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Faculté de droit

Année universitaire 2021-2022

Licence 2
Droit des obligations : droit de la responsabilité civile
Anne BAZELA
Fiche n° 1
Introduction au droit de la responsabilité civile

Exercice : La réparation du préjudice, conditions et étendue 


Liste des documents :
Document 1 : article 1231-3 du code civil
Document 2 : article 1258 issu du projet de réforme de la responsabilité civile du 13 mars
2017
Document 3 : Fabrice Leduc, «  Les règles générales régissant la réparation du dommage »,
JCP G 2016, P.36 S.
Document 4: article 414-3 code civil
Document 5 : Cass.Civ.1ere, 28 janvier 2003, 00-12.498
Document 6 : Cass.Ass.plén. 17 novembre 2000, « Perruche », n° 99-13.701, Bull. n°9
Document 7 : article L.114-5 du code de l’action sociale et des familles (ancien art. 1er de la
loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, dite « anti-Perruche »)
Document 8  : Cons.const 11 juin 2010 n°2010-2 QPC
Document 9 : Discours de Monsieur Jean-Jacques URVOAS garde des sceaux, ministre de la
justice, Présentation du projet de réforme du droit de la responsabilité civile Académie des
Sciences morales et politiques
Lundi 13 mars 2017
Document 10 : Point sur le projet de réforme de la responsabilité civile source dalloz étudiant
Document 1 : article 1231-3 du code civil

« Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être
prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde
ou dolosive. »

Document 2 : article 1258 issu du projet de reforme de la responsabilité civile du 13


mars 2017

« La réparation a pour objet de replacer la victime autant qu'il est possible dans la situation où
elle se serait trouvée si le fait dommageable n'avait pas eu lieu. Il ne doit en résulter pour elle
ni perte ni profit ». (la réparation intégrale)

Document 3 : Fabrice Leduc, «  Les règles générales régissant la réparation du


dommage », JCP G 2016, P.36 S.

« Article 1258 : le principe de la réparation intégrale. - Alors que le principe de la


réparation intégrale n’était explicitement formulé par aucun texte, l’avant-projet de loi portant
réforme de la responsabilité civile lui offre, à l’instar des projets antérieurs, une consécration
légale. L’énoncé légal du principe n’a rien d’innovant : il reprend en substance la formule
qu’utilise la Cour de cassation depuis 1954.
Pour classique qu’elle soit, la formulation du principe de la réparation intégrale retenue par
l’article 1258 n’apparaît pas pleinement satisfaisante. Ouvrant une section consacrée aux «
principes » régissant les effets de la responsabilité, il n’est pas douteux que ce texte embrasse
les matières délictuelle et contractuelle. Or, la finalité de la réparation intégrale n’est pas la
même dans ces deux domaines, de sorte qu’une formulation uniforme manque de rigueur. Une
déclinaison s’impose.
En matière extracontractuelle, le fait dommageable a toujours pour effet de dégrader une
situation préexistante. L’objectif de la réparation intégrale est par conséquent de rétablir,
autant que faire se peut, le statu quo ante delictum : il s’agit de combler la différence entre la
situation de la victime avant le fait dommageable et celle qui est la sienne au jour du
jugement. Il s’ensuit qu’en énonçant que « la réparation doit avoir pour objet de replacer la
victime autant qu’il est possible dans la situation où elle se serait trouvée si le fait
dommageable n’avait pas eu lieu », l’article 1258 retient une définition de la réparation
intégrale parfaitement adaptée à la matière extracontractuelle.
Les choses sont, en revanche, plus complexes en matière contractuelle. Deux situations
doivent être distinguées.
La première est celle où la responsabilité contractuelle du débiteur défaillant est seule
recherchée (ou l’est en complément de la résiliation du contrat). Le fait dommageable, qui
réside dans l’inexécution du contrat, n’a pas, comme en matière extracontractuelle, pour effet
de détériorer une situation préexistante, il a bien plutôt pour effet de priver le créancier d’une
situation bénéfique à venir, celle qui devait résulter de la bonne exécution du contrat jusqu’à
son terme. Ce dont il résulte que la réparation du dommage contractuel doit tendre à placer le
créancier dans la situation où il se serait trouvé si le contrat avait été correctement exécuté. La
réparation intégrale a, en l’occurrence, pour objet de combler la différence entre la situation
dans laquelle le créancier se serait trouvé si le contrat avait été dûment exécuté et sa situation
effective actuelle. Il s’agit, en d’autres termes, de reconstituer fictivement une situation
espérée mais non advenue.
La seconde situation est celle où le créancier agit en responsabilité contractuelle en
complément de la résolution du contrat (laquelle se caractérise par la restitution de
l’intégralité de ce que les parties se sont procuré l’une à l’autre2). En pareille occurrence,
deux thèses s’affrontent entre lesquelles doctrine et jurisprudence balancent.
La première soutient que la finalité de la réparation intégrale ne saurait être la même que dans
l’hypothèse précédente au motif que le droit se contredirait si d’un côté, par la résolution, il
s’employait à effacer tous les effets du contrat et d’un autre côté s’appliquait, par la
responsabilité contractuelle, à placer le créancier dans la situation qui aurait été la sienne si le
contrat avait été correctement exécuté. Un argument a coherentia commanderait donc de
retenir que la réparation du dommage contractuel complémentaire à la résolution doit tendre à
placer le créancier dans la situation où il se serait trouvé si le contrat n’avait pas été conclu.
Ce dont il s’infère que la réparation intégrale doit tendre, en l’occurrence, à combler la
différence entre la situation dans laquelle le créancier se trouverait si le contrat litigieux
n’avait pas été conclu et sa situation effective actuelle.
La seconde thèse considère, quant à elle, que la réparation additionnelle à la résolution a la
même finalité que lorsque la responsabilité contractuelle est seule recherchée. L’idée sous-
jacente est qu’un contrat résolu doit être soigneusement distingué d’un contrat nul : la
résolution ne saurait, en effet, occulter le fait qu’un contrat valable a été originellement
conclu, à l’exécution duquel le créancier avait intérêt. En conséquence, la réparation
complémentaire à la résolution doit, elle aussi, chercher à placer le créancier dans la situation
dans laquelle il se fût trouvé si le contrat avait été dûment exécuté. Afin d’éviter les
flottements jurisprudentiels, il importe que le législateur prenne clairement partie sur
l’objectif que doit poursuivre la réparation intégrale du dommage contractuel complémentaire
à la résolution du contrat.
Au regard des observations qui précédent, la rédaction de l’article 1258 gagnerait à être
précisée : après un premier alinéa formulant de manière générique le principe de la réparation
intégrale, la suite du texte en déclinerait la finalité spécifique en matière extracontractuelle
(alinéa 2) et en matière contractuelle (alinéa 3) »
Document 4 : article 414-3 code civil

« Celui qui a causé un dommage à autrui alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental
n'en est pas moins obligé à réparation. »

Document 5 : Cass.Civ .1ere, 28 janvier 2003, 00-12.498

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :


Attendu que l'Association juridique protection conseil (AJPC) fait grief à l'arrêt attaqué (Paris,
25 novembre 1999) d'avoir condamné Mme Marie A..., dont elle est tutrice, à garantir la
Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris-Ile-de-France (CRCAM) des
conséquences de l'annulation, pour cause d'insanité d'esprit, d'un acte de donation et d'un
cautionnement donné à sa fille Dominique B... à l'égard de la CRCAM, prêteur ; qu'il est
reproché à la cour d'appel d'avoir omis de répondre aux conclusions invoquant d'une part la
nullité de l'acte de cautionnement pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 312-10
du Code de la consommation, d'autre part la faute de la CRCAM qui n'a pas pu se méprendre
sur l'état mental de Mme Marie A..., enfin d'avoir violé l'article 489-2 du Code civil et la règle
selon laquelle l'annulation d'un acte entraîne son anéantissement rétroactif ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que la nullité du contrat n'excluait pas
l'action en responsabilité contre le contractant dont la faute a été, en l'espèce, caractérisée ;
[…]
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Document 6 : Cass.Ass.plén. 17 novembre 2000, « Perruche », n° 99-13.701, Bull. n°9

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche du pourvoi principal formé par les époux
X..., et le deuxième moyen du pourvoi provoqué, réunis, formé par la caisse primaire
d'assurance maladie de l'Yonne :
Vu les articles 1165 et 1382 du Code civil ;
Attendu qu'un arrêt rendu le 17 décembre 1993 par la cour d'appel de Paris a jugé, de
première part, que M. Y..., médecin, et le Laboratoire de biologie médicale de Yerres, aux
droits duquel est M. A..., avaient commis des fautes contractuelles à l'occasion de recherches
d'anticorps de la rubéole chez Mme X... alors qu'elle était enceinte, de deuxième part, que le
préjudice de cette dernière, dont l'enfant avait développé de graves séquelles consécutives à
une atteinte in utero par la rubéole, devait être réparé dès lors qu'elle avait décidé de recourir à
une interruption volontaire de grossesse en cas d'atteinte rubéolique et que les fautes
commises lui avaient fait croire à tort qu'elle était immunisée contre cette maladie, de
troisième part, que le préjudice de l'enfant n'était pas en relation de causalité avec ces fautes ;
que cet arrêt ayant été cassé en sa seule disposition relative au préjudice de l'enfant, l'arrêt
attaqué de la Cour de renvoi dit que " l'enfant Nicolas X... ne subit pas un préjudice
indemnisable en relation de causalité avec les fautes commises " par des motifs tirés de la
circonstance que les séquelles dont il était atteint avaient pour seule cause la rubéole
transmise par sa mère et non ces fautes et qu'il ne pouvait se prévaloir de la décision de ses
parents quant à une interruption de grossesse ;
Attendu, cependant, que dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans
l'exécution des contrats formés avec Mme X... avaient empêché celle-ci d'exercer son choix
d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap, ce
dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les
fautes retenues ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs de l'un et l'autre
des pourvois :
CASSE ET ANNULE

Document 7 : article L.114-5 du code de l’action sociale et des familles (ancien art. 1er de
la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, dite « anti-Perruche »)

« Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.


La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son
préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas
permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer.
Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-
vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite
d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul
préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de
la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité
nationale. »

Document 8 : Cons.const 11 juin 2010 n°2010-2 QPC

Considérant qu'aux termes du paragraphe I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 susvisée :

« Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance.

« La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son

préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas

permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer.

« Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-

à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite

d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul

préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de

la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité

nationale.

« Les dispositions du présent paragraphe I sont applicables aux instances en cours, à

l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation » ; 

Considérant que les trois premiers alinéas du paragraphe I de l'article 1er de la loi du 4 mars

2002 précité ont été codifiés à l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles par

le 1 du paragraphe II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 susvisée ; que le 2 de ce même

paragraphe II a repris le dernier alinéa du paragraphe I précité en adaptant sa rédaction ; 

- SUR LE PREMIER ALINÉA DE L'ARTICLE L. 114 5 DU CODE DE L'ACTION

SOCIALE ET DES FAMILLES :

Considérant que, selon la requérante, l'interdiction faite à l'enfant de réclamer la réparation

d'un préjudice du fait de sa naissance porterait atteinte au principe selon lequel nul n'ayant le

droit de nuire à autrui, un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ;
que cette interdiction, qui prive du droit d'agir en responsabilité l'enfant né handicapé à la

suite d'une erreur de diagnostic prénatal, alors que ce droit peut être exercé par un enfant dont

le handicap a été directement causé par la faute médicale, entraînerait une différence de

traitement contraire à la Constitution ; 

Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes

fondamentaux… du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et

commerciales » ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa

compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier

l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le

cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas

de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; que l'article 61-1 de la

Constitution, à l'instar de l'article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir

général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que cet article

lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité d'une disposition

législative aux droits et libertés que la Constitution garantit ; 

Considérant que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789

dispose que la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ;

que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des

situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu

que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct

avec l'objet de la loi qui l'établit ; 

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des termes des deux premiers alinéas de l'article L.

114-5 du code de l'action sociale et des familles qu'il n'est fait obstacle au droit de l'enfant de

demander réparation aux professionnels et établissements de santé que lorsque la faute

invoquée a eu pour seul effet de priver sa mère de la faculté d'exercer, en toute connaissance
de cause, la liberté d'interrompre sa grossesse ; que ces professionnels et établissements

demeurent tenus des conséquences de leur acte fautif dans tous les autres cas ; que, par suite,

le premier alinéa de l'article L. 114-5 n'exonère pas les professionnels et établissements de

santé de toute responsabilité ; 

Considérant, en deuxième lieu, qu'après l'arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2000

susvisé, le législateur a estimé que, lorsque la faute d'un professionnel ou d'un établissement

de santé a eu pour seul effet de priver la mère de la faculté d'exercer, en toute connaissance de

cause, la liberté d'interrompre sa grossesse, l'enfant n'a pas d'intérêt légitime à demander la

réparation des conséquences de cette faute ; que, ce faisant, le législateur n'a fait qu'exercer la

compétence que lui reconnaît la Constitution sans porter atteinte au principe de responsabilité

ou au droit à un recours juridictionnel ; 

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions contestées ne font obstacle au droit de

l'enfant né avec un handicap d'en demander la réparation que dans le cas où la faute invoquée

n'est pas à l'origine de ce handicap ; que, dès lors, la différence de traitement instituée ne

méconnaît pas le principe d'égalité ; 

Considérant, par suite, que les griefs dirigés contre le premier alinéa de l'article L. 114-5 du

code de l'action sociale et des familles doivent être écartés ; 

- SUR LE TROISIÈME ALINÉA DE L'ARTICLE L. 114 5 DU CODE DE L'ACTION

SOCIALE ET DES FAMILLES :

Considérant que, selon la requérante, l'exigence d'une faute caractérisée pour que la

responsabilité des professionnels et établissements de santé puisse être engagée vis-à-vis des

parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse, ainsi que l'exclusion,

pour ces parents, du droit de réclamer la réparation du préjudice correspondant aux charges

particulières découlant de ce handicap tout au long de la vie porteraient également atteinte au


principe de responsabilité ainsi qu'au « droit à réparation intégrale du préjudice » et

méconnaîtraient le principe d'égalité ; 

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Déclaration de 1789 : « La liberté consiste à

pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en principe,

tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute

duquel il est arrivé à le réparer ; que la faculté d'agir en responsabilité met en œuvre cette

exigence constitutionnelle ; que, toutefois, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que le

législateur aménage, pour un motif d'intérêt général, les conditions dans lesquelles la

responsabilité peut être engagée ; qu'il peut ainsi, pour un tel motif, apporter à ce principe des

exclusions ou des limitations à condition qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée

aux droits des victimes d'actes fautifs ainsi qu'au droit à un recours juridictionnel effectif qui

découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; 

En ce qui concerne l'exigence d'une faute caractérisée :

 Considérant qu'en subordonnant à l'existence d'une faute caractérisée la mise en œuvre de la

responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé vis-à-vis des parents d'un

enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse, le législateur a entendu prendre

en considération, en l'état des connaissances et des techniques, les difficultés inhérentes au

diagnostic médical prénatal ; qu'à cette fin, il a exclu que cette faute puisse être présumée ou

déduite de simples présomptions ; que la notion de « faute caractérisée » ne se confond pas

avec celle de faute lourde ; que, par suite, eu égard à l'objectif poursuivi, l'atténuation

apportée aux conditions dans lesquelles la responsabilité de ces professionnels et

établissements peut être engagée n'est pas disproportionnée ; 

En ce qui concerne l'exclusion de certains préjudices :


Considérant, en premier lieu, que les professionnels et établissements de santé demeurent

tenus d'indemniser les parents des préjudices autres que ceux incluant les charges particulières

découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de son handicap ; que, dès lors, le troisième alinéa

de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles n'exonère pas les professionnels

et établissements de santé de toute responsabilité ; 

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des travaux parlementaires de la loi du 4 mars

2002 susvisée que les dispositions critiquées tendent à soumettre la prise en charge de toutes

les personnes atteintes d'un handicap à un régime qui n'institue de distinction ni en fonction

des conditions techniques dans lesquelles le handicap peut être décelé avant la naissance, ni

en fonction du choix que la mère aurait pu faire à la suite de ce diagnostic ; qu'en décidant,

ainsi, que les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de son

handicap, ne peuvent constituer un préjudice indemnisable lorsque la faute invoquée n'est pas

à l'origine du handicap, le législateur a pris en compte des considérations éthiques et sociales

qui relèvent de sa seule appréciation ; 

Considérant que les dispositions critiquées tendent à répondre aux difficultés rencontrées par

les professionnels et établissements de santé pour souscrire une assurance dans des conditions

économiques acceptables compte tenu du montant des dommages-intérêts alloués pour réparer

intégralement les conséquences du handicap ; qu'en outre, le législateur a notamment pris en

compte les conséquences sur les dépenses d'assurance maladie de l'évolution du régime de

responsabilité médicale ; que ces dispositions tendent ainsi à garantir l'équilibre financier et la

bonne organisation du système de santé ; 

Considérant, en troisième lieu, que les parents peuvent obtenir l'indemnisation des charges

particulières résultant, tout au long de la vie de l'enfant, de son handicap lorsque la faute a

provoqué directement ce handicap, l'a aggravé ou a empêché de l'atténuer ; qu'ils ne peuvent

obtenir une telle indemnisation lorsque le handicap n'a pas été décelé avant la naissance par
suite d'une erreur de diagnostic ; que, dès lors, la différence instituée entre les régimes de

réparation correspond à une différence tenant à l'origine du handicap ; 

Considérant, en quatrième lieu, que le troisième alinéa de l'article L. 114-5 du code de l'action

sociale et des familles prévoit que la compensation des charges particulières découlant, tout au

long de la vie de l'enfant, de son handicap relève de la solidarité nationale ; qu'à cette fin, en

adoptant la loi du 11 février 2005 susvisée, le législateur a entendu assurer l'effectivité du

droit à la compensation des conséquences du handicap quelle que soit son origine ; qu'ainsi, il

a notamment instauré la prestation de compensation qui complète le régime d'aide sociale,

composé d'allocations forfaitaires, par un dispositif de compensation au moyen d'aides

allouées en fonction des besoins de la personne handicapée ; 

Considérant que, dans ces conditions, la limitation du préjudice indemnisable décidée par le

législateur ne revêt pas un caractère disproportionné au regard des buts poursuivis ; qu'elle

n'est contraire ni au principe de responsabilité, ni au principe d'égalité, ni à aucun autre droit

ou liberté que la Constitution garantit ; 

- SUR LE 2 DU PARAGRAPHE II DE L'ARTICLE 2 DE LA LOI DU 11 FEVRIER

2005 SUSVISÉE :

1Considérant qu'aux termes du 2 du paragraphe II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005

susvisée : « Les dispositions de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles tel

qu'il résulte du 1 du présent II sont applicables aux instances en cours à la date d'entrée en

vigueur de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 précitée, à l'exception de celles où il a été

irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation » ; 

Considérant que, selon la requérante, l'application immédiate de ce dispositif « aux instances

en cours et par voie de conséquence aux faits générateurs antérieurs à son entrée en vigueur »

porte atteinte à la sécurité juridique et à la séparation des pouvoirs ; 


Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans

laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a

point de Constitution » ; 

Considérant en conséquence que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de

droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un

but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose

jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte

modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur

constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur

constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être

strictement définie ; 

Considérant que le paragraphe I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 susvisée est entré en

vigueur le 7 mars 2002 ; que le législateur l'a rendu applicable aux instances non jugées de

manière irrévocable à cette date ; que ces dispositions sont relatives au droit d'agir en justice

de l'enfant né atteint d'un handicap, aux conditions d'engagement de la responsabilité des

professionnels et établissements de santé à l'égard des parents, ainsi qu'aux préjudices

indemnisables lorsque cette responsabilité est engagée ; que, si les motifs d'intérêt général

précités pouvaient justifier que les nouvelles règles fussent rendues applicables aux instances

à venir relatives aux situations juridiques nées antérieurement, ils ne pouvaient justifier des

modifications aussi importantes aux droits des personnes qui avaient, antérieurement à cette

date, engagé une procédure en vue d'obtenir la réparation de leur préjudice ; que, dès lors, le 2

du paragraphe II de l'article 2 de la loi du 11 février 2005 susvisée doit être déclaré contraire à

la Constitution, 

DÉCIDE :
Article 1er.- Les premier et troisième alinéas de l'article L. 114-5 du code de l'action
sociale et des familles sont conformes à la Constitution.

Article 2.- Le 2 du paragraphe II de l'article 2 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005


pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes
handicapées est contraire à la Constitution.

Document 09 : Discours de Monsieur Jean-Jacques URVOAS garde des sceaux,


ministre de la justice,Présentation du projet de réforme du droit de la
responsabilité civile Académie des Sciences morales et politiques
Lundi 13 mars 2017

Monsieur le Secrétaire perpétuel,

Mesdames, Messieurs,

En matière de droit civil, le calendrier ministériel de l’année 2016 fut singulier :J’ai été
nommé en janvier juste avant la promulgation de l’ordonnance portant réforme du droit des
contrats le 10 février, travail considérable qui permet à l’un des trois piliers de l’ordre
juridique de renouer avec sa tradition civiliste d’accessibilité aisée, de prévisibilité garantie et
d’attractivité naturelle. J’ai été contraint de mettre en œuvre une vaste loi voulue par l’un des
collègues que toutes les professions règlementées avaient vécu comme une hostilité à leur
égard, alors même que ce n’était ni la volonté du Premier ministre, ni celle du législateur. Et
enfin je prépare une réforme qui sera de facto portée par mon – éventuel – successeur !Je ne
sais pas si le destin est joueur, mais de fait, il m’a évité l’ivresse de l’autosatisfaction
ministérielle dans ces domaines !

C’est donc avec la conscience du rythme d’écoulement du temps que je viens vous entretenir
d’une réforme historique. Ainsi que je vous l’avais indiqué à certains d’entre vous le 29 avril
dernier place Vendôme, l’ordonnance de février ne marquait nullement la fin du chantier de
modernisation du droit des obligations...

Comme vous le savez, le droit de la responsabilité civile a volontairement été exclu de son
champ de l’habilitation. Compte-tenu de la sensibilité particulière des enjeux propres à cette
matière. La pleine appropriation par le Parlement avait été jugée nécessaire.

Mais ne nous y trompons pas. Bien que dissociées dans le temps, la réforme du droit des
contrats et de celle du droit de la responsabilité ne sont pas dissociables sur le fond.

La deuxième est d’autant plus nécessaire qu’elle viendra parachever la première. Et cela
donnera naissance à un véritable régime de responsabilité contractuelle. L’ambition est donc
de bâtir un projet :

- Qui fixe les règles communes aux responsabilités contractuelle et extracontractuelle,


- Et qui organise l’articulation de ces deux régimes. La tâche est immense !

En effet, le droit commun de la responsabilité civile repose sur cinq articles (parmi les 2 281
articles que comportait à l’origine le code civil) et qui sont demeurés pratiquement inchangés
depuis 1804. Cette concision est à l’image de la faible importance accordée à l’époque à ce
mécanisme juridique, qui trouvait alors peu d’occasions d’être mis en œuvre.

Mais depuis, comme a pu l’écrire le doyen CARBONNIER :

« Cette partie du code civil s’est hypertrophiée […]. Les dommages se sont multipliés : la vie
urbaine nous jette les uns sur les autres, les machines explosent, l’inflation des lois fait
foisonner les manquements à la loi. Et en face les victimes sont devenues plus exigeantes».

 Le constat est lucide et pourtant, lorsque ces lignes ont été écrites en 1996, la révolution
numérique n’avait pas eu lieu, les véhicules autonomes et bien d’autres robots relevaient
encore de la science-fiction...

Ces cinq articles ont – néanmoins – résisté au temps, grâce à l’impressionnante œuvre de
construction jurisprudentielle de la Cour de cassation qui a su les adapter à l’évolution des
mœurs, de la société et de la langue française.

Reste que celui qui procède à la seule lecture des articles 1382 à 1386 du code civil n’aura
qu’une vision parcellaire, pour ne pas dire erronée, du droit français de la responsabilité.

Car seule une connaissance de la riche et subtile jurisprudence de la Cour de cassation permet
à ce jour d’en appréhender la technicité.

La réforme de la responsabilité civile est donc une nécessité impérieuse :

- Pour pouvoir compter sur un droit lisible, transparent et porteur de sécurité juridique
utile aux citoyens comme aux acteurs économiques,

- Pour adapter nos règles de responsabilité aux enjeux économiques et sociaux du


XXIème siècle.

Dans ce but, le législateur de 2017 devra aller plus loin que la seule codification de la
jurisprudence.

Mais il devra garder le  souci constant du juste équilibre entre :

- L’efficacité attendue par les acteurs économiques,

- Et la protection que sont en droit d’attendre les victimes.

La tâche est immense, mais heureusement la Chancellerie a choisi de ne pas l’affronter


seule mais en s’appuyant : 

- Dans les remarquables travaux du professeur Geneviève VINEY et du regretté Pierre


CATALA,
- Dans ceux du professeur François TERRÉ, menés pour ces derniers sous l’égide de
cette Académie des sciences morales et politiques,

- Ainsi que dans le rapport de juillet 2009 des sénateurs Alain ANZIANI et Laurent
BÉTEILLE,

- Ou encore celui du député Guy LEFRAND en septembre 2010.

De surcroît, j’ai souhaité que l’avant-projet élaboré par mes services soit soumis à une large
consultation publique.

Cette dernière s’est ouverte le 29 avril 2016 et a pris fin le 31 juillet 2016.

L’importance des contributions reçues témoigne à la fois :

- Du vif intérêt que suscite cette réforme, attendue de longue date,

Nous avons, en effet, enregistré plus de mille pages !

- Et du consensus qu’il est possible de dégager sur bien des points.

Ce dont témoignent les échanges intervenus entre la DACS (Direction des affaires civiles et
du sceau) et les principaux contributeurs.

Nous avons pris en compte bien des points de vue :

- Celles de nos concitoyens, car le droit de la responsabilité civile concerne chacun


d’entre nous.

- Celles des professionnels du droit qui auront à appliquer ces textes,

- Celles des associations de victimes,

- Mais aussi les impératifs économiques rappelés par les représentants des milieux
économiques.

Ainsi, c’est grâce à vous, magistrats, universitaires, professions du droit, acteurs de la vie
économique, que l’avant-projet de la Chancellerie a pu être – notablement –amélioré.

Je veux vous en remercier chaleureusement tout comme Carole CHAMPALAUNE, qui a su


piloter avec finesse et érudition les équipes de la DACS ces premières étapes de ce vaste
chantier.

Et en l’état, l’avant-projet modifié reste profondément fidèle à cette « Constitution civile »


chère à Jean Carbonnier qui, à la suite de ce prince de l’exégèse qu’était Charles
DEMOLOMBE, résumait ainsi le code civil.

« En lui» écrivait  CARBONNIER«  sont récapitulées les idées, autour desquelles la société
française s’est constituée au sortir de la Révolution, et continue de se constituer de nos jours
encore, développant ces idées, les transformant peut-être, sans avoir jamais dit les renier ».
Ces idées fondatrices sont encore le cœur de la réforme que je vous présente, et je pense en
particulier à l’objectif d’égalité de traitement des victimes.

Evidemment, nous n’avons pas la prétention, fort dangereuse du reste, de régler toutes les
hypothèses de mise en jeu de la responsabilité civile.

Notre ambition est :

- De moderniser,

- De clarifier notre droit positif,

- De l’enrichir de deux siècles de jurisprudence et de doctrine.

Ainsi, nous aurons élaboré un droit adapté aux problématiques de notre société contemporaine
et qui pourra, à son tour, traverser le temps.

Chacun sait en effet que la solidité de cette « constitution civile » a grandement aidé la société
française à traverser une histoire mouvementée, longtemps caractérisée par l’instabilité des
constitutions politiques.

De même, ce projet poursuit un objectif de lisibilité du droit.

Cela suppose, tout d’abord, de retenir un plan structuré et un langage simplifié.

Sans pour autant oser se rattacher au mot de Stendhal qui affirmait en 1840  « composant «La
Chartreuse », pour prendre le ton, je lisais chaque matin deux ou trois pages du code civil.  »

Le plan retenu est simple, didactique car largement inspiré des travaux universitaires, et en
particulier ceux du groupe de travail du professeur CATALA.

Il s’articule autour de six chapitres :

- Dispositions préliminaires, 

- Conditions de la responsabilité,

- Causes d’exonération ou d’exclusion de la responsabilité,

- Effets de la responsabilité,

- Conventions sur la responsabilité

- Et enfin principaux régimes spéciaux de responsabilité.

S’agissant de la structure du projet, la consécration dans une section dédiée d’un ensemble de
règles communes aux responsabilités contractuelle et extracontractuelle mettra fin à nombre
de controverses doctrinales.
Cela limitera aussi les risques de contentieux. En effet, la détermination du préjudice
réparable et du lien de causalité exigés sont des facteurs communs à ces deux régimes de
responsabilité. Ces derniers doivent  recevoir les mêmes définitions et être soumis aux mêmes
conditions.

Une telle conception n’interdit évidemment pas de consacrer des exceptions, justifiées par la
spécificité du fait générateur en matière contractuelle. Je pense par exemple à la force majeure
ou à la limitation du dommage réparable à celui qui était raisonnablement prévisible au jour
de la conclusion du contrat.

Au-delà de cette clarification conceptuelle, le projet consolide les grands principes du droit de
la responsabilité civile énoncés par les rares textes actuels, ainsi que de multiples apports
jurisprudentiels.

Dans la tradition du code civil de 1804, un principe général est maintenu : celui selon lequel
« on est responsable du dommage causé par sa faute ». Avant de devenir un principe
juridique cardinal, ce précepte philosophique est consubstantiel à la condition de l’homme
moderne, dont la responsabilité est le corollaire de la liberté. Ainsi le principe de la
responsabilité pour faute traduit une exigence morale plus que jamais d’actualité.

Conformément à une tradition juridique française bien établie, un autre principe : celui de la
réparation intégrale du dommage, est aussi affirmé. En l’espèce, le projet sanctuarise des
principes dégagés par la jurisprudence. C’est notamment le cas du principe:

- De libre affectation des dommages et intérêts

- Et de l’évaluation du montant des dommages et intérêts par poste de préjudice.

Cela permet une juste indemnisation de la victime tout en respectant sa liberté dans l’usage
qu’elle en fait.

Dans le prolongement des articles 1384 à 1386, et s’inspirant de la jurisprudence, nous


proposons aussi de clarifier les différents régimes de responsabilité du fait d’autrui et du fait
des choses. La jurisprudence, aussi élaborée soit-elle, suscite, en effet, parfois des
interprétations divergentes. Or, en ce domaine, l a prévisibilité du droit est d’autant plus
importante que tout système de responsabilité civile est aujourd’hui indissociable du
mécanisme de l’assurance.

C’est pourquoi le projet :

- Précise les multiples apports jurisprudentiels  en matière de responsabilité pour


troubles anormaux de voisinage,

- Et consacre  l’essentiel de la jurisprudence en matière de responsabilité du fait


d’autrui.

Là où ce régime de responsabilité n’était jusqu’à présent régi que par l’article 1384 du code
civil, chaque hypothèse de responsabilité de plein droit est désormais l’objet d’un article
spécifique :
- Responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur,

- Responsabilité du commettant du fait de son préposé,

- Et responsabilité du fait de celui dont le mode de vie est organisé et contrôlé à titre
permanent.

Sur quelques points néanmoins, il est proposé de remettre en question certaines évolutions
jurisprudentielles.

Tout d’abord, une condition commune à tous ces cas de responsabilité du fait d’autrui, est
introduite.

Il y aurait ainsi une rupture avec la jurisprudence de la Cour de cassation sur la responsabilité
des parents du fait de leur enfant mineur.

Le projet consacre alors le principe selon lequel toute responsabilité du fait d’autrui suppose
l’existence d’un fait de nature à engager la responsabilité de l'auteur direct du dommage.

Surtout, le projet propose de prendre le contre-pied de la jurisprudence sur la délicate question


de l’articulation des responsabilités contractuelle et extracontractuelle.

Celle-ci donne lieu depuis plus de 30 ans à une jurisprudence complexe, source
d’interprétations divergentes et donc d’insécurité juridique.

Il a été choisi de faire relever la réparation du préjudice corporel de la responsabilité civile


extracontractuelle, même si le dommage a été causé à l’occasion de l’exécution d’un contrat.

Cela permet ainsi une égale et juste indemnisation entre toutes les victimes d’un tel préjudice.

Suite à la consultation, nous avons toutefois ajouté que la victime pourrait invoquer les
stipulations expresses du contrat qui lui sont plus favorables que l’application des règles de la
responsabilité extracontractuelle.

Ainsi, la situation des victimes ne peut pas être plus défavorable que dans le droit positif
actuel, sans néanmoins que son principal inconvénient, le forçage du contrat par la découverte
d’obligations de sécurité, ne demeure.

La protection renforcée des victimes de dommages corporels constitue l’une des autres
innovations majeures du projet. Dans le droit fil des différents avant-projets de réforme du
droit de la responsabilité civile, nous avons fait le choix de placer l’intégrité de la personne au
sommet de la hiérarchie des intérêts protégés. Sont ainsi proposées un ensemble de règles
destinées à améliorer et harmoniser l’indemnisation des victimes de dommages corporels.

Cette détermination se traduit par l’introduction de quelques exceptions en faveur des


victimes.
- Ainsi, seule la faute lourde de la victime d’un dommage corporel peut réduire son
droit à indemnisation;

- De même, aucune obligation de minimiser son dommage ne saurait peser sur la


victime d’un dommage corporel.

- Enfin, les clauses qui excluraient ou limiteraient la réparation de ce type de dommage


sont prohibées.

Fidèles à notre souci constant d’amélioration de l’indemnisation des victimes, le projet


propose, en outre, de consacrer un ensemble complet et cohérent de règles propres à la
réparation du dommage corporel. Il est prévu que ces règles seront applicables :

- Aux décisions des juridictions judiciaires,

- Mais aussi administratives,

- Ainsi qu’aux transactions conclues entre la victime et le responsable.

Qui peut admettre aujourd’hui que la victime d’une erreur médicale soit indemnisée
différemment, selon qu’elle a reçu des soins à l’hôpital public ou dans le secteur privé ?

L’uniformisation des modalités de réparation du dommage corporel passe par la consécration


de plusieurs instruments méthodologiques.

Ceux-ci sont indispensables, non seulement, pour les praticiens et régleurs, mais aussi pour
les victimes. 

- L’adoption d’une nomenclature non limitative des postes de préjudices, à partir de la


nomenclature Dintilhac, bien connue des acteurs, est ainsi prévue,

- De même qu’un barème médical d’invalidité unique et d’un barème de capitalisation


des rentes.

Surtout - et j’ose dire « enfin » -  il est prévu de créer :

- Une base de données jurisprudentielles permettant de situer l’évaluation de chaque


victime dans son contexte précis,

- Ainsi qu’un référentiel d’indemnisation, purement indicatif, adossé à cette base de


données et réévalué régulièrement.

Dans le même esprit, le projet propose de résoudre la divergence de jurisprudence opposant le


Conseil d’Etat et la Cour de cassation sur le recours des tiers payeurs.

Il s’agit d’une source d’inégalité injustifiable entre les victimes.

Sera ainsi supprimée la possibilité pour ces tiers payeurs de récupérer auprès du responsable,
les prestations versées à la victime au titre de ses préjudices personnels.
En effet, ce recours diminue aujourd’hui d’autant les indemnités perçues par la victime.

En matière d’accidents de la circulation, le projet fait entrer dans le code civil, où elles
trouveront leur place naturelle, les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 bien connue sous le
nom d’un de mes illustres prédécesseurs.

Mais notre ambition ne se limite pas à donner plus de visibilité à la loi Badinter.

Le projet reprend, en effet, des améliorations suggérées par l’ensemble des travaux
universitaires et parlementaires que j’ai cités.

L’objectif étant de remédier aux iniquités qu’a pu engendrer la mise en œuvre de ces
dispositions âgées maintenant de 30 ans déjà.

Le champ d’application de la loi est ainsi étendu aux tramways et aux chemins de fer, comme
l’avait proposé le député Guy LEFRAND dans sa proposition adoptée à l'unanimité lors de
son examen à l'Assemblée nationale le 16 février 2010.

Le sort des conducteurs victimes, jusque-là exclus de la protection offerte par la loi Badinter,
est amélioré:

Seule sa faute inexcusable lui sera dorénavant opposable, sans toutefois exiger qu’elle soit la
cause exclusive de l’accident.

La seconde innovation notable du projet est d’inscrire dans le marbre du code la fonction
préventive de la responsabilité civile, jusqu’alors trop méconnue de notre droit positif.

Fortement inspiré des travaux du professeur TERRÉ, le projet consacre tout d’abord la
cessation de l’illicite, comme fonction autonome de la responsabilité civile en matière
extracontractuelle.

En confiant au juge la possibilité de prescrire toute sanction ayant pour objet ou pour effet de
prévenir le dommage ou de faire cesser un trouble illicite, il ne s’agit plus seulement de
réparer le dommage, mais d’agir sur sa source.

De même, l’introduction dans notre droit commun de l’amende civile vient conforter cette
fonction préventive.

L’idée consiste à ouvrir une voie intermédiaire entre :

- La voie civile classique (centrée sur la réparation des dommages),

- Et la voie pénale (axée sur la sanction des comportements).

Ce chemin intermédiaire est destiné à s’appliquer, lorsque le responsable aura délibérément


commis une faute  lucrative (recherche d’un gain ou d’une économie), sans  nécessairement
avoir recherché le dommage.

L’objectif, pour reprendre les mots d’un éminent auteur, est de prévenir la commission de
fautes.
Des fautes, qui, malgré l’octroi de dommages et intérêts à la victime à hauteur de son
préjudice, « laissent à leur auteur une marge bénéficiaire suffisante pour qu’il n’ait aucune
raison de ne pas les commettre. ».

Contrairement aux dommages et intérêts punitifs, le montant de l’amende ne sera pas versé à
la victime de la faute, mais à l’Etat ou à des fonds d’indemnisation.

Il n’y a donc nulle crainte de voir poindre devant nos tribunaux les dérives que l’on connaît
outre-Atlantique.

L’amende civile à la française sera respectueuse de notre tradition juridique attachée au


principe de la réparation intégrale, tout en remplissant la fonction de moralisation des
comportements qui lui est assignée.

« Quand un galet ne se trouve pas bien dans un mur, le mur ne se trouve pas bien debout », a
écrit Pierre-Jakez HÉLIAS, que je vous avais déjà cité lorsque j’ai lancé la consultation
publique en avril 2016.

Vos contributions décisives ont permis de faire du projet de réforme un édifice, constitué de
galets subtilement équilibrés.

Et elles lui ont donné une solidité suffisante, j’en suis convaincu, pour résister à la période
électorale qui s’annonce.

Je ne doute pas que ce projet, qui transcende les clivages, trouvera très bientôt, et grâce à vous
tous, sa place naturelle aux articles 1240 et suivants du code civil.

Je vous remercie.

Document 10 : Point sur le projet de réforme de la responsabilité civile 13 mars 2017
(source Dalloz etudiant).

La tendance qui prévaut en droit de la responsabilité civile est la réparation du dommage subi
par la victime, comme en témoigne l’essor de la responsabilité sans faute en jurisprudence et
la collectivisation de l’indemnisation en législation. Le projet de réforme de la responsabilité
civile, présenté par la Chancellerie le 13 mars 2017 a pour objectif de codifier et de
moderniser le droit de la responsabilité civile lequel est, pour l’essentiel d’origine prétorienne.
À cet égard, le projet propose une consolidation des acquis jurisprudentiels et comporte des
innovations qui tiennent notamment à l'introduction de dispositions à caractère punitif et
préventif.
■ La codification du droit positif
Les conditions de la responsabilité civile
Le projet reprend les trois conditions de la responsabilité (fait générateur, préjudice, lien de
causalité). Certaines catégories de préjudices sont spécifiquement mentionnées : le préjudice
futur (projet, art. 1236) et le préjudice de perte de chance (projet, art. 1238). La causalité ne
fait l’objet d’aucune définition, pour laisser une marge de liberté aux juges. Quant au fait
générateur, la faute est définie comme « la violation d’une prescription légale ou le
manquement au devoir général de prudence ou de diligence » (projet, art. 1242). En matière
de fait des choses, sont codifiées les règles prétoriennes ; on relèvera que le domaine de cette
responsabilité de plein droit est limité aux seules choses corporelles (projet, art. 1243 al. 1er).
En matière d’imputation du dommage à autrui, la responsabilité des père et mère du fait de
leurs enfants, qui figure à l’article 1246, est limitée par l’exigence d’un fait générateur de
nature à engager la responsabilité de l’enfant (faute ou fait d’une chose. La responsabilité des
parents pour le simple fait causal de leur enfant - c'est-à-dire en l'absence de tout fait
générateur de nature à engager la responsabilité personnelle de celui-ci -, initiée par l’arrêt
d’Assemblée plénière du 9 mai 1984 « Gabillet », semble donc être abandonnée.). En outre, la
condition de cohabitation est supprimée. Quant à la responsabilité des personnes qui sont
investies de la mission d’organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie d’autrui, la
solution de l'arrêt « Blieck » (Cass., ass. plén., 29 mars 1991, n° 89-15.231) est confirmée
(projet, art. 1247). En matière de responsabilité du commettant du fait du préposé, sont
consacrés la définition du lien de subordination de même que la notion d’abus de fonction, ou
encore le principe de l’immunité du préposé (projet, art. 1249). Toutefois, cette immunité ne
tombe plus qu’en cas de faute intentionnelle, ou lorsque, sans autorisation, le préposé aura agi
à des fins étrangères à ses attributions (projet, art. 1249 al. 4. La jurisprudence « Costedoat »
est donc modifiée. V. Cass., ass. plén., 25 févr. 2000 nos 97-17.378 et 97-20.152).
Les effets de la responsabilité civile
En matière extracontractuelle, est consacré le principe jurisprudentiel de la réparation
intégrale (projet, art. 1258). En matière contractuelle, est repris le principe de la réparation du
dommage prévisible, sauf faute lourde ou dolosive (projet, art. 1251). Le projet consacre aussi
la dualité des modes de réparation, en nature ou par l’octroi de dommage-intérêts (projet, art.
1259) - ces deux types de mesure pouvant se cumuler afin d’assurer la réparation intégrale du
préjudice.
Les régimes spéciaux de responsabilité
Le droit spécial est repris mais deux créations suscitent l’intérêt. D’une part, la faute
inexcusable du conducteur victime d’un dommage corporel peut lui être opposée, en vue de
limiter son indemnisation, même si elle n’est pas la cause exclusive de l’accident (projet, art.
1287, al. 3). Ensuite, le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux comporte
un nouveau cas dans lequel le défendeur à l’action ne pourra pas opposer, en vue de
s’exonérer, le risque de développement : le projet prévoit que le producteur ne peut invoquer
cette cause d’exonération lorsque le dommage a été causé par tout produit de santé à usage
humain (projet, art. 1298-1).
Le principe de non-cumul
Le principe est consacré : un contractant victime de l’inexécution d’une obligation
contractuelle lors de l’exécution du contrat et imputable à son débiteur, ne peut pas, alors
même qu’il y aurait intérêt, exercer une action en responsabilité extracontractuelle.
■ Les innovations du projet
Exclusivité de la responsabilité extracontractuelle en cas de dommage corporel
Le contractant qui subit, pendant l’exécution du contrat, un dommage corporel causé par son
cocontractant doit, en principe, exercer une action en responsabilité extracontractuelle.
Toutefois, il peut invoquer les stipulations expresses du contrat qui lui seraient plus favorables
(projet, art. 1233-1).
Relativité de la faute contractuelle et responsabilité des parties à l'égard des tiers
Le projet revient sur le principe de l’assimilation des fautes contractuelle et délictuelle
(L'Assemblée plénière s'est orientée vers l'énoncé d'un principe de l'assimilation des fautes
contractuelle et délictuelle en affirmant « que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le
fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce
manquement lui a causé un dommage ». V. Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13.255) et
réaffirme, à titre de principe, la règle de la relativité de la faute contractuelle. Aussi, le tiers
victime d’un dommage causé par une faute contractuelle imputable à un débiteur contractuel
doit, pour que son action en responsabilité extracontractuelle soit couronnée de succès,
apporter la preuve que la faute contractuelle de celui-ci constitue à son égard un fait
générateur de responsabilité extracontractuelle (faute ou fait de la chose). Toutefois, s’il a un
intérêt légitime à la bonne exécution du contrat, dont l’inexécution lui a causé un dommage,
le tiers peut exercer une action en responsabilité contractuelle, auquel cas le débiteur pourra
lui opposer les clauses de son contrat destinées à gérer le risque d’inexécution (par exemple,
une clause limitative de responsabilité).
Cessation de l’illicite
Le souci de prévention se marque par l'introduction de l'action en cessation de l'illicite. Ainsi,
en matière extracontractuelle, le juge peut prescrire les mesures raisonnables propres à
prévenir le dommage ou faire cesser le trouble illicite auquel est exposé le demandeur (projet,
art. 1266).
L’amende civile
En matière extracontractuelle, le juge peut condamner l'auteur d’une faute lucrative (La faute
« qui est commise avec l'intention de procurer à son auteur un profit supérieur à la somme que
représentait la réparation du dommage subi par la victime et qui a effectivement engendré ce
profit », G. Viney, « L'espoir d'une recodification du droit de la responsabilité civile », D.
2016. 1378) qui a causé un dommage à une amende civile (projet, art. 1266-1). Afin d'éviter
un enrichissement injustifié de la victime, les dommages et intérêts punitifs ne sont pas
consacrés. L’amende est versée à un fonds d'indemnisation ou au Trésor public, et non à la
victime. Le principe de la réparation intégrale du préjudice n’est donc pas affecté par
l’amende civile, laquelle renforce sensiblement la fonction punitive du droit de la
responsabilité civile.
L'obligation de minimiser son dommage
A l’exception des dommages corporels, le juge a la faculté de réduire les dommages-intérêts
lorsque la victime n'aura pas pris les mesures sûres et raisonnables, au regard de ses facultés
contributives, qui lui auraient permis d'éviter l'aggravation de son préjudice. Ce devoir, qui
peut se réclamer aussi bien de l’impératif d’efficacité économique du droit que d’une
exigence d’ordre moral imposée à la victime, porte atteinte au principe de la réparation
intégrale, puisque la victime ne recevra qu’une indemnisation partielle de son préjudice.
Règles spécifiques au dommage corporel
Le projet codifie la théorie de la causalité alternative qui permet, en présence d’un dommage
corporel causé par une personne indéterminée parmi « des personnes identifiées agissant de
concert ou exerçant une activité similaire », de considérer comme responsable chacun des
membres du groupe, sauf à ce qu’il démontre qu’il ne peut l’avoir causé (projet, art. 1240). En
outre, alors que la faute de la victime emporte une exonération partielle du défendeur à
l’action en responsabilité, en matière de préjudice corporel, seule une faute lourde pourra
produire un tel effet (projet, art. 1254). Quant aux clauses limitatives ou exclusives de
responsabilité, dont le projet admet la validité de principe en matière extracontractuelle, elles
sont prohibées en matière de dommage corporel (projet, art. 1281).

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