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L’immunité
d’exécution des
Etats dans l’espace
OHADA
Armand Cedric ABOU’OU
MENGUE
Professeur des Lycées Techniques

Doctorant en Droit

Master 2 en Droit Public International et communautaire

Première version revue


Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

Contents
Sommaire de l’avant projet
I- Contexte................................................................................................................................................ 2
II- Revue de littérature ......................................................................................................................... 6
B- Définition des termes et délimitation du sujet............................................................................. 11
2- Délimitation et intérêt du sujet......................................................................................................... 27
C- Problématique................................................................................................................................ 30
D- Méthodologie.................................................................................................................................. 40
A- Modèles méthodologiques phares ................................................................................................ 40
B- Les méthodes et techniques adoptées........................................................................................... 48

1
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

Introduction

I- Contexte

2
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

De prime à bord il n’existe pas de procès sans but. En effet, toutes les formalités
processuelles auxquelles le justiciable consent à se soumettre à partir de l’acte introductif
d’instance jusqu’à la décision juridictionnelle vise la réparation soit matérielle, soit financière,
soit psychologique d’un préjudice causé. Aussi, la compensation du dommage est au cœur du
droit processuel. Déjà dans l’antiquité, la loi du talion plastronnait. L’adage œil pour œil, dent
pour dent traduisait une idée d’égalité dans la réparation du préjudice. Le dommage réparé devait
être l’équivalent du dommage causé.

Même si aujourd’hui, l’offense reçue appelle une compensation plus forte (la réparation
des dommages et des intérêts), il demeure que la justice recherchée dans les tribunaux repose sur
l’égalité des Hommes. Celle-ci étant généralement représentée par une balance équilibrée.

La destruction de cet équilibre provoque le plus souvent un sentiment d’injustice. En


outre :

« L’inexécution d’une décision de justice génère pour la partie qui l’a emporté, un
sentiment d’injustice d’autant plus exacerbée qu’elle n’aura parfois obtenue cette
1
décision qu’à la suite d’un procès long et onéreux »

Dans cette logique, est perçu comme injuste celui qui crée le déséquilibre, viole les lois
établies et méconnait son égalité avec les autres. Pour l’exprimer, un auteur inscrit dans la
philosophie du droit a écrit :

« Examinons donc combien de sens divers peut prendre le mot injuste. Or, on appelle
ainsi l’homme qui viole les lois, celui qui est ambitieux, et qui méconnait l’égalité entre
2
les citoyens »

Dans cette perspective, le recours à une juridiction judiciaire ou arbitrale apparait souvent
comme la tentative de rétablissement d’un équilibre brisé. Pour cette raison, la décision de justice
est comme une concrétisation de cette tentative. Aussi, le refus d’exécution de l’acte
juridictionnel entretient, transforme et parfois empire le déséquilibre qui a conduit au procès.
Ledit déséquilibre remonte souvent à un malentendu lié au non respect d’une convention
particulière. Cette convention lie parfois un particulier à une personne publique.

1
Hugon (C), « L’exécution des décisions de justice », in Libertés et droits fondamentaux, 7è éd. Dalloz 2001, N°
785, p. 612.
2
ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, trad. Voilquin, Garnier-Flammarion, p.
3
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

Celle-ci, il est vrai n’est pas toujours sur le même pied d’égalité que la personne privée.
Ceci parce qu’elle est une émanation de l’Etat interventionniste et jouit de certains privilèges.
Mais, il existe des circonstances dans lesquelles elle prend des engagements vis-à-vis des
personnes privées et leur donne l’impression qu’elle s’est inclinée à leur niveau et a de ce fait
renoncé à certains de ses privilèges. Pourtant, l’immunité d’exécution reste l’apanage de la
personne publique. Celle-ci ne peut pas subir l’exécution forcée, l’Etat ne peut pas saisir, de
force, à travers l’officier de police judiciaire ses propres biens.

D’après un auteur, cette réalité est depuis longtemps posée par le code civil de 1804 en
ces termes :

« Les biens qui n'appartiennent pas à des particuliers sont administrés et ne peuvent être
3
aliénés que dans les formes et suivant les règles qui leur sont particulières » .

Elle remonte selon le même auteur à la révolution française des années 1789, 1790 et
1791. A cet, il a affirmé :

« Dès la période de la révolution, des textes interdisent expressément de saisir les biens
et les derniers de l’Etat et des communes. Il s’agit de la loi des 22 novembre et 1er
décembre 1790 ; du décret du 22 août 1791 ; titre XII, art 9 ; des instructions
ministérielles du 17 messidor an VIII ; de l’arrêté du 19 ventouses au X (…) En outre,
l’article 13 de la loi des 16-24 août 1790 interdit aux juges de « troubler de quelque
manière que ce soit les dispositions des corps administratifs. Ces différentes dispositions
établissant la séparation des autorités administratives et judiciaires ne se rapporte pas
seulement à l’incompétence des juridictions judiciaires en matière administrative, mais
déterminent des solutions de fond. Elles s’opposent à des voies d’exécution qui, dirigées
contre l’administration ont évidemment pour objet et pour effet de troubler d’une manière
4
ou d’une autre ses opérations »

En plus du déséquilibre causé par l’immunité d’exécution, il convient de remarquer que


cet attribut de la personnalité publique porte atteinte à un droit fondamental : Le droit à la justice
ou à un tribunal impartial.

En effet, le droit à un tribunal impartial met en exergue 4 éléments constitutifs : l’accès au


juge, la participation au procès, l’obtention de la décision de justice et son exécution. Par ailleurs,
s’il est vrai que tout Homme a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial5, il

3
Article 537 (2) du code civil, Voir également NAHM-TCHOUGLI (G), « L’immunité d’exécution ou de saisie des
entreprises publiques dans l’espace OHADA » in REVUE AFRICAINE DE DROIT, D’ÉCONOMIE ET DE
DÉVELOPPEMENT, 2005, Vol 1, N° 6, p.574
4
Idem
5
Déclaration universelle des droits de l’Homme
4
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ne demeure pas moins vrai que la partie gagnante du procès a le droit d’obtenir l’exécution de la
sentence juridictionnelle. Celle-ci fait partie intégrante du procès. En d’autres mots, le procès
demeure inachevé tant que la sentence n’est pas exécutée. Ceci parce que la procédure serait
vaine et totalement théorique si elle se soldait uniquement par la décision du juge privé ou public.
L’inachèvement du procès viole donc le droit à la justice, droit fondamental qui est érigé en
liberté publique par bon nombre de constitutions africaines. Dans le préambule de la loi
fondamentale du Cameroun par exemple il est dit que : La loi assure à tous les Hommes le droit
de se faire rendre justice. Ce droit ne se limite pas à l’accès au juge, il va au-delà et aboutit à
l’exécution de la décision juridictionnelle.

Par ailleurs, l’immunité d’exécution présente plusieurs autres incidents sur l’entreprise et
le secteur privé. En outre :

« Relativement aux voies d’exécution, l’immunité de saisie a des conséquences fâcheuses


pour les créanciers de ces personnes publiques et dramatiques pour le développement du
secteur privé »6.

Aussi, elle peut entraîner la faillite de ces structures, le gonflement de la dette intérieure
et l’asphyxie du secteur privé. A cet effet, le docteur NAHM-TCHOUGLI affirme :

« D’une part, en ce qui concerne les créanciers des entreprises publiques, l’immunité
d’exécution est susceptible d’entrainer la faillite de nombre de sociétés privées en
relation avec les entreprises nationales (…) Mais à court terme, l’immunité d’exécution
entraîne un gonflement de la dette intérieure qui est susceptible d’hypothéquer les
relations des sociétés créancières avec les institutions financières nationales et
internationales. D’autre part, en corrélation avec le premier point, l’immunité
7
d’exécution peut hypothéquer l’éclosion d’un secteur privé dynamique » .

Aussi, même si elle vise la protection de la personne et des biens publics, l’immunité
d’exécution présente quelques dangers pour les entreprises et le secteur privée. Dans un contexte
où la sécurité juridique et judiciaire est une préoccupation importante des entrepreneurs, il est
nécessaire de s’intéresser de prêt à ce concept

6
Ibid. ;p. 576
7
Ibid. p. 577
5
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II- Revue de littérature


Le thème qui fera l’objet de cette étude s’intitule : « Immunité d’exécution des Etats
en Afrique noire francophone au sud du Sahara : Le cas de l’espace OHADA ». Une
attention particulière sera accordée à la spécificité scientifique de l’étude (A), avant d’être
accordée à la définition, à l’intérêt et à la délimitation du sujet (B).

A- Spécificité terminologique et scientifique de l’Etude


1- Spécificité terminologique

Pour traiter le sujet qui fait l’objet de notre étude, on aurait pu choisir d’autres mots.
On aurait par exemple pu parler de « L’immunité d’exécution des personnes morales de Droit
public à l’épreuve de la pratique en droit OHADA »8, comme ARMEL IBONO Ulrich ou de
l’« Immunité d’exécution, obstacle à l’exécution forcée en droit OHADA contre les entreprises et
personnes publiques ? »9 comme EBERANDE KOLONGELE ou même de «L’immunité
d’exécution a la lumière de la jurisprudence de la cour commune de justice et d’arbitrage de
l’OHADA »10 . Aussi, les termes choisis pour l’ameublement du sujet s’inscrivent dans une
logique qu’il convient d’exposer

a) La thèse de l’unité de l’Etat et de ses émanations

Il parait intéressant de s’attarder sur l’« immunité d’exécution des Etats en Afrique
noire francophone au sud du Sahara : Le cas de l’espace OHADA » parce qu’il est important de
montrer le lien profond qui existe entre l’Etat et ses émanations. En fait l’Etat, poussé par des
raisons économiques à s’infiltrer dans le cercle des investisseurs a du à un moment donné se
revêtir de la personnalité morale de Droit privé afin d’accorder sa fréquence à celle du
commerçant et de devenir pour lui un partenaire. Mais, qui a vu l’entreprise publique a vu l’Etat.

L’émanation de l’Etat est une créature étatique. Un camouflage du monstre froid sous
d’autres traits pour l’atteinte de certains objectifs. En fait, la personne publique est une
duplication de l’Etat, un avatar qui agit pour le compte de son créateur et dont la volonté est
contrôlé par le représenté. En effet, si l’immunité d’exécution est étendue aux créatures étatiques
c’est parce qu’elles portent en elles une marque qui secrète dans l’anatomie de ces êtres idéels

8
9
10

6
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

une hormone destinée à créer des pulsions irrépressibles orientées vers la mission du service
public.

b) Plaidoirie pour l’existence d’une métaphysique anatomique des entités juridiques

Il convient à travers la présente étude de faire ressortir une réalité : On peut, pour étudier
les entités métaphysiques recourir à une sorte d’analyse du mythe qui s’apparente à
l’organicisme. Il ne s’agit ni d’un organicisme sociologique, ni d’un organicisme philosophique,
mais, d’un organicisme juridique et plus précisément d’une métaphysique anatomique des entités
juridiques.

L’entreprise publique dotée de la personnalité morale de Droit privé est victime d’une
amputation calculée de la personnalité juridique originelle et d’une substitution de cet organe au
profit d’un autre qui est beaucoup plus artificiel. Cette entreprise constituée de plusieurs corps
métaphysiques garde tout de même une marque que l’on peut certes étouffer mais que l’on ne
pourra jamais lui enlever. Aussi, sous le rayonnement de la marque publique, l’entreprise
présente les couleurs de la personne publique et oblige les fabricants de la norme juridique à lui
appliquer le régime qui lui convient. M. Ernest LÉMONON percevait cet éclat métaphysique
lorsqu’ à travers son rapport11, il a affirmé et interrogé :

« Il est exact que la jurisprudence refuse l’immunité aux services publics


dotés d’une personnalité distincte de celle de l’Etat. Selon moi, c’est une erreur. Ce qui
importe c’est la nature du service en cause, et non le fait qu’il possède une personnalité
propre. Je préférerais donc étendre l’immunité aux services de l’Etat, soit qu’ils
s’exercent par la personne de l’Etat, soit par celle d’une personne morale propre. Le
fait qu’un service possède ou non la personnalité morale est un détail administratif, qui
ne doit pas influer sur le fond des choses. Ainsi dans tel pays les chemins de fer
s’identifient dans la personne de l’Etat, tandis qu’ailleurs ils sont personnalisés. Cela
ne doit pas influer sur la compétence. Est-on ou non en présence d’un service d’Etat ?
12
Telle est la question qui se pose. Je vous demande d’y réfléchir sérieusement » .

En fait, la nature de la créature métaphysique est déterminée par la marque qu’elle reçoit.
Cette marque lui est transmise par le créateur ou le géniteur. Aussi, tandis que l’Etat transmet la

11
LÉMONON (E), « L’immunité de juridiction et d’exécution forcée des Etats étrangers, Rapport et projet de
Résolutions définitifs », in L’annuaire de l’Institut de Droit International, Tome I (44), Editions juridiques et
sociologiques S. A. , Bâle, 1952, pp. 5-134
12
Ibid. p 129
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marque publique à sa créature, le particulier transmet la marque privée à la sienne. Mais là, on
aborde déjà la spécificité scientifique de l’Etude.

2- Spécificité scientifique

Bon nombre d’auteurs se sont intéressés à la question des immunités d’exécution.


Mais, il a été difficile de trouver dans les analyses étudiées des propos et arguments qui
s’orientent vers la métaphysique anatomique des créatures étatiques. Il serait en effet intéressant
d’examiner la question des immunités sous un angle qui est proche de l’organicisme et qui
s’inscrit dans une logique constructiviste.

a) Etude du sujet sous le prisme de l’organicisme métaphysique juridique ou de la


métaphysique anatomique des entités juridiques

Si l’on admet que l’Etat est une construction juridique, on doit également admettre que
ce dernier peut engendrer des êtres qui portent sa marque et qui ont pour vocation de le
représenter dans divers domaines. Cette marque s’inscrit dans les gênes et les organes de ses
émanations, même si parmi elles quelques unes sont frappées de la personnalité juridique de
Droit privé. On doit comprendre que la notion de marque publique ici n’a rien à voir avec la
propriété intellectuelle ou un signe distinctif perceptible par la vue. La marque publique qui
caractérise la personne publique est un organe métaphysique qui se trouve dans l’un des corps de
la créature étatique et qui est transmis par l’Etat au cours de la création de la personne publique.
Toute créature étatique porte la marque publique et celle-ci est logée dans un corps de l’entité.
Aussi, à travers cette étude une distinction sera faite entre le corps-institution et le corps-
personne. L’un chargé de la marque publique et l’autre chargé de la personnalité juridique.

L’entreprise publique par exemple est une créature étatique totalement ou partiellement
possédée par son créateur. Elle apparait même comme la version commerçante du monstre froid
car elle a pour fin, la représentation du Léviathan dans le monde des commerçants. Si elle souffre
d’une amputation de la personnalité juridique originelle, elle manifeste le rayonnement d’une
personne publique.

8
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Seulement cette personne publique représente aux yeux de la doctrine une véritable
curiosité, un concept qui selon la thèse de Michäel POYET sur : le contrôle de l’entreprise
public13, a une définition introuvable14.

Cette créature étatique qui est depuis les ajustements structurels dépourvue de
personnalité juridique de droit public a bénéficié jusqu’en 2020 de l’immunité d’exécution. Cette
réalité a pendant longtemps fait couler de l’encre et de la salive.

Aujourd’hui encore, il est difficile d’admettre qu’une personne publique engendre une
personne privée. En effet, même dans la métaphysique juridique la plus loufoque, il n’est pas
concevable qu’un lion enfante une girafe ou qu’une girafe accouche un lion.

b) Importance de la stratégie d’étude choisie

La métaphysique anatomique des entités juridiques permet dans ce contexte d’avoir une
meilleur vision de cette réalité incongrue et de comprendre qu’en vérité, au cours de sa création,
l’entreprise publique est systématiquement amputée de sa personnalité juridique originelle ou
naturelle, la personnalité juridique de droit public et dotée d’une personnalité juridique
artificielle, pour permettre à l’Etat dupliqué de baisser sa fréquence métaphysique à la hauteur
des personnes privées afin de se mettre au même niveau que le particulier impressionnable et de
s’infiltrer sans créer un effarouchement général, dans le monde des commerçants qui est
indéniablement un monde des personnes privés, un monde des marchands et qui peut se troubler
en présence de la personnalité juridique de Droit public, et plus encore, vivre un véritable
tremblement de terre en cas d’intervention de la personnalité juridique internationale et par là
susciter un indescriptible malaise dans la lex mercatoria toute entière. L’Etat du fait de sa
puissance et se son éclat, ne peut pas se montrer dans le monde des marchands sous sa véritable
forme. Il apparaît d’ailleurs aux yeux des opérateurs, institutions économiques et de certain
auteurs dont Jean Claude TCHANKAM à travers son article intitulé « Gestion dans les secteurs
public et privé : Une analyse critique des similarités et des différences au Cameroun »15 comme

13
POYET (M), Le contrôle de l’entreprise public : Essai sur le cas Français, Thèse pour obtenir le grade de Docteur
de l’Université de Saint Etienne, Université de Jean Monnet Saint Etienne, 2001, 403 p
14
Ibid.
15
TCHANKAM (J-C), « Gestion dans les secteurs public et privé : Une analyse critique des similarités et des
différences au Cameroun », in Revue des sciences de gestion, n° 230, 2008/2, pp.69-78
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« un synonyme de perturbations génératrices de déséquilibres et d’effets pervers »16. Il doit par


conséquent passer par sa créature pour se déployer dans le tiers ordre juridique. Ceci à l’instar
d’un Dieu pluriel qui pour accomplir une tache sur la terre a fait le choix d’envoyer son fils, son
représentant, un être divin sous le déguisement d’un homme capable d’utiliser sa marque divine
pour agir sur la nature, accomplir et vivre des miracles propre à une divinité.

Aussi, si l’entreprise publique bénéficie d’une greffe de la personnalité juridique de


Droit privée, elle n’est pas par la même occasion dépouillée de sa marque publique, celle-ci étant
la marque de son créateur direct ou indirect et porteuse de plusieurs attributs.

Dans cette perspective, sous le prisme de la métaphysique anatomique des entités


juridiques il existe une différence entre la marque publique et la personnalité juridique de Droit
public.

La littérature scientifique défini l’anatomie comme « une science destinée à l’étude des
différentes parties composant des organismes vivants, de types animal ou végétal »17.

On pourrait penser que l’allusion à la métaphysique anatomique des entités juridiques est
une référence à l’organicisme des sociologues. Mais, contrairement à cette technique d’étude, la
métaphysique anatomique des entités juridiques ne se base pas totalement sur des êtres physiques
pour expliquer des êtres métaphysiques. En effet, parler de la biologie c’est faire allusion à des
organismes sensibles. Ce qui n’est pas vraiment le cas de l’Etat et des créatures étatiques.

L’Etat est une construction juridique, ses créatures le sont aussi. Ces entités ne sont pas
seulement des idées mais des êtres qui vivent dans une autre dimension. Ces êtres ont des corps
invisibles à l’œil nu mais perceptibles par l’intelligence. Il convient d’observer ces corps à partir
des indices que peuvent offrir les sources du Droit, de faire une sorte de radiographie, de décrire
les organes qui ont une importance pour la présente analyse, de mettre en exergue leur
fonctionnement, leur rôle et de tirer les conclusions qui s’imposent. Ceci en vue de répondre à
une problématique qui sera posée.

16
Ibid. p. 69
17
https://sante.journaldesfemmes.fr/analyses-examens-operations/2799239-anatomie-definition-schemas-corps-
humain/ consulté le 09 juillet 2022
10
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B- Définition des termes et délimitation du sujet

1- Définition des termes

Au sein et en dehors de l’Etat, les biens des entités publiques sont protégés. Celles-ci en
effet bénéficiant des privilèges de l’Etat interventionniste jouissent d’une prérogative nommée
immunité d’exécution (1). L’Etat en effet, après la deuxième guerre mondiale a débordé le cadre
régalien pour s’immixer dans le cercle jadis fermé des entrepreneurs. Dans cette mouvance
interventionniste, de nouvelles personnes publiques ont été créées (2).

a) Immunité d’exécution

Il convient d’observer ici que la définition de l’immunité d’exécution ne fait pas


l’unanimité. Elle partage deux groupes d’auteurs : Celui qui perçoit ce privilège comme une
protection des personnes et celui qui estime que cet attribut protège surtout les biens. Dans cette
logique, pendant que certains affirment que l’immunité d’exécution a des effets personnels,
d’autres soutiennent la thèse de l’effet réel.

Jean SALMON et son équipe figurent dans le premier groupe. En effet, d’après le
dictionnaire de Droit international 18 :

« L’immunité d’exécution peut être défini comme une exemption qui permet à certaines
entités et personnes (Etat, chefs d’Etat, chefs de gouvernement, agents diplomatiques,
fonctionnaires consulaires et leurs agents, forces militaires étrangères) d’échapper sur
leurs personnes ou sur leurs biens à toute mesure de contrainte ou d’exécution forcée de
la part des autorités de l’Etat de séjour ou d’un Etat tiers »19.

Il est indéniable que cette définition des auteurs met en exergue une seule dimension de
l’immunité d’exécution : La dimension personnelle. Celle-ci protège tout d’abord les personnes
concernées de la contrainte (l’emprisonnement par exemple). Ensuite, elle protège les entités qui
en bénéficient de la saisie des biens ou des mesures conservatoires imposées.

Cette dimension est perçue par bon nombre d’auteurs comme la seule qui caractérise le
privilège sus mentionné. Dans cette logique, le Dr ARMEL IBONO Ulrich, à travers la deuxième
partie de son article intitulé « L’immunité d’exécution des personnes morales de droit public à
18
SALMON (J), Dictionnaire de droit international public, Bruyland AUF, 2001, 1198 p
19

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l’épreuve de la pratique en droit OHADA »20, a démontré que l’immunité d’exécution n’est pas
un obstacle procédural qui produit des effets réels mais plutôt des effets personnels. En effet
selon lui :

« A l’évidence, l’immunité d’exécution est un obstacle à la mise en œuvre, à l’encontre


des seules personnes publiques, de l’une quelconque des mesures exécutoires ou
21
conservatoires prévues à l’AUPSRVE. Elle a ainsi un effet personnel » .

En fait, sous la plume de cet auteur, une différence doit être faite entre l’immunité
d’exécution qui s’applique aux personnes morales de droit public et l’insaisissabilité qui
s’applique aux biens. C’est le deuxième privilège qui a des effets réels. Le premier quant à lui
protège une catégorie de personnes. Les deux ne doivent pas être confondus car, ils ne sont
nullement interchangeables. L’immunité d’exécution n’est pas une sorte d’insaisissabilité et
celle-ci n’est pas une catégorie de celle là. Ceci parce que les éléments protégés ne sont pas les
mêmes. La personne qui est protégée par l’immunité d’exécution ne peut constituer une assiette
saisissable. De même, on ne saisi pas les personnes mais les biens de ces dernières. Dans cette
logique, l’immunité d’exécution ne peut être réelle et l’insaisissabilité des biens ne peut être
personnelle. En outre :

« Il faut simplement dire qu’il ne s’agit pas des biens qui sont concernés par l’immunité
d’exécution, aussi, celle-ci ne peut être vue comme une sorte d’insaisissabilité qui
tiendrait à la personne puisque la personne ne peut en soi constituer une assiette
saisissable, seuls les biens le sont. Par conséquent l’insaisissabilité ne peut être
22
personnelle, elle porte toujours sur un bien mobilier ou immobilier » .

Selon l’auteur, la confusion des deux notions découle d’un fait, l’insaisissabilité est
souvent présentée comme une conséquence de l’immunité d’exécution. Dans cette logique, en
évoquant Gérard COUCHEZ23, Anne Marie H. ASSI-ESSO et NDIAW DIOUF24, il a affirmé :

« Certains auteurs soutiennent que, du fait de l’immunité d’exécution, les biens des
personnes publiques deviennent insaisissables. D’autres, pour conforter cette construction
25
juridique, concluent que c’est « une insaisissabilité qui tient à la personne »

20
ARMEL IBONO (U), « L’immunité d’exécution des personnes morales de droit public à l’épreuve de la pratique
en droit OHADA » in Revue de l’ERSUMA, N° 3, Septembre 2013, pp. 80 - 94
21
Ibid. p. 87
22
Ibid. p. 88
23
COUCHEZ (G), voies d’exécution, Paris 9ème éd, 2007, p 28
24
H. ASSI-ESSO (A-M) et NDIAW DIOUF, Recouvrement des créances OHADA, collection droit uniforme, éd
Bruylant, Bruxelles 2002 p. 41
25
ARMEL IBONO (U), op.cit. p. 87
12
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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Or, la conséquence définie parfois la cause. Aussi, aux yeux du penseur sus mentionné,
c’est à tord qu’une telle perception des concepts est faite. Pour cette raison, il met en garde :

« Pris comme tels, ces raisonnements semblent donner à l’immunité d’exécution un effet
beaucoup plus réel que personnel au motif qu’ils font de l’insaisissabilité des biens des
personnes publiques une conséquence de celle là (…) C’est autant dire que le concept
d’insaisissabilité employé en guise de conséquence au principe de l’immunité
d’exécution, quoiqu’étant malaisé, doit cependant ne pas être entendu dans son sens
strict au risque d’occasionner des confusions conceptuelles, chacune de ces deux notions
(immunité d’exécution et insaisissabilité) admet un contenu juridique précis : c’est donc
26
une conciliation « en trompe-l’œil » .

On doit tout de même observer ici que l’insaisissabilité est un concept totalement détaché
de l’immunité d’exécution. En effet, si le deuxième est l’apanage des entités publiques et
parapubliques, le premier peut protéger les biens des personnes privées en dehors de toute idée
d’immunité. C’est en fait cette réalité que fait découvrir le docteur Sara NANDJIP
MONEYANG à travers la première partie de son article intitulé : « Scolie sur quelques points du
formalisme de l’exécution des décisions de justice non répressives en Droit OHADA »27. Selon
elle :

« Les empêchements pouvant contrecarrer le droit de saisie du créancier tiennent tantôt à


la nature des biens à saisir, c’est le cas des insaisissabilités, tantôt à la personnalité du
28
débiteur, c’est l’hypothèse de l’immunité de saisie » .

C’est donc la nature des biens qui justifie l’insaisissabilité et non la nature des personnes
ou l’immunité d’exécution. Les biens ainsi protégés sont ceux que l’on considère comme vitaux
et nécessaire à la survie de la personne morale ou physique. En fait, si l’on en croit Gérard
CORNU, les biens insaisissables sont déterminés par la loi et divers actes juridiques29. En outre,
l’auteur affirme que l’insaisissabilité est une :

« Protection spéciale découlant de la loi (ou sous les restrictions de la loi d’une
convention, ou d’un testament) qui met en tout ou partie certains biens d’une personne
hors d’atteinte de ses créanciers, en interdisant que ces biens soient l’objet d’une saisie,
30
dans les limites et sous l’exceptions de la loi »

26
Ibid. p. 88
27
NANDJIP MONEYANG (S), « Scolie sur quelques points du formalisme de l’exécution des décisions de justice
non répressives en Droit OHADA » in Revue de l’ERSUMA, N° 6, Nouvelle édition Janvier 2016, pp. 417- 431
28
Ibid. p. 419
29
CORNU (G), Vocabulaire juridique, 9ème éd., 2011, PUF, 1095 p
30
Ibid. p. 549
13
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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Si l’insaisissabilité découle de la nature des biens, l’immunité d’exécution découle de la


qualité des personnes protégées. C’est du moins ce que soutient le Dr KOLONGELE
EBERANDE à travers les premières pages d’un article31. A cet effet, l’universitaire précise :

« Les immunités d’exécution peuvent être définies comme un privilège personnel que la
loi accorde à certains débiteurs pour les soustraire à toute mesure d’exécution. Elles font
échapper le débiteur bénéficiaire, en raison de sa qualité, à toute mesure d’exécution
forcée ou conservatoire sur ses biens, faisant par la même occasion soustraire lesdits
32
biens au gage général des créanciers et les rendant ainsi insaisissables(…) »

Cette qualité selon l’auteur est liée aux missions d’intérêt général assumées par les entités
protégées. Ce sont d’ailleurs ces missions qui justifient la prérogative concernée. Cependant, à
propos de l’insaisissabilité des biens des personnes et entreprises publiques, l’auteur précise que
tous les meubles et immeubles leurs appartenant sont protégés. Dans cette logique, dans l’espace
OHADA, si la loi étatique énumère les biens insaisissables, elle le fait pour ceux qui
appartiennent aux personnes privées. L’insaisissabilité a des limites que l’immunité d’exécution
n’a pas. Celle-ci comme l’harmattan qui transporte la chaleur et la mousson qui transporte la
fraicheur, emporte avec elle une insaisissabilité vorace et épaisse et protège à travers elle tous les
biens de son bénéficiaire. Pour cette raison, le législateur n’a pas vraiment besoin de les
énumérer. A cet effet l’auteur écrit :

« (…) tout débiteur qui en est bénéficiaire, jouit de l’insaisissabilité sur l’ensemble de ses
biens, ce qui la différencie de l’insaisissabilité qui ne frappe que certains biens qui doivent
33
être définis, suivant l’article 51 AUPSRVE, par chacun des Etats parties » .

C’est pour cette raison que cette dernière prérogative doit être consacrée par les actes
juridiques adéquats et avoir des effets exceptionnels. En outre :

« Comme on le voit, les immunités d’exécution « paralysent matériellement le droit à


l’exécution forcée », « interdisent au créancier de faire usage de son droit à l’encontre de
celui qui en est le bénéficiaire ». Au final, elles s’érigent en un obstacle insurmontable
qui peut mettre en péril la sécurité juridique. En d’autres termes, les voies d’exécution
(mesures conservatoires comprises) butent sur l’impossibilité strictement personnelle
constituée d’immunité d’exécution. C’est la raison pour laquelle les immunités
d’exécution sont nécessairement légales et exceptionnelles »34.

Cette vision de l’immunité d’exécution suggère une nouvelle conception : Celle de l’effet
dual. En effet, on peut penser que l’immunité d’exécution a une action principale, (l’effet

31
KOLONGELE EBERANDE (D-C), « Immunité d’exécution, obstacle à l’exécution forcée en droit OHADA
contre les entreprises et personnes publiques ? » article indépendant, 31 p
32
Ibid. p. 3
33
Ibid. pp. 3- 4
34
Ibid. p. 3
14
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

personnel) et une action secondaire (l’effet réel). L’un agissant sur la personne et l’autre agissant
sur les biens. Il est incontestable que l’immunité d’exécution et l’insaisissabilité vont ensemble,
un peu comme le vent et sa température. Même s’il est possible de distinguer les deux et de les
analyser séparément, il ne demeure pas moins vrai que ces phénomènes juridiques sont imbriqués
l’un dans l’autre. Tout comme l’Harmattan qui est un vent chaud, l’immunité d’exécution est un
phénomène de la métaphysique juridique qui transporte et comporte en son sein l’insaisissabilité.
Les deux forment un diptyque inséparable. Dans cette perspective, s’il a été dit que
l’insaisissabilité tient à la personne 35 c’est parce qu’elle est engendrée, développée et transportée
dans un privilège personnel.

Il convient d’observer que l’immunité d’exécution est une institution particulière. Même
si le mot institution n’est pas aisé à définir, on peut évoquer pour l’appréhender le « Cours
général de Droit international public »36 qui a été dispensé au sein de l’Académie de Droit
International par le Professeur Michel VIRALLY. Dans ce cours il a affirmé en parlant de la
personnalité juridique que :

« La personnalité juridique (…) est une institution juridique conférant à un acteur social
la qualité d’acteur juridique, sujet de droits et d’obligations. Elle permet aussi au Droit
d’appréhender certaines réalités sociales et de contribuer à les constituer en imputant les
décisions et les actes d’individus déterminé (qualifiés d’organes), ou d’organes, à une
37
entité abstraite érigée en acteurs autonome grâce à ce procédé technique » .

Aussi, l’institution apparait parfois comme une marque qui se trouve, se pose ou se
développe soit sur une personne soit sur une chose. La personnalité sus évoquée par exemple se
présente à travers les propos du professeur comme une trace, une marque qui caractérise un être
juridique et lui donne des capacités particulières. Aussi, l’institution peut être la cause d’un
phénomène juridique, d’une action ou d’une réaction. La personnalité juridique dans cette
logique confère à une entité abstraite ou réelle la qualité de sujet de droit et la faculté de
participer au commerce juridique.

En ce qui concerne l’immunité d’exécution, elle apparait également comme une marque
agissante. Elle se trouve sur des êtres particuliers de la société internationale et affecte tous
(immunité d’exécution absolue) ou une partie des biens qui leurs appartiennent (immunité

35
VINCENT, voies d’exécution, 14ème éd, n°21 bis.
36
VIRALY (M), « Cours général de Droit international public » in R.C.A.D.I, 1983 V, t. 183, pp.
37
Ibid. p. 17
15
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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d’exécution restreinte). Les êtres qui portent la marque de l’immunité d’exécution transmettent
donc à tous les biens ou à une partie des biens qu’ils possèdent l’insaisissabilité.

L’occasion est donnée à la présente étude de plaider pour l’existence des institutions
phénomènes. En effet, si une distinction existe déjà entre les institutions règles et les institutions
personnes, la présente étude souhaite attirer l’attention des juristes et philosophes du droit sur un
fait : Il existe des phénomènes juridiques et ceux-ci sont des institutions.

Selon Kant, le phénomènes est ce qui est perçu par les sens, ce qui apparait et se
manifeste à la conscience38. Le phénomène juridique contrairement au phénomène réel est
intelligible, se manifeste dans un monde intelligible et s’applique parfois à des êtres et des choses
intelligibles. Ceci avant de se manifester dans le réel. Aussi, si l’on peut sentir le passage du vent
et voir ses manifestations, on ne peut pas sentir l’immunité d’exécution. Cependant son existence
et ses effets peuvent être perçus. Dans la même logique, si on ne peut pas déjeuner avec un être
de la métaphysique juridique, l’Etat par exemple, on peut tout au moins en entendre parler et
percevoir ses manifestations39.

L’immunité d’exécution on doit le remarquer est liée à une autre marque, la marque
publique. Celle-ci se trouve sur toutes les personnes morales et toutes les institutions personnes
de droit public. On les retrouve sur les Etats et leurs émanations.

b) ETAT ET EMANATIONS ETATIQUES


L’Etat et ses émanations sont des êtres métaphysiques. Ils se déploient dans un univers
idéel, intelligible et presque surnaturel. Ils sont distincts mais forment en Droit International un
tout. C’est du moins ce que pense une partie de la doctrine en prétextant le principe de l’unité de
cet être particulier et même du consentement dissocié. Les émanations étatiques sont en faits des
duplications de l’Etat.

Même si elle est contestée par bon nombre d’auteurs, la métaphysique juridique est au cœur
de la théorie du droit. Elle a une place considérable et permet de comprendre certaines réalités.
En fait aujourd’hui, proche et en même temps loin de la métaphysique des mœurs de Kant (car
elle a évolué avec le temps) elle apparait comme un monde idéel, presque surnaturel qui abrite
des personnes et des phénomènes particuliers. On peut penser qu’il s’agit d’un univers façonné
38
Larousse 1997, p. 774
39
Le Léviathan n’est pas seulement un phénomène juridique mais également une institution personne
16
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

par l’intelligence des Hommes, un ensemble de constructions intellectuelles, un raisonnement


allégorique ou métaphorique imbibé d’analogie (et là on se situe dans une vision
considérablement positiviste du droit). On peut également penser qu’il s’agit d’un monde pré
existant, découvert, observé et étudié par les Hommes à travers la raison (ici on se retrouve dans
la logique du droit naturel ou jus naturalisme). C’est qui est sur c’est que la théorie de la
métaphysique juridique n’est pas tirée par les cheveux, elle a importance capitale dans les
discours doctrinaux modernes et l’Etat y occupe une place considérable. Il convient dans cette
partie du travail en vue de ne pas effaroucher le lecteur, de faire ici une brève digression et de
montrer que l’allusion à la métaphysique juridique ne relève pas d’un trébuchement de la pensée
mais bel et bien d’une réalité scientifique, historique et contemporaine. On en parlera ici avant
d’en reparler dans la rubrique consacrée à la méthodologie.

Déjà au cours du siècle des lumières, KANT concevait la métaphysique comme une étude
formelle, purement rationnelle de la nature et des mœurs. Aussi, selon le penseur, la
métaphysique est au cœur de la logique et se divise en deux parties différentes. En effet, dans ses
fondements de la métaphysique des mœurs, l’auteur a affirmé :

« De la sorte naît l’idée d’une double métaphysique, une Métaphysique de la nature et


une Métaphysique des mœurs. La Physique aura ainsi, outre sa partie empirique, une
partie rationnelle ; de même l’Éthique ; cependant ici la partie empirique pourrait
recevoir particulièrement le nom d’Anthropologie pratique, la partie rationnelle
40
proprement celui de Morale » .

La logique quant à elle était présentée par le philosophe comme un exercice intellectuel
qui est détaché de l’expérience sensible, qui ne s’occupe que de la forme de l’entendement, de la
raison et des règles universelles de la pensée en général sans acception d’objets. En outre :

« La Logique ne peut avoir de partie empirique, c’est-à-dire de partie où les lois


universelles et nécessaires de la pensée s’appuieraient sur des principes qui seraient tirés
de l’expérience : car autrement dit elle ne serait pas une logique, c’est-à-dire un canon
41
pour l’entendement et la raison qui vaut pour toute pensée et qui doit être démontré » .

Dans cette perspective, on doit observer que la métaphysique juridique dont il est question ici
ne relève pas uniquement du jus naturalisme. S’il est vrai qu’Emmanuel Kant est cité par certains
auteurs parmi les adeptes du droit naturel. Il est ne demeure pas moins vrai que d’autres auteurs

40
KANT (E), Fondements de la Métaphysique des mœurs, Traduction de V. DELBOS (1862-1916), éd. Les Échos
du Maquis, V, 1785, Préface, p.5
41
Idem
17
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

affirment qu’il appartient à une autre école. En d’autres mots, si Christian ATIAS par exemple
affirme :

« L’expression consacrée « École moderne du Droit naturel » n’est pas parfaitement


précise ; largement entendue, elle peut regrouper un certain nombre d’auteurs qui vont
de Grotius et Pufendorf à Kant en passant par Locke, Hobbes, Leibniz ou Barbeyrac (…)
Les auteurs qui relèvent de l’École moderne traitent du Droit Naturel (…) Ce
« jusnaturalisme a profondément ancré l’idée que, non seulement les Hommes, mais
l’ensemble des choses de l’univers sont soumis à un Droit naturel, à des lois de la nature
42
émises par un législateur suprême »

Michel VIRALLY à travers la préface d’un livre intitulé Métaphysique des mœurs précise :

« Kant enseignait à Königsberg le Droit Naturel. Il continu et il couronne cette tradition


académique particulièrement allemande dite de l’école du droit naturel moderne ; à
d’autres égards il dépasse et rompt avec elle, pour conduire à cette autre école
triomphante au XIXe siècle et dont les traces aujourd’hui sont encore sensibles, qui
43
s’intitulera pandectiste »

La métaphysique juridique de Kant est donc imbibée de celle des jus naturalistes. Ceux-ci
depuis l’antiquité intégraient dans leur manière de décrire le droit, la technique du mythique.
Aristote par exemple, même s’il s’inscrit dans un mouvement de rupture avec les présocratiques,
avec un ordre de pensée « pré-rationnelle », la pensée mythique, il rationnalise cette pensée en
conservant dans son discours le mythe. Celui-ci apparaissant comme une explication
métaphorique ou allégorique de la réalité juridique. Il a ainsi participé avec Socrate et Platon au
remplacement de la parole incantatoire d’alors, ancrée dans le mystère de la fatalité divine par
une parole qui se veut encore aujourd’hui rationnelle. En développant une science de l’être en
tant qu’être, l’auteur a développé une discipline qu’un commentateur de ses écrits, Nicolas de
Damas appellera plus tard, la métaphysique. La métaphysique est donc une science qui s’est
introduite dans le droit et qui s’est dilué en lui pour devenir de manière progressive une technique
et même une méthode juridique : la métaphysique juridique. Celle-ci a toujours entretenu le
mythe. Or selon certains auteurs le mythe et une méthode rationnelle de description et
d’explication de la réalité. On peut dans cette perspective évoquer J. Ellul qui a affirmé à travers
son article intitulé « Recherche sur la conception de la souveraineté dans la Rome primitive »44 :

42
ATIAS (ch) « Philosophie du Droit » in Droit Privé, THÉMIS, PUF, p. 75
43
KANT (E), Métaphysique des mœurs, Première partie, Doctrine du Droit, Librairie Philosophique J. VRIN, Paris,
1993, pp. 8-9
44
ELLUL (J.), « Recherche sur la conception de la souveraineté dans la Rome primitive », in Le pouvoir, Mélanges
offerts à G. Burdeau, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1977,
18
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

« Le mythe n’est ni une légende ni une fioriture imaginative, mais bien un moyen
intellectuel rigoureux pour exprimer de façon discursive une réalité que l’on ne saisit pas
45
directement »

L’Etat est une notion mythique. Il apparait comme la seule créature de la métaphysique
juridique qui est dotée de la souveraineté. Dans cette logique, pour définir l’Etat certains auteurs
affichent en premier lieu la dimension métaphysique de ce concept avant d’aborder sa dimension
physique ou sociologique. A cet effet Gérard CORNU, à travers son vocabulaire juridique défini
la notion ainsi qu’il suit :

« Entité juridique formée de la réunion de trois éléments constitutifs (population,


territoire, autorité politique) et à laquelle est reconnue la qualité de sujet de Droit
International. Groupement d’individus fixé sur un territoire déterminé et soumis à
l’autorité d’un même gouvernement qui exerce ses compétences en toute indépendance en
46
étant soumis directement au Droit international »

D’autres auteurs préfèrent présenter l’Etat dans ses dimensions sociologique, politique et
juridique. L’équipe de Jean SALMON par exemple, présente ce concept comme un :

« Terme désignant, du point de vue du Droit international, un groupement humain établi


de manière permanente sur un territoire, ayant une organisation politique propre, dont
l’existence politique dépend juridiquement de lui-même et relevant directement du Droit
47
international » .

Ils définissent ainsi l’Etat au regard de sa cause efficiente. Pourtant, si le monstre froid,
est l’émanation d’une communauté, il est également une entité juridique. Bon nombre d’auteurs
ne manquent pas l’occasion de le rappeler. Le doctorant Abdou KHADRE DIOP par exemple, à
travers sa thèse48 observe :

« (…) la naissance de l’État n’est donc pas seulement une « question de fait », mais aussi
une « question de droit ». Dans des articles encore plus récents, M. KAMTO et H. FOX
soutiennent de façon plus catégorique que l’État n’est rien d’autre qu’un être juridique
49
construit » .

En fait, tous les penseurs du Droit ne partagent pas l’idée d’une existence de la
métaphysique juridique. Le Professeur Léon DUGUIT par exemple à travers un ouvrage intitulé

45
Ibid. p. 266
46
CORNU (G), Vocabulaire juridique, op.cit., p. 418
47
SALMON (J), Dictionnaire de Droit international, op.cit. p. 454
48
KHADRE DIOP (A), La notion d’État en Droit International et en Droit européen : De l’impossible approche
conceptuelle à la nécessaire approche fonctionnelle, Thèse de doctorat en cotutelle, Université Laval Québec,
Université de Bordeaux Bordeaux, 2017, 696 p.
49
Ibid. p. 9
19
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

Traité de Droit constitutionnel50 estime que la métaphysique « ne peut être admise en science
positive »51. Pourtant, celle-ci a une place dans le langage et la terminologie du Droit qu’on ne
peut plus contester. L’Etat, une créature métaphysique est également une abstraction, une
construction. Cette créature a des manifestations visibles et une existence dans l’invisible ou plus
précisément dans l’intelligible. Les manifestations visibles de l’Etat sont en fait ses éléments
constitutifs sociologiques (un ensemble de personnes), géographiques (un territoire) et politiques
(des autorités établies). Les manifestations invisibles quant à elles sont la personnalité juridique
(nationale et internationale) et la souveraineté (externe et interne).

Une autre notion qui conforte l’idée de la métaphysique juridique est celle de
l’institution52. Dans un ouvrage intitulé Droit international Public53, les Professeurs Jean
COMBACAU et Serge SUR ont défini l’institution en insistant sur sa dimension métaphysique.
Ils ont en effet affirmés que l’institution est :

« Un être crée par le Droit, généralement mais pas nécessairement à partir d’une réalité
de fait, par exemple la personne morale, la société commerciale, l’établissement public,
l’Etat, le fonctionnaire etc. ; autrement dit un concept juridique, positivement établi et
assorti d’un régime légal, mais envisagé à ce stade indépendamment de sa réalisation
54
effective dans le réel »

Certaines créatures métaphysiques peuvent créer d’autres créatures métaphysiques. C’est


le cas des Etats. Ils ont la faculté d’engendrer leurs émanations. Dans cette logique, les
émanations de l’Etat sont non seulement des personnes publiques mais également les institutions
organes. On doit donc souligner ici qu’il existe des institutions personnes (l’Etat par exemple),
des institutions organes (le parlement par exemple) et des institutions qui sont à la fois des
personnes et des organes.

L’expression « personne publique » désigne selon Gérard CORNU les institutions


publiques dotées de la personnalité juridique55. Dans cette perspective, le parlement par exemple
n’est pas une personne publique mais juste un organe de l’Etat car c’est une institution dépourvue
50
DUGUIT (L), Traité de Droit constitutionnel, 3e éd., T.1 Edition de Boccard, Paris, 1927
51
Ibid., p. 620
52
On parlera ici des institutions personnes. En effet les sciences juridiques opèrent une distinction entre les
institutions règles et les institutions personnes. Les institutions règles sont des forces qui se déploient dans la
métaphysique juridique et affectent les comportements visibles. Elles ont pour vocation d’influencer, de canaliser et
de justifier certaines actions ou réactions.
53
COMBACAU (J) et SUR (S), Droit international public, 4e éd., Paris, Montchrestien, 2008,
54
Ibid. p. 19
55
CORNU (G), op.cit. p. 753
20
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

de personnalité juridique. Il s’agit d’une institution organe. Les parlementaires cependant en sont
pourvus et sont de ce fait des personnes publiques. Elles le sont, non pas seulement par le fait de
la personnalité juridique mais aussi par le fait de l’institution qu’elles incarnent. Dans cette
perspective, le corps-institution auquel on a fait allusion dans les pages précédentes à travers la
marque qu’elle porte publicise le corps-personne sans affecter la personnalité juridique. En
d’autres mots, la personne physique conservera sa personnalité juridique de Droit privé mais
celle-ci sera contenue par un corps-personne publicisé. Cela provoquera une illusion d’optique
métaphysique car, on aura l’impression que la personnalité juridique portée par la personne
physique est publique alors qu’en réalité il n’en est rien. Cette personnalité à la vérité est juste
recouverte d’une couche qui juste la coloration de la marque publique.

En réalité, on doit distinguer les institutions publiques dotées de la personnalité physique


(personnes publiques physiques) des institutions publiques dotées de la personnalité morale
(personnes publiques morales). Les premières sont sous cet angle d’analyse des « personnes
publiques artificielles » ou alors, des « fausses personnes publiques ».

Ces personnes ont reçu sur le plan métaphysique la marque publique de l’Etat, la marque
étatique. Ladite marque possède de nombreuses propriétés et dans cette logique donne une
coloration publique au corps-personne privé et, sous l’effet de son rayonnement fait apparaitre la
personnalité juridique de Droit privé à travers la couleur de la personnalité publique. Elle
duplique, couvre, cache, provoque une mutation et publicise en quelque sorte la personnalité
juridique de la personne institutionnalisée. C’est pour cette raison que le Président de la
République par exemple n’est pas comme le citoyen ordinaire. Cette institution bénéficie des
privilèges générés par la marque reçue. Parmi ces privilèges figurent les immunités de juridiction
et d’exécution. On peut en dire de même des diplomates lorsqu’ils se trouvent à l’étranger et des
ministres.

Les secondes quant à elles, les personnes morales de Droit public sont des créatures
métaphysiques qui ont reçu la marque publique de l’Etat. On distingue dans cette perspective
plusieurs sortes de personnes morales de Droit public. Parmi elles figurent les établissements
publics, les collectivités territoriales de droit public et les entreprises de la même nature.

21
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

L’expression personne publique peut dans cette logique avoir un sens large et désigner
non seulement les institutions publiques à personnalité physique mais aussi les institutions
publiques à personnalité morales.

Cependant, d’après certains auteurs, la distinction des personnes qui ont reçu la marque
publique varie en fonction des Etats. Dr KOLONGELE EBERANDE par exemple, affirme que
l’expression « personne publique » a un sens strict au Congo. Il désigne une catégorie d’entités
que l’on doit distinguer des entreprises publiques. En outre :

« Les personnes publiques et les entreprises publiques sont des entités qu’on ne présente
plus en droit congolais, tant est immense leur activité. Les secondes constituent le mode
d’interventionnisme de l’Etat et des collectivités publiques dans le secteur économique,
industriel et commercia1, alors que les premières désignent plus spécialement les
institutions publiques dotées de la personnalité juridique assumant une mission de service
56
public ou d’intérêt général » .

Le dictionnaire de Droit international semble soutenir ce point de vue car il


n’évoque pas les entreprises publiques. Aussi, il expose à travers l’une de ses pages les
propos suivants :

« Parmi les différentes personnes morales, l’on peut distinguer celles qui sont de nature
publique, telles que l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics ; et
57
celle de nature privée comme les associations ou les sociétés commerciales ou civiles »

Selon lui, c’est une frange de la doctrine qui suggère cette manière d’appréhender les
notions. En effet il affirme:

« Pour déterminer les personnes publiques, suggère la doctrine, il faut se référer au droit
interne de chaque Etat. Pour ce qui est de la RDC, les personnes publiques sont l’Etat,
les collectivités territoriales ainsi que les établissements publics, ceux-ci se présentant
comme mode d’organisation de l’action publique. Quant aux entreprises publiques, elles
ont connu, en RDC, le phénomène de sociétatisation depuis la réforme de juillet
58
2008 » .

Aux antipodes de cette conception, Guy NAHM- TCHOUGLI affirme : « (…) après la
seconde guerre mondiale, de nouvelles personnes publiques ont été créées dans le cadre de

56
KOLONGELE EBERANDE (D-C), Immunité d’exécution, obstacle à l’exécution forcée en droit OHADA contre
les entreprises et personnes publiques ? version pdf téléchargée à www.OHADA.com, consulté le 9 mai 2020
57
58
KOLONGELE EBERANDE (D-C), Immunité d’exécution, obstacle à l’exécution forcée en droit OHADA contre
les entreprises et personnes publiques ? Op.cit. p1
22
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

l’interventionnisme de l’Etat »59, suggérant ainsi que les entreprises publiques constituent une
race particulière des personnes publiques.

On doit tout de même rappeler qu’à un moment donné de l’histoire du Droit, on effectuait
dans les pays francophones de l’espace OHADA une distinction entre les Etablissements Public
Administratifs (EPA) et les Etablissements Public Industriels et Commerciaux (EPIC). Ces
structures étaient toutes considérées comme des personnes publiques. Aujourd’hui, au Cameroun
plus précisément, on distingue les Etablissements Publics60 des entreprises publiques61.

Si une telle distinction est faite en Droit interne, elle ne devrait pas aux yeux d’une frange
de la doctrine, exister en Droit International Public. Ceci parce que l’Etat forme un tout avec ses
émanations. Pour l’exprimer, M. Ernest LEMONON a affirmé :

« (…) la guerre de 1914-18 ouvrit, dans ce domaine comme en tant d’autres, une ère
nouvelle. L’Etat, en effet, agissant à l’étranger, commença de s’y comporter très
fréquemment comme un simple particulier : il fit des affaires, ouvrit des commerces,
organisa des entreprises industrielles. Il n’agit plus jure imperii, il géra ses affaires
économiques exactement comme s’il était un de ses propres nationaux ».

A travers ces propos de l’auteur, l’entreprise industrielle apparaît comme une créature de
l’Etat chargée de le représenter dans la sphère économique qui lui était jadis interdite par les
classiques. Encouragé par le keynésianisme, l’Etat s’est donc à travers sa créature orienté vers
l’interventionnisme. Il avait besoin de créer un organe pour acquérir l’étoffe de commerçant. Il fit
de cet organe une personne certes distincte de lui mais connecté à sa volonté. Il se dupliqua en
quelque sorte. Dans cette perspective, la volonté de la personne publique est la volonté de l’Etat
car les deux sont entremêlées et, la première est dominée et parfois éclipsée par la deuxième.
Aussi, dans la théorie de l’unité, la créature et le créateur ne forment qu’une seule personne et
même personne. A cet effet, J.-D. MOUTON rapporte qu’en Europe, une communauté a reconnu
et consacré cette unité62. En d’autres mots, il a écrit :

« Malgré les démembrements particulièrement poussés de certains États membres de la


Communauté et, surtout, malgré le fait que ces démembrements soient parfois les
destinataires des actes de droit communautaire et les organes d’application de ce droit,

59
NAHM- TCHOUGLI (G), « L’immunité d’exécution ou de saisie des entreprises publiques dans l’espace
OHADA » in Revue d’assurance de banque & de bourse, de transport et de développement dans l’espace CIMA-
OHADA, Vol 1, N°6 p. 574
60
Loi N° 2017/010 du 12 juillet 2017 portant statut général des Etablissements Publics
61
Loi N° 2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général Entreprises Publiques
62
MOUTON (J-D), « La notion d’État et le droit international public », Droits, 1992, pp. 45-58
23
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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la Cour de justice des Communautés européennes considère l’Etat membre des


63
Communautés comme continuant à former un tout »

Dans la même logique, la Commission de Droit International à travers un projet consacré


à la responsabilité des Etat a pris la peine de préciser :

« le comportement de tout organe de l’Etat devrait être considéré comme un fait de l’Etat
d’après le droit international, que cet organe exerce des fonctions législative, exécutive,
judiciaire ou autres, quelle que soit la position qu’il occupe dans l’organisation de l’État
et quelle que soit sa nature en tant qu’organe du gouvernement central ou d’une
64
collectivité territoriale de l’État »

Pour cette raison, on serait tenté d’affirmer ceci : « Qui a vu la personne publique a vu
l’Etat ». Ceci parce que la volonté du monstre froid circule dans la volonté de son émanation et
peut l’envahir au point de la faire disparaitre.

Il convient de rappeler que l’Etat est le seul qui au sein de son territoire est sujet de Droit
international. Il ne doit pas par conséquent se cacher derrière l’une de ses émanations pour
justifier son irresponsabilité. Ce sont là les réalités qui confortent la thèse de l’unité étatique. En
effet, comme l’observe KHADRE DIOP à travers sa thèse :

« Cette règle de l’unicité de l’Etat se justifie pour deux raisons principalement. D’une
part, elle place l’Etat comme interlocuteur unique en lieu et place de ses démembrements
ou émanations, car étant seul doté de la personnalité juridique internationale. D’autre
part, elle permet de lutter contre les tentations que pourraient avoir certains Etats
d'éluder les règles et contraintes internationales et européennes, en se « cachant »
derrière des entités internes qui n'y seraient pas soumises, ce qui porterait un coup
sérieux à l’efficacité et à l’application uniforme du droit international et du droit
65
européen »

Aussi, ce n’est pas la volonté de la créature qui est faite mais celle du créateur. En effet
l’émanation étatique est une institution qui agit pour le compte de l’Etat et le représente dans un
domaine d’activité déterminé. Le représentant n’agit pas pour lui-même mais pour le représenté.
Celui-ci parle, se manifeste, décide et agit à travers son représentant66. Les deux ne forment
qu’une personne. Cette réalité métaphysique peut se traduire par les mots suivants :

« Ainsi que la représentation suppose essentiellement deux personnes distinctes dont


l’une agit pour le compte de l’autre, l’organe, comme tel, n’a point de personnalité

63
Ibid. p. 54
64
Article 4 du projet d’articles de la CDI sur la responsabilité des Etats du 12 décembre 2001, Documents officiels
de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session, Supplément n° 10 (A/56/10).
65
KHADRE DIOP (A), La notion d’État en Droit International et en Droit européen, op.cit p. 37
66
Voir KAMTO (M), « La volonté de l’Etat en Droit International », in Recueil des cours de l’Académie de Droit
International de la Haye, Martinus Nijhoff Publishers, Boston, 2007, p. 33, DAOUDI (R), Recherche sur la notion de
représentation en Droit International Public, Thèse, Droit, Paris II, 1978, p. 44
24
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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propre. Il n’y a pas ici deux personnes distinctes, la collectivité et son organe : il n’y a
qu’une personnalité unique, celle de la collectivité organisée ; et les organes de la
collectivité ne forment avec elle qu’une seule et même personne. C’est même de là que
vient principalement l’emploi en cette matière du nom d’organe : il signifie que les
organes de la personne collective, de même que ceux de la personne physique, ne forment
67
avec la collectivité qu’un seul être juridique »

L’émanation étatique est un représentant qui peut elle-même être représentée par ses
organes. Ainsi, les mouvements et comportements de l’Etat passent parfois par une série de
représentations. Dans cette logique, on peut se retrouver avec le représenté, le représentant du
représenté et le représentant du représentant. Cette succession de représentations passe par la
délégation des compétences. Aussi, la connexion des volontés et la domination de la volonté
étatique permet au représentant du représentant d’agir pour le compte du représenté. Pour cette
raison, on peut affirmer que le représentant du représentant représente le représenté. Aussi, la
complexité des représentations ne pose aucun problème quand la marque publique est perceptible
par l’intelligence. C’est la volonté de l’Etat qui circule à travers des canaux divers (les canaux
légaux, les canaux conventionnels…). En effet, il existe dans la métaphysique juridique, des fils
qui lient les personnes publiques à certaines normes. Ces fils lient l’Etat à ses émanations et
passent par divers actes juridiques. Aussi, malgré tout, « l’Etat apparaît toujours comme une
sorte de personne unique capable d’agir par le biais d’innombrables bras obéissant tous à un
seul centre de décision »68.

Il faut remarquer ici que la représentation dont on parle ne concerne pas seulement la
conclusion des traités et accords internationaux mais toutes les activités des personnes publiques,
qu’elles soient physiques ou morales. Les entreprises publiques représentent dans cette logique le
Léviathan dans la sphère économique. Elles peuvent engager la responsabilité du représenté dans
ce domaine.

Si en droit privé il est dit que l’on « est responsable non seulement du dommage que l'on
cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit
répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde »69, en Droit international « les actions
extérieures des différentes composantes de l’Etat lui sont toujours attribuées »70. Dans cette
logique lorsqu’une émanation de l’Etat cause un préjudice à une personne étrangère, c’est l’Etat

67
Voir KHADRE DIOP (A), La notion d’État en droit international et en droit européen, op.cit. p. 36
68
Voir MOUTON (J.-D.), « La notion d’État et le droit international public », op. cit., p. 57
69
Article 1384 du code civil
70
Voir MOUTON (J.-D.), « La notion d’État et le droit international public », op. cit., p. 57
25
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

qui cause ce préjudice. Une juridiction arbitrale l’a clamé haut et fort à travers la sentence EL
TRIUNFO en ces termes :

« There can be no doubt that a State is responsible for the acts of its rulers, whether they
belong to the legislative, executive or judicial department of the government, so far as the
71
facts are done in their official capacity »

Dans le cadre de cette étude, une attention particulière sera accordée à l’entreprise
publique. Celle-ci étant un organe de l’Etat représente son créateur dans la sphère des
commerçants, agit pour lui et vit pour lui. Dans cette logique, si dans la coutume internationale il
est admis que « le comportement de tout organe de l’Etat devrait être considéré comme un fait de
l’Etat » il résulte que dans le Droit des affaires l’entreprise publique c’est l’Etat.

L’entreprise publique en effet, même si elle n’est pas un dirigeant dans la sphère
politique, même si elle n’est pas automatiquement perçue comme un maillon du pouvoir exécutif,
législatif ou judiciaire, est une composante caractéristique de l’Etat interventionniste. Elle est
l’envoyé du Léviathan dans l’espace commercial et économique, elle représente l’Etat producteur
des biens, l’Etat prestataire des services et l’Etat distributeur des produits. Si elle porte la marque
de l’Etat commerçant, elle porte également la marque publique. Ce détail change tout. En effet,
cette marque fait en sorte que la volonté de l’émanation étatique se confonde avec celle de son
créateur.

L’Etat est une personne morale et, selon Maurice HAURIOU :

« Une personne morale est essentiellement une entreprise collective organisée


corporativement qui, s’étant approprié par l’élément de son groupe des associés le
capital des compétences et le pouvoir de volonté de ses organes, a acquis à la fois le sens
72
propre et la liberté interne et ainsi est devenu un sujet »

Dans cette logique, le monstre froid contrôle la volonté de son émanation car il s’en
approprie, il en est le propriétaire. Aussi, « le seul statut d’organe de l’Etat suffit à en faire une
composante de la notion d’Etat »73. Les émanations de l’Etat bénéficient dans cette logique d’une
immunité d’exécution d’origine étatique. Cette réalité ne fait pas de doute en Droit international.

71
SA, 8 mai 1902, Claim of the Salvador commercial company, RSA, vol. XV, p. 467
72
HAURIOU (M), Précis de Droit administratif, 9e éd., 1919, p. 24
73
KHADRE DIOP (A), La notion d’État en droit international et en droit européen, op.cit. p. 40
26
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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La preuve, ces propos d’ARNAUD DE NANTEUIL appuyés sur la convention des Nations
Unies et tiré d’un article74 :

« Outre l’Etat lui-même, ses organes de gouvernement et ses démembrements


territoriaux, la convention des Nations Unies offre le bénéfice de l’immunité aux
organismes ou établissements « ou autres entités », mais uniquement pour autant qu’ils
sont « habilités à accomplir et accomplissent effectivement des actes dans l’exercice de
75
l’autorité souveraine de l’Etat » .

Dans le cadre de la présente étude on s’intéressera au régime accordé à ce phénomène


dans l’espace OHADA.

2- Délimitation et intérêt du sujet

L’espace OHADA se trouve en fait au sein de l’Afrique noire subsaharienne. Il regroupe


des Etats qui sont en majorité francophones.

Parmi les Etats membres de l’OHADA, on peut évoquer : Le Bénin, le Burkina- Faso, le
Cameroun, la Centrafrique, la Côte d’ivoire, le Congo, les Comores, le Gabon, la Guinée, la
Guinée Bissau, la Guinée équatoriale, le Mali, le Niger, la République Démocratique du Congo
(RDC), le Sénégal, le Tchad et le Togo.

L’espace OHADA regroupe donc prés de 17 pays situés de part et d’autres du continent
africain. Parmi ces Etats, deux seulement ne sont pas francophones. Ils ne pourront pas faire
l’objet de la présente étude.

N° Etat membre Langue(s) officielle(s) Situation


géographique
1 Bénin Français Afrique de l’ouest

2 Burkina- Faso Français Afrique de l’ouest

3 Cameroun Français et anglais Afrique centrale

4 Centrafrique Français Afrique centrale

5 Côte d’Ivoire Français Afrique de l’ouest

74
DE NANTEUIL (A), « L’application en France des règles internationales relatives aux immunités » in Annuaire
français de droit international, volume 56, 2010. pp. 807-842
75
Ibid. pp. 818-819
27
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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6 Congo Français Afrique centrale

7 Comores Français Afrique de l’est

8 Gabon Français Afrique centrale

9 Guinée Conakry Français Afrique de l’ouest

10 Guinée Bissau Portugais Afrique de l’ouest

11 Guinée équatoriale Espagnol Afrique centrale

12 Mali Français Afrique de l’ouest

13 Niger Français Afrique de l’ouest

14 République
Démocratique du Français Afrique centrale
Congo (RDC)

15 Sénégal Français Afrique de l’ouest

16 Tchad Français Afrique centrale

17 Togo Français Afrique de l’ouest

Il est vrai que l’espace OHADA apparait comme un sujet d’étude réservé aux privatistes. En
effet, il s’agit du Droit des affaires et celui-ci est généralement présenté comme une branche du
Droit privé. Pourtant, cet espace offre également un objet d’étude aux communautaristes et
internationalistes publicistes.

Les publicistes en effet sont interpellés dès lors qu’il y’a la présence d’une personne
publique. La marque publique attire et intéresse le publiciste. L’immunité d’exécution en est
fortement imbibée, d’où l’intérêt pour la présente étude.

Par ailleurs, le Droit OHADA semble être un ordre juridique qui s’inscrit dans une
logique d’intégration juridique. Il met en exergue des Etats qui se côtoient et qui sont ses sujets. Il
se déploie par conséquent dans une sorte de société internationale. Celle-ci est tout de même

28
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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particulière, coincée entre le Droit international et le Droit interne au point où sa nature prête à
confusion.

Il existe en effet tout un débat doctrinal au sujet de la nature des règles qui y règnent.
Dans cette logique, pendant qu’une partie de la doctrine plaide pour l’inclusion du Droit
Communautaire dans le Droit International, une autre soutient la thèse du détachement ou mieux
de l’exclusion. Aussi, dans un rapport général76, le Professeur Denys SIMON n’a pas hésité à
souligner l’existence d’une « querelle récurrente entre les enfants dévoués et fidèles à la mère
internationaliste qui a bercé leurs premiers émois juridiques et les moutons noirs qui ont soldé
leur complexe œdipien en se livrant à un flirt coupable avec la jeune logique
communautariste »77. Pour lui, ce débat n’est pas une simple controverse mais une véritable
guerre entre deux camps. A cet effet, il affirme :

« Il semble en effet que le terrain soit jonché de mines antipersonnel non encore
désamorcées, et plus encore, que le terrain soit jonché de mines antipersonnel non encore
désamorcées, et plus encore, que le champ d’intervention qui m’est imparti soit plutôt un
champ de bataille pris sous le feu croisé des internationalistes orthodoxes et des
communautaristes sectaires (…) Il est clair en effet que le débat n’est pas seulement une
controverse juridique entre ceux qui considèrent le Droit communautaire comme une
branche du droit international parmi d’autres, et ceux qui identifient le Droit
78
communautaire comme un ordre juridique totalement indépendant » .

Par ailleurs, le Droit OHADA s’exprime dans une organisation internationale. Celle-ci
étant un sujet de Droit international et un membre de la société correspondante peut subir une
influence qui façonne sa nature.

Le droit communautaire peut être internationaliste cet- à- dire, conforme aux normes
établies dans la société internationale. Il peut également se distinguer de ce corps de règles, s’en
éloigner et même s’y opposer. Il peut en outre être introverti, protecteur des Etats membres au
détriment des personnes privées ou au contraire protecteur des personnes privées contre les
personnes publiques. Aussi, l’organisation OHADA doit être perçue comme une entité
internationale parmi d’autres. Ceci même si elle offre en même temps une cours de cassation et
une juridiction arbitrale. Cet ordre juridique se positionne parmi d’autres à l’instar du CIRDI, de
la CPA, de la CEDH et même de la CCI. Il s’agit donc d’un ordre juridique qui se positionne

76
SIMON (D) « Fondement de l’autonomie du Droit communautaire, Rapport général », in Colloque de Bordeaux :
Droit International et Droit communautaire, perspectives actuelles, éd. Pedone, Paris, 2000, pp. 207 - 249
77
Ibid. p 209
78
Idem
29
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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parmi d’autres ordres juridiques et qui offre un service que d’autres organes proposent. Le
système OHADA peut faire concurrence et subir la concurrence. L’investisseur quant à lui a le
choix entre les diverses institutions qui se présentent.

Il est vrai, on doit le reconnaitre qu’une décision juridictionnelle originale a été émise en
2020 par la CCJA. Celle-ci contrastait avec ses devancières à cause d’une formule qui
introduisait l’idée de la levée des immunités d’exécution des entreprises publiques revêtue des
formes consacrées par le Droit OHADA.

Cette décision, bien que bruyante et impressionnante n’a pas dépouillée toutes les
personnes publiques du privilège consacré et de son caractère absolu. Aussi, on peut être certain
que le principe de l’immunité d’exécution est toujours une réalité dans l’espace OHADA.

C- Problématique
L’immunité d’exécution est un phénomène juridique qui paralyse matériellement le droit à
l’exécution forcée79, interdit au créancier de faire usage de son droit à l’encontre de celui qui en
est le bénéficiaire80, s’érigent en un obstacle insurmontable qui peut mettre en péril la sécurité
juridique81. En outre, à cause de son existence « les voies d’exécution (mesures conservatoires
comprises) butent sur l’impossibilité strictement personnelle constituée d’immunité
d’exécution »82. Un tel phénomène métaphysique n’est pas sans effet sur la nature du Droit
communautaire concerné. Le Droit communautaire OHADA depuis sa formation se veut un
système juridique neutre et juste. Il se veut en d’autre terme protecteur des personnes privées et
des personnes publiques. Cet objectif général est traduit par ces propos du Professeur Robert
NEMEDEU en ces termes :

« Les objectifs de l’OHADA sont clairement définis : - trouver des solutions juridiques les
meilleures et les mettre à la disposition de tous les pays quelles que soient leurs ressources
humaines ; - instaurer la sécurité juridique ; - restaurer la sécurité judiciaire ; - encourager la
délocalisation vers l’Afrique de certaines grandes entreprises ; - rétablir la confiance des chefs

79
KOLONGELE EBERANDE (D), « Immunité d’exécution, obstacle à l’exécution forcée en droit OHADA contre
les entreprises et personnes publiques ? » p.3
80
Idem
81
Idem
82
Idem
30
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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d’entreprises et des investisseurs ; - développer l’arbitrage en Afrique ; - faciliter l’intégration


économique sur le continent ; - renforcer l’unité africaine »83.

Pourtant l’immunité d’exécution n’œuvre pas en faveur de l’instauration d’une sécurité


judiciaire au sein de l’espace et de l’attraction des investisseurs dans les Etats. L’objectif
proclamé semble s’opposer à l’objectif observé. Celui-ci peut être un critère de classification des
organisations processuelles. Dans ce contexte, on peut distinguer le Droit processuel protecteur
des Etats, le Droit processuel protecteur des personnes privées et le Droit processuel neutre et
juste.

Au cours des années 2007, bon nombre d’Etats parmi lesquels figurait la Bolivie avaient
dénoncé le CIRDI sous le prétexte que cette organisation accordait beaucoup d’importance aux
personnes privées, ceci au détriment des personnes publiques. Aussi, , à travers un discours
prononcé au cours d’un sommet réunissant plusieurs pays de l’Amérique latine, le Président de la
République de Bolivie avait affirmé :

« Certaines firmes multinationales s’emparent de nos ressources naturelles, s’approprient les services publics
en profitant de la privatisation, ne paient pas d’impôts et ensuite lorsqu’elles n’ont pas d’arguments pour se
défendre, elles saisissent l’organe appelé CIRDI. Devant ce tribunal de la Banque Mondiale, les pays perdent
toujours face aux multinationales. Pourquoi donc avons-nous besoin d’un CIRDI où seules les compagnies
multinationales peuvent gagner ? »84.

De tels discours ne risquent pas d’être prononcés par des chefs d’Etats africains en ce qui
concerne le Droit processuel OHADA. En effet, les apparences semblent montrer une protection
beaucoup plus portée vers les personnes publiques. On peut penser dans cette logique que les
personnes privées sont lésées.

L’investisseur est généralement dans la société transnationale une personne privée. Si


cette dernière se sent lésée, il est possible qu’elle prenne la fuite entraînant avec elle plusieurs
autres commerçants. Or, en ce qui concerne les objectifs de l’OHADA, il s’agit de :

83
NEMEDEU (R), « OHADA : de l’harmonisation à l’unification du droit des affaires en Afrique », Intervention au
CRDP (faculté de droit de Nancy) le 19 janvier 2005 p. 1
84
MALIK (M), La dénonciation de la convention de Washington du 18 mars 1965 par la Bolivie et l’Equateur,
Consulté et téléchargé à www.lepetitjuriste.fr le 20 novembre 2014, p. 3
31
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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« Créer un espace juridique intégré sécurisant les relations et opérations


économiques, favorisant l’essors de l’économie, encourageant l’investissement et
propulsant un pôle de développement et un vaste marché » 85.

Aussi, vu sous le prisme de l’immunité d’exécution, on peut évoquer ces propos du


Professeur Paul Gérard POUGOUE qui sans constituer la problématique de notre travail se
rangent dans un questionnement utile :

« Ces nobles idées de départ subissent très vite l’épreuve du temps. Plusieurs
facteurs s’entrecroisent et rendent complexe la situation. Un espace juridique intégré
suffit-il pour propulser l’économie ? Jusqu’où d’ailleurs aller dans l’intégration
juridique ? L’intégration juridique avance t- elle ? Le système juridique de l’OHADA
86
forme t-il un ensemble suffisamment cohérant ?»

Sous l’angle des immunités d’exécution, la dernière question posée par le Professeur Paul
Gérard POUGOUE semble intéressante, surtout lorsqu’on se rend compte qu’une décision
juridictionnelle rendue en 2020 a chamboulé la logique qui existait jusqu'à lors. En effet, si avant
2020, on concevait ceci : « Bien que ces dernières soient soumises aux règles de Droit privé,
comme c’est le cas en France, les entreprises publiques bénéficient en principe de l’immunité
d’exécution »87. Depuis le 28 mai 2020 on affirme plutôt que l’entreprise publique : « est
justiciable de l’acte uniforme de l’OHADA sur les voies d’exécution et peut voir ses biens faire
l’objet d’une saisie exécution »88.

On est donc en droit de se poser des questions sur la cohérence que présente actuellement
le Droit de l’immunité d’exécution dans l’espace OHADA. En effet, il est impossible d’affirmer
qu’une telle décision n’a eu aucun impact sur le contenu de l’ordre juridique en place. Par ailleurs,
étant donné que l’Organisation Internationale se trouve dans une société qui a des coutumes, un tel
revirement juridictionnel qui engage l’OHADA dessine une posture du sujet de Droit international
devant la tendance généralisée et une idéologie professée.

85
POUGOUE (P-G), « Doctrine OHADA et théorie juridique » in Revue de l’ERSUMA, Numéro spécial,
Novembre/Décembre 2011, p.9
86
Idem
87
NAHM-TCHOUGLI (G), « L’immunité d’exécution ou de saisie des entreprises publiques dans l’espace OHADA », in
Revue africaine de droit, d’économie et de développement, 2005, Vol 1 n° 6, p. 576
88
CCJA, Arrêt n°190/2020 du 28 mai 2020, version téléchargée dans le site :
https://legalrdc.com/2021/20/immunites-dexecution-le-revirement-jurisprudentiel/ le 13 juillet 2022
32
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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Aussi, pour connaitre l’impact que le revirement jurisprudentiel de 2020 a eu sur le Droit
OHADA ainsi que la posture de cette association d’Etats a projetée à travers le changement sus
évoqué, il convient d’interroger l’incidence de la décision juridictionnelle sur la cohérence de
l’ordre juridique concerné. En outre, peut-on affirmer que le revirement jurisprudentiel de 2020 a
rompu la cohérence de l’ordre juridique OHADA ?

L’intérêt d’une telle intérrogation est d’abord d’ordre didactique. Elle vise la
transmission des connaissances, l’explication et la compréhension du Droit. Ceci pour aider les
étudiants et juristes qui entreront en contact avec cet outil à mieux appréhender les connaissances.
On doit en effet observer ici que le doctorant, qu’il soit un simple étudiant ou un professionnel est
également un enseignant confirmé ou non, un juriste et plus précisément un jurisconsulte. En
effet, si l’on en croit le dictionnaire de Droit international, le jurisconsulte est toute personne
vouée à la recherche, l’enseignement ou la pratique du Droit. Or, le doctorant en Droit s’inscrit
tout d’abord dans une logique de recherche. Celle-ci peut aboutir à un document qui se veut
didactique d’où son rôle dans l’enseignement.

La présente étude aura donc pour but de participer à l’évolution du savoir. Bien
évidement, on ne pourra pas inventer la roue mais, on pourra participer à des débats qui
sont encore d’actualité et dans la foulée poser de nouvelles pierres sur l’édifice de la science
juridique. La spécificité dans ce contexte pourra reposer sur la stratégie choisie : L’analyse du
Droit communautaire concerné sous le prisme du privilège étatique sus évoqué. Aussi la question
posée pourra être originale. Et comme le pensait FORQUIN : « Ce qui fait progresser le savoir,
c’est moins les changements de réponses que les changements de questions »89.

Cependant, aux yeux de la présente étude, les changements de réponses font également
avancer les connaissances. Pour le démontrer, Platon avait développé un mythe encore célèbre
aujourd’hui : Le mythe de la caverne. Celui-ci décrivait des personnes qui, enchainées dans des
grottes devaient interpréter les ombres qui se dessinaient devant eux sous l’effet du soleil. Tout
travail de recherche juridique s’inscrit dans cette tâche d’interprétation des ombres à la lumière
des textes. Il s’agit de contribuer à la clarification des connaissances de Droit et à la construction
ou alors à la découverte de ce monde idéel qu’est la métaphysique juridique. Plusieurs personnes

89
FORQUIN (J. Cl), Lecture d’Althusser, Introduction à Dialectique marxiste et pensée structurale, Cahiers du
Centre d’Études Socialistes, 1969, pp. 9-10.
33
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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ont interprétés les travaux d’Aristote, mais c’est Nicolas de Damas qui les a qualifiés de
métaphysique. Plusieurs personnes dans le passé ont décrit la forme du monde et son mouvement
dans l’univers, certains ont affirmé que la terre est ronde et que c’est elle et non pas le soleil qui
effectue une rotation. Les questions étaient les mêmes, ce sont les réponses qui ont fait toute la
différence. Aussi, la multitude des réponses à une même question ne doit pas empêcher
l’émergence de nouvelles contributions ou de nouvelles réponses. Il est indéniable que la
recherche juridique a parfois un intérêt philosophique.

La recherche en Droit consiste donc à une interprétation des ombres qui pourra être
exploité par les étudiants, les praticiens et théoriciens de la matière. Cette interprétation se fait
tout de même à travers l’analyse des textes juridiques et doctrinaux qui alimentent ce monde idéel
et réel qu’est la métaphysique juridique.

La recherche juridique on doit le souligner, n’est pas la science juridique mais un


instrument à son service. En effet, si « la science se compose d’énoncés empiriques du langage
descriptif, qui peuvent être qualifiés de vrai ou faux »90, la recherche juridique se présente
comme :

« (…) l’ensemble des travaux menés méthodiquement par les spécialistes du


droit afin de faire progresser la connaissance du droit, l’ensemble des études et des
activités scientifiques et intellectuelles portant sur les normes, les institutions, les
comportements et les opinions juridiques et visant à approfondir le savoir juridique »91.

Elle s’apparente même à une science qui étudie une autre science, une épistémologie
orientée vers le droit et ayant pour objectif de l’interpréter. En effet, l’épistémologie est définie
par une franche de la doctrine comme :

« (…) l’étude critique des connaissances scientifiques produites par une


communauté de savants. Il faut entendre « connaissances scientifiques » comme signifiant
« connaissances spécialisées », comme signifiant « connaissances produites par les
92
spécialistes d’une matière relativement à cette matière » .

90
ATIAS (Ch), op.cit., p. 53
91
BARRAUD (B), La recherche juridique – Sciences et pensées du droit, coll. Logiques juridiques, L’Harmattan,
2016, la version pdf téléchargée à https://hal-amu.archives-ouvertes.fr/hal-01367410, le 17 Mai 2020, p. 9
92
BARRAUD (B), « L’épistémologie juridique », in La recherche juridique (les branches de la recherche juridique),
L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2016, version pdf téléchargé à www.hal.archives-ouverte.fr, consulté le 6
mai 2020 p. 5
34
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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Or, le travail du doctorant passe par cette étude critique des connaissances doctrinales et
positives. Ce travail est une recherche juridique et plus précisément une recherche en Droit. Et,
l’épistémologie juridique est considérée comme une branche de la recherche juridique. Du moins
c’est ce que pense un auteur en ces termes :

« À titre de synthèse, peut être retenu que l’épistémologie juridique n’est ni une
science « pure » du droit, ni une philosophie du droit, ni une théorie du droit, ni une
politique juridique ; elle est une branche à part entière de la recherche juridique ; et cette
branche compte au nombre des plus particulières »93.

En fait, on doit remarquer qu’il existe une épistémologie que l’on peut qualifier de
juridique. Celle-ci se traduit par une analyse du Droit qui s’appuie sur diverses matières parmi
lesquelles figurent la philosophie de la discipline, la sociologie et même l’anthropologie. En
outre :

« L’épistémologie juridique est l’étude critique des connaissances des


spécialistes du droit, du philosophe du droit au sociologue du droit en passant par le
scientifique du droit positif. Son objet d’étude réside dans le savoir juridique, dont elle
94
observe la formation et le développement et dont elle souligne les égarements »

Le doctorant en droit mène donc une recherche juridique. Cependant, cet apprenti
chercheur ne se désintéresse pas du contenu du savoir qu’il étudie. Ceci contrairement à
l’épistémologue et à sa matière, l’épistémologie qui se « désintéresse du contenu du savoir »95. En
effet : « ce sont ses origines, ses méthodes, ses modes d’inférence, ses logiques et ses
conséquences qui la préoccupent »96. Aussi, « l’épistémologie juridique étudie donc de manière
critique, non directement les connaissances juridiques, mais les moyens des connaissances »97. Ce
n’est pas à proprement parler la tâche du doctorant en droit car il s’intéresse aux connaissances
juridiques. Par ailleurs, si «le but et la tâche de l’épistémologie n’est en aucune manière de
prescrire, ni même de conseiller »98, le conseil99 est l’une des préoccupations du doctorant. Il

93
Ibid. p.6
94
Idem
95
Idem
96
Idem
97
Idem
98
GESLIN (A), « L’importance de l’épistémologie pour la recherche en droit » in La recherche juridique vue par
ses propres acteurs, Presse de l’Université Toulouse 1 Capital, téléchargé à www.openbook.com, consulté le 10 mai
2020, document pdf
99
Avis sur ce qu’il convient de faire
35
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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étudie une situation, il relève les problèmes et propose des solutions. En fait il apporte sa réponse
à une question qui n’a pas encore été posée ou qui préoccupe depuis longtemps le monde des
juristes et intéresse les sujets de Droit. Tout de même, le doctorant pour émettre son avis doit
argumenter, démontrer, raisonner. Il peut dans cette mouvance poser les pieds sur le terrain de
l’épistémologie sans même sans rendre compte. Ceci parce qu’il a parfois le souci de préciser
que son raisonnement, son analyse est scientifique. Du moins qu’elle se range dans une science
que l’on peut qualifier d’interprétative, une science particulière, si on la situe dans ce positivisme
scientifique, juridique, empirique logique qu’exalte une bonne partie des auteurs proclamés
théoriciens du Droit. A travers la présente étude, la logique du positivisme engagé,
constructiviste et mythique sera mise en exergue, défendue, exaltée et cela traduira peut être un
débordement vers l’épistémologie juridique. D’où l’intérêt épistémologique qui transparait ici.
La recherche juridique a donc un pied dans l’épistémologie comme tout comme la philosophie
qui a un pied dans le Droit.

Le doctorant en Droit donne donc un avis supplémentaire sur ce qu’il convient de faire. Il
agit un peu comme un jurisconsulte qui produit un document pour attirer l’attention des
institutions sur les anomalies et incongruités constatées. Il agit en quelque sorte comme la
conscience de la science juridique. Et, on le sait bien, une science sans conscience n’est que ruine
de l’âme. Tout nouvel assaut de la conscience est un pas de plus vers le changement de
comportement.

On doit remarquer avant de continuer l’analyse qu’en dehors de la fonction, le


comportement des institutions est un phénomène qui existe dans la métaphysique juridique et qui
ne devrait pas susciter l’indifférence du juriste. Les institutions n’ont pas seulement des
fonctions, elles ont également des comportements. C’est le cas lorsqu’une juridiction effectue par
exemple un revirement jurisprudentiel. Elle agit dans le cadre de sa fonction judiciaire ou
arbitrale mais affiche un comportement, un vacillement ou un changement d’attitude.

Le doctorant agit donc à travers la production de sa thèse comme un jurisconsulte.


D’après le dictionnaire de Droit International, le jurisconsulte est une « personne vouée
professionnellement à la recherche, l’enseignement ou la pratique du Droit »100. Si le doctorant
en Droit n’est pas toujours un professionnel de la recherche, de l’enseignement ou de la pratique

100
SALMON (J), Op.cit. p.629
36
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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du Droit, il tend à l’être. Du moins, il a vocation à l’être. D’ailleurs, bon nombre de doctorants
écrivent des articles, dispensent des leçons, des cours magistraux, participent aux travaux dirigés
et aux activités des centres de recherches, travaillent dans des cabinets juridiques. Aussi, le
doctorant est à la fois un didacticien et un analyste engagé. Il décrit l’état des connaissances par
rapport à un sujet et contribue ainsi à la description du Droit. Or, la description du droit est le but
de la science juridique. En d’autres mots :

« La science du droit a donc un caractère « purement intellectuel » : elle ne tend


pas à la « création du droit » mais à la « connaissance du droit » ; elle n’est pas de l’ordre
de la « prescription » mais de l’ordre de la « description »101.

Aussi, dans sa tâche de description de l’état actuel du droit des immunités, la


présente étude aura un intérêt scientifique.

Cependant, il convient de constater que le thésard ne peut pas se contenter de décrire le


droit. Il doit exprimer son avis, proposer ses solutions, suggérer quelque chose aux instances de
décisions. Il est pour cette raison considéré comme un membre de la doctrine juridique. Or :

« La doctrine juridique participe au processus de production du droit au moins


de quatre manières différentes : par une activité d’interprétation, par un travail de
systématisation, par la production de nouvelles représentations, enfin par une
participation plus directe à l’élaboration de la norme ; ces différentes facettes sont bien
102
évidemment indissociables » .

Parler de la doctrine juridique à travers la présente étude n’est donc pas une tâche
oiseuse et vide de sens. Il est nécessaire de la situer dans la production du Droit pour
démontrer que tout travail de recherche juridique a une importance capitale et donc un
intérêt pratique et technique.

L’expression doctrine juridique a des définitions diverses. Pour le Professeur Jacques


CHEVALLIER la notion en question contient trois sens distinct. Dans un premier sens, il s’agit
d’une opinion, d’une théorie ou d’une thèse sur le Droit. Dans un deuxième sens, il s’agit d’un
ensemble d’opinions consacré au Droit et dans un troisième, il s’agit des travaux réalisés par les
auteurs. En outre :

101
CHEVALLIER (J), « Doctrine juridique et Science juridique », in Droit et société, 2002/1 n°50, p. 110
102
Ibid. p. 106
37
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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« On sait le glissement qui a conduit à désigner sous ce terme, non seulement la


simple expression d’une opinion, théorie ou thèse sur le droit (premier sens), mais encore
l’ensemble des opinions émises sur le droit (deuxième sens) et, par extension, les travaux
103
eux-mêmes et leurs auteurs (troisième sens) »

Pour le vocabulaire juridique, le terme peut avoir 4 sens104. Premièrement, il s’agit de


l’opinion communément professée par ceux qui enseignent le Droit ou même ceux qui sans
enseigner écrivent le Droit. Deuxièmement, il s’agit de l’ensemble des ouvrages juridiques.
Troisièmement ce mot désigne selon l’équipe de Gérard CORNU, l’ensemble des auteurs
d’ouvrages juridiques et troisièmement, l’opinion exprimée sur une question de Droit particulière.
La doctrine est en fait considérée comme une source auxiliaire ou non formelle du droit.

Il s’agit d’une source réceptacle qui met à la disposition des institutions et praticiens une
matière susceptible d’influencer leurs décisions. Certains auteurs font une distinction entre deux
conceptions (la conception binaire) de la notion de source105. D’autres par contre distinguent trois
représentations de ce concept106.

La conception binaire semble plus adaptée à la présente étude. A travers cette conception,
une première définition présente la source du Droit comme « les forces d’où surgit le Droit
objectif ; ce qui l’engendre »107. Une deuxième la décrit comme une forme sous l’action de
laquelle la règle nait au Droit.

Sous un angle métaphysique, la source n’est par seulement ce qui crée la matière juridique
mais elle est également ce qui la contient. On doit dans cette logique distinguer les sources
génératrices du droit des sources réceptacle. Si les premières jouent à la fois un rôle de création et
de contenance du droit, les secondes reçoivent la substance juridique provenant des sources
génératrices et exercent le deuxième rôle. Cependant, si elles ne créent pas le droit, si elles
s’attèlent à recevoir la matière et à la contenir, elles modifient également la substance cognitive
reçue offrant ainsi un contenu modifié que pourront exploiter les praticiens. Ceux-ci en effet, à la
recherche d’une solution adéquate ou dans le cadre d’une simple promenade intellectuelle ont la

103
Ibid. p. 104
104
CORNU (G), Vocabulaire juridique, op. cit. p. 360
105
Voir PELLET (A), DALLIER (P), FORTEAU (M), Droit International Public, 9e éd. LGDJ, 2009, pp. 124-126,
CORNU (G), Vocabulaire juridique, op. cit. p. 970, voir également TCHEUWA (J.C), Droit International Public I,
Cours polycopié et magistral, licence 2, Université de Yaoundé II, année 2013- 2014, FSJP, inédit, p. 11
106
SALMON (J), (Sous dir.) Dictionnaire de Droit International Public, Bruyland AUF, pp. 1041- 1043
107
CORNU (G), Vocabulaire juridique, op. cit. p. 970
38
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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possibilité de pénétrer la métaphysique juridique à travers la lecture, ce monde idéel et découvrir


dans la source réceptacle une matière qui sera jugée adaptée au problème qui se pose. Elles
auront ainsi l’opportunité de puiser dans la source réceptacle une solution adaptée à leurs besoins.

La matière modifiée par la source réceptacle n’est pas vraiment juridique. Elle est infra
juridique, dépouillée d’une force obligatoire. Aussi, en ce qui concerne par exemple
l’interprétation doctrinale, certains auteurs disent qu’elle n’est pas authentique, contrairement à
celle des praticiens. En outre :

« Il reste que la portée de ce pouvoir d’interprétation doctrinal est apparemment


limitée par l’absence de prise directe sur la production du droit, comme le souligne la
théorie kelsénienne de l’interprétation. Kelsen établit en effet, on le sait, une distinction
tranchée entre les interprétations données par les « organes d’application du droit » et
les interprétations données par les juristes dans le cadre de la science du droit : les
premières sont des interprétations « authentiques », inséparables des processus de
création du droit et qui impliquent un acte de « volonté » ; les secondes sont des
interprétations « non authentiques », dépourvues de force obligatoire et qui relèvent
exclusivement de l’ordre de la connaissance »108.

C’est le praticien du droit, institutionnalisé, pourvu de la marque publique et titulaire de


l’impérium qui pourra transformer cette substance doctrinale proposée en règle de droit. Ils
devront trier et collecter les matières doctrinales utiles à la confection de leurs actes juridiques.
Dans cette perspective, la présence des courants doctrinaux opposés pourra pousser la juridiction
chercheuse de solution à se prononcer sur l’un d’eux, à trancher, et parfois à manifester un
revirement juridictionnel. Tout dépendra des nouveaux arguments produits.

Dans cette logique, la doctrine s’emploie souvent à produire des arguments qui ont pour
objectif de convaincre les décideurs. Elle s’acharne parfois à mettre en exergue certaines
anomalies. Ceci pendant des années et à travers de nombreux travaux (mémoires, thèses, articles,
ouvrages divers…). A cet effet, en parlant de l’immunité d’exécution, un auteur relève que le
récent revirement jurisprudentiel de la CCJA OHADA a été influencé par de nombreuses
critiques doctrinales. En d’autres mots :

« Curieusement, la CCJA était restée, de manière générale, sur une


jurisprudence réfractaire à une différenciation des personnes publiques devant bénéficier

108
CHEVALLIER (J), « Doctrine juridique et Science juridique », op.cit, p. 107
39
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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de l’immunité d’exécution. Indistinctement, elle extirpait ces personnes des voies


d’exécution. Cet absolutisme avait suscité de vives critiques au sein de la doctrine. C’est
certainement pour cette raison qu’elle a, récemment, opéré un revirement dans sa
jurisprudence avec la soumission des sociétés d’économie mixtes aux voies
109
d’exécution » .

Elle a donc le pouvoir de changer à long ou à court terme les comportements


institutionnels.

La recherche juridique est donc au cœur de la doctrine juridique. Elle est, même si bon
nombre de personnes le contestent, une partie de la science juridique, un travail intellectuel
engagé dans la description subjective, l’interprétation et la création indirecte du droit. Elle se veut
malgré les critiques une étude scientifique et méthodique.

D- Méthodologie

La méthodologie apparait comme tout un ensemble de méthodes et techniques qui


guident une recherche scientifique ou un exposé doctrinal. Elle vient en effet des vocables grecs :
métà (après, qui suit), odò (chemin, voie, moyen) et logos (étude). Elle met en exergue en partie,
les procédures de recherche qui permettra d’atteindre un ou plusieurs objectifs. Il convient ici de
préciser le modèle méthodologique (A) qui sera adopté avant de décrire les méthodes, les
techniques et les objectifs qui guideront la présente analyse (B).

A- Modèles méthodologiques phares

En 1971, un philosophe Canadien a publié un article intitulé « l’interprétation et les


sciences de l’homme »110. A travers ce travail épistémologique, l’auteur a démontré que les
sciences humaines et sociales reposent sur deux modèles méthodologiques, l’empirisme logique
qu’il conviendra de décrire ici (1) et l’herméneutique. Celui-ci sera utilisé dans le cadre de cette
étude car la tâche du juriste est d’interpréter les ombres à la lumière du Droit consacré pour
influencer les comportements institutionnels incongrus vers un sens favorable à la justice (2).

109
NIANG (B-L) « L’immunité d’exécution à la lumière de la jurisprudence de la Cours Commune de Justice et
d’Arbitrage de l’ OHADA», in RAMReS, Numéro spécial Avril 2019, p. 126
110
Voir CUMYN (M) et SAMSON (M), « La méthodologie juridique en quête d'identité », in Revue
interdisciplinaire d'études juridiques, 2013/2 Vol. 71, p. 3
40
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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1- L’empirisme- logique

Il convient d’observer que l’empirisme logique a suscité l’émergence d’un positivisme


juridique que l’on peut qualifier de neutre. Celui-ci évoluant en même temps que la méthode de
l’exégèse des textes a suscité de vives critiques et favorisé le développement d’une interprétation
plus engagée des textes. Sous cet angle de vu, il sera nécessaire de décrire le positivisme
juridique neutre.

a) Le positivisme juridique neutre : Une convergence du l’interprétation des textes vers


le paradigme du positivisme scientifique

En fait, si l’on en croit Michelle CUMYN et Mélanie SAMSON, l’empirisme logique


découle du positivisme scientifique. C’est un modèle méthodologique qui postule que les seules
connaissances valides sont empiriques. Elles découlent d’une observation objective du réel.

Une telle observation suppose une certaine neutralité du chercheur. Celui-ci ne doit pas
apposer à son étude ses convictions personnelles. L’objet analysé doit exister indépendamment
de l’observateur. Il est là aux yeux de tous et ne diffère pas d’une personne à l’autre. Il peut être
repéré par tous et les lois dégagées par le chercheur peuvent être vérifiées par tous. Dans cette
logique, la connaissance véritable découle du traitement d’une ou plusieurs données brutes. Et la
donnée brute « peut être définie comme « une unité d’information qui n’est pas l’effectuation
d’un jugement, qui ne contient par définition aucun élément de lecture ou d’interprétation », et «
dont la validité ne peut être mise en question en proposant une autre lecture ou une autre
interprétation »111.

Aussi, la méthodologie du Droit, séduite par cette vision du positivisme scientifique a subi
l’attraction de ce nouveau paradigme. Il s’agissait de s’adapter aux changements du modèle de
pensée d’alors. En effet, la croyance à la toute puissance de la science était la logique qui
s’imposait à cette époque, comme une mode à laquelle tout le monde voulait adhérer. Le rejet des
idées théologiques et métaphysiques battait son plein. La recherche devait désormais tourner le
dos aux paradigmes rejetés et se consacrer au positivisme. Aussi, à la suite de Charles TAYLOR
des auteurs tels Hans KELSEN ont essayé d’entrainer la recherche des juristes vers un
positivisme juridique qu’on qualifiera également de théorie du Droit positif. Celle-ci sera

111
Ibid. p. 4
41
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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considérée comme le seul model de recherche valable. A cet effet, un auteur a remarqué : « Le
positivisme juridique est la théorie du Droit positif conçu comme le seul vrai droit, insusceptible
par conséquent d’être combattu au nom d’un autre droit, serait – il seul juste »112.

Le positivisme juridique (neutre) dans ce contexte avait deux objets d’étude, le droit
appliqué et le droit posé. Le chercheur en droit avait donc deux objets d’observation et pouvait
prétendre à une étude proche du positivisme scientifique. L’observateur devait être neutre et
poser des principes observables vérifiables par tous. Dans ce contexte, le juriste devait se
contenter d’expliquer le droit conçu par certaines institutions et appliqué par d’autres113. Sa
neutralité lui interdisait de dénoncer à la lumière de la morale, les déviances, les incongruités et
tous les autres débordements qui pouvaient se manifester. Ils étaient tous considérés comme des
épiphénomènes. A cet effet, Christian ATIAS précise :

« La fraude, fiscale ou autre, l’indiscipline, l’inexécution des décisions de


justice, les « jurisprudences » de juges du fond peu soucieux de la hiérarchie des
juridictions et de l’unité que le juge du droit devrait tendre à instaurer, sont considérées
comme des épiphénomènes, des anecdotes (…) L’irréalisme positiviste consiste à faire
comme s’il suffisait de l’intervention du législateur pour que disparaisse l’arbitraire et le
pouvoir de la volonté du juge qui se contentait d’appliquer la loi. Le positiviste ne se
préoccupe pas de savoir si les juges se soumettent effectivement aux dispositions légales,
114
au point de rendre indifférent leurs convictions et intuitions personnelles (…) » .

b) Le positivisme juridique neutre : Une convergence de l’interprète vers


l’indifférence et le désengagement moral

C’est à croire que le positivisme juridique neutre, d’une part prêchait une sorte de
fétichisme légaliste et d’autre part interdisait le recours aux sources matérielles du droit et par
ricochet à la morale. A cet effet on peut évoquer ces propos illustrateurs d’un auteur :

« (…) en tant que théorie du droit, le positivisme postule qu’il n’existe pas de
rapports nécessaires entre le droit et la morale ou entre le droit tel qu’il est et le droit tel
qu’il devrait être. Plus précisément, la validité d’une règle de droit ne dépend pas de sa
compatibilité avec la morale ou la religion, mais uniquement de sa conformité aux règles

112
ATIAS (ch) « Philosophie du Droit » in Droit Privé, THÉMIS, PUF, p. 43
113
Ibid. p. 44
114
Ibid. pp. 44- 45
42
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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qui désignent les sources formelles du droit dans un système juridique donné. La théorie
115
du positivisme juridique s’oppose ainsi à l’École du droit naturel » .

Le positivisme juridique neutre encourageait donc une sorte de déshumanisation et de


désengagement du juriste. Celui-ci, dans son analyse du droit posé et du droit observé devait se
contenter d’avancer sur le chemin du droit sans égard pour les notions de morale qui n’étaient pas
à ses yeux scientifiques et qui étaient de nature à ternir sa neutralité. Aussi :

« Les deux positivismes- celui du droit observé, celui du droit posé- ont en
commun de chercher à distinguer droit et science du droit, d’éliminer toute référence à
116
l’être et au devoir – être et toute relation nécessaire entre droit et morale »

Pourtant comme l’affirmait SOPHOCLE à travers sa tragédie intitulée Antigone, il existe


une justice, un droit transcendantal, un corps de règles qui se trouve au dessus du Droit positif. Le
juriste se doit de le défendre. Même si le Droit et la morale sont des concepts différents, il
demeure que le premier a pour objectif de consacrer et de faire respecter une partie de la
deuxième (l’équité). Celle-ci peut d’ailleurs être considérée comme une source matérielle du
Droit. Le droit en effet qui ne protège pas certains principes moraux est un droit qu’on peut
qualifier d’injuste. A cet effet, on peut évoquer le concept moral de justice corrective ou
commutative développé par Aristote. Selon le philosophe, la justice commutative, règle les
rapports entre les personnes, notamment dans les contrats, sur la base d’une égalité pratiquement
arithmétique. Dans cette logique en cas de contentieux contractuel, la réparation du dommage
doit correspondre au préjudice subi. En d’autres mots, comme dans un échange commercial, on
doit donner au fautif une sanction qui pourra correspondre à la douleur causée à sa victime et
rétablir l’équilibre brisé.

En fait, on peut penser que le Droit tout entier rentre dans la morale puisqu’il est
sanctionné par elle117. Ceci malgré une sorte d’antinomie qu’on observe parfois entre les deux.
On doit donc reconnaitre ici que le positivisme juridique neutre, celui qui est considéré comme
scientifique est une chimère, il n’existe pas. Ceci parce que, à cause de la dimension morale, de la
nature métaphysique que possède la matière juridique, le chercheur ne peut s’empêcher d’imbiber
ses préjugés et présomptions dans l’étude effectuée. Une observation neutre de la substance

115
CUMYN (M) et SAMSON (M), « La méthodologie juridique en quête d'identité », Op. cit. p.7
116
ATIAS (ch) « Philosophie du Droit » Op. cit. p. 45
117
La critique de l’observateur. Voir, PIAGET (J), Les études sociologiques, Genève, Librairie Droz, 1965, p. 178
43
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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juridique « ne tend ni à l’exhaustivité, ni à la neutralité. Elle repose sur des sélections et sur des
présomptions ; elle construit son objet »118. En effet comme le pense une franche de la doctrine :

« (…) le positivisme juridique est autonome du positivisme scientifique : ce serait


même une erreur de les confondre ou de les rapprocher. Les lois de la nature auxquelles
s’intéresse le positivisme scientifique n’ont rien à voir avec les règles de droit qu’étudie
le positivisme juridique. Les premières décrivent des relations constantes entre des
phénomènes, tandis que les secondes désignent des normes de conduite qui sont le fruit de
la volonté humaine et dont le respect dépend de cette même volonté, ce qui exclut tout
déterminisme. Les sciences positives sont descriptives, mais les théories du droit
positivistes sont à la recherche d’une autre sorte de vérité : celle qui permet de vérifier la
validité d’une norme ou d’une décision juridique »119

Or, le critère de validité de la norme est soit une norme supérieure, soit l’équité. Aussi, il est
important que l’interprète des actes juridiques ne se contente pas de la loi et des textes
préparatoires. Il doit également s’intéresser à d’autres normes et surtout aux sources matérielles
du Droit. C’est cette liberté d’analyse qui lui permet d’opter pour le positivisme juridique engagé.

Si la justice positive se veut aveugle, le chercheur en Droit veut être ses yeux et sa
conscience. En effet, la quête du Droit est la justice et le chercheur en Droit se préoccupe de
l’atteinte à celle-ci. La justice est la vertu par laquelle on rend à chacun ce à quoi il a droit. Son
inexistence peut avoir un impact sur le comportement des entités privées et des entités publiques.
Elle peut également engendrer le sentiment d’injustice. Aussi, en parlant de l’immunité
d’exécution un auteur a affirmé :

« L’inexécution d’une décision de justice génère pour la partie qui l’a emporté,
un sentiment d’injustice d’autant plus exacerbée qu’elle n’aura parfois obtenue cette
120
décision qu’à la suite d’un procès long et onéreux »

Le chercheur en droit ne peut donc être neutre comme le positiviste scientifique. Il doit
veiller à ce que le Droit soit conforme à lui-même et à la morale. En effet, la consécration d’une
« non-conformité juridique » ou d’une règle « non équitable » peut engendrer le sentiment
d’injustice dont parlait le Professeur HUGON. On peut illustrer ces propos en évoquant la non-

118
ATIAS (ch) « Philosophie du Droit », op. cit. p. 44
119
CUMYN (M) et SAMSON (M), « La méthodologie juridique en quête d'identité », op. Cit. p. 8
120
HUGON (C), « L’exécution des décisions de justice », in Libertés et droits fondamentaux, 7è éd. Dalloz 2001, N°
785, p. 612.
44
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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conformité du Droit communautaire OHADA à la coutume internationale sur les immunités.


Ceci, même si l’ordre juridique communautaire est considéré comme un ordre différent de l’ordre
international. Dans cette logique, le régime des immunités restreintes semble très proche du
concept moral de la justice commutative. En effet, si l’on admet que le déséquilibre causé par le
non respect des clauses doit être réparé, on doit également reconnaitre que « ce qui est repris à
celui qui a causé le dommage et qui est rendu à celui qui l’a subi rétablit l’équilibre »121. Le
régime des immunités absolues quant à lui apparait comme éloigné des concepts de l’équité et de
la justice

2- L’herméneutique du Droit associé au constructivisme juridique

De manière classique, l’herméneutique se définit comme « l’art d’interpréter correctement


les textes ». Il est très proche de l’exégèse des lois. Seulement, tandis que le premier admet toutes
les sources du droit comme outils d’interprétation, le second ne considère que la loi et les textes
préparatoires. L’herméneutique du Droit se distingue donc de l’exégèse de la loi (a). Il connait
deux aspects qui se sont manifestés successivement au fil du temps (b).

a) L’herméneutique du Droit et l’exégèse de la loi

Pour les exégètes, la loi est la seule source du Droit valable et susceptible d’interprétation.
Ils le croient depuis le code civil de 1804. Dans cette logique, en dehors de la norme étatique,
aucune autre n’est vraiment valable et susceptible d’aider le juriste dans sa tâche d’interprète.
C’est cette vision monolithique du raisonnement juridique qui poussera d’ailleurs François
GENY à développer une théorie des sources du Droit. Cette théorie a pour objet la
conceptualisation des sources du droit, de leur agencement et de leurs interactions122. Même si
l’auteur n’a pas contesté la primauté de la loi, il a tout de même admis que cette norme « ne peut
en aucun cas être la source unique du droit, tant elle est incapable d’embrasser la complexité du
monde social »123. A ses yeux, d’autres sources du droit sont nécessaires pour « suppléer aux
défaillances inévitables, à la lenteur, au manque de souplesse et de plasticité de l’action
121
BILLAUDOT (B), Justice distributive et justice commutative dans la société moderne, Journées de l’Association
Charles Gide « Justice et économie: doctrines anciennes et nouvelles théories », Université Toulouse 1 Capitole, Juin
2011, Toulouse, version téléchargée à https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00644799, consulté le 26 mai 2020,
p. 3
122
Voir LEHOT (M), « Propositions pour une rénovation de la théorie générale des sources du droit », in Revue de
recherche juridique, droit prospectif, vol. 28, 2003, n° 4, p. 2335-2365, p. 2338
123
Voir CHAZAL (J-P), « Léon Duguit et François Gény, Controverse sur la rénovation de la science juridique », in
Revue interdisciplinaire d’études juridiques, vol. 65, 2010, p. 85-134, p. 93.
45
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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purement législative »124. Même si l’auteur dénonce un « fétichisme de la loi écrite et codifiée
»125, il demeure que la théorie des sources qu’il propose s’inscrit précisément dans une logique
légaliste. Les sources matérielles du droit ne jouent sous cet angle de vu qu’un rôle subsidiaire.
D’ailleurs, pour cet acteur, le recours à la libre recherche scientifique proposé ne saurait
supplanter les sources formelles du Droit. Ce legiscentrisme n’est pas vraiment au cœur de
l’herméneutique du Droit.

b) Les aspects de l’herméneutique du Droit : L’interprétativisme et le constructivisme

En effet, ce modèle méthodologique attribue le statut de « sources du droit » à l’ensemble


des données qui sont à l’origine du droit et qui contribuent à sa construction. Il ne s’agit pas dans
cette perspective d’ignorer la distinction qui est faite entre les sources formelles et matérielles du
droit, mais de reconnaître le rôle et l’apport de chacune d’elles126.

Par ailleurs, si dans la logique exégétique l’interprète doit être neutre l’on peut admettre
dans la recherche herméneutique, l’introduction de l’opinion de l’interprète. Le raisonnement
juridique ne peut pas être dépourvu de l’empreinte de l’interprète car celui-ci a sa sensibilité, son
expérience, sa façon d’appréhender les choses et son époque. Il ne peut être neutre comme
l’exégète et ne peut prétendre illustrer les intentions du législateur ou de l’auteur, qui parfois
appartient à une époque révolue. Dans cette logique, DILTHEY, à travers ses travaux a constaté
l’existence de cette difficulté d’évacuer le subjectivisme inhérent au travail de l’interprète. Celui-
ci doit faire sortir du texte ce que l’auteur n’a pas dit de manière explicite ou intentionnelle. Or,
« cet exercice peut difficilement prétendre à l’objectivité puisque l’interprète est lui-même le
reflet de sa propre histoire »127 et « l’interprète est tout aussi « lié à son temps par ses
‘’préjugés’’, par sa conception du monde »128. En d’autres termes, « [l]’interprète apporte avec
[lui] un ensemble de préconceptions (…) qui interviennent nécessairement dans son analyse »129.

En fait, l’herméneutique selon Michelle CUMYN et Mélanie SAMSON est née des
faiblesses du positivisme et a connu deux virages : Le premier que l’on peut qualifier
124
GENY (F), Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif : essai critique, 2e éd., t. 1, Paris, LGDJ,
1954, p. 256.
125
GENY (F), Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif : essai critique, 2e éd., t. 2, Paris, LGDJ,
1954, p. 49
126
CUMYN (M) et SAMSON (M), « La méthodologie juridique en quête d'identité », op. Cit. p. 28
127
Ibid. p. 14
128
Idem
129
Idem
46
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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d’interprétativiste et deuxième que l’on considère comme étant constructiviste. En d’autres mots,
« C’est en réaction à ces faiblesses du modèle positiviste que les théories de l’interprétation des
lois ont connu un virage herméneutique, d’abord interprétativiste puis constructiviste »130.

Dans sa phase interprétativiste, l’herméneutique considérait que la règle légale ne pouvait


pas être analysée uniquement sur la base de son texte et de son contexte d’énonciation. Dans
cette logique, l’interprète devait chercher la logique du législateur en prenant en compte les
réalités de son époque. Il devait en d’autres termes prendre en compte les sources matérielles du
Droit. Par ailleurs, il pouvait imbiber son interprétation de ses convictions personnelles car :

« Si l’interprétation d’une loi dépend du contexte historique, social, politique,


économique et philosophique, elle dépend aussi forcément de la façon dont l’interprète perçoit
ces contextes. Autrement dit, le résultat de l’interprétation dépend nécessairement « de la
vision du monde de l’interprète »131

Cependant, l’interprète ne pouvait profiter de son analyse du Droit posé ou appliqué pour
créer des règles juridiques nouvelles. Il devait se comporter si l’on en croit DWORKING comme
un romancier qui se trouve dans une chaine et qui a la charge de continuer la rédaction d’un
chapitre écrit par un autre. Aussi, le romancier à la chaîne, malgré la liberté dont il dispose devra
s’atteler à maintenir une certaine cohérence entre le travail de son prédécesseur et le sien132. Il
devra en d’autres mots respecter l’intention du législateur qui est en réalité le premier rédacteur.
Par ailleurs, à travers son étude, le juriste devra prendre en compte l’ensemble des propositions et
croyances jugées vraies ou valables à un moment donné et qui, selon lui, pourront permettre de
comprendre et d’expliquer la norme interprétée.

Dans sa phase constructiviste, l’herméneutique du Droit ne prétendait plus que la mission


de l’interprète se cantonnait à la recherche et à la contextualisation de l’intention du législateur.
Le commentateur pouvait en effet construire une norme susceptible de résoudre un problème
posé.

130
Ibid. p. 38
131
Idem
132
Voir à cet effet DWORKIN (R), L’Empire du droit, trad. par É. SOUBRENIE, Paris, PUF, 1994, p. 251
47
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

Dans le cadre de la présente étude, l’herméneutique du Droit associé au constructivisme


sera le modèle méthodologique adopté. Qui dit modèle méthodologique dit méthodes et
techniques

B- Les méthodes et techniques adoptées

En fait malgré la liberté que le constructivisme juridique suppose dans l’interprétation du


Droit, ce mode de raisonnement juridique n’exclu pas la contrainte ou l’obligation de justifier les
propos énoncés. Le constructiviste est un juriste. Il doit par conséquent accorder une priorité aux
sources formelles du Droit. Dans cette logique, les sources matérielles ont pour but de renforcer
ou de justifier l’argumentation de l’interprète. Celui-ci ne doit pas se défaire des méthodes (a)
admises en Droit au risque de se retrouver dans un autre domaine de réflexion. De même, la
technique de recherche doit refléter la réalisation d’un travail juridique (b).

1- Les méthodes de recherche

Pour MUKUNA MATANDA et TSHIPANA, la méthode peut être appréhendée comme


« un ensemble de démarches rigoureuses, raisonnées que suit l’esprit afin de mieux observer
scientifiquement par le canal de sens humain, la raison, la sagesse ou par l’instruction en vue de
recouvrir la vérité des apparences et prédire une loi universelle »133. Elle a pour vocation de
dicter de façon concrète « la manière d’envisager ou d’organiser la recherche, mais ceci de
façon plus ou moins précise, complète et systématique »134. Dans le cadre de la présente étude,
tout en gardant une logique réaliste et constructiviste, on s’appesantira sur la casuistique, la
dogmatique (a), le droit comparé et la libre recherche scientifique (b).

a) La casuistique et la dogmatique

En Droit, la méthode inclus le plus souvent la dogmatique et la casuistique. La


dogmatique dans cette logique apparait comme une méthode qui consiste à analyser les textes en
vue de les interpréter et de les expliquer. Il s’agit en d’autres termes d’une étude savante et
raisonnée des lois établies et codifiées. Pour ce qui est de la casuistique, elle peut être
appréhendée comme une étude du Droit à travers l’analyse des cas et décisions de justice. Il
convient de préciser que les méthodes sus évoquées ne sont pas incompatibles avec le modèle
133
MUKUNA MATANDA et TSHIPANA, Méthode de recherche scientifique de rédaction et d’évaluation d’un
travail de fin d’étude, 2ème éd., Presse de FUNA, Kinshasa, 2005, pp. 81- 82
134
GRAWITZ (M), Méthode en science sociale, Paris, Dalloz, 2001, p. 301
48
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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méthodologique ou épistémologique adopté. Le constructivisme juridique ne s’oppose ni à la


dogmatique, ni à la casuistique et encore moins à la dialectique. Cependant, le dialogue avec ces
méthodes, ne se réalise pas dans les carcans de l’exégèse. En effet, si le souci de l’exégète est
d’interpréter la loi dans le respect d’une sorte de fidélité à la logique de l’auteur, la préoccupation
du constructiviste est de résoudre un problème qui se pose. Il ne le fait pas dans une totale liberté
car il a besoin de prendre appui sur des opinions, des lois et des cas divers. Le constructiviste
élabore un raisonnement juridique qui se veut cohérant, issu d’une sorte de synthèse des
documents. Il ne rechigne pas à chercher la volonté du législateur mais ne fait pas de cette
recherche la priorité de son travail. En outre :

« (…) reconnaître que l’interprète de la loi est le véritable auteur de la norme ne le libère
pas de l’obligation de justifier l’interprétation retenue; cela le contraint plutôt à le faire sans
prendre appui sur une prétendue intention du législateur. C’est ainsi que toutes les considérations
traditionnellement mobilisées par l’interprète en vue de découvrir l’intention du législateur
demeurent utiles pour construire une norme qui suscitera l’adhésion des différents auditoires à
135
qui elle s’adresse »

b) Le Droit comparé et la méthode constructiviste


Le droit comparé est généralement appréhendé comme une branche de la recherche juridique.
Une discipline particulière qui a pour vocation de comparer les différentes législations ou cultures
juridiques. Pour l’exprimer, Boris BARRAUD a affirmé à travers un article :

« Le doit comparé ou comparatisme juridique est la science de la comparaison des droits


et, plus largement, la science étudiant les droits étrangers. Si différentes branches du droit interne
pourraient être comparées (par exemple, droit des contrats privés et droit des contrats publics), le
droit comparé consiste traditionnellement à comparer des droits issus de différentes cultures
juridiques ou, du moins, de différents États »136.

Il se trouve cependant qu’une méthode particulière de droit comparé est utilisée par bon
nombre d’auteurs dans d’autres branches de la recherche juridique en vue d’analyser certaines
situations. Cette méthode est parfois divisée en deux parties, avec d’une part la micro
comparaison et d’autres part la macro comparaison. C’est peut être cette réalité qu’a voulu
exprimer Bruno DE LOYNES DE FUMICHON en ces termes :

135
CUMYN (M) et SAMSON (M), « La méthodologie juridique en quête d'identité », op. Cit. p.40
136
BARRAUD (B), « Le droit comparé », in La recherche juridique (les branches de la recherche juridique),
L’Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2016, (manuscrit de l’auteur cédé aux éditions l’Harmattan), p. 2
49
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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« L'un des fondateurs du droit comparé moderne, Edouard Lambert (1866-1947),


professeur à la faculté de droit de Lyon, disait que l'expression «droit comparé» est
«amphibologique», qu'elle est équivoque, qu'elle a un double sens. En effet, le droit comparé a
deux objets qui sont, il est vrai, étroitement liés: l'étude des droits étrangers, d'une part, la
137
comparaison des droits, d'autre part » .

Dans cette logique, la macro comparaison peut être perçu comme l’étude des droits étrangers
tandis que la micro comparaison peut être perçue comme la comparaison des Droits. L’une se
déploie à l’échelle macro juridique tandis que l’autre s’exprime à l’échelle micro juridique.

La présente étude va s’employer à comparer la mécanique de l’immunité d’exécution dans


deux systèmes juridiques, le système du Droit communautaire OHADA et celui du Droit
international.

Par ailleurs, la méthode constructiviste, celle qui découle du constructivisme juridique sera
employée dans le discours argumentatif. Elle est en effet la méthode propre à la réalité
épistémologique et technique du Droit. Ceci parce que le Droit est une science qui ne consacre
pas son étude à la nature mais à un monde surnaturel ou plus exactement idéel.

Le réalisme scandinave l’a souligné, décrié et a profité de l’occasion pour contester la


validité de ses connaissances ainsi que sa scientificité. Un auteur le rapporte en ces termes :

« Pour les réalistes scandinaves, la rigueur du langage scientifique recommande l’usage


d’expressions linguistiques pourvues d’une référence à la réalité, or les expressions juridiques les
plus fondamentales semblent en être dépourvues. Leur réduction empiriste de la connaissance
(seule la connaissance empirique est une véritable connaissance) et leur conception
référentialiste de la signification (la signification d’une expression linguistique est déterminée
par sa référence empirique) les ont conduits à mener l’anti cognitivisme juridique jusqu’à son
extrémité : Les expressions juridiques sont vides de sens et ne dénotent que des pseudo-
concepts »138.

L’un de ces réalistes, HÄGERSTRÖM, ayant constaté la dérive du Droit vers la


métaphysique juridique a même pris la peine de remonter au Droit romain pour comprendre

137
DE LOYNES DE FUMICHON (B), « INTRODUCTION AU DROIT COMPARE », in Journal de Droit
Compare Du Pacifique, Volume II (2013), Collection 'Ex Professo', p.1
138
ARISTOMENIS KANELLOPOULOS, La confusion du droit et de la « science du droit » : étude critique
d’épistémologie juridique, Thèse pour le doctorat en droit public, 2018, Aix-Marseille Université, Ecole Doctorale
Sciences Juridiques et Politiques, Faculté de Droit et de Science Politique d’Aix-en-Provence, p. 31
50
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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comment cela est arrivé, l’expliquer et renforcer la thèse de l’anti cognitivisme consacrée aux
productions de la matière. En d’autres mots :

« C’est surtout avec sa thèse historique sur l’origine magique des idées de devoir et de
droit subjectif que HÄGERSTRÖM marque les esprits. Estimant que la nature métaphysique de
ces pseudo concepts a forcément dû, à un moment donné, correspondre à une vision du monde,
qu’elle a su être cohérente avec d’autres croyances en vertu desquelles l’existence réelle de droits
et d’obligations pouvait [être] présentée comme acceptable, il remonte jusqu’au droit romain pour
139
comprendre comment de telles idées ont pu [être] instaurées » .

Ce qu’il a découvert à travers son investigation c’est que les concepts juridiques établis
traduisaient en fait des pratiques mystiques, une sorte de magie institutionnalisée :

« Hägerström affirme que, de la perspective romaine, le droit de propriété est un pouvoir


mystique sur l’esprit inhérent à l’objet. Ce pouvoir est créé, puis transféré par des actes
magiques. Une obligation était un lien mystique, créé de la même manière »140.

Pourtant, à la réalité, la matière juridique est d’abord un phénomène abstrait : le Droit


posé. Par la suite, même s’il demeure dans l’abstraction, grâce à diverses institutions et quelques
mécanismes il devient concret. Il se mélange avec la nature, la réalité et se transforme en Droit
appliqué. Ce processus est logique.

Aussi, on peut distinguer les abstractions positivées, juridicisées ou posées, les


abstractions non positivées et les abstractions concrétisées, appliquées ou subies. Les abstractions
positivées sont celles qui ont été introduites dans un contenant du Droit. Les abstractions non
positivées quant à elles apparaissent comme celles qui n’ont qu’une existence métajuridique. Ceci
même si elles sont introduites, crées ou proposées dans la doctrine par un ou plusieurs auteurs. En
ce qui concerne les abstractions concrétisées, elles apparaissent comme celle qui connaissent une
réalisation dans le réel et qui affectent soit le comportement ou les activités des personnes, soit
les biens détenus par ces dernières.

Il convient ici de remarquer que le droit posé est une réalité de la société. Sa
transformation en Droit appliqué fait de lui un phénomène social subi, qui l’extirpe de l’abstrait.
Dans cette logique, l’immunité d’exécution est une idée positivée ou juridicisée, un fait social

139
Ibid. p. 39
140
OLIVECRONA (K), « The Legal Theories of Axel Hägerström and Vilhelm Lundstedt », in Scandinavian Studies
in Law, vol. 3, 1959,p. 39
51
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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prescrit, lorsqu’elle est consignée dans un texte et débattue dans la doctrine. Elle devient un fait
social, subi ou concrétisé lorsque le créancier de la décision du juge, public ou privé réclame son
dû. Sous cet angle d’analyse, le fait social subit peut être distingué du fait social prescrit.

Le Droit normatif ou posé est donc un fait social prescrit, intelligible, lorsqu’il n’est pas
encore appliqué. C’est une description des règles à respecter, des comportements tolérés par la
loi, de ceux qui sont interdits et des sanctions qui peuvent découler de leurs violations. Ce sont
des propositions normatives, des énoncés considérés comme vrai. En d’autres mots :

« On peut convenir, avec l’opinion la plus répandue sur la question, que la description du
droit en vigueur consiste dans des propositions normatives. « Propositions », c’est-à-dire des
141
énoncés doués de valeurs de vérité. « Normatives », c’est-à-dire concernant des normes »

Sous cet angle d’analyse, l’abstrait ne demeure pas dans l’abstrait. Il devient une réalité
sociale, un fait par son introduction dans le contenant du Droit et acquiert une existence dans le
système juridique et la société :

« L’« existence » juridique d’une norme n’est rien d’autre que son appartenance à un
système normatif. Les propositions normatives sont donc des énoncés qui affirment l’appartenance
des normes (en vigueur) à des systèmes normatifs : « La norme N appartient au système
juridiques S» (…) Du point de vue pragmatique, les propositions normatives – bien que ce ne soit
pas là leur forme logique – peuvent être comprises comme des propositions sur des futurs
contingents : des prévisions à propos de l’application future des normes auxquelles elles se
réfèrent. Pour cette raison, il est permis de soutenir qu’il s’agit, après tout, non pas de
propositions sur les normes – malgré les apparences – mais de propositions ordinaires sur les
faits »142.

Le fait intelligible et le fait perceptible sont des faits sociaux. C’est pour cette raison qu’on
peut convenir avec Ricardo GASTINI que le droit n’est pas seulement un ensemble d’entités
abstraites (telles que les normes, les valeurs, les obligations, les droits, ou n’importe quelle chose
de ce genre), mais il s’agit également d’un ensemble « de faits sociaux d’un certain type »143.

141
GUASTINI (R), « Le réalisme juridique redéfini » in Revue : Journal for Constitutional Theory and Philosophy
of Law, 19 | 2013, Version électronique, consultée dans le site : http://journals.openedition.org/revus/2511, le 16
Août 2020, p. 128
142
Ibid. pp. 128 - 129
143
Ibid. p. 118
52
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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Le Droit discipline144 étudie donc des faits sociaux. Même si sa description de ces faits n’est
pas vraiment objective, le Droit se présente comme une science particulière parmi d’autres
sciences. Il s’agit d’une science des idées institutionnalisées, une science herméneutique imbibée
d’une grande quantité de philosophie.

En effet : « Prétendre séparer le droit de la philosophie, puis construire contre celle-ci une
théorie générale ou pure du droit, aboutit à une chimère au lieu d’une science véritable »145.

Le Droit n’est pas une science de la nature mais une science des idées, des abstractions
posées, positivées et appliquées. Il ne peut pas être une science descriptive car son contenu
appelle constamment la contradiction146. En d’autres mots la discipline juridique « ne peut se
contenter de décrire les aspects formels et non problématiques de l’objet qu’elle se propose
d’étudier, car la substance de celui-ci est aporétique »147. Dans cette perspective, l’interprétation
de la loi ou de l’acte uniforme expose à la critique et au débat. Et qui dit débat dit subjectivisme
car l’échange contradictoire, la critique impliquent souvent des points de vus différents, l’absence
d’unanimité totale. Par ailleurs, le Droit est une matière axiologique, c'est-à-dire liée à la morale,
et qui dit morale dit subjectivisme car ce qui est moral dans un Etat ne l’est pas toujours dans un
autre.

Si le droit discipline n’est pas une science descriptive ou du moins ne propose pas une
description que l’on peut érigée en vérité universelle, il apparait comme une science
interprétative, explicative et créatrice. Raison pour laquelle les connaissances qu’elle propose ne
sont pas toujours des réalités de la nature, mais des réalités intelligibles ou mytho- logiques148. En
effet :

« La recherche de lois explicatives du fonctionnement des phénomènes tant naturels que


sociaux, la volonté d’approcher l’essence même de la réalité sont dépassées au profit d’une
attention plus marquée à la construction de la connaissance (…) le primat est désormais accordé à
l’interaction entre l’objet et le sujet et aux modalités d’élaboration des connaissances par le

144
On peut distinguer le Droit discipline du Droit corps de règles. Le premier est la matière qui étudie le second. Ce
dernier est le Droit objectif.
145
CHAZAL (J-P), « Philosophie du droit et théorie du droit, ou l’illusion scientifique » in Archives de philosophie
du droit, T.45, 2001, p. 217
146
Même le Droit appliqué peut susciter la critique
147
Ibid. p. 231
148
Voir LENOBLE (J) et OST (F), Droit, mythe et raison, téléchargé et consulté sur le site :
53
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

chercheur. Ainsi, les conditions et les processus d’émergence de la réalité observée, plus que son
149
statut de « vérité », apparaissent fondamentaux.» .

Pour certains auteurs parmi lesquels figure Herbert SIMON, le pouvoir de


construction des connaissances rapproche les disciplines qui en bénéficient « de
l’ingénierie, en ce qu’elle est science de conception plus que science d’analyse »150. Le
Droit cependant, même s’il crée la connaissance à travers la doctrine s’emploie à analyser
et à expliquer les concepts qu’il contient. Dans ce contexte la fiction juridique apparait
comme une clé qui ouvre les portes de la connaissance dès le moment où elle est en
adéquation avec la réalité interprétée. En d’autres mots :

« Pour appréhender le critère d’adéquation, il convient de revenir au statut de la


connaissance. Cette dernière n’est pas une représentation unique du monde réel ; elle doit être
comprise comme une clé qui ouvre des voies possibles de compréhension. Autrement dit, une
connaissance est « adéquate » si elle suffit, à un moment donné, à expliquer ou à maîtriser
suffisamment finement une situation. Le degré d’adéquation reste à l’appréciation du chercheur,
seul véritable expert sur le terrain »151.

Au fond, la distinction faite entre science et non science est puérile car l’essentiel
se trouve dans l’analyse, l’interprétation ou l’explication d’un objet en vue de résoudre les
problèmes qui se posent. La science ne vise pas seulement la description, elle vise
également la réponse aux besoins exprimés ou non des Hommes. La médecine par exemple
permet de soigner les pathologies et, la recherche en médecine contribue à cet objectif.
Refuser à la deuxième le statut de science revient à marginaliser un aspect de la discipline
qui est pourtant utile à l’humanité. On doit en fait distinguer la science de la production des
connaissances, la science de la réception et de la transmission des connaissances. Par
ailleurs, on doit se rendre compte que la science, qu’elle soit productrice ou réceptacle des
connaissances est à la fois théorique et pratique.

Toujours dans l’optique d’une comparaison avec la médecine qui ressemble


étrangement au Droit, il y’a lieu de constater que la recherche est à l’origine de la science
médicale. Ceci parce qu’elle découvre des lois et les mets à la disposition des praticiens.

149
CHARREIRE (S) et HUAULT (I), « Le constructivisme dans la pratique de recherche : une évaluation à partir de
seize thèses de doctorat », in Finance Contrôle Stratégie – Volume 4, N° 3, septembre 2001, p. 34
150
Ibid. p. 36
151
Ibid. p. 37
54
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

De même, lorsque survient un problème sanitaire nouveau, inconnu de la science, les


chercheurs se jettent dans la quête des solutions. La recherche est donc à l’amont de la
science, dans la science et à l’aval de celle-ci. La science réceptacle se contente de
recueillir et de transmettre les connaissances produites par la recherche. Dans la même
logique, la doctrine ou science juridique productrice fabrique des connaissances qu’elle
transmet à la science juridique réceptacle. Aussi, pour connaitre la science juridique
réceptacle il faut connaitre la science juridique productrice. Seulement cette dernière est
constituée de plusieurs écoles de pensées, de plusieurs interprétations et de plusieurs avis.
La doctrine fait partie intégrante de la science.

2- Les techniques de recherche et les techniques juridiques adoptées

La présentation de la technique de recherche adoptée (a) est devenue aujourd’hui une


formalité incontournable pour les chercheurs en Droit. Cependant, il n’est pas usuel d’évoquer les
techniques juridiques qui seront employées. Cette formalité méthodologique est pourtant
nécessaire pour justifier un mode d’explication, de description et de raisonnement qui sera
employé dans le cadre de la présente étude (b).

a) La technique de recherche adoptée

Les techniques de recherche peuvent être appréhendées comme des procédés


d’investigations choisis par le chercheur en vue de réaliser une étude précise. Elles permettent en
outre au chercheur d’aller vers les sources de l’information et des données brutes, de les collecter,
de les rassembler et de les traiter. Selon MULUMA MANANGA, la technique de recherche peut
être entendue comme étant l’« ensemble des moyens et procédés qui permettent de rassembler les
informations originales sur un sujet donné »152.

On peut distinguer plusieurs techniques de recherche. Au rang de ces dernières, on peut


évoquer l’observation en situation, l’entrevue de recherche, le questionnaire, la recherche
documentaire ou analyse de contenu et l’analyse des statistiques.

L’observation en situation comme son nom l’indique est la technique de recherche qui
permet de collecter les informations par la simple observation de l’objet. On peut observer de

152
MALUMA MANANGA, Le guide des chercheurs en sciences sociales et humaines, éd. SOGEDES, Kinshasa,
2003, p. 103
55
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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deux manières, en participant à la vie des sujets étudiés ou en demeurant en retrait de leur vie.
Dans cette logique, l’observation de l’objet d’étude peut se faire de l’intérieur ou de l’extérieur.
L’entrevue de recherche est la technique qui consiste à interviewer des personnes à travers un
protocole préalablement établi. On peut interroger les personnes ciblées en groupe ou
individuellement. Le sondage quant à lui met en exergue la transmission d’un questionnaire à des
personnes que l’on qualifier de répondants en vue susciter son remplissage et de recueillir les
éléments recherchés. En ce qui concerne l’expérimentation, elle se caractérise par la
manipulation et le contrôle des variables. Pour ce qui est de la recherche documentaire ou analyse
du contenu, il convient de l’appréhender comme la technique de recherche qui consiste à prélever
les données primaires et secondaires qui se trouvent dans divers documents en vue de les
analyser, de les interpréter, de les traiter. Les données primaires ici sont celles qui n’ont pas
encore reçues l’interprétation du juge ou d’un auteur. Elles se trouvent dans les actes juridiques
des institutions communautaires, politiques, administratives et juridictionnelles. Les données
secondaires quant à elles sont celles qui ont subies soit l’interprétation du juge à travers la
motivation de sa sentence, soit l’analyse d’un auteur à travers la production d’un travail de
recherche.

L’analyse des statistiques quant à elle peut être perçue comme la technique de recherche qui
permet de traiter des données déjà quantifiées

A travers la présente étude, la principale technique de recherche qui sera utilisée est la
recherche documentaire. Elle permettra de récolter les différentes informations et données
nécessaires à l’analyse dans des documents de diverses natures. Dans cette perspective une sorte
de synthèse des documents pourra être effectuée en vue de cerner le problème posé par l’objet de
cette étude et de le résoudre.

b) Les techniques juridiques adoptées

Il convient de préciser que quelques outils d’interprétation ou d’explication pourront être


déployés : Il s’agit de la fiction juridique et du mythe.

La fiction juridique est une technique très utilisée en Droit. Selon le vocabulaire juridique de
l’association Henri Capitant, elle a deux acceptions. Elle est tout d’abord un :

56
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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« Artifice de technique juridique (en principe réservé au législateur souverain), « mensonge


de la loi » (et bienfait de celle-ci) consistant à « faire comme si », à supposer un fait contraire à la
réalité, en vue de produire un effet de droit »153.

Ensuite, elle apparait comme une idée, un concept doctrinal « imaginé en vue d’expliquer
une situation, un mécanisme »154.

A la lecture d’un article d’Anne-Marie SAVARD, on peut la concevoir comme un procédé


qui « consiste à produire un autre monde, un monde faux selon la nature mais vrai selon le
droit »155.

Dans cette logique le Droit est non seulement une matière particulière mais également un
monde, un univers particulier, façonné par les Hommes, soumis à des phénomènes et habité par
des entités diverses. C’est un espace idéel, imaginaire et fictif qui a son organisation, son
fonctionnement, un rapport avec le monde réel et une influence sur ce dernier.

Bon nombre d’auteurs en sont conscient et l’expriment à travers leurs écrits. Certains
s’opposent à cette réalité instaurée dans la logique des juristes.

Les réalistes scandinaves par exemple ont fortement critiqués le recours à la fiction
juridique à travers leurs écrits. Ils ont pris l’habitude de présenter cette technique juridique avec
des termes péjoratifs. Un auteur en fait mention et s’interroge :

« Magiques, creux, trompeurs : Les qualificatifs méprisants attribués aux concepts juridiques
par les réalistes scandinaves révèlent l’intensité de leur critique. D’où vient cette suspicion à
156
l’égard des expressions juridiques, pourtant employées sans problème par les juristes ? »

D’autres auteurs qualifiés d’utilitaristes s’opposent ouvertement au recours à la fiction dans


le raisonnement juridique. Lon L. FULLER par exemple affirme :

« Probably no lawyer would deny that judges and writers on legal topics frequently make
statements they know to be false. These statements are called “fictions” (...) A fiction is either a

153
154
155
SAVARD (A-M) « La nature des fictions juridiques au sein du nouveau mode de filiation unisexuée au Québec;
un retour aux sources ? » Les Cahiers de droit, 47 (2), p.380 consulté dans le site https://doi.org/10.7202/043889ar,
le 07/05/2020
156
ARISTOMENIS KANELLOPOULOS, La confusion du droit et de la « science du droit » : étude critique
d’épistémologie juridique, op.cit. p. 32
57
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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statement propounded with a complete or partial consciousness of its falsity, or a false statement
157
recognized as having utility »

Et, prend la peine de préciser :

« Toutes les fictions juridiques doivent pouvoir être exprimées en termes non fictionnels, ou
encore, que dans un monde où nous aurions le temps, la patience et la lucidité pour nous exprimer
158
avec la précision requise, les fictions n’existeraient pas » .

Le Professeur Frédéric ROUVIERE dans la même logique, en parlant de la métaphysique


juridique et de son caractère fantastique met en garde contre une assimilation du Droit à la
littérature. Le Droit selon elle est une matière concrète, réelle et la fiction qui l’habite ne doit pas
créer la diversion. En d’autres mots :

« Cette vision est pourtant bien caricaturale. Le droit a pour visée principale de trancher
des litiges qui portent toujours sur des situations de fait belles et bien réelles. A ce titre, ce qui est
fictionnel dans le droit seraient alors l’ensemble de ses concepts et catégories juridiques. Nul n’a
jamais rencontré une personne morale. Nul n’a jamais rencontré non plus une opposabilité (qui
n’est pourtant pas considérée comme une fiction). Autrement dit, mêmes les concepts dotés d’un
référent dans le réel peuvent être dits fictifs puisqu’il n’existe pas en soi de « contrat » pas plus
159
qu’il n’existe de « patrimoine » ou de « délit » .

A ses yeux, la fiction viole les règles juridiques de preuve et les conditions logiques de
l’application des concepts tout en prétendant les respecter. Un tel paradoxe prête à confusion et
suscite dans son article une question :

« Pourquoi alors persister dans l’usage des fictions ? En effet, la fiction étant par nature un
artifice, elle déclare cohérent ce qui ne l’est pas et, à ce titre, repose pleinement sur une
contradiction »160.

Aussi pour l’auteure le caractère totalement contradictoire du mécanisme doit conduire à


l’abandonner161.

157
https://www.researchgate.net/publication/316111835, consulté le 13/08/2020, Voir également FULLER (L.L),
Legal Fictions, Stanford, Stanford University Press, 1967 pp. 1, 2, 3 et 9.
158
MIKHAÏL XIFARAS, « Fictions juridiques: Remarques sur quelques procédés fictionnels en usage chez les
juristes », in ZINBUN, 2011, N°43, Kyoto University, p. 89
159
ROUVIÈRE (F), «Critique des fonctions et de la nature des fictions », p. 2
160
Idem
161
Idem
58
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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Force est de constater qu’un tel souhait est difficilement réalisable car la fiction est une
technique juridique utilisée depuis la Rome antique. Celle-ci a d’ailleurs mis en exergue son
apogée. En outre :

« Comme nous le rappelle Olivier CAYLA, la fiction « a connu son triomphe dans un univers
conceptuel, celui du droit romain, pourtant présenté traditionnellement comme étant celui du
naturalisme classique, c’est-à-dire réputé pour son attachement au respect du juste inscrit dans la
162
nature des choses »

A cette époque, les concepts juridiques étaient à la base d’une sorte de pratique mystique
instaurée et à laquelle les romains s’adonnaient :

« Hägerström affirme que, de la perspective romaine, le droit de propriété est un pouvoir


mystique sur l’esprit inhérent à l’objet. Ce pouvoir est créé, puis transféré par des actes
163
magiques. Une obligation était un lien mystique, créé de la même manière » .

Au fil du temps, cette sorte de dérive s’est rationnalisée au point de virer vers ce que
Jacques LENOBLE et François OST ont surnommé la mytho- logique. Ils ont affirmés :

« (…) Pourquoi parler de « dérive » mytho- logique ? Il nous a paru préférable d’évoquer le
phénomène d’inhérence du juridique à l’ordre de l’imaginaire sous forme d’une dérive, plutôt que
de le présenter comme caractéristique de l'essence ou de la nature de la rationalité juridique ».

Aujourd’hui encore malgré l’évolution de la pensée le Droit a besoin du surnaturel. Il a


besoin de se construire sur le sol de la métaphysique Juridique. Ceci tout d’abord parce que les
juristes, habitués à cette technique et à l’univers mythologique qu’elle crée ont développés une
croyance fausse164 aux idoles juridiques et un désir particulier orienté vers ces sortes d’égrégores.
En d’autres mots :

« Pour faire bref, nous dirons que la rationalité juridique nous paraît logicienne et
fantasmatique, productrice d’un discours cohérent et clôturé, non pas du fait de quelque
performance technique mais en raison de son inscription dans un univers surdéterminé par le
165
désir et la croyance, l’univers du mythe »

La fiction cependant ne vise pas seulement l’assouvissement des fantasmes intellectuels


mais préserve également la cohérence logique de la matière tout en la rendant effective. Elle
maintient une sorte d’équilibre dans les rapports sociaux en produisant, en reconnaissant et en

162
Voir SAVARD (A-M), « La nature des fictions juridiques au sein du nouveau mode de filiation unisexuée au
Québec; un retour aux sources ? » in Les Cahiers de droit, 47 (2), p. 386. https://doi.org/10.7202/043889ar, consulté
le 13/08/2020
163
OLIVECRONA (K), « The Legal Theories of Axel Hägerström and Vilhelm Lundstedt », in Scandinavian Studies
in Law, vol. 3, 1959,p. 39
164
La croyance est fausse parce que le juriste sait que l’univers de la métaphysique juridique et toutes les idoles qui
s’y trouvent n’existe pas vraiment
165
LENOBLE (J) et OST (F), Droit, mythe et raison, version électronique téléchargée dans le site :
59
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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consacrant des phénomènes invisibles. On peut en dire de même du mythe car celui-ci : « n’est ni
une légende ni une fioriture imaginative, mais bien un moyen intellectuel rigoureux pour
exprimer de façon discursive une réalité que l’on ne saisit pas directement »166. Aussi, la
métaphysique juridique est devenue un véritable pilier pour le Droit.

Par ailleurs la présente analyse penche pour l’assertion selon laquelle le mythe et la fiction
jouent le même rôle et représentent pratiquement la même réalité : L’existence d’un monde
métaphysique qui constitue le pilier central du Droit. Ces concepts renvoient à la technique
juridique, or :

« A sa manière, la technique juridique est elle aussi productrice d’une réalité sociale, constituée
d’un ensemble de représentations, qui n’est plus toujours en face de nous comme objet. Une fois
constituée, les notions juridiques (la personne juridique, la propriété, l’Etat) acquièrent réalité au
sein d’une société donnée, avec un effet de vérité aussi solide que les entités auxquelles elles se
rapportent. La personne juridique devient aussi réelle que l’être humain, la propriété que le
167
rapport d’une personne à un bien, l’Etat que l’entité politique et administrative qu’il désigne » .

Le fictif ou le mythe dans ce contexte façonne un troisième monde qui se dresse aux côtés
des mondes physiques et spirituels. Un espace idéel habité par des idoles, des entités inexistantes
dans le visible mais très actives dans l’invisible. Des idoles pour lesquelles on ne consacre ni
cultes, ni louanges, ni prières mais seulement la reconnaissance et le respect de leur existence. La
spécificité de l’idole c’est qu’elle est crée par l’homme, et c’est l’homme qui lui attribue une vie,
une autorité, et des pouvoirs auxquels il se soumet. Il fait comme si l’idole existait vraiment et
interagit avec ce dernier. La métaphysique juridique est elle-même une idole qui abrite d’autres
idoles. Et, pour la pénétrer et vivre les expériences de ce monde, il faut revêtir la nature de
l’idole. Le créateur de l’idole, l’homme dans ce contexte devient lui aussi une créature de la
même nature que sa création. L’homme devient lui-même une idole à travers sa personnalité
juridique, dès sa naissance, se développe en tant qu’idole et évolue parmi les autres idoles. C’est
là que réside l’art du Droit et la concordance de son univers irréel avec le monde réel.

Le Droit est un art comme l’avoue un auteur en ces termes :

166
p. 266
167
ENCINAS DE MUNAGORRI (R), « Qu’est-ce que la technique juridique ? » in Observations sur l’apport des
juristes au lien social Recueil Dalloz, Dalloz, 2004, Version électronique consulté dans le site :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01886331v2, le 12/08/2020, p. 6
60
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

« Je ne nie pas que l'étude et l'application du droit ne soient une activité intellectuelle rentrant en
grande partie dans l'activité « artistique », entendue comme application empirique des principes
168
connus à la solution de cas pratiques variés » .

La loi quant à elle est une abstraction, une idole que le juriste s’emploie à expliquer et à
faire appliquer. En outre :

« Je ne nie pas que l'œuvre de l'expert — le juge ou celui qui exerce une profession juridique — ne
revête pas très souvent cette caractéristique, en tant qu'elle encadre la réalité complexe du cas
dans la figure abstraite des hypothèses prévues par la loi. C'est sur celle-ci, qui n'est déjà plus
réalité, mais abstraction d'éléments considérés comme importants »169.

Dans cette logique, l’immunité d’exécution est une abstraction qui a été positivée par
plusieurs textes et concrétisée dans plusieurs affaires juridictionnelles. Au sein de l’espace
OHADA, l’immunité d’exécution est consacrée par l’article 30 (1) de l’acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées et voies d’exécution. Dans cette disposition, il est établi
que « l’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui
bénéficient d’une immunité d’exécution».

168
ROTONDI MARIO, « Technique du droit, dogmatique et droit comparé » in Revue internationale de droit
comparé, Vol. 20 N°1, Janvier-mars 1968. p 6
169
Idem
61
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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Première partie : Mise en exergue d’une


incohérence avec l’objectif affichée : La
protection des personnes publiques

Force est de constater que l’immunité d’exécution consacré par l’acte uniforme OHADA
sur les procédures simplifiées de recouvrement des créances et voies d’exécution protège
beaucoup plus les personnes publiques que les personnes privées. Ce qui ne concoure pas
vraiment à l’instauration d’une véritable sécurité juridico- judiciaire. D’où l’incohérence qui se
manifeste ici.

Ladite incohérence repose tout d’abord sur la construction d’une théorie de l’immunité
d’exécution absolue qui a mise en exergue pendant longtemps une sorte d’action que l’on peut
qualifier d’horizontale et ensuite sur un changement de comportement ou plus exactement la mise
en place d’une action verticale caractérisée par la levée partielle de cette forme d’immunité
d’exécution.

62
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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Titre 1 : Construction de l’incohérence à travers la consécration de l’immunité d’exécution


absolue
L’immunité d’exécution absolue est un vestige du passé car, si elle s’inspire du droit
français, elle se distingue de l’évolution qu’a connue son ancien colonisateur. Même si cette
évolution semble contestée par une littérature particulière, elle s’illustre tout de même à travers la
loi Sapin 2 par une sorte de convergence vers l’immunité d’exécution restreinte. Il s’agit d’une
relique de l’ancien droit français.

Chapitre 1 : Une relique de l’ancien Droit français et d’une coutume internationale

Bon nombre d’auteurs sont d’avis que le droit OHADA s’inspire largement du Droit
français.

Patrice BADJI par exemple affirme:

« (…) Même si lors de leur accession à l’indépendance certains Etats se sont engagés
dans l’instauration d’un droit qui reflète mieux les aspirations de leurs populations, il n’en
demeure pas moins qu’il existe une relation étroite entre le droit français et le droit
OHADA au point que certains auteurs pourraient être tentés de dire que le cordon ombilical
170
n’a pas été coupé, du moins, pas entièrement » .

Ceci avant d’ajouter:

« (…) Nous pouvons affirmer que les réformes législatives engagées par le législateur
OHADA sont largement inspirées du droit français. Cette situation s’explique par le fait que
généralement ce sont des professeurs français ou belges qui rédigent les avant-projets
d’actes uniformes, les professeurs africains et membres de l’OHADA intervenant lors de la
171
rédaction des rapports et l’annotation desdits actes » .

Aussi, il convient d’observer que la règle de l’immunité d’exécution absolue qui est
indéniablement une relique du passé est en réalité dans l’espace OHADA un héritage du droit
français. Il a commencé à se façonner à l’intérieur du « pays colonisateur » et a conduit à ce que
l’on peut appeler immunité d’exécution interne (paragraphe 1). Celle-ci influencée par la
coutume internationale a laissé émerger l’immunité d’exécution internationale (paragraphe 2).

170
BADJI (P), “Réflexion sur l’attractivité du droit OHADA” in Bulletin de droit économique, 2014, 2 B.D.E, p.51
171
Ibid.
63
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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Section 1 : Le développement de l’immunité d’exécution absolue sur le plan interne

L’immunité d’exécution interne s’est progressivement développé au sein de la France tout


d’abord à travers le contentieux administratif. Celui-ci se construisait dans un contexte elle s’est
introduite dans les ordres juridiques internes des Etats membres à travers le contentieux
administratif et le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires. Celui ci
rimait avec les principes d’immunité d’exécution et de juridiction (A). Cependant, il faut avouer
qu’une coutume en la matière existait déjà dans la société internationale (B).

Paragraphe 1 : Le développement de l’immunité d’exécution absolue à travers le principe


de la séparation des autorités judiciaires et administratives

Bon nombre de pays africains francophones ont hérité du Droit français. Ce dernier est
généralement présenté comme un élément du système romano germanique. Or, parmi les
caractéristiques du droit romano germanique, le dualisme juridictionnel figure en bonne place.
Aussi, la construction de deux ordres de juridictions parallèles en France a favorisé le
développement de la règle des immunités. Elle a également permis à une sorte de culture de rejet
de prendre racine.

A- La proclamation de l’immunité de juridiction : Une proclamation doublée

Proclamer l’immunité de juridiction de l’administration publique revient à proclamer par


la même occasion l’immunité d’exécution. Dans cette logique, l’option pour l’immunité
d’exécution en France a commencé avec le choix de l’immunité de juridiction.

En fait, la règle de l’immunité de juridiction s’est développée en France dans un contexte


au sein duquel le diptyque droit public/droit privé se façonnait. Celui-ci exigeait la séparation des
autorités judiciaires et administratives. Il mettait en exergue une hostilité à non seulement à
l’égard de toute immixtion du juge privé dans les affaires des autorités administratives mais
également à l’égard de toute saisie des biens appartenant à l’Etat. En outre, il proclamait une
interdiction faite aux juges judiciaires de connaître des affaires du corps administratif. Cette
interdiction a conduit à la construction de la juridiction administrative.

64
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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1- L’interdiction faites aux juges judiciaires à travers des actes juridiques

Tout a donc commencé par le principe de séparation des autorités administratives et


judiciaires. Ainsi, comme le remarque un auteur :

« En droit français, il est posé le principe de la soustraction des personnes publiques aux
voies d’exécutions de droit commun. Dès la période de la révolution, des textes interdisent
172
expressément de saisir les biens et les derniers de l’Etat et des communes » .

Les textes en questions étaient les lois des 22 novembre et 1er décembre 1790, le décret du
22 aout 1791, les instructions ministérielles du 17 messidor an VIII et l’arrêté des 19 ventouses
an X.

Par ailleurs l’article 13 de la loi des 16-24 aout 1790 interdisait au juge de « troubler de
quelque manière que ce soit les dispositions des corps administratifs »173. Il posait cette
interdiction en ces termes :

« Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions
administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture troubler de quelque manière
que ce soit les opérations des corps administratifs ni citer devant eux les administrateurs
pour raison de leurs fonctions »

Ce principe arborera une dimension constitutionnelle en 1791 avant d’être réaffirmé par une
disposition du décret du 16 fructidor an III. Celui affirmera :

« Défense itérative sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration de
quelque espèce qu’il soit aux peines de droit […] »

Ces interdictions ont été confortées par l’article 537 (2) du code civil qui disposait :

« Les biens qui n’appartiennent pas à des particuliers sont administrés et ne peuvent être
aliénés que dans les formes et suivant les règles qui leurs sont particulières ».

172
NAHM-TCHOUGLI (G), « l’immunité d’exécution ou de saisie des entreprises publiques dans l’espace
OHADA », in Revue africaine de droit d’économie et de développement, Vol 1. N° 6, 2005, p. 574
173
Ibid.
65
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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2- L’interdiction faite aux juges à travers un arrêt du tribunal des conflits

L’arrêt Blanco est souvent évoqué comme la décision juridictionnelle fondatrice du principe
de la séparation des autorités administratives et judiciaires. Il apparait également comme le point
de départ du Droit administratif.

Aussi, à travers l’arrêt Blanco, le Tribunal des conflits s’est rangé dans la logique de mise
à l’écart du juge judiciaire en cas de litige entre l’Etat et le particulier. En outre ledit tribunal a
affirmé :

« Considérant que la responsabilité qui peut incomber à l’Etat pour les dommages
causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploi dans le service public, ne peut
être régit par les principes qui sont établis dans le code civil, pour les rapports de
particuliers à particuliers ; Que cette responsabilité n’est ni générale, ni absolue ; Qu’elle a
ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les
droits de l’Etat avec les droits privés »

Cet arrêt a été émis sous le système du ministre juge. Celui-ci mettait en exergue la
présence d’un administrateur à la base de l’organisation juridictionnelle administrative. Les
ministres dans ce contexte étaient perçus comme des juridictions de droit commun capables
d’intervenir en premier ressort. Le conseil d’Etat intervenait donc le plus souvent en appel contre
les décisions du juge administratif. Aussi, même si la justice avait déjà été déléguée, les
administrateurs demeuraient à la base du contentieux administratif.

Le conseil d’Etat et les conseils de préfecture quant à eux n’étaient que des collaborateurs
chargés de faire entendre raison à l’Etat et à ses émanations. C’est organes n’étaient en réalité que
la conscience de l’administration publique. Elle pouvait décider de suivre cette conscience ou de
l’ignorer.

La conscience de l’administration publique, même si elle était la préférée du monstre froid


comparativement à la juridiction judiciaire, apparaissait comme un corps étranger, un corps qui
ne faisait pas vraiment partie de l’administration. Il s’agissait beaucoup plus d’un conseillé des
pouvoirs publics.

Le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires semblait donc mettre en


exergue le rejet des corps étrangers. Les corps étrangers étaient donc les juges judiciaires d’une

66
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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part et les organes administratifs à vocation contentieuse, notamment le conseil d’Etat et les
conseils de préfecture, d’autre part.

Les premiers apparaissaient comme les mal aimés tandis que les seconds semblaient plus
estimés.

Les organes administratifs contentieux se sont façonnés au fil du temps dans le paysage
juridictionnel de la France et ont fini par devenir de véritables juridictions administratives. On a
assisté à un moment donné de l’histoire à la construction du dualisme juridictionnel

B- La construction du dualisme juridictionnel et le déplacement du droit de juger


l’administration publique
1- La construction du dualisme juridictionnel

Après l’interdiction faite au juge de connaître des affaires du corps administratif, les
justiciables ne pouvaient plus se tourner vers les juridictions judiciaires pour poser un problème
provoqué par un écart de l’administration publique. Dans ce contexte, les personnes qui étaient
habileté à trancher les différents qui opposaient les institutions publiques aux particuliers étaient
les autorités administratives. C’est ainsi qu’on a vu l’émergence de l’administrateur juge. Dans ce
contexte des administrateurs actifs tel que le roi, les directoires et les conseils de commune
avaient le pouvoir d’intervenir dans le cadre du contentieux administratif.

La logique en ce moment là était que, le fait de juger revenait à administrer. Le souci


d’alors reposait sur l’impartialité de l’administrateur juge. Le système instauré ne donnait pas
vraiment à l’administré la garantie de cette impartialité. Aussi de vives critiques ont commencée
à s’exprimer et ont conduit l’Etat à créer une sorte d’administration consultative.

Le conseil d’Etat et les conseils de préfecture incarnaient cette nouvelle structure. En fait
les organes ainsi crées n’étaient pas considérés comme des juridictions. Ils avaient pour but
d’émettre non pas des décisions juridictionnelles mais des avis consultatifs. De cette manière le
système de la justice retenue continuait à se déployer même si la configuration de départ avait
changé. En outre, l’administrateur cessait d’être le juge mais conservait le pouvoir de décider.

Le conseil d’Etat et le conseil de préfecture quant à eux n’avaient ni la juridictio, ni


l’impérium mais juste le privilège d’être consulté et d’émettre un avis.

67
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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Au fil du temps, le conseil d’Etat va se sophistiquer. Ceci grâce à un décret du 18 juillet


1806. En son sein, une commission contentieuse va se créer et va peu à peu élaborer une
procédure d’instruction des affaires. Cet organe va tout de même connaître une sclérose sous la
restauration et va peu à peu reprendre son rôle, après 1830, d’organe consultatif.

En 1848 le pouvoir de décider va être remis au conseil d’Etat. Il recevra de cette manière
une délégation de pouvoir dans le cadre de la justice. On parlera de la justice déléguée.

Cependant, sous le deuxième empire l’option pour la justice déléguée va être mise de côté
remplacée par la justice retenue.

2- Le déplacement du pouvoir de juger l’administration publique

A travers la construction du dualisme juridictionnel, on a assisté à un processus de


déplacement du droit de juger l’administration publique. Il était question dans cette perspective
de l’enlever des mains du juge judiciaire pour le remettre entre celle des juges administratifs. Le
processus de déplacement de la prérogative juridictionnelle est passé par la justice retenue avant
d’arriver à la justice délégué (i). Ceci malgré la résistance du justiciable et du juge judiciaire (ii).

a) Processus de déplacement du pouvoir de juger

Après avoir remis le pouvoir de juger l’administration publique à l’administrateur juge, on


a crée des organes qui allaient aider le corps administratif à se départir de sa partialité.
Seulement, ces organes n’étaient que les neurones de la conscience administrative. Le détenteur
de cette conscience était libre de donner suite à ses avis ou de les ignorer. L’administrateur juge
régnait et provoquait l’hostilité de quelque observateurs. Un bras de fer a donc commencé à se
déployer, opposant les sympathisants de l’administrateur juge et les promoteurs de la juridiction
administrative. Ce bras de fer a conduit à un aller retour de la justice déléguée. Finalement sous
le deuxième empire, la justice déléguée s’est imposée. Elle comportait tout de même en son sein
une anomalie, la présence du ministre juge. On pouvait ainsi percevoir un compromis entre les
sympathisants de l’administrateur juge et les promoteurs de la juridiction administrative.

En fait c’est la loi du 24 mai 1872 qui a permise de remettre la justice déléguée au conseil
d’Etat. Ceci au terme d’un rude combat politique. On assistait donc à un retour au système de la
justice déléguée qui avait disparue quelques années plutôt.

68
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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Il convient d’observer que la loi du 24 mai 1872 a également crée le tribunal des conflits.
Celui était chargé de trancher les litiges qui mettaient en exergue la compétence du juge. Il
s’agissait en outre de déterminer si le juge administratif ou au contraire le juge judiciaire était
compétent. Quelques années après le retour du système de la justice déléguée, la théorie du
ministre juge a fait son avènement. Celle-ci soutenait que les ministres étaient des juges de droit
commun en premier ressort. Dans cette logique, le conseil d’Etat apparaissait comme une
juridiction d’appel contre la décision du ministre. Il a fallu que l’arrêt Cadot soit émis par le
conseil d’Etat le 13 décembre 1889 pour que cette théorie soit écartée.

Le conseil d’Etat à travers l’arrêt sus évoqué s’est proclamé juge administratif de droit
commun. Le conseil constitutionnel français a confirmé plusieurs années plus tard cette réalité
proclamée. Son existence dans le paysage juridictionnel français a été de cette manière
constitutionnalisée.

L’immunité résultait dans ce contexte d’une hostilité à l’égard du juge judiciaire. Ce


dernier ne pouvait pas connaitre des affaires du corps administratif et devait dans cette logique
décliner sa compétence en matière administrative au profit de l’autorité administrative.

b) La résistance du juge judiciaire et du justiciable

On doit tout de même remarquer que le déplacement du droit de juger l’administration


publique se révélait extrêmement difficile car le justiciable continuait à se tourner vers le juge
judiciaire et celui-ci essayait de le conserver cette prérogative qu’il estimait sienne.

Il a fallu que les pouvoir publics créent une juridiction au milieu des institutions
administratives contentieuses et du juge judiciaire pour que le déplacement de ce pouvoir soit
plus efficace.

3- Le problème du juge administratif de l’exécution

A travers la construction de la juridiction administrative, le droit d’attraire l’Etat et ses


émanations en justice s’est instauré. Le Léviathan et ses créatures n’étaient plus vraiment hors de
la portée du juge. Le pouvoir de juger a été déplacé de la juridiction judiciaire vers la juridiction
administrative. Etant donné que le contentieux administratif comportait le contentieux
contractuel, les problèmes liés aux marchés publics et aux contrats d’Etat pouvaient être soumis à

69
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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l’autorité instituée, le juge en question pouvait intervenir dans le cadre du droit commercial
opposant un particulier à une personne morale de droit public.

Seulement, le problème qui se posait c’est que dans le corps juridictionnel administratif, il
n’existait pas vraiment un juge de l’exécution. En matière du contentieux de l’exécution, le juge
compétent apparaissait comme une autorité pourvue de la juridictio et dépourvu de l’impérium. Il
pouvait dire le droit mais n’avait pas le pouvoir de veiller à ce que sa décision soit exécutée,
surtout lorsque l’Etat ou l’une de ses émanations était condamné.

Ainsi, pendant longtemps, le juge administratif s’est efforcé à agir dans le cadre du
contentieux de l’exécution comme un diplomate. Il évitait de donner des ordres à l’Etat. Pourtant,
aucun texte ne lui interdisait d’adresser des injonctions à la personne morale de Droit public pour
obtenir l’exécution de ses décisions. A cet effet, un auteur remarque :

« Tout le monde ici sait que, longtemps, le juge administratif s’est abstenu alors
qu’aucun texte ne le lui interdisait d’adresser des injonctions à l’administration pour
obtenir l’exécution de ses décision, se contentant de la force morale de ses annulations ainsi
que de « procédés d’une ingénieuse diplomatie tendant à exercer une pression discrète mais
174
énergique sur l’administration en vue de l’amener à ses fins »

Dans ce contexte, on peut constater que le juge administratif et le justiciable comptaient


sur la bonne foi de l’administration publique. Celle-ci avait le pouvoir de juger de l’opportunité
d’appliquer la décision émise par l’autorité juridictionnelle administrative.

D’après un auteur, la retenue manifestée par le juge administratif reposait sur une certaine
conception de la séparation des pouvoirs : Celle de la séparation de l’administration et du juge
administratif.

Il s’agit en outre de la volonté de se détacher du pouvoir exécutif. En effet, si dans le


cadre administratif juger c’est administrer, la nouvelle autorité juridictionnelle administrative a
préférée juger sans administrer.

La dimension administrative du pouvoir de juger semblait s’exprimer dans l’exécution de


la décision émise. Cette conception des voies d’exécution était liée à l’ancienne logique de la
justice retenue. En effet, sous le règne de ce système, le juge disait le Droit et l’administrateur
174
SICHLER-GHESTIN (F), « L’exécution des décisions du juge administratif » in civitas europa, n° 39, 2017/2
téléchargé dans le site :
70
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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veillait à son exécution. Mais à cette époque, l’organe juridictionnel était en réalité un organe
consultatif, un conseillé qui assistait son maître dans l’exercice du pouvoir de juger.
L’administrateur et l’organe juridictionnel institué formaient un seul corps. Le second disait le
droit tandis que le premier administrait dans le respect du droit prescrit. On peut donc
comprendre que pour le juge administratif d’alors, se détacher de son maître revenait à se
détacher du pouvoir du maître. Il voulait laisser à César ce qui est à César et au juge administratif
ce qui appartenait jadis au conseil d’Etat. En outre :

« La raison principale de cette retenue dans l’exécution du jugement consiste sûrement


en la volonté traditionnelle des juges administratifs de se détacher du pouvoir exécutif, à
l’opposé du modèle de justice retenue du XIXe siècle. Si le Conseil d’Etat a admis très tôt la
possibilité de prononcer une astreinte à destination d’une personne privée, le modèle de la
séparation des pouvoirs fut ainsi longtemps conçu par le juge administratif comme faisant
obstacle à la mise en œuvre d’une quelconque contrainte du juge administratif sur le
175
pouvoir exécutif » .

Le conseillé de l’exécutif voulait rester à sa place d’organe consultatif. Il voulait se


contenter de dire le droit et refusait de prendre la place que son maître occupait à l’époque de la
justice retenue, préférant ainsi laisser à l’administrateur le choix de se soumettre aux lois qui lui
ont été prescrites ou de les ignorer. En outre, comme l’a affirmé Woerhling dans la gazette du
palais du 28 septembre 1989, il fallait permettre :

« Au juge de dire le droit, à l’administration de rechercher dans le respect du droit, la


solution la plus satisfaisante en faisant usage de la plénitude de ses pouvoirs
d’appréciation. Le principe de la séparation de l’administration et de la justice
administrative exprime donc l’interdiction pour le juge de ravir à l’administration son
pouvoir d’appréciation et de prendre à sa place des décisions qui ne relèvent pas de la
176
simple application du Droit » .

Dans ce contexte on peut observer que, même si l’immunité d’exécution avait été imposée
au juge judiciaire et écartée en matière de contentieux administratif, l’immunité d’exécution
plastronnait dans les deux ordres. Le juge judiciaire avait perdu son pouvoir de juger
l’administration et le juge administratif qui avait acquis cette prérogative évitait d’adresser des

175
MOINET (A), « L’exécution des décisions du juge administratif », document numérique en format PDF
téléchargé dans le site :
176
Cité par SICHLER-GHESTIN (F), « L’exécution des décisions du juge administratif », op. Cit.
71
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

injonctions à l’administration. Il a même élevé cette abstention à la dimension de principe


fondamental du Droit Public. Ce « principe s’est notamment illustré avec un arrêt du Conseil
d’Etat de 1933, qui confirmait l’interdiction faite au juge de prononcer une injonction à
l’administration, en faisant même un principe d’ordre public »177.

Le juge administratif apparaissait comme une autorité mutilée ou handicapée. Ainsi


comme le remarque un auteur

« L’autolimitation du conseil d’Etat dans ce domaine lui a attiré des critiques toujours
plus nombreuses et acerbes de la doctrine. On se souvient du Huron au Palais-Royal, se
moquant de cette réserve. On a entendu parler aussi de «mutilation du pouvoir du juge ».
178
On a lu, enfin, de virulentes critiques du Doyen Vedel et du Professeur Frank Moderne »

On doit observer qu’à un moment donné le Droit français en la matière a considérablement


évolué.

Depuis le code de justice administrative, les décisions rendues par le juge administratif
sont « exécutoires ». Le caractère exécutoire de ces décisions a également été consacré par la
jurisprudence à travers un arrêt Huglo du conseil d’Etat du 2 juillet 1982 et par le conseil
constitutionnel. En d’autres mots :

« Le caractère exécutoire des jugements est en outre considéré comme « principe


fondamental du droit public » depuis un arrêt « Huglo » du Conseil d’Etat du 2 juillet 1982
ou bien des décisions de 1998 et de 2015 du Conseil constitutionnel, reconnaissant
179
l’exécution comme le corollaire du droit au recours juridictionnel »

On doit tout de même souligner qu’une réforme a eu lieu en 1995. Et comme le remarque
un auteur l’application « loyale et immédiate de la loi de 1995 »180 s’est accompagnée de
l’évolution profonde de la juridiction administrative181. Les institutions établies ont réveillées la
belle endormie à travers une loi du 8 février 1995 qui, selon le professeur CHAPUS a tourné une
page dans le contentieux administratif.

177
MOINET (A), « L’exécution des décisions du juge administratif », op.cit
178
SICHLER-GHESTIN (F), « L’exécution des décisions du juge administratif », op. Cit.
179
180
181
SICHLER-GHESTIN (F), « L’exécution des décisions du juge administratif », op. Cit
72
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

Aujourd’hui il est reconnu que le juge administratif français a le pouvoir de juger et de


veiller à l’exécution de sa décision. Il peut agir directement sur les administrés mais également
sur l’administration.

Le Juge administratif français peut adresser des injonctions à l’Etat et émettre une
astreinte. Ce qui n’est pas encore le cas de certains juges administratifs de l’espace OHADA. Le
juge administratif camerounais par exemple ne bénéficie pas vraiment de l’astreinte.

Le pouvoir de juger et de faire exécuter les décisions acquis par le juge administratif est
tellement ancré dans la culture juridique de la France qu’aujourd’hui, on affirme que l’immunité
d’exécution de la personne publique est devenue presque illusoire. En effet, toute une procédure a
été façonnée pour permettre au créancier de l’Etat ou de l’un de ses démembrements de faire
saisir les biens afin d’entrer en possession de son du. A cet effet on peut évoquer l’article L911-9
du Code de Justice administrative qui dispose :

« Lorsqu’une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une


collectivité locale ou un établissement public au paiement d’une somme d’argent dont le
montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée
dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut
de mandatement ou d’ordonnancement dans ce délai, le représentant de l’Etat dans le
département ou l’autorité de tutelle procède au mandatement d’office. En cas d’insuffisance
de crédits, le représentant de l’Etat dans le département ou l’autorité de tutelle adresse à la
collectivité ou à l’établissement une mise en demeure de créer les ressources nécessaires ;
si l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement n’a pas dégagé ou créé ces
ressources, le représentant de l’Etat dans le département ou l’autorité de tutelle y pourvoit
et procède, s’il y a lieu, au mandatement d’office ».

La procédure ainsi décrite est qualifiée par les praticiens du droit de ce milieu de
mandatement d’office. A côté de celle-ci, une autre procédure existe et est qualifiée d’inscription
d’office.

De telles procédures ayant pour but d’accompagner l’impérium du juge administratif


n’existent pas dans plusieurs Etats de l’espace OHADA. Au Cameroun par exemple, on souligne
l’inexistence du pouvoir d’astreinte dont souffre le juge administratif.

On doit observer que le comportement de la France, s’il s’est développé dans le droit
interne n’était pas détaché d’un comportement général observé dans la société internationale. En

73
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

effet, l’immunité d’exécution absolue n’était pas l’apanage du pays des gaulois. Plusieurs autres
Etats manifestaient la même logique.

Section 2 : Consécration d’une relique de l’ancienne coutume internationale

En fait, on doit constater que la coutume reflète le plus souvent un comportement


généralisé. Elle est définie par l’article 38 du statut de la CIJ comme la « preuve d’une pratique
générale acceptée comme étant le Droit ».

Paragraphe 1 : La mise en exergue d’un comportement généralisé

A- Un comportement généralisé et manifesté au sein de la société internationale

Les comportements qui permettent d’observer l’existence de la coutume correspondent


parfois à des actes juridiques internes, et parfois à des actes juridiques internationaux.

Les actes en question doivent émaner des sujets de Droit international, notamment l’Etat
ou l’Organisation Internationale. Les actes dont il est question ici peuvent être considérés comme
positifs ou négatifs. On peut distinguer ici les actes de l’Etat qui vont vers la société
internationale et les actes de l’Etat qui sont destinés à ses institutions internes ainsi qu’aux
individus.

Les actes de l’Etat qui vont vers l’extérieur sont généralement accomplis par les organes
étatiques consacrés directement ou indirectement aux relations internationales. On peut dans cette
logique évoquer le ministère des affaires étrangères et les diplomates.

A cet effet deux auteurs affirment :

« Les « actes » de l’Etat sont ceux accomplis par ses organes et qui ont une
incidence sur les relations internationales. Entrent évidemment dans cette définition les
actes des autorités spécialement chargées des relations internationales et s’exprimant dans
l’exercice de leurs fonctions cet à dire le ministre des affaires étrangères et ses
collaborateurs —Principalement les agents diplomatiques.

Il faut aussi inclure les prises de position des agents gouvernementaux au cours d’une
procédure arbitrale ou juridictionnelle internationale, ou au sein d’une organisation
182
internationale » .

182

74
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

Les actes qui ont pour vocation de se déployer au sein de l’Etat quant à eux peuvent être
qualifiés d’auto normateurs. En effet ces actes s’appliquent aux éléments qui se trouvent dans le
territoire notamment la population et les autorités établies. Il s’agit en outre des actes unilatéraux
des Etats.

A travers les actes auto normateurs les Etats peuvent s’imposer des obligations à eux
même ou exercer unilatéralement des prérogatives. Ce sont des actes qui peuvent s’intégrer dans
la création d’une coutume s’ils convergent vers une multitude de comportements similaires.

On doit dans cette perspective observer que les actes législatifs et administratifs peuvent
participer à la formation d’une coutume et servir de précédent. A cet effet, des auteurs ont
observés :

« Plus proche de nous, les législations nationales sur le plateau continental et les zones
de pêche ont joués un rôle imminent dans la création. De même, dans l’affaire lotus la CPJI
n’a pas écarté la possibilité de retenir comme précédent des actes judiciaires internes : Elle
a donc examiné s’il résultait des jurisprudences nationales une règle de compétence en
matière d’abordage en haute mer »183.

On doit remarquer ici qu’au milieu de la société internationale que l’on qualifie
généralement de société interétatique à cause de la qualité de ses sujets s’est sur imprimé une
société au sein de laquelle coexistent les commerçants et les Etats. Cette société qui permet à
l’Etat est au particulier d’être les sujets d’un même ordre juridique met en exergue à la fois une
sorte de mondialisation et de dénationalisation des contrats.

B- Un comportement généralisé et observé au sein de la société transnationale

Elle regroupait donc à la fois les sujets du Droit national et les sujets de droit
international. Cette société apparaissait comme une société transnationale ou trans étatique.

La société transnationale en vertu de la règle ubi sociéta ubi jus met en exergue la
présence d’un ordre juridique de la même nature. Celui-ci est défini comme : « Un ensemble de
normes juridiques formalisées, d’organisations et acteurs associés qui ordonnent la
compréhension et la pratique du droit dans les juridictions nationales ». En outre, il s’agit d’un
ordre juridique qui se trouve à mis chemin entre le Droit national, le Droit international et qui

183
p. 356
75
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

laisse apparaitre un Droit international privé publicisé. La publicisation du Droit international


privé dont il est question ici met en exergue la présence de l’Etat devenu le cocontractant du
particulier.

L’ordre juridique transnational est perçu comme une réalité qui brouille l’emprise des
anciennes technologies en la matière.

En ce qui concerne le cas de l’ordre juridique international, on peut remarquer que :

« Le Droit international moderne est un droit en plein désarroi. Les doctrines


classiques du droit international, axées sur la souveraineté, le consentement des Etats, la
coutume et les traités, n’explique pas de manière satisfaisante bon nombres des pratiques et
des structures institutionnelles qui emplissent l’univers mondial. Le terrain juridique
contemporain semble être caractérisé par des juridictions qui se chevauchent, des
184
interprétations doctrinales incohérentes et des visions du monde concurrentes » .

De même, en ce qui concerne l’ordre juridique national, une réalité se dégage :

« Le droit national perd sa capacité à répondre aux besoins de régulation quand la


société subit une dénationalisation et, par conséquent, lorsque l’espace social à réglementer
n’est plus identique à l’espace politique de l’État. Le droit national n’est pas apte à
apporter des solutions aux litiges résultant du marché économique mondial ou à
encadrer le dumping social qui menace les fondements de l’État providence, tout comme la
législation environnementale d’un État particulier ne peut prévenir les changements
185
climatiques et le réchauffement planétaire » .

Au sein de cet ordre, l’Etat devenu interventionniste s’est érigé lui-même en marchant et
s’est introduit dans le cercle jadis fermé de ces professionnels.

En fait, l’Etat interventionniste est passé par trois états, l’état justicier, l’état protecteur et
l’état partenaire. A cet effet, un article remarque :

« Longtemps l’interventionnisme est apparu comme l’expression même de la


puissance publique imposant, au nom de la justice sociale son action aux entreprises
privées. Puis celles-ci ont d’elles- même sollicitées l’aide de l’Etat pour des raisons

184
http://www.revuedlf.com/droit-fondamentaux/comprendre-lordre-juridique-transnational-des-pressions-des-
ambitions-et-des-reves aussi/, Consulté le 23 juin 2022 ;
185
TUORI (K), « Vers une théorie du droit transnational » in Revue internationale de droit économique, 2013/1 (t.
XXVII) version numérique consultée dans le site : https://www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-
2013-1-page-9.htm, p.12
76
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

économiques. Aujourd’hui s’ajoute à la protection une sorte d’association de pénétration


réciproque du Droit « public » et du Droit « privé ». A la suite de l’Etat justicier et de l’Etat
protecteur apparaît « un Etat partenaire ». Ainsi se superposent trois formes successives
186
d’interventionnisme » .

L’avènement de l’Etat partenaire semble correspondre au XIXème siècle. Dans cette


logique, en parlant du cas particulier de l’Allemagne un auteur affirme :

« Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la révolution industrielle s’impose en Allemagne,


l’époque de la démocratie égalitaire commence avec le suffrage universel et la naissance des partis, et
s’établit, depuis les années 1880, ce que l’on a appelé l’État interventionniste »187.

L’Etat est donc devenu à travers ses émanations et ses investissements un véritable
commerçant, faisant ainsi surgir au milieu de la société des commerçants ou de la lex mercatoria
le Tiers ordre juridique transétatique. Aussi, en devenant un commerçant il est entré dans le
monde des particuliers et a pris par la même occasion la décision de se soumettre aux règles en
présence dans cette société. En effet « le seul fait qu'un contrat mette en jeu les intérêts du
commerce international suffit à l'enraciner clans la lex mercatoria »188.

Il convient d’observer que les portes qui permettent d’accéder à la société transnationale
sont en réalité les contrats d’Etat. Ces derniers sont à l’image de la société qui les sous-tend,
coincés entre le Droit interne et le Droit international tout en présentant une spécificité qui
entretient une sorte de paradoxe ou plus clairement d’opposition à ces ordres juridiques. Dans
cette logique, en parlant du contrat d’Etat, un auteur remarque :

« (…) Son principal mérite est de renvoyer, sous une forme ramassée, à une réalité
intermédiaire entre le contrat administratif de droit interne et le traité interétatique de
l’ordre juridique international. On aura compris qu’il s’agit d’une réalité juridique qui
189
s’est construite par opposition, notamment à ces deux catégories » .

La société transnationale ainsi créée ne repose pas vraiment sur les instruments du Droit
International mais sur un contrat qui lie le monstre froid à l’individu. Cependant, il est indéniable
186
https://www.universalis.fr/encyclopedie/intervention-de-l-etat-economie/1-histoire-de-l-interventionnisme/
consulté 25 décembre 2021
187
STOLLEIS (M), « La Naissance de l’État interventionniste et le droit public » in TRIVIUM, version numérique
consultée dans le site : http://journals.openedition.org/trivium/5294, le 25 décembre 2022
188
Pellet (A), La lex mercatoria « Tiers ordre juridique », remarques ingénus d’un internationaliste de droit public
Article consulté dans le site : https://www.international-arbitration-attorney.com/wp-
content/uploads/arbitrationlawPELLET-2000-Lex-mercatoria-tiers-ordre-juridique.pdf consulté le 29 juin 2022
189

77
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

que le tiers ordre juridique ne se déploie pas dans le vide. Il se trouve au milieu des réalités pré
existantes, les côtoies et s’imbibe d’une bonne partie de leurs règles. Le droit international et le
droit administratif interne exercent une influence sur le Droit transnational. Par conséquent les
institutions habilitées à intervenir dans le tiers ordre juridique ne sont pas exclusivement
transnationales. Elles peuvent également être nationales et internationales. En outre :

« La création transnationale des normes suppose d’autres formes que celles des traités
bilatéraux ou multilatéraux entre États. En ce qui concerne l’application des normes,
l’établissement d’organes, chargés de résoudre des conflits ou de sanctionner à l’instar du
190
contrôle étatique, suggère l’émergence du droit transnational» .

L’Etat, engagé dans des partenariats avec les personnes privées a du participer à
l’institutionnalisation du tiers ordre juridique. Il a aussi été obligé de construire avec les
personnes privées des appareils juridictionnels temporaires et permanents. Aussi, dans la société
transnationale, l’Etat est devenu l’un des justiciables d’une juridiction particulière : La juridiction
arbitrale. En effet son cocontractant méfiant des juridictions nationales n’était pas toujours
disposé à se tourner vers le juge interne.

1- Un comportement à l’origine de la juridictionnalisation de la société transétatique

Au milieu de la société transnationale le juge administratif ainsi que tous les autres juges
étatiques inspiraient la méfiance des personnes privées étrangères. Ces dernières préféraient
soumettre leurs différends à une autorité que l’on pourrait qualifier de privé. Un juge privatisé,
investi par les parties de la juridictio et dépourvu de l’impérium. A cet effet, un auteur va
remarquer :

« L’investisseur étranger voudra tout naturellement éviter le recours aux tribunaux


locaux qui pourront ne pas présenter toutes les conditions de compétences, d’indépendance,
d’impartialité et d’objectivité requises. En un mot l’internationalisation de la procédure fait
partie de l’équilibre contractuel. Cet aspect avait été bien mis en lumière par le projet de
191
convention de l’OCDE sur la « protection des biens étrangers » .

Ceci, avant d’ajouter :

190
191
CARREAU (D), « Investissements », in Répertoire international Dalloz, 1998, p.20
78
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

« Or, sans vouloir ici entrer dans le moindre détail d’une question largement
traitée ailleurs, il sera seulement signalé que le recours à l’arbitrage international mixte
c'est-à-dire entre un Etat et l’investisseur privé étranger, est généralisé et privilégié comme
192
moyen de règlement des différends » .

Le juge privé dont il est question ici est en celui de l’arbitrage. Ainsi, les rapports entre les
Etats ou leurs émanations et les personnes privées ont entraînés une transformation de l’arbitrage.
Celui-ci présentait en effet, une configuration particulière au niveau des parties au procès. Celle-
ci ne se traduisait plus par une homogénéité ou ressemblance des adversaires mais plutôt par une
hétérogénéité caractérisée par l’opposition d’une personne idéelle frappée de la marque publique
et pourvue des propriétés de cette marque à une autre, simple particulier, à la quête de son profit
commercial.

Au départ cet ordre juridique particulier se façonnait de manière exceptionnelle. En outre :

« Le phénomène qui va apparaître d’abord de façon exceptionnelle dès le XIXème


siècle et ensuite de façon de plus en plus importante est l’arbitrage mixte ou transnational
qui oppose directement l’investisseur à l’Etat d’accueil accusé de ne pas respecter ses
193
obligations » .

D’après quelques auteurs, les parties au contentieux transnational se sont d’abord tournées
vers les chefs d’Etat avant de recourir aux services des personnes ordinaires. C’est ainsi qu’en
1864, à travers une affaire qui a opposé la Compagnie universelle du canal de suez au vice-roi de
l’Egypte, le Chef d’Etat de la France Napoléon III, a été interpellé pour aider les parties à trouver
des solutions à leurs différends. On a donc assisté à la première affaire contentieuse de droit
transnational. Aussi, il convient d’évoquer ces propos d’un auteur :

« La première affaire de ce type dont nous avons trouvé trace dans les recueils
d’arbitrage est une affaire opposant la compagnie universelle du canal de suez au vice Roi
194
d’Egypte, qui a donné lieu à une sentence arbitrale rendue par Napoléon III » .

Avec le temps, l’arbitrage transnational qui était politico économique en raison de la


qualité de l’arbitre s’est progressivement modernisé. A un moment donné, les parties ont

192
Ibid.
193
LEBEN (Ch), « L’évolution du Droit International des investissements : Un rapide survol », in le contentieux
arbitral transnational relatif à l’investissement, p. 10
194
LEBEN (Ch), « L’évolution du Droit International des investissements : Un rapide survol », in le contentieux
arbitral transnational relatif à l’investissement, p. 10
79
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

commencé à choisir comme arbitre des personnes qui ne portent pas la casquette de chef d’Etat.
Au XXème siècle un regain d’intérêt pour l’arbitrage transnational s’est enflammé et des affaires
telles que celle du syndicat d’étude et d’entreprise contre le gouvernement grec ont mis en
exergue les traits de la modernité. Des institutions ou organisations internationales telle que la
CPA et la CIRDI se sont mis en place.

C’est ainsi qu’au fil du temps, la société transnationale s’est peu à peu juridictionnalisée
au rythme du développement de l’arbitrage. La procédure arbitrale transnationale se présentait
sous deux formes. On pouvait distinguer l’arbitrage transnational ad hoc d’une part et les centres
d’arbitrages transnationaux d’autres parts. Bien évidemment dans le cadre de la procédure
arbitrale bon nombre d’Etats ont brandit l’immunité d’exécution absolue.

En effet, si l’immunité de juridiction est très vite passée du caractère absolu au caractère
restreint, l’immunité d’exécution qui semblait plus contraignante et qui ne provoquait pas
vraiment l’enthousiasme des législations est resté pendant longtemps absolue. A cet effet, un
auteur a remarqué :

« Les tribunaux de nombreux Etats européens sont passés d’une conception absolue à
une conception restrictive de l’immunité juridictionnelle dans l’espace de cinquante
dernières années mais sont plus hésitants lorsqu’il s’agit de limiter l’immunité à l’égard des
195
mesures d’exécution »

En réalité, la relativité de l’immunité d’exécution pouvait entraîner de fortes saignées


financières et paraissait pour cette raison plus agressive. En effet :

« La principale justification de cette différence réside généralement dans le


caractère plus agressif des mesures d’exécution par rapports aux pouvoirs simplement
196
juridictionnels »

Cette raison a convaincu les États de l’espace OHADA et ces derniers n’ont pas hésité à
copier l’ancien colonisateur.

195
REINISCH (A) op.cit.p. 118
196
Ibid
80
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

2- Un comportement à l’origine de la singularisation et de la stratification de la


procédure arbitrale

La transnationalisation de la société internationale a entrainée à la fois la singularisation


de la procédure arbitrale et sa stratification. Celle-ci est particulière car elle permet d’observer le
passage d’une dimension transnationale à une dimension nationale.

En ce qui concerne la singularisation de la procédure arbitrale, on doit observer que


pendant une longue période, le contentieux entre l’Etat et le particulier a reposé sur le concept de
la protection diplomatique. Ici, c’est l’Etat interventionniste justicier et protecteur qui se
manifestait. En effet, comme on l’a remarqué dans un article, l’Etat interventionniste s’est
métamorphosé à travers trois formes. En outre :

« Longtemps l’interventionnisme est apparu comme l’expression même de la puissance


publique imposant, au nom de la justice sociale son action aux entreprises privées puis celles-ci
ont d’elles même sollicitées l’aide de l’Etat pour des raisons économiques. Aujourd’hui s’ajoute à
la protection une sorte d’association, de pénétration réciproque du droit « public » et du droit
« privé ». A la suite de l’Etat justicier et de l’Etat protecteur apparaît « un Etat partenaire ». Ainsi
se superposent trois formes successives d’interventionnisme »197

La protection diplomatique apparaissait comme une aide que les ressortissants d’un Etat
sollicitaient auprès du monstre froid. En fait on peut définir la protection diplomatique
comme :

« Une action par laquelle un Etat décide d’endosser, de prendre à son compte la
réclamation d’un de ses nationaux contre un autre Etat et de porter par là le litige sur le
198
plan international, par voie diplomatique ou juridictionnelle » .

On doit préciser que le concept de protection diplomatique met en exergue soit la voie
diplomatique soit la voie juridictionnelle. Elle présente donc deux facettes qui peuvent être
évoquées en même temps ou non. Cette précision a été faite implicitement par la Cour
Internationale de Justice et la Cour Permanente de Justice Internationale, même si aucune des
deux n’a pris la peine de définir les voies évoquées. En outre :

197
198
CORNU (G), Vocabulaire juridique, Puf, 12ème éd.2018, Paris, p.
81
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

« Bien que la Cour Permanente de Justice Internationale, dans ces passages, établisse
une distinction entre « l’action diplomatique » et « l’action judiciaire internationale » en
faveur d’un national, et que la Cour internationale de Justice distingue pour sa part entre la
« protection diplomatique » et la « protection par la voie judiciaire internationale » aucune
de ces deux Cours, néanmoins, ne définit ni ne discute le sens du terme « protection
diplomatique ».

Sur le plan processuel et à travers la protection diplomatique, l’Etat érigeait à la


dimension internationale un contentieux de type transnational. En d’autres mots :

« Exercer la protection, s’adresser à la Cour, c’est se placer sur le plan du droit


international. C’est le droit international qui détermine si un Etat a qualité pour exercer la
protection et saisir la Cour (...) La protection diplomatique et la protection par la voie
judiciaire internationale constituent une mesure de défense des droits de l’Etat. Comme l’a
dit et répété la Cour permanente de Justice internationale, « en prenant fait et cause pour
l’un des siens, en mettant en mouvement, en sa faveur, l’action diplomatique ou l’action
judiciaire internationale, cet Etat fait, à vrai dire, valoir son propre droit, le droit qu’il a de
199
faire respecter en la personne de ses ressortissants, le droit international »

Il intervenait en vue de protéger son ressortissant soit devant les juridictions arbitrales,
soit devant les juridictions de la société internationale, soit dans le cadre d’une procédure non
juridictionnelle de règlement des différends. Dans cette logique, il a été observé :

« C’est un principe élémentaire du droit international que celui qui autorise l’Etat à
protéger ses nationaux lésés par des actes contraires au droit international commis par un
autre Etat, dont ils n’ont pu obtenir satisfaction par les voies ordinaires. En prenant fait et
cause pour l’un des siens, en mettant en mouvement, en sa faveur, l’action diplomatique ou
l’action judiciaire internationale, cet Etat fait, à vrai dire, valoir son propre droit, le droit
200
qu’il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants, le droit international » .

L’Etat ne transformait pas son ressortissant en sujet de Droit International mais intervenait
devant les instances du Droit des gens pour exercer l’une de ses prérogatives. A cet effet, la Cour
Permanente de Justice Internationale a reconnu :

« Il n’y a donc pas lieu, à ce point de vue, de se demander si, à l’origine


du litige, on trouve une atteinte à un intérêt privé, ce qui d’ailleurs arrive

199
C.I.J. Affaire Nottebohm (Deuxième phase), Arrêt du 6 avril 1955, Recueil, 1955, pp. 20-21-24.
200
C.P.J. Affaire des concessions Mavrommatis en Palestine, Arrêt du 30 août 1924, Sér. A, N° 2, pp. 12-13.
82
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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dans un grand nombre de différends entre Etats. Du moment qu’un Etat


prend fait et cause pour un de ses nationaux devant une juridiction
internationale, cette juridiction ne connaît comme plaideur que le seul
Etat »201.

Aussi, en juridictionnalisant la société transnationale, les parties au contentieux des


investissements ont libéré la personne privée de sa dépendance à l’égard du bon vouloir de l’Etat.
Elle n’avait plus besoin de suivre la procédure de la protection diplomatique. En outre :

« L’investisseur n’est plus dès lors soumis à la bonne volonté de son Etat, qui exerce ou non
la protection diplomatique ; il entame lui-même un contentieux directement contre l’Etat co
contractant devant une instance arbitrale. Il serait intéressant de déterminer à quel moment,
sous quels cieux et dans quelles conditions ce type d’arbitrage est apparu, mais cette étude
202
historique n’a pas encore été faite » .

Les parties avaient ainsi l’opportunité de singulariser la procédure arbitrale en lui


donnant une forme transnationale. On est passé de l’arbitrage transnational internationalisé à
travers la protection diplomatique à un arbitrage transnational non internationalisé. L’arbitrage
transétatique pouvait alors se déployer dans une société qui lui est propre, une dimension sur
imprimée sur la société internationale et la société nationale.

Seulement, cette singularisation a entraînée la stratification de la dite procédure. On


allait désormais observer après la phase décisoire une phase que l’on peut qualifier d’exécutoire
et qui met en exergue l’intervention d’un juge étatique, différent de l’arbitre.

Aussi, il convient de remarquer que l’arbitre est qui est un juge privatisé est pourvu de
l’impérium et dépourvu de la juridictio. Pour cette raison, il n’a pas vraiment les moyens de faire
exécuter ses décisions. Par ailleurs, la souveraineté des Etats ne lui permet pas de faire des
injonctions aux institutions étatiques.

Le contentieux de l’exécution fait donc partie intégrante du procès. En d’autres


mots, le procès demeure inachevé tant que la sentence n’est pas exécutée. Ceci parce que la
procédure serait vaine et totalement théorique si elle se soldait uniquement par la décision du
juge. L’inachèvement du procès viole le droit à la justice, droit fondamental qui est érigé en

201
Ibid.
202
LEBEN (Ch), op. cit. p.10
83
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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liberté publique par bon nombre de constitutions africaines. En d’autres mots l’inexécution de la
décision de justice s’érige contre le droit à un procès équitable. A cet effet, un auteur, le
Professeur Fouchard, définissant la procédure arbitrale affirme:

« Elle peut (…) désigner en réalité l’ensemble du déroulement de l’arbitrage, de la


convention arbitrale initiale à l’exécution judiciaire de la sentence, en passant par la
désignation des arbitres, l’échange des mémoires ou l’audition des paries et plus
203
généralement l’instruction de l’affaire, l’audience, la sentence et les voies de recours » .

Paragraphe 2 : La mise en exergue d’un principe abandonné

Le principe de l’immunité d’exécution est en réalité une formalité qui met en branle le
prolongement d’une règle propre au Droit International : Celui de l’égalité souveraine des Etat204.
En outre :

« La notion d’immunité des Etats est la traduction du principe de l’égalité souveraine


entre les Etats, qui exclut que l’un d’entre eux soit soumis à des actes d’autorité, y compris
juridictionnels, d’un autre Etat. Cette immunité a pour conséquence que les biens de l’Etat
qui se trouvent sur un territoire étranger, ainsi que ses actes qui peuvent éventuellement y
être contestés, sont protégés contre toute atteinte de ce type. Cette exception au principe de
la souveraineté nationale est d’autant mieux admise qu’elle est réciproque et reconnue
205
depuis longtemps par le droit international » .

Il est donc depuis longtemps admis qu’en droit international, les sujets en présence ne
peuvent pas faire l’objet d’une injonction juridictionnelle de la part d’un Etat car la souveraineté
y fait obstacle.

Chapitre 2 : Consécration à travers l’acte uniforme et la jurisprudence OHADA

Le Droit OHADA comme tous les autres corps de règles a des sources. En ce qui
concerne le régime de l’immunité d’exécution, les actes uniformes (paragraphe 1) et la
jurisprudence figurent en bonne place (paragraphe 2).

203
KASSI (A), Réforme de l’arbitrage international : Réflexion sur le texte proposé par le comité français de
l’arbitrage, éd. L’Harmattan, 2008, version consultée à book.google.com, le 14 février 2014, p. 214
204
https://les-yeux-du-monde.fr/ressources/22200-quest-ce-la-theorie-des-immunites, consulté le 22 décembre 2021
205
DEL PICCHIA (R), « Rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces
armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention des Nations unies sur les immunités
juridictionnelles des États et de leurs biens » in SENAT, N° 73, Session ordinaire de 2010- 2011, p. 6
84
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

Section 1 : Consécration à travers l’acte uniforme OHADA

Le droit de l’immunité d’exécution dans l’espace OHADA est régit au niveau supra
national par l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et voie d’exécution.
Au sein de cet acte juridique, l’article 30 dispose :

Seulement, cette disposition ne donne pas des précisions claires sur les personnes qui
bénéficient de l’immunité d’exécution. A cet effet, on a pensé pendant longtemps que ces
personnes étaient en réalité les personnes morales de Droit public, quelque soit leur nature. Il a
fallu attendre l’année 2020 pour que cette perception des choses, sous l’effet de la jurisprudence
changes.

Paragraphe 1 : Les personnes morales de Droit public

Les personnes morales de droit public sont en réalité des êtres qui relèvent de la
métaphysique ou plus exactement de la fiction juridique. Parmi ces êtres, on peut évoquer l’Etat
et ses émanations.

A- L’Etat

Il apparait comme la seule créature de la métaphysique juridique qui est dotée de la


souveraineté. Dans cette logique, pour définir l’Etat certains auteurs affichent en premier lieu la
dimension métaphysique de ce concept avant d’aborder sa dimension physique ou sociologique.
A cet effet Gérard CORNU, à travers son vocabulaire juridique défini la notion ainsi qu’il suit :

« Entité juridique formée de la réunion de trois éléments constitutifs (population, territoire,


autorité politique) et à laquelle est reconnue la qualité de sujet de Droit International.
Groupement d’individus fixé sur un territoire déterminé et soumis à l’autorité d’un même
gouvernement qui exerce ses compétences en toute indépendance en étant soumis directement au
Droit international »206

D’autres auteurs préfèrent présenter l’Etat dans ses dimensions sociologique, politique et
juridique. L’équipe de Jean SALMON par exemple, présente ce concept comme un :

206
CORNU (G), Vocabulaire juridique, op.cit., p. 418
85
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

« Terme désignant, du point de vue du Droit international, un groupement humain établi de


manière permanente sur un territoire, ayant une organisation politique propre, dont l’existence
207
politique dépend juridiquement de lui-même et relevant directement du Droit international » .

Ils définissent ainsi l’Etat au regard de sa cause efficiente. Pourtant, si le monstre froid,
est l’émanation d’une communauté, il est également une entité juridique. Bon nombre d’auteurs
ne manquent pas l’occasion de le rappeler. Le doctorant Abdou KHADRE DIOP par exemple, à
travers sa thèse208 observe :

« (…) la naissance de l’État n’est donc pas seulement une « question de fait », mais aussi
une « question de droit ». Dans des articles encore plus récents, M. KAMTO et H. FOX
soutiennent de façon plus catégorique que l’État n’est rien d’autre qu’un être juridique
construit »209.

En fait, tous les penseurs du Droit ne partagent pas l’idée d’une existence de la
métaphysique juridique. Le Professeur Léon DUGUIT par exemple à travers un ouvrage intitulé
Traité de Droit constitutionnel210 estime que la métaphysique « ne peut être admise en science
positive »211. Pourtant, celle-ci a une place dans le langage et la terminologie du Droit qu’on ne
peut plus contester.

L’Etat est une créature métaphysique. Ce monstre froid a des manifestations visibles et
une existence dans l’invisible ou plus précisément dans l’intelligible. Les manifestations visibles
de l’Etat sont en fait ses éléments constitutifs sociologiques (un ensemble de personnes),
géographiques (un territoire) et politiques (des autorités établies). Les manifestations invisibles
quant à elles sont la personnalité juridique (nationale et internationale) et la souveraineté (externe
et interne).

1- La personnalité juridique de l’Etat

207
SALMON (J), Dictionnaire de Droit international, op.cit. p. 454
208
KHADRE DIOP (A), La notion d’État en Droit International et en Droit européen : De l’impossible approche
conceptuelle à la nécessaire approche fonctionnelle, Thèse de doctorat en cotutelle, Université Laval Québec,
Université de Bordeaux Bordeaux, 2017, 696 p.
209
Ibid. p. 9
210
DUGUIT (L), Traité de Droit constitutionnel, 3e éd., T.1 Edition de Boccard, Paris, 1927
211
Ibid., p. 620
86
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

Malgré son caractère vague, la consécration codifiée de l’immunité d’exécution Il est


nécessaire de survoler la notion de personnalité juridique avant de s’intéresser plus
spécifiquement à la personnalité juridique des personnes morales.

a) Survol de la notion

On peut définir la personnalité juridique comme l’: « Aptitude à être titulaire de droits et
assujetti à des obligations qui appartient à toutes les personnes physiques, et dans des conditions
différentes aux personnes morales ; on spécifie volontiers personnalité juridique »212. Il s’agit en
outre de l’aptitude ou de la capacité à exercer des Droits et des obligations que l’on reconnait aux
personnes physiques et aux personnes morales.

Les titulaires de la personnalité juridique sont parfois appelés personnes juridiques213. Ils
sont considérés comme des sujets de droit.

Une personne juridique peut être à la fois sujet actif du Droit et sujet passif du Droit214. On
est un sujet actif du Droit quand on exerce la capacité de jouissance et quand on en jouit. On est
un sujet passif du Droit quand on est assujetti à des obligations.

On distingue les personnes physiques et les personnes morales. Les personnes physiques
sont en fait tous les êtres humains vivants.

Les personnes morales quant à elles représentent un groupement doté de la personnalité


juridique. Il s’agit en outre d’un :

« Groupement doté de la personnalité juridique, donc titulaire lui-même de droits et d’obligations


abstraction faite de la personne des membres qui le composent : société, association, syndicat,
État, collectivités territoriales, établissements publics »215.

Ce groupe met en exergue des personnes physiques et parfois d’autres personnes morales.
Il peut aussi arriver que la personne morale soit constituée d’un seul élément. Dans ce cas, on
parle généralement de la société unipersonnelle.
212
CORNU (G), Vocabulaire juridique, 12e édition mise à jour, PUF, version numérique non paginée, téléchargée
dans le site :
213
GUINCHARD (S) et DEBARD (Th), Lexique des termes juridiques, 25ème éd. 2017-2018, Dalloz, version
électronique téléchargée dans le site :
214
https://www.toupie.org/Dictionnaire/Personnalité_juridique.htm, consulté le 3 Juillet 2022
215
GUINCHARD (S) et DEBARD (Th), Lexique des termes juridiques, 25ème éd. 2017-2018, Dalloz, op.Cit

87
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

En ce qui concerne l’accession à la personnalité juridique, il convient d’observer que les


personnes physiques accèdent à la personnalité juridique par leur naissance et que cet acquis est
consolidé à travers l’établissement de l’acte de naissance par un officier d’état civil. En ce qui
concerne les personnes morales, elles acquièrent la personnalité juridique après un enregistrement
auprès de l’administration compétente. Dans cette logique, la société a besoin d’obtenir une
immatriculation au registre du commerce tandis que l’association a besoin de passer par une
déclaration pour obtenir sa personnalité juridique.

b) La nature métaphysique et économique de la personnalité juridique des personnes


morales

La décision juridictionnelle de 2020 paraît incongrue, même si elle se range dans la


logique législative des Etats membres. En effet, même si la consécration codifiée des immunités
d’exécution n’est pas claire, on doit souligner le fait que, la nature de la personnalité juridique
des personnes morales varie en fonction de l’origine de ces dernières. C’est le sous entendu qui
paraît se dégager de l’article 30 de l’acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de
recouvrement des créances et voies d’exécution. On doit tout de même remarquer qu’au cours de
leurs vies, les personnes morales de Droit Public peuvent perdre la personnalité juridique
originelle au profit d’une autre. La personnalité juridique quant à elle peut muter, se transformer
pour présenter une sorte d’hybridisme, mi- publique, mi- privée avec la domination d’un
penchant. Aussi, on peut distinguer la personnalité juridique originelle de la personnalité
juridique acquise.

i) La nature de la personnalité juridique sur le plan de la métaphysique juridique

i-1) La personnalité juridique originelle ou naturelle

Dans la littérature juridique, on fait généralement la différence entre la personne morale


de Droit public et la personne morale de Droit privé. Aussi, on doit observer qu’il existe la
personnalité juridique de Droit public et la personnalité juridique de Droit privé.

La personnalité juridique de Droit Public devrait être transmise directement et


indirectement par l’Etat à travers le mécanisme de la création tandis que la personnalité juridique
de Droit privé devrait être transmise par les personnes privées à travers le même phénomène. En
effet, la nature de la personnalité juridique devrait être liée aux géniteurs-créateurs et à leurs

88
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

missions. Pourtant, pour des raisons économiques, il peut arriver que le législateur procède à une
sorte chirurgie métaphysique. Il peut en outre lui arriver de camoufler la personnalité juridique
réelle ou naturelle de la créature étatique pour insérer au dessus de celle-ci une personnalité
juridique artificielle. Par la légalisation de la personnalité juridique artificielle il rend invisible la
personnalité juridique réelle et essaye d’emprisonner la marque publique.

Aussi, il convient de distinguer la transmission naturelle de la personnalité juridique de


Droit public et la transmission artificielle de ce centre d’intérêts juridiquement protégés.

i-1-1) Transmission naturelle de la personnalité juridique de Droit Public à travers la


création institutionnelle

Dans le monde réel, les espèces produisent des créatures qui leurs ressemblent et leur
appartiennent. Les lions accouchent des lions et les girafes accouchent des girafes. Dans le
monde de la fiction juridique, la logique devrait être la même. Les personnes publiques devraient
engendrer d’autres personnes publiques, même si celles-ci obtiennent la mission de représenter
l’Etat dans la sphère économique et commerciale.

i-1-1-1) La création institutionnelle

La personne morale de Droit Public est généralement crée à travers un mécanisme


institutionnel qui met en exergue certains éléments de la société, du pouvoir séparé ou de
l’administration publique.

On doit observer que les personnes morales de Droit public sont des entités fictives qui
sont le plus souvent crée par d’autres entités fictives dans un monde fictif.

i-1-1-1-1) Création des êtres fictifs par des êtres fictifs

L’Etat peut être considéré comme la première personne morale de Droit Public qui existe
au sein de son territoire.

C’est une institution qui peut créer d’autres institutions et plus précisément les autres
personnes publiques. Même l’entreprise publique qui constitue aujourd’hui un véritable paradoxe
et que l’on veut détacher de son géniteur est totalement ou en partie une créature étatique. En
outre :

89
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

« L’étude des entreprises publiques est en effet intéressante du point de vue


systématique en raison de la nature particulière des émanations de l’Etat à vocation,
économique. Les entreprises publiques comme l’a déjà observé la doctrine la plus ancienne
représentent un « paradoxe » et leur détachement de l’appareil étatique a toujours été
considéré comme une question contreversée, comme l’ont également noté des ouvrages
majeurs consacrés au Droit international elles sont en partie un fait de l’Etat. C’est l’Etat,
en effet « qui préside à leur création » et c’est toujours l’Etat qui : « leur fourni la plus
grande part de leur patrimoine et exerce sur leurs activités un contrôle de portée
variable »216

L’entreprise publique est une créature étatique et fait même partie des êtres qualifiés
d’émanations de l’Etat. Dans cette logique, on peut remarquer :

« Apparu dans un contexte de nationalisation des entreprises privées, la notion


d’émanation est bel et bien consubstantielle au Droit International. Elle s’inscrit dans le sillage
d’une conception étatique des relations économiques favorables au créancier bénéficiaire d’une
condamnation pécuniaire au titre des sentences arbitrales ou des jugements prononcés à
l’encontre d’un Etat » 217.

Ceci, avant d’ajouter :

« La jurisprudence arbitrale traite également de la notion d’ « émanation » à travers


l’exception d’incompétence, en déterminant le caractère étatique de l’entité à l’Etat ainsi que le
caractère étatique des engagements de l’entité. Les questions liées à l’émanation rejaillissent
aussi en matière d’immunité en Droit International »218.

Parmi les autres créatures étatiques, certaines, qualifiées d’institutions administratives ont
reçue du monstre froid le pouvoir de créer des personnes morales distinctes d’elles. Elles peuvent
créer ou participer tout comme leur géniteur à la création des entreprises publiques. En effet
comme le remarque le Professeur KALIEU ELONGO, les entreprises publiques, notamment les
sociétés à capital public et les sociétés d’économie mixte sont des personnes dotées d’un capital-

216
ALVARO CORTESI (G), Les émanations de l’Etat à vocation économique dans l’arbitrage des investissements et
dans le contentieux de L’ OMC, Université-Sorbonne-Paris 1 et Università Degli Studi (Padou, Italie), Facultà di
Scienze Politiche, 2018, pp.16-17
217
https://these.fr/s197547# consulté le 7 juillet 2022
218
Ibid
90
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

action intégralement ou partiellement détenu « par l’Etat, une ou plusieurs collectivités


territoriales décentralisées ou une ou plusieurs autres sociétés à capital public »219.

Les créatures étatiques et leurs créations sont des institutions et donc des êtres
métaphysiques. L’entreprise qui se trouve dans la même catégorie n’échappe pas à cette vérité.
En fait qu’elle soit administrative, juridique ou politique, dotée ou non de la personnalité
juridique, l’institution est un être fictif.

En effet, comme le remarquent les Professeurs Jean COMBACAU et Serge SUR elle est
en réalité :

« Un être crée par le Droit, généralement mais pas nécessairement à partir


d’une réalité de fait, par exemple la personne morale, la société commerciale,
l’établissement public, l’Etat, le fonctionnaire etc. ; autrement dit un concept juridique,
positivement établi et assorti d’un régime légal, mais envisagé à ce stade
220
indépendamment de sa réalisation effective dans le réel »

Aussi, même si certains auteurs préfèrent présenter ce concept en dehors de la


métaphysique juridique, à l’instar de l’association Henri Capitant qui, prétextant paraphraser les
propos du Professeur Maurice Hauriou affirme que l’institution est une :

« Réalité que constitue soit un organisme existant (ex. un établissement


administratif) lorsque s’y dégagent la conscience d’une mission et la volonté de la remplir
en agissant comme une personne morale, soit une création lorsque le fondateur,
découvrant l’idée d’une œuvre à réaliser, entreprend cette réalisation en suscitant une
221
communauté d’adhérents »

Il ne demeure pas moins vrai que l’institution est, avant d’être une réalité, une idée et donc
sous l’angle jusnaturaliste une entité idéelle. En outre :

« Une institution est une idée d’œuvre ou d’entreprise qui se réalise et dure
juridiquement dans un milieu social ; pour la réalisation de cette idée, un pouvoir
s’organise qui lui procure des origines ; d’autres parts, entre les membres du groupe social

219
https://kalieu-elongo.com/classification-des-entreprises-publique-et-parapubliques-au-cameroun-ce-quil-faut-
savoir/ consulté le 5 juillet 2022
220
COMBACAU (J) et SUR (S), Droit international public, 4e éd., Paris, Montchrestien, 2008,
221

91
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

intéressé à la réalisation de l’idée, il se produit des manifestations de communion dirigées


222
par les organes du pouvoir et réglés par des procédures » .

La créature étatique est donc créée directement ou indirectement par l’Etat ou l’une de ses
émanations. C’est un événement qui se réalise dans la dimension métaphysique qui est en vérité
un monde parallèle créé par le rationalisme humain.

i-1-1-1-2) La création d’un être fictif dans un monde fictif

Il existe dans la littérature juridique des indices qui démontrent l’existence d’une
dimension métaphysique au sein de laquelle se trouve le « monde vrai pour le Droit ». Parmi ces
indices, le concept de société internationale plastronne. Celle-ci est conçue comme un monde
invisible au sein duquel se trouvent les sujets du Droit international. Seulement, s’il est admis que
les sujets de Droit international ne sont pas les seuls êtres idéels qui existent dans la
métaphysique juridique, il convient d’admettre qu’il existe un milieu fictif au sein duquel se
déploient des créatures surnaturelles autres que l’Etat et l’association des Etat personnifiée. La
société transnationale par exemple est un macrocosme habitée par des personnes physiques et des
personnes morales de Droit privée. Bon nombre d’auteurs la qualifient de « lex mercatoria », de
« tiers ordre juridique » ou même de « monde dual »223.

On doit tout de même observer que dans la dimension de la métaphysique juridique, il


existe une autre dimension qui est en réalité celle des lois et principes. C’est dans cette dimension
que se trouvent les sources du Droit. On y retrouve les règles compatibles avec la vie en société
ainsi que les règles incompatibles avec celle-ci, les lois justes et les lois injustes ou alors, les
bonnes lois et les mauvaises lois. C’est dans cette dimension que se déploient les règles pré
juridiques et morales que les fabricants de loi puisent manipulent et transforme afin de produire la
« loi légalisée ». On y retrouve les contenants de la loi et leurs contenus. Les sources et les
normes juridiques. Cette troisième dimension du Droit influence à la fois le monde idéel et le
monde réel.

i-1-1-1-2-1) Une réalité ancrée dans la fiction juridique

222
223
KAMTO (M), « Mondialisation et droit », in Revue Héllenique de Droit International (RHDI), n° 53, 2000, pp.
549-575
92
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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La fiction juridique est en fait une technique très utilisée en Droit. Selon le vocabulaire
juridique de l’association Henri Capitant, elle a deux acceptions. Elle est tout d’abord un :

« Artifice de technique juridique (en principe réservé au législateur souverain), « mensonge


de la loi » (et bienfait de celle-ci) consistant à « faire comme si », à supposer un fait contraire à la
réalité, en vue de produire un effet de droit »224.

Ensuite, elle apparait comme une idée, un concept doctrinal « imaginé en vue d’expliquer
une situation, un mécanisme »225.

Il est tout de même nécessaire que le mécanisme mis en exergue pour expliquer le concept
imaginé ne soit pas très détaché des lois de la nature. Aussi, dans la fiction juridique, on devrait
éviter d’affirmer qu’une espèce peut engendrer une autre espèce. Les lions ne peuvent pas
accoucher des girafes. Et les girafes ne peuvent pas accoucher des lions. La fiction juridique
s’inscrit dans le rationalisme. En outre, comme l’a remarqué Carl SCHMITT la science juridique
« n’est pas seulement de l’intelligence pratique ou de l’artisanat. Elle est profondément enfouie
dans l’aventure du rationalisme occidental »226.

La fiction ou métaphysique juridique dépeint un monde imaginaire que l’on peut d’ailleurs
qualifier de faux. D’ailleurs, à cet effet, un auteur, Anne-Marie SAVARD en l’occurrence,
présente la fiction juridique comme un procédé qui « consiste à produire un autre monde, un
monde faux selon la nature mais vrai selon le droit »227.

Dans ce « monde vrai selon le Droit » la personne morale de Droit public porte la marque
publique. C’est cette marque qui la caractérise et qui favorise l’émergence de la personnalité
juridique de Droit Public. La marque publique est en réalité la marque de l’Etat, du Léviathan ou
du Monstre Froid. Elle se confond avec la nature institutionnelle de la personne et comporte des
propriétés.

En ce qui concerne les propriétés de la personne morale de Droit Public, il convient


d’observer que l’immunité d’exécution figure en bonne place. Elle rime avec les concepts de

224
225
226
Cité par Encyclaedia Universali, dans le site https://www.universalis.fr/encypledie/etat/1-un-concept-ne-en-
europe/, consulté le 5 juillet 2022
227
SAVARD (A-M) « La nature des fictions juridiques au sein du nouveau mode de filiation unisexuée au Québec;
un retour aux sources ? » Les Cahiers de droit, 47 (2), p.380 consulté dans le site https://doi.org/10.7202/043889ar,
le 07/05/2020
93
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

puissance publique et de souveraineté. En effet, s’il est admis, comme l’affirme le Professeur
RAPP que :

« La personnalité juridique de Droit public se reconnaît enfin à ses attributs qui ne


sont pas seulement cette pleine capacité juridique commune aux autres personnes juridiques
(physique ou morale), mais auxquels correspondent aussi et peut être surtout d’importantes
prérogatives de Droit Public auxquelles nous faisions immédiatement référence. Ces
dernières sont le signe de la puissance publique, instrument impérativement nécessaire à la
réalisation des missions d’intérêt général dont sont investis, par nature les personnes
228
morales de Droit public » .

Il est également admis que souveraineté et puissance publique malgré leurs différences
sont les deux faces d’une même médaille. En effet, un auteur remarque :

« Ainsi, dans ce qui constitue l’une des toutes dernières contributions majeures à la
théorie de l’Etat, Olivier Baud retient que « la puissance étatique signifie puissance
unilatérale de commandement. Elle est donc synonyme de la souveraineté » ou que « la
puissance de l’Etat n’est rien d’autre que la souveraineté (…) L’auteur n’ignore pas qu’il
serait possible de délier souveraineté et puissance, remarquant que seul une doctrine
minoritaire dissocie puissance et souveraineté, mais se positionne clairement contre
229
pareille option » .

L’Etat, cette institution qui peut être perçu comme une : « Collectivité humaine organisée
en vue de la réalisation d’une fin supérieure et au sein de laquelle les individus acceptent ou
subissent l’existence d’une autorité commune »230 est également une entité métaphysique capable
d’engendrer d’autres institutions. Celles-ci dès leur naissance existent pour lui, travaillent pour
lui et s’expriment pour lui. Le lien qui existe entre le créateur et la créature engendrée est
tellement fort que les deux se confondent. Aussi, « qui a vu une créature étatique a vu l’Etat lui-
même ».

i-1-1-1-2-2) Une réalité ancrée dans le constructivisme appliqué au Droit

228
RAPP (L), Variations autour de la personnalité juridique en Droit public, article consulté dans le site :
https://books.openedition.org le 5 juillet 2022
229
BARRAUD (B), « Souveraineté de l’Etat et puissance de l’Etat », in Revue de la recherche juridique-Droit
prospectif 2017-1, n° 165, article consulté dans le site : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01634256/, consulté le 5
juillet 2022
230

94
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

Certaines réalités sont tellement complexes que l’on ressent parfois le besoin de
recourir à la comparaison pour les expliquer. A cet effet, bon nombre d’auteurs ont élaborés des
techniques d’explication telles que l’organicisme, le réductionnisme ou même l’holisme.

Dans le cadre des discours juridiques le constructivisme paraît plus intéressant car
il permet d’appréhender la réalité du Droit à travers la construction d’une autre réalité qui
l’explique. En effet constructivisme peut être défini comme « une épistémologie qui présente la
connaissance comme le fruit de la construction du chercheur »231. Cependant pour donner du
poids aux arguments, il n’est pas interdit de recourir à certaines lois de la nature.

L’Etat en tant que construction juridique est un organisme qui a des organes
visibles et invisibles. On peut en dire de même de plusieurs autres institutions personnes ou
organes. L’Etat peut engendrer d’autres institutions.

Dans la nature, on peut observer que les espèces engendrent des individus qui
sont inclus dans ces espèces. Les lions accouchent des lions, les girafes accouchent des girafes.
Mais, dans la logique du Droit, il peut arriver que l’Etat qui est une personne morale de Droit
public engendre des personnes morales de Droit privé.

Cette réalité s’explique par la transmission naturelle de la personnalité juridique de


Droit Public, son amputation et son remplacement par une personnalité juridique plus artificielle.

i-1-1-2) Transmission naturelle de la personnalité juridique de Droit public et de la marque


publique

Aussi, la personne morale de Droit public est en fait une institution publique cet à dire,
une entité frappée de la marque publique et par conséquent traversée à l’image du sang qui
circule dans le corps physique, par un régime de Droit Public. En effet si le Droit Public
désigne l’: « Ensemble des règles juridiques concernant la complexion, le fonctionnement et les
relations des États et des organisations ou collectivités qui les regroupent ou les constituent »232
alors il s’applique aux créatures étatiques.

231
SINTEZ (C), « Vers une reconnaissance contemporaine du constructivisme » article consulté dans le site :
https://academia.edu/12166836/le_constructivisme_juridique_conclusion-de_louvrage le 7 juillet 2022
232

95
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

En fait, c’est le créateur de la créature qui transmet à sa création la personnalité juridique


et la marque adéquate. S’il est difficile que les cocotiers produisent des mangues, il en va de
même de l’Etat et de ses émanations. Même si sa créature a la charge de le représenter dans la
sphère commerciale, d’agir pour lui, de travailler pour lui, de commercer pour lui, elle porte de
part ses origines, de part son géniteur ou de son créateur la marque publique.

Cependant, d’après certains auteurs, la distinction des personnes qui ont reçu la marque
publique varie en fonction des Etats. Dr KOLONGELE EBERANDE par exemple, affirme que
l’expression « personne publique » a un sens strict au Congo. Il désigne une catégorie d’entités
que l’on doit distinguer des entreprises publiques. En outre :

« Les personnes publiques et les entreprises publiques sont des entités qu’on ne présente
plus en droit congolais, tant est immense leur activité. Les secondes constituent le mode
d’interventionnisme de l’Etat et des collectivités publiques dans le secteur économique,
industriel et commercia1, alors que les premières désignent plus spécialement les
institutions publiques dotées de la personnalité juridique assumant une mission de service
233
public ou d’intérêt général » .

Le dictionnaire de Droit international semble soutenir ce point de vue car il n’évoque


pas les entreprises publiques. Aussi, il expose à travers l’une de ses pages les propos suivants :

« Parmi les différentes personnes morales, l’on peut distinguer celles qui sont de
nature publique, telles que l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements
publics ; et celle de nature privée comme les associations ou les sociétés commerciales ou
civiles »234

On peut constater que dans la littérature juridique camerounaise, certains auteurs se rangent
dans la même logique. Le Professeur KALIEU OLONGO par exemple n’hésite pas à définir la
société à capital public ainsi :

« Il s’agit des personnes morales de Droit privé dotées de l’autonomie


financière et d’un capital- action intégralement détenu par l’Etat, une ou plusieurs
collectivités territoriales décentralisées ou une plusieurs autres sociétés à capital public en

233
KOLONGELE EBERANDE (D-C), Immunité d’exécution, obstacle à l’exécution forcée en droit OHADA contre
les entreprises et personnes publiques ? version pdf téléchargée à www.OHADA.com, consulté le 9 mai 2020
234

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L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
Armand Cedric ABOU’OU MENGUE

vue de l’exécution dans l’intérêt général d’activités représentant un caractère industriel


235
commercial et financier » .

Elle défini ensuite la société d’économie mixte en ces termes :

« Ce sont des personnes morales de Droit privé dotées de l’autonomie


financière et d’un capital action détenu partiellement d’une part par l’Etat, les collectivités
territoriales décentralisées ou les sociétés à capital public et d’autre part par les personnes
morales ou physiques de Droit privé. Peu importe la part du capital détenu par l’Etat ou ses
236
démembrements » .

Aux antipodes de cette conception, Guy NAHM- TCHOUGLI affirme : « (…) après la
seconde guerre mondiale, de nouvelles personnes publiques ont été créées dans le cadre de
l’interventionnisme de l’Etat »237, suggérant ainsi que les entreprises publiques constituent une
race particulière des personnes publiques.

i-1-2) La transmission naturelle de la personnalité juridique de Droit privé

En ce qui concerne les personnes morales de droit privé, elles portent la marque privée car
elles sont créées par des personnes de la même nature.

A cet effet, il paraît incongru qu’une personne publique transmette à sa créature la


personnalité juridique de Droit privée. En effet, la personnalité juridique de Droit privé imbibée
de la marque privée et c’est celle-ci caractérise non pas la personne publique mais la personne
privée.

Si nonobstant le cas spécifique de l’Etat, les personnes privées ne peuvent pas créer les
personnes publiques, il se trouve également que les personnes publiques ne doivent pas créer les
personnes privées.

En fait l’Etat sous l’angle de la métaphysique juridique, du constructivisme et de la


théorie du contrat social précède les autres personnes morales de Droit public. En effet selon
Thomas Hobbes, au commencement étaient les personnes privées. Celles-ci vivaient dans l’état
de nature et subissaient de nombreuses injustices. Les plus forts imposaient leurs lois aux plus

235
236
237
NAHM- TCHOUGLI (G), « L’immunité d’exécution ou de saisie des entreprises publiques dans l’espace
OHADA » in Revue d’assurance de banque & de bourse, de transport et de développement dans l’espace CIMA-
OHADA, Vol 1, N°6 p. 574
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L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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faibles. L’insécurité était totale. Les concepts de libertés publiques et de droits fondamentaux
n’existaient pas.

Aussi, l’Homme soucieux de sortir de cet état d’insécurité s’est tourné vers ses semblables
pour négocier la conclusion de la convention sociale. C’est la naissance de l’Etat qui a entraînée
celle des autres personnes publiques. Ainsi, au fil du temps s’est développé le concept d’état de
Droit.

Aujourd’hui encore, le Doyen Maurice Hauriou reconnait que l’institution publique met
en exergue non seulement les institutions administratives mais également la notion d’état de
Droit. En outre, selon sa doctrine, l’institution publique est une conception :

« Qui permet d’analyser les diverses institutions administratives en mesurant leur


degré d’individualité et d’autonomie et de fournir une théorie réaliste de l’État en justifiant
sa valeur inhérente d’état de droit et en expliquant son autolimitation par les équilibres
238
résultant de séparations de pouvoirs internes »

Cependant, il ne nie pas que l’institution met d’abord en exergue une idée avant de se
concrétiser par des faits et un mécanisme social observable. A cet effet rappelons la définition de
l’institution qu’il a pris la peine de formuler et qui est devenue très célèbre :

« Une institution est une idée d’œuvre ou d’entreprise qui se réalise et dure
juridiquement dans un milieu social ; pour la réalisation de cette idée, un pouvoir
s’organise qui lui procure des origines ; d’autres parts, entre les membres du groupe social
intéressé à la réalisation de l’idée, il se produit des manifestations de communion dirigées
239
par les organes du pouvoir et réglés par des procédures » .

On doit observer ici que l’Etat et ses créatures ont pour vocation d’assurer le service
public et de rechercher l’intérêt général contrairement aux personnes privées. Celles-ci en effet
recherchent surtout le bénéfice, le profit et la survie dans le paysage commercial. En outre :

« Alors que l’entreprise publique assure des missions de service public pour
satisfaire l’intérêt général l’entreprise privée produit ou vend des biens ou des services avec
240
pour finalité de réaliser des bénéfices tout en cherchant à assurer sa pérennité » .

238
239
240

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Aussi, même si la personne privée reçoit une délégation de service public de la part de
l’Etat, elle agit pour son intérêt et conserve par conséquent sa nature ou sa marque privée. La
délégation du service public n’emporte pas la dénaturation de la marque privée.

On doit tout de même observer qu’il existe des entreprises métissées. Créées à la fois par
des personnes publiques et des personnes privées. Ce métissage laisse souvent entrevoir
l’existence la domination d’une personnalité. Celle-ci se caractérise par le pourcentage des
actions.

Si les capitaux sont en majorité détenus par les personnes publiques, il va de soi que la
personnalité morale de Droit public doit dominer la personnalité morale de Droit privé. Dans ce
cas, la personne créée devra bénéficier de la marque publique. Mais, si la majorité ou même la
moitié des apports appartiennent aux personnes privées, on devra dire que la personne morale
concernée est privée. En outre :

« Une entreprise privée est une entreprise qui appartient en totalité ou


majoritairement à des personnes physiques ou morales. La distinction entre entreprise
privée et entreprise publique est principalement juridique. Si le capital appartient
majoritairement à une personne publique, Etat, collectivité locale (…) l’entreprise est
241
considérée comme publique et relève d’un régime juridique différent » .

Seulement, entre l’idéal et la réalité il y’a parfois un grand fossé. En effet, les faits
juridiques semblent montrer que la personne privée peut appartenir totalement ou majoritairement
à une ou plusieurs personnes publiques. Cette incongruité est la résultante d’une opération
génétique digne d’une chirurgie juridique prénatale sophistiquée qu’il importe de décrire. Cette
description passe par la notion de la personnalité juridique artificielle.

i-2) La personnalité juridique artificielle

Au sein des Etats de l’espace OHADA, certaines personnes publiques sont dotées de la
personnalité juridique de Droit privé. Cette réalité découle d’une opération métaphysique qui se
déploie avant la naissance de la créature étatique concernée.

En fait, au cours de leur création, certaines personnes publiques sont dotées de la


personnalité juridique originelle : La personnalité juridique de Droit Public. Seulement, avant la

241

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légalisation de leur existence, avant leur naissance, les personnes publiques en question sont
dépouillées de leur personnalité juridique de Droit public et investie d’une personnalité juridique
de Droit privé. On assiste dans cette logique à la transmission d’une personnalité juridique
artificielle et à un détournement de la marque publique.

i-2-1) La transmission de la personnalité juridique artificielle

En principe, les personnes publiques doivent engendrer des personnes publiques. Mais,
curieusement en ce qui concerne les entreprises publiques, c’est la personnalité juridique de Droit
Privé qui est transmise. Cette réalité est observée dans plusieurs Etats. En effet, comme le précise
par exemple l’article 3 de la loi n° 2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des
entreprises publiques la société à capital public est une :

« Personne morale de Droit privé, dotée de l’autonomie financière et d’un capital


action intégralement détenu par l’Etat, une ou plusieurs entreprises publiques ou une ou
plusieurs collectivités territoriales décentralisées crée en vue de l’exécution, dans l’intérêt
général des activités présentant un caractère industriel, commerciales et financières »

Ceci avant de présenter la société d’économie mixte en ces termes :

« Personne morale de Droit privé, dotée de l’autonomie financière et d’un


capital action détenu majoritairement par l’Etat, une ou plusieurs entreprises publiques
ou une ou plusieurs collectivités territoriales décentralisées ».

Cette anomalie métaphysique est due à une opération de substitution prénatale. En effet
avant la naissance de la créature étatique, sa personnalité juridique originelle lui est enlevée pour
un remplacement : Celui de la personnalité juridique de Droit privé.

C’est cette opération de substitution qui explique le phénomène contre nature qui conduit
à la naissance de l’entreprise publique.

On doit observer que la personnalité juridique contre nature des entreprises publiques
n’est pas l’apanage des pays de l’espace OHADA. C’est un phénomène métaphysique qui existe
également en France, cette source d’inspiration de plusieurs Etats africains du Sud du Sahara.
Ainsi, dans un article, un auteur français remarque :

« Le deuxième des caractères de la personnalité juridique est lié au nombre des


personnes morales de Droit public qui est limité. Les personnes morales de Droit public se

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L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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comptent sur les doigts d’une main. Puisqu’elles sont en trois grands types : L’Etat, les
collectivités territoriales et leurs institutions de regroupement et les établissements publics
242
nationaux ou locaux » .

Ceci avant d’ajouter :

« Il est heureux que la cours de cassation et le conseil d’Etat ne se soient pas


laissés prendre au piège d’une nouvelle catégorie de personne juridique que pour des
raisons de circonstance ou pour tout dire de sensibilité politique, le législateur a
subrepticement introduit dans le droit public au début des années 90. On veut ici parler des
deux exploitants d e droit public France telecom et la poste qui ont un temps interrogé la
doctrine et que les deux juridictions suprême par deux arrêts du 22 février 1995 et du 13
novembre 1998, ont ramenée à la catégorie connue des établissements publics. Ils sont l’un
et l’autre devenue des sociétés commerciales de pleins exercice cet à dire des personnes
243
morales de Droit privé »

En fait, le tâtonnement sus mentionné de la cours de cassation et du conseil d’Etat met en


exergue une sorte d’hésitation face à cette personne publique revêtue d’une personnalité juridique
artificielle. Cette hésitation découle du fait que la personne publique demeure une créature
étatique même si elle souffre d’une amputation de la personnalité juridique originelle. En effet, il
est observé qu’une nouvelle tendance tend à effectuer un « démembrement de la notion de
personne publique, en deux entités dont l’une est une personne morale de Droit Public et, l’autre,
une personne morale de Droit privé »244 et qu’une autre distingue : « Les personnes publiques-
publiques parce qu’elles sont à forte concentration de Droit Public, des personnes publiques-
privées ou privées-publiques qui campent dans un no man’s land ou bien malin serait celui qui
pourrait tracer une ligne de pourcentage ; enfin les personnes privées-privées appelées tel pour
confirmer qu’en dépit de leur proximité éventuelle avec l’une des trois catégories précédentes ne
partagent rien avec la personnalité juridique de Droit Public »245. La greffe de la personnalité
juridique artificielle n’est qu’une tentative de camouflage de la marque publique.

i-2-2) Le camouflage de la marque publique

242
RAPP (L), « Variations autour de la personnalité juridique en droit public », consulté dans le site :
https://books.openedition.org le 05 juillet 2022
243
Ibid.
244
Ibid.
245
Ibid.
101
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Toutes les créatures étatiques ont une marque que l’on peut qualifier de publique. Il s’agit
en quelque sorte de l’ADN des personnes publiques. C’est cette marque qui donne aux personnes
publiques la coloration particulière ou alors, la spécificité qui les caractérisent. Qu’elles soient
dotées ou non de la personnalité juridique de Droit public, les institutions publiques sont dotées
de cette marque.

Il convient en effet de constater que l’institution publique est différente de la personne


morale de Droit public. Toutes les institutions publiques ne sont pas dotées de la personnalité
juridique.

Certaines, inscrites dans un mécanisme de déconcentration gardent un lien fort avec


l’Etat. D’autres, se déployant dans l’une des sphères de la séparation des pouvoirs participent à
l’exercice d’un pouvoir sans pour autant posséder la personnalité juridique.

En fait, il y’a lieu d’observer ici qu’il existe dans la physiologie métaphysique des êtres
juridiques deux sortes de corps : le corps- personne et le corps- institution. L’opération de
substitution affecte le corps- personne mais ne touche pas le corps- institution qui est pourtant le
siège de la marque publique.

i-2-2-1) Les corps juridique : Le corps- personne et le corps- institution

i-2-2-1-1) Le corps- personne

Le corps-personne est celui qui est crée par la personnalité juridique. Il permet à
l’organisation d’avoir une existence presque détachée de celle de son créateur. Le dépositaire du
corps-personne est une entité distincte de son créateur. Il ne s’agit pas simplement d’un organe
créé mais aussi et surtout d’un organe autonome. Le dépositaire du corps- personne peut s’auto
organiser et/ou s’auto financer car il peut jouir soit de l’autonomie administrative, soit de
l’autonomie financière, soit des deux à la fois.

En matière de métaphysique juridique, le corps- personne n’est pas l’apanage des


créatures idéelles. Certains êtres humains en son aussi dotés. Le Président de la république par
exemple possède deux corps, le corps sus mentionné et le corps- structure. Le corps-personne est
celui qui lui est naturellement transmis par la métaphysique juridique à travers le Droit objectif
dès la naissance. Il a dans cette logique une personnalité juridique de Droit privé. Aussi, il y’a
lieu même si cela est connu de tous que tout être humain vivant et viable est doté de la
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personnalité juridique. Celle-ci implique de nombreux droits subjectifs parmi lesquels on peut
évoquer les Droits patrimoniaux et les Droits extra patrimoniaux.

La personnalité juridique de Droit privé porte naturellement la marque privée. Celle-ci est
en fait l’ADN métaphysique de l’entité qui en est doté. La marque privée secrète le corps
personne et celui-ci contient la personnalité juridique de Droit privé.

Dans cette logique, la personne privée qui incarne le Président de la République doit être
distinguée de l’institution en question car elle a sa structure métaphysique.

Mais, il y’a lieu de remarquer que la marque publique qui caractérise le Président de la
République ne peut pas naturellement se développer dans le corps- personne. Il réside dans le
corps structure. La personnalité juridique quant à elle ne peut pas se développer dans le corps
structure car c’est le siège de la marque publique.

Dans cette logique, l’entité Président de la République met en exergue deux corps qui
cohabitent dans le même ensemble. Le corps personne qui concerne l’homme et le corps structure
qui met en exergue l’institution. C’est dans l’institution que se trouve la marque publique.

On doit remarquer dans cette perspective que le Président de la République n’a pas deux
personnalités juridiques. Il a une personnalité juridique de Droit Privé et un corps institution qui
porte la marque publique. C’est la marque publique qui donne la coloration publique au corps
institutionnel. Raison pour laquelle on dira qu’il est une institution publique. Plus clairement il
s’agit d’une personne privée qui incarne l’institution publique.

i-2-2-1-2) Le corps-institution

En ce qui concerne les personnes morales, il est important de signaler que la marque,
qu’elle soit publique ou privée peut générer un corps-personne. En effet, si la personne physique
nait naturellement avec un corps-personne qui est détaché du corps-structure, la personne morale
nait avec un corps-personne qui est engendré par la marque institutionnelle c'est-à-dire la marque
publique ou la marque privée.

La marque institutionnelle se trouve dans le corps-institution. Ce corps peut prendre la


coloration d’une institution publique ou d’une institution privée. La coloration est secrétée par la

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marque en présence. Dans cette logique, il apparait que la marque institutionnelle affecte à la fois
la nature du corps-personne et celle du corps structure.

Le corps-personne dans ce contexte apparaît comme est une excroissance de la marque


institutionnelle. Celle-ci en effet située dans le corps-institution produit une matière qui se
développe et donne à la personne morale son deuxième corps.

Dans cette perspective, toutes les personnes morales ont deux corps, le corps-personne et
le corps-institution. Ce n’est pas le cas de toutes les institutions.

Certaines institutions en effet, à l’instar du parlement sont dépourvues du corps-personne et


par conséquent de la personnalité juridique. On peut en dire de même de la préfecture ou de la
sous préfecture qui s’inscrivent en réalité dans une logique de déconcentration.

i-2-2-2) L’opération de substitution de la personnalité juridique

Toutes les créatures étatiques doivent en principe bénéficier de la personnalité juridique


de Droit public. En effet, même dans la métaphysique juridique, il est difficilement concevable
que des lions accouchent des girafes.

Dans cette perspective, ce qui explique la dénaturation de l’entreprise publique est


l’opération de substitution de la personnalité juridique. Celle-ci commence par l’amputation de la
personnalité juridique originelle et le remplacement de l’élément découpée par une personnalité
juridique artificielle.

i-2-2-2-1) L’amputation de la personnalité juridique originelle

Avant de naître dans le monde réel, l’entité juridique se développe d’abord dans le monde
idéel. C’est dans ce monde que les agents de fabrication des actes juridiques amputent la
personne morale, cette construction juridique de sa personnalité originelle.

Il est déjà admis que la personne morale peut naître avec des organes :

« Si la personne morale naît spontanément avec les organes qui la représentent


naturellement au moment de sa naissance, la personne morale est une personne naturelle,
246
un être collectif, en un mot [une] personne corporative naturelle » .

246
DUGUIT (L), Traité de Droit constitutionnel, 3e éd.,t.I, Editions De Boccard, Paris1927, p. 620
104
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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Cette personne naturelle a des organes naturels. Certains sont perceptibles à travers les
sens et d’autres relèvent de la métaphysique juridique. La personnalité juridique en fait partie.
Elle se trouve dans un autre organe invisible que l’on peut qualifier de corps-personne. Celui-ci,
fabriqué et lié au corps-structure par une sorte de cordon porte la coloration de la marque
institutionnelle en présence.

Avant la naissance de l’entreprise publique, au cours de la gestation, les agents de


fabrication des lois agissent souvent dans le cadre d’une sorte d’intervention chirurgicale
effectuée sur l’Etat pour amputer la créature juridique qu’il s’apprête à mettre au monde de son
organe naturel, métaphysique et juridique.

Ces agents de fabrication des lois utilisent dans le cadre de cette intervention des procédés
métaphysiques et physiques pour réaliser leur besogne. Le simple fait de prévoir que l’entreprise
publique sera dotée de la personnalité juridique de Droit privée est une sorte de manœuvre
surnaturelle qui conduit dans le « monde vrai pour le Droit » à une opération complexe et
efficace. Les actes posés dans le monde physique entraînent des opérations ou mécanismes dans
le monde métaphysique. Par ailleurs, les actes posés ou subits par la construction juridique sont
également en partie des constructions juridiques. Il est nécessaire d’admettre cette réalité pour
comprendre certains mécanismes de la métaphysique juridique.

Aussi, l’opération chirurgicale qui est effectuée sur la personne morale en gestation vise le
corps-personne de sa progéniture. C’est en effet au cœur de ce dernier que se trouve
naturellement la personnalité juridique de Droit public. Le retrait de la marque publique paraît
inenvisageable car elle apparaît comme un organe vital. Cependant, les effets de la marque
publique peuvent être atténués ou même annihilés.

L’organe juridique qui est donc coupé et retiré avant la naissance de l’entreprise publique
laisse de la place à la greffe d’un organe artificiel. La présence de l’organe artificiel pourra avoir
un impact sur le régime juridique applicable à l’entreprise publique. Cependant lorsque les effets
de la marque publique n’ont pas totalement été annihilés, cet organe vital agit et permet à
l’entreprise de bénéficier de certaines prérogatives dérogatoires de Droit commun.

i-2-2-2-2) Le remplacement de la personnalité juridique amputée

105
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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D’emblée, l’entreprise publique est dotée de la personnalité juridique de Droit public.


Seulement, à travers des interventions chirurgicales et prénatales, elle est systématiquement
dépouillée de sa personnalité juridique originelle pour être pourvue d’une personnalité juridique
artificielle. Cela entraine une cohabitation contre nature des structures juridiques qui de prime
abord n’étouffe pas le rayonnement de la marque publique.

i-2-2-2-2-1) La cohabitation contre nature des structures juridiques

En remplaçant la personnalité juridique originelle par une personnalité artificielle, on crée


une cohabitation contre nature de deux structures juridiques. En effet, la personnalité juridique de
Droit privé qui devrait se déployer dans le corps-personne de coloration privée se trouve greffé à
un contenant qui ne lui correspond pas. En effet, le contenu de la personnalité juridique de Droit
privé devrait être dans un contenant sécrété par la marque privée.

En outre, la personnalité juridique de Droit privé doit être dans un corps-personne de


marque privé et la personnalité juridique de droit public devrait être contenue dans un corps-
personne de marque publique.

Raison pour laquelle l’insertion de la personnalité juridique de Droit privée dans le corps-
personne de marque publique crée un paradoxe247 qui ne passe pas inaperçu. En d’autres mots :

« Les entreprises publiques comme l’a déjà observé la doctrine la plus


ancienne représentent un « paradoxe » et leur détachement de l’appareil étatique a toujours
été considéré comme une question controversée, comme l’ont également noté des ouvrages
majeurs consacrés au Droit international elles sont en partie un fait de l’Etat. C’est l’Etat,
en effet « qui préside à leur création » et c’est toujours l’Etat qui : « leur fourni la plus
grande part de leur patrimoine et exerce sur leurs activités un contrôle de portée
248
variable »

Ce paradoxe suscite des hésitations et doutes au sujet du critère de la personne publique.


En effet, doté de la personnalité juridique de Droit privé, elle semble être reléguée au rang de
personne privée.

247
RIAD (F), « L’entreprise publique et sémi- publique en Droit international privé », in R.C.A.D.I., 1963, p. 573
248
ALVARO CORTESI (G), Les émanations de l’Etat à vocation économique dans l’arbitrage des investissements et
dans le contentieux de L’ OMC, Université-Sorbonne-Paris 1 et Università Degli Studi (Padou, Italie), Facultà di
Scienze Politiche, 2018, pp.16-17
106
L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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En fait, si l’entreprise publique est dépouillée de sa personnalité juridique originelle au


profit d’une personnalité juridique artificielle, c’est parce qu’elle est la version commerçante de
l’Etat destinée à représenter l’Etat dans le monde des marchands.

i-2-2-2-2-2) Le rayonnement de la marque publique

Cette substitution se réalise au niveau du corps-personne qui est en réalité lié au corps-
structure. Celui-ci contient la marque publique et cette marque peut affecter la personne amputée
au point de lui permettre de bénéficier de ses propriétés.

Aussi :

« La personnalité juridique de Droit Public se reconnaît enfin à ses attributs qui ne


sont pas seulement cette pleine capacité juridique commune aux autres personnes juridiques
(physiques ou morales), mais auxquelles correspondent aussi et peut être surtout,
d’importantes prérogatives de Droit public auxquelles nous faisions immédiatement
référence. Ces dernières sont le signe de la puissance publique, instrument impérativement
nécessaire à la réalisation des missions d’intérêts général dont sont investies, par nature les
249
personnes morales de Droit public » .

Il faut en effet observer que la créature étatique s’inscrit dans une mission de service
public. Ceci même si elle se présente sous la forme d’une société qui recherche le profit. En fait,
la rentabilité recherchée s’inscrit précisément dans cette mission de service public car en
principe, le but n’est pas d’enrichir une personne privée qui a des intérêts égoïstes mais plutôt une
personne publique qui représente l’Etat et qui représente également une collectivité qui agit pour
des intérêts supérieurs. Dans un tableau attribué à PICARD, cette réalité se dessine ainsi 250:

249
RAPP (L), « Variations autour de la personnalité juridique en droit public », op.cit.
250
Tableau : Description des différents types d’organisation d’entreprises tiré de l’article de TCHANKAM (J-P),
« La gestion dans les secteurs publics et privé : Une analyse critique des similarités et des différences au
Cameroun », in La revue des sciences de gestion, 2008/2 (n°230), p.72

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L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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Objectifs des divers types d’organisation


Propriété
But non lucratif But lucratif

A C
Publique
Service public Service public+rentabilité

B
D
Privée La rentabilité est une
rentabilité
condition et non un objectif

La créature étatique, grâce à la marque publique qui rayonne au sein du corps-structure et


provoque le rayonnement de la personne publique, est dotée de la puissance publique et investie
dans une mission d’intérêt public. Le rayonnement de la marque publique confère à la créature
étatique dans le tiers ordre juridique l’immunité de juridiction. Et :

« L’immunité de juridiction (…) protège l’Etat et ses satellites dans l’ordre international
et en fait un justiciable à part dans l’ordre interne, on lui reproche de pouvoir choisir son juge ;
que dire de ce qui se passe dans l’ordre international puisqu’il y choisi rien moins que la capacité
d’être jugé ; faut- il rappeler qu’en dépit d’initiatives récentes, l’on continue de combattre pour
l’arbitrabilité des litiges mettant en cause des personnes publiques »251

De même, l’insaisissabilité qui protège les biens des personnes publiques est une
conséquence du rayonnement de la marque publique. En outre :

« L’insaisissabilité des biens d’une personne publique la poursuit au-delà du changement


du régime de sa propriété : Les dépendances domaniales peuvent être désaffectées, déclassées et
quitter le régime protecteur de la domanialité publique que les biens du domaine privé d’une
collectivité ou d’un établissement public restent insaisissables. Ils le sont nous dit le juge, non

251
RAPP (L), « Variations autour de la personnalité juridique en droit public », op.cit.
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L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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parce que ces biens seraient sanctuarisés quelque soit leurs statuts, mais parce que leur
propriétaire est une personne morale de Droit Public »252.

On doit observer que l’existence de la marque publique est reconnue certes de manière
brève et discrète mais également de manière réelle par le Professeur RAPP. Seulement, ce dernier
affirme que c’est l’insaisissabilité qui représente cette marque. En effet, selon l’auteur,
« l’insaisissabilité », est la « marque exemplaire de la personnalité morale de droit public à tel
point qu’elle peut même servir de marqueur »253. En fait, aux yeux de la présente étude, l’auteur
érige en cause ce qui est une conséquence. Ce n’est pas l’insaisissabilité qui est la cause de la
marque publique. Elle est en fait l’une des conséquences de son rayonnement.

En effet, si l’on admet que l’insaisissabilité est la marque de la personnalité morale de


Droit Public, alors on admet que c’est l’insaisissabilité qui donne au centre d’intérêt
juridiquement protégé sa coloration publique. Pourtant celle-ci semble avoir une origine plus
profonde, une origine qui trouve son point de départ dans le corps-institution.

252
Ibid
253
RAPP (L), op.cit.
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L’immunité d’exécution des Etats dans l’espace OHADA, première version revue
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Bibliographie

Ouvrages généraux

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Articles publiés dans des revues


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NAHM-TCHOUGLI (G), « L’immunité d’exécution ou de saisie des entreprises publiques dans


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Lois

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Loi n° 2007/10 du 12 juillet 2017 portant statut général des établissements publics

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Acte uniforme OHADA

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