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DROIT PENAL GENERAL

SEMESTRE 2/ GROUPE 2

Chahid SLIMANI

Enseignant-Chercheur, Faculté de Droit de Fès, USMBA

Année universitaire 2019-2020


Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

Introduction générale

Le droit pénal est d’une connotation non seulement juridique mais aussi sociale.
On se souvient de la célèbre citation selon laquelle : « le droit pénal est comme ces
monuments célèbres que chacun croit connaître sans jamais avoir visité ». Cette citation
montre l’ampleur de la matière que ce soit au niveau juridique ou sociétal. Cette fameuse
citation reflète l’aspect bien particulier au droit pénal qui fait de lui une discipline, à la
fois, populaire et ésotérique, caractérisée par une grande technicité et inaccessible aux
profanes.

I. Définition du droit pénal

Le droit pénal peut être défini comme étant la branche du droit qui détermine les
actes susceptibles de troubler gravement l’ordre social, qui fixe leurs sanctions et qui
répond à toutes les questions relatives à leur commission et à leur nature. Ou bien le
droit de l’infraction et de la réaction sociale qu’elle engendre. En d’autres termes, le
droit pénal est l’ensemble des normes juridiques qui réglementent le recours de l’Etat à
la sanction pénale.

II. L’objet du droit pénal

Les objets principaux du droit pénal sont de définir les incriminations et les
sanctions qui leur correspondent.

L’objet du droit pénal est le phénomène criminel. La question qui se pose c’est à
partir de quand un comportement peut-il être comme infractionnel ou délictueux ? Les
réponses diffèrent selon l’approche adoptée. Le moraliste n’utilise pas les mêmes
critères d’évaluations des comportements que le sociologue ou le psychologue. Le crime
et par conséquent le criminel est une réalité humaine (intéressant à ce titre le médecin,

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le psychiatre, le psychologue, voire le littérateur), et une réalité sociale (intéressant à ce


titre le sociologue et le juriste).

-les critères juridiques du phénomène criminel : pour qu’un comportement puisse


être considéré comme délictueux, il doit satisfaire à plusieurs critères. Il doit tout
d’abord, s’agir d’un fait. L’existence d’une infraction pénale suppose toujours
l’accomplissement d’un fait matériel. Il doit ensuite s’agir d’un fait positif. Il est de
principe, en effet, qu’une abstention ne peut constituer une infraction pénale. Ce fait doit
être contraire à l’ordre social, c’est-à-dire qu’il doit porter atteinte aux valeurs que la
société entend protéger. En effet, la loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles
à la société. A contrario, le manquement à un simple devoir moral (par exemple,
obligation alimentaire entre frères et sœurs) ou à une simple obligation civile (par
exemple, inexécution d’un contrat) ne suffisent pas, en principe, à constituer une
infraction pénale. La commission d’un fait contraire à l’ordre social ne doit pas se
confondre ni avec l’ordre moral, ni avec l’ordre religieux. Pour être délictueux, le fait
doit encore être prévu par la loi. En d’autres termes, la gravité et le caractère antisocial
du fait litigieux doivent être constatés par un texte. Le législateur ainsi que le pouvoir
réglementaire ont à définir ce qui, au Maroc, constitue une faute qui revêt une nature
pénale. Enfin, le fait délictueux doit être puni de sanctions étatiques. C’est, en effet,
l’Etat qui met en œuvre le droit de punir. Il dispose même du monopole en la matière
puisque les particuliers ne peuvent se faire justice eux-mêmes.

-les causes du phénomène criminel : pendant de très nombreuses années, le


phénomène criminel n’a pas fait l’objet d’une étude systématique. Il y avait bien eu
quelques approches philosophiques ou littéraires. Mais l s’agissait plus de l’utilisation
du hème du crime que ‘une étude de celui-ci en tant que comportement social. Ce n’est
qu’à partir du 19ème siècle qu’une discipline nouvelle, la criminologie, se propose de
rechercher les causes de la délinquance et les remèdes que l’on peut lui apporter. Les
trois fondateurs de la criminologie sont italiens : Lombroso, Ferri, Garofalo.

-la réaction sociale au phénomène criminel : de même que le groupement se défend


contre celui qui viole ses règles (blâme, exclusion…), la société se défend contre le
délinquant qui, par son comportement, porte atteinte à l’ordre social, aux valeurs que la

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société entend protéger. Ainsi, toute société est-elle conduite à adopter une politique
criminelle.

III. Les fondements de la répression pénale :

La répression pénale est justifiée de longue date par des de nombreux fondements
ou fonctions :

-une fonction rétributive : ce fondement renvoie à des époques primitives où la


répression était exercée par le groupe social proche de l’auteur. La sanction supposait
que le mal causé par l’auteur soit puni par une sanction lui causant un tort équivalent.

-une fonction neutralisatrice : il s’agit cette fois d’écarter, voire d’éliminer


l’auteur. Ainsi ne pourra-t-il pas recommencer et ne nuira-t-il donc plus à la société.

-une fonction préventive : ce fondement jouerait d’une double manière. Il serait


tantôt individuel, tantôt collectif. Il jouerait individuellement en décourageant par la
peur qu’elle inspirerait les personnes susceptibles de commettre une infraction. Il
jouerait collectivement, en décourageant le plus grand nombre d’en commettre du fait
de la crainte de la subir.

IV. Les mesures sanctionnatrices du droit pénal

La mesure pénale est dite sanctionnatrice quand elle vise à faire souffrir le
responsable du trouble social. Les mesures sont nombreuses :

-les mesures visant l’intégrité physique : sont les plus anciennes. Elles englobent
l’ensemble des sanctions susceptibles de porter atteintes physiques de l’auteur de
l’infraction

-les mesures visant la réputation de l’auteur : elle vise notamment la publication


des décisions de condamnations des délinquants.

-les mesures visant les biens : qui visent à infliger à l’auteur une souffrance
matérielle et pécuniaire (amende).

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-les mesures civiques : visant la privation de l’auteur d’un ou plusieurs de ses droits
comme l’incapacité d’exercer une profession publique.

-les mesures visant les libertés : qui se réalisent à travers les différentes peines
privatives de liberté, telle que la réclusion, l’emprisonnement.

V. l’évolution et l’histoire du droit pénal

Aux origines, notamment dans les tribus préhistoriques puis dans l’antiquité,
régnait la vengeance privée. A l’intérieur de la famille ou du clan, le chef de famille ou
le chef du clan avait les pouvoirs de justice sur ceux de sa lignée. Le chef du clan,
généralement à la fois chef de guerre, chef politique et chef religieux, est investi des
pouvoirs les plus absolus, en particulier pour faire régner l’ordre dans le groupe.

Puis la vengeance privée a fait place à la justice privée. La justice privée est une
vengeance surveillée par l’Etat. Dans la justice privée, il y a des limites, il y a des règles,
il y a un embryon d’organisme juridictionnel. Le pouvoir central doit être averti
préalablement au déroulement de la vengeance et les sujets actifs (auteurs) et passifs
(victimes) de la vengeance sont limités.

A partir du 16ème siècle et surtout du 17ème siècle, la justice privée fait place à la
justice publique. La répression est alors organisée par l’Etat, et non plus seulement
contrôlée par lui. L’action punitive appartient à la société ; elle est exercée devant
l’autorité judiciaire et la peine est infligée au nom de la société.

Quant au droit pénal marocain moderne, il a traversé trois étapes :

-avant le protectorat : c’est le droit musulman fondé sur la protection des cinq
valeurs fondamentales qui sont la religion, la vie, les biens, la procréation, et la morale.

-pendant le protectorat : une période dans laquelle on a connu la création des


juridictions françaises qui appliquaient le code pénal français. Cette application a été
rendue obligatoire par le Dahir du 12 Aout 1913.

Dans la région du nord, la situation était identique. Le Dahir du 1 juin 1914 a rendu
obligatoire l’application du code pénal espagnol dans cette zone.

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-après l’indépendance : Ce n’est que le 26 novembre 1962 que le code pénal unifié
fut promulgué. Son entrée en vigueur n’a eu lieu qu’à partir du 17 juin 1963.

VI. les caractères spécifiques du droit pénal

Le droit pénal est l’ensemble des règles de droit ayant pour but la sanction des
infractions. Cette définition appelle plusieurs remarques.

D’une part, le droit pénal se divise en trois branches principales :

-Le droit pénal spécial étudie les éléments constitutifs et la répression propres à
chaque infraction (vol, meurtre, empoisonnement…). C’est la partie la plus ancienne du
droit pénal. En effet, le législateur a d’abord commencé par incriminer et sanctionner
les comportements qui lui paraissaient nuisibles. Et le droit pénal général n’est venu
qu’ensuite. Dans le code pénal, il prend la forme d’un catalogue d’infractions et il y
prend la majeure part.

-Le droit pénal général étudie les principes généraux de l’incrimination et de la


sanction. C’est en quelque sorte le droit des grands principes. C’est la branche du droit
pénal qui contient les principes directeurs ainsi que le régime juridique de base
applicables aux infractions et aux peines. Il étudie les conditions générales
d’incriminations et les règles générales sur la fixation des peines.

-la procédure pénale : est l’étude des règles de forme et de procédure, relatives à
la recherche de la vérité (enquêtes, instructions), le procès (organisation, compétence,
déroulement) et les recours. Elle est régie par le code de procédure pénale. Entre
l’infraction commise et la peine prononcée se situe tout le déroulement de la poursuite.

VII. la nature juridique du droit pénal

Le droit pénal relève-t-il du droit privé ou du droit public ? Quelle place occupe-t-
il dans la classification des disciplines juridiques ?

Relevons d’emblée que le débat est faussé par le fait que les différents courants
doctrinaux ne parlent en réalité pas de la même chose :

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Pour les partisans du rattachement du droit pénal au droit public, il s’agit avant
tout de montrer que cette matière doit être rapprochée non pas tant du droit public en
tant que discipline juridique que d’un ensemble constitué de ce qui relève de l’Etat ;

Pour les partisans du droit privé, au contraire, il s’agit de décrire une proximité
technique et judiciaire.

VIII. Les sources du droit pénal

Nous allons étudier les sources de droit qui émanent de notre propre pays, puis les
sources supranationales qui n’ont cessé de gagner en importance.

-la constitution :

-la constitution comporte peu de normes traitant directement du droit pénal. Dans
la Constitution de 2011, peu de textes intéressent le droit pénal, si ce n’est quelques
articles comme par exemple l’article 3 qui garantit à tous le libre exercice des cultes, et
qui sert de fondement aux incriminations du code pénal qui répriment justement les
infractions relatives à l’exercice des religions énoncées aux articles 220-221-222-223
du code pénal.

-la loi :

En matière pénale, la loi est la source par excellence et a longtemps été l’unique
source admissible. L’importance de la loi en matière pénale s’explique d’abord
historiquement. Il s’agit alors de faire disparaître l’arbitraire judiciaire.

-la jurisprudence :

Il est toujours énoncé que le juge pénal doit se borner à appliquer les textes, en
raison de la rigidité du principe de légalité. En réalité, il n’est pas contesté qu’il ait
matière à interprétation. Des textes peuvent être obscurs ; des situations nouvelles
peuvent apparaître. Seulement, le choix des méthodes d’interprétation admissibles est
limité.

-les sources supranationales :

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Il n’est pas possible de citer la totalité des conventions internationales. Outre un


très grand nombre de conventions bilatérales entre Etats, notamment sur des questions
comme l’extradition ou les transfèrements internationaux de condamnés, des traités ont
été signés et ratifiés par le Maroc.

IX. Le Droit Pénal et les autres disciplines voisines

On distingue généralement entre le Droit Pénal et la criminologie ; le droit pénal


et la Politique Criminelle ; le droit pénal et la Criminalistique et la droit pénal et la
Pénologie.

IX.1. Droit Pénal et Criminologie

Selon Raymond Gassin la criminologie est une science qui étudie les facteurs et
les processus de l’action criminelle et qui détermine, à partir de la connaissance de ces
facteurs et de ces processus, les moyens de lutte les meilleurs pour contenir et si possible
réduire ce mal social.

Le droit pénal qui a pour objectif l’étude de l’infraction et sa répression, trouve ses
origines et inspiration dans les écrits de Beccaria et plus spécialement son Traité des
délits et des peines (1764) qui se fonde sur le célèbre principe de base Nullum crimen,
nulla poena sine lege (pas de délit, pas de peine sans loi ) dont découlent les autres
principes connus du droit pénal, à savoir: une justice égale pour tous ; des lois écrites
et codifiées pour que nul ne les ignore ; des lois appliquées ; une peine définie par la loi
et une punition humaine. Beccaria est ainsi présenté comme celui qui a révolutionné le
droit pénal en expliquant qu’une peine modérée à laquelle on ne peut échapper, a
davantage d’effet préventif qu’une peine effrayante dont l’application est incertaine,
c'est-à-dire que l’effet d’intimidation, principale fonction de la peine, est mieux réalisé
par la certitude du châtiment que par sa rigueur .

Il s’agit donc d’une discipline normative, descriptive qui décrit ce qui doit être, qui
cherche à mettre de l’ordre dans la réalité, qui cherche à punir le délinquant et rendre
justice à la victime et qui dicte enfin la conduite des magistrats et des policiers . Un

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cadre que la criminologie semble englober, inspirer, corriger et compléter par son étude
scientifique et approfondie de l’action criminelle et par ses méthodes empiriques.

Si le droit pénal condamne et stigmatise le criminel et lui applique des peines, la


criminologie fait du criminel son objet, explique son crime et espère le combattre.
Malgré quelques mésententes et rivalités entre pénalistes et criminologues au début,
aujourd’hui on a tendance à considérer que le droit pénal doit se contenter de dire les
normes, pendant que la criminologie observe les faits et propose aux juristes une
prévention contre le crime, une prophylaxie sociale et un traitement scientifique des
condamnés. Des mesures et des objectifs que le droit pénal et les pénalistes n’ont jamais
proposés ou tracés. A notre avis, les pénalistes doivent être assez clairvoyants pour
comprendre que la survie et le perfectionnement de leur discipline, largement pointée
du doigt aujourd’hui, dépendent bien de la criminologie et de son avenir prometteur.

IX.2. Droit pénal et Politique Criminelle

Pour M. Tome Lodge « par politique criminelle on entend ici : la politique


poursuivie par le gouvernement d’un pays en ce qui concerne l'application du droit
pénal, la révision du droit pénal, la prévention de la délinquance, l'administration de la
justice et le traitement des délinquants ». Combattre la criminalité comme mal social
est donc l’objectif universel de la politique criminelle.

IX.3. Droit pénal et Pénologie

La pénologie se charge de l’étude des fonctions des sanctions pénales, des règles
de leur exécution et des méthodes utilisées dans leur application. Cet objet l’incite ainsi
à prendre en considération les théories, les explications et les recommandations
avancées par la criminologie.

IX.4. Droit pénal et criminalistique

La criminalistique est la recherche des infractions et des coupables par des voies
scientifiques faisant appel souvent à la médecine, à la biologie, à la chimie, à la
physique, aux mathématiques etc. L’étude des indices et traces diverses se base

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aujourd’hui sur les empreintes digitales, les empreintes génétiques etc. et le résultat est
remarquable.

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Première partie

L’infraction

Considérée d’un point de vue très général, l’infraction est tout à fait contraire à
l’ordre social, qui expose celui qui l’a commis à une peine ou à une mesure de sûreté.
D’un point de vue juridique, on peut définir l’infraction comme l’action ou l’omission,
imputable à son auteur, prévue ou punie par la loi d’une sanction pénale.

Chapitre I : classification des infractions

La classification des infractions peut s’opérer de manière très diverse. Pour classer
les diverses infractions, on peut se placer sur le plan de l’un ou de l’autre de leurs
éléments constitutifs : légal, matériel ou moral.

§I infraction crime, délit et contravention.

L’article 111 du code pénal énonce : « les infractions sont qualifiées crime, délit
correctionnel, délit de police ou contravention… ».

Les différentes infractions répertoriées dans le code pénal ne se présentent pas avec
une étiquette crime, délit, ou contravention. Il existe un critère officiel de distinction
présenté à l’article 111, celui de la gravité de l’infraction. Ce texte vise la gravité
intrinsèque de l’infraction elle-même : il est plus nuisible de commettre un crime qu’un
délit, un délit qu’une contravention.

La distinction entre ces trois infractions se base sur la sanction prévue par le texte
d’incrimination. Les crimes sont des infractions pouvant donner lieu à la prononciation
d’une sanction criminelle « la mort, la réclusion perpétuelle, la réclusion à temps pour
une durée de 5 à 30 ans, la résidence forcée, la dégradation civique ». Les délits sont les
infractions pouvant donner lieu à des sanctions délictuelles « l’emprisonnement entre 1
mois et 5 ans, l’amende de plus de 1200 DH ». Enfin, constituent des contraventions,
les infractions dont le texte d’incrimination prévoit la possibilité de prononcer une

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sanction contraventionnelle « la détention de moins d’un mois, l’amende de 30 DH à


1200 DH ». art 116-117, 118 CP.

Les conséquences de la distinction

Les différences entre les trois catégories d’infractions traversent toute la discipline
pénale.

-en droit pénal de fond :

Il y a en premier lieu des différences concernant la tentative. Elle est toujours


punissable en matière criminelle. Elle ne l’est en matière délictuelle que dans les cas
prévus par la loi. Elle ne l’est pas en matière contraventionnelle. Art 114,115,116 CP

Il y a en deuxième lieu, des différences concernant la complicité. Elle est toujours


punissable en matière criminelle et délictuelle. Elle n’est jamais punissable en matière
contraventionnelle. Art 129 CP

Il y a en troisième lieu, des différences concernant l’élément moral de l’infraction,


c’est-à-dire l’intention. Il doit toujours être recherché en matière criminelle. Il en va de
même pour les délits. Il n’est pas exigé pour les contraventions.

En quatrième lieu, le sursis à exécution ne peut être accordé qu’en matière


délictuelle. Il ne concerne ni les crimes ni les contraventions.

-en droit pénal de forme :

Il y a, en premier lieu, des différences concernant la compétence. La détermination


de la juridiction compétente se fait par rapport à la nature de l’infraction. En matière
contraventionnelle, la compétence en principe est du domaine de la justice de proximité.
En matière délictuelle, la compétence revient aux tribunaux de première instance. La
chambre criminelle près la cour d’appel est compétente en matière criminelle.

L’instruction préparatoire est obligatoire en matière de certains crimes, , en matière


délictuelle, en la présence d’une disposition expresse. Elle est facultative dans le cadre
de certains crimes et des délits dont la sanction peut atteindre cinq ans

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d’emprisonnement et elle ne peut en aucun cas être réalisée en matière


contraventionnelle. Art 83 CPP ;

Le délai de prescription de l’action publique est de l’ordre de 15 ans en matière


criminelle, de 4 ans en matière délictuelle et d’un an en matière contraventionnelle.

II§ infraction : de droit commun et infraction politique

Sont considérées comme étant politiques, les infractions qui ont un mobile qui se
résume dans la volonté de provoquer le changement d’un mauvais régime politique ou
dans la perpétration d’actes de résistance à un pouvoir despotique.

Au niveau de la doctrine, sont considérées comme étant politiques, les infractions


susceptibles de porter atteinte aux institutions constitutionnelles, aux fonctions du
régime ou à son idéologie. Par conséquent, tout acte criminel de droit commun peut
devenir une infraction politique si sa commission était motivée par la recherche d’un
idéal ou si elle avait un but politique.

Au niveau du droit positif, constituent des infractions politiques, les infractions qui
ont été prévues par le dahir du 15 novembre 1958 sur les libertés publiques, telle l’injure,
la diffamation visant des personnalités politiques ou celles prévues par le code pénal
telle que l’attentat, l’espionnage…

Le critère proposé par la doctrine est un critère objectif. Il se réfère à la nature de


l’action criminelle et n’attribue aucune importance au mobile. L’exclusion des mobiles
se justifie par le fait qu’il est difficile de sonder la psychologie intime de l’auteur de
chaque infraction afin de déterminer si elle a commise dans un but politique ou si
l’auteur était motivé par des mobiles identiques à ceux propres aux infractions de droit
commun

Le régime juridique applicable varie entre les deux types d’infractions. Par
exemple, l’extradition ne peut pas être accordée à l’encontre des auteurs des infractions
politiques. Cette exclusion à pour intérêt de mettre à l’abri d’un procès non équitable,
administré par un système qui risque d’être aveuglé par la vengeance.

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III§ infractions de droit commun et infractions terroristes

Les infractions terroristes se sont différenciées des infractions de droit commun,


car il s’agissait surtout au départ de les différencier des infractions politiques et de traiter
de manière inversement plus dure leurs auteurs.

Historiquement, le Maroc a opté pour un traitement spécifique des faits de


terrorisme à la suite des attentats qui l’a traversé.

La définition de l’infraction de terrorisme est particulière : elle s’appuie sur


d’autres infractions. L’article 218-1 CP énonce »e en effet que l’acte de terrorisme
consiste à commettre certaines infractions de droit commun « intentionnellement en
relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler
gravement l’ordre public par l’intimidation, la terreur ou la violence ».

La liste des infractions est particulièrement longue. L’on y trouve notamment


toutes les atteintes à la vie et à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration,
le détournement de moyens de transport, les infractions en matière d’armes.

Il s’agit de déterminer quels ont été les mobiles qui ont animé l’auteur ou les
auteurs lors de la commission de l’infraction, là où, traditionnellement, le droit pénal
n’a pas égard aux mobiles, ceux-ci étant particulièrement difficiles à démontrer. En
matière terroriste cela ressortira souvent des circonstances (par exemple atteinte gratuite
et indifférenciée à des civils).

Ainsi défini, l’acte de terrorisme présente d’importantes particularités quant à son


régime juridique :

En droit pénal de fond, le législateur a retenu des peines systématiquement plus


lourdes, que si elles avaient été réalisées dans les conditions du droit commun.

En droit pénal de forme, le législateur a dérogé aux principes appliqués pour les
infractions de droit commun. Par exemple, les règles relatives à la compétence. La
poursuite, l’instruction et le jugement des faits de terrorisme ont été centralisés. La
centralisation vise à être plus efficace dans la réunion des informations.

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4§ infractions de droit commun et infraction militaires

La distinction entre les infractions militaires et les infractions de droit commun


peut être établie sur la base de trois critères :

-le critère subjectif : selon lequel constitue une infraction militaire toute infraction
commise par un élément de l’armée. Par conséquent, sont qualifiées d’infractions
militaires, selon ce critère, les infractions qui ne peuvent être commises que par un
militaire.

-le critère objectif : selon lequel l’infraction militaire est toute infraction de droit
commun commise à l’encontre de l’armée.

-le critère mixte : en vertu de ce critère, l’infraction militaire est celle commise par
des éléments de l’armée contre les intérêts de cette dernière.

Cette classification entre infractions militaires et infractions de droit commun a un


intérêt majeur :

Les infractions de droit commun relève de la compétence des juridictions


répressives ordinaires, alors que les infractions militaires sont soumises à une juridiction
d’exception, à savoir, le tribunal des forces armées royales. (Arrêt de la Cour de
cassation n° 11/1408 du 2006/7/12, dossier délictuel n° 2004/13635)

Les peines encourues sont en principe les peines de droit commun. Cependant,
peuvent être prévues de peines spécifiques comme la destitution et la perte de grade.

5§infractions de commission et infractions d’omission

Le plus souvent, l’infraction est un acte de commission. L’agent commet un fait


que la loi prohibe et réprime : violer, voler…il est d’ailleurs dit qu’il commet une
infraction.

L’infraction peut aussi être, plus rarement, constituée d’un acte d’omission. Est
alors punissable le fait de ne pas avoir agi alors que la loi l’imposait. Citons par exemple,
l’abandon de famille, la non présentation d’enfant, la non dénonciation de crime,
l’omission de porter secours à une personne en péril.
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6§infractions simples et infractions complexes

Une infraction simple est une infraction pour laquelle un seul acte matériel est
nécessaire.

Une infraction complexe est une infraction pour laquelle plusieurs actes matériels
distincts sont nécessaires.

Il existe plusieurs intérêts à distinguer entre infractions simples et infractions


complexes. En raison du principe général de compétence du tribunal du lieu de
l’infraction, la pluralité de rattachements possibles de l’infraction complexe conduit à la
compétence éventuelle de plusieurs tribunaux (par exemple, l’escroquerie : lieu de
réalisation des manœuvres frauduleuses).

7§ infractions simples et infractions d’habitude

L’infraction simple appelée aussi infraction d’occasion est constituée d’un acte
unique. Au contraire, l’infraction d’habitude requiert la réalisation de plusieurs actes
qui, pris isolément, n’auraient pas été punissables.

L’intérêt de la distinction entre infraction simple et infraction d’habitude sont


plusieurs : en premier lieu la répétition dans l’acte d’habitude peut conduire à une
multiplicité de compétences juridictionnelles.

En second lieu, l’intérêt concerne la prescription de l’action publique : elle


commence à courir, pour l’infraction d’habitude, dès lors que se réalise le second acte
et seulement à compter de celui-ci.

8§infractions instantanées, et continues

L’infraction est instantanée lorsqu’elle est commise en un trait de temps. Cela ne


signifie pas qu’elle se commet en une fraction de seconde. Il suffit que l’acte soit défini
par la loi pénale de telle sorte qu’il ne soit point besoin de succession ou de réitération
des actes matériels pour que l’infraction soit constituée.

L’infraction est dite continue ou successives lorsque sa définition suppose la


réitération d’acte matériel sur une certaine période de temps. (Exemple l’infraction de
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l’abandon de famille stipulée dans l’article 480 CP) (Arrêt de la Cour de cassation
n°5/864 du 10/6/1998, dossier délictuel n° 93/5/3/18066)

Les conséquences juridiques de cette distinction sont multiples :

L’application de la loi dans le temps : l’infraction instantanée est régit par la loi
qui était applicable lors de sa commission. En revanche, l’infraction continue est régie
par la loi nouvelle, y compris par la loi nouvelle plus sévère dès lors qu’elle s’est
prolongée, même un très court trait de temps, au-delà de son entrée en vigueur.

Quant au point de délai de prescription de l’action publique. Elle commence à


courir, ordinairement pour les infractions instantanées, du jour de leur commission. En
revanche, pour les infractions continues, elle court seulement du jour où le dernier acte
matériel commis se termine. (arrêt de la Cour de cassation n° 8/1185 du 03/3/27, dossier
délictuel n° 02/5875)

Aussi au niveau e la compétence des juridictions : une compétence unique pour


l’infraction instantanée et une compétence plurielle pour l’infraction continue.

9§infractions matérielles et infractions formelles :

Les infractions matérielles sont celles dont l’incrimination se rapporte au résultat


que l’auteur cherche à atteindre (vol, meurtre…)

Cependant, dans un certain nombre d’incrimination, l’absence de résultat


n’empêche pas la qualification et donc la sanction. C’est l’infraction formelle. En
d’autres termes, c’est l’infraction sanctionnée indépendamment du résultat criminel que
l’agent cherche à atteindre. Exemple l’empoisonnement. On sanctionne dès
l’administration de substance de nature à entraîner la mort, indépendamment des suites
pour la victime.

10§infractions flagrantes et infractions non flagrantes :

L’infraction flagrante est celle qui se commet actuellement ou qui vient de se


commettre. Il y a également infraction flagrante, lorsque dans un temps très voisin de
l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur de la publique ou est

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trouvée en possession d’objets ou présenter des traces ou indices laissant penser qu’elle
a participé au crime ou au délit.

La plus grande facilité d’administration de la preuve. La situation de fait de


flagrance autorise les OPJ à mettre en œuvre l’enquête de flagrant délit que caractérisent
l’étendue et le caractère coercitif des investigations.

11§infraction intentionnelle et infraction non intentionnelle :

Les infractions intentionnelles sont celles dont la constitution nécessitée


l’existence d’une intention criminelle, c’est-à-dire la volonté tendue d’un homme
conscient et lucide, animé par la recherche d’un but précis.

Les infractions non-intentionnelles sont des infractions dont la constitution n’est


pas tributaire de l’existence d’un élément moral. Ces infractions peuvent être perpétrées
sans que la volonté de l’auteur ait porté sur la réalisation d’un résultat criminel.

Chapitre II : Les éléments constitutifs de l’infraction

A côté des éléments constitutifs qui sont propres à chacune d’elles et qui varient
suivant qu’il s’agit d’un assassinat, d’un meurtre, d’un vol ou d’une escroquerie, etc.
(éléments spéciaux), toutes les infractions comprennent des éléments constitutifs qui
leur sont communs (élément généraux). La constitution d’une infraction nécessite la
réunion de trois éléments. L’élément légal consiste en l’existence d’un texte
d’incrimination. L’élément matériel correspond à l’acte perpétré par l’auteur. L’élément
moral correspond à la volonté tendue vers un résultat criminel.

S1. L’élément légal de l’infraction

Pas de crime, pas de peine, sans loi. C’est sous cette forme que l’on exprime
généralement le principe de la légalité des délits et des peines.

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L’exigence d’un texte ne concerne pas que les crimes, mais toutes les infractions :
crimes, délits, contravention. En effet, le principe étant la liberté, il faut nécessairement
un texte pour la limiter. C’est le principe de la légalité des incriminations.

L’exigence d’un texte concerne aussi les peines. Ainsi, lorsque le juge retient la
culpabilité d’un individu, il ne peut prononcer que la peine prévue par le texte
d’incrimination. C’est le principe de la légalité des peines.

Au niveau du droit interne, le principe est annoncé dans le code pénal (art 3) qui
stipule que (nul ne peut être condamné pour un fait qui n’est pas expressément prévu
comme infraction par la loi…)

Les justifications du principe de la légalité

Le premier bénéficiaire du principe est, sans aucun doute, l’individu. On admet,


en effet, que le propre d’un Etat de droit est d’avertir avant de frapper, afin que chaque
citoyen puisse connaître, avant d’agir, les conséquences que la loi pénale attache à sa
conduite.

Le principe de la légalité apporte une contribution importante au respect de la


liberté individuelle. Il constitue un rempart à la fois contre l’arbitraire du juge

Le principe de la légalité des délits et des peines trouve aussi une part de sa
justification dans l’intérêt de la société. En effet, il exerce une fonction intimidante en
plaçant le délinquant potentiel devant ses responsabilités. A lui de choisir sa conduite
en connaissance des sanctions que la loi y attache.

Le domaine du principe de la légalité :

Le domaine du principe se divise en deux catégories : la première concerne les


infractions, et la deuxième est relative aux sanctions.

En ce qui concerne l’infraction, la règle appelle trois séries de précisions :

-tout d’abord, seul le législateur a compétence pour incriminer. Ainsi le juge ne


peut-il créer des infractions nouvelles ;

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-ensuite, seuls les comportements incriminés sont susceptibles de sanction pénale.


Ceux qui ne font l’objet d’aucune incrimination échappent à la répression ;

-enfin, le principe de légalité des incriminations concerne toutes les infractions,


quelle que soit leur nature (infraction de droit commun, politiques ou militaires) ou
quelle que soit leur gravité (crimes, délits, contraventions).

En ce qui concerne la peine : le principe s’applique aussi à la sanction. Il ne peut


y avoir de sanctions autres que celles qui ont prévues et déterminées par la loi.

Appliqué aux sanctions, le principe de la légalité englobe à la fois les peines et les
mesures de sûreté.

Les conséquences du principe de la légalité :

Les conséquences intéressent à la fois le législateur et le juge :

-pour le législateur : la première conséquence incombée sur le législateur est bien


évidemment l’obligation de légiférer par des textes précis. Les définitions trop vagues
d’infractions pénales sont dangereuses pour la liberté individuelle car on peut y faire
entrer de trop nombreux comportements, au gré de l’arbitraire des juges.

La deuxième conséquence pour le législateur concerne l’application de la loi


pénale dans le temps, ou bien ce que l’on appelle le concours des lois. Le principe qui
gouverne cette situation c’est l’interdiction des textes rétroactifs. Le principe de non-
rétroactivité de la loi pénale signifie que l’on ne peut être ni poursuivi, ni condamné
pour des faits qui ne sont devenus répréhensibles qu’après leur commission. Si l’on
appliquait rétroactivement la loi nouvelle, l’individu n’aurait pas reçu, avant d’agir, la
mise en garde du droit.

La Cour de cassation contrôle les juridictions de fond qui doivent préciser le temps
dans lequel l’infraction a été commise afin de statuer sur la loi qui devrait être applicable.
(Cour de cassation, arrêt n° 350, du 18/02/2004, dossier correctionnelle n° 2003/24868.

La loi nouvelle ne peut, en principe régir que les faits commis postérieurement à
son entrée en vigueur, et les faits commis avant son entrée en vigueur et qui ont été

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

définitivement jugés, échappent à la loi nouvelle. (arrêt de la Cour de cassation n°350


du 2004/2/18, dossier délictuel n° 2003/24868).Cependant, la question qui se pose c’est
de savoir le sort des faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, mais non
définitivement jugés. Ces faits en cours sont-ils soumis à la loi nouvelle ou demeurent-
ils régis par la loi ancienne, en vigueur au jour des faits ?

En principe, la loi nouvelle n’est pas applicable aux situations en cours, pour la
simple raison que les faits ont été commis antérieurement à son entrée en vigueur. Mais
le principe de non-rétroactivité est assorti, s’agissant des situations en cours, de plusieurs
exceptions. Elles concernent les lois interprétatives, les lois temporaire, la rétroactivité
expressément prévue par la loi, les lois de forme et les lois de fond plus douces.

-Les lois interprétatives viennent clarifier le sens d’une loi antérieure obscure.
Elles sont des lois qui ne prévoient pas de dispositions nouvelles, mais qui se contentent
d’interpréter les dispositions de la loi principale Ces lois entrent en vigueur au jour de
la loi qu’elles interprètent.

-les lois déclaratives : une loi déclarative se borne à dire que telle règle qu’elle
édicte existe depuis telle date, antérieure. Elle reconnaît l’existence d’une règle juridique
déjà existante. Elle rétroagit donc nécessairement.

-la loi temporaire : la loi temporaire est une loi dont la durée d’application est
préalablement fixée par la loi. Cette loi ne peut être appliquée qu’aux situations nées au
courant de cette durée. Celles dont la naissance a eu lieu postérieurement à cette date ne
sont pas concernées par ses dispositions. Article 7 du code pénal.

-la rétroactivité expressément prévue par la loi : la loi peut stipuler, expressément,
qu’une loi sera appliquée rétroactivement.

-les lois instaurant des mesures de sûreté : le droit marocain comme son corollaire
français a établi une subtile distinction entre les peines et les mesures de sûreté. Les
secondes auraient pour objet de protéger la société et auraient un objet préventif. Les
premières seraient uniquement punitives. Cette distinction a avant tout pour objet de
faire échapper les mesures qualifiées de sûreté à la règle de la non-rétroactivité.

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

-Les lois de forme sont relatives à la constatation et à la poursuite des infractions,


à la compétence et à la procédure. Ces lois s’appliquent immédiatement, même aux faits
commis avant leur entrée en vigueur.

-les lois de fond sont celles qui visent les incriminations et les sanctions. Elles
déterminent les actes qui tombent sous le coup de la loi et les peines qui leur sont
applicables. Ces lois s’appliquent aux faits commis avant leur entrée en vigueur lorsque
leurs dispositions sont plus douces que celles de la loi ancienne. L’article 6 CP
énonce : « lorsque plusieurs lois ont été vigueur entre le moment où l’infraction a été
commise et le jugement définitif, la loi, dont les dispositions sont les moins rigoureuses,
doit recevoir application »

Pour que la rétroactivité plus douce s’applique, il faut que la loi nouvelle soit
effectivement plus douce que la loi ancienne. Il faut donc comparer la sévérité des lois
pénales en conflit.

La question qui se pose est dans les cas lorsqu’une loi nouvelle contient certaines
dispositions plus douces et d’autres plus sévères ? Dans une telle hypothèse, on admet
généralement qu’il faut faire une application distributive des dispositions de la loi
nouvelle, du moins lorsque celle-ci sont divisible.

En revanche, si les dispositions de la loi nouvelle forment un tout indissociable, il


semble qu’il faille apprécier la sévérité globale de la loi nouvelle.

Pour le juge : le juge répressif n’a ni le droit de créer du droit ni le droit de


dénaturer le droit la première conséquence du principe de la légalité sur le juge c’est
l’obligation de respecter la loi. Le juge en ce qui concerne les incriminations doit
appliquer la loi dans les termes qui sont les siens. Il ne peut pas relever d’infraction là
où la loi n’en prévoit pas. Et pour asseoir une décision de condamnation, il doit constater
la réunion de tous les éléments constitutifs prévus par le texte d’incrimination.

S’agissant des sanctions, la dépendance des juges à la loi est à peine moins forte.
Le juge ne peut prononcer que les peines prévues par le texte d’incrimination. Il est tenu
par le maximumet par le minimum, qu’il ne peut dépasser.

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Deuxième conséquence du principe sur le juge c’est l’obligation de faire une


interprétation stricte à la loi. (Arrêt de la Cour de cassation n° 3/979 du 98/4/21, dossier
délictuel n° 97/4102)

La doctrine a connu l’émergence de trois courants d’interprétation de la loi pénale.


Les partisans du premier attribuent aux juges répressifs un large pouvoir d’interprétation
(les interprétations libres). Ceux du second estiment que les juridictions répressives
doivent respecter la littérature de la loi pénale (les interprétations littérale). Les partisans
du troisième courant se déclarent favorables à l’application d’une théorie hybride se
situant entre les deux précédentes tendances.

Il résulte de ce que l’on vient de dire que les règles défavorables au délinquant sont
d’interprétation stricte. Le juge ne peut étendre les incriminations ni allonger la durée
des peines. Il ne peut raisonner par analogie.

En revanche, les règles favorables au délinquant, c’est-à-dire celles dont


l’élargissement ne constitue pas une menace pour sa liberté, peuvent être interprétées.
Le juge peut alors raisonner par analogie in favorem.

L’interdiction d’interpréter les règles défavorables au délinquant est une obligation


pour le juge, alors que l’interprétation des règles favorables n’est pour lui qu’une faculté.

S2. L’élément matériel de l’infraction

Pour qu’une poursuite soit possible, il faut que l’infraction se soit révélée à
l’extérieur par un fait matériel objectivement constatable. La simple pensée criminelle,
la simple intention ne concerne que la conscience et ne doit pas pouvoir donner lieu à
des poursuites. C’est là une des différences qui existent entre le droit pénal et la morale
et c’est une garantie contre l’arbitraire des pouvoirs publics qui ne pourront pas faire de
procès de tendance, d’opinion.

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

Dès lors, l’élément matériel est une ou plusieurs circonstances de fait qui entrent
dans la définition de l’infraction.. Il est le comportement extérieur qui se trouve à
l’origine du résultat dommageable.

Distinction de l’élément matériel et d’autres notions :

L’acte matériel est l’ensemble des éléments qui constituent l’infraction tels que
définis par le code pénal. D’autres éléments de fait peuvent entourer la commission de
l’infraction sans la constituer elle-même. Dans le fait de vol, par exemple, les éléments
matériels sont les faits qui constituent la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui.
Par exemple l’agent rentre dans une maison vide, y prend des affaires ne lui appartenant
pas. En revanche, l’usage de son véhicule personnel pour se rendre sur les lieux a certes
concouru à la réalisation de l’acte, mais il n’entre pas dans sa définition. Il s’agit d’un
acte préparatoire dont, en principe, l’existence n’est pas nécessaire à la constitution de
l’infraction.

La doctrine aussi a encore établi une différence entre élément matériel et élément
préalables. Selon cette théorie, serait un élément préalable le fait qui, prévu par la
qualification, est indispensable afin que l’infraction soit constituée, en préalable à celle-
ci, mais qui, pour autant ne serait pas, s’il était pris isolément, répréhensible.

Ces éléments ne se rencontrent que dans certaines infractions. Tel est le cas de
l’abus de confiance défini par l’article 547 du code pénal comme le « le fait de mauvaise
foi détourne ou dissipe au préjudice des propriétaires…écrits de toute nature contenant
ou opérant obligations ou décharges et qui lui avaient été remis à la condition de les
rendre ou d’en faire un usage ou un emploi déterminé… ».

Le point délicat dans l’élément matériel est de savoir à partir de quel moment la
volonté coupable d’un agent se sera manifestée de manière suffisamment nette pour que
les pouvoirs publics puissent mettre la répression en mouvement. C’est la question de la
tentative.

La tentative :

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En raison de la gravité de certaines infractions, la loi peut mettre en marche la


machine répressive d’une manière anticipée afin de mettre en échec les projets criminels
susceptibles de déstabiliser gravement l’ordre social et la paix publique.

Lorsque le délinquant accomplit tous les éléments constitutifs d’une infraction, on


dit que celle-ci est consommée. Mais il arrive fréquemment que l’infraction ne parvienne
pas jusqu’au stade de la consommation, soit parce que le délinquant n’a pas mené son
projet criminel à son terme : la tentative est alors interrompue, soit parce qu’il a échoué
dans la commission de l’infraction : la tentative est alors infructueuse. Il convient alors
de savoir si cette infraction inachevée et susceptible de poursuite et de sanction pénales.

Les fondements de la tentative :

La doctrine classique ou la théorie objective, soucieuse de préserver les libertés


individuelles, conçoit l’infraction comme la consommation. Tant qu’il n’y a pas
consommation, il ne doit pas y avoir de peine. D’autant qu’il n’existe, a priori, aucun
trouble social à réparer.

Dans cette conception, l’activité matérielle doit être poussée jusqu’à son terme
pour que l’infraction soit punissable.

Cette théorie est trop laxiste et peu protectrice de la société. Il est certain que celui
qui, par exemple, ne réussit pas à accomplir son geste parce que la police arrive, est tout
aussi mauvais que celui qui réussit parce qu’elle n’arrive pas.

Au contraire, la doctrine positiviste ou la théorie subjective considère que le droit


pénal doit intervenir dès que la volonté criminelle apparaît. Ce système assure
évidemment une protection très efficace de la société, puisque la tentative est punissable
quasiment dès le premier stade de l’infraction, mais il est dangereux pour les libertés de
l’individu puisque, dans cette analyse, la simple pensée criminelle est quasiment
punissable.

Le code pénal a fait œuvre de transaction : il admet l’intervention pénale avant la


consommation, mais il exige plusieurs conditions. Le code pénal a réalisé le parfait
équilibre entre les deux théories :

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Dans le sens de la théorie subjective, il a rendu punissable la seule tentative des


infractions les plus graves (crimes et certains délits) en raison de la dangerosité réelle
de leurs auteurs ;

Dans le sens de la théorie objective, il a imposé, pour que la tentative soit


punissable, qu’il y ait au moins un acte matériel, en plus de l’intention. C’est-à-dire un
commencement d’exécution.

La tentative dans le code pénal :

La question de la tentative est régie par les articles 114 à 117 du code
pénal : « toute tentative de crime qui a été manifestée par un commencement
d’exécution ou par des actes non équivoques tendant directement à le commettre, si elle
n’a été suspendue ou si elle n’a manqué son effet que par des circonstances
indépendantes de la volonté de son auteur, est assimilée au crime consommé et réprimée
comme tel. ». « La tentative de délit n’est punissable qu’en vertu d’une disposition
spéciale de la loi ». « La tentative de contravention n’est jamais punissable ».

Cette différenciation par la nature de l’infraction s’explique par rapport au degré


de gravité de l’acte. C’est ainsi toute tentative de crime est punissable. Tandis que pour
les délits, la gravité des faits est variable.

Les conditions de la tentative :

La tentative n’est punissable que lorsqu’elle correspond à la définition qu’en donne


l’article 114 CP.

-un commencement d’exécution : notre droit se refuse à punir une simple idée
criminelle. La répression suppose au moins un commencement d’exécution. Reste à
déterminer ce qui peut le constituer.

Il convient notamment de le distinguer d’un simple acte préparatoire.

Le code pénal ne définit pas le commencement d’exécution. Est un commencement


d’exécution le début de la réalisation de l’infraction, par exemple se saisir de l’objet,
que l’on entend voler.

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Est un acte préparatoire l’acte qui, en lui-même, est non répréhensible et, ne
rentrant pas dans la définition de l’infraction elle-même, va néanmoins permettre
concrètement sa réalisation. Tel est le cas d’aller acheter de la corde dans n magasin qui
servira ensuite pour escalader une habitation.

Pour déterminer ce qu’est exactement un commencement d’exécution, la doctrine


a proposé des critères, voyant s’affronter partisans de la théorie objective et partisans de
la théorie subjective avec un objectif plus ou moins répressif. Les partisans d’une
répression plus large proposent en effet de prendre en compte le plus petit et le plus
insignifiant élément matériel. Tandis que les moins répressifs suggèrent de ne réprimer
qu’à partir d’un élément suffisamment significatif.

D’une manière générale on voit l’affrontement de deux courants principaux. La


doctrine objectiviste classique qui met l’accent sur l’aspect matériel de l’activité du
délinquant, alors que la doctrine subjectiviste s’attache à l’état d’esprit de l’agent. Pour
la première, le commencement d’exécution existe lorsque le délinquant a accompli un
acte matériel caractérisant soit un élément constitutif de l’infraction, soit une
circonstance aggravante de celle-ci. Par exemple, il y a commencement d’exécution
dans le fait de mettre la main sur l’objet que l’on veut volet (élément constitutif du vol).
de même, il y a commencement d’exécution dans le fait de forcer la porte de la maison
que l’on veut cambrioler (circonstance aggravante d’effraction). Les actes qui ne
correspondent ni à un élément constitutif, ni à une circonstance aggravante sont des actes
préparatoires, exclut du champ de la répression.

Pour la deuxième subjectiviste, le critère se fonde sur l’état d’esprit du délinquant


plus que les actes matériels. Il y a commencement d’exécution dès lors qu’il est certain
que le délinquant avait l’intention irrévocable de commettre l’infraction.

Devant les critiques formulées contre les deux théories, une nouvelle conception
mixte a vu le jour, dans laquelle on a tenté de concilier les deux systèmes précédents.
Ainsi, on ne tient compte de l’intention que lorsqu’elle s’est concrétisée par des actes
matériels, même si ces actes ne sont pas des éléments constitutifs de l’infraction.

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-Un désistement involontaire : pour que la tentative soit consommée il faut que le
désistement se soit produit en raison de circonstances indépendantes de la volonté de
son auteur comme par exemple l’arrivée de tiers, voire de la police. Ou le cas de la
commission de l’infraction qui a manqué son effet comme par exemple, la personne qui
envoie un colis piégé à des individus, qui seront blessées gravement mais ne mourront
pas ; et qui manque l’effet, c’est-à-dire l’homicide.

De même ce désistement doit survenu avant la consommation complète de


l’infraction. En effet, si l’infraction était totalement consommée, l’agent serait
punissable. Son repentir serait donc naturellement sans effet. L’on parle alors de repentir
actif.

Les formes de la tentative :

La tentative peut avoir la forme d’une infraction suspendue, une infraction


manquée ou une infraction impossible.

-l’infraction suspendue ou interrompue est celle dans laquelle le délinquant a été


empêché d’aller jusqu’au bout e ses actes et de consommer l’infraction à cause d’une
circonstance étrangère à sa volonté.

-l’infraction est dite manquée quand l’auteur est allé jusqu’au bout de son projet
sans pouvoir consommer l’infraction en raison de l’intervention d’une circonstance
indépendante de sa volonté. Ceci est le cas de celui qui tire sur une victime et qui la
manque.

-l’infraction impossible est celle dans laquelle l’agent achève l’exécution sans
pouvoir consommer l’infraction en raison d’une impossibilité juridique ou de fait, dont
il ignorait l’existence. Ceci est le cas d’une personne qui tire sur une autre déjà morte.

La répression de l’infraction impossible a divisé la doctrine. Des auteurs favorables


à la sanction absolue vu la dangerosité de l’auteur de l’acte matériel. D’autres
soutiennent la non-répression totale en se basant sur le principe légaliste qui, en
sanctionnant l’infraction impossible on va porter atteinte au principe de la légalité.

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

Les derniers auteurs établissent la distinction entre l’impossibilité relative (le fait
de vouloir voler une chose placée ailleurs ou l’impossibilité due à l’ignorance des modes
d’emploi relatifs à l’usage de l’arme) pas de sanction, et l’impossibilité absolue
(meurtre commis sur un cadavre) réprimé.

Au niveau de la loi, la question de la répression de l’infraction impossible a été


résolue par l’article 117 CP. La solution proposée consiste en la distinction entre
l’impossibilité juridique ou de droit (tirer sur un cadavre, voler son propre bien) et
l’impossibilité de fait (voler une caisse vide, vouloir tuer à l’aide d’une arme non
chargée).

La répression de la tentative :

La question de la répression de la tentative est capitale. Car comment sanctionner


l’auteur d’une tentative qui n’a pas commis totalement l’infraction ?

La considération qui est appliqué par le législateur est celle de la dangerosité de


l’auteur. Le code pénal punit l’auteur d’une tentative comme un auteur. L’article 114
CP assimile l’auteur de la tentative à l’auteur d’un crime. Lorsqu’elle est punissable, la
tentative est assimilée à l’infraction projetée. Ainsi la tentative de crime est-elle
considérée comme le crime lui-même. Il en est de même de la tentative de délit, du
moins lorsqu’elle est punissable. Il en résulte que l’auteur d’une tentative punissable
encourt les mêmes peines que s’il avait consommé l’infraction.

Le lien de causalité :

Pour que l’acte matériel soit réprimé, il faut l’existence d’un lien de causalité.
Autrement dit, l’acte matériel soit la cause du résultat criminel. (Arrêt de la Cour de
cassation n° 9/241 du 2004/2/11, dossier délictuel n° 2003/2590.)

Il existe plusieurs théories de causalité :

=théorie de l’équivalence des conditions : elle postule que toutes les conditions
d’un dommage doivent être considérées comme équivalentes. Elles sont toutes censées

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

être la cause de ce dommage. Dans la situation où il y a une pluralité de personnes, toutes


ces dernières seront déclarées responsables.

=théorie de la causalité adéquate :il faut faire un tri parmi toutes les causes à
l’origine du dommage, et ne seront alors retenues que les causes paraissant adéquates
pour produire le résultat.

=théorie de la proximité des causes : elle consiste à ne retenir que la cause qui se
situe chronologiquement au plus près du dommage.

L’acte matériel a de nombreux effets juridiques sur le processus du contentieux


pénal. Le plus important est celui de la désignation de la juridiction compétente pour
statuer sur l’affaire.

Le problème de la compétence juridictionnelle est régi par plusieurs principes dont


celui de la territorialité, de la personnalité de la loi pénale, le principe de la compétence
réelle et le principe de la compétence universelle.

Le système de la territorialité pose que la loi pénale est applicable à l’ensemble des
infractions commises sur le sol du pays dont elle émane. Il ne s’intéresse pas aux
infractions commises à l’étranger, même si la victime ou l’auteur sont ses propres
ressortissants. (Arrêt de la Cour de cassation marocaine n° 246, du 11 mars 1982.
Dossier délictuel n° 73516.)

Le droit marocain adopte ce principe dans l’article 10 CP.

Est considéré comme faisant partie du territoire national non seulement le territoire
géographique mais aussi les navires, aéronefs marocains ou battant pavillon marocain
quel que soit l’endroit où ils se trouvent (article 11 CP) ainsi que les ports marocains
quel que soit le pavillon du navire ou de l’aéronef au bord duquel l’infraction a été
commise.

Les infractions commises à bord d’un navire battant pavillon étranger relèvent de
la compétence des juridictions marocaines si le premier port d’accostage est un port
marocain

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

Le principe de la personnalité de la loi pénale :

Dans ce principe, seule la nationalité qui intéresse l’Etat. Il peut prendre deux
aspects, qui peuvent se cumuler :

-La loi nationale est compétente pour punir les ressortissants de l’Etat dont elle
procède, où qu’ils aient pu commettre leur infraction.

-la loi nationale est compétente pour punir quiconque aura causé une infraction
dont son ressortissant serait victime, quelle que soit la nationalité de l'auteur et où que
l’infraction ait pu se commettre.

L’article 12 du code pénal renvoi aux dispositions des articles du 707 à 712 du
code de procédure pénale.

L’attribution de cette compétence aux juridictions répressives marocaines est


tributaire de la réunion de plusieurs conditions. La première exige que l’auteur soit
rentré au Maroc sans avoir été irrévocablement jugé à l’étranger, ni avoir purgé une
peine ou obtenu une grâce. L’action publique ne peut être déclenchée que sur plainte de
la victime ou après une dénonciation faite par les autorités compétentes du pays étranger.
(art 707 CPP)

Le principe de la compétence réelle :

Dans ce système, ce qui importe est la nature de l’infraction commise : l’Etat est
compétent, quand, à sa loi et ses juridictions, dès lors que ce sont ses intérêts
fondamentaux qui sont visés. Il s’agit alors d’infractions contre la défense nationale, la
sûreté de l’Etat…

Le principe de la compétence universelle :

Ce principe retient le seul lieu de l’arrestation. Sont compétentes les lois et


juridictions de l’Etat qui ont réussi à arrêter l’intéressé et ce, quelle que soit sa
nationalité, celle de la victime ou même le lieu de commission de l’infraction. Il s’gi
d’infractions qui portent atteinte soit à l’intérêt de la communauté des Etats, soit à
l’humanité tout entière, à raison de l’horreur qu’elles soulèvent.

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

S3. L’élément moral de l’infraction

L’élément moral est la composante intellectuelle du comportement pénal. Pour


qu’il y ait infraction, il faut en effet que le délinquant ait eu la volonté d’enfreindre les
prescriptions de la loi. Il est la volonté tendue vers un but précis dont la réalisation est
susceptible de troubler l’ordre social.

L’élément intentionnel ou moral ne doit pas se confondre avec le mobil. Ce dernier


est constitué des motivations personnelles qui animent la personne qui commet
l’infraction.

L’élément moral peut avoir la forme d’un dol ou d’une faute. Le dol est propre aux
infractions intentionnelles. Il consiste en le fait de vouloir intentionnellement perpétrer
une infraction. La faute se rapporte aux actes de maladresse ou d’imprudence,
susceptibles de troubler l’ordre social.

§L’intention infractionnelle : le dol : elle se constitue de deux éléments :

-le dol général : il se compose de deux éléments cumulatifs : la conscience de


commettre une infraction et la volonté de l’accomplir quand même qui se manifeste par
la décision que prend le délinquant de passer outre l’interdiction légale. Le dol général
suppose alors une conscience de l’élément légal, et une conscience de l’élément
matériel.

La conscience de l’élément légal suppose que l’auteur ait conscience de l’illicéité


de son projet. Cette conscience de l’illicéité ne peut exister que s’il connait les
prescriptions de la loi pénale. Dans notre droit cette connaissance est une chose
présumée selon l’adage consacré par l’article 2 CP « nul n’est censé ignorer la loi ». Ce
principe vaut aussi bien pour les nationaux marocains que pour les étrangers.

-le dol spécial : il consiste en la représentation du résultat dommageable de l’acte


matériel et la volonté de l’atteindre. Ce dol se caractérise par la volonté de violer la loi
pénale afin d’atteindre un résultat dommageable précis et bien déterminé.

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

Le défaut du dol spécial n’élimine pas toujours la sanction.

§la faute : l’intention criminelle n’est pas une condition sine qua non à la
constitution de toute infraction. Certains troubles sociaux, d’une gravité considérable,
peuvent être réalisés sans qu’il y ait réellement d’intention criminelle. La faute à elle
seule suffit à la constitution de certaines infractions.

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

Deuxième partie

L’auteur/le délinquant

L’étude de cette partie doit être effectuée en deux niveaux. Dans le premier, il sera
nécessaire de déterminer la personne responsable et la nature de sa participation
criminelle. Le second volet concerne les causes susceptibles d’atténuer ou d’éteindre la
responsabilité pénale.

Chapitre I : Le délinquant responsable

Il peut arriver que l’auteur d’une infraction n’agisse pas seul, et qu’il fasse appel à
une ou plusieurs autres personnes. On est alors en présence d’une infraction collective
dont la difficulté consiste à savoir dans quelle mesure et sur quel fondement les
différents participants à l’infraction peuvent être punis. En vérité, deux hypothèses
peuvent se présenter. Ou bien l’infraction collective est le fait de plusieurs personnes
dont chacune accomplit tous les éléments constitutifs de l’infraction. On est alors en
présence de coauteur que l’on peut poursuivre pénalement car chacun, pris
individuellement, a la qualité d’auteur de l’infraction qu’il a consommée. Ou bien
l’infraction collective met en scène un auteur principal qui consomme seul l’infraction
en se faisant aidé, ou en étant poussé à agir, par un ou plusieurs complices.

De même, l’étude des personnes pénalement responsables nécessite d’établir la


distinction entre les personnes physiques et les personnes morales.

S1 : La responsabilité pénale des personnes physiques.

La classification des personnes physiques responsables d’une infraction doit être


effectuée sur la base du rôle que chacune d’entre elles a joué dans le cadre de l’exécution
de l’infraction.

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

L’action et la coaction n’appellent pas de développements particuliers, dans la


mesure où, les auteurs pluriels non complices sont traités comme des auteurs uniques.
Chacun endosse la responsabilité rattachée à l’acte qu’il a spécifiquement commis.
Selon l’article 128 du code pénal : « sont considérés comme coauteurs, tous ceux qui,
personnellement, ont pris part à l’exécution matérielle de l’infraction ».

Toute la difficulté concerne la question du complice.

La complicité et le complice :

La complicité est une autre forme de participation criminelle. Contrairement au


coauteur, le complice ne se charge pas d’exécuter un élément nécessaire à la constitution
de l’acte matériel. Il s’occupe seulement d’un acte secondaire qui vise à garantir la
réussite de l’exécution ou faciliter la commission.

Malgré cette simplicité, la doctrine a établi deux théories pour distinguer le


complice du coauteur.

-la théorie subjective (psychologique) qui consiste à s’interroger sur l’intention du


complice potentiel. A-t-il vraiment eu l’intention de s’associer à l’acte commis par
l’auteur principal, auquel cas il est complice, ou a-t-il entendu accomplir sa propre
infraction, auquel cas il est coauteur.

-la théorie objective (matériel) a égard aux circonstances de la cause. Il y a coaction


lorsque les personnes réunissent par elles-mêmes les éléments constitutifs de
l’infraction. Il y a complicité lorsqu’ils ne les réunissent pas et se limitent à contribuer,
par leur participation matérielle, à l’infraction des autres.

La détermination du régime juridique de la complicité a donné lieu à la naissance


d’autres théories :

-la complicité autonome : qui trouve son fondement dans la théorie de


l’appréciation autonome de la responsabilité et de la culpabilité afin d’appliquer à
chaque participant à une infraction une sanction particulière.

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

-la complicité comme circonstance aggravante : qui considère l’association de


criminels représente un danger plus grave que les infractions à auteur unique.

-la complicité comme circonstance particulière : qui ne constitue pas une infraction
distincte de l’infraction mère. La criminalité du complice est liée par un rapport étroit
avec la criminalité de l’auteur principal, ce qui justifie la mise en application de la
théorie de la criminalité d’emprunt qui transmet la culpabilité et la responsabilité de
l’auteur au complice.

La complicité est définie à l’article 129 CP comme suit :

« Sont considérés comme complice d’une infraction qualifiée crime ou délit ceux
qui, sans participation directe à cette infraction, ont :

-par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou


artifices coupables, provoqué à cette action ou donné des instructions pour la commettre

-procuré des armes, des instruments ou tout autre moyen qui aura servi à l’action
sachant qu’ils devaient y servir

-avec connaissance, aidé ou assisté l’auteur ou les auteurs de l’action, dans les faits
qui l’ont préparée ou facilitée

-en connaissance de leur conduite criminelle, habituellement fourni logement, lieu


de retraite ou de réunions à un ou plusieurs malfaiteurs exerçant des brigandages ou des
violences contre la sûreté de l’Etat, la paix publique, les personnes ou les propriétés. ».

Les cas de complicité :

D’après cet article et selon le principe de la légalité, il n y a de complicité que dans


des cas bien déterminés :

-La complicité par provocation : plusieurs exemples peuvent être cités : comme la
remise d’argent à l’auteur d’une fausse attestation en lui demandant de s’en servir. Ce
qui constitue un don sanctionné par l’article 129 CP. La promesse d’un repas et d’argent
à un ouvrier d’usine afin de l’inciter à incendier celle-ci, ce qui constitue une promesse

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

selon le même article. Enfin, constitue une menace par exemple le fait pour un
employeur de dire à son employé qu’il le licenciera s’il ne fait pas un faux témoignage.

-la complicité par instructions : dans cette catégorie de complicité, le complice


donne des instructions à l’auteur principal. L’instruction doit être prise dans un sens
général comme le fait de donner un plan, une carte, des indications d’horaires.

-la complicité par aide et assistance : il peut s’agir par exemple de fournir des
armes, des instruments, une voiture, faire le guet, conduire une voiture…l’acte d’aide
ou d’assistance doit être soit antérieur, soit concomitant à l’acte principal.

Pour être réprimée, la complicité doit être portée sur un acte principal qui constitue
lui-même une infraction sauf exception faite par la loi (par exemple l’article 407 du code
pénal qui concerne la complicité de suicide).

Il faut dire aussi que la participation du complice doit être faite d’une manière
délibérée. L’élément intentionnel porte sur la connaissance de la réalisation d’une
infraction à laquelle le concours est prêté, des instructions données ou des informations
fournis. L’intention coupable nécessaire à la constitution de la complicité ne se rattache
qu’à l’acte de complicité. Si l’intention du complice a porté sur plusieurs faits qui ne
correspondent pas à ceux visés par l’auteur de l’acte principal, ce sont les dispositions
de l’article 129 CP qui doivent être appliquées.

Quant à l’élément matériel de la complicité, il consiste en la consommation


positive de l’un des actes de complicités énumérées à l’article 129 du code pénal. Ces
actes peuvent être antérieurs à l’exécution de l’infraction, concomitants avec sa
commission ou postérieurs à sa perpétration.

Le domaine de la complicité :

En vertu des dispositions des articles 129 et 130 du code pénal, la complicité n’est
concevable qu’en matières criminelle et délictuelle. En revanche, ce type de
participation à une œuvre infractionnelle n’est jamais punissable en matière
contraventionnelle.

37
Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

La responsabilité du complice :

La théorie de l’emprunt aboutit à l’application au complice du même régime


juridique relatif à l’auteur de l’acte principal. L’acte du complice obéit à la qualification
légale de l’infraction à laquelle il a participé. Les circonstances aggravantes ou
atténuantes réelles s’appliquent aussi bien à l’auteur qu’au complice. (Aggravation du
vol par exemple) En revanche, les circonstances personnelles s’étendent uniquement
celui à qui elles se rattachent. (Minorité, aliénation mentale). Quant à la sanction, selon
l’article 130 CP, le complice est sanctionné de la même peine que l’auteur principal.

S2 : La responsabilité pénale des personnes morales :

Les auteurs du 19ème siècle enseignaient que la responsabilité pénale sanctionne


uniquement un acte individuel. Celui d’une personne physique : le délinquant. Or, le
développement constant du nombre des personnes morales et l’augmentation du nombre
d’infractions commises par elles (en matière économique et financière…) ont conduit
les juristes à s’interroger sur l’opportunité d’instituer une responsabilité pénale des
personnes morales.

La doctrine défavorable à la responsabilité pénale des personnes morales :

Plusieurs arguments ont été avancés par la doctrine classique pour rejeter cette
responsabilité :

-à la différence des personnes physiques dont l’existence est perceptible par les
sens, les personnes morales sont des êtres purement abstraits.

-. L’imputation d’une infraction à une personne morale est une chose impossible
en raison de la fiction des personnes morales.

-les personnes morales ne peuvent pas commettre une infraction intentionnelle. Ce


qui remet en cause l’élément moral de l’infraction.

-enfin, l’impossibilité d’appliquer certaines peines à la personne morale. (Privation


de liberté, peine de mort…).
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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

La doctrine favorable à la responsabilité pénale des personnes morales.

Elle pense que les personnes morales constituent des entités dont l’activité
économique et sociale est certaine. Il convient donc de leur reconnaître une personnalité
juridique distincte de celle de leurs membres.

Pour réfuter les arguments de la doctrine classique, les auteurs modernes proposent
plusieurs arguments :

-la personne morale peut donner mandat à tel ou tel associé d’effectuer, au nom de
la société, un acte incriminé. De sorte que, derrière l’auteur matériel apparaît la personne
morale au nom et pour le compte de laquelle l’associé a agi.

-ils estiment que la personne morale étant dotée d’organes, elle dispose d’une
volonté propre.

-sur la peine, les auteurs modernes admettent le recours aux amendes qui sont
supportées par le patrimoine de la société. Ils font également valoir que l’on peut
concevoir des peines spécifiques aux personnes morales comme l’interdiction d’exercer,
la dissolution.

Le domaine de la responsabilité des personnes morales :

Le principe de responsabilité pénale des personnes morales fait vraiment figure de


principe général. En effet, toutes les personnes morales sont concernées, qu’elles
poursuivent un but lucratif ou un but non lucratif. Qu’elles soient régies par le droit
public ou par le droit privé, à l’exception de l’Etat.

D’après l’article 127 CP : « les personnes morales ne peuvent être condamnées


qu’à des peines pécuniaires et aux peines accessoires prévues sous les numéros 5,6 et 7
de l’article 36. Elles peuvent également être soumises aux mesures de sûreté réelles de
l’article 62 ».

La réalisation de la responsabilité pénale de la personne morale exige la réunion


de quatre conditions :

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

-la première se rapporte à la commission de l’infraction par le représentant légal


de la personne morale seul habilité à prendre des décisions au nom de cette dernière.

-la deuxième se résume dans le fait que le membre qui a commis la faute doit avoir
agi dans le cadre des compétences qui lui ont été attribuées. (Arrêt de la Cour de
cassation n° 7/2263 du 98/10/1, dossier délictuel n° 98/8774.)

-la troisième se rapporte à la possibilité d’imputer l’acte à la personne morale. Une


telle imputation ne se conçoit pas par exemple dans les infractions de l’atteinte à la vie
et à l’intégrité physique d’autrui.

-pour que la personne morale soit mise en cause pénalement, il faut qu’elle ait
effectivement la personnalité morale.

Chapitre II : Les causes d’irresponsabilité pénales

Il arrive qu’une personne, bien qu’ayant commis une infraction, ne fasse pas l’objet
de sanction. Cela peut tenir à des causes extérieures à l’auteur de l’acte (causes
objectives). Cela peut aussi tenir à des causes propres à la personne même de l’agent
(causes subjectives).

S1 : Les causes subjectives :

Le régime juridique des causes subjectives a été prévu par les articles 2, 13, 132 et
140 du code pénal. Ces articles distinguent entre deux causes qui se rapportent, la
majorité pénale et à l’état intellectuel et mental de l’auteur de l’infraction.

La minorité : la majorité pénale est fixée à 18 ans. Est donc mineur le délinquant
qui n’a pas atteint l’âge de 18 ans au moment des faits. En droit pénal, l’enfant mineur
est censé ne pas être doté d’une volonté parfaitement lucide. Dans le code pénal, le
législateur distingue entre deux catégories de minorité. La première dans laquelle l’âge
du mineur est moins de 12 ans. Dans ce cas, le mineur bénéficie d’une irresponsabilité
totale. Ce principe est prévu par l’article 138 CP, Ce dernier stipule : « le mineur de

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

moins de 12 ans est considéré comme irresponsable pénalement par défaut de


discernement… ».

Le mineur de moins de 12 ans, peut, tout de même, être condamné à une des
mesures prévues par le code de la procédure pénale si jamais son propre intérêt l’exige.

Quant à la seconde catégorie de minorité c’est la situation dans laquelle le mineur


est âgé entre 12 et 18 ans. Dans ce cas, l’irresponsabilité du mineur est partielle. Cette
irresponsabilité partielle permet à ces mineurs d’obtenir l’atténuation de leur
responsabilité.

Les mesures pénales susceptibles d’être prononcées à l’encontre d’un mineur âgé
entre 12 et 18 ans diffèrent en fonction de la nature juridique de l’infraction (crime, délit,
contravention).

L’état mental : la responsabilité pénale exige non seulement la liberté d’action,


mais elle suppose aussi que le délinquant jouisse d’une intelligence normalement lucide.
Dès lors, on ne peut lui reprocher comme une faute un comportement qu’il n’a pas eu la
conscience d’accomplir.

L’article 132 du code pénal dispose : « toute personne saine d’esprit et capable de
discernement est personnellement responsable… ». De même, l’article 134 du code
pénal énonce : « »n’est pas responsable et doit être absous celui qui, au moment des faits
qui lui sont imputés, se trouvait par suite de troubles de ses facultés mentales dans
l’impossibilité de comprendre ou de vouloir… »

Cette irresponsabilité se justifie par le fait que l’individu touché par ses troubles se
trouve dans l’impossibilité de comprendre ou de vouloir réellement ses actes.

Le trouble peut être psychique ou neuropsychique ayant pour conséquence de


causer une déchéance progressive et irréversible de la vie psychique.

Le trouble psychique peut être continu ou entrecoupé, général ou spécial.

L’appréciation du trouble psychique est concrètement réalisée par voie d’expertise


durant la procédure.

41
Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

Pour que l’irresponsabilité pénale soit retenue, le trouble devait en premier lieu
exister au moment des faits.

En deuxième lieu, le trouble psychique doit avoir un rapport de causalité avec


l’infraction. En troisième lieu, l’atteinte psychique doit elle-même présentée une gravité
suffisante pour abolir le discernement. Enfin, le trouble ne doit pas être due à un
comportement fautif de l’auteur.( consommation de l’alcool, de la drogue…).

Le trouble psychique qui existait lors des faits tantôt supprime, tantôt réduit (art
135 CP) la responsabilité pénale. Ce deuxième cas de figure se trouve lorsque le trouble
mental n’est que partiel et que le discernement de l’agent s’est seulement trouvé altéré,
l’individu reste responsable mais les juges sont invités à tenir compte de l’existence du
trouble mental pour déterminer la peine.

S2 : Les causes objectives :

Les causes objectives d’irresponsabilité ou les faits justificatifs sont des éléments
qui se rapportent aux circonstances qui ont accompagnées la commission de l’infraction.

Plusieurs faits justificatifs sont à étudiés :

-l’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime :

La loi peut elle-même autoriser directement ou rendre possible par ses prévision la
commission d’une infraction. L’hypothèse est la suivante. Deux textes entrent en
conflit : le premier impose ou permet un comportement qui est lui-même incriminé par
le second. Quel texte faut-il faire prévaloir ? Ceci est le cas par exemple d’un médecin
qui a constaté, en exerçant sa profession, un cas de maladie contagieuse et qui doit le
dénoncer en violant le secret médical.

Quant au commandement de l’autorité légitime, la question qui se pose est la


suivante : l’agent a commis une infraction pénale en obéissant aux ordres d’une autorité
supérieure. Peut-il être poursuivi ou peut-il s’abriter derrière les ordres reçus. D’après
l’article 124 du code pénal : « il n’y a ni crime, ni délit, ni contravention lorsque le fait
était ordonné par la loi… ». Pour que la personne reste à l’abri de toute responsabilité,

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

la loi exige plusieurs conditions : tout d’abord un commandement, qui désigne l’ordre
reçu. L’agent ne peut invoquer le fait justificatif s’il n’a pas reçu l’ordre d’accomplir le
fait délictueux. Ce fait justificatif est basé sur le devoir d’obéissance que tout
subordonné doit à son supérieur. Celui qui a agi de sa propre initiative ne peut-il
invoquer le commandement de l’autorité légitime Ensuite, pour que l’infraction
commise soit justifiée, il faut que cet ordre provienne d’une autorité légitime (civile,
militaire…,). Il faut aussi que l’autorité soit compétente, c’est-à-dire agissant dans la
cadre de ses fonctions. Enfin l’autorité doit nécessairement être marocaine, la loi pénale
marocaine ne pouvant naturellement être combattue par une loi étrangère.

Le problème que pose la question du commandement de l’autorité légitime


concerne le cas où ce commandement est illégal. Le comportement de l’agent peut-il
être justifié lorsque l’ordre qu’il a exécuté était illégal ?Pour résoudre le problème, la
doctrine a proposé trois théories :

-la théorie de l’obéissance passive : qui souligne le caractère obligatoire même si


l’ordre est illégal. La responsabilité incombera selon cette théorie à l’autorité qui a
donné l’ordre illégal, alors que l’agent qui a exécuté les ordres bénéficiera d’un fait
justificatif.

-la théorie des baïonnettes intelligentes : qui permet aux subordonnés d’apprécier,
commandement après commandement, la légalité des ordres qu’ils reçoivent.

-la théorie de l’illégalité manifeste : selon cette théorie, l’agent doit, en principe,
exécuter sans discuter les ordres reçus. Mais ce principe d’obéissance connait une
exception pour les actes manifestement illégaux. Le subordonné peut refuser d’exécuter
un acte manifestement illégal. En revanche, s’il l’exécute, sa responsabilité pénale sera
engagée et il ne bénéficiera d’aucun fait justificatif.

L’état de nécessité

L’état de nécessité est la situation dans laquelle se trouve une personne qui ne peut
raisonnablement sauver un bien, un intérêt ou un droit que par la commission d’un acte
qui, s’il était détaché des circonstances qui l’entourent, serait délictueux.

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

L’article 124-2 du code pénal stipule : « il n’y a ni crime, ni délit, ni


contravention…lorsque l’auteur a été matériellement forcé d’accomplir ou a été
matériellement placé dans l’impossibilité d’éviter l’infraction, par un événement
provenant d’une cause étrangère auquel il n’a pu résister… ».

Plusieurs conditions doivent être remplies pour que l’état de nécessité soit un fait
justificatif supprimant la responsabilité de l’agent :

Le danger doit être physique ou matériel : les actes commis dans le cadre de l’état
de nécessité doivent viser un objectif déterminé. Ils doivent être destinés à contrecarrer
une menace pour la vie, pour la propriété ou portant sur un bien appartenant à l’auteur
de l’acte ou à autrui.

-le danger doit être actuel ou imminent : cette condition signifie que le danger doit
être non seulement immédiat, au moment où la personne agit mais aussi il ne faut pas
qu’il soit futur.

-l’acte doit être nécessaire : le délinquant ne doit pas avoir d’autres moyens que
l’infraction pour se soustraire au péril qui le menace.

-l’acte doit être proportionné : l’intérêt sacrifié doit avoir une valeur inférieure, au
pire équivalente, à celui sauvegardé.

La contrainte :

Le libre arbitre d’une personne peut être réduit lorsqu’elle est soumise à une
contrainte qui la met dans l’incapacité de prendre une décision adéquate. La contrainte
est une situation qui oblige une personne de commettre une infraction sans vraiment le
vouloir et qui engendre l’effacement de l’élément moral.

L’article 124 du code pénal énonce : « il n’y a ni crime, ni délit, ni


contravention…lorsque l’auteur a été matériellement forcé d’accomplir ou a été
matériellement placé dans l’impossibilité d’éviter l’infraction, par un événement
provenant d’une cause étrangère auquel il n’a pu résister… ».

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

Plusieurs conditions doivent être réunies. Tout d’abord, la contrainte doit être
indépendante de la volonté humaine. L’intéressé ne doit pas avoir pu agir de manière à
éviter sa survenance. Ensuite, l’imprévisibilité est aussi une condition qui est teinté de
considération morale quant à l’agent.

Enfin, la contrainte doit être irrésistible. Cette condition doit être appréciée par
rapport au comportement de l’individu moyen placé dans la même situation.

Plusieurs formes de la contrainte sont envisageables. Tantôt la contrainte est


physique, tantôt elle est morale.. On conçoit facilement que la contrainte peut prendre
la forme d’une pression qui s’exerce sur le corps de l’agent (contrainte physique), la
question est plus délicate de savoir si, lorsqu’elle porte sur l’esprit du délinquant, la
contrainte morale peut faire disparaître sa responsabilité.

La contrainte physique est généralement définie comme une pression exercée sur
le corps de l’agent, qui enlève à celui-ci le libre exercice de son activité. Elle peut, tout
d’abord, être d’origine externe, c’est-à-dire se fonder sur un fait générateur extérieur à
l’agent. Ce fait générateur peut être d’origine naturelle. Le fait générateur de la
contrainte peut aussi provenir d’un tiers.

La contrainte physique peut aussi être interne. Il en est ainsi lorsqu’elle procède
d’une circonstance propre à l’agent, qui supprime sa liberté de vouloir (par exemple une
maladie).

Quant à la contrainte morale, elle se conçoit lorsque l’agent a commis l’infraction


sous la pression d’un sentiment de peur ou d’asservissement.

La contrainte procure l’impunité pénale seulement à la victime, et elle ne se


communique pas aux autres participants à l’infraction

La légitime défense :

Alors même que toute l’histoire de la justice pénale s’analyse dans un détachement
progressif de la justice privée vers la reconnaissance de la justice publique, il fut toujours
admis que dans les situations d’urgence où la sécurité des personnes et des biens ne peut

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

pas être assurée par les moyens habituels de la justice et de la police, celui qui se défend
ne fait que remédier à l’insuffisance de ces moyens et ne commet donc pas d’actes
contraire au droit.

L’article 124-3 du code pénal dispose : « il n’y a ni crime, ni délit, ni


contravention…lorsque l’infraction était commandée par la nécessité actuelle de la
légitime défense de soi-même ou d’autrui ou d’un bien appartenant à soi-même ou à
autrui, pourvu que la défense sont proportionnée à la gravité de l’agression ».

Pour que la légitime défense soit prise en compte, plusieurs conditions sont
exigées.

Les conditions relatives à l’agression :

-l’objet de l’agression peut être une personne ou un bien. La personne peut s’agir
soit de l’individu lui-même qui se défend, soit d’autrui. L’agression peut prendre la
forme d’une atteinte physique ou morale.

-le moment de l’agression : la légitime défense n’est autorisée que pour repousser
un mal présent. L’agression doit donc être actuelle (c’est-à-dire en cours au moment où
se produit la riposte) ou imminente (c’est-à-dire sur le point de se commettre).

-l’agression doit avoir un caractère injuste : cela signifie qu’elle doit être dénuée
de tout fondement juridique.

Les conditions relatives à la riposte :

-la riposte doit être nécessaire : pour que la légitime défense puisse être admise, il
faut que la personne agressée n’ait pas eu d’autre moyen pour se soustraire au danger
qui la menaçait que de commettre une infraction.

-la riposte doit être proportionnée : l’appréciation de la proportionnalité est une


question de fait, qui relève du pouvoir souverain des juges du fond.

-la riposte doit être concomitante : la concomitance exige que la défense coïncide
avec l’attaque illégale.

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

Pour que l’agent bénéficie de la légitime défense, toutes ces conditions doivent
être remplies. La preuve de la légitime défense comme tous les faits justificatifs pèse sur
le prévenu. Toutefois, le législateur a énoncé une présomption de légitime défense dans
l’article 125 du code pénal. Ce dernier stipule : « sont présumés accomplis dans un cas
de nécessité actuelle de légitime défense :

-l’homicide commis, les blessures faites ou les coups portés en repoussant, pendant
la nuit, l’escalade ou l’effraction des clôtures, murs ou entrée d’une maison ou d’un
appartement habité ou de leurs dépendances.

-l’infraction commise en défendant soi-même ou autrui contre l’auteur de vols ou


de pillages exécutés avec violence ».

Cette présomption se justifie par les circonstances suspectes qui ont entouré la
commission des actes ayant provoqué la commission de l’infraction.

Il faut dire à la fin que la question de la légitime défense constitue un droit de la


défense que les juridictions doivent vérifier. (Arrêt de la Cour de cassation marocaine
n° 4/1449 du 1995/7/12, dossier délictuel n° 9/19550.)

Table des matières

Introduction générale ……………………………………………………………2

Première partie : L’infraction …………………………………………………..11

Chapitre I : classification des infractions ………………………………………11

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Chahid SLIMANI Droit Pénal Général, Groupe 2

Chapitre II : Les éléments constitutifs de l’infraction …………………………18

Deuxième partie : L’auteur/le délinquant ………………………………………34

Chapitre I : Le délinquant responsable …………………………………………34

Chapitre II : Les causes d’irresponsabilité pénales …………………………….40

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