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LE DROIT

PÉNAL
EN CARTES MENTALES

Jenny Frinchaboy
Maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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ISBN 9782340-058446
©Ellipses Édition Marketing S.A., 2021
8/10 rue la Quintinie 75015 Paris

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Introduction

Le droit pénal, appelé également droit criminel ou droit répressif, est la


branche du droit qui définit les comportements érigés en infractions et la
sanction que ces actes entraînent, à savoir la peine. Le droit pénal entretient
un lien étroit avec la criminalité qui constitue son objet même, étant à l’ori-
gine de son existence et de sa mise en œuvre.
La notion de criminalité – ou de délinquance – désigne tous les compor-
tements sanctionnés par une peine, que l’on appelle infractions et qui sont
classés, selon leur gravité, en trois catégories : les crimes, les délits et les
contraventions. Le phénomène criminel est à la fois intemporel et universel,
en ce sens qu’il a existé en tout temps et en tout lieu et qu’il serait illusoire de
vouloir le faire disparaître. Chaque société rencontre en effet des comporte-
ments qui sont contraires à ses valeurs et aux normes établies lesquelles visent
à protéger ces valeurs. Ce sont seulement le contenu des normes pénales, la
nature et la fréquence des comportements répréhensibles, ainsi que les formes
de la répression qui varient dans le temps et dans l’espace. Ainsi, les valeurs
sociales protégées par le droit pénal évoluent (p.ex. l’adultère ne constitue
plus aujourd’hui une infraction en France) ; les modalités de la criminalité
changent (p.ex. la cybercriminalité en est une manifestation récente) ; et la
nature de la réaction sociale évolue également (p.ex. la peine de mort a été
abolie en France alors que les mesures de sûreté sont en plein essor).
Pour appréhender le phénomène criminel, différents instruments
permettent de le mesurer. Il convient cependant de noter que la crimina-
lité réelle est une donnée inconnue et impossible à connaître. La crimina-
lité réelle correspond en effet à toutes les infractions commises, mais qui ne
sont pas toutes portées à la connaissance des autorités publiques, ne donnent
pas toutes lieu à un jugement et ne figurent donc pas toutes dans les statis-
tiques. En revanche, il est possible de connaître la criminalité apparente qui
correspond aux infractions constatées par les forces de police, soit de leur
propre chef, soit par le biais d’une plainte ou d’une dénonciation. Les infrac-
tions qui demeurent non découvertes correspondent à ce que l’on appelle le

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« chiffre noir » de la délinquance. On connaît également la criminalité légale
qui correspond aux infractions ayant donné lieu à une saisine de la justice et
abouti à une condamnation pénale.
À défaut de pouvoir éradiquer la criminalité, le droit pénal s’attache à en
décrire les manifestations et à définir la réaction de l’État aux atteintes portées
à l’ordre social. Il convient par conséquent de définir le droit pénal (I), de
dire quelques mots de ses origines (II) et de déterminer ses sources (III).

I. Définition du droit pénal

Le droit pénal a pour objet de décrire les normes pénales établies, désignant
les comportements anti-sociaux susceptibles de constituer une infraction
et d’engager la responsabilité pénale de leurs auteurs, ainsi que la réponse
pénale applicable. En d’autres termes, c’est la branche du droit qui étudie
la réponse juridique à la criminalité. Celle-ci se situe à mi-chemin entre le
droit public et le droit privé, car le procès pénal n’oppose pas simplement
deux particuliers au cours d’un litige mettant en cause des intérêts privés :
si la victime occupe une place croissante au sein du procès pénal en ayant le
droit de se constituer partie civile, les principales parties sont la personne
poursuivie, d’un côté, et le Ministère public qui représente les intérêts de la
société et de l’État, de l’autre. Le but du droit pénal est avant tout la protec-
tion de l’ordre public, ce qui explique par exemple que le consentement de la
victime ne soit pas, en droit pénal français, un fait justificatif général, car il
n’appartient pas à celle-ci de renoncer à la réaction étatique mise en œuvre
dans l’intérêt de tous.
Le droit pénal présente plusieurs caractères qui font son originalité. C’est
d’abord un droit expressif. Il exprime les valeurs sociales en incriminant
les faits qui sont contraires aux intérêts de la société. Chaque norme pénale
vise ainsi la protection d’une valeur sociale dont elle affirme le nécessaire
respect (la vie et l’intégrité physique, la liberté sexuelle, la propriété indivi-
duelle, la paix publique, la probité, la sécurité routière…). C’est ensuite un
droit normatif en ce qu’il crée des normes de conduite impératives (prenant
le plus souvent la forme d’interdits mais également parfois la forme d’obli-
gations, telle que l’obligation de porter secours à une personne en danger).
Ces normes sont assorties de sanctions applicables en cas de violation des
règles établies. C’est enfin un droit sanctionnateur ou répressif. Il prévoit
l’application d’une sanction, généralement une peine, qui est infligée au nom
de la société pour réprimer l’atteinte causée à l’ordre public. Cette répres-
sion traduit la réprobation sociale devant le crime commis et le jugement
moral émis au nom du groupe social. La sanction pénale peut intervenir
pour réprimer la méconnaissance d’une norme pénale autonome ou d’une
norme extra-pénale (relevant p.ex. du droit de la consommation, du droit de

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la santé…). Parmi toutes les sanctions qui peuvent intervenir en réaction à
la violation de la norme, la sanction pénale est celle qui doit être appliquée
en dernier recours : étant la sanction la plus attentatoire aux libertés indivi-
duelles, le droit pénal doit rester un droit subsidiaire, intervenant comme
ultima ratio. Mais le droit pénal se veut également préventif, car la crainte
qu’inspire la peine encourue devrait avoir pour effet de dissuader les indivi-
dus de passer à l’acte.
Le droit pénal entretient des rapports étroits avec d’autres disciplines
relevant également des sciences criminelles, avec lesquelles il ne doit toute-
fois pas être confondu. Les sciences criminelles sont un ensemble de sciences
dont l’objet est le crime, mais qui l’étudient sous des angles différents. La crimi-
nologie s’intéresse ainsi aux causes du phénomène criminel et à la compré-
hension du passage à l’acte par le délinquant. La criminalistique regroupe
un ensemble de sciences exactes s’intéressant à la preuve de l’infraction
avec des approches diverses (police scientifique, médecine légale, toxicolo-
gie). La sociologie criminelle s’intéresse enfin à la population délinquante et
aux réactions que provoque le phénomène criminel dans un groupe social
donné. Le droit pénal, quant à lui, s’intéresse à la réponse normative appor-
tée au phénomène criminel, tout en se nourrissant des autres sciences crimi-
nelles. Celles-ci sont indispensables pour faire évoluer les incriminations en
fonction des valeurs sociales reconnues comme essentielles à une époque
donnée, pour mieux adapter la réponse pénale à la personnalité des délin-
quants, pour trouver des moyens de lutter contre la délinquance, ou encore
pour établir la réalité d’une infraction et en identifier les auteurs.
Le terme de droit pénal renvoie en réalité à différentes disciplines
juridiques. Le droit pénal général rassemble les règles générales applicables
à toutes les infractions, en ce qui concerne tant la définition des comporte-
ments interdits et des peines qui en sanctionnent les auteurs, que les principes
régissant l’établissement de la responsabilité pénale. Les règles applicables
spécifiquement au mineur relèvent du droit pénal des mineurs. Le droit
pénal spécial est relatif à l’étude des différentes infractions en particulier,
dont il précise les éléments constitutifs, les sanctions applicables et éven­t uel­
lement les modalités répressives spécifiques. Selon son champ d’application,
on parle de droit pénal des affaires, droit pénal du travail, droit pénal de
l’environnement, droit pénal de la consommation, droit pénal de la concur-
rence, etc. Le droit de la peine s’intéresse aux différentes sanctions pénales,
à leurs finalités et à leurs modalités d’application et d’exécution. Enfin, la
procédure pénale rassemble les règles relatives au procès pénal, régissant
le déroulement de la procédure, l’organisation et la compétence des juridic-
tions pénales, le processus de constatation des infractions, la recherche des
preuves et la poursuite ainsi que le jugement des auteurs. Le droit pénal connaît
aussi une dimension internationale en raison des éléments d’extranéité qui

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peuvent intervenir dans la commission d’une infraction pénale (une victime
étrangère, des faits commis sur le sol d’un pays étranger…) ou de la diver-
sification des sources du droit pénal qui est de plus en plus sous l’influence
du droit européen (notamment des droits fondamentaux consacrés dans la
Convention européenne des droits de l’homme mais aussi des règles issues
du droit de l’Union européenne) : ces règles relèvent du droit pénal interna-
tional ou européen. Dans la pratique, ces différentes branches du droit pénal
sont indissociables car la mise en œuvre des règles de fond s’opère dans le
cadre du procès pénal. Chaque infraction poursuivie est alors établie selon
les règles de droit pénal général, reçoit une qualification particulière, engage
le cas échéant la responsabilité de son auteur et entraîne l’application d’une
peine. Mais dans le cadre de cet ouvrage, nous allons nous intéresser seule-
ment au droit pénal général dont il convient au préalable d’exposer briève-
ment les origines.

II. Origines du droit pénal

Le droit pénal est apparu afin de substituer la répression étatique à la


vengeance privée qui consistait à laisser la punition du coupable entre les mains
des particuliers (la victime, sa famille ou son clan). Après un enca­drement

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progressif de la justice privée par la loi du Talion (« un œil pour un œil, une
dent pour une dent »), la justice publique s’est imposée pour conférer le
monopôle de la répression aux autorités publiques, interdisant à la victime de
se faire justice elle-même. Schématiquement, on peut identifier deux grandes
époques dans l’évolution du droit pénal, en distinguant la période avant et
celle après la Révolution française de 1789, pour déboucher sur l’adoption du
Code pénal actuel.
Avant la Révolution française, se sont succédé depuis le Moyen Âge la
justice pénale ecclésiastique et le droit pénal canonique (avec pour finalité
la défense des intérêts religieux et l’idée d’une peine proportionnée à la faute
visant à amender le délinquant), la justice seigneuriale et le droit coutumier.
Parmi les grands textes ayant marqué l’évolution du droit pénal en France à
partir du xvie siècle, on peut mentionner notamment l’ordonnance de Villiers-
Cotterêts sur les faits de justice (1539) et la grande Ordonnance criminelle de
1670 (adoptée sous le règne de Louis XIV) qui était le signe d’un droit pénal
arbitraire et sévère, avec une procédure inquisitoriale (la torture, appelée
« la question », étant appliquée durant la phase d’instruction) et des châti-
ments corporels cruels (peine de mort, galères, bannissement, castration,
amputation…). Les peines étaient déterminées arbitrairement par le juge qui
disposait d’un grand pouvoir créateur en la matière, se livrant à une interpré-
tation large des textes en ce qui concernait les incriminations et les sanctions
applicables. Le roi pouvait en outre rendre des lettres de cachet contenant
un ordre d’incarcération ou d’exil, d’une durée indéterminée et sans procès.
Ce droit pénal monarchique a été vivement critiqué par les philosophes des
Lumières (notamment Montesquieu, Voltaire, Rousseau et Beccaria) qui
mettaient en avant l’importance du principe de la légalité criminelle, de l’éga-
lité des citoyens devant la loi et de la modération de la répression qui, pour
être efficace et dissuasive, devait intervenir avec certitude et promptitude,
sans être nécessairement cruelle et spectaculaire.
Après la Révolution française, le droit pénal était le reflet d’une réaction
contre l’arbitraire en vigueur sous l’Ancien Régime. La Déclaration des droits
de l’Homme et du citoyen de 1789 a consacré le droit à la sûreté et le principe
de légalité criminelle (art. 7 et 8), ainsi que la présomption d’innocence (art. 9).
Reprenant les idées élaborées par la doctrine classique, le Code pénal créé
par deux lois de 1791 a limité les infractions réprimées aux comportements
contraires aux valeurs sociales (en supprimant un grand nombre de crimes
d’ordre moral ou religieux), a aboli les châtiments corporels (à l’exception de la
peine de mort) et a consacré le principe de légalité criminelle avec un système
de peines fixes, ne laissant au juge aucune marge de manœuvre. Par la suite,
l’évolution du droit pénal était marquée par une situation politique instable
et une augmentation de la criminalité, de sorte que la codification napoléo-
nienne a marqué le retour à une plus grande rigueur. Tout en conservant le

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principe de légalité, le Code pénal de 1810 a réintroduit un certain nombre
d’infractions et de châtiments corporels (amputation, marque au fer rouge,
amputation). Le système des peines fixes, qui a vite montré ses limites, était
remplacé par celui de la « fourchette légale », consistant à prévoir pour chaque
infraction une peine minimale et une peine maximale, dans le cadre desquelles
le juge pouvait librement déterminer la peine applicable en franchissant, au
besoin, les limites légales par le recours aux circonstances aggravantes ou
atténuantes. Par la suite, l’évolution du droit pénal n’était pas linéaire mais
tendait globalement vers un renforcement des libertés individuelles et une
atténuation de la rigueur. Sous la Monarchie de juillet, d’inspiration plus
libérale, les circonstances atténuantes ont été étendues aux crimes et les châti-
ments corporels de nouveaux abrogés (loi du 28 avril 1832). Sous le Second
Empire, d’inspiration plus autoritaire, les récidivistes faisaient l’objet d’une
politique sécuritaire, avec le transport dans les colonies outre-mer (loi du
30 mai 1854), qui se poursuivait sous la IIIe République avec la création de la
relégation des délinquants d’habitude présumés incorrigibles (loi du 27 mai
1885). La fin du xixe siècle marquait l’émergence des mesures de sûreté préco-
nisées notamment par les tenants de l’École positiviste italienne à l’égard des
délinquants dangereux. En parallèle, pour les délinquants jugés corrigibles,
ont été instaurées des mesures favorisant la réinsertion, avec la consécration
de la libération conditionnelle et du sursis par les lois Bérenger (14 août 1885
et 26 mars 1891). L’humanisation des peines continuait dans la seconde moitié
du xxe siècle, sous l’influence de la doctrine de la Défense sociale nouvelle,
avec notamment l’instauration des peines alternatives à l’emprisonnement
(loi du 11 juillet 1975), l’abolition de la peine de mort (loi du 9 octobre 1981)
et une plus grande importance de l’individualisation des peines déjà promue
par Raymond Saleilles en 1899. À contre-courant de cette évolution accor-
dant de plus en plus d’importance à la resocialisation des délinquants, on
peut toutefois mentionner la création de la période de sûreté par une loi du
22 novembre 1978, permettant de rendre la peine non-aménageable, mesure
qui sera élargie par la loi du 1er février 1994 introduisant la perpétuité dite
« réelle » ou « incompressible ». Les incriminations évoluaient au gré de l’évo-
lution des valeurs sociales, conduisant à la dépénalisation de certains actes
(le vagabondage, la mendicité, l’adultère, le chèque sans provision…) et à
l’incrimination de nouvelles formes de criminalité (la provocation au suicide
en 1987, les fraudes informatiques en 1988).
Le Code pénal actuel, issu d’une réforme du 22 juillet 1992 et entré en
vigueur le 1er mars 1994, opère un compromis en conservant une grande
partie des règles antérieures, tout en modernisant la matière. Outre la consé-
cration légale de l’erreur sur le droit et de plusieurs règles d’origine préto-
rienne (l’état de nécessité, la légitime défense des biens, le recel-profit…), une
grande innovation du Code nouveau est la reconnaissance de la responsabi-
lité pénale des personnes morales. En ce qui concerne les peines, le système

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de la « fourchette légale » est abandonné, entraînant la disparition des peines
minimales et corrélativement celle des circonstances atténuantes. Il en résulte
un pouvoir accru d’individualisation des sanctions par le juge.
L’évolution du droit pénal depuis 1994 reflète l’alternance entre courants
sécuritaires et courants plus libéraux, avec une inflation législative remar-
quable et des textes pas toujours cohérents ou nécessaires. Parmi les réformes
les plus significatives intervenues dans le cadre du droit pénal général,
on peut notamment retenir la création d’un régime différencié de la faute
pénale d’imprudence destiné à alléger la responsabilité pénale des décideurs
publics (loi du 10 juillet 2000), la généralisation de la responsabilité pénale
des personnes morales (loi du 9 mars 2004, dite « Perben II »), une extension
progressive de l’application de la loi pénale française dans l’espace (avec un
élargissement des principes de territorialité et de personnalité), la diversi-
fication des faits justificatifs (usage de leurs armes par les forces de l’ordre,
protection du lanceur d’alerte), ainsi que la réforme de la justice pénale des
mineurs (création d’un Code de la Justice pénale des mineurs par l’ordon-
nance du 11 septembre 2019).
En ce qui concerne le droit pénal spécial, tous les textes répressifs ne se
trouvent pas au sein du Code pénal, mais sont éparpillés dans des codes et
textes divers (Code de la route, Code du travail, loi de 1881 sur la liberté de la
presse, etc.). Les incriminations se multiplient de manière frénétique, avec
des lois souvent symboliques et expressives pour répondre aux attentes de
l’opinion publique, et une tendance de plus en plus préventive du droit pénal
(délit de mise en danger délibérée d’autrui, mandat criminel…). Parmi les
infractions créées ces dernières décennies, on peut mentionner notamment
la multiplication des infractions terroristes (association de malfaiteurs terro-
riste, entreprise individuelle terroriste, apologie publique d’actes de terro-
risme, consultation habituelle de sites internet terroristes – presqu’aussitôt
abrogée…), avec des régimes procéduraux dérogatoires au droit commun. On
assiste également à l’émergence des infractions à caractère informatique (intro-
duction et maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé
de données…) et à un renforcement des textes répressifs en matière d’infrac-
tions sexuelles (élargissement de la définition du viol, création de l’outrage
sexiste, qualification de l’inceste, « revenge porn »…) avec des règles déroga-
toires concernant la prescription de l’action publique lorsque la victime est
mineure.

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La branche du droit pénal la plus instable est probablement le droit de
la peine qui fait l’objet de nombreuses modifications au gré des change-
ments de majorité politique. Les sanctions pénales et le régime applicable
aux peines et aux mesures sûreté se trouve tantôt dans le Code pénal, tantôt
dans le Code de procédure pénale, en raison de la consécration, par le Code
de 1994, d’un système unitaire de sanctions pénales (qui ne comporte, en
théorie, que des peines). Pourtant, les mesures de sûreté sont en plein essor
depuis la fin des années 1990 avec notamment la création du suivi socio-judi­
ciaire en 1998 (qualifié de « peine » par la loi), de la surveillance judiciaire
des personnes dangereuses et du placement sous surveillance électronique
mobile en 2005, de la surveillance de sûreté et de la rétention de sûreté en
2008, et des mesures de sûreté applicables aux personnes jugées irresponsables

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en raison d’un trouble mental en 2008. Ces mesures, fondées sur la dangero-
sité du délinquant et poursuivant une finalité préventive, sont généralement
d’application rétroactive. Une autre loi d’inspiration sécuritaire est celle du
10 août 2007 ayant créé les peines planchers (abrogées en 2014). En parallèle,
se développent les alternatives à l’emprisonnement, avec la création par la
loi du 15 août 2014 de la contrainte pénale (abrogée en 2019) et l’instauration
par la loi du 23 mars 2019 de la détention à domicile sous surveillance électro-
nique. Cette loi crée également le sursis probatoire (qui remplace le sursis
avec mise à l’épreuve), élargit le travail d’intérêt général et rationnalise les
peines de stage. Les finalités de la peine sont clairement affirmées par la loi du
15 août 2014 et l’individualisation judiciaire continue de prendre de l’ampleur,
le juge étant soumis depuis la loi du 23 mars 2019 à une obligation générale
de motivation de la peine, présentant un certain rempart contre l’arbitraire.
Malgré une tendance sécuritaire des réformes pénales, les textes sont de plus
en plus imprégnés par la montée en puissance des droits fondamentaux et
reflètent une diversification des sources du droit pénal, s’inscrivant dans un
mouvement d’européanisation et de constitutionnalisation de la matière.

III. Sources du droit pénal

Les sources du droit pénal sont régies par le principe de légalité crimi-
nelle. Par essence, le droit pénal est un droit écrit qui est étroitement lié à la
souveraineté étatique. Il n’existe ainsi que deux sources à proprement parler
de droit pénal, qui peuvent directement créer des normes pénales : il s’agit de
la loi et du règlement qui sont des sources écrites internes (A). Les sources du
droit pénal se sont cependant diversifiées et d’autres sources ont une influence
croissante, mais indirecte, sur la norme pénale (B).

A. Les sources directes


La Constitution du 4 octobre 1958 répartit le pouvoir normatif entre le
pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. En matière pénale, il résulte des
articles 34 et 37 de la Constitution que la détermination des crimes et des
délits (et de la procédure pénale) relève du domaine de la loi, tandis que la
définition des contraventions ressortit au pouvoir réglementaire. Cette répar-
tition des compétences en fonction de la nature de l’infraction est rappelée
par les articles 111-1 et 111-2 du Code pénal. Il en ressort que les infractions
pénales sont classées, suivant leur gravité, en crimes, délits et contraven-
tions. Cette classification tripartite des infractions présente des intérêts
très concrets, puisqu’elle détermine les règles procédurales (compétence des
juridictions, prescription de l’action publique…) et substantielles (tentative,
complicité, élément moral…) applicables. Les sources directes des infrac-
tions et des peines sont donc la loi et le règlement.

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En premier lieu, la loi stricto sensu est le texte voté par le Parlement selon la
procédure législative et ensuite promulgué par le président de la République.
La Constitution y assimile les ordonnances prévues par l’article 38, qui devront
être ratifiées par le Parlement, et les décisions prises, en période de crise, par
le président de la République en vertu de l’article 16. Seule la loi peut ainsi
qualifier un comportement de crime ou de délit en l’assortissant des peines
applicables. Le critère de distinction entre le crime et le délit est la peine
maximale encourue : un crime est une infraction punie de la réclusion ou
de la détention criminelle à perpétuité ou à temps, la loi pouvant prévoir des
peines maximales de 15, 20 ou 30 ans (art. 131-1 CP), alors que le délit est une
infraction punie d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à 10 ans
et d’une peine d’amende d’au moins 3 750 € (art. 131-4 CP). On constate donc
que les crimes correspondent aux comportements les plus graves (tels que le
meurtre, l’empoisonnement, le viol), tandis que les délits représentent une
atteinte moins grave aux valeurs sociales (par exemple le vol, l’escroquerie,
l’agression sexuelle), pouvant parfois traduire une simple négligence (pour
les délits non-intentionnels, tels que l’homicide involontaire).
En second lieu, le règlement visé par l’article 37 de la Constitution corres-
pond au règlement autonome qui prend la forme d’un décret pris par le
président de la République ou par le 1er Ministre après avis du Conseil d’État.
Le règlement définit les contraventions et les peines qui leur sont applicables,
dans les limites fixées par la loi. Une contravention est une infraction punie
d’une peine d’amende d’un montant inférieur ou égal à 1 500 €, pouvant être
porté à 3 000 € en cas de récidive (art. 131-13 CP). Il existe 5 classes de contra-
ventions pour lesquelles les amendes encourues sont respectivement de 38 €,
150 €, 450 €, 750 € et 1 500 €. Les contraventions correspondent aux manque-
ments les moins graves aux valeurs de la société, traduisant une forme d’indis-
cipline sociale (comme le stationnement gênant ou le fait de fumer dans un
lieu public clos). Le règlement autonome doit être distingué du règlement
d’application destiné à fixer les modalités d’application d’un texte de nature
législative ou réglementaire.

B. Les sources indirectes


Les autres sources du droit ne peuvent ni incriminer un comportement,
c’est-à-dire le qualifier d’infraction, ni le réprimer, c’est-à-dire le sanction-
ner par une peine. Il n’en demeure pas moins qu’elles ont une influence non
négligeable sur le contenu de la norme pénale et peuvent donc être considé-
rées comme des sources indirectes du droit pénal.
D’une part, les sources non écrites ont une certaine influence sur le contenu
de la loi pénale et se pose notamment la question du rôle de la coutume et de
la jurisprudence.

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En premier lieu, si la coutume ne peut être source d’incrimination, elle

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joue néanmoins un double rôle en matière pénale. D’abord, les juges peuvent
se référer aux usages pour déterminer le sens d’une norme pénale posée par
une loi ou un règlement. Par exemple, en matière de tromperie sur les quali-
tés d’une marchandise (incriminée par l’art. L. 213-1 du Code de la consom-
mation), la Cour de cassation a pu se référer aux usages professionnels pour
apprécier si les qualités d’un jambon cuit supérieur étaient conformes aux
qualités que l’on pouvait légitimement attendre d’un tel produit (Crim. 15 mai
2001, no 00-84.279). Ensuite, la coutume peut justifier certains actes en principe
interdits par la loi pénale. Par exemple, l’article 521-1 du Code pénal réprime
les sévices graves et actes de cruauté envers les animaux, en précisant toute-
fois que « les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de
taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne
sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradi-
tion ininterrompue peut être établie ». Lorsqu’une telle pratique fait partie de
la coutume dans un lieu déterminé (ce qui est le cas dans la région de Nîmes
pour la corrida et aux Antilles pour les combats de coq), aucune poursuite
ne peut donc être exercée sur le fondement de ce texte.
En second lieu, la jurisprudence ne peut pas davantage créer des incri-
minations ou des peines, mais elle joue un rôle essentiel dans la mise en
œuvre de la loi pénale qu’elle doit interpréter. L’interprétation de la norme
pénale peut concerner aussi bien la définition du comportement interdit (par
exemple le champ d’application de l’homicide involontaire, le terme « autrui »
n’incluant pas le fœtus selon les juges de cassation : Ass. plén., 29 juin 2001)
que la sanction applicable (par exemple, l’interdiction de gérer une entreprise,
dont la durée maximale n’était pas fixée par le Code de commerce, ne peut
excéder 5 ans lorsqu’elle est temporaire : Crim. 8 janv. 2003, no 02-82.555). Si
l’interprétation de la loi pénale doit être stricte (art. 111-4 CP), le rôle norma-
tif de la jurisprudence tend à croître : le Conseil constitutionnel prend en
considération, lors de l’examen des questions prioritaires de constitution-
nalité (QPC), l’interprétation que la jurisprudence a pu faire de la disposi-
tion législative attaquée, son contrôle portant donc sur la portée effective
que lui confère le juge en l’interprétant (v. déc. no 2020-845 QPC du 19 juin
2020, M. Théo S., Recel d’apologie du terrorisme). À l’inverse, la Cour de cassa-
tion, dans son rôle de juge du filtre, refuse parfois de transmettre au Conseil
constitutionnel des QPC qui ne viseraient en réalité qu’à remettre en cause sa
propre interprétation jurisprudentielle et non le texte en lui-même (v. Crim.
20 mai 2011, no 11-90.025, D. 2011. 1346, obs. Lienhard).
D’autre part, les sources supra-légales sont de plus en plus présentes, à
tel point que l’on observe aujourd’hui un double phénomène de constitution-
nalisation et d’européanisation (ou internationalisation) du droit pénal.

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En premier lieu, la Constitution étant placée au sommet de la hiérarchie
des normes, il faut s’assurer que les lois pénales respectent les dispositions
à valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel exerce une influence
significative sur le contenu de la loi pénale en contrôlant les incriminations
et les peines existantes. Il encadre ainsi les choix opérés par le législateur
en veillant notamment au respect du principe de légalité (art. 8 DDHC) pour
limiter le pouvoir d’appréciation du juge judiciaire : il exige des infractions
claires et précises, et veille également au respect de la non-rétroactivité de
la loi pénale plus sévère. Par exemple, le Conseil constitutionnel a, dans sa
décision du 21 février 2008 (no 2008-562 DC), censuré l’application rétroactive
de la rétention de sûreté, tout en affirmant qu’il ne s’agissait pas d’une peine
ni d’une sanction ayant le caractère d’une punition. Il peut aussi émettre
des réserves d’interprétation, c’est-à-dire que la loi est déclarée conforme à
la Constitution, mais avec une interprétation donnée par le Conseil qui va
s’imposer à tous. Ainsi, par une décision du 19 juin 2020 (no 2020-845 QPC),
le Conseil a déclaré conforme à la Constitution le délit d’apologie publique
d’actes de terrorisme figurant au premier alinéa de l’article 421-2-5 du Code
pénal, sous la réserve que ce texte ne soit pas combiné avec l’article 321-1 pour
réprimer le recel d’apologie publique d’actes de terrorisme. Selon le Conseil,
ce délit « porte à la liberté d’expression et de communication une atteinte qui n’est
pas nécessaire, adaptée et proportionnée » (§ 26).
En second lieu, le droit européen ou plus largement international influence
et encadre fortement le contenu de la loi pénale. Le législateur français est en
effet lié par un certain nombre de traités ou conventions internationales qui
ont une incidence sur les infractions et sanctions qu’il édicte. Cette incidence
peut d’abord être positive, en ce sens que le législateur est tenu d’incrimi-
ner certains comportements définis par les textes supra-nationaux. Par
exemple, la torture et les actes de barbarie, prohibés par la Convention de
l’ONU du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, sont incriminés en droit français depuis
la réforme du Code pénal (art. 222-1 et s. CP). Il arrive également que la Cour
européenne des droits de l’homme mette à la charge des États des obliga-
tions positives visant à assurer une répression effective des atteintes aux
droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme (CESDH). C’est ainsi que l’arrêt Siliadin c. France du 26 juillet 2005 a
conduit à l’incrimination de l’esclavage par la loi no 2013-711 du 5 août 2013
(art. 224-1 B CP), afin de mettre le droit français en conformité avec l’article 4
CESDH qui prohibe la servitude et l’esclavage forcé. La Cour de Strasbourg
vérifie également l’intensité et la proportionnalité de la répression au regard
de l’atteinte portée aux droits protégés par la Convention, la sanction pénale
devant être suffisamment sévère et effectivement appliquée. Le Traité de
Lisbonne a par ailleurs renforcé la compétence pénale de l’Union européenne
qui peut établir, par le biais de directives, des règles minimales relatives à

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Introduction
la définition des infractions pénales et des sanctions dans des domaines de
criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière,
voire dans tout autre domaine ayant déjà fait l’objet d’une mesure d’harmo-
nisation (art. 83 du TFUE). Par exemple, la loi précitée du 5 août 2013 a trans-
posé la directive européenne 2011/93/UE du 13 décembre 2011 relative à la
lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que
la pédopornographie, en introduisant à l’article 222-22-2 une nouvelle forme
d’agression sexuelle consistant à « contraindre une personne par la violence,
la menace ou la surprise à subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers ».
De même, la loi no 2016-819 du 21 juin 2016 a transposé la directive européenne
2014/57/UE du 16 avril 2014 relative aux abus de marché par un renforcement
de la peine encourue en matière de délit d’initié, passant de 2 ans d’empri-
sonnement à 5 ans (art. L. 465-1 du Code monétaire et financier) : la directive
imposait une peine minimale de 4 ans, seuil qui n’existe pas dans l’échelle
des peines française.

L’incidence des normes supra-nationales sur la loi pénale peut ensuite


être négative, en ce que l’application d’une loi pénale peut être neutralisée
s’il s’avère qu’elle est contraire à une norme conventionnelle. D’abord, le
juge national, en se livrant à un contrôle de conventionnalité de la loi, peut
écarter un texte d’incrimination dans le litige qui lui est soumis lorsque ce
dernier est jugé contraire à une liberté fondamentale. C’est ainsi que la Cour
de cassation a pu écarter la qualification d’exhibition sexuelle, qui était
pourtant constituée en tous ses éléments, parce que la répression paraissait
en l’espèce contraire à la liberté d’expression, les faits s’étant inscrits dans
une démarche de protestation politique par une militante du mouvement dit
« Femen » (Crim. 26 févr. 2020, no 19-81.827, AJ pénal 2020. 247, étude Thierry ;
ibid. 233, étude L. François). Ensuite, lorsque les juges européens déclarent
une norme nationale incompatible avec la norme internationale, cela devrait

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logiquement conduire à son abrogation par le législateur. On pense ainsi à
l’abrogation, par la loi no 2013-711 du 5 août 2013, du délit d’offense au chef
de l’État, sous l’impulsion de la jurisprudence européenne ayant condamné
la France pour violation de l’article 10 de la Convention protégeant la liberté
d’expression (CEDH, 14 mars 2013, no 26118/10, Eon c. France).
La présentation générale du droit pénal ainsi faite conduit désormais à
s’intéresser, plus en détail, aux différents concepts évoqués. Le droit pénal
étant défini comme le droit des infractions et des peines, il convient de suivre
le raisonnement qui guide tout juriste confronté à la commission d’un acte qui
semble contraire à la loi pénale : il s’agit, d’abord, de vérifier s’il s’agit bien
d’une infraction (1re partie), pour, ensuite, établir la responsabilité pénale qui
en découle (2e partie) et, enfin, déterminer la sanction applicable (3e partie).

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Partie 1
L’infraction

Une infraction est un comportement prohibé par la loi sous la menace


d’une peine. Il s’agit donc, d’une part, de la transgression de la loi pénale qui
suppose l’existence d’un préalable légal de l’infraction (titre 1). D’autre part,
il s’agit d’un comportement spécifique décrit par la loi pénale dans toutes
ses composantes : ce sont les éléments constitutifs de l’infraction (titre 2).

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Titre 1
Le préalable légal de l’infraction

Toute infraction, pour être punissable, suppose que le comportement


soit au préalable incriminé par la loi pénale. L’exigence d’un préalable légal
de l’infraction résulte d’un principe fondamental qui irrigue l’ensemble de
la matière pénale : le principe de légalité criminelle (chapitre 1). Lorsque le
comportement illicite est accompli, la loi pénale trouve à s’appliquer, mais
son application est strictement encadrée (chapitre 2).

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Chapitre 1
Le principe de légalité criminelle

Le principe de légalité criminelle signifie qu’aucun comportement ne peut


faire l’objet d’une répression et qu’aucune peine ne peut être infligée du fait
de ce comportement sans qu’un texte ait, au préalable, interdit le fait repro-
ché sous la menace d’une peine. En d’autres termes, il ne peut pas y avoir
d’infraction, ni de peine, sans loi. Ce principe est exprimé par l’adage latin
« nullum crimen nulla poena sine lege ». Il s’impose à la fois au législateur (I)
et au juge (II).

I. La signification du principe de légalité pour le législateur

En vertu du principe de légalité, les infractions et les sanctions ne peuvent


exister si la loi ne les a pas prévues. La loi fixe à l’avance les comportements
qualifiés d’infractions, ce qui permet aux citoyens de savoir ce qui est permis
et ce qui est interdit, et elle définit les peines applicables (A). La loi pénale
doit en outre revêtir certaines qualités (B).

A. La légalité de l’incrimination et de la sanction


Selon la conception formelle du principe de légalité, les incriminations
et les peines doivent exister en vertu d’un texte législatif pour pouvoir être
appliquées par une juridiction, afin d’éviter l’arbitraire du juge. En effet, la
loi étant l’expression de la volonté générale, aux termes de l’article 6 de la
DDHC, elle seule jouit de la légitimité permettant d’incriminer un compor-
tement. L’acception classique du principe de légalité veut que seul le légis-
lateur ait le pouvoir de déterminer les incriminations et les peines qui leur
sont applicables. Cette conception stricte du principe a cependant été remis
en cause par les articles 34 et 37 de la Constitution de 1958 qui permet au
pouvoir réglementaire de créer des incriminations en matière contraven-
tionnelle. Le principe de légalité dans l’ordre juridique français doit donc
plus largement être entendu comme un principe de textualité incluant la
loi et le règlement. Le monopole législatif en tant que source du droit pénal

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a donc disparu et les compétences en matière de création des incriminations
ont été réparties entre le Parlement et le Gouvernement. Le Conseil constitu-
tionnel a cependant précisé, dans une décision du 28 novembre 1973, que la
compétence réglementaire du pouvoir exécutif dans le domaine des contra-
ventions ne peut s’exercer que dans la mesure où les peines ne comportent
pas de mesure privative de liberté.
Le principe de légalité a une double signification pour le législateur.
D’abord, un comportement qui n’est pas incriminé par la loi avant sa commis-
sion ne peut pas constituer une infraction pénale. Ensuite, une sanction qui
n’est pas prévue par la loi antérieurement à la commission de l’infraction ne
peut pas être prononcée par le juge. Ainsi, nul ne peut être condamné pour
un fait qui, au moment où il a été commis, ne constituait pas une infraction
selon le droit alors en vigueur.
Après avoir figuré à l’article 4 du Code pénal de 1810, le principe de légalité
des délits et des peines est consacré par deux articles du Code pénal actuel,
les articles 111-2 et 111-3. L’article 111-2 expose le principe de façon positive :
« La loi détermine les crimes et délits et fixe les peines applicables à leurs auteurs. Le
règlement détermine les contraventions et fixe, dans les limites et selon les distinc-
tions établies par la loi, les peines applicables aux contrevenants ». L’article 111-3
expose le principe de façon négative, en se plaçant du côté du justiciable et
de la garantie que lui offre le principe : « Nul ne peut être puni pour un crime ou
pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contra-
vention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement. Nul ne peut être puni
d’une peine qui n’est pas prévue par la loi, si l’infraction est un crime ou un délit,
ou par le règlement si l’infraction est une contravention ».
Le principe est également consacré par des normes supra-législatives,
se situant au-dessus de la loi dans la hiérarchie des normes. En effet, les
sources constitutionnelles et internationales affirment unanimement le
principe de légalité, avec des acceptions parfois légèrement différentes.
C’est la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 qui
a proclamé pour la première fois ce principe dans ses articles 5 et 8, et dans
son article 7 en matière procédurale. Ainsi, en vertu de l’article 8, « La loi ne
peut établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être
puni qu’en vertu d’une loi, établie et promulguée antérieurement au délit et léga­le-
ment appliquée ». Ce principe a donc une valeur constitutionnelle en France
puisque la DDHC fait partie du « bloc de constitutionnalité ». Ce principe est
également affirmé par de nombreux textes internationaux et notamment
l’article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
Il a donc une valeur conventionnelle.

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B. Les qualités de la loi pénale

Partie 1 • L’infraction
Le principe de légalité implique une certaine qualité de la loi pénale. Le
législateur est tenu de rédiger les textes d’incrimination de manière claire
et précise. Il doit donc définir les infractions, en précisant tous les éléments
constitutifs. Dans sa décision no 2012-240 QPC du 4 mai 2012, le Conseil consti-
tutionnel a ainsi jugé que la définition du harcèlement sexuel, incriminé
à l’article 222-33 du Code pénal, n’était pas suffisamment claire et précise
pour exclure l’arbitraire. La loi no 2012-954 du 6 août 2012 a donc réécrit le
texte. En outre, le législateur ne peut prévoir que des sanctions nécessaires
et proportionnées à la gravité de l’infraction (C. const. 19-20 janvier 1981,
JCP 1981, II, 19701) et doit fixer de manière précise la nature, la durée et le taux
de la peine applicable. Le Conseil constitutionnel a décidé de l’abrogation du
délit de consultation habituelle de sites internet terroristes qu’il a jugé non
conforme au principe de nécessité des délits et des peines en ce qu’il portait
une atteinte non proportionnée à l’exercice de la liberté de communication
(décision no 2017-682 QPC du 15 décembre 2017).
La conception française de la légalité criminelle a été remise en cause par
la Cour européenne des droits de l’homme qui a adopté une conception plus
matérielle du principe. En vertu de la jurisprudence européenne, la notion de
« droit » utilisée à l’article 7 de la Convention implique des conditions quali-
tatives, entre autres celles d’accessibilité et de prévisibilité (CEDH, Sunday
Times c. RU, 26 avril 1979). Cependant, la prévisibilité de la loi ne s’oppose pas
à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés
pour évaluer les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé (CEDH,
Cantoni c. France, 15 nov. 1996). L’exigence de prévisibilité commande de ne
pas appliquer la loi pénale de manière extensive au détriment de l’accusé, par
exemple par analogie. La condition d’accessibilité se trouve remplie lorsque
le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au
besoin de l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels
actes et omissions engagent sa responsabilité pénale.
Par ailleurs, selon la Cour européenne des droits de l’homme, la notion de
« droit » (« law ») figurant à l’article 7 englobe le droit d’origine tant législa-
tive que jurisprudentielle, ce qui implique que la jurisprudence soit soumise
aux corollaires du principe de légalité, en d’autres termes à une prohibition
de l’application rétroactive des revirements de jurisprudence défavorables.
Dans l’arrêt Pessino c. France du 10 octobre 2006, la Cour a par conséquent
sanctionné la France pour avoir appliqué une interprétation jurispruden-
tielle défavorable à des faits commis antérieurement à cette interprétation,
en l’occurrence l’interprétation de la loi sur les infractions à la construction.
Ainsi, on assiste à une mutation du principe de légalité, vers un principe de
prévisibilité et non plus l’exigence d’un texte.

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II. La signification du principe de légalité pour le juge

Le principe de légalité s’impose également au juge, chargé d’appliquer la


loi pénale. Il s’oppose en principe à l’idée de tout rôle créateur du juge aussi
bien pour les incriminations que pour les sanctions, ce dernier étant tenu de
qualifier les faits (A) en se livrant à une interprétation stricte (B).

A. L’obligation de qualifier les faits


La qualification des faits est l’opération intellectuelle par laquelle le juge
fait entrer des éléments de fait dans des catégories juridiques préétablies afin
de leur appliquer un régime déterminé à la fois substantiel et processuel.
Il appartient aux juges du fond, saisis d’une infraction, de restituer même
d’office aux faits leur véritable qualification. Les juges ne sauraient renon-
cer à statuer, sous peine de se rendre coupables d’un déni de justice. Mais ils
sont tenus de choisir parmi les qualifications légales existantes : il est inter-
dit au juge de créer de nouvelles incriminations. Si le comportement soumis
à l’appréciation du juge n’entre pas dans les prévisions d’un texte légal, son
auteur ne pourra pas être sanctionné. À l’inverse, la qualification des faits
peut soulever des conflits en raison du nombre important d’incriminations
existantes : lorsque plusieurs qualifications ont vocation à s’appliquer aux
faits de l’espèce, il faut résoudre le conflit de qualifications. L’office du juge
consistera alors à déterminer la qualification la plus adaptée. Le principe est
qu’une seule qualification sera retenue (1), mais il existe des exceptions (2).

1. Le principe de l’unité de qualification


Ce principe découle du principe non bis in idem : un seul fait matériel ne
peut être reproché sous deux qualifications différentes à la même personne
(art. 4 du 7e protocole additionnel à la CESDH). Dans une formule désormais
constante, la jurisprudence précise que des faits qui procèdent de manière
indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable
ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpa-
bilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes. On distingue le conflit
apparent de qualifications du conflit véritable de qualifications.
La première hypothèse est le conflit apparent, c’est-à-dire que les quali-
fications sont exclusives les unes des autres, elles sont incompatibles.
Soit, les qualifications sont totalement exclusives, lorsqu’il y a une suite de
comportements avec une unité d’intention et une certaine unité de temps. L’une
des infractions commises est la suite naturelle de l’autre : on parle d’incom-
patibilité par intégration. Sont ainsi incompatibles les qualifications de vol
et de recel, car la détention de la chose volée est la conséquence logique de
sa soustraction (Crim. 22 janv. 1948). Il est généralement admis qu’un même
agent ne puisse recevoir cumulativement la qualité d’auteur de l’infraction

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Partie 1 • L’infraction
d’origine et la qualité d’auteur de l’infraction de conséquence (par exemple en
matière d’abus de biens sociaux et de blanchiment d’abus de biens sociaux :
Crim. 7 déc. 2016, no 15-87.335 ; ou pour l’escroquerie et le faux ayant constitué
la manœuvre frauduleuse de l’escroquerie : Crim. 25 oct. 2017, no 16-84.133).
À l’inverse, la Cour de cassation juge qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre
complicité de vol et recel dès lors que ces qualifications se rapportent à deux
faits distincts (Crim. 18 nov. 1965), adoptant la même solution en matière de
complicité et recel d’escroquerie (Crim. 5 janv. 2017, no 15-86.362). Les juges
admettent également le cumul du faux et de l’escroquerie lorsque le faux a
été utilisé à d’autres occasions que pour commettre l’escroquerie (Crim. 16
janv. 2019, no 18-81.566), ainsi que le cumul de l’escroquerie et du blanchiment
(Crim. 18 mars 2020, no 18-85.542).
Soit, les qualifications sont partiellement exclusives, lorsque l’un des
éléments constitutifs d’une infraction est la circonstance aggravante d’une
autre infraction. L’élément constitutif épuise alors la circonstance aggra-
vante. Par exemple, des violences ne peuvent être à la fois constitutives de
violences volontaires et les circonstances aggravantes d’un vol (Crim. 14 oct.
1954) : si un vol est accompagné de violences, il constitue un vol avec violences
(art. 311-6 CP). Souvent, le législateur érige une infraction en circonstance
aggravante d’une autre, p.ex. le meurtre précédé, accompagné ou suivi d’un
autre crime est puni de la réclusion criminelle à perpétuité (art. 221-2 CP).
De la même manière, la Cour de cassation refuse le cumul entre l’infraction
d’association de malfaiteurs et la circonstance aggravante de bande organi-
sée (Crim. 9 mai 2019, no 18-82.800) sauf si les qualifications portent sur des
faits distincts, notamment lorsque l’association de malfaiteurs avait pour
objet la préparation d’autres infractions (Crim. 9 mai 2019, no 18-82.885).
Enfin, il peut y avoir incompatibilité par contradiction, lorsque les quali-
fications afférentes à un fait matériel unique s’excluent l’une l’autre en raison
de l’opposition essentielle dans la définition de l’infraction. Ainsi, l’individu
ayant involontairement causé la mort ne peut être condamné que du chef
d’homicide involontaire ou de violences volontaires ayant entraîné la mort
sans intention de la donner, mais en aucun cas du chef de meurtre ou d’assas-
sinat. L’élément moral n’est pas le même dans ces différentes qualifications.
La seconde hypothèse est le conflit véritable de qualifications, c’est-à-dire
qu’un fait correspond aux éléments constitutifs de plusieurs qualifications.
Certaines qualifications sont redondantes (interdisent le même compor­
tement), d’autres sont concurrentes (se recoupent partiellement). On parle
d’un « concours idéal de qualifications » en ce sens que le conflit se situe
exclusivement sur le plan intellectuel, les faits ne pouvant être matérielle-
ment scindés. Ces qualifications sont alors alternatives, le juge devant choisir
en se conformant à certaines règles.

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Soit, une qualification est absorbée par l’autre, en cas d’unité de but
poursuivi. La qualification la plus étroite est en principe absorbée par la
qualification la plus large. D’une part, l’infraction-moyen est absorbée par
l’infraction-fin, car la première infraction a été commise afin de permettre
la réalisation d’une seconde, ce qui rend les faits indivisibles (p.ex. la déten-
tion et cession de stupéfiants). D’autre part, l’infraction-obstacle est absorbée
par l’infraction matérielle (p.ex. la conduite en état d’ivresse et les blessures
involontaires occasionnées par un accident de la route).
Soit, une qualification l’emporte sur l’autre. En vertu du principe de
spécialité (specialibus generalia derogant), les qualifications spéciales (visant
une hypothèse plus précise) dérogent aux plus générales (p.ex. l’empoison-
nement est une forme spéciale de meurtre). Mais cela ne vaut pas en cas de
disposition légale contraire (p.ex. la jurisprudence admet le cumul du délit
de déversement de substances nuisibles à la santé, à la faune et à la flore dans
les eaux avec le délit de rejet en eau douce de substances nuisibles au poisson
ou à sa valeur alimentaire : Crim. 16 avr. 2019, no 18-84.073).
En dehors de ces hypothèses particulières, la jurisprudence retient la
solution de la plus haute expression pénale : seule la plus haute qualification
doit être retenue, c’est-à-dire celle qui fait encourir la peine la plus sévère.

2. Les exceptions au principe de l’unité de qualification


Parfois, la jurisprudence admet une pluralité de qualifications pour un
seul fait matériel. C’est ce que l’on appelle le « cumul idéal d’infractions ».
La première hypothèse est celle d’une pluralité de valeurs sociales lésées.
Lorsqu’un individu a porté atteinte à plusieurs valeurs sociales distinctes par
une même action, il peut être poursuivi sous plusieurs qualifications au motif
que chacune d’elles permettrait de faire apparaître des faits distincts. Cette
solution a été consacrée par la Cour de cassation dans l’affaire Ben Haddadi
(Crim. 3 mars 1960), dans laquelle la chambre criminelle a retenu une double
qualification d’un fait matériel unique consistant dans le jet d’une grenade
dans un débit de boissons : la tentative de destruction par explosif et la tenta-
tive de meurtre. Selon la Cour, il ne s’agissait pas d’un crime unique mais de
« deux crimes simultanés, commis par le même moyen, mais caractérisés par des
intentions coupables essentiellement différentes ». En l’espèce, le prévenu avait
voulu porter atteinte à deux valeurs sociales distinctes, à savoir la vie et les
biens. Il ressort de cette jurisprudence qu’on prend également en compte
l’état d’esprit de l’agent au moment des faits, se caractérisant par une plura-
lité d’éléments moraux pour un élément matériel unique.
Ainsi, la Cour de cassation a admis le cumul entre l’escroquerie commise
au moyen d’un faux et le faux dans la mesure où les deux qualifications
sanctionnent la violation d’intérêts distincts : une atteinte aux biens et une

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Partie 1 • L’infraction
atteinte à la confiance publique (Crim. 14 nov. 2013, no 12-87.991). De même,
la qualification d’homicide involontaire par violation d’une obligation de
prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement peut se cumuler avec
l’infraction sanctionnant la violation de cette obligation (Crim. 9 avr. 2019,
no 17-86.267 : Dr. pén. 2019, comm. 103, obs. Conte). Mais la jurisprudence n’est
pas toujours très claire concernant le raisonnement à retenir. Si la Cour de
cassation semblait dans certains arrêts abandonner le cumul fondé sur une
pluralité de valeurs sociales atteintes (p. ex. Crim. 13 juin 2019, no 18-83.071 :
s’opposant au cumul entre faux et escroquerie ; Crim. 27 mars 2019, no 18-82.178 :
s’opposant au cumul entre harcèlement moral et dégradations), elle a ensuite
admis le cumul entre assassinats, tentatives d’assassinats et détériorations
volontaires pour un fait unique consistant à lancer une grenade dans un
magasin (Crim. 14 nov. 2019, no 18-83.122). La Cour a également retenu, de
nouveau, le cumul entre faux et escroquerie (Crim. 9 sept. 2020, no 19-84.301),
précisant toutefois dans cet arrêt qu’il s’agissait de faits matériels distincts.
La seconde hypothèse est celle d’une pluralité de qualifications en cas
de pluralité de victimes ayant subi des dommages d’une gravité différente,
dans un souci d’indemnisation. Quand bien même une seule valeur sociale
serait atteinte, les juges retiennent dans ce cas toutes les qualifications en
concours, afin de permettre à la victime la moins touchée d’obtenir répara-
tion en exerçant l’action civile (v. Crim. 22 févr. 1995, no  94-82.111 ; Crim.
8 mars 2005, no 04-83.341).
Le cumul ou concours idéal d’infractions doit être distingué du concours
réel d’infractions (défini à l’article 132-2 CP) qui correspond à l’hypothèse
d’une pluralité d’infractions matériellement distinctes (v. infra, l’aggrava-
tion des peines). Concrètement, la personne a donc commis deux infrac-
tions distinctes et non un fait unique recevant plusieurs qualifications. Cela
étant, lorsque plusieurs qualifications sont retenues en cas de concours idéal
d’infractions, le nombre et le montant des peines encourues sont ensuite déter-
minés comme s’il s’agissait d’un classique concours réel d’infractions, c’est-
à-dire qu’une seule peine de même nature sera prononcée, dans la limite du
maximum légal le plus élevé.

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B. L’interprétation stricte de la loi pénale
Un des corollaires du principe de légalité en matière criminelle est le
principe de l’interprétation stricte de la loi pénale. Ce principe découle de
l’article 111-4 du Code pénal qui dispose que « La loi pénale est d’interprétation
stricte ». Ce texte autorise donc le juge à interpréter la loi, tout en encadrant
cette interprétation qui doit être stricte. L’interprétation stricte de la loi pénale
présuppose que la loi soit claire et intelligible. Mais en réalité, on observe
que certains textes sont obscurs. Se pose alors la question de l’étendue du
pouvoir d’interprétation du juge pénal.
Certaines méthodes d’interprétation sont prohibées. D’une part, le juge
ne saurait se livrer à une interprétation par analogie qui consiste à étendre
une règle de droit d’une situation prévue par elle à une situation voisine, non
visée par le texte. Admettre ce mode d’interprétation contreviendrait à la
prévisibilité de la loi pénale et à la sécurité juridique. Le juge s’érigerait en
véritable législateur en méconnaissant le principe de légalité et de la sépara-
tion des pouvoirs (art. 16 de la DDHC). Ainsi, dans l’affaire de la « séquestrée
de Poitiers », les juges ont refusé d’assimiler à des faits positifs de coups et
blessures les simples abstentions d’agir ou de fournir des soins (CA Poitiers,
20 nov. 1901). De même, la Cour de cassation a refusé d’assimiler à un vol, à
une escroquerie ou à un abus de confiance une filouterie d’aliments car il n’y
a pas de soustraction frauduleuse, pas de manœuvre et pas de détour­nement
(Crim. 5 nov. 1847). Cependant, l’interprétation analogique est autorisée

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lorsqu’elle est favorable à la personne poursuivie (analogie in favorem). C’est

Partie 1 • L’infraction
ainsi que la jurisprudence a admis d’étendre les faits justificatifs prévus
par le Code pénal au-delà des prévisions légales. D’abord, dans l’affaire de
Fraville (Cass. req. 25 mars 1902), la Cour de cassation a reconnu la légitime
défense des biens alors que l’article 328 de l’ancien code ne la concevait que
pour les personnes. Ensuite, dans l’affaire Lesage (Crim. 25 juin 1958), la
Cour de cassation a consacré, dans le silence de la loi, un nouveau fait justi-
ficatif, l’état de nécessité.
D’autre part, le juge ne saurait se livrer à une interprétation restrictive ou
littérale qui ferait échapper à la loi pénale des cas prévus par le législateur.
Longtemps, la chambre criminelle utilisait cette méthode (Crim. 24 févr.
1809 ; Crim. 11 mars 1831) qui sera critiquée par Faustin Hélie en pointant
ses incohérences : l’ancien article 388 du Code pénal, qui incriminait le vol
de chevaux, s’opposerait ainsi au vol d’un cheval.
Ainsi a été consacrée l’interprétation téléologique qui s’appuie sur le but
recherché par le législateur. La jurisprudence lorsqu’elle interprète un texte se
fonde donc sur la ratio legis, c’est-à-dire la volonté déclarée ou présumée du légis-
lateur, volonté qu’elle tire soit du texte lui-même soit de l’étude des travaux prépa-
ratoires. Lorsque le texte est clair et précis, le juge l’applique en appliquant la
loi, rien que la loi. Par exemple, le délit de privation de soins n’est pas constitué
si les faits poursuivis n’ont pas compromis la santé du mineur, conformément à
l’article 227-15 du Code pénal (Crim. 12 oct. 2005). Lorsque, au contraire, le texte
est obscur, la jurisprudence doit lui restituer son sens véritable ou donner un
contenu aux notions larges ou imprécises. C’est le raisonnement adopté par la
Cour de cassation dans l’affaire Bailly (Crim. 8 mars 1930) concernant un décret
de 1917 qui interdisait aux voyageurs de « descendre des trains ailleurs que dans les
gares et lorsque le train est complètement arrêté », ce qui, littéralement, obligeait
les voyageurs à sauter du train en marche. Par cet arrêt du 8 mars 1930, la Cour
de cassation a approuvé la condamnation d’un voyageur qui était descendu d’un
train en marche, considérant qu’il fallait redonner au texte son sens évident. Plus
récemment, la jurisprudence a refusé d’étendre au fœtus l’article 221-6 du Code
pénal réprimant l’homicide involontaire (Ass. plén., 29 juin 2001) car le fœtus
ne peut être assimilé à une personne au sens de ce texte.
L’interprétation téléologique ne s’oppose toutefois pas à une interprétation
parfois plus large, permettant à la jurisprudence de s’adapter à l’évolution
des espèces pratiques et au progrès technique de la société. La Cour de cassa-
tion a ainsi étendu la définition du recel dans son arrêt Lefèvre (Crim. 9 juil.
1970) concernant un individu qui se trouvait à proximité d’un autre individu
se livrant au vol d’un véhicule puis qui est monté à bord dudit véhicule. La
chambre criminelle a estimé que l’ancien article 460 du Code pénal qui était
conçu en termes généraux atteignait tous ceux qui, en connaissance de cause
ou par un moyen quelconque, bénéficient du produit d’un crime ou d’un délit.

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Cette jurisprudence est venue consacrer le recel-profit à côté du tradition-
nel recel-détention. De même, la jurisprudence a adopté une interprétation
relativement extensive du vol qui suppose une soustraction frauduleuse de
la chose d’autrui, en considérant qu’il y a vol lorsque l’appréhension a lieu
dans des circonstances telles qu’elle révèle l’intention de se comporter, même
momentanément, en propriétaire de la chose (Crim. 19 févr. 1959). Elle a donc
inclus dans cette incrimination le vol d’usage. Cela a abouti à une dématéria-
lisation du vol (voir également l’affaire Logabax du 8 janvier 1979 et l’affaire
Bourquin du 12 janvier 1989 relatives au vol d’information), avec une admis-
sion plus récente du vol de données informatiques par leur téléchargement à
la suite de l’introduction frauduleuse dans un système de traitement automa-
tisé de données (Crim. 25 mai 2015).

La jurisprudence a également adapté les textes anciens aux réalités contem-


poraines, qui étaient ignorées lors de la réalisation des textes. Une telle adapta-
tion semble d’ailleurs fidèle à l’interprétation téléologique. Par exemple, s’est
posé la question de savoir si la soustraction frauduleuse d’électricité était
un vol au sens du Code pénal. Par un arrêt du 3 août 1912, la Cour de cassa-
tion a répondu par l’affirmative en qualifiant l’électricité de chose suscep-
tible d’appréhension. Cette analyse a toutefois été démentie par le législateur
qui a inséré, à la suite de l’article 311-1 sur le vol, un article 311-2 qui expose
que la soustraction frauduleuse d’énergie est assimilée au vol, ce qui signifie
qu’elle n’en est pas un. Plus récemment, la jurisprudence a admis que l’infrac-
tion d’appels téléphoniques malveillants et réitérés pouvait être constituée
par l’envoi de SMS. Cette hypothèse a ensuite été intégrée par la loi du 4 août
2014 à l’article 222-16 du Code pénal.

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Chapitre 2
L’application de la loi pénale

La loi pénale française a naturellement vocation à régir les faits qui se


déroulent après son entrée en vigueur et sur le territoire français. Il existe
toutefois des situations plus complexes qui peuvent générer des conflits entre
différentes lois, supposant de déterminer les règles encadrant leur champ
d’application. L’application de la loi pénale est ainsi limitée dans le temps (I)
et dans l’espace (II).

I. L’application de la loi pénale dans le temps

Un conflit de lois dans le temps peut se présenter lorsqu’une loi nouvelle


est adoptée en matière pénale qui modifie la définition d’une incrimination,
la peine encourue ou les modalités de la répression. Se pose alors la question
de l’applicabilité de cette loi aux infractions commises avant son entrée en
vigueur et non encore définitivement jugées. Les règles régissant l’applica-
tion de la loi pénale dans le temps ne sont pas les mêmes pour les lois pénales
de fond (A) et les lois pénales de forme (B).

A. Les lois pénales de fond


Les lois pénales de fond sont celles qui définissent l’infraction et prévoient
la sanction applicable. L’application des lois pénales de fond est régie par le
principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères (1), découlant du
principe de légalité qui prohibe une application extensive de la loi. À l’inverse,
les lois pénales plus douces s’appliquent rétroactivement (2).

1. La non-rétroactivité des lois pénales plus sévères


Il découle de l’article 112-1 du Code pénal que « Sont seuls punissables les
faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis. Peuvent
seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date […] ». Le
principe de non-rétroactivité est une conséquence du principe de légalité, en
ce sens que l’accessibilité et la prévisibilité de la loi impliquent que les seules

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incriminations et les seules peines applicables soient celles qui étaient prévues
par la loi au jour où les faits ont été commis. Un conflit de lois pénales dans
le temps peut naître lorsqu’une loi nouvelle est susceptible de s’appliquer à
des faits commis avant son entrée en vigueur et n’ayant pas fait l’objet d’une
condamnation définitive.
Il faut donc, d’abord, déterminer le jour de la commission de l’infrac-
tion pour savoir si elle a eu lieu sous l’empire de la loi ancienne, avant de
résoudre le conflit de lois dans le temps. Cela ne pose pas de difficulté pour
les infractions instantanées qui s’exécutent en un trait de temps (p.ex. le vol)
et qui restent soumises à la loi ancienne lorsque la loi nouvelle est plus sévère.
La même solution s’applique aux infractions permanentes dont les effets se
prolongent dans le temps par la seule force des choses sans nouvelle inter-
vention de la part de l’auteur (p.ex. une publication illicite diffusée sur inter-
net). En revanche, les infractions continues s’étalent sur une certaine durée
pendant laquelle l’intention délictueuse persiste (p.ex. la séquestration ou
le recel). On considère alors que l’infraction est entièrement consommée
lorsqu’elle prend fin (p.ex. par le dessaisissement de la chose recelée), de
sorte qu’elle est réputée commise sous l’empire de la loi nouvelle si elle conti-
nue de se commettre après l’entrée en vigueur de celle-ci. La même solution
vaut pour les infractions « continuées » qui entraînent des actes d’exécution
répétés (p.ex. des versements périodiques de sommes d’argent consécutifs à
un abus de biens sociaux). Pour les infractions complexes, qui se composent
de plusieurs éléments matériels de nature différente (p.ex. l’escroquerie), on
prend en compte le jour où tous les actes sont accomplis (p.ex. la remise de
la chose). Enfin, pour les infractions d’habitude, qui se caractérisent par la
répétition d’un acte de même nature (p.ex. l’exercice illégal de la médecine),
on prend également en compte le dernier acte commis : s’il est perpétré sous
l’empire de la loi nouvelle, c’est celle-ci qui trouve à s’appliquer. On ne parle
donc de conflit de lois dans le temps que dans l’hypothèse où les faits ont été
commis entièrement avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.
Il faut déterminer, ensuite, si la loi nouvelle est plus sévère ou plus douce
pour savoir si elle peut rétroagir. Une loi pénale est plus sévère lorsqu’elle crée
une nouvelle incrimination ou élargit la définition d’une infraction existante,
lorsqu’elle instaure une nouvelle peine ou aggrave la peine encourue pour
une infraction. La loi pénale plus sévère ne saurait rétroagir pour s’appli-
quer aux faits qui se sont produits avant son entrée en vigueur. Ses disposi-
tions ne s’appliquent donc qu’aux faits commis après son entrée en vigueur.
Par conséquent, lorsque des faits sont incriminés après leur réalisation, ils
ne peuvent être poursuivis. De même, la peine instituée après la commission
des faits ne peut être appliquée à l’auteur pour le punir. Par exemple, la loi
no 2016-444 du 13 avril 2016 ayant créé la contravention de recours à la prosti-
tution (art. 611-1 CP) n’était pas applicable aux clients de la prostitution avant

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Partie 1 • L’infraction
l’entrée en vigueur de la loi le 15 avril 2016. De même, la loi no 2018-703 du
3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a élargi
la définition du viol qui englobe désormais « tout acte de pénétration sexuelle,
de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de
l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ». L’ajout des termes « sur
la personne de l’auteur » permet donc d’inclure les actes imposés par une
femme à un homme qui étaient auparavant exclus par la jurisprudence. De
tels actes n’étaient donc pas constitutifs d’un viol s’ils étaient perpétrés avant
la date d’entrée en vigueur de la loi, soit le 6 août 2018. De la même manière,
la loi no 98-468 du 17 juin 1998 ayant instauré une nouvelle peine complémen-
taire, le suivi socio-judiciaire (art. 131-36-1 et s. CP), n’a pas pu rétroagir.
Une règle particulière s’applique toutefois aux mesures de sûreté qui, d’une
nature différente que les peines, s’appliquent en principe rétroac­ti­vement. Les
lois qui instaurent de nouvelles mesures de sûreté ou en aggravent le régime
peuvent donc s’appliquer à des faits commis avant son entrée en vigueur,
parfois même déjà définitivement jugés. Cela s’explique par le fondement de
ces mesures qui reposent sur la dangerosité et non sur la culpabilité du délin-
quant, ainsi que par leur finalité qui est préventive et non répressive. Elles
sont donc exclusivement tournées vers l’avenir et interviennent dans le but
d’empêcher la commission d’infractions futures. Dans son arrêt Merbouche
du 11 juin 1953, la Chambre criminelle a jugé que les mesures prévues par
l’ordonnance du 2 février 1945 applicables aux mineurs reconnus coupables
d’infractions à la loi pénale pouvaient être appliquées à des faits antérieurs
à la promulgation du texte. Outre le domaine particulier des mesures éduca-
tives qui peuvent être considérées comme étant prises dans l’intérêt du mineur
(donc comme étant plus douces), la Cour de cassation a qualifié plusieurs
mesures expressément de « mesure de sûreté » afin de permettre leur appli-
cation rétroactive. Cette solution a été retenue pour l’incapacité profession-
nelle (Crim. 26 nov. 1997, no 96-83.792, Bull. crim. no  404 ; D. 1998, Jur. 495, note
Rebut ; RSC 1998. 539, obs. Bouloc), pour l’inscription au fichier judiciaire
national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Crim. 31
oct. 2006, no 05-87.153, Bull. crim. no  267 ; Dr. pén. 2007, comm. 15, obs. Véron),
pour la surveillance judiciaire des personnes dangereuses (Crim. 1er avr.
2009, no 08-84.367, AJ pénal 2009. 321 ; Dr. pén. 2009. 103, obs. Maron et Haas)
et pour les mesures applicables aux personnes faisant l’objet d’une déclara-
tion d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (Crim. 16 déc.
2009, no 09-85153, Bull. crim. no 216, Dr. pén. 2010, étude 4, Matsopoulou ; JCP
G, 2010, act. 15, Detraz ; D. 2010. 471, note Pradel ; ibid. p. 144, obs. Léna ; AJ
pénal 2010. 136, obs. Duparc).
Il convient de noter que la Cour européenne des droits de l’homme adopte
une interprétation autonome de la notion de « peine » figurant à l’article 7 § 1
de la Convention, pour déterminer si le principe de non-rétroactivité s’applique

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ou non à la mesure qui est soumise à son examen. Elle a ainsi pu décider
que la détention de sûreté allemande était soumise au principe (CEDH, M. c.
Allemagne, 17 déc. 2009, GC, no 19359/04), tandis qu’elle a estimé, dans trois
décisions rendues également le 17 décembre 2009 (Bouchacourt, M.B. et Gardel
c. France), que l’inscription au FIJAISV n’était pas une peine mais une mesure
préventive et que le principe de non-rétroactivité n’avait donc pas vocation à
s’appliquer. De même, dans son arrêt Berland c. France du 3 septembre 2015,
elle a donné raison à la Cour de cassation en estimant que les mesures appli-
cables aux personnes irresponsables pénalement étaient des mesures ayant
une vocation préventive et curative qui ne sauraient donc être soumises à
l’article 7 § 1 de la Convention.
Le Conseil constitutionnel exclut, lui aussi, la soumission des mesures de
sûreté à l’article 8 de la DDHC, qui ne vise expressément que la nécessité des
peines. Il en va ainsi notamment de l’inscription au FIJAISV (C. const., 2 mars
2004, déc. no 2004-492 DC), de la surveillance judiciaire (C. const., 8 déc. 2005,
déc. no 2005-527 DC) et de la surveillance de sûreté (C. const., 21 févr. 2008, déc.
no 2008-562). Le Conseil a toutefois adopté une solution particulière pour la
rétention de sûreté, lorsqu’elle est prononcée ab initio, dont il a censuré toute
application rétroactive en raison de sa gravité exceptionnelle et de sa nature
privative de liberté. Ainsi, les mesures de sûreté peuvent rétroagir si elles
sont restrictives de liberté, mais non lorsqu’elles sont privatives de liberté.

2. La rétroactivité des lois pénales plus douces


La non-rétroactivité visant à protéger le justiciable, elle ne concerne pas
les lois pénales plus douces qui lui sont favorables. Au contraire, ces lois sont
d’application rétroactive et s’appliquent donc aux faits commis avant leur
entrée en vigueur. L’article 112-1 du Code pénal précise en effet, après avoir
énoncé le principe de non-rétroactivité, que « Toutefois, les dispositions nouvelles
s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas
donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins
sévères que les dispositions anciennes ». La rétroactivité in mitius est également
un prolongement du principe de légalité, en ce sens qu’on ne peut poursuivre
une personne pour un comportement qui ne constitue plus une infraction ni
lui infliger une peine qui n’est plus applicable selon la loi. La Cour européenne
des droits de l’homme a précisé que le principe de la rétroactivité de la loi
pénale de fond plus douce fait partie intégrante du principe de légalité garanti
par l’article 7 de la Convention (CEDH, Scoppola c. Italie (GC), 17 sept. 2009).
La loi pénale est plus douce lorsqu’elle abroge une incrimination ou
restreint le champ d’application d’une infraction existante, et lorsqu’elle
supprime une peine ou prévoit une peine plus douce : c’est le cas lorsque la
durée ou le taux de la peine encourue est abaissé, ou lorsque la loi instaure
une peine alternative à l’emprisonnement non privative de liberté. Ainsi, par

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Partie 1 • L’infraction
exemple, la contrainte pénale, une peine alternative à l’emprisonnement instau-
rée par la loi no 2014-896 du 15 août 2014 (puis abrogée par la loi no 2019-222 du
23 mars 2019) a été considérée comme une disposition moins sévère et pouvait
donc s’appliquer aux auteurs de délits commis avant le 1er octobre 2014 (Crim.
14 avril 2015, no 15-80.858). De même, la détention à domicile sous surveillance
électronique, une nouvelle peine alternative créée par la loi du 23 mars 2019
et entrée en vigueur le 24 mars 2020, est applicable pour les condamnations
prononcées à compter de cette date, y compris si elles concernent des infrac-
tions commises avant cette date (art. 7 du décret no 2020-81 du 3 février 2020).
Est également d’application rétroactive l’abrogation par la loi no 2016-444 du
13 avril 2016 du délit de racolage passif qui pénalisait les personnes prosti-
tuées, ainsi que l’abrogation par le Conseil constitutionnel (déc. no 2017-682
QPC du 15 déc. 2017) du délit de consultation habituelle de sites internet terro-
ristes (ancien art. 421-2-5-2 du Code pénal). Une telle abrogation empêche
toutes les poursuites sur le fondement du texte abrogé en l’absence de base
légale, les faits commis antérieurement ne tombant plus sous le coup de la loi
pénale. Est également plus douce la loi qui crée un nouveau fait justificatif,
tel que le régime de protection des lanceurs d’alerte (art. 122-9 CP), qui doit
donc bénéficier rétroactivement aux personnes poursuivies (Crim. 17 oct.
2018, no 17-80.485, AJ pénal 2018. 574, obs. Sordino).
En cas d’abrogation totale de l’incrimination, la loi nouvelle va même
remettre en cause l’autorité de la chose jugée. Il ressort en effet de l’article 112-4,
alinéa 2 que « la peine cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée pour
un fait qui, en vertu d’une loi postérieure au jugement, n’a plus le caractère d’une
infraction pénale ». Cette règle s’explique par des considérations de justice.
Il serait en effet injuste qu’une personne doive continuer à purger une peine
prononcée pour un comportement qui n’est plus considéré comme contraire
aux valeurs sociales (ne sont plus répréhensibles par exemple le vagabon-
dage ou l’émission d’un chèque sans provision). Dans cette hypothèse, il sera
donc mis fin à l’exécution de la peine, la condamnation en revanche restant
inscrite au casier judiciaire de l’intéressé.
Une difficulté se pose toutefois lorsque la loi nouvelle est mixte, c’est-à-
dire qu’elle comporte à la fois des dispositions plus sévères et des dispositions
plus douces. Dans un tel cas de figure, les juges doivent d’abord déterminer le
caractère divisible ou non des dispositions de la loi. Si les dispositions de la loi
nouvelle sont divisibles car portant sur des objets distincts, elles s’appliquent
selon leur caractère respectif. Les dispositions plus sévères ne valent que pour
l’avenir, alors que les dispositions plus douces rétroagissent. Par exemple, la
loi no 80-1041 du 23 décembre 1980 a élargi la définition du viol et correction-
nalisé l’attentat à la pudeur (appelée aujourd’hui agression sexuelle) qui était
auparavant criminel. La Cour de cassation a refusé d’appliquer la définition
élargie du viol à des actes accomplis avant l’entrée en vigueur de la loi, tout

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en appliquant les nouvelles peines, plus douces, de l’attentat à la pudeur à des
faits commis antérieurement (Crim. 21 avril 1982, no 81-92.914). En revanche,
si les dispositions de la loi nouvelle sont indivisibles, les juges envisagent le
texte dans son ensemble. Pour déterminer si la loi nouvelle est plus sévère ou
plus douce, ils ont recours soit à la méthode dite de l’appréciation globale, en
décidant par exemple qu’était globalement plus clémente la loi no 70-643 du
17 juillet 1970 qui a, d’un côté, institué le sursis partiel et, de l’autre, facilité
l’octroi du sursis simple (Crim. 5 juin 1971, no 70-92.735) ; soit à la méthode
dite de la disposition principale consistant à dégager le caractère plus doux
ou plus sévère de la disposition principale de la loi. La Cour de cassation a
ainsi jugé qu’était plus douce la loi du 2 septembre 1941 qui a correctionna-
lisé l’infanticide tout en supprimant la possibilité d’accorder un sursis à la
coupable (Crim. 11 mars 1942) ; tandis qu’a été jugée plus sévère la loi qui, en
matière de proxénétisme hôtelier, a remplacé une fermeture d’établissement
temporaire, mais obligatoire, par une fermeture définitive, mais facultative
(Crim. 20 juil. 1961, Bull. no 347).

B. Les lois pénales de forme


Les lois pénales de forme sont celles qui définissent les règles applicables
à la procédure pénale et à l’exécution des condamnations. Le principe est que
ces lois sont d’application immédiate aux procédures en cours (art. 112-2 CP)
car elles sont censées améliorer le fonctionnement de la justice et l’effica-
cité des procédures. Cependant, l’application immédiate de la loi nouvelle est
sans effet sur la validité des actes accomplis conformément à la loi ancienne
(art. 112-4, al. 1 CP). Parmi les lois pénales de forme, il convient de distinguer
entre les lois de procédure (1), les lois de prescription (2) et les lois relatives
à l’exécution des peines (3).

1. Les lois de procédure


Les lois de procédure entendues au sens large sont les lois relatives à la
compétence et à l’organisation des juridictions, celles fixant les modalités
des poursuites et les formes de la procédure, et celles concernant les voies
de recours.
En premier lieu, les lois de compétence et d’organisation judiciaire
s’appliquent immédiatement à la répression des infractions commises avant
leur entrée en vigueur tant qu’un jugement sur le fond n’a pas été rendu en
première instance (art. 112-2, 1° CP). Ainsi, par exemple, la loi du 9 septembre
2002 instituant la juridiction de proximité (supprimée depuis) s’est appliquée
aux contraventions commises avant son entrée en vigueur et qui n’avaient
pas fait l’objet d’un jugement sur le fond.

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En deuxième lieu, les lois fixant les modalités des poursuites et les formes

Partie 1 • L’infraction
de la procédure s’appliquent immédiatement aux procédures en cours, sans
exception (art. 112-2, 2° CP). Tel a été le cas, par exemple, de la loi du 9 mars
2004 instituant la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
(CRPC), ainsi que de celle du 15 août 2014 ayant étendu l’obligation de motiva-
tion spéciale de la peine d’emprisonnement ferme (art. 132-19 CP). Pour cette
dernière, la Cour de cassation a précisé que s’agissant d’une loi de procédure
et non d’une loi de fond, elle ne pouvait entraîner l’annulation d’une décision
sur le fond régulièrement rendue avant son entrée en vigueur (Crim. 31 mars
2015, no 14-86.584, Bull. crim. no 70).
En troisième lieu, les lois concernant les voies de recours s’appliquent
aux recours formés contre les décisions rendues après leur entrée en vigueur
(art. 112-3 CP). Il s’agit des lois relatives à la nature des voies de recours, à
leur cas d’ouverture, aux délais ouverts pour les exercer et à la qualité des
personnes admises à les exercer. Par exemple, une loi qui viendrait allonger
le délai pour interjeter appel ne serait applicable qu’aux jugements rendus
après son entrée en vigueur. La loi précise cependant que la forme du recours
est régie par la loi en vigueur au jour où il est exercé, en d’autres termes, les
règles de forme sont d’application immédiate.

2. Les lois de prescription


Les lois de prescription concernent la prescription de l’action publique et la
prescription de la peine. L’action publique est l’action en justice exercée par le
ministère public, au nom de la société, en vue de la répression de l’infraction
et de l’application d’une peine. La prescription de cette action est son extinc-
tion du fait de l’écoulement du temps. Le délai de prescription de l’action
publique est en principe de 20 ans pour les crimes, 6 ans pour les délits et
1 an pour les contraventions (art. 6 et s. CPP). La prescription de la peine est
l’extinction de la peine du fait de l’écoulement du temps. On considère que
si la peine n’a pas été mise à exécution, elle ne peut plus l’être au-delà d’un
certain délai. Le délai de prescription est de 20 ans pour les peines crimi-
nelles, 6 ans pour les peines délictuelles et 3 ans pour les peines contraven-
tionnelles (art. 133-2 et s. CP).
Les lois en matière de prescription s’appliquent à la répression des infrac-
tions commises avant leur entrée en vigueur dès lors que la prescription n’est
pas définitivement acquise (art. 112-2, 4° CP). Peu importe que les nouvelles
règles de prescription soient favorables ou défavorables au prévenu, elles
s’appliquent donc immédiatement. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle jugé que
la loi du 10 juillet 1989, qui a reporté le point de départ du délai de prescription
de l’action publique de certaines infractions commises contre des mineurs
au jour de leur majorité, s’appliquait à toutes les infractions dont la prescrip-
tion n’était pas encore acquise (Crim. 7 nov. 2007, no 07-81.970). De même, la

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loi no 2017-242 du 27 février 2017 réformant la prescription en matière pénale
(en doublant notamment les délais) a pu s’appliquer immédiatement aux
faits non encore prescrits. Il est à noter par ailleurs que cette loi contenait
une disposition transitoire au sujet des délais butoirs instaurés en matière
de prescription des infractions occultes ou dissimulées (pour lesquelles le
point de départ de la prescription est reportée à la date de la révélation des
faits) qui font obstacle à toute poursuite au-delà de 12 ans pour les délits et de
30 ans pour les crimes à partir du jour de la commission des faits. Selon les
termes de la loi, ces nouveaux délais butoirs ne peuvent avoir « pour effet de
prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient vala­ble-
ment donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exercice de l’action publique à une
date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformé-
ment à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n’était pas acquise ».

3. Les lois relatives à l’exécution des peines


Les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines sont
les lois qui fixent les conditions dans lesquelles les peines prononcées sont
appliquées aux personnes concernées ainsi que le régime de leur exécution.
Relèvent de cette catégorie notamment les lois relatives aux modalités d’exé-
cution des peines (p.ex. une loi autorisant l’exécution d’une peine d’empri-
sonnement sous le régime de la surveillance électronique) ou les lois relatives
aux mesures d’aménagement (p.ex. une loi qui modifie les conditions d’octroi
d’une libération conditionnelle). Ces lois obéissent aux règles d’application
dans le temps définies par l’article 112-2, 3° du Code pénal : elles sont d’appli-
cation immédiate à la répression des infractions commises avant leur entrée
en vigueur. Toutefois, lorsqu’elles auraient pour résultat de rendre plus
sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, elles ne
sont applicables qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis
postérieurement à leur entrée en vigueur. En d’autres termes, on retrouve ici
le principe de la non-rétroactivité in pejus. Il en va ainsi, par exemple, d’une
loi qui prive, dans certaines circonstances, le condamné du bénéfice d’une
réduction de peine : rendant plus sévère l’exécution de sa peine, elle ne peut
être appliquée rétroactivement (Crim. 27 juin 2007, no 06-86.911, D. 2008, pan.
1020, obs. Herzog-Evans).

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Partie 1 • L’infraction
La distinction entre la catégorie des lois pénales de fond concernant le
prononcé des peines, et celle des lois relatives à l’exécution des peines n’est
pas toujours aisée. En témoigne la jurisprudence qui distinguait traditionnel-
lement l’aménagement ab initio décidé par le tribunal correctionnel (relevant
du droit pénal de fond et donc de l’article 112-1 CP) et celui décidé par le juge de
l’application des peines (relevant de l’article 112-2, 3° CP). Mais cette solution
a été abandonnée par la Cour de cassation dans un arrêt relatif à l’applica-
tion dans le temps de la loi du 23 mars 2019 ayant abaissé le seuil de la peine
d’emprisonnement aménageable de deux ans à un an (Crim. 20 oct. 2020,
no 19-84.754, AJ pénal 2020. 514, note Herzog-Evans ; Dr. pén. 2020, comm. 219,
obs. Bonis ; D. 2020. 2379, obs. Pellé ; Dalloz actu. 19 nov. 2020, note Gallois).
Elle a considéré dans cet arrêt que la décision sur l’aménagement de peine
relève, même lorsqu’elle émane de la juridiction de jugement, du régime
d’exécution et d’application des peines qui se distingue de la décision sur le
prononcé de la peine. L’application dans le temps d’une telle mesure obéit par
conséquent aux règles définies par l’article 112-2, 3° du Code pénal. Ainsi, les
dispositions qui interdisent désormais l’aménagement des peines d’emprison-
nement ferme comprises entre un et deux ans ont pour effet de rendre plus
sévères les peines prononcées, et ne sont donc applicables qu’aux condamna-
tions relatives à des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur
(le 24 mars 2020).

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Il arrive que la Cour européenne des droits de l’homme soumette des
mesures d’application des peines au principe de non-rétroactivité protégé à
l’article 7 de la Convention. Tel est le cas des modalités de calcul des remises
de peines : un nouveau mode de calcul qui aurait pour effet d’allonger la
durée de la peine privative de liberté à purger est défavorable au détenu et ne
saurait donc s’appliquer rétroactivement (CEDH, 21 oct. 2013, Del Rio Prada c.
Espagne). Le Conseil constitutionnel estime cependant que l’interdiction de
la rétroactivité, s’agissant des modalités d’exécution des peines, n’a pas une
valeur constitutionnelle et que la loi peut donc y déroger par des dispositions
expresses. Ont ainsi été déclarées constitutionnelles les dispositions de la loi
du 12 décembre 2005 déclarant la surveillance judiciaire immédiatement appli-
cable (déc. no 2005-527 DC du 8 déc. 2005). Cela étant, cette décision repose
probablement sur la nature de la surveillance judiciaire qui est une mesure
de sûreté et non une simple modalité d’exécution de la peine.

II. L’application de la loi pénale dans l’espace

Un conflit de lois dans l’espace se présente lorsqu’un élément étranger


(ou élément d’extranéité) intervient lors de la commission de l’infraction, par
exemple lorsqu’un délit est commis par un étranger sur le territoire français,
ou par un ressortissant français dans un pays étranger. Le droit français
prévoit plusieurs principes qui déterminent la compétence des lois pénales
françaises et, corrélativement, des juridictions françaises, en vertu du principe
de la solidarité des compétences législative et juridictionnelle. On constate
une tendance à l’expansion de l’application de la loi pénale française dans
l’espace au travers des extensions de la compétence territoriale et a fortiori
du développement des compétences extraterritoriales. La loi française a donc
parfois vocation à s’appliquer aux infractions commises à l’étranger, par un
étranger contre un ou plusieurs étrangers. Il convient d’étudier succes­si­
vement le principe de territorialité (A), le principe de personnalité (B) et les
autres principes applicables en la matière (C).

A. Le principe de territorialité
La loi française est applicable lorsque l’infraction a été commise sur le
territoire de la République (art. 113-2, al. 1 CP), peu importe que l’auteur des
faits ait la nationalité française ou non, et même si les faits ne sont pas incri-
minés dans le pays d’origine d’un auteur étranger. La notion de territoire est
comprise de manière extensive : le code précise que le territoire inclut les
espaces maritimes et aériens qui y sont liés (art. 113-1 CP). Les articles 113-3
et 113-4 du Code pénal assimilent par ailleurs au territoire national les navires
et aéronefs immatriculés en France.

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Partie 1 • L’infraction
L’infraction partiellement commise sur le territoire français est assimi-
lée à l’infraction entièrement commise en France (art. 113-2, al. 2 CP). De
plus, la jurisprudence retient une interprétation large de la notion d’infrac-
tion réputée commise sur le territoire. Elle estime pour les infractions
complexes, d’habitude ou continues qu’il suffit qu’un seul des faits constitu-
tifs ait été réalisé sur le territoire de la République (p.ex. Crim. 28 nov. 1996 :
pour l’escroquerie, il suffit que la remise des fonds ait eu lieu en France, peu
importe que les manœuvres frauduleuses aient eu lieu à l’étranger ; Crim.
23 févr. 2000 : la soustraction d’un mineur par son ascendant avait eu lieu à
l’étranger mais sa séquestration s’était prolongée en France).
De la même manière, la Cour de cassation procède par assimilation en
estimant qu’un acte préparatoire mérite d’être considéré comme un fait
constitutif de l’infraction et justifie l’application de la loi pénale française
lorsque seul un tel acte a été commis en France (Crim. 11 avril 1998). La même
solution est enfin retenue pour les infractions connexes ou indivisibles,
lorsqu’une partie des faits a été perpétrée en France : par exemple, tombe
sous le coup de la loi française une association de malfaiteurs commise à
l’étranger pour réaliser des infractions en France (Crim. 11 juin 2008, RPDP
2009. 134, obs. Chevallier). En matière de complicité, l’article 113-5 du Code
pénal dispose que la loi française est applicable à des actes de complicité
en France d’une infraction principale criminelle ou délictuelle commise à
l’étranger, à la condition que cette infraction soit également punie par la loi
étrangère et qu’elle ait été constatée par une décision définitive de la juridic-
tion étrangère. À l’inverse, la jurisprudence considère que la loi française
est compétente pour juger des actes de complicité réalisés à l’étranger d’une
infraction principale commise en France (Crim. 13 mars 1891 ; Crim. 29 nov.
2016, Dr. pén. 2017, comm. 32, obs. Conte).
La loi no 2016-731 du 3 juin 2016 a procédé à un nouvel élargissement du
principe de territorialité. Tout crime ou délit réalisé au moyen d’un réseau
de communication électronique, lorsqu’il est tenté ou commis au préjudice
d’une personne physique résidant sur le territoire de la République ou d’une
personne morale dont le siège se situe sur ce même territoire, est réputé
commis en France (art. 113-2-1 CP). La résidence de la victime, sans qu’il soit
nécessaire qu’elle soit habituelle, est ainsi devenue un critère du principe
de territorialité. En revanche, la localisation de l’infraction commise sur
internet n’est pas toujours évidente. Ainsi, la jurisprudence a eu l’occasion
de préciser qu’il ne suffit pas, pour retenir la compétence des juridictions
pénales françaises, que des propos diffamatoires diffusés à partir d’un site
internet localisé à l’étranger soient accessibles depuis le territoire français,
en l’absence de tout critère de rattachement à ce territoire : encore faut-il,

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pour les infractions de presse commises en ligne, que le contenu délictuel
soit à destination du public français (Crim. 12 juil. 2016, no 15-86.645, D. 2016.
1848, note Dreyer ; Dr. pén. 2016, comm. 156, obs. Conte).

B. Le principe de personnalité
Au-delà du territoire français, la loi pénale française est applicable à tout
crime commis par un français à l’étranger, ainsi qu’aux délits, s’ils sont égale-
ment punis par la législation du pays où ils ont été commis. C’est la compétence
personnelle active (art. 113-6 CP) fondée sur la nationalité de l’auteur. Peu
importe, à cet égard, que la nationalité française ait été acquise par l’auteur
postérieurement à la commission de l’infraction. Ce chef de compétence a
été étendu par le critère de la résidence habituelle de l’auteur sur le territoire
français pour un certain nombre d’infractions, notamment les actes de terro-
risme (art. 113-13 CP), le clonage (art. 511-1-1 CP), ainsi que les agressions ou
atteintes sexuelles et violences commises sur des mineurs (art. 222-22, al. 3,
et 227-27-1 CP). Pour ces dernières infractions, par ailleurs, la condition de
réciprocité de l’incrimination ne s’applique pas.
La loi française est également applicable à tout crime et tout délit puni
d’emprisonnement commis hors du territoire de la République lorsque la
victime est de nationalité française au moment de l’infraction. C’est la compé-
tence personnelle passive (art. 113-7 CP) fondée sur la nationalité de la victime.
La victime visée par ce texte n’est que la victime directe de l’infraction, il ne
suffit donc pas que les victimes par ricochet soient de nationalité française
(Crim. 12 juin 2018, no 17-86.640 QPC, Dr. pén. 2018, comm. 150, obs. Conte).
Ce chef de compétence a également connu une extension par le critère de la
résidence habituelle de la victime sur le territoire français, permettant l’appli-
cabilité de la loi française en matière de violences sur mineurs, notamment
pour lutter contre les excisions (art. 222-16-2 CP), et en matière de meurtre,
de tortures ou d’actes de barbarie ou de violences contre une personne en
raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union ou
pour la contraindre à un mariage ou à une union (art. 221-5-4 et 222-6-3 CP).
La compétence personnelle suppose que les poursuites soient exercées par
le Ministère public consécutivement à une plainte préalable de la victime (ou
de ses ayants droit) ou à une dénonciation officielle de l’autorité du pays où les
faits ont été commis (art. 113-8 CP). Sont exceptées de cette règle les infrac-
tions susmentionnées pour lesquelles la résidence habituelle de l’auteur ou
de la victime est prise en compte. Une autre exception, introduite par la loi
n° 2020-1672 du 24 décembre 2020, concerne les poursuites exercées devant
une juridiction pénale disposant d’une compétence territoriale concurrente
et spécialisée s’étendant sur le ressort de plusieurs tribunaux judiciaires
ou sur l’ensemble du territoire (art. 113-8-1 CP). C’est le cas par exemple
du Pôle accident collectif de Paris ou de Marseille, ou du Parquet national

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Partie 1 • L’infraction
anti-terroriste sis au tribunal judiciaire de Paris. En tout état de cause, l’appli-
cation de la loi française est subsidiaire, en ce sens qu’aucune poursuite ne
peut être exercée contre une personne déjà jugée définitivement à l’étran-
ger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, si la peine a été subie
ou prescrite (art. 113-9 CP).
Enfin, l’ordonnance no 2019-963 du 18 septembre 2019 a ajouté une nouvelle
extension de la compétence personnelle en ajoutant au critère de la résidence
habituelle celui de l’exercice, par l’auteur des faits, de son activité écono-
mique sur le territoire français, pour certaines infractions portant atteinte
aux intérêts financiers de l’Union européenne (art. 113-14 CP).

C. Les autres principes applicables


La compétence universelle, ou principe d’universalité, repose sur la
protection de valeurs universelles. Les articles 689-1 et suivants du Code de
procédure pénale confèrent ainsi compétence à la loi française pour juger
certaines infractions particulièrement graves sans qu’il soit nécessaire que
l’auteur ou la victime soient de nationalité française ou que les faits aient été
commis sur le sol français. La seule condition est que la personne soupçon-
née d’être l’auteur de l’infraction ait été arrêtée en France. Il faut aussi que
l’auteur n’ait pas été définitivement jugé à l’étranger pour les mêmes faits. La
compétence universelle ne peut résulter que d’une convention internatio-
nale et ne vaut que pour les infractions que cette convention désigne (p.ex. la
Convention de New York de 1984 en matière d’actes de torture et traitements
inhumains ou dégradants). La Cour européenne des droits de l’homme, dans
son arrêt Ould Dah c. France du 17 mars 2009, a considéré que la condamna-
tion du requérant pour des actes de torture était conforme à l’article 7 § 1
de la Convention car de tels actes constituaient des infractions définies en
des termes suffi­samment clairs et précis d’après le droit français et le droit
international, de sorte que le requérant pouvait raisonnablement prévoir le
risque de condamnation. En tout état de cause, la loi française est d’appli-
cation subsidiaire, c’est-à-dire en l’absence de condamnation définitive à
l’étranger (art. 692 CPP).
En outre, la loi no 2004-204 du 9 mars 2004 a créé un nouveau cas de compé-
tence universelle à l’article 113-8-1 du Code pénal, selon lequel la loi française
est compétente en dehors de tout critère de rattachement à l’un des cas de
compétence classiques, lorsque le respect des droits de l’homme serait
mis en péril par une extradition ou la remise vers l’État qui serait naturel-
lement compétent pour juger l’infraction. Plus précisément, la loi française
est applicable à tout crime ou à tout délit puni d’au moins cinq ans d’empri-
sonnement commis hors du territoire français par un étranger dont l’extra-
dition ou la remise a été refusée par les autorités françaises pour l’un des
motifs suivants : soit parce que la personne encourt, dans l’État requérant,

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une peine ou mesure de sûreté contraire à l’ordre public français ; soit parce
qu’elle aurait été jugée par un tribunal n’assurant pas les garanties fonda-
mentales de procédure et de protection des droits de la défense ; soit parce
que le fait considéré revêt le caractère d’infraction politique ; soit parce que
l’extradition ou la remise serait susceptible d’avoir, pour la personne récla-
mée, des conséquences d’une gravité exceptionnelle en raison, notamment,
de son âge ou de son état de santé.
Un autre cas de compétence extraterritoriale a été créé par la loi no 2010-930
du 9 août 2010. La loi française est applicable lorsque l’une des infractions
relevant de la compétence de la Cour pénale internationale (génocide, autres
crimes contre l’humanité et crimes ou délits de guerre) est commise par une
personne résidant habituellement en France (art. 689-11 CPP), à la condition
que les faits soient également punis par la législation de l’État dans lequel ils
ont été commis ou que cet État ou l’État dont la personne soupçonnée a la natio-
nalité est partie à la Convention portant statut de la CPI (v. p.ex. Crim. 24 mai
2018, no 16-87.622, AJ pénal 2018. 418, obs. Frinchaboy). La poursuite ne peut
alors être exercée qu’à la requête du procureur de la République antiterroriste
et elle est soumise à l’absence de poursuite diligentée par la Cour pénale inter-
nationale. Par ailleurs, il faut vérifier qu’aucune autre juridiction internatio-
nale ou nationale ne demande la remise ou l’extradition de la personne.
Enfin, en vertu de la compétence réelle (art. 113-10 CP), la loi pénale
française est applicable pour la poursuite des infractions considérées comme
portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation (p.ex. la trahison et
l’espionnage, les crimes et délits commis contre des agents diplomatiques ou
consulaires français) ou à la confiance publique (la falsification et la contre-
façon du sceau de l’État, de pièces de monnaie, de billets de banque), quel
que soit le lieu de commission de l’infraction ou la nationalité de l’auteur ou
de la victime.

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Titre 2
Les éléments constitutifs
de l’infraction

L’infraction est un comportement, c’est-à-dire une action ou une absten-


tion, réalisée dans un certain état d’esprit. La commission d’une infraction
suppose la réunion de deux éléments : d’une part, un élément matériel qui
correspond à la composante objective de l’infraction (chapitre 1), et d’autre
part, un élément moral qui correspond à la composante subjective de l’infrac-
tion (chapitre 2). Certaines infractions supposent, par ailleurs, une condition
préalable, qui correspond à la situation dans laquelle l’infraction s’inscrit
mais qui ne relève pas, en elle-même, des éléments constitutifs de celle-ci.
C’est le cas, par exemple, de l’abus de confiance qui suppose l’existence d’un
contrat, ou de l’atteinte sexuelle qui suppose un mineur de moins de quinze
ans. Pour que l’infraction soit constituée, il est nécessaire de caractériser
l’élément matériel et l’élément moral qui sont indissociables, c’est-à-dire que
l’un sans l’autre ne serait pas punissable.

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Chapitre 1
L’élément matériel de l’infraction

Toute infraction suppose un fait matériel interdit par la loi. L’élément


matériel de l’infraction est donc le comportement interdit par la loi. C’est
la composante objective de l’infraction, celle-ci étant envisagée indépen-
damment de la personne qui l’a commise. La loi interdit par exemple de
donner la mort à autrui (composante matérielle du meurtre, de l’assassinat,
de l’homicide involontaire) ou de procéder à un acte de pénétration sexuelle
sur autrui sans son consentement (élément matériel du viol). La dimension
matérielle de l’infraction ressort le plus souvent clairement du texte d’incri-
mination (p.ex. « la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui » pour le
vol, art. 311-1 CP). Cet élément matériel doit être extériorisé pour pouvoir être
constaté. Sans une telle matérialisation, aucune répression n’est concevable,
la simple pensée criminelle n’étant pas répréhensible dans un État démocra-
tique. Cela serait en effet non seulement contraire aux libertés individuelles,
mais encore problématique d’un point de vue probatoire et donc attentatoire
à la présomption d’innocence.
L’infraction consommée se distingue de l’infraction simplement tentée. La
consommation de l’infraction est répréhensible en raison de l’atteinte qu’elle
porte aux valeurs sociales (I). Mais la répression peut également intervenir
en amont de la consommation complète de l’infraction en cas de tentative
punissable (II).

I. La consommation de l’infraction

Si toute infraction suppose un comportement (A), l’exigence d’un résul-


tat (B) est plus nuancée.

A. Le comportement
Le comportement matériel peut être de diverses sortes. Selon la nature
du comportement, on distingue l’infraction simple, d’habitude ou complexe
(1), l’infraction instantanée ou continue (2) et l’infraction par action ou par

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abstention (3). Une telle distinction présente un intérêt pratique notamment
pour la détermination de l’application de la loi pénale dans le temps (v. supra) et
pour connaître le point de départ du délai de prescription de l’action publique
qui est en principe fixé au jour de la commission des faits.

1. Infraction simple, d’habitude ou complexe


En fonction de son déroulement, une infraction peut être qualifiée de
simple, d’habitude ou complexe. L’infraction simple est celle qui résulte de
l’accomplissement d’un acte unique. C’est le cas du meurtre qui consiste à
donner la mort par un seul acte matériel. L’infraction d’habitude est celle qui
résulte de l’accomplissement de plusieurs actes de même nature, supposant
donc une répétition. Par exemple, l’exercice illégal de la médecine, consistant
à exercer la médecine sans être titulaire du diplôme de docteur en médecine,
n’est constituée qu’à partir du deuxième acte d’exercice. L’infraction complexe
est celle qui résulte de l’accomplissement de plusieurs actes de nature diffé-
rente. Ainsi, l’escroquerie se compose d’une manœuvre frauduleuse aboutis-
sant à la remise d’un bien ou d’un service. L’infraction n’est constituée que
lorsque tous les actes prévus par la loi ont été accomplis.

2. Infraction instantanée ou continue


Selon la durée du comportement, une infraction peut être qualifiée d’instan­
ta­née ou de continue. L’infraction instantanée est une infraction qui se réalise
en un seul trait de temps qui peut être plus ou moins long. Par exemple, c’est
le fait de soustraire la chose d’autrui pour le vol. L’infraction continue est
une infraction dont la réalisation s’étale nécessairement dans le temps. Tel
est le cas du recel qui consiste à détenir la chose qui est le produit d’une autre
infraction. Pour une infraction continue, le délai de prescription de l’action
publique ne court qu’à compter du jour où le délit cesse. Par ailleurs, si le
comportement persiste au-delà d’une première condamnation, la règle ne bis in
idem ne s’applique pas de sorte que de nouvelles poursuites sont possibles.

3. Infraction par action ou par abstention


Selon la teneur de la loi qui peut interdire un acte ou obliger à accomplir
un acte, on distingue l’infraction par action de l’infraction par abstention.
L’infraction par action, ou de commission, consiste à faire quelque chose
qui est prohibé par la loi, donc à adopter un comportement positif. Ainsi,
par exemple, le meurtre suppose un acte positif causant la mort d’autrui.
L’infraction par abstention, ou par omission, consiste à ne pas faire quelque
chose que l’on aurait dû faire, le législateur incriminant ici la passivité coupable.
C’est l’exemple du délit d’omission de porter secours qui consiste à s’abste-
nir de porter assistance à une personne en péril. La jurisprudence refuse,
au titre du principe de légalité qui commande une interprétation stricte de
la loi pénale, d’assimiler une abstention à une action. Autrement dit, il n’y a

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pas de commission par omission. C’est ainsi que dans l’affaire Monnier, dite

Partie 1 • L’infraction
de la « séquestrée de Poitiers » (CA Poitiers, 20 nov. 1901), les juges ont refusé
de retenir la qualification de violences à l’encontre de celui qui, par sa passi-
vité blâmable, a laissé sa sœur, atteinte de troubles mentaux, enfermée dans
une pièce sans lui apporter les soins élémentaires. Aujourd’hui, dans une telle
hypothèse, on pourrait retenir la qualification de délaissement de personne
vulnérable (art. 223-4 CP). Certains textes d’incrimination visent à la fois des
actes positifs et des actes négatifs pouvant aboutir au même résultat : ainsi,
l’homicide involontaire consiste à causer la mort d’autrui « par maladresse,
imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de
prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » (art. 221-6 CP) :
il peut donc s’agir d’une commission ou d’une omission.

B. Le résultat
Une infraction est consommée lorsqu’elle est entièrement achevée, c’est-à-
dire que le résultat prévu par le texte est atteint. Ce résultat peut être de divers
degrés : parfois la loi exige la réalisation d’un résultat matériel, donc une
atteinte effective à la valeur sociale protégée. Mais dans d’autres cas, l’infrac-
tion est consommée en amont du résultat redouté : on dit alors que le résul-
tat légal est celui décrit par le texte d’incrimination en l’absence d’atteinte
matérielle. La répression intervient alors plus tôt sur l’iter criminis – le chemin
du crime – qui comprend plusieurs étapes : il commence par la résolution
criminelle qui doit rester impunie, car les pensées sont libres. Il se poursuit
par le projet criminel et les actes préparatoires qui, en principe, sont égale-
ment hors du champ de la répression. L’infraction se manifeste ensuite par
le commencement d’exécution, qui est punissable au titre de la tentative, et
s’achève par la consommation complète de l’acte entraînant parfois, mais
pas toujours, une atteinte matérielle à un bien juridique. L’identification du
résultat visé par le texte permet de distinguer les infractions matérielles (1)
des infractions formelles (2) et des infractions obstacle (3).

1. L’infraction matérielle
On parle d’infraction matérielle lorsque le résultat légal (celui prévu par le
texte d’incrimination) est l’atteinte effective à une valeur sociale. Le résul-
tat­légal se confond donc ici avec le résultat matériel. Sont par exemple des
infractions matérielles le meurtre et l’homicide involontaire, qui supposent
une atteinte effective à la vie d’autrui. Il en va de même de la destruction d’un
bien appartenant à autrui qui suppose une atteinte effective à la propriété.
En l’absence de ce résultat matériel, l’infraction n’est pas consommée et on
pourrait tout au plus retenir une tentative punissable si les conditions de
celle-ci sont réunies. Parmi les infractions matérielles, on trouve les infrac-
tions de résultat, pour lesquelles la qualification et la répression dépendent

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du résultat précis qui s’est réalisé. C’est le cas des violences ou des blessures
involontaires, qui sont qualifiées en fonction du résultat concret : les violences
peuvent ainsi entraîner soit aucune incapacité totale de travail (contraven-
tion de 4e classe, art. R. 624-1 CP), soit une ITT inférieure ou égale à 8 jours
(contravention de 5e classe, art. R. 625-1 CP), soit une ITT supérieure à 8 jours
(délit, art. 222-11 CP), soit une mutilation ou une infirmité permanente (délit,
art. 222-9 CP), soit la mort (crime, art. 222-7 CP).

2. L’infraction formelle
On parle d’infraction formelle lorsque le résultat légal se situe en amont
de l’atteinte redoutée par le législateur à une valeur sociale. Les infractions
formelles correspondent à des agissements qui sont très proches de l’atteinte
effective à la valeur sociale protégée, mais qui sont incriminés indé­pen­
damment de la réalisation du résultat matériel. Par exemple, l’empoison-
nement est le fait d’administrer à une personne une substance de nature à
lui donner la mort : l’infraction est consommée par le fait d’administrer une
substance mortifère, qu’elles qu’en soient les conséquences. Une atteinte effec-
tive à la vie n’est pas exigée (contrairement au meurtre), ce qui compte étant
l’attentat à la vie. Est également une infraction formelle la propagande ou la
publicité en faveur de moyens de nature à se donner la mort (art. 223-14 CP)
qui est constituée indépendamment de tout résultat (contrairement à la provo-
cation au suicide qui, selon l’article 223-13 du Code pénal, doit être suivie du
suicide ou d’une tentative de suicide pour être punissable). En présence d’une
infraction formelle, la répression intervient dès le commencement d’exécu-
tion et permet donc d’appréhender l’acte plus tôt sur le chemin du crime. Le
résultat matériel est ici indifférent, en ce sens qu’il peut se produire ou non,
la répression restant la même. Le résultat légal est atteint par le simple fait
d’adopter le comportement prohibé par le texte.
Parfois, le législateur incrimine même des actes préparatoires de manière
autonome, remontant encore plus haut sur l’iter criminis pour réprimer des
comportements assez éloignés de l’infraction matérielle préparée. C’est le
cas de l’association de malfaiteurs (art. 450-1 CP) ou de l’entreprise indivi-
duelle terroriste (art. 421-2-6 CP). Cette dernière infraction, instaurée par la
loi no 2014-1353 du 13 novembre 2014, comprend entre autres le fait de « tenter
de se procurer » des objets ou des substances de nature à créer un danger pour
autrui (ajouté par la loi du 23 mars 2019) : c’est donc une tentative de prépa-
ration qui est incriminée à titre autonome. De telles incriminations reflètent
l’orientation de plus en plus préventive du droit pénal.

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3. L’infraction obstacle

Partie 1 • L’infraction
Les infractions obstacle correspondent à des comportements dange-
reux qui sont plus éloignés de l’atteinte effective à la valeur sociale protégée.
Le comportement est incriminé pour éviter justement que cette atteinte se
produise. L’incrimination est justifiée par le danger potentiel de l’agissement,
sans que l’infraction matérielle correspondante (celle qu’il s’agit d’empê-
cher) ne soit encore entrée en phase d’exécution. Par exemple, la conduite en
état d’ivresse (art. L. 234-1 C. route) est réprimée en raison du danger que ce
comportement représente pour la vie et l’intégrité physique des personnes.
Il en va de même du port d’arme prohibé (art. 222-52 CP). La répression inter-
vient ici en raison du risque créé : ce risque est le résultat légal de l’infrac-
tion. Contrairement à l’infraction formelle qui est indifférente au résultat
matériel, l’infraction obstacle suppose par définition l’absence d’un tel résul-
tat. En effet, si l’atteinte matérielle venait à se produire, l’infraction obsta-
cle céderait la place à une autre qualification : celle de l’infraction matérielle
réalisée. Ainsi, le délit de mise en danger délibérée d’autrui (art. 223-1 CP)
consiste à exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de
blessures graves ; si ce résultat redouté survient, c’est l’infraction matérielle
d’homicide ou de blessures involontaires qui a vocation à être retenue. De
même, le mandat criminel, consistant en une provocation non suivie d’effet
à commettre un assassinat ou un empoisonnement (art. 221-5-1 CP), n’a pas
lieu de s’appliquer dès lors que l’infraction principale est au moins tentée : le
provocateur voit alors sa responsabilité retenue au titre de la complicité.

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II. La tentative punissable

L’auteur de l’infraction est défini par l’article 121-4 du Code pénal comme la


personne qui commet les faits incriminés ou qui tente de commettre l’infrac-
tion. Une infraction est tentée lorsque son exécution a été commencée mais
n’a pu être achevée pour des raisons indépendantes de la volonté de l’agent.
Une telle tentative n’est pas toujours réprimée car on se situe généralement
plus loin de l’atteinte à la valeur sociale protégée que lorsque l’infraction est
entièrement consommée. La tentative n’est donc réprimée que pour les infrac-
tions présentant une certaine gravité. Il ressort en effet de l’article 121-4, 2° du
Code pénal que la tentative de crime est toujours répréhensible, tandis que
la tentative de délit l’est uniquement lorsque la loi le prévoit expressément.
La tentative de contravention n’est en revanche jamais réprimée. Ainsi, par
exemple, la tentative de violences légères, c’est-à-dire n’entraînant aucune
incapacité totale de travail (contravention réprimée à l’art. R. 624-1 CP) n’est
jamais réprimée ; la tentative de violences délictuelles ayant entraîné une
ITT de plus de 8 jours (art. 222-11 CP) ne l’est pas en l’absence de prévision
textuelle, alors que la tentative de vol est punissable en vertu de l’article 311-13
du Code pénal ; la tentative de meurtre est toujours punissable puisqu’il s’agit
d’un crime (art. 221-1 CP).
En ce qui concerne la répression, l’auteur d’une tentative encourt la même
peine que l’auteur d’une infraction consommée. Mais dans la pratique, les
juges lorsqu’ils individualisent la peine peuvent se montrer plus cléments à
l’égard de l’auteur d’une tentative, en raison notamment de l’absence d’atteinte
à la vie ou l’intégrité corporelle dans le cadre d’une infraction matérielle
(comme le meurtre ou le viol).
La tentative punissable est définie par l’article 121-5 du Code pénal. Elle
est « constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a
été suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes
de la volonté de son auteur ». Il en ressort que la tentative punissable suppose
la réunion de deux conditions : d’une part, un commencement d’exécution
(A) et, d’autre part, l’absence d’un désistement volontaire (B).

A. Le commencement d’exécution
En l’absence de définition légale, le commencement d’exécution a été
défini par la jurisprudence. Il suppose l’accomplissement d’actes tendant
directement et immédiatement à la réalisation de l’infraction et effectués
avec l’intention de la commettre (Crim. 25 oct. 1962, arrêts Lacour / Schieb et
Bénamar). La jurisprudence a donc retenu une conception mixte du commen-
cement d’exécution qui comprend un élément objectif et un élément subjectif.
L’élément objectif correspond à l’accomplissement d’actes tendant directe-
ment et immédiatement à la réalisation de l’infraction. Ces actes doivent donc

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Partie 1 • L’infraction
présenter un lien de causalité direct et un lien de proximité temporelle avec la
consommation de l’infraction qui serait la conséquence logique en l’absence
d’interruption de l’action. L’élément subjectif correspond à l’intention de
commettre le crime ou le délit. Cette intention doit résulter de manière non
équivoque des faits ou des éléments de preuve extérieurs au compor­tement
lui-même.
Il y a tentative punissable, par exemple, lorsque des individus s’avancent
courbés, le visage cagoulé et armes à la main, vers l’entrée d’un bureau de
poste : il s’agit du commencement d’exécution d’un vol à main armée, le
stade des actes préparatoires ayant été dépassé et l’attaque n’ayant été inter­
rompue que par l’arrivée de la police alertée par des témoins (Crim. 19 juin
1979, no 79-90.526). Il en va de même de l’individu qui se présente faussement
comme un médecin, entre en contact avec une jeune femme qui recherche
un emploi, la conduit à son appartement sommairement aménagé en cabinet
médical et lui demande de se déshabiller pour subir l’examen médical présenté
comme un préalable obligatoire à son embauche : il y a un commencement
d’exécution d’une agression sexuelle (Crim. 19 juin 1995, no 94-85.119).
On constate cependant que la distinction entre l’acte préparatoire et le
commencement d’exécution n’est pas toujours aisée dans la pratique. Par
exemple, en matière d’escroquerie à l’assurance, tant que l’agent n’a pas
déclaré le sinistre à son assureur, la Cour de cassation considère qu’il n’y a
que des actes préparatoires, non punissables (Crim. 17 déc. 2008, no 08-82.085).
En revanche, il y a commencement d’exécution de l’escroquerie dès que
l’agent a adressé une déclaration de sinistre à l’assureur, même en l’absence
de demande d’indemnité (Crim. 1er juin 1994, no 93-83.382). La distinction
entre la tentative et la consommation de l’infraction est également parfois
délicate. En effet, pour les infractions formelles, l’infraction est entièrement
consommée dès son commencement d’exécution puisque le résultat matériel
est indifférent. Pour retenir la tentative, il faut donc se situer en amont sur
l’iter criminis, presque au stade des actes préparatoires. Ainsi, pour l’empoi-
sonnement, la tentative sera la remise de la substance mortifère à un tiers
avant que celle-ci ne soit absorbée (v. l’affaire de l’eau de puis empoisonnée :
Crim. 5 févr. 1958).

B. L’absence de désistement volontaire


Malgré le commencement d’exécution, le résultat de l’infraction ne doit pas
avoir été obtenu. L’absence de résultat doit être dû à des circonstances indépen-
dantes de la volonté de l’agent, qu’elles soient intérieures ou extérieures à
sa personne. En d’autres termes, il ne doit pas y avoir de désistement volon-
taire de sa part. En effet, le désistement entraîne l’impunité s’il résulte d’une
décision libre et spontanée de l’agent. Ce désistement doit logiquement inter-
venir avant que l’exécution de l’infraction soit achevée. Autrement, il s’agirait

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d’un repentir actif qui, intervenant trop tardivement, serait sans effet sur la
constitution de l’infraction. Par exemple, l’auteur d’un empoisonnement qui
administre un antidote à sa victime après l’absorption du poison, demeure
coupable d’empoisonnement : l’infraction est d’ores et déjà consommée. De
même, la Cour de cassation a-t-elle précisé que « le fait de projeter à plusieurs
reprises un produit inflammable sur le corps de la victime et d’y mettre le feu délibé-
rément est de nature à caractériser une intention homicide » et que « la circons-
tance que la personne mise en examen ait aidé la victime à enlever son vêtement en
flamme relève davantage du repentir actif que du désistement volontaire » (Crim.
27 mars 2019, no 18-82.484, Dr. pén. 2019, comm. 102, obs. Nimbus). Le repen-
tir peut tout au plus, lorsque la loi le prévoit, être une cause d’atténuation ou
d’exemption de peine.
Selon la cause de l’échec de l’infraction, on distingue, aux termes de
l’article 121-5 du Code pénal, deux sortes de tentatives punissables : celle
dont l’exécution a été suspendue (1) et celle dont l’exécution est restée infruc-
tueuse (2).

1. L’exécution suspendue
La tentative « suspendue » correspond à une exécution interrompue. L’agent
a commencé à exécuter les faits et le résultat pouvait être atteint, mais l’agent a
été contraint d’interrompre son action soit de lui-même (en voyant par exemple
une caméra de surveillance) soit par l’intervention d’un tiers (comme l’arri-
vée de la police : Crim. 25 juil. 2018, no 18-83.125, RSC 2018. 893, obs. Mayaud).
Le désistement est donc involontaire, c’est-à-dire non spontané, de sorte que
la tentative est punissable. En cas de décision de l’agent d’arrêter la commis-
sion de l’infraction après la survenance d’un évènement extérieur (telle l’inter-
vention d’un tiers qui dissuade l’agent de poursuivre son action), il convient
de rechercher la cause déterminante du désistement. La Cour de cassation a
ainsi admis un désistement volontaire, non punissable, à propos d’un homme
qui avait cherché à s’introduire dans un bureau de tabac momentanément
fermé pour y commettre un vol et avait renoncé à son projet après l’arrivée
fortuite de l’un de ses amis (Crim. 20 mars 1974, arrêt Weinberg, no 73-92.699,
RSC 1974. 575, obs. Larguier).

2. L’exécution infructueuse
La tentative qui a « manqué son effet » correspond à une exécution infruc-
tueuse. L’agent est allé au bout des actes d’exécution pour réaliser l’infraction
mais sans pour autant atteindre son résultat. Il peut s’agir soit d’une infrac-
tion manquée, soit d’une infraction impossible.
On parle d’infraction manquée lorsque l’agent n’a pas réussi à réaliser
l’infraction dans son ensemble. Tel est le cas par exemple de l’agent qui
s’apprête à tuer la victime mais qui rate sa cible par maladresse. Il en va de

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même de la personne qui, en raison d’une « déficience physique momentanée »,

Partie 1 • L’infraction
doit renoncer au viol de la victime (Crim. 10 janv. 1996, Dr. pén. 1996. 97, obs.
Véron). Cette circonstance, bien qu’intérieure au corps de l’agent, est en effet
indépendante de sa volonté.
On parle d’infraction impossible lorsque la réalisation du délit était
matériellement impossible parce que le résultat était inaccessible. Il existe
deux types d’impossibilité : l’impossibilité de fait, c’est-à-dire que les moyens
employés ne pouvaient pas conduire au résultat (p.ex. utiliser une substance
non mortifère pour empoisonner quelqu’un) ; et l’impossibilité de droit, c’est-
à-dire que l’objet même de l’infraction est inexistant (p.ex. essayer de tuer une
personne qui est déjà morte ; essayer de voler dans une poche vide). Malgré
les controverses doctrinales, la jurisprudence a admis le caractère punis-
sable de l’infraction impossible. Dans la célèbre affaire Perdereau, la Cour
de cassation a ainsi retenu une tentative d’homicide volontaire à l’égard de
celui qui, croyant une personne en vie, exerçait sur celle-ci des violences
dans l’intention de lui donner la mort, en précisant que le décès de la victime,
antérieur auxdites violences, constituait une circonstance indépendante de la
volonté de l’auteur (Crim. 16 janv. 1986, no 85-95.461, D. 1986. 625, note Mayer,
Gazounaud, Pradel ; RSC 1986. 850, obs. Levasseur ; JCP 1987. II. 20774, note
Roujou de Boubée). Dans le même sens, a été retenue une tentative d’entrave
à l’interruption volontaire de grossesse alors qu’aucune intervention n’était
en cours dans la maternité (Crim. 5 mai 1997, no 96-81.462, Bull. crim. no 168).
À l’inverse, il n’y a pas de tentative punissable lorsque les moyens employés
sont surnaturels (p.ex. le recours à la sorcellerie) ou lorsque l’infraction est
putative, c’est-à-dire qu’elle n’existe que dans l’esprit de l’agent (p.ex. celui
qui croit commettre une atteinte sexuelle sur mineur alors que la personne
est majeure).

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Chapitre 2
L’élément moral de l’infraction

Une infraction n’est punissable que si l’acte matériel (actus reus) a été
accompli avec une volonté coupable (mens rea). L’élément matériel doit donc
être complété par un élément moral pour que l’infraction soit constituée.
L’élément moral est la composante psychologique de l’infraction qui corres-
pond à l’état d’esprit de l’agent, apprécié de manière subjective. La seule imputa-
tion matérielle de l’infraction n’étant pas suffisante, une faute doit pouvoir
être reprochée à l’agent pour que sa responsabilité pénale soit engagée. Cette
exigence résulte du principe de culpabilité consacré par le Conseil consti-
tutionnel (C. const. 16 juin 1999, no 99-411 DC, JO 19 juin 1999. 9018 ; D. 1999.
589, note Mayaud). La faute, culpa en latin, renvoie en effet à la culpabilité
du délinquant. Il s’agit d’une notion centrale en droit pénal, car ce n’est pas
un simple procédé ou agissement illégal qui est réprimé : encore faut-il que
l’auteur ait compris et voulu son acte. L’importance de la faute reflète la dimen-
sion morale du droit pénal qui intervient pour émettre un jugement moral
au nom de la société (contrairement au droit civil qui n’a aucune dimension
morale, mais une simple fonction réparatrice).
La faute est également appelée dol, qui fait référence à l’intention crimi-
nelle. Mais la réalité de la faute est plus complexe, car elle peut se manifester
à des degrés divers et ne correspond pas toujours à une intention proprement
dite. L’élément moral de l’infraction est défini à l’article 121-3 du Code pénal.
Il résulte de ce texte qu’en principe, les crimes et les délits sont commis inten-
tionnellement. Mais dans certains cas, lorsque la loi le prévoit, un manque-
ment non intentionnel suffit. La faute requise par les textes est donc soit une
faute intentionnelle (I), soit une faute non intentionnelle (II).

I. La faute intentionnelle

La faute intentionnelle, appelée également intention ou dol, est une volonté


dirigée vers l’acte ainsi que le résultat de l’infraction. Cette faute intention-
nelle est la composante psychologique de tous les crimes et de nombreux délits.
En effet, il découle de l’article 121-3, alinéa 1er, qu’il n’y a point de crime ou de

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délit sans intention de le commettre. Les alinéas suivants posent des excep-
tions pour les délits seulement. Les crimes sont donc toujours intentionnels
et les délits le sont en principe, sauf disposition légale contraire. En l’absence
de précision dans le texte d’incrimination, l’élément moral correspond par
conséquent à une faute intentionnelle qu’il faudra prouver pour retenir la
culpabilité de l’agent. À l’inverse, les contraventions sont en principe non-inten­
tion­nelles, mais il arrive que le texte d’incrimination précise le contraire.
Par exemple, l’article R. 625-1 du Code pénal prévoit expressément que les
violences contraventionnelles ayant entraîné une incapacité totale de travail
inférieure ou égale à huit jours sont des « violences volontaires ». La notion
d’intention doit être définie (A) avant de détailler ses différents degrés (B).

A. La définition de l’intention
L’intention consiste dans l’accomplissement délibéré de l’acte matériel
constitutif de l’infraction, l’agent agissant avec la conscience du caractère
illicite de l’acte et avec la volonté de son résultat. Autrement dit, c’est la
conscience et la volonté d’accomplir l’acte interdit par la loi. Ainsi, par
exemple, le meurtre est un crime, donc nécessairement une infraction inten-
tionnelle, qui suppose, de la part de l’agent, la conscience et la volonté de
causer la mort d’autrui. Il en va de même du vol qui, en l’absence de précision
légale, est un délit intentionnel supposant la conscience que la chose appar-
tient à autrui et la volonté de se l’approprier.
L’existence de l’intention chez l’agent doit être prouvée. Si la conscience du
caractère illicite de l’acte est en principe présumée, en vertu de la règle selon
laquelle « nul n’est censé ignorer la loi » (nemo censetur ignorare legem), encore
faut-il démontrer la volonté de violer la loi pénale, c’est-à-dire de commettre
l’acte prohibé et d’atteindre son résultat. À défaut, l’infraction n’est pas consti-
tuée. Mais dans la pratique, l’intention est souvent déduite des faits, à partir
des circonstances matérielles ou de la qualité de l’auteur. Par exemple, l’inten-
tion de tuer peut résulter de la zone du corps visée : si l’agent tire en direc-
tion d’un organe vital, c’est qu’il veut causer la mort de la victime (v. Crim.
22 mai 2019, no 19-81.904). Les juges procèdent parfois par présomption (p.ex.
en matière de fraude fiscale par le dirigeant d’une société : Crim. 7 janv. 2017,
no 15-82.435, Dr. pén. 2017, comm. 40, obs. Robert ; ou en matière de filouterie
d’aliments (Crim. 28 févr. 2018, no 17-80.242, Gaz. Pal. 30 avr. 2018, p. 60, note
Dreyer), voire par simple implication, en énonçant que « la seule constatation
de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire
implique, de la part de son auteur, l’intention coupable exigée par l’article 121-3,
alinéa 1, du Code pénal » (Crim. 12 juil. 1994, no 93-85.262, Bull. crim. no  280 ;
Crim. 22 mars 2016, no 15-84.949). Cependant, en l’absence d’acte volontaire,
l’infraction intentionnelle ne saurait être retenue : ainsi, la Cour de cassa-
tion a-t-elle écarté la qualification de violences mortelles dans une affaire

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Partie 1 • L’infraction
concernant un gendarme qui, ayant absorbé de l’alcool et des anxiolytiques
avant sa prise de fonction, avait tiré un coup de feu causant la mort du passa-
ger d’un véhicule volé. Les juges ont estimé qu’il n’avait pas été démontré que
la pression sur la queue de détente de l’arme au moment du tir résultait d’un
geste volontaire et délibéré du prévenu et que la qualification adaptée était
donc celle d’homicide involontaire (Crim. 16 juin 2009, no 08-87.090, Gaz. Pal.
2009. 2. 3219, note Mesa).

B. Les degrés de l’intention


L’élément moral de l’infraction peut être affiné en distinguant le dol général
du dol spécial et du dol aggravé. Il convient d’y ajouter le dol dépassé, le dol
déterminé et le dol indéterminé.
Le dol général correspond à l’élément moral de base qui se rencontre dans
toutes les infractions intentionnelles. Il s’agit de l’intention telle que définie
plus haut, supposant la volonté de l’acte causal et du résultat dommageable ;
en d’autres termes, une manifestation de la volonté de l’agent. C’est donc
l’étalon de la culpabilité, la faute pénale de principe, comme cela ressort de
l’article 121-3, alinéa 1er du Code pénal. Selon la jurisprudence, le dol général
est la « violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglemen-
taire » (Crim. 25 mai 1994, Bull. crim. no 203). L’intention doit être distinguée
des mobiles qui sont les raisons personnelles ayant poussé l’auteur de l’infrac-
tion à agir. En effet, les mobiles sont, en principe, indifférents à la qualifi-
cation de l’infraction et à l’établissement de la culpabilité. Peu importe donc
que la personne ait agi par vengeance, par haine, par jalousie, par appât du
gain, par plaisanterie ou encore par compassion. Seul compte le fait qu’elle ait
accompli, volontairement, les éléments constitutifs de l’infraction. Il arrive
cependant que le juge prenne en compte les mobiles lors de l’individualisa-
tion de la peine, se montrant par exemple plus clément envers celui qui a
commis un acte d’euthanasie pour abréger les souffrances d’une personne
en fin de vie.
Le dol spécial correspond à une intention plus affinée, propre à chaque
infraction. C’est l’intention d’atteindre un certain résultat prohibé par la loi
pénale. La faute requise correspond à un dol spécial lorsque la loi exige, outre
l’intention (le dol général), que l’auteur ait poursuivi un but précis. Ce but
n’est pas à confondre avec les mobiles, puisqu’il s’agit de la finalité de l’acte
et non de ses raisons. On peut dire que dans le cheminement intellectuel de
l’agent, le but se situe en aval alors que le mobile se trouve en amont de l’inten-
tion. Relèvent ainsi du dol spécial l’intention de tuer pour le meurtre (animus
necandi), ou l’intention de se comporter en propriétaire pour le vol. Cependant,
on constate qu’il n’y a pas de frontière nette entre dol général et dol spécial,
puisque dans les deux cas l’auteur a la conscience et la volonté de commettre
l’infraction prohibée par la loi. Selon certains auteurs, les deux notions se

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confondent, s’absorbent mutuellement. Il s’agit donc davantage d’une diffé-
rence de degré, résultant d’une différence de précision des textes d’incrimi-
nation, selon que ceux-ci incluent ou non les finalités poursuivies par l’agent.
Le dol spécial ressort parfois clairement de la loi, comme par exemple pour le
meurtre « qui a pour objet soit de préparer ou de faciliter un délit, soit de favoriser
la fuite ou d’assurer l’impunité de l’auteur ou du complice d’un délit » (art. 221-2,
al. 2 CP) ; ou pour les actes de terrorisme qui sont des infractions lesquelles
« sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective
ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur »
(art. 421-1 CP). Dans ces hypothèses, la répression est d’ailleurs aggravée. De
même, en matière d’abus de biens sociaux, le dirigeant doit avoir commis
l’acte qu’il savait contraire à l’intérêt de la société « à des fins personnelles ou
pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était intéressé direc-
tement ou indirectement » (art. L. 242-3 C. comm.).
Parfois, il peut y avoir plus d’hésitation sur la teneur de l’élément moral. Il
en va ainsi de l’empoisonnement qui a donné lieu à une interprétation juris-
prudentielle controversée. En effet, depuis l’affaire du « sang contaminé »
(Crim. 18 juin 2003, D. 2004. 1620, note Rebut), la Cour de cassation considère
que le crime d’empoisonnement comprend un dol général (la conscience de
violer la loi pénale en administrant une substance que l’on sait mortifère) et
un dol spécial (l’animus necandi ou l’intention de donner la mort). Or s’agissant
d’une infraction formelle, il aurait pu sembler logique que l’élément moral se
résume au dol général et soit donc indifférent au résultat recherché. Il y a une
certaine discordance entre l’élément moral et l’élément matériel, la chambre
criminelle exigeant la volonté d’un résultat alors que seul un comportement
est incriminé. Cela étant, il n’apparaît pas incohérent d’exiger que l’intention
soit dirigée vers le résultat redouté du comportement incriminé, indépen-
damment de sa réalisation matérielle effective. Tout au plus cette distinction
peut-elle paraître artificielle, en ce sens que la volonté de donner la mort est
inhérente à l’intention d’administrer une substance mortifère.
Le dol aggravé correspond à l’hypothèse où la psychologie de l’agent consti-
tue une circonstance aggravante de l’infraction. Tel est le cas de la prémédi-
tation, définie comme le dessein formé avant l’action de commettre les faits
(art. 132-72 CP). Le meurtre commis avec préméditation est un assassinat,
puni de la réclusion criminelle à perpétuité (art. 221-3 CP). Il peut également
s’agir des mobiles de l’auteur qui aggravent la répression, comme c’est le cas
du mobile discriminatoire raciste ou sexiste qui est devenu une circonstance
aggravante générale depuis la loi no 2017-86 du 27 janvier 2017 (art. 132-76 et
132-77 CP), c’est-à-dire qu’elle peut accompagner toute infraction sans prévi-
sion légale spécifique. Il convient de noter que la distinction avec le dol
spécial n’est pas toujours nette dans la mesure où la présence de ce dernier
entraîne aussi, dans certains cas, une aggravation de la peine encourue,

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Partie 1 • L’infraction
comme par exemple pour les actes terroristes (art. 421-3 CP). Dans le même
ordre d’idées, lorsque les violences sont commises contre une personne « afin
de la contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union ou en raison de
son refus de contracter ce mariage ou cette union » (art. 222-8, 222-10 et 222-12,
6° bis, CP), elles sont accomplies dans un but précis (dol spécial) ou pour un
motif particulier et leur répression est, en même temps, aggravée.
Le dol dépassé, ou præter-intentionnel, est celui de l’auteur qui a voulu
l’acte causal du dommage mais une partie seulement du résultat domma-
geable. L’exemple type est le crime de « violences ayant entraîné la mort sans
intention de la donner », appelé aussi coups mortels (art. 222-7 CP) : l’acte
causal violent est volontaire mais le résultat voulu a été dépassé, en ce sens
que seule une atteinte à l’intégrité physique d’autrui a été visée et non une
atteinte à sa vie.
On distingue enfin le dol déterminé du dol indéterminé. En cas de dol
déterminé, le résultat atteint correspond exactement à celui qui était visé
par l’auteur (l’identité de la victime et la gravité du résultat). En cas de dol
indéterminé, le résultat dommageable visé par l’auteur est imprécis ou la
victime ne peut pas précisément être déterminée à l’avance (p.ex. le fait de
jeter un explosif dans une terrasse de café). Le dol indéterminé caractérise
par exemple les violences, la jurisprudence estimant que le caractère volon-
taire de l’acte suffit, sans qu’il soit nécessaire de prouver l’intention du résul-
tat précis. La Cour de cassation a ainsi précisé que le délit est constitué « dès
qu’il existe un acte volontaire de violence, quel que soit le mobile qui l’ait inspiré et
alors même que son auteur n’aurait pas voulu causer le dommage qui en est résulté »
(Crim. 3 janv. 1958, Bull. crim. no 3). L’auteur est donc responsable non seule-
ment des conséquences qu’il avait prévues et voulues, mais aussi de toutes
celles qui ont pu se produire (Civ. 2e, 15 déc. 1965, Bull. civ. II, no 1021). On
considère que le dol indéterminé est assimilable au dol général car les consé-
quences étaient prévisibles et donc imputables à l’agent.

II. La faute non intentionnelle

En matière de faute non intentionnelle, la conscience et la volonté du


résultat font défaut. L’agent a certes voulu son comportement, en ce sens
qu’il disposait de son libre arbitre, mais sa volonté est mal maîtrisée, il agit
de manière imprudente ou négligente. Bien que la faute non-intentionnelle
soit moins grave que la faute intentionnelle, on réprime ces comportements
involontaires en raison du résultat dommageable qui peut en résulter. Aux
termes de l’article 121-3, alinéa 3 du Code pénal, les délits peuvent être des
infractions non intentionnelles « lorsque la loi le prévoit ». Une mention expresse
dans le texte d’incrimination est donc nécessaire ; à défaut de précision, le
délit est intentionnel. Les contraventions sont en principe des infractions non

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intentionnelles, le dernier alinéa de l’article 121-3 énonçant simplement qu’il
n’y a point de contravention en cas de force majeure. On dit que les contraven-
tions sont généralement des infractions matérielles, c’est-à-dire que l’indis-
cipline est déduite du comportement matériel de l’agent sans avoir à prouver
une faute de sa part. Il en va ainsi, par exemple, en cas de stationnement
irrégulier. Mais parfois, la démonstration d’une faute simple est nécessaire
pour engager la responsabilité pénale du contrevenant, notamment dans le
cadre des atteintes à l’intégrité corporelle.
Il ressort de la loi que le contenu et l’intensité de la faute non intention-
nelle peuvent varier. Selon les cas, la faute exigée correspond à une impru-
dence ordinaire ou à une imprudence consciente. En effet, la loi no 2000-647
du 10 juillet 2000 a opéré une distinction entre la faute simple et la faute quali-
fiée, la seconde étant plus grave que la première. Cependant, cette distinction
ne s’applique pas aux personnes morales, pour lesquelles la commission d’une
faute simple suffit toujours à engager leur responsabilité pénale, lorsque les
conditions légales sont réunies (v. infra). Pour les personnes physiques, en
revanche, la faute exigée dépend du lien de causalité entre le comportement
et le résultat : en cas de causalité directe, une faute simple suffit (A), tandis
qu’en cas de causalité indirecte, une faute qualifiée est nécessaire (B).

A. La faute simple
La faute simple est définie à l’article 121-3, alinéa 3 du Code pénal qui
vise la « faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de
prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». Cette faute consiste
donc soit en une imprudence (un agissement sans la vigilance nécessaire),
soit en une négligence (un manque d’attention ou de précaution), soit en un
manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la
loi ou le règlement (l’inobservation d’une règle posée par un texte). Il s’agit
donc d’une indiscipline sociale qui peut prendre la forme d’une action ou
d’une abstention. On retrouve ces termes dans les textes d’incrimination
relatifs à l’homicide et aux blessures involontaires qui mentionnent en outre
la maladresse et l’inattention (art. 221-6, 222-19 et s. CP).
La loi précise qu’une telle faute ne peut être retenue que « s’il est établi que
l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas
échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi
que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». Il en résulte que l’existence de la
faute simple doit être appréciée in concreto, c’est-à-dire en prenant en consi-
dération la situation concrète dans laquelle se trouvait le prévenu.
Pour les personnes physiques, la faute simple n’est pénalement répré-
hensible que si le lien de causalité entre le comportement reproché à l’agent
et le dommage occasionné est un lien de causalité direct. Cela signifie que

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Partie 1 • L’infraction
le comportement de l’agent est la cause exclusive, immédiate ou détermi-
nante du dommage. La jurisprudence retient une acception assez large de
cette notion, en estimant par exemple que le propriétaire d’un chien non
tenu en laisse est directement à l’origine des blessures causées par celui-ci
car sa négligence est la cause déterminante du dommage (Crim. 29 mai 2013,
no 12-85.427, Dr. pén. 2013, comm. 125, obs. Véron). De même, a été jugé que
la vitesse excessive d’un véhicule était la cause déterminante de l’accident
mortel occasionné malgré l’intervention soudaine d’un sanglier qui avait
surgi du côté de la chaussée et heurté le véhicule du prévenu (Crim. 25 sept.
2001, no 01-80.100, Bull. crim. no 188).

B. La faute qualifiée
En vertu de l’article 121-3, alinéa 4 du Code pénal, « les personnes physiques
qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à
créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les
mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles
ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de
prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute
caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles
ne pouvaient ignorer ». En d’autres termes, en cas de causalité indirecte, la
preuve d’une faute qualifiée est nécessaire pour engager la responsabilité
pénale de l’auteur du dommage. Le législateur a ainsi entendu éviter que la
responsabilité pénale de ceux dont le comportement n’est pas directement à
l’origine du dommage subi par la victime ne soit trop facilement engagée. La
moins grande proximité causale est alors en quelque sorte compensée par
la plus grande gravité de la faute. L’objectif de la loi du 10 juillet 2000 était
surtout d’alléger le « risque pénal » encouru par les décideurs, notamment
les décideurs publics (comme les maires) mais aussi les décideurs privés
(les chefs d’entreprise). En cas de causalité indirecte et de faute simple, leur
responsabilité pénale n’est donc plus engagée.
La causalité indirecte correspond à la situation de l’agent qui a contribué
à la réalisation du dommage sans que son comportement n’en soit la cause
immédiate ou déterminante. Deux cas de figure sont visés par le texte, selon
que l’on est en présence d’une action ou d’une abstention. Soit, l’agent a « créé
ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage », c’est-
à-dire qu’il est un « auteur indirect » ; soit il n’a pas pris « les mesures permet-
tant de l’éviter » et on parle alors d’ « auteur médiat ». C’est le cas par exemple
du maire d’une commune qui laisse le comité des fêtes organiser, sur le terri-
toire de la commune, un bal avec projection de mousse sans s’assurer de l’iso-
lement du matériel de sonorisation, causant ainsi indirectement la mort par
électrocution de plusieurs personnes qui s’appuyaient sur les barrières métal-
liques entourant la piste (Crim. 11 juin 2003, no 02-82.622) ; ou du loueur d’une

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nacelle élévatrice défectueuse qui s’est abstenu de la faire réparer, provo-
quant ainsi indirectement un accident de la route mortel (Crim. 11 janv. 2011,
no 09-87.842) ; ou encore de l’enseignant qui, lors d’une fête de fin d’année,
laisse partir l’un de ses élèves ivre au volant de sa voiture dans laquelle il
trouve la mort par la suite (Crim. 12 janv. 2010, Bull. crim. no 5, Dr. pén. 2010,
comm. 31, obs. Véron).
Il convient de noter que la loi du 10 juillet 2000 a également mis fin à l’unité
des fautes civiles et pénales d’imprudence. En effet, il résulte de l’article 4-1
du Code de procédure pénale que l’absence de faute pénale non intentionnelle
au sens de l’article 121-3 du Code pénal ne fait pas obstacle à l’éta­blis­sement
d’une faute civile sur le fondement de l’article 1241 du Code civil. Ainsi, pour
être civilement responsable et donc tenu de réparer le dommage, il suffit
d’avoir commis une faute d’imprudence ou de négligence qui a contribué à
la réalisation de ce dommage. En revanche, pour être pénalement respon-
sable du dommage causé de manière indirecte, il faut avoir commis une faute
qualifiée, qui peut être soit une faute de mise en danger délibérée (1), soit
une faute caractérisée (2).

1. La faute de mise en danger délibérée


Il y a faute de mise en danger délibérée lorsque l’agent a « violé de façon
manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue
par la loi ou le règlement » (art. 121-3, al. 4 CP). Cette première forme de faute
qualifiée traduit une hostilité à l’égard de la norme pénale, en ce que l’agent
agit de manière délibérée en ayant conscience des risques qu’il prend. On
parle également de dol éventuel, qui consiste en la violation délibérée d’une
norme de prudence par une personne qui envisage la possibilité du résul-
tat dommageable sans toutefois vouloir qu’il se produise. Ce dol éventuel se
situe à mi-chemin entre l’imprudence et l’intention : c’est une imprudence
consciente.
La faute délibérée se rencontre dans plusieurs cas de figure. En premier
lieu, elle est réprimée de manière autonome dans le cadre du délit obstacle
de « mise en danger délibérée d’autrui » (art. 221-3 CP), appelé aussi délit de
« risques causés à autrui ». En effet, l’article 121-3, al. 2 du Code pénal précise
que « lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la
personne d’autrui ». Dans cette hypothèse, il faut démontrer une causalité
directe puisque le texte vise « le fait d’exposer directement autrui à un risque
immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infir-
mité permanente ». Tel est le cas, par exemple, du capitaine d’un navire ayant
accepté un trop grand nombre de passagers (Crim. 11 févr. 1998, Dr. pén. 1998.
81, obs. Véron). Il convient de noter que ce délit est généralement considéré

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comme étant une infraction intentionnelle (Crim. 9 mars 1999, D. 2000. 81,

Partie 1 • L’infraction
note Sordino et Ponseille), puisque le résultat légal est le risque causé de
manière délibérée. Cela démontre la nature intermédiaire du dol éventuel.
En deuxième lieu, en cas de réalisation du résultat dommageable, la faute
délibérée doit être recherchée dans le cadre des infractions non-intention-
nelles en présence d’une causalité indirecte, pouvant ainsi constituer l’élé-
ment moral de l’homicide involontaire ou des blessures involontaires.
En troisième lieu, la faute délibérée peut être une cause d’aggravation
des infractions non-intentionnelles, comme cela ressort de l’article 221-6,
alinéa 2 du Code pénal : l’homicide involontaire aggravé est puni plus sévère-
ment qu’en présence d’une faute d’imprudence simple. Il convient de noter
qu’en cas de causalité indirecte, la faute délibérée peut alors constituer à la
fois l’élément moral de l’infraction et une circonstance aggravante, ce qui est
une solution discutable eu égard au principe ne bis in idem.
En toute hypothèse, la caractérisation d’une telle faute suppose la réunion
de deux conditions. D’une part, il doit y avoir la violation d’ « une obligation
particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ».
L’obligation particulière renvoie à une obligation précise qui impose un mode
de conduite circonstancié. La violation d’un texte prévoyant des obligations
générales, tel que le Code de déontologie médicale, ne correspond pas à la
définition de la faute délibérée. Ainsi, par exemple, ne suffit-il pas de relever
à l’encontre d’un maire la méconnaissance des articles L. 2212-2 et suivants
du Code général des collectivités territoriales qui définissent les pouvoirs
généraux du maire, notamment en matière de police (Crim. 25 juin 1996,
no 95-86.205). En outre, il doit s’agir d’une obligation prévue par la loi ou le
règlement, les juges devant préciser quel texte a été violé par le prévenu. Le
règlement doit être entendu au sens strict du terme, comme le texte édicté
par le gouvernement. Il n’en va pas ainsi du règlement intérieur d’une entre-
prise. D’autre part, la violation de cette obligation doit être « manifeste-
ment délibérée », c’est-à-dire qu’il doit clairement apparaître que l’agent a
eu la volonté de méconnaître l’obligation de prudence ou de sécurité, cette
volonté étant déduite des circonstances. Par exemple, le fait pour un conduc-
teur automobile de brûler successivement plusieurs feux rouges démontre
la volonté délibérée de méconnaître l’obligation inscrite à l’article R. 412-30
du Code de la route. Il ne faut toutefois pas confondre la volonté de mécon-
naître la norme avec la volonté de causer le résultat puisque la faute délibé-
rée relève des fautes non-intentionnelles.
Les conditions strictes de la faute délibérée font que celle-ci est assez diffi-
cile à établir et qu’elle n’est pas très fréquemment retenue par les juges. Il
arrive cependant qu’une telle faute soit établie, notamment dans le domaine
de la responsabilité pénale du chef d’entreprise qui méconnaîtrait les textes du
Code du travail (v. Crim. 25 nov. 2008, no 08-81.995) ou de celle de l’automobiliste

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qui ne respecterait pas le Code de la route (v. Crim. 13 juin 2006, no 05-83.261).
La Chambre criminelle a ainsi approuvé la condamnation, pour homicide
involontaire, du propriétaire d’un avion et dirigeant de fait du club d’avia-
tion, à la suite d’un accident mortel dû à l’absence de réparation d’une pièce
dont la défaillance avait été établie plusieurs années auparavant, ce qui était
constitutif d’une violation manifestement délibérée des arrêtés du 17 mars
1978 et 24 juillet 1991 relatifs au maintien de l’aptitude en vol des aéronefs
(Crim. 18 nov. 2008, no 08-81.672). Une faute délibérée a également été retenue
à l’égard d’un directeur de club de plongée, condamné du chef d’homicide
involontaire pour avoir méconnu de manière délibérée les obligations de
sécurité et de prudence prescrites par un arrêté, en laissant des stagiaires
sans compétence d’encadrement procéder seuls à des stages d’initiation à la
plongée (Crim. 2 déc. 2014, no 14-80.114). Parfois, la jurisprudence se montre
d’ailleurs peu exigeante sur les conditions légales afin de retenir plus facile-
ment une faute délibérée. Il en a été ainsi dans une affaire où le travailleur
intérimaire d’une entreprise, qui n’avait pas reçu de formation à la sécurité,
avait été blessé à la suite de la rupture d’un point de soudure provisoire d’une
pièce métallique pesant plus d’une tonne. La Cour de cassation a approuvé
les juges du fond d’avoir considéré que le défaut de formation avait consti-
tué une faute délibérée sans préciser en quoi la violation du Code du travail
avait été manifestement délibérée (Crim. 11 juin 2013, no 12-84.499, Gaz. Pal.
13-15 oct. 2013, p. 25, obs. Dreyer et Détraz).

2. La faute caractérisée
La seconde forme de faute qualifiée est la faute d’imprudence caractéri-
sée. L’article 121-3, alinéa 4 du Code pénal décrit la faute caractérisée comme
celle « qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité » que l’agent
« ne pouvai(t) ignorer ». Cette seconde forme de faute qualifiée est considérée
comme moins grave que la faute délibérée, en ce qu’elle révèle seulement de
l’indifférence à l’égard de la norme sans pour autant être volontaire. Elle est
cependant plus grave que la faute simple, car il s’agit d’une imprudence parti-
culièrement blâmable.
La faute caractérisée suppose la réunion de trois éléments. En premier
lieu, l’agent doit avoir commis un manquement d’une particulière évidence
et intensité (Crim. 23 févr. 2010, no 09-85.791, Dr. pén. 2010, comm. 58, obs.
Véron). Une telle faute peut consister soit en une erreur unique grossière,
soit en une série d’imprudences ou de négligences qui, par leur accumula-
tion, revêtent une particulière gravité (v. Crim. 12 janv. 2010, no 09-81.799, AJ
pénal 2010. 241, obs. Lasserre Capdeville). En deuxième lieu, le manquement
doit avoir exposé autrui à un risque particulièrement grave, c’est-à-dire un
risque pour la vie ou l’intégrité physique des personnes. En troisième lieu,
il doit s’agir d’un risque que l’agent ne pouvait ignorer. Il devait donc avoir

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Partie 1 • L’infraction
conscience du risque qui était prévisible. Les juges doivent procéder à une
appréciation concrète des circonstances de l’espèce pour évaluer si le prévenu
était en mesure de connaître le risque auquel il exposait autrui.
Concernant la question de la connaissance effective du risque, les solutions
retenues par la Cour de cassation varient toutefois en fonction de la qualité du
prévenu, la jurisprudence se montrant plus sévère à l’égard des chefs d’entre-
prise pour lesquels la conscience du risque est souvent présumée en raison de
leur qualité professionnelle (v. Crim. 17 déc. 2019, no 17-87.465, JCP G 2020, 342,
note Rousseau ; Dr. pén. 2020, comm. 67, 68 et 70, note Conte). Pour les parti-
culiers, la conscience du risque peut être déduite des circonstances, comme
par exemple pour le propriétaire d’un chien ayant agressé la victime qui est
condamné pour blessures involontaires aux motifs qu’il devait le contrôler, le
tenir en laisse ou l’attacher et qu’il aurait dû se montrer d’autant plus vigilant
que le chien s’était déjà montré agressif avec une autre personne (Crim.
2 mai 2018, no 17-80.317). À l’inverse, a été écartée la faute caractérisée dans
l’affaire dite « du Drac », dans laquelle 6 enfants et une animatrice ont trouvé
la mort par noyade à la suite d’un brusque lâcher d’eau par EDF dans le lit de
la rivière Drac : ni l’institutrice ni la directrice de l’école n’avait pu envisager
le risque auquel étaient exposés les élèves (Crim. 18 juin 2002, no 01-85.537).
Enfin, pour les décideurs publics, la jurisprudence se montre généralement
plus clémente en estimant que la faute caractérisée n’est pas établie lorsque
l’élu n’a pas été personnellement alerté du risque. Ainsi, dans une affaire où
un enfant de treize ans est décédé des suites de blessures provoquées par
la chute d’une barre transversale d’une cage de buts mobile d’un terrain de
sport d’une commune, le maire de la commune avait été relaxé car il n’avait
pas été informé du risque auquel étaient exposés les utilisateurs éventuels
(Crim. 4 juin 2002, no 01-81.280, Bull. crim. no  127 ; D. 2003. 95, note Petit ; RSC
2003. 127, obs. Giudicelli-Delage). À l’inverse, a été condamné pour blessures
involontaires le maire d’une commune dans laquelle un jeune homme s’était
baigné dans un étang municipal et avait heurté avec sa tête un muret invisible
de l’extérieur qui n’était pas signalisé, provoquant sa tétraplégie. Or un accident
était déjà arrivé à cet endroit peu avant et l’attention du maire avait été attirée
sur les risques de blessures graves pour les baigneurs en cas de plongeon, ce
qui a amené les juges à retenir à son encontre une faute caractérisée (Crim.
22 janv. 2008, no 07-83.877).
Contrairement à la faute délibérée, il n’est pas nécessaire que la faute
caractérisée consiste en la violation d’une réglementation écrite préexis-
tante. Elle est donc plus facilement retenue par les juges et peut même être
une solution de repli lorsque l’une des conditions de la faute délibérée fait
défaut (une obligation écrite mais trop générale, une violation dont le carac-
tère délibéré n’est pas manifeste, etc.). La Cour de cassation a ainsi approuvé
la condamnation de l’instructeur d’une compagnie aérienne pour homicide

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involontaire à la suite d’un accident d’avion en retenant une faute caractéri-
sée à défaut de pouvoir établir une faute délibérée, car l’arrêté dont la viola-
tion était reprochée au prévenu n’était pas applicable en Polynésie française
(Crim. 15 oct. 2002, no 01-83.351). De même, dans la célèbre affaire « AZF »,
les juges ont estimé que les manquements aux obligations particulières
de sécurité ou de prudence prévues par la loi ou le règlement, notamment
l’absence d’information et de formation du personnel, étaient constitutives
d’une faute caractérisée qui a exposé autrui à un risque d’une particulière
gravité que le prévenu, dirigeant de l’établissement, ne pouvait concrètement
ignorer (Crim. 17 déc. 2019, no 17-87.465, JCP G 2020, 342, note Rousseau ; Dr.
pén. 2020, comm. 67 et 68, note Conte).
Pour résumer, on peut dire que les juges doivent, dans un premier temps,
s’interroger sur la nature du lien de causalité (direct ou indirect) lorsque le
prévenu est une personne physique, pour rechercher, dans un second temps,
la faute permettant d’engager sa responsabilité pénale : une faute simple est
suffisante en cas de causalité directe, tandis qu’une faute qualifiée est exigée
en cas de causalité indirecte.

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Partie 2
La responsabilité pénale

Lorsque toutes les conditions précédemment évoquées sont réunies (le


préalable légal, l’élément matériel et l’élément moral de l’infraction qui a été
entièrement consommée ou simplement tentée), la responsabilité pénale
des participants à cette infraction (auteurs, coauteurs ou complices) peut en
principe être engagée. Il n’en va toutefois pas toujours ainsi, puisque certaines
circonstances entraînent l’irresponsabilité pénale de ces derniers.
Il convient dès lors de s’intéresser au responsable de l’infraction (titre 1),
avant d’étudier les causes d’irresponsabilité pénale (titre 2).

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Titre 1
Le responsable de l’infraction

La responsabilité pénale est personnelle, incombant à celui qui a commis


lui-même l’infraction (l’auteur) ou à celui qui a participé à la commission d’une
infraction commise par autrui (le complice). C’est un principe essentiel en
droit pénal, qui découle de l’article 121-1 du Code pénal lequel dispose que
« Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ». Il n’existe par consé-
quent pas de responsabilité pénale du fait d’autrui. Contrairement à la respon-
sabilité civile, la responsabilité pénale a une dimension subjective de laquelle
découle son caractère personnel. Chacun ne répond, devant le juge pénal,
que de ses propres actes. Seule la personne qui a personnellement participé
à l’infraction s’expose donc à la répression, et ni ses proches ni ses héritiers
ne sauraient être tenus pour responsables pénalement. C’est ce que rappelle
la Cour européenne des droits de l’homme qui a jugé que le fait d’imposer
une sanction pénale à l’héritier de l’auteur de l’infraction était contraire
à la présomption d’innocence protégée par l’article 6 § 2 de la Convention
européenne (CEDH, Lagardère c. France, 12 avril 2012).
Si la responsabilité pénale des personnes physiques (chapitre 1) est celle
qui paraît naturelle, en ce que les individus peuvent commettre l’infraction
dans sa dimension matérielle et morale, la consécration de la responsabi-
lité pénale des personnes morales (chapitre 2) est plus récente et présente
quelques particularités.

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Chapitre 1
La responsabilité pénale
des personnes physiques

Le responsable de l’infraction est, dans la plupart des cas, celui qui commet
les faits décrits par le texte d’incrimination, seul ou avec un coauteur. Mais
la personne poursuivie peut également être celle qui s’associe à l’infraction
principale commise par autrui en qualité de complice. Si l’auteur à la maîtrise
de l’action et joue le rôle principal, le complice n’opère qu’à sa périphérie et
joue un rôle secondaire. On distingue donc, selon le mode de participation à
l’infraction, l’action et la coaction (I) de la complicité (II).

I. L’action et la coaction

L’auteur de l’infraction est celui qui accomplit les éléments constitutifs de


l’infraction dans leur intégralité, c’est-à-dire sa composante matérielle et sa
composante psychologique. L’action est le fait de l’auteur. L’article 121-4 du
Code pénal définit ainsi l’auteur comme la personne qui commet les faits incri-
minés ou tente de les commettre. On parle donc d’auteur de l’infraction, que
celle-ci soit consommée ou qu’elle soit tentée. Lorsque l’infraction est réali-
sée conjointement par plusieurs auteurs, on parle de coauteurs. La coaction

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est donc la situation dans laquelle plusieurs personnes s’associent à l’action
criminelle et agissent simultanément. Il faut alors prouver qu’ils aient agi de
concert (Crim. 9 janv. 2019, no 18-83.608).
La figure de la coaction se rencontre tant pour les infractions non-inten-
tionnelles que pour les infractions intentionnelles. En matière d’infractions
par imprudence, la jurisprudence a recours a la théorie des « fautes conju-
guées » pour retenir la responsabilité pénale de tous les participants à une
action commune dangereuse ayant contribué à créer le résultat dommageable.
Parfois, plusieurs personnes sont alors condamnées sans pouvoir détermi-
ner avec précision laquelle a effectivement causé la mort ou les blessures de
la victime, comme par exemple le cas de deux conducteurs heurtant la même
victime à quelques secondes d’intervalle et causant ainsi sa mort (Crim. 12 avr.
1930, Bull. crim. no 214). Un raisonnement similaire est adopté en matière
d’infractions intentionnelles commises au sein d’un groupe, la chambre
criminelle jugeant que lorsque des blessures ont été faites volontairement
par plusieurs prévenus au cours d’une scène unique de violences, l’infraction
peut être appréciée dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire, pour les
juges du fond, de préciser le nature des coups portés par chacun des préve-
nus à chacune des victimes (Crim. 13 juin 1972, no 71-92.246, RSC 1973. 879,
obs. Larguier). De même, a été approuvée la condamnation, pour le crime
de tortures et actes de barbarie, de plusieurs personnes agissant en coaction
qui avaient soumis la victime à des actes d’une gravité exceptionnelle ayant
causé une douleur aiguë et continue et révélateurs d’une volonté de nier sa
dimension humaine, même si l’un des participants a porté des coups moins
violents que les autres (Crim. 26 févr. 2020, no 19-87.496).
Par ailleurs, la pluralité d’auteurs est souvent une cause d’aggravation
de la répression car la coaction est jugée plus dangereuse que l’action d’un
auteur unique. Il en va ainsi en matière de viol qui est puni de 20 ans de réclu-
sion criminelle (au lieu de 15) lorsqu’il est commis par plusieurs personnes
(art. 222-24 CP). Cette circonstance aggravante doit être distinguée de la bande
organisée qui suppose également une pluralité de participants et qui est
définie comme « tout groupement formé ou entente établie en vue de la prépara-
tion, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’une ou plusieurs infractions »
(art. 132-71 CP). Sont ainsi aggravées de nombreuses infractions lorsqu’elles
sont commises en bande organisée, comme par exemple le vol (art. 311-9 CP)
ou le meurtre (art. 221-4 CP).
L’auteur ou le coauteur peuvent agir selon différentes modalités (A) et il
arrive même qu’une personne autre que celle ayant matériellement commis
l’infraction se trouve pénalement impliquée lorsque les faits peuvent être
rattachés au chef d’entreprise (B).

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A. Les modalités de l’action criminelle

Partie 2 • La responsabilité pénale


Le responsable de l’infraction peut être un auteur matériel ou un auteur
moral (1) et il peut être l’auteur direct ou l’auteur indirect des faits (2).

1. Auteur matériel et auteur moral


L’auteur de l’infraction étant celui qui accomplit personnellement tous
les éléments constitutifs de celle-ci, il est en principe un auteur matériel, en
d’autres termes l’exécutant des faits incriminés. L’auteur matériel s’oppose
à l’auteur moral ou intellectuel qui n’accomplit pas matériellement les actes
incriminés mais fait commettre l’infraction par un tiers. La difficulté majeure
dans l’appréhension de l’auteur moral réside dans le fait que son compor­
tement ne correspond pas à celui décrit par la loi. Pourtant, l’auteur moral
de l’infraction peut lui aussi être appréhendé pénalement, par le biais de la
provocation. À ce titre, il est en principe traité comme un complice par insti-
gation (v. infra). Mais l’auteur moral est de plus en plus souvent assimilé à
un auteur principal afin de contourner les limites inhérentes au régime de
la complicité. À défaut de texte légal incriminant l’instigation de manière
générale, il arrive dans certains cas que l’instigateur soit appréhendé à titre
autonome tant par la loi que par la jurisprudence.
D’une part, la loi incrimine parfois à titre autonome le comportement
de l’auteur moral pour étendre le champ de la répression en éludant la règle
de la criminalité d’emprunt. D’abord, le législateur réprime la provocation
à certains agissements qui ne sont pas eux-mêmes incriminés par la loi.
Tel est le cas lorsque le Code pénal sanctionne la provocation au suicide
(art. 223-13 CP). Ensuite, le législateur incrimine la provocation à certains
actes qui seraient bien constitutifs d’une infraction, mais dans l’hypothèse
où cette infraction n’aurait été ni consommée ni même tentée. Ainsi en est-il
lorsque le Code pénal punit la provocation à l’assassinat ou à l’empoi­son­
nement non suivie d’effet (art. 221-5-1 CP), appelée aussi « mandat criminel ».
De la même manière, la loi sanctionne le fait de provoquer directement un
mineur à commettre un crime ou un délit (art. 227-21 CP) ou encore la provo-
cation aux actes de terrorisme (art. 421-2-5 CP). En outre, ces incriminations
autonomes permettent de renforcer les peines applicables à l’auteur moral
lorsque son implication dans l’infraction est jugée plus dangereuse que celle
de l’auteur matériel. Par exemple, l’article 227-18 du Code pénal punit la provo-
cation d’un mineur à l’usage illicite de stupéfiants de 5 ans d’emprisonne-
ment et 100 000 euros amende, alors que l’article L. 3421-1 du Code de la santé
publique punit l’infraction d’usage illicite de stupéfiants de 1 an d’emprison-
nement et 3 750 euros d’amende. Enfin, il existe des incriminations qui sont
rédigées de telle sorte qu’elles permettent de réprimer non seulement celui
qui fait mais aussi celui qui fait faire. Il en va ainsi du génocide qui est défini

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comme le fait, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale
ou partielle d’un groupe, de commettre ou de faire commettre l’un des actes
énumérés par l’article 211-1 du Code pénal.
D’autre part, en dehors des hypothèses légales, la jurisprudence assimile
parfois l’auteur moral à l’auteur matériel, en raison du rôle essentiel qu’il
joue dans la réalisation des faits. Si sa participation aurait dans certains cas
pu être appréhendée au titre de la complicité, la décision de le traiter comme
un auteur principal est alors avant tout symbolique, car la répression reste
la même pour le complice et l’auteur. Ce raisonnement se rencontre essen-
tiellement dans deux cas de figure. En premier lieu, lorsque l’auteur moral
exerce sur l’auteur matériel une autorité de sorte que ce dernier apparaît
comme un simple instrument d’exécution. Ainsi, a été condamné comme
auteur de violations de correspondances le directeur de banque qui avait
ordonné à une employée d’ouvrir tous les courriers parvenant à la banque
(Crim. 14 déc. 1974, RSC 1976. 496). En second lieu, lorsque l’auteur moral, en
raison de son emprise sur les faits, apparaît comme le véritable organisa-
teur de l’infraction. Tel a été le cas d’un chef d’entreprise condamné comme
auteur d’abus de faiblesse pour avoir organisé des ventes de textiles illégales
à des personnes âgées, une autre personne ayant matériellement réalisé le
délit (Crim. 1er févr. 2000, no 99-84.378). Cela étant, la responsabilité pénale
de l’auteur moral n’exclut pas pour autant celle de son subordonné comme le
rappelle la jurisprudence en précisant que « le fait de s’être conformé aux ordres
de son supérieur hiérarchique ne constitue pour un prévenu ni un fait justificatif
ni une excuse lui permettant d’échapper aux conséquences du délit de dénoncia-
tion calomnieuse » (Crim. 4 oct. 1989, no 89-80.643).

2. Auteur direct et auteur indirect


L’auteur de l’infraction peut être directement ou indirectement à l’ori-
gine du résultat dommageable. En principe, il s’agit d’un auteur direct, en
ce sens que son comportement est directement et immédiatement à l’origine
du résultat visé par le texte d’incrimination ou qu’il en est la cause détermi-
nante. Le législateur admet cependant, à titre exceptionnel, la responsabilité
pénale de l’auteur indirect, c’est-à-dire la personne qui a « créé ou contribué
à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage » ou qui s’est abste-
nue de prendre « les mesures permettant » d’éviter la survenance du dommage
(art. 121-3 CP).
La distinction entre auteur direct et auteur indirect renvoie au problème du
lien de causalité. Si la jurisprudence exige un lien de causalité certain entre
le comportement et le dommage (Crim. 5 oct. 2004, Bull. crim. no  23 ; RSC 2005.
1, obs. Mayaud), la consistance de ce lien de causalité peut varier, selon le rôle
causal direct ou indirect de l’auteur. Mais, on l’a vu, lorsque l’auteur indirect
d’une infraction non-intentionnelle est une personne physique, il ne peut être

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Partie 2 • La responsabilité pénale
tenu pour pénalement responsable qu’à la condition d’avoir commis une faute
qualifiée, alors qu’une faute simple suffit en cas de causalité directe (v. supra).
Parmi les auteurs indirects se trouve notamment le chef d’entreprise dont la
responsabilité pénale présente quelques particularités.

B. La responsabilité pénale du chef d’entreprise


Le chef d’entreprise est souvent tenu pour responsable pénalement du
fait d’infractions matériellement commises par ses employés, parce qu’il
en a permis la réalisation. Sa responsabilité résulte donc du fait d’avoir laissé
l’un de ses préposés commettre une infraction liée au fonctionnement de
l’entreprise ou, plus précisément, une violation de la réglementation appli-
cable à l’activité de l’entreprise et pénalement réprimée. La jurisprudence a
ainsi admis que « si en principe, nul n’est passible de peines qu’à raison de son fait
personnel, la responsabilité pénale peut cependant naître du fait d’autrui dans les
cas exceptionnels où certaines obligations légales imposent le devoir d’exercer une
action directe sur les faits d’un auxiliaire ou d’un subordonné » (Crim. 28 févr.
1956, Widerkehr, no 53-02.879, JCP G 1956. II. 9304, note de Lestang).
La responsabilité pénale du chef d’entreprise a été consacrée essen­tiel­lement
dans le domaine de la réglementation relative à l’hygiène et à la sécurité des
travailleurs (Crim. 27 sept. 1839, Bull. crim. no 313), la chambre criminelle
énonçant que « le chef d’entreprise doit veiller personnellement à la stricte et constante

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exécution des dispositions édictées par le Code du travail ou des règlements pris pour
son application en vue d’assurer l’hygiène et la sécurité des travailleurs » (Crim. 27 mai
2015, no 13-87.616). Plus largement, cette responsabilité trouve à s’appliquer en
matière d’infractions par imprudence causant un dommage corporel, princi-
palement les homicides ou les blessures involontaires résultant d’accidents du
travail. Mais la jurisprudence admet également la responsabilité des dirigeants
en présence d’infractions intentionnelles commises dans le cadre de l’activité
de l’entreprise. C’est ainsi que la chambre criminelle a admis que le chef d’entre-
prise pouvait engager sa responsabilité du fait d’un déversement volontaire
d’eaux résiduaires nuisibles au poisson, bien que la pollution des eaux se soit
produite sans sa participation matérielle (Crim. 28 févr. 1956, préc.). Parfois, la
responsabilité du chef d’entreprise découle même d’un texte spécial, comme par
exemple de l’article L. 4741-1 du Code du travail qui sanctionne « l’employeur ou
son délégataire » qui méconnaît les règles d’hygiène ou de sécurité.
Si la responsabilité pénale du chef d’entreprise pose donc la question de
l’admission d’une responsabilité pénale du fait d’autrui, elle est soumise à
des conditions particulières (1) et il existe une cause permettant de s’exoné-
rer de sa responsabilité (2).

1. Les conditions de la responsabilité pénale du chef d’entreprise


Pour pouvoir retenir la responsabilité pénale du chef d’entreprise, il
convient de démontrer qu’un préposé a commis une infraction à une légis-
lation générale ou spéciale que l’employeur avait l’obligation de faire respec-
ter (Crim. 22 sept. 2015, no 14-83.202). Ce dernier est alors présumé avoir
commis une faute puisqu’il n’a pas empêché l’infraction de se produire. En
dépit de l’agissement d’un tiers, la responsabilité du chef d’entreprise est
donc fondée sur sa faute personnelle. En effet, il est responsable car il avait
l’obligation de veiller au respect de la législation dans son entreprise et s’est
montré négligent en n’exerçant pas correctement son devoir de contrôle et
de surveillance sur ses préposés. Il s’agit donc bien d’une responsabilité du
fait personnel avec un fondement subjectif, le fait d’autrui jouant seulement
comme le révélateur de sa propre faute. La Cour de cassation rappelle ainsi
que « l’employeur commet une faute personnelle en ne veillant pas lui-même à la
stricte et constante exécution des dispositions édictées par le Code du travail et les
règlements pris pour son application en vue d’assurer la sécurité des travailleurs »
(Crim. 26 oct. 2010, no 10-80.414).
Cette responsabilité présente cependant la particularité de permettre
d’imputer au chef d’entreprise, lequel commet le plus souvent une faute de
négligence par omission, des infractions de commission, voire des infrac-
tions intentionnelles (telles que la publicité illicite en faveur du tabac : Crim.
28 oct. 1998, Bull. crim. no 281). En outre, la présomption de faute pesant sur
le chef d’entreprise apparaît comme quasi-irréfragable, dans le sens où il ne

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Partie 2 • La responsabilité pénale
lui est pas permis de s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’il n’a
pas commis de faute. Enfin, l’appréciation par les juges de la faute à l’origine
de la responsabilité pénale du chef d’entreprise est particulièrement sévère,
dans la mesure où celui-ci détient les pouvoirs économiques et de direction
ainsi que le pouvoir disciplinaire et doit, corrélativement, en assumer les
conséquences. Sa responsabilité peut alors paraître quelque peu automatique,
en étant rattachée à sa seule qualité de dirigeant. Même la loi no 2000-647 du
10 juillet 2000, qui avait pour but d’alléger la responsabilité pénale des décideurs
en exigeant une faute qualifiée dans le cas d’une causalité indirecte, n’a pas
conduit, dans la pratique, à alléger celle des chefs d’entreprise. La Cour de
cassation retient en effet facilement une faute caractérisée ou délibérée à leur
égard, ou les traite comme des auteurs directs du dommage afin de renforcer
leurs obligations en matière de sécurité. Il existe toutefois une cause permet-
tant au chef d’entreprise de s’exonérer de sa responsabilité.

2. L’exonération du chef d’entreprise


La seule manière pour le chef d’entreprise de se dégager de sa responsa-
bilité est de prouver qu’il avait délégué ses pouvoirs à une personne investie
par lui du pouvoir de direction ou de surveillance dans le domaine concerné
et pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour
éviter la commission de l’infraction (Crim. 11 mars 1993, 5 arrêts, Bull. crim.
no 112). Cette personne devient en conséquence responsable à sa place (Crim.
23 janv. 1975) car c’est elle qui détenait le pouvoir de décision et l’autorité lui
permettant de veiller à l’observation des lois et règlements. Le délégataire
peut à son tour s’exonérer en rapportant la preuve d’une subdélégation (Crim.
4 avr. 2018, no 17-83.555) qui avait été autorisée par le dirigeant. L’absence de
délégation peut d’ailleurs être reprochée au chef d’entreprise, notamment
dans les grandes structures, en ce qu’elle révèle une faute d’organisation.

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La délégation du chef d’entreprise n’est pas nécessairement écrite, mais
elle doit être certaine et exempte d’ambiguïté (Crim. 27 févr. 1979), avoir été
acceptée par le salarié délégataire (Crim. 2 mars 1977, no 76-90.895, Bull.
crim. no 85) et concerner un domaine d’activité précis (Crim. 25 juin 2013,
no 11-88.037). Le dirigeant doit enfin éviter de prendre une part personnelle
à la réalisation de l’infraction, car cette immixtion dans les fonctions du
délégué priverait ce dernier de l’autorité qui lui avait été transférée (Crim.
24 mai 2016, no 14-88.401), de sorte que le chef d’entreprise serait de nouveau
responsable pénalement.

II. La complicité

La complicité est une forme de participation punissable à l’infraction


commise par autrui. Le complice ne commet pas lui-même les éléments
constitutifs de l’infraction, mais s’associe, de manière accessoire, à l’infrac-
tion principale dont il favorise l’accomplissement. La complicité est soumise
à plusieurs conditions (A) et fait l’objet d’une répression particulière (B).

A. Les conditions de la complicité


Les conditions de la complicité ressortent de l’article 121-7 du Code pénal,
aux termes duquel « est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciem-
ment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation. Est
également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’auto-
rité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la
commettre ». La complicité, pour être punissable, doit donc consister en une
participation accessoire (2) à un fait principal punissable (1).

1. Un fait principal punissable


Il ressort de l’article 121-7 du Code pénal que la nature du fait principal
est variable, mais que celui-ci doit, en tout état de cause, être punissable.
En premier lieu, concernant la nature du fait principal, la loi distingue
en fonction de la forme de l’acte de complicité. En effet, la complicité par
instigation est punissable quelle que soit la forme de l’infraction principale,
qui peut donc être un crime, un délit ou une contravention. En revanche, la
complicité par aide ou assistance n’est en principe punissable qu’en matière
de crime ou de délit. En matière de contraventions, la complicité par aide ou
assistance n’est punissable que si le règlement le prévoit expressément (p.ex.
l’art. R. 625-1 CP sur les violences volontaires). Dans cette dernière hypothèse,
la complicité ne peut alors être que spéciale, c’est-à-dire propre au manque-
ment considéré.

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En second lieu, le fait principal doit être objectivement punissable. Une

Partie 2 • La responsabilité pénale


personne ne peut donc être poursuivie pour complicité que si l’action de
l’auteur principal était effectivement infractionnelle. Dans le cas contraire,
le comportement du participant accessoire échappe à la répression. Cette
règle s’explique par la théorie de l’ « emprunt de criminalité », selon laquelle
l’action du complice n’a pas de criminalité propre mais emprunte la crimina-
lité de l’auteur principal. Ainsi, si le comportement de l’auteur ne revêt aucun
caractère criminel, celui du complice ne l’est pas davantage. Par exemple, le
suicide n’étant pas punissable, celui qui provoque une personne à se suici-
der ne saurait être poursuivi sur le terrain de la complicité. En revanche, la
provocation au suicide constitue une infraction autonome, l’instigateur étant
donc répréhensible en sa qualité d’auteur (art. 223-13 CP). Il n’y a pas non
plus complicité punissable si le fait principal est couvert par un fait justifi-
catif, par la prescription de l’action publique ou si son incrimination a été
abrogée. En revanche, si le fait principal est objectivement punissable sans
pouvoir être poursuivi pour des raisons qui tiennent à son auteur (lorsque
celui-ci est inconnu, décédé, en fuite ou relaxé car atteint d’un trouble mental
par exemple), le complice peut, lui, être condamné car la culpabilité du
complice est indépendante du sort de l’auteur principal. D’ailleurs, la Cour
de cassation se contente d’un fait principal punissable dans sa dimension
matérielle, quand bien même l’élément moral ferait-il défaut. Elle a ainsi
admis la condamnation pour complicité par instigation d’une personne qui
avait organisé une exportation illicite de stupéfiants, alors même que l’auteur
matériel du délit était relaxé faute d’intention coupable, en ce qu’il ignorait
que la drogue avait été cachée dans son véhicule (Crim. 8 janv. 2003, JCP 2003.
II. 10159, note Jeandidier ; D. 2003. 2661, note Bonis-Garçon ; D. 2004. Somm.
310, obs. de Lamy).
Le fait principal punissable peut être une infraction consommée ou seule-
ment tentée. Dès lors qu’il y a un commencement d’exécution, la complicité
de tentative est également punissable. En revanche, la « tentative de compli-
cité » ne l’est pas : lorsque le fait auquel le complice souhaitait s’associer n’est
ni consommé ni tenté, il n’y a pas d’infraction principale, donc pas de compli-
cité punissable. Cette solution a été dégagée par la chambre criminelle dans
l’affaire Schieb et Benamar, qui a donné lieu à un arrêt du 25 octobre 1962 : un
individu avait chargé un autre de tuer sa femme, en lui remettant une somme
d’argent et une arme et en lui donnant toutes indications utiles ; mais l’inté-
ressé s’est désisté avant d’être passé à l’action, à la suite d’une dénonciation.
L’assassinat n’ayant été ni consommé ni tenté, l’instigateur échappait à toute
répression car en l’absence d’infraction principale punissable, il ne pouvait
pas y avoir de complicité (Crim. 25 oct. 1962, Schieb et Benamar ; v. aussi, dans
le même sens, Crim. 25 oct. 1962, Lacour : Bull. crim. no 292 et 293 ; D. 1963. 221
note Bouzat ; JCP 1963. II. 12986, note Vouin). C’est cette impunité regrettable

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qui a conduit le législateur à créer, en 2004, le mandat criminel (art. 221-5-1 CP)
afin d’appréhender de manière autonome l’auteur moral en cas de provoca-
tion non suivie d’effet (cf. supra).

2. Une participation accessoire


Le complice ne commet pas lui-même le délit mais il s’associe, en connais-
sance de cause, à l’infraction d’autrui. Pour être punissable, sa participation
doit s’opérer selon l’un des modes prévus par la loi (a) et revêtir un caractère
intentionnel (b).

a. Les modes de complicité


L’article 121-7 du Code pénal distingue deux modes de complicité : l’aide
ou l’assistance et l’instigation.
En premier lieu, la complicité par aide ou assistance consiste pour l’agent
à faciliter la préparation ou la consommation de l’infraction (art. 121-7, al. 1er
CP). Il peut s’agir d’une fourniture de moyens matériels (comme la fourniture
d’une arme, le fait de guetter l’arrivée des forces de l’ordre pendant un vol à
main armée, ou le fait de tenir la victime pendant qu’une autre personne la
viole) ; ou d’un soutien moral, consistant à encourager la personne à commettre
l’infraction. Le complice par aide ou assistance se comporte ainsi comme
un assistant du délinquant principal et contribue matériellement à la réali-
sation du délit.
En second lieu, la complicité par instigation peut prendre la forme d’une
provocation ou d’une fourniture d’instructions (art. 121-7, al. 2 CP). La provoca-
tion consiste à inciter l’auteur, par différents moyens (don, promesse, menace,
ordre, abus d’autorité ou de pouvoir), à commettre l’infraction. Telle est l’hypo-
thèse du mandat criminel consistant à engager un « homme de main » qui
met l’acte à exécution. Cette provocation doit être circonstanciée et suivie
d’effet. La fourniture d’instructions consiste pour l’agent à donner à l’auteur
des indications destinées à faciliter la commission de l’infraction. Les rensei-
gnements fournis (par exemple sur l’adresse de la victime d’un enlèvement ou
les codes d’accès au coffre d’une banque) doivent être suffisamment précis.
Le complice par provocation ou par fourniture d’instructions est un instiga-
teur, à l’image de l’auteur moral (cf. supra). Il favorise intel­lec­t uel­lement la
réalisation de l’infraction par l’auteur principal.
Quel que soit le mode de complicité opéré, il convient de préciser deux
conditions nécessaires à toute complicité punissable. D’une part, tout acte de
complicité est nécessairement un acte antérieur ou concomitant à la réali-
sation du délit. Il n’y a pas de complicité a posteriori, de sorte qu’une assis-
tance postérieure à la commission de l’infraction ne constitue, en principe,
pas un acte de complicité. Il en va autrement, toutefois, si cette aide résulte

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d’un accord antérieur à l’infraction (Crim. 30 avr. 1963, Bull. crim. no 157).

Partie 2 • La responsabilité pénale


Par ailleurs, un tel comportement peut constituer une infraction autonome
lorsque la loi le prévoit, comme par exemple le recel de criminel (art. 434-6
CP), le recel d’une chose (art. 321-1 CP) ou le blanchiment (art. 324-1 CP).
D’autre part, l’acte de complicité est nécessairement un acte positif. Il n’y
a pas, en principe, de complicité par abstention. Celui qui ne fait rien pour
empêcher la commission d’une infraction ne peut donc être poursuivi en tant
que complice de cette infraction. Un tel comportement passif peut cependant
être considéré comme un acte de complicité dès lors qu’il résulte d’une collu-
sion punissable entre l’auteur et le complice. Il en va ainsi lorsque le complice
a la volonté de laisser l’auteur commettre l’infraction alors qu’il a le pouvoir
de s’y opposer, voire le devoir professionnel de l’empêcher (p.ex. le douanier
qui se rend complice d’un vol de marchandises qu’il devait surveiller : Crim.
27 oct. 1971, Bull. crim. no 384). Parfois, la jurisprudence estime même que
la simple présence au sein d’un groupe d’agresseurs constitue un encoura-
gement moral de l’auteur des faits et donc un acte de complicité. Le législa-
teur a également introduit un cas spécial de complicité, relatif à la pratique
dite du « happy slapping », qui consiste à enregistrer des images relatives à la
commission de violences, d’un viol ou d’agressions sexuelles (art. 222-33-3 CP).
Enfin, l’abstention coupable peut être appréhendée de manière autonome,
sur le fondement de l’incrimination de l’omission d’empêcher un crime ou
un délit contre les personnes (art. 223-6, al. 1er CP) ou de la non-assistance à
personne en péril (art. 223-6 CP).
La participation du complice peut être directe ou indirecte. La compli-
cité indirecte ou « complicité de complicité » est en effet admise par la juris-
prudence dès lors que la participation au projet criminel est consciente et
voulue. Ainsi, a pu être considéré comme un complice d’assassinats et de
destructions de biens immobiliers par incendie l’individu qui avait donné des
instructions précises à un intermédiaire, lui-même complice, lequel les avait
transmises aux exécutants chargés de mettre le feu à un club de chasse (Crim.
30 mai 1989, no 89-81.578). De même, la Cour de cassation a-t-elle approuvé
la condamnation pour complicité de recel d’un surveillant pénitentiaire qui
a ordonné à un autre surveillant d’avertir un détenu concernant une fouille
imminente de sa cellule, afin qu’il puisse cacher son téléphone portable qu’il
avait obtenu de manière illicite : « l’aide ou l’assistance apportée, en connais-
sance de cause, à l’auteur du délit, même par l’intermédiaire d’un autre complice,
constitue la complicité incriminée par l’article 121-7 du code pénal » (Crim. 5 juin
2019, no 18-80.783).
Si le complice est donc un participant accessoire et non un acteur princi-
pal, la distinction entre la complicité et la coaction n’est pas toujours nette
dans la pratique. Il arrive ainsi que la jurisprudence, pour les besoins de la
répression, traite un coauteur comme un complice ou un complice comme

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un coauteur. La première hypothèse, celle du coauteur assimilé au complice,
correspond à la théorie de la « complicité corespective », dégagée par la Cour
de cassation dans l’arrêt Igneux du 9 juin 1848, en déclarant que « le coauteur
d’un crime aide nécessairement l’autre coupable dans les faits qui consomment
l’action, et devient par la force des choses légalement son complice ». Cette solution
permettait, sous l’empire de l’ancien Code pénal, d’appliquer la même peine
à l’auteur et au complice, en vertu du principe, aujourd’hui abandonné, de l’
« emprunt de pénalité ». Dans l’arrêt Igneux, le complice a ainsi été condamné
à la peine de mort pour le parricide commis, par lui et par sa femme, sur la
mère de celle-ci, alors même qu’il n’était pas lui-même le fils de la victime.
Les circonstances aggravantes personnelles n’étant plus aujourd’hui trans-
missibles au complice, le raisonnement a donc perdu de son intérêt. Il permet
cependant, en cas de violences perpétrées en groupe, d’imputer à tous les
participants les blessures les plus graves, en considérant que chacun est
le complice de celui qui a porté le coup causal du dommage (Crim. 25 févr.
1975, Bull. crim. no 65). La seconde hypothèse, celle du complice assimilé au
coauteur, correspond à la figure de l’instigateur ou auteur moral (v. supra) qui
est en principe traité comme un complice par instigation. La jurisprudence
le traite cependant parfois comme un coauteur. De même, en présence d’un
groupe d’agresseurs, les juges peuvent qualifier de coauteur celui qui parti-
cipe activement au projet criminel en connaissance de cause, même s’il ne
commet pas lui-même tous les actes matériels constitutifs de l’infraction
(Crim. 2 nov. 2017, no 17-84.813, concernant une tentative d’assassinat).

b. Le caractère intentionnel de la complicité


Le complice doit avoir la conscience et la volonté de s’associer au fait
principal punissable. Autrement dit, il agit sciemment, en toute connais-
sance de cause. Il ne s’associe pas fortuitement à l’infraction commise par
autrui. Ainsi, par exemple, celui qui prête une arme à un tiers sans savoir
que celui-ci l’utilisera pour commettre un meurtre, ne saurait être considéré
comme le complice de ce crime. Il convient donc de démontrer le caractère
volontaire de l’acte de complicité et la conscience de favoriser ainsi la réali-
sation de l’infraction principale. Cependant, dans un souci de répression, la
jurisprudence se contente d’une adhésion de principe au projet criminel de
l’auteur. Elle n’exige pas un accord complet entre l’auteur et le complice et
retient la complicité quand bien même le complice n’aurait-il pas eu connais-
sance du fait principal de manière détaillée.
L’état d’esprit du complice n’est pas nécessairement identique à celui de
l’auteur principal. C’est ainsi qu’une personne peut être poursuivie comme
complice d’un acte qui requiert un dol spécial sans avoir été elle-même animée
de cette intention particulière. La Cour de cassation a pu juger, en ce sens, qu’il
n’était pas nécessaire que le complice d’un crime contre l’humanité ait adhéré
à la politique d’extermination menée par l’auteur principal, dès lors qu’il en a

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Partie 2 • La responsabilité pénale
eu connaissance et s’est volontairement associée à l’action de l’auteur (Crim.
23 janv. 1997, Papon, no 96-84.822, JCP 1997. II. 22812, note Robert). De même,
la jurisprudence admet-elle la complicité d’une infraction non-intention-
nelle, dès lors que l’agissement du complice est volontaire. Cette hypothèse
est controversée en raison du caractère intentionnel de la complicité qui
s’accorde, a priori, mal avec une infraction commise par imprudence ou par
négligence. Ainsi, lorsqu’une personne participe à l’imprudence d’autrui, la
jurisprudence la traite le plus souvent comme un coauteur, par le biais de la
causalité indirecte. En ce sens, a été considéré comme auteur indirect d’un
homicide involontaire la personne qui a prêté son véhicule à une personne
ivre et dépourvue de permis, qui a causé cet homicide (Crim. 14 déc. 2010,
no 10-81.189). La même solution a été retenue à propos d’un professeur qui,
négligeant son devoir de surveillance à l’issue d’une fête organisée dans l’école,
a laissé un élève alcoolisé partir au volant d’une automobile dans laquelle il
s’est tué (Crim. 12 janv. 2010, no 09-81.799). Mais la Cour de cassation retient
également, dans certains arrêts, la complicité du participant accessoire dès
lors que la loi n’opère aucune distinction selon le caractère intentionnel ou
non du fait principal (Crim. 4 févr. 1898 ; Crim. 14 déc. 1934). Aujourd’hui, elle
semble notamment admettre la complicité lorsque l’infraction reprochée à
l’auteur principal repose sur une imprudence consciente et délibérée, et
que le complice avait conscience de s’y associer. Une telle solution a d’abord
été retenue en matière de mise en danger délibérée d’autrui, délit qui repose
sur un dol éventuel mais qui peut être qualifié d’intentionnel (Crim. 6 juin
2000, no 99-85.937, concernant un individu qui avait ordonné à son chauffeur
de s’engager dans un carrefour très fréquenté alors que le feu de signalisa-
tion était rouge). Puis, la solution a été étendue aux infractions non-inten-
tionnelles en présence d’une faute qualifiée : la chambre criminelle a ainsi
approuvé la condamnation pour complicité de blessures involontaires, par
manquement délibéré à une obligation particulière de sécurité ou de prudence,
d’un médecin attaché à un centre d’épilation par laser qui n’est intervenu à
aucun moment pendant les séances d’épilation suivies par la victime qui a
subi des brûlures causées par une mauvaise manipulation de la machine par
une employée du centre (Crim. 13 sept. 2016, no 15-85.046, RSC 2016. 760, obs.
Mayaud ; JCP 1067, note Rousseau). De même, a été approuvée la condamna-
tion pour complicité d’homicide involontaire d’une personne qui assumait la
maîtrise d’œuvre d’un chantier de construction d’immeubles à usage locatif,
et qui avait donné des instructions concernant des manœuvres illégales et
dangereuses, ayant conduit à la chute mortelle d’un ouvrier (Crim. 27 nov.
2018, no 17-82.773, AJ pénal 2019. 34, obs. Lemoine ; Dr. pén. 2019, comm. 23,
obs. Conte). Ces arrêts controversés montrent, une fois de plus, que la distinc-
tion entre l’auteur et le complice n’est pas toujours claire.

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Cela étant, le complice ne peut se voir imputer que des infractions qu’il
avait prévues ou qu’il pouvait prévoir, ce qui pose la question de la solution
à retenir en cas de discordance entre la volonté du complice et celle de
l’auteur. Lorsque l’infraction commise par l’auteur est différente de celle que
le complice avait projetée, il convient de distinguer différentes hypothèses.
D’abord, en cas de discordance totale entre l’infraction réalisée par l’auteur
et celle qui était initialement prévue, la complicité doit être écartée. Il en
va ainsi lorsqu’un homme fournit une arme à un autre individu pour qu’il
aille intimider son débiteur récalcitrant et que l’intéressé, n’ayant pas trouvé
le débiteur à son domicile, se dispute avec le mari de la concierge et le tue
avec cette arme : celui qui avait fourni l’arme utilisée n’est pas complice du
meurtre commis, faute d’avoir voulu s’y associer (Crim. 13 janv. 1955, Nicolaï,
DS 1955. 291, note Chavanne). Il n’y a pas non plus complicité lorsque l’auteur
principal change volontairement de victime par rapport au plan initial (Crim.
10 mars 1977, Bull. crim. no 91). Ensuite, en cas de discordance partielle entre
l’infraction projetée et celle réalisée par l’auteur mais lorsque celle-ci était
objectivement prévisible, la complicité est constituée. Il en va ainsi en cas
d’infraction de même nature mais de gravité différente, parce que le résul-
tat dépasse la volonté du complice (Crim. 21 mai 1996, no 95-84.252, Dr. pén.
1996. 213, obs. Véron), ou lorsque les modalités de l’infraction diffèrent de
celles du projet initial. La Cour de cassation considère en effet qu’il importe
peu que le complice ait ou non prévu et voulu les modalités particulières de
l’action principale dès lors que celle-ci correspond à son intention originaire,
de sorte qu’il en supporte toutes les conséquences (Crim. 26 déc. 1812). Ainsi
a-t-il été jugé qu’était complice du meurtre réalisé par électrocution celui qui
a fourni à l’exécutant des instructions pour se rendre chez la victime et la
tuer par strangulation (Crim. 31 janv. 1974, no 73-92.681, Bull. crim. no 50). Le
complice reste également responsable en cas d’erreur sur la victime (abera-
tio ictus) ou lorsque le nombre de victimes est supérieur à celui initialement
envisagé. Est ainsi complice du meurtre de six personnes se trouvant sur les
lieux l’instigateur de l’opération qui visait initialement à éliminer seulement
l’une d’entre elles (Crim. 19 juin 1984, no 84-91.908).

B. La répression de la complicité
Selon l’article 121-6 du Code pénal, « sera puni comme auteur le complice de
l’infraction ». Cela signifie que le complice encourt la même peine que s’il
était lui-même l’auteur de l’infraction principale. S’il est donc assimilé à un
auteur en ce qui concerne la répression, sa peine est déterminée par le juge
indépendamment de celle prononcée à l’encontre de la personne condam-
née pour l’infraction principale. Le principe de l’ « emprunt de pénalité », en
vigueur sous l’empire de l’ancien Code pénal, a en effet été abandonné lors de
l’adoption du Code pénal actuel. Il en résulte que les circonstances aggravantes
applicables à l’auteur principal ne se transmettent pas toutes au complice.

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Partie 2 • La responsabilité pénale
Les circonstances aggravantes personnelles à l’auteur, comme l’état de
récidive, ne s’appliquent pas au complice. Il en va de même des causes légales
d’atténuation de la peine qui tiennent à la personne de l’auteur, telles que la
minorité ; ou encore des causes subjectives d’irresponsabilité pénale, comme
le trouble mental. En revanche, les circonstances aggravantes réelles, c’est-
à-dire celles qui tiennent à la matérialité des faits (tels que l’usage d’une arme
ou l’effraction) s’étendent au complice (p.ex. la bande organisée : Crim. 11 janv.
2017, no 16-80.610, Gaz. Pal. 2017, no 8, p. 18, note Tellier-Cayrol). Pour les
circonstances aggravantes mixtes, c’est-à-dire les circonstances aggravantes
qui tiennent à la fois à la matérialité des faits et à la personne de l’auteur, la
Cour de cassation opère une distinction entre les circonstances qu’elle qualifie
de « matérielles » qui se transmettent à tous les participants (p.ex. la qualité
professionnelle : Crim. 7 sept. 2005, no 04-84.235, D. 2006. 835, note Dreyer ;
AJ pénal 2005. 413, obs. Royer ; Dr. pén. 2005, comm. 167, obs. Véron), et les
circonstances dites « morales » qui restent personnelles à chaque participant
(p.ex. la préméditation : Crim. 20 juin 2012, no 11-85.683).

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Chapitre 2
La responsabilité pénale
des personnes morales

La reconnaissance de la responsabilité pénale des personnes morales a


longtemps fait débat, comme en témoigne la célèbre citation de Léon Duguit
qui affirmait n’avoir « jamais déjeuné avec une personne morale », ce à quoi le
professeur Jean-Claude Soyer répondait : « moi non plus, mais je l’ai souvent
vue payer l’addition ». La question est délicate car les personnes morales
sont des entités abstraites qui, bien que possédant la personnalité juridique,
sont souvent considérées comme des fictions juridiques. Pourtant, elles ont
une réalité sociale et criminologique en ce qu’elles peuvent être à l’origine
d’infractions graves comme la corruption, les délits financiers ou les délits
contre l’environnement notamment. Souvent ces infractions sont commises
par des personnes physiques au bénéfice du groupement. Or, la nécessité de
reconnaître la responsabilité pénale des personnes morales est apparue à
plusieurs égards. D’abord, dans les grandes entreprises, il est souvent diffi-
cile de déterminer avec précision la personne physique à l’origine de l’infrac-
tion, ce qui peut conduire à une impunité regrettable. Ensuite, il peut paraître
injuste d’imputer aux personnes physiques, simples exécutants, des infrac-
tions commises au profit de la personne morale et dans son cadre d’activité.
Enfin, un argument pratique concerne la solvabilité des personnes morales
qui est souvent plus élevée que celle des personnes qui la composent. C’est
ainsi que le législateur français, lors de l’adoption du Code pénal de 1994, a
fait le choix de consacrer la responsabilité pénale des personnes morales,
à l’article 121-2. Le but de cette reconnaissance était principalement d’évi-
ter les condamnations trop fréquentes des dirigeants personnes physiques
(chefs d’entreprises ou maires) pour des fautes diffuses en raison de leur
seule qualité.
Si la responsabilité pénale des personnes morales est donc aujourd’hui
admise au même titre que celle des personnes physiques, on constate toutefois
qu’elle a été pensée à travers le prisme de l’action d’une personne physique. La
théorie de la faute collective ou diffuse, directement imputable au groupement,

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a en effet été écartée. Une personne morale ne peut donc être reconnue
coupable sur le fondement d’une faute qui serait directement et unique-
ment caractérisée en sa personne, tel qu’un défaut d’organisation interne.
Le régime de la responsabilité pénale des personnes morales est particulier
en ce qui concerne son domaine (I) et ses conditions d’application (II), ainsi
que ses conséquences (III).

I. Le domaine de la responsabilité pénale


des personnes morales

Initialement, la responsabilité pénale des personnes morales était gouver-


née par un principe de spécialité : elle ne pouvait être engagée que « dans les
cas prévus par la loi ou le règlement ». Elle a été généralisée à toutes les infrac-
tions par la loi no 2004-204 du 9 mars 2004 (entrée en vigueur le 31 décembre
2005), de sorte qu’une précision dans le texte d’incrimination n’est plus néces-
saire. Il existe toutefois des exceptions, telles que l’article 43-1 de la loi du
29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et l’article 93-4 de la loi no 82-652 du
29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, qui excluent la respon-
sabilité pénale des personnes morales en matière d’infractions de presse
(v. p.ex. Crim. 11 juill. 2017, no 16-84.859).
Toutes les personnes morales sont concernées par les dispositions de
l’article 121-2 du Code pénal, qu’il s’agisse de personnes morales de droit privé
ou de droit public, à la seule exception de l’État. Sont donc concernées les
sociétés, les associations et tout autre groupement, à la condition d’être dotées
de la personnalité juridique. L’exclusion de l’État s’explique par le fait que
celui-ci détient le monopole de la répression, la poursuite et la condamnation
des auteurs d’infractions pénales étant faites au nom de l’État qui ne pourrait
donc se punir lui-même. Par ailleurs, l’alinéa 2 de l’article 121-2 énonce que
« les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénale-
ment que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire
l’objet de conventions de délégation de service public ». La responsabilité pénale
des collectivités territoriales est ainsi restreinte aux infractions commises
dans le cadre d’activités délégables, c’est-à-dire pouvant être exercées par
des personnes privées. La Cour de cassation a précisé qu’est susceptible de
faire l’objet d’une convention de délégation de service public « toute activité
ayant pour objet la gestion d’un tel service lorsque, au regard de la nature de celui-ci
et en l’absence de dispositions légales ou réglementaires contraires, elle peut être
confiée, par la collectivité territoriale, à un délégataire public ou privé rémunéré,
pour une part substantielle, en fonction des résultats de l’exploitation » (Crim.
3 avr. 2002, Bull. crim. no 77). Cela exclut donc toute activité régalienne ou de
puissance publique. En ce sens, la jurisprudence a décidé que les activités
scolaires ne pouvaient faire l’objet d’une convention de délégation de service
public et ne permettaient donc pas la recherche de la responsabilité d’une

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Partie 2 • La responsabilité pénale
collectivité territoriale (dans l’affaire dite « du Drac » : Crim. 12 déc. 2000,
Bull. crim. no  371 ; Dr. pén. 2001, comm. 43, note Véron ; RSC 2001. 372, obs.
Bouloc ; Gaz. Pal. 23 déc. 2000. 42, note Petit). À l’inverse, ont été considérées
comme étant délégables la gestion d’un abattoir par un syndicat intercom-
munal (Crim. 23 mai 2000, no 99-80.008, Bull. crim. no 200), celle d’un théâtre
municipal (Crim. 3 avr. 2002, Bull. crim. no  77 ; D. 2003, somm. p. 243 obs.
Roujou de Boubée ; Dr. pén. 2002, comm. 95, note Véron ; RSC 2002. 810 obs.
Bouloc et p. 838 obs. Giudicelli-Delage), tout comme l’activité de ramassage
et de décharge des déchets collectés dans les poubelles publiques d’une
commune (Crim. 12 juill. 2016, no 15-81.924) ou l’organisation par cette collec-
tivité d’une fête locale (Crim. 28 juin 2016, no 15-83.862, Bull. crim. no 201).
Avec la disparition de la personnalité juridique de la personne morale,
sa responsabilité pénale doit également être écartée. Telle est la solution à
retenir en cas de dissolution de la personne morale (Crim. 15 nov. 2005, RPDP
2006. 380, obs. Pin). La jurisprudence retenait pendant longtemps la même
solution en cas de fusion-absorption, en jugeant, au visa du principe de person-
nalité des peines de l’article 121-1 du Code pénal, que la société absorbante
ne pouvait pas être poursuivie et condamnée pour des faits commis par la
société absorbée antérieurement à la fusion-absorption. Par un arrêt rendu
le 25 novembre 2020, la chambre criminelle a toutefois opéré un revirement
de jurisprudence en admettant la transmissibilité de la responsabilité pénale
d’une personne morale dans le cadre d’une fusion-absorption (Crim. 25 nov.
2020, no 18-86.955, AJ pénal 2020. 576, obs. Apelbaum et Battaglia), reconnais-
sant la réalité économique de l’opération de fusion-absorption et se confor-
mant ainsi à la position de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE,
5 mars 2015, aff. C-343/13, Modelo Continente Hipermercados SA c/ Autoridade
para as Condiçoes de Trabalho – Centro Local do Lis (ACT)). Par cet arrêt, la Cour
met donc un terme à l’impunité en cas de fraude à la loi, lorsque la fusion-
absorp­t ion avait pour objet de faire échapper la société absorbée à sa respon-
sabilité pénale.

II. Les conditions de la responsabilité pénale


des personnes morales

L’article 121-2 du Code pénal exige la commission d’une infraction par


un organe ou un représentant de la personne morale (A), pour le compte de
celle-ci (B).

A. Une infraction commise par un organe ou un représentant


La responsabilité des personnes morales est une responsabilité indirecte ou
par ricochet. On parle aussi d’une responsabilité du fait personnel par repré-
sentation ou d’une responsabilité par emprunt. C’est dire que la responsabilité

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des personnes morales est subordonnée à l’action d’une personne physique
qui doit jouer le rôle de relais : elle représente la personne morale et agit à
sa place. Une personne morale ne peut donc être reconnue coupable sur le
fondement d’une faute qui serait directement et uniquement caractérisée en
sa personne, tel qu’un défaut d’organisation interne (contrairement à l’idée
défendue par la théorie doctrinale de la « faute diffuse »). Ainsi, la Cour de
cassation a précisé que « la faute pénale de l’organe ou du représentant suffit,
lorsqu’elle est commise pour le compte de la personne morale, à engager la respon-
sabilité pénale de celle-ci, sans que doive être établie une faute distincte à la charge
de la personne morale » (Crim. 26 juin 2001, no 00-83.466, Bull. crim. no 161 ;
D. 2002. 1802, obs. Roujou de Boubée ; RSC 2002. 99, obs. Bouloc).
Seuls les organes ou représentants peuvent toutefois engager, par leurs
agissements, la responsabilité de la personne morale. Par organes ou repré-
sentants, il faut entendre toutes les personnes physiques qui ont le pouvoir
de direction de la personne morale (tel le maire d’une commune, le conseil
municipal, le président-directeur général d’une société, le conseil d’admi-
nistration…) ou qui la représentent juridiquement (mandataire, adminis-
trateur ou liquidateur judiciaire…). À l’inverse, la personne morale n’est pas
pénalement responsable des faits réalisés par ses autres membres, tels que
des salariés (Crim. 18 janv. 2000, no 99-80.318). Toutefois, par le biais de la
responsabilité pénale du chef d’entreprise (v. supra), une infraction, notam-
ment non-intentionnelle, commise par un salarié dans le cadre de ses fonctions
pourra remonter jusqu’à la société. Enfin, la jurisprudence considère comme
organes ou représentants les salariés de la personne morale délégataires
ou subdélégataires de pouvoirs (Crim. 30 mai 2000, no 99-84.212, Bull. crim.
no  206 ; JCP E 2001. 950, note Ferries ; D. 2001. 2350, obs. Roujou de Boubée ;
RSC 2000. 816, obs. Bouloc et p. 851, obs. Guidicelli-Delage), ce qui suppose
que ceux-ci soient « investis dans ce domaine de la compétence, de l’autorité et des
moyens nécessaires à l’exercice de leur mission leur conférant la qualité de représen-
tants de cette personne morale » (Crim. 15 nov. 2016, no 15-86.465). La délégation
de pouvoirs peut être « de droit ou de fait » (Crim. 17 oct. 2017, no 16-80.821).
Les dirigeants de fait sont également vus comme des représentants (Crim.
11 juill. 2017, no 16-86.092).
L’identification de la personne physique ayant agi au nom et pour le
compte de la personne morale semble primordiale à une bonne application
de la loi qui exige expressément une action d’une personne physique. Ainsi, il
faut établir les éléments constitutifs de l’infraction en la personne de l’organe
ou du représentant ce qui implique une identification de ceux-ci. Pourtant,
la jurisprudence a connu de remarquables évolutions concernant l’exigence
d’identification de la personne physique à l’origine de l’infraction. D’abord,
l’identification était exigée, avant d’être progressivement remise en cause,
la Cour de cassation ayant eu recours à un raisonnement par implication, en

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Partie 2 • La responsabilité pénale
établissant une présomption de responsabilité de la personne morale dès lors
que « l’infraction retenue n’a pu être commise, pour son compte, que par ses organes
ou représentants » (Crim. 20 juin 2006, Bull. crim. no  188 ; D. 2007. 617, note Saint-
Pau ; JCP G 2006. II. 10199, note Dreyer ; Dr. pén. 2006, comm. 128, note Véron ;
D. 2007. 1624, obs. Mascala ; RSC 2006. 825, obs. Mayaud ; Rev. sociétés 2006.
895, obs. Bouloc). Cette présomption, admise au départ pour les infractions
non-intentionnelles, a ensuite été étendue aux fautes intentionnelles (Crim.
1er déc. 2009, no 09-82.140, Dr. pén. 2010, comm. 74, note Véron ; D. 2010. 1663,
note Mascala ; JCP G 2010. 689, note Robert, concernant le délit de tromperie).
Enfin, la Cour est allée plus loin encore en ne faisant même plus référence à
l’organe ou au représentant, conduisant à une imputation directe de l’infrac-
tion à la personne morale (Crim. 9 mars 2010, no 09-80.543, Bull. crim. no  49 ;
D. 2010. 2135, note Maréchal ; RSC 2010. 617, note Mayaud ; RPDP 2010. 217, note
Mistretta). Mais par la suite, la jurisprudence a fait preuve d’un retour vers
un plus grand respect du texte en réaffirmant la nécessaire identification
de l’organe ou du représentant (Crim. 11 oct. 2011, affaire EDF, no  10-87.212 ;
Bull. crim. no  202 ; Dr. pén. 2011, comm. 149, note Véron ; JCP G 2011. 1385, note
Robert ; D. 2011. 2841, note Rials ; RSC 2011. 825, note Mayaud ; Rev. sociétés
2012. 52, note Matsopoulou ; RJDA 2012. 99, note Boccon-Gibod ; AJ pénal 2012.
35, note Bouloc ; RPDP 2012. 147, note Chevallier). Les juges du fond doivent
ainsi indiquer si l’infraction a été commise par un organe ou représentant
(Crim. 17 oct. 2017, no  16-87.249 ; Dr. pén. 2017, comm. 178, obs. Conte ; RSC
2017. 733, note Mayaud ; RTD com. 2017. 1011, note Saenko ; AJ pénal 2017. 541,
obs. Lasserre Capdeville) et par lequel des organes ou représentants (Crim.
31 oct. 2017, no  16-83.683 ; Dr. pén. 2018, comm. 2, note Conte ; JCP S 2018. 1024,
note Duquesne ; RSC 2017. 733, note Mayaud ; D. 2018. 658, note Saint-Pau).
La présomption d’implication semble donc abandonnée, la Cour exigeant la
référence à une personne physique (Crim. 16 avr. 2019, no 18-84.073) ayant
commis l’infraction pour le compte de la personne morale.

B. Une infraction commise pour le compte de la personne morale


La responsabilité pénale des personnes morales ne déroge pas au principe
de la personnalité de la responsabilité pénale (art. 121-1 CP), la personne
physique devant agir pour le compte de la personne morale. Les organes et
représentants sont donc considérés comme étant l’incarnation de la personne
morale et non des tiers.
La condition d’une infraction qui doit être commise pour le compte de
la personne morale peut signifier que les faits s’inscrivent dans le cadre de
ses activités ou sont commis dans son intérêt, ou encore qu’ils soient ratta-
chables aux fonctions ou aux missions confiées à ses organes ou représen-
tants. La jurisprudence adopte une interprétation large de cette condition
en admettant qu’il suffit que l’infraction soit commise par un organe ou

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représentant « agissant pour le compte » de la personne morale (Crim. 11 juill.
2017, no 16-86.092), même si les faits n’entrent pas dans son objet statutaire ou
s’ils ne lui sont pas effectivement profitables (Crim. 19 nov. 2013, no 12-86.554).
En outre, le fait que le représentant légal ait agi dans son propre intérêt
n’est pas nécessairement de nature à exclure qu’il l’ait fait également pour
le compte de la personne morale (Crim. 29 janv. 2020, no 17-83.577, Dr. pén.
2020, comm. 73, note Conte). Cependant, si la personne physique agit exclu-
sivement dans son intérêt personnel, la responsabilité pénale de la personne
morale ne saurait être engagée, comme par exemple dans l’hypothèse d’un
abus de biens sociaux commis par le dirigeant de la société, celle-ci apparais-
sant alors même comme la victime de l’infraction.

III. Les conséquences de la responsabilité pénale


des personnes morales

Lorsque la responsabilité pénale de la personne morale est engagée, elle


présente une certaine autonomie vis-à-vis de celle des personnes physiques
impliquées dans les mêmes faits. Il convient donc de déterminer l’articula-
tion des différentes responsabilités (A) ainsi que les peines encourues par
les personnes morales (B).

A. L’articulation avec la responsabilité pénale


des personnes physiques
En vertu de l’article 121-2 du Code pénal, les personnes morales sont,
comme les personnes physiques, pénalement responsables « selon les distinc-
tions des articles 121-4 à 121-7 » du Code pénal, c’est-à-dire en qualité d’auteur
ou de complice, d’une infraction consommée ou tentée, en fonction de la
nature du comportement de l’organe ou du représentant en cause. Il est
donc nécessaire de vérifier les conditions de la complicité en la personne
physique ayant agi pour le compte de la personne morale afin de déclarer
celle-ci coupable de complicité (Crim. 5 avr. 2018, no 15-86.574, Dr. pén. 2018,
comm. 104, note Conte).
L’article 121-2 prévoit également, en son alinéa 3, que « la responsabilité pénale
des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices
des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l’article 121-3 ».
Il en ressort qu’un cumul des responsabilités entre les personnes physiques
et morales pour les mêmes faits est possible, mais pas obligatoire. Ainsi, les
personnes physiques qui dirigent ou représentent la personne morale conti-
nuent, le cas échéant, d’engager en sus leur propre responsabilité pénale. Mais
la circulaire Crim-06-3/E8 du 13 février 2006 n’incite à rechercher le cumul
des responsabilités qu’en cas d’infraction intentionnelle.

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En cas de délit non-intentionnel, le cumul des responsabilités n’est d’ail-

Partie 2 • La responsabilité pénale


leurs pas toujours possible. En effet, la loi du 10 juillet 2000 relative aux délits
non-intentionnels ne fait pas de distinction entre auteur direct ou indirect
pour les personnes morales, de sorte qu’il n’y a pas lieu de distinguer selon le
lien de causalité et la nature de la faute commise. La preuve d’une faute simple
suffit par conséquent à engager la responsabilité de la personne morale, même
lorsqu’elle est l’auteur indirect de l’infraction. Or, pour les personnes physiques
au contraire, l’article 121-3, alinéa 4, du Code pénal prévoit qu’en matière de
délits d’imprudence, l’auteur indirect du dommage n’engage sa responsabi-
lité qu’en présence d’une faute qualifiée, c’est-à-dire délibérée ou caractéri-
sée. Par conséquent, en cas de faute simple de l’organe ou du représentant et
de causalité indirecte, seule la responsabilité pénale de la personne morale
pourra être engagée. Ainsi, il n’est pas nécessaire que la personne physique
agissant pour le compte de la personne morale soit reconnue coupable pour
que cette dernière soit condamnée. La Cour de cassation affirme clairement
que la responsabilité pénale de la personne morale peut être retenue « alors
même qu’en l’absence de faute délibérée ou caractérisée […], la responsabilité pénale
des personnes physiques, ne pourrait être recherchée » (Crim. 24 oct. 2000, Bull.
crim. no  308 ; JCP G 2001. II. 10535, note Daury-Fauveau ; Dr. pén. 2001, comm.
29, note Véron ; D. 2002. 514, note Planque ; RSC 2001. 156, obs. Mayaud).
On perçoit donc une certaine autonomie de la responsabilité des personnes
morales, la jurisprudence rappelant régulièrement que la relaxe du repré-
sentant de la personne morale n’entraîne pas automatiquement celle de la
société dont il avait engagé la responsabilité pénale par sa propre faute (Crim.
24 sept. 2019, no 18-85.348, Dr. pén. 2019, comm. 219).

B. Les peines encourues par les personnes morales


Certaines peines prévues pour les personnes physiques ne peuvent, par
leur nature même, s’appliquer aux personnes morales, d’autres sont inadap-
tées. Ainsi, les personnes morales ne sauraient notamment être privées de
leur liberté en étant incarcérées, ou encore être soumises à un suivi socio-judi­
ciaire avec injonction de soins ou placement sous surveillance électronique
mobile. Aussi, le législateur a-t-il prévu des peines spécifiques à l’encontre
de ces dernières. Les articles 131-37 et suivants du Code pénal établissent la
typologie des peines applicables aux personnes morales pénalement respon-
sables en vertu de l’article 121-2 du Code pénal. L’article 131-38 prévoit à cet
égard deux mécanismes de conversion des peines principales assortissant les
textes d’incrimination. D’une part, pour les infractions punies d’une amende,
le montant de celle-ci est quintuplé. D’autre part, en cas de crime non puni
d’amende, l’amende encourue par la personne morale est de 1 million d’euros.
Pour les contraventions, le juge remplacera le plus souvent l’amende par une
peine restrictive de droit.

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L’article 131-39 du Code pénal prévoit en outre les autres peines appli-
cables aux personnes morales en cas de crime ou délit. On y trouve notam-
ment la dissolution, les interdictions professionnelles, le placement sous
surveillance judiciaire, la fermeture d’établissement, l’exclusion des marchés
publics et la confiscation spéciale. On constate ainsi que le législateur a créé
une peine spécifique applicable exclusivement aux personnes morales et
qui est d’ailleurs particulièrement sévère : la dissolution qui fait perdre à la
personne morale sa personnalité juridique et entraîne ainsi juridiquement
sa « mort ».
Enfin, d’autres peines communes aux personnes physiques et morales
figurent dans les textes. En matière correctionnelle et contraventionnelle,
les personnes morales encourent la peine de sanction-réparation (art. 131-7
et 131-40 CP). Pour les contraventions de la cinquième classe, l’article 131-42
prévoit des peines de remplacement privatives ou restrictives de droits (l’inter-
diction d’émettre des chèques, la confiscation et la sanction-réparation). En
dernier lieu, l’article 131-43 prévoit les peines complémentaires applicables en
matière contraventionnelle (confiscation, interdiction de détenir un animal,
interdiction d’émettre des chèques).

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Titre 2
Les causes d’irresponsabilité pénale

Dès lors que l’infraction est établie en tous ses éléments constitutifs, son
auteur (ou le complice de celui-ci) voit en principe sa responsabilité pénale
engagée. Il existe cependant plusieurs hypothèses dans lesquelles il pourra
s’en exonérer, en invoquant pour sa défense une cause d’irresponsabilité
pénale. Ces causes d’impunité sont prévues dans un chapitre du Code pénal
intitulé « Des causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité ». Elles
sont de deux sortes : les causes objectives qui tiennent aux faits et neutra-
lisent le caractère punissable de l’infraction (chapitre 1), et les causes subjec-
tives qui tiennent à la psychologie de l’agent et font obstacle à l’imputation
des faits à leur auteur (chapitre 2).

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Chapitre 1
Les causes objectives d’irresponsabilité
pénale : les faits justificatifs

Lorsqu’un comportement est incriminé par la loi et constitué dans toutes


ses composantes – matérielle et morale – il est présumé illicite. Cependant,
le Code pénal énumère une série de circonstances qui ôtent au compor­
tement son caractère infractionnel. Il s’agit de ce que l’on appelle les faits
justificatifs qui viennent justifier un acte en raison de son utilité sociale,
ou à tout le moins son absence de nocivité sociale en ce sens qu’il est motivé
par un intérêt légitime. Ces faits justificatifs constituent des causes objec-
tives d’impunité, c’est-à-dire des causes d’irresponsabilité qui tiennent au fait
lui-même et non à la personne qui l’a commis. On dit par conséquent qu’ils
agissent in rem et non in personam, profitant à tous les participants à l’infrac-
tion justifiée. Outre la responsabilité pénale, les faits justificatifs font égale-
ment en principe disparaître la responsabilité civile, l’agent n’étant pas tenu
de réparer le préjudice causé du fait de son acte justifié (par exemple en cas
de légitime défense, Civ. 2e, 22 avr. 1992, no 90-14.586, Bull civ. II, no 127).
Les causes objectives d’irresponsabilité pénale font l’objet des articles 122-4
et suivants du Code pénal. Le Code pénal en envisage classiquement trois :
l’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime (I), la légitime
défense (II) et l’état de nécessité (III). Récemment, le législateur y a ajouté un
nouveau fait justificatif tenant à la protection des lanceurs d’alerte (IV).

I. L’ordre de la loi et le commandement


de l’autorité légitime

En vertu de l’article 122-4 du Code pénal, « N’est pas pénalement responsable


la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législa-
tives ou réglementaires.
N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé
par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ».

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Cet article distingue deux situations : l’ordre ou l’autorisation de la loi
(A), d’une part, et le commandement de l’autorité légitime (B), de l’autre.

A. L’ordre ou l’autorisation de la loi


Il ressort du premier alinéa de l’article 122-4 du Code pénal que n’est pas
punissable la personne qui agit sur l’ordre ou avec l’autorisation d’un texte,
car ce texte neutralise l’interdit qui figure dans le texte d’incrimination. La
personne qui agit conformément au texte qui lui confère certains pouvoirs – ou
l’oblige même à agir en ce sens – ne saurait logiquement être condamné
pénalement pour le même acte. Il en va ainsi du médecin qui alerte les autori-
tés judiciaires après avoir constaté des sévices subis par un mineur : il ne se
rend pas coupable de violation du secret professionnel dans la mesure où
l’article 222-14 du Code pénal précise que l’article 226-13 « n’est pas applicable
dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret » et vise plus préci-
sément cette hypothèse dans son 2°. N’est pas davantage responsable pénale-
ment l’agent infiltré qui, dans le cadre de son enquête, est amené à commettre
certaines infractions comme l’y autorise le Code de procédure pénale, telles
que l’acquisition et le transport de stupéfiants (art. 706-82). De même, tout
citoyen a-t-il le droit d’appréhender l’auteur d’une infraction flagrante afin de
le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche (art. 73 CPP),
sans se rendre coupable de séquestration.
La norme justificative est nécessairement de nature légale ou réglemen-
taire et doit être, dans la hiérarchie des normes, de valeur égale ou supérieure
au texte d’incrimination qu’elle vise à neutraliser. Ainsi, seule la loi peut venir
justifier un acte normalement qualifié de crime ou délit, et le règlement ne
peut déroger qu’à un interdit de nature contraventionnelle. À l’inverse, aucun
règlement ne saurait valablement justifier la violation de la loi. La même règle
vaut a fortiori pour la simple autorisation ou tolérance administrative (par exemple
à l’égard de la chasse d’oiseaux appartenant à une espèce protégée : Crim.
16 oct. 2018, no 17-86.802, Dr. pén. 2019, comm. 5, obs. Conte ; ibid. comm. 7,
obs. Robert) ou pour les circulaires. La coutume ne produit en principe d’effet
justificatif qu’en cas de mention expresse du législateur – comme c’est le cas
pour la tauromachie et le combat de coqs (art. 521-1, al. 4 CP). On constate
toutefois qu’en l’absence de toute norme écrite, la coutume permet de justi-
fier certains actes comme les circoncisions non thérapeutiques.
Il convient d’apporter quelques précisions concernant deux questions
particulières.
En premier lieu, il s’agit de l’usage de leurs armes par les forces de l’ordre.
Il est traditionnellement admis que les gendarmes peuvent, sur permission
de la loi (art. L. 2338-3 du Code de la défense), utiliser leur arme dans l’exer-
cice de leurs fonctions, par exemple pour immobiliser un véhicule en fuite.

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Partie 2 • La responsabilité pénale
La jurisprudence a eu l’occasion de préciser que la justification s’étendait
aussi bien aux fautes intentionnelles qu’aux fautes non intentionnelles, telles
qu’un homicide involontaire du conducteur automobile (Crim. 5 janv. 2000,
Bull. crim. no  3 ; D. 2000. 780, note de Lamy ; RSC 2000. 606, obs. Mayaud ; ibid.
817, obs. Bouloc). Face au contexte terroriste et aux revendications des forces
de l’ordre, la loi no 2016-731 du 3 juin 2016 avait alors créé une nouvelle cause
d’irresponsabilité pénale à l’article 122-4-1 du Code pénal laquelle connaî-
tra une existence éphémère. Le texte permettait aux fonctionnaires de la
police nationale, aux militaires de la gendarmerie nationale ou déployés sur
le territoire national et aux agents des douanes de faire « un usage absolu-
ment nécessaire et strictement proportionné de [leur] arme dans le but exclusif
d’empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d’un ou plusieurs meurtres
ou tentatives de meurtre venant d’être commis » et qui paraît probable. La place
du texte dans le code (à la suite de l’autorisation de la loi et de la légitime
défense) et ses conditions de mise en œuvre (proches de celles de la légitime
défense) laissaient douter de sa nature juridique exacte et de son utilité. La
loi no 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique a donc abrogé
cette nouvelle disposition, pour créer un régime unifié pour les policiers et
les gendarmes à l’article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure. Ce texte
énonce désormais cinq cas d’usage des armes autorisés en reprenant le cas
de figure qui était visé à l’article 122-4-1 abrogé du Code pénal, tout en préci-
sant que l’usage des armes ne pourra avoir lieu qu’ « en cas d’absolue nécessité
et de manière strictement proportionnée ». Ce dispositif entraîne par conséquent
l’irresponsabilité des forces de l’ordre sur le fondement du fait justificatif de
l’autorisation de la loi. La Cour de cassation comme la Cour européenne des
droits de l’homme exercent toutefois leur contrôle pour vérifier que l’acte
répond bien aux exigences de nécessité et de proportionnalité. À défaut, il
y aurait violation de l’article 2 de la Convention protégeant le droit à la vie,
comme par exemple lorsque des coups de feu sont dirigés contre une voiture
en fuite contenant plusieurs passagers (CEDH, Toubache c. France, 7 juin 2018,
no 19510/15, JCP 2018, act. 744, obs. Sudre ; AJ pénal 2018. 468, obs. Lavric).
En second lieu, une circonstance régulièrement débattue quant à sa force
justificative est le consentement de la victime. Ce dernier ne fait pas partie
des causes d’irresponsabilité prévues par le Code pénal et ne peut donc,
en lui-même, exonérer de sa responsabilité l’auteur d’une infraction. Cela
s’explique par le fait que le droit pénal est d’ordre public et protège des valeurs
sociales au nom de l’intérêt général. Ces valeurs sociales ne sont donc pas à la
disposition de la victime, même quand il s’agit de valeurs individuelles telles
que l’intégrité physique, la vie privée ou la propriété. Néanmoins, le droit
pénal n’est pas complètement indifférent au consentement de la victime qui
peut avoir pour effet de faire obstacle à la répression, par le biais de l’autori-
sation de la loi. On trouve ainsi des textes qui viennent encadrer – et autori-
ser – certaines atteintes à l’intégrité physique, notamment dans le cadre des

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interventions médicales ou des pratiques sportives, mais aussi pour d’autres
atteintes bénignes au corps humain, telles que les tatouages ou piercings.
Encore faut-il alors que l’auteur de l’atteinte respecte les prescriptions légales
ou réglementaires et que le consentement de la victime soit valable. Ainsi par
exemple, les violences volontaires inhérentes à certaines pratiques sportives
sont permises à condition que l’auteur se soit conformé aux règles du jeu et
dans un cadre organisé (Crim. 21 oct. 1965 ; Crim. 16 oct. 1984, no 83-94.343).
De même, ne sont pas pénalement responsables les médecins ou chirur-
giens qui portent atteinte à l’intégrité physique d’un patient, avec le consen-
tement libre et éclairé de celui-ci (art. 223-8 CP), dans un but thérapeutique
(art. 16-3 C. civ.) et en respectant les règles de l’art et la législation appli-
cable (p.ex. l’art. L. 1122-1 et L. 1122-2 CSP en matière de recherches biomé-
dicales). À l’inverse, le médecin ou chirurgien qui a fait preuve d’ignorance
ou de négligence peut être poursuivi du chef d’homicide ou de blessures par
imprudence (Ass. plén., 30 mai 1986, no 85-91.432).
Aucun texte n’autorise cependant les atteintes à la vie, fut-ce avec le consen-
tement ou même à la demande de la victime. Ainsi, le duel meurtrier (Crim.
22 juin 1837, S. 1837. 1. 465), le suicide assisté ou l’euthanasie active restent
juridiquement un meurtre, un empoisonnement ou un assassinat, selon les
circonstances. La solution est différente cependant pour l’euthanasie passive
qui est autorisée à certaines conditions, afin d’assurer au malade une fin de vie
digne (art. L. 1110-5 CSP). La loi permet ainsi un arrêt des soins pour mettre un
terme à une « obstination déraisonnable » envers le malade, conformément à
sa volonté ou, à défaut, en respectant une procédure collégiale (art. L. 1110-5-1
CSP). Une « sédation profonde » jusqu’au décès du patient peut également
être mise en œuvre à sa demande (art. L. 1110-5-2 CSP). Peu importe, pour
que l’acte soit justifié, que le protocole légal et réglementaire a été réalisé de
manière imparfaite (Crim. 5 mars 2019, no 18-80712, AJ pénal 2019. 269, obs.
Bénéjat). Dans toutes ces hypothèses, le fait justificatif est l’autorisation de la
loi et non le consentement de la victime qui, bien que nécessaire, ne saurait
suffire à lui seul à justifier une infraction.
Enfin, le consentement de la victime fait obstacle à la constitution de
l’infraction lorsque l’absence de consentement fait partie des éléments consti-
tutifs de celle-ci. Ainsi, il ne saurait y avoir vol si l’agent s’est emparé du bien
avec l’accord de son propriétaire, ni d’agression sexuelle lorsque tous les parti-
cipants à l’acte sexuel étaient consentants. Mais dans ce cas, il ne s’agit pas
d’un fait justificatif ; l’infraction n’est simplement pas constituée.

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B. Le commandement de l’autorité légitime

Partie 2 • La responsabilité pénale


L’alinéa 2 de l’article 122-4 vise ensuite l’hypothèse d’une personne qui se
conforme aux ordres donnés par une autorité qui lui est hiérarchiquement
supérieure. Le commandement de l’autorité légitime ne fait toutefois perdre
à l’acte son caractère illicite qu’à plusieurs conditions.
D’abord, l’acte n’est justifié que s’il est prescrit par une autorité publique
(civile ou militaire), tels les officiers de police judiciaire ou un préfet. L’ordre
donné par une autorité privée, telle qu’un employeur, n’est pas de nature à
justifier l’infraction commise par son subordonné. Est donc responsable
d’une dénonciation calomnieuse l’employée de caisse qui avait, sur ordre de
son employeur, porté sciemment à la connaissance des autorités de police une
fausse accusation de vol (Crim. 4 oct. 1989, no 89-80.643, Bull. crim. no 338).
Cette autorité doit par ailleurs être légitime, ce qui n’est pas le cas des crimi-
nels de guerre nazis (Crim. 23 janv. 1997, no 96-84.822, Affaire Papon, Dr. pén.
1997, comm. 38) ou, plus généralement, des autorités ennemies (art. L. 311-14
du Code de justice militaire). Pour être considérée comme légitime, l’autorité
publique doit également être compétente pour donner l’ordre en question.
Ensuite, l’acte prescrit par l’autorité légitime ne doit pas être manifes-
tement illégal. Cette condition ne pose pas de difficulté lorsque l’ordre de
l’autorité légitime est conforme à la loi ou au règlement. La question se pose
toutefois de savoir si un ordre illégal peut conduire à exonérer l’exécutant de
sa responsabilité ou si, au contraire, le subordonné doit refuser d’exécuter
un ordre qui lui paraît illégal, sous peine d’engager sa propre responsabilité
pénale. La solution retenue par le Code pénal actuel consiste à refuser la justi-
fication seulement lorsque l’illégalité de l’ordre était manifeste, ce qui relève
d’une appréciation in concreto par les juges du fond. Est ainsi manifestement
illégal l’ordre donné par un préfet à un colonel de gendarmerie de détruire des
paillottes, clandestinement, par un moyen dangereux pour les personnes et
les biens (un incendie volontaire), et en laissant sur les lieux des tracts diffa-
matoires destinés à égarer les enquêteurs sur l’identité des auteurs des faits.
Le colonel de gendarmerie n’ayant « pu se méprendre sur le caractère manifeste-
ment illégal de l’ordre donné », le comportement demeure donc punissable (Crim.
13 oct. 2004, no 00-86.726, Affaire des « paillotes » corses, Dr. pén. 2005. 2, obs.
Véron ; RSC 2005. 66, obs. Fortis). De même, est manifestement illégal l’ordre
donné par un Président de la République à des hauts fonctionnaires de procé-
der à des écoutes téléphoniques clandestines sur la ligne d’un avocat et d’un
écrivain. Les auteurs des faits n’étant soumis à « aucune obéissance incondi-
tionnelle » et l’autorité ne disposant par ailleurs pas du pouvoir d’ordonner de
telles écoutes, l’atteinte à l’intimité de la vie privée (art. 226-1 CP) reste donc
punissable (Crim. 30 sept. 2008, no 07-82.249, Affaire dite des écoutes de l’Élysée,
D. 2008. 2975, note Matsopoulou ; RSC 2009. 92, obs. Fortis).

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Enfin, l’acte prescrit ne peut constituer un crime contre l’humanité. Il
résulte en effet de l’article 213-4 du Code pénal que l’auteur ou le complice
d’un crime contre l’humanité ne peut s’exonérer en invoquant l’ordre ou
l’autorisation de la loi ou le commandement de l’autorité légitime. Toutefois,
la juridiction doit tenir compte de cette circonstance « lorsqu’elle détermine la
peine et en fixe le montant ».

II. La légitime défense

La légitime défense permet à un individu de se substituer momentanément


aux autorités étatiques, pour se protéger, protéger autrui ou protéger un
bien contre une agression injuste. Elle est régie par les articles 122-5 et 122-6
du Code pénal qui prévoient, pour le premier, les cas et les conditions de la
légitime défense et, pour le second, une présomption de légitime défense.

A. Les conditions de la légitime défense


Selon l’article 122-5, al. 1er, du Code pénal : « N’est pas pénalement respon-
sable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui,
accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime
défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de
défense employés et la gravité de l’atteinte ». Ce premier alinéa prévoit la légitime
défense des personnes. Le 2nd alinéa ajoute : « N’est pas pénalement responsable
la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un
bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte
est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont
proportionnés à la gravité de l’infraction ». Il prévoit ainsi la légitime défense
des biens. Pour ces deux cas de légitime défense, le texte pose des conditions
concernant l’agression (1) comme la riposte (2).

1. Les conditions relatives à l’agression


Il doit s’agir d’une atteinte injustifiée contre l’agent ou contre une autre
personne, ou d’un crime ou délit contre un bien.
En premier lieu, l’atteinte doit donc être injustifiée, c’est-à-dire contraire
au droit. On ne saurait ainsi se défendre légitimement contre une personne
qui ne fait qu’exercer un droit. Par exemple, la résistance opposée au policier
qui procède à une arrestation ou à une perquisition en cas de flagrance ne
relève pas de la légitime défense et peut donner lieu à une condamnation pour
rébellion ou violences. Pour la légitime défense des biens, le texte précise
que l’atteinte doit prendre la forme d’un crime ou d’un délit, ce qui s’explique
par le fait que la commission d’une infraction pour sauvegarder un bien ne
se justifie que devant une atteinte d’une certaine gravité. Cela n’est pas le
cas par exemple de la dégradation d’un bien n’entraînant qu’un dommage

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Partie 2 • La responsabilité pénale
léger qui constitue une contravention (art. R. 635-1 CP). Pour la sauvegarde
des personnes, les conditions sont logiquement moins strictes, la protection
de la personne et celle des biens n’occupant pas le même rang au sein des
valeurs sociales.
En second lieu, l’agression doit être actuelle (en train de se réaliser) ou
imminente (elle aura lieu dans les instants qui suivent). Ainsi, si l’on est en
présence d’une simple menace, on ne saurait invoquer la légitime défense
et se faire justice à soi-même ; il faut au contraire prévenir les autorités et se
placer sous leur protection (Crim. 27 juin 1927, Affaire Maurras : S. 1929, 1,
p. 356). Pour la légitime défense des biens, il est même précisé que l’atteinte
doit déjà être en cours d’exécution. C’est le cas par exemple lorsqu’un individu
constate qu’une personne est en train de forcer la serrure de sa voiture pour
l’ouvrir : il peut légitimement intervenir pour mettre un terme à la tentative
de vol qui constitue un délit.
En troisième lieu, l’atteinte doit être réelle ou, à tout le moins, vraisem-
blable, c’est-à-dire que toute autre personne, placée dans la même situation,
aurait cru à une agression (Crim. 7 août 1873 : DP 1873, 1, 385). C’est l’une
des applications en droit pénal de la théorie de l’apparence. Si une simple
crainte n’est pas suffisante pour admettre la légitime défense, celle-ci a été
retenue au bénéfice d’un individu qui, après l’irruption de cambrioleurs
en pleine nuit, a légitimement pensé faire l’objet d’une attaque lorsque le
véhicule des cambrioleurs lui a foncé dessus, alors que le conducteur en
fuite effectuait une marche arrière intempestive pour revenir chercher les
deux autres comparses laissés sur place (Crim. 8 juill. 2015, no 15-81.986, Dr.
pén. 2015, comm. 138, obs. P. Conte). En revanche, lorsque l’agression n’est
pas vraisemblable et qu’elle n’existe que dans l’esprit de l’agent, l’acte accom-
pli pour répondre à cette agression imaginaire ne sera pas justifié. On parle
alors de légitime défense putative.

2. Les conditions relatives à la riposte


En premier lieu, la riposte doit être concomitante à l’action, c’est-à-dire
avoir lieu « dans le même temps » que l’atteinte (art. 122-5 CP). Si elle a lieu
après l’attaque, ce serait de la vengeance non justifiée. Ainsi, il n’y a pas de
légitime défense lorsque l’on tire sur un agresseur en fuite. N’est donc pas
en état de légitime défense l’exploitant d’un bar qui, importuné pendant une
vingtaine de minutes par un groupe de jeunes, est entré dans son bar pour
en ressortir armé d’un fusil à pompe approvisionné de cartouches à balle, et
a tiré deux coups de feu pour éloigner les perturbateurs, sa réaction n’ayant
pas été immédiate (Crim. 9 déc. 1992 : Dr. pén. 1993, comm. 104, note Véron).
En outre, la riposte ne doit pas avoir lieu avant l’attaque, pour se prévenir
d’une atteinte future.

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En deuxième lieu, la riposte doit être nécessaire à la sauvegarde de l’inté-
rêt menacé, en ce sens qu’il n’y avait pas d’autre issue raisonnable. Le fait que
la victime de l’agression puisse alerter les services de police face au danger
encouru ou prendre la fuite pour assurer sa protection sera souvent retenu par
les juges pour caractériser l’absence de nécessité de l’acte de défense (Crim.
12 oct. 1993 : Dr. pén. 1994, comm. 35, obs. Véron). De même, lorsque l’agres-
seur est en fuite, la riposte n’est plus nécessaire puisque la menace cesse
(Crim. 7 déc. 1999 : Bull. crim. no 292). Pour la légitime défense des biens, l’acte
accompli en défense doit même être « strictement nécessaire », donc indispen-
sable pour éviter les conséquences de l’agression.
En troisième lieu, la riposte doit être proportionnée à la gravité de l’atteinte,
en d’autres termes elle doit être mesurée. Le caractère proportionné de la
riposte s’apprécie à l’aune des moyens employés et non du résultat de l’action.
Est donc justifié le coup de poing en réponse à une agression physique qui
avait occasionné la tétraplégie de l’agresseur à la suite de sa chute (Crim.
17 janv. 2017, no 15-86.481 : Dr. pén. 2017, comm. 54, note Conte). À l’inverse,
est jugée disproportionnée une riposte à coups de manivelle portés à la tête
en réponse à une agression à main nue (Crim. 30 janv. 2018, no 17-81.706 :
Gaz. Pal. 2018. 53, obs. Detraz). L’appréciation du caractère proportionné
de la riposte relève, tout comme la question de la nécessité, d’une apprécia-
tion au cas par cas par les juges du fond. L’article 122-5 précise toutefois que
la défense d’un bien ne peut jamais constituer un homicide volontaire – il y
aurait logiquement disproportion à tuer volontairement une personne pour
protéger un bien.
Outre ces conditions légales, une exigence particulière est née de la juris-
prudence en vertu de laquelle la légitime défense ne saurait être retenue si
l’auteur de la riposte est poursuivi du chef d’une infraction involontaire. La
Cour de cassation a en effet décidé, dans l’arrêt Cousinet, que « la légitime
défense est inconciliable avec le caractère involontaire de l’infraction poursuivie »
(Crim. 16 févr. 1967 : Bull. crim. no  70 ; RSC 1967. 659, obs. Levasseur). En
l’espèce, un passant avait repoussé un ivrogne qui l’importunait, lequel s’est
grièvement blessé en tombant et décédait des suites de ses blessures. Il a été
poursuivi et condamné pour blessures involontaires sans pouvoir invoquer
la légitime défense. Mais cet arrêt est très critiqué, car l’acte de défense est
nécessairement volontaire, quand bien même le résultat dommageable n’ait
pas été voulu. La justification de l’acte tient par ailleurs aux circonstances
objectives de l’infraction et non à la psychologie de l’agent. La solution aboutit
ainsi à des situations absurdes, conduisant les prévenus à invoquer un acte
intentionnel afin de pouvoir bénéficier de la légitime défense. Dans la célèbre
affaire Legras, dite du « transistor piégé », une personne avait placé un piège
à feu dans un appareil radio portatif qu’il avait rangé dans un placard fermé
à clef, après avoir été victime en dix ans de douze cambriolages successifs.

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Partie 2 • La responsabilité pénale
Il avait pris le soin d’avertir, par des panneaux extérieurs, de la présence du
piège et du danger qu’il constituait, ce qui n’avait pas découragé deux cambrio-
leurs qui, en fouillant sa maison, provoquèrent l’explosion du « transistor
piégé » qui tua l’un et blessa grièvement l’autre. Après une requalification des
faits en violences mortelles (CA Reims, 9 nov. 1978, D. 1979, 92, note Pradel),
l’auteur des faits a pu plaider la légitime défense et être acquitté par la cour
d’assises. Dans un tel contexte, la protection ne concerne d’ailleurs pas tant
les biens que l’intimité de la vie privée, de sorte que l’atteinte à la vie n’est
pas disproportionnée.
Des arrêts plus récents donnent toutefois à penser que la position de la haute
juridiction est en train d’évoluer. La légitime défense a ainsi été retenue pour
le coup de pistolet tiré « lors d’un geste de recul », l’agresseur s’étant penché vers
l’agent pour l’empoigner par ses vêtements (Crim. 21 févr. 1996, no 94-95.108,
D. 1997. 234, note Paulin ; Dr. pén. 1996, comm. 98, obs. Véron). Par ailleurs, il
ressort de la jurisprudence précitée (Crim. 17 janv. 2017) que ce sont plus les
moyens de défense employés que le résultat de l’acte qui sont pris en compte
pour apprécier la proportionnalité de la légitime défense ce qui penche en
faveur d’un abandon de la jurisprudence Cousinet.

B. La preuve de la légitime défense


La légitime défense, comme tout fait justificatif, est une circonstance
qu’il appartient à la personne poursuivie de prouver en l’invoquant comme
moyen de défense au procès. Cette preuve n’est pas toujours facile à rapporter.
Néanmoins, il existe des cas dans lesquels la charge de la preuve est renver-
sée. Il ressort en effet de l’article 122-6 du Code pénal que la légitime défense
est présumée – et n’a donc pas à être prouvée par celui qui s’en prévaut – dans
deux situations. D’une part, lorsque l’acte a été accompli « pour repousser, de
nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité » : il s’agit d’une
protection renforcée des domiciles pendant la nuit ; et d’autre part lorsqu’il
l’a été « pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec
violence » : il s’agit ici davantage d’une protection de l’ordre public. La légitime
défense a ainsi été admise en faveur d’une personne ayant tiré un coup de feu
mortel sur l’agresseur qui, de nuit, et dans une attitude menaçante, tentait de
pénétrer dans son domicile dont il avait brisé une fenêtre (Crim. 21 févr. 1996,
préc.). Si une caravane occupée peut être considérée comme le domicile d’une
personne (CA Paris, 3 nov. 2000), tel n’est pas le cas d’une bergerie séparée de
la maison du prévenu (Crim. 15 oct. 1980 : Bull. crim. no  261 ; D. 1981. 138, obs.
Roujou de Boubée). Il suffit donc, pour le prévenu, de démontrer que les circons-
tances de la présomption légale (l’entrée de nuit au domicile, vols ou pillages
avec violence) sont bien présentes pour s’exonérer de sa responsabilité.

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Toutefois, la présomption n’est pas irréfragable. Elle peut être écartée si
le Ministère public établit que les conditions de la légitime défense n’étaient
pas remplies en l’espèce. Cette solution a été consacrée par l’arrêt Réminiac
(Crim. 19 févr. 1959 : JCP G 1959, II, 11112, obs. Bouzat) : un individu a tenté
d’escalader de nuit le domicile de Réminiac pour aller rendre visite à la domes-
tique après avoir pénétré par effraction dans le jardin ; Réminiac est allé
chercher son fusil, s’est rendu dans une pièce du premier étage, s’est posté à
une fenêtre et a tiré deux coups de feu dans la direction où il supposait que
se trouvait l’individu. Celui-ci a été atteint d’une balle au poumon et griève-
ment blessé, alors qu’il se tenait derrière les buissons du jardin et fumait une
cigarette. La Cour de cassation a estimé que cette présomption légale, « loin
de présenter un caractère absolu et irréfragable, est susceptible de céder devant la
preuve contraire ». L’infraction n’est donc pas justifiée si la partie poursuivante
démontre qu’elle a été commise en dehors des conditions légales, à savoir
en l’absence d’un danger actuel ou imminent ou par une riposte dispropor-
tionnée ou non nécessaire. Aussi, la présomption est-elle écartée dans le cas
du prévenu qui tire sur une personne commettant une tentative de vol sur
une voiture garée dans une cour privative, dès lors qu’il n’y a pas pénétré
par escalade, ruse ou effraction mais s’y est introduit par un portail ouvert
(CA Grenoble, 26 mars 1998 : RSC 2000. 602, obs. Bouloc).

III. L’état de nécessité

L’état de nécessité est prévu par l’article 122-7 du Code pénal, selon lequel
« n’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou
imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à
la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens
employés et la gravité de la menace ». Avant d’être consacré légalement par le
Code pénal de 1994, ce fait justificatif avait implicitement été reconnu par la
jurisprudence dans l’affaire Ménard ou dite du « bon juge Magnaud » (T. corr.
Château-Thierry, 4 mars 1898 ; et en appel, CA Amiens, 22 avr. 1898 : S. 1899.
2. 1, note Roux) qui avait relaxé la mère sans ressources ayant volé du pain
pour nourrir son enfant malade et sous-alimenté. De manière plus explicite,
l’état de nécessité a été consacré par la Cour de cassation dans l’affaire Lesage
(Crim. 25 juin 1958 : RSC 1959. 111, obs. Légal).
L’état de nécessité désigne la situation d’une personne qui, en présence d’un
danger et pour sauvegarder un intérêt supérieur, est amenée à commettre
un acte défendu par la loi pénale. L’infraction dite nécessaire est donc justi-
fiée parce qu’elle a contribué à la protection d’un intérêt social supérieur ou
égal à l’intérêt sacrifié. C’est l’exemple classique de l’automobiliste qui, pour
éviter d’écraser un piéton imprudent, fait un écart et provoque un accident
de la route, l’ambulancier qui commet un excès de vitesse pour secourir une

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Partie 2 • La responsabilité pénale
personne blessée, ou le pompier qui défonce une porte pour éteindre un incen-
die. Mais encore faut-il vérifier certaines conditions, tenant à la situation de
danger (A), d’une part, et à l’acte de défense (B), de l’autre.

A. Les conditions relatives à la situation de danger


Comme en matière de légitime défense, le danger peut menacer la personne
qui accomplit l’acte de défense, autrui ou un bien. Toutefois, c’est la source
du danger qui permet essentiellement de distinguer l’état de nécessité de la
légitime défense. Si la légitime défense requiert une agression injustifiée de
la part d’une personne (le plus souvent une infraction contre laquelle on va
se défendre), les termes de la loi sont plus larges pour l’état de nécessité : le
danger peut donc provenir d’une chose (un arbre qui tombe sur la route), d’un
acte imprudent d’une personne (un enfant qui traverse la chaussée soudaine-
ment), de la fatalité (un incendie de maison ou un infarctus d’un malade)…
En premier lieu, le danger doit être réel et certain, ce qui s’oppose à un
danger simplement hypothétique. La justification n’a par conséquent pas
été admise à l’égard des « faucheurs d’OGM » qui, pour tenter de justifier la
destruction de plants de céréales transgéniques, font valoir que les cultures
d’organismes génétiquement modifiés représentent un danger pour la santé et
l’environnement (Crim. 19 nov. 2002, no 02-80.788 : D. 2003. 1315, note Mayer).
L’existence du danger doit par ailleurs s’apprécier de manière objective et
ne saurait résulter de la simple crainte de l’agent. La jurisprudence a ainsi
admis l’état de nécessité dans le cas d’un père de famille qui avait entrepris
des constructions et des travaux sans permis, en contravention à la législa-
tion sur l’urbanisme, pour loger sa famille de façon décente et salubre face
à l’arrivée de l’hiver (T. corr. Colmar, 27 avr. 1956, JCP G 1957. II. 10041, note
Aussel). À l’inverse, n’est pas justifiée l’infraction de non-représentation
d’enfant commise par la mère qui refuse de remettre l’enfant à son père sur
le fondement de simples craintes d’agressions sexuelles (Crim. 2 sept. 2004,
no 04-81.037 : Dr. pén. 2004, comm. 172, obs. Véron) ; pas plus que le vol répété
de nourriture dès lors que « les difficultés financières de la prévenue sont insuf-
fisantes pour caractériser au jour des faits un danger réel et actuel ou imminent
menaçant ses enfants » (CA Poitiers, 11 avr. 1997 : D. 1997, p. 512, note Waxin).
En deuxième lieu, le danger doit être actuel ou imminent, ce qui s’oppose
à la prise en compte du danger passé ou futur. L’état de nécessité a ainsi été
écarté dans le cas d’un détenu qui a tenté de s’évader d’un centre péniten-
tiaire à Nouméa au motif qu’il subissait des conditions indignes de détention,
alors que l’enquête démontrait qu’il n’encourait en réalité aucun danger actuel
ou imminent (Crim. 6 juin 2012, no 11-86.586). En outre, l’actualité du danger
suppose qu’il soit momentané et non latent ou durable, la Cour de cassation
ne reconnaissant l’état de nécessité qu’en présence « d’un fait accidentel et

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imprévu » (Crim. 31 oct. 1925 : Bull. crim. no 296). Tel n’est pas le cas de l’entre-
preneur qui, pour « les besoins permanents de l’exercice de sa profession », bloque
quotidiennement la circulation (Crim. 21 janv. 1959 : Bull. crim. no 60).
En troisième lieu, la situation de danger ne doit pas être due à une faute
antérieure de la part de l’agent. En d’autres termes, le danger doit être subi
de manière injuste et résulter du hasard. Dans l’arrêt Lesage, précité, du
25 juin 1958, la Cour de cassation a rejeté la justification du comportement
d’un automobiliste qui, pour éviter d’écraser sa femme et son fils tombés sur
la chaussée à la suite de la brusque ouverture d’une portière, avait heurté un
véhicule arrivant en sens inverse et blessé ses trois passagers. En effet, l’ouver-
ture de la portière pouvait provenir d’un défaut d’entretien du véhicule par
le prévenu lui-même. Cette solution a été réaffirmée dans l’affaire de l’ourse
Cannelle (Crim. 1er juin 2010, no 09-87.159 : Bull. crim. no  96 ; D. 2010. 1792, note
Trébulle) dans laquelle un chasseur avait, pour la sauvegarde de sa personne,
tué d’un coup de fusil l’ourse Cannelle qui appartenait à une espèce proté-
gée. La Cour de cassation a estimé que le prévenu s’était placé lui-même dans
une situation de danger puisqu’il savait qu’il était susceptible de rencontrer
l’ourse Cannelle et son ourson signalés récemment dans le secteur, et que ce
comportement fautif antérieur au coup de feu ne lui permettait pas d’invo-
quer l’état de nécessité pour justifier son acte.

B. Les conditions relatives à l’acte de défense


La source du danger pouvant être variée, l’acte de défense n’est pas, contrai-
rement à la légitime défense, dirigé contre l’auteur de l’agression initiale et
peut, le cas échéant, atteindre une victime « innocente ». Il paraît d’autant
plus important de vérifier la nécessité et la proportionnalité de cet acte par
rapport au danger.
En premier lieu, l’acte de défense doit être nécessaire à la sauvegarde
d’une personne ou d’un bien, c’est-à-dire qu’il ne doit pas exister de moyen
plus approprié pour écarter le danger. Il n’y a ainsi pas de nécessité si l’agent
dispose de voies de droit pour faire cesser la menace qui pèse sur lui ou autrui,
comme dans l’affaire déjà mentionnée des « faucheurs d’OGM ». La néces-
sité n’est pas plus établie en cas de réaction de commodité face à une situa-
tion difficile. N’est donc pas justifié par l’état de nécessité le vol commis par
une mère de famille pour mieux nourrir ses enfants en leur donnant de la
viande (CA Poitiers, 11 avril 1997, précité). De même, de simples difficultés
commerciales liées à une rupture de stock ne peuvent, dans le but de satis-
faire des commandes, justifier un délit de contrefaçon dans le domaine de
l’habillement (Crim. 11 févr. 1986 : D. 1987. 41, obs. Bouzat). Souvent, le carac-
tère non nécessaire de l’infraction commise découle de l’absence de danger
actuel ou imminent. N’est donc pas justifié l’acte du prévenu qui avait forcé
la porte d’un appartement pour s’y installer avec sa femme et son fils âgé

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Partie 2 • La responsabilité pénale
d’un mois, car le fait de vivre dans un studio de huit mètres carrés ne consti-
tuait pas un péril en soi (CA Paris, 5 avr. 2001). La jurisprudence a également
écarté la nécessité de l’évasion lors d’un transport pénitentiaire, le prévenu
ayant refusé, alors que le fourgon était attaqué par des malfaiteurs armés,
de se soumettre à l’injonction d’un des policiers de se coucher au sol dans le
fourgon, moyen de protection le plus approprié en l’espèce, préférant prendre
la fuite (Crim. 11 janv. 2017, no 16-80.610 : Dr. pén. 2017, comm. 39, obs. Conte ;
Gaz. Pal. 2017, p. 17 obs. Tellier).
En deuxième lieu, l’acte de défense doit être proportionné à la gravité
du danger. Ce sont les moyens de défense employés qui sont comparés à la
gravité de la menace, l’intérêt sauvegardé devant être de valeur supérieure
ou au moins égale à l’intérêt sacrifié. Les juges de Papeete ont jugé que tel
était le cas dans des poursuites exercées contre un paraplégique pour déten-
tion de stupéfiants, l’homme souffrant de douleurs constantes que seules des
tisanes de cannabis parvenaient à soulager (CA Papeete, 27 juin 2002, D. 2003,
584, note Gourdon). Plus récemment, la Cour de cassation a cependant refusé
une telle solution, en estimant que l’usage de cannabis pour soulager une
douleur ne pouvait être assimilé à un état de nécessité, un autre traitement
étant possible (Crim., 16 déc. 2015, no 14-86.860).
En dernier lieu, il convient de préciser que, contrairement à la légitime
défense, l’état de nécessité est compatible avec les infractions non-intention-
nelles (Crim. 16 juill. 1986 : D. 1990. 390, note Dekeuwer ; Crim. 29 nov. 1972,
no 72-91.149, Bull. crim. no 370).

IV. La protection des lanceurs d’alerte

Le législateur a instauré un nouveau fait justificatif spécial tenant à la


révélation nécessaire d’un secret. La loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016
relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisa-
tion de la vie économique (dite Sapin II) a en effet conféré au lanceur d’alerte
une protection sur le plan pénal pour l’exonérer de la responsabilité qu’il
est susceptible d’engager pour la violation d’un secret protégé par la loi.
Ainsi, l’article 122-9 du Code pénal dispose : « N’est pas pénalement respon-
sable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette
divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause,
qu’elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi
et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d’alerte prévus à
l’article 6 de la loi n o 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la
lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ».

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Si ce nouveau dispositif s’apparente à une autorisation de la loi, il est placé
à la fin du chapitre sur les causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la
responsabilité dans le Code pénal, ce qui en fait un fait justificatif spécial
à part entière.
Il est toutefois entouré de nombreuses conditions, ce qui rend son appli-
cation relativement difficile. D’abord, la divulgation autorisée ne concerne
pas tous les secrets, puisque l’article 6, alinéa 2 de la loi du 9 décembre 2016
exclut du régime de l’alerte « les faits, informations ou documents, quels que soient
leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret
médical ou le secret des relations entre un avocat et son client ».
Ensuite, la divulgation doit être nécessaire et proportionnée à la sauve-
garde des intérêts en cause : on constate que ces conditions ont été emprun-
tées à la légitime défense et à l’état de nécessité, tout en se cumulant ici avec
d’autres conditions spécifiques.

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De plus, les procédures de signalement définies par la loi doivent être

Partie 2 • La responsabilité pénale


respectées. La loi du 9 décembre 2016 établit la procédure d’alerte dans le cadre
professionnel : 1° : le signalement est porté à la connaissance du supérieur
hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par
celui-ci ; 2° : à défaut de réaction dans un délai raisonnable, il est adressé à
l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels ;
3° : à défaut de traitement dans un délai de trois mois par l’autorité compé-
tente, il peut être rendu public. En cas de danger grave et imminent ou en
présence d’un risque de dommages irréversibles, le lanceur d’alerte peut direc-
tement avertir l’autorité compétente et rendre public son signalement. Mais
toute autre loi pourrait instaurer une procédure d’alerte dans ou en dehors du
cadre professionnel, l’article 122-9 faisant référence à « la loi » en général.
Enfin, la personne doit remplir les critères de définition du lanceur d’alerte
tels que prévus par l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 : « Un lanceur d’alerte
est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne
foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement inter-
national régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une
organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou
du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle
a eu personnellement connaissance ». La légitimité de l’alerte est donc subordon-
née, outre l’intérêt objectif pour la société de la divulgation du secret, à un
critère subjectif tenant à la bonne foi du lanceur d’alerte.

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Chapitre 2
Les causes subjectives
d’irresponsabilité pénale

Les causes subjectives d’irresponsabilité pénale font disparaître l’élément


moral de l’infraction. Elles correspondent à ce que l’on appelle les causes de
non-imputabilité, en ce sens que l’infraction, constituée matériellement, ne
peut être imputée à son auteur s’il n’a pas agi avec la conscience de ses actes
et selon une volonté libre. Ces causes d’impunité agissent in personam, c’est-
à-dire qu’elles ne profitent qu’à la personne concernée. Les faits n’étant pas
objectivement justifiés et conservant leur caractère illicite, les éventuels
complices ou coauteurs demeurent responsables. Ainsi par exemple, celui
qui provoque une personne atteinte d’un trouble mental à commettre une
infraction sera responsable en sa qualité de complice par instigation, alors
que l’auteur principal est irresponsable en l’absence de discernement.
L’imputabilité supposant la capacité de comprendre et de vouloir, on ne
peut reprocher une infraction à l’agent qui ne dispose pas du discernement
nécessaire pour comprendre ses actes (I), ou dont les agissements ne procèdent
pas d’un libre arbitre (II).

I. L’absence de discernement

Une personne privée, totalement ou partiellement, de son discernement


ne saurait répondre pénalement de ses actes. Sa responsabilité pénale est
donc écartée ou atténuée. L’absence de discernement peut découler de deux
circonstances : d’une part, du jeune âge de l’enfant (A) et, d’autre part, d’un
trouble mental (B).

A. L’enfance
La minorité de l’auteur de l’infraction n’est pas, en elle-même, une cause
d’irresponsabilité pénale. Il résulte de l’article 122-8, alinéa 1er du Code pénal,
dans sa version issue de l’ordonnance no 2019-950 du 11 septembre 2019, que

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« Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes,
délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, en tenant compte de
l’atténuation de responsabilité dont ils bénéficient en raison de leur âge, dans des
conditions fixées par le code de la justice pénale des mineurs ». On peut en déduire,
a contrario, que les mineurs incapables de discernement sont irresponsables
pénalement. Cela concerne en pratique le jeune enfant (infans) qui ne dispose
pas d’une maturité suffisante pour mesurer la portée de ses actes.
Il est de jurisprudence constante qu’un mineur n’est pénalement respon-
sable de ses actes que s’il avait la capacité de comprendre et de vouloir ceux-ci.
Dans le cas contraire, il ne peut se voir imputer aucune infraction. Le principe
a été posé par la Cour de cassation en 1956, dans l’arrêt Laboube (Crim. 13 déc.
1956, no 55-05.772, D. 1957. 349, note Patin) : un enfant de 6 ans avait griève-
ment blessé l’un de ses camarades lors d’un jeu et fut reconnu coupable de
blessures involontaires par le tribunal pour enfants. La Cour de cassation a
donc rappelé que « toute infraction, même non intentionnelle, suppose […] que
son auteur ait agi avec intelligence et volonté ». Par conséquent, si le mineur n’a
pas compris et voulu l’acte qu’il a matériellement réalisé, il doit être déclaré
irresponsable (même en matière de contraventions : Crim. 14 nov. 2017,
no 17-80.893 : Dr. pén. 2018, comm. 10, obs. Robert) et aucune mesure, même
éducative, ne peut être prise à son encontre par le juge pénal.
Traditionnellement, aucun seuil d’âge pour la responsabilité pénale du
mineur n’était fixé par le droit. Mais le Code de la justice pénale des mineurs,
créé par l’ordonnance du 11 septembre 2019, a instauré une présomption
en ce qui concerne le discernement : « les mineurs de moins de treize ans sont
présumés ne pas être capables de discernement » et « les mineurs âgés d’au moins
treize ans sont présumés être capables de discernement » (art. L. 11-1). Ce texte
pose une présomption simple d’absence de discernement en-dessous de
13 ans dont la preuve contraire pourra toujours être rapportée. Il sera par
conséquent possible de l’écarter et de poursuivre pénalement un mineur
de moins de 13 ans, le juge procédant à une appréciation au cas par cas. Le
droit français, contrairement à la législation de nombreux pays étrangers,
ne pose donc toujours pas d’âge fixe en dessous duquel aucune responsabi-
lité du mineur ne peut être recherchée.
En revanche, lorsque la culpabilité du mineur est établie, la loi établit des
seuils d’âge pour la nature de la réponse apportée au comportement délic-
tueux. Les règles applicables, soumises au principe fondamental de la primauté
de l’éducatif sur le répressif (C. const., 29 août 2002, déc. no 2002-461 DC),
résultaient pendant longtemps de l’ordonnance no 45-174 du 2 février 1945
relative à l’enfance délinquante. Désormais, les règles sont fixées dans le Code
de la justice pénale des mineurs. Les textes distinguent entre les mineurs
de moins de 10 ans, ceux de 10 à 13 ans, ceux de 13 à 16 ans et ceux de 16 à
18 ans. L’âge du mineur s’apprécie au jour de la commission de l’infraction.

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Partie 2 • La responsabilité pénale
Auparavant, l’ordonnance de 1945 distinguait entre mesures éducatives (les
seules mesures applicables au mineur de moins de 10 ans), sanctions éduca-
tives (applicables aux mineurs de 10 à 13 ans) et peines (applicables aux
mineurs de 13 ans et plus). La catégorie des sanctions éducatives a aujourd’hui
disparu, une partie de ces anciennes sanctions étant absorbées par la catégo-
rie des mesures éducatives.
Les mesures éducatives sont encourues en principe à partir de l’âge de
13 ans, même s’il est possible de descendre en dessous de ce seuil si l’on écarte
la présomption de non-discernement. Il s’agit d’un accompagnement indivi-
dualisé du mineur construit à partir d’une évaluation de sa situation person-
nelle, familiale, sanitaire et sociale (art. L. 112-2 CJPM). Il existe deux types
de mesures éducatives (art. L. 111-1 CJPM) : l’avertissement judiciaire (qui
semble être la reprise de l’admonestation et de l’avertissement solennel) et
la mesure éducative judiciaire, qui comprend plusieurs modules, à savoir
un module d’insertion, un module de réparation, un module de santé et un
module de placement. Pour les mineurs de plus de 10 ans, la mesure éduca-
tive peut être complétée le cas échéant par une ou plusieurs interdictions ou
obligations (interdiction de paraître dans certains lieux, d’entrer en contact
avec certaines personnes, d’aller et venir sur la voie publique entre 23 heures
et 6 heures sans être accompagné de l’un de ses représentants légaux, obliga-
tion de remettre un objet ou de suivre un stage de formation civique).
En revanche, les peines ne sont applicables qu’à partir de l’âge de 13 ans
(art. L. 11-4 CJPM), lorsque les circonstances et la personnalité du mineur l’exi-
gent (art. L. 11-3 CJPM). Les peines encourues sont diminuées, la loi évoquant
une « atténuation de responsabilité » qui est davantage une atténuation de
la peine. Le mineur encourt en effet la moitié de la peine prévue par le texte
d’incrimination (la peine d’amende ne pouvant jamais excéder 7 500 euros),
cette diminution étant obligatoire entre 13 et 16 ans (art. L. 121-5 CJPM) et le
juge pouvant l’écarter pour les mineurs âgés entre 16 et 18 ans par une décision
spécialement motivée (art. L. 121-7 CJPM). Une mesure éducative peut être
prononcée cumulativement avec une peine.

B. Le trouble mental
La personne atteinte d’un trouble mental est visée par l’article 122-1 du
Code pénal qui distingue deux situations : celle où le trouble a entraîné une
abolition du discernement (1) et celle où le trouble n’a entraîné qu’une altéra-
tion du discernement de la personne (2).

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1. L’abolition du discernement
Aux termes du 1er alinéa de l’article 122-1 du Code pénal, « n’est pas pénale-
ment responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble
psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses
actes ». Il en résulte le principe de l’irresponsabilité pénale des personnes
souffrant d’un trouble mental, qui était désigné dans le Code pénal de 1810 par
le terme plus restrictif de « démence ». Ce trouble doit être de nature à abolir
le discernement de la personne ou le contrôle de ses actes, de sorte qu’elle
est dans l’incapacité de comprendre ou de vouloir ce qu’elle fait. En l’absence
de discernement, aucune faute (culpa) ne peut lui être reprochée, or il ne
peut y avoir de responsabilité pénale sans faute. La peine ayant une fonction
moralisatrice, elle n’aurait d’ailleurs aucune utilité à l’égard de celui qui n’en
comprendrait pas le sens et sur lequel elle n’aurait aucun effet préventif.
Le trouble doit exister au moment des faits, c’est-à-dire être concomitant
à l’acte. Il peut s’agir d’une aliénation mentale durable ou d’un état psychique
passager, appelée bouffée délirante, mais l’important est alors d’établir avec
précision que le trouble a eu pour effet d’abolir le discernement de la personne
au moment de l’action.
La notion de « trouble psychique ou neuropsychique » est suffisamment
large pour englober des troubles de nature et d’origine diverses. Le trouble
peut notamment être dû à une maladie mentale (schizophrénie, démence,
débilité profonde…), à un accident ayant causé une atteinte au cerveau et
entraîné une perte des capacités mentales, au somnambulisme, ou encore à
l’absorption de médicaments ou substances diverses.
Néanmoins, en cas de trouble d’origine toxicologique, la question a pu se
poser de savoir si l’irresponsabilité pénale de la personne devait être retenue
lorsque l’absorption de la substance avait été consciente et volontaire. Selon
la théorie de l’actio libera in causa, signifiant que l’acte était libre dans sa
cause, l’agent devrait engager sa responsabilité pénale pour les actes commis
sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants, car il ne saurait se prévaloir de
sa propre faute antérieure pour s’exonérer de sa responsabilité pénale. La
solution retenue en droit positif est toutefois nuancée et il convient en réalité
de distinguer entre la simple ivresse et l’abolition du discernement causée par
la substance absorbée. La jurisprudence rappelle ainsi que « l’état d’ivresse du
prévenu (…) ne constitue pas, en soi, une cause d’irresponsabilité pénale » (Crim.
21 juin 2017, n° 16-84158). Dans le même sens, la Cour de cassation a rejeté le
pourvoi formé contre un arrêt de la chambre de l’instruction qui avait exclu
« tout trouble psychique » et avait décidé de renvoyer le mis en examen devant
la cour d’assises en relevant notamment que « la consommation importante de
stupéfiants ne doit pas s’analyser comme une cause d’abolition du discernement
mais au contraire comme une circonstance aggravante » (Crim. 13 févr. 2018,
n° 17-86.952). En effet, la loi aggrave parfois la répression lorsque l’infraction

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Partie 2 • La responsabilité pénale
est commise en état d’ivresse, comme pour l’homicide involontaire commis
par un conducteur (art. 221-6 CP) ou le viol commis par une personne agissant
en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants
(art. 222-24, 12° CP). À l’inverse, en cas d’abolition du discernement consécu-
tive à une intoxication volontaire, la responsabilité pénale de l’agent doit être
écartée faute de discernement et de volonté au moment de la commission de
l’acte. Ainsi, la Cour de cassation a pu approuver l’analyse d’une chambre de
l’instruction qui avait déclaré pénalement irresponsable une personne poursui-
vie du chef d’assassinat et qui était, au moment des faits, sous l’emprise du
cannabis, précisant que le cannabis avait été consommé par le prévenu « sans
conscience des conséquences possibles de cet usage de stupéfiant » (Crim. 12 mai
2010, n° 10-80.279). Cette position a été confirmée par un arrêt controversé
rendu dans l’affaire Sarah Halimi (Crim. 14 avr. 2021, n° 20-80.135, Dalloz. Actu.
28 avr. 2021, note S. Hasnaoui-Dufrenne), la chambre criminelle ayant pris le
soin de rappeler que l’auteur de l’assassinat avait agi sous l’empire d’un trouble
psychique constitutif d’une bouffée délirante d’origine exotoxique, causée
par la consommation régulière de cannabis, qui n’a pas été effectuée avec la
conscience que cet usage de stupéfiants puisse entraîner une telle manifes-
tation. Dès lors que l’article 122-1 du Code pénal ne distingue pas selon l’ori-
gine du trouble mental qui a fait perdre à l’auteur la conscience de ses actes,
l’existence d’une faute antérieure de ce dernier est donc indifférente.
D’un point de vue procédural, le trouble doit être établi par une exper-
tise et la personne fera l’objet d’une déclaration d’irresponsabilité pénale
pour cause de trouble mental. Cette déclaration a été instaurée par la loi
no 2008-174 du 25 février 2008 et peut intervenir, selon le stade de la procédure,
par ordonnance du juge d’instruction, par arrêt de la chambre de l’instruc-
tion, par jugement du tribunal correctionnel ou par arrêt de la cour d’assises
(art. 706-119 et s. CPP). Elle consiste à constater que la personne a commis
les faits qui lui sont reprochés, mais qu’elle est irresponsable pénalement en
raison d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discer­nement
ou le contrôle de ses actes au moment des faits. Cette procédure permet de
scinder la question de la commission matérielle des faits, laquelle est recon-
nue au cours d’une audience publique et solennelle, et l’imputabilité des faits
qui fait défaut. Elle prend donc en compte à la fois les intérêts de la victime et
conduit à distinguer plus clairement cette hypothèse de la personne contre
laquelle il n’existe pas de charges suffisantes d’avoir commis les faits, et qui
fait l’objet d’une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement établis-
sant son innocence.
Si la personne irresponsable est jugée dangereuse pour la société, la juridic-
tion de jugement ou la chambre de l’instruction peut également, depuis la loi
du 25 février 2008, prononcer certaines mesures de sûreté à son encontre : une
hospitalisation psychiatrique s’il est établi par une expertise psychiatrique

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que ses troubles mentaux « nécessitent des soins et compromettent la sûreté des
personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public » (art. 706-135 CPP),
ou une interdiction d’entrer en relation avec certaines personnes, de paraître
en certains lieux, de détenir une arme, d’exercer une activité professionnelle,
etc. (art. 706-136 CPP).
L’irresponsabilité pénale ne fait d’ailleurs pas obstacle à la responsabi-
lité civile qui reste entière (art. 414-3 du Code civil), le but de celle-ci étant la
réparation du dommage et non la rétribution de la faute.

2. L’altération du discernement
Aux termes de l’article 122-1, alinéa 2 du Code pénal, « La personne qui
était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant
altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ».
Lorsque le discernement de la personne ayant commis l’acte est simple-
ment altéré et non aboli, celle-ci demeure donc pénalement responsable
de ses actes. La suite du texte précise néanmoins que « la juridiction tient
compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime ».
Traditionnellement, la jurisprudence considérait que l’altération du discer-
nement ne constituait « pas une cause légale de diminution de la peine » (v. p.ex.
Crim. 5 sept. 1995, no 94-85855), mais les dispositions légales devaient en
théorie être comprises, conformément à l’esprit du législateur, comme fondant
une atténuation de la responsabilité et, partant, de la sanction applicable.
À ce titre, la Circulaire « Chaumié » du 20 décembre 1905 incitait à atténuer
les peines des « demi-fous » en se fondant sur la notion de « responsabilité
atténuée ». Le texte légal n’était toutefois pas très clair, ce qui laissait aux juges
une marge de manœuvre dans le sens d’une atténuation comme dans celui
d’une aggravation de la peine. En pratique, l’altération des facultés mentales
était souvent perçue comme un indice de dangerosité supplémentaire consti-
tuant une menace pour la société et conduisant, de fait, à une aggravation
de la peine. La loi no 2014-896 du 15 août 2014 est donc venue instaurer une
diminution légale de la peine encourue par la personne atteinte du trouble :
en cas d’irresponsabilité partielle, la peine privative de liberté encourue est
désormais réduite du tiers ou, en cas de crime puni de la réclusion criminelle
ou de la détention criminelle à perpétuité, ramenée à 30 ans. La juridiction
dispose cependant de la faculté, par une décision spécialement motivée en
matière correctionnelle, de décider de ne pas appliquer la diminution de
peine (art. 122-1, al. 2 CP). Les craintes d’une sévérité accrue à l’encontre des
personnes malades jugées dangereuses peuvent donc persister.
L’atténuation de la peine est par ailleurs complétée par une meilleure
prise en charge médicale des personnes concernées, en prévoyant que
« lorsque, après avis médical, la juridiction considère que la nature du trouble le
justifie, elle s’assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l’objet

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de soins adaptés à son état » (art. 122-1, al. 2, in fine CP). Le juge de l’applica-

Partie 2 • La responsabilité pénale


tion des peines dispose par ailleurs de la faculté de soumettre le condamné,
à sa libération, si son état le justifie et après avis médical, à une obligation
de soins. Celle-ci ne peut excéder 5 ans en matière correctionnelle ou 10 ans
si les faits commis constituent un crime ou un délit puni de dix ans d’empri-
sonnement (art. 706-136-1 CPP).
Le deuxième cas de figure dans lequel aucune faute ne peut être imputée
à l’agent, faisant obstacle à sa responsabilité pénale, est l’absence de libre
arbitre.

II. L’absence de libre arbitre

Outre le discernement, la personne doit disposer de son libre arbitre pour


pouvoir répondre de ses actes. Le libre arbitre est une volonté libre permet-
tant à l’agent de choisir ses actes et de résister à la commission d’une infrac-
tion. Tel n’est pas le cas en présence d’une contrainte (A) ou d’une erreur sur
le droit (B).

A. La contrainte
Lorsque l’agent a agi sous la contrainte, il avait la capacité de comprendre
ce qu’il faisait mais pas celle de vouloir : il s’est trouvé forcé de commettre
l’acte illicite sans pouvoir agir autrement. L’article 122-2 du Code pénal dispose
que « n’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’empire d’une
force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pu résister ». La contrainte qui est de
nature à écarter la responsabilité pénale de l’agent peut revêtir différentes
formes (1) et doit présenter certains caractères (2).

1. Les formes de la contrainte


On admet que la contrainte qui conduit une personne à commettre une
infraction peut être physique ou morale, et externe ou interne. La contrainte
physique, qui correspond au terme « force » figurant à l’article 122-2, est la
contrainte exercée sur le corps de l’agent. Elle peut être externe, c’est-à-
dire provenir d’une chose, d’un évènement ou d’une personne extérieure à
l’agent (p.ex. Crim. 5 janv. 1957, Bull. crim. no 17), ou interne à la personne
de l’agent. Ainsi, l’automobiliste pris d’un malaise brutal et imprévisible
au volant et provoquant un accident mortel échappe à toute condamnation
(Crim. 15 nov. 2005, no 04-87813, D. 2006. 1583, note Dreyer). La contrainte
morale, qui correspond au terme « contrainte » figurant à l’article 122-2, est la
pression exercée sur l’esprit de l’agent. Elle est admise lorsqu’elle est externe,
en ce sens que l’agent agit sous la menace, la provocation ou des sujétions
émanant d’un tiers sans avoir d’autre choix. Par exemple, le caissier d’un
magasin qui remet le contenu de la caisse à des braqueurs n’encourt aucune

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responsabilité. À l’inverse, la contrainte morale n’est pas admise lorsqu’elle
est interne car chacun est censé résister à ses passions et à ses pulsions. Les
crimes dits « passionnels » sont donc punissables.

2. Les caractères de la contrainte


Il résulte de l’article 122-2 que le prévenu doit avoir agi sous l’empire d’une
force ou d’une contrainte à laquelle il n’a pas pu résister. En premier lieu, la
contrainte doit donc avoir été irrésistible, c’est-à-dire qu’elle doit être telle
que tout individu, placé dans la même situation, n’aurait pu y résister. La
jurisprudence se montre sévère, exigeant que l’agent ait été dans l’impossibi-
lité absolue de se conformer à la loi. Or cette preuve est difficile à rapporter.
Ainsi la Cour de cassation a-t-elle jugé que demeurait pénalement responsable
l’étranger qui s’est soustrait à un arrêté d’expulsion sans démontrer qu’au-
cun pays au monde ne pouvait l’accueillir (Crim. 8 févr. 1936, affaire Rozoff ),
ou la femme enceinte de 8 mois qui, prise d’un malaise au volant, avait garé
son véhicule à un endroit réservé aux grands invalides (Crim. 15 nov. 2006,
no 06-80.087, JCP 2007. II. 10062, note Maréchal).
En second lieu, la jurisprudence exige que la contrainte ait été imprévi-
sible, c’est-à-dire qu’elle n’a pas pu être prévue par celui qui l’invoque. En
d’autres termes, elle ne doit pas provenir d’une faute antérieure de l’agent,
selon la théorie de l’actio libera in causa. La Cour de cassation affirme claire-
ment que « la contrainte ne peut résulter que d’un évènement indépendant de la
volonté humaine et que celle-ci n’a pas pu prévoir, ni conjurer » (Crim. 6 janv. 1970,
Bull. crim. no 154). Si l’agent savait qu’une telle contrainte était susceptible de
s’exercer sur lui et qu’il n’a pas pris les mesures adéquates pour éviter que
l’infraction se produise, alors il ne pourra pas se prévaloir de la contrainte pour
s’exonérer de sa responsabilité. Par exemple, l’automobiliste qui savait qu’il
était sujet à des endormissements pathologiques mais qui prend néanmoins
le volant de son véhicule et provoque un accident a été jugé responsable
pénalement de ses actes (Crim. 27 oct. 2015, no 14-86.983, Gaz. Pal. 26 janv.
2016, chron. 49, obs. Detraz). De même est responsable pénalement celui qui
invoque une blessure à l’épaule gauche, déjà ancienne, pour ne pas boucler
sa ceinture de sécurité en voiture (Crim. 28 oct. 2009, no 09-84.484).
Eu égard à ses caractères imprévisible et irrésistible, la contrainte est
l’équivalent de la force majeure en droit civil et fait donc obstacle à la respon-
sabilité tant pénale que civile.

B. L’erreur de droit
L’erreur de droit (ou sur le droit) est l’hypothèse dans laquelle l’agent était
dans l’impossibilité de se rendre compte qu’il commettait une infraction et
la commet donc par erreur, croyant adopter un comportement conforme à la

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légalité. L’article 122-3 du Code pénal prévoit ainsi que « n’est pas pénalement

Partie 2 • La responsabilité pénale


responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu’elle n’était
pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir l’acte ». L’introduction de
cette cause subjective d’irresponsabilité pénale dans le Code pénal de 1994
est venue apporter un tempérament au principe selon lequel « nul n’est censé
ignorer la loi » (nemo censetur ignorare legem), signifiant que les justiciables
ne peuvent se prévaloir de leur ignorance du droit pour se soustraire à son
respect. Néanmoins, il découle de l’article 122-3 que l’on ne saurait imputer
la faute à la personne poursuivie qui invoque pour sa défense une erreur
sur le droit invincible, en justifiant de la croyance en la légitimité de l’acte
accompli. Cette erreur peut porter soit sur l’ignorance de la loi pénale, soit
sur l’inexactitude de son interprétation. Plus généralement, elle peut concer-
ner des dispositions d’origine légale ou réglementaire relatives à des infrac-
tions intentionnelles ou non intentionnelles.
Les conditions d’admission de l’erreur sont toutefois strictes. D’une part,
l’erreur doit être invincible ou insurmontable, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas
pouvoir être évitée. Cela signifie que l’agent doit faire preuve d’une grande
diligence en cherchant à obtenir l’information nécessaire par tous les moyens.
L’erreur spontanée résultant de l’absence de démarche positive pour s’infor-
mer fait donc en principe obstacle à l’admission de l’erreur sur le droit (Crim.
30 sept. 2008, no 07-87.762 : JCP S 2008, 1648, note Drai). À l’inverse, l’irrespon-
sabilité peut être retenue en cas d’erreur provoquée par un tiers qui a été solli-
cité par l’agent dans une démarche active de vérification de la légitimité de
l’acte projeté. La jurisprudence impose en principe de recourir à des juristes
qualifiés (Crim. 19 mars 1997, no 96-80.853 : Bull. crim. no  115 ; JCP G 1998, II,
10195, note Fardoux ; RSC 1997. 827, obs. Bouloc ; Dr. pén. 1997, comm. 107, note
Véron), et plus précisément à une autorité publique, à l’exclusion des personnes
privées telles que les avocats, les avoués ou les notaires. La Cour de cassa-
tion applique cette condition de manière très rigoureuse voire restrictive et
ne retient que rarement l’erreur sur le droit. Il en a été ainsi notamment dans
deux espèces. Dans la première espèce, l’erreur sur le droit a été reconnue
au profit d’un chef d’entreprise poursuivi pour une infraction à la législation
sur la durée du travail qui avait appliqué les clauses d’un accord profession-
nel élaboré sous l’égide d’un médiateur désigné par le gouver­nement (Crim.
24 nov. 1998, no 97-85.378 : D. 2000, somm. p. 114, obs. Roujou de Boubée ;
JCP G 1999, II, 10208, note Houtmann). Dans la seconde espèce, un agent de
police judiciaire, agissant conformément aux instructions du vice-procu­
reur de la République, a remis à une personne dont le permis de conduire
français a été annulé une attestation selon laquelle sa situation administra-
tive était parfaitement régulière. La Cour de cassation a admis que l’intéressé
a pu légitimement croire qu’il était autorisé à conduire avec son permis inter-
national, quand bien même cette attestation lui aurait été remise par erreur
(Crim. 11 mai 2006, no 05-87.099 : AJ pénal 2006. 358, obs. Leblois-Happe).

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D’autre part, l’erreur doit être légitime, c’est-à-dire résulter d’une croyance
en la légitimité de l’acte et être par conséquent excusable. Le prévenu doit
apporter la preuve de sa bonne foi au moment de l’action, ce qui exclut son
irresponsabilité en cas d’incertitude quant à la légalité de l’infraction perpé-
trée. Par exemple, une chaîne d’hypermarchés, poursuivie pour avoir procédé
à une extension non autorisée de sa surface de vente, ne peut se retrancher
derrière l’avis d’un fonctionnaire du ministère, alors qu’elle dispose de juristes
qualifiés pour l’éclairer dans ses choix (Crim. 19 mars 1997, no 96-80.853 : Bull.
crim. no  115 ; JCP G 1998, II, 10195, note Fardoux ; RSC 1997. 827, obs. Bouloc ;
Dr. pén. 1997, comm. 107, note Véron). De même, une société ayant commer-
cialisé des médicaments qu’elle pensait être des compléments alimentaires
ne peut se contenter d’invoquer la définition donnée par le dictionnaire des
médicaments vétérinaires car elle pouvait, en tant que professionnel, se
renseigner davantage sur le caractère des produits qu’elle commercialisait
(Crim. 4 oct. 2011, no 10-88.157 : AJ pénal 2012. 95, obs. Lasserre Capdeville ;
Dr. pén. 2011. comm. 146, obs. Véron).
Si l’erreur sur le droit est traditionnellement considérée comme une cause
subjective d’irresponsabilité pénale, on peut se demander si elle ne revêt
pas davantage un caractère objectif, en ce sens que cette erreur provient
finalement moins de la psychologie même de l’agent que d’une information
erronée qui lui a été fournie par une autorité légitime, judiciaire ou adminis-
trative. Elle se rapproche ainsi du commandement de l’autorité légitime qui
est une cause objective d’irresponsabilité et suppose qu’un ordre émane
d’une autorité publique. On pourrait dès lors songer à remplacer cette cause
d’exoné­ra­t ion par la création d’un nouveau fait justificatif d’autorisation par
l’autorité légitime (v. J. Herrmann Frinchaboy, « Quel avenir pour l’erreur sur
le droit ? », Dr. pén. 2016, étude 5).

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Partie 2 • La responsabilité pénale

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Partie 3
La sanction de l’infraction

Une sanction est la conséquence d’un acte, pouvant être définie comme
la réaction de l’État à un comportement qui porte atteinte à l’ordre social par
la violation d’une règle juridique. Lorsque cette règle est édictée par la loi
pénale et relève ainsi du juge répressif, la sanction est dite pénale. Le droit
pénal, comme l’indique son nom, est intimement lié à ce qui fait sa spécifi-
cité : la peine. Celle-ci constitue donc la réaction de l’État aux comportements
érigés en infractions afin d’en sanctionner les auteurs. Il n’y a pas d’infrac-
tion sans peine qui l’assortit, et pas de peine sans infraction, les deux étant
donc étroitement liées. Or, si toute peine est une sanction, toute sanction n’est
pas une peine. Les sanctions pénales au sens large englobent également les
mesures de sûreté qui n’interviennent pas sur le fondement de la culpabi-
lité mais en raison de la dangerosité du délinquant révélée par l’infraction
commise, pouvant donc également concerner une personne pénalement irres-
ponsable. Elles peuvent être définies comme des mesures préventives visant
à protéger la société contre l’état dangereux de certains délinquants. Avec
l’émergence des mesures de sûreté depuis la fin du xixe siècle, la conception
classique de la sanction pénale a subi une mutation en s’éloignant de l’idée
originelle de châtiment et on assiste aujourd’hui à un mouvement de diver-
sification des sanctions pénales. Les peines et les mesures de sûreté peuvent
s’appliquer cumulativement ou alternativement, ces deux types de sanctions
pénales n’ayant ni les mêmes fondements, ni les mêmes finalités. Pourtant, la
distinction entre peines et mesures de sûreté n’est pas toujours évidente.
Concernant leurs fondements, la peine est fondée sur la culpabilité et donc
la faute commise par le délinquant. On dit qu’elle est tournée vers le passé et
qu’elle vient réprimer l’atteinte à l’ordre social en infligeant au coupable un
châtiment. Il en découle les caractères de la peine qui est une sanction afflic-
tive et infamante. Elle est afflictive en ce sens qu’elle entraîne une certaine
souffrance ou à tout le moins une gêne pour la personne condamnée. Elle est
infamante en ce sens qu’elle comporte un jugement moral et porte atteinte
à la réputation ou à l’image sociale du délinquant. La mesure de sûreté, au

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contraire, est fondée sur la dangerosité de l’individu. Il est communément
admis que la mesure de sûreté est tournée vers l’avenir, qu’elle est de nature
exclusivement prophylactique. Elle se veut donc détachée de la faute commise
et n’a aucune vocation rétributive, expiatoire ou intimidante. Contrairement
à la peine, elle ne s’intéresse pas au passé ; elle ne consiste pas à punir un
acte délictueux mais à empêcher le délinquant de commettre d’autres infrac-
tions à l’avenir.
Concernant leurs finalités, la peine poursuit un but de rétribution et d’inti-
midation, alors que la mesure de sûreté vise à prévenir les infractions futures.
La peine est, dès lors, essentiellement répressive, tandis que la mesure de
sûreté est exclusivement préventive. En réalité, les finalités des peines et des
mesures de sûreté se recoupent en partie, puisque l’objectif de prévention est
commun à toutes les sanctions pénales. Les finalités de la peine sont expri-
mées à l’article 130-1 du Code pénal : « Afin d’assurer la protection de la société,
de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social,
dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions : 1° De sanctionner
l’auteur de l’infraction ; 2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinser-
tion ». Il ressort de ce texte que la peine poursuit deux finalités principales : la
répression et la prévention. Ces deux finalités se combinent, en ce sens que la
peine est une réaction de la société à un acte antisocial commis, intervenant
dans un but à la fois moral et utilitaire. Reposant sur un jugement moral, la
peine doit être juste ; par sa fonction d’exemplarité et d’intimidation, elle doit
être utile. Elle est donc d’abord tournée vers le passé, intervenant comme la
sanction de la faute commise afin de restaurer l’équilibre social rompu par
l’auteur des faits, lequel doit réparer le mal commis en payant sa dette à la
société. Elle est ensuite tournée vers l’avenir, son objectif étant de protéger
la société par la prévention de nouvelles infractions. Cette prévention passe
à la fois par la prévention spéciale, en favorisant l’amendement et l’inser-
tion ou la réinsertion sociale du délinquant (prévention positive), mais aussi
en le neutralisant pour un certain temps pour l’empêcher de nuire (préven-
tion négative). Elle passe également par la prévention générale, la répression
étant censée être dissuasive à l’égard des autres membres de la société. Les
finalités des mesures de sûreté sont uniquement préventives, l’objectif de
ces mesures étant d’empêcher la commission d’infractions que l’état dange-
reux de la personne rend probable. Cette prévention passe avant tout par la
prévention spéciale en agissant sur la personne dangereuse, soit en élimi-
nant celle-ci de la société, soit en favorisant sa resocialisation. La mesure
de sûreté doit donc suivre l’évolution de l’état dangereux de la personne, ce
qui explique que son contenu soit adaptable et révisable et que sa durée soit
le plus souvent indéterminée. Enfin, la loi accorde une importance crois-
sante aux intérêts de la victime qui sont de plus en plus pris en compte dans
le cadre de la répression.

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Partie 3 • La sanction de l’infraction
La peine étant la sanction répressive par excellence, la réponse nécessaire
à l’infraction, il convient de s’intéresser plus en détail aux peines encourues
(titre 1), déterminées par le législateur, puis aux peines prononcées (titre 2),
déterminées par le juge.

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Titre 1
Les peines encourues

Les peines encourues sont celles abstraitement fixées par le législateur.


La personne qui se rend coupable d’une infraction s’expose donc aux peines
prévues par le texte d’incrimination, mais aussi à d’autres peines qui ont
vocation à s’ajouter ou à remplacer ces dernières en fonction de l’échelle légale
des peines et de l’infraction commise. Elles sont de nature différente selon
qu’elles sont applicables aux personnes physiques ou aux personnes morales
(v. supra, à propos des personnes morales), et en fonction de la classifica-
tion tripartite des infractions en crimes, délits et contraventions. Les peines
prévues par la loi obéissent à une certaine typologie (chapitre 1) et le légis-
lateur prévoit certains mécanismes permettant de déterminer la mesure de
la peine (chapitre 2).

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Chapitre 1
La typologie des peines

En raison de la distinction qu’il convient d’opérer entre les peines et les


mesures de sûreté, ces dernières ne relèvent pas de la typologie des peines
proprement dite. Il est donc important d’identifier, au préalable, quelles sont
les mesures de sûreté existantes. Cette identification n’est pas évidente car
le législateur français ne distingue pas clairement les deux catégories de
sanctions pénales, ayant opté pour un système unitaire de sanctions pénales
qui ne comprend, en principe, que des peines et refuse toute autonomie aux
mesures de sûreté. Ainsi, toutes les mesures de sûreté ne sont pas qualifiées
expressément comme telles par la loi et une grande partie d’entre elles ne
figurent pas dans le Code pénal. En effet, celui-ci ne qualifie expressément
de mesure de sûreté que le placement sous surveillance électronique mobile
(PSEM) qui est une mesure consistant, pour le condamné, à porter en perma-
nence un émetteur (bracelet électronique) qui permet de le localiser sur le
territoire (art. 131-36-9 et s. CP). Le Code de procédure pénale qualifie de
mesure de sûreté l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des
auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) et les obligations qui en
découlent (art. 706-53-5 CPP), ainsi que les mesures susceptibles d’être pronon-
cées à l’encontre d’une personne irresponsable en raison d’un trouble mental
(art. 706-135 à 706-136-1 CPP). L’identification des autres mesures de sûreté
résulte de la jurisprudence constitutionnelle qui a analysé comme telles la
surveillance judiciaire des personnes dangereuses (art. 723-29 CPP), la réten-
tion de sûreté (art. 706-53-13 CPP) et la surveillance de sûreté (art. 706-53-19
CPP) ; ou de la jurisprudence judiciaire qui a traité comme mesure de sûreté
par exemple l’interdiction professionnelle (Crim. 26 nov. 1997, no 96-83792,
Bull. crim., 1997, no  404 ; D. 1998, Jur. 495, note Rebut ; RSC 1998. 539, obs.
Bouloc). D’autres sanctions, qualifiées par la loi de peines, sont majo­r i­tai­
rement reconnues comme étant en réalité des mesures de sûreté. Il en va
ainsi d’une grande partie des peines alternatives prévues par l’article 131-6 du
Code pénal (notamment la confiscation des objets dangereux et nuisibles, la
fermeture d’établissement, les interdictions professionnelles, l’annulation du
permis de conduire, etc.), ainsi que du suivi socio-judiciaire (art. 131-36-1 CP).

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Les principaux arguments avancés par la doctrine sont leur absence de carac-
tère rétributif, ces sanctions visant essentiellement la prévention d’infrac-
tions futures et étant applicables en raison de la dangerosité du délinquant
qu’il s’agit de neutraliser.
Les peines applicables aux personnes physiques se divisent en peines
principales (I) et en peines complémentaires (II). Les peines accessoires (III)
ne subsistent que de manière exceptionnelle en droit positif.

I. Les peines principales

Parmi les peines principales, qui ont vocation à sanctionner prin­ci­pa­


lement le comportement interdit, on distingue les peines de références (A)
des peines alternatives (B).

A. Les peines principales de référence


Les peines principales de référence accompagnent le texte d’incrimina-
tion et permettent de déterminer la classe de l’infraction en cause : crime,
délit ou contravention. Depuis 1994, le système de la fourchette légale a été
abandonné et le législateur ne fixe donc pour chaque infraction que les peines
maximales, aucun seuil minimum n’étant prévu par les textes. Les peines
plancher, introduites en 2007 pour les récidivistes et étendues en 2011 aux
primo-délinquants pour certaines infractions de violence, ont été abrogées en
2014. En matière criminelle, il existe cependant certaines limites inférieures :
lorsqu’une infraction est punie de la réclusion criminelle ou de la détention
criminelle à perpétuité, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure
à deux ans, et dans les autres cas la peine minimale est d’un an (art. 132-18 CP).
Les peines principales de référence sont classées en fonction de la nature de
l’infraction, en peines criminelles, correctionnelles et contraventionnelles.
Les peines criminelles (art. 131-1 et 131-2 CP) comprennent la réclusion
criminelle pour les crimes de droit commun (ou détention criminelle pour les
crimes politiques) qui peut être soit perpétuelle, soit à temps (30 ans, 20 ans ou
15 ans au plus), ainsi que la peine d’amende. Il est très rare de trouver effecti-
vement une peine d’amende dans les textes d’incrimination criminels, mais
cela arrive. À titre d’exemple, on peut mentionner l’article 442-1 du Code pénal
qui punit la contrefaçon ou la falsification des pièces de monnaie ou des billets
de banque de trente ans de réclusion criminelle et de 450 000 euros d’amende.
Il en va de même du vol à main armée, puni de 20 ans de réclusion criminelle
et de 150 000 euros d’amende (art. 311-8 CP), ou encore de l’acte de terrorisme
qui est puni de 20 ans de réclusion criminelle et de 350 000 euros d’amende,
voire de la réclusion criminelle à perpétuité et de 750 000 euros d’amende
lorsqu’il a entraîné la mort d’une ou plusieurs personnes (art. 421-4 CP).

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Les peines correctionnelles (art. 131-3 CP) comprennent l’emprison-

Partie 3 • La sanction de l’infraction


nement (avec huit échelons de maxima prévus à l’article 131-4 CP : 10 ans,
7 ans, 5 ans, 3 ans, 2 ans, 1 an, 6 mois, 2 mois) et l’amende, l’article 381 du
Code de procédure pénale précisant qu’elle doit être supérieure ou égale à
3 750 euros, sans fixer de montant maximum général, le législateur étant
libre de fixer la somme pour chaque infraction. Parfois, l’amende peut être
très élevée, comme par exemple en matière de recel, les peines pouvant
atteindre la moitié de la valeur des biens recelés (art. 321-3 CP) ; en matière
d’abus de marché, la loi no 2016-819 du 21 juin 2016 a porté l’amende de 1,5 à
100 millions d’euros, voire à 10 fois le montant de l’avantage retiré du délit
(art. L.465-1 Code monét. fin.).
Les peines contraventionnelles (art. 131-12 CP) sont uniquement des peines
d’amende. L’article 131-13 du Code pénal prévoit cinq classes de contraven-
tions : 38 €, 150 €, 450 €, 750 €, 1 500 € pouvant être portée à 3 000 € en cas de
récidive.

B. Les peines principales alternatives


Les peines alternatives peuvent être prononcées à la place de la peine
principale de référence en matière délictuelle ou contraventionnelle. Elles
ne figurent pas dans les textes d’incrimination mais sont énumérées aux
articles 131-3 et suivants du Code pénal. En instaurant ces peines, le législa-
teur a varié les réponses à l’infraction en offrant un plus large choix au juge,
afin de l’inciter à avoir recours à des alternatives à l’emprisonnement qui est
connu pour être souvent un facteur de désocialisation des personnes condam-
nées, surtout lorsqu’il est de courte durée.
Les peines correctionnelles alternatives sont de diverses sortes. En
premier lieu, la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE)
a été instaurée par la loi no 2013-222 du 23 mars 2019 (art. 131-4-1 CP). Cette
peine figure en deuxième position des peines correctionnelles énumérées à
l’article 131-3 du Code pénal. Elle peut être prononcée de manière autonome
à la place de l’emprisonnement sans être adossée à ce dernier. Sa durée peut
être comprise entre 15 jours et 6 mois, sans pouvoir excéder la durée de
l’emprisonnement encouru. En cas de méconnaissance de ses obligations par
le condamné (demeurer dans son domicile pendant les périodes déterminées)
voire de nouvelle condamnation, le juge de l’application des peines pourra
soit limiter ses autorisations d’absence, soit ordonner son emprisonnement
pour la durée de la peine restant à exécuter (art. 713-44 CPP).
En deuxième lieu, le travail d’intérêt général (TIG, art. 131-8 CP) est un
travail non rémunéré d’une durée de 20 à 400 heures, au profit soit d’une
personne morale de droit public, soit d’une personne morale de droit privé
chargée d’une mission de service public ou d’une association habilitées à mettre

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en œuvre des travaux d’intérêt général. Depuis la loi du 23 mars 2019, le TIG
peut même être prononcé lorsque le prévenu n’est pas présent à l’audience,
sans avoir donné au préalable son accord par écrit. Le juge de l’application
des peines doit alors informer le condamné, avant la mise à exécution de la
peine, de son droit de refuser l’accomplissement d’un travail, auquel cas tout
ou partie de l’emprisonnement ou de l’amende fixée au préalable par la juridic-
tion peut être mis à exécution. Son inexécution est punie de 2 ans d’empri-
sonnement et 30 000 € d’amende (art. 434-42 CP).
En troisième lieu, le jour-amende est une peine prévue pour les délits
punissables d’emprisonnement. Le juge fixe la durée des jours (maximum
360) et le montant à verser par jour (maximum 1 000 €) en tenant compte des
ressources et des charges du condamné (art. 131-5 CP).
En quatrième lieu, la peine de stage, dont le régime a été unifié et clarifié
par la loi du 23 mars 2019 (art. 131-5-1 CP), peut atteindre la durée d’un mois
et prendre des formes diverses : un stage de citoyenneté, tendant à l’appren-
tissage des valeurs de la République et des devoirs du citoyen, un stage de
sensibilisation à la sécurité routière, un stage de sensibilisation aux dangers
de l’usage de produits stupéfiants, un stage de responsabilisation pour la
prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, un
stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, un stage de
responsabilité parentale, un stage de lutte contre le sexisme et de sensibili-
sation à l’égalité entre les femmes et les hommes.
En cinquième lieu, l’article 131-6 du Code pénal prévoit un certain nombre
de peines privatives ou restrictives de droits (le texte parle de peines priva-
tives ou restrictives de « liberté » ce qui n’est pas exact) : la suspension du
permis de conduire ; l’interdiction de conduire certains véhicules ; l’annula-
tion du permis de conduire ; l’interdiction de détenir ou de porter une arme
soumise à autorisation ; le retrait du permis de chasser ; la confiscation de
la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose
qui en est le produit ; l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou
sociale, une profession commerciale ou industrielle, ou de diriger, d’admi-
nistrer, de gérer ou de contrôler une société ; l’interdiction de paraître dans
certains lieux ; l’interdiction de fréquenter certains condamnés ; l’interdic-
tion d’entrer en relation avec certaines personnes, etc. Ces peines peuvent
être prononcées à la place de l’emprisonnement lorsqu’un délit est puni
d’une peine d’emprisonnement et à la place de l’amende pour les délits qui
sont punis seulement d’une peine d’amende (art. 131-7 CP). L’inexécution de
ces peines est passible de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende
(art. 434-41 CP). Depuis la loi no 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à proté-
ger les victimes de violences conjugales, certaines mesures de l’article 131-6
sont, comme pour la peine de stage, alternatives ou cumulatives (les mesures
prévues aux 6°, 7°, 10°, 12°, 13° et 14°). Lorsque la juridiction prononce une ou

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Partie 3 • La sanction de l’infraction
plusieurs des peines prévues par l’article 131-6, un stage de citoyenneté ou un
travail d’intérêt général, elle peut fixer par anticipation la durée maximum
de l’emprisonnement ou le montant de l’amende dont le juge de l’application
des peines pourra ordonner la mise à exécution en tout ou partie, après débat
contradictoire, si le condamné ne respecte pas les obligations ou interdictions
résultant de la ou des peines prononcées (art. 131-9 CP).
En dernier lieu, la sanction-réparation consiste dans l’obligation pour
le condamné de procéder, dans le délai et selon les modalités fixées par la
juridiction, à l’indemnisation du préjudice de la victime. Avec l’accord de la
victime et du prévenu, la réparation peut être exécutée en nature. Cette peine
peut être prononcée à la place ou en même temps que la peine d’emprison-
nement ou l’amende. La juridiction fixe la durée maximum de l’emprison-
nement, qui ne peut excéder 6 mois, ou le montant de l’amende, qui ne peut
excéder 15 000 euros, dont le juge de l’application des peines pourra ordonner
la mise à exécution en tout ou partie si le condamné ne respecte pas l’obli-
gation de réparation. On voit que cette peine accorde une grande place à la
victime alors que le droit pénal n’a pas pour vocation traditionnelle la répara-
tion du préjudice mais la protection de la société. Elle mêle ainsi les fonctions
assignées à la sanction pénale à celles dévolues à la sanction civile qui vise
la réparation du dommage.
Les peines contraventionnelles alternatives, applicables aux contraven-
tions de la cinquième classe, comprennent également la sanction-réparation
ainsi que les peines privatives ou restrictives de droit prévues par l’article 131-14
du Code pénal : la suspension du permis de conduire ; l’immobilisation d’un ou
de plusieurs véhicules ; la confiscation d’une ou de plusieurs armes ; le retrait
du permis de chasser ; l’interdiction d’émettre des chèques ; la confiscation de
la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose
qui en est le produit. Ces peines peuvent être prononcées cumu­la­t i­vement
mais ne peuvent se cumuler avec une peine d’amende (art. 131-15 CP).

II. Les peines complémentaires

Les peines complémentaires peuvent s’ajouter aux peines principales


retenues par le juge, mais peuvent également être prononcées à titre de peine
principale pour les délits.
En matière criminelle et délictuelle, il ressort de l’article 131-10 du Code
pénal que la loi peut prévoir « une ou de plusieurs peines complémentaires qui,
frappant les personnes physiques, emportent interdiction, déchéance, incapacité
ou retrait d’un droit, injonction de soins ou obligation de faire, immobilisation ou
confiscation d’un objet, confiscation d’un animal, fermeture d’un établissement ou
affichage de la décision prononcée ou diffusion de celle-ci soit par la presse écrite,

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soit par tout moyen de communication au public par voie électronique ». Les diffé-
rents textes d’incrimination doivent donc prévoir spécifiquement que telle
infraction fait encourir telle peine complémentaire.
Lorsqu’une ou plusieurs peines complémentaires sont prononcées à titre
de peine principale en matière délictuelle, la juridiction peut fixer la durée
maximum de l’emprisonnement ou le montant maximum de l’amende dont
le juge de l’application des peines pourra ordonner la mise à exécution en
tout ou partie en cas de violation par le condamné des obligations ou inter-
dictions résultant des peines prononcées (art. 131-11 CP).
Le contenu des différentes peines est précisé aux articles 131-19 et suivants
du Code pénal. Il convient d’apporter quelques précisions sur le suivi socio-
judi­ciaire. L’article 131-36-1 du Code pénal définit la mesure comme l’obliga-
tion pour le condamné « de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application
des peines et pendant une durée déterminée par la juridiction de jugement, à des
mesures de surveillance et d’assistance destinées à prévenir la récidive ». Il s’agit des
obligations prévues par les articles 132-44 et 132-45 du Code pénal en matière
de sursis probatoire, ainsi que de l’injonction de soins (art. 131-36-4 CP) et du
placement sous surveillance électronique mobile (PSEM, art. 131-36-9 CP). Le
soin contraint est systématique s’il est établi par une expertise médicale que
la personne est susceptible de faire l’objet d’un traitement (art. 131-36-4 CP).
Bien que la personne concernée soit avertie qu’aucun traitement ne pourra
être entrepris sans son consentement, le refus de sa part des soins proposés
entraînera la mise à exécution de l’emprisonnement fixé par la décision de
condamnation, ce qui réduit considérablement sa liberté de choix. Le suivi
socio-judiciaire est présenté par le Code pénal comme étant une peine, alors
qu’il ressemble, par bien des aspects, à une mesure de sûreté. En effet, appli-
cable en matière d’infractions violentes et sexuelles, il concerne des délin-
quants présentant des troubles du comportement, principalement de nature
sexuelle et souvent avec une dimension médicale. Son contenu est similaire
à celui de la surveillance judiciaire et celui de la surveillance de sûreté qui
sont, elles, des mesures de sûreté.
Le suivi socio-judiciaire peut accompagner une peine privative de liberté
prononcée sans sursis en matière criminelle ou correctionnelle ou s’ajouter à
une peine assortie d’un sursis simple. Il peut aussi être prononcé seul, à titre de
peine principale, en matière de délits. Il est prévu pour des infractions limita-
tivement énumérées, l’article 131-36-1 précisant que la juridiction de jugement
peut l’ordonner dans les cas prévus par la loi. La durée de la mesure ne peut
excéder 10 ans en cas de condamnation pour délit et 20 ans en matière crimi-
nelle. En matière correctionnelle, cette durée peut toutefois être portée à 20
ans par décision spécialement motivée de la juridiction de jugement. Le suivi
dure 30 ans lorsqu’il s’agit d’un crime puni de 30 ans de réclusion criminelle,
et la cour d’assises peut décider que le suivi socio-judiciaire s’appliquera sans

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Partie 3 • La sanction de l’infraction
limitation de durée lorsqu’il s’agit d’un crime puni de la réclusion criminelle
à perpétuité. Dans ce dernier cas, le tribunal de l’application des peines a la
possibilité de mettre fin à la mesure à l’issue d’un délai de 30 ans (art. 712-7
CPP). Depuis la loi du 3 juin 2016, les personnes condamnées pour des infrac-
tions terroristes peuvent également être condamnées à un suivi socio-judi-
ciaire (art. 421-8 CP).
En matière contraventionnelle, le règlement peut prévoir une ou plusieurs
des peines complémentaires prévues à l’article 131-16 du Code pénal : la suspen-
sion du permis de conduire ; l’interdiction de détenir ou de porter une arme
soumise à autorisation ; la confiscation d’une ou de plusieurs armes ; le retrait
du permis de chasser ; la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée
à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit ; l’interdiction de
conduire certains véhicules terrestres à moteur ; la peine de stage ; la confis-
cation de l’animal ayant été utilisé pour commettre l’infraction ou à l’encontre
duquel l’infraction a été commise ; l’interdiction de détenir un animal, etc.
Pour les contraventions de cinquième classe, l’article 131-17 prévoit égale-
ment l’interdiction d’émettre des chèques et le travail d’intérêt général pour
une durée de 20 à 120 heures.

III. Les peines accessoires

Les peines accessoires sont des peines automatiques, résultant de plein


droit d’une condamnation pénale, qui n’ont pas besoin d’être prononcées par
le juge. Elles sont donc parfois qualifiées de sanctions occultes ou clandes-
tines et la question de leur compatibilité avec le principe de prévisibilité de
la loi pénale peut se poser. Elles sont à ce titre prohibées, depuis l’adoption
du Code pénal actuel, par l’article 132-17 qui dispose qu’ « aucune peine ne peut
être appliquée si la juridiction ne l’a expressément prononcée ».
Malgré cette interdiction générale, certaines peines automatiques subsistent
en dehors du Code pénal dont une partie a même été introduite posté­r ieu­
rement à l’adoption de l’article 132-17. Tel est le cas, par exemple, de l’incapa-
cité d’exercer une fonction de direction ou d’enseignement dans un organisme
de soutien scolaire, introduite par la loi no 2007-293 du 5 mars 2007 réfor-
mant la protection de l’enfance, qui s’applique notamment à « ceux qui ont
subi une condamnation judiciaire pour un crime ou délit contraire à la probité et
aux mœurs » (art. L. 445-1 C. éduc.). Le législateur a donc également prévu un
mécanisme de relèvement de ces peines déjà appliquées (art. 132-21, al. 2 CP).
Le texte précise d’ailleurs que « l’interdiction […] des droits civiques, civils et de
famille […] ne peut, nonobstant toute disposition contraire, résulter de plein droit
d’une condamnation pénale ». De même, la loi du 3 juin 2016 a introduit l’inter-
diction de détention d’armes de catégorie B et C pour les personnes dont le

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bulletin no 2 comporte une condamnation pour une des infractions visées à
l’article L. 312-3 du Code de la sécurité intérieure : une telle formulation peut
s’apparenter à une peine automatique contraire à la Constitution.
Bien que le Conseil constitutionnel confronte les peines accessoires subsis-
tantes au principe de l’individualisation des peines, on peut constater qu’elles ne
sont pas systématiquement censurées. Ainsi, le Conseil a censuré l’article L. 7
du Code électoral prévoyant une incapacité électorale applicable de plein droit
à la suite de certaines condamnations (C. const., 11 juin 2010, déc. no 2010-6/7
QPC) ; à l’inverse, il a validé l’annulation du permis de conduire encourue de
plein droit en cas de conduite en état d’ébriété commise en état de récidive
prévue à l’article L. 234-13 du Code de la route, au motif que le juge a la faculté
de « fixer la durée de l’interdiction [de solliciter la délivrance d’un nouveau permis]
dans la limite du maximum de trois ans » et qu’il n’est donc pas « privé du pouvoir
d’individualiser la peine » (C. const., 29 sept. 2010, déc. no 2010-40 QPC, cons. 5).
Une telle solution peut trouver une explication dans la distinction entre les
peines et les sanctions ayant le caractère d’une punition, d’un côté, et les
mesures de sûreté de l’autre, ces dernières étant soustraites aux garanties
découlant de l’article 8 de la DDHC.

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Chapitre 2
La mesure des peines

La détermination légale de la peine ne s’arrête pas à sa fixation dans le


texte d’incrimination. Certains mécanismes ont pour effet d’affecter la peine
encourue, que ce soit dans un sens plus sévère ou dans un sens plus doux.
En effet, il existe des causes d’aggravation de la peine (I) et, à l’inverse, des
causes d’atténuation de la peine (II). Dans certains cas, l’auteur des faits peut
même être exempt de peine par l’effet de la loi (III).

I. L’aggravation des peines

La peine maximale encourue par l’auteur d’une infraction peut être aggra-
vée en raison des circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise
parce que le législateur estime que l’atteinte portée aux valeurs sociales est
plus élevée (A). Dans d’autres cas, l’aggravation de la peine tient à la plura-
lité des infractions commises (B).

A. Les circonstances aggravantes


Les circonstances aggravantes sont des faits rattachés à un compor­
tement incriminé qui rendent l’infraction commise plus grave et, par consé-
quent, entraînent une augmentation de la peine encourue. Elles peuvent être
spéciales, c’est-à-dire qu’elles sont limitativement énumérées par la loi et
aggravent uniquement les infractions pour lesquelles elles sont prévues (p.ex.
les articles 311-4 et suivants du Code pénal prévoient les circonstances aggra-
vantes applicables au vol, telles que le vol commis avec violences, en bande
organisée ou avec une arme), ou générales, c’est-à-dire qu’elles s’appliquent
indépendamment de la prévision par le texte d’incrimination : il s’agit de la
récidive (art. 132-8 et s. CP), de la cryptologie (art. 132-79 CP) et du caractère
discriminatoire de l’infraction (depuis la loi no 2017-86 du 27 janvier 2017). Cette
dernière circonstance recouvre deux hypothèses : le motif discriminatoire
raciste (art. 132-76 CP) et le motif discriminatoire sexuel (art. 132-77 CP).

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Une partie d’entre elles sont définies aux articles 132-71 et suivants du
Code pénal (p.ex. l’usage d’une arme), les autres n’apparaissant que dans le
texte d’incrimination concerné (p.ex. l’âge, la vulnérabilité ou la qualité de
la victime lorsqu’elle est mineure ou dépositaire de l’autorité publique, etc.).
Certaines circonstances aggravantes ont pour effet de changer l’infraction
de catégorie, une contravention pouvant devenir un délit (p.ex. les violences
légères commises dans certaines circonstances) et un délit pouvant devenir
un crime (p.ex. le vol effectué à main armée).
On distingue trois types de circonstances aggravantes selon qu’elles sont
réelles, personnelles et mixtes. D’abord, les circonstances aggravantes réelles
sont rattachées à la matérialité des faits commis et entraînent donc une aggra-
vation de la peine pour tous les participants à l’infraction. Elles modifient les
modalités de réalisation de l’infraction (p.ex. l’usage d’une arme, la bande
organisée, le guet-apens, l’effraction, l’escalade). La Cour de cassation a ainsi
précisé que la bande organisée s’analyse en une circonstance aggravante réelle
qui a trait aux conditions dans lesquelles l’infraction a été commise et qui a
vocation à s’appliquer à l’ensemble des coauteurs et complices (Crim. 11 janv.
2017, no 16-80.610). L’utilisation d’un moyen de cryptologie (art. 132-79 CP) est
une circonstance aggravante réelle dont la portée est générale, en ce sens
qu’elle est applicable à tous les crimes ou délits punis de plus de deux ans
d’emprisonnement dès lors qu’un procédé de cryptologie est employé. Le
motif discriminatoire raciste (art. 132-76 CP) ou sexuel (art. 132-77 CP) est
également une circonstance aggravante réelle constituée par le mobile de
l’auteur, lequel doit être caractérisé par des éléments objectifs énumérés par
la loi. Cette circonstance aggravante générale est applicable à tous les crimes
et délits, sauf ceux exclus par le texte d’incrimination en raison de la redon-
dance de la circonstance, comme par exemple en matière de discrimina-
tion. Ensuite, les circonstances aggravantes personnelles sont rattachées
à la personne de l’agent et n’aggravent donc que les peines encourues par lui
(p.ex. la qualité de fonctionnaire, de dépositaire de l’autorité publique, la
relation ou l’ex-relation d’alliance, de concubinage ou de PACS entre l’auteur
et la victime, l’état de récidive). Enfin, les circonstances aggravantes mixtes
sont mi-réelles, mi-personnelles, tenant à la fois à la personne de l’auteur et
à la façon dont l’infraction est réalisée (p.ex. la préméditation). Elles sont
communiquées au complice de l’infraction dans la mesure où celui-ci en avait
connaissance. La Cour de cassation opère une distinction entre les circons-
tances qu’elle qualifie de « matérielles » qui aggravent les peines encourues
par le complice car elles sont une donnée objective qu’il ne pouvait ignorer
(p.ex. la qualité professionnelle de l’auteur, une « personne chargée d’une
mission de service public agissant dans le cadre de ses fonctions », qui trans-
forme le faux délictuel en faux criminel : Crim. 7 sept. 2005, no  04-84.235) ; et
les circonstances dites « morales » qui restent personnelles à chaque partici-
pant (p.ex. la préméditation : Crim. 20 juin 2012, no 11-85.683).

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B. La pluralité d’infractions

Partie 3 • La sanction de l’infraction


La répétition des infractions commises par une personne entraîne généra-
lement une aggravation des peines encourues. Il convient toutefois de distin-
guer quatre hypothèses de pluralité d’infractions qui n’emportent pas les
mêmes conséquences.
En premier lieu, la récidive légale est définie aux articles 132-8 et suivants
du Code pénal. C’est l’hypothèse d’une personne qui, après avoir été condamnée
définitivement pour une première infraction, en commet une nouvelle dans
certaines conditions. La récidive est une circonstance aggravante générale,
en ce sens que la peine encourue pour l’infraction commise en récidive est
doublée. Pour les contraventions de cinquième classe, la récidive entraîne
parfois une transformation de la contravention en délit (p.ex. le grand excès
de vitesse : art. L. 413-1 C. route). En matière criminelle, la peine encourue
passe de 15 ans à 30 ans de réclusion criminelle, et de 20 ou 30 ans à la perpé-
tuité. Concernant le mécanisme de la récidive, l’infraction est commise après
une précédente condamnation qui constitue le premier terme de la récidive ;
le second terme est la nouvelle infraction intervenue dans un délai déterminé.
Il faut distinguer selon le type d’infraction. Pour les crimes, la récidive est
générale et perpétuelle : le crime commis après une première condamna-
tion (pour un crime ou un délit puni de 10 ans d’emprisonnement) est puni
d’une peine aggravée, quelle que soit la nature de l’infraction commise et peu
importe le délai qui sépare les deux termes. Pour les délits, la récidive est,
selon les cas, générale (si le premier terme est une condamnation pour crime
ou délit puni de 10 ans d’emprisonnement) ou spéciale (si le premier terme
est une autre condamnation pour le même délit ou un délit « assimilé »), mais
elle est toujours temporaire : le nouveau délit n’est puni d’une peine aggravée
que s’il a été perpétré dans un certain délai après la première condamnation
(5 ou 10 ans selon les cas). Sont par exemple assimilés le vol, l’extorsion, le
chantage, l’escroquerie et l’abus de confiance (art. 132-16 CP). Pour les contra-
ventions de la 5e classe, la récidive est toujours spéciale et temporaire : la
nouvelle contravention doit être la même que la première et avoir été commise
dans un certain délai (1 ou 3 ans selon les cas).
En deuxième lieu, la réitération d’infractions est la commission d’une
nouvelle infraction après une première condamnation définitive pour crime
ou délit, qui ne remplit pas les conditions de la récidive légale (art. 132-16-7 CP).
Elle n’entraîne pas d’augmentation des peines encourues mais les peines
prononcées se cumulent sans limitation de quantum et sans possibilité de
confusion avec les peines définitivement prononcées lors de la condamna-
tion précédente.
En troisième lieu, le concours réel d’infractions correspond à l’hypo-
thèse dans laquelle plusieurs qualifications peuvent être retenues cumulati-
vement en raison d’une pluralité de faits matériellement distincts qui ne sont

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pas séparés entre eux par une condamnation définitive. Les peines encou-
rues pour les infractions en concours ne se cumulent alors que dans certaines
limites puisque l’agent n’a pas bénéficié entre les différents faits d’un rappel
à la loi. Les règles applicables ne sont pas les mêmes selon que les faits sont
jugées en même temps ou non. En cas d’unité de procédure, toutes les peines
encourues peuvent être prononcées, étant précisé que « lorsque plusieurs peines
de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu’une seule peine de cette
nature dans la limite du maximum légal le plus élevé » (art. 132-3 CP). En vertu
du principe d’indivisibilité, la peine la plus élevée est réputée commune aux
différentes infractions en concours, dans la limite du maximum légal appli-
cable à chacune d’entre elles. Les amendes contraventionnelles se cumulent
sans limite (art. 132-7 CP) entre elles et avec les amendes délictuelles et crimi-
nelles. En cas de procédures séparées, chaque infraction débouchera sur une
peine prononcée isolément, mais ces peines ne seront exécutées que dans la
limite du maximum légal le plus élevé pour les peines de même nature. Dans
la limite de ce maximum, la confusion totale ou partielle des peines par la
dernière juridiction est facultative ; au-dessus du maximum, la confusion doit
jouer obligatoirement (art. 132-4 CP). Par exception, certaines peines crimi-
nelles ou correctionnelles se cumulent sans possibilité de confusion (p.ex.
les peines prononcées pour le délit d’évasion se cumulent avec celles pronon-
cées pour l’infraction à raison de laquelle l’évadé était détenu).
En quatrième lieu, le législateur prend parfois en compte la pluralité
d’infractions en créant une incrimination spécifique englobant les diffé-
rentes infractions, par exception aux règles du concours réel. Il en va ainsi du
meurtre qui précède, accompagne ou suit un autre crime (art. 221-2, al. 1er CP) ;
du meurtre qui a pour objet de préparer ou de faciliter un délit (art. 221-2, al.
2 CP) ; ou encore du viol commis en concours avec un ou plusieurs autres viols
commis sur d’autres victimes (art. 222-24, 10° CP). Dans toutes ces hypothèses,
la peine encourue fixée dans le texte d’incrimination est aggravée par rapport
à celle prévue pour les mêmes infractions commises de manière isolée.

II. L’atténuation des peines

Avec la disparition de la « fourchette légale » depuis l’adoption du nouveau


Code pénal en 1994, ont également disparu les circonstances atténuantes
puisqu’aucune peine minimale n’est prévue par les textes d’incrimination,
le juge pouvant librement individualiser la peine sans avoir à respecter de
seuil minimum. Cependant, la peine maximale encourue peut être atténuée
dans certains cas.
D’abord, le repentir qui n’a pas permis d’éviter la réalisation de l’infrac-
tion mais qui aboutit à en atténuer les effets entraîne une atténuation des
peines encourues en cas d’indication expresse dans le texte d’incrimination.

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Ainsi, « dans les cas prévus par la loi, la durée de la peine privative de liberté

Partie 3 • La sanction de l’infraction


encourue par une personne ayant commis un crime ou un délit est réduite si, ayant
averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis de faire cesser l’infrac-
tion, d’éviter que l’infraction ne produise un dommage ou d’identifier les autres
auteurs ou complices ». Cela vaut également « lorsque la personne a permis soit
d’éviter la réalisation d’une infraction connexe de même nature que le crime ou le
délit pour lequel elle était poursuivie, soit de faire cesser une telle infraction, d’évi-
ter qu’elle ne produise un dommage ou d’en identifier les auteurs ou complices »
(art. 132-78 al. 2 et 3 CP). C’est le cas par exemple en matière de trafic de stupé-
fiants (art. 222-43 CP), d’enlèvement ou de séquestration (art. 224-5-1 CP),
de prise d’otage (art. 224-4 CP), de détournement d’un moyen de transport
(art. 224-8-1 CP), de proxénétisme (art. 225-11-1 CP), de vol en bande organi-
sée (art. 311-9-1 CP), et d’actes de terrorisme (art. 422-2 CP).
Ensuite, la minorité de l’auteur est une cause générale d’atténuation de la
peine, appelée traditionnellement « excuse de minorité ». Ainsi, la peine encou-
rue par le mineur âgé de 13 à 18 ans est réduite de moitié, l’amende ne pouvant
excéder 7 500 euros, et la réclusion criminelle à perpétuité étant ramenée à
20 ans. Cette diminution de la peine est obligatoire pour les mineurs de 13 à
16 ans, mais peut être écartée, par le tribunal pour enfants ou la cour d’assises
des mineurs, pour les mineurs âgés de plus de 16 ans lorsque les circons-
tances de l’espèce et la personnalité de l’auteur le justifient (v. supra, concer-
nant l’irresponsabilité du jeune enfant). Il est à préciser que la diminution
de la peine n’affecte pas la nature de l’infraction, c’est-à-dire que même si la
peine de réclusion criminelle devient par le jeu de l’atténuation un emprison-
nement, on reste en présence d’un crime, ce qui est important pour connaître
les règles applicables en matière de prescription notamment.
Enfin, en cas d’altération du discernement par l’effet d’un trouble psychique
ou neuropsychique, le maximum de la peine privative de liberté encourue est
réduit d’un tiers ou, en cas de crime puni de la réclusion criminelle à perpé-
tuité, ramené à 30 ans (art. 122-1, al. 2 CP). Cependant, la juridiction peut, par
une décision spécialement motivée en matière correctionnelle, écarter cette
diminution de peine. En matière criminelle, la cour d’assises ne peut pronon-
cer les peines privatives de liberté d’une durée égale ou supérieure aux deux
tiers de la peine initialement encourue qu’à la majorité de six voix au moins
en premier ressort et de huit voix au moins en appel (art. 362, al. 2 CPP).

III. L’exemption de peine

Lorsque le repentir a permis d’empêcher la réalisation de l’infraction,


il peut constituer une cause légale d’exemption de peine, faisant alors obsta-
cle au prononcé de toute peine. L’exemption de la peine au profit des repen-
tis est applicable uniquement dans les cas prévus par la loi. Ainsi, aux termes

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de l’article 132-78 CP, « La personne qui a tenté de commettre un crime ou un
délit est, dans les cas prévus par la loi, exempte de peine si, ayant averti l’autorité
administrative ou judiciaire, elle a permis d’éviter la réalisation de l’infraction et,
le cas échéant, d’identifier les autres auteurs ou complices ». Il convient de préci-
ser qu’il ne s’agit aucunement d’une cause d’impunité, celui qui a dépassé le
stade de la simple tentative restant pénalement responsable, même si aucune
peine n’est prononcée à son encontre. L’objectif du législateur est d’inciter les
auteurs de certains actes graves à limiter les conséquences dommageables
de leurs agissements et à préserver ainsi les victimes. Ainsi l’article 221-5-3
du Code pénal prévoit-il qu’est exempte de peine la personne qui a tenté de
commettre un assassinat ou un empoisonnement si, ayant averti l’autorité
administrative ou judiciaire, elle a permis d’éviter la mort de la victime et
d’identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices.
La liste des infractions concernées par la possibilité d’un repentir
a tendance à s’allonger. On y trouve par exemple le trafic de stupéfiants
(art. 222-43-1 CP), le complot, la trahison et l’espionnage (art. 414-2 et 414-3 CP),
le faux témoignage (art. 434-13 CP), l’évasion (434-37 CP), l’association de
malfaiteurs (art. 450-2 CP), l’assassinat ou l’empoisonnement (art. 221-5-3 CP),
la torture et les actes de barbarie (art. 222-6-2 CP), le vol en bande organi-
sée (art. 311-9-1 CP) l’extorsion en bande organisée (art. 312-6-1 CP), le blan­
chiment (art. 324-6-1 CP), l’enlèvement ou la séquestration (art. 224-5-1 CP),
le détournement d’un moyen de transport (art. 224-8-1 CP), le proxénétisme
(art. 225-11-1 CP), et les actes de terrorisme (art. 422-1 CP).

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Titre 2
Les peines prononcées

Les peines sont prononcées par le juge qui doit adapter la peine abstrai­
tement prévue par le texte d’incrimination à la situation concrète de la personne
condamnée. La détermination judiciaire de la peine, qui fait suite à la déter-
mination légale de celle-ci, obéit ainsi au principe de l’individualisation de
la peine (chapitre 1) qui est mis en œuvre par le juge par le biais de différents
moyens à sa disposition (chapitre 2).

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Chapitre 1
Le principe de l’individualisation de la peine

Le principe d’individualisation de la peine confère au juge une grande


liberté dans le choix de la peine qu’il prononce (I), sa décision devant toute-
fois être motivée (II).

I. La liberté dans le choix de la peine

Le juge détermine librement la peine qu’il souhaite prononcer, dans les


limites des prévisions légales, en ce qui concerne sa nature et son quantum.
D’une part, en ce qui concerne la nature de la sanction, le juge peut avoir
recours, outre aux peines principales, à un grand nombre de peines alterna-
tives et complémentaires. Il peut choisir de prononcer les peines encourues
cumulativement ou alternativement. D’autre part, du fait de la suppression
de la durée minimale des peines, le juge peut librement individualiser le
quantum de la peine (la durée de l’emprisonnement, le montant de l’amende
etc.), en prononçant une peine inférieure à celle encourue (art. 132-19, al. 1er
et 132-20, al. 1er CP), sans toutefois franchir le maximum prescrit par la loi.
La liberté du juge connaît toutefois deux limites, tenant aux peines
minimales prévues en matière criminelle et à la prohibition du prononcé de
très courtes peines en matière correctionnelle. D’abord, la loi fixe certaines
limites inférieures en matière criminelle, en deçà desquelles le juge ne peut
pas descendre (art. 132-18 CP : 2 ans au moins lorsque la perpétuité est encou-
rue, 1 an dans les autres cas). C’est la seule hypothèse où la loi prévoit encore
des peines planchers. Ensuite, la loi interdit le prononcé d’une peine d’empri-
sonnement ferme inférieure ou égale à 1 mois (art. 132-19, al. 1er). Ce seuil
minimum, instauré par la loi du 23 mars 2019 (entrée en vigueur 24 mars
2020), vise à interdire les très courtes peines de prison qui sont jugées inutiles,
voire contre-productives. L’introduction de cette nouvelle règle a été critiquée
devant le Conseil constitutionnel comme constituant une entrave à l’indivi-
dualisation de la peine. Ce dernier a toutefois rejeté l’argument en rappelant

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notamment que la juridiction peut avoir recours à d’autres peines que la peine
d’emprisonnement ou assortir celle-ci d’un sursis ou d’un sursis probatoire
(C. const., 21 mars 2019, déc. no 2019-778 DC, cons. no 333).
En tout état de cause, la peine choisie par le juge doit faire l’objet d’une indivi-
dualisation, rebaptisée « personnalisation » par le nouveau Code pénal en
raison de la reconnaissance de la responsabilité pénale des personnes morales.
Le législateur actuel emploie néanmoins, à nouveau, les termes « personnali-
sation » et « individualisation » comme des synonymes. L’article 132-1, al. 2 du
Code pénal dispose ainsi que « toute peine […] doit être individualisée », tandis
que l’article 132-24 dispose que « les peines peuvent être personnalisées selon les
modalités prévues à la présente section ». L’individualisation peut être définie
comme l’adaptation judiciaire de la sanction aux circonstances de l’espèce et,
surtout, à la personnalité propre et à la situation particulière de l’auteur de
l’infraction. Ce principe ancien puise son origine dans les courants doctri-
naux (École néo-classique, Défense sociale nouvelle…) qui ont mis l’accent
sur la prise en compte de la personnalité du délinquant, la peine ne devant
pas être déterminée uniquement en fonction de l’acte commis.
Le Conseil constitutionnel a reconnu au principe d’individualisation une
valeur constitutionnelle (C. const., 22 juil. 2005, déc. no 2005-520 DC), en préci-
sant toutefois que le principe n’a pas de valeur absolue, puisqu’il « ne saurait
faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effec-
tive des infractions » et « n’implique pas davantage que la peine soit exclusivement
déterminée en fonction de la personnalité de l’auteur de l’infraction » (C. const.,
9 août 2007, déc. no 2007-554 DC). Cela signifie que l’individualisation doit être
encadrée par le législateur conformément au principe de légalité. On retrouve
cette idée à l’article 132-1 du Code pénal qui dispose dans ses alinéas 2 et 3 :
« Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum
et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et
de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et
sociale ».
Il ressort par ailleurs de ce texte que l’individualisation de la peine doit
s’opérer selon trois critères : les circonstances de l’infraction, la personnalité
de son auteur et sa situation matérielle, familiale et sociale (art. 132-1 CP). La
peine est donc déterminée par référence tant à des éléments objectifs formant
les circonstances de l’infraction (le mode de commission, le moment, l’endroit,
le résultat et la valeur sociale lésée, la nature de la faute, le nombre de parti-
cipants, le profil de la victime…) qu’à des éléments subjectifs concernant la
personnalité de l’agent (son caractère, son attitude, son histoire, son éducation,
son état psychologique…) et sa situation personnelle (sa situation familiale,
sociale, professionnelle, financière, ses antécédents judiciaires, son évolu-
tion depuis la commission des faits…). Ainsi, par exemple, le passé pénal de
l’agent peut-il jouer en sa défaveur (Crim. 4 déc. 2001, no 01-81.021), tandis que

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Partie 3 • La sanction de l’infraction
sa situation familiale peut être un facteur de clémence (CA Grenoble, 1re ch.
corr., 7 sept. 2005, no 05/00291 : concernant une mère de quatre enfants qui
était confrontée au moment des faits à « des difficultés personnelles avérées »).
Ces trois critères sont cumulatifs et non alternatifs (Crim. 15 mars 2017,
no 16-83.838, Dr. pén. 2017, comm. 102, obs. Bonis-Garçon).
La peine d’amende suppose la solvabilité de la personne condamnée, ce
qui explique que le montant de l’amende soit, en outre, déterminé « en tenant
compte des ressources et des charges de l’auteur de l’infraction » (art. 132-20, al.
2 CP). Le but de cette règle est d’assurer une certaine égalité sociale entre
les délinquants, sans quoi la peine pourrait s’avérer contre-productive. Une
personne aux ressources modestes se verra donc infliger une amende moins
importante qu’une personne menant un train de vie luxueux. Afin de dispo-
ser des renseignements nécessaires sur la situation financière du prévenu,
l’autorité judiciaire peut « obtenir des parties, de toute administration, de tout
établissement financier, ou de toute personne détenant des fonds du prévenu, la
communication des renseignements utiles de nature financière ou fiscale, sans que
puisse être opposée l’obligation au secret » (art. 132-22 CP).

II. L’obligation de motivation

Si le juge est libre quant au choix de la peine, il doit toutefois, de manière


assez récente, motiver le prononcé de la peine. La motivation des peines
consiste, pour le juge, à exposer les raisons qui l’ont conduit à choisir telle
peine. Elle présente donc une vertu pédagogique en permettant au condamné
de comprendre la sanction qui lui est infligée, ainsi qu’une garantie de trans-
parence de la justice. Pendant longtemps, la Cour de cassation estimait que
l’application de la peine relevait d’une faculté discrétionnaire des juges, dont
ils ne devaient aucun compte (Crim. 5 oct. 1977, no 76-93.302). Un condamné
ne pouvait donc recevoir d’explications ni sur la nature (Crim. 9 févr. 1987,
no 86-92.864) ni sur le quantum (Crim. 19 mai 1999, no 98-80.773) de la peine
prononcée. Encore assez récemment, la Cour de cassation a ainsi affirmé
que « hormis les cas expressément prévus par la loi, les juges ne sont pas tenus
de motiver spécialement le choix de la sanction qu’ils appliquent dans les limites
légales » (Crim. 25 juin 2014, no 13-83.072). Cette jurisprudence a toutefois évolué
à partir de 2017, avant que le législateur consacre légalement une obligation
générale de motivation de la peine, que ce soit en matière correctionnelle,
contraventionnelle ou criminelle.
L’obligation de motiver les peines s’est imposée en plusieurs étapes. D’une
part, le législateur prévoyait déjà de longue date certains cas spéciaux dans
lesquels une motivation spéciale était requise. Ainsi, l’article 132-19 du Code
pénal (réécrit par la loi du 23 mars 2019) impose aux juges une motivation
spéciale lorsqu’ils décident de prononcer une peine d’emprisonnement ferme,

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sans sursis ni aménagement. En effet, en matière correctionnelle, le tribunal
correctionnel qui prononce un emprisonnement ferme inférieur ou égal à un
an « doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l’espèce et de la
personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale »
(art. 132-19, al. 2 et 3 CP). Cette obligation de motivation spéciale concerne
donc les courtes peines d’emprisonnement pour lesquelles un aménagement
doit être privilégié (v. infra). L’article 132-19, al. 2, énonce d’ailleurs très claire-
ment que « toute peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en
dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent
cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ».
En d’autres termes, l’emprisonnement doit constituer l’ultima ratio parmi les
peines à disposition du juge et ce dernier doit donc spécialement expliquer
son choix en cas de refus de tout aménagement. Une telle motivation spéciale
s’impose également pour les peines d’emprisonnement sans sursis supérieures
à un an (art. 464-2, II CPP). De même, la loi impose la motivation spéciale de
la peine d’interdiction du territoire (art. 131-30-1 CP) et du prolongement du
suivi socio-judiciaire (art. 131-36-1 CP).
D’autre part, la jurisprudence a consacré une nouvelle exigence de motiva-
tion générale, s’ajoutant à l’obligation de motivation spéciale découlant de la
loi. En effet, la chambre criminelle, dans trois arrêts du 1er février 2017, a décidé
que toutes les peines correctionnelles doivent désormais être motivées par
référence aux éléments mentionnés par l’article 132-1 du Code pénal relatif à
l’individualisation de la peine (Crim. 1er févr. 2017, no 15-83.984 : D. 2017. 1557,
chron. Guého, Pichon, Laurent, Ascensi, Barbier ; Dr. pén. 2017, comm. 69,
obs. Bonis-Garçon ; no 15-85.199 : D. 2017. 2501, obs. Roujou de Boubée, Garé,
Ginestet, Gozzi, Mirabail, Tricoire ; no 15-84.511 : Bull. crim. no  30 ; Dalloz actu.
15 févr. 2017, obs. Lavric). Cette obligation de motivation générale concerne
donc non seulement les peines d’emprisonnement (supérieures à un an), mais
aussi la peine d’amende (Crim. 1er févr. 2017, no 15-83.984) ou encore la confis-
cation (Crim. 8 févr. 2017, no 15-87.422). La Cour, par un revirement de juris-
prudence, a également exigé la motivation des peines contraventionnelles
(Crim. 30 mai 2018, no 16-85.777, Dr. pén. 2018, comm. 144, obs. Bonis ; Gaz.
Pal. 26 juin 2018, p. 23, obs. Bachelet). Enfin, le prononcé des peines crimi-
nelles doit également être motivé, depuis une décision du Conseil constitu-
tionnel censurant l’article 365-1, al. 2, du Code de procédure pénale (C. const.
2 mars 2018, déc. no 2017-694 QPC). Dans cette décision, il rappelle que l’obli-
gation de motivation découle de l’exigence constitutionnelle d’exclusion de
l’arbitraire.
L’obligation de motivation a ensuite été consacrée par la loi du 23 mars
2019. En matière délictuelle, elle est énoncée à l’article 485-1 du Code de
procédure pénale : « En cas de condamnation, sans préjudice des dispositions
prévoyant la motivation spéciale de certaines peines, notamment des peines non

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aménagées d’emprisonnement ferme, la motivation doit également porter sur le

Partie 3 • La sanction de l’infraction


choix de la peine au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code
pénal, sauf s’il s’agit d’une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de
l’objet de l’infraction. Les obligations particulières du sursis probatoire n’ont pas à
être motivées ». Les articles 132-1 et 132-20, auquel le texte renvoie, énoncent
les critères de l’individualisation de la peine (v. supra). La motivation est
en effet un moyen de rendre plus effective l’obligation d’individualiser les
peines, dans la mesure où elle permet de vérifier que les critères légaux ont
bien été pris en compte par les juges. La Cour de cassation a ainsi eu l’occa-
sion de rappeler que tout jugement doit comporter les motifs propres à justi-
fier la décision, afin de permettre à la Haute juridiction de s’assurer que les
juges du fond ont pris en considération la gravité des faits, la personnalité de
leur auteur et sa situation personnelle (Crim. 21 mars 2018, no 16-87.296).
La Cour de cassation est régulièrement amenée à censurer des arrêts
d’appel qui n’appliquent pas scrupuleusement cette obligation de motivation,
en omettant de s’exprimer sur l’un des trois critères cumulatifs mentionnés à
l’article 132-1 du Code pénal, censurant par exemple le défaut de motivation
des peines d’amende et d’interdiction de gérer au regard de la personnalité
du prévenu et de sa situation personnelle (Crim. 27 juin 2018, no 16-87.009) ou
d’une peine d’emprisonnement partiellement assortie d’un sursis qui avait été
prononcée sans que les juges du fond ne s’expliquent sur les éléments de la
personnalité du prévenu pris en considération (Crim. 7 nov. 2018, no 17-84.616).
Il arrive néanmoins que la Haute juridiction se contente d’une motivation plus
lacunaire. Ainsi, en ce qui concerne la peine de travail d’intérêt général, la
chambre criminelle a approuvé les juges du fond qui ne faisaient référence
qu’aux circonstances de l’infraction et à la personnalité de l’auteur, sans
s’expliquer sur la situation personnelle de ce dernier, en raison de l’accord
préalable de l’intéressé en cas de prononcé d’une telle peine (Crim. 16 avr.
2019, no 18-83.434, Dr. pén. 2019, comm. 120, obs. Peltier ; Lexbase Pénal 2019,
éd. 16, obs. Frinchaboy). D’ailleurs, la Cour de cassation se montre généra-
lement moins exigeante lorsque les juges du fond ne disposent pas de tous
les éléments permettant d’apprécier la situation personnelle ou la personna-
lité du condamné (Crim. 18 oct. 2017, no 16-83.108), ce qui est souvent le cas
dans les procédures rapides ou simplifiées et limite, de facto, l’effectivité de
la motivation.
En matière criminelle, l’exigence de motivation a été consacrée à
l’article 365-1 du Code de procédure pénale. Cette motivation, qui s’ajoute à
celle de la déclaration de culpabilité, consiste « dans l’énoncé des principaux
éléments ayant convaincu la cour d’assises dans le choix de la peine, au vu des
éléments exposés au cours de la délibération prévue à l’article 362 ». En revanche,
« la motivation des peines complémentaires obligatoires, de la peine de confisca-
tion du produit ou de l’objet de l’infraction ou des obligations particulières du sursis

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probatoire n’est pas nécessaire ». La formulation du texte est plus large qu’en
matière délictuelle, laissant de fait une plus grande liberté à la cour d’assises
dans la motivation de la peine. Ce constat est confirmé par la jurisprudence
de la chambre criminelle, qui se contente en matière de crime d’un contrôle
minimal de l’exigence de motivation. La Cour de cassation a ainsi approuvé
plusieurs arrêts d’assises ayant motivé la peine sans aucune référence à la
situation personnelle de l’auteur, se déterminant uniquement au regard de
sa personnalité et des circonstances (ou de la gravité) de l’infraction (Crim.
27 mars 2019, no 18-82.351, Dr. pén. 2019, comm. 98, obs. Bonis ; Crim. 16 oct.
2019, no 18-84.374).

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Chapitre 2
Les moyens de l’individualisation de la peine

Pour individualiser la peine qu’il prononce, après avoir déterminé sa


nature et son quantum, le juge peut choisir ses modalités d’exécution (I) et
décider de l’aménager (II).

I. Le choix des modalités d’exécution

Les modalités d’exécution de la peine peuvent affecter celle-ci dans le


sens de la clémence, lorsque le juge accorde un sursis à son exécution (A),
ou dans le sens de la sévérité, lorsque le juge décide d’assortir la peine d’une
période de sûreté (B).

A. Le sursis à l’exécution
La peine d’emprisonnement sera plus clémente par le recours au sursis
simple ou au sursis probatoire (anciennement appelé sursis avec mise à
l’épreuve). Le sursis a pour objectif de lutter contre les effets désocialisants des
courtes peines d’emprisonnement en favorisant la réinsertion du délinquant
dans la société, le cas échéant par la mise en place d’un régime de probation.
L’exécution de la peine d’emprisonnement est donc suspendue pendant une
certaine durée, la personne étant surveillée sous la menace d’une incarcéra-
tion si elle ne respecte pas certaines conditions. En matière correctionnelle,
le sursis est même le principe et la peine d’emprisonnement ferme l’excep-
tion. En effet, « une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée
qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur
rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadé-
quate » (art. 132-19, al. 2).
Le sursis simple est applicable à l’emprisonnement d’une durée inférieure
ou égale à 5 ans, à l’amende, aux jours-amendes, aux peines privatives de droits
de l’article 131-6 du Code pénal (sauf la confiscation), aux peines complémen-
taires de l’article 131-10 du Code pénal (sauf la confiscation, la fermeture d’éta-
blissement et l’affichage de la décision) ; aux peines contraventionnelles de

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cinquième classe, aux peines privatives de droits de l’article 131-14 du Code
pénal (sauf la confiscation), et aux peines complémentaires de l’article 132-34
du Code pénal. En matière criminelle ou correctionnelle, le sursis simple ne
peut être ordonné à l’égard d’une personne que lorsque celle-ci n’a pas été
condamnée, au cours des 5 années précédant les faits, à une peine de réclu-
sion ou d’emprisonnement pour les personnes physiques ; ou à une amende
d’un montant supérieur à 60 000 euros pour les personnes morales en cas de
délit (art. 132-30 CP) ou 15 000 euros en cas de contravention (art. 132-33 CP).
Le sursis entraîne une dispense totale ou partielle d’exécution de la peine
qui devient définitive à condition que le condamné ne fasse pas l’objet d’une
nouvelle condamnation sans sursis durant le délai d’épreuve. Ce délai est
de 5 ans en cas de condamnation pour crime ou délit, et de 2 ans en cas de
condamnation pour une contravention de la cinquième classe (art. 132-35
et 132-37 CP). En cas de nouvelle condamnation ferme, le sursis pourra être
révoqué par la juridiction prononçant la nouvelle condamnation (art. 132-36
et s. CP). En l’absence de révocation du sursis, la condamnation est réputée
non avenue (art. 132-35 CP), même si le sursis n’était que partiel.
Le sursis probatoire a été modifié par la loi du 23 mars 2019. Sa forme
actuelle résulte de la fusion entre le sursis avec mise à l’épreuve et la contrainte
pénale (peine autonome créée par la loi no 2014-896 du 15 août 2014 et abrogée
en 2019). Le sursis probatoire est applicable à l’emprisonnement pour un crime
ou délit de droit commun d’une durée de 5 ans au plus pour les délinquants
primaires ou d’une durée de 10 ans au plus pour les récidivistes. Une personne
ayant déjà bénéficié de deux sursis probatoires pour des délits identiques ou
assimilés alors qu’elle était en état de récidive légale ne peut plus bénéficier
d’un sursis ; il en va de même d’une personne condamnée pour un crime ou
un délit de violences volontaires, d’agression sexuelle, d’atteinte sexuelle ou
de délit commis avec la circonstance aggravante de violence, qui a déjà bénéfi-
cié d’un sursis probatoire lors d’une condamnation pour un délit identique
ou assimilé. Toutefois, ces règles sont écartées en cas de sursis partiel.
La juridiction fixe un délai d’épreuve compris entre 12 mois et 3 ans, voire
5 ans pour les récidivistes ou 7 ans en cas de nouvelle récidive (art. 132-42 CP).
Si la juridiction prononce un sursis partiel, ce délai est suspendu pendant
le temps de l’incarcération (art. 132-42 et 132-43 CP). Au cours du délai
d’épreuve, le condamné doit se soumettre aux mesures de contrôle prévues
par l’article 132-44 du Code pénal et aux obligations particulières prévues par
l’article 132-45. Il peut également bénéficier de mesures d’aide destinées à
favoriser son reclassement social (art. 132-46 CP). En cas de non-respect des
mesures imposées, le sursis peut être révoqué en totalité ou en partie par le
juge de l’application des peines (art. 742 CPP) ou, en cas de commission d’un
nouveau crime ou délit de droit commun, par la juridiction de jugement qui
prononce une condamnation à une nouvelle peine sans sursis (art. 132-48 CP).

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Partie 3 • La sanction de l’infraction
Lorsque la juridiction ordonne la révocation du sursis, elle peut, par décision
spéciale et motivée, faire incarcérer le condamné (art. 132-51 CP). En cas
de réussite de l’épreuve, c’est-à-dire lorsque le condamné n’a pas fait l’objet
d’une décision ordonnant l’exécution de la totalité de l’empri­son­nement, la
condamnation assortie du sursis avec mise à l’épreuve est réputée non avenue
(art. 132-52 CP).
La liste des obligations pouvant être prononcées dans le cadre du sursis
probatoire a été allongée par la loi du 23 mars 2019, pour inclure notamment
le travail d’intérêt général, les stages et l’injonction de soins (art. 132-45 CP).
Son contenu est donc élargi, en reprenant les mesures qui pouvaient être
prononcées dans le cadre de la contrainte pénale et regroupant un large
panel d’alternatives à l’emprisonnement qui, pour une partie d’entre elles,
peuvent également être prononcées à titre de peine principale. Par ailleurs,
la mesure peut prendre la forme d’un sursis probatoire renforcé, prévu à
l’article 132-41-1 du Code pénal, « lorsque la personnalité et la situation matérielle,
familiale et sociale de l’auteur d’un crime ou délit puni d’une peine d’empri­son­
nement et les faits de l’espèce justifient un accompagnement socio-éducatif indivi-
dualisé et soutenu ». Il consiste alors en un suivi pluridisciplinaire et évolutif,
avec des évaluations régulières de la situation du condamné par le service
pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Le contenu de la probation
est déterminé soit par la juridiction de jugement, si elle dispose d’éléments
suffisants sur la personnalité et la situation de l’intéressé, soit par le juge de
l’application des peines ultérieurement. Ce dernier peut également modifier le
contenu du suivi renforcé en cours d’exécution ou y mettre fin à tout moment
(art. 741-2 CPP).

B. La période de sûreté
Le juge dispose de la possibilité de se montrer plus sévère, en assortissant
la peine prononcée d’une période de sûreté. Celle-ci a pour effet de rendre
une partie de la peine incompressible, c’est-à-dire non aménageable. Cette
mesure consiste en une période de temps fixée par la juridiction de jugement
lors du prononcé de la décision de condamnation durant laquelle une personne
condamnée à une peine privative de liberté sans sursis ne pourra bénéfi-
cier d’aucune des mesures favorables d’aménagement de sa peine visées à
l’article 720-2 du Code de procédure pénale. La période de sûreté est géné­ra­
lement considérée comme une mesure de sûreté en raison de sa finalité
consistant à préserver l’ordre public.
La période de sûreté est applicable exclusivement aux majeurs, soit de
plein droit, soit sur décision de la juridiction de jugement (art. 132-23 CP).
Elle s’applique de plein droit si la juridiction prononce une peine priva-
tive de liberté, non assortie du sursis, d’une durée supérieure ou égale à 10
ans pour certaines infractions spécialement prévues par la loi (art. 132-23,

157

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al. 1er CP). Elle est alors obligatoire et automatique et la juridiction n’a pas à
énoncer que la peine est assortie d’une période de sûreté ni à motiver spécia-
lement sa décision sur ce point. Dans cette hypothèse, on ne saurait vraiment
parler d’individualisation puisque le juge n’a aucun pouvoir d’appréciation
sur la mesure. Cependant, le Conseil constitutionnel a déclaré ce mécanisme
conforme à la Constitution, estimant qu’il ne méconnaît pas les principes
d’individualisation et de nécessité des peines (C. const. 26 oct. 2018, déc.
no 2018-742 QPC). Le juge répressif conserve en effet son rôle de décision, ayant
le pouvoir de réduire ou même d’exclure la période de sûreté lorsqu’elle est
de plein droit. En dehors des cas où elle s’applique de plein droit, la période
de sûreté est facultative et peut être prévue par la juridiction de jugement
si elle prononce une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d’une
durée supérieure à 5 ans.
La durée de la période de sûreté varie selon qu’elle opère de plein droit
ou qu’elle est décidée par le juge. En cas de période de sûreté obligatoire, sa
durée est, en principe, égale à la moitié de la peine, ou à 18 ans si la réclu-
sion perpétuelle a été prononcée. La juridiction de jugement a toutefois la
faculté, par décision spéciale, soit d’augmenter cette durée pour la porter
jusqu’aux deux tiers de la peine ou, s’il s’agit d’une condamnation à la réclu-
sion criminelle à perpétuité, jusqu’à 22 ans, soit de la réduire, l’article 132-23
du Code pénal ne prévoyant alors aucun seuil minimum. Le juge peut encore
décider de la porter à 30 ans en cas de peine privative de liberté à temps ou
même à la durée totale de la peine de réclusion criminelle à perpétuité, en cas
d’assassinat ou de meurtre d’un mineur de quinze ans précédé ou accompa-
gné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie, ou lorsque le meurtre a été
commis soit avec préméditation, soit en bande organisée sur une personne
dépositaire de l’autorité publique à l’occasion de l’exercice ou en raison de
ses fonctions (art. 221-3 et 221-4 CP). Dès lors que l’intégralité de la peine est
assortie d’une période de sûreté, celle-ci peut être qualifiée de « peine incom-
pressible » ou de « perpétuité réelle ». La loi no 2016-731 du 3 juin 2016 a créé
une nouvelle forme de perpétuité réelle pouvant être prononcée à l’encontre
des auteurs d’infractions terroristes (art. 421-7 CP et 720-5 CPP). Lorsqu’elle
est facultative, sa durée ne peut excéder les deux tiers de la peine ou 22 ans si
la réclusion perpétuelle est prononcée. Le juge fixe alors librement sa durée
à l’intérieur de ce maximum légal.
La rigueur de ces dispositions est atténuée par des possibles aménage-
ments de la période de sûreté en cours d’exécution. D’une part, le relève-
ment total ou partiel de la période de sûreté est possible en application de
l’article 720-4 du Code de procédure pénale. Le tribunal de l’application des
peines peut, à titre exceptionnel, mettre fin à la période de sûreté ou réduire sa
durée « lorsque le condamné manifeste des gages sérieux de réadaptation sociale ».
Toutefois, lorsque la cour d’assises a décidé de porter cette période à 30 ans,

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Partie 3 • La sanction de l’infraction
aucun aménagement n’est possible avant que le condamné ait été incarcéré
pendant au moins 20 ans. Face à une peine perpétuelle incompressible, la
révision de la mesure n’est possible qu’à l’expiration d’une incarcération de
30 ans, après une expertise par un collège de trois experts médicaux qui se
prononcent sur l’état de dangerosité du condamné. Si la durée de la période
de sûreté fait l’objet d’une réduction, le condamné peut ensuite prétendre au
bénéfice d’un aménagement de sa peine. D’autre part, la mesure peut être
aménagée par décret de grâce du président de la République, en vertu de
l’article 720-2, alinéa 2 du Code de procédure pénale. Une période de sûreté
perpétuelle peut ainsi être commuée en période de sûreté à temps.

II. L’aménagement de la peine

L’aménagement de la peine a pour but d’éviter la détention lorsqu’une


peine privative de liberté a été prononcée, afin de prévenir la désocialisa-
tion des personnes condamnées et ainsi la récidive. Il peut s’effectuer ab
initio (A), c’est-à-dire avant l’exécution de la peine, ou ultérieurement (B), au
cours de son exécution.

A. L’aménagement ab initio
L’aménagement ab initio intervient avant la mise à exécution de la peine,
étant décidée directement par la juridiction de jugement lors de l’audience ou
par le juge de l’application des peines à la suite de celle-ci. Cette possibilité

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ne concerne que les peines courtes. Il découle en effet de l’article 132-19 du
Code pénal que seules peuvent faire l’objet d’un aménagement les peines
inférieures ou égales à un an, sans distinction entre récidivistes et primo-
délin­quants (avant la réforme du 23 mars 2019, les peines concernées par
l’aménagement étaient celles inférieures ou égales à 2 ans, ou un an pour les
récidivistes). Il en va de même de l’emprisonnement partiellement assorti
du sursis ou du sursis probatoire, lorsque la partie ferme de la peine est
inférieure ou égale à un an.
Cet aménagement est même une obligation : lorsque le juge fait le choix
de prononcer une peine d’emprisonnement sans sursis, cette peine doit, en
principe, faire l’objet d’une mesure d’aménagement afin d’éviter qu’elle soit
exécutée en prison. L’article 132-19 du Code pénal opère une distinction entre
les peines inférieures ou égales à 6 mois et celles comprises entre 6 mois et
un an. Ainsi, « si la peine est inférieure ou égale à six mois, elle doit, sauf impos-
sibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, faire l’objet
d’une des mesures d’aménagement prévues à l’article 132-25 » ; lorsque la peine est
comprise entre 6 mois et un an, « elle doit également être aménagée si la person-
nalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle ».
Autrement dit, l’aménagement est obligatoire pour les peines de 6 mois ou
moins, et facultative pour les peines entre 6 mois et un an. Pour ces dernières,
l’aménagement peut d’ailleurs porter sur la totalité de la peine ou sur une
partie d’elle seulement (art. 132-25 CP). Dans tous les cas, l’obligation d’aména-
ger n’est pas absolue puisque la loi prévoit des exceptions tenant à la person-
nalité et à la situation du condamné, ou à une impossibilité matérielle. Si le
tribunal décide de prononcer une peine d’empri­son­nement ferme inférieure
ou égale à un an (sans sursis et sans aménagement), il devra spécialement
motiver sa décision (v. supra).
Au-delà d’un an, aucun aménagement ab initio n’est possible. Lorsque
la juridiction décide de prononcer une peine d’emprisonnement sans sursis
supérieure à un an, la personne condamnée est donc effectivement incar-
cérée. La Cour de cassation a décidé que ce nouveau seuil d’aménagement,
qui a été abaissé par la loi du 23 mars 2019 en excluant dorénavant l’amé­na­
gement des peines comprises entre un an et 2 ans, ne devait s’appliquer qu’aux
faits commis à partir du 24 mars 2020 (date d’entrée en vigueur de la loi) sans
pouvoir rétroagir en raison de son caractère plus sévère pour les condamnés
(Crim. 20 oct. 2020, no 19-84.754, préc.).
Afin de garantir l’effectivité de la peine prononcée, l’article 464-2 du Code
de procédure pénale précise que l’aménagement de la peine peut être décidé
par le tribunal correctionnel directement. Autrement, s’il ne dispose pas des
éléments lui permettant de déterminer la mesure d’aménagement adaptée,
la personne condamnée doit faire l’objet d’une convocation devant le juge de
l’application des peines et le service pénitentiaire d’insertion et de probation

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Partie 3 • La sanction de l’infraction
afin que soit procédé à un tel aménagement. À défaut d’aménager la peine
d’emprisonnement de 6 mois ou plus, le jugement doit décerner soit un mandat
de dépôt ou d’arrêt, soit un mandat de dépôt à effet différé avec convocation
devant le procureur de la République dans le délai d’un mois. Le but est de
renforcer une mise à exécution effective et rapide de l’incarcération dès lors
qu’un emprisonnement ferme est retenu, afin de renforcer la crédibilité de
la justice aux yeux des citoyens.
Les mesures d’aménagement sont prévues par les articles 132-25 et 132-26
du Code pénal : il s’agit de la détention à domicile sous surveillance électro-
nique (DDSE), de la semi-liberté et du placement à l’extérieur. En premier lieu,
le condamné placé sous DDSE est soumis aux mêmes obligations que celles
applicables dans le cadre d’une DDSE prononcée à titre de peine autonome
(art. 131-4-1 CP). En deuxième lieu, le condamné admis au bénéfice de la
semi-liberté est astreint à rejoindre l’établissement pénitentiaire pendant
les périodes déterminées par le juge de l’application des peines. Ces périodes
sont notamment déterminées en fonction du temps nécessaire pour que
le condamné puisse exercer une activité professionnelle, suivre un ensei­
gnement, un stage, une formation ou un traitement, rechercher un emploi
ou participer à la vie de famille ou à tout projet d’insertion ou de réinsertion.
En troisième lieu, le condamné admis au bénéfice du placement à l’extérieur
est astreint, sous le contrôle de l’administration, à effectuer des activités ou
à faire l’objet d’une prise en charge sanitaire en dehors de l’établissement
pénitentiaire. Ces trois mesures emportent également pour le condamné
l’obligation de répondre aux convocations de toute autorité publique désignée
par le juge de l’application des peines et la juridiction de jugement peut en
outre soumettre le condamné aux mesures prévues aux articles 132-43 à
132-46 relatifs au sursis probatoire. En outre, le fractionnement de la peine
(art. 132-27 CP) peut être autorisé pour motif d’ordre médical, familial, profes-
sionnel ou social. L’emprisonnement est alors, pendant une période n’excé-
dant pas 4 ans, exécuté par fractions d’une durée minimale de 2 jours. La loi
no 2016-987 du 21 juillet 2016 a cependant limité les aménagements de peine
pour les personnes condamnées pour des infractions terroristes, en inter-
disant la suspension et le fractionnement de peine ainsi que l’octroi d’une
semi-liberté ou d’un placement extérieur (art. 720-1 et 723-1 CPP).
Le bénéfice des mesures d’aménagement peut être retiré pour différents
motifs, notamment en cas d’inobservation par le condamné de ses obliga-
tions et interdictions, en cas de mauvaise conduite ou de nouvelle condam-
nation, ou si les conditions de la mesure ne sont plus remplies (art. 723-2 CPP
pour la semi-liberté, art. 723-13 CPP pour la DDSE). Le fait de se soustraire
au contrôle auquel le condamné est soumis ou de ne pas réintégrer l’éta­blis­
sement pénitentiaire est constitutif d’une évasion (art. 434-29 CP).

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B. L’aménagement ultérieur
L’efficacité des sanctions pénales suppose leur effectivité, c’est-à-dire
qu’une fois qu’elles ont été prononcées par le juge, elles doivent être exécu-
tées. Cependant, les finalités des peines au moment de leur exécution sont
avant tout axées sur la réinsertion du délinquant afin d’éviter la commission
de nouvelles infractions. Dans cette optique, l’individualisation de la peine
est encore présente au stade de son exécution puisque son régime « est adapté
au fur et à mesure de l’exécution de la peine, en fonction de l’évolution de la person-
nalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée,
qui font l’objet d’évaluations régulières » (art. 707, II, al. 2 CPP). L’article 707, III
du Code de procédure pénale précise les modalités de l’aménagement de la
peine en cours d’exécution : « Toute personne condamnée incarcérée en exécu-
tion d’une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d’un
retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions matérielles de détention
et du taux d’occupation de l’établissement pénitentiaire, dans le cadre d’une mesure
de semi-liberté, de placement à l’extérieur, de détention à domicile sous surveillance
électronique, de libération conditionnelle ou d’une libération sous contrainte, afin
d’éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire ». Au stade de
l’exécution de la peine, le détenu peut ainsi bénéficier de diverses mesures
accordées par le juge de l’application des peines, de sorte que les peines priva-
tives de liberté sont de plus en plus souvent exécutées en milieu ouvert. Ces
mesures sont prévues par le Code de procédure pénale dans un chapitre ii
concernant l’exécution des peines privatives de liberté (art. 720 et s. CPP). Tous
les détenus bénéficient par ailleurs de plein droit d’un crédit de réduction de
peine qui peut être retiré en cas de mauvaise conduite (art. 721 CPP), et une
réduction supplémentaire de la peine peut être accordée aux condamnés qui
manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale (art. 721-1 CPP).
En ce qui concerne les personnes non incarcérées, condamnées à une
peine inférieure ou égale à un an d’emprisonnement ou pour lesquelles la
durée de la détention restant à subir est inférieure ou égale à un an (avant la
loi du 23 mars 2019 ce seuil était de 2 ans), elles bénéficient, dans la mesure du
possible et si leur personnalité et leur situation le permettent, d’une semi-li-
berté, d’un placement à l’extérieur, d’une DDSE, d’un fractionnement ou d’une
suspension de peine, d’une libération conditionnelle ou d’une conversion
de la peine (art. 723-15 CPP). La conversion de la peine, qui a vu son champ
d’application élargi par la loi du 23 mars 2019, permet une prise en compte
de l’évolution de la situation du condamné pendant l’exécution de sa peine.
Elle concerne différentes sortes de peines, à savoir l’emprisonnement ferme
de 6 mois au plus, le travail d’intérêt général (TIG), le sursis probatoire avec
TIG, la DDSE ou encore la peine de jours-amende (art. 747-1 et 747-1-1 CPP).
Ces peines pourront, selon les cas, être remplacées par une DDSE, un TIG,
une peine de jours-amende ou un sursis probatoire renforcé.

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La loi no 2014-896 du 15 août 2014 a également instauré la « libération sous

Partie 3 • La sanction de l’infraction


contrainte » qui n’est pas tant une mesure d’aménagement de la peine qu’une
procédure qui mène aux différentes mesures existantes, puisqu’elle entraîne
l’exécution du reliquat de peine sous le régime de la semi-liberté, du place-
ment à l’extérieur, de la DDSE ou de la libération conditionnelle (art. 720 CPP).
Ce mécanisme permet surtout de désengorger les prisons, dans la mesure où
il consiste en un examen systématique par le juge de l’application des peines
de la situation de toute personne exécutant une ou plusieurs peines priva-
tives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à 5 ans, lorsque la durée
de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine
restant à subir (en d’autres termes, le condamné atteint le seuil des deux tiers
de sa peine). La loi du 23 mars 2019 a encore renforcé l’automatisme de cette
mesure : elle ne pourra être refusée par le juge qu’en cas d’impossibilité de
mettre en œuvre un aménagement au regard des exigences de l’article 707, ou
lorsque le condamné a préalablement fait connaître son refus d’une libéra-
tion sous contrainte.
Parmi les mesures d’aménagement de la peine privative de liberté, on trouve
notamment la libération conditionnelle. Cette mesure tend à la réinsertion
des condamnés et à la prévention de la récidive (art. 729 CPP), en permet-
tant à la personne condamnée d’être libérée avant le terme de sa peine sous
certaines conditions. Cette mesure peut être accordée lorsque la durée de la
peine accomplie par le condamné est au moins égale à la durée de la peine lui
restant à subir (art. 729 CPP) ; en d’autres termes, lorsqu’au moins la moitié de
la peine devant concrètement être exécutée (après déduction des réductions de
peine) a été exécutée. C’est ce que l’on appelle le « temps d’épreuve ». Celui-ci
ne peut excéder 15 années pour les non-récidivistes et 20 années pour les
récidivistes. En cas de condamnation à la réclusion à perpétuité, il est respec-
tivement de 18 années ou de 22 années. Le temps d’épreuve peut cependant
être réduit (art. 729-1 CPP) et aucune demande de libération conditionnelle
ne sera recevable avant l’expiration d’une éventuelle période de sûreté. De
plus, le bénéfice de la mesure suppose que la personne manifeste des efforts
sérieux de réadaptation sociale et justifie de son implication dans un projet
sérieux d’insertion ou de réinsertion (notamment une activité profession-
nelle, la participation à la vie de sa famille, ses efforts en vue d’indemniser la
victime…). La loi du 3 juin 2016 a par ailleurs renforcé les conditions d’octroi
de la libération conditionnelle des personnes condamnées pour terrorisme
(art. 730-2-1 CPP).
La personne libérée peut être soumise à des conditions particulières ainsi
que des mesures d’assistance et de contrôle destinées à faciliter et à vérifier
son reclassement (art. 731 CPP). De plus, elle peut être soumise à une injonc-
tion de soins ou placée sous surveillance électronique mobile dans certains
cas. La durée des mesures d’assistance et de contrôle, appelée aussi période

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probatoire, ne peut être inférieure à la durée de la partie de la peine non
subie au moment de la libération s’il s’agit d’une peine temporaire ; elle peut
la dépasser pour une période maximum d’un an (art. 732 CPP). En cas de
peine perpétuelle, cette durée ne peut être inférieure à 5 années. Dans tous
les cas, elle ne saurait excéder 10 années. Le délai probatoire peut toutefois
être sans limitation de temps en cas de condamnation à la réclusion crimi-
nelle à perpétuité incompressible (art. 720-4, al. 5 CPP). Le bénéfice de la
libération conditionnelle peut être révoqué en cas de nouvelle condamna-
tion, d’inconduite notoire, d’infraction aux conditions ou d’inobservation des
mesures énoncées dans la décision de mise en liberté conditionnelle (art. 733
CPP). Le condamné doit alors subir tout ou partie de la durée de la peine qu’il
lui restait à accomplir au moment de sa libération.

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III. L’exclusion de la peine

Partie 3 • La sanction de l’infraction


En matière de délits et de contraventions, le juge peut prononcer une
dispense de peine (A), ou ajourner le prononcé de celle-ci (B).

A. La dispense de peine
Une dispense de peine peut être accordée par le juge lorsqu’il apparaît que
le reclassement du coupable est acquis, que le dommage causé est réparé et
que le trouble résultant de l’infraction a cessé (art. 132-59 CP). Cette exclusion
définitive de la peine, qui est laissée à la discrétion du juge, permet de renon-
cer au prononcé d’une peine lorsque les objectifs de la répression sont d’ores
et déjà atteints, car la peine n’aurait alors aucune fonction. Ce mécanisme
n’affecte que les peines, la déclaration de culpabilité demeurant avec toutes
ses conséquences, notamment l’inscription au casier judiciaire (à moins que
le juge décide que sa décision ne sera pas mentionnée au casier judiciaire :
art. 132-59, al. 2 CP).

B. L’ajournement du prononcé de la peine


Le juge peut ajourner le prononcé de la peine lorsque les trois conditions
de la dispense de peine ne sont pas encore atteintes au moment du jugement
mais sont en voie de l’être, c’est-à-dire lorsqu’il apparaît que le reclassement
du coupable est en voie d’être acquis, que le dommage causé est en voie d’être
réparé et que le trouble résultant de l’infraction va cesser (art. 132-60 CP). Ce
mécanisme permet d’opérer une césure dans le procès pénal entre la décla-
ration de culpabilité et le prononcé de la peine, en laissant au prévenu la
perspective d’une exclusion de la peine. Il consiste en un report de la date à
laquelle la juridiction qui a déclaré le prévenu coupable statuera sur la peine.
La décision sur la peine doit intervenir au plus tard un an après la première
décision d’ajournement (art. 132-62 CP). À l’audience de renvoi, la juridiction
peut soit dispenser le prévenu de peine, soit prononcer la peine prévue par la
loi, soit ajourner une nouvelle fois le prononcé de la peine (art. 132-61 CP).
L’ajournement peut prendre différentes formes : il peut être simple, avec
probation (permettant de soumettre le coupable à certaines obligations :
art. 132-63 et s. CP), avec injonction (qui tend à imposer au coupable une
réparation en nature en l’obligeant de se conformer à une ou plusieurs des
prescriptions prévues par des lois ou règlements spécifiques qui ont été
méconnus : art. 132-66 et s. CP), aux fins d’investigation sur la personna-
lité ou la situation de l’intéressé (art. 132-70-1 CP) ou aux fins de consigna-
tion d’une somme d’argent (qui vise à garantir le paiement d’une éventuelle
peine d’amende : art. 132-70-3 CP).

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Table des matières

Introduction........................................................................................................................... 3
I.. Définition du droit pénal............................................................................. 4
II.. Origines du droit pénal................................................................................ 6
III..Sources du droit pénal............................................................................... 11
A.. Les sources directes............................................................................. 11
B.. Les sources indirectes......................................................................... 12

Partie 1. L’infraction..........................................................................................................17
Titre 1. Le préalable légal de l’infraction.......................................................... 19
Chapitre 1. Le principe de légalité criminelle............................................ 21
I.. La signification du principe de légalité pour le législateur...................... 21
A.. La légalité de l’incrimination et de la sanction................................... 21
B.. Les qualités de la loi pénale................................................................. 23
II.. La signification du principe de légalité pour le juge................................. 24
A.. L’obligation de qualifier les faits......................................................... 24
1.. Le principe de l’unité de qualification.......................................... 24
2.. Les exceptions au principe de l’unité de qualification................. 26
B.. L’interprétation stricte de la loi pénale............................................... 28

Chapitre 2. L’application de la loi pénale...................................................... 31


I.. L’application de la loi pénale dans le temps.............................................. 31
A.. Les lois pénales de fond....................................................................... 31
1.. La non-rétroactivité des lois pénales plus sévères....................... 31
2.. La rétroactivité des lois pénales plus douces................................ 34
B.. Les lois pénales de forme.................................................................... 36
1.. Les lois de procédure..................................................................... 36
2.. Les lois de prescription................................................................. 37
3.. Les lois relatives à l’exécution des peines..................................... 38
II.. L’application de la loi pénale dans l’espace............................................... 40
A.. Le principe de territorialité................................................................. 40
B.. Le principe de personnalité................................................................ 42
C.. Les autres principes applicables......................................................... 43

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Titre 2. Les éléments constitutifs de l’infraction........................................... 45
Chapitre 1. L’élément matériel de l’infraction............................................ 47
I.. La consommation de l’infraction.............................................................. 47
A.. Le comportement................................................................................ 47
1.. Infraction simple, d’habitude ou complexe.................................. 48
2.. Infraction instantanée ou continue.............................................. 48
3.. Infraction par action ou par abstention....................................... 48
B.. Le résultat............................................................................................ 49
1.. L’infraction matérielle.................................................................. 49
2.. L’infraction formelle..................................................................... 50
3.. L’infraction obstacle...................................................................... 51
II.. La tentative punissable.............................................................................. 52
A.. Le commencement d’exécution........................................................... 52
B.. L’absence de désistement volontaire................................................... 53
1.. L’exécution suspendue.................................................................. 54
2.. L’exécution infructueuse............................................................... 54

Chapitre 2. L’élément moral de l’infraction................................................. 57


I.. La faute intentionnelle............................................................................... 57
A.. La définition de l’intention.................................................................. 58
B.. Les degrés de l’intention...................................................................... 59
II.. La faute non intentionnelle........................................................................ 61
A.. La faute simple..................................................................................... 62
B.. La faute qualifiée................................................................................. 63
1.. La faute de mise en danger délibérée........................................... 64
2.. La faute caractérisée..................................................................... 66

Partie 2. La responsabilité pénale.............................................................................. 69


Titre 1. Le responsable de l’infraction................................................................ 71
Chapitre 1. La responsabilité pénale des personnes physiques.......... 73
I.. L’action et la coaction................................................................................. 73
A.. Les modalités de l’action criminelle................................................... 75
1.. Auteur matériel et auteur moral................................................... 75
2.. Auteur direct et auteur indirect.................................................... 76
B.. La responsabilité pénale du chef d’entreprise.................................... 77
1.. Les conditions de la responsabilité pénale du chef d’entreprise..... 78
2.. L’exonération du chef d’entreprise................................................ 79
II.. La complicité.............................................................................................. 80
A.. Les conditions de la complicité........................................................... 80
1.. Un fait principal punissable......................................................... 80
2.. Une participation accessoire........................................................ 82
a.. Les modes de complicité......................................................... 82
b.. Le caractère intentionnel de la complicité............................. 84
B.. La répression de la complicité............................................................. 86

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Chapitre 2. La responsabilité pénale des personnes morales.............. 89
I.. Le domaine de la responsabilité pénale des personnes morales.............. 90
II.. Les conditions de la responsabilité pénale des personnes morales......... 91
A.. Une infraction commise par un organe ou un représentant.............. 91
B.. Une infraction commise pour le compte de la personne morale....... 93
III..Les conséquences de la responsabilité pénale des personnes morales.... 94
A.. L’articulation avec la responsabilité pénale
des personnes physiques..................................................................... 94
B.. Les peines encourues par les personnes morales............................... 95

Titre 2. Les causes d’irresponsabilité pénale.................................................. 97


Chapitre 1. Les causes objectives d’irresponsabilité pénale :
les faits justificatifs............................................................................................... 99
I.. L’ordre de la loi et le commandement
de l’autorité légitime.................................................................................. 99
A.. L’ordre ou l’autorisation de la loi....................................................... 100
B.. Le commandement de l’autorité légitime......................................... 103
II.. La légitime défense.................................................................................. 104
A.. Les conditions de la légitime défense............................................... 104
1.. Les conditions relatives à l’agression.......................................... 104
2.. Les conditions relatives à la riposte............................................ 105
B.. La preuve de la légitime défense....................................................... 107
III..L’état de nécessité..................................................................................... 108
A.. Les conditions relatives à la situation de danger.............................. 109
B.. Les conditions relatives à l’acte de défense....................................... 110
IV.. La protection des lanceurs d’alerte......................................................... 111

Chapitre 2. Les causes subjectives d’irresponsabilité pénale............ 115


I.. L’absence de discernement...................................................................... 115
A..L’enfance............................................................................................ 115
B.. Le trouble mental...............................................................................117
1.. L’abolition du discernement........................................................ 118
2.. L’altération du discernement...................................................... 120
II.. L’absence de libre arbitre......................................................................... 121
A.. La contrainte...................................................................................... 121
1.. Les formes de la contrainte......................................................... 121
2.. Les caractères de la contrainte................................................... 122
B.. L’erreur de droit................................................................................. 122

Partie 3. La sanction de l’infraction......................................................................... 127


Titre 1. Les peines encourues............................................................................... 131
Chapitre 1. La typologie des peines.............................................................. 133
I.. Les peines principales............................................................................. 134

169

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A.. Les peines principales de référence.................................................. 134
B.. Les peines principales alternatives................................................... 135
II.. Les peines complémentaires................................................................... 137
III..Les peines accessoires............................................................................. 139

Chapitre 2. La mesure des peines...................................................................141


I.. L’aggravation des peines...........................................................................141
A.. Les circonstances aggravantes...........................................................141
B.. La pluralité d’infractions................................................................... 143
II.. L’atténuation des peines........................................................................... 144
III..L’exemption de peine............................................................................... 145

Titre 2. Les peines prononcées............................................................................ 147


Chapitre 1. Le principe de l’individualisation de la peine................... 149
I.. La liberté dans le choix de la peine......................................................... 149
II.. L’obligation de motivation....................................................................... 151

Chapitre 2. Les moyens de l’individualisation de la peine................... 155


I.. Le choix des modalités d’exécution......................................................... 155
A.. Le sursis à l’exécution........................................................................ 155
B.. La période de sûreté.......................................................................... 157
II.. L’aménagement de la peine...................................................................... 159
A..L’aménagement ab initio.................................................................... 159
B.. L’aménagement ultérieur.................................................................. 162
III..L’exclusion de la peine............................................................................. 165
A.. La dispense de peine......................................................................... 165
B.. L’ajournement du prononcé de la peine............................................ 165

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