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LE DROIT

DES OBLIGATIONS
EN CARTES MENTALES

Armand Dadoun
Maître de Conférences en droit privé
Université de Lille
CRDP – L’ERADP

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ISBN 9782340-058545
©Ellipses Édition Marketing S.A., 2021
8/10 rue la Quintinie 75015 Paris

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Partie 1
Les sources d’obligations

Introduction

I. La notion d’obligation
L’obligation est le rapport de droit en vertu duquel un créancier peut
exiger d’un débiteur l’exécution d’une prestation. Le créancier dispose d’un
droit de créance ou droit personnel contre son débiteur. Les obligations se
distinguent donc des droits réels qui caractérisent un rapport de droit entre
le titulaire du droit réel (propriété, usufruit, nue-propriété) et une chose.
Le droit de créance fait partie de l’actif du patrimoine du créancier.
Réciproquement, la dette grève le patrimoine du débiteur (passif). L’obligation
a donc un caractère patrimonial, même si elle peut prendre sa source dans
un droit extrapatrimonial (par exemple : la créance d’indemnité de la victime
d’une atteinte au droit au respect de la vie privée).
En tant que droit patrimonial, l’obligation est transmissible (cession de
créance, cession de dette, succession, etc.). Par exception, le droit à une
pension alimentaire, fondé sur le lien familial entre le créancier et le débiteur,
est indisponible, intransmissible et insaisissable.
Enfin, l’obligation a deux composantes : l’objet de la dette (ce qui est attendu
du débiteur) et la contrainte de payer (devoir du débiteur). Ces deux compo-
santes, encore appelées debitum et obligatio, sont parfois dissociées comme
en présence d’une obligation naturelle.

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II. Les sources d’obligations
L’article 1100 du code civil distingue quatre sources d’obligations : les actes
juridiques, les faits juridiques, l’autorité seule de la loi, et l’exécution volon-
taire ou la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui.

1. L’acte juridique
L’acte juridique est une manifestation de volonté destinée à produire des
effets de droit (c. civ. art. 1100-1, al. 1er). L’acte est unilatéral lorsqu’il résulte de
la volonté d’une seule personne (testament, congé, démission, reconnaissance
de paternité, renonciation à un droit, délibération sociale). Il est convention-
nel lorsqu’il résulte de la volonté de plusieurs personnes (contrat, convention
collective). Par principe, tous les actes juridiques obéissent, pour leur validité
et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats (art. 1100-1, al. 2).

2. Le fait juridique
Le fait juridique est un agissement ou un événement auquel la loi attache
un effet de droit (c. civ. art. 1100-2, al. 1er). Il est classique de distinguer le fait
juridique illicite du fait juridique licite. Le fait illicite renvoie à un agissement
qui n’aurait pas dû avoir lieu et qui, parce qu’il cause un dommage, engage la
responsabilité civile de son auteur. C’est un fait générateur de responsabilité
(faute, fait d’une chose, fait d’autrui). Le fait licite renvoie à un agissement
qui n’est pas répréhensible, mais qui, parce qu’il entraîne l’appauvrissement
injuste d’une personne au profit d’une autre, donne lieu à compensation. Il
s’agit des quasi-contrats (gestion d’affaires, paiement de l’indu, enri­chis­
sement injustifié). Responsabilité et quasi-contrat sont deux mécanismes qui
permettent de remédier au déséquilibre patrimonial entre deux personnes
produit par le fait juridique. Enfin, il y a des faits juridiques (événements)
qui ne produisent pas un tel déséquilibre, qui sont en quelque sorte neutres
(naissance, majorité, mort, force majeure).

3. La loi
D’un point de vue positiviste, toutes les obligations ont leur source dans la
loi ! Le contrat est obligatoire parce que « les contrats légalement formés tiennent
lieu de loi à ceux qui les ont faits » (c. civ. art. 1103). Un fait est juridique parce
que la loi lui attribue des effets de droit. Toutefois, il y a des obligations qui
ne prennent leur source que dans la loi : l’obligation alimentaire, la garantie
des vices cachés, etc. Pour autant, il est toujours possible de rattacher une
obligation à un contrat ou à un fait juridique (pour les exemples précités : lien
familial, contrat de vente).

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4. L’obligation naturelle

Partie 1 • Les sources d’obligations


L’obligation naturelle désigne une obligation imposée par un devoir moral
ou de conscience qui a vocation, sous certaines conditions, à être sanctionnée
juridiquement (obligatio). En cela, elle se distingue des obligations morales
ou d’honneur qui n’ont aucune portée juridique.
Pour bénéficier d’une sanction juridique, l’obligation naturelle doit avoir
été exécutée volontairement, ou avoir donné lieu à une promesse d’exécution
(c. civ. art. 1100, al. 2). C’est l’exécution volontaire ou la promesse qui trans-
forme l’obligation naturelle en obligation civile. À défaut, l’obligation naturelle
est insusceptible d’exécution forcée. En cas d’exécution volontaire, le débiteur
ne peut pas obtenir répétition du paiement. En cas de promesse, le créan-
cier peut agir en exécution forcée de l’obligation naturelle devenue civile.
Par exemple, le débiteur qui exécute volontairement une obligation prescrite
(naturelle) ne peut pas obtenir répétition du paiement (Com. 1er juin 2010,
no 09-14353). L’engagement pris verbalement par le gérant d’une société, lors
de son audition par les services de police, de dédommager person­nel­lement
un client de la société, peut caractériser une promesse d’exécuter une obliga-
tion naturelle (Civ. 1re, 17 oct. 2012, no 11-20124, implicite). L’obligation naturelle
résulte souvent de la volonté d’honorer un devoir de conscience dans le domaine
familial : l’engagement d’une personne à verser une somme d’argent, chaque
mois et jusqu’à la fin de ses études, à un fils supposé qui s’était désisté de son
action en recherche de paternité (Civ. 1re, 3 oct. 2006, no  04-14388) ; l’exécu-
tion par un concubin d’une obligation naturelle tendant à réparer le préjudice
résultant de l’abandon de sa concubine après plus de dix ans de vie commune
(Civ. 1re, 19 févr. 2002, no 99-18928) ; la promesse de deux sœurs envers leur
frère, omis du testament litigieux rédigé avant la reconnaissance de celui-ci
et exclu de la succession canadienne du défunt, de lui verser un tiers de ladite
succession (Civ. 1re, 11 oct. 2017, no 16-24533).

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Titre 1
Le contrat

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Chapitre 1
Les principes généraux
du droit des contrats

Section 1. La notion de contrat

« Le contrat est un accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes destiné
à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations » (c. civ. art. 1101).

§ 1. L’accord de volontés


La puissance qui émane de la figure du contrat réside dans le critère de
l’accord de volontés. Selon Kelsen, la délégation légale, dont bénéficient les
contractants pour élaborer une norme (contractuelle), est justifiée au regard
du législateur qui la considère comme la mieux indiquée pour la protection
des intérêts des contractants et de la justice (H. Kelsen, La théorie juridique de
la convention, APD, Le problème du contrat, Sirey, 1940, p. 33). De fait, l’accord
de volontés est un instrument efficace pour répondre aux besoins sociaux
et atteindre ce qui est juste et utile, sous réserve des nécessaires corrections
apportées par la loi et le juge. C’est d’ailleurs ce qu’exprime l’adage d’Alfred
Fouillée, « Qui dit contractuel dit juste », qui illustre bien l’esprit des rédacteurs
du Code civil de 1804, et que l’auteur cherche à concilier avec les exigences
sociales (L. Rolland, « Qui dit contractuel, dit juste…, en trois petits bons, à
reculons », Law journal McGill, vol. 51, p. 766). L’exigence d’un accord de volon-
tés permet de dissocier le contrat de l’acte juridique unilatéral et de l’enga­
gement unilatéral de volonté.
L’acte unilatéral résulte de la manifestation de volonté d’une seule personne
et n’a pas vocation à créer des obligations à la charge de son auteur. Ainsi, le
testament a pour effet de transférer la propriété des biens du défunt. Le congé,
la démission et la résiliation ont pour effet de rompre une relation contrac-
tuelle. Pour autant, ces actes peuvent indirectement créer des obligations

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(indemnité de résiliation ; indemnité d’éviction si le congé mettant fin à un
bail commercial n’est pas fondé sur un motif grave et légitime ; les héritiers
sont tenus d’exécuter le testament, etc.).
L’engagement unilatéral de volonté est un acte unilatéral créant, par la
seule volonté de son auteur, une obligation à sa charge. La reconnaissance de
l’engagement unilatéral résulte désormais de l’article 1100-1 du code civil. Le
domaine de l’engagement unilatéral est toutefois limité. La loi et la jurispru-
dence n’y recourent qu’en l’absence d’autres mécanismes juridiques adéquates.
Cela explique que l’engagement unilatéral est soumis à des régimes distincts
notamment quant à la faculté de son auteur de revenir sur son engagement :
• l’auteur d’une offre de contrat a l’obligation de la maintenir pendant un
délai fixé ou raisonnable (c. civ. art. 1116) ;
• l’acceptation pure et simple de l’héritier l’oblige à régler le passif de la
succession ;
• l’engagement unilatéral transforme une obligation naturelle en obligation
civile (par ex., Civ. 1re, 21 nov. 2006, no 04-16370) ;
• l’engagement unilatéral d’un employeur de ne pas procéder à des licen-
ciements pendant une période déterminée qui n’a pas été régulièrement
dénoncé (Soc. 25 nov. 2003, no 01-17501).

§ 2. La création, la modification, la transmission


et l’extinction d’obligations
Parce qu’il a pour objet des obligations, le contrat se distingue de l’enga­
gement d’honneur qui est certes un accord de volontés mais auquel les parties
n’entendent pas reconnaître une portée juridique. Cependant, le juge a le
pouvoir de sanctionner juridiquement un engagement d’honneur : « en s’enga-
geant, fût-ce moralement à ne pas copier les produits commercialisés par la société
Créations Nelson, la société Camaieu International avait exprimé la volonté non
équivoque et délibérée de s’obliger envers la société concurrente » (Com. 23 janv.
2007, no 05-13189 ; v. aussi, Com. 18 janv. 2011, no 09-69831).
Par ailleurs, consentir un droit réel ne crée pas une obligation. Il s’ensuit que
la constitution d’un droit réel (sûreté réelle : gage, nantissement, hypothèque ;
servitude conventionnelle) ne résulte pas d’un contrat mais d’une convention
(pour le gage : c. civ. art. 2333).

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Section 2. La liberté contractuelle

Partie 1 • Les sources d’obligations


« Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontrac-
tant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par
la loi. La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent
l’ordre public » (c. civ. art. 1102).

§ 1. Le fondement de la liberté contractuelle


En suivant une conception positiviste, comme celle de Kelsen, la liberté
contractuelle est une faculté que l’État offre aux individus, c’est un choix
politique justifié notamment par l’idée selon laquelle le contrat librement
négocié permet d’atteindre ce qui est juste, utile et efficace sur le plan écono-
mique. Mais ce que l’État accorde, il peut le reprendre en tout ou partie, d’où
les limites à la liberté contractuelle fixées par la loi.
La dialectique entre liberté contractuelle et contraintes d’ordre public se
retrouve dans d’autres théories du droit des contrats. La théorie de l’autono-
mie de la volonté postule que c’est uniquement la volonté qui est la source
du contrat. Le respect de la volonté est comme antérieur à la loi et prime sur
elle. Cette conception radicale de la liberté est à la fois utopiste et contestable
comme le résume l’aphorisme de Lacordaire : « Entre le fort et le faible, c’est la
liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Il ne s’agit pas alors de contester le
principe de liberté mais de reconnaître les correctifs que la loi apporte aux
dérives de cette liberté.
Les fondements du droit des contrats se bousculent pour proposer les
directives permettant de fixer le cadre de ces correctifs à la liberté contrac-
tuelle qui pour la majorité des auteurs doit rester le principe : théorie de
l’utile et du juste (efficacité économique et équilibre contractuel) ; volonta-
risme social ; équité ou morale contractuelle, etc. Ces correctifs s’inspirent,
par exemple, du solidarisme contractuel, lui-même hérité de la philoso-
phie solidariste d’Alfred Fouillée et de Léon Bourgeois : le droit doit s’adap-
ter aux relations contractuelles inégalitaires en faisant primer la solidarité,
le collectif et la coopération, ce qui peut conduire à imposer à la partie en
position de force des devoirs à l’égard de la partie faible (J. Cédras, Le solida-
risme contractuel en doctrine et devant la Cour de cassation, courdecassa-
tion.fr). Au vrai, les solutions qui s’inspirent du solidarisme peuvent aussi
être fondées sur la théorie de l’utile et du juste ou sur l’équité contractuelle
(par ex., le devoir d’information, le contrôle des clauses abusives, la révision
pour imprévision, etc.).

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§ 2. La valeur juridique de la liberté contractuelle
Dans une décision du 3 août 1994, le Conseil constitutionnel décida
qu’« aucune disposition de la Constitution ne garantit le principe de liberté contrac-
tuelle ». Après avoir assoupli sa position, le Conseil constitutionnel a finalement
reconnu que la liberté contractuelle découle de l’article 4 de la Déclaration de
1789 (Cons. const. 19 déc. 2000, no 2000-437). Par conséquent, s’il est loisible
au législateur d’apporter à la liberté contractuelle des limitations liées à des
exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, c’est à la condi-
tion qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objec-
tif poursuivi.
Par exemple, en imposant que tous les contrats conclus entre un fournis-
seur exploitant un réseau de distribution commerciale et l’exploitant d’un
commerce de détail, et ayant pour but commun l’exploitation de ce commerce,
aient une échéance commune, le législateur a poursuivi un objectif d’inté-
rêt général tendant à assurer un meilleur équilibre de la relation contrac-
tuelle entre l’exploitant d’un commerce et le réseau de distribution auquel il
est affilié (Cons. const. 5 août 2015, DC no 2015-715). En revanche, si le légis-
lateur peut prévoir que soit recommandé par un accord professionnel ou
interprofessionnel un organisme de prévoyance chargé d’assurer la protec-
tion complémentaire santé des salariés des entreprises relevant du champ
d’application de l’accord, il ne saurait porter à la liberté contractuelle une
atteinte telle que l’entreprise soit liée avec un cocontractant déjà désigné par
un contrat négocié au niveau de la branche et au contenu totalement prédé-
fini (Cons. const. 13 juin 2013, DC no 2013-672).

§ 3. Les limites de la liberté contractuelle


Tous les contrats sont soumis à des dispositions impératives ou d’ordre
public qui limitent la liberté contractuelle. Mais la liberté contractuelle reste
le principe. Il est rare qu’une personne n’ait pas le choix de conclure ou de
choisir son cocontractant, et que les contractants n’aient pas le choix de la
forme du contrat. Si le contenu de nombreux contrats est imposé par la loi, les
parties restent libres de déterminer l’essentiel de ce contenu. C’est d’ailleurs
l’obligation du professionnel du droit que d’informer les contractants sur les
règles d’ordre public qui s’imposent à eux, et éventuellement de négocier et
rédiger le contenu du contrat relevant de leur liberté contractuelle.
Sans être exhaustif, il convient de citer certaines limites au principe de
liberté contractuelle :
• la liberté de contracter est notamment limitée en droit des assurances
par le mécanisme des assurances obligatoires (dommages aux tiers causés
par un véhicule terrestre à moteur : c. ass. art. L. 211-1 ; assurance des
risques locatifs : L. 6 juill. 1989, art. 7 ; responsabilité des professionnels de

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Partie 1 • Les sources d’obligations
santé exerçant à titre libéral, responsabilité des constructeurs, assurance
dommages-ouvrage, responsabilité professionnelle des avocats, etc.),
et celui de la garantie obligatoire (garantie obligatoire tempête dans les
contrats d’assurance couvrant le risque incendie : c. ass. art. L. 122-7). Le
refus de vente d’un produit ou d’une prestation de service à un consom-
mateur est, sauf motif légitime, une contravention de la 5e classe (c. cons.
art. L. 121-11). En revanche, le refus de vente entre professionnels est
autorisé. En matière de distribution sélective quantitative, non seulement
le fournisseur (tête du réseau de distribution) n’a pas à justifier son choix
de limiter le nombre de distributeurs, mais l’exigence de bonne foi ne
requiert pas, de sa part, la détermination et la mise en œuvre d’un proces-
sus de sélection fondés sur des critères objectifs et non-discriminatoires
(Com. 27 mars 2019, no  17-22083) ;
• la liberté de choisir son cocontractant est, par exemple, limitée par les
droits de préemption qui oblige le propriétaire d’un bien qui souhaite le
vendre à en proposer la vente en priorité à certaines personnes (droit de
préemption urbain ; droit de préemption du locataire ; droit de préemption
du propriétaire indivis). Surtout, le refus de contracter fondé sur un motif
discriminatoire visé par l’article 225-1 du code pénal constitue un délit ;
• la liberté de choisir la forme du contrat est limitée par les règles de forme
exigées à peine de nullité : acte notarié (hypothèque, contrat de mariage,
donation, vente d’immeubles à construire) ; mentions manuscrites (caution-
nement) ; écrit (nantissement, fiducie) ;
• la liberté de déterminer le contenu du contrat est radicalement limitée par
l’édiction d’un contrat-type, i.e. un contrat dont les clauses sont prédéter-
minées par le pouvoir réglementaire sur délégation de la loi (par ex., les
contrats types applicables aux transports routiers : c. transp. Annexe I,
partie 3). L’essentiel des atteintes à la liberté de déterminer le contenu du
contrat résulte des dispositions légales et réglementaires impératives ou
d’ordre public auxquelles les parties ne peuvent pas déroger.

Section 3. La classification des contrats

§ 1. Le contrat nommé et le contrat innommé


Le contrat nommé est un contrat dont la qualification et le régime sont fixés
par la loi (vente, entreprise, société, bail…). À l’inverse, le contrat innommé
résulte de la seule pratique contractuelle.
« Les contrats, qu’ils aient ou non une dénomination propre, sont soumis à
des règles générales » : le droit commun des contrats. « Les règles particulières
à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à chacun d’eux. Les

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règles générales s’appliquent sous réserve de ces règles particulières » (c. civ.
art. 1105). Si deux règles en vigueur et revêtant la même valeur juridique se
contredisent, l’adage « Specialia generalibus derogant » permet de résoudre ce
conflit. Par exemple, le droit des baux d’habitation est plus spécial que le
droit de la consommation lui-même spécial par rapport au droit commun,
de sorte que le délai de prescription de l’action en paiement des loyers est de
trois ans, et non de deux ou cinq ans qui sont les délais applicables respec-
tivement en droit de la consommation et en droit commun (Civ. 3e, 26 janv.
2017, no 15-25791).

§ 2. Le contrat synallagmatique et le contrat unilatéral


« Le contrat est synallagmatique lorsque les contractants s’obligent réciproque-
ment les uns envers les autres. Il est unilatéral lorsqu’une ou plusieurs personnes
s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque
de celles-ci. » (c. civ. art. 1106). Le contrat synallagmatique crée des obliga-
tions réciproques et interdépendantes à la charge des parties (vente, bail,
entreprise). Le contrat unilatéral ne crée d’obligation qu’à la charge d’une
seule partie (cautionnement, donation). Le contrat synallagmatique doit
être établi en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct
(art. 1375). La preuve du contrat unilatéral par lequel une partie s’engage à
payer une somme d’argent envers une autre exige le respect d’une mention
écrite (c. civ. art. 1376).

§ 3. Le contrat à titre onéreux et le contrat à titre gratuit


« Le contrat est à titre onéreux lorsque chacune des parties reçoit de l’autre un
avantage en contrepartie de celui qu’elle procure. Il est à titre gratuit lorsque l’une
des parties procure à l’autre un avantage sans attendre ni recevoir de contrepartie »
(c. civ. art. 1107). La vente, l’entreprise ou le bail sont toujours à titre onéreux.
La donation est toujours à titre gratuit et conclue intuitu personae. Elle peut
être attaquée par la voie de l’action paulienne sans qu’il soit nécessaire de
prouver la complicité du donataire dans la fraude (c. civ. art. 1341-2). Tous les
actes à titre gratuit translatifs de propriété intervenus depuis l’état de cessa-
tion des paiements de l’entreprise en redressement ou liquidation judiciaire
sont nuls (c. com. art. L. 632-1, I, 1°).

§ 4. Le contrat commutatif et le contrat aléatoire


« Le contrat est commutatif lorsque chacune des parties s’engage à procurer à
l’autre un avantage qui est regardé comme l’équivalent de celui qu’elle reçoit. Il est
aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant
aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d’un événement incertain » (c. civ.
art. 1108). À la différence du contrat commutatif, les prestations réciproques

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Partie 1 • Les sources d’obligations
dans le contrat aléatoire sont pas équivalentes : l’une des parties exécutera
une prestation plus onéreuse que l’autre. Mais il ne s’agit pas d’une libéralité
car la situation peut s’inverser en cas de réalisation de l’aléa. La contrepar-
tie du versement des primes dues par l’assuré réside dans la garantie d’assu-
rance. Si le risque ne se réalise pas, l’assureur aura encaissé les primes sans
jamais avoir à payer une somme à l’assuré. En cas de sinistre, l’indemnité
d’assurance pourra être supérieure aux primes réglées par l’assuré. Le même
raisonnement s’applique pour le jeu, le pari, la vente en viager et les credit
default swaps. Le défaut d’aléa est une cause de nullité du contrat aléatoire
(Civ. 1re, 9 nov. 1999, no 97-16306). Le contrat aléatoire n’est pas une libéralité,
de sorte que le contrat d’assurance sur la vie échappe aux règles du rapport à
succession et à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers
(Ch. mixte, 23 nov. 2004, no 01-13592).

§ 5. Les contrats consensuel, solennel ou réel


« Le contrat est consensuel lorsqu’il se forme par le seul échange des consente-
ments quel qu’en soit le mode d’expression. Le contrat est solennel lorsque sa validité
est subordonnée à des formes déterminées par la loi. Le contrat est réel lorsque sa
formation est subordonnée à la remise d’une chose » (c. civ. art. 1109). Le contrat
réel est formé par la remise d’une chose (tradition), ce qui concerne unique-
ment le dépôt (c. civ. art. 1919), le don manuel et le prêt. Cependant, « le prêt
consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel », de sorte que la
signature de l’offre de crédit oblige le prêteur au paiement de la somme conve-
nue (Civ. 1re, 28 mars 2000, no 97-21422 ; Com. 7 avr. 2009, no 08-12192). Les
contrats solennels sont plus fréquents : le contrat est nul s’il ne revêt pas une
forme particulière. Par exemple, le contrat de mariage exige un acte notarié.
En pratique, la vente immobilière doit également être conclue devant notaire
aux fins qu’il soit procédé à la publicité foncière. La cession des droits d’auteur
doit obligatoirement être conclue par écrit (CPI art. L. 132-7). De même que
le cautionnement consenti par une personne physique au profit d’un créan-
cier professionnel puisque ce contrat doit comporter des mentions manus-
crites. Les exemples sont légion.
Pour autant, le principe reste celui du consensualisme selon lequel le
contrat est formé par le seul accord de volontés sur les éléments essentiels
du contrat : « les contrats sont en principe consensuels » (c. civ. art. 1172).

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§ 6. Le contrat de gré à gré et le contrat d’adhésion

I. Les définitions
En 1901, Raymond Saleilles avait proposé de qualifier de contrats d’adhé-
sion les contrats dont le contenu est déterminé par une seule partie en position
de force. L’Ordonnance du 10 février 2016 a posé, pour la première fois, une
définition légale des contrats de de gré à gré et d’adhésion qui a été modifiée
par la Loi de ratification du 20 avril 2018 (c. civ. art. 1110) :
• du 1er octobre 2016 au 1er octobre 2018 : « Le contrat de gré à gré est celui dont
les stipulations sont librement négociées entre les parties. Le contrat d’adhésion
est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déter-
minées à l’avance par l’une des parties  » ;
• partir du 1er octobre 2018 : « Le contrat de gré à gré est celui dont les stipu-
à
lations sont négociables entre les parties. Le contrat d’adhésion est celui qui
comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance
par l’une des parties ».
La qualification de contrat d’adhésion est exclue en présence de clauses qui,
fixées par l’une des parties, n’ont pas été négociées, dès lors qu’elles étaient
négociables : critère de la négociabilité. C’est à la partie qui se prévaut de la
qualification de contrat d’adhésion de prouver l’absence de négociabilité.

II. Les intérêts de la distinction


Si les prestations principales auxquelles s’engage la partie qui fixe unila-
téralement le contenu du contrat ne sont en général pas défavorables au
cocontractant, il n’en va pas de même des clauses accessoires. Deux moyens
permettent de remédier à ce déséquilibre : l’interprétation in favorem des
clauses ambiguës et le contrôle des clauses abusives.
En présence d’un contrat d’adhésion, la jurisprudence a interprété les
clauses ambiguës en faveur de l’adhérent (par ex., Civ. 1re, 22 oct. 1974,
no 73-13482). Depuis 1995, les clauses des contrats conclus entre un profes-
sionnel et un consommateur s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le
plus favorable à ce dernier (c. cons. art. L. 211-1). La règle a été généralisée
par l’Ordonnance de 2016 : « Dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète
contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui
l’a proposé » (c. civ. art. 1190).
Le contrôle des clauses abusives a été instauré de manière progressive.
Jusqu’en 1991 seul le pouvoir réglementaire était en mesure d’identifier les
clauses abusives. À cette date, la Cour de cassation a reconnu aux juges le
pouvoir de déclarer une clause abusive, ce qui a été qualifié par le doyen
Carbonnier de « coup d’État jurisprudentiel » (Civ. 1re, 14 mai 1991, no 89-20999).
Puis, cette faculté a été reconnue par la loi pour les contrats conclus entre,

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Partie 1 • Les sources d’obligations
d’une part, des professionnels et, d’autre part, des consommateurs ou des
non-professionnels (c. cons. art. L. 212-1). Pourtant, les professionnels aussi
concluent des contrats d’adhésion voire même de simples particuliers qui
concluent avec d’autres particuliers. L’Ordonnance de 2016 a généralisé le
contrôle des clauses abusives dans les contrats d’adhésion. Ce sont uni­que-
ment les clauses non négociables déterminées à l’avance par l’une des parties
qui sont soumises au contrôle des clauses abusives en droit commun (c. civ.
art. 1171). Dans le même sens, la jurisprudence ne retient le contrôle des clauses
abusives, fondé sur l’article L. 442-1, I, 2° du code de commerce (exclusif du
contrôle fondé sur l’article 1171), que lorsqu’un professionnel exerce sur son
cocontractant une emprise, un pouvoir de soumission, qui ne permet pas à
ce dernier de négocier (Com. 27 mai 2015, no 14-11387).

§ 7. Le contrat cadre et les contrats d’application


« Le contrat cadre est un accord par lequel les parties conviennent des caracté-
ristiques générales de leurs relations contractuelles futures. Des contrats d’applica-
tion en précisent les modalités d’exécution » (c. civ. art. 1111). Les contrats cadre
concernent principalement la distribution commerciale (concession, franchise,
distribution sélective, etc.). L’intérêt de la qualification réside dans la possi-
bilité de stipuler dans le contrat cadre que l’une des parties (le fournisseur)
fixera unilatéralement le prix des contrats d’application (ventes), à charge
pour elle d’en motiver le montant en cas de contestation (c. civ. art. 1164).

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§ 8. Le contrat à exécution instantanée
et le contrat à exécution successive
« Le contrat à exécution instantanée est celui dont les obligations peuvent s’exé-
cuter en une prestation unique. Le contrat à exécution successive est celui dont les
obligations d’au moins une partie s’exécutent en plusieurs prestations échelon-
nées dans le temps » (c. civ. art. 1111-1). Le contrat à exécution instantanée
est exécuté en une seule fois (vente). Au contraire, l’exécution du contrat à
exécution successive (CES) se prolonge dans le temps au moins pour l’une des
parties (bail, abonnement, prêt, travail, assurance). Se pose ainsi la question
de la durée du CES (déterminée ou indéterminée). Certains contrats peuvent
être soit instantanée soit à exécution successive (mandat). En cas de résolu-
tion ou d’annulation du CES, il est difficile voire impossible de procéder à des
restitutions en nature (bail). De surcroît, les prestations échangées pendant
une période d’exécution du CES peuvent avoir été utiles, ce qui fait obstacle
à leur restitution (c. civ. art. 1229, al. 3).

Section 4. L’application dans le temps du droit des contrats

§ 1. Les principes


« La loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif » (c. civ.
art. 2). Suivant la doctrine du doyen Roubier (Le droit transitoire. Conflits
de lois dans le temps), la jurisprudence a dégagé deux principes de ce texte
fondamental : l’application immédiate de la loi dès son entrée en vigueur
aux situations juridiques futures et aux effets futurs des situations en cours ;
la non-rétroactivité de la loi aux situations passées et aux effets passés des
situations en cours. Cependant, en présence d’une situation contractuelle,
le principe de non-rétroactivité est renforcé car la loi nouvelle ne s’applique
qu’aux contrats conclus après son entrée en vigueur. C’est le principe de la
survie de la loi ancienne en matière contractuelle : le contrat en cours reste
soumis à la loi en vigueur au jour de sa conclusion.
Ce principe est souvent rappelé par les dispositions transitoires d’une loi
nouvelle. Ainsi, l’Ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des
contrats disposait que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent
soumis à la loi ancienne.

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§ 2. Les exceptions

Partie 1 • Les sources d’obligations


I. Les exceptions fondées sur la volonté du législateur
L’article 2 a une valeur légale si bien que le législateur peut voter une loi
rétroactive ou une loi applicable immédiatement aux contrats en cours. Par
exemple, l’Ordonnance de 2016 prévoit que les dispositions nouvelles relatives
aux actions interrogatoires (pacte de préférence, pouvoirs du représentant,
nullité relative) sont d’application immédiate aux contrats en cours, soit dès
le 1er octobre 2016.
Le Conseil constitutionnel vérifie que les lois rétroactives ou celles qui
s’appliquent immédiatement aux contrats en cours sont justifiées par un motif
d’intérêt général suffisant : « le législateur ne saurait porter aux contrats léga­le-
ment conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffi-
sant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de
1789 ». Par exemple, en instituant un droit de résiliation annuel des contrats
d’assurance de groupe au bénéfice des emprunteurs et applicable immédia-
tement aux contrats en cours, le législateur a poursuivi un objectif d’inté-
rêt général (Cons. const. 12 janv. 2018, QCP, no 2017-685). Dans l’affaire des
emprunts toxiques consentis à des collectivités territoriales, la loi de valida-
tion a été justifiée par le motif d’intérêt général tiré de l’ampleur des consé-
quences financières qui résultent du risque de la généralisation des solutions
retenues par certains jugements retenant la nullité de la stipulation d’inté-
rêts, nonobstant l’atteinte aux droits des personnes morales de droit public
emprunteuses (Cons. const. 24 juill. 2014, DC no 2014-695).

II. Les exceptions fondées sur la nature de la loi


A. La loi interprétative
En théorie, la loi interprétative se limite à préciser une loi antérieure sans
rien y ajouter, de sorte que ses effets remontent au jour de l’entrée en vigueur
de la loi interprétée. En pratique, une nouvelle interprétation peut modifier
radicalement le sens d’un texte retenu jusqu’alors par les juridictions. C’est
la raison pour laquelle la loi interprétative doit être traitée comme une loi
rétroactive, et être soumise au contrôle de l’impérieux motif d’intérêt général
(Ass. plén. 23 janv. 2004, no 03-13617, SCI Le Bas Noyer c/ Castorama).

B. La loi d’ordre public impérieux et l’effet légal du contrat


Les dispositions d’une loi nouvelle qui relèvent de considérations impérieuses
d’ordre public ou d’un ordre public absolu sont d’application immédiate aux
contrats en cours (Com. 3 mars 2009, no 07-16527 ; Soc. 16 déc. 2005, no 04-46741 ;
excluant l’application immédiate de la loi : Soc. 21 septembre 2016, pourvoi
no 13-24437 ; Civ. 1re, 4 déc. 2001, no 98-18411). Bien que la jurisprudence ne
soit pas toujours très claire, il ne suffit pas qu’une loi soit d’ordre public pour

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être d’application immédiate (Civ. 3e, 17 févr. 1993, no 91-10942), car alors le
principe de survie de la loi ancienne en matière contractuelle serait vidé de
sa portée en ne subsistant que pour les lois supplétives.
La jurisprudence se fonde également sur les effets légaux du contrat pour
retenir l’application immédiate de dispositions légales nouvelles aux contrats
en cours : « la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations
juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement
réalisées » (Civ. 3e, 17 nov. 2016, no 15-24552 ; Civ. 3e, 23 nov. 2017, no  16-20475 ;
Civ. 3e, 3 juill. 2013, no 12-21541 ; Civ. 3e, 18 févr. 2009, no 08-13143 ; Ch. mixte,
13 mars 1981, no 80-12125). Puisque certains effets du contrat ne sont pas réglés
par les parties mais imposés par la loi, le principe de survie de la loi ancienne
ne leur est pas applicable. C’est la règle de l’application immédiate de la loi
nouvelle aux effets futurs des situations en cours qui a vocation à s’appliquer.
Et ce, alors même que les dispositions transitoires de la loi nouvelle précisent
expressément que les contrats en cours à la date d’entrée en vigueur de ladite
loi demeurent soumis aux dispositions qui leur étaient applicables, à l’excep-
tion des règles énumérées par les dispositions transitoires. En d’autres termes,
le juge peut, en se fondant sur la théorie des effets légaux du contrat, complé-
ter la liste des règles d’application immédiate fixée par les dispositions transi-
toires de la loi nouvelle. C’est la raison pour laquelle la Loi du 20 avril 2018
ratifiant l’Ordonnance du 10 février 2016 a modifié l’article 9 de celle-ci qui
prévoit désormais que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent
soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispo-
sitions d’ordre public.
En conclusion, l’article 16, I de la Loi du 20 avril 2018 de ratification de
l’Ordonnance de 2016 est un exemple topique de dispositions transitoires
complexes : – cette loi entre en vigueur le 1er octobre 2018 ;
• elle édicte une liste d’articles, qui précisent ou modifient les dispositions
issues de l’Ordonnance de 2016, en imposant que ces articles ne soient
applicables qu’aux contrats conclus après le 1er octobre 2018, de sorte que
certaines règles issues de l’Ordonnance ne seront applicables qu’entre le
1er octobre 2016 et le 1er octobre 2018 ;
• ensuite la loi liste d’autres articles qu’elle qualifie expressément d’inter-
prétatifs, de sorte qu’ils seront applicables à compter de l’entrée en vigueur
de l’article interprété, soit le 1er octobre 2016 ;
• enfin, elle modifie l’article 9 de l’Ordonnance en prenant soin de préciser
que cette modification est rétroactive puisqu’elle est applicable à compter
du 1er octobre 2016.

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III. Le revirement de jurisprudence

Partie 1 • Les sources d’obligations


Lorsque les règles antérieures à la loi nouvelle sont d’origine jurispruden-
tielle, un revirement de jurisprudence permet d’anticiper l’application de cette
loi, et ainsi de contourner le principe de survie de la loi ancienne en matière
contractuelle. C’est en se fondant sur la définition de l’offre de contrat issue
de l’Ordonnance de 2016 que la Cour de cassation a supprimé sa jurisprudence
selon laquelle l’offre de contrat de travail est une promesse d’embauche qui ne
peut pas être rétractée par l’employeur (Soc. 21 sept. 2017, no 16-20103). C’est
en se fondant sur les définitions de la nullité relative et de la nullité absolue
issues de l’Ordonnance de 2016 que la Cour de cassation a jugé que l’irrégu-
larité du mandat d’agent immobilier est sanctionnée par une nullité relative
(Ch. mixte 24 févr. 2017, no 15-20411).

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Chapitre 2
La conclusion du contrat

Section 1. Les négociations

§ 1. La liberté des négociations

I. Le principe
« L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles
sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi »
(c. civ. art. 1112, al. 1er). Le principe est donc la liberté de chacun d’entrer en
pourparlers, de les mener comme il l’entend et de les rompre.
Par conséquent, ne constituent pas une faute, le simple fait de ne pas
poursuivre les négociations (Com. 4 mai 2010, no 09-14415), de refuser de consen-
tir des garanties dans le cadre des pourparlers (Com. 6 nov. 2012, no 11-26582)
ou de mener des négociations parallèles avec un tiers (Com. 12 mai 2004,
no 00-15618). Il s’ensuit que « le simple fait de contracter, même en connaissance
de cause, avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne consti-
tue pas, en lui-même et sauf s’il est dicté par l’intention de nuire ou s’accompagne
de manœuvres frauduleuses, une faute de nature à engager la responsabilité de son
auteur » (Com. 26 nov. 2003, no 00-10243).
La liberté des négociations est toutefois limitée par l’exigence de bonne
foi qui revêt un caractère d’ordre public, de sorte que les parties ne peuvent
y déroger. La méconnaissance de cette exigence fait dégénérer l’exercice de
la liberté de négociations en abus.

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II. La rupture abusive des pourparlers
« En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui
en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus
du contrat non conclu, ni la perte de chance d’obtenir ces avantages » (art. 1112,
al. 2).

A. La faute dans les négociations


Dès lors que la rupture n’est pas en elle-même une faute, elle ne peut être
abusive que si elle s’accompagne de circonstances de fait faisant apparaître
que l’auteur de la rupture ne s’est pas comporté conformément au devoir
général de bonne foi. En l’absence de contrat conclu, la responsabilité est
extracontractuelle (c. civ. art. 1240).
La faute peut d’abord être commise au stade de l’entrée en pourparlers.
Par exemple, le fait d’accepter une négociation sans intention de conclure. La
faute commise dans l’exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers
peut ensuite résulter d’une rupture brutale (Com. 22 avr. 1997, no 94-18953),
de la poursuite des pourparlers sans faire état auprès des cocontractants des
difficultés de financement de l’opération (Civ. 1re, 6 janv. 1998, no 95-19199),
du fait pour une banque de laisser croire qu’elle fournira les concours néces-
saires à une opération (Com. 31 mars 1992, no 90-14867), ou de l’absence de
motif de rupture eu égard l’avancement des pourparlers (Com. 7 avr. 1998,
no 95-20361). La faute sera d’autant plus établie lorsque ces éléments de fait se
cumulent : « en mettant un terme, de manière précipitée et sans motif légitime, aux
négociations qui se poursuivaient depuis plus de deux mois sur la base des engage-
ments initialement souscrit par ses soins, cette société a de façon fautive rompu les
pourparlers » (Com. 14 déc. 2004, no 02-10157).
La preuve d’une intention de nuire ou de la mauvaise foi est indifférente.
Ainsi, le fait pour l’auteur de la rupture d’avoir informé tardivement son
cocontractant de l’impossibilité de conclure le contrat projeté en invoquant une
étude de marché négative, alors que les pourparlers étaient avancés et que le
cocontractant avait engagé des frais pour respecter le « planning », constitue
« une légèreté caractérisant un abus fautif », même si la mauvaise foi ou l’inten-
tion de nuire ne sont pas caractérisées (Com. 12 oct. 1993, no 91-19456).
A contrario, la faute est exclue lorsque la rupture des pourparlers, même
à un stade avancé, est fondée sur une raison légitime (Com. 20 nov. 2007,
no 06-20332). Par exemple, lorsque la banque ayant rompu les pourparlers
a exigé des garanties non excessives et a laissé des délais de préavis raison-
nables à son interlocuteur qui a formulé des contre-propositions substantiel-
lement différentes (Com. 9 mars 1999, no 96-16559).

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B. Les préjudices réparables en cas de rupture abusive des pourparlers

Partie 1 • Les sources d’obligations


À l’exception de la perte des avantages attendus du contrat non conclu
et de la perte de chance d’obtenir ces avantages (déjà, Com. 26 nov. 2003,
no 00-10243, Manoukian), la victime peut obtenir l’indemnisation de tous les
autres préjudices consécutifs à la rupture (perte chance de conclure un autre
contrat, frais exposés…).

III. Les accords de négociation


La lettre d’intention (à ne pas confondre avec la sûreté personnelle ayant
la même dénomination) a pour objet d’affirmer l’intention des parties de
s’engager dans les négociations. Ce contrat conclu au début des pourpar-
lers permet de poser les bases de la future négociation : objet des négocia-
tions, conditions de négociation du prix (prix maximal, recours à l’emprunt,
éléments pour déterminer le prix), durée des négociations, clause d’exclu-
sivité de la négociation, clause de confidentialité, etc. Les parties n’ont en
revanche aucune obligation de conclure le contrat définitif, la lettre d’intention
étant un accord de principe (Com. 6 nov. 2012, no 11-26582). Elles n’engagent
pas non plus leur responsabilité civile en cas de rupture des pourparlers dès
lors qu’elles sont de bonne foi, et que les obligations stipulées dans la lettre
d’intention n’ont pas été méconnues.
Les accords de principe (punctation en droit allemand) conclus au cours
des négociations permettent de fixer l’accord des parties sur un point précis
du futur contrat, sans que les éléments essentiels de celui-ci fassent l’objet
d’un accord de volonté. Ainsi, l’accord de principe d’une banque à l’octroi d’un
prêt l’oblige uniquement à poursuivre les négociations de bonne foi (Com.
2 juill. 2002, no 00-13459). L’accord de principe n’impliquent pas l’engagement
des parties à conclure le contrat projeté (Com. 18 janv. 2011, no 09-72508).
La violation d’un accord de principe ou d’une lettre d’intention engage la
responsabilité contractuelle de son auteur. L’article 1112, alinéa 2, n’étant
alors pas applicable, le créancier est fondé à exiger l’indemnisation de la
perte des avantages attendus du contrat ou de la perte de chance d’obtenir
ces avantages.

§ 2. Le devoir précontractuel d’information

I. Les conditions de l’obligation d’information


« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déter-
minante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitime-
ment, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant »
(c. civ. art. 1112-1, al. 1er).

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L’existence de l’obligation d’information est subordonnée à trois
conditions :
• (i) la connaissance effective de l’information par le débiteur ;
• (ii) l’importance déterminante de l’information pour le créancier ;
• (iii) l’ignorance légitime du créancier ou sa confiance à l’égard du
cocontractant.
Il appartient au juge de déduire l’importance déterminante de l’informa-
tion de son lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité
des parties (art. 1112-1, al. 3). Toutefois, le devoir d’information ne porte pas
sur l’estimation de la valeur de la prestation (art. 1112-1, al. 2). Cette exclu-
sion s’impose car ni l’erreur sur la valeur (c. civ. art. 1136) ni la lésion (c. civ.
art. 1168) ne sont une cause de nullité du contrat.
Concernant la condition d’ignorance légitime, la partie qui pouvait aisément
accéder à l’information ou qui devait se renseigner ne peut invoquer l’obli-
gation d’information (par ex., Civ. 3e, 14 mai 2013, no 12-22459). Toutefois, le
professionnel n’est pas déchargé de ses obligations du seul fait des compé-
tences personnelles de son client (Civ. 1re, 19 mai 1999, no  96-20332 ; Com.
4 déc. 2012, no 11-27454 ; Civ. 1re, 10 oct. 2018, no 16-16548).

II. Le régime et la sanction de l’obligation d’information


Il incombe au créancier de prouver l’existence de l’obligation d’informa-
tion, i.e. la caractérisation des trois conditions posées par l’article 1112-1. En
revanche, c’est à celui qui est tenu d’une obligation d’information, qu’il soit
ou non professionnel, de rapporter la preuve de l’exécution de son obligation
(art. 1112-1, al. 4 ; Civ. 1re, 25 févr. 1997, no 94-19685).
Le devoir d’information est d’ordre public. Si un accord des parties peut
renforcer les exigences d’informations, elles ne peuvent ni limiter, ni exclure
ce devoir (art. 1112-1, al. 5). Ainsi, la banque tenue d’informer la caution sur
la situation obérée du débiteur ne peut se prévaloir de la clause selon laquelle
la caution reconnaît avoir une pleine connaissance de la situation financière
du débiteur (Civ. 1re, 14 mai 2009, no 07-17568). De même, la clause type par
laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d’information précontrac-
tuelle normalisée européenne ne suffit pas à prouver que le prêteur a exécuté
son obligation (Civ. 1re, 5 juin 2019, no 17-27066).
La méconnaissance de l’obligation d’information engage la responsabi-
lité du débiteur et peut entraîner l’annulation du contrat en cas de vice du
consentement. S’agissant d’un devoir précontractuel, la responsabilité est
extracontractuelle. Le préjudice résultant du manquement à une obliga-
tion précontractuelle d’information est constitué par une perte de chance
de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses,
et non par une perte de chance d’obtenir les gains attendus (Com. 31 janv.

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Partie 1 • Les sources d’obligations
2012, no 11-10834 ; Com. 10 juill. 2012, no 11-21954). Il s’ensuit que le franchi-
seur qui a méconnu son obligation d’information en fournissant au franchisé
des comptes prévisionnels dépourvus de caractère sérieux ne peut pas être
condamné à indemniser le manque à gagner calculé sur la base desdits
comptes, ni la perte de chance d’exploiter un commerce rentable.

III. Les obligations d’informations spéciales


Le devoir précontractuel d’information prévu par l’article 1112-1 ne doit pas
occulter les obligations particulières d’informations imposées aux profession-
nels : l’obligation générale d’information précontractuelle dont est tenu tout
professionnel à l’égard d’un consommateur (c. cons. art. L. 111-1 et s.) ; l’infor-
mation précontractuelle à l’égard de l’emprunteur (c. cons. art. L. 312-12 et s.,
qui prévoit la remise d’une fiche qui rappelle la célèbre mise en garde : « un
crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de rembourser avant
de vous engager ») ; le document précontractuel d’information remis au distri-
buteur qui contracte un engagement d’exclusivité (c. com. art. L. 330-3), etc.
Parallèlement à ses obligations légales, la jurisprudence a créé, à la charge
de certains professionnels, des obligations allant plus loin que la simple
information.
Le devoir de conseil oblige le professionnel à s’informer sur les besoins de
son client pour lui fournir une information et/ou une prestation adaptée (conseil
juridique : Civ. 1re, 23 mai 2000, no 97-19223 ; prestataire informatique : Civ. 1re,
2 juill. 2014, no 13-10076 ; fourniture et installation de panneaux solaires : Civ
1re, 8 mars 2012, no 10-21239 ; prestataire de services d’investissement : Com.
13 mai 2014, no 09-13305 ; assureur : Civ. 1re, 13 déc. 2012, no 11-27631).
Le devoir de mise en garde oblige le banquier à vérifier les capacités finan-
cières de son client profane et à l’alerter du risque d’endettement excessif (par
ex., Civ. 1re, 1er juin 2016, no 15-15051 ; Civ. 1re, 4 juin 2014, no 13-10975 ; Civ. 3e,
19 sept. 2019, no 18-15398).

§ 3. Le devoir précontractuel de confidentialité


« Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle
obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions
du droit commun » (c. civ. art. 1112-2). Si les parties ont stipulé une clause de
confidentialité, l’auteur de l’inexécution engage sa responsabilité contrac-
tuelle. En l’absence d’un tel accord, la responsabilité est extracontractuelle.

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Section 2. L’accord de volonté

Le contrat se forme par la rencontre d’une offre et d’une acceptation


(c. civ. art. 1113).

§ 1. L’offre de contrat

I. La qualification de l’offre
L’offre est une manifestation de volonté unilatérale par laquelle l’offrant
ou pollicitant fait connaître son intention de contracter en précisant les
éléments essentiels du contrat envisagé. L’offre doit être ferme et précise.
Si elle comporte des réserves ou ne précise pas les éléments essentiels du
contrat, il y a seulement invitation à entrer en pourparlers (c. civ. art. 1114).
Les éléments essentiels varient selon le type de contrat (chose et prix pour
la vente ; chose et loyers pour le bail). Toutefois, chaque partie peut ériger
une condition ou modalité accessoire du contrat en élément essentiel. Par
exemple, l’acquéreur peut subordonner son engagement à l’octroi d’une lettre
de crédit érigeant ainsi les modalités de paiement en élément essentiel de la
vente (Com. 16 avr. 1991, no 89-20697).
Le pollicitant peut émettre des réserves explicites ou implicites. Toutefois,
les réserves objectives ne font pas obstacle à l’existence d’une offre ferme,
telles que la mention d’une offre de vente « dans la limite des stocks disponibles »
ou la clause d’une offre de prêt « sous réserve de l’acceptation à l’assurance des
emprunteurs » (Civ. 3e, 23 juin 2010, no 09-15963).
L’offre peut être écrite, verbale ou implicite (i.e. résulter d’un compor­tement
ou d’une mise à disposition : lumière verte du taxi ; distributeur automatique,
etc.). L’offre peut être faite à personne déterminée ou au public.
L’offre comprend nécessairement un délai d’acceptation. Il peut s’agir d’un
délai légal. Par exemple, l’offre de crédit à la consommation doit être mainte-
nue pendant une durée minimale de quinze jours à compter de sa remise ou
de son envoi à l’emprunteur (c. cons. L. 312-18), et l’offre de crédit immobilier
pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par
l’emprunteur (art. L. 313-34). Il peut s’agir d’un délai stipulé dans l’offre par
le pollicitant. À défaut, l’offre est maintenue pendant un délai raisonnable,
dont la durée est déterminée souverainement par les juges du fond, compte
tenu notamment de l’objet du contrat et de la qualité des parties (Civ. 3e, 25 mai
2005, no 03-19411).

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II. La rétractation de l’offre

Partie 1 • Les sources d’obligations


L’offre peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son
destinataire (art. 1115). Une fois parvenue au destinataire, l’offre ne peut pas
être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à
l’issue d’un délai raisonnable (art. 1116, al. 1er).
Bien que la rétractation de l’offre pendant le délai d’acceptation soit fautive,
elle fait obstacle à la conclusion du contrat (art. 1116, al. 2). Dès lors que le
contrat est formé par la réception de l’acceptation par l’offrant, celui-ci peut
rétracter son offre jusqu’à cette date.
La rétractation avant l’expiration du délai d’acceptation de l’offre parve-
nue au destinataire engage la responsabilité extracontractuelle de l’offrant
(art. 1116, al. 3). Comme en cas de rupture abusive des pourparlers, la rétrac-
tation de l’offre n’oblige pas le pollicitant à compenser la perte des avantages
attendus du contrat. Bien que la loi ne le précise pas, la perte de chance d’obte-
nir les gains attendus du contrat ne devrait pas non plus être indemnisable.
Enfin, la jurisprudence fait parfois preuve de souplesse. Par exemple,
lorsqu’une première offre envoyée par mail a été annulée et modifiée en
raison d’une erreur par un second mail envoyé quelques jours après, le desti-
nataire ne peut prétendre avoir accepter la première offre après avoir reçu
le second mail (Civ. 1re, 16 janv. 2013, no 11-28235).

III. La caducité de l’offre


La caducité résulte de la survenance d’un événement qui prive l’offre de ses
effets. L’offre est caduque par l’expiration du délai (explicite ou raisonnable)
d’acceptation, par l’incapacité ou le décès de son auteur, ou par le décès de
son destinataire (art. 1117). A contrario, l’incapacité du destinataire est sans
effet sur l’offre de contrat.
L’acceptation d’une offre caduque n’emporte pas formation du contrat,
mais peut constituer une offre. Cependant, l’acceptation d’une offre caduque
à raison de l’expiration du délai d’acceptation paraît entraîner la formation du
contrat, dès lors que l’offrant n’invoque pas la caducité. En effet, seul l’offrant
peut se prévaloir d’un délai d’expiration de l’offre ou de l’absence de pouvoir
du mandataire (Soc. 30 mai 2018, no 17-10888). Une telle solution reste à confir-
mer et pourrait être étendue à l’incapacité et au décès.
Enfin, la disparition de la personne morale (dissolution, fusion-absorp-
tion) est comparable au décès du pollicitant ou du destinataire, de sorte qu’il
paraît logique que la caducité de l’offre s’applique à cette hypothèse.

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§ 2. L’acceptation

I. La qualification de l’acceptation
L’acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans
les termes de l’offre (art. 1118, al. 1er). L’acceptation doit être pure et simple, ce
qui signifie qu’elle ne doit pas modifier les conditions contractuelles prévues
dans l’offre. L’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf
à constituer une offre nouvelle. Dans ce dernier cas, l’offrant a la qualité de
destinataire de la contre-offre, il peut l’accepter ou faire une nouvelle offre.
L’acceptation peut être écrite, verbale ou implicite, i.e. résulter du
compor­tement d’une partie (par ex., lorsque celle-ci commence à exécuter
le contrat).
En revanche, « le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu’il n’en résulte
autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances parti-
culières » (art. 1120 ; déjà, Civ. 25 mai 1870, Bull. civ. no 113).
L’acceptation tacite peut être prévue par la loi. Par exemple, en matière
de baux commerciaux, le bailleur qui ne répond dans un délai de trois mois
à la demande du locataire d’exercer une activité différente ou d’obtenir le
renouvellement est réputé accepté selon le cas la déspécialisation totale ou
le principe du renouvellement du bail (c. com. art. L. 145-49 et art. L. 145-10,
al. 4). De même, est considérée comme acceptée la proposition, faite par
lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique, de prolonger
ou de modifier un contrat d’assurance ou de remettre en vigueur un contrat
suspendu, si l’assureur ne refuse pas cette proposition dans les dix jours après
qu’elle lui est parvenue (c. ass. art. L. 112-2, al. 7).
La relation d’affaires peut notamment se déduire de relations habituelles
entre les parties impliquant une acceptation tacite (Com. 15 mars 2011,
no 10-16422).
L’acceptation tacite peut résulter de circonstances particulières, telles
que les contraintes administratives qui s’imposent au destinataire de l’offre
(Civ. 1re, 24 mai 2005, no 02-15188), le fait que l’engagement a été pris par le
dirigeant pour permettre à la société de présenter un plan de redressement
judiciaire crédible (Com. 18 janv. 2011, no 09-69831), lorsque l’offre a été faite
dans l’intérêt exclusif de celui à qui elle est adressée ou encore lorsque les
parties sont convenues que le silence de l’une d’elle vaudra acceptation.

II. Les effets de l’acceptation


Comme l’offre, l’acceptation peut être rétractée tant qu’elle n’est pas parve-
nue à l’offrant (art. 1118, al. 2). Le contrat est conclu dès que l’acceptation
parvient à l’offrant. Il est réputé l’être au lieu où l’acceptation est parve-
nue (art. 1121). L’Ordonnance du 10 février 2016 met ainsi fin à l’incertitude

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Partie 1 • Les sources d’obligations
jurisprudentielle quant à la détermination du moment de la conclusion d’un
contrat entre absents : émission ou réception de l’acceptation. La date de
conclusion du contrat est importante, par exemple, pour déterminer la date
du transfert de propriété et du transfert de risques dans la vente, ou encore
l’antériorité du contrat à l’incapacité ou au décès de l’une des parties.
Par ailleurs, les conditions générales et particulières invoquées par une
partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connais-
sance de celle-ci et si elle les a acceptées (art. 1119, al. 1er). La connaissance
et l’acceptation de ces conditions conditionnent leur opposabilité et non la
formation du contrat (Civ. 3e, 20 avr. 2017, no 16-10696) : le contrat est valable
mais les conditions générales ou particulières ne peuvent être invoquées
contre la partie qui ne les a pas acceptées. L’acceptation de ces conditions
peut résulter de leur signature mais aussi d’une clause de renvoie voire de
leur exécution par la partie à laquelle elles sont opposées (Civ. 2e, 14 avr. 2016,
no 15-16625). En cas de discordance entre des conditions générales invoquées
par l’une et l’autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet. En
cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particu-
lières, les secondes l’emportent sur les premières.

III. Les délais de réflexion et de rétractation


« La loi ou le contrat peuvent prévoir un délai de réflexion, qui est le délai avant
l’expiration duquel le destinataire de l’offre ne peut manifester son acceptation ou
un délai de rétractation, qui est le délai avant l’expiration duquel son bénéficiaire
peut rétracter son consentement » (c. civ. art. 1122).
Par exemple, lorsque la vente immobilière dressée par acte authentique
n’est pas précédée d’un contrat préliminaire ou d’une promesse synallag-
matique ou unilatérale, l’acquéreur non professionnel dispose d’un délai
de réflexion de dix jours (CCH art. L. 271-1) ; l’emprunteur et les cautions ne
peuvent accepter l’offre de crédit immobilier que dix jours après qu’ils l’ont
reçue (c. cons. art. L. 313-34, et en cas de renégociation : art. L. 313-39).
Le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son
droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démar-
chage téléphonique ou hors établissement (c. cons. art. L. 221-18 ; pour les
contrats conclus à distance portant sur des services financiers : art. L. 222-7),
ou encore d’un contrat de crédit à la consommation (art. L. 312-19) ; l’acqué-
reur non professionnel d’un immeuble à usage d’habitation peut se rétracter
dans un délai de dix jours (CCH art. L. 271-1) ; toute personne physique peut
renoncer dans un délai de trente jours au contrat d’assurance sur la vie ou de
capitalisation qu’elle a conclu (c. ass. art. L. 132-5-1). Par ailleurs, la partie,
qui a fait usage de la faculté contractuelle de rétractation, peut y renoncer
en poursuivant l’exécution du contrat et en effectuant des actes d’exécution
incompatibles avec cette faculté (Civ. 1re, 1er juill. 2020, no 19-12855).

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§ 3. La formation du contrat conclu par voie électronique
« Quiconque propose à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture
de biens ou la prestation de services, met à disposition les stipulations contractuelles
applicables d’une manière qui permette leur conservation et leur reproduction »
(c. civ. art. 1127-1, al. 1er).
L’offre de contrat par voie électronique doit comporter des mentions
obligatoires spécifiques (c. civ. art. 1127-1, al. 2). Le contrat n’est valablement
conclu que si le destinataire de l’offre a eu la possibilité de vérifier le détail
de sa commande et son prix total et de corriger d’éventuelles erreurs avant
de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation définitive (art. 1127-2,
al. 1er). C’est la règle du double-clic. L’auteur de l’offre doit accuser réception
sans délai injustifié, par voie électronique, de la commande qui lui a été adres-
sée. La commande, la confirmation de l’acceptation et l’accusé de réception
sont considérés comme reçus lorsque les parties auxquelles ils sont adressés
peuvent y avoir accès (art. 1127-2). Bien que la loi manque de clarté, l’ensemble
de ces conditions ne s’appliquent qu’aux professionnels, de sorte que le parti-
culier qui créerait un site internet dans le seul but de vendre des biens à titre
occasionnel (une voiture et une collection de timbre) n’y serait pas tenu.
Par exception, les mentions obligatoires, la règle du double-clic et l’obli-
gation d’accuser réception ne s’imposent pas (i) lorsque le contrat est conclu
exclusivement par échange de courriers électroniques (art. 1127-3, al. 1er), et
(ii) dans les contrats conclus entre professionnels (art. 1127-3, al. 2).
Enfin, à la différence des particuliers qui ne peuvent recevoir les infor-
mations relatives à la conclusion ou à l’exécution du contrat par mail que s’ils
l’ont accepté, les informations destinées à un professionnel peuvent toujours
lui être adressées par courrier électronique, dès lors qu’il a communiqué son
adresse électronique (art. 1127).

Section 3. Les contrats préparatoires (ou avant-contrats)

§ 1. Le pacte de préférence

I. La formation du pacte de préférence


Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à propo-
ser prioritairement à un bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle
déciderait de contracter (c. civ. art. 1123, al. 1er). Le droit de préférence du
bénéficiaire s’apparente au droit de préemption (par ex., pour le locataire :
c. com. art. L. 145-46-1 ; L. 6 juill. 1989, art. 15, II).

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Partie 1 • Les sources d’obligations
Le pacte de préférence est un contrat consensuel. La prédétermination du
prix du contrat envisagé et la stipulation d’un terme ne sont pas des condi-
tions de validité du pacte (Civ. 3e, 15 janv. 2003, no 01-03700). En l’absence de
terme, le droit de priorité est imprescriptible. Tant que le promettant n’a pas
fait connaître sa décision de vendre, le bénéficiaire du pacte de préférence
est dans l’impossibilité d’exercer ses droits et, en conséquence, la prescrip-
tion ne court pas contre lui (par ex., Civ. 1re, 6 juin 2001, no 98-20673). Le pacte
peut stipuler un terme, i.e. un délai à l’issue duquel le droit de priorité sera
caduc si aucune offre de vente n’est parvenue au bénéficiaire.

II. La violation du pacte de préférence


La violation du pacte de préférence résulte de la conclusion d’un contrat
avec un tiers au mépris du droit de priorité du bénéficiaire, i.e. sans lui avoir
au préalable proposer le contrat aux mêmes conditions. Le pacte de préférence
est méconnu si, avant l’expiration de son terme, le promettant conclut avec
un tiers une promesse unilatérale de vente, alors même que la vente défini-
tive est postérieure à l’expiration du terme (Civ. 1re, 6 déc. 2018, no 17-23321).
En revanche, la vente à un tiers au même prix que celui offert aux bénéfi-
ciaires et refusé par ces derniers sept ans plus tôt ne constitue pas une viola-
tion du pacte (Civ. 3e, 29 janv. 2003, no 01-03707).
En cas de violation du pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir
la réparation du préjudice subi (art. 1123, al. 2). L’action est dirigée contre
le promettant. Le tiers n’est pas responsable du seul fait de l’inexécution du
pacte auquel il n’est pas partie (Civ. 3e, 24 mars 1999, no 96-16040). Le bénéfi-
ciaire peut agir contre le notaire qui, informé de l’existence du pacte, n’a pas
veillé au respect du droit du bénéficiaire, au besoin en refusant d’authentifier
la vente conclue en violation du pacte (Civ. 1re, 11 juill. 2006, no 03-18528).
Lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte de préférence et l’inten-
tion du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut agir en nullité ou
demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu (art. 1123,
al. 2 ; déjà : Ch. mixte 26 mai 2006, no 03-19376). Il ne suffit donc pas que le tiers
ait eu connaissance du pacte, encore faut-il qu’il ait connaissance de l’inten-
tion du bénéficiaire de s’en prévaloir, pour que ce dernier puisse obtenir la
nullité de la vente ou la substitution. La mauvaise foi du tiers s’apprécie au
jour de la conclusion du contrat qui consomme la violation du pacte et non
à la date de la réitération de la vente par acte authentique (Civ. 3e, 25 mars
2009, no 07-22027).
Pour pouvoir conclure sans risque avec le promettant, le tiers qui a connais-
sance du pacte dispose d’une action interrogatoire. Le tiers peut demander
par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il fixe et qui doit être
raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir.

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L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du
pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers
ou la nullité du contrat (art. 1123, al. 3 et 4).

§ 2. La promesse unilatérale de contrat

I. La formation de la promesse unilatérale de contrat


« La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant,
accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat
dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque
que le consentement du bénéficiaire » (c. civ. art. 1124, al. 1er).
La promesse comprend les éléments essentiels du contrat définitif, de
sorte que celui-ci ait formé dès la levée d’option par le bénéficiaire. Le consen­
tement du bénéficiaire est le seul élément qui fait défaut pour que le contrat
promis soit formé.
La promesse unilatérale est un contrat unilatéral car seul le promettant
est engagé. Le bénéficiaire est libre de lever ou non l’option. En pratique, le
bénéficiaire est tenu de verser une indemnité d’immobilisation qui consti-
tue la contrepartie de l’option (et non une clause pénale). Si le bénéficiaire
lève l’option, l’indemnité, en général égale à 10 % du prix du contrat défini-
tif, s’imputera sur celui-ci. En l’absence de levée d’option, l’indemnité reste
acquise au promettant.
La promesse unilatérale peut être requalifiée en contrat synallagma-
tique lorsque le montant de l’indemnité d’immobilisation est si important
par rapport au prix de vente qu’elle prive le bénéficiaire de sa liberté de ne
pas conclure (Civ. 3e, 26 sept. 2012, no 10-23912).
La promesse unilatérale de vente qui porte notamment sur un immeuble,
un droit immobilier, un fonds de commerce ou un droit au bail doit, à peine
de nullité, être constatée par acte authentique ou par un acte sous seing
privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de sa conclusion (c. civ.
art. 1589-2). Cette condition de forme n’est pas applicable lorsque les parties
ont conclu une transaction, stipulant des engagements réciproques interdé-
pendants, dont la promesse de vente n’est qu’un élément (Ass. plén. 24 févr.
2006, no 04-20525).
Il ressort de l’article 1124, alinéa 2 que la promesse unilatérale doit prévoir
un délai de levée d’option. En l’absence de délai, soit la promesse est réputée
perpétuelle et le promettant peut se libérer en respectant un préavis (c. civ.
art. 1210), soit le droit du bénéficiaire est considéré comme prescrit au bout
de cinq ans.

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En cas de décès du promettant, ses héritiers sont tenus de respecter la

Partie 1 • Les sources d’obligations


promesse (Civ. 3e, 8 sept. 2010, no 09-13345). Quant aux héritiers du bénéfi-
ciaire, ils doivent pouvoir lever l’option, à moins que le contrat promis soit
intuitu personae.

II. L’exécution de la promesse unilatérale de contrat


L’engagement du promettant est définitif. « La révocation de la promesse
pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du
contrat promis » (art. 1124, al. 2). Rompant avec la jurisprudence selon laquelle
la rétractation de la promesse unilatérale n’était sanctionnée que par l’octroi
de dommages-intérêts (Civ. 3e, 15 déc. 1993, Cruz, solution critiquée par une
doctrine importante mais confirmée à maintes reprises : Civ. 3e, 6 déc. 2018,
no 17-21170), l’Ordonnance du 10 février 2016 prévoit que la révocation de
la promesse ne fait pas obstacle à la formation du contrat en cas de levée
d’option.
« Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en
connaissait l’existence est nul » (art. 1124, al. 3). Pour exiger la nullité, le bénéfi-
ciaire n’a pas à prouver que le tiers avait connaissance de son intention de
levée l’option. Et il n’a pas à demander la substitution, il lui suffit de lever
l’option. De surcroît, le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente est
fondé à invoquer contre une personne, même étrangère à cette promesse, soit
la fraude à laquelle celle-ci se serait associée, soit seulement la faute dont elle
se serait rendue coupable en acceptant d’acquérir un immeuble qu’elle savait
faire l’objet de la promesse (Civ. 3e, 8 juill. 1975, no 73-14486).

§ 3. La promesse synallagmatique de contrat


La promesse synallagmatique est le contrat par lequel les parties s’engagent
à conclure un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés. La promesse
engage définitivement les parties : « la promesse de vente (ou compromis de
vente) vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la
chose et sur le prix » (c. civ. art. 1589, al. 1er).
L’exécution de l’engagement des parties est toutefois subordonnée à la
réalisation d’une ou plusieurs conditions suspensives (obtention d’un prêt,
autorisation administrative…).
La règle selon laquelle la promesse de vente vaut vente n’a qu’un caractère
supplétif. Par exemple, le vendeur est libéré lorsque n’a pas été respectée la
condition selon laquelle l’acte de vente authentique devait être signé avant
un terme et que le prix devait être réglé au plus tard le jour de l’acte authen-
tique (Civ. 3e, 10 mai 2005, no 03-19238).

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Par ailleurs, l’échange d’une promesse unilatérale d’achat et d’une promesse
unilatérale de vente réalise une promesse synallagmatique valant vente défini-
tive dès lors que les deux promesses réciproques ont le même objet et qu’elles
sont stipulées dans les mêmes termes (Com. 22 nov. 2005, no 04-12183).

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Chapitre 3
La validité du contrat

Section 1. Les conditions de validité

§ 1. Le consentement
Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent
en nullité de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte
(c. civ. art. 414-1 ; art. 1129). Le trouble mental (absence de consentement)
est une cause autonome de nullité du contrat qui se distingue des trois vices
du consentement (erreur, dol et violence).

I. L’erreur
L’erreur est une croyance erronée, une fausse représentation de la réalité
qui a déterminé une partie à contracter. Toutes les erreurs ne constituent pas
un vice du consentement. L’erreur n’est une cause de nullité du contrat que si
elle porte sur une qualité essentielle et revêt certains caractères.

A. L’objet de l’erreur
1. L’erreur sur une qualité essentielle
a. Les qualités essentielles de la prestation
« L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause
de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation
due ou sur celles du cocontractant » (c. civ. art. 1132). « Les qualités essentielles de
la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en
considération desquelles les parties ont contracté. L’erreur est une cause de nullité
qu’elle porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie » (c. civ. art. 1133).

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L’erreur de fait repose sur une fausse représentation de la réalité, alors
que l’erreur de droit résulte d’une fausse application du droit. Par exemple,
commet une erreur de droit, le propriétaire qui se méprend sur l’existence
d’un droit de préemption au profit de l’occupant des lieux (Civ. 3e, 20 oct.
2010, no 09-66113).
Les juges du fond apprécient souverainement les qualités qui doivent être
considérées comme essentielles aux yeux des parties. Cependant, en matière
de vente aux enchères publiques d’œuvres d’art, la jurisprudence déduit
des dispositions du décret du 3 mars 1981 sur la répression des fraudes en
matière de transactions d’œuvres d’art que le catalogue a une valeur contrac-
tuelle, de sorte que l’inexactitude d’une mention constitue nécessairement
une erreur sur une qualité essentielle et déterminante (Civ. 1re, 15 nov. 2005,
pourvoi no 03-20.597, Tableau piège de Spoerri ; Civ.  1re, 27 fév. 2007, no 02-13420,
Statue de Sesostris III ; excluant toutefois le caractère déterminant de l’erreur :
Civ. 1re, 20 oct. 2011, no 10-25980, Table Boulle).
La qualité essentielle de l’œuvre réside dans son authenticité mais égale-
ment, selon les circonstances, dans la certitude de son authenticité, de sorte
qu’un doute sur cette authenticité apparue après la vente suffit à entraîner
sa nullité (Civ. 1re, 13 janv. 1998, no 96-11881 ; Civ. 1re, 26 févr. 1980, no 78-15631).
Inversement, la qualité essentielle (pour le vendeur) peut être la certitude
que l’œuvre n’est pas authentique, de sorte que l’apparition d’un doute justi-
fie la nullité. C’est dans cette hypothèse que la jurisprudence a posé la règle,
reprise à l’article 1133, selon laquelle une partie peut commettre une erreur
sur sa propre prestation (Civ. 1re, 22 févr. 1978, no 76-11551, Poussin ; Civ. 1re,
17 sept. 2003, no 01-15306, Poussin).
b. La date d’appréciation de l’erreur
L’erreur est appréciée au jour de la conclusion du contrat. Par conséquent,
l’acquéreur d’un terrain constructible au jour de la vente ne peut invoquer une
erreur sur une qualité essentielle du terrain en raison de l’annulation posté-
rieure du permis de construire, nonobstant l’effet rétroactif de celle-ci (Civ. 3e,
24 nov. 2016, no 15-26226 ; Civ. 3e, 23 mai 2007, no 06-11889). Toutefois, l’annu-
lation du permis peut révéler une erreur sur la constructibilité du terrain.
Dans l’arrêt précité, les causes de l’annulation étaient connues au jour de la
vente (zone inondable, plan de prévention des risques), si bien que l’acqué-
reur avait de fait accepté l’aléa de la remise en cause du permis (en ce sens,
Civ. 3e, 13 nov. 2014, no 13-24027). En revanche, l’annulation du permis fondée
sur l’existence d’une cavité souterraine méconnue au jour de la vente révèle
une erreur qui justifie la nullité du contrat (Civ. 3e, 12 juin 2014, no 13-18446).

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Partie 1 • Les sources d’obligations
Par ailleurs, les juges du fond sont tenus de prendre en considération les
éléments de preuve postérieurs à la conclusion du contrat. Ainsi, l’authenti-
cité d’une œuvre d’art peut résulter d’une expertise réalisée après la vente du
tableau dont les vendeurs avaient la conviction qu’il ne pouvait pas être une
œuvre de Nicolas Poussin (Civ. 1re, 13 déc. 1983, no 82-12237).
c. L’aléa chasse l’erreur
« L’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation exclut l’erreur relative
à cette qualité » (art. 1133). En concluant une vente d’œuvre d’art « attribuée à »
un artiste, les parties ont accepté que l’authenticité ou la non-authenticité de
l’œuvre puisse être ultérieurement prouvée (Civ. 1re, 24 mars 1987, no 85-15736,
Le Verrou attribué à Fragonard). L’acceptation de l’aléa peut résulter des circons-
tances (conclusions incertaines de l’expertise, prix, état des risques, compé-
tence et déclaration de l’acquéreur : Civ. 3e, 9 juin 2010, no 08-13969).
d. L’erreur sur une qualité essentielle du cocontractant
Elle ne peut être invoquée qu’en présence d’un contrat conclu intuitu perso-
nae (art. 1134). Par exemple, un contrat de travail peut être conclu dans la
croyance erronée que le candidat dispose d’un diplôme ou d’une expérience
professionnelle. Encore faut-il que la qualité essentielle soit aussi détermi-
nante et qu’elle concerne le cocontractant. Par exception, le cautionnement
est nul en cas d’erreur commune des parties sur une qualité essentielle du
débiteur principal ayant l’interdiction d’exercer une activité commerciale(Com.
19 nov. 2003, no 01-01859).
2. L’erreur-obstacle
Ignorée du code civil, l’erreur-obstacle est exclusive de toute rencontre
des volontés. Il n’y a pas de contrat : l’une des parties croit vendre et l’autre
louer (erreur sur la nature de l’acte) ; l’une des parties croit vendre tel bien et
l’autre acheter un autre bien (erreur sur l’objet). La sanction résiderait dans
l’inexistence du contrat. Cependant, il a été jugé que l’erreur portant sur
l’objet de la vente (erreur dans la désignation de la parcelle vendue) et faisant
obstacle à la rencontre des consentements, fût-elle inexcusable, entraîne la
nullité relative de la vente (Civ. 3e, 16 déc. 2014, no 14-14168 ; Civ. 3e, 26 juin
2013, no 12-20934 ; Civ. 3e, 1er fév. 1995, no 92-16729).
3. Les erreurs indifférentes
a. L’erreur sur un motif
Le motif ou mobile, vrai ou erroné, pour lequel une partie à contracter est
sans incidence sur la validité du contrat, dès lors qu’il est étranger aux quali-
tés essentielles de la prestation ou du cocontractant (art. 1135). Il est sans
emport que ce motif ait été déterminant, en particulier l’intention de bénéfi-
cier d’avantages fiscaux (Civ. 1re, 13 févr. 2001, no 98-15092 ; Civ. 3e, 24 avr.

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2003, no 01-17458). Le crédit-preneur ne saurait obtenir la nullité du crédit-
bail au motif que les équipements loués ne sont pas adaptées à son activité
professionnelle, en l’absence de toute erreur sur les qualités essentielles des
matériels (Com. 11 avr. 2012, no 11-15429).
Les parties peuvent néanmoins ériger le motif en condition contractuelle
en stipulant expressément qu’il constitue un élément déterminant du consen-
tement. Seule une stipulation expresse intègre le motif au champ contrac-
tuel. Toutefois, en matière de cautionnement, la jurisprudence admet que
la caution puisse faire de la solvabilité du débiteur principal une condition
tacite de son engagement (Com. 1er oct. 2002, no 00-13189 ; Com. 19 mai 2015,
no 14-10860).
Par exception, l’erreur sur le motif d’une libéralité, en l’absence duquel
son auteur n’aurait pas disposé, est une cause de nullité (art. 1135, al. 2).
b. L’erreur sur la valeur
« L’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles
de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation écono-
mique inexacte, n’est pas une cause de nullité » (art. 1136). La seule inadéquation
entre le prix et la valeur d’un bien ne permet pas, pour des raisons légitimes
de sécurité juridique, de remettre en cause le contrat. Bien entendu, si l’appré-
ciation économique inexacte est consécutive à une erreur sur une qualité
essentielle, le contrat est nul.
La valeur se distingue de la rentabilité qui peut notamment se définir
comme la potentialité d’un bien à générer des profits. Pour autant, l’appré-
ciation erronée de la rentabilité économique d’un bail à construction n’est
pas constitutive d’une erreur sur la substance de nature à vicier le consente-
ment du preneur à qui il appartenait d’apprécier la valeur économique (Civ. 3e,
31 mars 2005, no 03-20096). De même, en supposant que le souscripteur d’un
contrat d’assurance-vie a fait une erreur de choix de placement, cette erreur
ne porte pas sur la qualité essentielle dudit placement, tout comme ne consti-
tue pas une erreur sur la substance du contrat le fait qu’il n’ait pas perçu l’éco-
nomie de celui-ci (Civ. 2e, 8 oct. 2009, no 08-18928).
Par exception, le franchisé peut invoquer une erreur sur la rentabilité
de l’entreprise, considérée comme une qualité essentielle, lorsque les résul-
tats de son activité sont très inférieurs aux prévisions du franchiseur entraî-
nant rapidement sa mise en liquidation (Com. 4 oct. 2011, no 10-20956 ; Com.
12 juin 2012, no 11-19047). Sans ces deux conditions (contrats de franchise ou
assimilés ; prévisions fournies par le franchiseur ou un mandant), l’erreur
sur la rentabilité est indifférente.

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B. Les caractères de l’erreur

Partie 1 • Les sources d’obligations


1. Le caractère déterminant de l’erreur
L’erreur est déterminante lorsque la victime de l’erreur (errans) n’aurait pas
contracté si elle avait eu connaissance de la vérité. Cette condition s’impose
pour tous les vices du consentement (art. 1130). Par exemple, l’erreur de droit
sur la date d’expiration du délai de rétractation de quinze jours ne peut entraî-
ner la nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail que si elle a
eu pour effet de vicier le consentement de l’une des parties ou de la priver de
la possibilité d’exercer son droit (Soc. 29 janv. 2014, no 12-24539).
2. Le caractère excusable de l’erreur
L’erreur est inexcusable lorsque la victime devait se renseigner ou procéder
à des vérifications pour éviter de commettre une erreur. Doit être cassé l’arrêt
qui a annulé un contrat de travail, alors que l’employeur avait été informé par
le candidat lui-même qu’il avait été président-directeur général d’une société
dont le nom était donné dans le curriculum vitae, et n’avait pas procédé à des
investigations qui lui auraient permis de découvrir que le candidat venait de
déposer le bilan de cette société aussitôt mise en liquidation, de sorte que
l’erreur sur la personne était inexcusable (Soc. 3 juill. 1990, no 87-40349).
Le devoir de se renseigner résulte de la qualité de professionnel et/ou des
compétences de la victime de l’erreur, à condition que celles-ci soient requises
lors de la conclusion du contrat. Ainsi, l’acquéreur ayant la qualité de restau-
rateur d’œuvres d’art et d’expert agréé commet une erreur excusable sur
l’authenticité de l’œuvre acquise, dès lors qu’il n’était pas intervenu pour la
certification de la toile litigieuse, déjà formellement reconnue comme étant de
Camille Claudel par une experte et spécialiste de ses œuvres (Civ. 1re, 14 déc.
2004, no 01-03523 ; même sens : Civ. 1re, 8 déc. 2009, no 08-16471). Une SCI,
n’ayant pas la qualité de professionnel de l’immobilier, commet une erreur
excusable en achetant un appartement loué en croyant pouvoir le mettre en
location, alors que la surface habitable ne dépassait pas 9 m2 (Civ. 3e, 3 mai
2018, no 17-11132).
Il résulte de l’article 1132 que tant l’erreur de droit que l’erreur de fait doit
être excusable. L’Ordonnance 2016 contredit ainsi la jurisprudence selon
laquelle le caractère inexcusable de l’erreur de droit à l’origine de la notifica-
tion du droit de préemption est sans incidence sur la validité de l’offre (Civ. 3e,
20 oct. 2010, no 09-66113, cassation de l’arrêt ayant jugé la vente parfaite
alors que l’offre du professionnel de l’immobilier était fondée sur un droit
de préemption inexistant).

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II. Le dol
A. Les conditions du dol
1. Les éléments constitutifs
a. L’élément matériel
Le dol est un délit civil qui suppose la faute d’une partie commise dans
le but de tromper son cocontractant pour le déterminer à conclure. Celle-ci
peut résulter de manœuvres dolosives, d’un mensonge ou d’une dissimula-
tion intentionnelle (art. 1137).
Les manœuvres supposent le recours à des artifices et subterfuges (faux
documents, tiers complice, trucages…).
Le simple mensonge constitue un dol, sauf s’il s’apparente à une exagé-
ration (dolus bonus) qui ne dépasse pas ce qui est habituel dans les pratiques
commerciales (par ex., présenter un produit comme simple d’utilisation alors
qu’il est sophistiqué : Com. 13 déc. 1994, no 92-20806).
La dissimulation intentionnelle de l’un des contractants doit porter sur
une information que celui-ci sait déterminante pour la victime (art. 1137,
al. 2). Mais, à la différence de l’obligation d’information (art. 1112-1), l’erreur
consécutive à un dol est toujours excusable et peut, en principe, porter sur la
valeur de la prestation (art. 1139). Il n’y a donc pas adéquation entre la dissi-
mulation intentionnelle et le manquement à l’obligation d’information. La
jurisprudence se fonde néanmoins sur l’absence d’obligation d’information
pour exclure le dol (retenant qu’aucun texte n’oblige une entreprise à infor-
mer son cocontractant du fait qu’elle fait l’objet d’un redressement judiciaire :
Com. 24 sept. 2003, no 00-21863).
La loi de ratification du 20 avril 2018 prévoit que « ne constitue pas un dol
le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la
valeur de la prestation » (art. 1137, al. 3). L’acquéreur, même professionnel, n’est
pas tenu d’une obligation d’information au profit du vendeur sur la valeur du
bien acquis (Civ. 3e, 17 janv. 2007, no 06-10442 ; Civ. 1re, 3 mai 2000, no 98-11381,
Baldus). L’article 1137, alinéa 3, va plus loin puisqu’une partie (acheteur ou
vendeur) ne commet jamais de dol en dissimulant la seule valeur de la presta-
tion, ce qui est cohérent avec l’article 1112-1, al. 2, mais pas avec l’article 1139,
sauf à limiter la portée de ce texte aux manœuvres et mensonges.
C’est seulement lorsque le prix s’explique par la dissimulation d’une qualité
du bien que le dol est caractérisé (dissimulation par l’acheteur de la richesse de
la composition du sol : Civ. 3e, 15 nov. 2000, no 99-11203, Carrières de Brandefert).
De même, le cessionnaire de titres sociaux est tenu, en raison de sa qualité

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Partie 1 • Les sources d’obligations
de dirigeant, d’un devoir de loyauté qui lui impose d’informer le cédant de
la valeur des titres (Com. 27 févr. 1996, no 94-11241, Vilgrain ; Civ.  1re, 25 mars
2010, no 08-13060).
b. L’élément intentionnel
La qualification de dol est subordonnée à la preuve d’une intention dolosive.
Celle-ci fait défaut s’il apparait que l’auteur du mensonge croyait dire la
vérité, si bien que la nullité ne pourra être accueillie que sur le fondement de
l’erreur (par ex., Civ. 1re, 19 sept. 2018, no 16-20164). Si le manquement à une
obligation d’information engage la responsabilité du débiteur, il n’entraîne la
nullité que s’il a provoqué une erreur sur une qualité essentielle ou si l’inten-
tion dolosive est prouvée (art. 1112-1, al. 6). Le manquement à une obliga-
tion précontractuelle d’information, à le supposer établi, ne peut suffire à
caractériser le dol par réticence, si ne s’y ajoute la constatation du caractère
intentionnel de ce manquement et d’une erreur déterminante provoquée
par celui-ci (Com. 28 juin 2005, no 03-16794 ; Civ. 3e, 7 avr. 2016, no 15-13064).
Ne constitue pas un dol, le seul manquement de l’établissement de crédit à
son devoir de mise en garde (Com. 9 févr. 2016, no 14-23210). En revanche, la
preuve de l’élément intentionnel est inutile si la victime d’un manquement
à l’obligation d’information ne réclame que des dommages-intérêts (Civ. 1re,
28 mai 2008, no 07-13487).
2. La condition relative à l’auteur du dol
Le dol doit émaner du contractant. Il est également constitué s’il émane
du représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort du contractant, ou
d’un tiers complice (art. 1138).
3. La condition relative à l’erreur résultant du dol
« L’erreur qui résulte d’un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité
alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif
du contrat » (art. 1139).
L’erreur provoquée par des manœuvres ou mensonges, ou exploitée par
dissimulation dolosive, entraîne la nullité même si elle porte sur une qualité
non essentielle. Par exception, l’erreur sur la valeur exploitée par dissimu-
lation intentionnelle n’est pas une cause de nullité.
En cas de dol, l’erreur est toujours excusable, ce qui signifie que, nonobs-
tant la qualité de professionnel de la victime, ses compétences ou la nature
de l’opération, il ne peut lui être opposé un devoir de se renseigner (Civ. 3e,
21 févr. 2001, no 98-20817). L’ignorance légitime de l’information ou la confiance
envers le cocontractant, conditions à l’obligation d’information posée par
l’article 1112-1, sont indifférentes pour qualifier le dol. En revanche, le dol

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n’est pas constitué s’il ressort des circonstances que le demandeur en nullité
avait conclu l’acte litigieux en connaissance de cause (Civ. 3e, 7 mai 2014,
no 13-15073).
Dans la même veine, le principe selon lequel « nul ne peut se prévaloir de
sa propre turpitude » n’étant pas applicable en matière de dol, il importe peu
que la victime ait agi en croyant tirer profit de l’ignorance d’un tiers (Civ. 1re,
22 juin 2004, no 01-17258).
Enfin, l’erreur qui résulte du dol doit avoir été déterminante : sans elle, la
victime n’aurait pas contracté (art. 1130). Par exemple, le seul défaut de remise
du document d’information précontractuel, prévu à l’article L. 330-3 du code de
commerce, ne suffit pas à caractériser un vice du consentement (Com. 10 févr.
1998, no 95-21906). La jurisprudence exclut la distinction du dol principal – la
victime n’aurait pas conclu le contrat – et du dol incident – elle aurait conclu
à des conditions différentes, ce qui ferait obstacle à la nullité – (Com. 30 mars
2016, no 14-11684). Mais il est vrai que si l’erreur provoquée n’a pas été déter-
minante, la nullité ne sera pas encourue, et la victime ne pourra prétendre
qu’à des dommages-intérêts en démontrant la faute de son cocontractant.

B. Les sanctions du dol


Le dol est sanctionné par la nullité relative du contrat. Le droit de demander
la nullité n’exclut pas l’exercice, par la victime du dol, d’une action en respon-
sabilité délictuelle pour obtenir réparation du préjudice qu’elle a subi. En tant
que délit civil, le dol constitue nécessairement une faute extracontractuelle.
Si la victime du dol fait le choix de ne pas demander l’annulation du contrat,
son préjudice réparable correspond uniquement à la perte de chance de
contracter à des conditions plus avantageuses (Com. 10 juill. 2012, no 11-21954 ;
Com. 5 juin 2019, no 16-10391), ce qui revient à une réduction du prix. Dans
cette hypothèse, le préjudice ne peut, par exemple, correspondre ni au prix
d’achat des titres de la société, ni au passif généré depuis l’acquisition qui
n’aurait pas eu lieu sans elle, ni à la perte de chance de conclure un contrat
plus avantageux.
A contrario, ces préjudices sont indemnisables lorsque la victime demande
l’annulation du contrat. Puisque le contrat est censé n’avoir jamais existé,
la victime récupère le prix (restitution) et doit être indemnisée des pertes
subies à raison de l’exécution du contrat, ainsi que de la perte de chance de
conclure un autre contrat.

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III. La violence

Partie 1 • Les sources d’obligations


A. La violence par menace
« Il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui
lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un
mal considérable » (c. civ. art. 1140). Commet une violence, l’employeur qui
menace une salariée de compromettre son parcours professionnel pour l’inciter
à choisir la voie de la rupture conventionnelle (Soc. 23 mai 2013, no 12-13865).
Il incombe aux juges du fond de caractériser la gravité de la violence (mal
considérable), qu’elle soit physique ou morale.
Par exception, la menace d’une voie de droit est légitime et ne constitue
pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée
de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage
manifestement excessif (art. 1141). Un créancier peut ainsi menacer ses
débiteurs d’agir en justice aux fins d’obtenir une reconnaissance de dette ou
d’acquérir un bien des débiteurs (par ex., Civ. 3e, 17 janv. 1984, no 82-15753).
La frontière est tenue. Si l’avantage obtenu est excessif, l’auteur des menaces
commet non seulement une violence mais risque d’être poursuivi pour extor-
sion (par ex., Crim. 3 nov. 2016, no 15-83892).
Enfin, la violence est une cause de nullité qu’elle ait été exercée par une
partie ou par un tiers (art. 1142). Aucun lien (complicité) entre le contractant
profitant de la violence et le tiers qui en est l’auteur n’est exigé par la loi.

B. La violence par abus d’un état de dépendance


« Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance
dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement
qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage
manifestement excessif » (art. 1143).
La jurisprudence avait déjà admis que le vice de violence puisse résulter
d’une contrainte économique ou plus précisément de l’exploitation abusive
d’une situation de dépendance économique (Civ. 1re, 30 mai 2000, no 98-15242).
Les trois conditions de ce vice de violence sont restrictives : un abus qui
suppose forcément la connaissance de l’état de dépendance de la victime ;
un état de dépendance à l’égard du cocontractant ; un avantage manifes-
tement excessif.
Seul l’état de dépendance de la victime est pris en compte, à l’exclusion de
celui de ses proches. La dépendance doit exister à l’égard de l’autre partie.
Celle-ci doit être en position de domination et en abuser. La dépendance ou
contrainte économique suppose que la victime qui a accepté des conditions
contractuelles désavantageuses n’avait pas la possibilité de contracter avec
une autre entreprise (Civ. 1re, 18 févr. 2015, no 13-28278 – absence de dépen-
dance économique) ou s’est trouvée contrainte de contracter pour échapper

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à un risque économique majeur (Civ. 1re, 3 avr. 2002, no 00-12932 – absence de
contrainte, la salariée n’étant pas concernée par un plan de licenciement ;
Civ. 2e, 8 sept. 2005, no 04-12041 – absence de contrainte subie par la caution
ayant conclu une convention d’honoraires avec son avocat).
L’état de dépendance s’apparente aussi à un état de vulnérabilité psycho-
logique ou physique : la salariée victime de harcèlement (Soc. 30 nov. 2004,
no 03-41757) ; le membre d’une secte ayant subi des violences de tiers et ayant
sa famille à charge (Civ. 3e, 13 janv. 1999, no 96-18309) ; la cliente en état de
faiblesse psychologique et de nécessité économique contrainte d’accepter
une convention d’honoraires (Civ. 2e, 5 oct. 2006, no 04-11179). Ces solutions
sont-elles remises en cause dès lors que la dépendance de la victime doit
exister à l’égard de l’autre partie ? Peuvent-elles simplement se rattacher à la
violence par menace ?

C. Les sanctions de la violence


À l’instar du dol, la violence est un délit civil. Il s’ensuit que la victime
peut non seulement agir en nullité du contrat mais également obtenir des
dommages-intérêts.

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§ 2. La capacité et la représentation

Partie 1 • Les sources d’obligations


I. La capacité
A. Les incapacités de jouissance
1. Les personnes physiques
L’incapacité de jouissance prive une personne du droit d’accomplir un
acte juridique. Elle est forcément spéciale car une incapacité générale de
jouissance reviendrait à priver une personne de son existence juridique. Les
exemples sont légion.
Un mineur âgé de moins de seize ans ne peut disposer, i.e. faire une
donation ou consentir un legs (c. civ. art. 903). La loi limite la capacité de
disposer du mineur de plus de seize ans et lui interdit même de disposer au
profit de son tuteur (art. 904 et 907). Un mineur a l’interdiction d’exercer le
commerce, et son administrateur légal ne peut, même avec une autorisation
judiciaire, exercer le commerce ou une profession libérale en son nom ou
accomplir des actes contraires aux intérêts du mineur, comme aliéner gratui-
tement les biens ou les droits du mineur (art. 387-2).
Les professionnels de santé et ministres du culte qui ont traité une personne
pendant la maladie dont elle meurt, ne peuvent profiter des dispositions entre
vifs ou testamentaires qu’elle a faite en leur faveur pendant le cours de cette
maladie (art. 909). L’article 909 interdit en outre au majeur protégé de disposer
au profit du mandataire judiciaire chargé de sa protection. La loi pose aussi
une incapacité de recevoir des personnes exerçant une activité d’assistance
à une personne en situation de vulnérabilité (CASF art. L. 116-4). Cependant,
l’interdiction faite aux exploitants et employés d’un service d’aide à domicile
de recevoir une libéralité de la personne âgée ou handicapée qu’ils assistent
a été jugée contraire au droit de propriété (Cons. const. 12 mars 2021, QCP
n° 2020-888).
Le tuteur d’un majeur sous tutelle ne peut, même avec une autorisation
(art. 509) : accomplir des actes qui emportent aliénation gratuite des biens
ou des droits de la personne protégée ; acheter les biens de la personne proté-
gée ou les prendre à bail, etc.
En matière de vente, les articles 1596 et 1597 du code civil posent des incapa-
cités de jouissance. Par exemple, les mandataires ont l’interdiction d’acqué-
rir les biens qu’ils sont chargés de vendre.
Enfin, l’incapacité de jouissance peut résulter d’une interdiction judiciaire
d’exercer une activité à titre de sanction (par ex., faillite personnelle : c. com.
art. L. 653-2 ; interdiction de gérer : art. L. 653-8). Aucun texte légal ou régle-
mentaire ne contraint l’assureur à vérifier la capacité juridique de l’assuré lors
du renouvellement tacite du contrat ni lors de la délivrance des attestations,

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de sorte que le client de l’assuré interdit de gérer ne peut engager la respon-
sabilité de l’assureur pour avoir délivrer une attestation d’assurance alors
que cet assuré exerçait son activité en toute illégalité (Civ. 3e, 24 oct. 2012,
no 11-20439).
2. Les personnes morales
Selon le principe de spécialité des personnes morales, la capacité des
personnes morales est limitée. Celles-ci ne peuvent accomplir que des actes
juridiques compris dans leur objet déterminé par leurs statuts. En pratique,
c’est le représentant de la personne morale qui a l’interdiction d’accomplir un
acte contraire à l’objet social. Toutefois, un tel acte ne sera pas forcément nul
car la loi peut prévoir que les dispositions statutaires ne sont pas opposables
aux tiers. C’est la raison pour laquelle l’article 1145, alinéa 2, renvoie aux
règles applicables à chaque personne morale.

B. Les incapacités d’exercice


L’incapacité d’exercice interdit à une personne d’accomplir seule un
acte juridique. L’incapacité de contracter est une cause de nullité relative
(art. 1147).
1. Les mineurs non émancipés
L’administrateur légal représente le mineur dans tous les actes de la
vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à
agir eux-mêmes (c. civ. art. 388-1-1). Comme tout incapable, le mineur peut
ainsi accomplir seul les actes courants, pourvu qu’ils soient conclus à des
conditions normales (c. civ. art. 1148). Ces actes peuvent être annulés pour
lésion, sauf si celle-ci résulte d’un événement imprévisible (art. 1149). La
lésion n’a pas à être qualifiée, il suffit au juge de caractériser un déséquilibre
pour annuler le contrat. La simple déclaration de majorité faite par le mineur
ne fait pas obstacle à l’annulation. En l’absence de lésion, il semble bien que
la loi autorise le juge à annuler l’acte courant dès lors qu’il a été conclu à des
conditions anormales. Au juge donc de déterminer ce qu’il faut entendre par
« conditions normales ».
Le cocontractant du mineur, quelle que soit l’acte conclu (acte courant ou
acte qui aurait dû être conclu par l’administrateur légal) peut faire obstacle à
l’action en nullité engagée contre lui en établissant que l’acte était utile à la
personne protégée et exempt de lésion, ou qu’il a profité à celle-ci (art. 1151).
Doit être cassé l’arrêt qui condamne le client d’une banque, qui était mineur
lors de l’ouverture d’un compte, à payer sa dette à l’égard de celle-ci, sans
rechercher si l’ouverture d’un compte bancaire avec remise de carnets de
chèques ou d’une carte bleue sans autorisation de son représentant était un
acte de la vie courante, ni constater que ce qui avait été payé avait tourné à
son profit (Civ. 1re, 12 nov. 1998, no 97-13248).

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Partie 1 • Les sources d’obligations
Les actes qui ne sont pas courants (actes d’administration et de disposi-
tion) sont accomplis par l’administrateur légal (parents du mineur) au nom du
mineur. Toutefois, l’administrateur ne peut accomplir certains actes qu’avec
l’autorisation préalable du juge des tutelles (art. 387-1), tandis que d’autres actes
ne peuvent jamais être accomplis, même avec une autorisation (art. 387-2).
2. Les majeurs protégés
Les majeurs protégés peuvent accomplir seuls les actes courants, pourvu
qu’ils soient conclus à des conditions normales (art. 1148). Ces actes peuvent
faire l’objet des actions en rescision ou en réduction pour lésion, à l’instar des
actes conclus par une personne placée sous sauvegarde de justice (art. 465,
1° et 435).
Le majeur placé sous curatelle peut accomplir seul les actes courants, ainsi
que les actes d’administration ou conservatoire (sauf curatelle renforcée).
Ces actes sont nuls en cas de lésion (art. 465 1°). Le majeur sous curatelle ne
peut faire des actes de disposition qu’avec l’assistance du curateur. À défaut
d’assistance, l’acte peut être annulé s’il est établi que la personne protégée a
subi un préjudice (art. 465, 2°).
En cas de tutelle, le tuteur accomplit seul les actes conservatoires et les
actes d’administration au nom du majeur (art. 504). Le tuteur ne peut, sans y
être autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, le juge, faire des actes de
disposition au nom de la personne protégée (art. 505). Le tuteur a l’interdic-
tion d’accomplir certains actes même avec une autorisation (art. 509). Est nul
de plein droit (sans preuve d’un préjudice), l’acte que le majeur sous tutelle a
accompli alors qu’il aurait dû être représenté (art. 465, 3°).
Si le tuteur ou le curateur a accompli seul un acte qui aurait dû être fait
par la personne protégée soit seule, soit avec son assistance ou qui ne pouvait
être accompli qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille, l’acte
est nul de plein droit sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice
(art. 465, 4°).
En cas d’habilitation familiale, le juge peut décider que celle-ci sera générale
ou déterminer les actes pour lesquels la personne protégée doit être représen-
tée ou assistée. Si la personne protégée accomplit seule un acte, la nullité est
encourue dans les mêmes conditions qu’en matière de tutelle et de curatelle
(art. 494-9).
En toute hypothèse, la règle générale de l’article 1151 est applicable, si bien
que le contractant capable peut faire obstacle à l’action en nullité engagée
contre lui en établissant que l’acte était utile à la personne protégée et exempt
de lésion ou qu’il a profité à celle-ci.

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II. La représentation

Partie 1 • Les sources d’obligations


A. La notion de représentation
La représentation est un pouvoir accordé à un représentant d’accomplir
au nom et pour le compte d’un représenté un acte juridique dont les effets se
produiront directement sur la tête du représenté. En qualité de tiers, le repré-
sentant n’est pas engagé par l’acte qu’il a conclu au nom et pour le compte du
représenté, et n’a pas qualité pour agir contre le cocontractant du représenté.
En revanche, si le représentant déclare agir pour le compte d’autrui mais
contracte en son nom propre, il est seul engagé à l’égard du cocontractant
(art. 1154). Il y a alors représentation imparfaite (par ex., le prête-nom – c. civ.
art. 1201 ; la commission – c. com. art. L. 132-1).
La représentation peut être légale. Par exemple, en qualité d’administra-
teurs légaux, les parents ont le pouvoir d’agir au nom et pour le compte de
leur enfant mineur. En cas de gestion d’affaires, celui dont l’affaire a été utile-
ment gérée doit remplir les engagements contractés dans son intérêt par le
gérant d’affaires (c. civ. art. 1302-2).
La représentation peut être judiciaire. Par exemple, si l’un des époux est
hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice
à le représenter (art. 219).
La représentation peut être contractuelle. Le mandat est le contrat par
lequel un mandant donne pouvoir à son mandataire d’accomplir en son nom
et pour son compte un acte juridique.
Ces distinctions sont importantes car « l’établissement d’une représentation
légale ou judiciaire dessaisit pendant sa durée le représenté des pouvoirs transfé-
rés au représentant ». Par exemple, le liquidateur est investi d’un mandat légal
de représentation du débiteur dessaisi pour l’exercice des droits et actions
de ce dernier concernant son patrimoine, de sorte que le notaire n’est pas
fondé à opposer le secret professionnel pour refuser de lui communiquer
la consistance des droits du débiteur dans la succession de son père (Com.
23 oct. 2019, no 18-15280).
En revanche, « la représentation conventionnelle laisse au représenté l’exercice
de ses droits » (art. 1159). La règle est supplétive. Le mandat peut être exclusif,
ce qui interdit au mandant de recourir à un autre agent ou de conclure direc-
tement le contrat pour lequel il a consenti le mandat.
Enfin, « les pouvoirs du représentant cessent s’il est atteint d’une incapacité ou
frappé d’une interdiction » (art. 1160).

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B. L’étendue des pouvoirs du représentant
Le représentant n’est fondé à agir que dans les limites des pouvoirs qui lui
sont conférés (art. 1153). « Lorsque le pouvoir du représentant est défini en termes
généraux, il ne couvre que les actes conservatoires et d’administration. Lorsque
le pouvoir est spécialement déterminé, le représentant ne peut accomplir que les
actes pour lesquels il est habilité et ceux qui en sont l’accessoire » (art. 1155). De
même, « le mandat conçu en termes généraux n’embrasse que les actes d’adminis-
tration. S’il s’agit d’aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété,
le mandat doit être exprès ». « Le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est
porté dans son mandat : le pouvoir de transiger ne renferme pas celui de compro-
mettre » (art. 1988 et 1989).
Les pouvoirs du représentant sont limités en cas de conflits d’intérêts :
« en matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut
agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d’intérêts, ni
contracter pour son propre compte avec le représenté. En ces cas, l’acte accompli est
nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié »
(art. 1161). Cette règle complète les nombreuses dispositions qui interdisent
au représentant de conclure certains actes avec le représenté (par ex., c. civ.
art. 1596 ; art. 509).
En l’absence d’autorisation expresse des mandants, le double mandat est
illicite. Cette règle posée par l’Ordonnance du 10 février 2016 remet en cause
la jurisprudence selon laquelle le double mandat donné à un agent immobilier
par le vendeur et l’acheteur pour une même opération est valable, bien que
les mandants n’aient pas été prévenus (Civ. 1re, 13 mai 1998, no 96-17374).
La loi de ratification du 20 avril 2018 a modifié l’article 1161 pour exclure
la représentation des personnes morales. En effet, une partie de la doctrine
avait relevé les difficultés d’articulation de ce texte avec le droit des socié-
tés. Les règles applicables aux contrats conclus entre deux sociétés ayant le
même représentant ou ceux conclus entre une société et son représentant
relèvent du droit des sociétés (conventions réglementées, conventions prohi-
bées, respect de l’intérêt social).

C. Les sanctions de l’abus de pouvoir


1. L’absence ou le dépassement de pouvoir
« L’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs
est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la
réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des
déclarations du représenté » (art. 1156, al. 1er). L’acte n’est pas nul mais inoppo-
sable au représenté.

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Partie 1 • Les sources d’obligations
Par exception, le représenté sera engagé si le tiers contractant peut invoquer
la théorie de l’apparence : « le mandant peut être engagé sur le fondement d’un
mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée,
si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce carac-
tère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites
exactes de ces pouvoirs » (Ass. plén. 13 déc. 1962, no 57-11569). L’article 1156 se
réfère certes au comportement et aux déclarations du représenté (par ex.,
immixtion dans la gestion du représentant apparent), mais il n’exige pas la
preuve d’une faute, et n’interdit pas au juge de prendre en compte d’autres
circonstances de fait pour retenir la croyance légitime du tiers contractant
(par ex., les connaissances approfondies du dossier par l’avocat, représen-
tant apparent du salarié : Soc. 22 nov. 2017, no 16-12524).
Cependant, le mandat apparent ne peut tenir en échec les règles impéra-
tives imposant que le mandat de vente d’immeuble soit rédigé par écrit (Civ. 1re,
31 janv. 2008, no 05-15774). De même, il ne peut être admis lorsque l’acte est
établi par deux notaires tenus de procéder à la vérification de leurs pouvoirs
respectifs (Civ. 1re, 20 mars 2013, no 12-11567).
« Lorsqu’il ignorait que l’acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou
au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité » (art. 1156,
al. 2). A contrario, il peut poursuivre l’exécution du contrat à l’encontre du
« représentant ».
« L’inopposabilité comme la nullité de l’acte ne peuvent plus être invoquées dès
lors que le représenté l’a ratifié » (art. 1156, al. 3).
2. Le détournement de pouvoir
« Lorsque le représentant détourne ses pouvoirs au détriment du représenté, ce
dernier peut invoquer la nullité de l’acte accompli si le tiers avait connaissance du
détournement ou ne pouvait l’ignorer » (art. 1157).
Le détournement de pouvoir suppose que le représentant a respecté les
limites de son pouvoir, mais a agi en fraude des intérêts du représenté. Il
appartient au représenté de démontrer que l’acte a été conclu au détriment
de ses intérêts. Si le tiers contractant est de bonne foi, le contrat reste valable,
et le représenté pourra seulement engager la responsabilité du représentant.
S’il est de mauvaise foi, le contrat est nul.
3. L’action interrogatoire
« Le tiers qui doute de l’étendue du pouvoir du représentant conventionnel à
l’occasion d’un acte qu’il s’apprête à conclure, peut demander par écrit au repré-
senté de lui confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, que
le représentant est habilité à conclure cet acte. L’écrit mentionne qu’à défaut de
réponse dans ce délai, le représentant est réputé habilité à conclure cet acte »

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(art. 1158). C’est uniquement si le formalisme de l’action interrogatoire est
respecté que le défaut de réponse ou la réponse affirmative du mandant fera
obstacle à l’inopposabilité et à la nullité de l’acte.

§ 3. Le contenu du contrat

I. Le respect de l’ordre public


« Le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son
but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties » (art. 1162).

A. Les stipulations illicites


La loi peut préciser elle-même lorsque la violation d’une règle d’ordre public
emporte la nullité du contrat, ou la nullité de la clause illicite si celle-ci n’est pas
déterminante (ordre public textuel ; par ex. en matière de pratiques commer-
ciales agressives : c. cons. art. L. 132-10). À défaut, c’est au juge de décider si
le contrat qui méconnaît une règle d’ordre public entraîne la nullité. Allant
plus loin, le juge a le pouvoir de déterminer lui-même le contenu de l’ordre
public en l’absence de texte (ordre public virtuel). Quelques exemples servi-
ront à illustrer ce contrôle de la légalité du contrat.
1. Le contrat ou la clause contraire à une liberté fondamentale
Par principe, la clause qui porte atteinte à une liberté fondamentale est
contraire à l’ordre public. Par exemple, la clause d’un bail commercial faisant
obligation au preneur d’adhérer à une association des commerçants et à
maintenir son adhésion pendant la durée du bail est entachée d’une nullité
absolue en ce qu’elle contredit la liberté d’association (Civ. 3e, 12 juin 2003,

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Partie 1 • Les sources d’obligations
no 02-10778). La clause du contrat de prêt stipulant l’interdiction de louer le
bien acquis au moyen du prêt sans l’accord du prêteur, à peine de déchéance
du terme, méconnaît le droit de propriété (Civ. 1re, 13 déc. 2005, no 04-13772).
Si la jurisprudence admet désormais la licéité de la cession d’une clien-
tèle civile, c’est à la condition que soit sauvegardée la liberté de choix du
patient (Civ. 1re, 7 nov. 2000, no 98-17731, Woessner). Ainsi, la clause qui inter-
dit au cédant de percevoir, pour une durée de dix ans, la rémunération de
son activité pour le compte des clients qui avaient fait le choix de le suivre
en son nouvel office, est nulle en ce qu’elle méconnaît la liberté de choix de
la clientèle en incitant le notaire à refuser de prêter son ministère (Civ. 1re,
14 nov. 2012, no 11-16439).
En vertu du principe fondamental de libre exercice d’une activité profes-
sionnelle, la clause de non-concurrence conclue par un salarié n’est licite que
si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise,
limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de
l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser à ce
dernier une contrepartie financière (Soc. 10 juill. 2002, no 00-45135 ; la clause
minorant la contrepartie financière en cas de rupture par le salarié étant
réputée non écrite : Soc. 9 avr. 2015, no 13-25847). En dehors du droit du travail,
la clause de non-concurrence, comme la clause de non-réaffiliation, n’est licite
que si elle est limitée dans la durée et dans l’espace, et si elle est proportion-
née aux intérêts légitimes du créancier (ex. : Com. 23 sept. 2014, no 13-20454).
En outre, la loi réglemente précisément les clauses de non-concurrence stipu-
lées dans certains contrats (agent commercial : c. com. art. L. 134-14 ; distri-
bution à un commerce de détail : c. com. art. L. 341-2).
2. Les contrats conclus dans l’exercice illicite d’une activité
Sont nuls le mandat portant sur des prestations de conseils juridiques et
la convention de rémunération qui en est indivisible, dès lors qu’il est inter-
dit à un prestataire, autre qu’un professionnel du droit (avocat), d’exercer, à
titre habituel et rémunéré, une activité d’assistance à la victime d’un accident
de la circulation pendant la phase non contentieuse de la procédure d’offre
obligatoire (Civ. 1re, 25 janv. 2017, no 15-26353). Est nul le contrat d’apport de
clientèle à une société de gestion de portefeuille permettant au cédant d’exer-
cer de manière autonome une activité propre de gestion de portefeuille pour
laquelle il ne disposait pas de l’agrément requis (Com. 4 nov. 2008, no 07-19805).
En revanche, la seule méconnaissance par un établissement de crédit de l’exi-
gence d’agrément n’est pas de nature à entraîner la nullité des contrats qu’il
a conclus (Ass. plén. 4 mars 2005, no 03-11725).

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3. Les biens ou droits incessibles
Certains biens ou droits sont incessibles (« hors du commerce » selon les
termes du code civil de 1804). Par exemple, la vente d’un fichier informatisé
de clients, qui n’a pas fait l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL, est nulle
car son objet est illicite (Com. 25 juin 2013, no 12-17037). L’action en réparation
d’une atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne morale est
attachée à la personne même du titulaire de ce droit, si bien que la cession de
cette action (droit litigieux) est nulle et l’action du cessionnaire irrecevable
(Civ. 1re, 30 mai 2006, no 04-17102 ; comparer avec la licéité de la cession d’une
action tendant à la mise en jeu d’une responsabilité civile professionnelle :
Civ. 1re, 10 janv. 2006, no 03-17839).
4. La violation d’une règle déontologique
La violation d’une règle déontologique n’entraîne pas, à elle seule, la nullité
du contrat (mode de rémunération prohibé par un code de déontologie : Civ. 1re,
5 nov. 1991, no 89-15179 ; défaut de transmission d’un contrat d’apport de clien-
tèle au conseil de l’ordre : Civ. 1re, 9 déc. 2015, no 14-28237). Il a pourtant été
jugé que le contrat d’insertion d’un encart publicitaire dans un répertoire
conclu par un ostéopathe dont la déontologie lui interdit de faire de la publi-
cité est nul en raison du caractère illicite de son objet (Civ. 1re, 6 févr. 2019,
no 17-20463 ; pour un contrat de sous-traitance interdit conclu par un archi-
tecte : Civ. 3e, 27 avr. 2017, no 16-15958).

B. Le but illicite
Même si les stipulations du contrat sont licites, son but peut être contraire
à l’ordre public et aux bonnes mœurs (v. égal. C. civ. art. 6). Par exemple, est
nul le prêt dont le but est de permettre à l’emprunteur d’exercer une activité
illicite ou de méconnaitre une règle d’ordre public, telle que la réglementa-
tion sur les quotas laitiers (Civ. 1re, 26 sept. 2012, no 11-12941). Est encore nul
le contrat (remboursement d’un prêt sous forme de pension alimentaire) dont
le but est de permettre au débiteur de déduire des sommes non fiscalement
déductibles, même lorsque l’une des parties n’a pas eu connaissance du
caractère illicite du motif déterminant de la conclusion du contrat (Civ. 1re,
7 oct. 1998, no 96-14359). Méconnait le principe du respect dû au corps humain
le contrat d’assurance qui garantit les conséquences de l’annulation d’une
exposition utilisant des dépouilles et organes humains à des fins commer-
ciales (Civ. 1re, 29 oct. 2014, no 13-19729).
Par ailleurs, le domaine des bonnes mœurs s’est considérablement réduit.
N’est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes mœurs la libéra-
lité consentie à l’occasion d’une relation adultère (Ass. plén. 29 oct. 2004,
no 03-11238). Le contrat de courtage matrimonial, qui ne se confond pas avec la
réalisation du mariage, n’est pas nul du fait qu’il est conclu par une personne
mariée (Civ. 1re, 4 nov. 2011, no 10-20114).

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II. La détermination de l’objet de l’obligation

Partie 1 • Les sources d’obligations


L’objet de l’obligation correspond à la prestation que l’une des parties
s’engage à accomplir au profit de l’autre.

A. L’exigence d’une prestation déterminée et possible


Si l’obligation peut avoir pour objet une prestation présente ou future,
celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable. La prestation est
déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence aux
usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des
parties soit nécessaire (art. 1163). La règle paraît évidente : s’engager à faire
quelque chose n’est pas un contrat ! Conformément à l’adage « à l’impossible,
nul n’est tenu », la prestation doit être possible.
La prestation est impossible si l’obligation n’a pas ou plus d’objet. Par
exemple, est nulle pour défaut d’objet toute cession de titres d’une société
ayant disparu par l’effet d’une opération de fusion par absorption (Com.
26 mai 2009, no 08-12691).
La prestation n’est ni déterminée ni déterminable lorsque le contrat laisse à
l’une des parties la définition discrétionnaire de l’objet de son obligation (Com.
19 nov. 1996, no 94-14530). Est encore nul faute d’objet, le mandat de vente d’un
terrain constructible dès lors que ce mandat ne contenait aucune référence
cadastrale ni plan annexé, qu’il portait sur un terrain d’une certaine super-
ficie à détacher d’une parcelle sans qu’on sache exactement où, ni sur quelle
partie de la parcelle il devait être pris, et ne donnait aucune précision sur
les conditions de desserte de ce terrain (Civ. 1re, 19 déc. 2013, no 12-26459).
En revanche, la prestation peut être future (vente en l’état futur d’achève-
ment, cession de créance future…).

B. La détermination du prix
Par principe, le prix doit être déterminé ou déterminable (pour la vente :
c. civ. art. 1591). Le prix ne peut pas être fixé unilatéralement et discrétion-
nairement par l’une des parties. Ainsi, le contrat de vente n’est parfait que
s’il permet, au vu de ses clauses, de déterminer le prix par des éléments ne
dépendant plus de la volonté de l’une des parties ou de la réalisation d’accords
ultérieurs (Com. 7 avr. 2009, no 07-18907). Sont illicites les modalités de fixation
de la rémunération d’un salarié, dès lors que la variation de la rémunération
dépendait de la seule volonté de l’employeur (Soc. 9 mai 2019, no 17-27448).
Le prix est déterminable lorsqu’il peut être fixé en fonction d’éléments
indépendants de la volonté des parties, tels que des cotations officielles,
la référence à un indice ou l’estimation par un tiers (pour la vente : c. civ.
art. 1592).

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Par exception à la règle posée à l’article 1163, la détermination unilaté-
rale du prix est possible dans les contrats cadre et les contrats de prestation
de service.
1. Les contrats cadre
« Dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéra-
lement par l’une des parties, à charge pour elle d’en motiver le montant en cas de
contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une
demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolu-
tion du contrat » (art. 1164, déjà en ce sens, Ass. plén. 1er déc. 1995, no 91-15999,
no 91-19953). C’est en pratique le vendeur/fournisseur qui va fixer le prix
pour chaque contrat d’application. La fixation n’est pas discrétionnaire : la
motivation est la contrepartie de l’unilatéralisme. Mais la motivation peut
être a posteriori. L’abus dans la fixation du prix ne se déduit pas du caractère
excessif du prix. Le contrôle ne porte pas sur la juste valeur de la prestation
mais sur la contrainte subie par le débiteur du prix. Ainsi, la multiplication
par trois du prix n’est pas abusive si le débiteur a la possibilité de résilier le
contrat et de faire jouer la concurrence (Civ. 1re, 30 juin 2004, no 01-00475). En
présence d’un contrat d’approvisionnement exclusif, constitue un abus dans
la fixation unilatérale du prix des marchandises, la fixation par le fournisseur
d’un prix excessif ne permettant pas au distributeur de faire face à la concur-
rence, alors que le prix proposé à d’autres clients est très inférieur, et que la
marge sur les ventes auprès du distributeur est trois fois supérieure à celle
réalisée auprès des autres clients (Com. 4 nov. 2014, no 11-14026 ; v. également
la responsabilité du fournisseur qui ne met pas le distributeur en mesure de
faire face à la concurrence, sur le fondement de la violation de l’obligation de
bonne foi : Com. 3 nov. 1992, no 90-18547 ; Com. 24 nov. 1998, no 96-18357).
2. Les contrats de prestation de service
« Dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant
leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver
le montant en cas de contestation. En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge
peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et, le cas
échéant, la résolution du contrat » (art. 1165).
La détermination du prix dans les contrats de service (entreprise, mandat)
n’est pas une condition de validité du contrat. En effet, il est parfois difficile
de déterminer à l’avance la quantité voire la qualité du travail effectué par le
prestataire, de sorte que le prix ne pourra être fixé qu’après l’exécution de la
prestation. Les règles sont alors les mêmes qu’en matière de contrat cadre :
fixation unilatérale par le créancier, motivation du montant, sanction de
l’abus de droit.

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Partie 1 • Les sources d’obligations
Selon la jurisprudence antérieure à l’Ordonnance du 10 février 2016, à
défaut d’accord des parties sur la rémunération, il appartenait aux juges du
fond de fixer la rémunération compte tenu des éléments de la cause (Civ. 1re,
24 nov. 1993, no 91-18650 ; Civ. 1re, 28 nov. 2000, no 98-17560). En passant sous
silence ce pouvoir de révision judiciaire, l’article 1165 le condamne. À la diffé-
rence de la réduction de la rémunération, la sanction des dommages-intérêts
n’a pas pour effet de modifier le montant de la créance laquelle pourra, par
exemple, être cédée alors même que son montant est excessif. Par ailleurs, en
l’absence d’abus, la révision judiciaire n’est pas envisageable, ce qui est contes-
table car cette révision était fondée uniquement sur la valeur de la prestation,
alors que l’abus suppose une appréciation du comportement du créancier.
Autre aporie : l’article 1165 ne précise pas qu’en cas de fixation du prix
avant l’exécution de la prestation, le juge dispose d’un pouvoir de révision
judiciaire. Par exemple, « les honoraires convenus dans un contrat de révélation de
succession peuvent être réduits s’ils apparaissent manifestement excessifs au regard
du service rendu » (Civ. 1re, 23 mars 2011, no 10-11586 ; réduction ou suppres-
sion de la rémunération de l’agent immobilier en raison des fautes commises
lors de l’exécution de sa mission : Civ. 14 janv. 2016, no 14-26474). Ce pouvoir
de révision judiciaire reste compatible avec l’article 1165.
Enfin, l’interprétation a contrario de l’article 1165, conforme à la jurispru-
dence, implique qu’en cas d’accord sur le prix après l’exécution de la presta-
tion, il n’y a évidemment pas de contrôle de l’abus de la fixation unilatérale
du prix, et cet accord exclut toute révision judiciaire.

III. Le contrôle de l’équilibre contractuel


A. L’exclusion de la lésion
« Dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations
n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement »
(art. 1168). La lésion, i.e. le défaut d’équivalence des prestations réciproques
ou le déséquilibre entre la valeur des prestations, n’est pas une cause générale
de nullité. Ce principe, fondé sur la sécurité juridique, justifie par ailleurs
que l’erreur sur la valeur soit indifférente et qu’une clause relative au prix ne
peut être jugée abusive.
Par exception, la lésion est une cause de nullité :
• des actes courants conclus par un mineur ou un majeur incapable ;
• des actes conclus par un majeur sous sauvegarde de justice ;
• des actes d’administration ou conservatoire conclus par un majeur sous
curatelle ;
• de la vente d’immeuble lorsque le vendeur a été lésé (n’a pas reçu) de plus
de 7/12e dans le prix, i.e. que le prix est inférieur à 5/12e de la valeur de
l’immeuble (c. civ. art. 1674).

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En cas de partage notamment d’une succession, le copartageant, qui établit
avoir subi une lésion de plus du quart, i.e. avoir reçu moins des ¾ de la part
qui devait lui revenir, peut exiger un complément de part (c. civ. art. 889). En
cas de cession du droit d’exploitation, l’auteur qui établit avoir subi une lésion
de plus de 7/12e peut provoquer la révision des conditions de prix du contrat
(CPI art. L. 131-5). Enfin, les tribunaux ont le pouvoir de réduire les honoraires
excessifs de certains professionnels (mandataires, avocats, généalogistes…).

B. La sanction d’une contrepartie illusoire ou dérisoire


« Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la
contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire »
(art. 1169).
L’Ordonnance de 2016 a supprimé la notion de cause jugée trop impré-
cise et source d’insécurité juridique (par ex., nullité du contrat de location
de vidéos au motif que le commerce du locataire ne pouvait être rentable :
Civ. 1re, 3 juill. 1996, no 94-14800). L’article 1169 impose uniquement une contre-
partie réelle et sérieuse qui s’apprécie objectivement.
Ainsi, la vente à vil prix est frappée d’une nullité relative (Com. 22 mars
2016, no 14-14218). Est dépourvue de contrepartie réelle, la convention de
délégation de gestion par laquelle une société délégante confie à une autre
société, dont l’associé unique et gérant est aussi le directeur général de la
société délégante, des missions qui relèvent des fonctions du directeur, de
sorte que la société délégante paye pour des prestations déjà accomplies par
son directeur au titre de ses fonctions sociales (Com. 23 oct. 2012, no 11-23376 ;
Com. 14 sept. 2010, no 09-16084). Est sans contrepartie réel le contrat de révéla-
tion de succession, alors que l’existence de la succession devait parvenir à la
connaissance du client sans l’intervention du généalogiste (Civ. 1re, 20 janv.
2010, no 08-20459). Est dérisoire faute de risque réel l’engagement pris par
le brasseur de se porter caution à hauteur de 20 % d’un prêt consenti à son
distributeur en contrepartie de l’engagement d’approvisionnement exclusif
de ce dernier, alors que le prêt était également garanti par d’autres cautions
(Com. 8 févr. 2005, no 03-10749).

C. La sanction de la privation de la substance de l’obligation essentielle


« Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est
réputée non écrite » (art. 1170). L’engagement d’une partie a une contrepartie
réelle et sérieuse, mais la stipulation d’une clause rend celle-ci illusoire ou
dérisoire. La clause vide de son intérêt une obligation essentielle dont l’effi-
cacité est pourtant la raison d’être du contrat. Il suffit alors de supprimer la
clause pour que le contrat retrouve son équilibre.

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Partie 1 • Les sources d’obligations
Dans l’affaire Chronopost, la clause qui limite la responsabilité du trans-
porteur en cas de retard au remboursement du prix a été réputée non écrite
car elle vidait de sa substance l’obligation essentielle du transporteur qui
résidait dans le transport rapide (Com. 22 oct. 1996, no 93-18632 ; en cas de
perte du colis : Com. 30 mai 2006, no 04-14974). Il ne suffit pas que la clause
limitative de réparation porte sur une obligation essentielle, elle doit priver
celle-ci de sa substance. Il appartient donc aux juges du fond de préciser la
nature et la portée de l’obligation essentielle pour apprécier s’il est ou non
porté atteinte à sa substance (Com. 18 oct. 2017, no 16-21016). Par exemple, la
clause limitative de responsabilité ne contredit pas la portée de l’obligation
du bailleur d’assurer la jouissance paisible des lieux lorsqu’elle se limite à des
désordres résultant de l’exécution de travaux (Civ. 3e, 23 mai 2013, no 12-11652).
De même, la clause limitative ne contredit pas la portée de l’obligation essen-
tielle de livrer un logiciel à une date déterminée, dès lors que la clause a pour
contrepartie le taux de remise consenti par le prestataire (Com. 29 juin 2010,
no 09-11841, Faurecia 2).
La clause qui prévoit que l’assureur de responsabilité n’est pas tenu à garan-
tie si la réclamation de la victime a été formulée après la durée du contrat
d’assurance, même si le fait générateur de responsabilité de l’assuré a eu lieu
pendant cette période, prive de sa substance l’obligation essentielle de l’assu-
reur (Civ. 1re, 19 déc. 1990, no 88-12863). La loi est venue valider cette « clause
réclamation » (c. ass. art. L. 124-5), sauf lorsque le contrat couvre la respon-
sabilité des personnes physiques en dehors de leur activité professionnelle.
Nonobstant cette validation législative partielle, toute clause ayant pour
effet de réduire la durée de la garantie de l’assureur à un temps inférieur à la
durée de la responsabilité de l’assuré est réputée non écrite (Civ. 3e, 26 nov.
2015, no 14-25761). Par exemple, la clause qui prévoit que la garantie due par
l’assureur de responsabilité décennale est d’une durée de six ans à compter
de la réception des travaux.

D. La sanction des clauses abusives


1. En droit de la consommation
Dès 1978, le législateur a instauré un mécanisme de protection des consom-
mateurs contre les clauses abusives. En 1991 que la Cour de cassation a décidé
contra legem que le juge pouvait lui-même qualifier une clause d’abusive.
Reprise par le législateur, cette règle est énoncée à l’article L. 212-1 du code
de la consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consom-
mateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détri-
ment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations
des parties au contrat ».

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Le consommateur est toute personne physique qui agit à des fins qui
n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisa-
nale, libérale ou agricole (c. cons. art. liminaire). L’article L. 212-1 s’applique
aussi aux contrats conclus entre un professionnel et un non professionnel, i.e.
toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles.
Douze clauses sont présumées abusives de manière irréfragable
(art. R. 212-1). Dix clauses sont présumées abusives à moins que le profes-
sionnel rapporte la preuve contraire (art. R. 212-2). Le caractère abusif d’une
clause peut aussi résulter d’une décision judiciaire. Le juge est tenu d’exami-
ner d’office le caractère abusif d’une clause dès lors qu’il dispose des éléments
de fait et de droit pour le faire (Civ. 1re, 29 mars 2017, no 15-27231 ; CJCE, 4 juin
2009, Pannon, C-243/08).
Le déséquilibre significatif s’apprécie au regard des circonstances entou-
rant la conclusion du contrat, des autres clauses du contrat et éventuellement
d’un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur
conclusion ou leur exécution.
Le déséquilibre significatif ne peut résulter ni de la définition de l’objet
principal ni de l’adéquation du prix à la prestation.
2. En droit commercial
Engage la responsabilité de son auteur, le fait, dans le cadre de la négocia-
tion commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute
personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services
de soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations
créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties
(c. com. art. L. 442-1, 2°). La partie victime, le ministre de l’économie ou le
procureur peuvent faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites
(art. L. 442-4).
La similitude des notions de déséquilibre significatif en droit de la consom-
mation et en droit commercial, relevée par le Conseil constitutionnel (no 2010-85
QPC, 13 janv. 2011), n’exclut pas qu’il puisse exister entre elles des différences
de régime tenant aux objectifs poursuivis par le législateur dans chacun de
ces domaines. Ainsi, l’article L. 442-1 n’exclut pas que le déséquilibre signifi-
catif puisse résulter d’une inadéquation du prix au bien vendu, de sorte que
ce texte autorise un contrôle judiciaire du prix, dès lors que celui-ci ne résulte
pas d’une libre négociation (Com. 25 janv. 2017, no 15-23547, Sté Galec).
Le contrôle judiciaire du déséquilibre significatif est subordonné à l’exis-
tence d’une soumission, ce qui signifie que la victime ne doit pas disposer
d’un pouvoir réel de négocier. Il n’est pas applicable aux opérations bancaires
consentis par des établissements de crédit (Com. 15 janv. 2020, no 18-10512).

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3. En droit commun

Partie 1 • Les sources d’obligations


« Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre signifi-
catif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat
ni sur l’adéquation du prix à la prestation » (c. civ. art. 1171). Le spécial dérogeant
au général, ces dispositions ne s’appliquent qu’en dehors des domaines respec-
tifs des articles L. 212-1 et L. 442-1, 2°.

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§ 4. La forme du contrat

Partie 1 • Les sources d’obligations


Par dérogation au principe du consensualisme, la validité des contrats
solennels est subordonnée à l’observation d’une forme déterminée par la loi
à défaut de laquelle le contrat est nul, sauf possible régularisation (art. 1172).
Le formalisme peut d’abord imposer, à peine de nullité, la rédaction d’un
écrit (acte sous seing privé ou acte notarié). Ensuite, la loi peut imposer des
mentions obligatoires, manuscrites ou non, ou encore l’enregistrement de
l’acte. Enfin, la formation du contrat réel est subordonnée à la remise d’une
chose.
Par exemple, le mandat donné à un agent immobilier doit être écrit et
comportait des mentions, à peine de nullité, telles que la durée du mandat
et son numéro d’inscription dans le registre des mandats tenu par l’agent
(L. 2 janv. 1970, art. 6). Le cautionnement consenti par une personne physique
au profit d’un créancier professionnel doit comporter une mention manuscrite
(c. cons. art. L. 331-1 ; pour la dispense de la mention dans les actes authen-
tique et sous signature privé contresigné par un avocat : c. civ. art. 1369 et
1374). Le contrat de mariage, la donation (hors don manuel) et l’hypothèque
ne peuvent être conclus que par acte notarié (c. civ. art. 1394, 931 et 2416).
La vente d’immeubles à construire doit être conclue par acte authentique et
comporter des mentions obligatoires (CCH art. L. 261-1). La promesse unila-
térale de vente portant sur un immeuble ou un fonds de commerce est nulle
si elle n’a pas été enregistrée auprès du fisc (c. civ. art. 1589-2).
Les conditions de forme ne se confondent pas avec les conditions de
preuve (entre les parties) et d’opposabilité (à l’égard des tiers) de l’acte dont
la méconnaissance n’emporte pas la nullité (art. 1173). Par exemple, en posant
que le contrat d’assurance est rédigé par écrit, la loi n’impose qu’une condi-
tion de preuve (c. ass. art. L. 112-3 ; par ex. : Civ. 2e, 14 juin 2007, no 06-15955).
La vente d’immeuble est valable même en l’absence d’acte notarié lequel n’est
obligatoire que pour procéder à la publicité de l’acte au service de la publi-
cité foncière.

Section 2. Les sanctions des conditions de validité


du contrat

§ 1. La nullité du contrat


La nullité sanctionne le défaut d’une condition de validité au jour de la
formation du contrat.

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La nullité est en principe judiciaire. Elle doit être prononcée par le juge, à
moins que les parties ne la constatent d’un commun accord (c. civ. art. 1178).
Dès lors que le juge est saisi de l’action en nullité et si les conditions de la
nullité sont réunies, il doit la prononcer car la nullité est de droit.

I. L’action en nullité
A. Le titulaire de l’action en nullité
1. La distinction nullité absolue et nullité relative
La théorie moderne des nullités élaborée au début du xxe siècle par Japiot
et Gaudemet fait dépendre le régime de la nullité, non de la gravité du vice
affectant l’acte, mais de l’intérêt protégé par la règle transgressée. Après avoir
inspiré la jurisprudence pendant plus d’un siècle, cette théorie a été consa-
crée par l’Ordonnance du 10 février 2016 (art. 1179). Elle est applicable que la
nullité soit textuelle (prévue par la loi) ou virtuelle (le juge retient la nullité
alors qu’elle n’est pas prévue par la règle d’ordre public méconnue).
La nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de
l’intérêt général :
• lorsqu’une règle d’ordre public transgressée vise à protéger en priorité un
intérêt politique ou économique (prohibition de l’indexation du salaire
sur le niveau général des prix : Soc. 5 oct. 2017, no  15-20390 ; prohibition
de l’entrée d’une société de commissaires aux comptes au capital d’une
SELARL d’avocats : Civ. 1re, 15 janv. 2015, no 13-13565 ; conditions de compé-
tence de l’autorité signataire d’un contrat au nom d’une commune : Com.
6 mars 2019, no 16-25117 ; exigence de l’acte notarié pour l’hypothèque ou
le contrat de mariage) ;
• lorsque l’une des parties est dépourvue de personnalité juridique (bail
conclu au nom d’une indivision : Civ. 3e, 16 mars 2017, no  16-13063) ; contrat
conclu par une société non immatriculée sans la mention « pour le compte
de la société en formation » (Com. 21 févr. 2012, n° 10-27630) ;
• lorsque le but poursuivi par l’une des parties est illicite (fraude fiscale :
Com. 13 janv. 2009, no 07-20097 ; assurance d’une exposition de cadavres ;
fraude au droit de préemption d’une SAFER : Civ. 3e, 24 mai 2017, no 16-11529 ;
violation de l’intérêt social d’une SCI : Com. 23 sept. 2014, no 13-17347).
La nullité est relative si la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un
intérêt privé :
• lorsque la contrepartie convenue est illusoire ou dérisoire (vil prix : Com.
22 mars 2016, no 14-14218 ; absence d’aléa du contrat d’assurance : Civ. 1re,
9 nov. 1999, no 97-16800) ;
• lorsque la règle méconnue relève de l’ordre public de protection (formalisme
du mandat de l’agent immobilier protégeant le mandant : Ch. mixte, 24 févr.
2017, no 15-20411 ; Civ. 1re, 20 sept. 2017, no 16-12906 ; formalisme en droit de la

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Partie 1 • Les sources d’obligations
consommation protégeant le consommateur : Com. 5 févr. 2013, no 12-11720 ;
Civ. 3e, 29 mars 2006, no 05-16032 ; formalisme de la vente d’immeuble à
construire protégeant l’acquéreur : Civ. 3e, 4 oct. 2018, no 16-22095 ; mention
manuscrite protégeant la caution : Com. 5 févr. 2013, no 12-11720) ;
• en cas de trouble mental (c. civ. art. 414-2, al. 1er), d’incapacité, de vice du
consentement ou d’erreur-obstacle ;
• lorsque la prestation a un objet indéterminé ou inexistant (Civ. 3e, 24 janv.
2019, no 17-25793 ; Com. 22 mars 2016, no 14-14218).
2. Les conséquences de la distinction
Que la nullité soit relative ou absolue, elle produit les mêmes effets. La
distinction sert uniquement à déterminer le titulaire de l’action en nullité.
La nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un
intérêt, ainsi que par le ministère public. Elle ne peut pas être couverte par
la confirmation du contrat (art. 1180). Si la cause de nullité a cessé, les parties
doivent forcément conclure un nouveau contrat.
L’action en nullité relative est une action attitrée qui ne peut être exercée
que par la partie protégée. Même s’ils ont un intérêt à agir, les tiers n’ont
pas qualité pour agir en nullité : caution en nullité du contrat principal pour
dol (Ch. mixte 8 juin 2007, no 03-15602) ; sous-acquéreur en nullité pour dol
de l’acte d’acquisition de son vendeur (Civ. 3e, 18 oct. 2005, no 04-16832).
En cas de décès de la partie protégée, les héritiers peuvent exercer l’action
en nullité relative. Cependant, les actes, autres que la donation entre vifs et le
testament, ne peuvent être attaqués par les héritiers pour insanité d’esprit que
dans trois cas : (i) si l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental,
(ii) s’il a été fait alors que l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice,
(iii) si une action a été introduite avant son décès aux fins d’ouverture d’une
curatelle ou d’une tutelle ou aux fins d’habilitation familiale ou si effet a été
donné au mandat de protection future (art. 414-2).
Si le titulaire de l’action en nullité est frappé d’incapacité, l’action est
exercée par son représentant. Ainsi, le curateur ou le tuteur peut, avec l’autori-
sation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, engager seul l’action
en nullité, en rescision ou en réduction des actes accomplis par la personne
protégée seule (art. 465).
3. La confirmation et l’action interrogatoire
La nullité relative peut être couverte par la confirmation. Si l’action en
nullité relative a plusieurs titulaires, la renonciation de l’un n’empêche pas
les autres d’agir (art. 1181).

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La confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la
nullité y renonce. Elle exige deux conditions : elle doit intervenir après la
conclusion du contrat, mentionner l’objet de l’obligation et le vice affectant
le contrat (art. 1182).
L’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité,
vaut confirmation. Par exemple, le règlement par une caution des sommes
dues, en dépit des conseils contraires de son avocat et de son comptable, vaut
confirmation du cautionnement non conforme au formalisme prévu par le
code de la consommation (Com. 5 févr. 2013, no 12-11720). En cas de violence,
la confirmation ne peut intervenir que si la violence a cessé. La confirmation
emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés,
sans préjudice néanmoins des droits des tiers.
« Une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la
nullité soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans un délai de six mois
à peine de forclusion. La cause de la nullité doit avoir cessé. L’écrit mentionne
expressément qu’à défaut d’action en nullité exercée avant l’expiration du délai de
six mois, le contrat sera réputé confirmé » (art. 1183).

B. La prescription de l’action en nullité


La prescription de l’action en nullité est soumise au droit commun (c. civ.
art. 2224).
Pour les vices du consentement, « le délai de l’action en nullité ne court, en
cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts et, en cas de violence,
que du jour où elle a cessé » (c. civ. art. 1144). En matière d’incapacité (art. 1152
et 2235), la prescription court : 1° À l’égard des actes faits par un mineur, du
jour de la majorité ou de l’émancipation ; 2° À l’égard des actes faits par un
majeur protégé, du jour où il en a eu connaissance alors qu’il était en situation
de les refaire valablement ; 3° À l’égard des héritiers de la personne en tutelle
ou en curatelle ou de la personne faisant l’objet d’une habilitation familiale,
du jour du décès si elle n’a commencé à courir auparavant.
En toute hypothèse, le report du point de départ, la suspension ou l’inter-
ruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la
prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance
du droit (délai butoir : art. 2232), i.e. du jour de la conclusion du contrat nul.
L’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat
qui n’a reçu aucune exécution (art. 1185). L’exception de nullité est perpé-
tuelle (quae temporalia…) : elle peut toujours être invoquée pour faire échec
à une demande d’exécution du contrat postérieure à l’expiration du délai de
prescription de l’action en nullité. Si l’action n’est pas prescrite, le défendeur
peut invoquer la nullité par voie d’exception, même si le contrat a reçu exécu-
tion. Dans le cas contraire, tout commencement d’exécution fait obstacle à

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Partie 1 • Les sources d’obligations
l’exception de nullité, quelle que soit l’obligation exécutée ou la partie ayant
commencé à exécuter le contrat (Civ. 1re, 12 nov. 2020, no  19-19481 ; Com.
13 mai 2014, no 12-28013).

C. La régularisation de l’acte
Alors que la confirmation est une renonciation à agir du titulaire de l’action
en nullité, la régularisation est l’acte qui a pour effet de supprimer la cause de
nullité du contrat et ainsi de le rendre valable. Par exemple, en cas de lésion
de plus des 7/12e dans une vente d’immeuble, l’acquéreur a la faculté de payer
le supplément du juste prix (c. civ. art. 1681).

II. Les effets de la nullité


A. L’effacement rétroactif du contrat
Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé (art. 1178, al. 2). Les
prestations exécutées donnent lieu à restitution. Par l’effet de l’anéan­t is­
sement rétroactif du contrat, la responsabilité ne peut être recherchée que
sur le fondement extracontractuel (Civ. 3e, 18 mai 2011, no 10-11721 ; art. 1178,
in fine). Au-delà des restitutions, l’anéantissement des effets de l’exécution
peut avoir des conséquences graves. Par exemple, la nullité du contrat de
construction de maison individuelle pour violation des règles d’ordre public
protectrices du maître d’ouvrage lui ouvre le droit de solliciter la remise en
état du terrain (démolition) sans indemnité pour le constructeur au titre
des travaux réalisés. Cependant, le constructeur peut requérir du juge qu’il
vérifie si la démolition de l’ouvrage constitue une sanction proportionnée à
la gravité des désordres (Civ. 3e, 15 oct. 2015, no 14-23612).
À l’égard des tiers, l’annulation remet en cause les actes de disposition
conclus par la partie réputée n’avoir jamais eu la qualité de propriétaire.
Toutefois, plusieurs règles limitent cet effet radical. Ainsi, le possesseur de
bonne foi d’un meuble peut se prévaloir de l’article 2276. Le sous-acquéreur
de bonne foi d’un immeuble peut se prévaloir de la prescription acquisitive
décennale. De façon général, le tiers peut invoquer la propriété apparente
(Civ. 3e, 30 mars 2017, no 16-22058).

B. L’étendue de la nullité
En raison de leur autonomie par rapport au contrat principal, la clause
attributive de compétence et la clause compromissoire restent efficaces
nonobstant la nullité du contrat.
Par ailleurs, la nullité peut être totale ou partielle selon que la cause de
nullité affecte tout le contrat ou seulement une ou plusieurs clauses (art. 1184).
Dans la seconde hypothèse, le contrat reste valable, seules les clauses illicites
sont annulées.

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Cependant, si la ou les clauses illicites constituent un élément détermi-
nant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles, tout le contrat est annulé
alors même que la cause de nullité n’affecte que ces clauses. Les juges du fond
apprécient le caractère déterminant de la clause illicite.
Enfin, la nullité est toujours partielle lorsque la loi répute la clause non
écrite, ou lorsque les fins de la règle méconnue exigent le maintien du contrat.
Par exemple, la nullité de la clause d’approvisionnement exclusif (c. com.
art. L. 330-1) n’emporte pas la nullité du bail commercial, alors même que
celui-ci prévoit qu’elle en constitue une condition déterminante, car la menace
de nullité assurerait au bailleur, au détriment du preneur, la pérennité d’une
stipulation contraire à l’ordre public (Civ. 3e, 31 janv. 2001, no 98-12895).

§ 2. La caducité

I. La notion de caducité
A. La caducité par disparition d’un élément essentiel du contrat
« Un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essen-
tiels disparaît » (art. 1186, al. 1er). C’est le cas de disparition de la chose dans
le bail (c. civ. art. 1722). En outre, il avait été jugé que la reconnaissance de
dette consentie par un ex-époux au titre d’une pension alimentaire destinée à
assurer l’éducation et l’entretien d’un enfant est caduque dès que l’enfant s’est

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Partie 1 • Les sources d’obligations
retrouvé à la charge exclusive de son père (Civ. 1re, 30 oct. 2008, no 07-17646). En
revanche, la perte de l’intérêt (mobile) du contrat pour une partie ne saurait
s’analyser comme la disparition d’un élément essentiel.

B. La caducité par disparition d’un contrat indivisible


« Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une
même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécu-
tion est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du
contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie. La
caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée
connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consen­
tement » (art. 1186, al. 2).
La caducité est subordonnée à trois conditions : (i) une indivisibilité
contractuelle ; (ii) la disparition d’un contrat qui rend impossible l’exécu-
tion d’un contrat interdépendant ou est une condition déterminante de ce
contrat ; (iii) la connaissance de l’opération d’ensemble par le contractant
contre lequel la caducité est invoquée au moment de la formation du contrat
caduc.
Par exemple, la résiliation d’une cession d’œuvre musicale pour manque-
ment à l’obligation d’exploitation permanente emporte résiliation du pacte de
préférence consenti à la société d’édition en raison de l’indivisibilité de ces
contrats déduite de la nécessité du lien de confiance unissant l’auteur à son
éditeur (Civ. 1re, 14 oct. 2015, no 14-19214). La résolution pour inexécution de
la vente de panneaux photovoltaïques entraîne la résolution du crédit affecté
au contrat principal (Civ. 1re, 10 sept. 2015, no 14-13658). Dans cette affaire,
l’acquéreur n’avait pas contracté un crédit à la consommation en raison du
montant emprunté. En présence d’un crédit à la consommation, l’indivisibi-
lité est légale (c. cons. art. L. 312-55 et L. 312-52). Les contrats concomitants
ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location finan-
cière, sont interdépendants, et la clause du contrat de location stipulant
la divisibilité des contrats est réputée non écrite (Ch. mixte 17 mai 2013,
no 11-22768). Par exemple, deux sociétés concluent un contrat prévoyant la mise
en place d’un réseau de communication interactive chez l’une d’elle, laquelle
va louer le matériel informatique nécessaire à une société de location finan-
cière. Le réseau n’ayant jamais fonctionné, le contrat principal est résilié, ce
qui entraîne la caducité de la location financière. De même, la résolution de la
vente entraîne la caducité du crédit-bail, ce qui fait obstacle à l’application des
clauses de garantie et de renonciation à recours stipulées en cas de résilia-
tion (Ch. mixte 13 avril 2018, no 16-21345 ; Civ. 2e, 2 juill. 2020, no 17-12611).
Dans tous ces exemples, le contrat disparu (nullité, résolution ou résilia-
tion) est une condition déterminante de l’exécution du ou des contrats caducs.
La caducité s’impose de plus fort lorsque l’exécution du contrat indivisible

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devient impossible. Par exemple, la résolution de la vente d’un bien défec-
tueux rend impossible l’exécution du contrat de maintenance de ce bien
conclu par l’acquéreur.

II. Les effets


L’effet extinctif de la caducité prend effet au jour de la disparition de
l’élément essentiel (art. 1187). La partie à l’origine de l’anéantissement de
l’ensemble contractuel est tenue d’indemniser le préjudice causé par sa
faute. La résiliation (non fautive) d’un contrat de location financière entraîne
la caducité du contrat de prestation de services (entretien du matériel loué),
excluant ainsi l’application de la clause du contrat caduc stipulant une indem-
nité de résiliation (Com. 12 juill. 2017, no 15-27703 ; également en cas de résilia-
tion d’un commun accord du contrat principal : Com. 12 juill. 2017, no 15-23552).
En revanche, si la disparition du contrat principal s’explique par la faute
d’une partie (dol, inexécution), celle-ci engage sa responsabilité non seule-
ment envers la victime directe de la faute (victime du dol, créancier) mais
également à l’égard des tiers. Ainsi, le vendeur dont la faute est à l’origine
de l’annulation d’une vente immobilière ayant entraîné l’annulation du prêt
immobilier est tenu d’indemniser, in solidum avec le notaire ayant manqué à
son devoir de conseil, le prêteur au titre de la perte de chance de percevoir
les intérêts à échoir, de la restitution des intérêts échus et des frais (Civ. 3e,
1er juin 2017, no 16-14428 ; Civ. 3e, 21 mars 2019, no 17-21963).

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Chapitre 4
Les effets du contrat

Section 1. Les effets du contrat à l’égard des parties

§ 1. L’interprétation du contrat

I. Le contrôle de dénaturation
L’interprétation du contrat est laissée au pouvoir souverain des juges du
fond, sous réserve du contrôle de dénaturation. Constitue une dénaturation,
l’interprétation d’une clause claire et précise (c. civ. art. 1192). La Cour de
cassation peut ainsi décider qu’un écrit n’est susceptible que d’un seul sens,
et censurer la décision qui l’aurait interprété autrement.
Dénature les termes clairs et précis d’un bail, l’arrêt qui, pour rejeter
l’action en résiliation pour manquement à l’obligation d’entretien, a retenu
que la clause selon laquelle le preneur s’oblige à entretenir les lieux en parfait
état de réparation et les rendre en fin de bail en bon état de toutes répara-
tions locatives d’entretien et de gros entretien, n’est applicable qu’en fin de
bail (Civ. 3e, 30 juin 2004, no 02-20721). Dénature les termes clairs et précis
d’une convention d’honoraires qui définit le succès comme un profit réalisé
ou des pertes évitées, le premier président qui, bien qu’ayant constaté que
les clients de l’avocat n’ont payé que 68 000 euros sur les 75 000 euros récla-
més par leur adversaire, a considéré que le jugement n’était pas pour eux une
réussite dès lors qu’ils n’ont obtenu ni le rejet des prétentions adverses ni le
succès de leurs demandes indemnitaires (Civ. 2e, 5 oct. 2017, no 16-23050).

II. Les directives d’interprétation


En présence d’un acte ambigu, les juges du fond disposent d’un pouvoir
souverain d’interprétation. Ils sont toutefois soumis à des directives
d’interprétation.

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« Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties » (art. 1188).
Ne donne pas de base légale à sa décision, la cour d’appel qui n’a pas recher-
ché la volonté du souscripteur d’une assurance-vie quant à la répartition
du capital, en se limitant à répartir par parts égales le capital aux héritiers
désignés comme bénéficiaires, alors que l’un des héritiers avait été institué
par testament légataire universel de la quotité disponible (Civ. 1re, 19 sept.
2018, no 17-23568). Il n’en demeure pas moins que la recherche de la volonté
des parties relève du pouvoir souverain des juges du fond.
Il arrive toutefois que la Cour de cassation impose son interprétation de
certains termes du contrat. Par exemple, doit être cassé l’arrêt ayant exclu le
cas d’effraction couvert par la garantie d’assurance, alors que le fait d’obtenir
sous la menace d’une arme l’ouverture d’un coffre-fort équivaut à une effrac-
tion (Civ. 1re, 2 mai 1990, no 87-18835).
Deuxième directive : les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par
rapport aux autres, et si plusieurs contrats concourent à une même opéra-
tion, ils s’interprètent en fonction de celle-ci (art. 1189).
Troisième directive : Dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète
contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre
celui qui l’a proposé (art. 1190). La règle s’inspire de celle selon laquelle les
clauses s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consom-
mateur (c. cons. art. L. 211-1). En droit de la consommation, l’application de
cette règle est contrôlée par la Cour de cassation, il ne s’agit pas d’une simple
directive (Civ. 1re, 21 janv. 2003, no 00-13342 ; mais, dans le même contentieux
relatif à la garantie invalidité permanente et absolue, excluant l’interpréta-
tion d’une clause claire et précise : Civ. 1re, 25 janv. 2017, no 15-24216).
Quatrième directive : Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens,
celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire
aucun (art. 1191).

§ 2. La force obligatoire du contrat

I. La force obligatoire à l’égard des parties


A. Le principe de l’intangibilité du contrat
« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits »
(c. civ. art. 1103). « Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consen-
tement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise » (art. 1193).
Les contractants sont tenus d’exécuter le contrat et ne peuvent le modifier
sans nouvel accord de volonté. Le contrat est intouchable, c’est le principe
d’intangibilité.

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Partie 1 • Les sources d’obligations
Par exemple, un entrepreneur ne peut exiger le paiement de travaux
supplémentaires si ceux-ci n’ont pas été acceptés par le maître d’ouvrage
avant ou après leur réalisation (Civ. 3e, 27 sept. 2006, no 05-13808). La clause de
non-concurrence est stipulée dans l’intérêt de chacune des parties au contrat
de travail, de sorte que l’employeur ne peut, sauf stipulation contraire, renon-
cer unilatéralement à cette clause (Soc. 11 mars 2015, no 13-22257).
Conséquence de l’intangibilité, la modification ou la révocation du contrat
est subordonnée à un nouvel accord de volonté. L’accord révocatoire ou modifi-
catif n’est en principe soumis à aucune forme ou conditions, sauf disposition
légale contraire. Ainsi, la rupture du contrat de travail par accord des parties
ne peut intervenir qu’en respectant les conditions légales de la rupture conven-
tionnelle (c. trav. art. L. 1237-11 et s.).

B. Les tempéraments au principe de l’intangibilité


1. Les tempéraments contractuelles
Le contrat peut stipuler une clause autorisant une partie à le modifier unila-
téralement. Cependant, la faculté de modification unilatérale peut caracté-
riser un déséquilibre significatif (c. cons. art. R. 212-1, 3° et R. 212-2, 6° ; sur
le fondement de l’art. L. 442-1 c. com. : Com. 29 sept. 2015, n° 13-25043).
Les clauses de rétractation ou de résiliation unilatérale sont en principe
licites. Le contrat peut stipuler un délai de rétractation (art. 1122). Rien n’inter-
dit qu’une partie s’engage envers une autre avec une faculté de dédit même
gratuite (Com. 30 oct. 2000, no 98-11224) ou encore qu’une clause stipule au
profit de chacune des parties une faculté de résiliation unilatérale (Civ. 1re,
3 avr. 2001, no 99-18442 ; Civ. 1re, 17 févr. 2011, no 10-13980). Encore faut-il qu’une
telle clause ne crée pas un déséquilibre significatif au détriment de la partie
faible. Par exemple, est toujours abusive la clause qui reconnait au profes-
sionnel le droit de résilier discrétionnairement sans reconnaître le même
droit au consommateur (c. cons. art. R. 212-1, 8°).
2. Les tempéraments légaux
La loi peut accorder à une partie ou aux deux une prérogative de modifier
le contrat ou de le résilier. Par exemple, le consommateur peut toujours, à son
initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité, son crédit
immobilier (c. cons. art. L. 313-47). Le preneur a le droit d’adjoindre à l’acti-
vité prévue au bail commercial des activités connexes ou complémentaires
(c. com. art. L. 145-47). Il dispose aussi d’une faculté de résiliation trien-
nale (art. L. 145-4). Il est d’ailleurs fréquent que la loi prévoit des cas dans
lesquels une partie peut résilier unilatéralement le contrat (cf. le contrat
d’assurance).

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II. La force obligatoire du contrat à l’égard du juge
L’intangibilité du contrat s’impose au juge. Pas plus qu’il ne peut interpré-
ter une clause claire et précise, le juge ne peut modifier le contrat. Ainsi, le
juge ne peut modifier le loyer d’un bail qui avait été fixé en tenant compte des
services rendus par le locataire au bailleur au motif que celui-ci est décédé
(Civ. 3e, 18 mars 2009, no 07-21260). Il existe toutefois des exceptions

A. La révision du contrat pour imprévision


Dans l’affaire du « Canal de Craponne », la Cour de cassation censura
l’arrêt de la cour d’appel qui avait augmenté la redevance due à l’exploitant
du canal qui n’avait pas été modifiée depuis des siècles et qui était devenue
trop faible pour maintenir l’exploitation. Elle posa qu’aucune considération
de temps ou d’équité ne peut permettre au juge de modifier la convention
licite et librement acceptée par les parties (Civ. 6 mars 1878). C’est dire qu’il
appartenait aux parties d’organiser l’adaptation de leur contrat aux évolutions
économiques ou politiques : clause d’indexation, clause de renégociation (ou
de hardship). L’Ordonnance de 2016 a rompu avec cette solution (art. 1195).
L’imprévision implique trois conditions :
• (i) un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat.
Le changement imprévisible s’entend sans doute d’un événement que les
parties ne pouvaient pas raisonnablement prévoir (crise économique,
financière, sanitaire, politique ou sociale). Or, n’est-il pas prévisible qu’une
redevance ne soit plus en adéquation avec le coût de l’exploitation d’un
canal au bout de plusieurs années ?
• (ii) un changement rendant l’exécution excessivement onéreuse pour une partie.
L’exécution n’est pas impossible, il n’y a pas force majeure. Il ne suffit pas,
nous semble-t-il, que l’exécution n’ait plus d’intérêt pour le débiteur, i.e.
qu’il soit déficitaire. L’exécution doit obérer son patrimoine et pratique-
ment provoquer son insolvabilité à moyen terme ;
• (iii) le débiteur n’a pas accepté un tel risque (imprévisible). Cette condition
permet de considérer que l’article 1195 est supplétif.
Par exception, l’article 1195 n’est pas applicable aux obligations qui résultent
d’opérations et de contrats financiers (CMF art. L. 211-40-1).
Une fois l’imprévision caractérisée, le débiteur de l’obligation devenue
excessivement onéreuse peut demander une renégociation. En cas de refus
ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du
contrat ou demander au juge d’adapter le contrat. À défaut d’accord, c’est le juge
qui, à la demande d’une partie, décide de la résolution ou de la révision.

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Partie 1 • Les sources d’obligations
Le débiteur doit continuer à exécuter ses obligations durant la renégocia-
tion. La loi condamne ainsi l’arrêt Soffimat qui avait jugé (contredisant alors
la jurisprudence Canal de Craponne) que l’obligation du débiteur était sérieu-
sement contestable en cas d’imprévision (Com. 29 juin 2010, no 09-67369).

B. Le pouvoir de réduction du juge


De jurisprudence constante, le juge disposait du pouvoir de réviser la
rémunération du prestataire dans les contrats de prestations de services (entre-
prise, mandat), ce qui en pratique correspondait à un pouvoir de réduction
des honoraires excessifs fixés par le prestataire après l’exécution de sa presta-
tion. Cependant, en passant sous silence ce pouvoir de révision judiciaire,
l’article 1165 du code civil le condamne (v. supra, et sur le maintien de ce pouvoir
lorsque la rémunération a été fixée avant l’exécution de la prestation).

C. La création d’obligatoires contractuelles


« Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes
les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi » (c. civ. art. 1194). Au visa de
ces dispositions, la jurisprudence a créé des obligations qui n’avaient pas été
prévues par les parties, des obligations implicites.
« L’exécution du contrat de transport comporte pour le transporteur l’obliga-
tion de conduire le voyageur sain et sauf à destination » (Civ. 21 nov. 1911, Cie
Transatlantique), i.e. l’obligation de réparer les dommages subis par le voyageur
pendant le temps du transport. Cette obligation de sécurité obtenue par
« forçage du contrat » (Josserand) a vocation à s’appliquer à tout contrat dans
lequel l’exécution est susceptible de causer un dommage corporel au créan-
cier (contrat portant sur une activité sportive ou de loisirs, contrat de travail,
contrat de restauration, maintenance d’un ascenseur ou d’une porte automa-
tique, etc.).
La jurisprudence a également créé les obligations d’information, de conseil
et de mise en garde notamment à la charge des professionnels. Aujourd’hui,
les obligations d’information sont pour l’essentiel prévues par la loi, et l’obli-
gation de mise en garde du prêteur par le code de la consommation. Mais la
jurisprudence va plus loin. Par exemple, l’assureur doit conseiller l’assuré sur
l’adéquation des risques couverts par les stipulations du contrat d’assurance
à sa situation personnelle (Civ. 1re, 13 déc. 2012, no 11-27631). Hors droit de la
consommation, le banquier est tenu d’un devoir de mise en garde au profit
de l’emprunteur non averti.
En revanche, il ne peut être reproché à une société, exclusivement chargée
de travaux de forage, d’avoir manqué à l’obligation de se renseigner sur le
niveau de la nappe phréatique qui ne lui incombait pas (Civ. 1re, 3 mars 2011,
no 09-70754).

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III. La force obligatoire à l’épreuve du devoir de bonne foi
« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi » (art. 1104).
La partie qui exécute le contrat mais adopte un comportement visant
à nuire à son cocontractant engage sa responsabilité contractuelle. Par
exemple, une société n’exécute pas le contrat de bonne foi au cours du préavis
en réduisant, sans raison valable et de façon importante, ses commandes
(Com. 7 oct. 2014, no 13-21086). Engage sa responsabilité, le fournisseur qui
prive certains distributeurs des moyens de pratiquer des prix concurren-
tiels en refusant de renégocier les prix tout en favorisant d’autres canaux de
distribution (Com. 3 nov. 1992, no 90-18547, Huard ; v. égal. Com. 24 nov. 1998,
no 96-18357, Chevassus-Marche). Le concédant n’est pas tenu d’une obligation
d’assistance du concessionnaire en vue de sa reconversion, et ne manque pas
à son obligation d’exécuter loyalement ses engagements en résiliant la conces-
sion dès lors que le préavis contractuel permet au concessionnaire d’organi-
ser sa reconversion (Com. 6 mai 2002, no 99-14093). Cependant, le concédant
manque à son obligation de bonne foi en résiliant, nonobstant le respect du
préavis contractuel, la concession sans raison et privant ainsi le concession-
naire de la possibilité de négocier équitablement la valeur de vente de son
entreprise (Com. 15 sept. 2009, no 08-20992). Commet encore une faute à raison
du manquement à l’obligation de bonne foi, le bailleur qui, malgré les solli-
citations du locataire, attend cinq ans pour réclamer une régularisation des
charges de façon déloyale et brutale (Civ. 3e, 21 mars 2012, no 11-14174).
La mauvaise foi constitue une faute sanctionnée par l’octroi de dommages-
inté­rêts mais aussi par la paralysie de certaines prérogatives contractuelles
(v. infra, clause résolutoire).
Mais, si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de
bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative
contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance même des
droits et obligations légalement convenus entre les parties. La mauvaise foi
ne peut affecter le droit de créance : la mauvaise foi du cessionnaire de parts
sociales ne remet pas en cause sa créance due au titre de la garantie de passif
(Com. 10 juill. 2007, no 06-14768, Sté Les Maréchaux). La bonne foi ne peut non
plus obliger une partie à modifier les modalités de paiement de sa créance en
accordant des facilités de paiement à son cocontractant (Com. 19 juin 2019,
no 17-29000 ; difficilement conciliable avec Civ. 3e, 21 mars 2012, préc.).

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§ 3. L’effet translatif du contrat

Partie 1 • Les sources d’obligations


I. Le transfert de propriété
A. Le principe du transfert solo consensu
Dans les contrats ayant pour objet l’aliénation de la propriété ou la cession
d’un autre droit, le transfert s’opère lors de la conclusion du contrat (art. 1196,
al. 1er). Dès l’accord de volonté, l’ayant-cause à titre particulier (acquéreur,
cessionnaire, donataire) devient propriétaire du bien de son auteur (vendeur,
cédant, donateur). L’auteur est alors tenu d’une obligation de délivrer la chose,
laquelle emporte obligation de la conserver jusqu’à la délivrance, en y appor-
tant tous les soins d’une personne raisonnable (art. 1197).

B. Les exceptions au transfert solo consensu


La règle du transfert de propriété solo consensu est supplétive. Les parties
peuvent, par exemple, prévoir que le transfert n’interviendra qu’au moment de
la réitération de la vente par acte notarié ou au moment du complet paiement
du prix (clause de réserve de propriété). La réserve de propriété est conve-
nue par écrit (c. civ. art. 2368). Même si l’acquéreur est placé en procédure
collective, le vendeur pourra exercer l’action en revendication ou en restitu-
tion et ainsi récupérer son bien sans subir le concours des autres créanciers
(c. com. art. L. 624-9 et suivants).
La règle est encore écartée à raison de la nature des choses vendues.
Ainsi, la vente de choses fongibles (ou de genre) n’opère transfert de propriété
qu’après leur individualisation (c. civ. art. 1585).
Le report du transfert de propriété peut résulter de l’effet de la loi. Dans
la vente d’immeuble à construire, « le transfert de propriété s’opère de plein droit
par la constatation par acte authentique de l’achèvement de l’immeuble ; il produit
ses effets rétroactivement au jour de la vente » (art. 1601-2). Dans la vente en l’état
futur d’achèvement, « les ouvrages à venir deviennent la propriété de l’acquéreur
au fur et à mesure de leur exécution » (art. 1601-3).

II. Le transfert des risques


A. La théorie des risques
L’obligation qui ne peut pas être exécutée à raison d’un cas de force majeure
est éteinte. Le risque de force majeure s’entend alors de la perte patrimoniale
consécutive à sa réalisation. En principe, le risque pèse sur le débiteur qui
ne peut plus exiger la contrepartie de l’obligation éteinte (Res perit debitori).
Par exemple, l’entrepreneur qui a travaillé sur une chose détruite ne peut pas
réclamer une rémunération au maître d’ouvrage (c. civ. art. 1790) ; le bailleur
n’a pas droit aux loyers en cas de destruction de la chose louée (art. 1722). En

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outre, la résolution du contrat pour inexécution obligera le débiteur à resti-
tuer le paiement éventuellement versé par le créancier en contrepartie de la
prestation devenue impossible à exécuter.
Dans les contrats ayant pour objet l’aliénation de la propriété, le trans-
fert de propriété emporte transfert des risques de la chose (art. 1196, al. 3).
Le propriétaire supporte les risques de la chose même si celle-ci n’a pas été
livrée (Res perit domino). La perte de la chose (destruction, vol), sa détériora-
tion et le retard de livraison consécutifs à une force majeure ne font pas obsta-
cle au paiement du prix par l’acquéreur. La clause de réserve de propriété,
par laquelle le vendeur reste propriétaire jusqu’au complet paiement du prix,
fait obstacle au transfert de risques.

B. Les tempéraments à la règle Res perit domino


Les risques sont de nouveau à la charge du débiteur si celui-ci a été mis en
demeure de délivrer la chose avant la réalisation du risque (c. civ. art. 1344-2).
Dans ce cas, le débiteur peut s’exonérer en prouvant que la perte se serait
pareillement produite si l’obligation avait été exécutée (art. 1351-1).
Par ailleurs, le transfert de risques peut être reportée par la loi. Ainsi, le
risque de perte ou de dommage est transféré au consommateur uniquement
lors de la remise du bien à un transporteur autre que celui proposé par le
professionnel (c. cons. art. L. 216-5).
Enfin, la règle Res perit domino est supplétive. Les parties peuvent libre-
ment déterminer le moment du transfert des risques indépendamment de
celui du transfert de propriété. Dans le commerce international, le choix d’un
Incoterm détermine le moment du transfert des risques du vendeur à l’ache-
teur sans considération pour le transfert de propriété. Par exemple, avec l’Inco-
term DDP (Delivered Duty Paid), le transfert s’effectue lors du déchargement
de la marchandise chez l’acheteur, alors qu’avec l’Incoterm EXW (Ex-Works/
départ usine) le transfert s’effectue dès le chargement chez le vendeur.

III. Le conflit entre acquéreurs successifs


« Lorsque deux acquéreurs successifs d’un même meuble corporel tiennent leur
droit d’une même personne, celui qui a pris possession de ce meuble en premier
est préféré, même si son droit est postérieur, à condition qu’il soit de bonne foi »
(art. 1198, al. 1er). La date de l’acte est indifférente car « en fait de meubles, la
possession vaut titre » (art 2276). Celui qui a acheté un bien déjà vendu en est
propriétaire à deux conditions : (i) il est en possession du bien, (ii) il est de
bonne foi, i.e. ignorait que son vendeur n’était pas le propriétaire du bien.
« Lorsque deux acquéreurs successifs de droits portant sur un même immeuble
tiennent leur droit d’une même personne, celui qui a, le premier, publié son titre
d’acquisition passé en la forme authentique au fichier immobilier est préféré, même

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si son droit est postérieur, à condition qu’il soit de bonne foi » (art. 1198, al. 2). Sans

Partie 1 • Les sources d’obligations


publicité foncière, la vente immobilière est inopposable aux tiers. Procédant à
un revirement de jurisprudence en 2010, la Cour de cassation avait décidé que
« la mauvaise foi du second acquéreur était sans influence sur la validité de l’acte
publié », de sorte que même s’il avait fait publier son acquisition en sachant
que l’immeuble avait déjà été vendu, il était réputé propriétaire. L’Ordonnance
de 2016 a rompu avec cette solution. Dorénavant, le premier acquéreur est
propriétaire de l’immeuble s’il prouve la mauvaise foi du second acquéreur
ayant publié avant lui.

§ 4. La durée du contrat

I. La prohibition des engagements perpétuels


« Les engagements perpétuels sont prohibés. Chaque contractant peut y mettre
fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée » (art. 1210). La
difficulté est de savoir au-delà de quelle durée un contrat est qualifié de perpé-
tuel et donc requalifié en contrat à durée indéterminée. Le contrat de société
conclu pour 99 ans n’est pas considéré comme perpétuel. En revanche, l’enga-
gement d’une personne physique pour une telle durée est perpétuel (Civ. 1re,
19 mars 2002, no 99-21209). En effet, la perpétuité résulte d’un engagement
d’une durée si longue (environ 30 ans) qu’il porte atteinte à la liberté indivi-
duelle du débiteur. Cela dépend aussi de la nature du contrat. Ainsi, le bail
ayant pour terme le décès des locataires ou de leurs enfants n’est pas consi-
déré comme perpétuel (Civ. 3e, 30 nov. 1983, no 82-13223). Par ailleurs, un droit
réel attaché à un fonds peut être conventionnel et perpétuel (servitude, droit
de jouissance commune d’un lot privatif : Civ. 3e, 7 juin 2018, no 17-17240).
La loi peut imposer une durée maximale (10 ans pour la clause d’exclusivité
dans un contrat de distribution : c. com. art. L. 330-1 ; 3 mois pour l’exclusivité
consentie à l’agent immobilier : D. 20 juill. 1972, art. 78) ou une durée minimale
du contrat (9 ans pour le bail commercial ; 3 ans pour le bail d’habitation).

II. La faculté de résiliation unilatérale du contrat à durée


indéterminée
« Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut
y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contrac-
tuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable » (art. 1211). Le contrat est à
durée indéterminée lorsqu’il ne comprend aucun terme extinctif. La faculté
de résiliation unilatérale est d’ordre public. Mais il est possible de prévoir
une période pendant laquelle le contrat ne peut pas être résilié. Pendant cette
période, le contrat s’apparente à un contrat à durée déterminée.

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L’exigence d’un préavis est d’ordre public. Les parties peuvent fixer sa
durée, mais le juge conserve le pouvoir de vérifier si cette durée est suffisante.
À défaut de délai contractuel, le délai raisonnable est fixé par le juge en consi-
dération de la nature du contrat, de l’ancienneté de la relation des parties et
de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve le cocontractant
évincé.
Dès lors que le préavis a été respecté, la faculté de résiliation est discré-
tionnaire, son auteur n’a pas à motiver son choix.
Cependant, la loi peut réglementer la durée du préavis et/ou imposer la
notification des motifs de résiliation (pour le contrat d’agence commerciale :
c. com. art. L. 134-11). Ainsi, la rupture d’une relation commerciale établie,
en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la
relation commerciale, constitue une pratique restrictive de concurrence, étant
entendu que la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée
dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois (c. com. art. L. 442-6, I,
5° ; N.B. : la relation commerciale établie peut aussi résulter d’une succession
de contrats à durée déterminée : Com. 23 juin 2015, no 14-14687). De même,
tout concours à durée indéterminée (ouverture ou ligne de crédit) qu’une
banque consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu qu’en
respectant un délai de préavis qui ne peut être inférieur à soixante jours (CMF
art. L. 313-12). Sur demande de l’entreprise concernée, la banque fournit les
raisons de cette réduction ou interruption
Pour certains contrats, la résiliation unilatérale doit être fondée sur un
motif légal (licenciement par l’employeur pour le contrat de travail).
Enfin, l’exercice du droit de résiliation unilatérale peut être fautif (Com.
26 janv. 2010, no 09-65086 ; Civ. 1re, 21 févr. 2006, no 02-21240), lorsque son
auteur a eu l’intention de nuire à son cocontractant ou a commis des négli-
gences graves (inciter le cocontractant à engager des investissements peu
de temps avant la résiliation ; l’entretenir dans l’illusion que le contrat va se
poursuivre…). L’abus ne résulte pas de la seule résiliation mais des circons-
tances particulières dans lesquelles elle est exercée, comme en matière de
pourparlers.

III. Le contrat à durée déterminée


A. L’exécution du contrat jusqu’à son terme
Le contrat à durée déterminée doit être exécuté jusqu’à son terme (art. 1212,
al. 1er). À défaut, le créancier peut en poursuivre l’exécution forcée. Toutefois,
la résiliation fautive du contrat n’ouvre droit qu’à l’allocation de dommages-in-
térêts, et non au paiement du prix convenu de la prestation qui n’a pas été
exécutée (Com. 3 mai 2011, no 10-15884).

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Partie 1 • Les sources d’obligations
Par exception, la loi peut autoriser la résiliation unilatérale d’un contrat à
durée déterminée (libre révocabilité du mandat par le mandant et du dépôt
par le déposant ; faculté de résiliation triennale du preneur à bail commer-
cial ; faculté de résiliation du locataire dans le bail d’habitation, etc.). Elle
peut également subordonner la résiliation à une circonstance particulières
(par ex., l’assureur peut résilier le contrat d’assurance en cas d’aggravation
du risque ou après un sinistre).
Les parties peuvent stipuler une faculté de résiliation unilatérale (Civ. 1re,
17 févr. 2011, no 10-13980 ; Civ. 1re, 3 avr. 2001, no 99-18442), sous réserve qu’une
telle faculté ne crée pas un déséquilibre significatif.

B. Le renouvellement du contrat
« Nul ne peut exiger le renouvellement du contrat » (art. 1212, al. 2). Mais la
jurisprudence précise : « sauf abus de droit » (Com. 8 juin 2017, no 15-28355).
Par exception, le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du bail d’habi-
tation qu’en cas de reprise ou vente du logement, ou motif légitime et sérieux
(L. 6 juill. 1989, art. 25-8, I). Si le bail est commercial, le bailleur ne peut refuser
le renouvellement, en l’absence de motif grave et légitime, qu’en payant au
preneur une indemnité d’éviction (c. com. art. L. 145-8).
Avant l’expiration du terme, dont la date de réalisation peut être incon-
nue (par ex., décès d’une partie), les parties peuvent proroger le terme du
contrat (art. 1213).
Elles peuvent aussi décider de renouveler le contrat. Le renouvellement
donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précé-
dent mais dont la durée est indéterminée (art. 1214).
Lorsqu’à l’expiration du terme, les parties continuent d’exécuter leurs
obligations, il y a tacite reconduction. Celle-ci produit les mêmes effets que
le renouvellement du contrat (art. 1215).
Ces règles sont supplétives. Les parties peuvent stipuler une clause de
tacite reconduction et prévoir que le nouveau contrat aura la même durée
que le précédent. La loi protège d’ailleurs le consommateur (et le non-profes­
sion­nel) en obligeant le professionnel, prestataire de services, à l’informer
par écrit au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la
période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas
reconduire le contrat qu’il a conclu avec une clause de reconduction tacite
(c. cons. art. L. 215-1).

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Section 2. Les effets du contrat à l’égard des tiers

Partie 1 • Les sources d’obligations


§ 1. Le principe de l’effet relatif du contrat à l’égard des tiers

I. La notion d’effet relatif


« Le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties. Les tiers ne peuvent ni deman-
der l’exécution du contrat ni se voir contraindre de l’exécuter » (c. civ. art. 1199).
Est un tiers, toute personne qui n’a pas consenti au contrat. Le représen-
tant est un tiers en ce qu’il n’est pas engagé par le contrat qu’il a conclu au
nom et pour le compte du représenté. C’est le représenté qui est partie au
contrat. Un tiers peut devenir partie. Ainsi, l’ayant-cause universel (héritier,
légataire universel, société absorbante dans une opération de fusion) n’est
plus un tiers, dès lors que, par l’effet de la transmission universelle du patri-
moine, il récupère la qualité de partie aux contrats conclus par son auteur
(sauf pour les contrats conclus intuitu personae).
Le tiers n’a pas la qualité pour agir en exécution ou en résolution d’un
contrat. Par exemple, un codébiteur solidaire, n’ayant ni la qualité d’assuré
ni celle de bénéficiaire, ne peut agir en paiement contre l’assureur de son
codébiteur décédé (Civ. 1re, 5 juin 2019, no 17-27066). De même, un tiers ne peut
invoquer les statuts d’une personne morale, pour critiquer la régularité de
la désignation de son représentant, en vue de contester le pouvoir d’agir de
celui-ci (Civ. 1re, 20 sept. 2017, no 16-18442).
Le tiers ne peut être lié par le contrat Par exemple, un codébiteur ne
peut se voir opposer le report du point de départ du délai biennal de forclu-
sion résultant d’un accord de rééchelonnement de la dette auquel il n’a pas
consenti (Civ. 1re, 11 févr. 2010, no 08-20800). De même, la cession d’un fonds
de commerce prévoyant que les créances et les dettes générées par l’activité
du cédant sont transmises au cessionnaire n’a aucun effet à l’égard du créan-
cier qui n’y a pas consenti (Civ. 1re, 30 avr. 2009, no 08-11093). Et la cession
du fonds de commerce ne substitue pas le cessionnaire au cédant dans les
relations contractuelles que celui-ci entretient avec une société tierce (Com.
15 sept. 2015, no 14-17964).

II. L’opposabilité du contrat


A. L’opposabilité du contrat aux tiers
« Les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat » (art. 1200,
al. 1er). Toute personne qui, en connaissance de cause, aide autrui à enfreindre
les obligations contractuelles pesant sur lui, commet une faute délictuelle
à l’égard du créancier. Ainsi, même s’il n’est pas débiteur de la commis-
sion, l’acquéreur dont la faute a fait perdre celle-ci à l’agent immobilier, par

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l’entremise duquel il a été mis en rapport avec le vendeur qui l’avait mandaté,
doit réparation à cet agent immobilier de son préjudice (Ass. plén. 9 mai 2008,
no 07-12449).

B. L’opposabilité du contrat par les tiers


Les tiers peuvent invoquer à leur profit le contrat en tant que fait juridique
(art. 1200, al. 2). Pour les tiers, un contrat peut constituer un élément de
preuve. Surtout, un tiers peut se prévaloir, sur le fondement de la responsa-
bilité extracontractuelle, d’un manquement contractuel si celui-ci lui cause
un préjudice (v. infra, arrêt Bootshop).

C. La simulation
La simulation est le montage par lequel les parties concluent un contrat
apparent ou ostensible puis le modifient par un contrat occulte ou contre-
lettre. Ce montage est en principe valable. Toutefois, la contre-lettre est
inopposable aux tiers, qui peuvent néanmoins s’en prévaloir (art. 1201).
La simulation peut résulter de l’interposition d’une personne (un prête-
nom), si bien que l’acte apparent et l’acte secret peuvent ne pas être conclus
par les mêmes parties. Dans cette hypothèse, le prête-nom reste engagé par
l’acte apparent. Toutefois, si le tiers créancier est complice de la simulation
en y participant activement, il ne peut plus se prévaloir de l’acte ostensible,
de sorte que le prête-nom n’est pas engagé (Civ. 3e, 8 juill. 1992, no  90-12452 ;
Civ 1re, 17 nov. 1999, no 97-16749).
À l’inverse, le tiers peut invoquer l’acte secret pour démontrer que le prête-
nom n’est pas le véritable propriétaire (par ex., Com. 17 févr. 2009, no 08-10384).
Pour se prévaloir de la contre-lettre, le tiers va exercer une action en décla-
ration de simulation. Par exemple, l’administration fiscale va démontrer
que la concubine ayant acquis deux immeubles de son concubin n’en est que
la propriétaire apparente dès lors que le prix a été payé grâce à des fonds
du concubin qui a continué à jouir sans restriction des biens prétendument
vendus, de sorte que le transfert de propriété est inopposable au créancier
(Civ. 1re, 17 sept. 2003, no 01-12925). Si la simulation est démontrée, le tiers n’a
pas à prouver l’intention des parties de lui nuire (i.e. la fraude) ni l’antério-
rité de sa créance à l’égard des actes simulés, ce qui constitue un avantage
par rapport à l’action paulienne soumise à ces deux conditions (même arrêt ;
Civ. 3e, 4 juin 2003, no 02-12275).
Dans les rapports entre les parties, la preuve d’une contre-lettre doit
être administrée par écrit lorsque l’acte apparent est lui-même constaté par
écrit, sauf s’il s’agit pour une partie de prouver une fraude. Les tiers peuvent
prouver la contre-lettre par tous moyens, ce qui n’en reste pas moins difficile.
Par exemple, il appartient à un héritier réservataire qui demande le rapport

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Partie 1 • Les sources d’obligations
à la succession d’un bien vendu par son auteur à un cohéritier de démontrer
qu’il y a donation déguisée car le prix n’a jamais été payé (Civ. 1re, 11 mars
2009, no 07-20132).
Enfin, la contre-lettre qui dissimule une partie du prix de la vente d’un
immeuble, d’un fonds de commerce, d’une cession de clientèle ou de droit
au bail est nulle (art. 1202). L’objectif est d’inciter le vendeur à ne pas accep-
ter une dissimulation de prix (dessous-de-table), qui permet notamment de
réduire les droits d’enregistrement dus par l’acquéreur, car celui-ci pourra
récupérer ou refuser de payer le supplément de prix. Bien entendu, l’acte
ostensible demeure valable (Ch. mixte, 12 juin 1981, no 78-14971).

§ 2. Les tempéraments au principe de l’effet relatif :


les contrats pour autrui

I. La promesse de porte-fort
A. La notion de porte-fort
La promesse de porte-fort est le contrat par lequel un promettant (le porte-
fort) s’engage au profit d’un bénéficiaire à ce qu’un tiers ratifie un contrat ou
exécute un fait, juridique ou non.
Lorsque le promettant s’engage à ce que le tiers ratifie un contrat (porte-
fort ratification), il se comporte comme un mandataire, sauf que le tiers ne
lui a rien demandé et que le bénéficiaire sait que le promettant n’est pas un
mandataire. D’ailleurs, lorsqu’un représentant agit sans pouvoir ou au-delà
de ses pouvoirs, le représenté peut ratifier l’acte (art. 1156).
Avec le porte-fort exécution, le promettant agit comme un garant : soit le
tiers accomplit le fait attendu (exécution d’une obligation, renonciation à une
action en justice, renonciation à une clientèle, fourniture d’une autorisation)
soit le promettant engage sa responsabilité contractuelle.
L’engagement de porte-fort constitue un engagement de faire, de sorte que
le promettant n’étant pas tenu d’exécuter une obligation de payer à la place du
tiers, la promesse n’a pas à contenir la mention écrite de l’article 1376 du code
civil (Com. 18 juin 2013, no 12-18890). Le porte-fort exécution est un enga­ge-
ment autonome distinct d’un cautionnement. Il n’empêche que le dirigeant
qui se porte-fort des engagements de sa société contracte un engagement
qui peut être lourd de conséquences pour son patrimoine personnel tout en
échappant aux règles protectrices de la caution.

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Cependant, la qualification du porte-fort relève, sauf dénaturation, du
pouvoir souverain d’interprétation des juges du fond, ce qui permet de ne
pas retenir la responsabilité du promettant, faute d’engagement personnel
de sa part, nonobstant l’utilisation par l’acte de l’expression « se porter fort »
(Com. 18 mars 2020, no 18-19939).

B. Le régime du porte-fort
Le tiers n’est pas lié par la promesse, il est libre de ne pas ratifier ou de ne
pas exécuter la prestation promise par le porte-fort. En revanche, « lorsque le
porte-fort a pour objet la ratification d’un engagement, celui-ci est rétroac­ti­vement
validé à la date à laquelle le porte-fort a été souscrit » (art. 1204, al. 3).
« Le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis.
Dans le cas contraire, il peut être condamné à des dommages et intérêts » (art. 1204,
al. 2). L’obligation du promettant est de résultat (Com. 1er avr. 2014, no 13-10669).
L’inexécution de la promesse de porte-fort ne peut être sanctionnée que par
des dommages-intérêts. Celui-ci n’est ni engagé par l’acte pour lequel il avait
promis la ratification ni tenu d’accomplir le fait juridique à la place du tiers.
L’inexécution ne saurait non plus entraîner la résolution de la transaction
contenant la promesse (Civ. 1re, 7 mars 2018, no 15-21244).

II. La stipulation pour autrui


A. La notion de stipulation pour autrui
La stipulation pour autrui est le contrat par lequel un stipulant obtient
l’engagement d’un promettant d’accomplir une prestation au profit d’un
tiers bénéficiaire. Le bénéficiaire peut être une personne future mais doit
être précisément désigné ou pouvoir être déterminé lors de l’exécution de
la promesse (art. 1205). Par exemple, une assurance-vie peut désigner les
héritiers du souscripteur.
L’assurance de groupe est une forme particulière de stipulation pour autrui
dès lors que l’adhésion du bénéficiaire crée un lien contractuel avec l’assureur,
alors qu’en principe le bénéficiaire reste un tiers. Le contrat d’assurance de
groupe emprunteur est conclu par un établissement de crédit (stipulant) qui
le propose à ses clients emprunteurs qui peuvent y adhérer. « L’adhésion au
contrat d’assurance de groupe, bien que conséquence d’une stipulation pour autrui,
n’en crée pas moins, entre l’adhérent et l’assureur, qui l’agrée, un lien contractuel
direct, de nature synallagmatique, dont les stipulations relèvent comme telles,
des dispositions sur les clauses abusives » (Civ. 1re, 22 mai 2008, no 05-21822).

B. La révocation de la stipulation pour autrui


Le stipulant peut librement révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire
ne l’a pas acceptée. La stipulation devient irrévocable au moment où l’accep-
tation parvient au stipulant ou au promettant (art. 1206).

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Partie 1 • Les sources d’obligations
La révocation ne peut émaner que du stipulant ou, après son décès, de
ses héritiers (art. 1207). Ces derniers ne peuvent y procéder qu’à l’expiration
d’un délai de trois mois à compter du jour où ils ont mis le bénéficiaire en
demeure d’accepter (en assurance-vie, la mise en demeure doit être faite par
acte extrajudiciaire : c. ass. art. L. 132-9, al. 3). Si elle n’est pas assortie de la
désignation d’un nouveau bénéficiaire, la révocation profite, selon le cas, au
stipulant ou à ses héritiers.
La révocation produit effet dès lors que le tiers bénéficiaire ou le promet-
tant en a eu connaissance. Lorsqu’elle est faite par testament, elle prend effet
au moment du décès. Le tiers initialement désigné est censé n’avoir jamais
bénéficié de la stipulation faite à son profit.

C. Les droits du bénéficiaire


1. L’acceptation de la clause bénéficiaire
Pour faire obstacle à la révocation, le bénéficiaire peut accepter la stipula-
tion pour autrui. « L’acceptation peut émaner du bénéficiaire ou, après son décès,
de ses héritiers. Elle peut être expresse ou tacite » (art. 1208). En matière d’assu-
rances sur la vie, « après acceptation du bénéficiaire, le stipulant ne peut exercer
sa faculté de rachat et l’entreprise d’assurance ne peut lui consentir d’avance sans
l’accord du bénéficiaire » (c. ass. art. L. 132-9).
L’acceptation « peut intervenir même après le décès du stipulant ou du promet-
tant ». Si le bénéficiaire décède avant l’assuré, le bénéfice de l’assurance est
transmis aux héritiers du bénéficiaire même en l’absence d’acceptation.
Cependant, le souscripteur de l’assurance-vie peut désigner un autre bénéfi-
ciaire (de 2nd rang) en cas de prédécès du bénéficiaire de 1er rang, ce qui ne
permet plus aux héritiers de ce dernier de profiter du contrat.
2. L’action directe
« Le bénéficiaire est investi d’un droit direct à la prestation contre le promettant
dès la stipulation » (art. 1206, al. 1er). Par exemple, le bailleur bénéficiaire d’une
stipulation pour autrui peut agir directement en paiement des loyers contre
le locataire-gérant (promettant), sans que ces paiements contreviennent au
principe d’égalité des créanciers du preneur en liquidation judiciaire (Com.
27 mai 2003, no 00-19355).
Le bénéficiaire exerce une action directe de nature contractuelle. Par
conséquent, le promettant peut lui opposer les exceptions inhérentes au
contrat de stipulation pour autrui : compensation avec la dette du stipulant ;
clauses d’exclusion de garantie (par ex., Civ. 1re, 15 déc. 1998, no 96-20885).
En revanche, le bénéficiaire n’a pas d’action contre le stipulant. Ainsi, le
souscripteur d’une assurance de groupe est un tiers par rapport au contrat
d’assurance liant l’assureur et l’adhérent, de sorte qu’il n’est pas débiteur des

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prestations convenues (Com. 13 avr. 2010, no 09-13712). Ce n’est toutefois que
pour l’assurance de groupe que le souscripteur est qualifié de tiers. En effet,
le stipulant est bien partie au contrat, de sorte que si le bénéficiaire n’a pas
de droit contre lui, le stipulant peut lui-même exiger du promettant l’exécu-
tion de son engagement envers le bénéficiaire (art. 1209).

§ 3. Les exceptions au principe de l’effet relatif :


les actions directes

I. Les actions directes en paiement


Les actions directes en paiement sont prévues par la loi (art. 1341-3).
Le créancier (tiers) peut agir en paiement de sa créance contre un débiteur
de son débiteur. Il reçoit directement le paiement, alors que l’action oblique
lui permet seulement de forcer le débiteur de son débiteur à payer ce dernier,
si bien que le créancier qui exerce l’action oblique risque de se trouver en
concurrence avec les autres créanciers de son débiteur.
La victime dispose d’une action directe contre l’assureur de responsabilité
civile du responsable (c. ass. art. L. 124-3). L’assureur a l’interdiction de payer
l’assuré tant que la victime n’est pas indemnisée. La victime est en principe
soumise aux exceptions (par ex., une exclusion de garantie) que l’assureur
peut invoquer pour refuser sa garantie. Mais il n’en est pas toujours ainsi. Par
exemple, la nullité du contrat d’assurance de responsabilité est inopposable
à la victime d’un accident de la circulation (Civ. 2e, 29 août 2019, no  18-14768 ;
v. égal. c. ass. art. R. 211-3).
Le bailleur a une action directe en paiement des loyers contre le sous-loca­
taire dans la limite de la dette de ce dernier (c. civ. art. 1753).
Le sous-traitant a une action directe contre le maître d’ouvrage si l’entre-
preneur principal ne le paie pas, à moins que celui-ci ait déjà été payé par le
maître d’ouvrage (L. 31 déc. 1975, art. 12 ; v. l’interdiction pour l’entrepreneur
principal de céder ou de nantir sa créance : art. 13-1).
L’expéditeur, le transporteur et le destinataire sont parties au même contrat
de transport de marchandises. L’action du destinataire contre le transpor-
teur est contractuelle (Com. 1er avr. 2008, no 07-11093). Et le transporteur a une
action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et
du destinataire (c. com. art. L. 132-8).

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II. Les actions en matière de chaînes de contrats translatifs

Partie 1 • Les sources d’obligations


de propriété
A. Le domaine de l’action directe en responsabilité
Alors que l’article 1341-3 ne vise que les actions directes en paiement, la
jurisprudence a reconnu l’action directe en responsabilité contractuelle. En
présence d’une chaîne de contrats translatifs de propriété, les droits et actions
attachés à la chose sont transmis avec elle : l’accessoire suit le principal. Le
propriétaire de la chose qui exerce ces droits et actions agit donc sur un fonde-
ment contractuel. L’action directe est retenue dans deux hypothèses :
(i) La chaîne homogène de contrats translatifs de propriété (Vente
+ Vente) : l’action du sous-acquéreur contre le vendeur de son vendeur est
contractuelle (Civ. 1re, 9 oct. 1979, no 78-12502, Lamborghini).
(ii) La chaîne hétérogène de contrats translatifs de propriété (Vente
+ Entreprise ou Entreprise + Vente) : l’action du maître de l’ouvrage contre
le vendeur de son entrepreneur est contractuelle (Ass. plén. 7 févr. 1986,
no 84-15189) ; l’action de l’acquéreur contre l’entrepreneur de son vendeur est
contractuelle (Civ. 3e, 12 juill. 2018, no 17-20627).
Ainsi, le maître de l’ouvrage jouit de tous les droits et actions attachés à
la chose qui appartenait à son auteur, tel que l’action en garantie des vices
cachés ou celle fondée sur la non-conformité de la chose livrée à l’entre-
preneur. Logiquement, l’entrepreneur principal exerce aussi une action
contractuelle directe contre le fournisseur de son sous-traitant et vendeur
intermédiaire (Civ. 3e, 26 nov. 2014, no 13-22067). En outre, les actions contrac-
tuelles attachées à l’immeuble sont transmises aux acquéreurs successifs,
ce qui leur permet d’invoquer la faute dolosive du constructeur même si la
garantie décennale est forclose.
En revanche, s’agissant d’une chaîne de contrats non translatifs de
propriété (Entreprise + Entreprise), l’action du maître de l’ouvrage contre le
sous-traitant est extracontractuelle (Ass. plén. 12 juill. 1991, Besse, no 90-13602).
Il en va de même de l’action du maître de l’ouvrage contre le fournisseur du
sous-traitant (Civ. 3e, 28 nov. 2001, no 00-13559 : Vente + Entreprise + Entreprise),
alors que l’action de l’entrepreneur contre le vendeur du sous-traitant est
contractuelle (Com. 8 mars 2017, no 15-15132).

B. Le régime de l’action directe en responsabilité


L’action directe permet d’exercer les droits et actions transmis avec la
chose. Or, l’auteur ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en dispose lui-même
(Nemo plus juris), si bien que le défendeur peut invoquer toutes les exceptions
fondées sur le contrat qu’il a conclu. Il peut invoquer les clauses limitatives de
sa responsabilité contractuelle (Civ. 1re, 7 juin 1995, no 93-13898 ; Com. 8 mars
2017, no 15-15132). Si le sous-acquéreur exerce l’action rédhibitoire (de son

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auteur), le vendeur originaire ne peut être tenu de restituer davantage qu’il n’a
reçu (Civ. 1re, 27 janv. 1993, no 91-11302). Suivant la même logique, le sous-acqué-
reur ayant la qualité de consommateur ne dispose contre l’importateur d’aucune
action directe fondée sur la garantie légale de conformité de l’article L. 217-4
du code de la consommation (Civ. 1re, 6 juin 2018, no 17-10553).
En revanche, le défendeur ne peut invoquer les exceptions tirées du contrat
conclu par le sous-acquéreur. Ainsi, la clause de non-garantie stipulé dans le
contrat conclu entre le vendeur intermédiaire et le sous-acquéreur ne fait pas
obstacle à l’action directe de ce dernier contre le vendeur originaire (Civ. 3e,
22 juin 2011, no 08-21804).

Section 3. L’inexécution du contrat

§ 1. L’application des sanctions de l’inexécution

I. L’invocation des sanctions de l’inexécution


Les sanctions de l’inexécution sont cumulables. Le rappel ou l’enca­drement
d’une sanction de l’inexécution dans le contrat n’exclut pas la mise en œuvre
par le créancier des sanctions prévues par le code civil (Civ. 1re, 14 févr. 2019,
no 17-31665 : la stipulation de pénalités de retard ne fait pas obstacle à l’excep-
tion d’inexécution). Mais, à l’évidence, le créancier ne peut à la fois demander

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Partie 1 • Les sources d’obligations
la résolution du contrat et son exécution forcée, ou l’exécution forcée et le
montant de la clause pénale en cas d’inexécution sauf si celle-ci porte sur le
simple retard.
En outre, le créancier qui a demandé l’exécution forcée en première instance
ne peut, en vertu de l’article 565 du code de procédure civile, demander en
appel la résolution du contrat car « la demande de résolution qui vise à mettre
à néant le contrat ne tend pas aux mêmes fins que la demande d’exécution sous
astreinte qui le laisse subsister » (Civ. 2e, 8 sept. 2011, no 09-13086).
Les clauses de conciliation préalable ou de médiation font obstacle aux
sanctions de l’inexécution et constituent une fin de non-recevoir. Toutefois, elles
ne peuvent, en l’absence de stipulation expresse, faire obstacle à l’accomplis-
sement d’une mesure d’exécution forcée (Civ. 2e, 22 juin 2017, no 16-11975).

II. La force majeure


A. Les conditions
En matière contractuelle, la force majeure est un événement qui (i) échappe
au contrôle du débiteur, (ii) est raisonnablement imprévisible lors de la
conclusion du contrat, (iii) ne peut être évité par des mesures appropriées, (iv)
empêche le débiteur de s’exécuter (art. 1218). L’Ordonnance de 2016 réaffirme
ainsi que la force majeure doit être irrésistible et imprévisible (ce n’est pas le
cas d’une pollution de l’eau : Civ. 1re, 30 mai 2006, no 03-16335 ; ni de coupures
électriques consécutives à une grève : Civ. 1re, 30 oct. 2008, no 07-17134). Elle
doit en outre être extérieure, i.e. échapper au contrôle du débiteur.
L’événement imprévisible et irrésistible qui empêche le créancier de profi-
ter de la prestation du débiteur n’est pas une force majeure et n’emporte pas
résolution du contrat (Civ. 1re, 25 nov. 2020, no 19-21060). Le débiteur d’une
obligation de payer une somme d’argent ne peut jamais s’en exonérer en
invoquant un cas de force majeure (Com. 16 sept. 2014, no 13-20306).

B. Les effets
Si la force majeure est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspen-
due. Si elle est définitive, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont
libérées de leurs obligations, de sorte que les sanctions de l’inexécution ne
peuvent pas être invoquées (v. supra la théorie des risques).

§ 2. L’exception d’inexécution ou pour risque d’inexécution


Le débiteur peut ne pas exécuter son obligation alors que celle-ci est exigible
(i) si l’autre partie n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisam-
ment grave, ou (ii) s’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas
à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment

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graves (art. 1219 et 1220). Les obligations doivent être nées d’un même contrat
ou d’un même ensemble contractuel. L’obligation de celui qui invoque l’excep-
tion doit toujours être exigible, alors que la dette de son cocontractant est à
terme en cas de risque d’inexécution. Quant au critère de gravité, il concerne
l’inexécution pour l’exception d’inexécution, et les conséquences de l’inexé-
cution pour l’exception de risque d’inexécution. Par exemple, le refus par
un salarié de reprendre le travail peut être légitimé par un manquement
de l’employeur à ses obligations (Soc. 23 juin 2009, no 07-44844). À l’inverse,
lorsqu’un salarié n’est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son
contrat de travail, l’employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire (Soc.
28 nov. 2018, no 17-15379). En revanche, un locataire ne saurait refuser de
payer les loyers au motif que le bailleur ne lui a pas remboursé une somme
empruntée ou n’a pas procédé à des réparations non nécessaires à la jouis-
sance des lieux loués. Le crédit-preneur ne peut suspendre le paiement des
loyers en invoquant la privation de jouissance tenant à des vices cachés dont le
crédit-bailleur, ayant un rôle de financier, était exonéré par le contrat (Civ. 3e,
15 janv. 2003, no 00-16106).
L’exception d’inexécution permet uniquement de suspendre l’exécution
de l’obligation de celui qui l’invoque sans que celui-ci ait à saisir la justice. À
la différence de l’exception d’inexécution, l’exception pour risque d’inexé-
cution doit être notifiée dans les meilleurs délais (art. 1220).

§ 3. L’exécution forcée en nature

I. L’exécution forcée à la demande du créancier


Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre
l’exécution en nature (art. 1221). L’exécution forcée en nature suppose une
décision de condamnation du débiteur assortie d’une astreinte (CPCE
art. L. 131-1 et s.).
Il est fait exception au droit à l’exécution en nature dans deux hypothèses :
(i) L’exécution impossible. Par la nature des choses, l’exécution forcée en
nature d’une obligation impossible à exécuter est proscrite. L’impossibilité peut
être matérielle (destruction de la chose à restituer). Elle peut être juridique.
Ainsi, un juge ne peut condamner un propriétaire à la délivrance d’un local
d’habitation sous astreinte, dès lors que le logement a été loué à un tiers
(Civ. 1re, 27 nov. 2008, no 07-11282). L’impossibilité est morale lorsque la presta-
tion à exécuter est si personnelle que son exécution forcée porte atteinte à
une liberté individuelle (réalisation d’une œuvre littéraire ou artistique, acte
médical, plaidoirie, etc.).

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(ii) La disproportion manifeste entre le coût de l’exécution pour le débiteur

Partie 1 • Les sources d’obligations


de bonne foi et son intérêt pour le créancier. Suivant l’analyse économique
coût/bénéfice (théorie de l’efficient breach of contract), l’exécution forcée contre-
dit l’efficacité économique en cas de disproportion manifeste : exécution très
couteuse pour le débiteur / bénéfice réduit pour le créancier. Encore faut-il
que le débiteur n’ait pas commis une faute dolosive (inexécution volontaire
du contrat).
Dans la même veine, la loi prévoit, en matière de garantie légale de
conformité, que le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l’acheteur
(réparation ou remplacement) si ce choix entraîne un coût manifestement
disproportionné au regard de l’autre modalité, compte tenu de la valeur du
bien ou de l’importance du défaut. Il est alors tenu de procéder, sauf impos-
sibilité, selon la modalité non choisie par l’acheteur (c. cons. art. L. 217-9).

II. L’exécution en nature aux frais du débiteur


Le créancier peut faire exécuter par un tiers, sans autorisation du juge,
l’obligation du débiteur à condition : (i) d’avoir mis en demeure le débiteur,
(ii) que l’obligation soit exécutée dans un délai et à un coût raisonnables. Le
débiteur sera tenu de rembourser les sommes engagées (art. 1222). S’il s’agit
de détruire ce qui a été réalisé par le débiteur en violation de son obligation,
la démolition est subordonnée à une autorisation du juge. Le créancier doit
aussi obtenir une décision de justice pour que le débiteur avance les sommes
nécessaires à l’exécution ou à la démolition.

III. L’exécution forcée à la demande du débiteur


Le créancier a le choix des sanctions de l’inexécution. Par conséquent, le
débiteur ne peut, en principe, lui imposer une réparation en nature (pour
un contrat d’entreprise : Civ. 3e, 28 sept. 2005, no 04-14586). Par exception,
« le preneur à bail de locaux à usage d’habitation, qui recherche la responsabilité
du bailleur pour défaut d’exécution de son obligation d’entretien, ne peut refuser
l’offre de ce dernier d’exécuter son obligation en nature » (Civ. 3e, 27 mars 2013,
no 12-13734).

§ 3. La réduction du prix


« En cas d’exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise
en demeure et s’il n’a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans
les meilleurs délais au débiteur sa décision d’en réduire de manière proportionnelle
le prix. L’acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créan-
cier doit être rédigée par écrit. Si le créancier a déjà payé, à défaut d’accord entre les
parties, il peut demander au juge la réduction de prix » (art. 1223).

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Avant l’Ordonnance du 10 février 2016, la réfaction du prix n’était que
judiciaire et limitée à certains contrats : garantie de contenance dans la vente
immobilière et action estimatoire en cas de vice caché de la chose vendue
(c. civ. art. 1617 et 1644) ; garantie légale de conformité (c. cons. art. L. 217-10).
Toutefois, le juge pouvait atteindre un résultat équivalent en maintenant le
contrat et en accordant des dommages-intérêts au créancier en réparation des
préjudices subis. Ce subterfuge est désormais inutile : en cas d’inexécution,
le juge peut toujours réduire le prix et accorder en sus des dommages-inté-
rêts pour tout autre préjudice que la diminution de valeur de la prestation.
L’article 1223 distingue selon que le prix a été ou non payé.
Si le prix n’a pas été payé, le créancier de la prestation dispose d’une
prérogative unilatérale d’exiger la réduction du prix. Après avoir mis en
demeure le débiteur d’exécuter parfaitement son obligation, le créancier peut
lui notifier sa décision unilatérale de refuser de payer le prix sans réduc-
tion proportionnelle. Le créancier de la prestation est donc juge provisoire
de l’inexécution (qui n’a pas à être grave) et de la réduction proportionnelle.
C’est au créancier du prix de faire un choix : négocier, accepter ou poursuivre
en justice le paiement du prix. Cela était évidemment possible avant. Mais la
loi précise que l’acceptation du créancier du prix sur la réduction du prix doit
être écrite. Elle permet surtout d’exclure la responsabilité du créancier du
seul fait de sa demande de réduction. En revanche, le créancier de la presta-
tion qui exige la réduction du prix est tenu d’indemniser les préjudices subis
par le créancier du prix s’il a tardé à le mettre en demeure, s’il ne lui a pas
notifié sa décision dans les meilleurs délais, et sans doute s’il est manifeste
qu’il n’y a pas d’exécution imparfaite.
Si le prix a été payé, le créancier de la prestation ne dispose plus d’une
prérogative unilatérale pour réduire le prix : soit il y a accord sur la réduc-
tion, soit il doit saisir le juge pour obtenir la réduction judiciaire du prix et
un remboursement.

§ 4. La résolution pour inexécution

I. Les conditions de la résolution


A. La résolution judiciaire
En cas d’inexécution grave, la résolution du contrat peut être prononcée
par le juge. La résolution judiciaire n’est pas d’ordre public, de sorte que les
parties peuvent renoncer à l’avance au droit de la demander (Civ. 3e, 3 nov. 2011,
no 10-26203). La renonciation doit être explicite et non équivoque. Et, encore
faut-il que le créancier ne soit pas privé de toute sanction de l’inexécution.

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Partie 1 • Les sources d’obligations
La loi n’impose pas au créancier de mettre en demeure le débiteur avant
d’agir en résolution, étant entendu que l’assignation en résolution vaut mise en
demeure (Civ. 1re, 23 mai 2000, no 97-22547). Le débiteur pourrait donc s’exécu-
ter après avoir été assigné pour faire obstacle à la résolution, dès lors que les
juges du fond doivent apprécier la situation au jour de leur décision (Civ. 3e,
4 janv. 1995, no 93-11031 ; Civ. 3e, 10 nov. 2009, no 08-21874). Quoi qu’il en soit,
l’action sera irrecevable si le contrat stipule une clause de conciliation ou
de médiation préalable, voire une clause de mise en demeure préalable.
Les juges du fond apprécient souverainement si l’inexécution (partielle)
est suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat. Par exemple,
la cour d’appel, qui a constaté que la modification unilatérale du contrat de
travail par l’employeur représentait une faible part de la rémunération, a pu
décider que ce manquement ne justifiait pas la résiliation judiciaire du contrat
de travail demandée par le salarié (Soc. 12 juin 2014, no 12-29063). L’effacement
de la dette locative n’équivaut pas à son paiement et ne fait pas disparaître
le manquement contractuel du locataire surendetté, de sorte qu’il ne prive
pas le juge, saisi d’une demande de résiliation judiciaire du bail, de la faculté
d’apprécier, dans l’exercice de son pouvoir souverain, si le défaut de paiement
justifie de prononcer la résiliation (Civ. 2e, 10 janv. 2019, no 17-21774).
Si l’inexécution n’est pas suffisamment grave, le juge peut ordonner l’exé-
cution du contrat en accordant éventuellement un délai au débiteur (art. 1228),
ce qui est exclu en présence d’une clause résolutoire.

B. La clause résolutoire
« La clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera
la résolution » (art. 1225, al. 1er). La clause résolutoire permet aux parties de
soustraire la résolution à l’appréciation par le juge de la gravité de l’inexé-
cution. Encore faut-il que la clause identifie les obligations auxquelles elle
s’applique (inapplication de la clause visant le paiement des loyers au non-paie-
ment d’une indemnité d’occupation : Civ. 3e, 24 févr. 1999, no 97-11554).
La résolution est précédée d’une mise en demeure mentionnant expressé-
ment la clause résolutoire. Cependant, la clause peut prévoir que la résolution
résulte du seul fait de l’inexécution et donc sans mise en demeure préalable.
La clause résolutoire peut être stipulée au profit d’une seule partie, de
sorte que son cocontractant ne peut se prévaloir de l’acquisition de la clause
(Civ. 3e, 27 avr. 2017, no 16-13625).
Par principe, la clause résolutoire produit ses effets de plein droit soit
à l’issue du délai d’exécution laissé par la mise en demeure soit dès l’inexé-
cution. Par conséquent, l’interruption de toute action en justice à raison de
l’ouverture d’une procédure collective ne fait pas obstacle à l’action aux fins
de constat de la résolution d’un contrat de crédit-bail par application d’une

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clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement
d’ouverture de la liquidation judiciaire du crédit-preneur (Com. 18 nov. 2014,
no 13-23997).
Le créancier de mauvaise foi ne peut se prévaloir de la clause résolu-
toire, par exemple, lorsque le débiteur pouvait penser ne pas devoir payer ou
bénéficier d’un délai (créancier qui met des années avant d’agir) ou lorsque le
but du créancier est de nuire au débiteur (l’empêcher d’exercer une activité
concurrente).
Par dérogation au droit commun, la résolution du bail commercial n’est
effective qu’un mois après un commandement de payer (huissier) visant la
clause résolutoire et demeuré infructueux (c. com. art. L. 145-41 ; pour le bail
d’habitation : L. 6 juill. 1989, art. 7). Tant que la résolution n’est pas consta-
tée par le juge, le locataire peut obtenir un délai de paiement, et l’ouverture
d’une procédure collective fait obstacle à la résolution.

C. La résolution unilatérale par notification


« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notifi-
cation. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant
de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable » (art. 1226, al. 1er).
La résolution unilatérale exige trois conditions : (i) une inexécution suffi-
samment grave ;
(ii) sauf en cas d’urgence, une mise en demeure précisant qu’à défaut
pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de
résoudre le contrat ;
(iii) une notification motivée de la décision de résolution.
La gravité des manquements paraît justifier la résiliation sans mise en
demeure, même lorsque celle-ci est prévue par le contrat (Civ. 3e, 8 févr. 2018,
no 16-24641 ; Com. 9 juill. 2019, no 18-14029). Ces solutions sont contestables dès
lors que la résiliation par notification est supplétive : elle peut être exclue par
le contrat ou, au contraire, être toujours subordonnée à une mise en demeure
ou à un manquement particulier.
La méconnaissance de l’une des conditions (gravité, mise en demeure,
notification) engage évidemment la responsabilité du créancier qui agit à
ses risques et périls. Le juge doit aussi pouvoir faire échec à la résolution,
notamment lorsque l’inexécution n’était pas suffisamment grave, et ordon-
ner la poursuite du contrat.

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II. Les effets de la résolution

Partie 1 • Les sources d’obligations


« La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la
clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification
faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assi-
gnation en justice » (art. 1229, al. 2). Il est mis fin au contrat à ces dates.
Pour le passé, les prestations échangées donnent lieu à restitution si elles
avaient une utilité dans l’exécution complète du contrat. Cela concerne les
contrats instantanés (vente, prestation de service) mais aussi à exécution
successive si l’exécution de toutes les obligations étaient utiles. En revanche,
si les prestations échangées ont eu une utilité jusqu’à l’inexécution, elles
sont maintenues pour la période où le contrat a été régulièrement exécuté
(bail, travail), la sanction étant alors qualifiée de résiliation. Par exemple,
doit être cassé l’arrêt qui prononce l’anéantissement rétroactif du contrat de
construction de maison individuelle, alors que ce contrat n’est pas à exécution
instantanée, que le maître d’ouvrage avait conservé la construction pour en
achever la réalisation, et que la situation devait être apurée entre les parties
par équi­valent (Civ. 3e, 13 nov. 2014, no 13-18937).
« La résolution n’affecte ni les clauses relatives au règlement des diffé-
rends, ni celles destinées à produire effet même en cas de résolution, telles les
clauses de confidentialité et de non-concurrence » (art. 1230). Cela vaut pour la
clause pénale (Com. 22 mars 2011, no 09-16660) et pour la clause limitative
de responsabilité qui restent applicables en cas de résolution (Com. 7 févr.
2018, no 16-20352).
À la différence du contrat annulé qui est censé n’avoir jamais existé,
l’article 1229 n’évoque pas la rétroactivité de la résolution et, en particulier,
son effet à l’égard des tiers. Ainsi, les droits réels (hypothèque) consentis par
l’acheteur d’un contrat résolu sont maintenus (Civ. 3e, 5 nov. 2008, pourvoi
no 07-17357 ; cep. la solution est la même en cas d’annulation : Civ. 3e, 7 avr.
2016, no  14-24164 ; contra, Civ. 3e, 7 janv. 2016, pourvoi no 14-18360).

§ 5. La responsabilité contractuelle


La responsabilité contractuelle est l’obligation pour le débiteur de réparer
les préjudices causés au créancier et résultant de l’inexécution de son obliga-
tion contractuelle. La responsabilité est contractuelle si (i) le responsable et
la victime sont liés par un contrat et (ii) les dommages résultent de l’inexé-
cution du contrat.
La responsabilité est subordonnée à trois conditions : (i) un manquement
contractuel (fait générateur), (ii) un préjudice réparable, (iii) un lien de causa-
lité entre le manquement et le préjudice.

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I. Le manquement contractuel
A. La détermination de l’obligation contractuelle
Il appartient aux parties de définir dans le contrat leurs obligations respec-
tives. Néanmoins, certaines obligations sont imposées par la loi selon le
type de contrat (par ex., la garantie légale de conformité dans les contrats
de consommation). La jurisprudence peut elle-même créer des obligations
(obligation de sécurité, devoir d’information, de conseil et de mise en garde)
et en fixer les contours aux fins d’en caractériser l’inexécution (art. 1231-1).
Par exemple, l’obligation de sécurité ne s’impose que pendant l’exécution du
contrat. En dehors, la responsabilité est extracontractuelle. L’obligation de
sécurité du transporteur n’existe ainsi qu’à partir du moment où le voyageur
commence à monter dans le véhicule et jusqu’au moment où il achève d’en
descendre (Civ. 1re, 7 mars 1989, no 87-11492, Valverde).

B. L’intensité de l’obligation contractuelle


1. Typologie
L’obligation est de moyens lorsqu’il appartient au créancier de prouver
que le débiteur n’a pas pris les mesures nécessaires pour fournir la prestation
attendue. Par exemple, l’association organisatrice d’une fête, débitrice d’une
obligation de sécurité de moyens envers les participants, ne commet aucune
faute dès lors qu’elle a conclu un contrat de partenariat avec une société de
surveillance aux termes de laquelle celle-ci devait fournir cinq agents de
sécurité et un maître-chien, etc. (Civ. 1re, 18 juin 2014, no 13-14843).
L’obligation est de moyens renforcée lorsque c’est au débiteur de prouver
qu’il a pris les mesures nécessaires pour accomplir la prestation attendue.
Le débiteur peut s’exonérer en prouvant qu’il n’a pas commis de faute. Par
exemple, le restaurateur qui met à la disposition de sa clientèle une aire de
jeux pour enfants ne commet pas de faute en prouvant que cette aire est
conforme à la réglementation en vigueur, n’est pas défectueuse, et que la clien-
tèle a été informée que son utilisation devait se faire sous la surveillance des
parents (Civ. 1re, 10 juill. 2014, no 12-29637). En cas de perte ou de détérioration
de la chose déposée, c’est au dépositaire de prouver qu’il y est étranger, en
établissant qu’il n’a pas commis de faute (c. civ. art. 1927 ; Civ. 1re, 14 oct. 2010,
no 09-16967). Le locataire répond des dégradations des lieux loués, à moins qu’il
ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute (art. 1732). Il répond de l’incendie
sauf si celui-ci résulte d’un cas de force majeure, d’un vice de construction
ou d’une communication d’incendie (art. 1733 – obligation de résultat).
L’obligation est de résultat lorsque l’inexécution résulte du seul défaut
de la prestation attendue. Le débiteur peut s’exonérer en prouvant un cas de
force majeure ou la faute de la victime. Par exemple, le transporteur ferro-
viaire est tenu envers les voyageurs d’une obligation de sécurité de résultat

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Partie 1 • Les sources d’obligations
(Civ. 1re, 11 déc. 2019, no 18-13840). Le garagiste, réparateur professionnel, est
tenu d’une obligation de résultat quant au bon fonctionnement du véhicule
(Civ. 1re, 5 févr. 2014, no 12-23467). Le professionnel chargé de la maintenance
d’une porte automatique d’accès à un parking ou de réparer un ascenseur est
tenu d’une obligation de sécurité de résultat (Civ. 3e, 5 nov. 2020, no  19-10857 ;
Civ. 1re, 15 juill. 1999, no 96-22796). Le professionnel est responsable de plein
droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résul-
tant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient exécutées par le
professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services
(c. cons. art. L. 221-15 ; pour l’agence de voyages : c. tour. art. L. 211-16).
2. Critères
Trois critères permettent de déterminer si l’obligation est de moyens ou
de résultat :
• (i) Les stipulations du contrat peuvent préciser l’intensité de l’obligation.
Toutefois, la stipulation d’une obligation de moyen qui contredit une obliga-
tion légale est une clause limitative de responsabilité dont la validité peut
être contestée (v. infra). Les parties sont toujours libres de renforcer une
obligation. En particulier, le contrat peut exclure tout moyen d’exonéra-
tion, notamment par la force majeure dont l’application n’est pas d’ordre
public ;
• (ii) Lorsque la prestation due par le débiteur échappe à tout aléa, l’obliga-
tion est de résultat (obligation d’information, obligation de livrer, obligation
de non-concurrence). L’obligation est de moyen si le résultat ne peut pas
être garanti. Le devoir de conseil de l’avocat est une obligation de moyen
en raison de l’aléa judiciaire ;
• (iii) Selon que le créancier a un rôle actif ou passif, l’obligation sera de
moyen ou de résultat. Par exemple, l’exploitant d’un télésiège est tenu d’une
obligation de sécurité de résultat, sauf lors de l’embarquement et du débar-
quement, périodes pendant lesquelles l’obligation est de moyen (Civ. 1re,
11 juin 2002, no 00-10415).

II. Le préjudice réparable


A. L’exigence d’une mise en demeure
« À moins que l’inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus
que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s’exécuter dans un délai
raisonnable » (art. 1231). Par exemple, tant que le déposant n’a pas été mis en
demeure de restituer la chose, le préjudice résultant du retard dans la restitu-
tion n’est pas réparable. La jurisprudence est parfois plus souple (Ch. mixte,
6 juill. 2007, no 06-13823 ; Civ. 3e, 4 juin 2014, no 13-12314). Le contrat peut en
outre stipuler qu’une mise en demeure préalable n’est pas nécessaire.

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B. Les conditions de la réparation du préjudice
Comme en responsabilité extracontractuelle, les juges du fond ont un
pouvoir souverain pour reconnaître l’existence du préjudice et l’évaluer. La
Cour de cassation exerce un contrôle sur les chefs de préjudice réparable,
le respect du principe de la réparation intégrale et les caractères du préju-
dice réparable. Par exemple, doit cassé l’arrêt ayant retenu qu’une personne
morale ne peut prétendre à la réparation d’un préjudice moral (Com. 15 mai
2012, no 11-10278). Méconnait le principe de la réparation intégrale, l’arrêt qui
condamne le vendeur dont le produit a pollué la cuve de l’acheteur à dépol-
luer celle-ci tout en lui accordant une somme destinée à remplacer la cuve
inutilisable (Com. 5 mai 2015, no 14-11148).
Comme en responsabilité extracontractuelle, seul est réparable le préjudice
direct, personnel, certain et qui porte atteinte à un intérêt licite. S’ajoute à ces
conditions, celle du caractère prévisible du dommage (art. 1231-3). Le trans-
porteur ne pouvant pas prévoir les raisons du voyage, le voyageur ne peut, en
cas de retard, prétendre à une indemnisation pour les préjudices liés au but
de son trajet (prendre un avion : Civ. 1re, 28 avr. 2011, no 10-15056 ; plaider au
tribunal : Civ. 1re, 26 sept. 2012, no 11-13177). En revanche, le préjudice résul-
tant de frais financiers dus au retard de paiement du prix est prévisible (Com.
4 juill. 2006, no 04-19577). La preuve d’une faute lourde ou d’une faute dolosive
supprime la condition du caractère prévisible du préjudice (v. infra).

C. Les intérêts moratoires


« Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obliga-
tion de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise
en demeure » (art. 1231-6). La créance doit être certaine, liquide et exigible.
Le créancier n’a pas à prouver que le retard lui cause un préjudice, sauf à
prétendre à l’indemnisation d’un préjudice indépendant du retard qui en est
néanmoins la suite (p. ex., des frais financiers). Le créancier doit mettre en
demeure son débiteur de payer pour faire courir les intérêts moratoires. La
condition de mise en demeure est supplétive. La règle vaut pour toute obliga-
tion de payer une somme d’argent (prix, loyers, restitution du prix consé-
cutive à la résolution d’un contrat…). Ainsi, la partie qui doit restituer une
somme qu’elle détenait en vertu d’une décision de justice exécutoire n’en
doit les intérêts au taux légal qu’à compter de la notification, valant mise en
demeure, de la décision ouvrant droit à restitution (Ass. plén. 3 mars 1995,
no 91-19497). Une créance d’indemnité (i.e. de dommages-intérêts que l’obli-
gation soit contractuelle ou extracontractuelle) emporte intérêts au taux légal
à compter de la condamnation du débiteur (art. 1231-7).

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III. Les clauses portant sur la responsabilité

Partie 1 • Les sources d’obligations


A. Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité
Par principe, les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité
contractuelle sont valables, alors qu’elles sont nulles en matière extracontrac-
tuelle. La clause limitative peut restreindre les conditions de la responsabi-
lité (par ex., subordonner la responsabilité à une faute grave) ou en limiter les
effets (plafond d’indemnisation). La clause exonératoire exclut la responsabi-
lité du débiteur. Les moyens sont nombreux pour évincer une clause limita-
tive ou exonératoire.
1. Le caractère impératif de la responsabilité contractuelle
Le contrat ne peut déroger aux conditions de la responsabilité contrac-
tuelle lorsqu’elles sont d’ordre public. Par exemple, toute clause qui a pour
objet d’exclure ou de limiter la responsabilité du constructeur (garantie décen-
nale, garantie biennale de bon fonctionnement, garantie de parfait achève-
ment) est réputée non écrite (c. civ. art. 1792-5 ; v. aussi pour le dépôt hôtelier :
art 1953, al. 2). De même, il résulte des articles 23.5 et 41.1 de la Convention
relative au contrat de transport international de marchandises par route que
la clause qui exonère le transporteur de toute responsabilité pour retard est
nulle (Com. 9 mai 2018, no 17-13030).
En revanche, la garantie des vices cachés dans la vente n’est pas d’ordre
public (art. 1643). Par exception, la clause exclusive de la garantie des vices
cachés est nulle si le contrat est conclu entre un professionnel et un particu-
lier, ou entre deux professionnels qui ne sont pas de la même spécialité (sans
que le juge ait à vérifier si la clause prive de sa substance l’obligation essen-
tielle du vendeur : Com. 19 mars 2013, no 11-26566).
2. Le déséquilibre significatif
La clause limitative ou exonératoire de responsabilité qui a pour effet de
créer un déséquilibre significatif est réputée non écrite (v. supra, les clauses
abusives). Dans les contrats conclus entre des professionnels et des consom-
mateurs, la clause qui supprime ou réduit le droit à réparation du préjudice
subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une
quelconque de ses obligations est de manière irréfragable présumée abusive
(c. cons. art. R. 212-1, 6°), peu importe le caractère principal ou accessoire
de l’obligation contractuelle concernée (Civ. 1re, 3 mai 2006, no 04-16698).
3. L’atteinte portée à la substance d’une obligation essentielle
La clause limitative ou exonératoire de responsabilité est réputée non
écrite si elle prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur (v.
supra, c. civ. art. 1170).

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4. La faute lourde et la faute dolosive
Le débiteur commet une faute dolosive lorsqu’il méconnaît délibérément
ses obligations contractuelles. Peu importe qu’il ait eu ou non l’intention de
nuire au créancier, i.e. la volonté de causer le dommage. Commet une faute
dolosive le transporteur qui a recours, pour l’exécution de sa prestation, à un
sous-traitant, malgré l’engagement de ne pas y recourir. Mais encore faut-il
que la faute soit à l’origine du préjudice subi par l’expéditeur (Com. 13 sept.
2017, no 16-10596). À défaut, la limitation de responsabilité est applicable. La
faute dolosive du préposé est assimilée à une faute dolosive du débiteur (par
ex., en cas de vol commis par le salarié du prestataire).
La faute lourde est caractérisée par un comportement d’une extrême
gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obliga-
tion à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il avait acceptée. La
négligence du débiteur est telle qu’elle est équipollente au dol. La faute lourde
ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle
essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur
(Com. 29 juin 2010, no 09-11841, Faurecia). Ne commet pas une faute lourde,
le transporteur qui, bien qu’ayant connaissance de la valeur des marchan-
dises, n’a reçu aucune instruction particulière relative à leur sécurité, et dont
le chauffeur s’est arrêté quinze minutes sur une aire d’autoroute non gardée
(Com. 1er avr. 2014, no 12-14418).

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Partie 1 • Les sources d’obligations
En matière de transport de marchandises, la faute lourde a été rempla-
cée par la faute inexcusable définie comme la faute délibérée qui implique
la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire
sans raison valable (c. com. art. L. 133-8). Par exemple, le fait de station-
ner le camion de nuit, sur un site isolé et non surveillé, en pleine campagne,
alors que le chargement se trouve dans une remorque non cadenassée, est
une faute inexcusable (Com. 21 nov. 2018, no 17-17468).
La faute dolosive, la faute lourde ou la faute inexcusable font obstacle à la
clause limitative ou exonératoire de responsabilité. En revanche, la disposi-
tion contractuelle abrégeant le délai de prescription reçoit application même
en cas de faute lourde (Com. 12 juill. 2004, no 03-10547).

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B. La clause pénale
La clause pénale fixe à l’avance une somme forfaitaire à titre de
dommages-intérêts en cas d’inexécution du contrat. Le créancier n’a donc
pas à prouver l’existence d’un préjudice. Le débiteur est tenu de payer cette
pénalité même si le préjudice subi par le créancier est moindre. À l’inverse,
la clause peut avoir l’effet d’une limitation de responsabilité.
Par exemple, la clause du prêt, qui prévoit que l’emprunteur sera tenu de
payer une indemnité forfaitaire de 7 % sur le montant des sommes exigibles
si le prêteur a recours à un avocat pour exercer des poursuites, doit être
qualifiée de clause pénale (Com. 4 mai 2017, no 15-19141). L’indemnité d’occu-
pation égale au double du loyer, prévue au bail en cas de maintien dans les
lieux après la résolution du contrat, est une clause pénale (Civ. 3e, 8 avr. 2010,
no 08-20525). En revanche, la stipulation d’une indemnité d’immobilisation,
qui n’a pas pour objet de contraindre une partie à exécuter son obligation, ne
constitue pas une clause pénale (Civ. 3e, 30 avr. 2002, no 00-16422).
La qualification de clause pénale est importante car le juge peut, même
d’office, modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifeste-
ment excessive ou dérisoire (art. 1231-5). Le juge peut aussi réduire la pénalité
à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans
préjudice de l’application de son pouvoir général de révision. Le pouvoir de
révision est d’ordre public. Si le juge peut discrétionnairement refuser la
révision, il doit motiver sa décision de réviser au regard du caractère manifes-
tement excessif ou dérisoire de la pénalité. Enfin, la pénalité ne s’applique que
s’il y a inexécution. Sauf inexécution définitive ou sauf stipulation contraire,
la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.

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Titre 2
La responsabilité
extracontractuelle

Introduction

I. La notion de responsabilité civile


La responsabilité civile est l’obligation par laquelle une personne est tenue
de réparer le dommage subi par autrui. La fonction principale de la respon-
sabilité civile réside dans la réparation d’un dommage, ce qui n’exclut pas
qu’elle puisse avoir une fonction punitive et une fonction préventive dont
l’intensité dépend du fondement de la responsabilité (fonction punitive de la
responsabilité fondée sur la faute ; fonction préventive de la responsabilité
fondée sur le risque-profit).

II. Responsabilité civile contractuelle et extracontractuelle


Selon une certaine doctrine, la notion de responsabilité contractuelle est
contestable car les dommages-intérêts dus en cas d’inexécution du contrat ne
visent pas tant à réparer un dommage qu’à procurer au créancier l’équivalent
de la prestation attendue. S’il est vrai que la responsabilité contractuelle est
soumise à certaines règles particulières (mise en demeure préalable, prévi-
sibilité du dommage, clauses portant sur la responsabilité), sa fonction réside
dans la réparation du dommage causé par l’inexécution d’un contrat. Elle est
conditionnée par le triptyque : fait générateur, préjudice, lien de causalité.
Ainsi, la faute contractuelle n’implique pas nécessairement l’existence d’un
dommage en relation de cause à effet avec cette faute (Civ. 2e, 11 sept. 2008,
no 07-20857 ; Civ. 1re, 22 nov. 2017, no 16-27551).

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A. Le principe d’exclusion des responsabilités contractuelle
et extracontractuelle
1. La présentation du principe
La responsabilité est contractuelle si deux conditions sont réunies :
• (i) la victime et l’auteur du dommage sont liés par un contrat ;
• (ii) le dommage résulte de l’inexécution du contrat.
Si ces conditions sont réunies, la victime ne peut agir en réparation de son
dommage que sur le fondement contractuel. Dans le cas contraire, elle ne
peut agir que sur le fondement extracontractuel. C’est le principe jurispru-
dentiel d’exclusion des responsabilités contractuelle et extracontractuelle :
la victime ne peut pas choisir entre ces deux fondements de la responsabilité
(non-option), ni bénéficier de la responsabilité extracontractuelle si le défen-
deur n’est pas responsable sur le fondement contractuel ou si son indemni-
sation sur ce fondement est insuffisante (non-cumul).
En pratique, le demandeur a intérêt à porter son action sur le fondement
contractuel et, à titre subsidiaire, sur le fondement extracontractuel. En effet,
il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première
demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci
(Ass. plén. 7 juill. 2006, Césaréo, no 04-10672). Une nouvelle demande fondée
sur un autre moyen sera irrecevable à raison de l’autorité de la chose jugée.

2. L’application du principe
Par exemple, l’enfant (client) qui a été blessé alors qu’il utilisait une aire de
jeux mise à disposition de la clientèle d’un restaurant ne peut agir en répara-
tion de son dommage contre le restaurateur que sur le fondement contractuel
(Civ. 1re, 28 juin 2012, no 10-28492). La SNCF qui a loué un véhicule n’engage sa
responsabilité à l’égard du loueur, en raison du dommage subi par le véhicule
loué lors de son transport en train, que sur le fondement contractuel, à savoir
l’article 1732 du code civil et non l’article 1242, alinéa 1er, le premier prévoyant
une responsabilité pour faute présumée et le second une responsabilité sans
faute (Civ. 1re, 19 mars 2002, no 00-13971). Par contre, la victime par ricochet
n’étant pas liée par un contrat avec le débiteur de l’obligation inexécutée, elle
ne peut ni se voir opposer les règles de la responsabilité contractuelle (Civ. 2e,
23 oct. 2003, no 01-15391), ni s’en prévaloir (Civ. 1re, 28 sept. 2016, no 15-17033).
Après avoir jugé qu’une entreprise de distribution est débitrice à l’égard
de la clientèle d’une obligation de sécurité de résultat sur le fondement de
l’article L. 421-3 du code de la consommation, la première chambre civile a fait
machine arrière (Civ. 1re, 9 sept. 2020, no 19-11882). Force est de constater que
le client potentiel qui pénètre sur le parking ou dans les locaux d’un magasin
ne conclut pas un contrat avec l’exploitant. Les « accidents de magasin » (à l’ins-
tar des « accidents de gare », cf. arrêt Valverde) relèvent de la responsabilité

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Partie 1 • Les sources d’obligations
extracontractuelle. Et l’article L. 421-3 n’instaure pas un régime de respon-
sabilité autonome distincte de la responsabilité du fait des produits défec-
tueux et de la responsabilité du fait des choses, à la différence de régimes
spéciaux de responsabilités contractuelles profitant au consommateur (c. cons.
art. L. 221-15 ; c. tour. art. L. 211-16).

B. L’assimilation de la faute contractuelle à une faute


extracontractuelle
« Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabi-
lité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a
causé un dommage » (Ass. plén. 4 oct. 2006, Bootshop, no 05-13255). L’inexécution
d’un contrat est une faute contractuelle, mais aussi une faute extracontrac-
tuelle au sens de l’article 1240 du code civil. Cette solution a été critiquée :
• d’abord, on conçoit mal que tout manquement contractuel soit un manque-
ment à un devoir général de prudence et diligence. Certaines obligations
sont strictement contractuelles, elles n’existent que pour le créancier et
ne profitent qu’à lui (obligation de ponctualité du transporteur ; devoir de
conseil du prestataire informatique) ;
• ensuite, le tiers est mieux protégé que le créancier. Il profite des règles de
la responsabilité contractuelle (car s’il y a faute contractuelle, il y a forcé-
ment faute extracontractuelle) et de la responsabilité extracontractuelle
(par ex., le dommage n’a pas à être prévisible ; en l’absence d’inexécution
du contrat, il pourra se prévaloir de la responsabilité extracontractuelle de
plein droit du fait des choses). De surcroît, les clauses portant sur la respon-
sabilité lui sont inopposables, alors même qu’elles justifient l’intensité des
engagements du débiteur à l’égard du créancier.
L’arrêt Dalkia a remis en cause l’arrêt Bootshop en retenant que le seul
manquement à une obligation contractuelle de résultat de livrer un ouvrage
conforme et exempt de vices ne suffit pas à caractériser une faute délictuelle
(Civ. 3e, 18 mai 2017, no 16-11203, Dalkia ; déjà en ce sens : Civ. 1re, 28 sept. 2016,
no 15-17033 ; Com. 18 janv. 2017, no 14-16442). Si la faute contractuelle résulte
du manquement à une obligation de résultat, le tiers ne peut plus s’en préva-
loir, il doit prouver que le débiteur a commis une faute délictuelle, i.e. un
manquement à un devoir général de prudence et de diligence qui ne découle
pas de la seule inexécution contractuelle. Toutefois, ce raisonnement n’a pas
été suivi par la première chambre civile (Civ. 1re, 24 mai 2017, no 16-14371 ;
Civ. 1re, 19 sept. 2018, no 16-20164). Finalement, la position de l’arrêt Bootshop
a été solennellement réaffirmée (Ass. plén. 13 janv. 2020, no 17-19963).

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III. Responsabilité civile et responsabilité pénale

A. La distinction des responsabilités pénale et civile


La fonction principale de la responsabilité pénale est punitive. L’application
d’une peine impose que seule une faute constitutive d’un crime, d’un délit ou
d’une contravention puisse engager la responsabilité pénale. Cette faute doit
être définie précisément par la loi ou, pour les contraventions, par le règle-
ment, conformément au principe constitutionnel et conventionnel de légalité
des délits et des peines. De son côté, la faute civile n’a pas à être définie par la
loi : « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui
par la faute duquel il est arrivé à le réparer » (c. civ. art. 1240).
La commission d’une infraction pénale porte atteinte aux intérêts de la
société, et pas seulement à la victime, ce qui justifie le recours à la procédure
pénale (recherche des preuves par la police, action publique du ministère
public, juridictions pénales, exécution des peines). C’est en principe à la victime
de rapporter la preuve des conditions de la responsabilité civile. Mais si les
faits sont susceptibles d’une qualification pénale, la police judiciaire procé-
dera à une enquête aux fins de réunir des preuves qui serviront à démontrer
non seulement une faute pénale mais aussi faute civile. Toute faute pénale
est une faute civile. En outre, la victime d’une infraction peut déclencher
l’action publique et exercer l’action civile devant les tribunaux pénaux (CPP
art. 1er et 2e).

B. Les interactions entre les responsabilités pénale et civile


En cas de condamnation pénale, le juge répressif doit se prononcer sur
l’action civile exercée devant lui par la victime, et condamner l’auteur de
l’infraction et/ou le civilement responsable à des dommages-intérêts. Si la
victime a exercé l’action civile devant le tribunal judiciaire, le juge civil doit
surseoir à statuer tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action
publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement et qu’elle est suscep-
tible d’avoir une influence sur le procès civil (CPP art. 4). C’est la règle selon
laquelle le criminel tient le civil en l’état. En cas de condamnation pénale,
le juge civil a l’obligation de retenir la faute civile en vertu de l’autorité de
la chose jugée au pénal sur le civil (Civ. 2e, 17 déc. 1998, no 96-22614 ; Civ. 1re,
24 oct. 2012, no 11-20442).
En l’absence de condamnation pénale, il faut distinguer selon que le
prévenu a été relaxé du chef d’une infraction intentionnelle ou non-inten-
tionnelle (homicide ou blessures involontaires). En vertu de l’article 4-1 du
code de procédure pénale, l’absence de faute pénale non intentionnelle au
sens de l’article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l’action civile devant
les juridictions civiles fondée sur la responsabilité pour faute d’imprudence
(c. civ. art. 1241) ou pour faute inexcusable de l’employeur (CSS art. L. 452-1).

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Partie 1 • Les sources d’obligations
Si le juge pénal a été saisi de l’action civile, il demeure compétent, même en
cas de relaxe, pour accorder, en application des règles du droit civil, répara-
tion de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite pour
une infraction non intentionnelle (CPP art. 470-1). Ces dispositions consacrent
la dualité (ou absence d’unité) des fautes pénale et civile d’imprudence : la
faute pénale d’imprudence est une faute civile mais une faute civile d’impru-
dence peut exister en l’absence de toute faute pénale.
En cas de relaxe ou d’acquittement du chef d’une faute pénale intention-
nelle, seule une faute civile distincte de la faute pénale peut être caractéri-
sée par le juge civil. De son côté, le juge pénal ne peut plus se prononcer sur
l’action civile, même si le dossier pénal révèle une faute civile. Par exception,
la partie civile peut obtenir réparation du dommage à condition que celui-ci
résulte d’une faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de
la poursuite (Crim. 11 mars 2014, no 12-88131 ; Crim. 10 mai 2017, no  15-86906 ;
Crim. 1er avr. 2020, no 19-80069). En d’autres termes, l’élément matériel de
l’infraction pénale doit être caractérisé sans pour autant que la responsabi-
lité pénale ne soit engagée.

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Sous-titre 1
Les conditions générales
de la responsabilité civile

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Chapitre 1
Le dommage

Section 1. Les conditions du préjudice réparable

Les préjudices sont la traduction juridique des conséquences d’un dommage.


Ce sont les intérêts patrimoniaux ou extrapatrimoniaux lésés de la victime.
Pour être réparable, le préjudice doit être direct, personnel, certain et porter
atteinte à un intérêt licite. En responsabilité contractuelle, le préjudice est
réparable s’il est en outre prévisible (v. supra).

§ 1. Le préjudice direct


Le préjudice doit être la suite immédiate et directe du fait générateur de
responsabilité. Cette condition ne présente pas d’intérêt par rapport à la condi-
tion du lien de causalité. Par exemple, « les droits de mutation après décès (de la
victime) ne constitue pas un élément du préjudice né directement de l’infraction »
(Crim. 29 avr. 2014, no 13-80693).
La condition du préjudice direct invite à s’intéresser aux prédispositions de
la victime, qui sont toute particularité génétique, physiologique, psychologique
ou comportementale de nature à influer sur le risque de dommage. Lorsque
les prédispositions se sont déjà traduites par des manifestations extérieures
mesurables antérieurement à l’accident celles-ci ne sont pas réparables.
Ainsi, si la victime était déjà atteinte d’une pathologie, seule l’aggravation
de cette pathologie en raison du fait dommageable est réparable, à l’exclu-
sion des préjudices même postérieurs à l’accident dès lors qu’ils sont la suite
de l’état antérieur de la victime.
En revanche, les préjudices sont réparés intégralement si l’accident n’a
pas seulement aggravé la pathologie préexistante mais a causé une patholo-
gie nouvelle ou a radicalement transformé la nature de la pathologie (Civ. 2e,

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28 juin 2012, no 11-18720, invalidité nouvelle rendant nécessaire l’assistance
permanente d’une tierce personne ; Civ. 1re, 28 oct. 1997, no 95-17274, perte
totale de la vue pour une victime déjà atteinte de cécité d’un œil).
L’indemnisation de la victime ne saurait non plus être réduite en raison
d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est résulté n’a
été provoquée ou révélée que par l’accident. Ainsi, la prédisposition psycho-
logique de la victime ne fait pas obstacle à la réparation de tous ses préju-
dices dès lors que les troubles se sont révélés après l’accident (Civ. 2e, 19 mai
2016, no 15-18784 ; Civ. 2e, 13 juill. 2006, no 04-19380). La pathologie qui ne s’est
pas extériorisée avant le fait dommageable et n’a été révélée que par celui-ci
doit être indemnisée, à moins qu’il soit démontré qu’elle se serait révélée
dans un délai prévisible (Crim. 11 janv. 2011, no 10-81716 ; Civ. 2e, 6 févr. 2014,
no 13-11074 ; Civ. 2e, 20 mai 2020, no 18-24095). Doit être cassé l’arrêt qui limite à
50 % la réparation des préjudices consécutifs de la valvulopathie mitrale de la
victime en raison d’une prédisposition pathologique sans constater que cette
pathologie s’était révélée avant l’exposition au Mediator ou se serait manifes-
tée de manière certaine indépendamment de la prise de ce produit (Civ. 1re,
22 nov. 2017, no 16-23804).

§ 2. Le préjudice personnel


C’est une lapalissade : la victime ne peut demander l’indemnisation que des
préjudices qui lui sont propres, qu’elle a subi personnellement. Cette condi-
tion ne s’oppose pas à la réparation du préjudice par ricochet et à la transmis-
sion de la créance d’indemnité aux héritiers de la victime. Par exception, la
loi admet la réparation de l’atteinte portée à des intérêts collectifs.

I. Le préjudice par ricochet


A. La notion de préjudice par ricochet
Le préjudice par ricochet est le préjudice personnel que subit une victime
par ricochet en raison du dommage subi par une victime directe. Le préju-
dice par ricochet suppose un lien affectif entre la victime par ricochet et la
victime directe. Toutefois, la preuve d’un lien d’affection particulier n’a pas
à être rapportée (Civ. 2e, 4 juill. 2013, no 12-24164). Un lien de droit n’est pas
exigé, de sorte qu’un concubin peut avoir la qualité de victime par ricochet
(Ch. mixte, 27 févr. 1970, no 68-10276, Dangereux ; même en cas d’adultère :
Crim. 19 juin 1975, no 74-92363). La qualité de conjoint de la victime directe
ne suffit d’ailleurs pas si les époux, séparés de fait, n’ont aucun lien affectif
ou matériel résultant de l’exécution du devoir de secours ou de la contribu-
tion aux charges du mariage (Civ. 2e, 7 mai 2002, no 00-15123).

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Partie 1 • Les sources d’obligations
En principe, le préjudice par ricochet ne peut pas résulter d’un lien stric-
tement économique (par ex. le préjudice par ricochet subi par le créancier de
la victime ; cep., pour un producteur : Civ. 2e, 14 juin 2012, Taxi 2, no 11-13347,
v. aussi la jurisprudence Bootshop).
Le préjudice par ricochet peut être de deux ordres, à savoir :
(i) Soit résulter du rapport avec la victime directe :
• préjudice moral d’affection en raison de la perte d’un être cher, des
souffrances ou de l’infirmité subies par celui-ci ;
• préjudice de perte de revenus ou de subsides en raison du décès de la
victime directe (Civ. 2e, 3 oct. 2013, no 12-23377). En revanche, si la victime
directe a survécu, le préjudice financier par ricochet est déjà indemnisé au
titre de la réparation des préjudices directs (Civ. 2e, 8 juin 2017, no 16-17319).
Par ailleurs, la circonstance que le conjoint ou le concubin survivant de
la victime d’un accident ait reconstitué un foyer avec une tierce personne
n’est pas de nature à dispenser le tiers responsable de réparer l’intégralité
du préjudice économique (Crim. 29 juin 2010, no 09-82462) ;
• le préjudice d’accompagnement de fin de vie qui indemnise les troubles
dans les conditions d’existence d’un proche qui partageait habituellement
une communauté de vie affective et effective avec la victime avant son
décès (Civ. 2e, 21 nov. 2013, no 12-28168) ;
(ii) Soit résulter de l’atteinte à l’intégrité physique et psychique de la
victime par ricochet, réparée au titre des souffrances endurées et du déficit
fonctionnel permanent (Crim. 2 avr. 2019, no 18-81917).

B. Le régime du préjudice par ricochet


Le préjudice par ricochet est autonome par rapport au préjudice direct.
L’auteur du dommage peut ainsi être responsable du dommage subi par la
victime directe sans être responsable du dommage par ricochet, et inverse-
ment. En particulier, l’action des victimes par ricochet est toujours fondée
sur la responsabilité extracontractuelle (Civ. 2e, 23 oct. 2003, no 01-15391).
Par dérogation au principe d’autonomie du préjudice par ricochet, les
conditions d’indemnisation de la victime par ricochet peuvent être alignées
sur celles de la victime directe (pour les accidents du travail sur le fonde-
ment de l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale : Civ. 2e, 16 nov. 2006,
no 05-19463).
Surtout, l’action de la victime par ricochet procède du même fait générateur
que celle de la victime directe. Par conséquent la faute de la victime directe
a pour effet de réduire l’indemnisation de la victime par ricochet (Ass. plén.
19 juin 1981, no 79-11193 ; Civ. 2e, 12 déc. 2019, no 18-21360). En outre, la victime
par ricochet peut se voir opposer sa propre faute (Ch. mixte, 28 mars 1997,
no 93-11078, De Meyer ; Civ. 2e, 12 mai 2011, no 10-18 019).

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II. L’action des héritiers de la victime
Le droit à réparation du préjudice éprouvé par la victime avant son décès,
étant né dans son patrimoine, se transmet à ses héritiers (Ass. plén. 9 mai
2008, no 05-87379). Il en va ainsi alors même que la victime n’a pas introduit
d’action avant son décès.
Les héritiers ne peuvent toutefois obtenir réparation que des préjudices
subis par leur auteur de son vivant, ce qui appelle deux remarques.
D’une part, le décès de la victime n’est pas pour elle un préjudice réparable
faisant naître une créance d’indemnité dans son patrimoine (Crim. 26 mars
2013, no 12-82600 ; Crim. 5 oct. 2010, no 09-87385). Sont seules indemnisables
les souffrances précédant la mort et l’angoisse d’une mort éminente (mêmes
arrêts ; Crim. 23 oct. 2012, no 11-83770).
D’autre part, le décès de la victime fait obstacle à l’indemnisation des
préjudices futurs qui ne seront finalement pas subis. L’évaluation du préju-
dice devant être faite par le juge à la date où il se prononce, l’ayant-droit de la
victime est seulement fondé à réclamer l’indemnisation du déficit fonction-
nel subi par la victime pour la période écoulée jusqu’à son décès (Crim. 3 nov.
2004, no 04-80665 ; Crim. 13 nov. 2013, no 12-84838).

III. L’atteinte à un intérêt collectif


L’intérêt collectif réside dans la défense d’une cause, d’un impératif qui
dépasse l’intérêt personnel de la personne, physique ou morale, qui l’invoque
(défense des consommateurs, défense de l’environnement, défense des droits
de l’homme, lutte contre le racisme, contre le tabagisme, contre la corruption,
etc.). La loi reconnaît aux syndicats, aux ordres professionnels et à certaines
associations le droit d’agir en vue de la protection des intérêts collectifs qu’ils
défendent (v. not. CPP art. 2-1 et s.).

§ 3. Le préjudice certain


Seuls sont réparables les préjudices qui ont été subis et ceux qui se réalise-
ront, i.e. les préjudices présents et futurs. En revanche, le préjudice éventuel
dont la réalisation est hypothétique n’est pas réparable (Civ. 1re, 28 juin 2012,
no 11-19265 ; Com. 13 févr. 2019, no 17-14785). La condition de certitude ne
s’oppose pas à la réparation du risque de dommage et de la perte de chance.
La certitude du préjudice peut être subordonnée à la réalisation d’un événe-
ment distinct du fait dommageable si bien que la responsabilité est alors
subsidiaire.

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I. La certitude du risque

Partie 1 • Les sources d’obligations


Le risque de dommage peut d’abord entraîner un préjudice qui réside
dans le financement de mesures préventives. Ainsi, la mise en place d’une
« parade confortative » sur un fonds rendue nécessaire par les travaux réalisés
sur un fonds voisin constitue un préjudice (Civ. 2e, 15 mai 2008, no 07-13483).
Le dossier de diagnostic technique prévu à l’article L. 271-4 du code de la
construction et de l’habitation garantit l’acquéreur contre les risques qui y sont
mentionnés, de sorte qu’en cas de faute du diagnostiqueur, celui-ci est tenu de
réparer le préjudice certain correspondant au coût des travaux de désamian-
tage (Civ. 3e, 21 mai 2014, no 13-14891) ou des réparations nécessitées par la
présences d’insectes xylophages (Ch. mixte, 8 juill. 2015, no 13-26686 ; Civ. 3e,
15 oct. 2015, no 14-18077 ; comparer : l’erreur de diagnostic de performance
énergétique, n’ayant qu’une valeur informative, fait seulement perdre à l’ache-
teur une chance de réduction du prix : Civ. 3e, 21 nov. 2019, no 18-23251).
Le risque de dommage résultant du fait dommageable peut ensuite causer
à la victime un préjudice consécutif à la peur que le risque se réalise. Doit
être cassé l’arrêt qui n’a pas apprécié l’existence du préjudice d’un patient lié
à l’annonce de la défectuosité de la sonde cardiaque qui lui a été implantée
et à la crainte de subir d’autres atteintes graves jusqu’à l’explantation de sa
sonde (Civ. 1re, 19 déc. 2006, no 05-15719 ; mais désavouant cet arrêt en ce qu’il
exclut les préjudices consécutifs à l’explantation au motif qu’un suivi médical
aurait suffi : CJUE 5 mars 2015, Boston Scientific, C-503/13). La nomenclature
(Dintilhac) des préjudices résultant d’une atteinte à la personne prévoit le
préjudice lié à la conscience d’être atteint d’une maladie évolutive dont le
risque d’évolution constitue en lui-même un chef de préjudice distinct qui
doit être indemnisé en tant que tel (incertitude quant à son avenir, crainte de
subir des souffrances futures, réduction de l’espérance de vie, perturbations
de la vie personnelle). Tel est le cas de la victime contaminée par le virus de
l’hépatite C ou le VIH.
La jurisprudence va plus loin puisque le salarié qui justifie d’une exposi-
tion à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer
une pathologie grave subit un préjudice d’anxiété lié à la situation d’inquié-
tude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie
(Soc. 11 sept. 2019, no 17-25300). Le préjudice d’anxiété existe en l’absence de
toute maladie. Si le risque se réalise, les préjudices liés à la maladie seront
intégralement indemnisés y compris le préjudice lié au caractère évolutif de
la maladie.

II. La perte de chance


La perte de chance est la disparition actuelle et certaine d’une éventua-
lité favorable. Le fait dommageable a eu pour effet d’accroître le risque que
le dommage se réalise, à savoir le risque de ne pas obtenir un avantage ou

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d’éviter une perte. Mais ce risque (aléa) n’a pas été créé par le fait domma-
geable car, même en l’absence de celui-ci, le dommage aurait pu éventuel-
lement se produire.

A. La nature du dommage réparé au titre de la perte de chance


1. La perte de chance d’obtenir un avantage
La perte de chance d’obtenir un avantage est indemnisée à chaque fois que le
fait dommageable a réduit ou anéanti la probabilité d’obtenir cet avantage.
La perte de chance peut porter sur des gains professionnels en raison de
la perte de chance d’obtenir un emploi ou une promotion. Ainsi, l’accident qui
fait perdre à un étudiant en école de commerce ses capacités intellectuelles
lui fait perdre la chance de réussir ses études et la forte probabilité d’obte-
nir un emploi de cadre supérieur (Civ. 2e, 9 avr. 2009, no 08-15977). Le salarié
à temps partiel victime d’un accident perd la chance d’occuper un emploi à
temps plein (Crim. 18 févr. 2014, no 12-87629).
Le manquement à une obligation d’information ou de conseil peut entraî-
ner soit la perte de chance de conclure un contrat ou un contrat plus avanta-
geux, soit la perte de la chance de ne pas conclure. Il en va ainsi lorsqu’il n’est
pas certain que, mieux informé, le créancier aurait conclu ou non le contrat.
Ainsi, la faute du notaire peut conduire à l’indemnisation de la perte de chance
de recueillir les bénéfices de l’opération immobilière projetée (Civ. 1re, 5 févr.
2014, no 12-29476) ou de la perte de chance des vendeurs de renoncer à la vente
et de faire un meilleur choix (Civ. 1re, 30 oct. 2013, no 12-25763). Si le contrat a
été conclu, le préjudice résultant du manquement à une obligation précontrac-
tuelle d’information est constitué par une perte de chance de ne pas contrac-
ter ou de contracter à des conditions plus avantageuses, et non par une perte
d’une chance d’obtenir les gains attendus (Com. 31 janv. 2012, no 11-10834).
2. La perte de chance d’éviter le dommage
C’est le cas lorsque, mieux informé, le créancier d’une obligation d’infor-
mation ou d’un devoir de conseil n’aurait pas conclu le contrat. De même, le
dommage résultant du manquement d’une banque à son devoir de mise en
garde consiste en la perte de chance de ne pas contracter le prêt (Com. 3 déc.
2013, no 12-26934).
L’avocat qui n’a pas proposé à ses clients une solution fiscale moins risquée
au regard de la notion d’abus de droit manque à son devoir de conseil et cause
à ces derniers une perte de chance sérieuse d’éviter le paiement de l’impôt sur
le revenu (Civ. 1re, 31 oct. 2012, no 11-25025). Si le paiement de l’impôt n’est pas
en soi un préjudice réparable, la perte de chance est réparable s’il existait une
solution fiscale alternative (Com. 7 juillet 2015, pourvoi no 14-13198 ; Civ. 1re,
15 janv. 2015, no 14-10256).

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Partie 1 • Les sources d’obligations
La faute d’un notaire ou d’un avocat qui oblige la victime à exercer des
actions afin d’obtenir réparation de son dommage constitue une perte de
chance d’éviter l’action contentieuse.
La faute de l’avocat peut se solder par une condamnation. Le préjudice né
d’une perte de chance d’éviter une condamnation devenue exécutoire s’appré-
cie alors au regard de la probabilité d’obtenir une décision plus favorable
(Civ. 1re, 19 sept. 2007, no 05-15139).
Le non-respect de l’obligation d’information du médecin cause au patient
la perte de chance d’échapper au risque qui s’est finalement réalisé (Civ. 1re,
6 déc. 2007, no 06-19301). Le manquement d’un médecin à son obligation de
soins peut causer au patient une perte de chance de guérison ou de survie (en
cas d’erreur de diagnostic : Crim. 2 déc. 2008, no 07-87821).

B. Le régime de la perte de chance


1. La condition d’une disparition actuelle et certaine
La perte de chance n’est réparable que si elle est certaine et non éventuelle
(par ex., lorsque l’éventualité favorable peut toujours se réaliser).
2. La condition d’une éventualité favorable
Si le dommage ne se serait pas produit en l’absence de fait dommageable,
ce n’est pas la perte de chance qui est réparable, mais le dommage subi dans
son ensemble. Par exemple, s’il ressort des circonstances que l’entrepreneur a
perdu un marché en raison de l’acquisition d’un engin défectueux, il ne subit
pas une perte de chance, de sorte que le vendeur doit indemniser la victime à
hauteur du montant du devis correspondant au marché perdu (Civ. 1re, 16 oct.
2013, no 12-19428). S’il n’y a pas d’aléa thérapeutique, le dommage subi par le
patient doit être réparé intégralement par le médecin fautif. Il n’y a pas d’aléa
judiciaire, juridique ou fiscal si le client du professionnel était certain d’obte-
nir l’avantage escompté en l’absence de faute de ce dernier.
Inversement, la perte de chance n’est pas réparable si, en l’absence de fait
dommageable, le préjudice se serait réalisé. Ainsi, la violation de l’obliga-
tion d’information du médecin ne cause pas au patient une perte de chance
lorsque, même informé des risques, celui-ci n’aurait pas renoncé à l’acte
médical nécessaire (Civ. 1re, 20 juin 2000, no 98-23046 ; Civ. 1re, 5 mai 2004,
no 02-30518). Le manquement du notaire à son devoir d’assurer l’efficacité de
l’acte résultant du défaut d’information du risque d’annulation de la vente
pour vil prix ne cause pas de préjudice aux parties qui, au regard des circons-
tances, auraient de toute façon conclu le contrat litigieux (Civ. 1re, 20 mars
2014, no 13-12287 ; Civ. 1re, 6 oct. 2011, no 10-23294).

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Attention, la perte de chance n’exige pas que la victime prouve que mieux
informée elle aurait, de manière certaine, conclu un autre contrat (Civ. 2e,
20 mai 2020, no 18-25440). Une telle preuve conduit au contraire à exclure la
perte de chance pour permettre l’indemnisation de l’entier dommage.
Enfin, indépendamment de l’existence d’une perte de chance, la violation
de l’obligation d’information médicale cause un préjudice moral d’imprépara-
tion au patient lorsque le risque s’est réalisé (Civ. 1re, 12 juin 2012, no 11-18327 ;
Civ. 1re, 23 janv. 2014, no 12-22123). L’indemnisation du préjudice moral d’impré-
paration peut se cumuler avec la réparation de la perte de chance (Civ. 1re,
25 janv. 2017, no 15-27898) ou du dommage corporel résultant de la faute
médicale (Civ. 1re, 23 janv. 2019, no 18-11982).
3. La condition d’une chance raisonnable
Certains arrêts ont imposé que la chance soit raisonnable ou sérieuse
notamment quant au succès d’une action judiciaire (Civ. 1re, 30 avr. 2014,
no 12-22567 ; Civ. 1re, 25 nov. 2015, no 14-25109). Cependant, le principe est que
la perte certaine d’une chance même faible est indemnisable sans qu’il soit
nécessaire de prouver que la chance est raisonnable (Civ. 1re, 16 janv. 2013,
no 12-14439 ; Civ. 1re, 12 oct. 2016, no 15-23230, implicite). Doit être cassé l’arrêt
qui a retenu que les fautes de l’avocat n’ont pas fait perdre à sa cliente une
chance réelle et sérieuse d’avoir pu obtenir, ne serait-ce que partiellement,
le remboursement de sa créance, alors que toute perte de chance ouvre droit
à réparation (Civ. 1re, 14 déc. 2016, no 16-12686).
4. La réparation de la perte de chance
Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation pour
évaluer la chance perdue. La réparation de la perte de chance doit être mesurée
à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette
chance si elle s’était réalisée. Encourt la cassation les arrêts qui accordent, au
titre de la perte de chance, une indemnité égale à l’entier dommage (Civ. 1re,
5 févr. 2014, no 12-19425 ; Civ. 1re, 27 févr. 2013, no 12-15483). En présence de
coresponsables dont l’un répond du dommage corporel et l’autre d’une perte
de chance, il ne peut donc être prononcé une condamnation in solidum qu’à
concurrence de la partie du préjudice total de la victime à la réalisation
duquel les coresponsables ont l’un et l’autre contribué (Civ. 1re, 8 févr. 2017,
no 15-21528).

III. Le caractère subsidiaire de la responsabilité


Lorsqu’un professionnel du droit a commis une faute affectant un droit
de créance, le créancier victime qui dispose d’autres voies de droit contre le
débiteur doit agir vainement contre celui-ci pour que le préjudice résultant de
cette faute soit certain. Par exception, la responsabilité du professionnel du
droit n’est pas subsidiaire lorsque l’action contre le débiteur est consécutive

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à la situation dommageable née de la faute de ce professionnel, i.e. lorsque

Partie 1 • Les sources d’obligations


le professionnel a créé la situation dommageable qui oblige la victime à
exercer cette action.
Par exemple, l’inefficacité d’une sûreté, telle une hypothèque, consécutive
à la faute du notaire ne cause un préjudice certain au créancier que si celui-ci
a perdu toute possibilité d’obtenir le règlement de sa créance par la mise en
œuvre des autres sûretés (Civ. 1re, 3 juin 2015, no 14-10424 ; v. également, Civ. 1re,
2 avr. 1997, no 94-20352). Si les restitutions consécutives à l’annulation ou à la
résolution d’un contrat ne constituent pas en soi un préjudice indemnisable,
le notaire est garant subsidiaire de la restitution envers la partie qui en est
créancière, en cas de défaillance avérée de celle qui en est débitrice (Civ. 1re,
28 oct. 2015, no 14-17518). Le notaire fautif ne peut être condamné à la resti-
tution du prix de vente qu’après constatation de l’insolvabilité du vendeur
(Civ. 3e, 1er juin 2017, no 16-14428 ; Civ. 3e, 18 févr. 2016, no 15-12719 ; Civ. 1re,
10 juill. 2002, no 01-10502).
Par exception, « la responsabilité des professionnels du droit ne présente pas
un caractère subsidiaire, […] est certain le dommage subi par l’effet de la faute d’un
professionnel du droit, quand bien même la victime disposerait, contre un tiers, d’une
action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à
assurer la réparation du préjudice » (Civ. 1re, 22 sept. 2016, pourvoi no 15-21566 ;
Civ. 1re, 19 déc. 2013, no 13-11807 ; Civ. 1re, 2 oct. 2002, no 99-14656). Ainsi, le
créancier hypothécaire n’est pas tenu d’exercer vainement son droit de suite
pour engager la responsabilité du notaire dont la faute a rendu nécessaire
l’exercice de ce droit (Civ. 1re, 13 mars 2019, no 18-10518 ; Civ. 1re, 8 nov. 2017,
no 16-23197 ; contra, Civ. 1re, 11 févr. 2010, no 08-21565). En revanche, le notaire
reste garant subsidiaire du remboursement de la créance en cas d’inefficacité
du cautionnement hypothécaire dès lors que celui-ci subordonnait le recours
contre le constituant à la discussion préalable des biens du débiteur princi-
pal (Civ. 1re, 15 mars 2017, no 15-28526).

§ 4. L’atteinte à un intérêt légitime

I. L’activité illicite
Le préjudice n’est réparable que s’il résulte de la lésion d’un intérêt légitime
ou licite. La responsabilité civile n’a pas vocation à réparer la perte d’un
avantage illicite (préjudice illicite). Il s’ensuit qu’un employeur ne peut obtenir
réparation du fait de l’absence d’une salariée accidentée dès lors celle-ci n’a
jamais été déclarée (Civ. 2e, 27 mai 1999, no 97-19234). Un salarié ne peut obtenir
réparation de la perte de rémunérations illicites provenant d’un travail dissi-
mulé (Civ. 2e, 24 janv. 2002, no 99-16576). Le manquement de l’avocat à son devoir
de conseil quant aux conditions de bénéfice d’un avantage fiscal ne cause pas
à son client un préjudice légitime dès lors que l’exonération fiscale en cause

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était illicite au regard du droit européen (Civ. 1re, 19 févr. 2013, no 12-14527).
Le contrefacteur et le trafiquant de drogues ne peuvent obtenir réparation
en cas de destruction de leur stock de contrefaçons ou de stupéfiants.
En revanche, si l’intérêt lésé est licite, le préjudice est réparable même si la
victime se trouvait dans une situation illicite lorsqu’elle a subi le dommage.
Le voyageur en situation irrégulière car dépourvu de titre de transport et qui
subit un dommage pendant le transport peut poursuivre la SNCF sur le fonde-
ment de la responsabilité extracontractuelle du fait des choses (Civ. 2e, 5 oct.
1988, no 87-16722). Le salarié non déclaré ou le vendeur de stupéfiants blessé
lors de l’exercice de leurs activités peuvent prétendre à la réparation de tous
les préjudices licites (par ex., le déficit fonctionnel). Cependant, la situation
illicite de la victime peut constituer une faute qui a pour effet de réduire ou
d’exclure son droit à réparation.

II. La naissance d’un enfant


La naissance d’un enfant ne constitue pas une atteinte à un intérêt légitime.
Par conséquent, la naissance, même survenue après une intervention prati-
quée sans succès en vue de l’interruption de la grossesse, n’est pas pour la
mère un préjudice réparable (Civ. 1re, 25 juin 1991, no 89-18617). En revanche,
les préjudices qui ne résultent pas de la seule naissance sont réparables (préju-
dice moral subi par l’enfant issu d’un viol : Crim. 23 sept. 2010, no 09-84108).
Si un fait générateur de responsabilité (accident de la circulation, faute
médicale) a causé le handicap dont est atteint l’enfant qui est né, ce préjudice
distinct de la naissance est à l’évidence réparable.

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Allant plus loin, la jurisprudence Perruche a jugé que l’enfant atteint d’un
handicap congénital peut demander réparation de ce handicap au médecin
et au laboratoire dont les fautes ont empêché la mère d’exercer son choix
d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant handicapé
(Ass. plén. 17 nov. 2000, no 99-13701). Puisque le handicap est congénital, le
préjudice réside dans la naissance : l’enfant aurait préféré ne pas naître.
Outre le surcoût considérable des primes d’assurance qu’elle engendrait, cette
solution était contestable d’un point de vue éthique. La loi du 4 mars 2002 a
supprimé la jurisprudence Perruche : « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice
du seul fait de sa naissance » (CASF art. L. 114-5). De surcroît, seule une faute
caractérisée est de nature à engager la responsabilité, envers les parents
uniquement, du médecin ou de l’établissement de santé qui n’a pas décelé le
handicap. En ce cas, le préjudice correspondant aux charges particulières

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découlant du handicap n’est pas réparable. Les coûts afférents au handicap
congénital sont pris en charge par la solidarité nationale (not. la prestation
de compensation du handicap).
En se fondant sur le droit de propriété (espérance légitime de créance) des
enfants nés avant l’entrée en vigueur de l’article L. 114-5, la jurisprudence a
supprimé la rétroactivité de ce texte, de sorte que la jurisprudence Perruche a
été maintenue pour ces enfants (CEDH, 6 oct. 2005, Maurice et Draon c/ France ;
Civ. 1re, 24 janv. 2006, no 02-13775, qui relève que la compensation forfaitaire
du handicap par la solidarité nationale est sans rapport raisonnable avec une
créance de réparation intégrale ; Civ. 1re, 3 mai 2018, no 16-27506).

Section 2. La typologie des préjudices réparables

La victime d’un dommage qui agit contre le responsable doit prouver, d’une
part, que les conditions de la responsabilité civile sont réunies (fait généra-
teur, dommage, lien de causalité) et, d’autre part, le montant ou quantum des
préjudices qu’elle prétend avoir subi. Ce qui n’est pas demandé ne peut être
obtenu, car « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur
ce qui est demandé » (CPC art. 5). Il n’existe pas de nomenclature imposée des
chefs de préjudices. Cela signifie que la victime peut invoquer de nouveaux
préjudices, et le juge reconnaître leur existence. Si les juges du fond disposent
d’un pouvoir souverain d’appréciation de l’existence et de l’étendue des préju-
dices, la Cour de cassation contrôle la définition et les conditions du préjudice
réparable. En général, la réparation a lieu par équivalent (dommages-inté-
rêts). Pour les dommages matériels, elle peut aussi avoir lieu en nature (répara-
tion, remplacement).

§ 1. Le dommage corporel


La nomenclature Dintilhac liste les principaux postes de préjudices de la
victime d’un dommage corporel. La nomenclature est essentielle en pratique
mais n’a pas de force obligatoire, de sorte que les juges peuvent s’en écarter
notamment pour consacrer de nouveaux chefs de préjudice.
Cette nomenclature distingue les préjudices patrimoniaux qui affectent
le patrimoine de la victime, et les préjudices extrapatrimoniaux qui affectent
sa personne. Elle distingue encore les préjudices temporaires et les préju-
dices permanents subis après consolidation du dommage. La consolidation
correspond à la date à laquelle le dommage est stabilisé et n’évolue plus.

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I. Les préjudices patrimoniaux

Partie 1 • Les sources d’obligations


Les préjudices patrimoniaux temporaires recouvrent notamment les
dépenses de santé actuelles, les frais divers (frais de transport, expertises…)
et la perte de gains professionnels actuels.
Les préjudices patrimoniaux permanents recouvrent :
• les dépenses de santé futures ;
• les frais d’équipement adapté (logement, véhicule…) ;
• l’assistance d’une tierce personne ;
• la perte de gains professionnels futurs (de la consolidation à la retraite) ;
• l’incidence professionnelle (dévalorisation sur le marché du travail, hausse
de la pénibilité, perte de chance professionnelle, perte des droits à la
retraite, etc.) ;
• le préjudice scolaire, universitaire ou de formation.
Ne méconnaît pas le principe de la réparation intégrale, la cour d’appel
qui a retenu, au titre de l’incidence professionnelle, la perte de chance d’une
promotion professionnelle et, au titre de la perte de gains professionnels
futurs, la perte des gains que la victime aurait pu espérer au vu de son ancien
salaire sans intégrer l’évolution de carrière (Civ. 2e, 23 mai 2019, no 18-17560).
Peu important que la victime n’ait pas repris une activité professionnelle. En
revanche, la réparation de la perte des gains professionnels futurs tenant
compte de l’impossibilité pour la victime d’exercer toute activité profession-
nelle pour l’avenir fait obstacle à l’indemnisation de l’incidence profession-
nelle (Civ. 2e, 13 sept. 2018, no 17-26011 ; Civ. 2e, 7 mars 2019, no 17-25855).

II. Les préjudices extrapatrimoniaux


Les préjudices extrapatrimoniaux temporaires recouvrent notamment le
déficit fonctionnel temporaire (qui intègre les préjudices d’agrément et/ou
sexuel temporaires : Civ. 2e, 5 mars 2015, no 14-10758), les souffrances endurées
(pretium doloris) et le préjudice esthétique temporaire.
Les préjudices extrapatrimoniaux permanents recouvrent :
• le déficit fonctionnel permanent ;
• le préjudice d’agrément ;
• le préjudice esthétique permanent ;
• le préjudice sexuel ;
• le préjudice d’établissement.
Le déficit fonctionnel est un préjudice corporel extrapatrimonial qui
répare les incidences du dommage dans la sphère personnelle de la victime,
i.e. l’atteinte aux fonctions physiologiques, la douleur permanente, la perte
de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence.

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Le préjudice d’agrément est distinct du déficit fonctionnel. Il répare
l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une
activité spécifique sportive ou de loisirs, ce qui inclut la limitation de la
pratique antérieure (Civ. 2e, 29 mars 2018, no 17-14499).
La réparation des préjudices esthétique et d’agrément n’excluent pas la
réparation des dépenses de santé futures destinées à compenser le coût de ces
préjudices, comme l’achat d’une prothèse esthétique et sportive (Crim. 17 déc.
2019, no 18-85191). En revanche, le préjudice sexuel compensant l’atteinte,
sous toutes ses formes, à la vie sexuelle, la victime n’a pas droit à la réparation
d’un préjudice distinct correspondant à l’achat de pilules de viagra (Civ. 2e,
17 juin 2010, no 09-15842).
Le préjudice d’établissement répare la perte de la faculté de réaliser un
projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap. La victime ne subit
pas un tel préjudice si elle a pu avoir après l’accident un enfant par PMA ou
adoption (Civ. 1re, 5 juin 2019, no 18-16236 ; Civ. 2e, 8 juin 2017, no 16-19185). En
revanche, la victime, mère de quatre enfants, subit un préjudice d’établisse-
ment si, après l’accident, elle ne peut plus réaliser un nouveau projet de vie
familiale en raison du décès de son mari (Civ. 2e, 4 juill. 2019, no 18-19592).

III. Les préjudices des victimes par ricochet


En cas de décès de la victime directe, la victime par ricochet peut prétendre
notamment à la réparation des frais d’obsèques, à la perte de revenus des
proches, au préjudice d’accompagnement (pendant la maladie jusqu’au décès)
et au préjudice d’affection.
Si la victime directe a survécu, la victime par ricochet a droit à la répara-
tion de la perte de revenus, des préjudices d’affectation et extrapatrimoniaux
exceptionnels (troubles dans les conditions d’existence).
Selon le principe de la réparation intégrale, le membre de la famille (victime
par ricochet) qui s’occupe de la victime handicapée n’a droit à une répara-
tion de ce fait que si la perte économique à raison de l’abandon de son emploi
excède l’indemnité allouée à la victime directe au titre de son besoin d’assis-
tance par une tierce personne (Civ. 2e, 14 avr. 2016, no 15-16697).

§ 2. Le dommage matériel


Le dommage matériel peut résulter d’une atteinte aux biens de la victime,
ainsi qu’aux intérêts purement économiques de celle-ci. Par exemple, l’incen-
die d’un commerce peut entraîner la destruction de matériels d’exploitation
(meubles), ainsi qu’une perte d’exploitation (baisse du chiffre d’affaires).

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Partie 1 • Les sources d’obligations
En cas de destruction ou dégradation d’un bien, l’indemnité est en principe
égale à la valeur de remplacement du bien ou de sa remise en état, sans déduc-
tion de la vétusté (Civ. 3e, 12 janv. 2010, no 08-19224). Toutefois, les juges du fond
peuvent relever des circonstances propres à justifier l’application d’un coeffi-
cient de vétusté (Civ. 3e, 19 févr. 2014, no 13-12171). L’indemnisation des frais
de remise en état ne peut excéder la valeur de remplacement (Civ. 2e, 18 nov.
2010, no 09-17301). Toutefois, si l’immeuble détruit ne peut être reconstruit à
l’identique, la victime ne peut prétendre, en vertu du principe de la répara-
tion intégrale, à une valeur de reconstruction à neuf pour un bien équiva-
lent mieux situé, mais a droit uniquement à la valeur vénale de l’immeuble à
la date du sinistre (Civ. 3e, 7 sept. 2017, no 16-15257).
La fixation des dommages-intérêts en cas d’atteinte à un droit de propriété
intellectuelle relève de règles spécifiques qui permettent notamment la prise
en compte des bénéfices réalisés par le contrefacteur (CPI art. L. 331-1-3 et
L. 615-7).
La victime d’actes de concurrence déloyale peut subir divers préjudices
(perte de clientèle, atteinte à son image, désorganisation, etc.). Lorsque les
pratiques illicites consistent à parasiter les efforts et les investissements de
la victime, ou à s’affranchir d’une réglementation, telle que la prohibition
des pratiques commerciales trompeuses, le fautif tire un avantage concur-
rentiel dont les effets sont difficiles quantifier. En ce cas, « la réparation du
préjudice peut être évaluée en prenant en considération l’avantage indu que s’est
octroyé l’auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents,
modulé à proportion des volumes d’affaires respectifs des parties affectés par ces
actes » (Com. 12 févr. 2020, no 17-31614, contra, Com. 21 févr. 2012, no 10-27966).
En d’autres termes, le préjudice économique est évalué à l’aune des gains du
fautif et non des pertes de la victime.

§ 3. Le dommage moral


Le préjudice moral répare l’affect causé à la victime par le fait domma-
geable : préjudice d’affection consécutif au décès ou aux souffrances d’un
être cher ; préjudice d’anxiété causé par l’exposition à une substance toxique ;
atteinte à l’honneur et à la réputation consécutive à une diffamation ou à une
injure ; préjudice d’impréparation en cas de violation de l’obligation d’infor-
mation médicale. La perte d’un animal peut aussi causer un préjudice d’affec-
tion réparable (Civ. 16 janv. 1962, Lunus ; Civ.  1re, 27 janv. 1982, no 80-15947).
La seule constatation de l’atteinte à la vie privée (ou au droit à l’image)
ouvre droit à la réparation d’un préjudice moral (Civ. 1 re, 5 nov. 1996,
no 94-14798 ; v. aussi pour un acte de concurrence déloyale : Com. 12 févr.
2020, no 17-31614).

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Une personne morale peut subir un préjudice moral (Com. 15 mai 2012,
no 11-10278 ; Crim. 11 déc. 2013, no 12-83296). En revanche, si les personnes
morales disposent, notamment, d’un droit à la protection de leur nom, de leur
domicile, de leurs correspondances et de leur réputation, seules les personnes
physiques peuvent se prévaloir d’une atteinte à la vie privée (Civ. 1re, 17 mars
2016, no 15-14072).
Enfin, si l’état végétatif d’une personne humaine n’exclut en principe aucun
chef d’indemnisation (Civ. 2e, 28 juin 1995, no 93-18465), la victime en état
de coma ne peut prendre conscience de la perte de chance de survie (Crim.
5 oct. 2010, no 10-81743).

§ 4. Le préjudice écologique


Le préjudice écologique consiste en une atteinte non négligeable aux
éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés
par l’homme de l’environnement (c. civ. art. 1247). L’action en réparation
de ce préjudice n’appartient qu’à l’État, les collectivités territoriales ou les
associations pour la protection de l’environnement. La réparation du préju-
dice écologique s’effectue par priorité en nature.

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Section 3. La réparation du préjudice

Partie 1 • Les sources d’obligations


§ 1. Le principe de la réparation intégrale
La réparation a pour objet de replacer la victime autant qu’il est possible
dans la situation où elle se serait trouvée si le fait dommageable n’avait pas
eu lieu. Il ne doit en résulter pour elle ni perte ni profit. Les juges du fond
disposent d’un pouvoir souverain pour évaluer le montant des préjudices
réparables (Ass. plén. 26 mars 1999, no 95-20640). La Cour de cassation veille
toutefois à ce que le même préjudice ne soit pas réparé deux fois au titre
de deux chefs de préjudice distincts (p. ex., supra, les préjudices corporels
patrimoniaux).

I. La valeur juridique du principe de la réparation intégrale


Le droit d’agir en responsabilité pour faute met en œuvre une exigence
constitutionnelle. Ce droit ne fait pas obstacle à ce que le législateur aménage,
pour un motif d’intérêt général, les conditions dans lesquelles la responsa-
bilité peut être engagée.
Tel est le cas du régime d’indemnisation des accidents du travail et des
maladies professionnelles selon lequel aucune action en réparation ne peut
être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit
contre l’employeur (CSS art. L. 451-1 ; Cons. const. 18 juin 2010, QPC no 2010-8).
Ce régime déroge au principe de la réparation intégrale. La sécurité sociale
verse à la victime salariée des indemnités journalières pendant sa période
d’incapacité de travail et, en cas d’incapacité permanente, une indemnité
forfaitaire ou une rente viagère si son taux d’incapacité est égal ou supérieur
à 10 %. En outre, certains préjudices ne seront pas indemnisés.
En cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime a droit à une majora-
tion des indemnités correspondant à la perte de salaires, ainsi qu’à l’indem-
nisation d’autres chefs de préjudices (CSS art. L. 452-1 et s.). Ces indemnités
restent néanmoins forfaitaires. Cependant, le Conseil constitutionnel a jugé
que les dommages non couverts par ces dispositions peuvent donner lieu à
une réparation intégrale en vertu du droit à réparation des victimes d’actes
fautifs (décision préc.). La réparation intégrale apparaît alors comme un
corollaire de cette exigence constitutionnelle. En cas de faute inexcusable,
il faut donc distinguer les chefs de préjudice visés par le code de la sécurité
sociale (indemnisation forfaitaire : Civ. 2e, 4 avr. 2012, no 11-10308) et ceux
non couverts (réparation intégrale).

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II. Les dommages-intérêts punitifs
Le principe de la réparation intégrale interdit au juge d’accorder à la
victime des dommages-intérêts visant à punir le responsable et non à réparer
le dommage. L’octroi de dommages-intérêts punitifs est reconnu par certains
pays de Common Law. Cette sanction permet de punir l’auteur d’une faute
intentionnelle ou lucrative. Dans la célèbre affaire Stella Liebeck c. McDonald
(1992), la victime qui s’était renversée un gobelet de café brûlant sur la jambe
a obtenu, en première instance, 20 000 dollars au titre de son préjudice corpo-
rel et 2,7 millions de dollars au titre des punitive damages. Il avait été démon-
tré que le défendeur avait conscience du risque qui s’était déjà réalisé à de
nombreuses reprises sur plusieurs années. Le 10 août 2018, un jury populaire
de San Francisco a jugé que Monsanto avait agi avec malveillance en dissimu-
lant le caractère potentiellement cancérigène du Glyphosate, et l’a condamné
à payer 250 millions de dollars au jardinier Dewayne Johnson.
Le projet de réforme de la responsabilité civile (PRRC, mars 2017) prévoit
qu’en matière extracontractuelle, le juge peut condamner l’auteur d’une faute
délibérée commise en vue d’obtenir un gain ou une économie à une amende
civile calculée en fonction de la gravité de la faute, du profit réalisé et du
chiffre d’affaires (PRRC art. 1266-1).
En matière d’exequatur des décisions étrangères, le principe d’une condam-
nation à des dommages-intérêts punitifs, n’est pas contraire à l’ordre public
international, à condition que le montant alloué soit proportionné au regard
du préjudice subi et des manquements aux obligations contractuelles du
débiteur (Civ. 1re, 1er déc. 2010, no 09-13303).

III. L’obligation de minimiser le dommage


En droit anglais, la « duty to mitigate damages » oblige la victime à prendre
toutes mesures visant à réduire ou éviter l’aggravation d’un dommage. Au
contraire, la Cour de cassation pose le principe selon lequel « la victime n’est
pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable » (Civ. 2e,
19 juin 2003, no 01-13289 et no 00-22302 ; Civ. 1re, 2 juill. 2014, no 13-17599 ; Civ. 2e,
26 mars 2015, no 14-16011). Par conséquent, doivent être réparées :
• la perte de chance de reprise d’un fonds de commerce dont la clientèle a
périclité faute d’exploitation même si la victime aurait pu confier cette
exploitation à un tiers ;
• l’aggravation de troubles psychologiques qui auraient pu être réduits par
des soins médicaux que la victime a refusés ;
• la perte des réductions d’impôt sur le revenu dont les acquéreurs auraient
bénéficier en l’absence de faute du notaire, même si ceux-ci sont éligibles
à un autre dispositif de défiscalisation indiquée par le notaire ;

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Partie 1 • Les sources d’obligations


la perte de gains professionnels futurs même si la victime a refusé un poste
proposé par l’employeur.
La jurisprudence n’est pas toujours aussi stricte. Ainsi, la victime d’une
infection nosocomiale qui a contribué, par la poursuite de son tabagisme,
à la réalisation de son dommage (définitif) commet une faute qui réduit de
10 % son droit à réparation (Civ. 1re, 8 févr. 2017, no 15-19716).

§ 2. L’action en réparation

I. Les parties à l’instance


Le défendeur à l’action en responsabilité est l’auteur du dommage en sa
qualité de fautif (faute contractuelle ou extracontractuelle) ou de gardien
(responsabilité du fait des choses), et éventuellement la personne civilement
responsable (responsabilité du fait d’autrui). En cas de décès du responsable,
l’action peut être dirigée contre ses héritiers.
La victime (directe ou par ricochet) ou ses ayants droit peut également agir
contre un tiers non responsable tenu d’indemniser les préjudices subis :
• la victime dispose d’une action directe contre l’assureur de responsabilité
du responsable (c. ass. art. L. 124-3).
• la victime peut solliciter l’indemnisation par un fonds de garantie si les
conditions d’indemnisation par la solidarité nationale sont réunies (origine
et nature du dommage ; insolvabilité, défaut d’assurance ou d’identifica-
tion du responsable) : Fonds de garantie des assurances obligatoires de
dommages (FGAO) ; Fonds de garanties des victimes des actes de terro-
risme et autres infractions (FGTI) ; Office national d’indemnisation des
accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosoco-
miales (ONIAM).
• la victime peut prétendre à la prise en charge de certains préjudices par
la sécurité sociale.
Ces tiers payeurs ayant indemnisé tout ou partie du préjudice subi par
la victime dispose d’un recours subrogatoire contre le responsable. Bien
entendu l’assureur de responsabilité ne peut se retourner contre son assuré,
mais il peut agir en contribution contre les autres responsables et leurs
assureurs (c. ass. art. L. 121-12).
Les recours subrogatoires des tiers payeurs s’exercent poste par poste sur
les seules indemnités qui réparent les préjudices qu’ils ont pris en charge, à
l’exclusion des préjudices à caractère personnel (L. 5 juill. 1985, art. 31). Le
recours peut toutefois s’exercer sur un préjudice personnel si celui-ci a été
effectivement réparé par le tiers payeur. Par exemple, la pension d’invali-
dité versée par la sécurité sociale (ainsi que la rente d’invalidité en cas d’acci-
dent du travail) s’impute sur les préjudices patrimoniaux (perte de salaires,

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incidence professionnelle) mais aussi, de façon contestable, sur le poste du
déficit fonctionnel (Civ. 2e, 24 mai 2018, no 17-18980 ; Civ. 2e, 29 mars 2018,
no 17-15260).
La victime exerce ses droits contre le responsable par préférence au tiers
payeur dont elle n’a reçu qu’une indemnisation partielle. Enfin, en cas de faute
de la victime, le recours du tiers payeur a pour assiette le dommage subi par
la victime (et non la part du responsable), ce qui favorise la victime (par ex.,
Crim. 20 nov. 2012, no 11-88773).

II. La prescription de l’action


L’action en responsabilité se prescrit dans le délai de droit commun de
cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû
connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Les actions en responsabilité contractuelle peuvent être soumises à des
délais spécifiques (par ex., en matière de construction ou de transport).
L’action en responsabilité née à raison d’un événement ayant entraîné un
dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices
qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolida-
tion du dommage initial ou aggravé (c. civ. art. 2226). En outre, le tribunal
judiciaire a une compétence exclusive pour connaître des actions en répara-
tion d’un dommage corporel (COJ art. L. 211-4-1).
L’action en responsabilité tendant à la réparation du préjudice écologique
se prescrit par dix ans (c. civ. art. 2226-1).

III. L’aggravation du préjudice


L’autorité de la chose jugée ne s’oppose pas à la demande tendant au
paiement d’une indemnisation complémentaire en cas d’aggravation du
dommage (Civ. 2e, 29 mars 2012, no 11-10235). Il en va ainsi que l’indemnisa-
tion initiale résulte d’une décision de justice ou d’une transaction (Civ. 2e,
9 déc. 1999, no 98-10416). En revanche, le montant des dommages-intérêts
fixé par une décision irrévocable ne peut être réduit en cas de diminution
du dommage.

IV. L’action de groupe


La loi réglemente les hypothèses dans lesquels une personne morale peut
agir dans l’intérêt d’une pluralité de victimes. Par exemple, une association de
consommateurs peut exercer une action en représentation conjointe, i.e. agir en
réparation au nom des consommateurs qui l’ont mandaté (c. cons. art. L. 622-1).
La loi consacre surtout une action de groupe en droit de la consommation
(c. cons. L. 623-1 et s.), en matière environnementale (c. env. art. L. 142-3-1)
et de dommages causés par des produits de santé (CSP art. L. 1143-2). L’action

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Partie 1 • Les sources d’obligations
de groupe est engagée par une association lorsque plusieurs victimes placées
dans une situation similaire ont subi un dommage causé par une même
personne et ayant une cause commune. Le jugement statuant sur la respon-
sabilité peut alors profiter à l’ensemble des victimes faisant partie du groupe
qui n’ont pas alors à engager d’action en justice.

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Chapitre 2
Le lien de causalité

Section 1. L’établissement du lien de causalité

§ 1. Les théories de la causalité

I. La théorie de l’équivalence des conditions


Selon cette théorie, constitue une cause tout événement sans lequel le
dommage ne se serait pas produit. Il importe peu qu’à la suite du fait généra-
teur d’autres causes intercalaires ont contribué à provoquer le dommage. Ainsi,
le responsable dont le fait dommageable a rendu nécessaire un acte médical
dont la réalisation a causé un nouveau dommage est obligé de réparer ce
dommage, nonobstant l’éventuelle responsabilité du praticien ou de l’établis-
sement de soins ayant réalisé l’acte médical (Civ. 1re, 1er juill. 2010, no 09-69151 ;
Civ. 1re, 4 déc. 2001, no 99-19197).

II. La théorie de la causalité adéquate


Le juge opère un tri entre les différents faits ayant conduit au dommage
pour ne retenir que la cause la plus proche et immédiate dans le temps.
Par exemple, doit être cassé l’arrêt qui a condamné le responsable d’un
accident de la circulation ayant provoqué le handicap de la victime à réparer
le dommage lié au décès de celle-ci dix ans après l’accident dont la cause
immédiate est l’incendie de son lit (Civ. 2e, 8 févr. 1989, no 87-19167).
Il n’existe pas de lien de causalité entre l’accident ayant gravement handi-
capé la victime et le préjudice moral subi par son fils né postérieurement à
l’accident (Civ. 2e, 5 oct. 2006, no 05-18494 ; Civ. 2e, 24 févr. 2005, no  02-11999 ;
même sens : Civ. 2e, 18 avr. 2013, no 12-18199).

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Par exception, l’enfant peut demander réparation du préjudice résultant
du décès accidentel de son père survenu alors qu’il était conçu (Civ. 2e, 14 déc.
2017, no 16-26687).
Dernier exemple, il n’y a pas de lien de causalité entre la dénonciation
calomnieuse et le préjudice subi par la victime du fait de son placement sous
contrôle judiciaire qui est de la seule responsabilité de l’autorité judiciaire
(Crim. 27 févr. 2018, no 17-81702).

§ 2. La preuve de la causalité


C’est à la victime de prouver les conditions de la responsabilité (fait généra-
teur, dommage, lien de causalité) pour engager la responsabilité du défendeur
(c. civ. art. 1353). S’agissant de faits juridiques, la preuve se rapporte par tous
moyens. Par exception, la preuve du lien de causalité peut être facilitée.

I. Les présomptions de causalité


A. Les présomptions légales
La loi peut instaurer des présomptions de causalité. Les victimes conta-
minées par le virus du sida, de l’hépatite C ou T-lymphotropique justifient
de leur contamination et des transfusions de produits sanguins ou des injec-
tions de produits dérivés du sang pour obtenir une indemnisation auprès de
l’ONIAM (CSP art. L. 3122-2 et L. 1221-14). Il en va de même en cas d’exposi-
tion à l’amiante pour obtenir une indemnisation auprès du Fonds d’indemni-
sation des victimes de l’amiante (L. 23 déc. 2000, art. 53, III).

B. Les présomptions judiciaires


Le juge peut recourir à des présomptions si elles sont graves, précises
et concordantes (c. civ. art. 1382). Cependant, le recours aux présomptions
a été, dans un premier temps, écarté dans le contentieux relatif au vaccin
contre le virus de l’hépatite B : l’absence de lien scientifique entre le vaccin
et la sclérose en plaques exclut tout lien de causalité (Civ. 1re, 23 sept. 2003,
no 01-13063). Procédant à un revirement de jurisprudence, la Cour de cassa-
tion décide dorénavant que le lien scientifique entre le vaccin contre le VHB
et la sclérose en plaques n’étant ni établi ni exclu, le juge peut recourir à
des présomptions graves, précises et concordances pour retenir le lien de
causalité et le défaut du produit (Civ. 1re, 22 mai 2008, no 05-20317). Les juges
du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier ces présomptions
(absence d’antécédents, apparition de la maladie à bref délai après la vacci-
nation). Il en résulte un arbitraire de l’indemnisation pour des situations
pourtant analogues, qui s’explique peut-être par la réticence à indemniser

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Partie 1 • Les sources d’obligations
des victimes du fait de l’absence de lien scientifique et statistique (pathologie
pas plus présente chez les personnes vaccinées) et l’importance de la vacci-
nation contre le VHB (devenue obligatoire pour les nourrissons en 2018).
Reste que la solution dépasse largement le domaine de la vaccination et peut
se révéler déterminante en matière de responsabilité sanitaire et environ-
nementale. Enfin, le recours à ces présomptions est permis par la Directive
relative à la responsabilité du fait des produits défectueux : « en l’absence
de consensus scientifique, le défaut d’un vaccin et le lien de causalité entre
celui-ci et une maladie peuvent être prouvés par un faisceau d’indices grave,
précis et concordant » (CJUE 21 juin 2017, C 621/15).

II. L’extension de la causalité


Lorsqu’un dommage est causé par une personne indéterminée parmi des
personnes identifiées agissant de concert ou exerçant une activité similaire,
chacune en répond pour le tout, sauf à démontrer qu’il ne peut l’avoir causé.

A. Le dommage causé par des personnes agissant de concert


La responsabilité in solidum des membres d’un groupe est engagée à deux
conditions :
• (i) l’auteur du dommage n’est pas identifié mais fait partie du groupe ;
• (ii) le groupe a exercé une action commune (ou de concert) fautive.
C’est dire que les dommages causés lors d’une manifestation ne saurait
engager la responsabilité de tous les manifestants. L’hypothèse classique est
celle de la scène unique de violence : tous les membres du groupe ayant parti-
cipé aux violences sont responsables du dommage final subi par la victime
si l’auteur de ce dommage n’est pas identifié (Civ. 2e, 2 avr. 1997, no  95-14428 ;
Crim. 18 févr. 2014, no 13-81778).

B. La causalité alternative
La causalité alternative est retenue à deux conditions :
• (i) les responsables ont exercé une activité similaire ayant pu être à l’ori-
gine du dommage ;
• (ii) l’auteur du dommage ne peut pas être identifié.
La victime atteinte d’une pathologie imputable à la prise par sa mère de
Distilbène peut agir contre les laboratoires ayant commercialisé cette molécule
défectueuse. C’est à chaque laboratoire qui a mis sur le marché un produit qui
la contient de prouver que celui-ci n’est pas à l’origine du dommage (Civ. 1re,
24 sept. 2009, no 08-16305). Il suffit à la victime de prouver qu’elle a été exposé in
utero à cette molécule, sans qu’il soit exigé que les pathologies aient été exclu-
sivement causées par cette exposition (Civ. 1re, 19 juin 2019, no 18-10380).

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De même, « lorsque la preuve d’une infection nosocomiale est apportée mais
que celle-ci est susceptible d’avoir été contractée dans plusieurs établissements de
santé, il appartient à chacun de ceux dont la responsabilité est recherchée d’établir
qu’il n’est pas à l’origine de cette infection » (Civ. 1re, 17 juin 2010, no 09-67011).
La victime qui a confié son véhicule à un garage, qui a méconnu l’obliga-
tion de résultat pesant sur le réparateur professionnel, peut agir contre les
deux sociétés ayant exploité ce commerce, dès lors que l’identité du dirigeant
du garage n’a pas pu être déterminée au moment des réparations (Civ. 1re,
5 févr. 2014, no 12-23467).
La causalité alternative permet de caractériser la causalité lorsque les
défendeurs sont responsables de plein droit (produits défectueux, infections
nosocomiales, obligation de résultat). Elle ne permet pas d’imputer une faute.
Par conséquent, la victime, qui a subi un dommage à la suite de deux actes
médicaux consécutifs sans que puisse être déterminé lequel est fautif, ne
peut agir contre les deux médecins (Civ. 1re, 3 nov. 2016, no 15-25348). Le fait
générateur de responsabilité (faute médicale) fait alors défaut.

§ 3. La pluralité de causes

I. L’obligation in solidum
Chacun des coresponsables d’un même dommage doit être condamné à le
réparer en totalité (Civ. 3e, 29 oct. 2015, no 14-21456 ; v. aussi : CPP art. 375-2 et
480-1). Par conséquent, la victime peut demander le paiement de l’intégralité
de sa créance de réparation à l’un quelconque des coresponsables, sans avoir à
diviser ses recours. Elle n’a pas à supporter l’insolvabilité d’un coresponsable.
Le défendeur ne peut invoquer le fait d’un tiers (coresponsable fautif ou gardien)
pour limiter sa propre obligation (sauf en cas de force majeure : v. infra).

II. La contribution à la dette


L’obligation à la dette concerne le rapport entre les coresponsables et leur
créancier (la victime). La contribution à la dette concerne la répartition de la
charge de la dette entre coresponsables. Le responsable ayant indemnisé la
victime dispose d’une action récursoire/subrogatoire contre les autres respon-
sables dans la limite de leur part contributive à la dette. La contribution à la
dette donne lieu à trois hypothèses :
• (i) La contribution définitive des coresponsables dans la réparation du
dommage est déterminée en considération de la gravité de leurs fautes
respectives (Civ. 3e, 21 juin 2018, no 17-18408). La faute peut être recherchée
même à l’encontre du débiteur dont la responsabilité est engagée sans faute.
La gravité de chaque faute relève du pouvoir souverain d’appréciation des

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Partie 1 • Les sources d’obligations
juges du fond. Si les fautes sont d’une gravité équivalente, la contribution
s’effectue par parts égales ;
• (ii) Le ou les coresponsables ayant indemnisé la victime et qui n’ont pas
commis de faute disposent d’un recours intégral contre le ou les cores-
ponsables fautifs (Civ. 2e, 13 sept. 2018, no 17-20099). À l’inverse, le cores-
ponsable fautif qui a indemnisé la victime n’a pas de recours contre le
ou les responsables qui n’ont pas commis de faute (Civ. 1re, 16 oct. 2013,
no 12-17909). Toutefois, il arrive que les juges se fondent sur le critère du
rôle causal de chaque fait générateur. Ainsi, la faute du médecin à l’ori-
gine du retard dans le traitement avait seulement pour partie aggravé les
séquelles de la victime consécutives à l’infection nosocomiale, de sorte que
la garantie du médecin était limitée à 50 % (Civ. 1re, 14 avr. 2016, no 14-23909 ;
PRRC art. 1265) ;
• (iii) Si aucun des responsables n’a commis de faute, la contribution est
réglée par parts égales.

Section 2. La rupture du lien de causalité

§ 1. La force majeure


La force majeure est un événement imprévisible, irrésistible et extérieur
au défendeur qui, prouvé par celui-ci, emporte son exonération totale.
L’imprévisibilité de l’événement s’apprécie au jour de la conclusion du
contrat en matière contractuelle, et au jour du fait dommageable en respon-
sabilité extracontractuelle. L’imprévisibilité n’a pas à être absolue, car « tout
peut arriver ». L’événement doit être raisonnablement imprévisible (en matière
contractuelle : c. civ. art. 1218).
La condition d’extériorité présente un intérêt limité. Elle implique que
l’événement à l’origine de la force majeure échappe au contrôle du défen-
deur (en ce sens, art. 1218). Ainsi, une maladie peut constituer un cas de force
majeure exonérant le débiteur de sa responsabilité contractuelle (Ass. plén.
14 avr. 2006, no 02-11168).
Il résulte de l’article 1218 qu’est irrésistible l’événement « dont les effets ne
peuvent être évités par des mesures appropriées ». Comme la force majeure
est raisonnablement imprévisible, cela n’exclut pas une certaine anticipation
et donc la mise en œuvre de mesures appropriées.
Quelles sont les mesures appropriées attendues d’un transporteur ferro-
viaire ? Si le dommage aurait pu être (éventuellement) évité par la présence
d’agents ou une meilleure efficacité du système de fermeture des portes, il
n’y a pas d’irrésistibilité : voyageur qui tente de remonter dans un train en

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phase de démarrage (Civ. 2e, 3 mars 2016, no 15-12217) ou qui saute du train en
marche (Ch. mixte 28 nov. 2008, no 06-12307) ; agresseur ayant pu avoir accès
aux voitures couchettes (Civ. 1re, 21 nov. 2006, no 05-10783).
En revanche, l’irrésistibilité est caractérisée s’il n’y a pas de mesures appro-
priées : crime commis par un passager qui n’aurait pas pu être évité par la présence
permanente d’un contrôleur (Civ. 1re, 23 juin 2011, no 10-15811) ; dommage qui
aurait été évité par l’installation de façades de quai, celle-ci ne pouvant toutefois
être exigée « à ce jour » (Civ. 2e, 8 févr. 2018, no 17-10516, no 16-26198).

§ 2. Le fait d’un tiers


Le fait d’un tiers n’est exonératoire que s’il revêt les caractères de la force
majeure (Com. 17 janv. 2018, no 16-20912). À défaut de force majeure, les cores-
ponsables d’un même dommage sont tenus in solidum d’indemniser la victime,
si bien qu’aucun d’eux ne peut invoquer la responsabilité de l’autre pour réduire
son obligation à la dette. Par exemple, « la responsabilité du producteur envers
la victime n’est pas réduite par le fait d’un tiers ayant concouru à la réalisation du
dommage » (c. civ. art. 1245-13).

§ 3. La faute de la victime

I. L’exonération partielle
À moins qu’elle présente les caractères de la force majeure, la faute de la
victime n’entraîne qu’une exonération partielle du responsable dont la mesure
relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.
La jurisprudence dévia à trois reprises de cette règle avant de la
réaffirmer :
• en 1982, la jurisprudence décida que le gardien d’une chose, instrument
du dommage, ne pouvait désormais s’exonérer de sa responsabilité en
invoquant la faute de la victime que si celle-ci était constitutive d’un cas de
force majeure (Civ. 2e, 21 juill. 1982, Desmares, no 81-12850). Cette solution
visait à provoquer une réforme de l’indemnisation des accidents de la circu-
lation. Eu égard à la gravité des dommages subis par les victimes de ces
accidents, il était injuste que leur soit systématiquement opposé leur faute
simple. La loi du 5 juillet 1985 (loi Badinter) tendant à l’amélioration de la
situation des victimes d’accidents de la circulation ayant remédié à cette
injustice, l’exonération partielle du gardien à raison de la faute simple de la
victime a été rétablie en droit commun (Civ. 2e, 6 avr. 1987, no 84-17024) ;
• le transporteur ferroviaire, tenu envers les voyageurs d’une obligation de
sécurité de résultat, ne pouvait s’exonérer de sa responsabilité contractuelle
en invoquant la faute d’imprudence de la victime que si cette faute présen-
tait les caractères de la force majeure (Civ. 1re, 13 mars 2008, no 05-12551 ; Ch.

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Partie 1 • Les sources d’obligations
mixte 28 nov. 2008, no 06-12307). Cependant, le Règlement UE no 1371/2007
sur les droits et les obligations des voyageurs ferroviaires prévoit que le
transporteur peut s’exonérer en prouvant la faute de la victime. Un revire-
ment de jurisprudence a alors rétabli l’exonération partielle à raison de la
faute de la victime (Civ. 1re, 11 déc. 2019, no 18-13840) ;
• la jurisprudence pénale refusait de réduire, en raison d’une faute de la
victime, le montant des réparations dues à celle-ci par l’auteur d’une infrac-
tion intentionnelle contre les biens pour éviter que ce dernier en tire un
profit quelconque. Dorénavant, le droit commun est applicable (Crim.
19 mars 2014, Kerviel c/ Sté générale, no 12-87416).

II. L’exigence d’une faute causale


La faute de la victime doit être causale, i.e. à l’origine de son dommage.
Il ne suffit pas que la victime ait eu un comportement répréhensible. Par
exemple, il n’y a pas de causalité entre la faute du toxicomane qui achète de
la drogue et le fait qu’il ait été blessé par un coup de feu visant le vendeur
(Civ. 2e, 2 févr. 1994, no 92-14005 ; même sens, Civ. 2e, 15 avr. 1999, no 97-18287).
La faute du conducteur n’est pas causale si son alcoolémie n’a pas contribué
à la réalisation de l’accident (Ass. plén. 6 avr. 2007, no 05-81350).
Il en va autrement si le dommage s’explique par le comportement fautif
de la victime (règlement de compte entre trafiquants : Civ. 2e, 13 déc. 2001,
no 00-11805 ; victime ayant commis des violences : Civ. 2e, 11 avr. 2002,
no 00-17774, ou proféré des insultes : Civ. 2e, 4 juill. 2019, no 18-18906). S’agissant
de jurisprudences concernant l’action de la victime contre le FGTI, il convient
de préciser qu’en raison de l’autonomie de ce mode de réparation, le juge peut
apprécier différemment la faute de la victime dans le cadre de son action
contre le responsable et contre le FGTI. Surtout, la réparation par le FGTI peut
être refusée lorsque la faute de la victime est l’unique cause de son dommage,
sans que soit démontrés les caractères de la force majeure (CPP, art. 706-3 ;
Civ. 2e, 17 déc. 1997, no 96-15970).

III. Le discernement de la victime


Le responsable peut invoquer la faute de la victime mineure même si elle
n’est pas capable de discerner les conséquences de son acte (Civ. 2e, 28 févr.
1996, no 94-13084). Cette solution est injuste. C’est la raison pour laquelle le
PRRC 2017 prévoit que, sauf si elle revêt les caractères de la force majeure,
la faute de la victime privée de discernement n’a pas d’effet exonératoire
(art. 1255).

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§ 4. Les faits justificatifs
Le fait justificatif est une cause d’irresponsabilité pénale (légitime défense,
ordre de la loi ou commandement de l’autorité légitime, état de nécessité…).
Il est aussi exclusif de la faute civile. Ainsi, la légitime défense exclut toute
faute et ne peut donner lieu à une action en dommages-intérêts en faveur de
celui qui l’a rendue nécessaire par son agression ou en faveur de ses ayants
droit (Crim. 13 déc. 1989, no 89-81574). Le fait justificatif peut aussi exclure la
responsabilité objective de l’auteur du dommage. Par exemple, le producteur
n’est pas responsable du défaut du produit s’il prouve que ce défaut est dû à la
conformité du produit avec des règles impératives d’ordre législatif ou régle-
mentaire (c. civ. art. 1245-10, 5°). De même, le gardien de la chose, instrument
du dommage, n’est pas responsable s’il a agi en état de défense légitime.
En revanche, l’autorisation de la loi (poursuite d’un malfaiteur) ne fait pas
obstacle à l’implication du véhicule de police dans un accident de la circula-
tion (Civ. 2e, 13 sept. 2018, no 17-24112). Une telle solution pourrait être remise
en cause par le PRRC : le fait dommageable ne donne pas lieu à responsabilité
lorsque l’auteur bénéficie d’une cause d’irresponsabilité pénale (art. 1257).
Enfin, ne donne pas lieu à responsabilité le fait dommageable portant
atteinte à un droit ou à un intérêt dont la victime pouvait disposer, si celle-ci
y a consenti (PRRC art. 1257-1 ; par ex., Civ. 1re, 10 avr. 2019, no 18-14987).

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Chapitre 3
Les faits générateurs de responsabilité

Section 1. La faute extracontractuelle

§ 1. Le principe de la responsabilité pour faute


« Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui
par la faute duquel il est arrivé à le réparer » (c. civ. art. 1240). La faute extra-
contractuelle est une notion de droit, de sorte que sa qualification est soumise
au contrôle de la Cour de cassation. La faculté d’agir en responsabilité pour
faute met en œuvre une exigence constitutionnelle qui peut toutefois être
aménagé par le législateur pour un motif d’intérêt général (Cons. const. 9 nov.
1999, DC no 99-419, no 70 ; Cons. const. 18 juin 2010, QPC no 2010-8, no 10).

§ 2. Les éléments constitutifs de la faute civile

I. L’élément légal de la faute civile


A. Le principe
L’élément légal de la faute pénale correspond aux dispositions légales (ou
réglementaires pour les contraventions) qui définissent précisément le compor-
tement sanctionné pénalement. La définition précise de la faute pénale est
une exigence découlant du principe de légalité des délits et des peines. Ce
principe n’étant pas applicable à la faute civile, celle-ci n’a pas à faire l’objet
d’une définition précise.
La faute civile est définie par le Projet de réforme de la responsabilité civile
(PRRC 2017) comme « la violation d’une règle de conduite imposée par la loi ou le
manquement au devoir général de prudence et de diligence ». Toute violation de
la loi est une faute civile (sauf force majeure ou fait justificatif). De même,
toute faute contractuelle est une faute extracontractuelle (arrêt Bootshop).
En revanche, le manquement au devoir général de prudence et de diligence

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est laissé à l’appréciation du juge. La faute est appréciée in abstracto, i.e. selon
le standard d’une personne raisonnable placée dans la même situation. Par
exemple, une personne raisonnable ne remonte pas dans un train en marche
même pour récupérer un bagage, ne bouscule pas (même s’il s’agit d’un enfant
en bas âge) une personne en courant sans raison, n’oublie pas une compresse
dans le ventre d’un patient, etc.

B. Le manquement à une règle déontologique ou de bonne pratique


La violation d’un règlement ne paraît pas constituer en soi une faute
civile. Ainsi, « un manquement à une règle de déontologie, dont l’objet est de fixer
les devoirs des membres d’une profession et qui est assortie de sanctions discipli-
naires, ne constitue pas nécessairement un acte de concurrence déloyale » (Com.
10 sept. 2013, no 12-19356). La solution contraire avait été retenue (Com. 29 avr.
1997, no 94-21424 ; Com. 12 juill. 2011, no 10-25386). Des arrêts plus récents
excluent d’ailleurs la responsabilité en cas de violation d’une règle déontolo-
gique en se fondant, non sur l’absence de faute, mais sur l’absence de lien de
causalité entre la faute et le préjudice allégué (Com. 7 juill. 2015, no  14-16307 ;
Civ. 2e, 5 mars 2015, no 13-27553). En outre, le manquement à une règle déonto-
logique peut être reproché à une association qui n’est pas soumise au code de
déontologie dès lors que sa faute visait à favoriser les professionnels soumis
à ce code qu’elle employait (Civ. 1re, 26 avr. 2017, no 16-14036).
Suivant un raisonnement analogue, le non-respect des règles de l’art (règles
techniques conformes aux pratiques professionnelles) et des recommanda-
tions de bonne pratique (dont certaines ont une valeur réglementaire, telles
que les recommandations de la Haute Autorité de Santé) ne constituerait pas
nécessairement une faute civile. Réciproquement, le respect de ces règles ne
suffit pas à écarter la responsabilité du professionnel, même si le juge doit
en tenir compte (Civ. 1re, 5 avr. 2018, no 17-15620).

II. L’élément matériel de la faute civile


La faute peut résulter soit d’un acte positif (une action), soit d’un acte négatif
(omission ou abstention). L’abstention suppose une obligation préexistante
(obligation du notaire de vérifier, par toutes investigations utiles, les déclara-
tions d’une partie qui conditionnent la validité et l’efficacité de l’acte : Civ. 1re,
11 janv. 2017, no 15-22776 ; obligation de porter secours ; obligation de dénon-
cer un crime ou un délit).
Selon le célèbre arrêt Branly (Civ. 27 févr. 1951), « l’abstention, même non dictée
par la malice ou l’intention de nuire, engage la responsabilité de son auteur lorsque
le fait omis devait être accompli soit en vertu d’une obligation légale, régle-
mentaire ou conventionnelle, soit aussi, dans l’ordre professionnel, s’il s’agit
notamment d’un historien, en vertu des exigences d’une information objective ».

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Partie 1 • Les sources d’obligations
Suivant le même raisonnement, l’occupant d’un immeuble ne saurait
engager sa responsabilité pour ne pas avoir procédé au sablage ou au salage
de la portion de trottoir (voie publique) dont l’entretien lui incombait, sans
que soit recherché quelle disposition légale ou réglementaire (arrêté munici-
pal) imposait de telles mesures (Civ. 1re, 18 avr. 2000, no 98-15770 ; cep., en
cas d’accumulation de neige sur le toit : Civ. 2e, 19 juin 1980, no 78-13360).

III. L’élément moral de la faute civile


L’élément moral est indifférent à la qualification de la faute civile. Ainsi,
la faute peut être intentionnelle ou résulter d’une négligence ou d’une impru-
dence (c. civ. art. 1241).
Toutefois, l’assureur ne doit pas sa garantie si le dommage provient de la
faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré (c. ass. art. L. 113-1, al. 2). Si elles
font toutes deux perdent au contrat d’assurance son caractère aléatoire, la faute
dolosive (conscience de la réalisation inéluctable du dommage causé par la faute)
et la faute intentionnelle (intention de causer le dommage tel qu’il est survenu)
sont autonomes (not. Civ. 2e, 20 mai 2020, no 19-11538 et no 19-14306).
Par ailleurs, une personne morale peut engager sa responsabilité pour
faute. La faute est commise par ses organes ou représentants mais engage
directement la personne morale.
Enfin, la faute engage la responsabilité civile de son auteur même si celui-ci
n’est pas doué de discernement. « Celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il
était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation » (c. civ.
art. 414-3). La faute du mineur lui est imputable sans que le juge ait à vérifier si
ce mineur était capable de discernement (Ass. plén. 9 mai 1984, no 80-93481).

§ 3. Les régimes spéciaux de responsabilité pour faute

I. L’exercice abusif d’un droit


Si certains droits peuvent être exercés discrétionnairement (droit moral
de l’auteur, droit de disposer de la quotité disponible), le principe est que
l’exercice d’un droit peut dégénérer en abus. L’exercice d’un droit n’est pas
en soi fautif. Il doit s’y ajouter des circonstances qui en caractérisent l’exer-
cice abusif. Par exemple, l’abus de majorité implique la prise d’une décision
sociale contraire à l’intérêt social et qui entraîne une rupture intentionnelle
d’égalité entre associés ou actionnaires. L’abus ainsi caractérisé constitue
une faute au sens de l’article 1240 du code civil (sur la prescription de l’action
en réparation : Com. 30 mai 2018, no 16-21022). Il convient d’insister sur l’exer-
cice de trois libertés fondamentales : la liberté d’expression, le droit d’ester
en justice, la liberté d’entreprendre.

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A. Les abus de la liberté d’expression
1. Les abus de liberté d’expression visant des personnes
a. L’éviction de l’article 1240 du code civil
La liberté d’expression est un droit dont l’exercice ne revêt un caractère
abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi. Par conséquent,
les abus de la liberté d’expression ne peuvent pas être réparés sur le fonde-
ment de l’article 1240 (Ass. plén. 12 juill. 2000, no 98-10160 ; Civ. 1re, 10 avr.
2013, Pegasus Bridge, no 12-10177). La responsabilité civile ne peut être fondée
que sur un texte spécial (s’agissant de responsabilité civile, un tel texte n’a
pas à être conforme au principe de légalité des délits et des peines). Ainsi,
des propos mensongers, mais qui ne sont pas diffamatoires, n’engagent pas
la responsabilité de leur auteur (arrêt Pegasus Bridge). Le fait d’imputer la
paternité d’une publication à une personne ou de mettre en cause ses quali-
tés professionnelles, sans l’injurier ni la diffamer, n’engage pas non plus la
responsabilité de leur auteur. De même, « le refus de l’auteur d’un catalogue
raisonné d’y insérer une œuvre fût-elle authentique, ne peut, à défaut d’un texte
spécial, être considéré comme fautif » (Civ. 1re, 22 janv. 2014, no 12-35264).
b. Les abus de la liberté d’expression prévus par la loi
Les abus de la liberté d’expression sont d’abord les infractions prévues par
la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : diffamation ; injure ; provo-
cation aux crimes et délits non suivie d’effet ; apologie de crime de guerre ou
contre l’humanité ; provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence
à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison d’un critère
discriminatoire ; fausse information susceptible de troubler la paix publique ;
publications interdites d’informations ; reproduction des circonstances d’un
crime ou délit qui porte gravement atteinte à la dignité de la victime, etc.
Seule la qualification de la faute pénale engage la responsabilité civile de
son auteur. Ainsi, l’article sur la guerre d’Algérie imputant des actes de torture
à un lieutenant depuis décédé n’engage la responsabilité civile de l’hebdo-
madaire pour diffamation contre la mémoire des morts (art. 34) que s’il est
prouvé que l’auteur de la diffamation a eu l’intention de porter atteinte à l’hon-
neur ou à la considération des héritiers (Ass. plén. 12 juill. 2000, no 98-10160).
L’imputation de faits constitutifs d’infractions pénales visant une personne
morale, à l’exclusion de ses produits ou services, relève de la loi de 1881 et
non de l’article 1240 (Com. 26 sept. 2018, no 17-15502).
D’autres textes répressifs sanctionnent un abus de la liberté d’expres-
sion, tels que le fait de provoquer à des actes de terrorisme ou de faire publi­
quement l’apologie du terrorisme, ou la dénonciation calomnieuse.

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Partie 1 • Les sources d’obligations
En l’absence de dénonciation calomnieuse, la personne qui a déposé
une plainte avec constitution de partie civile ou mis en mouvement l’action
publique peut être condamnée à réparer les dommages causés par sa dénon-
ciation téméraire en cas de non-lieu ou de relaxe. En dehors de la dénoncia-
tion calomnieuse ou téméraire, la dénonciation, auprès de l’autorité judiciaire,
de faits de nature à être sanctionnés pénalement, fussent-ils inexacts, n’est
pas fautive (Civ. 1re, 25 mars 2020, no 19-11554).
L’abus de la liberté d’expression peut résulter de l’atteinte au droit au respect
de la vie privée et au droit à l’image, au droit à la présomption d’innocence,
et à la dignité de la personne humaine (Civ. 1re, 26 sept. 2018, no 17-26089).
Par exception, l’article 1240 est de nouveau applicable à l’encontre de
l’auteur (syndicat d’exploitants agricoles) de propos constitutifs d’une compli-
cité par provocation distincte de la complicité visée à l’article 23 de la loi du
29 juillet 1881 (Ch. mixte 30 nov. 2018, no 17-16047).
2. Les abus de la liberté d’expression visant des produits
Les appréciations, même excessives, touchant les produits ou les prestations
d’une entreprise n’entrent pas dans les prévisions de la loi du 29 juillet 1881,
dès lors qu’elles ne concernent pas la personne physique ou morale (Civ. 2e,
23 janv. 2003, no 01-12848 ; pour une critique de produits à laquelle s’ajoute une
diffamation à l’encontre du fabricant : Civ. 1re, 27 sept. 2005, no 04-12148).
Si la critique des produits est libre, elle ne doit pas être injustement exces-
sive. Le dénigrement de produits ou services, i.e. l’information de nature à
jeter sur eux le discrédit, est un abus de la liberté d’expression sanctionné
sur le fondement de l’article 1240 du code civil.
Le dénigrement peut résulter d’un communiqué qui dénie à un médica-
ment son efficacité s’il n’est pas démontré que l’information se rapporte à
un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante (Com.
4 nov. 2020, no 18-23757). Est une faute, la qualification par un journal d’un
vin, ayant reçu plusieurs récompenses, de picrate à peine buvable (Civ. 1re,
5 juillet 2006, pourvoi no 05-16614).
La critique sévère et outrancière d’un produit est justifiée si elle s’inscrit
dans un débat d’intérêt général de santé publique et repose sur une base
factuelle suffisante (Civ. 1re, 11 juill. 2018, no 17-21457). Un motif d’intérêt
général de santé publique peut en outre justifier le dénigrement des produits
d’une marque par détournement de celle-ci (Civ. 2e, 19 oct. 2006, no 05-13489,
Camel ; Civ. 1re, 8 avr. 2008, no 07-11251, Greenpeace). Enfin, ne sont pas fautifs
les propos mettant en cause les produits d’une marque qui ne créent aucun
risque de confusion entre la réalité et l’œuvre satirique (Ass. plén. 12 juill.
2000, no 99-19004, Guignols de l’info).

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B. L’abus du droit d’ester en justice
L’exercice d’une action en justice constitue un droit. Il ne dégénère en abus
pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts, sur le fonde-
ment de l’article 1240, que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur
grossière équipollente au dol (Civ. 2e, 19 nov. 2009, no 08-20312). Doit être cassé
l’arrêt qui a déduit l’abus du droit d’agir en justice de l’absence manifeste de
fondement de la demande (Civ. 3e, 21 janv. 2014, no 12-25933). De fait, la seule
conscience de l’échec prévisible d’une action n’implique ni l’intention de nuire
ni une négligence équipollente au dol. En revanche, l’acharnement procédural
constitue une faute au sens de l’article 1240 (Civ. 2e, 7 oct. 2004, no 02-14399).
De surcroît, celui qui agit en justice, interjette appel ou se pourvoit en cassa-
tion de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile
de 10 000 euros (CPC art. 32-1, 559 et 628).

C. L’abus de la liberté d’entreprendre (concurrence déloyale)


Constitue une faute, au sens de l’article 1240, l’abus de la liberté d’entre-
prendre par l’usage de procédés déloyaux visant à porter atteinte à l’acti-
vité d’une entreprise. La preuve d’une intention de nuire n’est pas exigée. La
concurrence déloyale peut résulter de quatre comportements :
• le dénigrement d’un produit ou d’un service. La divulgation d’une informa-
tion de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigre-
ment, peu important qu’elle soit exacte (Com. 24 sept. 2013, no 12-19790).
Le dénigrement peut être caractérisé, même en l’absence d’une situation
de concurrence entre les personnes concernées (Civ. 1re, 11 juill. 2018,
no 17-21457 ; pour l’éditeur de presse tenu de vérifier la fiabilité des faits
portés à la connaissance du public : Civ. 1re, 12 déc. 2018, no 17-31758). La
critique excessive peut néanmoins être justifiée par un motif d’intérêt
général ;
• la confusion vise à tromper la clientèle en reprenant des codes d’une
autre entreprise ou en imitant ses signes (enseigne, nom commercial ou
de domaine, publicité) ;
• la désorganisation vise à perturber l’activité normale d’une entreprise
en détournant sa clientèle (débauchage), ses fichiers ou encore violer un
secret d’affaire ;
• le parasitisme est le fait pour un tiers de s’inscrire dans le sillage d’une
entreprise pour profiter de ses investissements (imitation d’une publicité,
reprise d’un savoir-faire ou de méthodes de vente). Les agissements parasi-
taires peuvent être constitutifs d’une faute, même en l’absence de toute
situation de concurrence (Com. 30 janv. 1996, no 94-15725).

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II. L’exigence d’une faute spéciale

Partie 1 • Les sources d’obligations


La loi peut créer un régime de responsabilité pour faute dérogatoire au
droit commun.
Par exemple, la personne qui met à disposition du public un service de
communication en ligne ne peut pas voir sa responsabilité civile engagée du
fait des activités ou des informations stockées si elle n’avait pas effectivement
connaissance de leur caractère manifestement illicite ou si, dès le moment où
elle a eu cette connaissance, elle a agi promptement pour retirer ces données
ou les rendre inaccessible (LCEN 21 juin 2004, art. 6).
La responsabilité pour insuffisance d’actif (c. com. art. L. 651-2), exclu-
sive de l’article 1240, exige la preuve d’une faute de gestion qui ne peut résul-
ter d’une simple négligence. Cette faute doit avoir contribué à l’insuffisance
d’actif, sans que le passif mis à la charge du dirigeant fautif soit forcément
proportionné à la gravité des fautes commises (Com. 9 mai 2018, no 16-26684).
La loi peut aussi exiger la preuve d’une faute spéciale s’ajoutant à celle de
l’article 1240 (en matière de soutien abusif : c. com. art. L. 650-1 ; Com. 27 mars
2012, no 10-20077). On insistera sur deux fautes spéciales exigées par la juris-
prudence sur le fondement de l’article 1240.

A. La faute du dirigeant séparable des fonctions


À l’égard des tiers, le dirigeant d’une société ou d’une association n’est
responsable qu’en cas de faute séparable de ses fonctions, i.e. une faute inten-
tionnelle d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal
des fonctions sociales. C’est dire que la personnalité morale est un écran
qui protège son dirigeant (gérant d’une SARL ou d’une SCI ; président, direc-
teur général ou administrateurs d’une SA ; président d’une association).
Par exemple, ne constitue pas une faute détachable le fait pour le dirigeant
de ne pas demander à ses services de régler les cotisations d’assurance suite
à la mise en demeure d’un assureur (Civ. 2e, 30 juin 2016, no 15-18639) ou de
faire voter une décision sociale dont résultait la violation par la société d’un
contrat (Com. 18 février 2014, no 12-29752). Le seul fait pour un PDG de consen-
tir, au nom et pour le compte de la société, une garantie de la dette d’un tiers
(cautionnement ou nantissement pour autrui), sans l’autorisation préalable
du conseil d’administration, ne démontre pas le caractère délibéré de la faute
(Com. 8 nov. 2017, no 16-10626 ; Com. 20 oct. 1998, no 96-15418). En revanche,
la faute pénale intentionnelle constitue nécessairement une faute séparable
des fonctions sociales (Civ. 3e, 10 mars 2016, no 14-15326). La faute détachable
ne paraît pas faire obstacle à la responsabilité de la société à l’égard de la
victime. Par contre, au regard de la contribution à la dette, la charge de la
dette repose sur le dirigeant ayant commis une faute détachable (refusant
le recours du dirigeant contre la société : Com. 18 sept. 2019, no 16-26962).

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Enfin, il faut relever que la chambre criminelle de la Cour de cassa-
tion retient la responsabilité civile du dirigeant sans exiger la preuve d’une
faute détachable (Crim. 5 avr. 2018, no 16-83961, en cas de contravention, et
no 16-87669, en cas de relaxe).

B. La faute caractérisée par la violation des règles du sport


La pratique d’un sport implique des gestes et des actions qui, dans la vie
courante, constituent des fautes (combat, tacle, plaquage). C’est la raison
pour laquelle le pratiquant d’un sport n’engage sa responsabilité pour faute
à l’égard d’un autre sportif que s’il a commis une faute caractérisée par la
violation des règles du sport (Civ. 2e, 23 sept. 2004, no 03-11274). L’exigence
d’une faute caractérisée s’impose aussi pour retenir l’élément matériel du
délit de blessures involontaires dont la caractérisation permet à la victime
de demander réparation au FGTI (Civ. 2e, 29 mars 2018, no 17-16873 ; Civ. 2e,
4 juill. 2019, no 18-18774).
Le critère réside dans la violation des règles du jeu. Ces règles techniques
et de sécurité sont en principe fixées par la fédération sportive délégataire
(c. sport art. L. 131-16, 1°). Or, il peut arriver qu’un sport ne fasse pas l’objet
d’une délégation (par ex., le MMA jusqu’en 2020) ou que certaines actions ne
soient pas réglementées par le règlement (par ex., le toboggan dans la course
pédestre à obstacles). En l’absence de règles du sport, le juge peut tout de même
retenir une faute caractérisée, d’autant qu’il lui arrive de prendre des liber-
tés dans l’appréciation des règles techniques (Civ. 2e, 23 sept. 2004, préc.).
Ensuite, la faute caractérisée suppose une négligence grave exposant
autrui à un risque dont le fautif aurait dû avoir conscience ou un manquement
délibérée aux règles du jeu, tel un excès d’engagement ou de brutalité d’un
joueur envers un adversaire constitutif d’une faute grossière (Civ. 2e, 29 août
2019, no 18-19700). La simple faute de jeu, même dommageable, ne suffit pas
à engager la responsabilité civile.
Par ailleurs, le règlement, selon lequel la violation des règles du jeu est
laissée à l’appréciation de l’arbitre, n’a pas pour effet de priver le juge civil de
sa liberté d’apprécier si le comportement d’un sportif a constitué une infrac-
tion aux règles du jeu de nature à engager sa responsabilité (Civ. 2e, 10 juin
2004, no 02-18649).
Si le dommage est causé par une chose, la responsabilité du fait des choses
est applicable en matière sportive (Civ. 2e, 4 nov. 2010, no 09-65947, qui exclut
la théorie de l’acceptation des risques). Par exception, l’exigence d’une faute
caractérisée s’impose pour la réparation des dommages matériels causés à
un autre sportif par une chose (c. sport art. L. 321-31-1).

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Section 2. La responsabilité du fait des choses

Partie 1 • Les sources d’obligations


En 1804, l’article 1242, alinéa 1er, du code civil, n’avait pas de valeur juridique
et ne faisait qu’annoncer les cas spécifiques de responsabilités du fait d’autrui
(commettant, parents) et du fait des choses (animaux, bâtiments en ruine).
La révolution industrielle au xixe siècle et le développement des machines
ont augmenté les risques de dommages et leur intensité notamment pour
les salariés. Le célèbre arrêt Teffaine (Civ. 16 juin 1896) a alors admis que
l’employeur était responsable sans faute du dommage subi par son salarié
dans le cas de l’explosion d’une machine. En 1898, la loi sur l’indemnisation
des accidents du travail, pionnière de l’État-Providence, consacra la respon-
sabilité de plein droit de l’employeur en instaurant un système d’indemnisa-
tion forfaitaire, pris en charge en 1945 par la sécurité sociale.
Après l’arrêt Teffaine, Saleilles et Josserand soutinrent l’idée d’une respon-
sabilité objective du fait des choses. Selon la théorie du risque-profit, le
propriétaire qui tire profit d’une chose doit en supporter les risques. Jusqu’en
1930, la jurisprudence se limita dans l’ensemble à retenir une présomption de
faute du gardien. L’arrêt fondateur Jand’heur (Civ. 13 févr. 1930) consacra la
responsabilité générale du gardien du fait des choses qu’il a sous sa garde
sur le fondement de l’article 1242, alinéa 1er.

§ 1. Les conditions de la responsabilité du fait des choses

I. Une chose
La responsabilité du fait des choses s’applique à toute chose sans distin-
guer selon qu’elle soit mobilière ou immobilière, dangereuse ou inoffensive,
en mouvement ou inerte, dirigée par une personne ou autonome, atteinte
ou non d’un vice. De surcroît, une chose peut être l’instrument du dommage
par l’intermédiaire d’une autre chose (vagues causées par un bateau : Civ. 2e,
10 juin 2004, no 03-10837) ou d’un corps (chute en ski : Civ. 1re, 16 oct. 2013,
no 12-17909).
Par exception, échappent au régime de la responsabilité du fait des choses
les dommages causés par :
• (i) un véhicule terrestre à moteur (L. 5 juill. 1985) ;
• (ii) un produit défectueux (c. civ. art. 1245 et s.) ;
• (iii) une communication d’incendie (art. 1242, al. 2). En 1921, la jurispru-
dence décida qu’en cas de communication d’incendie, le gardien ne pouvait
plus s’exonérer en prouvant qu’il n’avait pas commis de faute. L’article 1242,
alinéa 2, a alors été voté (sous la pression des assureurs) pour réintroduire
l’exigence d’une faute : le gardien d’un immeuble ou d’un meuble dans
lequel a pris naissance un incendie est responsable vis-à-vis des tiers que

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s’il est prouvé que l’incendie doit être attribué à sa faute ou à la faute des
personnes dont il est responsable. En l’absence de faute, chaque proprié-
taire du bien incendié supporte le coût du dommage (cep., l’obligation de
résultat du locataire à l’égard de son bailleur : c. civ. art. 1733). Ce régime
est exclusif, de sorte que la responsabilité pour trouble anormal de voisi-
nage ne peut être étendue au cas de communication d’un incendie entre
immeubles voisins (Civ. 2e, 7 févr. 2019, no 18-10727) ;
• (iv) la ruine d’un bâtiment (art. 1244). La victime doit prouver que l’effon-
drement ou la chute d’une partie du bâtiment (ruine) a son origine dans
un vice de construction ou un défaut d’entretien. La preuve d’une faute est
indifférente. Ce régime ne concerne que le défendeur propriétaire, si bien
que l’article 1242, alinéa 2, s’applique au gardien non-propriétaire (Civ. 2e,
8 févr. 2006, no 04-19371). Si la partie du bâtiment à l’origine du dommage
n’était pas en ruine, le dommage peut être réparé sur le fondement de la
responsabilité du fait des choses (Civ. 2e, 16 oct. 2008, no 07-16967).

II. La garde de la chose


A. La notion de garde
La responsabilité du fait des choses est fondée sur la garde. La garde se
définit comme le pouvoir d’usage, de contrôle et de direction d’une chose
(C. réun. 2 déc. 1941, Franck). Par conséquent, un préposé n’est jamais gardien
(Civ. 2e, 1er avr. 1998, no 96-17903), sauf s’il commet un abus de fonctions.
En revanche, une personne dépourvue de la faculté de discernement peut
avoir la qualité de gardien (pour l’infans : Ass. plén. 9 mai 1984, no 80-14994,
Gabillet). Le propriétaire ou celui qui se sert d’un animal est responsable du
dommage causé par celui-ci, que l’animal fût sous sa garde ou qu’il fût égaré
ou échappé (art. 1244).
Une chose sans gardien échappe à l’article 1242, alinéa 1er. Par exemple,
une société de chasse n’a pas la garde du gibier vivant à l’état sauvage (Civ. 2e,
14 oct. 1992, no 91-14211). En revanche, la responsabilité, notamment des fédéra-
tions départementales de chasseurs, peut être recherchée sur le fondement
de l’article 1240 pour les dommages causés par les animaux sauvages (Civ. 2e,
5 avr. 2007, no 05-21762 ; sur l’indemnisation forfaitaire par ces fédérations
des dégâts causés aux cultures par le grand gibier : c. env. art. L. 426-1).

B. Le transfert de la garde
Le propriétaire de la chose est présumé gardien (Civ. 2e, 5 juill. 2018,
n  17-20905 ; Civ. 2e, 14 juin 1995, no 93-19188). Mais il peut démontrer un trans-
o

fert de la garde.

154

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1. Le transfert matériel

Partie 1 • Les sources d’obligations


Le transfert matériel résulte d’un fait juridique tel que le vol (arrêt Franck),
la perte de la chose ou même l’utilisation de la chose. Par exemple, l’épouse
dont le mari a fait sauter, par explosifs, la maison dont elle est propriétaire
n’est pas gardienne des gravats projetés par l’explosion (Civ. 2e, 4 mars 1998,
no 96-14119). En revanche, conserve la garde du carburant stocké dans l’enceinte
de son entreprise, sans mesures particulières de sécurité, la société proprié-
taire de ce carburant, alors que des inconnus ayant pénétré de nuit par effrac-
tion dans ses locaux en ont provoqué l’écoulement à l’origine d’une pollution
des sols (Civ. 2e, 22 mai 2003, no 02-10367). C’est dire que la seule manipulation
ne transfère pas la garde au détenteur. Il s’ensuit qu’un supermarché conserve
la garde de la bouteille qu’un client a fait accidentellement tomber et qui,
en éclatant au sol, a blessé la victime (Civ. 2e, 28 févr. 1996, no 93-20817). Le
propriétaire d’un cheval en conserve la garde lorsque la victime n’est montée
dessus qu’un court instant avant sa chute, et n’en avait nullement le contrôle
(Civ. 2e, 21 mai 2015, no 14-17582).
2. Le transfert juridique
Le transfert juridique résulte d’un contrat. Celui-ci peut stipuler expres­
sément un transfert de la garde. Par exemple, le contrat de mise à disposition
d’un site d’escalade au profit de la Fédération française de la montagne et de
l’escalade prévoit que celle-ci à la garde du site, de sorte qu’elle doit l’entre-
tenir et sera, par exemple, responsable du dommage causé par le descelle-
ment d’un rocher.
La nature même de certains contrats emporte transfert de la garde : vente,
prêt, dépôt, location, etc. Par exemple, le locataire est gardien des volets de
l’immeuble loué (Civ. 2e, 12 déc. 2002, no 01-10974). En revanche, la mission
de surveillance d’un immeuble confiée à une société de gardiennage n’a pas
pour effet de transférer la garde et d’en décharger le propriétaire ou, en cas
de copropriété, le syndicat des copropriétaires en cas d’inondation (Civ. 1re,
16 juin 1998, no 96-20640).
Des circonstances de fait peuvent faire obstacle au transfert juridique de
la garde :
• les restrictions imposées par le gardien, dans son intérêt et sous son contrôle.
Doit être cassé l’arrêt qui retient un transfert temporaire de la garde à la
conductrice d’un véhicule, alors que celle-ci s’était vue confier tempo­rai­
rement et pour un trajet déterminé la conduite du véhicule par la gardienne
qui, même endormie, avait conservé cette qualité (Civ. 1re, 8 nov. 1989,
no 87-10357). Le propriétaire, qui confie sa tondeuse à gazon à un tiers pour
un court laps de temps et un usage déterminé dans son propre intérêt
avec interdiction de sortir de la propriété, reste gardien (Civ. 2e, 19 juin
2003, no 01-17575 ; v. aussi, Civ. 2e, 7 mai 2002, no 00-14594). En revanche, il

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y a transfert lorsque la victime a pris l’initiative d’utiliser la chose et que
le propriétaire « observait seulement sa manière de procéder, sans surveiller ni
diriger le travail, et sans tenir l’échelle au pied de laquelle il était simplement
resté » (Civ. 2e, 10 juin 1998, no 96-21228) ;
• le défaut d’information sur la dangerosité de la chose. Sauf stipulations
contraires, reste gardien le propriétaire qui engage un prestataire pour
la démolition et l’évacuation de déblais sans l’informer du risque présenté
par la présence d’orge susceptible de créer une fermentation dangereuse
et polluante (Civ. 1re, 9 juin 1993, no 91-10608). Le prêteur de cuves de carbu-
rants reste gardien en cas de fuite, à l’exclusion du locataire-gérant qui
n’a pas reçu l’information pour prévenir le dommage (Civ. 2e, 12 oct. 2000,
no 99-10734). En revanche, le prêt d’une chose simple d’utilisation trans-
fère la garde même en l’absence d’information particulière à l’attention du
client (Civ. 2e, 14 janv. 1999, Sté Leroy Merlin, no 97-11527).

C. La pluralité de gardiens
La garde est alternative et non cumulative. En principe, les pouvoirs
d’usage, de direction et de contrôle ne peuvent être exercés que par une seule
personne au moment du dommage.
Par exception, la pluralité de gardiens est admise dans deux cas :
• (i) La garde est collective ou commune lorsque plusieurs personnes exercent
indistinctement les pouvoirs de la garde sur une même chose. La garde
collective peut d’abord être retenue lorsque le gardien n’est pas identi-
fié mais fait partie d’un groupe de personnes identifiées qui ont exercé la
garde lors d’une action commune ou de concert. Les cogardiens sont alors
responsables in solidum, à moins que soit identifié l’unique gardien de la
chose au moment du dommage (Civ. 2e, 19 oct. 2006, no 04-14177). Ensuite,
la garde collective interdit à la victime ayant la qualité de cogardien d’agir
contre les autres gardiens sur le fondement de l’article 1242, alinéa 1er
(abattage d’un arbre : Civ. 2e, 25 nov. 1999, no 97-20343 ; football : Civ. 2e,
13 janv. 2005, no 03-12884) ou de la loi du 5 juillet 1985 (Civ. 2e, 22 mai 2014,
no 13-10561). La victime ne peut agir que sur le fondement de la responsa-
bilité pour faute ;
• (ii) La garde de la structure et la garde du comportement peuvent s’appli-
quer à une chose dotée d’un dynamisme propre (Civ. 2e, 5 janv. 1956, Oxygène
Liquide, no 56-02138). Si le dommage est lié à la manipulation de la chose, le
gardien du comportement est responsable (transporteur, emprunteur). Au
contraire, si le dommage a pour origine un défaut de la chose alors c’est le
gardien de la structure (propriétaire) qui sera responsable. Par exemple, la
responsabilité d’un aéroclub, recherchée en qualité de gardien de la struc-
ture de l’appareil, ne peut être retenue lorsqu’il est établi que l’appareil était
en parfait état de vol à son décollage (Civ. 1re, 27 févr. 2007, no 03-16683).
Par contre, le propriétaire d’un élévateur hydraulique à nacelle, présumé

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Partie 1 • Les sources d’obligations
gardien, conserve la garde de la structure, en cas de rupture d’une pièce de
la transmission de l’engin, sauf preuve d’une fausse manœuvre de l’utilisa-
teur (Civ. 2e, 5 juill. 2018, no 17-20905). Le fabricant étant soumis au régime
spécial de responsabilité du fait des produits défectueux, le recours à la
garde de la structure est exclu pour retenir sa responsabilité.

III. Le rôle actif de la chose


La chose doit avoir été au moins en partie l’instrument du dommage, i.e.
avoir eu un rôle actif. Le rôle actif de la chose est présumé lorsque celle-ci,
en mouvement, est entrée en contact avec le siège du dommage (Civ. 2e,
13 mars 2003, no 01-12356 ; Civ. 2e, 13 nov. 2014, no 13-18682 ; Civ. 2e, 24 sept.
2020, no 19-15619). La présomption est irréfragable.
Si la chose est inerte ou s’il n’y a pas eu de contact, la victime doit prouver
le rôle actif, en établissant l’anormalité de la position, de l’état, de la structure
ou du comportement de la chose : une piscine dont le niveau a été réduit par
une fuite (Civ. 2e, 16 nov. 1994, no 93-12247) ; un câble tendu à quelques centi-
mètres du sol et non signalé (Civ. 2e, 25 janv. 1995, no 93-13425) ; la suréléva-
tion de quelques centimètres du seuil des wc (Civ. 2e, 26 oct. 2006, no 05-19251) ;
la porte automatique n’ayant pas fonctionné au passage d’un client (Civ. 2e,
29 mars 2006, no 05-10871) ; la fragilité anormale d’une baie vitrée (Civ. 2e,
24 févr. 2005, no 03-13536 ; Civ. 2e, 13 sept. 2018, no 17-22795) ; la présence de
deux grands chiens ayant effrayé un cheval entraînant la chute d’une cavalière
confirmée, même si ces chiens ne se sont pas approchés à moins de 10 mètres
et n’ont montré aucune agressivité (Civ. 2e, 17 janv. 2019, no 17-28861).
En l’absence d’anormalité de la chose inerte, celle-ci n’a pas de rôle actif
(muret en béton : Civ. 2e, 29 mars 2012, no 10-27553 ; tuteur : Civ. 2e, 13 déc.
2012, no 11-22582 ; circuit VTT : Civ. 2e, 14 juin 2018, no 17-14781).

§ 2. Le régime de la responsabilité du fait des choses


La responsabilité du fait des choses est une responsabilité sans faute
(objective ou de plein droit). Par conséquent, le gardien ne peut pas s’exo-
nérer en prouvant qu’il n’a pas commis de faute. En revanche, il peut s’exo-
nérer totalement en prouvant un cas de force majeure, ou partiellement en
prouvant la faute de la victime.

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Section 3. La responsabilité du fait d’autrui

Partie 1 • Les sources d’obligations


§ 1. La responsabilité des parents du fait de leur enfant
mineur

I. Les conditions de la responsabilité des parents du fait


de leur enfant mineur
« Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidai-
rement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec
eux » (c. civ. art. 1242, al. 4).
1re condition : la filiation. La filiation, qu’elle soit naturelle ou adoptive,
doit exister au jour du fait dommageable. En raison de son effet rétroac-
tif, l’annulation de la reconnaissance d’un enfant postérieurement au fait
dommageable exclut la responsabilité de son « père » sur le fondement de
l’article 1242, alinéa 4 (Crim. 8 déc. 2004, no 03-84715). Puisque le jugement
qui accueille l’action en contestation de paternité a un effet déclaratif (sur la
répétition de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant : Civ. 1re,
16 sept. 2020, no 18-25429), il devrait également faire obstacle à la responsabi-
lité du « père » dont la paternité a été contestée avec succès.
2e condition : la minorité de l’enfant et l’exercice de l’autorité parentale.
Les père et mère exercent conjointement l’autorité parentale, sauf en cas de
délégation totale ou de retrait total de l’autorité parentale.
3e condition : la cohabitation. La cohabitation est une notion abstraite
correspondant à la résidence habituelle distincte du lieu où vit effec­ti­vement
l’enfant au moment du fait dommageable. Ainsi, l’exercice d’un droit de visite
et d’hébergement ne fait pas cesser la cohabitation du mineur avec le parent
chez lequel il a sa résidence habituelle (Civ. 2e, 19 févr. 1997, Samda, no  93-14646 ;
Crim. 6 nov. 2012, no 11-86857). Seul le JAF peut fixer la résidence de l’enfant
au domicile de l’un des parents (c. civ. art. 373-2-9). La circonstance que le
mineur avait été confié depuis l’âge d’un an, par ses parents, à sa grand-mère,
ne fait pas cesser la cohabitation de l’enfant avec ceux-ci (Crim. 8 févr. 2005,
no 03-87447). Le placement de l’enfant, à titre de mesure d’assistance éduca-
tive ou de mesure éducative judiciaire (c. civ. art. 375-3 ; CJPM art. L. 112-14
et s.), fait cesser la cohabitation de l’enfant avec ses parents.
4e condition : le fait générateur de responsabilité parentale. Les parents
sont civilement responsables lorsque leur enfant mineur est lui-même respon-
sable du dommage qu’il a causé, en sa qualité de fautif ou de gardien de la
chose, instrument du dommage. Ils sont encore responsables lorsque le
dommage invoqué par la victime a été directement causé par le fait, même
non fautif, du mineur (Ass. plén. 13 déc. 2002, no 00-13787 ; Civ. 2e, 10 mai

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2001, no 99-11287). Par conséquent, le fait dommageable du mineur commis
dans un cadre sportif engage la responsabilité de ses parents, même s’il ne
constitue pas une faute caractérisée par la violation des règles du sport.

II. Le régime de la responsabilité des parents du fait de leur enfant


mineur
A. Une responsabilité de plein droit
L’arrêt Bertrand a substitué au régime de la responsabilité des parents fondé
sur une présomption de faute, un régime de responsabilité objective sans
faute (Civ. 2e, 19 févr. 1997, no 94-2111). Seule la force majeure ou la faute de la
victime peut exonérer les parents de la responsabilité de plein droit encourue
du fait des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux.
La garde d’autrui est alternative et non cumulative (Civ. 2e, 18 mars 1981,
n  79-14036). Si l’enfant a la qualité de préposé, le juge ne peut retenir à la fois
o

la responsabilité des parents et celle du commettant. Mais les responsabi-


lités du fait d’autrui pourraient être successives (en ce sens, Civ. 2e, 25 févr.
1998, no 95-20419) : responsabilité du commettant pendant le temps de travail,
responsabilité de l’association sportive pendant une compétition, responsa-
bilité des parents le reste du temps. Une telle solution est toutefois loin d’être
acquise.

B. L’immixtion de la faute
Le mineur ne bénéficie d’aucune immunité, il engage sa responsabilité
personnelle (faute ou garde), sauf s’il n’a commis qu’un fait causal non fautif.
La circonstance que le mineur a été confié à une personne exerçant un
pouvoir de surveillance ne fait pas cesser la cohabitation de l’enfant avec
ses parents (Crim. 18 mai 2004, no 03-83616). Le parent chez lequel l’enfant
a sa résidence habituelle est responsable de plein droit, quand bien même
l’autre parent, bénéficiaire d’un droit de visite et d’hébergement, exercerait
conjointement l’autorité parentale et aurait commis une faute (Crim. 29 avr.
2014, no 13-84207). Une telle faute ne relève pas du pouvoir d’appréciation du
juge pénal qui peut seulement retenir la responsabilité civile de l’auteur de
l’infraction et du civilement responsable.
Si la personne à qui l’enfant a été confié, qu’il s’agisse du parent exerçant
le droit de visite ou d’hébergement ou d’un tiers (par ex., la responsabilité
contractuelle d’une association pour mineurs handicapés : Civ. 2e, 12 mai
2005, no 03-17994), a commis une faute, la charge définitive de la réparation
devrait reposer sur elle. Si la preuve d’une telle faute n’exonère pas le parent
civilement responsable du mineur, elle exclut sa contribution à la dette.

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§ 2. La responsabilité du commettant du fait de ses préposés

Partie 1 • Les sources d’obligations


I. Les conditions de la responsabilité du commettant du fait
de ses préposés
A. Le lien de préposition
La préposition résulte du pouvoir de donner au préposé des ordres ou des
instructions sur la manière de remplir les fonctions auxquelles il est employé.
Il s’agit d’un rapport d’autorité ou de subordination, qui résulte le plus souvent
d’un contrat de travail.
Le rapport de préposition peut être occasionnel et/ou transféré. Il en va
ainsi en cas de mise à disposition temporaire d’un salarié, comme une infir-
mière, un conducteur ou un intérimaire. L’employeur n’est plus le commet-
tant à condition que la personne au service de laquelle a été placé le salarié
dispose d’un véritable pouvoir de contrôler l’activité du préposé. Par exemple,
la location d’une grue avec mise à disposition d’un grutier ne transfère pas le
lien de préposition au locataire qui n’a aucune compétence en matière d’uti-
lisation de la grue (Civ. 2e, 18 mai 2017, no 16-13491).

B. La faute du préposé
Si le dommage est causé par une chose manipulée par le préposé, la respon-
sabilité du commettant est directement engagée en sa qualité de gardien ; la
qualité de préposé étant incompatible avec celle de gardien.
En revanche, si le dommage est causé par le fait du préposé, la preuve d’une
faute du préposé s’impose pour engager la responsabilité du commettant. Par
conséquent, le commettant n’engage sa responsabilité en raison du dommage
causé par son préposé sportif que si celui-ci a commis une faute caractérisée
par la violation des règles du jeu (Civ. 2e, 8 avr. 2004, no 03-11653).

II. L’abus de fonctions du préposé


A. Les critères
Le commettant est responsable sans faute. Il peut s’exonérer en prouvant
la force majeure (subie par le préposé), la faute de la victime ou l’abus de
fonctions du préposé. Le commettant s’exonère totalement de sa respon-
sabilité si son « préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé,
sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions » (Ass. plén.
19 mai 1988, no 87-82654). Si le dommage a été causé par une chose, l’abus de
fonctions fait perdre au commettant la qualité de gardien.

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Les trois critères de l’abus de fonctions sont cumulatifs ; il suffit qu’un
seul fasse défaut pour que le commettant soit responsable : (i) Acte hors des
fonctions (critère objectif), i.e. sans recours au moyen fournis par le commet-
tant ; (ii) Défaut d’autorisation (critère hiérarchique) ; (iii) Acte à des fins
étrangères aux attributions (critère subjectif), i.e. sans poursuivre l’intérêt
du commettant.
En matière de détournement de fonds remis par la victime à un préposé,
l’abus de fonctions est caractérisé lorsque le préposé a agi, sans autorisation,
à des fins étrangères à ses attributions, et que la victime ne pouvait légiti-
mement croire que le préposé agissait à l’occasion de ses fonctions, eu égard
à la nature et aux conditions de conclusion des contrats en vertu desquelles
les fonds ont été remis (Civ. 2e, 23 mars 2017, no 16-13180 ; Civ. 2e, 7 févr. 2013,
no 11-25582).

B. La mise en œuvre
Le fait pour le préposé de commettre une infraction pénale n’est pas
un abus de fonction s’il est commis dans le cadre des fonctions : violences
commises par un videur de discothèque (Civ. 2e, 12 mai 2011, no 10-20590),
agression sexuelle commise par un professeur de musique (Civ. 2e, 17 mars
2011, no 10-14468), chauffeur routier ayant trouvé dans son emploi les moyens
d’organiser un vol (Civ. 2e, 21 mai 2015, no 14-14873), assassinat d’un cadre par
un salarié sur son lieu de travail (Crim. 25 mars 1998, no 96-85593).
Commettre une infraction pénale n’est pas non plus un abus de fonctions
si le préposé a agi, même sans autorisation, afin d’exécuter sa mission. C’est
le cas du livreur qui s’introduit et déplace un véhicule qui le gène pour accom-
plir sa mission, et renverse dans la manœuvre le propriétaire du véhicule
(Crim. 27 mai 2014, no 13-80849).
Il en va autrement lorsque le préposé a pris une initiative personnelle sans
rapport avec sa mission et sans utiliser les moyens de ses fonctions : livreur
qui s’introduit par curiosité dans le véhicule d’un tiers et blesse son proprié-
taire en le déplaçant (Civ. 2e, 3 juin 2004, no 03-10819) ; salarié qui profite d’un
« pot » au bureau pour se livrer à des actes relevant d’une initiative person-
nelle destinée à satisfaire des pulsions exhibitionnistes à l’encontre d’un
collègue de travail avec lequel il entretenait des relations extra-profession-
nelles (Crim. 30 janv. 2007, no 06-83405 ; pour une prise d’initiative qui n’est
pas dans l’intérêt du commettant, même sur le lieu de travail : Civ. 2e, 5 nov.
2020, no 19-20971).

C. Cas de la responsabilité contractuelle du fait d’autrui


Le débiteur d’une obligation contractuelle répond de l’inexécution lorsque
celle-ci est le fait des personnes dont il doit répondre (salariés) ou qu’il s’est
substituées : responsabilité de l’entrepreneur du fait des sous-traitants (c. civ.

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Partie 1 • Les sources d’obligations
art. 1797), du mandataire du fait de celui qu’il s’est substitué dans la gestion
(art. 1994), du commissionnaire du fait du commissionnaire intermédiaire
auquel il adresse les marchandises (c. com. art. L. 132-6), de l’agence de voyages
du fait de ses prestataires de services (c. tour. art. L. 211-16), de l’avocat du fait
de ses collaborateurs, etc. La responsabilité du débiteur relève des règles de
la responsabilité contractuelle (obligations de résultat/de moyens). Toutefois,
l’abus de fonctions est une cause d’exonération pour le débiteur à la condi-
tion que celui qui exécute la prestation soit un préposé (v. supra, videur de
discothèque, professeur de musique, chauffeur routier). L’abus de fonctions
dépasse ainsi le cadre de la responsabilité extracontractuelle. Il en va de
même pour l’immunité du préposé. En revanche, lorsque celui qui exécute
la prestation pour le compte du débiteur n’a pas la qualité de préposé, l’abus
de fonctions n’est pas exonératoire. Le débiteur pourra néanmoins démon-
trer un cas de force majeure (fait d’un tiers).

III. L’immunité du préposé


Le préposé fautif n’engage pas sa responsabilité personnelle, de sorte
que ni la victime, ni le commettant souhaitant exercer l’action récursoire,
ne peuvent agir contre lui (Ass. plén. 25 févr. 2000, Costedoat, no 97-17378).
Par exception, le préposé est responsable s’il a (i) soit excédé les limites
de sa mission (ii) soit commis une faute intentionnelle, que celle-ci soit
pénale (Ass. plén. 14 déc. 2001, Cousin, no 00-82066) ou civile (Civ. 2e, 20 déc.
2007, no 07-13403). En revanche, la commission par le préposé d’une infrac-
tion pénale non intentionnelle n’exclut pas son immunité (Crim. 27 mai 2014,
no 13-80849). L’excès des limites de la mission suppose que le préposé a accom-
pli un acte extérieur à ses fonctions (forcément sans autorisation du commet-
tant), peu importe qu’il ait usé des moyens fournis par ses fonctions ou agi
dans un intérêt personnel.
Ni l’excès des limites de la mission, ni la faute intentionnelle ne suffisent
à caractériser un abus de fonctions, si bien que le préposé déchu de son
immunité sera responsable in solidum avec son commettant. En cas d’abus
de fonctions, l’immunité est a fortiori exclue.
En l’absence d’immunité (sans abus de fonctions), le commettant dispose
d’une action récursoire contre le préposé. En revanche, le recours de l’assureur
du commettant contre le préposé se heurte à une autre immunité du préposé
(c. ass. art. L. 121-12, al.). Mais l’immunité prévue en droit des assurances
n’emportant pas irresponsabilité du préposé, il ne prive pas l’assureur, qui a
indemnisé la victime, de son recours subrogatoire contre l’assureur de respon-
sabilité du préposé (Civ. 1re, 12 juill. 2007, no 06-12624).

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§ 3. La responsabilité générale du fait d’autrui
L’article 1242, aliéna 1er était un texte d’annonce des principaux cas de
responsabilité extracontractuelle du fait d’autrui (parents, commettants).
L’arrêt Blieck a consacré une responsabilité générale du fait d’autrui fondée
sur la garde d’autrui (Ass. plén. 29 mars 1991, no 89-15231). Toutefois, pas plus
que la responsabilité du commettant du fait de ses préposés, la responsabilité
générale du fait d’autrui ne permet à la victime d’un accident du travail d’agir
en responsabilité contre son employeur (Civ. 2e, 22 févr. 2007, no 05-11811).

I. Les conditions de la responsabilité générale du fait d’autrui


A. La garde d’autrui
1. Le contrôle du mode de vie d’autrui
La garde d’autrui résulte de la charge d’organiser et de contrôler, à titre
permanent, le mode de vie d’une personne :
• (i) L’association, qui a accepté la charge d’organiser et de contrôler, à
titre permanent, le mode de vie d’un handicapé, est tenue de réparer les
dommages qu’il a causés (arrêt Blieck).
La notion d’acceptation renvoie au contrat. Toutefois, la commission des
droits et de l’autonomie est compétente pour désigner les établissements
susceptibles d’accueillir la personne handicapée, et cette décision s’impose
à tout établissement dans la limite de la spécialité au titre de laquelle il
a été autorisé (CASF art. L. 241-6). La règle posée par l’arrêt Blieck devrait
s’étendre à toute personne dépendante prise en charge par un établisse-
ment spécialisé, tel un EHPAD. Si la victime est liée par un contrat avec
l’EHPAD, celui-ci engage sa responsabilité contractuelle (Civ. 1re, 15 déc.
2011, no 10-25740, se fondant curieusement sur la qualité de contractant de
l’auteur du dommage).
• (ii) L’association, qui a la charge d’organiser et de contrôler à titre perma-
nent le mode de vie d’un mineur ayant fait l’objet d’une décision de place-
ment, est tenue de réparer les dommages causés par celui-ci.
La décision judiciaire de placement est prononcée au titre de l’assistance
éducative (c. civ. art. 375-3) ou des mesures éducatives (CJPM art. L. 112-14),
selon que le mineur est en danger ou qu’il s’agit d’un mineur délinquant.
L’autorité parentale est alors limitée par les pouvoirs de la garde exercés
par l’établissement où le mineur a été placé.
Le fait pour l’établissement de confier le mineur à une autre personne ne lui
fait pas perdre la garde de l’enfant (Civ. 2e, 9 déc. 1999, no 97-22268 – placement
en famille d’accueil ; Civ. 2e, 6 juin 2002, no 00-15606 – enfant en week-end
chez ses parents). Seule une nouvelle décision judiciaire peut suspendre
ou interrompre la mission éducative résultant de la décision de placement
(Civ. 2e, 7 mai 2003, no 01-15607 ; Crim. 26 mars 1997, no 95-83956).

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Partie 1 • Les sources d’obligations
À la différence du placement, la mesure d’action éducative en milieu ouvert
(art. 375-2) confiée à une association n’est pas de nature à transférer à
celle-ci tout ou partie de l’autorité parentale, ni le contrôle du mode de vie
du mineur (Civ. 2e, 19 juin 2008, no 07-12533).
• (iii) Le tuteur d’un mineur est tenue de réparer les dommages causés par
ce mineur (Crim. 28 mars 2000, no 99-84075 ; sur la désignation du tuteur :
c. civ. art. 403 et s. ; la tutelle peut être déférée par le juge au département :
Civ. 2e, 7 oct. 2004, no 03-16078).
La jurisprudence ne reconnaît pas d’autre cas de contrôle du mode de vie
d’une personne. En particulier, le tuteur d’un majeur n’est pas respon-
sable des dommages causés par celui-ci sur le fondement de l’article 1242,
alinéa 1er (Civ. 2e, 25 févr. 1998, no 95-20419, qui, par ailleurs, admet a contra-
rio qu’une association chargée d’un handicapé peut n’exercer qu’un contrôle
temporaire).
2. Le contrôle de l’activité d’autrui
Les associations sportives, ayant pour mission d’organiser, de diriger et de
contrôler l’activité de leurs membres au cours des compétitions et entraîne-
ments auxquelles ils participent, sont responsables, au sens de l’article 1242,
alinéa 1er, des dommages qu’ils causent à cette occasion (Civ. 2e, 22 mai 1995,
no 92-21871). Il n’y a pas à distinguer selon que le dommage est causé à un
autre joueur ou à un tiers. Le contrôle s’exerce même à l’issue de la rencontre
lorsque le dommage a été causé dans l’enceinte sportive (agression d’un arbitre
par un joueur : Civ. 2e, 5 juill. 2018, no 17-19957).
Ce contrôle nécessairement temporaire de l’activité d’autrui n’a été admis
que pour les associations sportives. Un syndicat n’ayant ni pour objet ni pour
mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de ses adhérents au
cours de mouvements ou manifestations auxquels ces derniers participent,
les fautes commises personnellement par ceux-ci n’engagent pas la responsa-
bilité de plein droit du syndicat auquel ils appartiennent (Civ. 2e, 26 oct. 2006,
no 04-11665). De même, les associations de chasse n’ont pas pour mission de
diriger et de contrôler l’activité de leurs membres au cours des battues qu’elles
organisent (Civ. 2e, 11 sept. 2008, no 07-15842).

B. Le fait générateur de responsabilité


Le responsable du fait d’autrui est tenu de réparer les dommages causés
par celui dont il doit répondre, à condition que celui-ci soit lui-même respon-
sable, soit qu’il ait commis une faute, soit que le dommage a été causé par une
chose dont il a la garde. Par conséquent, les associations sportives ne sont
responsables que si une faute caractérisée par la violation des règles du jeu
est imputable à un ou plusieurs de leurs membres (sportifs), même non identi-
fiés (Ass. plén. 29 juin 2007, no 06-18141 ; Civ. 2e, 5 juill. 2018, no 17-19957).

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II. Le régime de la responsabilité générale du fait d’autrui
À l’instar des autres régimes de responsabilité du fait d’autrui, la respon-
sabilité fondée sur l’article 1242, alinéa 1er, est objective. Ne sont admises
que l’exonération totale en cas de force majeure, et l’exonération partielle en
cas de faute de la victime (Ass. plén. 29 juin 2007, no 06-18141). Les personnes
tenues de répondre du fait d’autrui ne peuvent s’exonérer de la responsabi-
lité de plein droit qui en résulte en démontrant qu’elles n’ont commis aucune
faute (Crim. 26 mars 1997, no 95-83956). Elles sont responsables in solidum
avec l’auteur du dommage, celui-ci ne bénéficiant d’aucune immunité.

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Sous-titre 2
Les régimes spéciaux
de responsabilité civile

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Chapitre 1
Les accidents de la circulation

Section 1. Les conditions du droit à indemnisation

Les conditions du droit à indemnisation de la victime d’un accident de la


circulation résultent de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985 (loi Badinter).

§ 1. Un véhicule terrestre à moteur


La notion de véhicule terrestre à moteur (VTM) est définie par l’article L. 211-1
du code des assurances pour fixer le domaine de l’assurance obligatoire :
« tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné
par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque
même non attelée ». Cependant, une mini-moto pour enfant se déplaçant sur
route au moyen d’un moteur à propulsion est un VTM au sens de l’article 1er
de la loi Badinter, alors même qu’elle n’est pas soumise à l’obligation d’assu-
rance (Civ. 2e, 22 oct. 2015, no 14-13994). Reste qu’en principe les VTM sont les
véhicules soumis à l’obligation d’assurance (pour une tondeuse auto-portée :
Civ. 2e, 24 juin 2004, no 02-20208). Ainsi, les engins de déplacement person-
nel motorisés (EDPM : trottinettes électriques, gyropodes, hoverboards,
monoroues) sont des VTM, alors qu’un vélo avec assistance électrique limitée
à 25 km/h échappe à cette qualification car il n’est pas un véhicule automo-
teur (le cycliste n’est donc pas conducteur d’un VTM).
Ne sont pas des VTM, les trains et tramways circulant sur des voies qui leur
sont propres, ce qui comprend le passage à niveau. En revanche, si d’autres
véhicules ou les piétons peuvent circuler sur la voie d’un tramway, alors celle-ci
ne lui est pas propre (par ex., Civ. 2e, 5 mars 2020, no 19-11411).

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§ 2. Un accident de la circulation
L’accident de la circulation suppose un dommage survenu dans un lieu
ouvert à la circulation : une voie publique ou privée, un parking, un garage
(même privé à usage individuel : Civ. 2e, 22 mai 2014, no 13-10561), une piste
de ski, une plage. En revanche, n’est pas un lieu ouvert à la circulation, le
hall d’un immeuble dans lequel était stationné un cyclomoteur ayant pris feu
(Civ. 2e, 26 juin 2003, no 00-22250).
Ne constitue pas un accident de la circulation, l’accident survenant entre
concurrents d’une compétition sportive ou à l’entraînement évoluant sur un
circuit fermé exclusivement dédié à l’activité sportive (Civ. 2e, 4 janv. 2006,
no 04-14841) ou l’accident entre cascadeurs évoluant sur une voie fermée à la
circulation par arrêté du préfet de police de Paris. Par contre, le dommage
résulte d’un accident de la circulation lorsque la victime, un spectateur ou
un cameraman, n’a pas la qualité de concurrent (Civ. 2e, 14 juin 2012, Taxi 2,
no 11-13347).
La qualification d’accident de la circulation est encore exclue lorsque le
dommage a son origine dans la fonction outil du véhicule : fonction outil de
soulèvement de charge d’un chariot élévateur (Civ. 2e, 18 mai 2017, no 16-18421) ;
chute du hayon élévateur d’un camion (Civ. 2e, 8 oct. 2009, no 08-15967) ;
dommage causé par l’ouverture de l’auvent d’une remorque (Civ. 2e, 8 mars
2001, no 98-17678). La loi Badinter n’est alors pas applicable, mais l’assurance
obligatoire couvre néanmoins les accidents causés par les accessoires ou la
chute d’objets (Civ. 2e, 13 sept. 2018, no 17-25671 ; c. ass. art. 211-5). En revanche,
le dommage a son origine dans la fonction déplacement en cas d’explosion
consécutive à une fuite de carburant (Civ. 2e, 22 mai 2014, no 13-10561).
C’est dire que les dommages consécutifs à l’incendie d’un VTM sont un
accident de la circulation. De surcroit, il est indifférent que le VTM soit en
mouvement, à l’arrêt ou en stationnement. Ainsi, le conducteur qui descend
de son VTM et se blesse en relevant un scooter qui était à terre est victime
d’un accident de la circulation (Civ. 2e, 24 oct. 2019, no 18-20910).
Enfin, ne constitue pas un accident de la circulation, le dommage résultant
d’une faute intentionnelle : victime ayant recherché le dommage ; incendie
volontaire du VTM (Civ. 2e, 15 mars 2001, no 99-16852) ; conducteur ayant heurté
volontairement la voiture qui le dépasse (Civ. 2e, 2 mars 1994, no 92-18818).
Ainsi, le passager blessé n’a pas d’action contre le conducteur du véhicule dans
lequel il se trouve, lorsque le dommage a été causé par un autre VTM conduit
par un tiers ayant volontairement percuté l’arrière du VTM dans lequel se
trouvait la victime (Civ. 2e, 23 janv. 2003, no 00-21676).

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§ 3. L’implication du véhicule dans l’accident

Partie 1 • Les sources d’obligations


La victime a un droit à indemnisation sans avoir à prouver ni un lien de
causalité entre le fait du VTM et son dommage, ni le rôle actif du VTM. Il
suffit que le VTM soit impliqué dans l’accident à l’origine du dommage.

I. La preuve de l’implication
A. En cas de contact avec le VTM
Est nécessairement impliqué dans l’accident le VTM intervenu dans une
collision, qu’il soit à l’arrêt ou en mouvement. Le simple contact ou interven-
tion matérielle du VTM emporte présomption d’implication : cycliste qui
heurte la ridelle d’un camion régulièrement stationné (Civ. 2e, 25 janv. 1995,
no 92-17164) ; VTM roulant à droite à allure raisonnable heurté par un cyclo-
moteur dont la victime a perdu le contrôle (Civ. 2e, 20 mars 1989, no 87-16806) ;
VTM stationné dans un parking heurté par la victime emportée par une rafale
alors qu’elle pratiquait du kite-surf (Civ. 2e, 6 févr. 2014, no 13-13265).

B. En l’absence de contact avec le VTM


En l’absence de contact, la victime doit démontrer que le VTM a eu un
rôle quelconque dans la réalisation de l’accident. Encourt la censure, toute
décision exigeant la preuve du rôle perturbateur du VTM pour retenir son impli-
cation (Civ. 2e, 15 janv. 2015, no 13-27448 – présence d’un VTM roulant en sens
inverse sur une route de montagne ; Civ. 2e, 2 mars 2017, no 16-15562 – tracteur
empiétant sur la voie et circulant lentement).
Par conséquent, sont impliqués : le VTM immobilisé sur le toit sur le terre-
plein central du fait de sa position insolite (Civ. 2e, 8 mars 2012, no 11-11532) ;
le tracteur qui circulait à allure très réduite en empiétant sur la voie de circu-
lation ayant contraint la victime à une manœuvre de dépassement (Civ. 2e,
18 avr. 2019, no 18-14948) ; le camion de pompier dont le conducteur a interpelé
des cyclistes qui le dépassaient, ce qui les a désorientés (Civ. 2e, 1er juin 2011,
no 10-17927) ; les VTM dont l’immobilisation sur la bande d’arrêt d’urgence a
rendu nécessaire l’intervention des pompiers qui ont été renversés par un autre
VTM alors qu’ils regagnaient leur camion (Civ. 2e, 25 oct. 2007, no 06-17240).
En revanche, la seule présence du VTM dépassé ne suffit pas, en l’absence
de contact, à prouver l’implication (Civ. 2e, 26 oct. 2017, no 16-22462). De même,
n’est pas impliqué le VTM situé dans la file de VTM dépassés qui a reçu sur
le capot un liquide corrosif projeté au moment de l’accident (Civ. 2e, 13 déc.
2012, no 11-19696).
Le rôle quelconque du VTM peut résulter d’une poursuite, de sorte que
le VTM poursuivant est impliqué dans l’accident du VTM poursuivi (Civ. 2e,
18 mai 2000, no 98-10190 ; Civ. 2e, 13 sept. 2018, no 17-24112), et le VTM poursuivi
(des malfaiteurs) est impliqué dans l’accident du VTM de police poursuivant

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(Civ. 2e, 4 juill. 2007, no 06-14484). En revanche, le VTM de police n’a joué
aucun rôle lorsque l’accident résulte, non pas de la poursuite qui était termi-
née, mais exclusivement de la volonté du conducteur d’échapper à ses respon-
sabilités, en s’engageant à contresens dans un tunnel à voie unique et à une
vitesse excessive (Crim. 28 juin 2017, no 16-84196).

II. Les accidents successifs et complexes


L’identification d’accidents successifs distincts exclut que le VTM impli-
qué dans l’un soit impliqué dans l’autre. Par exemple, un VTM n’est pas impli-
qué dans l’accident corporel de la victime lorsqu’il a seulement heurté le
VTM de la victime après que celle-ci en ait été projetée (Civ. 2e, 24 oct. 1990,
no 89-13306 ; Civ. 2e, 16 janv. 1991, no 89-19663). De même, lorsqu’un même
VTM a d’abord heurté un scooter puis, dans un second temps, a percuté une
automobile, il ne s’agit pas d’un accident complexe dans lequel tous les VTM
étaient impliqués, mais de deux accidents successifs, de sorte que l’automo-
bile n’est pas impliquée dans l’accident impliquant le scooter (Civ. 2e, 5 mars
2015, no 13-27173). Cependant, l’accident devient complexe lorsque les colli-
sions successives sont intervenues dans un même laps de temps (Civ. 2e,
17 juin 2010, no 09-67338).
La qualification d’un accident complexe permet de retenir l’implication de
tous les VTM intervenus dans l’accident, peu importe que l’un des VTM impli-
qué ne soit pas à l’origine du dommage subi par une victime. Par exemple :
• le VTM de la victime a été heurtée par un autre VTM, ce qui a conduit la
victime à sortir de son véhicule pour constater les dégâts matériels, qu’elle
a alors été heurtée par un deuxième VTM, puis, alors qu’elle gisait blessée
sous son VTM, celui-ci a été heurté par un troisième VTM : les trois VTM
sont impliqués (Civ. 2e, 24 juin 1998, no  96-20575) ;
• un VTM A pile et dérape pour éviter un VTM ne respectant pas une priorité,
il heurte un VTM B circulant en sens inverse, qui à son tour est percuté
par un VTM C circulant derrière lui, alors que le VTM A est heurté par un
VTM D, ce qui entraîne le décès du passager du VTM A. S’agissant d’un
accident complexe, tous les VTM sont impliqués, même le VTM C alors
qu’il n’a eu aucun contact avec le VTM A dans lequel se trouvait la victime
(Civ. 2e, 11 juill. 2002, no 01-01666).

§ 4. L’imputabilité du dommage à l’accident


Le conducteur d’un VTM impliqué dans un accident de la circulation ne
peut se dégager de son obligation d’indemnisation que s’il établit que cet
accident est sans relation avec le dommage. Le dommage survenu peu de
temps après la collision est présumé résulter de l’accident (Civ. 2e, 19 févr.
1997, no 95-14034 – crise cardiaque). De même, le décès de la victime, dont le
VTM a été immobilisé sur la chaussée après avoir heurté un arbre, puis qui

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Partie 1 • Les sources d’obligations
a été percuté par d’autres VTM, est imputable à l’accident, dès lors qu’il n’est
pas démontré que le décès a eu lieu avant les collisions (Civ. 2e, 28 juin 1989,
no 88-16149).
La présomption d’imputabilité du dommage à l’accident ne s’applique que
si le dommage est concomitant à l’accident. Si le dommage s’est révélé après
l’accident, c’est à la victime de prouver que le dommage est imputable à l’acci-
dent (Civ. 2e, 24 janv. 1996, no 94-13678).

Section 2. Le régime du droit à indemnisation

§ 1. L’identification du responsable


Seuls le conducteur et, s’il s’agit d’une personne distincte, le gardien du
VTM impliqué sont responsables (Civ. 2e, 6 juin 2002, no 00-10187). Par consé-
quent, l’indemnisation des dommages causés par un piéton ou un cycliste
dans un accident de la circulation relève du droit commun de la responsabi-
lité (Civ. 2e, 15 mars 2007, no 06-12680).
Lorsqu’un seul VTM est impliqué, le conducteur/gardien, seul respon-
sable, ne peut se prévaloir de la loi de 1985 à l’encontre de son propre assureur
pour obtenir l’indemnisation des dommages qu’il a subis, directement ou par
ricochet (Civ. 2e, 7 déc. 2006, no 05-16720). Il en va ainsi lorsque le gardien du
VTM a été renversé par celui-ci après en être sorti pour fermer sa porte de
garage (Civ. 2e, 13 juill. 2006, no 05-17095).
Si le conducteur victime n’a pas la qualité de gardien, il peut agir contre
ce dernier (Civ. 2e, 2 juill. 1997, no 96-10298 ; Civ. 2e, 16 janv. 2020, no 18-22929).
Et le gardien (victime non conductrice) peut agir contre le conducteur.
En cas de garde collective du seul véhicule impliqué dans l’accident et
en l’absence de conducteur, les co-gardiens victimes et leurs ayants droit ne
peuvent obtenir l’indemnisation de leurs dommages en invoquant la loi de
1985 (Civ. 2e, 22 mai 2014, no 13-10561).

§ 2. Les exceptions opposables au droit à indemnisation

I. L’inopposabilité de la force majeure et du fait d’un tiers


« Les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force
majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien d’un VTM » (art. 2).

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Conformément au droit commun, le conducteur impliqué (ou son assureur)
qui a indemnisé la victime dispose d’une action récursoire contre les autres
responsables. À condition que le tiers soit responsable à l’égard de la victime
(Civ. 2e, 10 mars 2004, no 02-13518).
La contribution à la dette s’effectue en proportion de la gravité des fautes
respectives dont l’appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond
(Civ. 2e, 20 mai 2020, no 19-10247). Par exemple, le fait pour le conducteur d’une
motocyclette d’avoir circulé avec le passager victime dépourvu de casque est
une faute (Civ. 2e, 18 sept. 2003, no 02-15461).
Le codébiteur tenu in solidum, qui a exécuté l’entière obligation, ne peut
répéter contre les autres débiteurs que les parts et portion de chacun d’eux
(division des recours). La part du codébiteur insolvable se répartit, par contri-
bution, entre les autres codébiteurs. En l’absence de fautes, la contribution
se fait par parts égales. Si le conducteur impliqué n’a pas commis de faute,
le coresponsable fautif a la charge définitive de la dette (recours intégral de
l’assureur du conducteur contre l’EFS en raison de la contamination par le
VHC de la victime transfusée : Civ. 2e, 17 avr. 2008, no 07-16824).
Par exception, l’action récursoire est irrecevable si elle a pour effet de
priver, directement ou indirectement, la victime de la réparation intégrale de
son préjudice. C’est le cas lorsque le coresponsable fait partie de la famille de
la victime et n’est pas assuré. Par exemple, le conducteur d’un VTM ne peut
exercer un recours en garantie contre le conducteur du VTM ayant la qualité
de mari de la victime, qui était son passager transporté, que si ce mari cores-
ponsable est assuré (Civ. 2e, 17 juill. 1991, no 89-13388).

II. La réparation des atteintes à la personne


A. La victime conductrice d’un VTM
1. La notion de conducteur
Le conducteur est celui qui est aux commandes du VTM au moment de
l’accident et qui en a la maîtrise. Doit être cassé l’arrêt qui a exclu la qualité de
conducteur de la victime alors que celle-ci procédait au milieu de la chaussée
à la fixation sur sa tête de son casque réglementaire tout en se tenant debout,
les deux pieds au sol, le cyclomoteur entre les jambes et qu’ainsi elle était aux
commandes de l’engin (Civ. 2e, 29 mars 2012, no 10-28129). Peu importe que le
moteur du VTM soit à l’arrêt ou en marche. Il suffit que le conducteur ait une
certaine maîtrise du VTM : victime tenant le volant du VTM remorqué (Civ. 2e,
14 janv. 1987, no 85-14655) ; passager qui appuie sur la jambe droite du conduc-
teur en donnant une impulsion au volant (Civ. 2e, 31 mai 2000, no  98-21203) ;
moniteur qui saisit les commandes pour éviter une collision (Civ. 2e, 27 nov.
1991, no 90-11326) ; enfant passager qui actionne le démarreur pour mettre
en marche la radio (Civ. 2e, 28 mars 2013, no 12-17548).

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Partie 1 • Les sources d’obligations
En revanche, la victime qui a stationné son VTM sur la bande d’arrêt
d’urgence en raison d’une panne, a allumé ses feux de détresse puis s’est
reposée sur la banquette arrière en attendant les secours n’a pas la qualité
de conducteur puisqu’elle a quitté les commandes du VTM dont elle n’a pas
gardé la maîtrise (Crim. 31 mai 2016, no 15-83625). De même, la victime qui
descend de son VTM n’a pas la qualité de conducteur.
Cependant, la qualité de conducteur ou de piéton de la victime ne peut
changer au cours de l’accident reconnu comme un accident unique et indivi-
sible. Par conséquent, si après une première collision, la victime est descen-
due de son VTM, puis peu de temps après a été renversée par un autre VTM,
alors qu’elle se trouvait debout contre la portière ouverte, elle conserve sa
qualité de conducteur (Civ. 2e, 1er juill. 2010, no 09-67627 ; Crim. 3 mai 2017,
no 16-84485).
C’est la raison pour laquelle la victime éjectée de son VTM conserve la
qualité de conducteur lorsque la seconde collision se produit dans le même
laps de temps que la première. Ainsi, la chute de la victime sur la chaussée
puis sa collision avec un VTM qui se sont succédées dans un enchaînement
continu et dans un laps de temps extrêmement bref, constituent un accident
unique pendant lequel la victime n’a pas perdu la qualité de conducteur (Civ. 2e,
24 mars 2016, no 15-19416).
2. La faute du conducteur
La faute commise par le conducteur du VTM a pour effet de limiter ou
d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis (art. 4).
La faute de la victime doit avoir eu un rôle causal dans la réalisation de son
dommage (Ass. plén. 6 avr. 2007, no 05-81350 ; Crim. 27 nov. 2007, no 07-81585).
En l’absence de lien de causalité entre la faute de la victime (alcoolémie, défaut
de permis de conduire) et la réalisation du dommage, la faute n’a pas d’effet
sur le droit à indemnisation. La jurisprudence se fonde parfois sur l’absence de
rôle causal de la faute dans l’accident (par ex., Crim. 13 sept. 2016, no 15-85133).
Or, une faute peut ne pas avoir eu un rôle causal dans l’accident mais avoir
contribué à la réalisation ou à l’aggravation du dommage (absence de ceinture
de sécurité ou de port du casque : Crim. 24 févr. 2015, no 14-82350).
La faute ne s’apprécie qu’en la personne du conducteur auquel on l’oppose
et ne revêt un caractère exclusif que lorsqu’elle est seule à l’origine de son
dommage. Par exemple, un ralentissement de la circulation peut justifier de
ne pas exclure l’indemnisation de la victime fautive, alors que le responsable
n’a commis aucune faute (Ch. mixte, 28 mars 1997, De Meyer, no 93-11078 ; Crim.
22 mai 1996, no 94-85607). Les juges du fond apprécient souverainement si la
faute a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation. Mais il leur est inter-
dit de se fonder sur le comportement du conducteur du VTM impliqué pour
décider que la faute de la victime conductrice est la seule cause génératrice de

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l’accident (Civ. 2e, 3 mars 2016, no 15-14285). En l’absence d’autre cause (ralentis-
sement, malaise, absence de visibilité), les juges du fond peuvent se fonder sur
la gravité de la faute de la victime pour exclure son droit à indemnisation.
Quoi qu’il en soit, la faute de la victime fait obstacle à la réparation intégrale
de son dommage.
Enfin, la faute du conducteur est opposable à la victime par ricochet que
celle-ci soit un tiers (art. 6) ou le conducteur lui-même (Ch. mixte, 28 mars
1997, De Meyer, no 93-11078).

B. La victime non conductrice d’un VTM


Les victimes, hormis les conducteurs de VTM, sont indemnisées des
dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subies, sans que
puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcu-
sable si elle a été la cause exclusive de l’accident (art. 3).
Par exception, la faute inexcusable cause exclusive de l’accident (FICEA)
n’est pas opposable à la victime non conductrice d’un VTM qui a moins de
16 ans ou plus de 70 ans, ou celle atteinte d’une incapacité permanente au
moins égale à 80 %.
La FICEA est une faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant
sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience
(Ass. plén. 10 nov. 1995, no 94-13912). Elle emporte exonération totale du
responsable.
Constitue, par exemple, une FICEA : le fait de s’allonger de nuit en état
d’ébriété au milieu d’une voie de circulation fréquentée et dépourvue d’éclai-
rage public (Civ. 2e, 28 mars 2013, no 12-14522) ; le fait d’escalader de nuit un
talus herbeux, d’enjamber une glissière de sécurité pour accéder à une route
nationale, puis de se coucher sur la chaussée (Civ. 2e, 29 nov. 1997, no 96-10577) ;
le fait de traverser une autoroute, sans raison valable connue, à la sortie
d’une courbe masquant la visibilité (Civ. 2e, 28 mars 2019, no 18-15168) ou de
nuit (Civ. 2e, 27 mai 1999, no 97-21309) ; le fait de sauter d’un VTM en marche
(Civ. 2e, 19 janv. 1994, no 92-13804).
Ne constitue pas une FICEA : le fait pour une personne atteinte d’un trouble
mental qui a besoin d’air d’ouvrir la portière d’un VTM (Civ. 2e, 2 mars 2017,
no 16-11986) ; le fait de circuler de nuit sur une route départementale sur un
vélo dépourvu d’éclairage (Civ. 2e, 28 mars 2019, no 18-14125) ; le fait de traver-
ser une chaussée hors agglomération en état d’ébriété et de nuit (Ass. plén.
10 nov. 1995, préc.).

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III. La réparation des atteintes aux biens

Partie 1 • Les sources d’obligations


La faute commise par la victime, qu’elle soit ou non conductrice d’un VTM,
a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages aux biens
qu’elle a subis (art. 5). Toutefois, les fournitures et appareils délivrés sur
prescription médicale donnent lieu à indemnisation selon les règles appli-
cables à la réparation des atteintes à la personne.
La faute du conducteur est opposable au propriétaire pour l’indemnisa-
tion des dommages causés à son VTM. Le propriétaire dispose d’un recours
contre le conducteur.

§ 3. Les interactions avec les autres régimes


de responsabilité
La loi du 5 juillet 1985 a un caractère exclusif et autonome. Toutefois, le
régime de la responsabilité du commettant du fait de ses préposés est appli-
cable. Par conséquent, le préposé, conducteur du VTM de son commettant
impliqué dans un accident de la circulation, bénéficie de l’immunité du préposé
(Civ. 2e, 28 mai 2009, no 08-13310). De son côté, le commettant peut se dégager
de sa responsabilité en prouvant un abus de fonctions de son préposé.
Par ailleurs, le régime d’indemnisation des accidents du travail a pour
effet d’exclure le régime des accidents de la circulation. Le salarié victime
n’a d’action ni contre son employeur ni contre un autre salarié conducteur, et
ne bénéficie que d’une indemnisation forfaitaire (sauf faute inexcusable ou
intentionnelle). En revanche, le salarié victime peut prétendre à une répara-
tion intégrale en agissant contre un responsable autre de son employeur ou
l’un de ses préposés (CSS art. L. 454-1), qui n’aura alors pas d’action récur-
soire contre ces derniers.
Cependant, le salarié, victime d’un accident de la circulation dans lequel
est impliqué un VTM conduit par son employeur, un préposé ou une personne
appartenant à son entreprise, peut se prévaloir de l’article L. 454-1, et obtenir
une réparation complémentaire sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985
(CSS art. L. 455-1-1). A contrario, la réparation complémentaire est exclue si le
VTM n’est pas conduit par l’employeur, un de ses préposés ou une personne
appartenant à l’entreprise (Soc. 5 févr. 2015, no 13-26358 ; Civ. 2e, 24 mars 2016,
no 15-15306).

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Chapitre 2
Les produits défectueux

Section 1. Les conditions de la responsabilité du fait


des produits défectueux

§ 1. Un produit mis en circulation


Est un produit tout bien meuble, même s’il est incorporé dans un immeuble
(c. civ. art. 1245-2). Le produit recouvre les matériels, l’électroménager, les
médicaments, les produits du sol, de l’élevage, de la chasse ou de la pêche,
l’électricité, ou encore les produits du corps humain. Les immeubles sont
exclus.
Le produit doit avoir été mis en circulation, ce qui suppose que le produc-
teur s’en est dessaisi volontairement (art. 1245-4). Le produit doit être entré
dans un processus de commercialisation. Par exemple, ne sont pas mis en
circulation les produits faisant l’objet d’un essai clinique (sur la responsabi-
lité du promoteur d’une recherche impliquant la personne humaine : CSP
art. L. 1121-10).

§ 2. Un produit défectueux


Un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on
peut légitimement s’attendre (c. civ. art. 1245-3). La défectuosité s’apprécie
selon les circonstances et notamment selon la présentation du produit, l’usage
qui peut en être raisonnablement attendu et le moment de sa mise en circu-
lation. Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait
qu’un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation.
Un produit dangereux n’est pas défectueux dès lors que sa dangerosité est
inhérente à sa destination. Pour les médicaments, la jurisprudence compare
les avantages et les inconvénients du produit même si le ratio bénéfices/risques

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a déjà été effectué à l’ANSM. Nonobstant les mentions figurant dans la notice,
les juges doivent vérifier si la gravité du risque encouru et la fréquence de sa
réalisation n’excèdent pas les bénéfices attendus du médicament, de sorte
que les effets nocifs constituent un défaut du produit (Civ. 1re, 26 sept. 2018,
no 17-21271).
Si un produit présente un danger, il appartient au producteur d’en infor-
mer les acquéreurs. Par exemple, est défectueux le médicament dont la
notice ne précise pas les effets secondaires dont a été victime le consom-
mateur. De même, le défaut d’information quant aux risques liés à l’utilisa-
tion du gaz propane caractérise un défaut (Civ. 1re, 4 févr. 2015, no  13-19781 ;
produit anti-rides : Civ. 1re, 22 nov. 2007, no 06-14174).
En l’absence de preuve scientifique, la preuve de la défectuosité d’un
produit peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes
(Civ. 1re, 22 mai 2008, no 05-20317 ; CJUE 21 juin 2017, C-621/15 ; Civ. 1re, 21 oct.
2020, no 19-18689, Monsanto). Mais la simple imputabilité du dommage au
produit incriminé ne suffit pas à établir son défaut, ni le lien de causalité
entre ce défaut et le dommage (Civ. 1re, 27 juin 2018, no 17-17469).
Si le défaut d’un produit (de traitement du vin) ne peut se déduire du seul
dommage, il n’est pas nécessaire que le dommage matériel (dégradation d’un
vin altérant son goût) soit de nature à nuire à la santé des personnes (Civ. 1re,
9 déc. 2020, no 19-17724).
La preuve du défaut est rapportée par le défaut potentiel des produits
appartenant au même groupe ou relevant de la même série de production,
alors même que le défaut n’a causé aucun dommage (préjudices consécutifs
à l’explantation de stimulateurs cardiaques défectueux : CJUE, 5 mars 2015,
Boston Scientific, C-503/13).

Section 2. Le régime de la responsabilité du fait


des produits défectueux

§ 1. La responsabilité de plein droit du producteur

I. Responsabilité principale et responsabilité subsidiaire


A. La notion de producteur
Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son
produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime (art. 1245). Est
producteur, lorsqu’il agit à titre professionnel, le fabricant d’un produit fini,
le producteur d’une matière première, le fabricant d’une partie composante.

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Partie 1 • Les sources d’obligations
Sont également des producteurs celui qui se présente comme producteur
(marque ou autre signe distinctif) et l’importateur d’un produit au sein de
l’UE (art. 1245-5).
Le professionnel médical chargé de la distribution et de la pose d’un produit
ou dispositif médical n’a pas la qualité de producteur, sauf s’il a lui-même fabri-
qué ledit produit ou dispositif, de sorte que sa responsabilité n’est engagée
en cas de défaut du produit que s’il a commis une faute (Civ. 1re, 12 juill. 2012,
no 11-17510 ; Civ. 1re, 26 févr. 2020, no 18-26256).
En cas de dommage causé par le défaut d’un produit incorporé dans un
autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l’incorpo-
ration sont solidairement responsables à l’égard de la victime (art. 1245-7).

B. Le responsable subsidiaire
Si le producteur n’est pas identifié, sont responsables du fait du produit
défectueux : le vendeur, le loueur (à l’exception du crédit-bailleur ou du
loueur assimilable au crédit-bailleur) ou tout autre fournisseur profession-
nel (art. 1245-6). Ces professionnels échappent à leur responsabilité sur le
fondement des articles 1245 et suivants s’ils désignent le producteur ou leur
propre fournisseur, dans un délai de 3 mois à compter de la date à laquelle la
demande de la victime leur a été notifiée.

II. La nature du dommage réparable


La responsabilité du fait des produits défectueux est applicable à la répara-
tion des atteintes à la personne (art. 1245-1). Pour les atteintes aux biens, elle
ne s’applique qu’au dommage d’un montant supérieur à 500 € (franchise).
L’article 1245-1 s’applique au dommage causé à un bien destiné à l’usage
professionnel (Civ. 1re, 11 juill. 2018, no 17-20154). En revanche, la responsa-
bilité du fait des produits défectueux n’est pas applicable au dommage subi
par le produit défectueux, ce qui recouvre le coût de la remise en état du bien
défectueux, les pertes de loyers et de jouissance résultant de l’impossibilité
de l’utiliser (Civ. 1re, 14 oct. 2015, no 14-13847), ainsi que les préjudices de perte
d’exploitation et d’absence de fourniture d’une machine de remplacement
(Civ. 1re, 9 déc. 2020, no 19-21390). Par contre, les articles 1245 et suivants sont
applicables au dommage subi par le contenu (vin) du contenant (bouteille)
défectueux (Civ. 1re, 1er juill. 2015, no 14-18391).

III. Les délais pour agir


L’action de la victime est soumise à un double délai :
• délai de prescription de 3 ans à compter de la date à laquelle le deman-
deur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de
l’identité du producteur (art. 1245-16). Ainsi, les victimes de la Dépakine,
n’ayant pas été informée du risque de ce produit, n’ont connaissance de

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l’origine du dommage qu’après le dépôt du rapport d’expertise (Civ. 1re,
27 nov. 2019, no 18-16537) ;
• délai de forclusion de 10 ans à compter de la mise en circulation du produit
même qui a causé le dommage. Ce délai n’est pas applicable en cas de faute
du fabricant (art. 1245-15).
Par ailleurs, le recours spécifique du fournisseur contre le producteur se
prescrit dans un délai d’un an (art. 1245-6).

§ 2. Les causes d’exonération

I. Les causes générales d’exonération


Le fabricant est responsable de plein droit. Il ne peut s’exonérer en prouvant
qu’il n’a pas commis de faute. En particulier, il est responsable lors même
que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l’art ou de normes
existantes ou qu’il a fait l’objet d’une autorisation administrative (art. 1245-9).
Conformément au droit commun, le fait d’un tiers n’est pas exonératoire
(art. 1245-13). En revanche, la responsabilité du producteur peut être réduite
ou supprimée lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du
produit et par la faute de la victime ou d’une personne dont la victime est
responsable (art. 1245-12).

II. Les causes spéciales d’exonération


Le producteur est responsable de plein droit à moins qu’il ne prouve :
1° qu’il n’avait pas mis le produit en circulation ;
2° que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d’estimer que le défaut ayant
causé le dommage n’existait pas au moment où le produit a été mis en circu-
lation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ;
3° que le produit n’a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de
distribution ;
4° que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis
le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut (risque de
développement ; par ex., possibilité de déceler le défaut du Mediator lors de
sa mise en circulation : Civ. 1re, 20 sept. 2017, no 16-19643). Cette cause d’exoné­
ra­t ion ne peut être invoquée si le dommage a été causé par un élément du
corps humain ou par les produits issus de celui-ci ;
5° ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impéra-
tives d’ordre législatif ou réglementaire. Doit être cassé l’arrêt qui retient la
responsabilité de Sanofi sans vérifier si le défaut d’information sur le risque
de malformation lié à la prise de Dépakine avait été imposé par l’autorité
compétente (ANSM) pourtant informée du risque par le producteur (Civ. 1re,

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Partie 1 • Les sources d’obligations
27 nov. 2019, no 18-16537 ; sur la réparation intégrale des victimes de la Dépakine
par l’ONIAM : CSP art. L. 1142-24-9 et s.). Le scandale de la Dépakine a par
ailleurs conduit la justice administrative à condamner l’État à raison de la
faute commise par l’ANSM.

III. Les clauses relatives à la responsabilité


« Les clauses qui visent à écarter ou à limiter la responsabilité du fait des produits
défectueux sont interdites et réputées non écrites. Toutefois, pour les dommages
causés aux biens qui ne sont pas utilisés par la victime principalement pour son
usage ou sa consommation privée, les clauses stipulées entre professionnels sont
valables » (art. 1245-14).

§ 3. L’articulation avec le droit commun


Le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux ne porte pas
atteinte aux droits dont la victime d’un dommage peut se prévaloir au titre
du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre
d’un régime spécial de responsabilité (art. 1245-17). La victime peut d’abord
se prévaloir d’un autre régime de responsabilité pour engager la responsa-
bilité d’une autre personne que le producteur : faute contractuelle ou extra-
contractuelle ; garantie des vices cachés du vendeur (Civ. 1re, 11 janv. 2017,
no 16-11726) ; responsabilité du gardien du produit autre que le fabricant. La
victime peut aussi engager la responsabilité pour faute du producteur. Ces
recours permettent d’échapper au délai décennal, à l’exonération pour risque
de développement et à la franchise de 500€ pour les dommages aux biens.
En revanche, la victime ne peut invoquer que la responsabilité du fait des
produits défectueux si son action est fondée sur le défaut d’un produit. Ainsi,
la responsabilité du fait des choses est inapplicable en cas de dommage causé
par une surtension électrique (Civ. 1re, 11 juill. 2018, no 17-20154).
Enfin, les actions récursoires entre coresponsables (producteur de produit
fini / producteur de composants) relèvent du droit commun : contribution
selon la gravité des fautes ; contribution par parts égales en l’absence de faute
(Civ. 1re, 26 nov. 2004, no 13-18819).

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Chapitre 3
La responsabilité médicale

Section 1. La responsabilité médicale pour faute

§ 1. L’obligation d’information


Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette
information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions
de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs
conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils
comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences
prévisibles en cas de refus (CSP art. L. 1111-2). Avant tout acte médical, le
médecin doit donc informer son patient sur sa pathologie et les risques même
exceptionnels de l’acte médical qu’il propose.
Le médecin est dispensé de l’obligation d’information en cas d’urgence ou
d’impossibilité d’informer le patient (art. L. 1111-2, al. 2).
Le manquement au devoir d’information donne lieu à la réparation d’une
perte de chance de renoncer à l’acte médical dommageable et à un préjudice
d’impréparation.

§ 2. L’obligation de soins


Le médecin a une obligation de fournir des soins consciencieux et conformes
aux données acquises de la science (Civ. 20 mai 1936, Mercier). Les profession-
nels et établissements de santé n’engagent leur responsabilité civile à raison
des actes médicaux (prévention, diagnostic, soins) qu’ils ont pratiqués qu’en
cas de faute (CSP art. L. 1142-1, I). Toutefois, l’atteinte, par un chirurgien, à un
organe ou une partie du corps du patient que son intervention n’impliquait
pas, est fautive, sauf s’il prouve une anomalie rendant l’atteinte inévitable ou
la survenance d’un risque inhérent à cette intervention qui, ne pouvant être
maîtrisé, relevait de l’aléa thérapeutique (Civ. 1re, 20 mars 2013, no  12-13900 ;

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Civ. 1re, 4 oct. 2017, no 16-24159). En outre, l’établissement de santé commet
une faute d’organisation et de fonctionnement en cas de perte d’un dossier
médical faisant perdre au patient la chance de prouver que la faute du prati-
cien était à l’origine de son entier dommage corporel (Civ. 1re, 26 sept. 2018,
no 17-20143).

Section 2. La responsabilité médicale sans faute

Les établissements de soins (hôpitaux, cliniques) sont responsables de plein


droit des infections nosocomiales, c’est-à-dire des infections qui résultent de
la seule hospitalisation (CSP art. L. 1142-1, I). En revanche, les médecins ne
sont pas responsables des infections nosocomiales sauf preuve d’une faute
(Civ. 1re, 7 juill. 2011, no 10-19137 ; Civ. 1re, 6 janv. 2016, no 15-16984). La distinc-
tion entre médecine ambulatoire et hospitalière n’est pas une rupture d’éga-
lité, elle est justifiée par une différence de situation (Cons. const. 1er avr. 2016,
QPC no 531). Le patient doit prouver le caractère nosocomial de l’infection et
le lien de causalité entre l’infection et son séjour à l’hôpital. L’exonération
n’est possible que par la preuve d’un cas de force majeure.
La responsabilité objective de l’établissement de soins peut se cumuler avec
la responsabilité pour faute du médecin qui a pris tardivement en charge le
traitement ce qui a aggravé les séquelles subies par le patient (Civ. 1re, 14 avr.
2016, no 14-23909) ou qui n’a pas informé un patient du risque d’infection
nosocomiale (Civ. 1re, 8 févr. 2017, no 15-21528).
Par exception, les dommages consécutifs à une infection nosocomiale
sont intégralement pris en charge par l’ONIAM si la victime est atteinte
d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 25 % ou est décédée (CSP
art. L. 1142-1-1).

Section 3. La réparation au titre de la solidarité nationale

Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’établissement de santé


n’est pas engagée, l’aléa thérapeutique (accident médical, affection iatro-
gène ou infection nosocomiale) ouvre droit à la réparation des préjudices du
patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit par l’ONIAM (CSP art. L. 1142-1,
II). L’indemnisation est subordonnée à quatre conditions :
(i) Un taux d’incapacité physique ou psychique supérieur à 24 % (au moins
25 %), ou un déficit fonctionnel temporaire d’une durée de six mois à un taux
d’incapacité d’au moins 50 %.

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Partie 1 • Les sources d’obligations
(ii) Un dommage imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de
soins. Le retard dans l’évolution favorable de l’état de santé du patient, consé-
cutif au fait que l’intervention chirurgicale, réalisée conformément aux règles
de l’art, n’a pas permis de remédier aux douleurs qu’il présentait et ne les a pas
non plus aggravées, ne caractérise pas un dommage directement imputable
à un acte de soins (Civ. 1re, 24 mai 2017, no 16-16890).
(iii) L’absence de faute médicale.
(iv) Les conséquences anormales de l’acte médical au regard de l’état de
santé du patient comme de l’évolution prévisible de celui-ci. La condition
d’anormalité du dommage est remplie soit lorsque l’état du patient après l’acte
médical non fautif est pire que l’état dans lequel il aurait été en l’absence
de traitement, soit lorsque la survenance du dommage était très faible. Par
exemple, si l’acte médical est nécessaire (l’évolution de la maladie conduit
à une invalidité grave) mais présente des risques élevés, l’ONIAM n’a pas à
indemniser l’accident médical (Civ. 1re, 15 juin 2016, no 15-16824).

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Chapitre 4
Les troubles anormaux du voisinage

Section 1. Prolégomènes

À l’instar de l’atteinte au droit au respect de la vie privée, l’atteinte à la


propriété ouvre automatiquement droit à réparation. Ainsi, la seule consta-
tation d’une voie de fait ou d’une emprise irrégulière ouvre droit à réparation
sur le fondement de l’article 545 du code civil (Civ. 3e, 9 sept. 2009, no 08-11154 ;
Civ. 1re, 15 juin 2016, no 15-21628 ; v. sur le fondement de l’article 1240, la viola-
tion de domicile résultant de la reprise illicite d’un logement loué : Civ. 3e,
6 juill. 2017, no 16-15752).
D’un autre côté, l’exercice du droit de propriété peut dégénérer en abus
si l’action du propriétaire est inutile et vise à nuire à la victime (Req. 3 août
1915, Clément-Bayard ; Req. 10 juin 1902, Sources Saint-Galmier). Toutefois, la
jurisprudence a évolué en consacrant la théorie des troubles anormaux du
voisinage, et le principe prétorien selon lequel nul ne doit causer à autrui un
trouble excédent les inconvénients normaux du voisinage.

Section 2. Les conditions de la responsabilité


pour trouble anormal de voisinage

§ 1. Un trouble du voisinage


Il doit exister un rapport de voisinage entre l’auteur du trouble et la victime,
une proximité géographique entre l’immeuble sur lequel a été exercée l’acti-
vité à l’origine du dommage et l’immeuble où a été subi le préjudice.

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Tout occupant de la propriété sur laquelle est subi le trouble peut invoquer
un trouble anormal de voisinage (propriétaire, locataire, exploitant). Le
voisin responsable est l’occupant (propriétaire, locataire ou exploitant), mais
également un voisin occasionnel, ce qui vise notamment les entrepreneurs
et sous-traitants.
Il incombe à la victime de prouver l’origine du trouble, et ainsi le lien
de causalité entre l’action de l’entrepreneur (voisin occasionnel) et le
trouble anormal. Ainsi, l’entrepreneur qui a sous-traité les travaux à l’origine
du trouble anormal n’est pas responsable (Civ. 3e, 21 mai 2008, no 07-13769 ;
Civ. 3e, 19 mai 2016, no 15-16248). De même, doit être cassé l’arrêt qui a admis le
recours subrogatoire de l’assureur du maître de l’ouvrage contre l’entrepreneur
ayant fourni une prestation intellectuelle sans caractériser que les troubles
subis étaient en relation de causalité directe avec la réalisation des missions
d’études de sol, de maîtrise d’œuvre, de contrôle technique respectivement
confiées aux sociétés défenderesses (Civ. 3e, 9 février 2011, no 09-71570).

§ 2. Un trouble anormal
Les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier l’exis-
tence d’un trouble anormal de voisinage. Ils tiennent compte notamment de
la gravité du trouble, de sa durée, de son caractère inhabituel et imprévisible,
du moment et du lieu de sa réalisation : construction haute entraînant une
perte d’ensoleillement (Civ. 3e, 3 mai 2011, no 09-70291) ; odeur d’une porcherie
(Civ. 1re, 13 juillet 2004, no 02-15176) ; pollution d’un commerce de vente et de
réparation de motos (Civ. 2e, 19 oct. 1994, no 92-14313, Sté Fullpower) ; arrachage
d’un câble électrique lors de travaux (Civ. 3e, 13 avr. 2005, no 03-20575) ; création
d’une mare à dix mètres d’une habitation qui reçoit en été une colonie de
batraciens provoquant un coassement atteignant 63 dB (A) dans l’une des
chambres fenêtre ouverte (Civ. 2e, 14 déc. 2017, no 16-22509).
Le risque de dommage peut constituer un trouble anormal : risque
de projection de balles venant d’un terrain de golf (Civ. 2e, 10 juin 2004,
no 03-10434) ; risque d’incendie lié au stockage de paille ou de foin en meules
à proximité d’une habitation (Civ. 2e, 24 fév. 2005, no 04-10362). En revanche,
la seule irrégularité d’un poste de chasse à la palombe ne caractérise pas un
trouble anormal (Civ. 2e, 18 déc. 2003, no 02-13092).

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Section 3. Le régime de la responsabilité

Partie 1 • Les sources d’obligations


pour trouble anormal du voisinage

§ 1. Une responsabilité objective et autonome


L’auteur d’un trouble anormal de voisinage est responsable de plein droit.
En particulier, il ne peut pas s’exonérer en démontrant que son activité ne
méconnaît pas les dispositions légales et réglementaires en vigueur : respect
de la servitude de vue de l’article 678 du code civil (Civ. 3e, 12 octobre 2005,
no 03-19759) ; autorisation administrative d’exploiter une porcherie (Civ. 1re,
13 juillet 2004, no 02-15176) ; conformité aux normes d’installation d’antennes-re-
lais­ (Civ.  1re, 17 oct. 2012, no 10-26854). À l’inverse, le trouble anormal ne
peut résulter de la seule méconnaissance d’une norme légale ou adminis-
trative : normes de pollution en fer, cuivre et chrome VI (Civ. 2e, 8 mars
2012, no 11-14254) ; arrêté ministériel fixant la distance entre deux palom-
bières (Civ. 2e, 18 déc. 2003, no 02-13092). Il s’ensuit que la qualification d’un
trouble anormal ne devrait pas, par exemple, dépendre de la qualification
du tapage nocturne ou du tapage diurne (C. pén. art. R. 623-2 ; CSP art. R.
1336-4 et s.).
La responsabilité pour trouble anormal de voisinage a un caractère
autonome. En revanche, son caractère exclusif est discuté. Quoi qu’il en soit
l’auteur du trouble ne saurait reprocher à la victime d’avoir agi sur le fonde-
ment du trouble anormal du voisinage et non sur celui de la responsabilité
du fait des choses (Civ. 2e, 13 sept. 2007, no 06-17992). En outre, le régime de la
responsabilité des commettants du fait de leurs préposés est applicable (abus
de fonctions ; immunité du préposé). Il faut d’ailleurs préciser que l’entre-
preneur principal n’est pas le commettant du sous-traitant (Civ. 3e, 22 sept.
2010, no 09-11007).

§ 2. Les causes d’exonération


Le responsable peut s’exonérer en prouvant un cas de force majeure, la
faute de la victime ou l’antériorité de son activité (théorie de la pré-occupa-
tion). En effet, les nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisa-
nales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques, n’entraînent
pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment
exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’alié-
nation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence de ces activités
et si celles-ci s’exercent conformément aux dispositions légales et régle-
mentaires (CCH art. L. 113-8). Cette exception est exclue lorsque l’activité de
l’entreprise s’est accrue ou a évoluée. De plus, l’article L. 113-8 n’est pas appli-
cable si l’activité n’est soumise à aucune règle d’exploitation d’origine légale
ou réglementaire (Civ. 2e, 10 juin 2004, no 03-10434).

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Titre 3
Les quasi-contrats

« Les quasi-contrats sont des faits purement volontaires dont il résulte un


engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de
leur auteur envers autrui » (c. civ. art. 1300). Le code civil réglemente trois quasi-
contrats sans exclure que la jurisprudence puisse en consacrer de nouveau.
Ce qu’elle a fait en décidant que l’organisateur d’une loterie qui annonce un
gain à une personne déterminée sans mettre en évidence l’existence d’un
aléa s’oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer (Ch. mixte, 6 sept.
2002, no 98-22981).

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Chapitre 1
La gestion d’affaires ou quasi-mandat

Section 1. Les conditions de la gestion d’affaires

§ 1. Un acte pour autrui sans obligation légale


ou contractuelle
Le gérant d’affaires doit avoir accompli un acte volontaire, juridique
ou matériel, dans l’intérêt et pour le compte du maître de l’affaire, sans y
être tenu par une obligation légale ou contractuelle. Ainsi, le liquidateur
d’une société, tenu d’une obligation de prendre les mesures conservatoires
pour garantir l’exercice effectif du droit à revendication, ne peut réclamer
au bailleur qui exerce l’action en revendication, des frais d’enlèvement et de
gardiennage sur le fondement de la gestion d’affaires (Com. 13 janv. 2015,
no 13-11550). Doit être cassé l’arrêt qui qualifie de gérant d’affaires, l’auteur
d’un paiement litigieux intervenu en exécution d’un protocole d’accord (Civ. 1re,
15 mai 2019, no 18-15379).
Le gérant doit agir dans l’intérêt d’autrui et non dans son intérêt exclu-
sif. Il peut donc avoir un intérêt dans l’affaire (p. ex., en cas d’indivision).
Le recours à la gestion d’affaires peut être exclu pour certains actes. Ainsi,
l’agent immobilier et le syndic de copropriété, qui ne disposeraient pas de
mandat écrit, ne peuvent invoquer la gestion d’affaires (Civ. 1re, 22 mars 2012,
no 11-13000 ; Civ. 3e, 16 oct. 2013, no 12-20881).

§ 2. Un acte de gestion utile et sans opposition d’autrui


L’acte doit être utile à l’affaire d’autrui : paiement de la dette d’autrui
pour éviter la saisie de ses biens immobiliers (Civ. 1 re, 12 janv. 2012,
no 10-24512 – recours du gérant contre le débiteur) ; licenciement pour faute
grave d’une employée de maison par la fille de l’employeur avant que celui-ci

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soit placé sous un régime de protection (Soc. 29 janv. 2013, no 11-23267 – validité
du licenciement). La condition d’utilité n’est pas exigée si le maître de l’affaire
a ratifié l’acte de gestion, la ratification valant mandat (art. 1301-3). À l’inverse,
elle est insuffisante si le maître de l’affaire s’est opposé à l’acte de gestion.
L’utilité de l’acte s’apprécie au moment où l’acte est accompli par le
gérant et non en fonction des résultats finalement produits. Il n’y a donc pas
à vérifier si les travaux pour remédier à la vétusté ont apporté une plus-va-
lue à l’immeuble (Civ. 1re, 25 nov. 2003, no 02-14545).

Section 2. Les effets de la gestion d’affaires

Le gérant d’affaires est soumis aux obligations d’un mandataire. Il répond


des fautes commises dans sa gestion, mais n’est pas personnellement obligé
envers le tiers avec lequel il a contracté dans l’intérêt d’autrui.
De son côté, le maître d’affaire doit, à l’instar d’un mandant, remplir les
engagements contractés dans son intérêt par le gérant. Il rembourse au gérant
les dépenses faites dans son intérêt et l’indemnise des dommages qu’il a subis
en raison de sa gestion (art. 1301-2). Le gérant n’a pas droit à une rémunéra-
tion, quand bien même il aurait agi à l’occasion de sa profession (généalo-
giste : Civ. 1re, 29 mai 2019, no 18-16999).
Si le gérant a un intérêt dans l’affaire, la charge des engagements, dépenses
et dommages se répartit à proportion des intérêts de chacun dans l’affaire
commune (art. 1301-4).

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Chapitre 2
Le paiement de l’indu

Section 1. Les conditions du paiement de l’indu

§ 1. La condition de l’indu


Celui qui réalise le paiement (solvens) n’est pas le débiteur de celui qui le
reçoit (accipiens) : soit la dette n’existe pas ou n’existe plus, soit la dette existe
mais le solvens n’est pas le débiteur ou l’accipiens n’est pas le créancier.
Par exemple, le salarié, dont le licenciement a été annulé avec condam-
nation de l’employeur à verser une indemnité équivalente aux salaires qu’il
aurait dû percevoir, doit restituer les allocations-chômage versées par Pôle
emploi (Soc. 19 nov. 2014, no 13-23643). À défaut de réinstallation, le locataire
commercial évincé doit restituer au bailleur les indemnités de remploi, de
trouble commercial et de déménagement versées indûment (Civ. 3e, 28 mars
2019, no 17-17501).
Le paiement devient indu lorsqu’il a été fait en exécution d’une décision
de justice annulée. En principe, le paiement ne peut pas devenir indu si la
décision est irrévocable. Toutefois, l’autorité de la chose jugée ne peut pas
être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la
situation antérieurement reconnue en justice. Ainsi, l’assureur condamné
par une décision irrévocable à indemniser une victime a droit à restitution
si la responsabilité de son assuré est écartée par une autre décision (Civ. 1re,
24 juin 1997, no 95-13885). Le titre exécutoire résultant d’un procès-verbal de
conciliation établi par le juge ne fait pas obstacle à la répétition des sommes
versées en exécution de ce titre lorsque l’objet de l’accord est illicite et pénale-
ment sanctionné (Civ. 3e, 6 juin 2019, no 17-19486). Par contre, l’annulation
d’un brevet n’est pas de nature à fonder la restitution des sommes payées
en exécution d’une condamnation irrévocable pour contrefaçon (Ass. plén.
17 févr. 2012, no 10-24282).

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Par exception, l’acquittement d’une obligation naturelle (par ex., une
créance prescrite) ne donne pas lieu à répétition (art. 1302).
Autre exception : n’est pas indu le paiement fait en méconnaissance de
l’ordre des privilèges. Le notaire fautif qui a commis une erreur sur l’ordre
des privilèges lors de la répartition du prix d’un fonds de commerce ne peut
obtenir répétition des sommes versées à un créancier privilégié qui a reçu ce
qui lui était dû (Civ. 1re, 24 oct. 2019, no 18-22549 ; Com. 30 oct. 2000, no 98-10688).
En revanche, le créancier, admis à titre chirographaire dans une procédure
de liquidation judiciaire, ne peut conserver les sommes à lui payées en viola-
tion de la règle de l’égalité des créanciers chirographaires (Com. 11 févr. 2004,
no 02-17520 ; Com. 12 mai 2009, no 08-11421).

§ 2. L’erreur du solvens


En présence d’un indu objectif (la dette n’existe pas), le solvens peut exiger
la répétition de l’indu, sans autre condition (Ass. plén. 2 avr. 1993, no 89-15490).
Peu importe que le solvens ait commis une négligence. Par exemple, lorsqu’une
banque a crédité deux fois le montant d’un même virement (Civ. 1re, 16 mai
2006, no 05-12972). Toutefois, l’accipiens peut démontrer l’intention libérale du
solvens (Soc. 21 mars 2018, no 16-21021).
En présence d’un indu subjectif (l’accipiens a une créance mais pas contre
le solvens), la répétition est subordonnée à la preuve d’une erreur du solvens.
C’est au solvens de prouver qu’il n’a pas eu l’intention de payer la dette d’autrui
en démontrant qu’il a payé par erreur (de droit ou de fait) ou sous la contrainte.
Mais ce droit à répétition cesse si le créancier, par suite du paiement, a détruit
son titre ou abandonné les sûretés qui garantissaient sa créance (art. 1302-2).
L’erreur du solvens ne doit pas se faire au détriment du créancier !
Que l’indu soit objectif ou subjectif, l’absence de faute de celui qui a payé
ne constitue pas une condition de mise en œuvre de l’action en restitution
(Civ. 1re, 17 févr. 2010, no 08-19789).

Section 2. Les effets du paiement de l’indu

§ 1. L’action en paiement de l’indu


L’action en paiement de l’indu appartient à celui qui a effectué le paiement,
à ses cessionnaires ou subrogés, ou encore à celui pour le compte et au nom
duquel il a été fait (Civ. 3e, 25 janv. 2012, no 10-25475).

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Partie 1 • Les sources d’obligations
L’action en restitution ne peut être engagée que contre celui qui a reçu le
paiement ou pour le compte duquel le paiement a été reçu (Civ. 2e, 30 nov.
2017, no 16-24021, excluant le recours contre le concubin du bénéficiaire d’une
allocation indue). Par conséquent, l’assureur s’étant acquitté pour le compte
de son assuré du paiement d’une indemnité à laquelle la victime du dommage
avait droit, ne peut, étant ensuite déclaré non tenu à garantie, obtenir de la
victime le remboursement des sommes versées pour le compte de l’assuré
(Civ. 3e, 29 févr. 2012, no 10-15128). En effet, celui qui reçoit d’un assureur le
paiement d’une indemnité à laquelle il a droit, ne bénéficie pas d’un paiement
indu, le véritable bénéficiaire de ce paiement étant celui dont la dette se trouve
acquittée (Civ. 1re, 22 sept. 2011, no 10-14871).
Autre exemple, l’action en répétition des paiements effectués au titre d’une
contribution à l’entretien et à l’éducation d’un enfant, fondée sur l’effet déclara-
tif d’un jugement accueillant une action en contestation du lien de filiation, ne
peut être dirigée que contre celui qui en a reçu paiement en qualité de créan-
cier, i.e. la mère et non le père biologique (Civ. 1re, 16 sept. 2020, no 18-25429).
Enfin, la restitution peut aussi être demandée à celui dont la dette a été
acquittée par erreur (art. 1302-2, al. 2).

§ 2. La responsabilité en cas de paiement de l’indu


La négligence du solvens constitue une faute qui engage sa responsabi-
lité lorsqu’elle cause un dommage à l’accipiens, et peut réduire le paiement
de l’indu (art. 1302-3, al. 2). C’est à l’accipiens de prouver sa bonne foi, à savoir
qu’il a pu se méprendre sur ses droits et dépenser les sommes reçues (Com.
13 mars 2001, no 98-12438 ; Soc. 17 oct. 1996, no 94-18537).
Le paiement indu peut s’expliquer par la faute d’un tiers et non du solvens,
ce qui permet à celui-ci d’agir en répétition contre l’accipiens et en paiement
de dommages-intérêts contre le fautif (Civ. 2e, 8 nov. 2012, no 11-23065).

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Chapitre 3
L’enrichissement injustifié

Section 1. Les conditions de l’action de in rem verso

§ 1. Un enrichissement injustifié


L’enrichissement peut résulter d’un gain ou d’une dépense évitée.
L’enrichissement est injustifié lorsqu’il ne procède ni de l’accomplissement
d’une obligation par l’appauvri, ni de son intention libérale (art. 1303-1).
Ainsi, celui qui s’est engagé à financer des travaux en contrepartie d’un droit
d’usage et d’habitation des lieux aménagés n’a pas droit à un remboursement
pour enrichissement injustifié (Civ. 1re, 5 nov. 2009, no 08-16497). En revanche,
l’assureur qui, en indemnisant son assuré, a payé par erreur la dette du respon-
sable du sinistre a, bien que non subrogé aux droits du créancier, un recours
contre le débiteur (Civ. 3e, 21 mars 2019, no 18-11890).
Le devoir moral d’un enfant envers ses parents n’exclut pas qu’il soit indem-
nisé pour l’aide et l’assistance apportées dans la mesure où, ayant excédé les
exigences de la piété filiale, les prestations librement fournies avaient réalisé
à la fois un appauvrissement pour l’enfant et un enrichissement corrélatif des
parents (Civ. 1re, 3 nov. 2004, no 01-15176).
Les travaux financés par un concubin dans l’immeuble de sa concubine, qui
excèdent, par leur ampleur, sa participation normale aux dépenses de la vie
commune, lui donne droit, en l’absence d’intention libérale, à une indemnité
(Civ. 1re, 24 sept. 2008, no 06-11294). Ouvre également droit à une indemnité sur
le fondement de l’enrichissement injustifié, la collaboration à l’exploitation
du fonds de commerce du concubin (Civ. 1re, 15 oct. 1996, no 94-20472) ou le
développement de l’entreprise personnelle de l’époux séparé de biens (Civ. 1re,
10 oct. 2012, no 11-19292), au-delà de la contribution aux charges communes.
La bonne foi de l’enrichi ne prive pas l’appauvri du droit d’exercer l’action
de in rem verso (Civ. 1re, 11 mars 2014, no 12-29304).

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§ 2. Un appauvrissement corrélatif
Le demandeur doit d’abord prouver son appauvrissement, i.e. une dépense
ou un gain manqué. L’appauvrissement peut être indirect. Par exemple, l’entre-
preneur ayant réalisé des travaux au profit d’un acquéreur peut agir contre le
vendeur dès lors que le compromis de vente a été annulé et que l’acquéreur
est en liquidation judiciaire (Civ. 1re, 14 janv. 2003, no 01-01304).
Ensuite, l’appauvri doit établir un lien de corrélation entre son appauvris-
sement et l’enrichissement du défendeur.
Enfin, l’appauvrissement ne doit pas procéder d’un acte accompli par
l’appauvri dans son profit personnel (art. 1303-2). C’est le cas du concubin
qui a, dans son intérêt personnel, financé les travaux de rénovation sur un
immeuble de sa concubine avec le projet, non réalisé, de s’y installer (Civ. 1re,
24 sept. 2008, no 07-11928).

§ 3. Le caractère subsidiaire de l’action de in rem verso


L’appauvri ne peut pas invoquer l’enrichissement injustifié lorsqu’une
autre action lui est ouverte (par ex., l’action en responsabilité civile ou
fondée sur un autre quasi-contrat) ou se heurte à un obstacle de droit, tel
que la prescription (art. 1303-3). Par conséquent, l’enrichissement injustifié
ne peut pas être invoqué par :
• l’ex-épouse dont la demande de prestation compensatoire a été jugée
irrecevable (Civ. 1re, 23 juin 2010, no 09-13812 ; comp. Civ. 1re, 5 avr. 1993,
no  91-15669) ;
• l’agent immobilier pour obtenir une rémunération, alors qu’il ne disposait
pas d’un mandat écrit exigé par la loi (Civ. 1re, 18 juin 2014, no 13-13553) ;
• l’administrateur d’une société anonyme pour obtenir une rémunération
en dehors des conditions des articles L. 225-45 et s. du code de commerce
(Com. 16 mai 1995, no 93-14709) ;
• celui qui ne peut pas prouver que le défendeur s’était obligé à lui restituer
une somme d’argent (Civ. 1re, 2 avr. 2009, no 08-10742) ;
• le sous-traitant non agréé qui ne peut pas exercer l’action directe contre le
maître d’ouvrage (Civ. 3e, 4 déc. 2002, no 01-03907).
En revanche, le rejet de la demande principale fondée sur l’existence d’un
contrat de société de fait ne fait pas échec à l’action subsidiaire fondée sur
l’enrichissement sans cause (Civ. 1re, 4 mai 2017, no 16-15563 – professionnels
partageant des locaux dont l’un a fait l’avance de frais de fonctionnement).

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Section 2. Les effets de l’action de in rem verso

Partie 1 • Les sources d’obligations


Le principe selon lequel nul ne peut s’enrichir injustement au détriment
d’autrui, consacré par l’arrêt Boudier (Req. 15 juin 1892), permet à l’appauvri
d’être indemnisé. L’indemnité est égale à la moindre des deux valeurs de l’enri-
chissement et de l’appauvrissement (art. 1303). L’appauvrissement constaté au
jour de la dépense, et l’enrichissement tel qu’il subsiste au jour de la demande,
sont évalués au jour du jugement (art. 1303-4). Par exception, l’indemnité
due est égale à la plus forte des deux valeurs si l’enrichi est de mauvaise foi.
Au contraire, l’indemnisation peut être modérée par le juge si l’appau­v ris­
sement procède d’une faute de l’appauvri (art. 1303-2).

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Partie 2
Le régime général
de l’obligation

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Titre 1
Les modalités de l’obligation

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Chapitre 1
La condition

Section 1. La notion de condition

« L’obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et


incertain. La condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obliga-
tion pure et simple. Elle est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l’anéan-
tissement de l’obligation » (c. civ. art. 1304).
La condition fait dépendre l’obligation d’un élément accessoire et non de
l’existence même de l’obligation ou de ses conditions de validité. Par exemple,
la condition d’obtention d’un prêt accessoire à l’obligation de l’acquéreur, la
condition de non-préemption de l’immeuble par le locataire ou de mainlevée
d’une saisie accessoire à l’obligation du vendeur, la condition de transforma-
tion d’une SARL en SA accessoire à la cession des titres de cette société (Com.
9 févr. 1999, no 97-10907), la condition d’agrément du bailleur pour la cession
d’un bail, les conditions d’enregistrement par la fédération et de passage d’un
examen médical pour un emploi de sportif professionnel (Soc. 15 mars 2017,
no 15-24028), la condition d’obtention d’une autorisation administrative, etc.
En revanche, la clause qui suspend la cession d’un bail commercial à la
conclusion d’un nouveau bail entre le cessionnaire et le bailleur est réputée
non écrite car elle porte sur un élément essentiel du contrat, à savoir l’exis-
tence même de l’obligation cédée (Civ. 3e, 22 oct. 2015, no 14-20096).
En outre, la condition doit porter sur une obligation, i.e. un lien de droit
entre un créancier et un débiteur. Ce n’est pas le cas de la tontine (Civ. 3e, 5 déc.
2012, no 11-24448), ni de la clause (valable) du testament faisant dépendre le droit
d’un des héritiers dans la quotité disponible d’un événement dont la réalisa-
tion dépend de la volonté de l’autre héritier (Civ. 1re, 5 oct. 2016, no 15-25459).

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Section 2. La validité de la condition

L’obligation est nulle si la condition est illicite ou si sa réalisation dépend


de la seule volonté du débiteur (art. 1304-1 et -2). La condition potestative
suppose que le débiteur peut discrétionnairement ne pas exécuter son obliga-
tion parce qu’il est seul maître de la réalisation ou non de l’événement visé
par la condition.
Elle est distincte de l’obligation alternative qui laisse au débiteur un
choix quant à la modalité d’exécution de son obligation. Ainsi, la condition
selon laquelle le débiteur devra payer le prix des biens reçus en dépôt-vente
s’il ne les a pas restitués au bout de six mois stipule une obligation alterna-
tive (valable) de restitution en nature ou en valeur des biens (Civ. 1re, 16 mai
2006, no 02-17762 ; v. aussi Com. 7 déc. 2004, no 03-12032).
La réalisation de la condition ne dépend pas de la seule volonté du débiteur
si celui-ci doit justifier de circonstances objectives susceptibles d’un contrôle
judiciaire (condition mixte) : réduction de la garantie d’une assurance-crédit
fondée sur la situation financière des clients de l’assuré (Civ. 1re, 22 nov. 1989,
no 87-19149) ; suspension de l’exécution de la vente d’un immeuble à la vente
par l’acquéreur d’un autre bien (Civ. 3e, 22 nov. 1995, no 94-11014) ; résolution
sans indemnité des contrats d’activité entre les médecins et une clinique en
cas de fermeture de celle-ci (Civ. 1re, 16 oct. 2001, no 00-10020).
Cependant, la condition de vente d’un bien peut être qualifiée de potes-
tative (Civ. 1re, 13 déc. 2005, no 04-11572, jugeant l’obligation valable, malgré
la condition potestative, en raison de la stipulation d’un terme ; Civ. 3e, 7 avr.
2004, no 00-22025). La solution est contestable car, d’une part, la vente d’un
bien suppose la recherche d’un acquéreur susceptible d’un contrôle judiciaire
(Civ. 3e, 22 nov. 1995, préc.), en l’absence de laquelle la condition est réputée
accomplie du fait que le débiteur en a empêché la réalisation. D’autre part,
en présence d’un prêt sans terme dont le remboursement est conditionné
par la vente d’un bien, le juge peut fixer lui-même le terme (c. civ. art. 1900 ;
Civ. 3e, 9 juill. 1984, no 83-12223). Cette critique s’inscrit dans une doctrine plus
générale opposée à la prohibition des conditions potestatives (not. W. Dross,
« L’introuvable nullité des conditions potestatives », RTD civ. 2007, p. 701).

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Section 3. Les effets de la condition

Partie 2 • Le régime général de l’obligation


§ 1. La faute du bénéficiaire
« La condition suspensive est réputée accomplie si le bénéficiaire en a empêché
la réalisation » (art. 1304-3). Par exemple, la condition suspensive d’obten-
tion d’un prêt est réputée réalisée si le bénéficiaire n’a pas fait de demande
ou a refusé une offre de prêt conformes aux caractéristiques stipulées dans
la promesse de vente (Civ. 3e, 27 févr. 2013, no 12-13796). En revanche, c’est au
promettant de démontrer que le bénéficiaire de la promesse de vente sous
condition d’obtention d’un prêt en a empêché l’accomplissement lorsque
celui-ci a obtenu une offre mais après le délai prévu dans la promesse (Civ. 3e,
26 mai 2010, no 09-15317). De surcroît, le bénéficiaire ne commet pas de faute
en sollicitant un prêt non conforme aux stipulations du contrat, dès lors qu’une
demande conforme aurait aussi été refusée eu égard à l’insuffisance de ses
capacités financières (Civ. 3e, 12 sept. 2007, no 06-15640 ; absence de dépôt
d’une demande de permis de construire qui aurait été de toute façon refusé :
Civ. 3e, 15 déc. 2010, no 10-10473).
Si la défaillance de la condition résulte d’un fait qui n’est pas imputable au
bénéficiaire, celui-ci peut s’en prévaloir (Civ. 3e, 10 juin 2009, no 08-14099, refus
d’agrément de la cession de bail s’expliquant par les exigences du bailleur).
La condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a été
provoqué par la partie qui y avait intérêt. Au contraire, la condition résolu-
toire est réalisée si elle résulte d’un fait qui n’est pas imputable au bénéfi-
ciaire (Civ. 1re, 16 oct. 2001, no 00-10020, fermeture d’une clinique imposée
par une pression économique).

§ 2. La renonciation à la condition


« Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclu-
sif, tant que celle-ci n’est pas accomplie ou n’a pas défailli » (art. 1304-5). Par
exemple, l’acquéreur peut renoncer à la condition d’obtention d’un prêt stipu-
lée dans son intérêt exclusif.

§ 3. Les obligations des parties

I. La condition suspensive
« Avant que la condition suspensive ne soit accomplie, le débiteur doit s’abs-
tenir de tout acte qui empêcherait la bonne exécution de l’obligation ; le créancier
peut accomplir tout acte conservatoire et attaquer les actes du débiteur accomplis
en fraude de ses droits » (art. 1304-5). Le paiement d’une obligation condition-
nelle donne lieu à répétition.

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Tant que la créance est conditionnelle, la prescription ne court pas (c. civ.
art. 2233, 1°).
L’engagement affecté d’une condition suspensive sans terme subsiste
aussi longtemps que la condition n’est pas défaillie, et ne peut pas prendre
fin par la résiliation unilatérale d’une partie (Com. 6 mai 2003, no  00-18915 ;
Com. 6 mars 2007, no 05-17546). Il est indifférent que le contrat stipule une date
de réitération, laquelle sert de point de départ à l’exécution forcée et non de
terme. La condition peut donc se réaliser après cette date (Civ. 3e, 21 nov. 2012,
no 11-23382). Toutefois, les juges du fond peuvent déduire de la commune inten-
tion des parties un délai raisonnable de réalisation de la condition d’obten-
tion d’un certificat d’urbanisme et retenir la caducité de la promesse de vente
pour défaillance de cette condition (Civ. 3e, 20 mai 2015, no 14-11851).
À compter de l’accomplissement de la condition suspensive, l’obligation
devient pure et simple. Par exception, les parties peuvent faire rétroagir la
réalisation de la condition au jour de la conclusion du contrat. Mais la chose,
objet de l’obligation, n’en demeure pas moins aux risques du débiteur, qui en
conserve l’administration et a droit aux fruits jusqu’à l’accomplissement de
la condition (art. 1304-6).
« En cas de défaillance de la condition suspensive, l’obligation est réputée
n’avoir jamais existé ». Seule la partie dans l’intérêt exclusif de laquelle la condi-
tion a été stipulée peut invoquer sa défaillance. Si la condition est assortie
d’un terme, l’expiration du terme fait obstacle à la réalisation de la condi-
tion, si bien que l’obligation est caduque de plein droit (Civ. 3e, 9 mars 2017,
no 15-26182).

II. La condition résolutoire


« L’accomplissement de la condition résolutoire éteint rétroactivement l’obli-
gation, sans remettre en cause, le cas échéant, les actes conservatoires et
d’administration. La rétroactivité n’a pas lieu si telle est la convention des
parties ou si les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure
de l’exécution réciproque du contrat » (art. 1304-7). La théorie des impenses
(distinction des impenses utiles, nécessaires et somptuaires) est applicable ;
par exemple, en cas de réalisation de la condition résolutoire du prédécès du
donataire emportant réintégration du bien dans le patrimoine de la donatrice
(Civ. 1re, 23 sept. 2015, no 14-18131).

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Chapitre 2
Le terme

Section 1. La détermination du terme

Le terme est un événement futur et certain dont la survenance rend l’obli-


gation exigible (art. 1305). Le terme suspensif se distingue du terme extinc-
tif qui est l’événement futur et certain auquel est subordonnée l’extinction de
l’obligation (v. supra, la durée du contrat). La date du terme peut être certaine
(échéances d’un prêt, loyers) ou incertaine (décès d’une partie). « Le terme peut
être exprès ou tacite. À défaut d’accord, le juge peut le fixer en considération de la
nature de l’obligation et de la situation des parties » (art. 1305-1).

Section 2. Les effets du terme

§ 1. Le bénéfice du terme


Avant l’échéance, la créance à terme existe mais n’est pas exigible.
Toutefois, « ce qui a été payé d’avance ne peut être répété » (art. 1305-2). C’est
une différence par rapport à la dette affectée d’une condition suspensive
dont le paiement autorise la répétition tant que la condition n’est pas accom-
plie (art. 1304-5, al. 2).
Tant que la créance n’est pas exigible, la prescription ne court pas (c. civ.
art. 2233, 3°).
En principe, le terme profite au débiteur. Il peut donc y renoncer sans
le consentement du créancier (art. 1305-3), i.e. le payer alors que la créance
n’est pas exigible. Cette règle est supplétive. En outre, il peut résulter des
circonstances que le terme a été stipulé dans l’intérêt du créancier ou des
deux parties, de sorte qu’un paiement anticipé peut être refusé sans accord

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préalable. Toutefois, la loi peut prévoir que la faculté de renoncer au terme est
d’ordre public (par ex., le remboursement anticipé d’un crédit à la consom-
mation ou immobilier : c. cons. art. L. 312-34 et L. 313-47).
À l’échéance, la dette est exigible. Toutefois, le créancier peut consen-
tir au débiteur une prorogation de terme laquelle n’empêche pas la caution
de poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement (c. civ. art. 2316). Par
ailleurs, la dette reste exigible si le débiteur bénéficie d’un délai judiciaire
de paiement lequel fait seulement obstacle à l’exécution forcée de l’obliga-
tion (art. 1343-5).

§ 2. La déchéance du terme

I. Les hypothèses de déchéance du terme


A. Diminution des sûretés ou défaut de constitution des sûretés promises
« Le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme s’il ne fournit pas les
sûretés promises au créancier ou s’il diminue celles qui garantissent l’obligation »
(art. 1305-4). La déchéance du terme est prononcée par le juge à la demande
du créancier. Il n’est pas nécessaire que la sûreté soit prévue par le contrat
dont est issue l’obligation. En revanche, le défaut de constitution de la sûreté
promise ou la diminution (et a fortiori la perte) de la sûreté constituée doit être
imputable au débiteur. Par exemple, le débiteur n’a pas exécuté la promesse
d’affectation hypothécaire dont l’inexécution se résout en dommages-inté-
rêts (Civ. 1re, 3 nov. 2004, no 01-15614), ou n’a pas satisfait à son obligation de
conservation du gage (déjà, c. civ. art. 2344). C’est dire que le refus d’un tiers
de se porter caution ne saurait justifier la déchéance judiciaire du terme.

B. Clause de déchéance du terme


Le contrat peut stipuler une clause de déchéance du terme en cas manque-
ment du débiteur à ses obligations (paiement à l’échéance, respect de ratios
financiers…). La déchéance est stipulée de plein droit ou décidée par le
créancier.
Dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, le
juge doit vérifier si une telle clause est ou non abusive notamment au regard
de la nature de l’inexécution reprochée au consommateur (pour une décla-
ration inexacte : Civ. 1re, 10 oct. 2018, no 17-20441 ; pour une clause de défaut
croisé : Civ. 1re, 27 nov. 2008, no 07-15226).
La clause de déchéance du terme est réputée non écrite si elle a pour effet
de rendre exigible les créances non échues en cas d’ouverture d’une procé-
dure collective autre que la liquidation judiciaire (c. com. art. L. 622-29).

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Partie 2 • Le régime général de l’obligation
Par ailleurs, si le contrat de prêt peut prévoir que la défaillance de
l’emprunteur entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf dispo-
sition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier, sans la
délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont
dispose le débiteur pour y faire obstacle (Civ. 1re, 22 juin 2017, no 16-18418).

C. La liquidation judiciaire
Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles
les créances non échues (c. com. art. L. 643-1).

II. La portée de la déchéance du terme


« La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés,
même solidaires, et à ses cautions » (art. 1305-5). Cette disposition est supplétive.
En l’absence de clause contraire, la déchéance du terme résultant de la liqui-
dation judiciaire du débiteur principal, qui n’a d’effet qu’à l’égard de celui-ci,
est sans incidence sur la situation de la caution poursuivie en paiement (Com.
4 nov. 2014, no 12-35357).

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Chapitre 3
L’obligation plurale

Section 1. La pluralité d’objets

Le débiteur peut être tenu d’exécuter plusieurs prestations (obligation


cumulative). Par contre, l’obligation est alternative lorsqu’elle a pour objet
plusieurs prestations et que l’exécution de l’une d’elles libère le débiteur
(art. 1307). Sauf clause contraire, le choix de la prestation à exécuter appartient
au débiteur. S’il n’est pas effectué dans le délai convenu ou un délai raison-
nable, le créancier exerce ce choix après mise en demeure du débiteur. Le
choix est définitif et fait perdre à l’obligation son caractère alternatif. C’est
dire qu’avant l’exercice du choix, l’impossibilité d’exécuter l’une des presta-
tions à raison d’une force majeure ne fait pas obstacle à l’exécution de l’obliga-
tion (art. 1307-3). En présence d’une obligation facultative, le débiteur peut se
libérer en fournissant une autre prestation, mais si la prestation initialement
convenue devient impossible à exécuter, l’obligation est éteinte (art. 1308).

Section 2. La pluralité de créanciers ou de débiteurs

§ 1. Le principe de divisibilité de l’obligation


Le contrat peut prévoir une obligation ayant plusieurs créanciers et/ou
débiteurs. Le principe de divisibilité de l’obligation implique que chaque créan-
cier ne peut demander le paiement que de sa part de la créance commune, et
chaque débiteur n’est tenu au paiement que de sa part de la dette commune
(art. 1309). Il en va autrement si l’obligation est solidaire ou indivisible.

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§ 2. L’obligation solidaire

I. La solidarité active
« La solidarité entre créanciers permet à chacun d’eux d’exiger et de recevoir le
paiement de toute la créance. Le paiement fait à l’un d’eux, qui en doit compte aux
autres, libère le débiteur à l’égard de tous » (art. 1311). Tant que le débiteur n’est
pas poursuivi par l’un des créanciers, il peut payer l’un ou l’autre des créan-
ciers solidaires.
La solidarité ne se présume pas (art. 1310). Elle doit être prévue expres-
sément au contrat (p. ex., le compte-joint). En revanche, il n’est pas néces-
saire de prévoir explicitement que chaque créancier a le droit de demander
le paiement du total de la créance commune.
« Tout acte qui interrompt ou suspend la prescription à l’égard de l’un des créan-
ciers solidaires, profite aux autres créanciers » (art. 1312).

II. La solidarité passive


A. La caractérisation de la solidarité passive
« La solidarité entre les débiteurs oblige chacun d’eux à toute la dette. Le paiement
fait par l’un d’eux les libère tous envers le créancier » (art. 1313). Le créancier peut
réclamer l’intégralité de la dette commune à l’un des codébiteurs solidaires,
ce qui ne l’empêche pas d’agir contre les autres.
La solidarité ne se présume pas. Elle doit en principe être expressément
prévue au contrat. Il s’ensuit qu’un concubin n’est pas tenu de rembour-
ser le crédit souscrit par sa concubine au motif qu’il avait connaissance du
faux établi par celle-ci et profité des sommes prêtées (Civ. 1re, 7 nov. 2012,
no 11-25430). Cependant, même en l’absence de stipulation expresse, les juges
du fond peuvent rechercher si la solidarité ressort clairement et néces­sai­
rement du contrat (Civ. 3e, 26 janv. 2005, no 03-11646).
La loi peut limiter la solidarité (par ex. en cas de cession d’un bail commer-
cial : c. com. art. L. 145-16-2 ; de colocation : L. 6 juill. 1989, art. 8-1, VI) ou
l’interdire (par ex. c. com. art. L. 622-15, L. 641-12, al. 2 et L. 642-7, al. 3).
Par exception, la solidarité est présumée lorsque les codébiteurs (commer-
çants ou non) sont tenus d’une obligation résultant d’une opération commer-
ciale commune : acquéreurs d’un fonds de commerce ou de titres emportant
cession de contrôle d’une société commerciale (Com. 28 nov. 2006, no 05-14827).
Cet usage contra legem ne s’étend pas à la solidarité active (Com. 26 sept. 2018,
no 16-28133).

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En cas de pluralité de responsables d’un même dommage, chaque respon-

Partie 2 • Le régime général de l’obligation


sable doit en assurer l’entière réparation (mais sur la validité de la clause
excluant l’obligation in solidum entre l’architecte et les entrepreneurs dans un
contrat d’architecte : Civ. 3e, 14 févr. 2019, no 17-26403). L’obligation in solidum
ne produit pas les effets secondaires de la solidarité passive.
Dans la même veine, les personnes condamnées pour un même crime, un
même délit ou une même contravention de la 5e classe sont tenues soli­dai­rement
des restitutions et des dommages-intérêts (CPP art. 375-2, 480-1 et 543).
La solidarité peut être légale (solidarité entre époux pour les dettes
ménagères : c. civ. art. 220 ; entre partenaires d’un pacs pour les dettes de
la vie commune : art. 515-4, al. 2 ; entre cohéritiers ou coacquéreurs pour le
paiement des primes si l’assurance continue après le décès ou l’aliénation de
la chose assurée : c. ass. art. L. 121-10, al. 4).

B. Les effets de la solidarité passive


1. L’obligation à la dette commune
L’effet principal de la solidarité passive est une obligation au tout pour
chaque débiteur.
En cas de décès d’un codébiteur solidaire, l’obligation reste solidaire
à l’égard des codébiteurs survivants (Civ. 3e, 19 févr. 2014, no 12-17263). En
revanche, l’obligation se divise de plein droit entre les successeurs du défunt
(art. 1309, al. 2).
L’insolvabilité de l’un des coobligés n’a pas d’effet sur l’obligation des autres
à la dette commune, elle n’affecte que la contribution à la dette.
En cas d’annulation de l’obligation solidaire, « l’obligation de restituer
inhérente au contrat de prêt demeurant valable tant que les parties n’ont pas été
remises en l’état antérieur à la conclusion de leur convention annulée, les coemprun-
teurs solidaires restent tenus de restituer chacun l’intégralité des fonds qu’ils ont
reçus » (Civ. 1re, 5 juill. 2006, no 03-21142).
2. Les effets secondaires
Les effets secondaires s’expliquent par la représentation mutuelle des
codébiteurs solidaires.
L’interruption de la prescription à l’égard de l’un des coobligés vaut à
l’égard des autres et de leurs héritiers (c. civ. art. 2245).
La suspension de la prescription à l’égard d’un codébiteur s’étend aux
autres. Par exemple, le créancier, qui n’a pas eu connaissance de la dévolution
successorale et s’est trouvé dans l’impossibilité d’agir contre les héritiers du
codébiteur décédé, peut invoquer la suspension de la prescription contre les
héritiers et contre le codébiteur survivant (Civ. 1re, 23 janv. 2019, no 17-18219).

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Toutefois l’interprétation de cet arrêt prête à discussion car il casse et annule
l’arrêt d’appel seulement en ce qu’il déclare prescrite l’action en paiement
contre les héritiers au motif qu’il n’y avait pas d’impossibilité à agir contre
le codébiteur survivant et qu’une telle action aurait permis d’interrompre la
prescription à l’égard des héritiers. À l’inverse d’une doctrine majoritaire et
des principes de la solidarité passive, cet arrêt paraît admettre implicitement
que la prescription soit acquise à l’égard de l’un seulement des codébiteurs
solidaires (déjà, en ce sens pour le report du délai de forclusion en matière
de crédit à la consommation : Civ. 1re, 11 févr. 2010, no 08-20800).
Un codébiteur solidaire peut invoquer la transaction intervenue entre le
créancier commun et l’un de ses coobligés, dès lors qu’il en résulte pour ce
dernier un avantage dont il peut lui-même bénéficier (Com. 28 mars 2006,
no 04-12197).
Chaque codébiteur étant considéré comme le représentant de ses coobli-
gés, l’autorité de la chose jugée à l’égard de l’un est opposable aux autres qui
sont restés en dehors de l’instance, sauf si le jugement rendu par défaut ou
réputé contradictoire ne leur a pas été notifié (Civ. 2e, 29 janv. 1997, no 95-10046)
et sauf en cas de collusion frauduleuse entre le créancier et le débiteur. En
outre, les codébiteurs solidaires sont recevables à former tierce opposition
contre le jugement ou la sentence rendu contre l’un d’eux (Com. 5 mai 2015,
no 14-16644).
« La demande d’intérêts formée contre l’un des débiteurs solidaires fait courir
les intérêts à l’égard de tous » (art. 1314).
3. L’opposabilité des exceptions
Le débiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer les excep-
tions communes à tous les codébiteurs, telles que la nullité ou la résolution,
et celles qui lui sont personnelles (art. 1315). Sont également des exceptions
communes, le paiement, la prescription et les autres sanctions de l’inexécu-
tion du contrat.
En revanche, un coobligé ne peut opposer les exceptions (purement)
personnelles à d’autres codébiteurs, telles que l’octroi d’un terme (délai
de paiement) ou l’insolvabilité d’un codébiteur. C’est dire que les modali-
tés de l’obligation (terme, condition) peuvent être différentes pour chaque
codébiteur. Par analogie au cautionnement, la nullité relative est une excep-
tion personnelle (Ch. mixte, 8 juin 2007, no 03-15602). Un codébiteur ne peut
opposer au créancier la garantie due au titre de l’assurance-décès souscrite
par un codébiteur décédé (Civ. 1re, 5 juin 2019, no 17-27066, et le codébiteur,
n’ayant ni la qualité d’assuré ni celle de bénéficiaire, sa demande contre l’assu-
reur est irrecevable).

220

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Lorsque l’exception (simplement) personnelle à un autre codébiteur éteint

Partie 2 • Le régime général de l’obligation


la part divise de celui-ci, notamment en cas de compensation ou de remise
de dette, un codébiteur peut s’en prévaloir pour la faire déduire du total de
la dette. Concernant la compensation, un codébiteur peut donc se prévaloir
de la dette du créancier à l’égard d’un autre codébiteur uniquement pour ne
pas avoir à payer la part de ce codébiteur. Mais quid si la compensation a été
invoquée par le codébiteur ayant une créance contre le créancier commun
supérieure à sa part dans la dette commune ? Il s’agit alors d’un paiement par
compensation qui est une exception commune, sauf le recours du codébiteur
qui, au moyen de la compensation, a payé la part des autres codébiteurs.
4. La contribution à la dette
« Entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour
sa part. Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d’un recours contre les autres à
proportion de leur propre part (divisibilité de l’action récursoire). Si l’un d’eux
est insolvable, sa part se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables
(i.e. à proportion de leur part), y compris celui qui a fait le paiement et celui qui
a bénéficié d’une remise de solidarité » (art. 1317).
C’est dire que le codébiteur solvens ne peut exercer un recours en contri-
bution que pour les sommes qui excèdent sa propre part, et non pour la
moitié de son paiement lorsque celui-ci est inférieur à la dette commune
(Civ. 1re, 10 oct. 2019, no 18-20429). Si la dette commune a été réglée au titre
d’une assurance-emprunteur (perte d’emploi) souscrite par un seul codébi-
teur, celui-ci dispose, sauf convention contraire, d’un recours contre l’autre
codébiteur (Civ. 1re, 15 déc. 2010, no 09-16693).
« Si la dette procède d’une affaire qui ne concerne que l’un des codébiteurs
solidaires, celui-ci est seul tenu de la dette à l’égard des autres » (art. 1318). C’est
dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’interprétation que les juges du
fond peuvent retenir qu’un engagement constitue, non pas un caution­nement
solidaire, mais un engagement de codébiteur solidaire non intéressé à la dette
qui échappe aux règles du cautionnement (Civ. 1re, 17 nov. 1999, no 97-16335).
Dans un arrêt plus récent, la Cour de cassation a exercé un contrôle de quali-
fication en décidant qu’une cour d’appel a « exactement déduit » que le cession-
naire qui a décidé de se substituer une personne morale ou physique, demeure
codébiteur solidaire du prix et n’a pas la qualité de caution (Com. 8 juin 2017,
no 15-28438).

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§ 3. L’obligation indivisible
L’indivisibilité peut concerner une obligation entre un seul débiteur et
un seul créancier. En effet, l’indivisibilité exclut tout fractionnement du
paiement de l’obligation. L’obligation est indivisible par nature (livraison
d’un corps certain, bail rural) ou par contrat. L’obligation de somme d’argent
n’est jamais indivisible par nature.
Les effets de l’indivisibilité apparaissent en cas de pluralité de débiteurs
ou de créanciers. L’obligation indivisible a les mêmes effets que la solidarité
active ou la solidarité passive quant à l’obligation pour le tout et la prescrip-
tion. Toutefois, l’obligation au tout s’étend même aux successeurs d’un créan-
cier ou d’un débiteur (art. 1320, al. 3).
Si l’obligation d’un constructeur est indivisible, il en va autrement en cas
de pluralité de constructeurs, de sorte que la prescription soulevée par l’un
d’eux ne profite pas aux autres (Civ. 3e, 11 mai 2006, no 05-12234). Si l’indivi-
sibilité du bail ne permet pas à l’un des héritiers du bailleur d’en demander
seul la résiliation, l’indivisibilité du bail cesse à son expiration (Civ. 3e, 24 sept.
2014, no 12-25884 ; Civ. 3e, 5 avr. 2006, no 05-10761).

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Titre 2
Les opérations sur obligations

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Chapitre 1
La cession de créance

Section 1. La formation de la cession de créance

« La cession de créance est un contrat par lequel le créancier cédant transmet,
à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un
tiers appelé le cessionnaire » (c. civ. art. 1321). La cession peut porter sur une ou
plusieurs créances présentes ou futures, déterminées ou déterminables.
Par exemple, le contrat de crédit-bail peut prévoir que le crédit-bailleur trans-
fère au crédit-preneur la garantie des vices cachés contre le fournisseur.
« Le consentement du débiteur n’est pas requis, à moins que la créance ait été
stipulée incessible » (art. 1321, al. 4). Toutefois, est nulle la clause « prévoyant pour
toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services,
la possibilité d’interdire au cocontractant la cession à des tiers des créances qu’il
détient sur elle » (c. com. art. L. 442-3 ; id. pour la créance d’indemnité d’assu-
rance : c. ass. art. L. 211-5-2). En outre, les effets d’une cession de créance
professionnelle effectuée selon les modalités des articles L. 313-23 et suivants
du code monétaire et financier (cession Dailly) ne peuvent être limités par le
contrat générateur de la créance (Com. 11 oct. 2017, no 15-18372, inefficacité de
l’exigence, à peine de nullité, d’un préavis de la cession au débiteur cédé).
« La cession de créance doit être constatée par écrit, à peine de nullité »
(art. 1322).

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Section 2. Les effets de la cession de créance

§ 1. Les effets à l’égard des parties et des tiers

I. La date du transfert de la créance et d’opposabilité de la cession


Le transfert de la créance s’opère entre les parties et est opposable aux
tiers à la date de l’acte (art. 1323). En cas de contestation, la preuve de la
date de la cession incombe au cessionnaire, qui peut la rapporter par tout
moyen. Ces règles se retrouvent pour la cession de créance professionnelle
(CMF art. L. 313-27).
Le transfert d’une créance future ne s’opère qu’au jour de sa naissance,
tant à l’égard des parties que vis-à-vis des tiers (art. 1323, al. 2).
Que la créance soit présente ou future, « le concours entre cessionnaires succes-
sifs d’une créance se résout en faveur du premier en date ; il dispose d’un recours
contre celui auquel le débiteur aurait fait un paiement » (art. 1325). La date des
actes permet ainsi de résoudre le conflit entre cessionnaires successifs.
Le transfert fait sortir la créance du patrimoine du cédant, de sorte
que le droit du cessionnaire n’est pas affecté par l’ouverture de la procédure
collective du cédant postérieure à la date du transfert. Il fait obstacle à toute
voie d’exécution sur la créance cédée.

II. Les accessoires de la créance


Le transfert de la créance s’étend aux accessoires de la créance, notam-
ment les sûretés, les actions en justice attachées à la créance (p. ex., l’action
en responsabilité contre un notaire dont la faute a rendu une sûreté inefficace)
et la clause compromissoire (Civ. 2e, 20 déc. 2001, no 00-10806). En revanche,
si le cessionnaire a vocation à devenir partie à l’instance en recouvrement
de la créance, l’action en responsabilité fondée sur la mise en œuvre d’une
voie d’exécution destinée au recouvrement de la créance, avant la cession
de celle-ci, ne constitue pas l’accessoire de la créance cédée (Civ. 2e, 20 mai
2010, no 09-65434).

III. Les garanties dues par le cédant


En cas de cession de créance à titre onéreux, le cédant garantit l’existence
de la créance et de ses accessoires (art. 1326). Par exception, la garantie n’est
pas due s’il est stipulé que le cessionnaire a acquis la créance à ses risques et
périls ou s’il avait connaissance du caractère incertain de la créance (l’aléa
chasse la garantie).

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Le cédant ne garantit pas la solvabilité du débiteur. Par exception, il peut

Partie 2 • Le régime général de l’obligation


s’engager à garantir la solvabilité actuelle du débiteur cédé (i.e. au jour de la
cession) dans la limite du prix de la cession. La garantie peut s’étendre à la solva-
bilité à l’échéance à la condition que le cédant l’ait expressément spécifié.

§ 2. Les effets à l’égard du débiteur cédé

I. L’opposabilité de la cession de créance


« La cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui
a été notifiée ou s’il en a pris acte » (art. 1324, al. 1er). Dès que la cession lui est
opposable, le débiteur cédé ne peut payer que le cessionnaire.
La notification de l’article 1324 s’apparente à la notification de l’interdic-
tion de payer faite au débiteur cédé dans le cadre de la cession Dailly (CMF
art. L. 313-28). Jusqu’à la notification, le cédant reçoit valablement paiement
pour le compte du cessionnaire. La prise d’acte suppose un écrit du débiteur
faisant état de la cession. Le consentement du débiteur fait référence à l’hypo-
thèse où celui-ci est exigé en présence d’une créance incessible. Le consen-
tement rend alors la cession opposable. En revanche, il semble exclu que le
débiteur puisse consentir à l’avance à l’opposabilité de plano d’une cession
future.
Enfin, le débiteur n’est pas tenu des frais de la cession qui engagent solidai-
rement le cédant et le cessionnaire. Quant à la contribution à la dette des frais,
elle incombe, sauf clause contraire, à l’acquéreur.

II. L’opposabilité des exceptions


Le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la
dette, telles que la nullité (relative ou absolue), l’exception d’inexécution, la
résolution, la compensation des dettes connexes ou encore la clause compro-
missoire. Cependant, « la cession d’une créance ne confère pas au cessionnaire
qualité pour défendre, en l’absence du cédant, à une demande de résolution du contrat
dont procède cette créance », de sorte que la demande en résolution opposée au
cessionnaire se heurte à une fin de non-recevoir si le cédant n’est pas appelé
en la cause (Com. 15 mai 2019, no 17-27686).
Le débiteur peut également opposer les exceptions personnelles nées de
ses rapports avec le cédant avant que la cession lui soit devenue opposable,
telles que l’octroi d’un terme, la remise de dette ou la compensation de dettes
non connexes.

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III. Le retrait litigieux
Le débiteur a la faculté d’acquérir la créance cédée en exerçant un retrait
litigieux, i.e. rembourser au cessionnaire le prix de la créance cédée avec les
frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire
a payé le prix de la cession (c. civ. art. 1699).
Le droit de retrait est possible à condition que la cession (i) soit à titre
onéreux (Civ. 1re, 17 janv. 2018, no 16-21097), (ii) porte sur une créance
litigieuse, i.e. faisant l’objet d’un procès en cours et d’une contestation au
fond (art. 1700).
Le retrait litigieux ne peut être exercé que par le défendeur à l’instance
en contestation du droit litigieux, qu’il ait la qualité de débiteur principal ou
de caution (Com. 26 mars 2013, no 11-27423).
Le droit de retrait est applicable en cas de cession en bloc d’un ensemble
de créances, même si la cession prévoit un prix global calculé statistique-
ment, dès lors que la valeur nominale de la créance litigieuse est déterminable
(Civ. 1re, 4 juin 2007, no 06-16746 – application à la créance cédée du taux de
14,4 % correspondant au rapport prix de la cession en bloc/total du montant
des créances ; Com. 15 janv. 2013, no 11-27298). Le retrait litigieux peut être
exercé même si la cession des créances litigieuses se réalise au profit d’un
fonds commun de titrisation.
Dès lors que les conditions du retrait litigieux sont réunies, le cession-
naire ne peut s’y opposer. Le paiement du cessionnaire retrayé par le débiteur
retrayant met fin au litige en cours.

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Chapitre 2
La cession de dette et la cession de contrat

Section 1. La formation de la cession de contrat ou de dette

§ 1. Un accord tripartite


La cession de contrat est le contrat par lequel le cédant cède sa qualité
de partie au contrat cédé à un cessionnaire, avec l’accord du cocontractant
cédé (c. civ. art. 1216). La cession de dette est le contrat par lequel un débiteur
cède sa dette à un cessionnaire, avec l’accord du créancier cédé (art. 1327).
La cession peut porter sur une dette, exigible ou non, conditionnelle ou non,
présente ou future.
L’accord du cocontractant cédé ou du créancier cédé peut être donné à
l’avance (art. 1216, al. 2 ; art. 1327-1), par exemple, dans le contrat cédé ou le
contrat générateur de la dette cédée.
La loi peut prévoir une cession ou transfert de plein droit du contrat : bail
en cours en cas de vente de l’immeuble (c. civ. art. 1743) ; contrats de travail
en cas de changement d’employeur par succession, vente, fusion, transfor-
mation du fonds, mise en société de l’entreprise (c. trav. art. L. 1224-1 ; mais
application du droit commun en cas de transfert conventionnel de contrats de
travail à une autre société : Soc. 19 mai 2016, no 14-26556) ; contrats de crédit-
bail, location et fourniture de biens et services nécessaires au maintien de
l’activité en cas de plan de cession de l’entreprise en liquidation judiciaire
(c. com. art. L. 642-7) ; contrat d’assurance de dommage portant une chose
au profit de l’acquéreur ou de l’héritier (c. ass. art. L. 121-10).
Si la loi interdit la clause prohibant la cession du bail à l’acquéreur d’un
fonds de commerce (c. com. art. L. 145-16), le bail commercial peut subor-
donner cette cession à l’agrément du bailleur et/ou à d’autres conditions.

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§ 2. L’exigence d’un écrit
« La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité » (art. 1216, al. 3 ;
art. 1327, al. 2).

Section 2. Les effets de la cession de contrat ou de dette

§ 1. L’opposabilité de la cession


La cession est opposable aux tiers à la date de l’acte. À l’égard du cédé,
la cession est opposable à la date de son accord. Toutefois, si l’accord a été
donné à l’avance, la cession est opposable au cédé, s’il n’est pas intervenu à
l’acte de cession, du jour où la cession lui a été notifiée ou dès qu’il en a pris
acte (art. 1327-1 ; art. 1216, al. 2).

§ 2. Les garanties au profit du cédé


La cession ne libère le cédant pour l’avenir que si le cédé y a expres­sément
consenti (art. 1327-2 ; art. 1216-1, al. 1er).
En l’absence de libération, le cédant est tenu solidairement, selon
la cession, à l’exécution du contrat cédé ou au paiement de la dette cédée
(art. 1327-2 ; art. 1216-1, al. 2). Toutefois, la cession peut stipuler que l’enga­
gement du cédant pour l’avenir ne sera pas solidaire, de sorte que l’exécution
du contrat ou le paiement de la dette seront divisibles. En toute hypothèse,
le cédant dispose d’un recours en contribution contre le cessionnaire. Si le
cédant n’est pas libéré, les sûretés subsistent (art. 1216-3 ; art. 1328-1).
Si le cédant est libéré pour l’avenir, ses codébiteurs solidaires restent
tenus déduction faite de sa part dans la dette (art. 1216-3, al. 2 ; art. 1328-1,
al. 2), et les sûretés consenties par le cédant ou par des tiers ne subsistent
qu’avec leur accord.
La cession du bail commercial peut stipuler une clause de garantie au
bénéfice du bailleur selon laquelle le cédant est tenu solidairement avec le
cessionnaire du paiement des loyers postérieurs à la cession. Cette clause
ne peut être invoquée que durant trois ans à compter de la cession du bail
(c. com. art. L. 145-16-2). A contrario et par dérogation au droit commun, en
l’absence de clause de garantie, le cédant est libéré pour l’avenir à compter
du jour de la cession.
En principe, le cessionnaire d’un contrat n’est pas tenu des dettes du
cédant envers le cédé antérieures à la cession, sauf clause contraire (Civ. 3e,
30 nov. 2017, no 16-23498). Par exception, les cessions successives d’un bail

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Partie 2 • Le régime général de l’obligation
commercial opérant transmission des obligations en découlant au dernier
titulaire du contrat, celui-ci devient débiteur envers son bailleur de la répara-
tion des dégradations commises par ses prédécesseurs (Civ. 3e, 30 sept. 2015,
no 14-21237).

§ 3. L’opposabilité des exceptions


Le cessionnaire peut opposer au cédé les exceptions inhérentes à la dette,
telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compen-
sation de dettes connexes (art. 1216-2, al. 1er ; art. 1328), auxquelles on peut
ajouter la prescription ou la caducité.
En matière de cession de contrat, le cessionnaire ne peut pas opposer les
exceptions personnelles du cédant. La loi ne donne pas d’exemple. Il peut s’agir
de la compensation de dettes non connexes, d’une remise de dette, de l’octroi
d’un terme ou de la nullité relative. La loi ne distinguant pas selon que l’excep-
tion est née avant ou après la cession, il n’y aurait pas lieu de distinguer.
De son côté, le cédé peut opposer au cessionnaire du contrat toutes les
exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant (art. 1216-2, al. 2).
En matière de cession de dette, le débiteur substitué (cessionnaire), le
débiteur originaire (cédant) et le créancier (cédé) peuvent opposer les excep-
tions qui leur sont personnelles (art. 1328), sans pouvoir invoquer celles des
autres.

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Chapitre 3
La novation

Section 1. La notion de novation

« La novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation,
qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée » (art. 1329). La novation peut
entraîner :
• une substitution d’obligation. En ce cas, la novation n’est pas une simple
modification de l’obligation (terme, montant de l’obligation, ajout d’une
clause, renonciation à une stipulation, modalités de paiement) ou une
transaction ;
• un changement de débiteur. Elle se distingue de la cession de dette ou
de contrat qui emportent circulation de l’obligation, et non extinction de
l’ancienne et création d’une nouvelle ;
• un changement de créancier.

Section 2. Les conditions de la novation

§ 1. La preuve de la novation


« La novation ne se présume pas ; la volonté de l’opérer doit résulter clairement
de l’acte » (art. 1330). Pour autant, la novation peut être prouvée par tous
moyens et même déduite des circonstances (Civ. 3e, 19 oct. 2017, no 16-22608).
La solution est contestable car la novation est un acte juridique qui doit en
principe être prouvé par écrit. Il en va différemment de l’intention de nover
qui, en tant que fait juridique, est appréciée souverainement par les juges
du fond. C’est le cas de l’acquéreur qui a connaissance de la substitution de

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créancier et qui, après avoir passé commande à l’ancien, a reçu du nouveau
créancier la confirmation des commandes, les factures et les livraisons et lui
a payé une partie du prix (Com. 31 mars 2009, no 08-11376).

§ 2. La validité des obligations ancienne et nouvelle


« La novation n’a lieu que si l’obligation ancienne et l’obligation nouvelle sont
l’une et l’autre valables » (art. 1331). Par conséquent, la nullité de l’obliga-
tion ancienne emporte nullité de l’obligation nouvelle. Ainsi, le prêt consenti
en remplacement d’un engagement de caution aux fins de régler les dettes
exigibles du débiteur principal est nul si l’obligation ancienne (le caution­
nement) est nulle (Civ. 1re, 7 nov. 1995, no 92-16695). En cas de nullité de la
seule obligation nouvelle, l’obligation ancienne est maintenue (Com. 4 févr.
1992, no 90-12609).
Par exception, l’acte peut stipuler la déclaration selon laquelle la novation
a pour objet de substituer un engagement valable à un engagement nul.

§ 3. Le consentement
« La novation par changement de débiteur peut s’opérer sans le concours du
premier débiteur » (art. 1332). De fait, l’ancien débiteur a tout intérêt à la novation
et, à la différence de la cession de dette, ce n’est pas lui qui décide de céder
sa dette.
Contrairement à une cession de créance, la novation par changement de
créancier requiert le consentement du débiteur qui peut, par avance, accep-
ter que le nouveau créancier soit désigné par le premier (art. 1333, al. 1er).
En effet, la novation crée une nouvelle obligation à laquelle le débiteur doit
consentir.

Section 3. Les effets de la novation

§ 1. L’extinction de l’obligation ancienne

I. Les accessoires
« L’obligation ancienne est éteinte avec tous ses accessoires. Par exception, les
sûretés d’origine peuvent être réservées pour la garantie de la nouvelle obligation
avec le consentement des tiers garants » (art. 1334). En toute logique, le débiteur
peut donner son accord au maintien des sûretés réelles qu’il a consenties
en considération de l’obligation ancienne. Le consentement du garant doit
être donné avant la novation puisqu’à défaut celle-ci emporte extinction des
accessoires.

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Partie 2 • Le régime général de l’obligation
Par exception, la novation n’affecte pas certaines clauses. La novation
d’un contrat de concession exclusive en mandat d’intérêt commun n’exclut
pas, sauf clause contraire, l’application de la clause de résiliation figurant
au contrat d’origine (Com. 3 juill. 2001, no 98-16691). En outre, la novation ne
prive pas d’efficacité la clause compromissoire insérée dans le contrat d’ori-
gine (Civ. 1re, 10 mai 1988, no 86-13333).

II. Les coobligés et cautions


« La novation convenue entre le créancier et l’un des codébiteurs solidaires libère
les autres.
La novation convenue entre le créancier et une caution ne libère pas le débiteur
principal. Elle libère les autres cautions à concurrence de la part contributive de
celle dont l’obligation a fait l’objet de la novation » (art. 1335).

§ 2. La création d’une obligation nouvelle


L’obligation nouvelle est distincte de l’obligation ancienne, de sorte qu’elle
est soumise à son propre régime : nature civile ou commerciale ; prescrip-
tion ; loi applicable dans le temps. À l’exception de la validité de l’obliga-
tion ancienne, les exceptions fondées sur cette obligation ne peuvent plus
être invoquées. À la différence du débiteur cédé, le débiteur de l’obligation
novée (qui a consenti à la nouvelle obligation) ne peut donc pas opposer les
exceptions tirées de l’obligation ancienne.

§ 3. L’opposabilité de la novation aux tiers


« La novation est opposable aux tiers à la date de l’acte. En cas de contestation
de la date de la novation, la preuve en incombe au nouveau créancier, qui peut
l’apporter par tout moyen » (art 1333, al. 2).

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Chapitre 4
La délégation

Section 1. La notion de délégation

« La délégation est une opération par laquelle une personne, le délégant, obtient
d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui
l’accepte comme débiteur » (art. 1336, al. 1er). La délégation est un contrat à trois
parties. En pratique, le délégué est débiteur du délégant, si bien que la déléga-
tion est à la fois une garantie pour le délégataire (qui aura deux débiteurs), et
réalise un paiement simplifié (du délégué vers le délégataire au lieu de deux
paiements délégué/délégant puis délégant/délégataire). Mais la préexistence
d’une créance n’est pas une condition de la délégation (Com. 21 juin 1994,
no 91-19281). Le délégué qui s’engage sans être débiteur à l’égard du délégant
joue alors un rôle de garant. En revanche, si l’engagement du délégué ne
dépasse pas sa dette à l’égard du délégant, la délégation ne constitue, à l’égard
du délégué ayant la forme d’une société anonyme, qu’un mode d’extinction
de sa propre dette envers le délégant qui échappe à l’exigence d’une autorisa-
tion préalable du conseil d’administration (Com. 15 janv. 2013, no 11-28173).
En toute hypothèse, la délégation est une garantie pour le délégataire.
Ainsi, la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance prévoit que l’entre-
preneur n’est pas tenu de fournir un cautionnement bancaire s’il délègue le
maître de l’ouvrage au sous-traitant à concurrence du montant des presta-
tions exécutées par le sous-traitant (art. 14).
Enfin, la délégation implique une obligation nouvelle du délégué à l’égard
du délégataire. Elle se distingue de l’indication de paiement par laquelle un
débiteur demande à son propre débiteur de payer son créancier (mandat de
paiement), et qui n’emporte ni novation ni délégation (art. 1340). Le manda-
taire n’est pas engagé à l’égard du créancier. Son mandat peut être révoqué,
pas l’engagement du délégué.

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Il en est de même de la simple indication, faite par le créancier, d’une personne
désignée pour recevoir le paiement pour lui (mandat d’encaissement).

Section 2. Les effets de la délégation

§ 1. L’inopposabilité des exceptions


L’obligation du délégué à l’égard du délégataire est autonome. Par consé-
quent, « le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune
exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier
et le délégataire » (art. 1336, al. 2). Par exemple, le maître d’ouvrage délégué
ne peut pas invoquer contre le sous-traitant la nullité ou la prescription de
la créance de l’entrepreneur contre lui, et ne peut pas non plus se prévaloir

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Partie 2 • Le régime général de l’obligation
des exceptions que l’entrepreneur aurait pu invoquer contre le sous-traitant
(Civ. 3e, 7 juin 2018, no 17-15981 – contestation du bien-fondé des factures adres-
sées par le délégataire au délégant).

§ 2. Le sort de la créance du délégataire sur le délégant


La délégation novatoire (ou parfaite) emporte décharge du délégant. La
volonté de décharger le délégant, i.e. de nover, doit résulter expressément de
l’acte. Le délégant garantit la solvabilité future du délégué dans deux cas : s’il
s’y est engagé expressément ou si le délégué se trouve soumis à une procé-
dure d’apurement de ses dettes lors de la délégation (art. 1337).
La délégation simple (ou imparfaite) donne au délégataire un second
débiteur. Le paiement fait par l’un des deux débiteurs libère l’autre, à due
concurrence (art. 1338).

§ 3. Le sort de la créance du délégant sur le délégué


« Lorsque le délégant est créancier du délégué, sa créance ne s’éteint que par
l’exécution de l’obligation du délégué envers le délégataire et à due concurrence »
(art. 1339, al. 1er). Le délégant ne peut pas exiger ou recevoir le paiement de
sa créance sur le délégué, sauf pour la part excédant l’engagement du délégué
envers le délégataire ou si le délégant a exécuté son obligation envers le
délégataire. La saisie-attribution effectuée entre les mains du délégué par
un créancier du délégant n’a pas pour effet de priver le délégataire, dès son
acceptation, de son droit exclusif au paiement par le délégué, sans concours
avec le créancier saisissant (Com. 14 févr. 2006, no 03-17457).
En cas de délégation novatoire, « si le délégataire a libéré le délégant, le délégué
est lui-même libéré à l’égard du délégant, à concurrence du montant de son engage-
ment envers le délégataire » (art. 1339, in fine).

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Titre 3
Les actions ouvertes au créancier

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Chapitre 1
L’exécution forcée

Tout créancier dispose d’un droit de gage général sur le patrimoine de son
débiteur (c. civ. art. 2284 et 2285). Le débiteur répond de ses dettes sur tous
ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. À défaut de paiement
de l’obligation, le créancier peut recourir aux voies d’exécution forcée sur
le patrimoine du débiteur (saisies ou sûretés conservatoires, saisie-attribu-
tion, saisie-vente, saisie immobilière). Aux fins de protéger le patrimoine du
débiteur pour sauvegarder son droit de gage général, le créancier dispose
d’actions protectrices qui lui permettent d’agir contre un tiers (action oblique,
action paulienne, action directe).
Certains créanciers bénéficient d’un droit de préférence (sûreté réelle) qui
leur permet d’être payé avant les autres. De leur côté, les créanciers chiro-
graphaires (qui n’ont pas de sûreté) sont soumis à un principe d’égalité. Le
premier créancier à exiger le paiement et à engager une voie d’exécution sera
payé avant les autres (« prix de la course »). Toutefois, plusieurs créanciers
peuvent se manifester dans le cadre d’une procédure de saisie (par ex., CPCE
art. R. 251-2). À l’issue de la procédure de distribution du prix consécutive à
la saisie, les créanciers chirographaires seront payés par contribution, i.e.
proportionnellement au montant de leur créance.

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Chapitre 2
L’action oblique

Section 1. Les conditions de l’action oblique

L’action oblique permet au créancier d’exercer en justice les droits et


actions de son débiteur lorsque celui-ci néglige de le faire aux fins de proté-
ger son droit de gage général. Le créancier peut exercer l’action oblique à
quatre conditions (c. civ. art. 1341-1).
• (i) La carence ou l’inaction du débiteur. La carence du débiteur de la partie
exerçant l’action oblique est établie lorsqu’il ne justifie d’aucune diligence
dans la réclamation de son dû. Ce n’est pas le cas du débiteur ayant engagé
une action en justice (Civ. 1re, 5 avr. 2005, no 02-21011). En revanche, doit
être cassé l’arrêt qui exige une inertie prolongée et injustifiée du débiteur
(Civ. 1re, 28 mai 2002, no 00-11049) ;
• (ii) La compromission des droits du créancier. L’inaction du débiteur
compromet les droits de son créancier, i.e. met en péril le recouvrement de la
créance (insuffisance du droit de gage général ; insolvabilité du débiteur) ;
• (iii) La créance certaine, liquide et exigible du créancier agissant par voie
oblique. La créance ne doit pas être litigieuse ou à terme, et son montant
doit être déterminé. Le créancier poursuivant n’a pas à disposer d’un titre
exécutoire, ni à mettre en demeure son débiteur.
Par exemple, la caution qui dispose, avant même d’avoir payé, d’une créance
personnelle d’indemnité contre la débitrice principale, peut agir contre
l’assureur de celle-ci (Civ. 1re, 25 mai 2005, no 04-11622). En revanche, les
associés d’une société dissoute, qui ont un droit au partage du reliquat de
l’actif après paiement du passif, ne sont pas pour autant des créanciers
habiles à agir en lieu et place de la société par voie oblique (Civ. 1re, 2 oct.
2002, no 99-10947). L’associé ne disposerait donc pas d’une créance contre la
société lui permettant d’exercer une action oblique, ce qui est contestable.
• (iv) L’exercice de droits et actions à caractère patrimonial. Le créancier
exerce les droits et actions de son débiteur aux fins de sauvegarder son

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droit de gage général : actes conservatoires (paiement de charges, acte
interruptif de prescription) ; action en exécution d’une obligation ; action
en revendication ; action en nullité ou résolution d’un contrat ; action en
révocation ou réduction d’une libéralité ; action en paiement de l’indu ;
action en responsabilité ou en garantie ; voies d’exécution forcée (p. ex.,
pratiquer une saisie-attri­bu­tion pour le compte du débiteur), etc. La faculté
du créancier personnel d’un indivisaire de provoquer le partage est soumise
aux conditions de l’action oblique (Civ. 1re, 4 juin 2009, no 08-13009).
En principe, le créancier ne peut se substituer aux pouvoirs de gestion
et d’administration de son débiteur (choix d’un investissement, conclusion
d’un bail). Toutefois, le fait pour un locataire de ne pas respecter les obliga-
tions découlant de son bail et du règlement de copropriété, et de causer ainsi
un préjudice aux copropriétaires, autorise le syndicat des copropriétaires,
en cas de carence du bailleur, à agir en résiliation du bail (Civ. 3e, 14 nov.
1985, no 84-15577). Le maintien de cette jurisprudence est incertain, dès lors
que, depuis 2016, la loi n’autorise plus que l’exercice d’une action à caractère
patrimonial.
Sont exclus les droits et actions à caractère extrapatrimonial (divorce,
recherche de paternité, acceptation de succession) même si elles ont des
conséquences patrimoniales.
Le créancier ne peut pas plus exercer les droits et actions exclusivement
attachés à la personne. Par exemple, étant subordonnée à des considéra-
tions personnelles d’ordre moral et familial inhérentes à la donation, l’action
tendant à être autorisé à disposer d’un bien donné avec clause d’inaliénabilité
est exclusivement attachée à la personne du donataire (Civ. 1re, 29 mai 2001,
no 99-15776). Le droit au rachat d’une assurance-vie est exclusivement attaché à
la personne du souscripteur (Com. 25 oct. 1994, no 90-14316). L’action en recon-
naissance de l’existence d’un contrat de travail est exclusivement attachée à
la personne de celui qui se prétend salarié (Soc. 13 juill. 2004, no 02-43444).

Section 2. Les effets de l’action oblique

Le créancier agit pour le compte du débiteur. Par conséquent :


• le débiteur peut toujours reprendre l’instance à son compte ou disposer de
son droit (p. ex., le céder ou transiger), ce qui met fin à l’action oblique ;
• lorsque le débiteur ne peut pas agir, l’action oblique est irrecevable (p. ex.,
en cas de liquidation judiciaire) ;
• le défendeur peut invoquer toutes les exceptions (moyens de défense)
opposables au débiteur négligent ;

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Partie 2 • Le régime général de l’obligation


le résultat de l’action oblique intègre le patrimoine du débiteur négligent.
Le créancier exerçant l’action oblique ne peut donc pas obtenir un paiement
direct du défendeur. D’où l’intérêt du créancier de mettre en cause son
débiteur pour exiger le paiement de sa créance sur les sommes réinté-
grées dans le patrimoine de ce dernier. Le seul exercice de l’action oblique
ne confère pas au créancier poursuivant une cause de préférence sur les
sommes réintégrées, de sorte qu’il entrera en concours avec les autres
créanciers de son débiteur.

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Chapitre 3
L’action paulienne

Section 1. Les conditions de l’action paulienne

L’action paulienne permet au créancier d’obtenir qu’un acte de son débiteur


lui soit déclaré inopposable en ce qu’il fait obstacle à l’exercice efficace de son
droit de créance (art. 1341-2). Elle est subordonnée à quatre conditions.
• (i) La connaissance du préjudice causé au créancier (fraude). La fraude
paulienne exige qu’en s’appauvrissant le débiteur a connaissance du
préjudice causé à son créancier par l’acte litigieux qui rend impossible
ou plus difficile le recouvrement ou l’exécution forcée de son obligation.
Par exemple, les termes et conditions d’un bail peuvent constituer un acte
d’appau­v ris­sement de nature à priver d’efficacité l’inscription hypothé-
caire du créancier (Civ. 3e, 31 mars 2016, no 14-25604). Constitue un acte
d’appauvrissement, la cession consentie au prix normal qui a pour effet
de faire échapper un bien aux poursuites en le remplaçant par des fonds
plus aisés à dissimuler et, en tout cas, plus difficiles à appréhender (Com.
1er mars 1994, no 92-15425).
La fraude doit être connue par le tiers contractant lorsque l’acte attaqué
est à titre onéreux. Il suffit que le tiers ait connaissance de l’atteinte portée
aux droits du créancier par l’acte qu’il a conclu avec le débiteur. Un prix
dérisoire suffit à démontrer la complicité de fraude du tiers acquéreur.
Cette condition n’est pas exigée en présence d’un acte gratuit ;
• (ii) L’insolvabilité ou la perte d’un droit spécial sur un bien. Le créancier
doit établir l’insolvabilité au moins apparente de son débiteur à la date de
l’acte frauduleux. Le débiteur a la faculté de démontrer qu’il dispose de biens
de valeur suffisante pour désintéresser le créancier. L’action paulienne est
recevable, même si le débiteur n’est pas insolvable, dès lors que l’acte fraudu-
leux a eu pour effet de rendre impossible l’exercice du droit spécial dont
disposait le créancier sur la chose aliénée, tel que le droit du bénéficiaire

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d’une promesse unilatérale de vente (Civ. 3e, 6 oct. 2004, no 03-15392 ; Civ. 1re,
18 déc. 2014, no  13-25745) ;
• (iii) La créance certaine en son principe au jour de l’acte frauduleux (i.e.
l’antériorité de la créance). Celui qui exerce l’action paulienne est tenu de
justifier d’un principe certain de créance au moment de l’acte argué de
fraude (Civ. 1re, 15 janv. 2015, no 13-21174). À cette date, il n’est pas exigé
que la créance soit certaine, liquide et exigible. Par exemple, la créance
peut être affectée d’une condition (art. 1304-5), ou l’acte argué de fraude
intervenir avant les échéances impayées (Civ. 1re, 19 nov. 2002, no 00-12424 ;
donation par la caution consécutive aux difficultés financières de la société
cautionnée : Com. 12 juill. 1994, no 92-14483). La contestation opposée
par le débiteur à l’action judiciaire engagée par le créancier n’exclut pas
le principe certain de la créance. C’est le cas lorsque le débiteur s’était
engagé à garantir un tiers de toute condamnation et que celui-ci avait été
condamné avant la conclusion de l’acte frauduleux (Civ. 1re, 1er juillet 2015,
pourvoi no 14-20535). Par exception, il peut être démontré que la fraude a
été organisée à l’avance en vue de porter préjudice à un créancier futur
(Civ. 1re, 7 janv. 1982, no 80-15960) ;
• (iv) La créance certaine, liquide et exigible au jour de l’action paulienne.
N’étant pas certaine, la créance litigieuse ne peut pas fonder l’exercice de
l’action paulienne (Civ. 1re, 16 mai 2013, no 12-13637).

Section 2. Les effets de l’action paulienne

L’acte frauduleux est inopposable au seul créancier poursuivant, ce qui


l’autorise à saisir le bien cédé comme si celui-ci faisait toujours partie du patri-
moine de son débiteur. Le créancier peut procéder directement à une saisie
entre les mains du tiers détenteur (Civ. 1re, 30 mai 2006, no 02-13495). Le bien
n’est pas réintégré dans le patrimoine du débiteur et échappe donc aux autres
créanciers qui ne peuvent qu’introduire eux-mêmes une action paulienne.
L’action paulienne ne peut atteindre que l’auteur et les complices de la
fraude. Les droits de la banque, ayant financé l’acquisition de l’immeuble par
le tiers complice et inscrit une hypothèque sur celui-ci, ne sont pas affectés
par l’action paulienne, en l’absence de preuve de sa complicité (Civ. 1re, 13 déc.
2005, no 03-15455). Il en va de même du sous-acquéreur de bonne foi. En ce
cas, l’acquéreur complice ou le donataire ayant participé à la fraude peuvent
être condamnés, sur le fondement de l’article 1341-2, à réparer le préjudice
subi par le créancier correspondant au montant de la créance (Civ. 1re, 15 janv.
2015, no 13-21174).

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Partie 2 • Le régime général de l’obligation

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Titre 4
L’extinction de l’obligation

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Chapitre 1
Le paiement

Section 1. Le régime général du paiement

§ 1. La notion de paiement


« Le paiement est l’exécution volontaire de la prestation due. […] Il libère le
débiteur à l’égard du créancier et éteint la dette, sauf lorsque la loi ou le contrat
prévoit une subrogation dans les droits du créancier » (c. civ. art. 1342).

§ 2. Les parties au paiement


« Le paiement peut être fait même par une personne qui n’y est pas tenue, sauf
refus légitime du créancier » (art. 1342-1). Il incombe à celui qui a sciemment
acquitté la dette d’autrui, sans être subrogé dans les droits du créancier de
démontrer que la cause dont procédait ce paiement impliquait, pour le débiteur,
l’obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées (Civ. 1re, 2 juin 1992,
no 90-19374 ; Civ. 1re, 9 févr. 2012, no 10-28475). Le solvens ne dispose donc pas
de plano d’un recours personnel contre le débiteur libéré. Il doit démontrer
soit une subrogation, soit l’engagement du débiteur de le rembourser (prêt,
reconnaissance de dette), soit une gestion d’affaires. L’intention libérale
de celui qui a payé la dette d’autrui est donc présumée. Si le solvens n’a pas
sciemment acquitté la dette d’autrui, mais a payé par erreur, il peut agir en
paiement de l’indu.
Le créancier peut s’opposer au paiement de la dette d’autrui en invoquant
un motif légitime (par ex., prestation attendue d’un débiteur ayant les compé-
tences et l’expérience exigées).
« Le paiement doit être fait au créancier ou à la personne désignée pour le
recevoir » (art. 1342-2). Le paiement fait à une personne qui n’avait pas la
qualité pour le recevoir n’est valable (et donc libératoire) que si le créancier
l’a ratifié ou en a tiré profit (par ex., versement à l’époux du créancier qui a

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viré la somme sur un compte joint). Toutefois, « le paiement fait de bonne foi
à un créancier apparent est valable » (art. 1342-3). C’est, par exemple, le cas du
paiement fait à un héritier apparent du créancier défunt, ou du paiement par
la sécurité sociale d’indemnités journalières à un salarié, alors que l’employeur
était créancier, car elle ignorait que celui-ci avait maintenu le salaire (Civ. 2e,
8 juill. 2004, no 02-31225). Le véritable créancier doit alors agir en paiement
de l’indu contre l’accipiens. Enfin, le paiement fait à un créancier dans l’inca-
pacité de contracter n’est valable que s’il en a tiré profit.

§ 3. Les modalités du paiement

I. L’objet du paiement
« Le créancier peut refuser un paiement partiel même si la prestation est divisible »
(art. 1342-4). Si le créancier accepte un paiement partiel, le débiteur de
plusieurs dettes ne peut pas exercer la faculté qui lui permet d’indiquer au
créancier la dette qu’il entend acquitter (Civ. 1re, 27 nov. 2019, no 18-21570). Par
exception, le paiement partiel s’impose au créancier lorsque l’obligation est
divisible en cas de décès du débiteur (art. 1309) ou en cas de compensation.
Le créancier peut accepter de recevoir en paiement autre chose que ce
qui lui est dû. Cette dation en paiement a pour effet d’éteindre l’obligation
initiale. Il s’agit d’un paiement anormal qui est nul s’il est effectué en période
suspecte (c. com. art. L. 632-1, I, 4°).
Si l’obligation porte sur un corps certain, il incombe, le cas échéant, au
débiteur de prouver que la détérioration de la chose n’est pas due à sa faute
ou celle des personnes dont il doit répondre (art. 1342-5).
Enfin, les frais du paiement sont à la charge du débiteur (art. 1342-7).

II. La date et le lieu du paiement


« Le paiement doit être fait sitôt que la dette devient exigible » (art. 1342). « À
défaut d’une autre désignation par la loi, le contrat ou le juge, le paiement doit être
fait au domicile du débiteur » (art. 1342-6). Sauf clause contraire, l’obligation est
quérable : la prestation est exécutée au domicile du débiteur (p. ex., prise
de possession de la chose vendue). En matière contractuelle, le demandeur
peut saisir soit la juridiction du lieu où demeure le défendeur soit celle du
lieu de livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la presta-
tion de service (CPC art. 46). En vertu du Règlement Bruxelles I bis, le deman-
deur peut, en matière contractuelle, saisir la juridiction de l’État membre de
l’Union Européenne soit du lieu du domicile du défendeur soit du lieu d’exé-
cution de l’obligation qui sert de base à la demande.

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III. La preuve du paiement

Partie 2 • Le régime général de l’obligation


La preuve du paiement peut être rapportée par tous moyens (art. 1342-8).
Si le paiement est établi par écrit (quittance), la preuve contraire ne peut être
rapportée que par un autre écrit.
« La remise volontaire par le créancier au débiteur de l’original sous signature
privée ou de la copie exécutoire du titre de sa créance vaut présomption simple de
libération », et donc de paiement. « La même remise à l’un des codébiteurs solidaires
produit le même effet à l’égard de tous » (art. 1342-9).

§ 4. L’imputation du paiement


« Le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu’il paie, celle qu’il entend
acquitter » (art. 1342-10). Le choix du débiteur d’imputer le paiement à l’une
de ses dettes en particulier résulte d’une déclaration expresse ou d’éléments
de nature à établir, sans équivoque, la dette qu’il entendait acquitter.
À défaut, le paiement s’impute d’abord sur les dettes échues, parmi celles-ci,
sur les dettes que le débiteur a plus intérêt à acquitter. Par exemple, le débiteur
a intérêt à acquitter la dette la plus onéreuse au regard du taux d’intérêts
applicable, ou encore la dette garantie par une sûreté. À égalité d’intérêt,
l’imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait
proportionnellement.

Section 2. Le paiement d’une somme d’argent

§ 1. Le nominalisme monétaire

I. Le principe du nominalisme monétaire


« Le débiteur d’une obligation de somme d’argent se libère par le versement de
son montant nominal » (art. 1343, al. 1er). « L’obligation qui résulte d’un prêt en
argent n’est toujours que de la somme énoncée au contrat » (art. 1895). En vertu du
principe du nominalisme monétaire, le montant de la dette ne doit pas être
réévalué entre la date de sa fixation par le contrat et la date de son paiement.
Les fluctuations monétaires (inflation, taux de change…) ne sont pas prises
en compte.

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II. Les exceptions au nominalisme monétaire
1. L’indexation
La stipulation d’un indice permet de faire varier le montant de la dette en
fonction de l’évolution de cet indice (p. ex., le loyer commercial en fonction
de l’indice des loyers commerciaux). La clause d’indexation est valable à la
condition que l’indice choisie par les parties ait une relation directe avec
l’objet du contrat ou avec l’activité de l’une des parties (CMF art. L. 112-2). De
surcroît, est nulle la clause qui exclut la réciprocité de la variation (Civ. 3e,
14 janv. 2016, no 14-24681). La loi peut limiter le choix de l’indice (par ex., pour
les baux d’habitation, l’indice de référence des loyers). « Lorsque le prix ou tout
autre élément du contrat doit être déterminé par référence à un indice qui n’existe
pas ou a cessé d’exister ou d’être accessible, celui-ci est remplacé par l’indice qui s’en
rapproche le plus » (c. civ. art. 1167).

2. La dette de valeur
La dette de valeur est une dette dont le montant est fixé au jour de son
paiement (plus exactement de sa liquidation) et non au jour de sa naissance.
Par exemple, la dette du responsable est fixée au jour de sa condamnation,
les préjudices subis étant évalués au jour où le juge statue. À la dissolution
d’un régime matrimonial, la liquidation peut donner lieu au paiement de
récompenses ou de créances entre époux, lesquelles ne correspondent pas au
montant nominal de la dette lorsque les sommes ont servi à l’acquisition d’un
bien, mais sont réévaluées selon le profit subsistant, i.e. la valorisation dudit
bien (c. civ. art. 1469 ; également pour les restitutions et le rapport successo-
ral : art. 1352 et 860).

§ 2. Les intérêts


Les intérêts (y compris moratoires) sont la rémunération de l’argent prêté.
Le débiteur est libéré à condition de verser le principal et les intérêts. Si le
créancier accepte un paiement partiel, celui-ci s’impute d’abord sur les
intérêts (art. 1343-1, al. 1er). Dans certains cas, le juge peut décider que les
paiements partiels s’imputeront d’abord sur le capital (c. civ. art. 1345-5, al. 2 ;
c. cons. L. 733-1, 2°). « Le taux d’intérêts est fixé par écrit. Il est réputé annuel par
défaut » (art. 1343, al. 2). À défaut de fixation du taux par écrit, le prêt est à
titre gratuit. La fixation du taux d’intérêts donne lieu à une réglementation
technique (taux fixe/taux variable indexé, taux d’usure, calcul du taux effec-
tif global, déchéance du droit aux intérêts en cas d’irrégularité du taux).
Les intérêts échus sur une année produisent eux-mêmes des intérêts ; ils
sont capitalisés. L’anatocisme résulte soit du contrat soit d’une décision de
justice (art. 1343-2). Ainsi, le juge des référés peut, sans excéder ses pouvoirs,
assortir d’intérêts moratoires la condamnation qu’il prononce et en ordonner

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Partie 2 • Le régime général de l’obligation
la capitalisation (Civ. 3e, 17 juin 1998, no 96-19230). Par exception, la capita-
lisation d’intérêts est interdite pour le crédit consenti à un consommateur
(Civ. 1re, 9 févr. 2012, no 11-14605 ; v. art. L. 313-51 et L. 312-34 c. cons.).

§ 3. Les modalités du paiement

I. La devise
« Le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros »
(art. 1343-3). Par exception, le paiement peut s’effectuer dans une monnaie
étrangère si l’obligation procède d’un contrat international (même soumis à
la loi française) ou d’un jugement étranger. Les parties peuvent aussi conve-
nir que le paiement aura lieu en devise s’il intervient entre professionnels,
lorsque l’usage d’une monnaie étrangère est communément admis pour l’opé-
ration concernée.

II. Le lieu du paiement


« À défaut d’une autre désignation par la loi, le contrat ou le juge, le lieu du
paiement de l’obligation de somme d’argent est le domicile du créancier » (art. 1343-4).
Le paiement d’une somme d’argent est portable. Le paiement doit, sauf clause
contraire, être exécuté au domicile du créancier (compétence internationale :
Règlement Bruxelles I bis, art. 7). Le paiement des sommes dues en vertu d’un
engagement de caution ne constitue ni la livraison d’une chose, ni l’exécution
d’une prestation de service, de sorte que le tribunal du domicile du créan-
cier n’est pas compétent sur le fondement de l’article 46 du code de procédure
civile (Com. 22 oct. 1996, no 94-18877).

III. Les délais de grâce


« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération
des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années,
le paiement des sommes dues » (art. 1343-5). Le délai de grâce ne concerne que
le paiement d’une somme d’argent. Il constitue une dérogation majeure
au principe de l’intangibilité du contrat, d’autant que les dispositions de
l’article 1343-5 sont d’ordre public.
Par exception, un délai de grâce ne peut pas être accordé pour les dettes
d’aliments, la prestation compensatoire, les salaires ou encore les effets de
commerce et les cotisations sociales.
Les juges du fond disposent d’un pouvoir discrétionnaire pour accorder
ou refuser un délai de grâce, sans avoir à motiver spécialement leur décision.
Toutefois, une décision spéciale et motivée s’impose pour ordonner que les

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sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux
réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord
sur le capital (art. 1343-5, al. 2).
Le juge peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur
d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette (caution­nement,
paiement de certaines échéances).
« La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées
par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard
ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge » (art. 1343-5, al. 4).

Section 3. La mise en demeure

§ 1. La mise en demeure du débiteur


La mise en demeure de payer résulte d’un acte du créancier ou de son
mandataire portant interpellation suffisante (lettre missive, citation en
justice, commandement de payer). Toutefois, le contrat peut prévoir que la
mise en demeure résulte de la seule exigibilité de la créance (art. 1344).
La mise en demeure fait courir les intérêts moratoires, au taux légal, sans
que le créancier soit tenu de justifier d’un préjudice (art. 1344-1 ; art. 1231-6).
« La mise en demeure de délivrer une chose met les risques à la charge du débiteur »
(art. 1344-2). Elle n’emporte pas interruption de la prescription laquelle ne
résulte que d’une citation en justice, d’un acte d’exécution forcée ou d’une
reconnaissance du débiteur.

§ 2. La mise en demeure du créancier


Si, à l’échéance et sans motif légitime, le créancier refuse le paiement,
le débiteur peut le mettre en demeure de l’accepter ou d’en permettre l’exé-
cution. Le refus de donner satisfaction à une demande de justificatif de
l’existence et du montant de la créance, émanant d’un débiteur dans l’impos-
sibilité d’en avoir autrement connaissance, équivaut à un refus de recevoir
le paiement (Com. 9 oct. 2001, no 99-10974). Si le créancier peut refuser un
paiement partiel, le paiement par un tiers n’est pas en soi un motif légitime.
De surcroît, le créancier peut injustement prétendre que la prestation est
insuffisante et donc le paiement partiel, alors qu’il ne l’est pas forcément,
soit parce que ses exigences ont évolué, soit même parce que le contrat ne
l’intéresse plus en raison de l’évolution de la conjoncture économique ou de
son refus de supporter les risques de la chose.

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« La mise en demeure du créancier arrête le cours des intérêts dus par le

Partie 2 • Le régime général de l’obligation


débiteur et met les risques de la chose à la charge du créancier, s’ils n’y sont
déjà, sauf faute lourde ou dolosive du débiteur. Elle n’interrompt pas la prescrip-
tion » (art. 1345).
Dans les deux mois suivant la mise en demeure, le débiteur peut consi-
gner la somme d’argent ou, lorsque l’obligation porte sur la livraison d’une
chose, séquestrer celle-ci auprès d’un gardien professionnel. Si le séquestre
de la chose est impossible ou trop onéreux, le juge peut en autoriser la vente
amiable ou aux enchères publiques. Déduction faite des frais de la vente, le
prix en est consigné à la Caisse des dépôts et consignations. La consignation ou
le séquestre libère le débiteur à compter de leur notification au créancier.
Si la prestation ne porte ni sur le paiement d’une somme ni sur la livrai-
son d’une chose, le débiteur est libéré si l’obstruction n’a pas cessé dans les
deux mois suivant la mise en demeure (art. 1345-2).

Section 4. Le paiement avec subrogation

§ 1. Les conditions de la subrogation personnelle


La subrogation personnelle est l’opération par laquelle les droits d’un créan-
cier (subrogeant) contre son débiteur (tiers à la subrogation) sont transférés
au subrogé par l’effet du paiement par celui-ci de la créance qui lui est trans-
mise. La condition essentielle de la subrogation est donc le paiement de la
créance par un tiers. Le paiement peut être total ou partiel. Les autres condi-
tions de la subrogation dépendent de son fondement : contractuel ou légal.

I. La subrogation légale
A. Le droit commun
« La subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant
un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui
sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette » (art. 1346). La
subrogation légale exige trois conditions : le paiement ; l’intérêt légitime
du solvens ; la libération du débiteur ayant la charge définitive (de tout ou
partie) de la dette.
L’article 1346, issu de l’Ordonnance du 10 février 2016, englobe les cas visés
par l’ancien article 1251 du code civil, tels que le créancier qui paie un autre
créancier qui lui est préférable à raison de ses privilèges ou hypothèques, et

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surtout le paiement effectué par celui qui est tenu avec d’autres (obligation
solidaire, in solidum ou indivisible) ou pour d’autres (cautionnement, garan-
tie autonome).
Il entérine aussi la jurisprudence selon laquelle celui qui s’acquitte d’une
dette qui lui est personnelle peut bénéficier de la subrogation s’il a, par son
paiement, libéré envers leur créancier commun celui sur qui doit peser la
charge définitive de la dette. Par exemple, le garant ayant payé la créance
d’une banque contre un débiteur insolvable a un recours subrogatoire contre
la caution de ce débiteur (Com. 18 mars 2014, no 13-12444). L’assureur de
responsabilité, qui a indemnisé le préjudice subi par un créancier qui n’a pas
obtenu paiement de tout ou partie de sa créance à raison de la faute de l’assuré
(avocat ou notaire), est subrogé dans les droits du créancier contre le débiteur
libéré du fait du paiement de l’indemnité (Civ. 1re, 27 janv. 2004, no  01-00733 ;
encore faut-il que la subrogation légale soit invoquée : Civ. 1re, 28 mai 2008,
no 07-13437). Il a même été admis, de façon contestable, que l’exploitant d’une
chaufferie ayant remplacé des canalisations suite à un sinistre, conformé-
ment à son obligation contractuelle de supporter les risques d’exploitation,
a un recours subrogatoire contre l’assureur du syndicat des copropriétaires
de l’immeuble (Civ. 1re, 25 nov. 2009, no 08-20438).
Enfin, la condition d’un intérêt légitime est incertaine. Pour l’essentiel,
elle implique que le solvens soit obligé au paiement (p. ex., l’assureur qui verse
une indemnité sans y être tenu ne peut se prévaloir que d’une subrogation
contractuelle), et exclut la subrogation légale en cas de paiement par un tiers
totalement étranger à la dette.

B. Le droit des assurances


« L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concur-
rence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui,
par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assu-
reur » (c. ass. art. L. 121-12, al. 1er). Par exemple, l’assureur ayant indemnisé
un créancier assuré (victime d’un dommage aux biens, bailleur n’ayant pas
reçu les loyers) a un recours subrogatoire contre le débiteur (responsable,
locataire). Ces dispositions sont applicables lorsque l’assureur a indemnisé
la victime de l’assuré, ce qui lui ouvre un recours subrogatoire contre les
autres responsables. La subrogation légale ne peut être invoquée que si le
versement a été effectué en exécution de la garantie prévue au contrat d’assu-
rance. Le recours subrogatoire peut être fermé (par ex., contre les membres
de la famille ou le préposé de l’assuré : art. L. 121-12, al. 3 ; v. aussi le recours
limité au responsable dont la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue
contre le gré du propriétaire : art. L. 211-1, al. 3).

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Ces dispositions ne concernent que les assurances de dommage. « Dans

Partie 2 • Le régime général de l’obligation


l’assurance de personnes, l’assureur, après paiement de la somme assurée, ne peut
être subrogé aux droits du contractant ou du bénéficiaire contre des tiers à raison
du sinistre » (art. L. 132-2). Par exception, la subrogation conventionnelle
est possible si les prestations prévues au contrat d’assurance de personnes
présentent un caractère indemnitaire (v. aussi la subrogation légale pour les
prestations énumérées par l’art. 29 de la loi du 5 juill. 1985, et au profit des
fonds de garantie : c. ass. art. L. 421-3 ; CPP art. 706-11 ; CSP art. L. 1142-15).
L’assureur « garantie corporelle » de la victime peut alors exercer les droits
de celle-ci dont fait partie l’action directe contre l’assureur du responsable
(Civ. 2e, 26 nov. 2020, no 19-23023).

II. La subrogation conventionnelle


A. La subrogation conventionnelle à l’initiative du créancier
La subrogation conventionnelle doit être expresse. Elle ne saurait se
déduire de la reconnaissance de dette consentie à celui qui a payé la dette
d’autrui (Civ. 1re, 18 oct. 2005, no 04-12513). En pratique, elle prend la forme
d’une quittance subrogative. Celle-ci peut être établie au profit d’un assureur,
ce qui permet à celui-ci de ne pas avoir à justifier qu’il était bien tenu de payer
en exécution de son obligation contractuelle de garantie (Civ. 2e, 17 nov. 2016,
no 15-25409 ; pour l’exclusion de la subrogation légale en présence d’un geste
commercial de l’assureur : Civ. 1re, 23 mars 1999, no 97-11685).
La subrogation conventionnelle doit être concomitante, i.e. consentie en
même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur (p. ex.,
un contrat d’affacturage), le subrogeant n’ait manifesté la volonté que son
cocontractant lui soit subrogé lors du paiement (art. 1346-1). Après le paiement,
la subrogation est impossible en raison de l’effet extinctif de celui-ci. La conco-
mitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens
(notamment l’identité de dates), étant entendu qu’une quittance subrogative
ne fait pas preuve par elle-même de la concomitance.

B. La subrogation conventionnelle à l’initiative du débiteur


« La subrogation a lieu également lorsque le débiteur, empruntant une somme
à l’effet de payer sa dette, subroge le prêteur dans les droits du créancier avec le
concours de celui-ci. En ce cas, la subrogation doit être expresse et la quittance
donnée par le créancier doit indiquer l’origine des fonds.
La subrogation peut être consentie sans le concours du créancier, mais à la
condition que la dette soit échue ou que le terme soit en faveur du débiteur. Il faut
alors que l’acte d’emprunt et la quittance soient passés devant notaire, que dans
l’acte d’emprunt il soit déclaré que la somme a été empruntée pour faire le paiement,
et que dans la quittance il soit déclaré que le paiement a été fait des sommes versées
à cet effet par le nouveau créancier » (art. 1346-2).

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§ 2. Les effets de la subrogation personnelle

I. L’effet translatif de la subrogation


« La subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu’il a payé, la
créance et ses accessoires, à l’exception des droits exclusivement attachés à la personne
du créancier » (art. 1346-4). À l’instar de la cession de créance, le subrogé
récupère les droits et actions du créancier (sûretés, action paulienne…). Le
subrogé ne peut avoir plus de droits que le créancier subrogeant, de sorte
que son recours est plafonné par le montant du paiement et par celui de la
créance transférée (Civ. 3e, 22 oct. 2014, no 13-24420).
Corrélativement le créancier originaire perd ses droits et actions. Ainsi,
une victime qui a délivré une quittance définitive et sans réserve à l’assureur
l’ayant indemnisé en exécution d’une transaction n’a plus ni intérêt ni qualité
pour agir contre le responsable (Civ. 1re, 28 mars 2018, no 17-11628 ; Civ. 1re,
4 févr. 2003, no 00-11023).
L’effet translatif ne s’étend pas aux intérêts de la dette (intérêts conven-
tionnels, clauses d’anatocisme) : « Le subrogé n’a droit qu’à l’intérêt légal à
compter d’une mise en demeure, s’il n’a convenu avec le débiteur d’un nouvel intérêt »
(art. 1346-4, al. 2).

II. L’opposabilité de la subrogation


Comme pour la cession de créance, la subrogation n’est opposable au
débiteur que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte (art. 1346-5, al. 1er).
Mais le débiteur peut invoquer la subrogation dès qu’il en a connaissance. Par
ailleurs, la subrogation est opposable aux tiers dès le paiement.

III. L’opposabilité des exceptions


Le régime de l’opposabilité des exceptions est le même qu’en matière de
cession de créance (comp. art. 1346-5, al. 3 et art. 1324, al. 2). Nonobstant le
silence de la loi, il est acquis que le délai de prescription est celui applicable à
l’action du subrogeant contre le débiteur. Logiquement, le point de départ de
la prescription est celui applicable à l’action du subrogeant (Civ. 1re, 4 févr.
2003, no 99-15717 ; Civ. 2e, 14 janv. 2016, no 15-13040). La solution est sévère dès
lors que la prescription peut courir contre le subrogé (ou même être acquise)
avant la subrogation et donc avant que celui-ci puisse agir contre le débiteur.
Certains arrêts ont ainsi pu retenir que la prescription ne court qu’à compter
du paiement subrogatoire (Civ. 1re, 4 nov. 2003, no 00-12170). Une action préven-
tive est aussi envisageable : est recevable l’action engagée, avant l’expira-
tion du délai de forclusion décennale, par un assureur dommages-ouvrage
contre les constructeurs bien qu’il n’ait pas eu au moment de la délivrance de

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Partie 2 • Le régime général de l’obligation
l’assignation la qualité de subrogé de son assuré faute de l’avoir indemnisé,
dès lors qu’il a payé l’indemnité due à ce dernier avant que le juge du fond n’ait
statué (Civ. 3e, 29 mars 2000, no 98-19505 ; Civ. 3e, 5 nov. 2020, no 19-18284).

IV. Le droit de préférence du créancier subrogeant


« La subrogation ne peut nuire au créancier lorsqu’il n’a été payé qu’en partie ;
en ce cas, il peut exercer ses droits, pour ce qui lui reste dû, par préférence à celui
dont il n’a reçu qu’un paiement partiel » (art. 1346-3). S’ils sont en concours, le
subrogeant est payé avant le subrogé, même si celui-ci profite également de
la sûreté garantissant la créance du subrogeant.
En matière d’affacturage, l’affactureur réalise un paiement partiel mais est
subrogé pour le tout. La solution est fondée sur le raisonnement suivant lequel
le paiement est intégral mais le factor déduit les frais de recouvrement.

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Chapitre 2
La compensation

§ 1. La compensation légale

I. Les conditions de la compensation légale


A. La réciprocité des créances
« La compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre
deux personnes » (art. 1347, al. 1er).
La compensation ne s’opère qu’entre deux personnes qui sont réci­pro­
quement créancières et débitrices l’une de l’autre. Cette condition est commune
à tous les types de compensation. Une société ne peut pas invoquer la compen-
sation dans le cas où elle est à la fois créancière d’une épouse et débitrice de
l’époux, même si les époux sont mariés sous le régime de la communauté
universelle (Civ. 1re, 25 nov. 2015, no 14-14003). L’assureur de responsabilité ne
peut déduire de l’indemnité due à la victime le montant des primes échues à la
date du sinistre et non réglées par l’assuré (Civ. 1re, 28 avr. 1993, no 90-17727).
Par exception, une personne peut invoquer la compensation alors qu’elle est
créancière et débitrice de deux personnes différentes si elle démontre qu’il
existe entre elles une confusion de patrimoine au sens de l’article L. 621-2
du code de commerce (extension de procédure collective).

B. L’exigence de créances fongibles, certaines, liquides et exigibles


La fongibilité est la qualité d’une chose qui peut être désignée par son espèce
et sa quantité (argent, blé, pétrole…). L’obligation d’exécuter une prestation
ou de livrer un bien non fongible ne peut jamais donner lieu à une compen-
sation. De même, une obligation de somme d’argent ne peut pas se compen-
ser avec l’obligation de livrer du lait. « Sont fongibles les obligations de somme
d’argent, même en différentes devises, pourvu qu’elles soient convertibles, ou celles
qui ont pour objet une quantité de choses de même genre » (art. 1347-1, al. 2).

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Les créances réciproques doivent être exigibles, de sorte que la compen-
sation légale est exclue si l’une des créances est à terme. L’octroi d’un délai de
grâce fait seulement obstacle à l’exécution forcée de l’obligation sans remettre
en cause son exigibilité, de sorte que « le délai de grâce ne fait pas obstacle à la
compensation » (art. 1347-3).
Les créances réciproques doivent aussi être certaines, si bien que si l’une
d’elles est litigieuse, la compensation ne peut s’opérer. Elles doivent être
liquides, i.e. déterminées dans leur montant.

C. Les créances non compensables


« Les créances insaisissables et les obligations de restitution d’un dépôt, d’un prêt
à usage ou d’une chose dont le propriétaire a été injustement privé ne sont compen-
sables que si le créancier y consent » (art. 1347-2). Par exemple, sont insaisissables
et donc non compensables une fraction des salaires et les créances alimen-
taires (c. trav. art. L. 3252-2 ; CPCE art. L. 112-2). Toutefois, le créancier d’ali-
ments peut demander que les sommes qui lui sont dues se compensent avec
ce qu’il doit à son débiteur (Civ. 1re, 7 oct. 2015, no 14-19906). La prestation
compensatoire ayant, pour partie, un caractère alimentaire, une compen-
sation ne peut être opérée, même par voie judiciaire, entre cette prestation
et le versement d’une autre somme (Civ. 2e, 2 déc. 1998, no 97-15650 ; Civ. 2e,
2 oct. 1997, no 95-19358).

II. L’invocation de la compensation légale


« La compensation s’opère, sous réserve d’être invoquée, à due concurrence, à
la date où ses conditions se trouvent réunies » (art. 1347, al. 2). L’invocation de la
compensation légale n’est pas à proprement parler une condition de celle-ci,
mais sans elle la compensation est inopérante.
La compensation peut être invoquée pour la première fois en appel (CPC
art. 564). N’étant pas d’ordre public, la compensation ne peut pas être invoquée
pour la première fois devant la Cour de cassation. Cependant, le juge de
l’exécution doit vérifier le montant de la créance servant de cause à la saisie
et trancher la contestation relative à l’exception de compensation soule-
vée par la débitrice (Civ. 2e, 21 janv. 2010, no 09-65011 ; Civ. 2e, 25 févr. 2010,
no 09-13909). Le débiteur, qui a omis d’invoquer la compensation et qui a été
condamné par une décision irrévocable, doit donc pouvoir déduire de son
paiement le montant de sa créance et, en cas de litige portant sur l’exécution
forcée, saisir le juge de l’exécution. Et ce, même si sa créance ne répond plus
aux conditions de la compensation (p. ex., si elle est prescrite).
Par ailleurs, une partie peut renoncer à la compensation par avance ou
après que la compensation se soit accomplie.

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En cas de cession de créance ou de subrogation, le débiteur (également

Partie 2 • Le régime général de l’obligation


créancier du cédant ou du subrogeant) peut opposer la compensation légale au
cessionnaire ou au subrogé si les conditions de celle-ci ont été réunies avant
que le transfert de la créance ne lui soit opposable. Toutefois, « le débiteur qui
a pris acte sans réserve de la cession de la créance ne peut opposer au cessionnaire
la compensation qu’il eût pu opposer au cédant » (art. 1347-5).
« La caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur
principal » (art. 1347-6, al. 1er). Elle peut invoquer elle-même la compensation
légale qualifiée d’exception inhérente à la dette.
« Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation de ce que le
créancier doit à l’un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du
total de la dette » (art. 1347-6, al. 2). Il n’aura donc à payer que la différence
entre le total de la dette commune et la part contributive du codébiteur ayant
également la qualité de créancier du créancier commun.

III. Les effets de la compensation légale


A. L’effet extinctif
La compensation emporte extinction simultanée des obligations
réciproques, à due concurrence, à la date où ses conditions sont réunies
(art. 1347). En d’autres termes, la compensation emporte extinction des
créances réciproques dans la limite du montant le plus faible. Elle a un effet
rétroactif dans le sens où elle s’opère au jour où ses conditions sont réunies
et non au jour où elle est invoquée. Par conséquent, elle peut être invoquée
même après l’expiration du délai de prescription de l’une des créances (Com.
30 mars 2005, no 04-10407). La compensation s’opère de plein droit à l’instant
même où les deux créances ont coexisté, il est sans emport que l’une d’elles
soit une condamnation assortie de l’exécution provisoire qui a été arrêtée
par le premier président de la cour d’appel sous réserve de consignation de
la somme (Civ. 2e, 13 oct. 2016, no 15-23437).

B. L’imputation en cas de pluralité de dettes compensables


« S’il y a plusieurs dettes compensables, les règles d’imputation des paiements sont
transposables » (art. 1347-4). Toutefois, ces règles prévues par l’article 1342-10
ne sont pas parfaitement transposables si chaque partie est débitrice et créan-
cière d’une pluralité de dettes : Quel débiteur indique la dette à acquitter ? À
défaut de choix, l’intérêt d’acquitter de quel débiteur doit être retenu ? Doit
être cassé l’arrêt qui retient la compensation invoquée par le bailleur entre
sa dette au titre du dépôt de garantie et les loyers échus avant l’ouverture de
la procédure collective sans rechercher si le locataire n’avait pas intérêt à
acquitter par priorité la dette postérieure à l’ouverture de la procédure (Com.
24 juin 2003, no 00-17156).

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C. La protection des tiers
« La compensation ne préjudicie pas aux droits acquis par des tiers » (art. 1347-7).
Ces dispositions synthétisent les articles 1298 et 1299 du code napoléon. Si
la saisie-attribution fait obstacle à la compensation, encore faut-il que la
créance soit devenue indisponible par l’effet de la saisie avant que les condi-
tions de la compensation légale (de plein droit) ne soient réunies. Sans quoi
il n’y a pas de « droit acquis » avant la compensation. Par exemple, l’une des
créances réciproques fait l’objet d’une saisie-attribution avant que l’autre ne
soit échue, de sorte que la compensation ne pourra plus se produire, la saisie
emportant attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie
(CPCE art. L. 211-2).

§ 2. La compensation judiciaire

I. La compensation judiciaire des dettes non connexes


La compensation judiciaire peut être prononcée par le juge si l’une des
obligations n’est pas encore liquide ou exigible (art. 1348). Les autres condi-
tions (créances réciproques, fongibles et certaines) doivent être réunies. En
outre, seule l’une des deux obligations réciproques peut échapper aux condi-
tions de liquidité et/ou d’exigibilité. La compensation judiciaire est une faculté
du juge. Elle produit ses effets à la date de la décision, à moins que le juge
en décide autrement.

II. La compensation judiciaire des dettes connexes


A. Les conditions de la compensation des dettes connexes
Les dettes sont connexes lorsqu’elles résultent d’un même contrat ou
d’un même ensemble contractuel. Par exemple, sont connexes la créance
de loyer et la dette au titre du dépôt de garantie ou de travaux, la créance de
prix et la dette de dommages-intérêts pour inexécution, ou encore la créance
résultant de la liquidation d’une astreinte prononcée contre un bailleur et
une créance de loyers (Com. 27 sept. 2016, no 15-10393). L’ensemble contrac-
tuel suppose des créances et dettes nées d’achats conclus en exécution d’un
contrat cadre, ou de contrats liés économiquement (indivisibles). En toute
hypothèse, la connexité est exclue entre une créance contractuelle et une
dette délictuelle, et entre une créance en compte courant d’associé et une
dette d’apport en société.
La condition de connexité s’ajoute aux conditions de la compensation
judiciaire. Si ces conditions sont réunies, le juge a l’obligation de prononcer
la compensation même si l’une des obligations n’est pas liquide ou exigible
(art. 1348-1).

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B. Les effets de la compensation des dettes connexes

Partie 2 • Le régime général de l’obligation


Le juge a l’obligation de prononcer la compensation des dettes connexes.
La compensation est réputée s’être produite au jour de l’exigibilité de la
première d’entre elles (art. 1348-1, al. 2). Et ce, quelle que soit la date à
laquelle le montant des créances est arrêté par le juge (Com. 23 sept. 2014,
no 13-20399).
En cas de cession de créance ou de subrogation, le débiteur de la créance
transférée peut opposer la compensation des dettes connexes même si les
conditions de celle-ci ont été réunies après que le transfert de la créance lui
ait été notifié (art. 1324, al. 1er ; art. 1346-5).
« L’acquisition de droits par un tiers sur l’une des obligations n’empêche pas son
débiteur d’opposer la compensation » (art. 1348-1, al. 3). La saisie-attribution
ne fait alors pas obstacle à la compensation, même si elle est antérieure à la
date à laquelle les conditions de la compensation sont réunies.
Enfin, la compensation pour des dettes connexes peut être invoquée après
l’ouverture d’une procédure collective. Le jugement ouvrant la procédure de
sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire emporte,
de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au
jugement, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes
(c. com. art. L. 622-7, I ; art. L. 631-14 ; art. L. 641-3). Toutefois, la compensa-
tion pour dettes connexes ne peut être prononcée que si la créance a été
déclarée. « Lorsqu’un créancier invoque la compensation d’une créance antérieure
connexe déclarée pour s’opposer à la demande en paiement formée contre lui par un
débiteur en procédure collective, le juge du fond saisi de cette demande doit d’abord
se prononcer sur le caractère vraisemblable ou non de la créance ainsi invoquée, et,
dans l’affirmative, ne peut qu’admettre le principe de la compensation et ordonner
celle-ci à concurrence du montant de la créance à fixer par le juge-commissaire,
sans que le créancier n’ait à prouver que sa créance a été admise à ce stade » (Com.
3 avr. 2019, no 17-28463).

§ 3. La compensation conventionnelle


« Les parties peuvent librement convenir d’éteindre toutes obligations
réciproques, présentes ou futures, par une compensation ; celle-ci prend effet à la
date de leur accord ou, s’il s’agit d’obligations futures, à celle de leur coexis-
tence » (art. 1348-2). Le contrat permet de passer outre les conditions de liqui-
dité, d’exigi­bi­lité et/ou de fongibilité. Les parties n’ont pas le droit de faire
rétroagir la compensation conventionnelle à une date antérieure à leur accord
ou, pour les créances futures, au jour de leur naissance.

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Chapitre 3
La confusion

« La confusion résulte de la réunion des qualités de créancier et de débiteur d’une


même obligation dans la même personne. Elle éteint la créance et ses accessoires,
sous réserve des droits acquis par ou contre des tiers » (art. 1349). La confusion
est, par exemple, consécutive à la fusion ou absorption des sociétés débitrices
et créancières ou encore au retrait litigieux par lequel le débiteur acquiert
la créance litigieuse. En cas d’extension de la procédure collective ouverte
contre le débiteur à la caution, l’obligation issue du cautionnement s’éteint
par voie de confusion (Com. 17 févr. 2009, no 07-16558).
Si la confusion concerne un codébiteur solidaire ou une caution, les autres
codébiteurs ou cautions sont libérés à concurrence de la part de ce codébiteur
ou de cette caution. Lorsque la confusion concerne une obligation cautionnée,
la caution, même solidaire, est libérée. En revanche, si elle concerne l’obliga-
tion d’une des cautions, le débiteur principal n’est pas libéré (art. 1349-1).

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Chapitre 4
L’extinction sans satisfaction du créancier

Section 1. La remise de dette

« La remise de dette est le contrat par lequel le créancier libère le débiteur de son
obligation » (art. 1350).
La remise de dette consentie à l’un des codébiteurs solidaires libère les
autres à concurrence de sa part. La remise de dette faite par l’un seulement
des créanciers solidaires ne libère le débiteur que pour la part de ce créan-
cier (art. 1350-1).
La remise de dette accordée au débiteur principal libère les cautions,
même solidaires.
La remise consentie à l’une des cautions solidaires ne libère pas le débiteur
principal, mais libère les autres cautions à concurrence de la part de la
caution libérée.
Dans le cas où la caution est libérée en contrepartie du versement d’une
partie de sa dette (décharge), ce montant s’impute sur la dette du débiteur princi-
pal. Les autres cautions ne restent tenues que déduction faite de la part de la
caution libérée ou de la valeur fournie si elle excède cette part (art. 1350-2).
Par exemple, une dette principale de 100 est garantie par deux cautions
solidaires, chacune tenue à hauteur de 100 (obligation à la dette), mais dont
la part contributive est de 50. Si le créancier consent une remise de dette à
l’une des cautions qui lui a réglé 20 (alors que le créancier pouvait lui récla-
mer 100), l’autre caution sera tenue de 50 (déduction de la part de la caution
libérée). Si la caution libérée a versé 60 au créancier pour sa décharge, l’autre
caution et le débiteur ne seront tenus à l’égard du créancier que de 40.

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Section 2. L’impossibilité d’exécuter

L’impossibilité définitive d’exécuter la prestation procédant d’un cas de


force majeure libère le débiteur (art. 1351 ; v. supra, la théorie des risques).
Par exception, le débiteur qui s’est engagé à une obligation de garantie n’est
pas libéré et doit s’exécuter ou réparer les conséquences de l’inexécution.

Section 3. La prescription extinctive

§ 1. La durée du délai de prescription

I. Les prescriptions légales


« Les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter
du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui
permettant de l’exercer » (c. civ. art. 2224). Toutefois, il existe de nombreuses
prescriptions spéciales.
Par exemple, en responsabilité civile : dommages environnementaux
causés par des installations ou activités régies par le code de l’envi­ron­nement
(30 ans : c. envir. art. L. 152-1) ; dommages corporels (10 ans : c. civ. art. 2226,
al. 1er) ; violences ou agressions sexuelles commises sur un mineur (20 ans :
art. 2226, al. 2), etc.
En droit du travail : paiement des salaires (3 ans : c. trav. art. L. 3245-1) ;
exécution du contrat de travail (2 ans : art. L. 1471-1) ; rupture du contrat de
travail (1 an) ; accident du travail (2 ans) ; Discrimination et harcèlement
(5 ans), etc.
En droit de la consommation : action du professionnel contre le consom-
mateur et action du consommateur en garantie légale de conformité (2 ans :
c. cons. art. L. 218-2 et art. L. 217-12).
En droit des assurances : actions dérivant du contrat d’assurance (2 ans :
c. ass. art. L. 114-1).
En droit commercial : actions relatives au statut des baux commerciaux
(2 ans : c. com. art. L. 145-60) ; transport de marchandises (1 an : art. L. 133-6) ;
nullité des délibérations sociales, responsabilité des dirigeants et action en
insuffisance d’actif (3 ans), etc.
En droit des contrats spéciaux : actions dérivant d’un bail d’habitation
(3 ans : L. 6 juill. 1989, art. 7-1) ; garantie des vices cachés (2 ans : c. civ.
art. 1648), etc.

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L’exécution des titres exécutoires (décisions de justice, transaction ayant

Partie 2 • Le régime général de l’obligation


reçu force exécutoire, exequatur) se prescrit par 10 ans (CPCE art. L. 111-4).
Les délais de prescription se distinguent des délais de forclusion (ou
préfix) qui ne sont susceptibles ni de suspension ni d’interruption : action en
remboursement d’un crédit à la consommation (2 ans : c. cons. art. R. 312-35) ;
rescision pour lésion de la vente d’immeuble (2 ans : c. civ. art. 1676) ; garan-
ties du constructeur (art. 1792 et s.).

II. L’aménagement contractuel du délai de prescription


« La durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties.
Elle ne peut toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans »
(c. civ. art. 2254, al. 1er). L’accord peut aussi porter sur les causes de suspension
ou d’interruption. Par exception, l’aménagement est interdit dans certaines
matières (salaires, loyers : art. 2254, al. 3 ; droit de la consommation ; produit
défectueux, etc.).

§ 2. Le régime de la prescription

I. Le calcul de la prescription
A. Le point de départ du délai de prescription
En principe, la prescription court à compter du jour où le titulaire d’un droit
a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (art. 2224).
Ce critère subjectif permet au juge de faire courir la prescription au-delà du
fait générateur de l’obligation dès lors que le créancier ne pouvait connaître
l’existence de son droit. Ainsi, les victimes de la Dépakine, n’ayant pas été
informée du risque de ce produit, n’ont connaissance de l’origine du dommage
qu’après le dépôt du rapport d’expertise (Civ. 1re, 27 nov. 2019, no 18-16537).
La loi édicte de nombreux points de départ spéciaux. Par exemple : répara-
tion d’un dommage corporel (date de la consolidation : art. 2226) ; action en
remboursement d’un crédit à la consommation (premier incident de paiement :
c. cons. R. 312-35) ; garantie des vices cachés (découverte du vice : art. 1648) ;
rescision pour lésion (jour de la vente : art. 1676), etc.

B. La computation du délai
Le délai de prescription court à compter du lendemain du jour de l’évé-
nement qui en constitue le point de départ (art. 2228). La prescription est
acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli. Ensuite, le délai se
compte en mois et année sans distinguer selon le nombre de jours par mois
ou par année. Par exemple, un contractant découvre le 2 mars 2021 qu’il avait
été victime d’un dol. Le délai de 5 ans de l’action en nullité court à compter
du 3 mars et expirera le 3 mars 2026 à 0 heures (ou le 2 mars à 24 heures).

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La computation est différente pour les délais de procédure qui expirent
le jour portant le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de
la décision ou de la notification qui fait courir le délai (CPC art. 641). Par
exemple, une ordonnance d’injonction de payer est rendue le 3 mars 2021, le
créancier a 6 mois pour la signifier soit avant le 3 septembre 2021 à 23h59. À
la différence de la prescription, si le délai de procédure expire un samedi,
dimanche ou jour férié, il est prorogé au premier jour ouvrable.

C. La suspension et l’interruption de la prescription


1. La suspension
La suspension arrête le cours de la prescription sans effacer le délai déjà
couru (art. 2230) dans trois séries d’hypothèses (art. 2233 et s.) :
• Impossibilité d’agir. Par exemple, la prescription ne court pas en cas de
force majeure. Elle ne court pas non plus à l’égard d’une créance qui dépend
d’une condition jusqu’à ce que la condition arrive, ni à l’égard d’une créance
à terme jusqu’à ce que ce terme soit arrivé. Le créancier est dans l’impos-
sibilité d’agir contre les héritiers de son codébiteur solidaire tant qu’il n’a
pas eu connaissance de la dévolution successorale (Civ. 1re, 23 janv. 2019,
no 17-18219).
• Protection d’une partie. Par exemple, la prescription ne court pas ou est
suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle.
• Mode alternatif de règlement des conflits (médiation, conciliation, procé-
dure participative) et en cas de mesure d’instruction avant tout procès
(CPC art. 145).
2. L’interruption
L’interruption fait courir un nouveau délai de la même durée que l’ancien
(art. 2231). La prescription est interrompue dans trois cas : Reconnaissance
par le débiteur de son obligation ; Action en justice même en référé ; Acte
d’exécution forcée (mesure conservatoire ou saisie). Une mise en demeure
n’interrompt pas la prescription (Civ. 3e, 12 mai 2015, no 13-25688), sauf dispo-
sition légale contraire (c. ass. art. L. 114-1).
L’action en justice permet d’interrompre les délais de prescription et de
forclusion. Et ce, même si l’action est portée devant une juridiction incompé-
tente ou si l’acte de saisine est annulé pour vice de procédure, ce qui recouvre
les vices de forme et les irrégularités de fond (Civ. 3e, 11 mars 2015, no 14-15198 ;
sur les irrégularités de fond : CPC art. 117). Cette solution ne s’étend pas aux
actes d’exécution forcée, de sorte que l’annulation du commandement de payer
valant saisie immobilière prive cet acte de son effet interruptif de prescrip-
tion (Civ. 2e, 1er mars 2018, no 16-25746).

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Partie 2 • Le régime général de l’obligation
À la différence de l’incompétence du juge ou de la nullité de l’acte de saisine,
l’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande en
justice ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée
(art. 2243). De même, la caducité de l’assignation fait obstacle à l’interruption
(Ass. plén. 3 avr. 1987, no 86-11536 ; CPC art. 754).

D. Le délai butoir
Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescrip-
tion ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive
au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit (art. 2232).
Cette fois, le point de départ est fondé sur un critère objectif (naissance du
droit). Le délai butoir est d’ordre public. Par exception, il n’est pas applicable
dans diverses hypothèses : réparation d’un dommage corporel, créances
conditionnelles ou à terme, état des personnes, etc.

II. Les effets de la prescription


Dès que la prescription est acquise, l’action en justice est irrecevable (CPC
art. 122). Toutefois, la prescription n’étant pas d’ordre public, le débiteur peut
ne pas l’invoquer ou y renoncer (c. civ. art. 2251). Le juge ne peut pas la relever
d’office (art. 2247). Cependant, les créanciers, ou toute autre personne ayant
intérêt à ce que la prescription soit acquise, peuvent l’opposer ou l’invoquer
lors même que le débiteur y renonce (art. 2253). Par exemple, un créancier
peut intervenir à l’instance pour invoquer la prescription de la créance d’un
créancier avec lequel il est en concours.

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Titre 5
Les restitutions

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Chapitre 1
La restitution d’une chose autre
qu’une somme d’argent

Section 1. L’objet de la restitution

« La restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature
ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution »
(c. civ. art. 1352).
Par exemple, l’annulation du bail oblige le preneur à verser une indem-
nité d’occupation qui est la contrepartie en valeur de la jouissance des lieux
(Civ. 3e, 14 juin 2018, no 17-13422).
Toutefois, l’annulation d’un contrat d’assurance ne permet pas à l’assu-
reur de prétendre à une somme correspondant à la restitution des garanties
(Civ. 3e, 12 avr. 2018, no 17-13118 ; cep. en cas de fausse déclaration intention-
nelle de l’assuré : c. ass. art. L. 113-8).
Lorsque l’acquéreur est dans l’impossibilité de restituer le bien vendu,
la restitution en valeur s’entend de la valeur effective du bien au jour de la
vente, et non au prix convenu (Civ. 1re, 8 mars 2005, no 02-11594). La valeur est
estimée au jour de la restitution (art. 1352). En cas de revente du bien, la loi
distingue selon que l’acquéreur est de bonne ou mauvaise foi. L’acquéreur
de bonne foi qui a vendu la chose ne doit restituer que le prix de vente. S’il l’a
reçue de mauvaise foi, il en doit la valeur au jour de la restitution lorsqu’elle
est supérieure au prix (art. 1352-2).
Par ailleurs, la restitution n’est pas en soi un préjudice, de sorte qu’elle
ne peut être réclamée au professionnel du droit ayant commis une faute dans
la rédaction de l’acte nul que si le débiteur de la restitution est insolvable (v.
supra, le caractère subsidiaire de la responsabilité).
Enfin, le débiteur est tenu de compenser la diminution de valeur du bien
restitué en cas de dégradation ou de détérioration, sauf s’il est de bonne foi
et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute (art. 1352-1).

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À l’évidence, la prescription de l’action en restitution ne peut courir avant
le prononcé de la nullité ou de la résolution.

Section 2. Les accessoires de la restitution

§ 1. La restitution des fruits et de la valeur de la jouissance


« La restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a
procurée » (art. 1352-3, al. 1er). En ne distinguant pas selon que le débiteur est
de bonne ou de mauvaise foi, la loi contredit la jurisprudence selon laquelle
l’acquéreur de bonne foi n’avait pas à restituer les fruits (Civ. 3e, 11 févr. 2021,
no 20-11037). Cependant, le débiteur de bonne foi est favorisé puisqu’il n’a à resti-
tuer les fruits qu’à compter du jour de la demande, alors que celui qui a reçu de
mauvaise foi en doit restitution à compter du paiement (art. 1352-7, également
applicable aux intérêts de somme d’argent et à la valeur de jouissance).
À rebours de la jurisprudence, l’Ordonnance du 10 février 2016 pose le
principe de la compensation de la jouissance ou de l’usage de la chose par le
débiteur de la restitution. Auparavant, le vendeur n’était pas fondé à obtenir
une indemnité correspondant à la seule utilisation de la chose par l’acqué-
reur. Ce principe pourrait remettre en cause la solution suivant laquelle le
crédit-bailleur a droit à la restitution du prix sans déduction des loyers qu’il a
perçus (Com. 10 févr. 2015, no 13-24501), ou encore celle qui interdit au loueur
d’obtenir une indemnité correspondant au profit tiré par le locataire-gérant
de l’exploitation du fonds de commerce (Civ. 3e, 3 déc. 2015, no 14-22692).
« Sauf stipulation contraire, la restitution des fruits, s’ils ne se retrouvent pas en
nature, a lieu selon une valeur estimée à la date du remboursement, suivant l’état
de la chose au jour du paiement de l’obligation » (art. 1352-3, al. 2).

§ 2. Les impenses


Le débiteur de la restitution d’une chose a droit au remboursement des
dépenses nécessaires à la conservation du bien (charges de copropriété, taxe
foncière, primes d’assurance, travaux pour éviter la perte du bien ; p. ex.,
Civ. 3e, 3 mai 2018, no 17-11132, préc.).
Le créancier de la restitution est encore tenu des dépenses d’amélioration
dans la limite de la plus-value estimée au jour de la restitution (art. 1352-5).
La demande de remboursement des améliorations apportées au fonds n’a pas
un caractère indemnitaire car elles procèdent de la nécessité, consécutive
à l’annulation, de rétablir le patrimoine des parties à l’acte où il se trouvait
avant la conclusion de celui-ci (Civ. 1re, 10 mai 2005, no 03-12496).

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Chapitre 2
La restitution d’une somme d’argent
ou d’une prestation

« La restitution d’une somme d’argent inclut les intérêts au taux légal et les taxes
acquittées entre les mains de celui qui l’a reçue » (art. 1352-6).
« La restitution d’une prestation de service a lieu en valeur. Celle-ci est appré-
ciée à la date à laquelle elle a été fournie » (art. 1352-8).

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Partie 3
La preuve des obligations

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Titre 1
La charge de la preuve

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Chapitre 1
Les principes de répartition
de la charge de la preuve

Section 1. La charge de la preuve de l’existence


de l’obligation

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » (c. civ. art. 1353,
al. 1er). C’est au créancier de prouver les faits juridiques (conditions de la
responsabilité ou d’un quasi-contrat) ou l’acte juridique (obligation contrac-
tuelle) à l’origine de l’obligation dont il réclame l’exécution.
Par conséquent, il incombe à l’entrepreneur ayant réalisé des travaux dans
la propriété de son client de prouver que celui-ci avait passé commande desdits
travaux (Civ. 3e, 16 juill. 1996, no 95-12321 ; Civ. 1re, 30 sept. 2008, no 07-12705).
C’est au garagiste d’établir que la cliente qui lui avait confié son véhicule
avait bien commandé ou accepté l’ensemble des travaux de remise en état
réalisés (Civ. 1re, 6 janv. 2004, no 00-16545). En l’absence d’une telle preuve, le
garagiste ne peut obtenir le paiement des travaux effectués ni sur le fonde-
ment du contrat ni sur celui de l’enrichissement injustifié (Civ. 1re, 2 nov.
2005, no 02-18723).
La preuve de la remise de fonds à une personne ne suffit pas à justifier
l’obligation pour celle-ci de restituer la somme qu’elle a reçue, de sorte que
celui qui se prétend créancier d’une obligation de restitution doit prouver la
remise des fonds et l’engagement de l’accipiens de les restituer (Civ. 1re, 7 juin
2006, no 03-18807 ; Civ. 1re, 8 avr. 2010, no 09-10977). Et, c’est à celui qui a sciem-
ment acquitté la dette d’autrui, sans être subrogé dans les droits du créan-
cier, de démontrer que la cause dont procédait ce paiement impliquait pour
le débiteur l’obligation de lui rembourser les sommes ainsi versées (Civ. 1re,
17 nov. 1993, no 91-19443).

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À l’évidence, la victime doit prouver l’existence d’un dommage qui ne
saurait se déduire de la faute (Civ. 1re, 22 nov. 2017, no 16-27551 ; mais la seule
constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation : Civ. 1re,
5 nov. 1996, no 94-14798).
Il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que
sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu la garan-
tie (Civ. 1re, 13 mai 2003, no 00-15195). Par exception, si le bénéfice d’un contrat
d’assurance est invoqué, non par l’assuré, mais par la victime du dommage,
tiers à ce contrat, c’est à l’assureur qu’il incombe de démontrer, en versant la
police aux débats, qu’il ne doit pas sa garantie pour le sinistre, objet du litige
(Civ. 1re, 2 juill. 1991, no 88-18486).

Section 2. La charge de la preuve de la libération


du débiteur

« Celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit
l’extinction de son obligation » (art. 1353, al. 2).
C’est au débiteur de prouver l’extinction de l’obligation par paiement,
par compensation ou par une autre cause. Ainsi, le maître d’ouvrage ne
peut refuser de payer le sous-traitant exerçant l’action directe qu’à la condi-
tion d’établir la date et le montant du règlement des travaux à l’entrepreneur
principal (Civ. 3e, 8 nov. 2006, no 05-18482).
Il incombe au vendeur de prouver qu’il a mis la chose vendue à la dispo-
sition de l’acheteur dans le délai convenu ou qu’il l’a livrée (Civ. 1re, 19 mars
1996, no 94-14155 ; Com. 23 oct. 1990, no 89-11642).
Celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation parti-
culière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obliga-
tion (Civ. 1re, 25 févr. 1997, no 94-19685).
L’obligation du débiteur est éteinte s’il rapporte la preuve d’une cause
d’exoné­ra­tion (force majeure, faute de la victime, abus de fonctions du préposé)
ou l’existence d’une cause de nullité.
Si l’assuré doit prouver que les conditions de la garantie sont réunies pour
exiger l’indemnité d’assurance, c’est à l’assureur de prouver sa libération à
raison de l’exclusion de garantie ou de la fausse déclaration intentionnelle
de l’assuré (Civ. 2e, 5 juill. 2018, no 17-20491).
Enfin, c’est au débiteur de prouver que l’obligation est prescrite ou forclose.
Ainsi, il appartient à l’entrepreneur et à son assureur de rapporter la preuve
que l’action de la victime a été engagée après l’expiration du délai de garantie

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Partie 3 • La preuve des obligations
décennale (Civ. 3e, 26 janv. 2005, no 03-17173). En revanche, il appartient à celui
qui se prévaut d’un acte interruptif de prescription de l’établir (Com. 9 nov.
1993, no 91-20113 ; Civ. 1re, 26 nov. 1996, no 94-16844).

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Chapitre 2
Les tempéraments à la répartition
de la charge de la preuve

Section 1. Les présomptions

§ 1. La notion de présomption


La présomption permet de déduire d’un fait connu un fait ou un acte qui est
alors réputé prouvé. Elle dispense celui au profit duquel elle existe de rappor-
ter la preuve de ce fait ou de cet acte, si bien qu’elle constitue un renversement
de la charge de la preuve (art. 1354, al. 1er). « Elle est dite simple, lorsque la loi
réserve la preuve contraire, et peut alors être renversée par tout moyen de preuve ;
elle est dite mixte, lorsque la loi limite les moyens par lesquels elle peut être renver-
sée ou l’objet sur lequel elle peut être renversée ; elle est dite irréfragable lorsqu’elle
ne peut être renversée » (art. 1354, al. 2).

§ 2. Les présomptions légales


La présomption légale résulte d’une disposition légale. Par exemple, « s’il
n’a pas été fait d’état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de
réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire » (art. 1731).
La mention du paiement portée par le créancier sur le titre original ou sur
un double entre les mains du débiteur vaut présomption simple de libération
du débiteur (art. 1378-2).

§ 3. Les présomptions judiciaires


Il arrive que le juge assouplisse la charge de la preuve. Par exemple, en
cas de causalité alternative, c’est au fabricant d’un produit défectueux de
prouver que son produit n’est pas à l’origine du dommage subi par la victime
(v. supra). Si le prestataire de services téléphoniques doit prouver l’existence et

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le montant de sa créance, il bénéficie d’une présomption résultant du relevé
des communications téléphoniques (Civ. 1re, 28 janv. 2003, no 00-17553). C’est
alors au débiteur d’invoquer un élément objectif permettant de mettre en
doute cette présomption.

Section 2. Les contrats sur la preuve

« Les contrats sur la preuve sont valables lorsqu’ils portent sur des droits dont les
parties ont la libre disposition. Néanmoins, ils ne peuvent contredire les présomptions
irréfragables établies par la loi, ni modifier la foi attachée à l’aveu ou au serment. Ils
ne peuvent davantage établir au profit de l’une des parties une présomption irréfra-
gable » (art. 1356). C’est dire que les règles de preuve en matière d’état et de
capacité des personnes ne sauraient être modifiées par contrat. En revanche,
le contrat de prêt peut prévoir que l’usage d’une carte avec code confidentiel
vaut preuve de l’ordre de paiement du vendeur par le prêteur (Civ. 1re, 8 nov.
1989, no 86-16197).
Le contrat sur la preuve ne peut pas établir une présomption irréfra-
gable. Ainsi, le licencié d’un progiciel peut prouver le dysfonctionnement
de celui-ci, et ainsi renverser la présomption de recette tacite (conformité du
progiciel aux besoins de l’entreprise) résultant de l’absence de réserve dans
un délai déterminé (Com. 6 déc. 2017, no 16-19615).
De surcroît, dans les contrats conclus entre des professionnels et
des non-professionnels ou des consommateurs, la clause qui impose au
non-profes­sion­nel ou au consommateur la charge de la preuve, qui devrait
incomber normalement à l’autre partie au contrat est présumée abusive de
manière irréfragable (c. cons. art. R. 132-1, 12°). Par conséquent, c’est à l’assu-
reur de prouver que l’accident de la circulation était en relation avec l’état
alcoolique du conducteur et non à l’assuré de prouver que l’accident est sans
relation avec cet état, toute clause contraire est réputée non écrite (Civ. 1re,
12 mai 2016, no 14-24698). Il en va de même de la clause selon laquelle l’enre-
gistrement informatique de l’envoi fait présumer l’exécution de l’obligation
d’information du professionnel (Civ. 1re, 1er févr. 2005, no 01-16733). La preuve
du sinistre (vol) est libre et ne peut être limitée par la police d’assurance au
regard notamment des conditions de sa réalisation (Civ. 2e, 10 mars 2004,
no 03-10154).
De façon contestable, les juges du fond apprécient souverainement si la
clause de présomption de contribution aux charges du mariage au jour le
jour stipulée dans un contrat de mariage a un caractère irréfragable faisant
obstacle à l’action en contribution d’un époux contre l’autre (Civ. 1re, 18 nov.
2020, no 19-15353).

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Titre 2
L’administration de la preuve

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Chapitre 1
Les principes généraux

Section 1. Le droit à la preuve

§ 1. Le principe
« Chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation
de la vérité. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à cette obligation lorsqu’il en
a été légalement requis, peut être contraint d’y satisfaire, au besoin à peine d’astreinte
ou d’amende civile, sans préjudice de dommages et intérêts » (c. civ. art. 10). S’il
incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits néces-
saires au succès de sa prétention (CPC art. 9), le juge a le pouvoir d’ordonner
à une partie ou à un tiers de produire toute preuve en leur possession utile
à la manifestation de la vérité.

§ 2. Les tempéraments


Le motif légitime visé à l’article 10 fait référence au secret profession-
nel (médecin, avocat, notaire, commissaire aux comptes, établissements
bancaires, etc.) et aux droits de la personnalité. Est également illicite, l’obten-
tion, l’utilisation ou la divulgation d’un secret des affaires (c. com. art. L. 151-1
et s.).
Par conséquent, le juge doit écarter des débats les correspondances d’un
professionnel couvertes par le secret, même si elles sont utiles à la manifes-
tation de la vérité (Civ. 1re, 4 juin 2014, no 12-21244 ; Civ. 1re, 10 sept. 2015,
no 14-22699). Une banque doit refuser de communiquer l’identité et les opéra-
tions réalisées par le titulaire d’un compte, même si elle a la qualité de partie
au litige (Com. 25 févr. 2003, no 00-21184 ; Com. 25 janv. 2005, no 03-14693).
Par exception, le secret professionnel n’est pas opposable dans plusieurs
hypothèses.

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Tout d’abord, le secret professionnel ne peut pas être opposé à son bénéfi-
ciaire, et celui-ci peut autoriser la communication de pièces couvertes par le
secret (par ex., une police d’assurance peut stipuler une clause par laquelle
l’assuré renonce par avance au bénéfice du secret médical : Civ. 2e, 25 juin
2020, n° 19-15642). Néanmoins, en cas de refus, il appartient au juge d’appré-
cier si l’opposition des personnes autorisées à accéder aux documents litigieux
tend à faire respecter un intérêt légitime ou à faire écarter un élément de
preuve et d’en tirer toutes conséquences quant à l’exécution du contrat (Civ. 2e,
5 juill. 2018, no 17-20244).
Ensuite, la loi peut imposer expressément la révélation d’informations
couvertes par le secret (p. ex., C. pén. art. 226-14 ; CPCE art. L. 211-3 ; CMF
art. L. 561-1).
Enfin, le juge peut exiger la production des pièces indispensables nonobs-
tant le secret professionnel. Par exemple, le secret professionnel qui s’impose
au notaire ne saurait, sauf circonstances particulières, dispenser cet officier
public de révéler à l’autorité judiciaire qui l’en requiert l’adresse d’un client
lorsque ce renseignement est indispensable à l’exécution d’une décision de
justice (Civ. 1re, 20 juill. 1994, no 92-21615). Le respect de la vie personnelle
des autres salariés et le secret des affaires ne constituent pas en eux-mêmes
un obstacle lorsque les mesures demandées procèdent d’un motif légitime
et sont nécessaires à la protection des droits du salarié qui les a sollicitées
(Soc. 19 déc. 2012, no 10-20526). Les clients d’une banque peuvent exiger la
communication de la copie de l’endossement de chèques qu’ils ont émis lorsque
celle-ci est indispensable à l’exercice de leur droit à la preuve, pour rechercher
l’éventuelle responsabilité de la banque (Com. 15 mai 2019, no 18-10491).

Section 2. La loyauté de la preuve

La preuve obtenue dans des conditions illicites ou déloyales est irrece-


vable. La déloyauté implique notamment le recours à des procédés occultes ou
à des stratagèmes pour obtenir des preuves. Par exemple, l’employeur ne peut
pas contrôler l’activité de ses salariés au moyen d’un système de vidéo-sur-
veillance sans les avoir préalablement informé de son existence (Soc. 10 janv.
2012, no 10-23482 ; mais lorsque la caméra est installée par un client dans un
local auquel le salarié ne devait pas accéder : Soc. 19 avr. 2005, no 02-46295).
L’enregistrement d’une communication téléphonique réalisé à l’insu de
l’auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable
sa production à titre de preuve (Ass. plén. 7 janv. 2011, no 09-14316). Il en va
autrement si l’auteur a été informé au préalable de l’enregistrement ou ne
pouvait l’ignorer (message laissé sur un répondeur ou envoyé par sms : Soc.

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Partie 3 • La preuve des obligations
23 mai 2007, no 06-43209 ; diffusion d’images sur facebook en violation d’une
obligation de confidentialité à condition que leur obtention ne résulte pas
d’un stratagème : Soc. 30 sept. 2020, no 19-12058).
Par exception, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments
obtenus de façon déloyale à la condition que cette production soit indispen-
sable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but
poursuivi (p. ex., investigations excessives d’un assureur portant atteinte à la
vie privée de l’assuré : Civ. 1re, 25 févr. 2016, no 15-12403). Lorsque cela est stric-
tement nécessaire à l’exercice des droits de sa défense dans le litige l’opposant
à son employeur, un salarié peut produire en justice des documents couverts
par le secret professionnel et obtenus frauduleusement (vol) à l’occasion de
ses fonctions (Soc. 30 juin 2004, no 02-41720 ; Soc. 31 mars 2015, no 13-24410).
De même, une partie peut se prévaloir d’une preuve portant atteinte à la vie
privée et au secret des correspondances à condition que soit caractérisée la
nécessité de la production litigieuse quant aux besoins de la défense et sa
proportionnalité au but recherché (Civ. 1re, 16 oct. 2008, no 07-15778 ; Civ. 1re,
5 avr. 2012, no 11-14177 ; Civ. 1re, 5 juill. 2017, no 16-22183).

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Chapitre 2
La preuve des actes juridiques

Section 1. Le principe de la preuve littérale

L’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant 1 500 euros
doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique (art. 1359, al. 1er).
Le créancier ne peut pas être dispensé de la preuve par écrit en restreignant
sa demande. En deçà de 1 500 euros, la preuve de l’acte juridique est libre.
Par exemple, la preuve de la remise de fonds et de l’absence d’intention
libérale ne suffit pas à prouver l’obligation de restitution qui doit être rapportée
par un écrit, comme la reconnaissance de dette ou le contrat de prêt (Civ. 1re,
19 juin 2008, no 07-13912). En l’absence d’écrit, un entrepreneur ne peut pas
obtenir le paiement d’une facture, même si la matérialité des travaux a été
reconnue par le maître d’ouvrage (Civ. 3e, 21 juill. 1999, no 96-22630). En outre,
il ne suffit pas de prouver l’existence d’un contrat, le créancier doit encore
prouver par écrit le montant de sa créance.

Section 2. Les exceptions à la preuve littérale

§ 1. La preuve de l’acte juridique par un tiers


Les tiers peuvent prouver, par tous modes de preuve, l’existence d’un acte
juridique ou contester la sincérité des énonciations contenues dans les écrits
qu’on leur oppose. Par contre, les parties ne peuvent opposer aux tiers un acte
que si celui-ci est prouvé par écrit.

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Par exemple, le banquier dépositaire, qui se borne à exécuter les ordres
de paiement que lui transmet le mandataire du déposant, peut rapporter la
preuve par tous moyens du contrat de mandat auquel il n’est pas partie (Civ. 1re,
3 juin 2015, no 14-19825). De même, les héritiers réservataires peuvent prouver
par tous moyens la donation déguisée portant atteinte à leurs droits.

§ 2. La preuve d’un acte de commerce contre un commerçant


« À l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous
moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi » (c. com. art. L. 110-3).
La liberté de la preuve est ici soumise à deux conditions : preuve d’un acte de
commerce et contre un commerçant. Dans un acte mixte, le non-commer-
çant peut prouver par tous moyens contre le commerçant. Ainsi, un parti-
culier peut prouver par tous moyens contre son assureur qu’il n’a pas reçu le
paiement de l’indemnité correspondant à la quittance qu’il a signée (Civ. 1re,
21 févr. 1984, no 82-15707). La preuve par tous moyens (écrit, facture, témoi-
gnage, présomptions…) est même admise pour prouver contre et outre le
contenu d’un acte juridique. Enfin, « la comptabilité régulièrement tenue peut
être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce »
(c. com. art. L. 123-23), et ainsi être invoquée par son auteur par dérogation
à la règle selon laquelle nul ne peut se constituer de preuve à soi-même.

§ 3. L’impossibilité matérielle ou morale de se procurer


un écrit
L’exception d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit
permet au créancier de prouver l’obligation résultant d’un acte juridique par
tous moyens (art. 1360). Elle n’est pas subordonnée à l’existence d’un commen-
cement de preuve par écrit (Civ. 1re, 29 janv. 2014, no 12-27186). Les juges du
fond apprécient souverainement si le lien notamment de parenté, d’affec-
tion ou de confiance entre les parties caractérisait une impossibilité d’exi-
ger une preuve littérale.

§ 4. Les usages dérogeant à la preuve littérale


Il suffit qu’un usage dispense les parties de la preuve littérale pour que la
preuve d’un acte juridique puisse être rapportée par tous moyens (art. 1360).
Par exemple, l’usage en matière agricole qui autorise les parties à conclure
verbalement les ventes d’aliments pour le bétail, lesquelles peuvent être
établies par tous moyens (Com. 22 mars 2011, no 09-72426).

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§ 5. La perte de l’écrit par force majeure

Partie 3 • La preuve des obligations


Seule la perte fortuite de l’écrit autorise les parties à prouver l’existence
et le contenu de l’acte par tous moyens (art. 1360). Constitue un cas de force
majeure, la disparition de l’original d’un testament remis par un notaire à
un expert judiciaire à la suite du décès de ce dernier (Civ. 1re, 31 mars 2016,
no 15-12773). Celui qui se prétend légataire ne peut pas rapporter la preuve
d’un testament en produisant une photocopie de celui-ci sauf à démontrer la
perte de l’original par force majeure indépendante de la volonté du testateur
(Civ. 1re, 22 oct. 2008, no 07-18732).

§ 6. Le commencement de preuve par écrit, l’aveu judiciaire


et le serment décisoire
« Il peut être suppléé à l’écrit par l’aveu judiciaire, le serment décisoire ou un
commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve »
(art. 1361).

I. La qualification de commencement de preuve par écrit


« Constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de
celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente, rend vraisemblable ce qui est
allégué » (art. 1362, al. 1er).
Les juges du fond apprécient souverainement si l’écrit incomplet rend
vraisemblable l’acte allégué.
Le commencement de preuve par écrit peut résulter d’un écrit qui ne répond
pas aux conditions de preuve du double original (art. 1375) ou de la mention
écrite (art. 1376), d’une reconnaissance de dette sur laquelle la signature du
débiteur a été raturée par le créancier (Civ. 1re, 16 juin 1993, no 91-20105), de
virements bancaires portant des libellés se référant au contrat litigieux (Civ. 1re,
25 juin 2008, no 07-12545), des déclarations faites par une partie lors de sa
comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence de compa-
rution, ainsi que la mention de l’acte sur un registre public (art. 1361).
En toute hypothèse, le commencement de preuve par écrit doit émaner de
la partie à laquelle il est opposé : Nul ne peut se constituer un titre à soi-même.
Par exemple, en l’absence d’écrit constatant l’abonnement, le relevé informa-
tique de consommation téléphonique, qui ne constitue pas un commence-
ment de preuve par écrit, ne prouve ni l’existence ni le montant de la créance
(Civ. 1re, 12 juill. 2005, no 04-15314).

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II. La preuve complémentaire
Le commencement de preuve par écrit doit être corroboré par une preuve
qui lui est extrinsèque apportée par tous moyens (témoignages, présomp-
tions, aveu extrajudiciaire, actes d’exécution). Les juges du fond apprécient
souverainement ces éléments de preuve complémentaire.

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Chapitre 3
La preuve des faits juridiques

La preuve d’un fait juridique peut être établie par tous moyens (témoi-
gnages, présomptions, aveu extrajudiciaire, etc.). Cela recouvre la preuve du
fait générateur de responsabilité extracontractuelle ou contractuelle (inexé-
cution du contrat), du préjudice, du lien de causalité, du quasi-contrat, de la
propriété, de l’intention libérale dans un acte juridique, de la cause de nullité
(dol) ou du caractère frauduleux d’un acte juridique.
Par exemple, l’envoi et la réception de relevés de compte, dont l’absence
de contestation fait présumer l’accord du client sur les opérations y figurant,
constituent des faits pouvant être prouvés par tout moyen (Com. 13 nov. 2012,
no 11-25596).
« Le paiement se prouve par tout moyen » (art. 1342-8). Le débiteur peut donc
établir le paiement autrement que par une quittance ou un commencement
de preuve par écrit (Civ. 1re, 16 sept. 2010, no 09-13947 ; Civ. 3e, 23 nov. 2017,
no 16-17764). Mais si celui qui a donné quittance peut établir que celle-ci n’a
pas la valeur libératoire qu’implique son libellé, cette preuve contre un écrit
ne peut être rapportée que dans les conditions prévues par les articles 1359 et
suivants (Civ. 1re, 4 nov. 2011, no 10-27035 ; Civ. 1re, 9 mai 2019, no 18-10885). Un
témoignage ou un aveu extrajudiciaire ne peuvent prouver contre la quittance,
sauf s’il existe un commencement de preuve par écrit. Bien entendu, cette
exigence de la preuve littérale contre une quittance ou contre la mention
d’un paiement hors la vue du notaire dans un acte notarié ne s’impose pas
aux tiers qui peuvent prouver par tous moyens l’absence de paiement effec-
tif (Civ. 1re, 11 mars 2009, no 07-20132).

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Titre 3
Les modes de preuve

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Chapitre 1
L’écrit

Section 1. Les règles générales

§ 1. La validité de l’écrit


« L’écrit consiste en une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous
autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quel que soit leur
support » (art. 1365). « L’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur
support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il
émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir
l’intégrité » (art. 1366).
La signature est nécessaire à la perfection de l’acte juridique. Elle manifeste
le consentement de son auteur aux obligations découlant de l’acte. Elle peut
être électronique à condition que soit respecté un procédé fixé par décret qui
en assure la fiabilité.
La double qualité en laquelle intervient le signataire d’un acte juridique,
d’une part à titre personnel et, d’autre part, en qualité de représentant d’une
société, n’impose pas une double signature comme condition de validité de cet
acte, de sorte que le signataire est engagé avec la société en qualité de codébi-
teur solidaire (Com. 9 mai 2018, no 16-28157 ; Com. 8 oct. 2003, no 01-11597).
La nullité consécutive à l’absence de signature électronique, alors que ne
sont contestées ni l’identité de l’auteur du courriel ni l’intégrité de son contenu,
peut être couverte par une exécution volontaire du contrat valant confirma-
tion (Civ. 1re, 7 oct. 2020, no 19-18135 ; comp. la nullité absolue de l’acte notarié
qui n’est pas signé par l’une des parties : Civ. 1re, 12 juill. 2007, no 06-10362).

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§ 2. La valeur probante de l’écrit
L’écrit est une preuve parfaite qui, à condition d’être établie, lie le juge.
Les preuves parfaites (écrit, aveu judiciaire, serment) échappent à l’appré-
ciation souveraine des juges du fond.
La preuve outre ou contre un acte juridique ne peut être rapportée que
par un autre écrit (art. 1359, al. 2). Par exemple, dans les rapports entre les
parties, la preuve de la fausseté de la cause exprimée dans une reconnaissance
de dette doit être administrée par écrit (Civ. 1re, 23 févr. 2012, no 11-11230).
Toutefois, les exceptions à la preuve littérale peuvent être admises pour
prouver contre un écrit.

§ 3. Nul ne peut se constituer de titre à soi-même


L’adage repris à l’article 1363 est applicable à la preuve d’un acte juridique
dans le cadre des exceptions à la preuve littérale. Les juges du fond ne peuvent
se fonder exclusivement sur une lettre et un chèque émanant du débiteur pour
décider que le montant de la créance avait été réduit par un accord (Civ. 1re,
14 mai 2009, no 08-10457). De même, une facture émise sur le débiteur ne
suffit pas à elle seule à prouver la créance (Civ. 1re, 24 sept. 2002, no 00-19144),
même contre un commerçant (Com. 6 déc. 1994, no 93-12309). En revanche, la
facture émise par un commerçant peut bien sûr être invoquée contre lui.
Le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même
n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique, de sorte qu’un juge ne
peut, sans examiner le contenu des pièces produites, exclure la valeur probante
des courriers et attestations émanant des demandeurs (Civ. 2e, 6 mars 2014,
no 13-14295). De même, la preuve des diligences et des frais exposés par une
société de conseil aux fins de déterminer ses honoraires peut résulter du
décompte effectué par cette société (Civ. 3e, 27 avr. 2017, no 16-15958).

Section 2. L’acte authentique

§ 1. La validité de l’acte authentique


« L’acte authentique est celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un
officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter » (art. 1369, al. 1er).
La signature de l’officier public (huissier, notaire, commissaire-priseur,
etc.) confère à l’acte son authenticité. Les notaires disposent d’un monopole
pour authentifier les contrats. Le contrat peut être instrumenté par le notaire.
Mais le dépôt d’un acte sous signature privé au rang des minutes d’un notaire
lui confère aussi l’authenticité s’il a été effectué par tous les signataires.

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Partie 3 • La preuve des obligations
L’acte notarié doit être conforme aux conditions posées par le Décret du
26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires. Par exemple,
l’acte doit être paraphé par le notaire et les parties, mais cette exigence ne
s’applique pas aux annexes.
« L’acte qui n’est pas authentique du fait de l’incompétence ou de l’incapacité de
l’officier, ou par un défaut de forme, vaut comme écrit sous signature privée, s’il a
été signé des parties » (art. 1370). Encore faut-il que l’acte ait été signé par les
parties et ne soit pas nul selon le droit commun. En outre, la sanction de la perte
du caractère authentique et partant, exécutoire, de l’acte notarié s’applique
aux seules formalités requises pour l’authentification. En revanche, l’acte
conserve son authenticité en cas de défaut d’annexion des procurations (Ch.
mixte, 21 déc. 2012, no 11-28688). L’irrégularité des procurations est sanction-
née par une nullité relative à laquelle fait obstacle la ratification même tacite
de l’acte (Civ. 1re, 2 juill. 2014, no 13-19626).

§ 2. La valeur de l’acte authentique


« L’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier public
dit avoir personnellement accompli ou constaté » (art. 1371). A contrario, l’acte
dépourvu d’authenticité ou les mentions de l’acte authentique n’ayant pas
fait l’objet d’une vérification par l’officier ne font foi que jusqu’à preuve du
contraire. Par exemple, la mention selon laquelle une partie a reçu un paiement
« hors la vue du notaire » ou « en dehors de la comptabilité de l’office » ne fait foi
du paiement que jusqu’à preuve du contraire, à la différence de la mention
« paiement à la vue du notaire » qui fait foi jusqu’à inscription de faux.
Par ailleurs, l’acte authentique a date certaine, si bien que celle-ci est
opposable aux tiers.
En sus de sa force probante et de sa date certaine, le contrat notarié a
force exécutoire, ce qui permet au créancier de demander au notaire la
délivrance d’une copie exécutoire aux fins de procéder à l’exécution forcée
de l’obligation.

Section 2. L’acte sous signature privée

§ 1. Les conditions de l’acte sous signature privée


Par principe, l’acte sous signature privée n’est soumis à aucune autre
condition de forme que la signature des parties. Ainsi, l’absence de date n’est
pas une cause de nullité (Com. 15 mars 2019, no 17-28875) Par exception, la
validité de certains actes est subordonnée à des conditions de forme, telle
que la mention manuscrite du cautionnement consenti par une personne

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physique au profit d’un créancier professionnel, ou la remise au salarié d’un
exemplaire de la convention de rupture du contrat de travail. L’acte contre-
signé par avocat est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi
(art. 1374, al. 3).
L’acte sous signature privée est soumis à des conditions de preuve.
S’il constate un contrat synallagmatique, l’acte doit être établi en autant
d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct (art. 1375). Chaque
original mentionne le nombre d’originaux. Cette formalité ne s’impose pas
lorsque les parties ont convenu de remettre à un tiers l’unique exemplaire
dressé, lorsque le contrat a été, même partiellement exécuté, et lorsque le
contrat est établi sous forme électronique. Son défaut n’emporte pas nullité
de l’acte mais prive l’écrit de sa force probante.
L’écrit qui constate l’engagement unilatéral d’une partie de payer une somme
d’argent (reconnaissance de dette, cautionnement non soumis au droit de la
consommation) ou de livrer un bien fongible doit comporter la signature de
celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même,
de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres (art. 1376).
Lorsque la mention écrite n’est pas manuscrite, elle doit être conforme à l’un
des procédés d’identification prévus par les règles qui gouvernent la signa-
ture électronique ou tout autre procédé permettant de s’assurer que le signa-
taire est le scripteur de ladite mention.

§ 2. La force probante de l’acte sous signature privée

I. Le désaveu d’écriture ou de signature


La partie à laquelle l’acte est opposé peut dénier son écriture et/ou sa signa-
ture (art. 1373). Ses héritiers ou ayants cause peuvent pareillement désavouer
l’écriture ou la signature de leur auteur (art. 1374). Le juge doit alors procéder
à une vérification d’écriture et/ou de signature en enjoignant aux parties de
produire tous documents utiles à comparer à l’écrit contesté et, au besoin, en
ordonnant une expertise (Civ. 1re, 31 janv. 2018, no 16-21955).
Si la vérification d’écriture ou de signature ne permet pas de conclure à la
sincérité de l’acte, la partie qui fonde ses prétentions sur cet acte est déboutée
(Civ. 1re, 6 juill. 2005, no 02-13936). Sa force probante établie, l’acte sous signa-
ture privée fait foi jusqu’à preuve du contraire de ses mentions et de sa date
dans les rapports des parties ou de leurs ayants cause.
Par exception, l’acte contresigné par un avocat fait foi de l’écriture et
de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou
ayants cause, ce qui fait obstacle à toute dénégation d’écriture ou de signa-
ture (art. 1374).

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II. La date certaine

Partie 3 • La preuve des obligations


« L’acte sous signature privée n’acquiert date certaine à l’égard des tiers que du
jour où il a été enregistré (auprès de l’administration fiscale), du jour de la mort
d’un signataire, ou du jour où sa substance est constatée dans un acte authentique »
(art. 1377). À défaut, la date de l’acte est inopposable aux tiers.
Ces dispositions ne font pas obstacle à l’opposabilité au bénéficiaire d’une
assurance-vie de sa révocation par le souscripteur (Civ. 2e, 26 mars 2015,
no 14-11206). En outre, l’acte peut être opposable aux tiers en l’absence de date
certaine (v. supra, la cession de créance). La preuve d’un acte de commerce
contre un commerçant échappe aux exigences de l’article 1377 (Civ. 3e, 29 nov.
2005, no 04-11321).
À l’instar des héritiers et légataires universels, les créanciers chirogra-
phaires exerçant leur droit de gage général (saisie-vente) sont considérés
comme des ayants cause et non des tiers, de sorte que la date de l’acte passé
par leur débiteur leur est opposable.

§ 3. Les autres écrits


Les registres et documents que les professionnels ont l’obligation d’éta-
blir ont, contre leur auteur, la même force qu’un acte sous signature privée
(documents comptables, registre de brocante…). En revanche, ils ne peuvent
être invoqués contre celui qui ne les a pas établis (nul ne peut se constituer
un titre à soi-même). Par exception, la comptabilité régulièrement tenue d’un
commerçant peut être invoquée à son profit (c. com. art. L. 123-23). Celui qui
les invoque ne peut en diviser les mentions pour n’en retenir que celles qui
lui sont favorables (art. 1378).
Les écrits domestiques font preuve contre celui qui les a écrits du paiement
qu’il a reçu ou d’une obligation en cas de mention expresse (art. 1378-1).
La quittance remise au débiteur ainsi que la mention d’un paiement portée
par le créancier soit sur un titre original en sa possession soit sur le double
du titre remis au débiteur vaut présomption simple de libération du débiteur
(art. 1378-2).
Il existe une incertitude quant à la valeur probante de ces écrits : la preuve
contraire est-elle admise par tous moyens ou, à l’instar de la quittance, uni­que-
ment par un autre écrit ?

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Section 3. Les copies

« La copie fiable a la même force probante que l’original. La fiabilité est laissée à
l’appréciation du juge. Néanmoins est réputée fiable la copie exécutoire ou authen-
tique d’un écrit authentique » (art. 1379).
La fiabilité résulte du recours à un procédé de reproduction à l’identique
de la forme et du contenu qui en garantit l’intégrité. Sous réserve que ces
conditions soient réunies, une photocopie ou un fichier informatique peuvent
constituer une copie fiable.
La copie exécutoire (revêtue de la formule exécutoire), parfois appelée
« grosse », est soumise à des règles de forme (p. ex., Décret 26 nov. 1971 relatif
aux actes établis par les notaires).

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Chapitre 2
Le témoignage et les présomptions

La preuve testimoniale est établie dans les conditions du code de procédure


civile (art. 1381), i.e. soit par attestation (CPC art. 200 et s.) soit par enquête/
audition du juge (art. 204 et s.). Les juges du fond ont un pouvoir souverain
pour apprécier la pertinence des témoignages.
Les juges peuvent retenir des présomptions lorsqu’elles sont graves, précises
et concordantes (art. 1382). Ils peuvent former leur conviction sur un fait
unique, tel que le refus de se soumettre à un examen biologique dont peut se
déduire la preuve d’une filiation ou d’une relation intime pendant la période
légale de conception (Civ. 1re, 5 févr. 1991, no 89-13584). La réception sans
protestation des relevés d’opération adressés par la banque fait présumer
l’accord du client sur les éléments qui y figurent, tels que la clôture d’un PEL
pour compenser le solde débiteur d’un compte de dépôt (Com. 22 nov. 2005,
no 04-14142 ; Com. 13 nov. 2012, no 11-25596).

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Chapitre 3
L’aveu

Section 1. La notion d’aveu

« L’aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un
fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques » (art. 1383).
L’aveu extrajudiciaire peut résulter d’un écrit ou d’un témoignage. S’il
est purement verbal, il n’est reçu que dans les cas où la loi permet la preuve
par tout moyen (art. 1383-1). Il peut s’agir de propos recueillis au cours d’une
enquête de police ou de la réponse d’un débiteur à un huissier selon laquelle
il paiera l’intégralité de la dette dans un délai déterminé.
« L’aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son représen-
tant spécialement mandaté » (art. 1383-2). L’aveu judiciaire est formulé devant
un juge au cours de l’instance à l’occasion de laquelle il est invoqué (Civ. 3e,
30 mai 2012, no 11-13797). Il est recevable même dans le cas où la preuve doit
être administrée par écrit. La reconnaissance d’un fait dans les conclusions
écrites d’un avocat (et non dans une plaidoirie) constitue un aveu judiciaire
de la partie qu’il représente. Dans une procédure orale, l’aveu peut résulter
des déclarations orales de l’avocat.

Section 2. Les conditions de l’aveu

L’aveu n’est admis que s’il porte sur des points de fait et non sur des points
de droit. Il s’ensuit qu’une personne ne peut pas avouer sa responsabilité ou
sa faute, mais uniquement reconnaître le fait susceptible d’être qualifié de
faute. Une personne peut reconnaître devoir une somme d’argent, mais ne peut
pas reconnaître la solidarité de sa dette (Civ. 1re, 7 juin 1995, no 92-21961).

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L’aveu doit émaner de la partie à laquelle on l’oppose ou de son représen-
tant. L’aveu du représentant d’un mineur ou d’un majeur sous tutelle n’est pas
opposable à ces derniers (Civ. 1re, 2 avr. 2008, no 07-15820).
L’aveu suppose une déclaration, de sorte qu’il ne saurait se déduire de
l’absence de contestation des prétentions ou allégations de la partie adverse
(Civ. 1re, 6 mars 2001, no 98-22384 ; Com. 24 juin 2014, no 13-21074). Il s’ensuit
que ne peuvent constituer un aveu les conclusions par lesquelles, après avoir
invoqué la prescription, une partie conteste, à titre subsidiaire, l’existence
ou le montant d’une créance (Ass. plén. 29 mai 2009, no 07-20913). Le silence
opposé à l’affirmation d’un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce
fait (Civ. 1re, 24 mai 2007, no 06-18218).

Section 3. La valeur de l’aveu

L’aveu judiciaire est irrévocable, sauf en cas d’erreur de fait de son auteur.
Il est indivisible (p. ex., aveu d’une créance payée), sauf preuve de son inexac-
titude (défaut de remboursement d’un prêt reconnu par le débiteur : Civ. 1re,
30 oct. 2006, no 04-17098). L’aveu judiciaire est une preuve parfaite : il fait foi
contre celui qui l’a fait tant à l’égard des parties que du juge. Au contraire,
les juges du fond apprécient souverainement la valeur probatoire de l’aveu
extrajudiciaire.

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Chapitre 4
Le serment

Section 1. Le serment décisoire

Le serment est déféré par une partie à l’autre pour en faire dépendre le
jugement. Il ne peut porter que sur un fait personnel à la partie à laquelle il
est déféré (art. 1385-1). Le serment peut être référé à la partie qui l’a déféré
lorsqu’il porte sur un fait qui lui est aussi personnel.
« Celui à qui le serment est déféré et qui le refuse ou ne veut pas le référer, ou
celui à qui il a été référé et qui le refuse, succombe dans sa prétention » (art. 1385-2).
Le serment décisoire est une preuve parfaite. Le faux serment constitue un
délit (c. pén. art. 434-17).

Section 2. Le serment déféré d’office ou supplétoire

« Le juge peut d’office déférer le serment à l’une des parties. Ce serment ne peut
être référé à l’autre partie. Sa valeur probante est laissée à l’appréciation du juge »
(art. 1386).

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Table des matières

Partie 1. Les sources d’obligations............................................................................... 3


Introduction.................................................................................................................... 3
I.. La notion d’obligation............................................................................ 3
II.. Les sources d’obligations....................................................................... 4
1.. L’acte juridique................................................................................ 4
2.. Le fait juridique............................................................................... 4
3.. La loi................................................................................................ 4
4.. L’obligation naturelle...................................................................... 5

Titre 1. Le contrat.......................................................................................................... 7
Chapitre 1. Les principes généraux du droit des contrats........................... 9
Section 1. La notion de contrat........................................................................... 9
§ 1..L’accord de volontés............................................................................... 9
§ 2..La création, la modification, la transmission
et l’extinction d’obligations................................................................. 10
Section 2. La liberté contractuelle................................................................... 11
§ 1..Le fondement de la liberté contractuelle............................................ 11
§ 2..La valeur juridique de la liberté contractuelle................................... 12
§ 3..Les limites de la liberté contractuelle................................................. 12
Section 3. La classification des contrats.......................................................... 13
§ 1..Le contrat nommé et le contrat innommé........................................... 13
§ 2..Le contrat synallagmatique et le contrat unilatéral........................... 14
§ 3..Le contrat à titre onéreux et le contrat à titre gratuit......................... 14
§ 4..Le contrat commutatif et le contrat aléatoire..................................... 14
§ 5..Les contrats consensuel, solennel ou réel........................................... 15
§ 6..Le contrat de gré à gré et le contrat d’adhésion................................... 16
I.. Les définitions............................................................................... 16
II.. Les intérêts de la distinction......................................................... 16
§ 7..Le contrat cadre et les contrats d’application......................................17
§ 8..Le contrat à exécution instantanée
et le contrat à exécution successive..................................................... 18
Section 4. L’application dans le temps du droit des contrats........................... 18
§ 1..Les principes........................................................................................ 18

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§ 2..Les exceptions..................................................................................... 19
I.. Les exceptions fondées sur la volonté du législateur.................... 19
II.. Les exceptions fondées sur la nature de la loi.............................. 19
A.. La loi interprétative................................................................ 19
B.. La loi d’ordre public impérieux et l’effet légal du contrat...... 19
III..Le revirement de jurisprudence................................................... 21
Chapitre 2. La conclusion du contrat.............................................................. 23
Section 1. Les négociations.............................................................................. 23
§ 1..La liberté des négociations.................................................................. 23
I.. Le principe.................................................................................... 23
II.. La rupture abusive des pourparlers.............................................. 24
A.. La faute dans les négociations................................................ 24
B.. Les préjudices réparables en cas de rupture abusive
des pourparlers....................................................................... 25
III..Les accords de négociation........................................................... 25
§ 2..Le devoir précontractuel d’information............................................. 25
I.. Les conditions de l’obligation d’information................................ 25
II.. Le régime et la sanction de l’obligation d’information................. 26
III..Les obligations d’informations spéciales..................................... 27
§ 3..Le devoir précontractuel de confidentialité....................................... 27
Section 2. L’accord de volonté........................................................................... 28
§ 1..L’offre de contrat.................................................................................. 28
I.. La qualification de l’offre.............................................................. 28
II.. La rétractation de l’offre............................................................... 29
III..La caducité de l’offre..................................................................... 29
§ 2..L’acceptation........................................................................................ 30
I.. La qualification de l’acceptation................................................... 30
II.. Les effets de l’acceptation............................................................. 30
III..Les délais de réflexion et de rétractation..................................... 31
§ 3..La formation du contrat conclu par voie électronique....................... 32
Section 3. Les contrats préparatoires (ou avant-contrats)............................... 32
§ 1..Le pacte de préférence........................................................................ 32
I.. La formation du pacte de préférence............................................ 32
II.. La violation du pacte de préférence.............................................. 33
§ 2..La promesse unilatérale de contrat..................................................... 34
I.. La formation de la promesse unilatérale de contrat.................... 34
II.. L’exécution de la promesse unilatérale de contrat....................... 35
§ 3..La promesse synallagmatique de contrat........................................... 35
Chapitre 3. La validité du contrat.................................................................... 37
Section 1. Les conditions de validité................................................................ 37
§ 1..Le consentement.................................................................................. 37
I..L’erreur.......................................................................................... 37
A.. L’objet de l’erreur..................................................................... 37
B.. Les caractères de l’erreur........................................................ 41

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II.. Le dol............................................................................................. 42
A.. Les conditions du dol.............................................................. 42
B.. Les sanctions du dol................................................................ 44
III..La violence..................................................................................... 45
A.. La violence par menace.......................................................... 45
B.. La violence par abus d’un état de dépendance....................... 45
C.. Les sanctions de la violence.................................................... 46
§ 2..La capacité et la représentation.......................................................... 47
I.. La capacité..................................................................................... 47
A.. Les incapacités de jouissance................................................. 47
B.. Les incapacités d’exercice....................................................... 48
II.. La représentation.......................................................................... 51
A.. La notion de représentation.................................................... 51
B.. L’étendue des pouvoirs du représentant................................. 52
C.. Les sanctions de l’abus de pouvoir......................................... 52
§ 3..Le contenu du contrat.......................................................................... 54
I.. Le respect de l’ordre public........................................................... 54
A.. Les stipulations illicites.......................................................... 54
B.. Le but illicite........................................................................... 56
II.. La détermination de l’objet de l’obligation................................... 57
A.. L’exigence d’une prestation déterminée et possible.............. 57
B.. La détermination du prix........................................................ 57
III..Le contrôle de l’équilibre contractuel........................................... 59
A.. L’exclusion de la lésion............................................................ 59
B.. La sanction d’une contrepartie illusoire ou dérisoire............ 60
C.. La sanction de la privation de la substance
de l’obligation essentielle........................................................ 60
D.. La sanction des clauses abusives............................................ 61
§ 4..La forme du contrat............................................................................. 65
Section 2. Les sanctions des conditions de validité du contrat....................... 65
§ 1..La nullité du contrat............................................................................ 65
I.. L’action en nullité.......................................................................... 66
A.. Le titulaire de l’action en nullité............................................. 66
B.. La prescription de l’action en nullité...................................... 68
C.. La régularisation de l’acte....................................................... 69
II.. Les effets de la nullité................................................................... 69
A.. L’effacement rétroactif du contrat.......................................... 69
B.. L’étendue de la nullité............................................................. 69
§ 2..La caducité........................................................................................... 70
I.. La notion de caducité.................................................................... 70
A.. La caducité par disparition d’un élément essentiel
du contrat................................................................................ 70
B.. La caducité par disparition d’un contrat indivisible.............. 71
II.. Les effets........................................................................................ 72
Chapitre 4. Les effets du contrat...................................................................... 73
Section 1. Les effets du contrat à l’égard des parties....................................... 73

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§ 1..L’interprétation du contrat.................................................................. 73
I.. Le contrôle de dénaturation.......................................................... 73
II.. Les directives d’interprétation...................................................... 73
§ 2..La force obligatoire du contrat.............................................................74
I.. La force obligatoire à l’égard des parties.......................................74
A.. Le principe de l’intangibilité du contrat..................................74
B.. Les tempéraments au principe de l’intangibilité................... 75
II.. La force obligatoire du contrat à l’égard du juge........................... 76
A.. La révision du contrat pour imprévision................................ 76
B.. Le pouvoir de réduction du juge............................................. 77
C.. La création d’obligatoires contractuelles............................... 77
III..La force obligatoire à l’épreuve du devoir de bonne foi................ 78
§ 3..L’effet translatif du contrat.................................................................. 79
I.. Le transfert de propriété............................................................... 79
A.. Le principe du transfert solo consensu.................................... 79
B.. Les exceptions au transfert solo consensu............................... 79
II.. Le transfert des risques................................................................. 79
A.. La théorie des risques............................................................. 79
B.. Les tempéraments à la règle Res perit domino......................... 80
III..Le conflit entre acquéreurs successifs......................................... 80
§ 4..La durée du contrat.............................................................................. 81
I.. La prohibition des engagements perpétuels................................ 81
II.. La faculté de résiliation unilatérale du contrat à durée
indéterminée................................................................................. 81
III..Le contrat à durée déterminée...................................................... 82
A.. L’exécution du contrat jusqu’à son terme............................... 82
B.. Le renouvellement du contrat................................................. 83
Section 2. Les effets du contrat à l’égard des tiers........................................... 85
§ 1..Le principe de l’effet relatif du contrat à l’égard des tiers.................. 85
I.. La notion d’effet relatif.................................................................. 85
II.. L’opposabilité du contrat............................................................... 85
A.. L’opposabilité du contrat aux tiers.......................................... 85
B.. L’opposabilité du contrat par les tiers..................................... 86
C.. La simulation.......................................................................... 86
§ 2..Les tempéraments au principe de l’effet relatif :
les contrats pour autrui....................................................................... 87
I.. La promesse de porte-fort............................................................. 87
A.. La notion de porte-fort............................................................ 87
B.. Le régime du porte-fort........................................................... 88
II.. La stipulation pour autrui............................................................. 88
A.. La notion de stipulation pour autrui...................................... 88
B.. La révocation de la stipulation pour autrui............................ 88
C.. Les droits du bénéficiaire....................................................... 89
§ 3..Les exceptions au principe de l’effet relatif : les actions directes...... 90
I.. Les actions directes en paiement.................................................. 90

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II.. Les actions en matière de chaînes de contrats translatifs
de propriété................................................................................... 91
A.. Le domaine de l’action directe en responsabilité................... 91
B.. Le régime de l’action directe en responsabilité..................... 91
Section 3. L’inexécution du contrat.................................................................. 92
§ 1..L’application des sanctions de l’inexécution....................................... 92
I.. L’invocation des sanctions de l’inexécution.................................. 92
II.. La force majeure............................................................................ 93
A.. Les conditions......................................................................... 93
B.. Les effets................................................................................. 93
§ 2..L’exception d’inexécution ou pour risque d’inexécution.................... 93
§ 3..L’exécution forcée en nature............................................................... 94
I.. L’exécution forcée à la demande du créancier.............................. 94
II.. L’exécution en nature aux frais du débiteur................................. 95
III..L’exécution forcée à la demande du débiteur................................ 95
§ 3..La réduction du prix............................................................................ 95
§ 4..La résolution pour inexécution........................................................... 96
I.. Les conditions de la résolution..................................................... 96
A.. La résolution judiciaire........................................................... 96
B.. La clause résolutoire............................................................... 97
C.. La résolution unilatérale par notification.............................. 98
II.. Les effets de la résolution.............................................................. 99
§ 5..La responsabilité contractuelle........................................................... 99
I.. Le manquement contractuel....................................................... 100
A.. La détermination de l’obligation contractuelle.................... 100
B.. L’intensité de l’obligation contractuelle............................... 100
II.. Le préjudice réparable................................................................ 101
A.. L’exigence d’une mise en demeure....................................... 101
B.. Les conditions de la réparation du préjudice....................... 102
C.. Les intérêts moratoires......................................................... 102
III.. Les clauses portant sur la responsabilité................................... 103
A.. Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité..... 103
B.. La clause pénale.................................................................... 106

Titre 2. La responsabilité extracontractuelle............................................... 107


Introduction........................................................................................................... 107
I.. La notion de responsabilité civile..................................................... 107
II.. Responsabilité civile contractuelle et extracontractuelle................ 107
A.. Le principe d’exclusion des responsabilités contractuelle
et extracontractuelle................................................................... 108
1.. La présentation du principe.................................................. 108
2.. L’application du principe...................................................... 108
B.. L’assimilation de la faute contractuelle à une faute
extracontractuelle....................................................................... 109
III..Responsabilité civile et responsabilité pénale................................. 110
A.. La distinction des responsabilités pénale et civile..................... 110

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B.. Les interactions entre les responsabilités pénale et civile......... 110

Sous-titre 1. Les conditions générales de la responsabilité civile.... 113


Chapitre 1. Le dommage.................................................................................. 115
Section 1. Les conditions du préjudice réparable.......................................... 115
§ 1..Le préjudice direct............................................................................. 115
§ 2..Le préjudice personnel...................................................................... 116
I.. Le préjudice par ricochet............................................................ 116
A.. La notion de préjudice par ricochet...................................... 116
B.. Le régime du préjudice par ricochet.....................................117
II.. L’action des héritiers de la victime.............................................. 118
III..L’atteinte à un intérêt collectif.................................................... 118
§ 3..Le préjudice certain.......................................................................... 118
I.. La certitude du risque................................................................. 119
II.. La perte de chance...................................................................... 119
A.. La nature du dommage réparé au titre de la perte
de chance.............................................................................. 120
B.. Le régime de la perte de chance........................................... 121
III..Le caractère subsidiaire de la responsabilité............................. 122
§ 4..L’atteinte à un intérêt légitime........................................................... 123
I.. L’activité illicite........................................................................... 123
II.. La naissance d’un enfant............................................................. 124
Section 2. La typologie des préjudices réparables......................................... 126
§ 1..Le dommage corporel........................................................................ 126
I.. Les préjudices patrimoniaux...................................................... 127
II.. Les préjudices extrapatrimoniaux.............................................. 127
III..Les préjudices des victimes par ricochet.................................... 128
§ 2..Le dommage matériel........................................................................ 128
§ 3..Le dommage moral............................................................................ 129
§ 4..Le préjudice écologique..................................................................... 130
Section 3. La réparation du préjudice............................................................ 131
§ 1..Le principe de la réparation intégrale.............................................. 131
I.. La valeur juridique du principe de la réparation intégrale........ 131
II.. Les dommages-intérêts punitifs................................................. 132
III..L’obligation de minimiser le dommage....................................... 132
§ 2..L’action en réparation........................................................................ 133
I.. Les parties à l’instance................................................................ 133
II.. La prescription de l’action........................................................... 134
III..L’aggravation du préjudice.......................................................... 134
IV.. L’action de groupe........................................................................ 134
Chapitre 2. Le lien de causalité...................................................................... 137
Section 1. L’établissement du lien de causalité.............................................. 137
§ 1..Les théories de la causalité................................................................ 137
I.. La théorie de l’équivalence des conditions................................. 137
II.. La théorie de la causalité adéquate............................................. 137

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§ 2..La preuve de la causalité................................................................... 138
I.. Les présomptions de causalité.................................................... 138
A.. Les présomptions légales...................................................... 138
B.. Les présomptions judiciaires................................................ 138
II.. L’extension de la causalité........................................................... 139
A.. Le dommage causé par des personnes agissant de concert..... 139
B.. La causalité alternative......................................................... 139
§ 3..La pluralité de causes........................................................................ 140
I..L’obligation in solidum................................................................. 140
II.. La contribution à la dette............................................................ 140
Section 2. La rupture du lien de causalité.......................................................141
§ 1..La force majeure.................................................................................141
§ 2..Le fait d’un tiers................................................................................. 142
§ 3..La faute de la victime......................................................................... 142
I.. L’exonération partielle................................................................ 142
II.. L’exigence d’une faute causale.................................................... 143
III..Le discernement de la victime.................................................... 143
§ 4..Les faits justificatifs.......................................................................... 144
Chapitre 3. Les faits générateurs de responsabilité.................................. 145
Section 1. La faute extracontractuelle........................................................... 145
§ 1..Le principe de la responsabilité pour faute...................................... 145
§ 2..Les éléments constitutifs de la faute civile....................................... 145
I.. L’élément légal de la faute civile.................................................. 145
A.. Le principe............................................................................ 145
B.. Le manquement à une règle déontologique
ou de bonne pratique............................................................ 146
II.. L’élément matériel de la faute civile............................................ 146
III..L’élément moral de la faute civile................................................ 147
§ 3..Les régimes spéciaux de responsabilité pour faute.......................... 147
I.. L’exercice abusif d’un droit......................................................... 147
A.. Les abus de la liberté d’expression....................................... 148
B.. L’abus du droit d’ester en justice........................................... 150
C.. L’abus de la liberté d’entreprendre (concurrence déloyale).... 150
II.. L’exigence d’une faute spéciale................................................... 151
A.. La faute du dirigeant séparable des fonctions..................... 151
B.. La faute caractérisée par la violation des règles du sport.... 152
Section 2. La responsabilité du fait des choses.............................................. 153
§ 1..Les conditions de la responsabilité du fait des choses...................... 153
I.. Une chose.................................................................................... 153
II.. La garde de la chose.................................................................... 154
A.. La notion de garde................................................................. 154
B.. Le transfert de la garde......................................................... 154
C.. La pluralité de gardiens........................................................ 156
III..Le rôle actif de la chose............................................................... 157
§ 2..Le régime de la responsabilité du fait des choses............................. 157

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Section 3. La responsabilité du fait d’autrui.................................................. 159
§ 1..La responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur............ 159
I.. Les conditions de la responsabilité des parents du fait
de leur enfant mineur................................................................. 159
II.. Le régime de la responsabilité des parents du fait
de leur enfant mineur................................................................. 160
A.. Une responsabilité de plein droit......................................... 160
B.. L’immixtion de la faute......................................................... 160
§ 2..La responsabilité du commettant du fait de ses préposés................ 161
I.. Les conditions de la responsabilité du commettant
du fait de ses préposés................................................................. 161
A.. Le lien de préposition........................................................... 161
B.. La faute du préposé............................................................... 161
II.. L’abus de fonctions du préposé................................................... 161
A.. Les critères............................................................................ 161
B.. La mise en œuvre.................................................................. 162
C.. Cas de la responsabilité contractuelle du fait d’autrui......... 162
III..L’immunité du préposé................................................................ 163
§ 3..La responsabilité générale du fait d’autrui....................................... 164
I.. Les conditions de la responsabilité générale du fait d’autrui..... 164
A.. La garde d’autrui................................................................... 164
B.. Le fait générateur de responsabilité..................................... 165
II.. Le régime de la responsabilité générale du fait d’autrui............ 166

Sous-titre 2. Les régimes spéciaux de responsabilité civile............... 167


Chapitre 1. Les accidents de la circulation.................................................. 169
Section 1. Les conditions du droit à indemnisation....................................... 169
§ 1..Un véhicule terrestre à moteur......................................................... 169
§ 2..Un accident de la circulation..............................................................170
§ 3..L’implication du véhicule dans l’accident..........................................171
I.. La preuve de l’implication............................................................171
A.. En cas de contact avec le VTM...............................................171
B.. En l’absence de contact avec le VTM.....................................171
II.. Les accidents successifs et complexes........................................ 172
§ 4..L’imputabilité du dommage à l’accident............................................ 172
Section 2. Le régime du droit à indemnisation.............................................. 173
§ 1..L’identification du responsable......................................................... 173
§ 2..Les exceptions opposables au droit à indemnisation....................... 173
I.. L’inopposabilité de la force majeure et du fait d’un tiers........... 173
II.. La réparation des atteintes à la personne....................................174
A.. La victime conductrice d’un VTM.........................................174
B.. La victime non conductrice d’un VTM..................................176
III..La réparation des atteintes aux biens......................................... 177
§ 3..Les interactions avec les autres régimes de responsabilité.............. 177

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Chapitre 2. Les produits défectueux..............................................................179
Section 1. Les conditions de la responsabilité du fait des produits
défectueux.................................................................................................179
§ 1..Un produit mis en circulation............................................................179
§ 2..Un produit défectueux........................................................................179
Section 2. Le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux..... 180
§ 1..La responsabilité de plein droit du producteur................................ 180
I.. Responsabilité principale et responsabilité subsidiaire............ 180
A.. La notion de producteur....................................................... 180
B.. Le responsable subsidiaire................................................... 181
II.. La nature du dommage réparable............................................... 181
III..Les délais pour agir..................................................................... 181
§ 2..Les causes d’exonération................................................................... 182
I.. Les causes générales d’exonération............................................ 182
II.. Les causes spéciales d’exonération............................................. 182
III.. Les clauses relatives à la responsabilité..................................... 183
§ 3..L’articulation avec le droit commun.................................................. 183
Chapitre 3. La responsabilité médicale....................................................... 185
Section 1. La responsabilité médicale pour faute.......................................... 185
§ 1..L’obligation d’information................................................................. 185
§ 2..L’obligation de soins.......................................................................... 185
Section 2. La responsabilité médicale sans faute.......................................... 186
Section 3. La réparation au titre de la solidarité nationale........................... 186
Chapitre 4. Les troubles anormaux du voisinage....................................... 189
Section 1. Prolégomènes................................................................................ 189
Section 2. Les conditions de la responsabilité pour trouble anormal
de voisinage.............................................................................................. 189
§ 1..Un trouble du voisinage..................................................................... 189
§ 2..Un trouble anormal........................................................................... 190
Section 3. Le régime de la responsabilité pour trouble anormal
du voisinage............................................................................................. 191
§ 1..Une responsabilité objective et autonome........................................ 191
§ 2..Les causes d’exonération................................................................... 191

Titre 3. Les quasi-contrats..................................................................................... 193


Chapitre 1. La gestion d’affaires ou quasi-mandat.................................... 195
Section 1. Les conditions de la gestion d’affaires.......................................... 195
§ 1..Un acte pour autrui sans obligation légale ou contractuelle............ 195
§ 2..Un acte de gestion utile et sans opposition d’autrui.......................... 195
Section 2. Les effets de la gestion d’affaires.................................................. 196
Chapitre 2. Le paiement de l’indu.................................................................. 197
Section 1. Les conditions du paiement de l’indu............................................ 197
§ 1..La condition de l’indu........................................................................ 197
§ 2..L’erreur du solvens.............................................................................. 198

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Section 2. Les effets du paiement de l’indu.................................................... 198
§ 1..L’action en paiement de l’indu........................................................... 198
§ 2..La responsabilité en cas de paiement de l’indu................................ 199
Chapitre 3. L’enrichissement injustifié........................................................ 201
Section 1. Les conditions de l’action de in rem verso....................................... 201
§ 1..Un enrichissement injustifié............................................................. 201
§ 2..Un appauvrissement corrélatif......................................................... 202
§ 3..Le caractère subsidiaire de l’action de in rem verso........................... 202
Section 2. Les effets de l’action de in rem verso............................................... 203

Partie 2. Le régime général de l’obligation........................................................... 205


Titre 1. Les modalités de l’obligation................................................................. 207
Chapitre 1. La condition.................................................................................. 209
Section 1. La notion de condition................................................................... 209
Section 2. La validité de la condition............................................................. 210
Section 3. Les effets de la condition............................................................... 211
§ 1..La faute du bénéficiaire..................................................................... 211
§ 2..La renonciation à la condition........................................................... 211
§ 3..Les obligations des parties................................................................ 211
I.. La condition suspensive.............................................................. 211
II.. La condition résolutoire.............................................................. 212
Chapitre 2. Le terme......................................................................................... 213
Section 1. La détermination du terme........................................................... 213
Section 2. Les effets du terme........................................................................ 213
§ 1..Le bénéfice du terme......................................................................... 213
§ 2..La déchéance du terme...................................................................... 214
I.. Les hypothèses de déchéance du terme...................................... 214
A.. Diminution des sûretés ou défaut de constitution
des sûretés promises............................................................. 214
B.. Clause de déchéance du terme............................................. 214
C.. La liquidation judiciaire....................................................... 215
II.. La portée de la déchéance du terme........................................... 215
Chapitre 3. L’obligation plurale.......................................................................217
Section 1. La pluralité d’objets........................................................................217
Section 2. La pluralité de créanciers ou de débiteurs.....................................217
§ 1..Le principe de divisibilité de l’obligation...........................................217
§ 2..L’obligation solidaire......................................................................... 218
I.. La solidarité active...................................................................... 218
II.. La solidarité passive.................................................................... 218
A.. La caractérisation de la solidarité passive........................... 218
B.. Les effets de la solidarité passive......................................... 219
§ 3..L’obligation indivisible...................................................................... 222

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Titre 2. Les opérations sur obligations............................................................. 225
Chapitre 1. La cession de créance.................................................................. 227
Section 1. La formation de la cession de créance.......................................... 227
Section 2. Les effets de la cession de créance................................................ 228
§ 1..Les effets à l’égard des parties et des tiers........................................ 228
I.. La date du transfert de la créance et d’opposabilité
de la cession................................................................................. 228
II.. Les accessoires de la créance...................................................... 228
III..Les garanties dues par le cédant................................................. 228
§ 2..Les effets à l’égard du débiteur cédé................................................. 229
I.. L’opposabilité de la cession de créance....................................... 229
II.. L’opposabilité des exceptions...................................................... 229
III..Le retrait litigieux....................................................................... 230
Chapitre 2. La cession de dette et la cession de contrat............................ 231
Section 1. La formation de la cession de contrat ou de dette......................... 231
§ 1..Un accord tripartite........................................................................... 231
§ 2..L’exigence d’un écrit.......................................................................... 232
Section 2. Les effets de la cession de contrat ou de dette.............................. 232
§ 1..L’opposabilité de la cession............................................................... 232
§ 2..Les garanties au profit du cédé.......................................................... 232
§ 3..L’opposabilité des exceptions............................................................ 233
Chapitre 3. La novation.................................................................................... 235
Section 1. La notion de novation.................................................................... 235
Section 2. Les conditions de la novation........................................................ 235
§ 1..La preuve de la novation.................................................................... 235
§ 2..La validité des obligations ancienne et nouvelle.............................. 236
§ 3..Le consentement................................................................................ 236
Section 3. Les effets de la novation................................................................ 236
§ 1..L’extinction de l’obligation ancienne................................................ 236
I.. Les accessoires............................................................................ 236
II.. Les coobligés et cautions............................................................. 237
§ 2..La création d’une obligation nouvelle............................................... 237
§ 3..L’opposabilité de la novation aux tiers.............................................. 237
Chapitre 4. La délégation................................................................................. 239
Section 1. La notion de délégation................................................................. 239
Section 2. Les effets de la délégation............................................................. 240
§ 1..L’inopposabilité des exceptions........................................................ 240
§ 2..Le sort de la créance du délégataire sur le délégant......................... 241
§ 3..Le sort de la créance du délégant sur le délégué............................... 241

Titre 3. Les actions ouvertes au créancier...................................................... 243


Chapitre 1. L’exécution forcée........................................................................ 245
Chapitre 2. L’action oblique............................................................................ 247
Section 1. Les conditions de l’action oblique................................................. 247
Section 2. Les effets de l’action oblique......................................................... 248

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Chapitre 3. L’action paulienne........................................................................ 251
Section 1. Les conditions de l’action paulienne............................................. 251
Section 2. Les effets de l’action paulienne..................................................... 252

Titre 4. L’extinction de l’obligation..................................................................... 255


Chapitre 1. Le paiement................................................................................... 257
Section 1. Le régime général du paiement..................................................... 257
§ 1..La notion de paiement....................................................................... 257
§ 2..Les parties au paiement..................................................................... 257
§ 3..Les modalités du paiement................................................................ 258
I.. L’objet du paiement..................................................................... 258
II.. La date et le lieu du paiement...................................................... 258
III..La preuve du paiement................................................................ 259
§ 4..L’imputation du paiement.................................................................. 259
Section 2. Le paiement d’une somme d’argent.............................................. 259
§ 1..Le nominalisme monétaire............................................................... 259
I.. Le principe du nominalisme monétaire..................................... 259
II.. Les exceptions au nominalisme monétaire................................ 260
1..L’indexation........................................................................... 260
2.. La dette de valeur.................................................................. 260
§ 2..Les intérêts........................................................................................ 260
§ 3..Les modalités du paiement................................................................ 261
I.. La devise...................................................................................... 261
II.. Le lieu du paiement..................................................................... 261
III..Les délais de grâce....................................................................... 261
Section 3. La mise en demeure....................................................................... 262
§ 1..La mise en demeure du débiteur....................................................... 262
§ 2..La mise en demeure du créancier..................................................... 262
Section 4. Le paiement avec subrogation....................................................... 263
§ 1..Les conditions de la subrogation personnelle.................................. 263
I.. La subrogation légale.................................................................. 263
A.. Le droit commun................................................................... 263
B.. Le droit des assurances......................................................... 264
II.. La subrogation conventionnelle................................................. 265
A.. La subrogation conventionnelle à l’initiative du créancier..... 265
B.. La subrogation conventionnelle à l’initiative du débiteur..... 265
§ 2..Les effets de la subrogation personnelle.......................................... 266
I.. L’effet translatif de la subrogation.............................................. 266
II.. L’opposabilité de la subrogation................................................. 266
III..L’opposabilité des exceptions...................................................... 266
IV.. Le droit de préférence du créancier subrogeant........................ 267
Chapitre 2. La compensation.......................................................................... 269
§ 1..La compensation légale..................................................................... 269
I.. Les conditions de la compensation légale.................................. 269
A.. La réciprocité des créances.................................................. 269

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B.. L’exigence de créances fongibles, certaines, liquides
et exigibles............................................................................ 269
C.. Les créances non compensables........................................... 270
II.. L’invocation de la compensation légale...................................... 270
III..Les effets de la compensation légale........................................... 271
A.. L’effet extinctif...................................................................... 271
B.. L’imputation en cas de pluralité de dettes compensables.... 271
C.. La protection des tiers.......................................................... 272
§ 2..La compensation judiciaire............................................................... 272
I.. La compensation judiciaire des dettes non connexes................ 272
II.. La compensation judiciaire des dettes connexes....................... 272
A.. Les conditions de la compensation des dettes connexes..... 272
B.. Les effets de la compensation des dettes connexes............. 273
§ 3..La compensation conventionnelle.................................................... 273
Chapitre 3. La confusion.................................................................................. 275
Chapitre 4. L’extinction sans satisfaction du créancier............................ 277
Section 1. La remise de dette.......................................................................... 277
Section 2. L’impossibilité d’exécuter.............................................................. 278
Section 3. La prescription extinctive............................................................. 278
§ 1..La durée du délai de prescription...................................................... 278
I.. Les prescriptions légales............................................................. 278
II.. L’aménagement contractuel du délai de prescription................ 279
§ 2..Le régime de la prescription.............................................................. 279
I.. Le calcul de la prescription......................................................... 279
A.. Le point de départ du délai de prescription......................... 279
B.. La computation du délai....................................................... 279
C.. La suspension et l’interruption de la prescription............... 280
D.. Le délai butoir....................................................................... 281
II.. Les effets de la prescription........................................................ 281

Titre 5. Les restitutions........................................................................................... 283


Chapitre 1. La restitution d’une chose autre qu’une somme d’argent...... 285
Section 1. L’objet de la restitution.................................................................. 285
Section 2. Les accessoires de la restitution.................................................... 286
§ 1..La restitution des fruits et de la valeur de la jouissance................... 286
§ 2..Les impenses..................................................................................... 286
Chapitre 2. La restitution d’une somme d’argent ou d’une prestation..... 287

Partie 3. La preuve des obligations.......................................................................... 289


Titre 1. La charge de la preuve............................................................................. 291
Chapitre 1. Les principes de répartition de la charge de la preuve....... 293
Section 1. La charge de la preuve de l’existence de l’obligation.................... 293
Section 2. La charge de la preuve de la libération du débiteur...................... 294

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Chapitre 2. Les tempéraments à la répartition de la charge
de la preuve.................................................................................................. 297
Section 1. Les présomptions........................................................................... 297
§ 1..La notion de présomption.................................................................. 297
§ 2..Les présomptions légales.................................................................. 297
§ 3..Les présomptions judiciaires............................................................ 297
Section 2. Les contrats sur la preuve.............................................................. 298

Titre 2. L’administration de la preuve............................................................... 299


Chapitre 1. Les principes généraux.............................................................. 301
Section 1. Le droit à la preuve........................................................................ 301
§ 1..Le principe......................................................................................... 301
§ 2..Les tempéraments............................................................................. 301
Section 2. La loyauté de la preuve.................................................................. 302
Chapitre 2. La preuve des actes juridiques.................................................. 305
Section 1. Le principe de la preuve littérale.................................................. 305
Section 2. Les exceptions à la preuve littérale............................................... 305
§ 1..La preuve de l’acte juridique par un tiers.......................................... 305
§ 2..La preuve d’un acte de commerce contre un commerçant............... 306
§ 3..L’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit.......... 306
§ 4..Les usages dérogeant à la preuve littérale........................................ 306
§ 5..La perte de l’écrit par force majeure................................................. 307
§ 6..Le commencement de preuve par écrit, l’aveu judiciaire
et le serment décisoire....................................................................... 307
I.. La qualification de commencement de preuve par écrit............ 307
II.. La preuve complémentaire......................................................... 308
Chapitre 3. La preuve des faits juridiques................................................... 309

Titre 3. Les modes de preuve................................................................................. 311


Chapitre 1. L’écrit.............................................................................................. 313
Section 1. Les règles générales....................................................................... 313
§ 1..La validité de l’écrit............................................................................ 313
§ 2..La valeur probante de l’écrit.............................................................. 314
§ 3..Nul ne peut se constituer de titre à soi-même................................... 314
Section 2. L’acte authentique.......................................................................... 314
§ 1..La validité de l’acte authentique........................................................ 314
§ 2..La valeur de l’acte authentique.......................................................... 315
Section 2. L’acte sous signature privée........................................................... 315
§ 1..Les conditions de l’acte sous signature privée.................................. 315
§ 2..La force probante de l’acte sous signature privée............................. 316
I.. Le désaveu d’écriture ou de signature........................................ 316
II.. La date certaine............................................................................317
§ 3..Les autres écrits..................................................................................317
Section 3. Les copies....................................................................................... 318

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Chapitre 2. Le témoignage et les présomptions......................................... 319
Chapitre 3. L’aveu.............................................................................................. 321
Section 1. La notion d’aveu............................................................................. 321
Section 2. Les conditions de l’aveu................................................................. 321
Section 3. La valeur de l’aveu......................................................................... 322
Chapitre 4. Le serment..................................................................................... 323
Section 1. Le serment décisoire..................................................................... 323
Section 2. Le serment déféré d’office ou supplétoire..................................... 323

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