuelle ;
- le règlement n°01/03/CEMAC/UMAC/CM du 04 avril 2003 portant
prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement
du terrorisme en Afrique Centrale, révisé par le règlement n°02/10 du 02
octobre 2010 ;
- le règlement n°02/CEMAC/UMAC/CM portant définition et répression de
l’usure dans les Etats de la CEMAC ;
- le règlement n°099/UEAC-CM-639 du 25 juin 1999 portant
réglementation des pratiques anticoncurrentielles ;
- le règlement n°4/99/UEAC-CM-639 portant réglementation des pratiques
étatiques affectant le commerce entre les Etats membres.
Sur le plan interne, l’on peut citer :

- le Code pénal ;
- la loi n°90/031 du 10 août 1990 régissant l’activité commerciale au
Cameroun ;
- la loi n°96/117 du 5 août 1996 relative à la normalisation ;
9
- la loi n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative aux droits d’auteur et aux
droits voisins ;
- la loi n°98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence ;
- la loi n°2003/008 du 10 juillet 2003 portant répression des infractions
contenues dans certains actes uniformes OHADA ;
- la loi n°2004/002 du 21 avril 2004 régissant la métrologie légale au
Cameroun ;
- la loi n°2011/012 du 6 mai 2011 portant protection des consommateurs.
On le voit. Le contenu du droit pénal des affaires au Cameroun est très
variable et relève des choix arbitraires. Aussi avons-nous fait le choix, dans le
présent cours, de considérer le droit pénal des affaires comme la branche du droit
pénal qui traite des infractions commises dans le cadre d’une entreprise et qui sont
sous-tendues par les considérations économiques ou de profit.
C’est pourquoi, nous allons centrer le présent cours sur la pratique des affaires
et le droit pénal des entreprises ou des sociétés. Etant entendu que les références à
des valeurs classiques reconnues et protégées par le Code pénal telles que : la
propriété, la foi publique, les conditions de travail défectueuses, l’intégrité physique
lorsque l’auteur agit dans le cadre d’une entreprise, etc. ont été étudiées dans le
cours de droit pénal spécial, aux détails desquels il est fait renvoi.

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PREMIERE PARTIE : LA PRATIQUE DES AFFAIRES ET LE DROIT
PENAL DES SOCIETES

Il est constant et évident que la plupart du temps, le gain prend le pas sur la
morale dans le monde des affaires. Lorsque la société commerciale est entre de
mauvaises mains, elle devient l’instrument idéal permettant de s’enrichir
frauduleusement. En effet, les personnes physiques, dans le but de lancer les
entreprises douteuses, peuvent se servir de la technique des sociétés, pour dépouiller
leurs partenaires qui leur font confiance. Peuvent alors subir un préjudice, les
actionnaires, les créanciers, les épargnants, les fournisseurs, etc. C’est dans ce
contexte qu’il a été créé des normes relatives au droit des sociétés entraînant un
accroissement corrélatif des obligations sanctionnées par les dispositions pénales en
cas de non-respect.
Ces dispositions pénales visent les actes posés à toutes les étapes de la société,
notamment pendant sa constitution (titre I), son fonctionnement (titre II), lorsqu’elle
est en difficultés (titre III) et à sa dissolution et sa liquidation (titre IV).

TITRE I : LES INFRACTIONS RELATIVES A LA CONSTITUTION OU A


LA FORMATION DES SOCIETES COMMERCIALES

Au moment de la constitution de la société, les infractions peuvent être


commises dans la recherche du capital social (chapitre 1). Elles peuvent également
l’être sur les actions irrégulières, accompagnant les actes de constitution entrepris
par les fondateurs de la société (chapitre II).

CHAPITRE I : LES INFRACTIONS LIEES A LA RECHERCHE DU


CAPITAL SOCIAL

La constitution ou la création des sociétés est l’œuvre des fondateurs qui


élaborent les projets des statuts, recherchent les capitaux en s’assurant de
l’accomplissement régulier des formalités légales. Il arrive bien souvent que, dans
la recherche du capital social (section 1), et dans sa réalisation (section 2), certains
actes déloyaux et mensongers soient commis.

SECTION 1 : LES ACTES DELOYAUX REPRIMES DANS LA


RECHERCHE DU CAPITAL SOCIAL

Le capital social est l’un des déterminants clés du patrimoine de la société et


mérite, à ce titre, d’être protégé au cours de sa constitution. En effet, la société ne
saurait fonctionner exclusivement avec les capitaux d’emprunt. Elle doit avoir des

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capitaux propres pour supporter les risques économiques que les potentiels prêteurs
n’accepteraient pas d’assumer.
Considéré comme le gage des créanciers, le législateur a voulu s’assurer de
sa réalité en réprimant d’un emprisonnement de 3 mois à 3 ans et d’une amende de
50 000 à 5 millions ou l’une de ces deux peine seulement, la simulation des
souscriptions ou des versements (paragraphe 1) et la publication faits faux
(paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LA SIMULATION DES SOUSCRIPTIONS OU DES


VERSEMENTS

Les fondateurs de la société doivent rassembler la totalité du capital social


annoncé ; ce qui permet de s’assurer qu’il correspond à une valeur réelle certaine.
Cependant, il n’est surprenant que, dans l’impossibilité de libérer la totalité des
actions, les fondateurs recourent à des combinaisons artificielles destinées à faire
croire aux tiers, à l’intégralité de la souscription. La simulation est donc le fait de
faire passer pour réels des souscriptions ou des versements qui en réalité sont fictifs
ou même inexistants. Aux termes de l’article 887 de l’AUSCGIE, « encourent une
sanction pénale :
1- ceux qui, sciemment, par l’établissement de la déclaration notariée de
souscription et de versement ou du certificat du dépositaire, auront affirmé
sincères et véritables des souscriptions qu’ils savaient fictives ou auront
déclaré que les fonds qui n’ont pas été mis définitivement à la disposition
de la société ont été effectivement versés ;
2- ceux qui auront remis au notaire ou au dépositaire, une liste des
actionnaires ou des bulletins de souscription et de versement mentionnant
des souscriptions fictives ou des versements de fonds qui n’ont pas été mis
définitivement à la disposition de la société ;

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3- ceux qui sciemment, par simulation de souscription ou de versement ou par
publication de souscription ou de versement qui n’existent pas ou de tous
autres faits faux, auront obtenu ou tenté d’obtenir des souscriptions ou des
versements ;
4- ceux qui, sciemment, pour provoquer des souscriptions ou des versements
auront publié les noms de personnes désignées contrairement à la vérité
comme étant ou devant être attachées à la société à un titre quelconque ;
ceux qui, frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en nature, une
évaluation supérieure à sa valeur réelle ».
La simulation de souscription ou de versements consiste à présenter pour vrais,
des souscriptions ou des versements qui, en réalité, n’existent guère.
Elle suppose donc à la base un mensonge, ce qui en fait un délit intentionnel.
Ce délit suppose des agissements de simulation et la recherche des souscriptions
ou des versements.
Les versements sont fictifs quand il est affirmé qu’ils ont été effectués, alors qu’il
n’en a été rien. On parle de versement fictif en l’absence de tout versement
nonobstant l’affirmation contraire, en cas de simulacre de versements apparents.
La doctrine déclare que « tous les procédés susceptibles d’accréditer, dans
l’esprit des tiers, cette idée, sont répréhensibles », et « peu importe la méthode
utilisée : déclarations verbales, reçus de complaisance, passation d’écritures ».
Il peut s’agir aussi, selon la jurisprudence, des manœuvres suivantes :
- établissement du certificat du dépositaire affirmant inexactement la
souscription intégrale du capital ou le versement du 1er quart ;
- fausses affirmations appuyées ou non de la production de documents fallacieux
;
- utilisation de jeux d’écritures ou d’artifices de comptabilité.
La souscription s’entend comme tout engagement pris en faveur d’une société et
rémunéré par la délivrance d’un titre quelconque. C’est un acte juridique par lequel
une personne s’engage à faire partie d’une société par actions en apportant une
somme d’argent en principe égale au montant nominal de son titre.
Le versement quant à lui est non seulement constitué du premier versement
effectué au moment de la constitution de la société, mais encore des versements
réalisés à la suite des appels des quarts subséquents.
La tentative d’obtenir des souscriptions ou des versements est punissable.
Elle est consommée lorsque l’agent aura accompli des actes de nature à amener
l’engagement de souscripteurs sérieux ou de versements de leur part. Il n’est donc
pas nécessaire que la souscription soit obtenue, puisque la simple tentative suffit
pour que l’infraction soit imputée à l’auteur. C’est pourquoi, l’objectif poursuivi,
qui se résume en l’obtention de souscription ou de versement, est un autre élément
constitutif du délit. Il y aura tentative par exemple, si les fondateurs sollicitent la
souscription d’action sans réussir à l’obtenir.
Le terme « sciemment » qui caractérise l’élément moral suppose que l’auteur

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de l’infraction a agi en connaissance de cause, qu’il a conscience du but poursuivi
et connaît la fausseté des faits prétendus. C’est l’élément intentionnel qui démontre
la conscience qu’a l’agent de réaliser une simulation susceptible d’entraîner des
souscriptions ou des versements. En vérité il est de mauvaise foi. En effet, l’objectif
affiché de la simulation est d’obtenir des souscriptions ou des versements. C’est ce
que traduisent les termes « ceux qui auront obtenu des souscriptions ou des
versements ».
Les auteurs de cette infraction sont en principe les fondateurs, mais
également les premiers administrateurs et même les administrateurs suivants, ainsi
que les membres du directoire ou les gérants, selon le cas, qui sont responsables
avec les fondateurs qui ont eu recours à la simulation pour obtenir des souscriptions
si, en connaissance de cause, ils procèdent à l’appel des quarts subséquents au
premier versement. Ceux qui, en connaissance de cause, préparent ou facilitent le
délit par des faits antérieurs ou concomitants à son exécution sont des complices.
C’est le cas par exemple d’un banquier qui délivre des reçus de complaisance.
L’infraction de simulation de souscription ou de versement, ainsi constituée,
appelle des particularités procédurales qu’il convient de relever.
L’action publique existe dès la consommation du délit. La restitution des fonds
obtenus par simulation ou le versement des fonds font subsister le droit de poursuite
de l’infraction. Elle se prescrit par trois ans, et le délai court du jour de
l’accomplissement du délit.
L’action civile appartient à toute personne ayant subi un préjudice du fait de
l’infraction. Aux actionnaires victimes des agissements frauduleux, et à la société en
tant qu’être collectif, l’action étant alors exercée par les administrateurs contre les
fondateurs ou d’autres administrateurs. Un créancier de la société peut également
intenter les poursuites judiciaires.

PARAGRAPHE 2 : LA PUBLICATION DE FAITS FAUX

Cette infraction est réalisée en vue d’obtenir des souscriptions ou des


versements. Il s’agit de la publication de souscriptions ou de versements qui
n’existent pas ou de tous autres faits faux, et de la publication des noms de
personnes désignées contrairement à la vérité comme étant ou devant être
attachées à la société, à un titre quelconque.

Le régime de cette infraction présente de nombreux points communs avec


le délit de simulation puisqu’ils ont le même but : obtenir des souscriptions ou des
versements.
La publication est réalisée par l’emploi de tout moyen d’information
destiné à toucher le public : insertion dans des documents ayant un caractère
officiel (journal d’annonces légales) ou insertion dans des documents privés, ou
leur distribution, tels que des imprimés. Le procédé visé est la publication, c’est-

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à-dire, le fait de porter le mensonge à la connaissance du public.
Ce peut être aussi des articles parus dans la presse (annonces radiodiffusées
ou projetées sur écran), ou encore la tenue de propos en public, notamment la
présentation d’un faux bilan à l’assemblée générale des actionnaires.
Des faits faux quelconques, des souscriptions ou versements inexistants et des
noms de personnes faussement attachées à la société peuvent être retenus comme
constitutifs du délit.
Les faits faux d’ordre juridique sont ceux qui consistent dans l’affirmation
inexacte de la constitution régulière de la société ou de la souscription intégrale
du capital social.
Les faits d’ordre économique peuvent être, la publication de circulaires ou
articles de journaux annonçant une hausse considérable des actions, les
affirmations inexactes sur le droit de propriété, la publication dans un code, de
cours fictifs.
Les noms des personnes faussement attachées à la société sont ceux des gens
jouissant d’un grand crédit ou d’une notoriété certaine, bien que dépourvues de
tout lien avec la société.
Ce délit est intentionnel, comme le souligne le mot « sciemment ».
Mais, s’agissant de la publication de noms de personnes faussement
attachées à la société, il est nécessaire que soit exigée, en dehors de la conscience
des agissements, la preuve de l’intention de l’auteur, d’autant plus que le texte
précise comme but de la publication « pour provoquer des souscriptions ou
versements ».
Les auteurs sont ceux qui ont publié des faits en sachant qu’ils sont faux,
pour obtenir des souscriptions ou des versements : ce sont les fondateurs, les
administrateurs ou les gérants.
Peuvent être poursuivis comme complices :

- les démarcheurs qui, après avoir réuni les éléments mensongers destinés à
faciliter l’émission des actions, les ont portés à la connaissance du public
sous forme de comptes rendus inexacts et trop élogieux de l’affaire ;
- les journalistes qui publient en connaissance de cause, les articles
mensongers conformément à la demande des fondateurs ou des
administrateurs ;
- le commissaire aux comptes qui, en connaissance de cause, certifie sincère
un bilan manifestement frauduleux, ou qui conseille un dirigeant en vue de
présenter à l’assemblée générale un bilan comportant de graves
inexactitudes

- le conseil juridique qui prépare les actes frauduleux destinés à être publiés
Sanctions prévues : 3 mois à 3 ans de prison ; 500.000 à 5.000.000 cfa d’amende
ou l’une de ces deux peines seulement.

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SECTION 2 : LES ACTES DELOYAUX REPRIMES DANS LA
REALISATION DU CAPITAL SOCIAL
Le législateur a réprimé ici deux infractions, notamment la déclaration
notariée mensongère (paragraphe 1) et la surévaluation des apports (paragraphe 2).
Les peines prévues sont l’emprisonnement de 03 mois à 03 ans et l’amende de
50 000 à 500 000 francs ou l’une de ces deux peines.
PARAGRAPHE 1 : LA DECLARATION NOTARIEE MENSONGERE
Les délits d’établissement frauduleux du certificat du dépositaire ou de la
déclaration notariée de souscription et de versement sont prévus par l’art.887
A.u.s.c alinéas 1 et 2 qui dispose : « encourent une sanction pénale :

1) ceux qui, sciemment, par l’établissement de la déclaration notariée de


souscription et de versement ou du certificat du dépositaire, auront affirmé
sincères et véritables des souscriptions qu’ils savaient fictives ou auront
déclaré que les fonds qui n’ont pas été mis définitivement à la disposition
de la société ont été effectivement versés ;

2) ceux qui auront remis au notaire ou au dépositaire, une liste des


actionnaires ou des bulletins de souscription et de versement mentionnant
des souscriptions fictives ou des versements de fonds qui n’ont pas été mis
définitivement à la disposition de la société ».

On sait en droit que pour que l’existence et l’authenticité du capital d’une


société par actions nouvellement créée soient affirmées aux yeux du public, les
fondateurs doivent faire une déclaration chez le notaire ou le dépositaire
(banquier) proclamant la sincérité des souscriptions et la réalité des versements
correspondants.

Dès lors, si le certificat de dépôt contient des allégations qualifiées de fausses,


les auteurs de ces mensonges sont condamnables.

Au regard de ce qui précède, on peut comprendre que les faits faux qui
entachent la déclaration doivent porter sur les souscriptions qui sont alors fictives,
ou encore sur les versements qui n’auront pas du tout été réalisés ou mis à la
disposition de la société.

PARAGRAPHE 2 : LA SUREVALUATION DES APPORTS EN


NATURE

Naturellement, il s’avère qu’un apport en numéraire ne peut pas faire l’objet


d’une surévaluation. Ce qui n’est pas le cas pour les apports en nature. En effet,
ces derniers peuvent donner lieu à une surévaluation qui, du reste, fausse l’égalité
des associés. C’est dans ce contexte que les commissaires aux apports doivent
user de vigilance lors de l’attribution de la valeur aux apports en nature.
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L’article 887 alinéa 4 de l’AUSCGIE prévoit le délit de la surévaluation des
biens apportés à la société et tend à sanctionner la fraude aux droits des associés.
Il sanctionne « ceux qui, frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en
nature, une évaluation supérieure à sa valeur réelle ».
L’infraction consiste dans le fait de participer à l’attribution de la valeur
d’un apport et de l’existence d’une évaluation excessive.
Faire attribuer suppose de la part de l’auteur du délit, un acte positif.
Dès lors, participe positivement à la surévaluation de l’apport, le
commissaire aux comptes qui rédige un rapport dans ce sens. Lorsqu’il est établi
que la surévaluation a eu lieu, il peut être poursuivi en justice.
Si la loi reconnaît à un apporteur le droit d’obtenir sans fraude le prix
maximum de son apport, il convient de dire que la même loi punit l’évaluation
manifestement excessive de l’apport, ce qui sous entend une exagération de la
valeur du bien apporté.
En l’espèce, le simple mensonge est suffisant pour constituer l’élément
matériel de l’infraction, tandis que la mauvaise foi en est l’élément moral.
L’attention des commissaires aux apports doit particulièrement être attirée en
tant que hommes de l’art, car la connaissance par eux de la surévaluation suffit
pour les attraire en justice du chef de cette infraction, au même titre que les
apporteurs indélicats.
Tout compte fait, ce sont les apporteurs et les commissaires aux comptes qui
peuvent être auteurs de cette infraction.

CHAPITRE 2 : LES INFRACTIONS RESULTANT DE L’IRREGULARITE


DES ACTIONS

Les infractions retenues dans ce cadre concernent exclusivement les


dirigeants des sociétés anonymes, compétents pour émettre les valeurs mobilières
susceptibles d’être négociées. Il s’agit du délit d’émission illicite des valeurs
mobilières (Section 1) et des délits résultant de la négociation d’actions (Section 2).
SECTION 1 : L’EMISSION ILLICITE DES VALEURS MOBILIERES
Les fondateurs et les administrateurs ont l’obligation de vérifier la régularité
de la constitution de la société et son immatriculation, avant de procéder à
l’émission de titre. Faute de quoi, la loi s’applique contre eux, conformément
termes de l’article 886 de l’AUSCGIE aux termes duquel : « est constitutif d’une
infraction pénale, le fait, pour les fondateurs, le président-directeur général, le
directeur général, l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint
d’une société anonyme d’émettre des actions avant l’immatriculation ou à
n’importe quelle époque lorsque l’immatriculation est obtenue par fraude ou que
la société est irrégulièrement constituée ».
Le délit suppose l’existence d’une condition préalable qu’il convient de
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décliner (paragraphe 1) avant d’examiner ses éléments constitutifs et sa peine
(paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LA CONDITION PREALABLE A L’EMISSION


ILLICITE DES VALEURS MOBILIERES

Les irrégularités dont il est fait état constituent donc une condition, un
préalable à l’infraction. Ces irrégularités concernent l’inobservation de certaines
règles relatives à la constitution des sociétés anonymes, à l’émission avant
l’immatriculation ou à la suite d’une immatriculation frauduleuse.
En effet, l’émission d’actions est répréhensible si l’immatriculation fait
défaut ou si, d’une façon générale, les formalités de constitution ne sont pas
régulièrement accomplies. Il s’agit précisément, selon les termes de l’article 886
de l’AUSCGIE, de l’émission des actions avant l’immatriculation de la société
au registre du commerce et du crédit mobilier, de l’émission des actions faite à
toute époque si l’immatriculation est faite en fraude, et de l’émission des actions,
sans que les formalités de constitution de la société aient été régulièrement
accomplies.
La fraude s’entend comme une action révélant chez son auteur une volonté
manifeste de nuire à autrui ou de tourner certaines prescriptions légales.
L’immatriculation représente une étape fondamentale dans la vie sociale.
Tant que la société n’est pas enregistrée, ses actions ne doivent pas être émises :
c’est un principe.
Le délit est constitué même en l’absence de mauvaise foi, par le seul fait de
l’émission, dès lors qu’est établie l’existence de l’une des irrégularités exigées.

PARAGRAPHE 2 : LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE L’EMISSION


ILLICITE DES VALEURS IMMOBILIERES
L’émission des actions s’entend ici comme la création matérielle des titres
et leur délivrance aux apporteurs. Celle-ci se déroule en principe en trois phases :
la confection matérielle du titre, le détachement du carnet et la remise au
souscripteur. L’infraction n’est réputée commise qu’à la fin de la dernière phase.
La tentative n’est donc pas punissable.
Avec la dématérialisation des titres, l’émission s’entend de l’obtention
définitive des actions résultant de la prise de possession des fonds déposés et de
l’inscription en compte au nom du propriétaire, sur les livres de l’intermédiaire
réalisant l’opération. L’émission pénalement réprimée suppose donc que les titres
remis au souscripteur lui permettent d’exercer tous les droits attachés à la qualité
d’actionnaire, notamment le droit sur l’actif social et sur les bénéfices
d’exploitation, du droit de participer à la gestion de la société et de négocier les
titres par voie commerciale.
La régularisation postérieure à l’émission est sans effet, l’infraction ayant
déjà été commise.
Le législateur sanctionne une un délit intentionnel, consistant à ne pas

18
vérifier la régularité des opérations de constitution de la société. La faute étant
présumée, il n’est pas nécessaire que les tribunaux s’efforcent de préciser l’élément
moral.
Les coupables de cette infraction sont les fondateurs, le PDG, le DG, l’ADG
et son adjoint. Compte tenu de la qualité de ces dirigeants, il leur sera difficile
d’invoquer la bonne foie ou la méconnaissance des vices qui entachaient cette
opération, à moins d’apporter la preuve de ce qu’ils se sont trouvés dans
l’impossibilité absolue de prévoir et d’empêcher l’infraction.

Peines : de 3 mois à 3 ans de prison et une amende de 500 000 à 5 000000 Francs
CFA ou l’une de ces deux peines seulement (article 6 de la loi du 10 juillet 2003
portant répression des infractions contenues dans certains actes uniformes
OHADA.

TITRE 2 : LES INFRACTIONS RELATIVES AU FONCTIONNEMENT


DES SOCIETES

Dès qu’elle est créée, la société doit entretenir une activité dans le but
d’accomplir son objet social. Les dirigeants qui ont un devoir de protection de
l’intégrité morale et patrimoniale de leur entreprise sont amenés à prendre des
décisions. Or certains de ces actes de gestion peuvent ne pas être sains. C’est
pourquoi le législateur réprime les abus des dirigeants dans la gestion (chapitre 1),
les atteintes au contrôle des sociétés (chapitre 2) et les infractions relatives au
financement des sociétés (chapitre 3).

CHAPITRE 1 : LES ABUS DES DIRIGEANTS DANS LA GESTION DES


SOCIETES

L’administration des sociétés expose leurs dirigeants à certaines tentations


auxquelles la pratique démontre qu’il n’est pas rare qu’ils succombent. Les
dirigeants sociaux peuvent en effet avoir la tentation d’utiliser le pouvoir de gestion
et d’administration, reçu des actionnaires, non pas dans l’intérêt de la société qu’ils
dirigent, mais dans leur intérêt personnel. Il n’est pas exclu qu’ils viennent à traiter
le patrimoine social comme le leur.

En outre, toute société étant soumise à la tenue obligatoire d’une comptabilité


en vue d’un bon fonctionnement, les mêmes dirigeants, aidés dans leur tâche par
les commissaires aux comptes, sont appelés à administrer cette comptabilité dans
le bon sens, au risque de poursuites judiciaires, sachant que la comptabilité est un
élément capital, voire obligatoire pour le fonctionnement de toute société.
Ainsi compris, le droit pénal prévoit des infractions relatives à la gestion des
affaires sociales, pour empêcher les abus venant des dirigeants sociaux qui ont un
pouvoir pour engager la société sans justifier d’un mandat spécial, et sont chargés
d’assurer la gérance, l’administration, la direction de la société.
19
De la sorte, ils peuvent se livrer à des abus de biens sociaux (1) et tenter de
justifier leurs actes en trompant les associés (2).

1/- L’abus de bien sociaux

Cette infraction, tout comme l’abus de confiance, consiste en des agissements


déloyaux des individus chargés de gérer les biens d’autrui. L’abus de biens
sociaux procède d’un acte d’administration contraire à l’intérêt de la société, à
l’instar de l’abus du crédit social ou de signature sociale.
L’article 891 A.u.s.c dispose : « encourent une sanction pénale, le gérant de la
société à responsabilité limitée, les administrateurs, le président directeur
général, le directeur général, l’administrateur général ou l’administrateur
général adjoint qui, de mauvaise foi, font du bien ou du crédit de la société, un
usage qu’ils savaient contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles,
matérielles ou morales, ou pour favoriser une autre personne morale dans
laquelle ils étaient intéressés, directement ou indirectement ».
Cette disposition légale incrimine les abus ou les atteintes ayant trait aux
valeurs patrimoniales que sont les biens sociaux ou le crédit de la société.
Bien qu’il soit communément dénommé abus des biens sociaux, le délit peut aussi
se commettre par usage abusif du crédit social.
Ces délits ont une finalité commune car ils tendent à sanctionner les
dirigeants qui traitent le patrimoine social comme leur patrimoine propre, en
méconnaissance du principe de séparation des patrimoines, ou qui gèrent la
société dans leur intérêt personnel, quand bien même leur mandat est un mandat
de gestion dans l’intérêt de la société. L’objectif du délit est en fait de sanctionner
les confusions entre le patrimoine social et patrimoine personnel.
Que sont les biens sociaux ?
Il peut s’agir de tous les biens mobiliers appartenant à la société (fonds sociaux,
matériels et marchandises). Il peut s’agir également de ses biens immobiliers et
même des biens incorporels (droit de créance, droit d’exploitation d’un brevet
d’invention, droit de clientèle).
En définitive, les biens sociaux représentent l’ensemble de l’actif mobilier et
immobilier d’une société destiné à l’intérêt de celle-ci.
Les biens sociaux doivent appartenir à la société et celle-ci doit être in bonis
c’est-à-dire que la société doit être maître de ses biens.
Le crédit social correspond de façon générale à la confiance financière qui est
attachée à la société à raison de son capital, de la nature de ses affaires et de la
bonne marche de celles-ci.
A propos de l’exigence d’un acte contraire à l’intérêt de la société qui du reste
paraît délicate à cerner, il faut noter que le texte d’incrimination ne définit pas
cette notion. Cette question étant d’essence pénale, elle relève de l’appréciation

20
du juge répressif et non de celle des organes sociaux.
 On note à cet effet la dépense sociale qui sert l’intérêt personnel des
dirigeants et qui n’a pas de contrepartie pour la société :

- Il s’agit du détournement de biens ou de fonds sociaux dans un intérêt


personnel direct (les dirigeants qui font livrer à leur domicile personnel du
matériel réglé par la société ou virent sur un compte personnel des sommes
d’argent dues à l’entreprise ou encore payent leur loyer personnel ou leurs
frais de vacances avec des fonds sociaux).
- Il s’agit du détournement de biens ou de fonds sociaux dans un intérêt
personnel indirect (les dirigeants qui affectent à une société dans laquelle
eux-mêmes ou leurs proches ont des intérêts, le matériel acheté par la
société qu’ils dirigent ; la société verse des salaires à des personnes qui ne
fournissent aucune prestation de travail et qui appartiennent à la famille des
dirigeants ou à leurs amis ou aux amis de leurs amis).
- Il s’agit de la perception de commissions personnelles sur des opérations
sociales (les dirigeants qui exigent et obtiennent une commission
personnelle parfois très élevée quand ils mènent une opération d’acquisition
pour le compte de la société, or, cette commission va souvent de pair avec
une surfacturation de l’acquisition à laquelle procède la société, cette
surfacturation permettant le versement de la commission personnelle. A
hauteur de la surfacturation, il y a un paiement sans contrepartie ou sans
cause pour la société qui sert les intérêts des dirigeants puisqu’elle permet
le paiement de la commission).
- Il s’agit de frais relationnels ou de réception pris en charge par la société
(frais servant à traiter la famille des dirigeants. En cas de frais relationnels
équivoques : frais de mariage d’un enfant ; demande de remboursement
direct de frais de restaurant ou de distraction sans justification de leur
bénéficiaire).

- Il s’agit de la perception par les dirigeants de rémunérations indues qui


sont, stricto sensu, les rémunérations perçues sans autorisation préalable du
conseil d’administration ou de l’assemblée générale.
- Il s’agit de la perception des rémunérations excessives qui sont des
rémunérations pouvant être considérées comme disproportionnées, soit par
rapport aux capacités financières de l’entreprise, soit par rapport au travail
fourni par les dirigeants.
La mauvaise foi de l’auteur de l’abus est requise, ainsi que la poursuite des fins
personnelles, le but d’intérêt personnel et égoïste qui constitue le dol spécial.
Le but d’intérêt personnel peut être pécuniaire et direct, mais aussi
professionnel et moral, ou se traduire par la faveur accordée à d’autres personnes
(entretien de relations d’amitié avec un tiers ou volonté de consolider une situation
au sein de la société et d’entretenir de relations avantageuses avec des personnes
influentes).

21
Les dirigeants sociaux peuvent aussi avoir recherché un intérêt personnel
indirect consistant dans l’abus commis pour favoriser une autre société, personne
morale dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.
Les personnes susceptibles d’être poursuivies sont les seuls gérants de la
société dont les qualités sont précisées dans l’incrimination. Toutefois, ceux qui
ont participé au délit peuvent non seulement être poursuivis comme complices
mais encore comme receleurs de choses.
L’élément intentionnel est doublement requis. Il faut que l’acte contraire à
l’intérêt social ait été commis de mauvaise foi et à des fins personnelles ou pour
favoriser une autre société dans laquelle les dirigeants sont intéressés directement
ou indirectement.
La mauvaise foi correspond au dol général en ce qu’elle suppose que l’agent
ait eu conscience du caractère contraire à l’intérêt de la société de l’acte qui lui
est reproché. Les fins personnelles requises correspondent au dol spécial.
Peines : de 1 an à 5 ans et une amende de 2.000.000 à 20.000.000 FCFA. NB. Les
peines sont celles prévues à l’article 184 du Code pénal en ce qui concerne les
entreprises et établissements publics.

2/- La tromperie des associés


Les associés représentent, dans toute société, les porteurs de parts ou
d’actions, à qui la loi reconnaît un certain nombre de droits. Il s’agit
particulièrement des droits des actionnaires dans les sociétés anonymes. Mais ces
dispositions s’appliquent aussi aux sociétés à responsabilité limitée, aux sociétés
en nom collectif et aux sociétés en commandite simple.

En tant qu’ils interviennent dans la vie sociale en leur qualité de membres


de l’assemblée générale, leurs droits au sein de celle-ci doivent être pénalement
garantis. Ces droits vont de la convocation de l’assemblée à la tenue d’icelle, en
passant par l’exercice du droit de vote et l’accès à l’assemblée.
L’élément matériel. Prévue par l’article 313 du Code pénal, cette
infraction consiste à réprimer le comportement des mandataires des associés ou
des actionnaires, coupables d’actes de malversations. Ces actes sont généralement
qualifiés d’abus de confiance.
Le législateur n’ayant pas défini l’acte de tromperie, celui-ci doit porter sur
des faits objectifs et certains, qui consistent généralement en des actes positifs,
commis à l’occasion des déclarations, ou de présentation des comptes. Ainsi, la
fausse déclaration peut résulter du fait pour le gérant d’une société d’utiliser une
double identité en vue d’induire les associés en erreur. Une telle attitude peut être
assimilée à l’emploi de manœuvres frauduleuses, et caractériser le délit,
lorsqu’elle a été déterminante pour l’attribution de la qualité d’associé dans une
société.
La fausse déclaration peut intervenir au cours de la présentation des
comptes. L’objectif poursuivi par le mandataire ou le gérant étant de les présenter
par le biais des artifices comme fiables, et déterminer les associés à les adopter.

22
La présentation des comptes faux intervient lorsque toutes les opérations
relatives à l’établissement desdits comptes ne sont pas fidèlement retracées, du
fait de certains abus commis dans la gestion. Tous les moyens sont alors utilisés
par le gestionnaire fautif pour justifier sa mauvaise gestion (fabrication de pièces
justificatives, par exemple).
L’élément moral. Pour être punissable, le délit de tromperie doit procéder d’une
intention frauduleuse. Généralement, la personne qui use d’un acte de tromperie le
fait en toute connaissance de cause.
Peine : emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 1 000 000 à 10 000 000 de
FCFA, tout directeur, gérant, administrateur ou contrôleur des comptes d’une
société qui, dans le but d’induire en erreur un ou plusieurs associés, actionnaires
ou créanciers, fait une fausse déclaration ou fournit un compte faux.
La juridiction peut, en outre, prononcer les déchéances prévues à l’article 30 du
Code pénal.

CHAPITRE 2 : LES INFRACTIONS RELATIVES AU CONTROLE DES


SOCIETES

Afin d’empêcher les dirigeants sociaux de se livrer à des actes tendant à aliéner
le patrimoine social, le législateur a prévu des mécanismes de contrôle de gestion.
Le contrôle est en principe exercé dans la société par les actionnaires ou associés
et par un ou plusieurs commissaires aux comptes.
L’actionnaire ou l’associé étant le pilier de la société parce qu’il a contribué,
par son apport, à constituer sa mise en place, il doit en contrôler la gestion. Ce
contrôle a nécessairement une coloration patrimoniale et s’effectue par le biais
des documents qui doivent lui être communiqués, des questions écrites qu’il peut
poser aux dirigeants, et sa participation aux assemblées générales. Il se trouve
parfois que cette mission de contrôle peut être freinée dans la pratique par certains
agissements du dirigeant social, que le législateur réprime.
Par ailleurs, la comptabilité des sociétés étant tenue par un professionnel ou
un cabinet ad hoc, il s’avère difficile d’avancer avec exactitude que les chiffres
qui y sont portés soient irréprochables, tant par rapport à l’application des normes
comptables et fiscales, qu’à une éventuelle démarche répréhensible des dirigeants,
visant par exemple à sous-évaleur les résultats dégagés pour moins payer les
impôts, ou exclure un associé de la répartition des bénéfices, qu’à les surévaluer,
en vue d’obtenir un emprunt, ou intéresser d’éventuels souscripteurs de capital.
C’est pourquoi la loi a placé le commissaire aux comptes au centre de l’opération
de contrôle.
A tout dire, le contrôle des comptes sociaux est devenu une obligation légale
d’ordre public. Il s’impose du reste à toutes les entités qui sont économiquement
ou socialement importantes. Répondant à un souci de transparence, il garantit la
fiabilité de l’information financière donnée aux actionnaires, aux investisseurs et
plus globalement, au public. Ce contrôle est permanent, les commissaires aux

23
comptes pouvant procéder à toute époque de l’année à tous contrôles qu’ils jugent
opportuns.
En effet, l’obstacle au contrôle concerne les dirigeants sociaux qui le feraient
dans le dessein de l’empêcher s’ils ont avoir commis des actes délictueux.
Seront successivement examinées les atteintes des dirigeants sociaux contre
les droits des associés (1) et contre les missions du commissaire aux comptes (2)
ou par ces derniers dans le cadre de leurs missions(3).

1/- Le délit d’entrave à l’exercice des fonctions de contrôle par les actionnaires
Le droit de participer à l’Assemblée générale est un droit fondamental de
l’actionnaire, qui ne peut lui être retiré et dont la violation est pénalement
sanctionnée.
L’assemblée générale des actionnaires dispose de tous les pouvoirs au sein
de la société anonyme. Elle a de ce fait la charge de l’ultime contrôle de la gestion
des affaires sociales. Elle se réunit généralement pour l’approbation des comptes
annuels, du rapport de gestion et de celui du commissaire aux comptes. Afin de
permettre d’exercer ce droit sans entrave, l’article 892 de l’AUSCGIE dispose
que : « encourent une sanction pénale ceux qui, sciemment, auront empêché un
actionnaire ou un associé de participer à une assemblée générale ».
L’élément matériel est constitué de deux comportements délictueux : la non
convocation de l’actionnaire et les différents obstacles à sa participation.
Afin que les actionnaires puissent s’exprimer en peine connaissance de cause
dans le cadre de l’assemblée générale, il import qu’ils soient convoqués et que les
convocations soient effectuées dans les règles. Cette convocation peut faite par
lettre ordinaire ou par lettre recommandée, si les statuts le prévoient. Lorsque la
société a émis des actions au porteur, la convocation se fait par convocation dans
un journal d’annonces légales. Dans tous les cas, il doit s’écouler un délai entre la
convocation et la tenue de l’assemblée générale, car il faut permettre aux
actionnaires de préparer la réunion. Le législateur OHADA a fixé ce délai à 15
jours au moins lorsqu’il s’agit de la première convocation et 06 jours pour les
convocations suivantes, lorsque l’assemblée générale n’a pas pu se tenir la
première fois.
La convocation doit indiquer la dénomination de la société suivie, le cas
échéant, de son sigle, la forme de la société, le numéro d’immatriculation au
registre du commerce et du crédit mobilier, les jour, heure et lieu de l’assemblée
générale, ainsi que sa nature ordinaire, extraordinaire ou spéciale et sn ordre du
jour, accompagnée le cas échéant des documents à examiner au cours de la réunion.
Le non-respect des formalités ci-dessus décrites, constitue l’élément matériel
de l’infraction (article 519 de l’AUSCGIE).
Par ailleurs, l’actionnaire qui a été régulièrement convoqué, peut voir sa
participation obstruée. C’est pourquoi l’article 519 de l’AUSCGIE vise également
à assurer toute prise régulière de décision par l’assemblée générale et à combattre
les manœuvres destinées à empêcher que le quorum soit atteint, non seulement par
la violence ou par tout autre obstacle matériel à l’assistance aux assemblées

24
générales, mais encore par toute manœuvre frauduleuse ayant le même objet.
Le délit existe indépendamment de l’issue de l’assemblée générale. En effet,
il permet de sanctionner un acte positif d’entrave, lorsqu’il a pour but d’empêcher
que le quorum exigé soit atteint.
L’élément moral. L’adverbe « sciemment », utilisé par le législateur, prouve qu’il
ne s’agit d’une faute intentionnelle. Cette faute est constituée par le fait pour le
dirigeant de s’opposer en toute connaissance de cause, à la participation de
l’actionnaire à l’assemblée générale.
Peines : emprisonnement de 03 mois à 02 ans et amende de 500 000 à 1 000 000
de FCFA, ou de l’une de ces deux peines seulement (article de la loi de 2003).
2/- Les infractions commises contre les commissaires aux comptes
Le commissaire aux comptes, organe de contrôle externe, est nommé par
l’assemblée générale. Il vient renforcer le contrôle des organes internes de la
société. Il a, seul en amont, le pouvoir de faire barrage à l’escroquerie, à
l’entourloupe aux petits porteurs, à l’abus de biens sociaux. L’objectif de sa
mission d’intérêt public est d’obtenir l’assurance que les comptes ne comportent
pas d’anomalies significatives. Par la certification des comptes, les actionnaires, le
banquier, le client, le fournisseur et toute autre personne intéressée sont confiants
et rassurés.
Afin de permettre au commissaire aux comptes d’exercer ses fonctions en
toute impartialité et objectivité, le législateur a réprimé les manœuvres des
dirigeants sociaux pouvant l’empêcher d’exercer ses missions. Il s’agit des entraves
à l’exercice des fonctions du commissaire aux comptes.
Ainsi, en vue de s’assurer que les opérations de contrôle sont effectuées
selon les règles de l’art, le législateur a prévu des infractions pour contrecarrer les
deux grands périls relatifs à son exercice : l’absence de tout contrôle (1) et le défaut
de contrôle opéré (2).
1) L’absence de tout contrôle
Cette action peut se traduire par le défaut de désignation du commissaire aux
comptes, ou, s’il est désigné, de ne pas le convoquer à l’assemblée générale (b).
L’AUSCGIE dans ses articles 897 et 900, considère que de tels agissements
constituent des infractions.
a) La non-désignation
Conformément aux dispositions de l’article 15 de la loi de 2003
portant répression des infractions prévues dans certains actes uniformes de
l’OHADA, les dirigeants sociaux qui n’ont pas provoqué la désignation du
commissaire aux comptes, ou ne l’ont pas convoqué à l’assemblée générale,

25
sont punis d’un emprisonnement de 2 à 5 ans et d’une amende 500 000 à
5 000 000 de FCFA, ou de l’une de ces deux peines seulement.
Cela se comprendrait mal dès lors que l’article 694 AUSCGIE édicte que «
le contrôle est exercé dans chaque société anonyme par un ou plusieurs
commissaires aux comptes ».
En tant que contrepoids des dirigeants sociaux, ils ne sont pas toujours les
bienvenus pour ces derniers, parfois enclins à une gestion peu orthodoxe de la
société. C’est pourquoi, ils peuvent être amenés volontairement ou par négligence,
à s’opposer à leur désignation ou à s’abstenir de provoquer cette désignation.

Pour prévenir ces comportements nuisibles à la structure, le législateur


Ohadien menace de sanctions pénales « les dirigeants sociaux qui n’auront pas
provoqué la désignation des commissaires aux comptes de la société ou ne les
auront pas convoqués aux assemblées générales ».
Pour que l’omission de provoquer la désignation des commissaires aux comptes
expose les dirigeants à une sanction pénale, il faut :
- que le contrôle dont s’agit ait un caractère obligatoire
- que l’entité soumise au contrôle ait dépassé le stade de sa constitution et
donc qu’elle soit entrée en activité
- qu’il y ait eu, en cours de vie sociale, une rupture dans la continuité du
contrôle.

Le délit a pour auteurs les dirigeants sociaux. Sa finalité est de sanctionner les
dirigeants qui entreprennent de faire échapper leur gestion comptable et financière
au contrôle des commissaires aux comptes.
Bien que le délit soit dénommé non désignation des commissaires aux
comptes, l’infraction vise en réalité le fait de ne pas avoir « provoqué la
désignation » des commissaires aux comptes. Ceci s’explique par le fait que les
commissaires étant des contrôleurs, ils ne peuvent pas être désignés directement
par les dirigeants contrôlés. Cela va de soi !

Ce délit est un délit d’omission comme l’expriment les termes « ne pas avoir
provoqué la désignation des commissaires aux comptes » en convoquant
l’assemblée générale chargée à cet effet.
Il peut aussi être un délit d’imprudence qui suppose bien évidemment la
preuve d’une faute de négligence si les dirigeants omettent d’accomplir les
diligences nécessaires pour la convocation de l’assemblée qui désigne les
commissaires.
L’action publique est mise en mouvement contre les dirigeants ayant le
pouvoir de convoquer l’assemblée générale, par le ministère public, le délit étant
un délit d’intérêt général.

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b) Le défaut de convocation des commissaires aux comptes

La constitution de l’infraction suppose que la désignation des commissaires


aux comptes est obligatoire. Il faut ensuite que l’assemblée générale ait été
convoquée.
L’élément matériel de cette infraction réside dans le défaut de convocation des
commissaires aux comptes aux assemblées générales qui ont été préalablement
convoquées. Le commissaire aux comptes doit être convoqué par lettre, avec
accusé de réception, au plus tard à la date de convocation des actionnaires.
La loi prévoit un autre type d’obstacle au contrôle : c’est l’obstacle aux
vérifications ou le refus de communication des documents.
Ce délit est d’ailleurs plus grave que le précédent et plus sévèrement puni.
Il suppose la mauvaise foi de l’auteur qui agit en connaissance de cause. Cette
infraction n’est pas l’apanage des seuls dirigeants sociaux (président,
administrateur, directeur général).

Il y a une diversité d’agissements constitutifs de ces obstacles :


- l’obstacle par opposition physique ou matérielle aux contrôles. Il se traduit
par des agressions physiques ou verbales à l’endroit du commissaire aux
comptes pour l’empêcher de procéder à ses vérifications.
- l’obstacle par refus ou défaut de satisfaction d’une demande de
communication. Le délit se commet par un refus catégorique ou exprès
opposé à la demande de communication, mais il le peut aussi en différant
sans cesse la satisfaction de la demande du commissaire, par promesses
incessantes de communication qui ne sont pas tenues en définitive.
Le délit en principe d’action, peut donc aussi se commettre par omission
délibérée de satisfaction de la demande de communication.
L’élément matériel suppose la conscience et la volonté d’entraver les missions
de contrôle des commissaires aux comptes.
Les auteurs principaux sont les dirigeants ayant commis les faits d’entrave aux
fonctions des commissaires, mais il y a aussi les personnes qui n’ont pas la qualité
de dirigeant mais qui sont au service de la personne morale contrôlée, les salariés
qui en raison de leur fonction ou de leur pouvoir dans la société peuvent satisfaire
les demandes d’information du commissaire aux comptes.
L’infraction peut être commise par toute personne au service de la société qui
refuserait toute vérification ou ne communiquerait pas les pièces utiles comme les
contrats, les livres, les documents comptables et les registres des procès-verbaux.
La jurisprudence assimile même au refus proprement dit, la simple réticence
à fournir des explications, l’atermoiement inexcusable, la production partielle des
documents.
Peines: infraction prévue à l’art. 897 de l’Acte uniforme, emprisonnement allant
de 2 à 5 ans d’emprisonnement et d’une amende de 500.000 à 5.000.000 de FCFA.
27
2) Le défaut de contrôle
Les dirigeants sociaux peuvent aussi faire obstacle aux vérifications d’usage
en refusant notamment de communiquer des documents utiles au commissaire
aux comptes pour l’accomplissement de sa mission.
Ce défaut de contrôle peut être soi la conséquence de l’inexistence des
documents comptables (a), soit du refus de leur communication (b).
a) L’inexistence des documents comptables
Les livres comptables constituent la mémoire de la société. En effet, ils retracent
les mouvements les plus infimes de son patrimoine. C’est au vu de cette importance
et pour en assurer l’effectivité que le législateur sanctionne l’inexécution de cette
obligation comptable.
L’élément matériel. Il résulte, aux termes de l’article 38 de la loi de 2003, dans
l’inexistence des documents attestant de la tenue de la comptabilité, notamment
l’inventaire, les états financiers, le rapport de gestion et le bilan social.
Des dispositions de l’article 19 de l’Acte Uniforme relatif au droit comptable
OHADA, les livres comptables et autres supports dont la tenue est obligatoire sont :
-le livre journal dans lequel sont inscrits les mouvements de l’exercice enregistrés
en comptabilité ;
-le grand livre constitué par l’ensemble des comptes de l’entreprise dans lequel
sont reportés ou inscrits simultanément au journal, compte par compte, les
différents mouvements de l’exercice ;
-la balance générale des comptes, qui est un état récapitulatif faisant apparaître, à
la clôture de chaque exercice, pour chaque compte, le solde débiteur ou créditeur à
l’ouverture de l’exercice, le cumul depuis l’ouverture de l’exercice, des
mouvements créditeurs, le solde débiteur ou créditeur, à la date considérée ;
-le livre d’inventaire dans lequel sont transcrits le bilan et le compte de résultats de
chaque exercice, ainsi que le résumé de l’opération.
A ces documents, il faudrait y ajouter les états financiers de synthèse.
L’élément moral. Il résulte de la mauvaise foi, découlant de l’inexistence des
documents comptables. Cet élément est généralement présumé, les dirigeants
sociaux, ayant en la matière, une obligation de résultat.
Peines : emprisonnement de 03 mois à 03 ans et une amende de 500 000 à
5 000 000 de FCFA, ou de l’une de ces deux peines seulement.

28
Le délai de prescription court à partir de la date à laquelle les documents
comptables doivent être mis à la disposition du commissaire aux comptes.
b) Le refus de communication de documents comptables
Les commissaires aux comptes peuvent procéder à toutes les vérifications et
contrôles qu’ils jugent opportuns. Ils disposent par conséquent de tous les pouvoirs
d’investigation, notamment ceux d’accéder aux locaux, d’obtenir les explications
jugées utiles et la communication de documents comptables. Il en résulte que les
manœuvres visant à les empêcher de mener leurs investigations, dès lors qu’ils sont
le fait des dirigeants sociaux, ou de toute autre personne au service de la société,
sont réprimées.
L’élément matériel. L’article 900 de l’AUSCGIE vise toute entrave à la mission
du commissaire aux comptes, à l’instar du refus d’accès aux locaux, des tracasseries
diverses dans la mise à disposition des moyens nécessaires à l’investigation, de la
réticence à fournir des explications et la non-production ou la production partielle
de pièces réclamées. Il en est de même du refus de communication sur place de
toutes les pièces utiles à l’exercice de la mission, notamment les contrats, les livres,
les registres, bref tous les documents comptables.
L’élément moral. Le législateur punit ceux qui auront sciemment mis obstacles aux
fonctions du commissaire aux comptes. Il exclut ainsi les simples oublis ou
négligences, pour ne réprimer que le refus opposé volontairement pour faire obstacle
aux vérifications et contrôles.
L’obstruction volontaire est également établie par des réclamations verbales
et écrites restées sans réponses.
Peines : prévues par l’article 18 de la loi de 2003 : emprisonnement de 02 à 05 ans
et amende de 500 000 à 5 000 000 de FCFA, ou de l’une de ces deux peines
seulement.
Le délai de prescription court à partir du lendemain du jour de leur
commission.
3/- Les infractions commises par le commissaire aux comptes
Les fonctions de commissaire aux comptes nécessitent compétence, intégrité et
indépendance. L’indépendance étant garante d’une bonne certification, de
nombreuses dispositions ont été prévues en vue de l’empêcher d’être placé dans des
conditions qui risqueraient d’influencer son jugement (paragraphe 1).
Sujet de droit pénal, le commissaire aux comptes peut également être mis en
cause en tant qu’acteur principal ou complice de nombreuses infractions, du fait de
sa défaillance à accomplir l’une de ses obligations fondamentales par action ou
abstention, dont il convient d’examiner (paragraphe 2).
29
Paragraphe 1 : Le délit d’atteinte à l’indépendance
Chargé d’assurer la sincérité des informations financières, le commissaire aux
comptes doit travailler dans un état d’esprit lui permettant d’exercer ses missions
avec intégrité, objectivité et impartialité.
En vue de protéger cette indépendance, le législateur a dressé des prohibitions
sous forme d’incompatibilité qui constitue la condition préalable (1) et qu’il
convient de décliner avant d’analyser ses éléments constitutifs et la sanction
prévue(2).
1) Les conditions préalables à l’atteinte à l’indépendance
Elles se résument en l’exercice des fonctions de commissariat aux comptes, en
dépit des incompatibilités générales (a) et spéciales (b).
a) Les incompatibilités générales
Il ressort des dispositions de l’article 697 de l’AUSCGIE que « les fonctions des
commissaires aux comptes sont incompatibles avec tout acte de nature à porter
atteinte à son indépendance ». D’autres incompatibilités générales ressortent des
textes relatifs à l’exercice de la profession comptable libérale et au fonctionnement
de l’Ordre National des Experts Comptables du Cameroun (ONECCA) (articles 29
et 30 de la loi n°2011-009 du 09 mai 2011 relative à l’exercice de la profession
comptable libérale et au fonctionnement de l’ONECCA).
b) Les incompatibilités spéciales
Elles sont prévues aux articles 698 et suivants de l’AUSCGIE et peuvent être
résumées en incompatibilités des fonctions de contrôleur avec l’exercice direct
d’une activité sensible dans l’entreprise contrôlée (1°), et en incompatibilités
fondées sur des liens personnels, financiers, professionnels, unissant directement ou
indirectement le commissaire aux comptes à une structure dont il certifie les
comptes (2).
1°) Les incompatibilités spéciales découlant de certaines fonctions
Les dispositions des articles 699 et 700 de l’AUSCGIE interdisent que le
commissaire aux comptes soit nommé administrateur, administrateur général,
administrateur général adjoint, directeur général et directeur général adjoint dans les
sociétés qu’il contrôle, moins de cinq ans après la cessation de son mandat de
contrôle. La même interdiction s’applique aux associés d’une société de
commissaires aux comptes. Pendant le même délai, ceux-ci ne peuvent exercer la
mission de contrôle dans les sociétés possédant le 10 e du capital de la société
contrôlée par lui, ou dans les sociétés dans lesquelles la société contrôlée par lui
possède le 10e du capital, lors de la cessation de sa mission de commissaire aux
comptes.
30
De même, les personnes ayant été administrateurs, administrateurs généraux,
administrateurs généraux adjoints, directeurs généraux ou directeurs généraux
adjoints, gérants ou salariés d’une société, ne peuvent également être nommées
commissaire aux comptes dans la société moins de cinq années après la cessation de
leurs fonctions dans ladite société. Pendant le même délai, elles ne peuvent être
nommées commissaire aux comptes dans les sociétés possédant le 10 e du capital de
la société dans laquelle elles exerçaient leurs fonctions, ou dont celles-ci possédaient
le 10e du capital, lors de la cessation des fonctions.
Ces interdictions sont également applicables aux sociétés de commissaires aux
comptes dont lesdites personnes sont associées, actionnaires ou dirigeantes.
2°) Les incompatibilités découlant des liens de parenté
Conformément aux dispositions de l’article 700 de l’AUSCGIE, les fonctions de
commissaire aux comptes sont incompatibles avec :
- Les fondateurs, apporteurs, bénéficiaires d’avantages particuliers, dirigeants
sociaux de la société ou de ses filiales, ainsi que leurs conjoints ;
- Les parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclusivement des personnes
sus-citées ;
- Les dirigeants sociaux possédant le 10e du capital ainsi que leurs conjoints ;
- Les personnes qui, directement ou indirectement ou par personne interposée,
reçoivent, soit des personnes figurant au paragraphe 1 du présent article, soit
de toute société visée au paragraphe 3 du présent article, un salaire ou une
rémunération quelconque en raison d’une activité permanente autre que celle
de commissaire aux comptes. Il en est de même pour les conjoints de ces
personnes. ;
- Les sociétés de commissaires aux comptes dont l’un des associés,
actionnaires ou dirigeants se trouve dans l’une des situations visées aux
alinéas précédents ;
- Les sociétés de commissaires aux comptes dont soit l’un des dirigeants, soit
l’associé ou l’actionnaire exerçant les fonctions de commissaire aux
comptes, a son conjoint qui se trouve dans l’une des situations prévues.
2) Les éléments constitutifs de la violation des incompatibilités légales
a) L’élément matériel. Conformément à ces dispositions sus-citées, l’atteinte à
l’indépendance se commet par l’acceptation, l’exercice ou la conservation de
la mission de contrôle d’une structure, nonobstant les incompatibilités
légales.
b) L’élément moral. Le délit suppose un dol spécial qui est la connaissance des
incompatibilités en dépit desquelles la mission de contrôle a été acceptée,
exercée ou conservée.

31
En pratique, il n’est pas nécessaire de prouver le dol spécial, la violation
consciente d’une obligation légale préexistante, suffisant à caractériser
l’élément intentionnel. Cet élément moral ne fait en général l’objet d’aucun
débat. Ces professionnels étant en effet considérés comme des gardiens du
droit dans les sociétés qu’ils contrôlent.
Peines : prévues par l’article 16 de la loi de 2003 : emprisonnement de 02 à 05 ans
et une amende de 200 000 à 5 000 000 de FCFA ou de l’une de ces deux peines
seulement, toute personne qui soit, en son nom personnel, soit à titre d’associé d’une
société de commissaires aux comptes, a sciemment accepté, exercé ou conservé les
fonctions de commissaires aux comptes nonobstant les incompatibilités légales,
si ces fautes sont commises dans les sociétés privées.
Paragraphe 2 : Les autres infractions pouvant être commises par le
commissaire
aux comptes dans le cadre de l’exercice de sa mission
Il s’agit des comportements indélicats que les commissaires aux comptes
pourraient adopter dans l’exercice de leurs missions.
1) La publication ou la communication des informations mensongères
La mission du commissaire aux comptes étant de certifier que les comptes annuels
des structures contrôlées sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle de la
société, il convient de punir ceux qui auront trahi la confiance que les associés,
les actionnaires et le public leur auront accordée. Cette mission est encadrée par
les dispositions de l’article 710 de l’AUSCGIE selon lesquelles « le commissaire
aux comptes certifie que les états financiers de synthèse sont réguliers et sincères
et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi
que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice
».
L’infraction suppose l’existence d’une information mensongère se rapportant à
la mission du commissaire aux comptes et sa communication ou publication aux
associés ou aux tiers.
Conformément aux dispositions de l’article 899 de l’AUSCGIEA : « encourt
une sanction pénale, tout commissaire aux comptes qui, soit en son nom
personnel, soit à titre d’associé d’une société de commissaires aux comptes, aura
sciemment donné ou confirmé des informations mensongères sur la situation de
la société ou qui n’aura pas révélé au ministère public les faits délictueux dont il
aura eu connaissance ». Nous sommes en présence des altérations d’informations
imputables aux commissaires aux comptes. Quand les commissaires aux comptes

32
donnent ou confirment des informations mensongères dans le cadre de leurs
missions d’informations, ils s’exposent inéluctablement à des poursuites pénales.
L’article 716 de l’Acte uniforme sur les sociétés commerciales déclare quant à
lui que « le commissaire aux comptes signale les irrégularités et les inexactitudes
relevées par lui au cours de l’accomplissement de sa mission, à la plus proche
assemblée générale. En outre, il révèle au ministère public les faits délictueux
dont il a connaissance, sans que sa responsabilité puisse être engagée par cette
révélation ».
Ce délit trouve sa raison d’être dans l’idée que le contrôle serait vidé de son
utilité si les contrôleurs légaux pouvaient impunément donner des informations
qui sont mensongères au regard des connaissances qu’ils ont acquises lors de leurs
opérations de contrôle et de vérification.
Les informations protégées contre le mensonge doivent remplir deux
conditions, à savoir qu’elles doivent être des informations données en exécution
des missions légales ou rattachables à celles-ci, et elles doivent porter sur la
situation de la société.
Les informations données en exécution de ces missions sont toutes celles que
les commissaires aux comptes sont appelés à donner en exécution des textes
régissant leurs missions et au travers desquelles ils rendent compte de leurs
opérations de contrôle ou de vérification. Elles ont toutes vocation à être protégées
pénalement contre le mensonge car le délit trouve sa raison d’être dans l’idée
qu’un contrôleur légal ne saurait mentir.
Les commissaires aux comptes ont une mission permanente de vérification.

Le mensonge porte souvent sur la situation comptable et financière de la


société. Ainsi en est-il quand dans le cadre de leur mission générale d’information,
les commissaires aux comptes ont certifié que les comptes étaient réguliers,
sincères et fidèles, alors qu’ils savaient qu’ils ne l’étaient pas.

La commission du délit suppose que le commissaire aux comptes ait donné ou


confirmé une information et que celle-ci soit mensongère. L’information délivrée,
donnée ou confirmée peut l’être par écrit (rapport des commissaires), mais aussi
par voie orale (explications mensongères données aux actionnaires au cours d’une
assemblée générale).

Les termes « avoir donné ou confirmé une information mensongère » ont pour
conséquence que le délit est un délit d’action qui, en vertu de la règle « il n’y a
pas de commission par omission » ne peut pas se commettre par omission.
Peines : emprisonnement de 02 à 05 ans et une amende de 200 000 à 5 000 000 de
FCFA ou de l’une de ces deux peines seulement.
Le silence du commissaire aux comptes qui s’abstient de dénoncer un bilan

33
manifestement inexact pour couvrir les malversations des dirigeants peut lui valoir
des poursuites judiciaires.

2) Le délit de non-révélation des faits délictueux


L’article 716 de l’AUSCGIE dispose que « le commissaire aux comptes signale
les irrégularités et les inexactitudes relevées par lui au cours de l’accomplissement
de sa mission, à la plus proche assemblée générale. En outre, il révèle au ministère
public les faits délictueux dont il a connaissance, sans que sa responsabilité puisse
être engagée par cette révélation ».
Concernant donc la non révélation des faits délictueux, il faut dire que le
commissaire aux comptes est investi d’une mission permanente de contrôle de la
situation comptable de la société. En tant que collaborateur du parquet en l’espèce,
il devient complice du délit de présentation de comptes annuels ne donnant
pas une image fidèle de la situation de la société, tout comme il engage sa
responsabilité en refusant de dénoncer les actes délictueux des dirigeants sociaux.
L’obligation de dénoncer, pourvue qu’elle soit nécessaire et raisonnable, crée des
relations de confiance entre les commissaires aux comptes et les magistrats. Elle
est de nature à renforcer aussi l’autorité du commissaire aux comptes à l’égard
des dirigeants.
La loi réprime le fait pour le commissaire aux comptes de ne pas révéler au
Procureur de la République les faits délictueux. Ce délit suppose donc réunis
l’élément matériel de la non-dénonciation portant sur des faits délictueux et
l’élément moral résultant de la mauvaise foi.
La révélation dont il est question doit porter sur toutes les situations
irrégulières et elle doit intervenir dès que le commissaire aux comptes a
connaissance du caractère délictueux de ces faits.
L’infraction n’est consommée que lorsque la non révélation des faits
délictueux dont il a eu connaissance a été faite sciemment. La révélation doit
intervenir en principe dès que le commissaire aux comptes a connaissance du
caractère délictueux des faits, et le commissaire ne peut dénoncer que les faits
dont il a la connaissance, même s’il faut admettre qu’en tant que professionnel, il
y a une sorte de présomption de connaissance qui pèse sur lui.
Les auteurs principaux sont les commissaires aux comptes, personnes
physiques exerçant le contrôle à titre personnel ou au titre d’associé de la société
de commissaires aux comptes assurant le contrôle.
Peuvent être complices les collaborateurs du commissaire aux comptes qui ont
sciemment délivré en son nom une information mensongère.
Le ministère public peut initier les poursuites. Mais il y a aussi l’entité
contrôlée qui peut se constituer partie civile pour préjudice moral, car bien que
n’étant pas destinataire de l’information, elle en est le sujet, et le mensonge peut
porter sur sa situation.
Les commissaires aux comptes doivent avoir eu connaissance des faits
délictueux qu’ils doivent révéler, mais le texte ne précise nullement la nature de
ces faits. Dès lors, il est admis que les commissaires aux comptes n’ont à révéler
34
que les faits délictueux portant atteinte à des intérêts dont ils sont les gardiens en
raison de la finalité des missions qui leur sont confiées, en tout cas au regard du
rôle de gardien de la régularité financière de l’entreprise qui est dévolu aux
commissaires aux comptes.
Tout compte fait, le champ de l’obligation de révélation doit être déterminé
par rapport à la mission fondamentale des commissaires aux comptes qui est de
garantir la fiabilité des informations comptables et financières données par les
responsables sociaux.
L’omission constitutive du délit suppose que le commissaire aux comptes
n’ait pas informé le parquet des faits délictueux dont il a eu connaissance.
Les auteurs principaux de cette infraction sont les commissaires aux comptes
qui, exerçant le contrôle en leur nom personnel ou au titre d’associé d’une société
de commissaires aux comptes, n’ont pas révélé les faits délictueux dont ils ont eu
connaissance.
Le délit ne peut être imputé à leurs collaborateurs qui auraient découvert les
faits délictueux, l’obligation de révélation incombant aux seuls commissaires.
Comme sujets actifs, il y a le ministère public, mais l’action publique peut
également être mise en mouvement par les personnes pouvant se dire victimes du
délit au sens de l’art.2 CPP. Ce sont notamment les associés, mais aussi les
créanciers de la société.
Peines : emprisonnement de 2 à 5 ans d’emprisonnement et une amende de
500.000 à 5.000.000 de francs ou l’une de ces deux peines seulement (article 17 de
la loi de 2003).
3) La violation du secret professionnel
Détenteur des informations essentielles pour l’entreprise, le commissaire aux
comptes est tenu à une obligation de confidentialité. En effet, il ne pourrait être le
confesseur des dirigeants si ces derniers n’étaient pas assurés que les éléments
majeurs de leurs choix dans la réalisation de leur objet social pouvaient être
impunément divulgués. Le délit est prévu à l’article 717 de l’AUSCGIE et réprimé
par l’article 310 du Code pénal.
L’élément matériel. Pour que le délit soit constitué, il faut que l’information en
cause ait été connue par le commissaire aux comptes, dans le cadre de l’exercice
de sa mission. Cette information doit, en outre, être secrète et sa divulgation ne doit
pas être couverte par un fait justificatif. L’information secrète est perçue comme
un fait qui n’est pas de notoriété publique, qui est connu d’un nombre restreint de
personnes et dont l’intérêt ou la valeur est lié au caractère confidentiel. Le secret
des informations est opposable aux tiers, c’est-à-dire à toute personne autre que la
personne morale contrôlée.
L’élément moral. Il est constitué si l’information a été sciemment révélée aux
tiers, avec la conscience de porter à leur connaissance, un secret recueilli à
l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Une simple imprudence ou négligence
ne suffit donc pas à caractériser l’infraction.
Peines : emprisonnement de 03 mois à 03 ans et une amende de 20 000 à 100 000
FCFA.
35
Chapitre 3 : LES INFRACTIONS RELATIVES AU FINANCEMENT DES
SOCIETES
Ne pouvant être constituée sans capital et toute entière axée sur la recherche
du profit, la société est un lieu par excellence pour les finances. Manipulant
beaucoup d’argent et s’employant à intéresser un public élargi, la société peut être
le théâtre de nombreux comportement indélicats, aux répercussions fâcheuses
pour ses actionnaires. C’est pourquoi, le droit pénal a prévu de nombreuses
infractions qui peuvent être regroupées autour des informations sur le financement
(section 1) et des procédés de financement (section 2).
Section 1 : Les infractions ayant trait aux informations sur le financement
des sociétés
La qualité de l’information est essentielle au bon fonctionnement de la
société et du marché. De sa régularité, dépend une bonne reprise de décision par
les dirigeants sociaux et l’évaluation de leurs actions par les actionnaires. Elle
permet également aux tiers de se renseigner sur la solvabilité de la société, et les
investisseurs en tiennent compte pour mesurer la capacité de générer des profits.
L’on comprend dès lors pourquoi les dirigeants sont souvent tentés de présenter les
comptes au mieux de leurs intérêts.
Le législateur a donc choisi de parer à cette éventualité, en réprimant la
présentation ou la publication de comptes annuels ne donnant pas une image fidèle
(1) et la distribution de dividendes fictifs (2).

1/- La présentation ou la publication des comptes inexacts


Les dispositions de l’article 890 AUSCGIE disposent que : « encourent une
sanction pénale, les dirigeants sociaux qui auront sciemment, même en l’absence
de toute distribution de dividendes, publié ou présenté aux actionnaires ou
associés, en vue de dissimuler la véritable situation de la société, des états
financiers de synthèse ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle des
opérations de l’exercice, de la situation financière et de celle du patrimoine de la
société, à l’expiration de cette période ».
Les scandales financiers des années 30 ayant fait apparaître la nécessité de
mieux protéger les associés, les créanciers et investisseurs, il était apparu
nécessaire d’incriminer la présentation ou la publication de bilans inexacts dans
certaines sociétés. Ces délits qui étaient souvent dénommés délits de faux bilan,
ont été repris et étendus par la loi de 1966.
Désormais, ce délit est qualifié de délit de présentation ou de publication de
comptes annuels ne donnant pas une image fidèle de la situation de la société.
Il protège les associés mais aussi les créanciers et les investisseurs potentiels
contre les mensonges entachant les comptes sociaux. Il protège aussi l’ordre
public, économique et financier qu’il peut gravement déstabiliser.
Le délit suppose que les comptes présentés aux actionnaires ou publiés soient
36
des comptes annuels ne donnant pas une image fidèle de la société.
En effet, seuls les comptes annuels sont protégés. Ces comptes regroupent trois
documents comptables, à savoir :
- Le bilan qui décrit les éléments d’actif et passif de l’entreprise et fait
apparaître de manière distincte les capitaux propres ;
- Le compte de résultat qui récapitule les produits et les charges de
l’entreprise sans tenir compte de leur date d’encaissement ou de paiement
et qui fait apparaître, après déduction des amortissements et provisions, les
bénéfices ou les pertes de l’exercice ;
- L’annexe qui complète et commente l’information donnée par le bilan et le
compte de résultat.
A la différence de l’inexactitude et de la fausseté du bilan qui était facilement
qualifiable, l’infidélité des comptes était une notion floue car elle se référait aux
exigences comptables anglo-saxonnes de true and fair view et de substance over
form selon lesquelles il est nécessaire de donner une information comptable qui
présente d’une manière non déformée la situation économique de la société.
Les textes d’incrimination ne définissent pas l’image fidèle à laquelle ils se
réfèrent mais exigent que les dirigeants ayant présenté ou publié des comptes
infidèles aient agi en vue de « dissimuler la véritable situation de la société ».
La comptabilité doit être établie conformément aux règles et principes
comptables qui veulent que les comptes soient « réguliers, sincères et donnent une
image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise
». Un manquement à ces règles ou principe constitue la première condition de
l’infidélité des comptes.
A cette condition s’en ajoute une autre voulant que l’irrégularité comptable ait
une incidence significative sur l’exposé de la situation de la société.
Il convient de rappeler que :
- Le principe de régularité signifie que les comptes doivent être établis
conformément aux règles et procédures comptables.
- Le principe de sincérité suppose que les comptes doivent être établis
conformément aux connaissances de leurs auteurs (conception subjective
de la sincérité). En outre, il signifie que les comptes doivent être établis de
façon à permettre à leur lecteur d’avoir une bonne information sur les
affaires sociales.

L’intervention du droit pénal après l’établissement de la comptabilité a pour


but la répression de l’information infidèle. Ici, il s’agit de punir les auteurs du délit
de présentation ou de publication des états financiers infidèles.
La présentation correspond à la communication des documents comptables à
l’assemblée générale des actionnaires ou leur mise à disposition au siège social
ou encore leur envoi aux actionnaires dans les quinze jours avant l’assemblée
d’approbation des comptes.

37
La jurisprudence soutient que « la présentation est, non pas la connaissance
donnée du bilan à l’assemblée générale, mais la mise à la disposition des
actionnaires qui en est faite dans les quinze jours précédant l’assemblée générale
».
Mais la présentation peut aussi résulter d’une communication faite aux
actionnaires en dehors de l’assemblée générale ou de la préparation de celle-ci.
La publication elle, s’entend par tout procédé portant le fait à la connaissance du
public, que ce soit par voie écrite ou orale, et cette communication doit être
collective, même si l’on conçoit que la multiplication de communications n’est
pas nécessairement une communication collective.
L’intention de l’auteur consiste dans l’action en connaissance de cause. C’est
la mauvaise foi caractérisée. La mauvaise foi est constituée par le fait que le
prévenu connaissait la situation difficile de l’entreprise.
Le but poursuivi en la matière est le dessein de dissimuler la véritable situation
de la société. Peu importe le mobile qui est tout à fait inopérant.
Le texte exige que les dirigeants aient agi en vue de dissimuler la véritable
situation de la société. Un dol spécial caractérisé est donc requis.
En raison des termes « en vue » il suffit que les dirigeants aient eu pour objectif
de dissimuler la véritable situation de la société, sans qu’il soit besoin que le
résultat ait été atteint.
Toutes les personnes qui sciemment ont provoqué ou activement participé à
l’établissement des comptes infidèles peuvent être complices.
Ce sont les personnes qui appartiennent au service comptable ou financier de
la société, les professionnels de la comptabilité tels des experts comptables ou
même des commissaires aux comptes.
Les sujets actifs sont le ministère public et les victimes du délit.
Peines : emprisonnement de1 mois à 5 ans et l’amende de 1.000.000 à 10.000.000
FCFA (article 8 de la loi de 2003).

2/- La distribution des dividendes fictifs


Les dispositions de l’article 889 de l’AUSCGIE disposent que: « Encourent
une sanction pénale, les dirigeants sociaux qui, en l’absence d’inventaire ou au
moyen d’inventaire frauduleux, auront, sciemment, opéré entre les actionnaires ou
les associés la répartition de dividendes fictifs ».
Le dividende correspond à la part du bénéfice social que l’on attribue
à chaque actionnaire ou associé, et c’est après approbation des états financiers
de synthèse et constatation de l’existence de sommes distribuables que
l’assemblée générale détermine la part du bénéfice à distribuer, selon le cas, aux
actions et aux parts sociales. Ceci étant, tout dividende distribué en ne suivant pas
cette procédure est un dividende fictif.
La distribution de dividende est liée à l’existence du bénéfice. Lorsque celui-
38
ci fait défaut, le dividende va être prélevé sur le capital de la société ou sur les
réserves légales de la société. Or, le capital social se caractérise par son
intangibilité.
Ce délit trompe les associés et les investisseurs car il donne l’apparence d’une
fausse prospérité à la société. Il porte aussi gravement atteinte au droit de gage
des créanciers, les bénéfices fictifs étant des bénéfices prélevés sur le capital social
ou les réserves.
L’existence du délit suppose l’absence de l’inventaire ou son caractère
frauduleux. L’infraction doit donc réunir les éléments matériel et moral, à savoir
un inventaire fictif ou frauduleux, une répartition de dividendes fictifs et une
mauvaise foi.
L’inventaire s’analyse comme un relevé descriptif et estimatif des créances, des
dettes et des biens de la société. Ici, il s’agit donc du bilan ou de tout compte rendu
permettant d’apprécier objectivement l’état du patrimoine social. Selon la
jurisprudence, « tout document rendant effectivement compte de la consistance de
l’actif et du passif vaut inventaire ». A défaut d’inventaire, il n’est pas possible de
savoir si la société a ou n’a pas fait de bénéfices.
Tout dividende attribué sur des bénéfices qui ne sont pas légalement distribuables,
c’est-à-dire tout dividende distribué en violation des dispositions légales est fictif.
La distribution est susceptible de causer un préjudice aux associés et à la société
car c’est le capital lui-même qui sera entamé, dès lors qu’en vérité, il n’y a pas de
bénéfices à partager. Les dividendes distribués doivent exister actuellement, ce
qui rend irrégulière la distribution de bénéfices futurs.
L’élément matériel de l’infraction réside dans un acte de distribution de
dividendes qui doivent revêtir un caractère fictif.
La mauvaise foi consiste dans la connaissance par l’auteur, tant du caractère
fictif des dividendes que de l’inexactitude de l’inventaire ou du bilan ou des
conditions dans lesquelles la distribution des dividendes a été décidée.
Le délit étant souvent dénommé délit de distribution de dividendes fictifs, on
pourrait croire qu’il n’est constitué que si les associés ont perçu les dividendes
fictifs. En réalité, tel n’est pas le cas, le texte visant les dirigeants ayant opéré la
répartition des dividendes fictifs entre les actionnaires.
La répartition est en fait opérée dès leur mise à disposition des actionnaires par
une décision des dirigeants ouvrant à leur profit un droit privatif dont la valeur
entre aussitôt dans leur patrimoine.
L’ordre de mise en paiement des dividendes suffit donc à consommer le
délit, lequel ne se renouvelle pas lors de leur perception.
Les sujets passifs de cette infraction sont les auteurs principaux qui doivent avoir
la qualité de dirigeant exigée par les textes. Les dirigeants de fait de ces sociétés
peuvent également être auteurs du délit.
Les complices sont ceux qui, en connaissance de cause, ont sciemment concouru
à la préparation ou à la commission du délit. Comme à propos du délit de
présentation ou de publication de comptes infidèles, ils peuvent être des experts
39
comptables ou des commissaires aux comptes qui auraient été les concepteurs des
manipulations ayant fait apparaître les bénéfices fictifs.
Les associés pourraient aussi être déclarés complices s’ils avaient voté de
mauvaise foi la délibération décidant de l’attribution de dividendes fictifs.
Les sujets actifs sont le ministère public, les actionnaires agissant à titre
individuel, à condition qu’ils aient acquis leurs titres après la distribution des
dividendes (fictifs) et en raison de cette distribution. Les créanciers à qui
l’infraction réduit le gage.
Peines : emprisonnement de 01 à 05 ans et une amende de 1 000 000 à 10 000 000
FCFA (article 7 de la loi de 2003).

Section 2 : Les infractions résultant de l’inobservation des formalités de


modification du capital social

Fixé par les statuts de la société, le capital est en principe intangible parce
qu’il constitue le gage des créanciers sociaux. En pratique, il arrive très souvent
qu’il subisse les modifications au cours de la vie de la société. Dans la mesure où
de telles modifications risquent de léser les créanciers de la société ou les associés
d’origine, le législateur sanctionne pénalement l’inobservation du mécanisme mis
en place à cet effet.
Toute modification du capital suppose une décision de l’assemblée générale
extraordinaire et l’observation des règles légales. L’inobservation de ces règles
sanctionnée, concerne l’augmentation du capital (section 1) et la réduction du
capital (section 2).

Section 1 : les infractions commises en cas d’augmentation du capital


L’augmentation du capital est une opération courante de la vie de la société,
visant à renforcer les fonds propres pour assurer un développement équilibré de
son objet social. Elle permet dans certains cas, de se procurer de l’argent en espèces
auprès des agents externes, qui deviennent associés au capital.
Quelque soit le procédé financier utilisé, l’augmentation du capital suppose
l’émission de nouvelles actions qui doit, sous peine de sanction, respecter la
formalité prescrite à cet effet (paragraphe 1).
Afin de préserver les droits des anciens actionnaires, le législateur exige,
sous peine de sanction, que l’émission d’actions nouvelles soit compensée par le
droit préférentiel de souscription (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le non-respect des formalités relatives à l’émission de
nouvelles actions, en cas d’augmentation du capital
L’augmentation du capital reste dans l’AUSCGIE, une décision de la
compétence exclusive des actionnaires, prise dans le cadre d’une assemblée
générale extraordinaire. Une fois la décision prise, la société doit émettre de
nouvelles actions et porter cette émission à la connaissance du public par son
insertion dans un journal d’annonces légales.

40
Le législateur punit dès lors, trois séries d’irrégularités.
La première frappe les administrateurs, les présidents du conseil
d’administration, le président-directeur général, le directeur général, le directeur
général adjoint, l’administrateur général et l’administrateur général adjoint d’une
société anonyme, qui lors de l’augmentation du capital, ont émis des actions ou des
coupures d’actions avant l’élément de certificat du dépositaire, ou sans
l’accomplissement régulier des formalités préalables à l’augmentation du capital.
La seconde s’applique à trois situations : les actions ou les coupures
d’actions ont été émises :
- Sans que le capital antérieurement souscrit de la société ait été entièrement
libéré ;
- Sans que les nouvelles actions d’apport aient été libérées antérieurement à
l’inscription modificative au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ;
- Sans que les nouvelles actions aient été libérées d’un quart au moins de leur
valeur nominale au moment de la souscription.
L’irrégularité ci-dessus décrite est d’autant justifiée, qu’il est
incompréhensible qu’une société prétende augmenter son capital social par
l’émission de nouvelles actions, alors même que ses actionnaires restent lui devoir
encore de l’argent, parce qu’ils n’auraient libéré que partiellement les titres qu’ils
détiennent.
La troisième irrégularité vise le non-maintien des actions en numéraire sous la
forme nominative, jusqu’à leur entière libération.
Les comportements, ainsi incriminés, quant à l’élément moral, résultent d’une
simple négligence très proche de la faute matérielle, à l’instar de ce qui est observé
lors de l’émission d’actions pendant la constitution de la société.
Les dirigeants sus-cités ont été visés par le législateur, parce qu’il leur a donné
les moyens de recouvrer les sommes dues. L’article 775 de l’AUSCGIE précise,
en effet, qu’en cas de non-paiement des sommes restant à verser sur les actions
libérées aux dates fixées par le Conseil d’Administration, la société adresse à
l’actionnaire défaillant une mise en demeure. Si dans un délai d’un mois, celle-ci
reste sans effet, la société poursuit de sa propre initiative la vente de ses actions.
C’est donc en réalité la négligence des dirigeants que le législateur sanctionne.
Paragraphe 2 : Le non-respect du droit préférentiel de souscription
Par définition, toute augmentation du capital est désavantageuse pour les
anciens actionnaires qui, avec l’arrivée de nouveaux actionnaires, verront leurs
droits diminués.
Afin de maintenir l’actionnariat d’origine dans les mêmes proportions, le
législateur OHADA, à travers l’article 894 de l’AUSCGIE, prévoit, en cas
d’augmentation du capital, que les anciens actionnaires aient le droit de garder la
même proportion du capital et par conséquent, les mêmes droits avant et après
l’opération.
Le droit préférentiel des actionnaires est double. Il s’exerce à titre
irréductible, proportionnellement au montant de leurs actions (il y a souscription à
titre irréductible lorsque l’actionnaire souscrit aux actions émises en numéraire,

41
sans possibilité de réduction de celles-ci, par rapport à la proportion des anciennes
actions détenues). Mais, les actionnaires peuvent également souscrire à titre
réductible ou éventuel, pour un nombre d’actions supérieur à celui auquel ils ont
droit (la souscription est réductible lorsque l’actionnaire a souscrit à un nombre
d’actions nouvelles excédant celui auquel il a droit, le trop souscrit pouvant lui être
attribué dans la limite de sa demande, avec possibilité de réduction).
L’élément matériel. Le législateur réprime le fait d’avoir réservé à des tiers tout
ou partie des actions nouvelles émises dans le cadre de l’augmentation du capital,
ainsi que le fait de répartir les titres entre les actionnaires, contrairement à la règle
de la proportionnalité.
L’article 2 de la loi de 2003 sanctionne le directeur général d’une société
anonyme qui, lors de l’augmentation du capital, s’est rendu coupable des trois
omissions suivantes :
- ne pas avoir fait bénéficier les actionnaires, proportionnellement au
montant de leurs actions, d’un droit préférentiel de souscription des actions
en numéraire, lorsque ce droit n’a pas été supprimé par l’assemblée
générale ;
- ne pas avoir réservé aux actionnaires un délai de 20 jours au moins à
compter de l’ouverture de la souscription, pour l’exercice de leurs droits ;
- ne pas avoir attribué des actions rendues disponibles faute d’un nombre
suffisant de souscriptions à titre préférentiel, aux actionnaires ayant souscrit
à titre réductible d’un nombre d’actions.
Ce sont des montages financiers ne respectant pas la proportionnalité et
portant, par conséquent atteinte à l’égalité des actionnaires, qui sont réprimes.
En précisant à l’alinéa 2 de l’article 573 de l’AUSCGIE que ce droit est
irréductible, le législateur le considère comme d’ordre public. Il en résulte que, non
seulement l’actionnaire ne peut en être privé, mais il ne peut être contraint de
souscrire de nouvelles actions en deçà de sa quote-part dans le capital social.
L’élément moral. La simple violation de ces dispositions suffit pour réaliser
pleinement ces infractions qui sont généralement non intentionnelles, caractérisées
par le seul fait qu’il y a eu manquement à la loi. La faute est donc présumée.
Peines : emprisonnement de 03 lois à 03 ans et une amende de 100 000 à 1 000 000
FCFA ou l’une de ces deux peines seulement.

Section 2 : Les infractions liées à l’inobservation des dispositions légales en cas


de réduction du capital
La réduction du capital est en principe admise, à condition de respecter la
règle légale qui impose un minimum.
Si cette mesure est le plus souvent révélatrice de grandes difficultés que
traverse l’entreprise, et a pour but de faire une équivalence entre le capital affiché
et l’actif net, les associés peuvent également décider d’en faire usage en l’absence
de pertes, notamment lorsque le capital social est trop important.
Compte tenu des conséquences d’une telle décision, le législateur a encadré
strictement cette opération qui doit être décidée par l’assemblée générale

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extraordinaire, sur rapport du commissaire aux comptes, qui apprécie ses
conditions.
Pour être valable, la réduction du capital doit respecter les modalités de fond
et de forme, dont l’inobservation entraîne des sanctions.
L’élément matériel. L’article 14 de la loi de 2003 réprime, en effet, les dirigeants
sociaux qui, sciemment, ont procédé à la réduction du capital sans :
- respecter la règle d’égalité des actionnaires ;
- communiquer le projet de réduction du capital au commissaire aux comptes
45 jours avant la tenue de l’assemblée générale extraordinaire, appelée à
statuer.
L’élément moral. Il s’agit d’omissions volontaires. Le délit suppose, par
conséquent, une intention coupable.
Peines : l’article de la loi de 2003 prévoit l’emprisonnement de 03 mois à 03 ans
et une amende de 100 000 à 1 000 000 FCFA ou l’une de ces deux peines seulement
contre les dirigeants sociaux fautifs.

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Titre III : Les infractions commises lorsque l’entreprise se trouve en
difficulté : les infractions relatives aux procédures collectives
d’apurement du passif (disposition de l’Acte Uniforme relatif aux
procédures collectives d’apurement du passif)

Une société peut disparaître du fait de l’arrivée du terme fixé par les
fondateurs ou encore de manière prématurée. Il est évident que dans son
fonctionnement, la société est amenée à connaître des périodes de prospérité ou
des moments de difficultés.

La société en difficulté est celle dont la réalisation de l’objet social est


devenue plus ou moins compromise du fait de son impossibilité à faire face
à ses engagements. On dit alors qu’elle est en situation d’échec.
Désireux de sauver son entreprise, l’homme d’affaires en difficulté peut être
tenté de se livrer à des manœuvres qui, apparemment destinées à redresser la
situation de la société, peuvent plutôt l’aggraver et léser par conséquent les
intérêts déjà menacés des créanciers.
Dans le but de protéger les créanciers, dont le recouvrement des créances
dévient problématique, le législateur réprime la banqueroute (chapitre 1) et les
infractions connexes (chapitre 2).

Chapitre 1 : La banqueroute
La dénomination de banqueroute vient de l’italien « banca rotta » ou
« banco rotto ». Elle tient à ce qu’au Moyen-âge, dans les villes italiennes, les
commerçants en faillite (le terme faillite vient du latin fallere : tomber) étaient
considérés comme des criminels dont le banc était rompu à l’assemblée des
marchands d’où ils étaient honteusement exclus. Par exemple, le comptoir d’un
banquier était brisé.

En France, la conception délictuelle de la faillite se traduisait également par


des peines infamantes applicables aux débiteurs défaillants : port du bonnet vert,
mise au pilori, condamnation aux galères et même à la peine capitale. La
tendance était donc à l’élimination professionnelle du failli.
Quand une société est en état de cessation de paiements, toute personne
physique qui se livre à certains actes incriminés peut être poursuivie du chef de
banqueroute.
La cessation de paiements est l’état du débiteur qui ne peut faire face à
son passif exigible grâce à son actif disponible et qui se traduit par un arrêt

44
du service de caisse. La jurisprudence ajoute une condition supplémentaire en
exigeant que la situation de la société soit irrémédiablement compromise.
Toute cessation de paiement n’est pas en soi une infraction. Mais, le
débiteur peut être tenté, dans le but de différer l’ouverture de la procédure
collective de redressement ou de liquidation judiciaire, de commettre des
malversations qui pourraient aggraver le déficit. La banqueroute est par
conséquent un délit grave, dont la réalisation suppose la réunion de conditions
préalables (section 1) et des éléments constitutifs (section 2).

Section 1 : Les conditions préalables au délit de banqueroute

Des dispositions des articles 26 et suivants de la loi de 2003, se déduisent


l’exigence d’une double condition relative à la qualité de l’agent (paragraphe 1)
et à la cessation de paiement (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La qualité de l’agent


La banqueroute s’applique aux commerçants personnes physiques et aux
associés des sociétés commerciales qui ont la qualité de commerçants. Elle
concerne également les personnes physiques dirigeantes de personnes morales
assujetties aux procédures collectives et les personnes physiques représentantes
permanentes de personnes morales dirigeantes de personnes morales.
Si les auteurs potentiels de ce délit sont clairement déterminés, il faut
distinguer selon qu’il s’agit d’une personne physique ou d’une personne morale.
Les personnes physiques. Il résulte des dispositions des articles 25 et 26 de la
loi de 2003 que la banqueroute s’applique à tout commerçant.
Ainsi, pour que le délit de la banqueroute soit constitué, il faut réunir la
qualité de commerçant de l’agent pour les personnes physiques, et qu’il y ait
ouverture d’une procédure collective pour les sociétés.
Concernant les personnes physiques, la banqueroute s’applique aux
commerçants personnes physiques et aux associés des sociétés commerciales
qui ont la qualité de commerçants.
Les personnes morales. L’article 27 de la loi de 2003 permet de poursuivre
pénalement les mandataires sociaux, notamment les personnes physiques
dirigeantes des personnes morales.
La banqueroute s’applique aussi aux personnes physiques dirigeantes de
personnes morales assujetties aux procédures collectives et aux personnes
physiques représentantes permanentes de personnes morales dirigeantes de
personnes morales de droit privé.
En effet, une personne morale peut être nommée administrateur ou membre
du conseil de surveillance d’une société. Cette personne morale a alors
l’obligation de désigner un représentant permanent qui encourt les mêmes
responsabilités civiles et pénales que s’il était administrateur en son nom propre,
45
sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu’il
représente.
Ceci compris, il n’est donc pas nécessaire que la personne morale soit elle
même commerçante, le seul exercice d’une activité économique est suffisant.
En outre, il peut ne pas s’agir seulement d’une société, le texte s’appliquant
également aux groupements d’intérêt économique.
Il peut s’agir enfin des dirigeants de droit ou de fait ou plus généralement
de toute personne ayant directement ou par personne interposée, administré, géré
ou liquidé la personne morale sous le couvert ou aux lieux et places de ses
représentants légaux.

Paragraphe 2 : L’état de cessation de paiement


D’après les dispositions de l’AUPCAP, l’état de cessation de paiement est
la situation du débiteur qui est dans l’impossibilité de faire face à son passif
exigible, avec son actif disponible. Cette situation se traduit par l’arrêt du service
de caisse, l’émission des chèques sans provision, ou même l’utilisation de
moyens ruineux ou frauduleux par ce dernier, pour honorer ses échéances de
paiement.
Le délit de banqueroute suppose un état de cessation de paiements, sans que
cet état soit nécessairement constaté par un tribunal commercial ou civil. Le rôle
de la cessation des paiements dans la qualification de l’infraction est capital.
En effet, contrairement au droit français, le constat de la cessation de
paiement par une juridiction n’est pas nécessaire. Les dispositions de l’article
236 de l’AUPCAP permettant une condamnation pour banqueroute simple ou
frauduleuse, ou pour un délit assimilé à la banqueroute, alors même que la
cessation de paiement n’a pas été faite dans les conditions prévues. En d’autres
termes, si le seul fait matériel du défaut de paiement ne suffit pas à caractériser
la cessation de paiement, le débiteur pourra, par tous les moyens, rapporter la
preuve de ce qu’il se trouve dans une situation désespérée.
Les juridictions seront amenées à apprécier dans chaque cas, l’existence et
surtout le moment de cette cessation. Si la société est encore en bonne santé
financière, les actes de détournement de l’actif deviennent constitutifs d’abus de
biens sociaux contre les dirigeants sociaux.
En revanche, l’intervention du droit pénal devient justifiée quand le
débiteur, en état de cessation des paiements ou dont la situation est gravement
compromise, se livre à des agissements constitutifs de faits de banqueroute car
de tels faits portent atteinte, non seulement au droit de gage général des
créanciers, mais encore à l’ordre public, économique et commercial.
En tout cas, si les faits de banqueroute peuvent être postérieurs à la
cessation de paiements qu’ils ne font alors qu’aggraver, ils peuvent également
être antérieurs à la cessation des paiements qu’ils ont alors pour effet de
provoquer ou de maquiller.

46
Section 2 : Les éléments constitutifs du délit de banqueroute
La loi de 2003 distingue des cas de banqueroute simple et assimilée
(paragraphe 1), des cas de banqueroute frauduleuse et assimilée (paragraphe 2).
Le droit OHADA consacre les articles 226,227, 228 et 229 à la banqueroute
simple et à la banqueroute frauduleuse.
En effet, l’article 227 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures
collectives d’apurement du passif prévoit que « les dispositions de la présente
section s’appliquent :
- aux commerçants personnes physiques
- aux associés des sociétés commerciales qui ont la qualité de
commerçants »
Par commerçants personnes physiques il faut entendre les entrepreneurs
individuels ayant la qualité de commerçants et les associés ou membres de
personnes morales tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales, qui
sont classiquement considérés comme étant des commerçants.

L’article 228 quant à lui dispose qu’est coupable de banqueroute simple


toute personne physique en état de cessation de paiement qui se trouve dans
un des cas suivants :
- si elle a contracté sans recevoir des valeurs en échange, des engagements
jugés trop importants eu égard à sa situation lorsqu’elle les a contractés
;
- Si, dans l’intention de retarder la constatation de la cessation de ses
paiements, elle a fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours
ou si, dans la même intention, elle a employé des moyens ruineux pour se
procurer des fonds ;
- si, sans excuse légitime, elle ne fait pas au greffe de la juridiction
compétente, la déclaration de son état de cessation de paiements dans le
délai de trente jours ;
- si sa comptabilité est incomplète ou irrégulièrement tenue ou si elle n’a
tenu aucune comptabilité conforme aux règles comptables et aux usages
reconnus de la profession eu égard à l’importance de l’entreprise ;
- si, ayant été déclaré deux fois en état de cessation de paiements, en cinq
ans, ses procédures ont été clôturées pour insuffisance d’actifs.

Paragraphe 1 : Les cas de banqueroute simple et assimilée


L’AUCPAP ayant fait une distinction entre ces deux infractions, elles
seront séparément examinées.

A/- Les formes matérielles du délit de banqueroute simple


Elles se résument en de nombreux hypothèses, notamment les

47
irrégularités ayant pour conséquence d’aggraver le passif de la société (1), la
tenue d’une comptabilité irrégulière ou absente (2), qu’il convient de décliner
avant d’analyser l’élément moral (3).
1) Les irrégularités ayant pour conséquence d’aggraver le passif
L’alinéa 2 de l’article 25 de la loi de 2003 vise le fait d’avoir, dans
l’intention de retarder la constatation de la cessation de paiement :
- Fait des achats en vue d’une revente en dessous du cours ;
- Dans la même intention, employé les moyens ruineux.
Le premier cas a pour objet d’empêcher la diminution du gage des
créanciers, qui pourrait résulter des comportements aboutissant à prolonger
artificiellement la vie de l’entreprise, dont la situation financière est
irrémédiablement compromise.
Par l’achat d’importantes quantités de marchandises généralement
payables à terme et leur revente immédiatement à un prix inférieur à leur cours,
l’agent se constitue une trésorerie lui permettant simplement de faire face aux
échéances les plus proches. Mais, les autres dettes subsistent. Compte tenu du
fait qu’il dans l’impossibilité de payer les marchandises achetées, il y a
aggravation de son passif.
Le délit suppose la réunion de deux conditions : l’achat de marchandises
suivi de leur revente en dessous du cours. Il s’agit donc de la revente à perte qui
peut être constatée en comparant simplement le prix d’achat porté sur les factures
d’achat avec le prix de vente. L’infraction ne saurait être retenue, si la vente à
perte a été causée par un cas de force majeur.
Quant à la deuxième incrimination, les moyens sont ruineux soit in
abstracto, parce que porteurs de difficultés en eux-mêmes, soit in concreto, au
regard de la situation particulière du débiteur.
Au rang de moyens pouvant mener l’entreprise à l’échec, se trouve
l’emprunt qui, en période suspecte, est contracté à des taux d’intérêt élevés.
L’appréciation du caractère ruineux va reposer sur le rapport entre les moyens
de refinancement et leurs coûts, au regard de la santé financière de l’entreprise.
L’élément intentionnel découlant de ces deux infractions se déduit des
circonstances de fait, la banqueroute simple étant liée à des erreurs de gestion ou
à des événements fortuits.

2) La comptabilité incomplète, irrégulière ou non conforme aux usages


Malgré son encadrement par le législateur, il peut arriver que le dirigeant
social d’une entreprise en difficulté soit tenté de chercher à cacher ses
défaillances en donnant une image erronée de la comptabilité. Une telle attitude
a pour effet d’aggraver la situation de la société et d’anéantir tout espoir de
recouvrement des créances.
Le caractère intentionnel de l’infraction et la volonté du prévenu se
déduisent de la tenue de la comptabilité en violation des normes et usages requis.
3) Les autres formes de banqueroute simple
48
Il s’agit de l’hypothèse où le commerçant :
- a contracté sans recevoir de valeur en gage en échange des engagements
jugés trop importants, eu égard à la situation de la personne physique qui
les a contractés ;
- a omis, sans excuse légitime, de faire au greffe de la juridiction, la
déclaration de son état de cessation de paiement, dans le délai de 30
jours ;
- après avoir été déclaré deux fois en état de cessation de paiement dans un
délai de 5 ans, les procédures ont été clôturées pour insuffisance d’actifs.

B/- Les infractions assimilées à la banqueroute simple


L’article 28 de la loi de 2003 assimile à la banqueroute simple, le fait
pour les dirigeants de société de :
- consommer des sommes appartenant à la personne morale, en faisant des
opérations de pur hasard ou des opérations fictives ;
- payer ou faire payer un créancier, au préjudice de la masse des créanciers après
la cessation de paiement de la personne morale ;
- faire contracter par la personne morale pour le compte d’autrui sans recevoir
de valeur, en échange des engagements trop importants eu égard à sa situation,
lorsque ceux-ci ont été contractés ;
- tenir, faire tenir ou laisser tenir une comptabilité irrégulière de la personne
morale ;
- détourner ou dissimuler, tenter de détourner ou de dissimuler une partie des
biens de la personne morale, ou s’être reconnus frauduleusement débiteurs des
sommes qu’elle ne devait pas, en vue de soustraire tout ou partie du patrimoine
aux poursuites de la personne morale en état de cessation de paiement.
Le détournement ou la dissimulation de tout ou partie de l’actif consiste,
pour le dirigeant social, à effectuer personnellement des actes de disposition sur
des biens meubles ou immeubles compris dans l’actif social.
Le délit de détournement consistant à la sortie d’un élément actif du
patrimoine du débiteur, est un acte positif. Les méthodes de détournement de
l’entreprise sont vairées. On peut citer, entre autres, le prélèvement des
rémunérations excessives au regard de la situation financière de la société, la
cession du matériel à une autre entreprise dans laquelle le dirigeant de la société
soumise à une procédure collective, a des intérêts, des retraits de fonds injustifiés
sans le consentement des associés, la dissimulation aux créanciers du produit de
vente d’un élément d’actif de l’entreprise, etc.
Le moment du détournement étant important pour retenir la qualification
de l’infraction, les actes devraient être postérieurs à la cessation de paiement.
La dissimulation d’actif est le fait de cacher ou d’omettre tout ou partie
de l’actif à la connaissance des créanciers. Elle est notamment caractérisée
lorsque le dirigeant social s’abstient de déclarer dans la cessation de paiement,
un ou plusieurs biens, ou lorsqu’il ne mentionne pas une créance. Une telle
49
omission prive les créanciers de tout ou partie de leur droit de gage. la
dissimulation suppose une intention coupable.
Peines : La peine prévue pour ces infractions au Cameroun est de 1 mois à 2
ans de prison (art.25 de la loi de 2003).

Paragraphe 2 : Les cas de banqueroute frauduleuse et assimilée


Le dirigeant social en situation difficile est souvent tenté de poser des actes
visant à distraire certains biens, ou à favoriser certains créanciers au détriment des
autres. Ces différents actes répréhensibles qui induisent l’idée de fraude et qui ont
trait l’augmentation frauduleuse du passif, à a soustraction de la comptabilité, et
au non-respect des obligations en matière de procédure de règlement préventif,
sont classées en banqueroute frauduleuse (A) et infractions assimilées (B).
A. La banqueroute frauduleuse
Les faits incriminés sont énoncés à l’article 229 de l’AUPCAP et concernent
tout commerçant qui :
- a soustrait sa comptabilité ;
- a détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif de la structure ;
- s’est frauduleusement reconnu débiteur des sommes qu’il ne devait pas
soit dans ses écritures, soit dans ses actes publics ;
- a stipulé avec un créancier des avantages particuliers en raison de son vote
dans les délibérations de masse ;
- a de mauvaise foi, à l’occasion d’une procédure de règlement préventif,
présenté ou fait présenter un compte de résultat ou un bilan des états de
créances et des dettes ou des privilèges et sûretés inexacts ou incomplets
- a, sans autorisation du tribunal compétent et à l’occasion d’une procédure
de règlement préventif, payé en tout ou en partie les créances nées
antérieurement à la décision de suspension des poursuites individuelles et
visées par celles-ci ;
- aura fait un acte de disposition étranger à l’exploitation normale de la
société ou consenti une sûreté, aura désintéressé les cautions qui ont
acquitté les créances antérieurement à la décision de suspension des
poursuites individuelles.
En commettant l’un de ces actes, le commerçant augmente
frauduleusement son passif ou majore volontairement et artificiellement le
passif de la société. A cet effet, le commerçant commet d’abord un faux en
écritures, qui aboutit souvent à un cumul avec le détournement d’actifs, afin
de se réserver pour l’avenir, des ressources.
Le détournement d’actifs peut par exemple consister pour le débiteur
en difficultés, à effectuer des actes de disposition sur les biens de la société,
à l’insu des créanciers.
La soustraction de la comptabilité est particulièrement grave, en ce
qu’elle entraîne l’élimination de toutes preuves permettant de connaître la
véritable situation de la société.
50
L’utilisation de l’expression « comptabilité » suppose une
comptabilité bien tenue.

B. Les actes assimilés à la banqueroute frauduleuse


Le législateur punit des peines de la banqueroute frauduleuse, le dirigeant
social qui a :
- soustrait les livres de la société ;
- détourné ou dissimulé une partie de son actif ;
- reconnu la société débitrice des sommes qu’elle ne devait pas soit par des
actes publics ou des engagements sous seing privé, soit dans le bilan ;
- exercé la profession de dirigeant contrairement à une interdiction prévue
par les actes uniformes.
Sont également punis, les dirigeants sociaux qui, à l’occasion d’une procédure
de règlement préventif ont, de mauvaise foi :
- présenté ou fait présenter un compte de résultat ou un état de créances ou
de dettes inexacts ;
- payé en tout ou partie est sans autorisation du président du tribunal
compétant, les créances nées ultérieurement à la décision de suspension
de poursuites individuelles qui auront désintéressé les cautions qui ont
acquitté de créances nées ultérieurement à la décision de suspension des
poursuites individuelles.
En cas de banqueroute frauduleuse, l’élément moral est caractérisé dès lors
qu’étant en cessation de paiement, le débiteur a eu conscience de porter préjudice
à ses créanciers, même s’il a agi sans intention de nuire. L’intention est donc
présumée du fait de la qualité de professionnel de l’auteur de l’infraction.
Peines : emprisonnement de 5 à 10 ans (art.25 de la loi de 2003).

Chapitre 2 : Les infractions connexes


Le législateur a regroupé sous les articles 31 et suivants de la loi de 2003 de
nombreuses autres incriminations sanctionnant des agissements commis dans le
cadre ou à l’occasion d’une procédure de redressement ou de liquidation
judiciaire par les tiers (Section 1), ou d’autres créanciers du débiteur en difficulté
(Section 2).
Section 1. Les infractions commises par des tiers
Ces infractions sont relatives aux différentes formes de complicité
(paragraphe 1) et aux infractions commises par les créanciers (paragraphe 2).
Paragraphe 1. Les différentes formes de complicité
Il s’agit de la dissimulation et du recel qui peuvent s’appliquer de
manière générale (A) ou spécifique (B).
A. Les cas de complicité de banqueroute applicables à toute
personne
Sont concernées les personnes convaincues d’avoir :
- dans l’intérêt du débiteur, soustrait, recelé ou dissimulé tout ou partie des
51
biens meubles ou immeubles, sans préjudice de l’application des
dispositions relatives à la complicité ;
- frauduleusement produit dans la procédure collective, soit en leur nom,
soit par personne interposée ou par supposition de personne, des créances
supposées.
Relativement au deuxième cas, le texte n’exige pas que le complice ait agi
dans l’intérêt du débiteur, ou de concert avec lui. Il n’incrimine que la
déclaration frauduleuse d’une créance supposée. La complicité concerne
également les personnes qui, faisant le commerce sous le nom d’autrui ou
sous un autre nom, ont de mauvaise foi dissimulé ou détourné une partie de
leurs biens.

B. Les cas des conjoints, parents et alliés


Des dispositions de l’article 32 de la loi de 2003, une peine
d’emprisonnement de 1 à 3 ans, une amende de 50 000 à 250 000 francs, ou l’une
de ces deux peines seulement peut-être retenue contre le conjoint, les
descendants, les collatéraux du conjoint ou de ses alliés qui, à l’insu du débiteur,
ont détourné, diverti ou recelé, les effets dépendant de l’actif du débiteur, en état
de cessation de paiement.
Bien que le texte ne le précise pas expressément, le délit suppose un
élément intentionnel. L’auteur de l’infraction doit en effet savoir que les biens
dépendent de l’actif d’un débiteur soumis à un redressement judiciaire.
Paragraphe 2. Les infractions commises par des créanciers
réels ou supposés
Des dispositions de l’article 35 de la loi de 2003, un emprisonnement de 1 à
3 ans et une amende de 50 000 à 1 500 000 francs peut être prononcée à
l’encontre du créancier qui a stipulé avec le débiteur ou avec toute autre
personne, les avantages particuliers en raison de son vote dans les délibérations,
qui a conclu une convention particulière dans laquelle il résulterait en sa faveur
un avantage à la charge de l’actif, à partir du jour de la décision d’ouverture de
la procédure collective.
Pour que l’infraction soit consommée, il faut qu’un avantage particulier ait
été effectivement stipulé. Cet avantage doit avoir été mis à la charge du débiteur
ou de toute autre personne. En somme, le créancier doit avoir conclu, à la charge
du bénéficiaire, un contrat particulier lui donnant avantage.

Section 2 Les infractions commises par le syndic


Le syndic, auxiliaire de justice, joue un rôle important dans les procédures
collectives. Il a pour mission d’établir un diagnostic sur la santé de l’entreprise.
En outre, il doit se substituer partiellement ou totalement au débiteur dans la
gestion de l’entreprise, et liquider l’actif afin d’en permettre sa répartition entre
les créanciers. A ce titre, il contribue indéniablement à l’atteinte des objectifs de
ces procédures axées sur les créanciers et leurs débiteurs.

52
Malgré les obligations professionnelles auxquelles il est astreint, le syndic
peut accomplir les actes qui compromettent l’aboutissement de sa mission. De
telles malversations sont réprimées tant par le droit OHADA (Paragraphe 1) que
certaines dispositions du droit commun, notamment l’abus de confiance
(paragraphe 2).
Paragraphe 1. Les incriminations prévues par l’AUPCAP
Elles sont énoncées par l’article 243 de l’AUPCAP et se justifient par l’idée
selon laquelle la procédure est organisée dans l’intérêt de l’entreprise et des
créanciers, et non celui des auxiliaires de justice. Elles regroupent notamment le
délit de malversation (A) et d’acquisition des biens du débiteur (B).
A. Le délit de malversation
Il s’agit des fautes commises par le syndic dans sa gestion, et révélant sa
volonté d’enfreindre ses obligations vis-à-vis du débiteur ou de la masse.
Ce délit présente un caractère protéiforme quant à son élément matériel. A
ce titre, la loi énumère :
- L’exercice d’une activité professionnelle, sous le couvert d’une
entreprise du débiteur masquant ses agissements ;
- La dissipation des biens du débiteur ;
- La poursuite abusive dans l’intérêt personnel, soit directement, soit
indirectement d’une exploitation déficitaire de l’entreprise du débiteur.
L’intention coupable est présumée, en raison de la qualité de professionnel
de l’auteur.
B. L’acquisition ou l’usage des biens du débiteur
L’élément matériel consiste pour le syndic à disposer des biens du débiteur,
et à les acquérir pour son compte directement ou indirectement, en violation de
l’article 51 de l’AUPCAP.
Les biens, objets de l’acquisition, peuvent être corporels ou incorporels.
En conséquence, sont interdites la simple prise à bail d’un immeuble appartenant
au débiteur, l’acquisition par un administrateur des parts sociales de la société en
redressement judiciaire.
L’acquisition pouvant avoir un caractère indirect, la jurisprudence a
considéré que le délit peut être retenu contre l’administrateur judiciaire, si elle a
été faite par un collaborateur avec lequel le prévenu a des intérêts.
La solution est la même si les acquéreurs des biens sont des proches du
prévenu, ou lorsque ce dernier a dissimulé son identité, en établissant la facture
d’acquisition au nom d’un tiers.
L’intention coupable est présumée, en raison du fait que le syndic participe
à la procédure et ne saurait par conséquent ignorer que les biens dont il sera
acquéreur ou qu’il utilise à son profit appartiennent au débiteur.
Peines : emprisonnement de 5 à 10 ans et amende de 200 000 à 5 000 00 de
francs.
Paragraphe 2. L’abus de confiance
L’article 45 de l’AUPCAP fait obligation au syndic ayant collecté des

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deniers au cours de l’exercice de sa mission, de les reverser dans un compte
bancaire, postal ou du trésor. En cas de retard, il est redevable des intérêts des
sommes qu’il n’a pas versées.
Outre sa responsabilité en cas de retard de versement, le syndic commet une
autre infraction en dissipant les fonds reçus, destinés au désintéressement des
créanciers. Dans une telle hypothèse, il pourra être poursuivi sous la qualification
d’abus de confiance.
Peines : les peines de l’article 318 du Code pénal (emprisonnement de 5 à
10 ans et l’amende de 100 000 à 1 000 000 de francs) seront doublées en raison
de la qualité d’auxiliaire de justice du syndic.

TITRE IV : Les infractions relatives à la dissolution et à la liquidation des


sociétés
La dissolution est le terme de l’existence de la société. Les causes en sont
variées. Certains événements l’entraînent automatiquement. Dans d’autres cas,
la dissolution est judiciaire. La dissolution peut aussi être volontaire et résulter
de la décision de l’associé de mettre fin au caractère social anticipée.
Sauf exception, la dissolution de la société entraîne sa liquidation, et les
opérations y relatives sont assurées par un liquidateur, qui peut être nommé par
décision de justice, ou à l’amiable, par les actionnaires.
Généralement, le législateur soumet la désignation du liquidateur et la
conduite des opérations de liquidation, au respect de certaines prescriptions, sous
peine de sanctions pénales.
Avant de procéder à leur examen (chapitre 2), il convient d’examiner le non-
respect des prescriptions en cas de perte de la moitié du capital social (chapitre
1).

Chapitre 1. Le non-respect des prescriptions en cas de perte de la moitié du


capital social
Il concerne l’absence de convocation des associés (section 1) et de
publication de la décision de dissolution de la société (section2).
Section 1. L’absence de convocation des associés
Lorsque, du fait des pertes constatées dans les documents comptables, les
capitaux propres d’une entreprise deviennent inférieurs à la moitié du capital
social, le législateur oblige les dirigeants sociaux de consulter les associés sur la
dissolution anticipée de la société et de faire connaître la décision.
L’article 901 alinéa 1 de l’AUSCGIE sanctionne les dirigeants sociaux qui,
sciemment, lorsque les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la
moitié du capital social du fait des pertes constatées dans les états financiers de
synthèse, n’auront pas fait convoquer, dans les 4 mos qui suivent l’approbation
de cet état l’Assemblée Générale Extraordinaire, à l’effet de décider de la
dissolution anticipée de la société.

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Pour que cette infraction soit constituée, les capitaux propres de la société,
c’est-à-dire la somme des apports, des écarts de réévaluation, des réserves, du
report à nouveau créditeur, du bénéfice non distribué de l’exercice, des
subventions d’investissement et des provisions réglementées, déduction faite des
pertes, doivent être, du fait des pertes constatées dans les documents comptables,
inférieurs à la moitié du capital social.
Seuls les documents comptables, notamment les états financiers de synthèse,
peuvent permettre de confirmer la réduction du capital social. Les dirigeants
sociaux ne peuvent confirmer cette réduction du capital qu’avec l’approbation
des comptes ayant fait apparaître cette perte.
L’infraction est intentionnelle et présumée en raison de la qualité de dirigeant
de l’auteur de l’infraction.
Peines : emprisonnement de 2 à 5 ans et une amende de 500 000 à 5 000 000 de
francs ou de l’une de ces deux peines seulement (art.19 de la loi de 2003).

Section 2. Le défaut de dépôt et de publication de la décision


Si les associés décident de prononcer la dissolution de la société, cette décision
doit être inscrite au RCCM et publiée dans un journal habilité à recevoir les
annonces légales.
La publication étant importante pour les tiers, notamment les fournisseurs qui
doivent recouvrer leurs créances sans difficultés, le défaut de dépôt de la décision
en vue de sa publication dans le RCCM et un journal d’annonces légales, est
sanctionné.
Le législateur n’a cependant pas fixé de délai pour l’accomplissement de cette
formalité légale. La jurisprudence a décidé que le délit consistait en la non
publication de la décision de dissolution dans un délai raisonnable après la
réunion des actionnaires.
Peines : emprisonnement de 2 à 5 ans et d’une amende de 500 000 à 5 000 000
de francs ou de l’une de ces deux peines seulement (art.19 de la loi de 2003).

Chapitre 2. Les infractions relatives à la liquidation de la


société

Les incriminations relatives à la liquidation de la société sont prévues par


les articles 902,903, 904 et 905 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 sur les
sociétés commerciales et le groupement d’intérêt économique.

D’après une règle générale consacrée par l’article 240 de l’AUSCGIE, dès
qu’elle est l’objet de la dissolution, une société est en liquidation, pour quelque
cause que ce soit. Sa raison ou sa dénomination sociale est suivie de la mention
: « société en liquidation ».

55
Pour protéger les tiers, la dissolution ne produit ses effets à leur égard qu’à
compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce.
La société dissoute conserve la personnalité morale pour les besoins de la
liquidation. Cette survivance étant indispensable pour maintenir le patrimoine
social jusqu’au moment où il sera partagé. Il est certain que la personnalité
morale postérieure à la dissolution est une personnalité diminuée qui n’est
maintenue que pour les besoins de la liquidation.
La liquidation de la société est un ensemble des opérations consistant,
après règlement du passif sur les éléments de l’actif, à convertir ces éléments
en argent liquide, de manière à ce que le partage puisse être effectué,
éventuellement, entre les associés. Elle consiste également à déterminer la part
que chaque associé doit prendre à sa charge dans le passif qui ne peut être réglé
sur l’actif.
Le rôle du liquidateur dans la réalisation de ces opérations est capital. D’où
l’intérêt de réglementer ces actes, tant du point de vue de sa nomination que de
celui de l’exercice de sa mission.
Le liquidateur est le représentant de la société en liquidation. Ses pouvoirs
sont déterminés d’après la mission qui lui est confiée et qui consiste à réaliser
l’actif, acquitter le passif et répartir le solde disponible.

Les principales opérations que le liquidateur peut être amené à accomplir


sont :
- le recouvrement des créances sociales contre les tiers et aussi contre les
associés qui seraient encore débiteurs de leurs apports ou auraient reçu
des avances de la société ;
- la vente des biens mobiliers, y compris le fonds de commerce qu’il peut
vendre avec tous ses éléments ou seulement quelques uns ;
- la vente des immeubles ;
- la transaction sur les droits litigieux ;
- le règlement du passif ;
- la restitution des apports et le partage.

L’Acte uniforme prévoit une sanction pénale contre le liquidateur d’une


société, pour défaut de publicité de sa nomination et le non dépôt des
décisions prononçant la dissolution (Section 1), c’est donc un délit d’omission,
et en cas de certaines indélicatesses commises au cours de la liquidation
(Section 2).
Section 1. Le défaut de publication de la décision de nomination du
liquidateur

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Il ressort de l’article 266 de l’AUSCGIE que l’acte de nomination des
liquidateurs, quelle que soit la forme, est publié dans le délai d’un mois à
compter de la nomination, dans un journal habilité à recevoir les annonces
légales de l’Etat partie du siège social, et doit contenir les indications
suivantes :
1°) la raison ou la dénomination sociale de la société suivie, le cas
échéant, de son sigle ;
2°) la forme de la société, suivie de la mention « société en
liquidation » ;
3°) le montant du capital social ;
4°) l’adresse du siège social ;
5°) le numéro d’immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit
Mobilier ;
6°) la cause de la liquidation ;
7°) les noms, prénoms usuels et domicile du ou des liquidateurs ;
8°) le cas échant, les limitations apportées à leurs pouvoirs ;
9°) le lieu où la correspondance doit être adressée et celui où les actes
et documents concernant la liquidation, doivent être notifiés.
A la diligence du liquidateur, les mêmes indications sont portées, par
lettre au porteur contre récépissé, ou par lettre recommandée avec demande
d’avis de réception, à a connaissance des porteurs d’actions et d’obligations
nominatives.
L’article 902 de l’AUSCGIE sanctionne le liquidateur qui n’aura pas
accompli sciemment, dans un délai d’un mois à compter de sa nomination,
la publication dans un journal habilité à recevoir des annonces légales du lieu
du siège social l’acte le nommant, et déposé au RCCM les décisions
prononçant la dissolution de la société. L’infraction est intentionnelle.
Peines : amende de 500 000 à 5 000 000 de francs (art.20 de la loi de 2003).
Section 2. Les infractions découlant de l’exercice des opérations de
liquidation
Dans le cadre de l’exercice de sa mission, le liquidateur est soumis à des
obligations qui, lorsqu’elles ne sont pas satisfaites, peuvent nuire aux intérêts
des associés et des tiers.
Chargé donc de représenter la société durant la liquidation, le liquidateur est
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assimilé au dirigeant social. Cependant, l’AUSCGIE ne lui accorde pas un
blanc-seing. Certaines restrictions encadrent sa liberté d’action. C’est donc à
juste titre que le droit pénal des affaires sanctionne les abus qu’il pourrait
commettre dans l’exercice de ses fonctions, et qui se résument en abstentions
(Paragraphe 1), à l’usage abusif des biens ou des crédits de la société
(Paragraphe 2), et à la cession d’actifs interdits (Paragraphe 3).

Paragraphe 1. Les abstentions punissables


Le liquidateur encourt une sanction, s’il ne convoque pas les associés, en fin
de liquidation, pour statuer sur le compte définitif, sur le quitus de sa gestion et
la décharge de son mandat et pour constater la clôture de ladite liquidation.
L’article 902 de l’AUSCGIE dispose qu’encourt une sanction pénale, le
liquidateur d’une société qui, sciemment :
1) n’aura pas dans le délai d’un mois à compter de sa nomination, publié
dans un journal habilité à recevoir les annonces légales du lieu du siège
social, l’acte le nommant liquidateur et déposé au RCCM les décisions
prononçant la liquidation ;
2) n’aura pas convoqué les associés, en fin de liquidation, pour statuer sur
le compte définitif de la liquidation, sur le quitus de sa gestion et la
décharge de son mandat et pour constater la clôture de la liquidation ;
3) n’aura pas, dans le cas prévu à l’art.219 du présent Acte uniforme, déposé
ses comptes définitifs au greffe du tribunal chargé des affaires
commerciales du lieu du siège social, ni demandé en justice l’approbation
de ceux-ci.
L’article 902 de l’AUSCGIE considère, quant à lui, au titre des abstentions
punissables, le liquidateur qui n’a pas :
- dans les six (06) mois de sa nomination, présenté un rapport sur la
situation active et passive de la société en liquidation et sur la poursuite
des opérations de liquidation, ni sollicité les autorisations nécessaires
pour les terminer ;
- dans les trois (03) mois de la clôture de chaque exercice, établi les états
financiers de synthèse au vu de l’inventaire et d’un rapport écrit, dans
lequel il rend compte des opérations de liquidation au cours de l’exercice
écoulé ;
- permis aux associés d’exercer en période de liquidation un droit de
communication des documents sociaux, dans les mêmes conditions
qu’antérieurement ;
- au moins une fois par an, convoqué les associés pour leur rendre compte
des états financiers de synthèse, en cas de continuation de l’exploitation
commerciale ;
- déposé dans un compte ouvert dans une banque au nom de la société en
liquidation dans le délai de 15 jours à compter de la décision de

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répartition, les sommes affectées au partage entre les associés et les
créanciers ;
- déposé dans un compte de consignation ouvert dans les écritures du
trésor, dans un délai d’un an à compter de la clôture de la liquidation, des
sommes attribuées à des créanciers et non réclamées par eux.
Le liquidateur reconnu coupable de ces abstentions, sont punis
conformément aux dispositions de l’article 21 de la loi de 2003 d’une peine de
prison de 2 à 6 mois et d’une amende de 100 000 à 2 000 000 de francs.
L’intention coupable est présumée en raison de la qualité de
professionnel de l’auteur.
Paragraphe 2. L’usage abusif des biens ou du crédit de la société en
liquidation
L’article 904 de l’AUSCGIE reprend les dispositions de l’article
891 relative à l’abus des biens et du crédit de la société par es dirigeants sociaux.
Cette infraction peut donc être retenue contre le liquidateur qui fait un usage des
biens et du crédit de la société en liquidation à des fins personnelles ou un usage
contraire à l’intérêt de la société en liquidation.
En somme, il s’agit du délit spécifique d’abus de biens sociaux dans
le cadre de la liquidation.
Peines : emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 2 à 20 millions de francs,
ou de l’une de ces deux peines seulement (art.22 de la loi de 2003).
Lorsque l’infraction est commise dans une entreprise publique ou
un établissement public, la peine prévue est celle de l’article 184 du Code pénal.
Paragraphe 3. L’interdiction des cessions d’actifs
La mission normale du liquidateur est de réaliser l’actif de la
société en liquidation en vue de régler le passif. Pour éviter que le patrimoine de
la société en liquidation ne soit bradé, le législateur a limité sa liberté pour
certaines cessions.
L’article 904 de l’AUSCGIE réprime le liquidateur qui, de
mauvaise foi, aura cédé tout ou partie de l’actif de la société en liquidation à une
personne ayant eu dans la société la qualité d’associé en nom, de commandité,
de gérant, de membre du conseil d’administration, de commissaire aux comptes,
sans avoir obtenu le consentement unanime des associés ou à défaut,
l’autorisation de la juridiction compétente.
Les raisons de cette interdiction sont évidentes. La confusion
d’intérêts pourrait conduire à des fraudes et à des minorations des éléments
d’actifs cédés.
L’autorisation du tribunal permettra alors de s’assurer qu’en dépit
de la connaissance préalable de l’actif à acheter, les intérêts de la société en
liquidation ne seront pas lésés.
Peines : emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 2 à 20 millions de francs ou de l’une de ces
deux peines seulement (art.22 de la loi de 2003).

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